1    CAUSES CELÈBRES E T INTÉRES SANTÉ S, A V E C LES JUGEMENS QUI LES ONT DÉCIDÉES. Rédigées de nouveau par M. R i e H E R , ancieri Avocat au Parlement. ^-—r.T"5*-* _ . A^t.:^ 1ÜME D IXIEK££,„ - jS? AMSTERDAM, Chez Michil Rhet.  Et fe trouvent a Paris} che% La veuve Savoie, rae S. Jacques. Saillant & Nyon, rue Saint- Jean-deBeauvais. Le Clerc , Quai des Auguftins. CellOT, Imprimeur, rue Dauphine, La veuve Desaint , rue du Foin. Durand , neveu, rue Galande. Delalain , rue de la Comédie Francoife. Moutard , Quai des Auguftins. Bailly, Quai des Auguftins,.  TABL E DES PIÈCES Contenues dans ce dixième Volume, Les nouvelles Caufes font marquées d'une itoile. C ONCUBINE donataire, page i Pipeurs confondus. 61 Querelle entre un Seigneur & un Particulier, 90 Femme adultère condamnée a la perte de fa liberté, & qui la recouvre après la mort de Jon marl par un fecond mariage» 113, La fauffe Teflatrice. 2 $9 Enfant réclamé par deux mères. 22®  Legs faitfous une eondition contre Les bonnes mceurs. ^2 Enfants ingrats. * Demande en congres contre un homme dgé de foixante-dix-huit ans. 366 Congres aboli. 390 * Crime pourfuivi après vingt ans. 46z CAUSES  CAUSES CÉLEBRES E T IMTÉRESSANTES, Avec les jugemens qui les ont décidées, C ONCUBXNE D O NA TA I RE. L'exempi.e de Ia demoifelle Gardel, concubine & légataire du marquis de Béon ? 8c donr Ia prétentipn venoit d'être profcrite, par un arrêt folemnel, il n'y avoic qae deux ans (i), n'épouvanta point Ia demoifelle de GrandMaifon, concubine légataire du fieur (i) J'ai rapporté cette caufe 3 to.ne 6t pag. j. Tomé X. A  2 Concubine donataire. Perraud. Elle ctfct que les circonftances étant difkrentes, elles devoient produire un jugc-ment différent. Elle confia fa défenfe a M, Normand, &, .fous la conduite & les aufpices d'un tel avocat, elle entra hardiment en lice. Louife - Francoife de Grand-Maifon , fille de Jean Tifjlram & de Dorothée Varïchon , eft née dans un village prés de Dole. Sa naiffanceobfcurefut un peu relevée par des emplois que fon père &C fes hcres obtinrent. Le père prit le nora de Grand-Maifon. La nature avoit partagé fa fille de ces agréments vif> & piquants , qui font d'abord leut imprefiion. Elle parut avec éclat dans les compagnies i Dole. Le fleur Perraud 3 grand-mai'tre des eaux & forêts deBourgogne,fut d'abord frappé de fes-charmes: c'éroit un vieux garcon fort riche. Ces deux quaiités le firent écouter favorablement. La demoifelle de Grand-Maifon n'avoit que feize ans ; le fleur Perraud en avoit foixante-un. La facilité de la demoifelle de Grand-Maifon eut des fuises; elle devint enceinte. Ce fait eft prouvé par une lettre dont je rendrai compte dans la fuite. Elle Ta défavouée, il eft vrai: mais on jugera de la folidité 4?s marifs du, défaveu.  Concubine donataire. ■j Elle vint a Paris fe délivrer fiimve* ment de ce fardeau incommode. Quand elle en fut débarraffée, elle fe retira dans la maifon que le fieur Perraud avoit louée dans cette ville, 011 elle demeura toujours avec lui depuis ce tems-la. Elle écrivit a fon fiere, curieux de fcavoir fur quel pied elle étoit chez le fieur Perraud, qu'elle y étoit enr qualité de volontaire. Sa mère avoic diflunulé le commerce, paree qu'elles'étoit flattce que le mariage repare* roit, en quelque facon, 1'honneur de fa fille, & qu'elle avoit cru que 1'efprit infinuant de la demoifelle de GrandMaifon vaincroit la répugnance que le fieur Perraud avoit pour le mariage : mais voyant que fa fille ne pouvoit parvenir a ce but, elle rendit une plainte oü elle intenta une accufation de rapt contre le fieur Perraud devant le lieutenant-criminel de Dole: afin de 1'effrayer par 1'apparence d'une procédure criminelle, on informa : la procédure fut portée, par appel, au Parlement de Befancon. II fut décharge de 1'accu'ation par un arrêt du 13 juillet 1720. \\ fut feulement permis a Do^othée Varichon de fe pourvoir com r.e elle le jugeroit a propos, pour faire" revenu: A ij  ^ Concubine donataire. fa fille dans fa maifon. La mère ne pouvoit fe plaindre qu'on lui eüc ravi fa fille, qu'elle avoit bien voulu lailfer entre les bras du fieur Perraud. La demoifelle de Grand-Maifon eut foin de perfuader a fon amant qu'elle n'avoit aucune part a cette procédure 3 Sc que, fans afpïrer au mariage, elle fe bornoit a fouhaiter de demeurer avec lui, Le fieur Perraud, flatté de eet attachement, crut devoir le récompenfer, en faifant a fa maitreffe une donation de 25000 liv> en billet? de banque, qui furent employés en une. rente viar gère de §00 liv. fur la tére de la demoifelle de Grand-Maifon , dont il retint 1'ufufruit, pendant fa vie. II ne crut pas encore que fa reconnoiffance eüt alfez d'érendue: il lui donna, le 22 juii; 1712, 1'ufufruit d'une maifon qu'il polledok au village de Lahy: cette maifon r.endoit plus de 1500 livres de revenu, II lui donne, en même tems , 1'ufage des meubles, des uftenfiles , des beftiaux, & des provifions qui étoient a Lahy, avec une partie des meubles qui garnilfoient le premier étage de la maifon de Paris, & quelque vailfelle d'argent, Outre cela, il lui donna un. fonds de £000 livres & prendre fur 1$  Concubine donataire. ^ maifon de Lahy ; elle eft déchargée de toates les réparations de cette maifon & des batiments qui en dépendentj on ne peut avoir aucun recóurs contre elle pour la dégradation ou 1'enlèvement des meubles. Le fieur Perraud ^ lors de cette donation, avoit quatre-vingt cinq ans. A fa mort, fes héritiers conteftèrent ces donations: ce qui donna matière a un procés, qui fut d'abord porté au Chatelet. Dans les premières défenfes qu'elle employa, elle dit ahx héritiers : 11 y a bi en aes gens qui penfent que, fuivant la généalogie du jeu fieur Perraud, il n'a pas èté dans une Jïtua* tion capable d'avoir des hcritiers du fang ,& que fa filiation ne peut pas fe prouyer, II faut donc que les dernandeurs établifjent ja filiation , qu'ils rapportent la preuve de fa généalogie, & qu'ils c'ta~ blifjent la h ur. Les héiitiers firenr, de ce langage, unmoyend'ingratitude, qu'ils employèrent pour annuller les donations. Trois hérit ers devoient partager la fucceiïion; le fieur Mucie, tréforier au bureau des financ s de Dijon , & fes deux fceurs, dont 1'ainée avoit époufé le fieur Maffon deGendrier, écuyerj & la cadette, Aiij  6 Concubine donataire. qui étoit fille , ne voulut pas entter dan* le procés. Laffaire portee a 1'andience , les juges ne balancèrent pas long-tems les moyens : ils crurent que 1'arrêt de ia Cour, rendu le 4 mars 1727 eontre la demoifelle Garde!, leur avoit tracé la voie qu'ils deyoient prendre. Ainii, le 30 janvier 1719 , fentence intervint au Chatelet, qui anuulloit les donations , & condamna la demoifelle de Grand Maifon a reftituer tous les meubles qu'elle pouvoit avoir, appartenant a. la fucceffion du fieur Perraud. Elle interjetta appel a la Grand'Chambre. Le premier moyen des héritiers étoit fondé fur les preuves du concubinage. Ils tiroient d'abord avantage des lettres de la demoifelle de Grand- Maifon 3 écrites en différents tems au fieur Perraud. Elle ne peut pas récufer un témoignage qui vient d'el'e-même. On verra fi fon ftyle eft celui d'une perfonne vertueufe, qui n'emploie que des expredions d'amitié & d'eftime j ou fi ce n'eft pas le ftyle emporté d'une fille qui s'abandonne fans ménagement a fa paffion j &c qui ne trouve pas de termes  Concubine donataire. >J affez forts a fon gré.pour en exprimet tous les mouvements. Dès le mois de mai 170(3, le fieuf Perraud & la demoifelle de GrandMaifon écoient en commerce de lettres. Les noms familliers de mon cher maitret de mon cher ami, dès-lors introduits dans ce commerce, nous montrent que cette paffion avoit dé ja fait un grand progrès. La lettre du 9 juin eft une peinture fi vive de l'amour de la demoifelle de Grand-Maifon, qu'elle lailfe tout deviner. « Je fuis bien heureufe, dit-elle, » d'avoir affaire a un homme qui con» nok mieux que tous les autres en« femble le véritable langage du cceur ». Elle ajoute, » fi vous relifez mes let- tres fix fois , je fais bien autre chofe » aux vótres. Quand ce Jeroit vous même, »je ne vous te'moignerois pas plus de » tendreffe; car je pris la réponfe que » vous avez faite a ma lettre dont vous »> êtes fi content, & je couchai cette )■> réponfe la nuit tntre mes bras ». Dans une lettre du 27 juin, elle marqué au fieur Perraud : « J'eus le » plaifir de me laiffer aller a tous les jj mouvements de joie que je relfens en » lifant ce que vous m'écri-vez». Elle A iv  8 Concubine donataire. ajoute, 13 fi j e pouvois, mon cher grand, « rrouver des termes affez forts pour •» bien exprimer toutce que je renferme » dansle rond de mon cceur roaehant ce s* que nous avons réciproquemenr a ?' nous dire} hélas! mon cher mairre , » je ne fcaurois aller plus avant dans » mes penfées fans mourir de plaifir ». i Dans une troifième lettre, elle enchérit encore fur ce qu'elle a dit: voici comme elle parle : « je n'ai pas encore » fenti, ni avec tant de vivacité, ni » plus parfaitement que je le fens tous 35 les jours, combien je fuis a vous, 3) & avec quelle tendreffe je vous aime : 33 je ne le connois pas moirmême, tant ,3> mon amitié eft fans fin, fans réferve & fans bornes. Je ne crains point de 3» vous dire tout cela . . . . j'y ai une 3J fi grande fenfualité, que vous Pen>3 vieriez, pour peu que je vouluffe vous 3j dire jufqu'oü elle va. Lecomprenez33 vous bien , mon cher maitre ? Pour 33 moi, je fens dès^a préfeut que je-don33 nerois de bon cceur la moitié de mon 33 fang pour que vous m'aimiez comme 33 je vous aime. II ne tienr qu'a vous 33 qu'il ne m'en coüte pas tant ; 8c 33 mcme de m'ordonner de le con>3 ferver, afin d'en avohr \.lus a vous  Concubine donataire. 9 m offrir, ê> a tonjommer a votre fervice. » Tout ce qui eft en moi ne refpiré » que pour vous, jufqa'a la moé'le de » mes os, qui eft route pénétrée & » imbue del'amidé dont je vous parle j » &c j'éprouve diftinctement tout le « plaifir qu'elle en reflent: c'efi toute. » autrc chofe dans ce qu il y a de plus m fenfible en moi >. Quelles images ! Qui ne connoit, a ce langage, 1'aveu des plaifirs les plus fenfuels de 1'amour? Ces plaifirs eurent les fuites que la nature y a attachés. Dans une cinquième lettre du 11 octobre 1711 , la demoifelle de GrandMaifon déclare fagroffelTe au fieur Perraud; & cette déclaratiön eft le véritable commentaire du fens cache des lettres précédentes. Elle n'y ernploie plus les jolis noms de mon cher maïtre , <5* mon ther ami : elle feignoit d'être fachée contre le fieur Perraud. « Je ne 35 prétends , dit-elle, que ce qui pourra >3 être abfolumérit néceifaire pour ma 33 confervation, & pour celle du mal33 heurenx fru t de mon amour, pour >3 fauver du naufrage entier les débris 33 de l'honneur que vous m'avez enj> levé. Je vous crois homiête hommej 33 Sc dans la perfuation que j'en ai touAv  i o Concubine donataire. x> jours eue, je m'abandonne a vous » entièrement : mais écrivez - moi ce «o que vous voulez faire pour mon fe« cours, & fur quoi je dois compter ». Cette lettre finit par ces mots: « Adieu : 3) prenez pitié d'une malheureufe, qui 9> ne 1'eft que pour vous avoir trop >■> aime, & a qui vous avez fait une » injure & des torts que vous ne répa35 rerez jamais que par 1'excès de votre j3 bon cceur ». La demoifelle de Grand-Maifon, accablée fous le poids de 1'aveu configné dans cette lettre, & des conféquences qui en réfultent contre elle , voulut la mettïe fur le compte d'une amie a qui elle avoit,difoit-èlle, prêté fa main, &fon ftyle : mais malheureufeHient les "quatre lettres initiales L. D. G. M. qui font a ia fin, trahiffent cette fuppolition, puifqu'elies défignent Louife de Grand-Maifon. D'ailleurs fon voyage de Paris , dont 1'époque quadre avec celle de la grolTefie, eonfirme cette vérité. La feconde preuve de Ia débauche de la demoifelle de Grand-V ai fon, eft que le Parlement de Befancon ne '1'a point regardée comme une' fille féduire qui mérite le fecours des loix,  Concubine donataire. 11 mais comme une fille adroite, expérimentée, qui avoit tendu des pièges au cceur du lieur Perraud, & qui s'étoit livrée volontairement au péril pour profiter de fes richelfes. Deux motifs humiliants pour la demoifelle de Grand-Maifon onc donné lieu a eet arrêt. Les témoins, dans 1'information , ont rapporté des faits volontaires de débauche qui ne laifloienr pas lieu a 1'accufation de rapt. Le fecond motif eft que la mère & les auttes parents ont fouffert &c favorifé le commerce de la demoifelle de Grand Maifon avec le fieur Perraud, & ont toujours eu en vue de le rendre utile a leur fortune. Ici , non-feulement le concubinage eft prouvé, mais un concubinage infidieux. Tous les traits qui peignent la paflion , la dépeignent intérellée. II n'y a pas, il eft vrai, de témoins qui dépofent avoir vu la confommation du crime. Mais, dans ces Utfortes de délits, la juftice n'exige pas le témoignage des yeux : au défaut de cette preuve, elle admet des préfomptions. Mais a-t-on befoin de préfomptions, quand on a des preuves littérales auiii convaincautes que celles qu'on A vj  12 Concubine donataire. vient d'employer 5 preuves ou le crime fe peint lui-même ? II eft inutile de chercber, dans Pancien droit, des difpofitions & des préjugés favorables au concubinage. II fufÈt que la pureté de nos mceurs Pait c'éfendu parmi nous; & dès que le concubinage n'eft pas permis, on ne fcauroir permettre ni aurorifer les donations qui en font le prix.' Nous avons plufieurs coutumes qui déclarent expreilèment nulles ces fortès de donations. L'article 14.6 de Ia coutume de Touraine eft coneu en ces termes : Don fait en concubinage ne vaut , tant entre nobles que roturiers. La coutume de Loudunois, au titre des donations, art. 11 ; celle d'Anjou, art. 3.42 1 celle du Perche, art. 100 ; Sc celle du Maine, art. 354, contiennent les mêmes difpofitions, & dans les meines termes. La coutume de Normandie, art. 437 ëc 438, va encore plus loin. Elle défend de donner aux enfants batards : & dela il eft aifé de conclure que , fi Penfant, qui n'a point de part au crime du père & de la mère, eft incapable de recevoir deux aucune donation, Ie cor.cubinaire & la concubine font, a plus forte raifon.,  Concubine donataire. 15 ïricapables de fe faire des donations L'un a Pautre. Quoiqite notre coutume ne décide rien par rapport aux concubines, elle défènd les donations, & routes fortes d'avantages directs ou indirects entre mari &c femme; Sc a ce fujet, Dumoulin obferve que les coutumes qui défendent les donations entre mari Sc femme , doivent avoir lieu a plus forte raifon contre les concubines. Cum autetn h leur font directement oppofés: 8c tous » allèguent 1'ufage en leur faveur, fans » apporter aucun arrêt qui ait nette33 ment jugé la queftion. Pour mon par» ticulïèr, afin de ne pas demeurer j> irréfolu, je crois avoir fujet de me » ranger du cóté de ceux qui les efti3'. ment non valables : & en effet, com« ment pouvons-nous voir que les loix « interdifent les conjoints par mariage >> de fe pouvoir donner, ne mutuo 33 amore invincem fpolientur, 1. 1 } ff.de 33 donati inter ybr. & uxor. 8c cepen,33 dant permettre que ceux qui font 33 prcvenus d'un amour qui n'eft pas '3 moindre pour la violence,foient capa33 bles de fe donner ? Car, fi la loi » eftimequ'il y alieud'appréhenderque » deux perfonnes unies par manage ne  Concubine donataire. ^ tf 3> puiffent modérer leurs libcralités, a » caufe de la grande affedion qu'ils » doivent réciproquemeat fe porter; ii combien y a-t-il plus lieu de craindre » que ceux qui font engagcs dans le » même fujet d'amour, & qui rf'y pei~ » févèrentque paree que le feu en aug» mente tous les jours, puiffent miert* » conferver leur liberté; puifque 1'emS3 pire de cette pafïion ne leur permet » pas feulement de faire rérlexion fut 55 la turpirude de leur conduite! 11 y a 53 encore cette différence , qu'a l'égard 55 des premiers, 1'excès d'un amour lé35 gitime eft modéré par 1'honneur d'une >3 vie réglée, qui leur fert d'obftacle 33 pour les empêcher qu'ils ne fe portent a 33 des aótions extraordinairesiau lieu que >3 de 1'autre cöté , la même pafïion qui 33 les aveugleleur fait quitter toute con33 fidération publique : de forte qu'il 33 faut néceifairement déclarer une ac3.3 tion vicieufe plus favorable qu'un n facrement , oti bien interdire-les do33 nations dans un eas comme eii 1'au33 tre ». Contre le fentiment de Ricard ofl oppofe quelques arrêtsj & il faut confenit qu'il y a eu des tems oü les jüges, par des motifs de commifératiött  i8 ^ Concubine donataire. «Jont ils ne voyoient pas alors tout le danger, ont confirmé des dons tnodiques au profit des concubines; & encore ce n'a été que dans le cas ou la foiblefle d'une fille avoit été féduite par les artifrces d'un homme, fans qu'on put reprocher a la fille de s'être pretee-eile-même a la féduótion, & de i avoir rechercbée. Mais, dans lafuite, on a bien vu qu'en autorifant ces fortes de dons, on favoriferoit le torrent des concubmages, qui n'étoit déja que trop xepandu dans le monde : on a cru que ie leul moyen d'en arrêterle cours, étoit de condamnet comme illégitimes tous les dons qui provenoient de cette four«e; & c'eft ce qui a donné lieu a la févérite des detniets arrêts, qui ont retranche aux concubines, fans modification & lans réferve, le prix entier de leur debauche. Une jurifprudence que Ia purete de nos mceurs a introduite, & que le danger des conféquences a nerfedionnée , mérite fans doute d'être nxee dans fon point de perfedion. On dira qu'a l'égard du legs de la demoifelle Gardel 3 il s'agiiTbit de la propneté d'un fonds confidérable ; au lieu qu'ici il s'agit feulement d'un ufufruit: amfi la jurifprudence de la Cour  Concubine donataire. ig n'avoit pour objet que d'oter aux concubines la propriété. On répond qu'elle auroit laifle a la demoifelle Gardel 1'ufufruit de fon legs, ou du moins une pennen alimentaire pour fa fubfiftance, Ci elle eüt toléré les donations même modiques faites au concubines. Vainement la demoifelle de GrandMaifon exagère la fsrtune du défunt, afin que cette forrune, mife en comparaifon avec fon legs , en fafte, pour ainli dire, difparoitre la valeur. Mais la nulliré d'une donation faite a une concubine ne dépend pas du plus ou du moins de fortune du donateur: ce qui en décide, c'eft la pafïion déréglée qui a produit eet acte; & par-tout oü on trouve le même motif, on y applique la même décifion. La Cour ne chancelle point dans fes principes : elle foutient avec fermere ce que fa fageffe a établi pour 1'ordre public. Jamais débauche ne fut moins équivoque que celle qui a produit les deux donations dont il s'agit. Elle eft prouvée par les propres lettres de la demoifelle de Grand-Maijon, &c par une information faite a la requête de fa mère: elle a été notoire i Paris, par une co habitation de vingt années aYapj:  ■20 ^ Concubine donataire. le décès du fieur Perraud; & elle Tavoit été auparavanr d Dole par une groflelïe dont toute la ville avoit murmuré. C'eft donc une débauche publique, qui mérite plus qu'aueune autre la ievente des loix. La demoifelle de Grand-Maifon prétend etre dans 1'exception de la rèole generale qui interdit une donation txxx concubines, paree qu'elle a rendu des iervices au fieur Perraud. Qu'elle nous drie quels fervices elle lui a rendus fi on excepte celui de la débauche. Eile a ete, dit-elle, la confolation & 1'appui de fa vieilleiTe, la compagne ailidue de ies pas & de fes adions: elle a conierve fa fanté par toutes les attentions Sc les foins qui dépendoient d'elle; ellè 1 a loigné & fecouru jufqu'd la mort, en ne s'éloignant pas un moment d'auptcs de lm. Mais , dans tout cela, il ny a nen dont les concubines, dans tous les tems , n'aient fait leur principale occupatie*. Elles feignent d'être fmcètement attachées a ceux qu'elles ont ieduits; & ce n'eft pas pour eux, c'eft pour elles - mêmes qu'elles ont cette oftentation de zèle. Elles entrent en connoiffancede leurs affaires, pour en •icavoir le fecret, & êïre plus k portee  Concubine donataire. 11 $"eri proficer. Tout cela, encore une fois, conyient & routes les con ubines indiftiiiftement; & la demoifelle dé Crand-Maifon n'a rien fait qui füt étranger a fon étar. L'affiduité des foins, qui eft un merite dans les amitiés ordinaires, aggrave le blame du concubinage; paree que les commei-ces qui font fondés fur le crime ne fcauroient finir trop tót, Sc que la perfévérance en augmente toujours 1'horreur. Ainfi plus la demoilelle de Grand-Maifon a demeu.ré dans la maifon du fieur Pe'raud, plus elle s'eft ïendue coupable : car, dès qu'une fois il y a eu un mauvais commerce, la continuité de la demeure en perpétue le fcandale. On dit que le fieur Perraud étoit dans un age avancé qui écartoit le foupcon du crime : il avoit foixante ans quandil a connu la demoifelle de GrandMaifon , & ilen avoit quatre-vin^r-neuf quand il eft mort.Quel moyen de fe perfuader que les fens foient entrés pour quelque chofe dans un commerce qui a été formé fi tatd , &C qui a duré fi longrems! ,C\eft avec peine que les héritiers du fieur Perraud relevent, fur un point dé-  1% Concubine donataire. licat, une obje&ion qui attaque leur oncle. Mais , fans faire aucune application particuliere, on fcait, en général, que les liens du concubinage font très-difficiles a rompre , Sc que fouvent 1'habitude les foutient jufqu'au dernier moment de lavie. C'eft cette malheureufe habitude qui empêche de brifer des chaines, qu'on ne brife jamais bien tant qu'on en conferve 1'objet : c'eft elle qui, malgré des pas chancelans Sc un corps glacé, fcait quelquefois entretenir des feux que 1'age amortit, fans les éteindre. II n'y a point eu d'interruption dans la co - habitation de la demoifelle de Grand-Maifon avec le fieur Perraud : plus de vingt années fe font écoulées entr'eux fous lemême toit. On ne peut donc pas dire que, depuis la celfation du concubinage, il y ait eu, de la part de la demoifelle de Grand-Maifon, des fervices innocents dont la recbnnoiffance füt permife. II n'y a point eu de vuideni d'intervalle dans ce commerce: il y a toujours eu les mèmes apparences &Z le même fcandale; Sc par conféquent le concubinage eft le feul motif des donations faites a la demoifelle de GrandMaifon.  'Concubine donataire. 2,3 !Le fecond moyen d'indigniré qu'on lui oppofe, eft 1'injure qu'elle a faite , dans fes écritures, a la mémoire du fieur Perraud. On négligeroit volontiers ce moyen, quelque puiffant qu'il foit, & on pourrroit en faire le facrifice a la demoifelle de Grand-Maifon : mais les héritiers du feu fieur Perraud fe doivent a eux mêmes de confondre une pareille calomnie; & la juftice ne la laiffera pas impunie. La loi 9, §. a , ff. de kis qu£ ut indignis auferuntur, eft formelle fur ce point. Si autem, porte ce §, flatus ejus controvèrjiam movit y denegatur ejus quod teflamento accepit perfecutio. La reconnoiffance doit être le tribut des libéralités qu'on a recues :• y manquer , c'eft fe rendre indigne du bienfait. Quoique les donations entrevifs aient le carattère d'irrévocabilité, 1'ingratitude du donataire rend au donateur la liberté de retiter fon bienfait^ de punir celui qui s'eu eft rendu indigne. La donation n'eft cenfée faite que fous la condition implicite de la reconnoiffance. Le donataire ingratfera^t-il done impuni, paree que le donateur eft décédé? L'injure qu'il a faite a fa mémoire ne pourfa-t-elle être répriniée ? Ouï elle le fera. L'héritier propofe  24 Concubine donataire. alors Ie moyen d'indignité : & fi Pinjure eft telie qu'elle forme une infulte qualihée , capable d'opérer la révocar tion de ia donation, le magiftrat déelarera le donataire indigne des gtaces de celui dont il a rlétri la mémoire. Tout fe réduit donc au genre d'injure qui a été fait: .& en eft-il de plus outrageant que celui qui attaque Pétat ? Le iieur Perraud, parvenu a 1'age de quatre-vingt-neuf ans , d'une familie difxinguée, qui avoit vieilli dans des emplois conndérables, eft accufé de n'a,voir ni nailfance ni origine. C'eft un vil barard qui a commencé 8c fini fa familie: fes parents, qui fe préfentent aujourd'hui avec le titre de fes neveux & nièces, font des impofteurs qu'il avoit adoptés pendant fa vie, & qui veulent envabir fa fucceflion après fa mort. Et qui eft-ce qui fait cette plaie a. la mémoire du fieur Perraud 8c a. fa familie? C'eft la demoifelle de GrandMaifon , la concubine & la donataire du üeur Perraud, £c enfin fa calomniatrice. Tóutes les preuves de la filiation & de la généalogie du fieur Perraud, les provifions de la cfiafge de grand-maitre des eaux 8c forêts de Boursostie dont 9  Concubine donataire. il a été rev écu pendant li long-tems, fa récepticm, toutes les preuves de Ia parente de fes héritiers font rapportees : elles ont paru avec avantage a iaudience. La demoifelle de Grand-Maifon a défavoué i'injure, elle a donné fa déclaration par écrit: mais le moyen d'indignité eft acquis. Ainfi fa létractation fait fa condamnation. Que peut-elle oppofer auxdeux moyens d'indignité qu'on emploie contre elle? l Le premier eft fondé fur Ia pureté de nos mceurs, fur la jufte févérité de nos loix; & le fecond fur la loi naturelle gravée dans tous les cceurs. La demoifelle de Grand-Maifon repondit que les héritiers du fieur Perraud avoient raffemblé toutes lés circonftances qui pouvoient la préfeuter a" h ,C°Ur fous une face odieufe; que rien n etoit échappé a la malignité de leur critique. Son grand crime eft le titre de donataire du fieur Perraud d'une rente viagère de Soo liv. de 1'ufufruit d'une' maifon de campagne de 20000 ]iv. Sc d'une modiquefomme de 0000 liy.' Peuvent-ils voir avec indifférence quê Jeur oncle ne leur ait pas tranfmis une Tome, X, Q  i.6 ' Concubine donataire. 'fuccefïion de 600,000 liv. dans fonintégrité, &c qu'il en ait fait quelque retranchenient en faveur d'une fille de familie qüi lui a confacré fes foins , pendant plus de vingt ans, jufqu'a lage de quatre-vingt-neuf ans qu'il eft mort ? Qu'on faffe attention qu'ils ont foupiré long-tems après cette fucceffion, & qu'il eft bien trifte pour eux de ne pas voir remplir entièrement leur efpérance. On fe met a. leur place : en vérité ils méritent d'ètre plaints, Qui fouffriroir auili patiemmentqu'eux des pertes aufli confidérables ? Eft-il étrange que ces 'héri•■tiers, frappés de 1'injuftice que leur fait leur oncle , 'foulagent leut douleur par les fatytes fanglantes qu'ils font de la demoifelle de Grand-Maifon ? On ne doit pas douter que la juftice n'entre 'dans leur relfentiment 3 &c que, pour fatisfaire leur animofité, elle ne leur facrifie les aliments qui ont été donnés a la demoifelle de Grand-Maifon ,1'unique récompenfe de fes foins & de fes peines ; & qu'on juge que le fieur Perraud a dü être ingratpour remplir 1'avidité de fes héritiers. Qu'on prenne le contte-fens de cette ironie, on aura une idéé jufte de cette affaire. Quel tableau odieux n'a-t-on paf.  Concubine donataire. 17 fait de la demoifelle de Grand-Maifon ! On la dépeint comme une rille qui a immolé fon honneur au fieur Perraud: on a cru voir, dans quatre de fes lettres, la preuve entière de fon crime , Sc une image vive des plaifirs d'un amour défendu. Mais , paree qu'on ne trouve pas encore, dans ces quatre lettres, le langage qu'on auroit fouhaité , on s'attache a une cinquième lettre, qui fe trouve écrite de la main de la demoifelle de Grand - Maifon. Cette lettre ne laifie pas d equivoque fur ce crime, elle en contient 1'aveu le plus formel; mais elle n'a jamais été écrite au nom de la demoifelle de GrandMaifon , ni pour le fieur Perraud. La demoifelle de Grand- Maifon n'a fait, en cela, que prêter fon nom a une perfonne malheureufe, qui craignoit que fon écriture ne décelat fes malheurs. Si 1'on veut confronter de bonne foi le ftyle de cette cinquième lettre avec les quatre autres, la différence frappera. On trouvera, dans cette cinquième lettre, un ftyle plus ferré, plus exact & moins libre. Les noms de mon cher maitre Sc de mon cher grand, qui fonc dans les autres lettres, ne font point dans celle-ci. Ils ne fe trouvent méme Bij  28 Concubine donataire. pas a Fendroit ou la colère de celle qui écrit femble s'appaifer; ou elle devient amante rendre, & demande de nouvelles proteftations. Les lettres initiales du nom de la demoifelle de GrandMaifon n'y font pas \ puifque, fuivant fon exttait - baptiftaire, elle s'appellê Louife-F rancoife de Grand-Maifon. Mais enfin , quelque portrait de la demoifelle de Grand-Maifon que faffent les héritiers du fieur Perraud, ils ne pourront jamais préfenter a la juftice qu'une fille féduite par un homme agé, une fille qui lui a donné fes foins , & qu'il a récompenfée : & loin de pouvoir réuflir par-la a la fruftrer de la récompenfg modique qu'il lui a donnée, cu égard a une fucceffion confidérable, ils ne travailleront qu'a faire confirmer les donations. Ils en reconnoififoient eux-mêmes la juftice avant que 1'ouvertute de la fucceflion de leur oncle leur eüt fermé les yeux fur la reconnoiffance dueaux foins &aux veilles de la demoifelle de GrandMaifon. En 1720, le fieur Perraud, agé de quatre-vingt-trois ans, fut trés malaie : la demoifelle de Grand-Maifon en avertit auffi-tót le fieur Mucie, fon neveu, a qui elle a aujourd'hui oblig»-  Concubine donataire. 29 tion de ce procés. La réponfe qu'il lui rit, le 8 mai 1720, étonnera, fionlarapproche des moyens qu'il a fait imprimer. Je vous rends graces de tout mon cceury Madcmoifelle, de votre obügeante atten* don k calmer y autant qu'il ejl en vous, la jujle inquiétude que vous prévoye^ que je pourrois reffentirfur unejante qui m'intérene auffi vivement que celle de mon oncle. Je ne puis être pleinement ra (fur é par le détail qu'il vous plak me faire tres-exatlement de la trifle jituation oh il fe trouve, qu'en me rendant pres de lui pour contribuer afapropre convalefcence, que je dejire aujfi vivement que vous. Je me perfuade que vous n'avc pendant fon mariage, de Perrette du Bailly, Sc commis adultère avec elle ï le legs fut déclaré bon & valable pour la fomme de 600 liv. comme étanr un dédommagement de la féduction } elle étoit entrée jeune en fa maifon & a fon fervice\ mais pour les meubles, & acquêts, Sc quint des propres, qui  Concubine- donataire. 3 ^ lui étoient légués conjointement avec fon fiére , la Cour la déclara indigne , & adjugea le legs univerfei X ce frère par une efpèce de droit d'acc'roilïèment. On fent aifément la différence des deux efpèces. Dans celle de 1'arrêt, c'elt un commerce adukérin, Si un legs univerfei : dans Pefpèce préfente, on ne fuppofe qu'un commerce entre perfonnes libres, Sc il ne s'agitque d'un fimple ufufruit Sc d'aliments. Et 1'arrêtifte remarque que 1'on allégua fort a propos pour Perretie du Bailly la nov. 3 4 de 1'empereur Léon, qui difpofe, a 1'exclufion du fifc, des biens du féducteur au pront de la fille qu'il a féduite* Principe, continue 1'arrètilte, conforme au précepte de la loi de Dieu, au Deuteronome , clïap. 22, v. 28 Sc 29, qui oblige celui qui a débauche une fille 4 la doter : Quia humiliavit eam, aut uxorem perpetub hahere , aut dotare altten. Principe conforme a. la loi civile , qui donne a la fille aclionem in ftupratorem deftuprojibi illato, cum ejjet virgo, en la loi 7, cod. ad leg. jul. de adult. Principe qui a fait rendre eet arrèt, qui confirme un legs de 600 liv. rait par une perfonne dont la fucceflion étoic Bvj  30" Concubine donataire. modique , a une fervante avec laquelle il av©it vécu dans 1'adultère : arrêc dans lequel on ne peut appercevoir les moyens qu'emploient les héritiers du fieur Perraud* ïls invoquent enfuite Ricard, traité des donations, part. z, chap. 3, feét. S. Dans ce chapitre on examine fi les donations faites de concubinaire a concubine , Sc de concubine a concubinaire font valables. Et 1'on diftingue d'abord le concubinage en deux efpèces ; Puri «qui fe fait entre deux peifonnes libres , 2c qui, par les loix., feroienr capables •de •s'époufer au tems de leur fréquentatiou : 1'autre au contraire qui eft entre deux perfonnes qui ne pouvoient conrraéler mariage enfemble. Cet auteur cite enfuite plufïeurs arrêtsqui ont profcrk des donations faites dans le cas d'un commerce adultérin; Sc c'eft a Pen-droit même que Pon oppofe a la demoifelle de Grand-Maifon 3 "au nombre .40 & fiiivans. Et dans cene cTpéce, quelque dëfavorable .qu'elle foit, Pautenr consent., au nombre 406., que comme en yualiiè' -3-e £hrêüens la venge-anee que mous ürons des crimes --eft particulièrement anirnie de chamé^ nous auïorifons  Concubine donataire. yj les donations modiques , quoique faites entre perjonnes tachées d'adulfere ,pourvu qu'elles foient deftinées pour fervir d'aliments au donataire; ce que nous avons admis afin que la donataire ait moyen de vivre hars du vice, & non pas pourfavorifer fon crime. Et il cite des arrêts qui Tont ainfi. jugé. Et au nombre 416, il ajoute que ces donations font Hen plus favorables entre fimples concubinaires. J'ai remarqué, dit-il , jufqu'a quatre arrêts qui font ïntervenus dans cette efpèce. Le premier aétéprononcé a la Notre Dame d'aoüt de Van 1581 3 par lequel la Cour a ordonné qu'une concubine jouiroit parforme d'aliments, fa vie durant feulement, des chofes a. elle donne'es en propriété par fon concubinaire: & on peut même dire que eet arrêt avoit jugé la queflion principale , en ce qu'il a reduit a. un fimple ufufruït une donation qui avoit été faite £n propriété. Le fecend a été donnê le 1S février 1610 ,fur les conclufions de M. l'avocatgénéral le Br et; & il le repporte en fes ■décifions, liv. 1, chap. 1 2. Le troifième } rapporté par Me Antoine Mornac, fur la loi ambiguitatem 12, cod, de ufufr. & habit. a avfii été  3-8 Concubine donataim. rendu en l'audlence de la Grand'ChanH breje i 5 juin i6ij. Et le quatrième. prononcé aujji a. l'audience le premier jtiillet 1610, ejl a la fin du. troifième plaidoyer de M. Ie Ma ure. Ce font donc ces quatre autorités que. les adverfaires de la demoifelle de Grand-Maifon lui' veulent bien admimftrer, dont elle leur eft redevable, & qui 1'ont conduite a ce plaidoyer du fcavant le Makre, d'oü ils lui permettront de prendre cerre apoftrophe fi frappante, & qui convient fi bien a fon efpèce. Malheuren* héritiers ! qui, comme un cutre Cham , venei ici produire la nudké de votre bienfaiteur, au lieu de la couvrlr du voile d'un refpeiiueux fiknee ; qui venei proflituer en public fa réputatlon : In confpectu folis hujus denudans opera tenebrarum ; conjJerei que toutes les injures que vous vomifjei contre celle pour qui je park , retombent fur votre oncle, & que vous nefcaurlei accu~ fier ma partie fans- que vous le rendkz coupable. Ce font encore des arrêts donnés contre des concubines adultérines qui fe ttouvent dans Brodeau, fur M. Louet, lettre D, foinmaire 43, au lieu indi-  Concubine donataire. 3^, qué par les héritiers du fieur Perraud;. Sc il ne s'y agiftoit pas d'aliments» II rcfulte donc, de tous ces principes & de notre jurifprudence, que 1 om peut, que 1'on doit même donner des aliments a une concubine. On peut laiffer des aliments a toutes, fortes de peifonnes : la nécellité de vivre n'admet aucune incapacité a cef égard. Or ce font de fimples aliments qu'a lailfé le fieur Perraud X la demoifelle de Grand-Maifon, c'eft Sooüv, de rente viagère, Sc 1'ufufruit d'une maifon de campagne, A l'égard de 1'arrct rendu contre la demoifelle Garde7, qu'on oppofe a la demsifelle de Grand-Maifon , il fe paffe fente d'abord plufieurs différences effentielles :dans la première efpèce, ils'agiffoit d'un teftament; ici c'eft 1'effet d'une donation entre-vifs que 1'on réclame, On connoit 1'avantage de la donation entre-vifs fur Ia donation teftamentaire. Un legs eft une libéralité fans> caufe; & une donation aune caufe ellentielle. Ajoutons que le fieur de Ve'on étoit engagé dans les liens refpeérables du mariage, & le commerce que 1'on ïmputoit i la demoifelle Gardel étoit  40 Concubine donataire. adultérin j au lieu que celui qu'on impute a la demoifelle de Grand-Maifon eft entre deux perfonnes libres. Peuton comparer un commerce qui viole les droits d'un facrement, commerce profcrit par la loi naturelle, par la loi ancienne Sc la loi nouvelle, avec un commerce qui n'eft défendu que par la grande pureté de la religion chrétienne, Sc que la loi divine avoit eu 1'indulgence de tolérer parmi le peuple juif? Les batards adultérins ont-ils donc les mêmes droits pour les aliments que les batards fimples? D'ailleurs, le legs de la demoifelle Gardel étoit de prés de vingt mille écus, Sc abforboit une partie confidérable des propres du teftateut ; propres fur lefquels les parents ont des droits légitimes: au lieu que les aliments donnés a la demoifelle de Grand-Maifon font une portion très-modique des acquêts du fieur Perraud. Enfin, les arrêts fonrrendus fur des circonftances parriculières, qui les renÉerment dansleurs efpèces, Sc ne peuvent fervir de règle a d'autres déci+ fions. On doit toujouts revenir aux principes genéraux qu'il faut difcuter : or ces principes , q'ui font pour la donataire l ca yient de les puifer dans les  Concubine donataire. 41 fources mêmes indiquées par les héritiers du fieur Perraud. Le fecond moyen qu'ils oppofent, eft fondé fur 1'ingratitude qu'ils reprochent a la demoifelle de Grand-Maifon: elle a contefté, dit-on, 1'état de fon bienfaiteur dans fes défenfes. Elles ne font point fon ouvrage; elle ne les a point fignées, & elle a défavoué le procureur qui les a employées. De quel front d'ailleurs les héritiers du fieur Perraud ofent-ils faire ce reproche a la demoifelle de Grand-Maijon , eux qui flétriftent la mémoire de leur oncle, en le repréfentant comme un homme plongé dans le libertinage? En s'élevant contre Pinjure qu'ils difent que la demoifelle de Grand-Maifon a faite a la mémoire de fon bienfaiteur, ils font ce qu'ils condamnent. D'ailleurs , il faur obferver qu'en fuppofant que la demoifelle de GrandMaifon füt coupable , les héritiers du donateur ne pourroient pas fe fervir de ce moyen pour faire annuller la donation. II faut qu'un moyen d'ingratitude foit dans la bouche du donateur luimème, pour être efficace. .Enfin on foutient qu'on n'annulle point, par des moyens d'ingratitude,  42 Concubine donataire. une donation caufée pctur récompénfe de fervices. Elle eft le jufte prix des, foins 8c des ailiduités de la demoifelle de Grand-Maifon ; elle a 1'équité pour principe : ce n'eft donc pas une pure libérahté qui puifie être détmite dans Ja fuite. Qu'on falTe ici une efpèce de parallèle entre la demoifelle de Grand-* Maifon & les héritiers du fieur Perraud. Parvenue aujourd'hui a 1 aae de quarante-fix ans, elle n'a vécu^pour ainfidire, que pour fon donateur. Elle a confumé, dans les fervices qu'elle lui a rendus, la fieur de ces années fi précieufes au fexe, ou brillent ces charmes qui font Ie fondement de 1'établiiïehient de celles qui en font douées. Les héritiers recueilient une fucceflïon de f£o.o mille livres dont leur oncle pouvoit les priver, a caufe de la nature des biens qui Ia compofemr. Quels foins, quelles affiduités, quels fervices lui ont'. ils rendus? Accablés des bienfaits de leur oncle; qu'ils n'ont mérités par aucuns fervices, ils cenfurent une donation modique infpirée par 1'équité. M. Talon , avocat - général , après avoir raconté le fait, vient aux moyens des parties. II réduit cette conteftatio'n  Concubine donataire. 43 a. deux queftions. Les donations dont il s'agit font différentes par rapport aux, effers qui ont été donnés; mais elles émanent toutes du même donateur j toutes ont le même objet de libéralité j &c les mêmes motifs femblent les avoit toutes dicties. Peut-onles attaquerdans. leurs principes Sc les détruire comme le fruit de la débauche? C'eft la première Sc la plus importante queftion. Peut-on les révoquer du moins pat 1'ingratitude dont on accufe la donataire ? Seconde queftion. L'une Sc Fautre tendent a imprimer aux donations dont il s'agit les honteux caraftères de débauche Sc d'ingratitude. II s'agit d'eftacer ces caractères, ou d'a— néantir ces donations. Quant au prétendu commerce illicite, ce n'eft point dans les loix Romaines, qu'il faut puifer les lumières qui peuvent nous éclairer dans cette caufe. Guidés par des principes que 1'a-. veuglement du paganifme avoit adoptés , 8c que la religion réprouve aujourd'hui, ces loix autorifent en même tems le concubinage & les donations qui en étoient la récompénfe. En permettant le commerce illicite, elles étoient forcées, par une jufte confé-  44 Concubine donataire. quence, a légitimer des übéralités donc ce commerce étoit ia fource, Mais nos loix plus équitables profcrivent également la licence des mceurs, & les donations qui pourroient la faciliter. Nous apprenons, par une infinitc d'arrêts , qu'on ne peut faire une donation confidérable, bien moins encore une inftition univerfelle en faveur d'une concubine: & lorfque ces fortes de queftions fe préfentent, on eft toujours réduit a conftater deux fortes de faits. D'abord on .examine fi le honteux commerce du donateur Sc de la donataire eft fuffifamment prouvé,pour ne pas établir la puniüond'un crime fur de fimples préfomptions, Sc pour ne pas légèrement couvrir d'opprobre ceux qui foutiennent ces fortes de donations. En fecond lieu, fi le fait du mauvais commerce eft démontré, on met dans la balance de la juftice, d'un cóté ce qui feroit nécefiaire pour les aliments de k donataire, Sc de 1'autre les eftets qui lui ont été donnés, afin de prefcrire de juftes bornes a des übéralités qui ne^doivent pas être immenfes; Sc plutót pour rendre a la donataire se qui lm eft exadement dü , que pour  Concubine donataire. 45 lui donner lieu de s'applaudir de fon crime. Ori pouvoit propofer ces principes a. la Cour, avec d'aucant plus de confiance, qu'un de fes.arrêts venoit de les adopter, en confirmanc une donation faite a la nommée la Roche, qui étoit alfez médiocre pour ne pas excéder de fimples aliments : cependant l'héritier du donateur demandoit a prouver des faits de débauche. Réduifons-nous donc a ■examinet fi , dans 1'efpèce particulière, le mauvais commerce eft prouvé, Sc quelle eft 1'étendue des donations dont il s'agit. D'abotd il eft certain que le fieur Perraud Sc la demoifelle de GrandMaifon ont habité enfemble, pendant plufieurs années, a Paris Sc en province. Cette co - habitation a même excité deux fortes de plaintes; celle que le feu fieur de Grand-Maifon , père de la demoifelle de Grand-Maifon , a faite au fieur Perraud lui- même du départ de fa fille en 1712 , qu'il avoit conduite a Paris fans le confentement de ce père; plainte alors naturelle a un père dont 1'autorité avoit été méprifée; mais plainte qui forme un commencement de preuve que la demoifelle de Grand-  46 Concubine donataire. Maifon s'étoit fouftraite a une autorité légitime, pour fe livrer a un commerce fufpect. Cette première preuve eft tirée d'une lettre écrite par le fieur de ■ Grand-Maifon au fieur Perraud le 10 Avril 111%, Sc cette lettre n'eft pas conteftée. Joignons-y une lettre écrite en 1719 a la demoifelle de Grand-Maifon pat fa mère, lettre qui eft pareillement reconnue , & oü cette mère parle des murmures excités dans fa familie même , par les frères de la demoifelle de Grand-Maifon, au fujet de fon voyage de Paris, Sc paree qu'elle demeuroit avec le fieur Perraud. Ces aveux peuvent être de quelque conféquence dans k bouche des père & mère de la demoifelle de Grand-Maifon, Sc dans un tems oü la vérité devoit parler fans déguifement. II y a même des exprelïions dans la lettre du fieur de Grand Maifon qui femblent anuoncer une groffefle % fi parle du mal qui la preffoit; ce font fes termes; Sc c'eft la raifon a kquelle Te fieur de Grand-Maifon attribue le départ précipiré de fa fille, Après ces deux lettres, il faut examiner celles que la demoifelle de GrandMaifon z écrites elle-même au fieur  'Concubine donataire, 4,7 Perraud, & qu'elle n'a point défavouées dans cette conteftation. Le langage qu'elle y parle ne feroit-il pas du moins une forte préfomption du mauvais corar rnerce dont il s'agit? Et ces lettres, reünies a la co-habitation du feu fieur Perraud & de la demoifelle de GrandMaifon, engageroient du moins a faire 'des recherches plus particulières de ce fait, fi on ïi'aVött pas , dans des dépofi» tions authentiqueSjdes témoignages trop convaincainrs de la débauche de la demoifelle de Grand-Maifon. On a remarqué, dans le détail du fait, qu'en 1719 il y a eu une plainte rendue au lieutenant-criminel de Dole par la mère de la demoifelle de GrandMaifon . elle avoit accufé le fieur Perraud de rapt ènvers fa fille. Cette plainte a été fuivie d'une information , d'un' décrét; & quoique , dans la fuite , le fieur Perraud ait été reiivoyé de 1'ac"eufation , il. feroit difhcile de mécorïnoitre, a la vue des. dépofitions des témoins, les faits de débauche qu'il s'agit de prouver. On y lit la preuve de rendez-vous furtifs : on y voit la demoifelle de Grand-Maijon aller, a desheures fufpecl:es,dans 1'appartement du fieur Per-  48 Concubine donataire. raud. On y volt, dans les compagnies les plus nombreufes, des fignes d'intelligence, fuivis de la difparition fubite de 1'un & de 1'autre; de fréquents enrretiens dans des lieux écartés ; des baifers lafcifs 8c des attouchements indécents de part & d'autre ; de ces expreffions familières; de ces phrafes a doublé entente, qui annoncent une familiaritécriminelle. En un mot,dpeine ces dépofitions lailfent-elles un voile léger fur la confommation du crime; Sc peut-être quelques réflexions qu'on ne peut fe permettre fur certains détails , le leveroient-elles tout a-fait. L'arrêt qui abfout Ie fieur Perraud n'efface pas la tache de la débauche. On 1'accufoit, a la vériré, d'un rapt de violence que les canoniftes appellent, raptus in parentes; & il a été décidé que 1'accufation étoit téméraire <& injufte. La raifon en eft fenfible : les dépofitions prouvent que le commerce du fieur Perraud & de Ia demoifelle de Grand-Maifon avoit été public en quelque manière; qu'il avoit été ëntretenu même chez les père 8c mère de la demoifelle de Grand-Maifon ; qu'ils avoient doimé un afyle fufpect au fieur Perraud k &c n'avoienr point cherché a arrêter-,  Concubine donataire. 49 arrêter, par leur autorité, le fcandale que cette co-habitation avoit produit. JDes pères& mères peuvent-ils f'eplaindre d'une féduction a laquelle ils-fembleut avoir donné les mains ? Et auroiton pu appelier raptus in parentes nn rapt vers le père la mère, le départ précipité de la demoifelle de Grand-Maifon, après une co-habitation connue par la mère, Sc après 1'aveugle rondef■.cendance qu'elle avoit euepour le mauvais commerce du fieur Perraud Sc de fa fille? C'eft ainfi que 1'on peut concilier •1'arrêt qui a renvoyé le fieur Perraud de 1'accufarion, avec les preuves que les dépofitions renferment: nul rapt a l'égard de la mère de la demoifelle de Grand-Maifon, paree qu'elle fcavoir, & qu'elle fembloit autorifer cette intrigue. Mais il n'eneftpas moins vrai qu'il y a eu un mauvais commerce entre le donateur Sc la donataire, fuivant les dépofitions les plus effeutielles. Après ces dépofitions, ces lettres de la demoifelle de Grand-Maifon , ces i aveux de fes père Sc mère, cette cohabitation publique a. Paris Sc eu pro- i vjnce, ne doutons donc plus du mauvais commerce que 1'on lui opp^fe. Tapte X. C  <|o Concubine donataire. On ne voit,dans tout cela,ni tracé ni efpérance de mariage; & une co-habitation auiïi longue & auili publique mérite fans doute le nom honteux de concubinage. Voyons préfentement quelle eft 1'efpèce des donations qui en ont été le fruit; li ces donations paffent les bornes que la févérité de nos maximes leur prefcrit. D'abord le fieur Perraud a donné a la demoifelle de Grand-Maifon une fomme de 25000 livres en effets qui avoient cours en 1720. La condition. de cette donation a été que ces mêmes effets feroient placés en rente viagère fur la rête & pendant la vie de la demoifelle de Grai.d-Maifon, & que cependant le fieur Perraud en jouiroit' iüfqu'a fon décès : donation qui affure aujourd'hui a la demoifelle de GrandMaifon un revenu de 800 livres que les héritiers du fieur Perraud réclament, A cette première libéralité a fuccédé celle de 1'ufufruit d'une maifon fituée a Lahy, oC des meubles qui étoient albrs daiis cette maifon. Le fieur Perrand a porté fon attention jufqu'a. prévenjr les recherches que ks héritiers  Concubine donataire. f i t-nn-o'ienr faire un jour des réparations de cette maiiou, c!u . _ ^flf . 3 donataire ,& fa fucceffion. ; ,rmrl11 *a Enfin i! lui a donné les provifions qui fe trouveroient alors dans cette maifon de Lahy, les meubles qui étoient dans le premier étage de la maifon qu'il occupoit a Paris, une fomme de 6000 livres a prendre fpécialement fur la maifon de Lahy, & quelque vailfelie d'argenr. Regardons comme un principe, que les aliments peuvent étre donnés a une concubine difons même plus; il eft des circonft'ances oü ces aliments font dus, Sc cü ils font plus 1'effet de la juftice,que d'une pure libéralité. Combien de donations ont été autorifées par des arrêts fous ce titre favorable d'aliments', D'autres fois les arrêts ont réduit les donations qui excédoient les bornes des fimples aliments ; Sc en général la Cour femble avoir eu une attention particulière a fixer a un fimple ufufruit celles qui étoient faites a une concubine. & a pmnrVI,», I ' ■ ■ T *r?!""" «-Jl-lC les héritiers , appelles par la nature Sc par la loi , ne fulTent dépouillés nar ces fortes de libéralitcs. C  <^ t Concubine donataire. Nous voyons rne»«> r- " ' ^""K 1 el~ - ■. ^_ ta. ïol, on peut ajouter queique- ïois aux aliments un dédommagement convenable , pour réparer la bonte &C le dérangement que le mauvais commerce du donateur ayec la donataire peut avoir produir. La loi, difent les ]urif;onfultes, venge 1'honneur d'une perfonne féduite , lorfque d'ailleurs fes moeurs ont été irréprochables. La loi Romaine proÉoncoit les peines les plus graves contre celui qu'elle appelle Stuprateur; & les canons recus dans ce royaume defirent que ce dédommagement foit fait3 aut ducendo, aut dotando, pour parler le jtangage des jurifconfultes. Dans 1'efpèce particulière, il femble que 1'on ne peut refufer des aliments a ia demoifelle de Grand-Maifon; & ces aliments, elle peut les trouver dans la rente viagère que le fieur Perraud lui a lailfée. Cette rente paroït proportionnée a la qualité de la demoifelle de Grand Maifon. Mais , en rendant ainfi ce qui peut être dü a 1'exemple, aux bonnes moeurs f 1'équité demande que 1'on faffe attenïion aufli a quelques circonftances qui peuvent rendre moins odieufes les  Concubine donataire. _ 53 'donations dont il s'agit, & qui peuvent déterminer la juftice ajoindre aux aliments quelque dédommagement patmi les effets qui ont été donnés, Sc fur la fucceflïon du fieur Perraud. Le commerce illicite du fieur Perraud Sc de la demoifelle de Grand-Maifon paroit avoir commencé en 1712 , la demoifelle de Grand-Maifon^ nee en 1692, n'étoit alots agée que de vingt ans: elle étoit mineure Sc fous la puiffance de fes père & mère; le fieur Perraud étoit, lui, agé de plus de foixante ans : fa fortune a étéconfidérable : il n'a point laiffé de poftérité légitime:& fes héririers collatéraux trouvent encore, dans fa fucceifion , beaucoup de biens. Les donations principales qu'il a faites a la demoifelle de Grand-Maifon font 1'ufufruit de la maifon Sc des terres^de Lahy, Sc de la rente viagère de 800 liv, Certe rente a été formée d'efrets peu folides en 1720, Sc les donations dont il s'agit n'entamentla fucceffion du fieur Perraud que par la fomme de 6000 liv. que les héritiers de la demoifelle de Grand-Maifon pourront prendre fur Ia maifon de Lahy. Les circonftances fernblent exiger quelques dédommagements, Sc pourroieut ne foumettte ies C iij  74 Concubine donataire. donations dont il s'agit qua une rcfluction médiocre, & péuC-êtré a erhpecher que Ia fuccefficn du fieur Perraud ne foit un jour dépouiiiée de > les faifies; les héritiers condamnés 5> aux dépens, tant de caufe principale » que d'appel, même en ceux réfer33 vés ». Le concubinage ne fut point révoqtié en doute. M. i'avocat-général, coinme  Concubine donataire. i 9 onavu, Ta érabii : mdw on mit dans la balance une fucceffion de 600 mille livres , lage du donateur de quatre-vingt-neuf ans, qui avoit féduit, I foixante ans, une rille ce vmgt, laquelle lui avoit confacré fes foms jufqu'a fa mort : on envifigea la donation comme des aliments. Ces circonftances firent regarder la demande des héritiers comme PefFet d'une dureté barbare, & d'une avidité répréhenfible. 11 y avoit même,d'après les propres lettres du fieur Mucie, une ingraritucle caraóté rifée dans le procés qu'il avoit intenté a la demoifelle de Grand-Maifon. Elle avoit,de 1'aveu de eet héritier, rendu de grands fervices a. fon oncle: il 1'avoit menie exhortée a les lui continuer; & il vouloit la priver de la récompénfe due i ces fervices; tandis que la fuccellion chargée de-cette récompénfe, le mettoit dans l'op'übnce. Deux grandes différences s'offrenr ici entre la demoifelle Garde/ légataire, Sc la demoileile de Grand-Maifon donataire. La première étoit aceufée d'un commerce adultérin, qui eft iniiniment odieux, &Z d'une conféquence trèsdangereufe. On ne fcauroit trop_ s'élever contre un pareil crime qui bitéCvj  Co Concubine donataire. refie ie repos des families 8c la faintets du mariage. Le concubinage de la demoifelle de Grand-Maifon , quoique très-blamable fuivant la pureté de notre religion, n'eft pas d'une fi grande conféquence. La feconde différence eft que le le<*s de la demoifelle Garde/ étoit le tiers des propres du fieur de Béon. Quoique le teftateur en put difpofer, fuivant la coutume d'Angoumois oü le bien étoit fitué; il eft certain que 1'aliénation des propres eft toujours regardée défavorablemenr. C'eft le bien de la familie, deftiné a en foutenir les membres. Les acquêts,. au contraire, font le fruit du travail & de 1'induftrie de 1'acquéreur. II eft jufte qu'il en puiffe difpofer i fon sré.  PIPEURS CONFONDUS. ]Vt. Gayot de Pitaval a traité cette affaire dans un mémoire de ia facon, qu'il avoit inféré dans fon recueil. Je vas la traiter d'après lui, en faifant * fon ouvrage quelques changements que j'ai crunéceffaires.r& ajoutant quelques moyens & quelques autorités, qui lui avoient échappé. Les nommés Nadiour, Bocgece & Ribau faifoient, ï Lyon , profeffio» publique de joueurs. Le père de Nadiour avoit été vendeur de foies en détail,; & M. Gayot nöus apprend que cette profeilion eft odieufe a Lyon; que ceux qui 1'exercent font ordinairement recelears. La mère de ce Nadiour wak été accufée de fibertinage , & condamnée a un fupplicè infamant, par fentence des juges onfervareurs, pour un larcin énorme. Son aïeul avoit fubi le detnièr fiipplice 5a femme exercoit je re frais [,ue merce, fans que le ma i y co:, v en rien.  Pipeurs cojifofidüf. Le père de Rii.au "avoit été Iaquais. Ce Ribau, dans fa jeunelTe, s'étoit ënrolé dans une troupe d'operateurs. De rerour.^ Lvon5 ^ époufa une femme qui faifoit un petit trafic, auquel ie man n'a jamais pris part. ^Enfin Rocgece, gafcon de nation , s'étoit affocié avec Girard, marchand drapier, envers lequel il fe rendit coupable de plufienrs infidclirés. Le fait eft prouvé par la plainte rendue contre lui par eet affocié; plainte qui fut jointe aux pièces du procés dont lï s'agit. ici. Depuis la diftolurion de cette fociété Nadiour n'a exercé aucune profeffion. ' On neleur comioiifck point de biensfonds, aucune foüfcë de revenu : cependant ils faifoient une dépenfe excefïive en habrts & en repas. Ils étoient mféparables, & le pufflic enrier dépofbit que les heures qu'ils ne pafibient pas a table ou au Er, ils les pafibient au jeu, fok dansles académies', fok dans les cabarets. Ils jertèrent les yeux fur le nommé Pierre TrufiJn, bourgeois deLyon , pour mi efcamoter le plus dargent qu'ils jpourroient. Nadiour Vshovdz, un jour I 'Opera, tk lui dit qu'il fe fc-uvenok de lui devok une piftole depo?$ plufieurs anncesj & que, pour s'acqukrer,  Pipeurs confondus. 6$ il lui offroir a fouper chez Chalamel y fameux traiteur. Trufiêri refufa. Le 15 feptembre 1716, Nadiour Sc Ribau le rencontrèrent a la place du Change, Sc lui offrirent a diner dans un cabaret. IL accepta. Rocgece , averti que la dupe étoit dans les filets, alla joindre fes camarades. Les trois alfociés propofèrent a Jruficri de jouer aux dez a la rafle, en attendant le diner. II s'en défendit d'abord; mais ayant enfin cédé a leurs inftances, il perdit fix Ioüis qui étoient tout 1'argenr qu'il en fur lui. II foupccnna qu'on 1'avoic trompé avec des dez pipés , il s'en picignit ; mais il ne s'arrêta pas a cette ulée. Après le repas, on lui pfopofa de iouer encore. II refufa, en difant qu'il n'avoit plus d'argent. Rocgece leva eet obftacle, il offrit de jouer fur fesbillers, 'Jrufiéri fit deux promeffes de 400 iiv. chacune, a l'ordre de Rocgece. On les mit fous le chandelier. Bocgece Sc Nadiour jouèrent avec lui auberlan. Hibau. paria pour Trufiéri. C'eft un ftratagême ufité parmi les frippons. Le parieur, d'accord avec ceux contre qui il feint de parier, fe place aupres de celui cu'011 veut duper, Sc, par des fignes conve-  04. Piprurs confondus, rius , fait connoitre fon jeu aux autres, Les huit cent francs confignés dans les deuxbillets, furent perdus en peu de tems. Rocgece lesemporta, non-obftant les reproches amers du perdant. Le premier de ces deux elfets fut acquitté a fon échéance. Trufiéri craignoit les frais Sc 1'incertitude d'un proces. II craignoit d'apprêrer a rire au public, en annoncant, par 1'éclat de la procédure , qu'il avoit été pris pour dupe. _ Cependant , 1'échéance du fecond billet approchant, il fit des réflexions, Sc écouta. les avis de ceux qui lui confeillèrent de fe pourvoir. II rendit plainte devant le lieutenant-crimine! de Lyon , Sc obtinr permillion d'mformer. Vingt témoins fturent entendus. Les accufes furent décrétés d'ajournement perfonnel ; Sc, tout infidieufes qu'étoient leurs réponfes ^ elles laifsèrent percer la vérité. Deux propofirions formoient la défenfe de Trufiéri. i°. Une promejfe dont lejtu eft la Viritable caufe, ne peut jamais cauferun vériiable engagement. 20. La promejfe qui fait l'objet du procés eft le fruit de latremperie ; elle eft donc nulle,  Vheufs confonduS. 6>j 1. Nulle obligation fans caufe. Cuni nuüaji.heft cahja preptsr conventionem , hïc co>iftdC non pojje conjlhui obligationem. L 7, §• 4 > f de Ha^is' °r> en fuppofant que le jeu air été conduit fans fuperchetie de pcrt &c d'autre, le hafatd fera la feule caufe de 1'engagement; &C mon adverfaire me dira: vous me devez cette fomme, paree que le hafard m'a mieux fervi que vous; paree que j'ai été plus heureux que vous;& ce morif fera une caufe légitime d'obligation ! C'eft ce qui n'eft pas propofable au tribunal de la raifon & de 1'équité. On peut diftinguer quatre fortes de jeux. Ceux oü le hafard feul décide tous les coups : reis font les dez, le lanfquenet, &c. ces jeux, comme on vient de le voir, ne peuvent donner matière a aucun engagemenr légitime. II en eft d'autres oü la fcience du joueur emporte uniquement le prix, fans que le hafard y ait aucune part. Tel eft le jeu des échecs. Mais celui qui, acejeu,afur fon adverfaire, 1'avantage de la fupériorité, le vole manifeftement, s'il joue contre lui une lomme qu'il eft fur de gagner.Le larcin eft donc alors le principe de 1'Gbligation qu'il lui afaitcontracter.  66 Pineurs confondus. ont perdu &: confumé leur jeuneffe & 35 feur fubftance, avons ordonné qué 33 les deniers & biens perdus en tels 33 jeux pourront être répétés par les min neurs , leurs pères, mères, tuteurs & 33curateurs, ou proches parents ; &c 33 voulons iceux leurs biens leur être J3 rendus, & éviter leur ruine & def« trudion : fans , par ces préfentes, 33 approuver tels jeux entre majeurs , 33 pour Ie regard defquels entendons 33 les ordonnances de nos prédéceffeurs 33 être gardées, & y êtte tenue la main 33 par nos juges, ainfi que la matière y 33 fera difpofée ». L'ordonnance de 1629 a poulfé la prévoyance jufqu'oü elle pouvoit aller fur cette matière. II eft important d'en copier les termes.  Pipeurs confondus. 69 Article ul <« Déclarons toutes der- tes contra&ées pour le jeu } nul/es , & n toutes obligations & promeffes faites »» pour le jeu , quelques déguifées qu'elles „foient, nulles \& de nul effet, & dé- » charades de toutes obligations civues » & naturelles ; voulons que , pour »» iceMes, le fait du juge foitrecu. Vbun lons & ordonnons que toutes les promejj'es foient cajjees , & les porteurs » d'icelles, foit le premier créancier, » ou les céfEonnaires , foient non-feule» ment déboutés de leur demande a fin de n paiement des fommes portées par les » promeffes; mais auffi, étant prouvé k qu'elles viennent du jeu , condamnés ,» envers les pauvres en pareille fomme ?> que celles qui feront contenues ès promeffes. -Défendons a toutes per» fonnes de prêter argent, pierredes, ou * autres meubles pour jouer, ni répon'» dre pour ceux qui jouent, a peine de v perdre leurs dettes , & nullité des obli» gations, comme dit eft, CV de confifcav tion de corps & de biens, comme fé» ducfeurs & corrupteurs delajeuneffe, a caufe des maux innombrables que n 1'on voit provenu" cbaque jour ». Arrirle ui. « Et d'autant que 1'ef-r- p frériée pafïion du jeu porte quelcjue».  7D Pipeurs conflmJu^ « fois ajouer des immeubles; nous » voulons ec déclarons que, non-obf» tant la perte & délivrance des immeu33 bles, quoique déguifée en vente & 3> échange, ou autrement, les hvpothè33 ques demeurenr entièrement aux » femmes pour leurs conventions, Sc 33 aux créanciers pour leurs dettes , non.3 obftanr tous décrets, s'il eft prouvé 33 que 1'aliénation des immeubles pro33 cède du jeu: le tout, fans déroger a. 53 notre édit du mois de mai 1611 , fait » pour les berlans Sc jeux de hafard, >5 Sc arrêt de notte Cour de Parlement 33 fur ce donné le mois de juin enfui-•3 vant; lefquels voulons demeurer en »3 leur force & yertu La jurifprudence des arrêts s'eft foumife a des loix fi fages. M. de Catcllan, liv. 5, chap. 6o , en rapporte un qui eft remarquable. Francais de Saint Pol baron de Nerties, avoit prêté 5 5 o liv. a un gentilhomme, &c lui avoit gagné, au jeu, une fomme de icoo liv. Ce gentilhomme rit, de ces deux fommes, un feul billet de 1350 liv. au profit du baron de Nerü s. Melchior d'Efpagne , baron de Ramefort, cautionna le débiteur, Sc mit fon acte de cautionnement au bas du billet. Le débiteur prin-  Pipeurs confondus. 71 cipal vint a décéder ; le créancier exerca. fon recours contre la caution, Celui-ci convenoit que les 350 liv. étoient légitimement dues, & fe foumettoit a les payer; mais il prétendoit que lefurplus ayanr été gagné au jeu, n'étoit pas du. Le fénéchal de Touloufe condamna le baron de Romefort a acquitter la totalité du billet. Sur 1'appel, par arrêt du Parlement de la même ville , du 24 mai 1662 ,1a fentence futinfirmée, ck il fut ordonné que le fieur de Saint-Pol. fe purgeroit par ferment, fur le Te igitur, croix &c faint canon de la mefte, devant le commillaire de la Cour a ce député, que la fomme de 1000 iiv. faifant partie de celle de 1350 liv. contenue en 1'obligation du 3 janviet 1 c?5 6^, lui étoit véritablcment due, & ne prqvenoit point dargent gagné au jeu. Cet arrêt jugeoic donc difertement que,fi cette fomme provenoit du jeu , elle n'étoit pas due. M. de Catetlan fait, a cette occafion , des obfervations bien intérelfantes fur cet objet. La qualité des parties, dit-il, eft remarquable. 11 y a des auteurs qui ont cru que les gentiishommes pou- voient valablement s engager pour 09 1'argeut perdu au jeu , &c qu'on ne doit  Pipeurs confondus. pas les rel ever de cette obligation, Ckarondas en rapporte des arrêts du Parlement de Paris. Mais, ajoure ce magiftrat, les foix & les ordonnances «e diftinguent point. Devons-nous leur prêter des diftinctions & des adouciffements fur cette matière ? Que les gentilshommes aient établi la-deifus des loix particulières pour eux, qu'ils fe fafïènt un point dïronneur de les obferver, on peut approuver la délicatelfe de ceux qui le font. Mais eft-ce a des juges, qui ont fintérêt public en main, pour qui cet intérêt doit être le principal objet de leur application & de leur vigilance, a le facrifier a des ufages qui lui font li Gppofés ? Ne duiventiis pas, au contraire, anéantir ces régies qui ne font qu'établir de plus en plus le Ciédk du jeu, & le maintenir dans route fa fureur ? N'eft-il pas de 1'intérêt des gentilshommes eux-mêmes, qu'on ne leur ferme point les voies légitimes qui peuvent les arracher a. cette fource i-nfaillible de ruine? Et toute voie qui eft légitime eft conforme a 1'bonneur. Vedel, a 1'occafion de cet arrêt, rapporte qu'un fieur de Beffen demandoit au fieur Pou^aire le paiement de plu^eurs fommes qu'il avoir fournies a fon fils,  Pipeurs confondus. 73 fils, pour Pentretenir, au regiment, dans le pofte de cadet, qui eft proprement le noviciat de la profeffion militaire. II réfnkoit, des pièces produites au procés, que le fieur de Pou^aire avoit prié le fieur de Bejjon , capitaine de la compagnie oü étoit fon fik, de lui fournir ce qui lui feroit nécelTaire au-dela de la fomme de 300 liv. de penfion que ce père faifoit a fon fils. Dans 1'état des fournitures, qui montoient a prés de 900 liv. il fe trouvaune fomme de 200 liv. payée parle capitaine pour argent perdu au jeu de cartes par de Pouiuire fils, avec de jeunes officiers du régiment. Par arrêt du mois de mars 1727, le parlemenr de Touloufe alloua plufieurs des fommes fournies par le capitaine, Sc rejetta Partiele qui concernoit le jeu. II avoit cependant repréfenté que les officiers fe régloient, a ce fujet, par des loix qui leur étoient particulières ; qu'il étoit de principe, parmi eux, que ce feroit fe dégrader, que de contefter le paiement d'une perte faite au jeu; d'oü il concluoit que c'étoit pour Fhonneur du jeune homme qu'il avoit acquitté cette fomme. On crut qu'un honneut imaginaire, dont les régies font oppo* TomeX. D  74 Pipeurs confondus. lees a. celles de 1'honnêteté Sc de Ia iüreté publique, ne devoit pas être écouté dans un tribunal aü la voix de la juitree feule doit avoir des droits fur les fuffrages de fes mimftres. Un officier ne paiera pas les fourniffeurs des chofes qui lui font le plus néceffaires a la vie, paree qu'il fe croira obligé d'acquitter des fqmmesqui lui auront été gagnées, &: fouvent excroquées au jeu! Pour revenir a 1'arrêt de M. de Ca~ tellan , ce magiftrat dit qu'il faut obfer\er encore que le fieur cl'Efpagne n'étoit que caution, que cette qualité donnoitr des raifons pour Sc contre. D'un cótés c'étoit la caution d'un débiteur, qui n'étoir point revenu contte fon acfe \ qu'il etoit mort fans avoir fait ufage de 1'exception que 1'on fait valoir aujourd'hui; & que peut-être, il n'auroit pas cru devoir la propofer. Celui qui avoic cautionné étoit intervenu, dans 1'obligation, de fens-froid, fans y être en gagé par aucun point d'honneur , par aucune parole ; c'étoit le fruit d'une délibération qu'il avoit eu le tems da réfléchir, fans qu'aucune circonftancö dut intercepter les raifonnements qui pouvoient le déterminer ou le dc't^ur-per; ce qui fembloit le rendre moins.  Pipeurs confondus'. 7^ favorable. D'ailleurs, il n'eft pas nouveau qu'une caution foit tenue d'une ebligation contre laquelle le principal débiteur peut revenir. Mais, d'un autre cöté, le fieur d'Effagne avoit la faveur dont jouilfent ceux qui ne font que caution; ce qui lui donnoit le droit naturel d'exercer les aétions 8c les exceptions de celui dont il étoit caution. 11 y a plus; 8c cette raifon étoit la plus forte pour lui, 1'obligation étant vieieufe 8c réprouvée , le cautionnement , qui ne porte que fur cette obligation, croule néceffairement. Cette doctrine n'eft pas particulière nu parlement de Touloufe. M. le Preftre, cent. 4, chap. 18, rapporte un arrêt de celui deParis,du 27 juin ic^i 1, qui déclara nulles cinq promelfes montanta 1 8000 liv. caufées pour perte faite au jeu. II fut ordonné que ceux au profit de qui elles étoient faites feroientprisau corps, pour leur procés leur être fait 8c parfait a la requête de M. le proeureurgénéral. Autre arrêt du même parlement, du 3 o juillet 1 ij 9 3 , qui fe trouve au Journal des audiences, par lequel il fut jugé qu'on eft recevable a faire preuve qu'un billet caufé pour valeur Dij  jG Pipeurs confondus, recue comptant, excéciant la fomme de joo liv. a été fait pour argent gagné> au jeu. Bouvot (i), dans fon recueil d'arrêts; torn. i, part. 3, au mot jeu de cartes , demande fi celui qui a gagné au jeu, a une a&ion pour fe faire payer ? II rapr porte un arrêt du parlement de Dijon , du mois de novembre 1608, par lequel les fommes gagnées furent confifquées au profit des pauvres ; enforte que les gagnants & les perdants furent également punis. Par arrêt du parlement de Rennes , du 1 2 mai 1671, rapporté au journal du Palais, plufieurs billets montant a 4000 liv. qui avoient le jeu pour motif, furent déclarés nuls, Sc celui qui les avoit faits fut .condamné en 500 liv. au profit /les hópitaux. 11 eft important d'obfer- ( 1 ) Job Bouvot, naquk a Chalons-furSaone, vers 1'an 1558. II étudia le droit a Bourges fous Cujas, & exer^a la profeffion d'avocat a Dijon, oü il mourut, au mois de juillet 1636, agé de foixante-dix-huit ans f laiffant une nombreufe poftérité. II nous a laiffé us recueil d'arrêts du parlement de Bourgogne, en deux volumes in folio; des commentaires fur la coutume de Bourgogne? &.c. II étoit de la religion prétendue ré» fsrniée. '  Pipeurs confondus. 77 Ter"que !e débiteur de ces billets foutenoit que la caufe qui y étoit énoncée , étoit faulfe, & qu'on 1'avoit admis a faire preuve, par témoins, que le jeu étoit la véritable. On ne finiroit pas, li 1'on vouloic rappeller tous les arrêts qui fe trouvent, fur cette matière, dans nos recueils. On fe contentera de joindre ici le fentiment de Guymier (1), célèbte commen- (1) Cóme Guymier, parifien, vivoit dans le quinzième fiècle. II n'étoit que licencié en droit, & chanoine de Saint - Thomas du Louvre, lorfqu'il publia fon commentaire fur la pragmatique - fanftion , qui a été imprimé plufieurs fois; & enrr'autres en 1666 , in-fol. par les foins de Francois Pmffon, avocat au parlement de Paris. Le célèbre Dumouün a prétendu que cc commentaire n'étoit pas dc Guymier, mais de Jacques Maiefchal, aufiï chanoine de SaintThomas du Louvre, & avocat connu fous les règnes de Charles VII, de Louis XI & de Charles VIII. Loifel, dan', fon dialogue des avocats, & M. Camufat; dans des mémoires qu'il a fait iinprjnter en Hollande en 1732, fous le nom d'e Me^eray, ont adopté favis de Dumouün. Ils fe font fondés fur ce que 1'auteur de ce commentaire dit. fur le litre de collaiionii'rus, §, item quad 'omnia } vers la fin, qu'il étoit, lorfqu'il éctivoit, Chanoine de Saint - Thomas du Louvre. Or, dit Dumoulin, & fes partifants , c'étoit Diij  78 Pipeurs confondus. tateur de Ia pragmatique-fanction , appuyé de celui de plufieurs autres docteurs, qu'il cite. Sur Ie titre de fpecleiculis in ecclefld non Jaciendis , il décide que celui qui a gagné au jeu de hafard, eft tenu de refticuer fon gain, & que toute obligation qui a le jeu pour principe , eft nulle. II en eft de même, ditil, li celui qui a joué avec moi, ou qui me regarde jouer, me prête de 1'argent pour continüer Ie jeu ; il ne peut le répéter. Enfin Pordonnance d'Orléans, art. 1 c 1, défend les jeux de dez, & tous les jeux de hafard, a peine de punition corporelle: d'oü il luit que, dans le cas d'une promefTe pour caufe de jeu de Marefchal, & non Guymier qui étoit alors chanoine dans cette églife. Mais les regifires de cette églife des années 1485 , 1486 & 1491 , prouvent que Guymier y étoit chanoine , & ne font aucune mention de Marefchal , qui apparemment 1'a été dans la fuite. A cette preuve, Pinffon en joint plufieurs autres dans fa préface. Au refle , il a orné fon édition d'une hiftoire auffi utile que curieufe de la pragmatique. Guymier fut aufli doyen de 1'églife collégiale de Saint-Julien a jaimis été ]eur flat_ „ teur ... 11 fe faifoit remarquer/ur-tout, par fes bons mots. On en cite plufieurs, dont quelques-uns font très-mauvais. Bautru etant en Efpagne, alla vificer Ia  & un Particulier, 55 Fameufe bibliothèque de 1'Efcurial, ou il trouva un biblio.thécaire fort ignorant. Le roi d'Efprgne lui demanda ce .qu'il avoit remarqué, Vottt bibliothèque \efl tres-belle , lui dit Bauttu '.mais Votre ■jj Majefte' devoii donner L celui qui en a le \ foin l'adminijlration de fes finances. Et ifourquoi ? C'eft, repartit Bauttu, qu'il 1 ne touche point au de'pêtqui lui eft confté, 111 difoit d'un certain feigneur de la cour, i qui n'entretenoit les gens que decontes ; bas, qu'il étoit le plutarque des laquais. II eut, de Marthe Bigot, fille d'un ilanaïtre des comptes, Guillaume, troi| fième du nom, comte de Serrant, chan| celier de Philippe , duc d'Orléans, fils I de France, qui eut deux filles. IV". Nicolas ,(econd fils de Guillaume I Bautru , premier du nom, fut capitaine ',| des gardes de la porte. II eut le bonheur, n le premier jour qu'il parut a la cour, de | porter le Roi fur fes épaules, pour 1? I paffer par un endroit des Tuiileries ou il y avoit de Peau, II obtint l'érecrion en I comté, fur fa tête, de Nogentde-Roi, I petite ville dans le bailliage de Char- I tres. Les lettres-patentes lont du mois I d'aoüt 1636, enregiftrées au Parlement ji |Sc en la chambre de Comptes au mois  9 4 Querelle en tre un Seign eur de décembre fuivant. II fit aufïi ériger la feigneurie du Tremblai en marquifat,par lettres du mois de juin 1655, enregiftrées en avril 1CT5 7. II mourut en feptembre \(>6\. II avoit eu, de Mar'ie Coulon, fceur d'un confeiller au Parlement, Armand, Nicolas & Louis Bautru. Louis , maréchaldecamp, mourut en janvier 1708, fans enfants. Nicolas, fecond du nom, fecond fils de Nicolas , premier du nom, lieutenant-général des armées du Roi, fut tué, en 1675, a la bataille au-deli duRhin, peu de jours après la mort de M, de Turenne, & ne laiffa que des filles. V. Armand, comte de Nogent, tué en 1671, au paffage du Rhin. II étoit maitre de la garde-robe du Roi, & ma, réchal de camp. H eut, de Diane-Charlotte de Caumont-Lau^un, VI. Lquis-Armand, comte de Nogent, lieutenant-général, chevalier de Saint-Louis , mort le 7 juin 1736 ? agé de foixante-huit ans. II s'étoit diftingué dans quelques expéditions militaires. II maria, en 1742, Henriette^ Ernilie, fa fille unique, au marquis  & un Particulier. de Melun , avec lequel elle a vendu ]e comté de Nogent au maréchal d& Noailles.  q6 Querelle entre un Seigneur MÉMOIRE FOUR Fraxicois Brochard, Sieur de la Ribordiere, Officier dans le Régiment Royald'Artillerie, Accu ie, CONTREM.le Comte deNogent, Accufateur. J-VÏonsieur le comte de Nogent ne m'a point jugé indigne de fa mauvaife humeur : il me fait un procés en régie j Sc par conféquent il me met de niveau avec tous les feigneurs & gentilshommes de fon voilinage. Je me tiendrois heureux d'être en li bonne compagnie, li c'étoit pour un autre fujet que celui qu'il m'impute. Mais il m'accufe d'avoir manqué de refpecf pout lui, de 1'avoit même infulté de paroles. J'avouerai de bonne-foi que ma fenfibilité n'eft point a 1'épreuve d'un pareil reproche. J'ai toujours fait profeJlion, comme je le fais encore, d'honorer  & un Particulier. d'honorer & de refpecter Al. le comte de Nogent & je le dois d'autant plus, que je fcais, avec toute la France, a. quels titres il mérite ces refpects. L'Anjou fe elorifie d'avoir donné naiffauce d \ cette illuftre maifon. Son berceau fut d'abord élevé dans la robe : la prévóté d'Angers eonferve encore , dans les archives, le nom de Maurice Bautru, qui en étoit lelieutenant, & quifit les délices de fa ville, tant par fon érudition dans la jurifprudence, que par quelques ouvrages d'efprirqui n'onr point vu le Ijour. Tous les degrés de fa génération furent marqués par autant de degrés d'illurtration. De trois enfants qu'il euty run , père du.célèbre prieur de Matras, ilfut 1'ornement du barreau de Paris, & jremporta la pa'lme de 1'éloquence; 1'auitte, plus tendre pour fa patrie (c'eft la Ijpaiïion des bons coeurs ) mourut alfefr|feut au préfidial d'Angers ; & le troi! neme, Guillaume > premier du nom , id'oü defcend la branche des comtes \de Nogent, fut confeiller au Grand'.(Confeil. Nous venons de voir cette maifon ffervir 1'Eta.t, !k mériter des couronnes M'olivier dans les emplois de la robe : rlmaisbientót elle va recueillir des lau- Tomc X. E  e>S Querelle entre un Seigneur ners dans une carrière plus éclatante \ femblable a ces fleuves qui fe creufant un nouveau lit, & fe formant de nouveaux rivages, en roulent leurs eaux ayec plus de dignité. On ne voit plus que des maréchaux de camp, & des lieutenans-gcnéraux ; 1'un au palfage du Rhin , mériter les regrets du grand Roi qui fut le témoin de fa mort; 1'autre , trois ans après , mourir les armes a la niain dans la plaine d'au-dela du Rhin , & accroitre , par fa mort, le deüil de la France , qui pleuroit encore la perte récente de M. de Turenne. Enforte qu'il eft incertain li le Rhin & fes rivages ont été ou plus funeftes , ou plus glorieux a^ cette maifon. Enfin , M. le comte de Nogent, a leur fuite , eft luimême décoré de graces, de ritres S£ d'emplois, qui ont toujours été la récompénfe du mérite & de la valeur. Hé! qui fuis-je, moi, pour heurtet un feigneur de cette confidération ? On ne compté point fes aïeux du chef de fa mère : la mïenne, je ne feins point de le dire, a perdu fa noblefle & £oi\ nom dans. les bras de mon père; 8C quoique de fon coré j'appartienne , com- rpe bien cl autres, a des oiliciers de igftiï?i ccmmenfuix ik aüUtaites; quoi-v  &un Particulier. QCs I quen qualite u-UfK.- ■ A "y Wm'ait accordé k gS"!^ 1 cpce pour fon fervice , je vois cependam, avec tour le refpecl pollible, k . Piftance infime qm fe trouve entre men | acculateur & moi. j Si je n'avois que mes jiiges d inftruire J je le dis avec leur perminion, peut-êtré J n aurois-je pas mis la main d k plume. ■■■ accoutumés qu'ils font k H?envifager ' ., dans les parties, que leur droit, bon ou* mauvais je n'ai point d craindre riue le poids du nom de Ai. le comte de Aogcnt fafle pencher leur bpipnee | Mais le public m'etïhie un peu : toujours cuneux de nouveautés ,il les Gjfc jiavec avrdué il s'en entretient avec |l plaifir :mfenfiblement il fe paffionne f& toemat après ildécide, ou conduir •par hnterer particulier qu?il prend d U cno.e, ou déterminé par les plHS léVèrés |apparences. On voit un Iiomme de°con dition, tout éclatant de titres militaiR*' a ^\ I>aSe & ua« ^traite philofop nque donnent un grand reliëf, fe plamdre du procédé d'un jeune oinN*,qa!„aenc:ore, pour tout merite queledefirdefervir fon prince avec honnenr. On eft violemmem tenrÏÏë jcroire le premier, dent la parole'feule e n  joo Querelle entre un Seiffii"1'" fait ordinaire— autorité ; & da: vuaaamner le fecond, dont lage eft vo-lontiers fpupconné d'imprudeuce. Je: conviens que ce premier coup-d'ceil eft: yraifemblable : mais le contraire eft-il impoilïble ? M. le comre fe plaint de: moi j voikj un pqint vrai dans mon affaire. Mais a-.t-il raifondes'en plaindre? C'eft ce dont il s'agit; & je fupplie le: public de ne porter fou jugement qu'aprés qu'il m'aura entendu. M. le comte .étant prêt même de faire toutes les 33 foumiftions pour vous demander en 33 perfonne ma grace, 11 je fuis alfez heu33 reux,dans mon malheur, de pou33 voir, avec votre permilllon, me pré» fenter deyant vous: ce que je delire  & un Particulier. ïöj „ ardemment, pour me jetter a vos ge~ « noux, & vous faire connoitte mon » véritable repentir, & le chagrin que >, j'aurai éternellement, fi votre clé» mence ne me donne le pardon ; me » foumettant de palfer un pareil acfe de» vant notaire ». Je n'ai que faire de jurer que ce placet n'eft ni de mon ftyle, ni de mon invention : le projet que j'en ai, écrit de la main du père Capucin, & les conclufions prefque toutes femblables que M. de Nogent a fait fignifier contre moi a mon procureur , ne lailfent point douter de celui qui 1'a imaginé. Je veux, pour un moment, me fuppofer coupable : jamais fuppofition ne fut plus outrée ; & je demande a tous les honnêtes gens , s'ds connoilfent des outrages qui aient quelque proporrion avec de pareilles excufes ; oui, je ne crains point de le dire, les criminels dignes du dernier fupplice nefont point d'amendes honorables en termes plus bas & plus humiliants. Quoi! il faut que j'avoue que ma raifon étoit égarée, dans le tëms que tout m'annonce que j'avois mon bon fens. 11 fautqu'en bleffant la recnnnoiftance que je dois a mes vrais protecteurs, je confefte que je ne Ê vj  ~1 o8 Querelle entre un Seigneur tiens mon emploi que de la protectioö de M. de Nogent y dans le tems que le feul lervice qu'il m'a rendu eft de ne m'avoir point traverfé ! II faut, qu'en violant le refpeét Sc la foi que je dois au grand Prince fous les ordres de qui j'ai l'honneur de fetvir, je déclare qu'il eft au pouvoir de M. de Nogent de me dépouiller de mon emploi, comme s'il étoit le grand-maitre de 1'artillerie! Il faut que je me repente d'une faute que je n'ai point commife ! II faut que je fouhaite ardemment d'aller me jetter a fes genoux, lorfque je n'en ai aucune envielllfaut enfin qu'après mes aveux Sc mes fouhaits, je fois encore dans 1'incertitude de firavoir fi fa juftice vou>dra bien faire place a faclémence ! En yérité la fituation eft trop cruelle : ja renonce a, la fuppofition que je viens de faire, pour reprendre la vérité. Qu'on fe rappelle un moment Ia fcène du diner; c'eft tout ce que je demande. M. le comte de Nogent fe plaint de 1'infolence qu'a eue un gentilhomme de mes alliés de faire demander mademoifelle fa fille en mariage. Chacun des convives donne fon petit coup d'encenfoir : je prends le parti qui me convenoitj c'eft-a-dire} celui du filence >, Ss  & un Particulier. ïOf M. de Nogent a la cruauté de me demander mon avis. La queftion eft tout au moins défobligeante : la probité ne vouloit pas qu'a 1'exemple des autres je Ürafie fur mon parent abfent 't la politelfe Sc le refpect même , fi 1'on veut, me défendoient de contredire ouvertement M. de Nogent: je prends un milieu , c'eft d'éluder le défobligeant de la demande pat une réponfe vague, & qui ne fignifie rien, I'amour égale les Bergers & les Rois. Veuton , a. force de pefer les 'mots, Sc decombiner, que cette réponfe fignifie quelque chofe? 'Pour moi je n'y vois qu'un fens obligeant pour M. de Nogent: c'étoit convenir en termes couverts de la difproportion du prétendant avec la demoifelle, puifque , pour les mettte de niveau , il falloit le fecours de cet amour, qui fcait, quand il lui plait, rapprocher le fceptre de la houlette. Si 1'on me fait • 1'honneur de trouver du fens dans ce que j'ai rcpondu, il ne peut y en avoir d'atttte que celui que je viens d'expliquer. Pourquoi donc M. de Nogent m'en faitil un crime ?Seroit-ce le tetme d'amour qui Fa dü cboquer ? II ne le perfuadera a perfonne. Cependant je fuis forcé, par fon commandement, comme il 1'avoue  I t o Querelle entre un Seigneur lui-ftiême, de fortir de table,. chargé d'epithètes auffi outrageantes, que dé* placees: öc c'eft moi qu'il accufe ! Seconde fcène. Le hafard dir^e ma promenade a la rencontre de M. de Nogent , qui étoit fans épée : je lui remontre, le chapeau a la main, qu'il n'a pas eu raifon d'agir comme il a fait avec un homme comme moi : un foldat outraaé peut uier de ce terme. Le moyen qu'on pinde trouver M. de Nogent en défaut avec la raifon! II m'accable denouvelles injures; & me voila criminel une feconde fois. Enforte que , felon M. de Nogent, mes crimes fe doiverit compter par les affronrs qu'il me fait. C'eft pour les expier qu'il demande qu on me banmffe de tous les endroits eu il lera, ce qui veut dire, en bon franccns,detoure la terre; paree que, s'il plait a M. de Nogent de fe trouver partour, je ne poutraiêtre nulle part. II veut que je reconnoifte par écrit que je me fuis écarté a fa table des bornes du refpect que je dois k fon rang & a ia grande naiifance, & que je lui en demande pardon. Je fuis tout pret de rendre tous les honneurs poffibles a Ion rang & a fa grande naiifance; mais nos rages décideront fi j'ai 'bleue 1'un ou 1 autre.  & un Particulier. 111 II exige que je reconnoifle encore , qu'après être ford de fa table par fon commandement, je concus Sc j'exécu- i tai le mauvais delTein d'aller a fa renconrre dans un chemin ereux, pour Pinfulter Sc lui demander raifon des manières avec lefquelles il en avoit ufé pour me congédier de fa table, Sc que je déclate que je m'en repens, & que je lui en demande pareillement pardon. Oui, fans doute, je me repens de la manière dont j'ai été congédié de fa table : mais a qui demanderai-je pardon d'en avoir été fi mal congédié ? N'eft-ce pas le comble de 1'injure d'exiger que j'a- I Votte , fous les couleurs d'un lache guet-a-pent, un prétendu delfein prémédité que je n'ai jamais eu ? M. le comte de Nogent} malgré le mépris qu'il atfeéle pour moi, me renddans fon ame affez juftice, pour ne me point croire un Itomme a embufcades Sc a chemin creux ; Sc s'il étoit vrai que le hafard m'eütprocuré 1'occafion de lui demander raifon I ck 1'arTroiat qu'il m'a fait fouffrir, c'auroit été une peuve de mon refpect, de déférer a fon jugement un différend I dans lequel il étoit lui-même partie. Enfin, M. le comte de Nogent de- I mande que je dcnne mille écus pour  I1^ Querellc entre un Seigneur &c. i homral de fa ville. Mon innoccnce & ma forcone ne me permerrenr pas en verite de faire de fi groffes aumönes pour M. dt Nogent. Toila ce que j'avois a dire pour ma derenie. J'aurois peut-être mieux fait aenconfier le foin a quelque plume Verlee dans le langage du Palais : mais J ai cru que tour ftyle , jufqu'au mien eroir bon , quand il n'éroit queftion que de dire la vérité. Je me fiate que le public , malgré rhumifiant aveu que ie lui ai fait de mes difgraces , ne m'en regardera pas de plus mauvais ceil, periuade que je fuis que c'eft moins ['affront qm nous déshonore, que le fujet qui nous I'actire. Et j'efpere que rnes juges mettront a 1 abri des ailes de leur juftice un jeune officier qu'on veut ecrafer fous le poids d'un srand nnm - & Je ne fcais point le tour que M. le comte Je Nogent donna a fes moyens » «feis il y a apparence qu'ils furent effaces par ceux de fon adverfaire, puifque la fentence du lieutenant-ctimineide Chartres, du 11 janvier 17? 1 renvoya le fieur Je la Ribordiere de la plainte&accufatión du fieur de No°ent depens compenfés. & 7  FEMME ADULTERE Condamnée a la perte de fdlibertè , & qui la recouvre après la mort de fon mari par un fecond mariage. Jtifrr'e Gars, procureur du Roi ait iiège de Meulan, époufa Marie Joifel. Elle étoit partagée des graces de fofl : fexe. Elle eut des amants qu'elle favorifa avec fi peu de précaution, que fonv mari Payarit furprife plus d'une fois , il Ia pourfuivit en juftice comme adultère, Atrêt intervint le 9 mars 1673, qui condamna Marie Joifel, pour crime d'adultère s a être mife dans un couvent, o/l elk feroit rafée, & auihentiquêe après deux ans, au cas que fon mari, dans cet ïntervalle , n'eüt pas la ie'nigriite' de la reprendre : I'arrêt porte encore, qu'elle fera reclufe le refie de fes jours. Le mari, : qui avoit le cceur ulcéré, non-feulement : lailfa paffer les deux ans porrés par 1'arI rêt; mais il vécut encore fept ans, fans  '2i4 Femme ad uit è re. retirerfa femme dn Refugê oü eile avoit été mife. Après le décès du fieur Gars, Marie Joifel crut qu'elle pourroit être autorifée a demander fa Iiberté, puifque la perfonne intéreffée pour la lui contefter' Ji'exiftoit plus. Mais le tuteur de fes enfants s'y oppofa, fecondé par les parènrs paternels. D'un autre coté , fa familie la foutint. En cet état,le fieur Thome, médecin de la faculté de Montpellier, établi 3. Lyon, vint jouer un róle extraordinaire.il demanda la Iiberté d'époufer Marie Joifel. On imprima, dans le tems, en un petit recueil, les plaidoyers des avocats j & même celui de M. Talon. C'eft d'après cet imprimé, que je vais les rapporter. Me Fournier commenrra fon plaidoyer en difant , que le fieur Thomé 1'avoit chargé de faire un compliment a la Cour, & lui demander en mariage une femme dont il n'y avoit que le Parlement qui put difpofer, comme étant le feul maitre de fon état & de fa liberté; qu'il ne feroit pas long, paree que , dans ces fortes de demandes en mariage, le compliment le plus court étoit toujours Ie meilleur, & qu'il de-  Fèmme adultère. 11 ? voit feulement confifter a faire 1'éloge de celui qui fe préfentoit pour époufer «ne femme, Sc a remarquer, en même tems, les bonnes qualités de celle dont ilfaifoit la recherche: que le fieur Thomé étoit un médecin le plus employé, & de 1'unedes meilleures families de la vil le de Lyon: que la demande qu'il faifoit étoit d'autant plus favorable, que ce n'étoit ni le bien ni les richeffes qui le faifoient agir en cette occafion, puifqué 1'arrêt qui avoit condamné Marie Joifel, lui êtant fa dot & fes conventions matrimoniales, ne lui avoit lailfé, pout tout patrimoine, que les larmes Sc la douleur en parrage; qu'enfin il efpéroit que la Cour lui permettroit d'exereer la plus haute charité chrétienne qui ait jamais paru dans aucun ttibunal de juftice: qu'on ne pouvoit alfez exagérer les qualirés de celle qu'il demandoit pour femme; que, par onze ans de pénitence, elle étoit devenue un modèle de fageiTe Sc de dévotion: qu'une vie fi exemplaire étoit une dot, qui, venant de la main de Dieu, étoit inrinimenr plus précieufe que celle que les hommes qui lui avoient otée. Me Tournier plaida enfuite lesmoyens fur lefquels étoit fondée la demande drt  ■ ï t (> Femme adukerè mariage, & de la Iiberté qu'on ne poïf* voir refufer a Marie Joijel: «s füW aufli employés par Me Vtnctot qui park pour elle rvoici fon plaidoyer. Mèffieurs, comme k libetré elf le plus grand & le plus précieux de tous les biens, tl eft bien naturel que Marie Joijef en ayant perdu 1 ufage depuis onze ans, fe jetre entre les mainsde fhymen qui la lui préfente, pour la lui faire recouvier, & pour la rérablirdans un aroit que la nature lui aVoit acrordé & que la févérité de fóri mari lui avoif ravi. Le fieur Thomé, touché de cette dilgrace, demande i 1'époufer, afin que nonneür d'un fecond mariage couvre les taches honteufes dont un premier rnan a fletn fa réputation; taches qu'elle a commencé i laver par la vie exemp aire qu'elle a menée dans le lieu oü elle a eté enfermée. L'avocat lut deux certihcats qui prouvoient cette vérite. L un étoit de k fupérieure du Reruge5 & 1 autre du fieur Leblanc prêtre chargé depuis plufieurs aftffées, de k d.reóhon fpirituelle de cette communaute> II lut enfuite le confenrement que les parents de Marie Joifel lui avoient donné de fe retirer oü elle ,W rort a propos, ö  Femme adultère. 117 Voila , dit-il., des confentements pour fa Iiberté. Quant a fon mariage, elle n'a point d'autre partie que M. le procureurgénéral,qui ne lui en refufera pas la permiifion, puifque fi demande eft fon-» dée fur la loi de Dieu, fur celle des hommes, fur celle de fa familie, Sc fur J'expiation qu'elle a faite de fon crime. Par la loi divine, le mariage eft prefcrit aux hommes, pour la génération des enfants, Ce prccepte eft répéré en plufieurs endroits de la Genefe. Un fcavant commentateur en rend cette raifon : c'eft, dit-il, paree que Dieu ayant pris plaifir a créer Thomine a fon image & reifemblanee, il fouhaite qu'il lui donne des créatures oü cette image fe mulriplie Sc fe perpétue._ La loi de la pohtique imite en cela |a loi de Dieu ; ellefavorife le mariage, qui donne des hommes a la république, Sc des foldats au prince. Plufieurs loix Ie ordonnances onr donné de grand? privileges aux maris féconds. Nous trouvons la preuve de la confidération qu'on a toujours eue, en France , pour Ie mariage, dans un arrêr du 11 février 1515, rapporti par Papon , qui permit a une femme d'époufer un homme condamné au dernier fuppUcs 5  ï 18 Femme adultère. la fainteté du mariage mit ce criminel a 1'abri. Les loix civiles &c canoniques n'interdiient le mariage qu'a ceux qui font ' dévoués a Dieu par un vceu folemnel J ou a desperfonnes impuiiïantes. La de- i moifelle Joifel ii« s'pfl- pn,»^» „.,,.„., cun vceu a 1'églife; elle n'eft %ée que de trente ans. L'arrêt qui 1'a condamnée ne peut apporter aucun obftacle , par deux raifons ; la première, que le fieur Gars qm 1'aobtenu, & qui f&J-. comme man, pouvoit pourfuivre fa femme n'eft plus au monde : la feconde eft jonde-e fur la différence qui eft entre 1 adulrere & les autres crimes. A l'égard des derniers, M. le procureur-général en peut demander la vengeance en tout tems: mats, a l'égard de 1'adultère, le ülence & le repentir du mari fontcefier toutes fortes de plaintes. Tant qu'il a vecu5il aeu Ie giaiv? de Ia juftice i Ia mam, il a pu empêcher fa femme de recouvrerfa iiberté. Mais peut-être eftri mort au moment oü, fa vengeance fatisfaite, li alioit lui pardonner, & la raire lortir de Captivité. D'ailleurs A « faut pas appréhender qu'il pene IWur aefon tombeau pour venir  Femme adultère. 119 dire : je ne veux pas que ma femme fe jremarie. Un man more fait place aun iinari vivant. Quant a la fatisfaófcion qu'elle a du ii faire a la juftice , elle a rempli cedevoir, • Elle a fait pénitence pendant onze an. nées.Elle croit que Dieu lui apardonné, Sc ne révoquera point cette grace. Elle < efpère que la Cour lui pardonnera auffi, : puifque celui qui exatoit fa tolère, ou mterceptcit les effets ,cle fon iiuiul; gence, ne lui demande plus rien. Si Dieu & la juftice foTit défintérefI fés, fes parents le font auifi. Hs Tont I rendue maitreife de f nfort: Sc lui ont permis de difpofer de fa main. Enfin , fon honneur,, celui de fesenfants, de fa familie, dépendent de fon mariage & de fa Iiberté. Un mari a caufé tous fes malheurs; un mari les lui fair oublier: le mariage, qui lui fut fi funefte, devient fon falut: elle trouve le port ou elle a fait naufrage, Sc un abri affuréconrre le danger qu'elle a éprouvé. Si vous lui accordez la grace qu'elle vous demande, etle n'oubiiera jamais cette alliance que vous férez de 1'humanité avec la juftice, Sc elle confervera une éternel'e tecon«oilfance pour le mari qui eft fon libé-  £ 20 Femme adultère. rateur. La Cour rendit 1'a.rrêt qui fuit: « Ayant égard a la requère du fieur >, Thomé, permet aux parties de con„ tracter mariage: & a cet effet crdonne „ que les articles du contrat de mariage feront fignés a la grille du Refnge oü f, eft Marie Joifel, laquelle, après la ,, publication des trois bans, fera con,, duite du Refuge en la paroiife dudi.t j, lieu par Dumur, h.uiffier a la Cour, „ qui s'en chargera, pour, en fa pré„ fence , être procédé a la célébration ,, dudit mariage ; ce fait être remife ,, entre les mains de fon mari; quoj faifant la fapérieure en demeurera j, bien & valablement déchargée. Faic „ en Parlement le 29 janvier 1•>. Le tuteur des enfants mineurs de Marie Joijel forma oppofition a cet arrêt : les parents paternels & maternels intervinrent, les paternels pour s'oppofer au mariage, & les maternels pour I'approuver. Voici les moyens que mirent en cegvre le tuteur & les parents paternels. II s'agit de fcavoir fi une femme qui a vécu dans un conthiuel adultère dans laprifon même oü elle étoit détenue, $c après fon évafion des Madeionnettes, & qui, pour réparation de ce crime, a été  I Femme adultère. 121 | été condamnée a être authentiquée , peut prétendre que fa peine foit finie par la mort de fon mari, 8c demander d'être affranchie de cette peine fous j prérexre du mariage qu'un particulier d veut bien contracter avec elle. La feni| tence de condamnation, du 14 feptembre 1672 , porte « que Marie Joifel fera « mife dans un couvent au choix de fon i s> mari,pour y demeurer pendant deux n ans en habit féculier, pendant lefI n quels il pourra la voir, & même la » reprendre; 8c au cas qu'il ne laprenne » pas après les deux années ,y être rafée 1 » 8c voilée pour le refte de fes jours, I v> 8c y vivre comme les autres religieuq » fes ». Cette fentence a été confirmée 1 par un arrêr rendu le 9 mars 1673 , au t| rapport de 1VL Hervé: cet arrêt a été l cxécuté (1). (1) La condamnation eft conforme al'au).! thentique. Sed hodic adttltera verberata in Mo(\naflerïum mittatur, quam intra biennium viro \ recipere licet: bïennïo tranfaclo , vel viro priuf\ quam redaceret ream mortuo , ibi , dkm vivit, \permaneat. L. 30, Auth. Sed hodiè. cod. ad j legem Juliani de adult. Jubemus adulteram mu\lierem, competenübus vulneribus fuba&am , in d Monafterium mini : & fiquidem intra bienniurn \recipere eam vïr fuus volueru, potcflatem ei I damus hoe facere , & cepulari ei, nullum peri- Jome X F  122 Femme adultère. II y a eu depuis un autre arrêt qui a ordonné qu'elle feroit. renfennée dans le Refuge : c'eft le lieu d'oü elle demande la Iiberté de forrir, pour contracter mariage avec un médecin. . 11 y a incompatibilité entre la peine a laquelle elle a été condamnée, Sc le mar riage qu'elle va contracter. Sa peine , expreffément prononcée par le jugement, eft d'être renfermée, le refte de fes jours, dans un monaftère, pour y vivre comme les autres religieufes. Nul état plus contraire a certe peine que celui du mariage: Sc fi on accordoit ce que Marie Joifel demande , fa peine , qui devroit être aufli longue que fa vie (i), ferok terminée par cette voie. Pour faine finir cette peine , il faudroit, i °. révoquer les arrêts qui ont été jufqu'a prcfent exécutés, contre lefquels il n'y a. point d'ouvetture, ni dans culum ex hoe metuens, & nullatenus proptered , qua in medio temvore fciïa funt,nupdas Itzdi: Ji verb pra.diB.um tempiif tranfiverit, aut vir, priufquam reeipiat mulierem, moriatur , tonden eam , & Monaflicum babuum a'.cipere , & habitare, in eo Monafcerio in omni propriet vita tempore. Nov. 134, cap. fi quandö. (1) C aflaad temporum meorum convenit,de pudchid damnatam in pecnis legithnis perjevee rare. L. 9 4 c. ad leg. Jul. de adult.  Femme adultère. 12,3 Ia forme, ni dans le fond, ni lieu a une révifion de proces. Secondemenr, on révoqueroit une peine prononcée en connoiflance de caufe; puifque, fuivanr 1'ufage, elle a été interrogée en la Cour fur la fellette, dans 1'appel qu'elle a interjerré de la fentence qui 1'a condamnée. La révocation de cet arrêt eft une grace qui excède le pouvoir des magiftrars: elle ne peut émaner que de la fouveraineté : c'eft le privilege le plus elfentiel des fouverains; c'eft, pour ainfi dire, le plus beau fleuron de leur couronne (1 j. D'ailleurs, il feroit d'un pernicieus exemple dans le public de donner lieu , aux femmes que 1'adultère a retranchées, pour ainfi dire, de la fociéré civile , d'efpérer que les peines auxquelles elles onrété condamnées, pourroient finir avec la vie de leurs maris; paree que ce feroit leur infpirer le defir de s'en délivrer par le fer , ou par le poifon ; & cette crainte retiendroir les maris dans le filence, & les forceroir de diffimuler les défordres de leurs fem- (1) Voyez M. le Bret dans fon traité cle rautorité des loix , 1 4 , chap. 6. Bodin en fa république, liv. 1, page 173. F ij  124 Femme adultère. nies, & le plus cruel affront qu'ils puiffent recevoir. On oppofe que, dans le fait particulier, 1'arrêt n'a point été exécuté : après les deux années elle n'a été ni rafée ni voilée. D'ailleurs, dit-on, fi elle s'étoit remariée après la mort de fon mari, fon mariage feroit valable. D'oül'on conclud que les crimes dont elle étoit convaincue, & les peines auxquelles elle a été condamnée , ne peuvent apporter aucun empêchement dirimant. On répond qu'on ne peut fe prévaloir des démarches du mari, & qu'il a fait tout ce qui dépendoit de lui pour faire exécuter 1'arrêt. II n'a point eu la lacheté de reprendre fa femme; il a confommé le choix que 1'arrêt lui donnoit d'un couvent pout la renfermet, pn choififfant la maifon des filles de la Magdeleine. Après fon évafion de ce monaftère , ayant découvert le lieu de fa retraite, il 1'a fait arrêter & 1'a fait renfermer dans le Refuge , oü la Cour avoit ordonné qu'elle feroit mife. Le furplus de 1'exécution de 1'arrêt ne concerne point le mari :1a cérémonie du voile n'eft point de fon fait. Les deux ans paffés, s'il n'a pas repris fa femme, on exécute 1'arrêt fans exiger-  Femme adultère. 12? de lui aucune déclaration : s'il mouroit dans le cours des deux années, il s'exécuteroic également: Biennïo tranfailo 3 vel viro , priufqudm reduceret, mortuo , adultera tonfa , monajlico habitu capiO 3 ibi, dam vivit 3 permaneat. On jugea, les deux années étant expirées, au Parlement de Bourdeaux, par arrêr de 1'année 1674, rapporté parlapeirere let. A, que la femme condamnée feroit fuftigée de verges par la fupérieure du monaftère oü elle avoit été irenfermée,& qu'elle feroit tondue 6c voilée : on -n'exigea point de déclara: tion du mari. II n'y a ni loi ni ordonaiance qui prefcrive d'autres formalités; de forte qu'après les deux années, la femme devient efclave de la peine: c'eft a la fupérieure feule a faire exécutet le refte de 1'arrêt. II faut obferver que le lieu de fa détention a été prefcrit par un arrêt, & qu'au lieu d'un couvent, paree qu'il étoit impoilible d'en trouver un dans lequel on voulüt recevoir une femme li corrompue , il a éré ordonné qu'elle feroit renfermée dans le Refuge. Ce n'eft pas un lieu régulier; il n'y a point de religieufes: donc il ne s'agifloit plus de fcavoir fi elle feroit voilée, & ft elle F iij  Iifj Femme adultère. feroit tenue de vivre régulièrement comme les autres religieufes; il ne reftoit plus, de la peine de fa condamnation , qu'une cloture perpétuelle , dans laquelle fon mari 1'a tenue renfermée jufqu'au jour de fondécès. D'ailleurs, on peut dire que 1'habit qu'elle porte lui tient lieu d'habit de religieufe. Les femmesqui font dans le Refuge font vêtues en pénitentes: elles ont des habits noirs a grandes manches, avec une jupe grife: leurs cheveuxfont rafés, ou cachés. Un habit de pénitente peut bien remplacer celui de religieufe : il eft même plus convenable a fa peine. Elle ne mérite pas d'être confondue avec des filles qui ont volontairement renonce au monde & afes plaifirs, pour faire des vceux de chafteté. Pelage, qui occupoit le faint Siège en 5 5 5 ,n'approuvoit point qu'on enfermat les femmes impudiques avec les religieufesrqu'on mêlat ainfi une petfonnequi a violé fa chafteté,avecdes vierges: une perfonne fouillée, avec des filles qui ont toute leut pureté; une perfonne corrompue , avec celles qui ont leur vertu dans fon iutégritc: une adultère,avec celles qui font jaloufes de leur chafteté, dc qui font confacrées a Dieu :  Femme adultère. 127 Ad quid devirginata cum virginibus , polluta cum puris, corrupta cum integris , adultera cum ca/lis, & Deo d'icaiïs i II y auroit du danger d'introduire, dans unecommunauté de religieufes,des femmes condamnées, qui pourroient corrompre leur innocente & leur pureté, en excitant leur curiofité, en leur réyélant des myftères qu'elles ignorent, &c réveillant des defirs que la vertu a étoufFés. Quand on dit que les peines pronqncées contre Marie Joifel n'ont point formé, contre fon fecond mariage , un empêchement dirimant,on hafarde une propofition contraire a la jurifprudence des arrêts. Laqueftion aété décidée au Parlement de Dijon. L'arrêt eft rapporté par Fevret 3 liv. 5 , chap. 3 , n. 15. Voici Phiftoire que cet auteur raconte : Simon N. feigneur de Saint-Cyr, époufa Marie N. douée d'une beauté ravilfante , & en eut trois enfants. Un gentilhomme fut attaqué devant la maifon du fieut de Saint Cyr, & fut fi maltraité, qu'on le laifTa pour mort fur la place. On lerecut : dans le chateau avec beaucoup d'humanité. II fut frappé de la beauté de la 1 dame, tout malade qu'il étoit, tk en fut F iv  I 28 Femme adultère. frappé bien davantage quand il fut guéri. II bi eut bienrót communiqué fa pafïion; Sc violant, paria plus noire mgratitude, les loix de 1'hofpitaiité, il féduifit la dame & Penleva. II fe réfugia fucceftïyement dans plufieurs retraires. Le mari pourfuivit fa femme en juftice, trouva le moyen de la faire prendre, & la conftitua prifonnière a la concier^erie du Palais a Paris. Arrêt intervintle 20 janvier 161 z, qui la condamna a la peine de Pauthentique t elle fut-conduitedans le monaftère des Elles repenties: elle fut rafée , totfdue, vêrue d'un habit re~ ligieux. Six femaines après, elle débau. cha deuxreligieufes, & s'évada du monaftère avec elles. Le mari fit informer de 1'évafion, Sc mourut avant Pinftrucrion du procés. Alors la femme ayant féduit un jeune homme de familie, elle Pépoufa a Paris fans publication de bans, en préfence de perfonnes fuppofées , qui fe difoient parents de fon mari. Les parents du jeune homme appellèrent eomme d'abus de ce prétendu mariage, & firent renvoyer le procés au Parlement de Dijon. Ils alléguèrent que ce mariage n'avoit pour hv.t que de rendre illufóire Parrêt qui ordonnoit qu'elle feroit réclufe Sc renfermée aperpécuité j  Femme adultère. 129 que cette condamnation emportoit mort civile; que les loix romaines, avant que 1'adutère fut puni de mort, marquoient d'une telle infamie la femme condamnée pour ce crime, qu'elles ne lui permettoient plus de contracter mariage ,. & même puniffoient celui qui la prenoit pour femme (1); que cette temme, quoiqu'elle ne fut pas religieufe, n'avoit plus la puilfance de fon corps, ni fa Iiberté. Quant au corps , il étoit confifqué par cette efpèce de mort civile. A l'égard de la Iiberté, abfolument néceifaire pour le mariage , elle 1'avoit entièrement perdue (2); qu'il lui falloit une abolition du prinee, ou des lettres de commutation de peine; Arrêt intervint,le dernier janvier 1(534, déclara le mariage nul &C abulif, & ordonna que cette femme" feroit rétablie dans le monaftère des filles de Sainte-Marie de Paris-; telle- (iy Is in-Legem cortmittit qui puMici dam-natamadulterii recipit in uxorem. L. fine metu,, e. de adult. Barnabas Briffon , de jure con1 nubiali. ( 2 ) Quia paniz fervus nrquè voïuntatew # mquè jus eligendï, aut cenfentiendi Ubertatem .habere poterat. CujaciusObfervat.. libv jj, ;eaD,.ro, I*  130 Femme adultère. ment, dit Fevret, que la femme quiij fut condamnée a la peine de l'authen--j tique, n'ayant point été retirée pendantt les deux années par fon mari, ne pou- voit plus, après la mort de ce même; mari, fe fouftraire a la peine qu'elle: avoit méritée, ni quicter le monaftère out elle avoit été ré'clufe, pour palfer a un 1 nouveau mariage. On accufoit encore cette femme adul- ■ tére d'avoir voulu attenter a la vie de \ fon mari. Marie Joifel, dit-on, avoit: fait prendre au fien trois fois dupoifon;, êc comme il eft mort a quarante-quatre ans, on avoit lieu de préfumer que ce venin avoit fait fon effet. Ms Fournier} répondant a 1'avocat du tuteur, dit que, puifque la Cour, par 1'arrêt qu'elle avoit rendu en con- j noiffance de caufe fur la réquifition des gens du Roi, avoit autorifé 1'union de ceux pour qui il parloit, en leur permettant de conttacler & célébrer le mariage, il ne devoir pas crainclre que J 1'oppofition du tuteut & des parents paternels put réuffir; que la Cour fera ! indignée de cette entreprife, quand elle fe préfentera ce tableau infame ou 1'on : a dépeint une mère chargée de tout ce que raflaftinat, le poifon & 1'adultère ont de plus etiminel & de plus odieux;  Femme adultère. 13 T que pour commencer ce tableau on :avoit mis le pinceau a la main a fes I propres enfantsj que pour le travailler &c le finir on leur avoit fait employer ilescouleurs les plus noires, pour former ! 1 les ttaits les plus horribles que Tart 1 puiffe inventer. I Cette caufe eft fans exemple : c'eft la première fois qu'un tuteut a abufé,avec ■. tant ci'emportement,de la voix du fang, !: Sc a foulevé des enfants avec tant d'im: 1 piété contre leur mère.Mais les fentimens II que la nature grave dans nos cceurs, en i ! les formant, le refpect Sc la reconnoifi i fance qu'elle nous infpire pour nos pa- i rents, ne permettent pas de préfumer : t que les rilles de Marie Joifel aient part j au tableau que 1'on vient de tracer de j leur mère. Ce tuteur , fe défianr de fes forces, demande le fecours de ttois ou quatre parents paternels , qui fe mêlent indif: crérementdanslecombatavec lui. Mais, : comme la guerre qu'ils foutiennent eft 1 injufte, & que les armes donr ils fe fervent font aufti foibles que honteufes , \ leur défaite, qui les couvrira de confui fion, fera très aifée. Que de raifons naturelles Sc politiI ques concourent a faire voir la(juftice de F vj  13 2- Femme adultère. la demande de la Iiberté du mariage-! ït eft de Pintérêt public que ceux qui font; nés libres ne perdent pas irrévocablement ce bien précieux que la nature a= donné : on ne peut les en dépouiller pour toujours fans injuftice& fans crime. II eft de rintérêr poütique que les. mariages, qui donnent des fujers aux Princes,. des créatures a Dieu,,.& des membres ad'Eglife, puiffent être librement contract-és; & ceux qui veulens s'y oppofe.r,.a moins. qu'ils ne. faffent voir des obftacles légitimes , font coupables de plufieurs hommicides, dont le nombre fe compte par celui de.s. enfants qui auroient vu le jour, fi on nes'étoit point oppofé a leur. naiifance,. La première des raifons que 1'on vient d'annoncer, eft tirée d'une loi que Dieu. lui-même a prononcée par. la bouche ds celui de tous fesApottesauquel il a communiqué le plus de lumières & de conr noiffances. Saint Pd«/, parlant aux Romains dans le chapitre 7, aprécifément borné, a la.vie du mari5,la puiffance qu'il avoit fur fa femmei.ne voulant pas qu'a* prés fa mort on püt faire, revivre fon autorité éteinte, pour la continuer con.-tre la femme qui le.furvivroit..  Femme aduhère. T 3 j Le fecond verfet du chapitre 7 Ie deelde formellement par ces termes qui 1 font dignes de la majefté de 1'audieuce : Nam qu& fub viro ejl muiier t yivente viro }.aüigata eft Legi : fi autem mortuus fuerit vir ejus ,/oluta eft d legi viri: la femme qui eft fous la puilfance du mari lui eft attachée par le lien de la loi y mais après la mort du mari elle eft ! libre.. Ec comme fi ce judicieux & fcavant Avbzve, pénétré de cette vérité qui lui étoit infpirée par le premier de tous les légiflateurs , eut cru qu'il ne s'étoit pas~ nettemeut expliqué, il reprend , dans. le verfet fuivant, la même doctrine „ pour en conclure en pbilofophe & en. jurifconfulteIgitür vivente viro vocabitur adultera , fi fuerit cum alïo viro ; fi autem mortuus fuerit vir ejus ,tliberata eft a lege viri. Ainfi, pendant la vie du mari, elle aura le titre odieux d'adultère, fi elle a commerce avec un autreliomme; mais, par la mort de fon man, elle recouvre fa Iiberté.. Cette jurifprudence, qui eft puifée dans la fource fér j conde des loix, cette décifion,émanéede la nature même des chofes, ne peut ; êtrechangée par toutes les. fubtilités des, j juüfcoruukes, ni par l'aveuglementdes,  134 Femme adultère. enfants, ni par la malice des parents d'un mari qui n'eft plus. La mort a fes droits , aufli-bien que la vie. Tant qu'un mari eft vivant, il n'eft pas jufte que fa femme, pour 1'avoir trahi, devienne, a Ia confufion de ce mari& la femme d'un autre: fa douleur tk fa vengeance ne peuvent finir qu'avec lui. Mais,dès le momentquela mort 1'a enlevé a fa douleur & a fon reftèncimenr, elle affrancfiit la femme de 1'efclavage auquel il avoit le pouvoir de la foumettre pendant fa vie : & quand il n'eft plus au monde, fes enfants ni fes héritiets ne doivent pas compter dans fa fucceffion, & parmi les biens de fon patrimoine , les chagrins qui lui étoient perfonnels, tk qui font enfouis avec lui dans fon tombeau. Auili le fcavant Grotius, fur ces mots de S. Paul, foluta eft d lege viri , dit fort a propos id eft, dpcena adulterii. La mort du mari eft une abolition & une amniftie pour la femme qui lui furvit. Après cela, peut-on s'arrêter a deux aftes fous feing-privé du fieur Gars ? II a rranfcrit, dans fon cabinet, I'authentiiquefedkodiè, & après une fombre & noire médiration, il a mis au dos de cette authentique : eft lex de Maria  Femme adultère. 13^ Joifel3quam,me mortuo,fequi volo. C'eft une loi pour Marie Joifel, que je veux qui foit exécutée après ma mort. C'eft ainfi qu'il s'érige en magiftrat dans fa propre caufe. Mais lui, qui parloit, pour ainfi dire, la loi a la main, ne devokil pas fcavoir que fa magiftrature, auflibien que fon pouvoir, nniflbk avec fa i vie ? Dans le fecond acte, il dit qu'il pardonne a fa femme, mais que c'eft fans préjudice de fa fentence & de fon arrêt. C'eft comme s'il lui difoit: je lui parf donne fans préjudice de ma vengeance.^ "Quoi qu'il en foit, ce n'eft pas le mari qui dok décider, après fa mort, du fort de fa femme; c'eft la lol: elle borne a i la vie du mari la puiflance qu'il a fur . fa femme. Secondement, Marie Joifel n'eft point ' efclave de la peine. La cloture perpétuelle , non plus que la prifon, ne font point regardées comme des peines parmi ■t les Francois. Nous avons, en cela, fuivi la difpofition du droit civil dans la loi aut dam, num ,jf. de pcenis , qui ne vouloit pas que : la prifon fütimpofée comme une peine aux condamnés. L'empereur Adrien en avoit fait un edit particulier, qui ejt  Femme adultère. conftgnédans la loi Mandatum a.a même tirre. L'empereur Antonïn , dans la loi 6, au code de pcznis, va plus loin , il dit qu'il ne peur pas croire qu'on ait jamais condamné un coupable, non pas même un efclave , a une prifon perpétuelle. De tour cela, il faurrirercerte conféquence , que la clórure forcée dans un convent, étant une vérirable prifon, 8c n'érant point une peine , ni du droit eivil, ni de norre droit francois; les juges, qui avoient prononcé que Marie Joifel demeureroit en religion, peuvent 1'en faire fortir. On renietaifément une peine qui n'eft ptefcrite par aucune ordonnance : particulièrement en matière d'adultère. Les condamnations poür ce crime dépendent plus du fait que du droit, fuivant M. Louet & fon commentateur, lettre A, n. i 8 , & fe pK> noncent, dit Anne Rohert [i), exvariiseau/drum jiguris* (r) Anne Robert étoit fils de Jean RoEert-r profefleur en droit a Orléans, fa patrie. Le pere publia quelques ouvrages qui lui donBèrent de la réputation. II fit imprimer, a Orléans, en 1567, Receptarwn leüionum lib'ri II, oü il relève plufieurs correftions des loix. Sojnainss,: propofées par le. célèbre Cujas,.  Femme adultère. 137 - II y a bien plus lieu encore de remettre cette peine, quand il intervient des raifons nouvelles qui n'avoient pas pu être prévues lors de 1'arrêt de condamnation. C'eft ce qui eft arrivé ici. Premièrement, lors de 1'arrêt qui avoit condainné Marie Joifel, la Cour Celui-ci lui répondit dans fes obfervations. Robert, en 1579, quitta 1'objet de la controverfe,pour fe livrer aux injures perfonnelles, dans fon troifième livre d'AnimadvcrJions. £«;\z.f, fous 1,1e nom ó'Antoine Mercator, lui répondit en 1581 , & Robert répliqua par d'autres notes'en 1582 , in-40. Anne, ( Annceus ) Robert fon fils, fut avocat au Parlement de Paris. II exerca fa profeflion avec diftin&ïon. On a , de lui, quatre livres, Return judicatarum , qui font fort eftimés. C'eft un recueil d'arrêts norsbles du Parlement de Paris, & du Grand-Confeil. Les moyens y font bien expofés: c'eft un tiflu d'érudition& de citations choifies. L'auteur le compofa en latin aflezélégant. Tournet 1'a traduit en francois. Anne Robert a aufli fait quelques notes fur le droit. II eft mort depuis 1610. Dar.s le chapitre X du livre 4 de fon recueil d'arrêts, il combat vigoureufement I*ufage abufif du congres. Mais ,pour en dégoüter, il tracé aux juges qui 1'ordonnoient, 1 & qui yaffiftoient, les tableaux les plus lafcifs & les plus voluptueux : les expreifions .grofiïères n'y .font pas employées ; mais elles fori,t fuppléées par des tours plus propres a . corrompre 1'imagination.  138 Femme adultère. ne pouvoit pas prévoir que la femme : furvivroic le mari : au contraire 1'arrêt : fuppofe que le mari furvivroit fa femme. Ce cas eüt été ie iüjet de la continuation de la peine contre la femme,Ij pour la fatisfaction du mari. La feconde raifon nouvelle eftlalongueur des peines & des fouffrances que fa femme avoit endurées depuis onze]! ans de religion & de pénitence. La troifième raifon nouvelle,qui ne pouvoit pareillementêtreprévue,lors de II 1'arrêt de condamnation, eft que la Cour Ij neprévoyoirpasque,le mari étant mort, on re^her heroit fa femme en mariage. 1 Or, pour empcêher , par provilion, I qu'un mariage ne puilfe êrrecélébré, il II faut avoir les mêmes raifons qui feroient j nécedaires pour le rompre s'il avoit été 1 fait. Voila le vérirable point de vue de 1 la caufe. Expliquons cela nettement & || foüdement, en rappellant les véritables 11 maximes que nóus enfeignent, fur ce ij fujet, le droit civil & le droit canonique, !| la difcipline de: 1'églife, & notre droit francois & Quant au droit civil, on ne rappellera point les différents réglements qu'il 1 contient touchant les peines qui fe prononcoient contre les adultères. II fuffira I  Femme adultère. 139 d'obferver que, par le dernier droit, qui eft celui des novelles, pat Fauthentique fed hodiè , la peine de la femme adultère confiftoit a être privée de fon bien , & a être enfermée dans un convent. Sa rigueur, que le pape Pélagc a blamée , ne va pas plus avant: de forte que, quand nous fuppoferions que cette caufe fe devroit juger fuivant la rigueur de cette authentique, rien ne s'oppofera ala Iiberté que la femme, quoique condamnée pour adultère, prétend juftement avoit de contract-er mariage , quand fon mari eft décédi. L'aurhentique ne dit point qu'une femme convaincue d'adultère ne pourra jamais fe remarier. Les loix pénales, comme eft cette authentique , ne font point fujettes a extenfion : au contraire, comme ce font des décifions odieufes, elles doivent être reftreintes & limitées, fuivant l'opinion des jurifconfultes &C I des empereurs. Si le droit civil, dans fa dernière jurifprudence, note point a la femme adultère la faculté de fe remarier, la ; loi canonique, qui eft celle que nous ' fuivons pour les mariages , ne lui eft : pas moins favorable. Nous pouvons dire même, fur ce fujet, que la loi cano-  ï4° Femme adultère. nique a pour fondement la loi de Dieu. Lecritiire nous apprend que Dieu commande au prophéte Oye'e d epoufer une femme de débauche : le prophéte lepoufa,&il en eut trois enfants. C'eft-1 dela que font venus les enfants d'Ifraè'1, dont le nombre, felon la parole du Seigneur, doit furpaffer celui des grainsde fable (i) de la mer. Dixit Dominus ad O^ee; vade, fume tilt uxoremfornkationh, & fac tibifilios fornieationum. Le précepte que Dieu donna a ce pro- \ phète ( qui a été exécuté) eft peut-être lefujet pour, lequel le pape Clement III compte, comme une grande ceuvre de charité, celle de fe choifirpour femme, dans un lieu de débauche, une perfonne qui eft actuellernent dans une proftitution publique. II veut méme qu'une. aétion fi chrétienne foit fuffifante pour obtenir la rémiffion de fes fautes; paree qtfelle met dans la voie du falut celle qui marchoit dans le chemin de la perdition (2). (1) Ozée chap 1, v. 1, & 2. Et an V. 10. Et ent numerus filiorum Ifraïl quafi arena, mans qua.fine menfurdeft'; non numerabltur. (2) Inter opera charitatis non minimum ejl  Femme adultère. 141 Snivant la décifion de ce Pape, bien loin qu'il y ait quelque chofe a redire dans un manage que 1'on conttacfe avec xes victimes d'infamie qui ont un écriteau iurle front, il élève hautement la vertu de ceux qui les époufent. Que peut-on donc ttouvet a redire dans le mariage que la Cour a permis au fieur Tho.mé èe célébrer avec Marie Joifel ? 11 la trouve dans un lieu faint, oü elle fair, depuis dix ans, des exercices de piété & de vertu. Le couvent de fainte Pelagie eft la prifon oü, pour parler le langage de 1'écriture, elle mange le pain de tribulation & boit de 1'eau dt douleur (1). f: Depuis ce long efpace de tems , elle lave fes fautes paffées dans les larmes qu'elle a continuellement vetfées, comme une véritable repentïe. Ce n'eft plus aujourd'hui ce vaiffeait corrompu par les ordures du pêché : trrantem de erroris fui femita revocare. Statuimus v.t omnilus qui publicas mulieres de lupanari \extraxerint, dtixerint inuxores, quod agunt, in \remiJJlonemproficiatpeccatorum. De fponfalibus .& matrim. cap. 10. (1) Mitte eum in carcerem , & fubflentate cum ipane iribulationis & aqud an%ufli(£, Liv. 3 5 de$ Rois, chap. %%, ^r. 27.  142 Femme adultère. c'eft un vaiffeau purifié par les eaux falutaires de la pénitence & de la grace. Le pape Innocent UI, confulté lür la queftion de fcavoir fi un muet & un fourd peuvent contracter mariage avec d'autres perfonnes > répond précifément que leur mariage eft valable. La raifon qu'il rend de fa décifion eft celle qui doir ajourd'hui fervira décider notie caufe. On doit convenir, dit ce grand pape, qui étoit en même tems grand jurifconfulre, que Pédit qui permet, ou qui défend de contracter mariage, eft un édit prohibitoire : il faut donc voir, continue-t-il, ü , dans le nombre des empêchements , marqués par le droit, le défaut de la parole ou la furdité y font compris; & après avoir montré que Pédit n'en a point parlé, il conclut que le fourd & le muet peuvent valablement fe marier (i). L'application de cette décifion fe fait (i) Cup. cum apud. ext. de Sponf. & matrim. Sane , confuluijli nos, utrum tnutus & furdus alicui pojjint matrimonialiter copulari. Ad quod taliter re/pondemus quod, cum prohibitorïum fit ediBum de matnmonio contruhendo , ut quicumque non prohibetur, per confequentiam ad/tut' tatur, &e.  Femme adultère. 143 tont naturellement a la caufe. Raifonnous conformément a la méthode de ce pape. Voulons-nous fcavoir fi une femme, condamnée pout adultète, fon mari mort, peut en époufer un autre : voyons h ce cas eft compris dans le nombre des obftacles & des empêchements que les loix & les canons ont propofés pourrendre les mariages nuls \ & puifqu'd n'y a point de loi, ni civile ni canonique, point d'ordonnance qui défende a une femme adultère de fe remarier quand elle a perdu fon premier mari, concluons hardimenr qu'une femme adultère a la Iiberté & la faculté toute entière de fe choifir un fecond mari, au lieu du premier qui n'eft plus (1). Le droit civil & le droit canonique font donc favorables a Marie Joifel. Le droit francois parle encore pour elle avec plus de force. Les loix Romaines ne nous fervent de loix que par 1'aurorité que la raifon a fur nous, qui feule nous fert de guide (1) Ad quod tali'ïr refpondemw., quod cum. \próhïbïlorïum fit cdielum de matrimonïo contra\hendo , ut quicnmquc non prohibetur ,per confc \ qu.ntiam admïttatur.  '144 Femme adultère. Sc de règle. Les peuples d'Italie qui, fuivant la décifion de la Rote, fe font honneur de fuivre les loix Romaines , Sc qui, dans I'amour conjugal, fe diftinguent des autres nations par la jajoufie qu'ils portent jufqu'a la fureur, ont généralement abrogé toutes les peines capitales contre les adultères: ils ne les puniflent que d'une amende pécuniaire ; encore faut-il, pour cela, que ce crime foit accompagné de quelques circonftances qui aient trait a quelqu'autre crime 5 Sc fi cela ne s'y rencontre point*, on en lailfe la punition a Dieu. C'eft la remarque de Julius Clarus, ce fameux crireiinalifte , fur le §. aduherium. Il rappelle fort a propos ces paroles du fatyrique, qui s'écrie , ubï nunc Julia dormis: la loi Julia, qui condamnoit 1'adultère k une peine capitale, n'a plus de force. En France on n'obferve pas exadfement Fauthentique dans toutes fes difpofitions. Par Ia loi quamvis, 1'homme adultère eft puniflable de mort: on n'eft pas fi févère en France : jamais adultère n'a fouffert de peine capitale. Nunquam enim , dit le docle Faber, auditum fuit quod in regno Fra/icia aduherium punireturpotna juris. Pat  Femme adultère. 14^ Par cette même loi, tous les biens de la femme condamnée pour adultère étoient confifqués, partie en faveur des enfants , partie en faveur du monaftère ; ou elle étoit reclufe. C'eft encore ce qui n'eft point obletvé parmi nous. Nous n'admettons I point la confifcation généralement de ;l tous les biens des femmes adultères: ii n'y a que la dot Sc les conventions matrimoniales qui appartiennent en ufufruit au mari, Sc en propriété aux enfants : les autres biens ne font point ;j ótés aux femmes , felon le fentiment de i tous nos jurifconfultes Francois, Sc no{ tamment de M. le Prêtre, feconde cenI turie , c. 22. Elles fontcapables de fuccellïons, de teftaments , de legs, de I donations : ce ne font donc point des I perfonnes retrancbées de la fociété ciI vile, comme on 1'a plaidé. Allons plus loin : nous ne pouvon» pas'dire comment infenfiblement, dans I lesdetniets arrêts de ce Parlement, on : a glilfé qu'une femme convaincue d'aI dultère feroit mife dans un monaftère} I que fon mari pourroit la retirer dans I deux ans, Sc que , s'il ne la retiroit pas, .! elle demeureroit reclufe le refte de fes ; jours. Tomé £. G  1^6 Femme adultère. . Les peines, parmi nous, font de 1'ordonnance. Y en a-t-il quelqu'une qui air, ftatué que la femme, pour peine d 'adultère, fera reclufe perpétuellement? Allons encore plus avant: cela s'ohferve-t-il a la rigueur ? Un mari qui n'au- ; roit pas retiré ia femme du couvent pen-, dant deux ans, en feroit-il exclus après;> les deux ans ; öc lui refuferoit-on fa femme, s.H.1 la demandoit ? . Si le mari la peut retirer après deuxTj ans pour conrinuer un mariage., oü efts 1'inconvcnienc qu'après la mort de ÓÊ mari, on la donne a un autre qui la veuts époufer, qui lui tend les bras pour lajj foulager dans le pitoyable état oü ellqj fe trouve réduite? • Sides femmes condamnées pour aduU tére ne fonr po.int priyéesdes principauxj droits de la vie civiie j pourquoi préteni dra-t on qu'elles ne foient pas libres pour contracter mariage? li'efclave, aufli-bien que la perfonnfl libre, parricipe aux facrements de TE-, glife, qui eft, fans diftinction , la mèr$ commune de tous les fidèles? Le pape Adricn, dans le chapitre pre^ mier dfe conjugio fervarum, nous a laifféi; frr cette- matiète, une déciiiou bier femarquabie., au fujet du mariage d?js  Femme adultère. 147 cfclaves qui font fous la puuTance de Leur rftakre. Comme il eft jufte, fuivant la décifion de l'Apónx-, dir-il, < qua caufe de Jéfus-Chrift, le libre Sc 1'efclave participent également aux facrements ; de même les manages ne doivent point être déf.ndus aux efclaves j & s'ils font contraciés malgré leur makre, on n'en doit point, par cette raifon , prononcer la diffolution (1). Le pape Alexandre III, au chap. 3 : Qui Clerici vel voventes matrimonium contrahere poffunt 3 décide,en termes- < formels , que le mariage contracté par ■ une perfonne, après avoir fait vceu d'entrer en religion, eft un mariage valable (2). Ici, Meffieurs , Marie Joifel, qui a I obtenu de vous la permiftion de fe ma- I (f) Sanè, juxta verbum Apoftolï, ficut in Chrifto Jefunequè liher, nequè fervus eft dfacramentis removendus : itd nee inter fervos matrimonia debent uüateniis prohiberi: & fi ,co/urddicentibus Dominis , & invitis, contraSla ficrint, ; mild ratione funt propter hoe diffolvenda. ■ ; (i) Verumfi nee habitum fufcepit, nee pro\ fejfionem , fed votum folummodö (eelt ,& (e ad • religionem tranfiturumpromifit , licèt pofted ma1 tnWrrduM contraxerit, non eft coeindüs ad <; rdigionem traafire, & matrimoniale votum nf~ I einder e. J Gij  14& Femme adultère. rier, n'eft plus une efclave; elle n'a point fait de profefïïon, elle n'a pas même ,fait de vceu pour la religion. Elle avoue que, tant que fon mari a vécu, elle étoit devenue 1'efclave de la peine a laquelie il 1'airujettiffoit. Aujoutd'hui la morr de ce mari a brifé ces chaïnes: quand il eft defcendu dans le tombeau, fa yeugeance 1'a accompagné} fon ame n'a plus écé .agitée comme elle 1'étoit: elle eft demeurée dans le repos, exempte de paflion & de mouvement ppur tput ce qui regarde fa femme. Y a-t-il queiquim qui foit en droit aujourd'hui de prendre fa place ? Y at-il quelqu'un de ceux pour qui on a plaidé, qui puilfe fe dire, avec juftice, le digne héritier de fa colère 8c de foa reffentimenf,? L'adultère eft-il, parmi les Francois, un crime public, comme il 1'étoit parmi les Romains ? Les parents 8c les ptoches font-ils, parmi nous, comme ils étoient parmi eux, autant de maris qui s'éle-, voient en foule comme des tyrans do-, rneftiques, & comme autant de juges fans pitié, pour punir la foiblelfe des femmes, 6c tirer raifon d'une faute (dont !e yéfitable mari étoit leplus fouvent la caufe par le déréglement de fe?  Femme adultère. 14.9 moeurs, par fes emportements & pa'r fes caprices ? Non , Meilieurs, ce n'eft point-la 1'efprit des Francois \ & dans le Crime d'adultère, il n'y a que le mari qui foit véritablement 1'offenfé f le plus proche parent de la femme n'eft pas recu a intenter 1'accufation. M. Ie procureur-général n'y eft pas recu même tout feul: le mari eft le feul vengeur du lit nuptial: Markus foins thori genialis vindex. Voilales fentiments dans lefquels nous vivons. On a voulu combattre ces véritc's immuables, par un arrêt rapporté par Fevret. Mais il fuffit de lire cet auteur , pour être convaincu de deux vérités incont'eftables; la première, qual'exemple des jurifconfultes qui embraifent i uneopinion, il a fait une application :, forcée d'un arrêt, pour faire valoir le fentiment erroné & foliraire dans lequel il étoit, qu'une femme condamnée pour adultère ne pouvoit fe marier a un autre , quoique fon premier mari fut mort. L'autre vériré eft que tout ce qui a été jugé par cet arrêt de Dijon, a été que le mariage que la dame^e Saint-Cyr avoit contraóte, etoit nul, abufif& clandeftin, «omme etant fait contre la difpofuion G üj  i?o Femme adultère. duconcile de Trente & des ordonnans ces de ce royaumë. Pour établir ce fait, il ne faut que rapporter les termes de i'auteur même, & par lefquels on peu-t dire qu'il a trahi fon deflein : il dit qu? la dame de Saint-Cyr ayant aitiré & fiduit un jeune homme de maifon honorable, elle l'époufa d Paris dans une pa.roiffe écarte'e } fans publication de bans , en prifence de perfonnes fuppofées 3 qu'elle difoit être les parents de fon ma; i. A quoi bon, après tant de nullités, traite* la queftion de cette incapacité imaginaire , dans laquelle cet auteur s'eft fguré, fans raifon, que fe trouvoit une femme condamnée pour adultère, de fe pouvoir remarier ? C'eft une queftion qui n'a point été-examinée , &C encore moins jugée par le Parlement de Dijon ^ & fi c'avoit été fur ce'tte conlidération qu'il eut caffé le mariage de la dame de Saint-Cyr, il 1'auroit nommément & difertement déclarée incapable de contracfer mariage j ce qui n'eft point dit par cet arrêt, qui n'a aucune application a la caufe. II eft évident , par tout ce qui vient d'être plaidé , que 1'intétêt public, bien loin de s'élever contre Marie Joifl, concourt paiifamment a lui procurer \$  Femme adultère. i <, i Iiberté 5c le mariage qu'elle demande, II refte a prouver que cette Iiberté & ce mariage ne donnent aucune atteinte -a 1'intérêt particulier, ni des enfants, ■ni des parents: au contraire , il eft de leur intérêt que ce mariage s'accompliffe. Nous ne connoiflons que deux fortes d'intérêts , 1'intérêt pécuniaire & 1'intérêt de 1'honneur. Quant a 1'intérêt pécuniaire , quel préjudice fouffrira-r-il, ft 1'arrêr qui prononce la Iiberté 5c le mariage eft confirmé? Par cet arrêr, on donne la propriéré de la dot &c desconI ventions matrimoniales de Maria Joifel a fes enfants: ils ne peuvent plus en •être dépouillés : cet intérêt fordide leur eft confervé dans toute fon intégrité. A l'égard de leur honneur, loin d'être blefte par la Iiberté &c par le mariage de leur mère ; au contraire, c'eft 1'unique moyen de le réparer, & d'effacer les traces déshonorantes qui font impriI méés dans 1'imagination du public. Le couvent oü 1'on veut la reléguer leur reprocheroit continuellement les défordres de leur mère: il acheveroit de les couvrir de honte : mais dès qu'on aura ouvert la porte qui la tient enfer6 iy  152 Femme adultère '. mée depuis dix ans, dès qu'elle paroïttr* dans le monde avec tout 1 eclat de fl Iiberté, alors les mauvaifes idéc$ qu'on avoit concues d'elle fe difliperont,. & f'on ne fe ibuviendra plus qu'il y ait jamais rien eu a redire a fa conduite. On a ofé plaidet que 1'on craint. qu'elle ne faffe ufage de fa Iiberté, pour retomber dans fes anciens égarenients. Mais onze ans de pénitence 1'ont re- I nouvellée elle-même, & 1'ont transformée dans une perfonne auffi réglée & aufïi vertueufe , qu'elle étoit"défoEdonnée. ( N'eft-il pas étrange que , fous le nom j des enfants, on plaide des moyens fi extraordinaires & fi peu chrétiens! Leur mère, dit-on , ne fcauroit être chafte , paree qu'elle a donné plufieurs marqués de foibieffe, & qu'elle a cédé a la force de fon tempérament. N'eft - ce pas-la une propofition impie & facrilège dans la bouche de fes enfants ? Quoi! ils publieront hauternent que leur mère , qui n'a commis qu'une faute, eft indigne de pardon ; ils lui compteront pour rien onze ans de pénitence & de larmes, pendant que le Seigneur pardonne a une fameufe courtifanne, dès qu'elle pleure fes égarements.?  Femme adultère. 1^3 D'ailleurs, le mariage n'eft pas feulement érabli pour la génération des enfants, mais comme un remède infaillible pour éteindre les feux de la concupifcence : fans ce fecours , combien de défordres & de péchés dans le monde! Ce penchant malheureux, qui rend 1'efprit efclave dit corps, eft appelle, avec raifon, par faint Paul, une loi, fentio legém ; paree que' le propre de la loi , c'eft de commander: aulli le Tempérament de 1'hommê eft une loi impérieufe, i laquelle on nê réfifte que par une force prefque furnaturelle. «II feroit bon » (dit lemêmeApótre , en parlant a ceux de Corinrhe), f« que 1'homme fe püt paffer d'une la femme : cependant, paree qu'il eft » fragile, il faut qu'il fe choififle une e» femme, & que la femme fe choifilfe » un mari. Bonum eft homïni uxorem as non. tangere : propter fornicationem dj autem} unufquifque fuam uxorem ha- pj beat, & unaquaqua [itum virum ». Cotiuth, I,c. 7, v. 1 & z. Quoi! des enfants empêcberont leuf. mère de courir au remède qu'ils reconnoilfent lui être fi néceifaire! Ils la repréfentent comme une perfonne que lè Gv  1^4 Femme adultère. feu eft pret de dévorer, & ils veulens lui interdire un facrement qui la garantira des dammes qui la menacent! Quant a 1'intérêt des parenrs, qui n'a ici pour objet que 1'honneur; dès qu'on a prouvé que celui des enfanrs exigeoit la Iiberté de leur mère, on a prouvé, en même tems, que 1'honneur des parents demandoit le même remède •, puifque ce n'eft qu'un feul & même honneur. D'ailleurs, Pintervention des parents maternels prouve qu'ils fentent eux-mêmes que les loix de leur honneur demari^ dent ce mariage. Quant aux parents paternels, ils jouent ici un röle bien odieux. Ils oublient leurpropre honneur: on peur dire , leur religion , pour le facrifier a la ven-r geance d'une injure qui les arteint de fi loin, qu'elle ne les bleffe pas: ils fe préfentent a la Cour fous cette face. Ce qui eft de plus furprenant, c'eft qu'ils n'en rougiffent point: voila tout ce qu'on dira contre eux. C'eft a la Cour a conferver & aacher ver fon ouvrage, dans lequel elle a pri$. pour règle le droit civil 6c canonique, la difcipline de FEglife, & la pureté du. droit Francois. On a vu autrefois, devant le plus:  Femme adultère. i ? ^ grand juge qui ait jamais paru fur la terre, des accufateurs, pleins de chaleur <5c d'emportement, être obligés de prendre la fuite, & n'ofer jetter la première pierre contre la femme adultère , quoique le Seigneur leur en eüt donné le pouvoir. Vous avez fouffert que le fieur Gars, qui étoit le feul offerifé, ait jetté la pre', mière pierre conrre fa femme. Ne per11 mettez pas que fes enfants, après fa I mort, lui jettent une feconde pierre, . , qui lui feroit une blelfure plus cruelle I que la première. i \ Si ces enfants ont ofé paroitre en votre j i audience avec toute la témérité qui ac, I compagne des accufateurs indifcrets ; . obligezdes publiquement de prendre la j fuite, Sc de faire une retraite qui les II couvre pour tcujours de honte &c de ,' confulion. Ils reprocheront éternelle:; ment a leur tuteur de les avoir engagés ! dans une pareille démarche. Dans le i compte qu'il leur rendra, il pourra peut, être prouver la pureté de fa conduite I dans radminiftration de leurs biens j j mais il ne fe juffinera point de la téméi. rité qui lui a infpiré un procés qui donne I une fi grande atteinte a 1'honneur de fes 51 mineurs. G vj  i ? 6 Femme adultère. Le père a fatisfait a fon devoir ea farisfaiiant a fa colère & a fa vengeance. Que votre arrèt apprenne a fes enfants a faire leur devoir aleur tour; qu'il leur imprime la tendreffe & le refpect qu'ils doivent avoir pour celle dont ils ont 1 recu le jour; qu'il les fafle relfouvenir , 1 tant qu'ils vivront, que le chemin que I ce sureur leur a fait tenir, eft celui du J déteftable Cham, qui s'attira la malédiction du Seigneur , pour avoir révélé la turpitude de fon père ; que votre 1 arrèt leur faife connoitre que 1'exemple * qu'ils doivent fuivre, en cette occafion, I eft celui de Stm & de Japhei, qui, ayant couvert de leur manteau lanudité [ de leur père, furent comblés de graces & de bénédictions. Punilfez 1'attentat qu'on a fait a la Iiberté. C'eft la nature qui nous donne la Iiberté : elle feule nous la peut óter II avec la vie. Puniflez la réfiftance qu'on I a apporree, depuis cinq mois, a la célébrarion d'un mariage que vous avez I autorifé. N'eft-ce pas alfez, pour des enfants, de fe voit revêtus des dépouilles de leur mère? S'ils la voient fans peine privée des biens temporels, li la dureté de leur cceur les porte a ne lui en point faire de  Femme adultère. 1$% jpatt, s'arrêtant a. la rigueur de la lol civile, plutót que de fuivre le pencharrt raifonnable de la loi naturelle j pourquoi veulent-ils empecher qu'elle ne pafticipe a un bien fpirituel, ce ttéfor précieux, ce don célefte? Je veux dire la grace que Dieu , par la bouche de l'Apótre, promet a ceux qui recoivent le facrement de matiage , qui, pour cela, eft appelle un grand facrement : magnum facramentum quod gratïam confert; ce font les termes duconcil'e de Trenre- , . ,., n Onze ans de pénitence ont diipoie Marie Joifel a recevoir cette grace. Ne fouffrez pas que des enfants s'oppofent impunément a une fi fainte réfolution. Vengez publiquement la nature que 1'on afilachement outragée -.vengez haute- ment la politique dont on a ouvertement attaqué les loix; & confirmant 1'arrêt que vous avez rendu, faites voir, en cette occafion, ce que le public a toujours reconuu dans vos jugements , que votre juftice eft de concert, & va d'un pas égal avec les régies les plus faintes &c les maximes les plus facrées de notrt teligion. M: le Roi paria alors pour les parents, maternels, & dit:  2^8 Femme adultère. . Yous v°yez paroure ici des parents 2 iiui-1^ Lummun cievroit tous reunn pour vous demander la même chofe. Ceux pour qui je fuis n'en. ont point d'autre que de foutenir la juftice de votre arrêt, qui met leur parente en Iiberté , & qui lui permet d'effacer, par 1'honneur d'un fecond mariage, Ia honte & le malheur d'un premier engagement. 11 eft étrange que des enfans falTent entendre leur voix dans cette audience pour vous reprochef que vous avez eu trop d'indulgence pour elle. Les jugements qui étoient rendus eft faveur de la Iiberté , ne pouvoient plus ferétracter, & un arrêt d'abfolution eft un afyie pour les clus oranrl? i*.*,, bies. Une mère ne pourra-t-elle ufer du tl droit commun contre fes enfants ? j Ctuels & infenfibles qu'ils font a fes J misères, ils ne font point contents, j lorfque votre juftice eft fatisfaite, fi fes 1 maux ne durent autant que fa vie. lis vous trouvent injuftes de les avoir abré- I gés, & ils voudroient que vous n'euffiei depouvoir que pour la punir, Ce ne font point-la les fentiments que la nature infpire aux enfants; &  Femme adultère. 15' 9 i'on reconnok facilement, dans cette conduite, les impreftïons étrangères d'un tuteur aveugle ou intéreiré, qui n'a confulté ni fon devoir, ni celui de fes mineurs. Qu'il apprenne que 1'autorité que les parenrs lui ont conriée, n'eft pas pour en abufer, & que , fi les parents font en droit d'empêcher qu'il ne perde ou qu'il n'aliène le bien de fes pupilles , ils lui permettront encore moins d'a* liéner leur cceur, 5c de leur faire perdre I'amour & le refpect qu'ils doivent a leur mère. Ce tuteur s'eft peut-ctre_ imaginé , qu'en cela il rendoit un devoir indifpenfable a la mémoire d'un père outragé ; ccmme s'il appartenoit aux enfants de venger leur père fur la perfonne de leur mère. C'eft une impiété qui a été déteftée par les payens mêmes. Et vindex in mat, e ,patris malus ultcr Ore/les. Voici le plaidoyer de M. Talon, avocat-général, tel qu'il le prononga. Le fait, qui eft conftant entre les parties, donne lieu a une q teftion d'état d'autant plus importante, que la 1 décifion qui en fera prononcée par la  'lêo Femme adultère. Cour, tend a faire une loi dans unê efpèce qui ne fe trouve point encote jugée par aucun arrêt; ce qui nous a obhgé a rechercher avec exaótitude les raifons qu'on pouvoit alléguer de part &c d'autre, pour fcavoir fi une femme, condamnée pour adultère a être reu' fermée dans un couvent le refte de fes jours, peur, après la mort de fon mari, obtenir fa Iiberté pour en époufer un autre. Une queftion de cette qualité feroit fufceptible d'une longue & ample differtation, fi on vouloit rapporter toutes les aurorités dont on pourroir fe fervir pour appuyer les différentes opinions qu'elle peut former. M. Talon dit qu'il prétendoit, dans le grand nombre , ne fe fervir que de celles qui font eifentielles a la décifion de la caufe: que pour foutenir que Marie Joifel éü indigne de la Iiberté qu'elle demande, Sc incapable de contracter mariage) on pouvoit dite que, par la difpofirioa du droit civil, une femme condamnée pour adultère ne pouvoit être époufée par qui que ce fiit, foit du vivant dn mari, foit après fa mort. 11 eft porté par la loi Julia, que perfonne nepeut époufer une femme adui-  Femme adultère. ï6ï téfê, fans encourir la peine de cettè loi (i). La raifon qu'en rendent les jurifconfultes eft fort belle : paree que celui qui, avec connoilfance , époufe une femme impudique, eft lui-même impudique, & ne peur pafter que pour un homme qui rrafique d'une femme protiftuée; & il apprend au public qu'il Poule la pudeur aux pieds (2). Cette ancienne jurifprudence avoit lieu dans un tems oü la peine de 1'adultère n'étoit pas encore capirale. On diftinguoit les femmes qui en étoient feulement accufées , d'avec celles qui étoient condamnées : celles qui étoient feulement accufées ne pouvoient être époufées du vivant du mari, mais bien après fa mort; 5c quand il y avoit condamnation , le mariage en étoit abfolument prohibé. Lorfque, fous les Empereurs, la peine de 1'adulrère aété rendue capirale, il eft certain qu'ilyavoitinhabilité en la perfonne de la femme de ^1) Lege Julia., adulterii damnatam uxorem d'ucere fcientem neminem pojfe , quin incidat in pcenam Legis Julice de pudicitïd. (2) Quia qui fciens impudicam ducit, pro impudico & lenone habetur, ac plank oftendit fe non ejfe cultorem pudichice, fibi pudicitiam non ejfe cum.  Femme adultère. contracter mariage; paree que ceux qui perdoient le droit de cité, perdoient auffi la faculté de le marier. Juftinien a été le premier qui a adouei la peine de 1'adultère en la perfonne de Ja femme, & qui a fait différence entre Thomme adultère & la femme fouillée du même crime. Ilaconfervé, contre ceux qui avoient commis adultère, les peines qui étoient ordonnées par les conftitutions de fes prédécelfeurs : mais, a l'égard de la femme , il 1'a condamnée a être reclufe & enfermée dans un monaftère, fuivant la novelle 134, chap. 10(1). Quant aux biens de la femme condamnée pour adultère, le même Empereur vouloirque les héritiers en euflent une partie : & 1'autte partie devoit ap-, partenir au monaftère. (1) Aduleram muüerem , competentlhu vul-neribus fubaBam , in monafterium mittï, fiquidem intra biennium recipere eam vir fuus voluerit, poteflatem damus hoe facere, & copulari ei J nullum periculum metuens , & nullatenus provter ea qua, in medio tempore faBa funt nuptias leedi. Si verb prcediBam tempus tranfiverit, aut\ vir, priufquam recipiat mulierem, moriatur , ton->\ deri eam , & monaflicum habitum accipere, 6» habitare in ipfo monajlerio in omni propriet vitct ittnpor».  Femme adultère. 163 II faut convenir que Juftinien , dans cetre novelle, n'avoit pas déterminé fi cette clöture , dans un monaftère, étoit tellement perpétuelle, qu^elle empêehat le mariage de la femrne adultère avec une autre perfonne après la mort du mari: mais 1'empereur Léon , dans fa novelle x I , déclara précifément que 1'adultère de la femme étoit un emfpèchement dirimant pour pouvoir jaimais fe marier (1). Cette novelle a óté Bes deux ans que Jufiinicn donnoit au bnari pour repreudre fa femme, & lui fe laifle le Iiberté de retourner avec elle p tout tems. La novelle de Juf'mie a été fuivie ipar les canons, pour la condamnation P la vie religieufe dans un monaftère; hnais non pas pour le tems de deux ans I que la novelle ptéfinit au mari pour 1 retourner avec fa femme. L'églife n'a point limité de tems pour cette réconj ciliation. Le pape Vèlage, qui vivoit un peu (1) Infuper mallen ad alteras nupüas proful• tare, nequè libere in pojlerum fe cum Ubiilnofis i commifccre nequaquAm permlttitur ; fed ob felus t cmmijfiim ; in monafterium, ubi in centritioiu \ anima lenwrem jiii panam jaciat} veiui in i exilium detruduur.  Femme adultère. , après Jujlinien, veut que la femme retourne avec fon mari quand il demande a habiter avec elle; mais avec certe eondition,que le mari,donnera des alfurances de la trairer mariralement: c'eft la décifion du canon cinquième (i). Cette alfurance, dit la glofe , étoit une caution juratoire, ou une autre plus forre, fuivant les eifconftances. Si le mari ne la veut pas recevoir, il la faut mettre dans un lieu de süreté (i)„- La glofe, fur ce canon, dit que ce lieu, dont parle le pape Pélage, n'eft autre chofe que le monaftère, & obferve que la peine capitale de 1'adultère avoit-été changée dans la réclujïon en un monaftère -,ce font fes termes (3). Cela fait (1) De Benediéio, caufa. 32, q. 1. Jube-i* mus ut aduherum cum adulterd diflri&è matlate \ non differas, & calvatos ab invicem fepararc ; fi» ■ Uturn quidem ad Apuiitz Defenfoum fac mi- ■ grare ; illam verö, fi quïdetn maritus fuüs fine : dolo aliquo forti accipere voluent, tua ordina- • tione , fub cauteld recipiat nullam ei nihil dum- • iaxat de ccetero fimile committenti periculum Ma- ■ turus. (2) Si eam recipere nolit maritus, in alium i qüeihdam locum , in quo ei non liceat male vivere, providd difpenfatione conftitue, (3) Pcena adulterüfecundum Leges coinmutata efiin intmfionem monafierii, authenticd fei \ fiediè.  Femme adultère. voir nettement que, non-feulement dl tems du pape Pélage t mais encore de. pms 1 authentique a été obfervée. M. du Faur-Saint-Jory, p^dent au ParlementATouJoufe, parlant de ce canon du pape Pélage, dit que, de fon tems, ia peme de 1'homme adultère avoit ete mitigée, de même qu'a l'égard de la femme coupable ; & il avoiie que, du tems de Juflinlen, la peine capitale etoit cemeurée contre 1'homme adultère, & qu'elle n'avoit été modér^e que pour les femmes ; qu'elles étoient enfermees pouctuellement dans un convent; & ,1 obferve que, comme les monafteres reguliers avoient de la peine arecevoir les femmes débauchées, il avoit fait batir un lieu exprès pour leS ren retmer. . ' Nous avons deux loix aftez fWuKétes, qui marouenr l'nAr,» „;.: f^t^i fluoit avant Juflini.n JLT1 u fL j j i i \ ; ruui pumrion -des adultères. Le procés ne fe faifoit jmuvent que contre 1'homme, & non m contre la femme.; ce qui faifoit de Jlaconfuuon, & dormoit lieu k difféteentes conteftations , comme nous Je pyoyons dans Iz loi Claudius Se/eurus ff. fhuquib ut Indign. & qui eft'un? ioi de Papinicn, 7  ï 66 Femme adultère. Cette loi parle d'un homme qui,- — ■ ;*"r ^„^L tl„ -^ï commis avec une remme contre laquelle-il n'y avoit point eu de condamnation ,1 1'avoit enfuite époufée, & 1'avoit infli-i tuée fon héritière : le jurifconfulte dicJ qu'il n'y a point de mariage, & qu'elle^ ne pouvoit être héritière de celui qui;i i'avoit époufée (i)* L'efpèce de la loi i1, ad. I. Ju!, de^ adult. eft d'un homme qui avoit épouféune femme coupable du crime d'adul-tère : cette femme eft condamnée pour» raifon de ce crime: pendant fon mariage le mari la répudie. On demande-; fi c'eft le mari qui a donné lieu au diJ vorce , ou li c'eft la femme? Le jurif-J confulte répond que le mari, par la lohi Julia, ne peut retenir une femme con-ï damnée pour adultère : c'eft la femme,| & non pas le mari qui a donné lieu aal divorce {%). (1) Mrzvius, inadulterio Sernpronia, damnak lus , eamdem Semproniam non damrtatam duxié uxorem , *qt& moriens eam haredem reliquit: \ quizro an juftum matrimonhim fuerit, & an aiï hareditarem admittalur ? Refpondi nequi inatrimonium ftlare , nequè hareditatis lucrum ad Mam mulierem pertinere. (2) Ream adulteriï uxorem düxl, eam dam-' tiuium mux repuaiavi: quaro an caatam d.pctt  ■ Femme adultère. Si 1'on examine les canons de 1'Eglife, 1'on trouveraque les femmes con|aincues d'adultère ne pouvoientjamais fe remarier, même après Ja more de uleurs mans, par deux raifons : la preirmère , qu'étant convaincues , elles étoient mifes en pénitence, Sc qu'en cet i état elles ne pouvoient contracter de manage; 1'autre, que paria loi civil© ét nt condamnées en une peine capitale qui les rendoit mcapables des effets ,civils, & cette peine ayant été convertie en la peine de la relégarion dans un monaftère, comme dans une m-ifrm pétuelle , cette dernière peine les ren- uou mcapaDies du manage, de même que Ia peine capirale. I, Un des plus anciens témoignages de jla prarique de 1'Eglife que nous ayions, eft l'epitre canonique du pape Sirichs W.Himerius, éyêque de Taragone : cet évêque écrivant au pape, lui demande fiun adultère, après la pénitence impofee, peut fe remarier; fi un foldat, qui left dans le même cas, peut retourner i franje ylkar ? Nefpondi , cum per Legem „„....„. „«junival, ux.rem retmere prohitearis s non videns caufam dijfidïi praftlïtilje: auare jus Ua traêlabuur quifi culpd mullens faOó divortio, *  ï 68 Femme adultère. la milice: il répond, non; Sc s'ils le font, ils doivent êtte excornmuniés Sc &z remis en pénitence (i). Voila la queftion de Rimcrius : voici ce que tépond le pape Siricius (2). A l'égard de ceux qui n'ont pas un ajyle pourjaire pénitence , nous ordonnons qu'ils fe tienKcnt dans le parvis qui joint l'églife ; que ld 'ils participént aux prières des fidètes / qu'ils y affiftent a la célébration de nos rnyfieres, quoiquils en foient indignes ; & qu'ils foient féparés de la fainte table, afin que , par cette féparation , ils fentent le poids de leur pêché, expient leur faute , & donnent un exemple de pénitence falutaire3 jufiqud ce que leur cceur foit entièrement éloigné de ces plaifirs cbfcènes auxquels ils fe font livrés. (1) Qui aSld potnitentia, tanqudm canes ae fues, ad vomitus priflinos, & ad volutabra redenntes , & militice cingulum , & lulricas voluptates, & nova conjugia, & inhibitos denub appetivére concubitus. (2) De his qui jam refugium non habent pcenitendi, & duximus decernendum, ut fold citra. Ecclefiam fidelibus oralione jungantur ; facrtz myfteriorum ceUbrïtati, quamvis non mereantur , int er fint j a dom'inicct autem menfiz convivio fegregentur, ut hacfaltem diftriüwne correpti, & ipfi in fe fua errata cafligent, & aliis exemplum tribuant quateniis ab obfcanis cupiditatibu s rctrahantur, Dans  Femme adultère. i Dans le concile d'Arles II, tenu 1'an I 45 z , fous l'empereur Vaknamen IIIy I il y a le canon z i, qui y eft précis (i). Qu'on dèfendc l'entree de l'églife | a une femme qui eft en pénitence, qui, I flprès la mort de fon mari, youdrok en I époufer un autre , & qui a des familiarités 4 fufpecïes avec un étranger. II falipic que la difpofition de ce | canon fut obfervée du tems d'Yves de il Chartres, puifqu'il 1'a mis dans fa com'I pdation & dans fon déctet, partie 15, I chap. 74. Ce même canon eft tapporté dans les \ capitulaires, tit. 7,chap. Z37. jj Nous avons un concile de Fréjus; j rapportépar^/2W/»/w Auguftinus, dans : fon épitome du droit canon, qui déijl fend exprelfément a la femme adultère 1 de fe marier, foit du vivant du mari i| qui 1'a fait condamner, foit après fon idécès (z). La femme adultère, qui dok (1) Poenitens qua defunÜo viro alii nulere Aprxfumpfent, vel fufpecld, vel interdiBd famiUiantate cum extrmeo vixerit; cum eodem. ab ■aEcclefuz liminibus arceatur. I (2) Placuit ut, refoluto fornicadonis causH jjugali vmculo , non liceat viro , quandiu jtdultera vivit, aliam uxorem ducere, lick fit Tome X. H  jyo Femme adultère. fubir de grandcs peines, & paffer par l'épreuve de la pénitence 3 ne dok point époufer un homme , après la mort de fon mari, a qui elk na pas rougi de faire infidélké. . II y a une autre raifon qui rend ia femme adultère authentiquée incapable du mariage, fcavoir, la qualité de la ' peine, qui eft d'être condamnée a faire une pénitence perpétuelle dans un mo- j naftète. Ce genre de peine étant femblable a une prifon perpétuelle, ou a un banniftement perpéruel , e^porte^e* même eftet: de la même manière qu'un condamné i une prifon perpétuelle , ou a un banniifement perpétuel, perdoit les droirs de cité:auiïi étoit-il incapable du mariage & de tous les effets civils. v i • i Le cardinal Baronius, Sc apres lui le père Morin, ont fort bien obfervé que , dans le fixième fiècle Sc les fuivants , les monaftères tenoient lieu de prifon , eü les condamnés pour crimes atroces lila adultera.W aioute enfuite , pour la femme auiacommis adultère: Sed nee adultera ) Maxima capitis diminutio.  Femme adultère. 175 kionachifme, fuivant lapenfee de Cujas , n'eft pas proprement une mort ücivile ; paree que ce n'eft pas Une peine impofée par la loi. Si la femme conrferve la Iiberté & le droit de cité, pour1 quoi ne pourra-t-elle pas fe marier? Certe prifon perpétuelle, dont parle Jufiinien dans fa novelle, a été ótée patles conftirutions poftérieures des Empereurs. L'empereur Leon, en fa novelle 31, n'en parle point. Elles font, dit-il, 1 reléguées dans un monaftère , comme 1 dans un exil ou leur contririon adou1 cira leur peine (1). Il ne les oblige pas \ de prendre l'habit de religion : elles peuvent, a cet égard, fuivre ce que [Fefprit de pénitence leur infpirera. Il i; leur permet de vivre en habit féculier; .! &, pour montrer qu'elles ne perdent I pas les droits de cité, il leur laifle le pouvoir de faire un teftament (2.). Si elles ont la Iiberté de tefter, elles n'ont I pas perdu les droits de cité, ni parcon-r KTéquent la capacité de fe marier. (1) Sed ob fcelus commijfum , in monafterium^ I ubi in contritione animce. leviorem fibi pcenam fali ciat, veiut in exilium detruditur. (2 ) Quod fi in profano habitu vitd excedat , ■li cirn teplamenti faèionem omninb habeat, prout !, Ma conftituerit, qua bona extra dotem habu'it :ji difpenfzbuntur. H iv  tj6 Femme adultère. Les canons ont pareillement êté cette 'demeure perpétuelle dans le monaftère* Le pape Pelage, qui vivoit un peu après Jufiinien, dans la décrétale rapportée par Graden en la caufe 3 z, queft. 1, ne parle point du monaftère, ni de l'obligation d'y demeurer le refte de fes jours (1) : il ne préfinit pas de tems. Dans les capitulaires de Charlemagne, livre 7, on laifte la Iiberté au mati de reptendre fa femme toutes fois & quantes ii voudra; & a caufe de cela elle ne pouvoit pas être attachéeaaucun lien (z). La pénitence n'étoit pas perpétuelle , afin que le mari eut la Iiberté de fe réconcilier, quand il voudroit, avec elle. II ajoute : maneat tarnen innupta , quandiu vir ejus vixerit. La prohibition faite a la femme de fe marier, n'eft que pendant la vie du mari; d'ou 1'on peut conclure, qu'après la mort du mari elle a la faculté de fe marier. (1) Si maritus eam omnino recipere noïit, in 'clium quemdam lacum , in quo ei non liceat mali vivere ,providd eam difpenfatione conftitue. {%) Quod fivoluerit adulteram fibi rcconciliare, licentiam habeat; ita tarnen ut pariter cum Md poenitentiam agat, & exa&d pecnitentiS sd commnnionis gratiam utrique accedant.  Femme adultère. 177 Les canons n'onr jamais approuvé ce tems de deux ans que la novelle préfinit au mari pour retourner avec fa . femme : ils ont cru qu'il falloit laiffèr une Iiberté indéfinie. Quand elle auroit i pêché fept fois, & même davantage, ne doit-il pas lui pardonner (1) fuivant le i précepte de 1'évangile ? C'eft: la raifon qui obligeoit 1'églife 1 a ne pas tenir les femmes adultères en * une perpétuellë pénitence, afin que les 1 maris pulfent les reprendre. Nous : voyons, dans les canons pénitenciels , : donnés par Antonius-Auguftinus , que i tan tót on ne donnoit que trois ans, : tantót cinq ans, ou neuf ans au plus. La glofe fur le chapitre tu& , de proi curat. dit que la novelle de Jufiinien, i pour le tems de deux ans, n'étoit plus en ufage (1). Le mari peut reprendre , s'il veut, fa femme qui a été convaincue d'adaltère & condamnée, nonfeule- (1) Numquid vir non potefl dimitttre uxori fcccanti non folum fepties , fed etiam ufque fep- • tuagies fepties, fecundum evangelicam veritaJ tem ? dit le pape Innocent. (2) Potefl vir uxorem conviftam de adultcrio l ■■ & condemnatam retinere ,ji vult, tanquam noh 1 intra biennium modo ;fed &pojlea , cum liluerh, perpetub revocare pojfu, Hy  i-y8 Femme adultère. ment entre les deux années, maïs aprls ■ & perpétuellement, s'ille juge d propos. Balde, fur 1'authentique fed hodiè , elt le feul de tous les anciens inrerprêtes -qai l'ait obfervé (i) : non-feulement, dit cet auteur, pendant les deux ans; mais il peut perpétuellement rappeller fa femme, fuivant le droit canonique: nous devons nous conformer a cette: règle dans cette matière. Lorfque les canons onr défendu aux femmes de fe marier, c'eft pendant letems de la pénitence , durant laquelle les pénitènts ne pouvoient pas fe marier y & c'étoit auili pendant la vie de leurs maris : certe prohibition avoit principalemenr lieu dans 1'un & 1'autre cas. Mais nous ne voyons point de canons qui aient étendu cette prohibitton au-dela du décès du mari. Celui de Frej'is (i) s'entend de 1'adultère que la femmé veut époufer après la morr du mari, ou quand la femme avoit attenté fur la vie de fon mari : c'eft ce que dit le concile de Meaux , (i) Nön intra biennium , fed perpetub , de jure canonico , potefl revocare: & iftud jus fer% are dcbemus in hac materid. (i ) Alium recipere yirtim nee vivente, ne? mortuv quan non erubuit dejraudare marito.  Femme adultère. 179 rapporti par Antonius-Auguflinus (1). Quand il n'y avoir qu'un fimple adultère, &c qu'il n'y avoit point d'autre crime joint ou mêlé , la femme , après la mort de fon mari , pouvoit fe marier. Les dotteurs, parlant de 1'empcchement du mariage procédant du crime d'adultère, difent tous unanimemenfc que 1'Eglife n'a fait que deux empèchements dirimants dans ce crime. Le pre1 mier, lorfque la femme a attente a la : perfonne & a la vie de fon mari (2). ; L'autre, quand il y a convention 011 I promelfe entre les adultères de fe masi rier après la morr du mari {y):, c'eft 1 pourquoi 1'adultère feul n'eft pas un obftacle au mariage. Ce principe eft fondé fur le canonJ Jiquh vivente marito 3 de la caufe 31 , (1) Si probatum fuerit uxorem adulteram ma , chinatam fuijfe in mortem viri, aut aduherum, I fine ulld fpe conjugii , cum poznitentid perpetub maneat. (2) Aduherium cum machinatione mortis alterïus conjugis. (3) Cum fide data de contrahendo policon' jugis mortem , vel cum contraldu matrimmii de ' prizjenti cum adulterd. D'oü ils corjcluent i qudre aduherium folum non objlat matnmonio I contrahendo. Hvj  18o Femme adultère. queft. i, que Gratiën attribue au concile appellé Triburienfe: mais les corre&eurs Romains difent que c'eft un concile de Meaux (i). Si quelquun ejl accufé d'avoir commis adultère avec une femme pendant la vie de fon mari 3 & qu'après fa mort il continue le même commerce ; qu'il fajfe une pénitence pu- \ blique, après laquelle , s'il eft expediënt, il pourra contracter mariage avec cette femme, è. moins que lui ou elle n ait j trempé les mains dans le fang du mari; ou que la parente , ou d'autres crimes n'y forment quelque empêchement. II y aune décrétale formelle pour cela dans le titre de eo qui duxit in matrïmomum quam polluit per aduherium, fur celui qui a contracté mariage avec une femme qu'il avoit corrompue par un adultère : elle eft du pape Innocent III, dans le chapitre fignificafti. Nous répon- (0 S'1 1UU » vivente marito , conjugem illius 'adulterajfe accufatw, &, eo in proximo defun&o , eamdem fumpfijfe dignofcitur, omnimodis publica pcenitentice fubjiciatur. De quo eiiam, poftpcenitentiam prafatam , fi expediënt, frvabhur te-\ gula eontrahendi mtttrimonu : n'ifi forti vir autl muiier virum qui mortuus fuerat occidiffe notetur; aut propinquitas, vel alia quodïbet ciïio criminalis impediat.  Femme adultère. 181 ■dons, dit ce Pape, a votre quejlion: jz Fun des deux na pas attente d la vie de Ia femme décédée 3 ou s'ils ne fe font pas donne' la foi mutuelle de fe marier pendant la vie de cette même femme s vous deve\ juger leur mariage légitime : & s'ils i vous demandent de lever leur excommuni" tation , vous le pouve% faire, en vous conformant d la régie de l'Eglife. L'on infere de ces derniets termes, qu'une perfonne excommuniée peut valablement ■ fe marier (i). Saint Thomas, 4 diflincl. 35, enfin eft . de ce fentiment; 8c Sanchès , de matri; monio, en a fait un chapitre expres, lïb. 7 , difput. 3 8. Ainfi , quand la queftion feroit enI tière , & que la Cour ne l'auroit pas 1 déja jugée par 1'arrêt auquel on demande d'être recu oppofant, nous prendrions le parti que nous primes. Nous rapporrames alors tous les moyens qui réfultent du fait, & qui (1) Nos ighur inquifïtioni turn taliter re/pon* 'demus: quod nifi alter eorum in mortem uxoris defuntlcz fuerit rnachinatus, vel ed vivente fili fidem dc.ierint de matrimonio contrahendo, legitimum debes judicare matrimoniuni, excommunicato munus abfolutionis , fi petierit, juxta formant Eed fiiz impenfurus.  182 Femme adultère. orit été repris par les avocars des pafties. Nous eftimons que la réfiftance que le tuteur , les enfants & les parents apportent a la Iiberté & au mariage de Marie Joifel, n'eft ni jufte, ni honnête; qu'une femme condamnée pour crime d'adultère ne perdant point les droits de cité, étant capable des effets civils , la rcclufion dans un monaftère ne la' rendant point religieufe, ne faifant ni vceu ni profeftion; le mariage ne pouvoit lui être interdit après la mort du mari. On ne peut pas dire que 1'arrêt du Parlement de Dijon eft dans une efpèce pareille a celle qui fe préfente. Si jufqu'ici cette conteftation n'a point encore été formée, c'eft paree que perfonne n'a jufqn'ici voulu fe charger d'une femme condamnée pour crime d'adultère. On doit même avoir quelque égard pour la détention de Marie Joifel pendant onze années ; puifqu'autrefois les plus longues pénitences publiques, pour les grands crimes, ne paffoienr jamais neuf années. II eft plus bonorable & plus avantageux aux enfants que leur m.'re paffe en fecond mariage,cue fi elL reftoit toute fa vie dans le mc naft> e oü elle eft enfermée. Les enfants font hors d'iiitérêt j & pour  Femme adultère. 183 iplus grande füreré, en déhoutant l'op~ ypofant & les intervenants de l'intervendon , on pouvoit ordonner que 1'arrêt de l 673 , feroit exécuté au furplus pour les \ condamnadons pe'cuniaires prononcées en ifaveur des enfants. Telles furent les conclufions de M. Bkvocat-génétaL On peut dire que fon plaidoyer eft une diflerration fort cu- ■ rieufe , mais un peu sèche. On auroit • fouhaité qu'il en eut fauvé la fér.he- relfe par des ornements que fon éloquence lui pouvoit fourrïir, puifque la marière en étoit fufceptible. Nous voyons que 1'authentique n'eft i pas obfervée entierement parminous (1). [ On a retranché la peine du fonet a la; quelle la femme adultère étoit con1 damnée au bout de deux ans , fi fon ; mari ne la reprenoit pas. Le rerranchement de cette peine prouve qu'on (1) Par 1'authentique au code ad Legem , juliam de adulteriis, la femme adultère , avant I d'être renfermée dans le monaftère , devoit : fuhir la peine du fouet. Sed hodiè adultera A i veibarata in monafterium mittatur. Mais , par la ■ jurifprudonce des arrêt-., avant que la peioe II du fouet eut été abolie , après avoir demeurè I deux ans dans le couvent, li fon mari ne la trèpreéoit pas, elle étoit fulïigéë de la niain de I la fapérieure, enfuite reclufe.  184 Femme adultère. a voulu laiifer au mari la Iiberté de reprendre fa femme, même après les deux ans : car fi elle fubilfoit ce fupplice, pGiirroit-il fe déterminer a la reproduire clans le monde ? La Cour fe conforma aux conclufions de M. Talon ; & voici ce qu'elle prononga: La Cour ayant égard d la requête des parents maternels , les a recus intervenants, fans s'arrêter a l'oppofition des parents paternels , ordonne que 1'arrêt du 3.9 février fera exécuté, & en conféquence paffe outre, non-obflant l'oppofition farmée aux hans ; condamne les oppofants aux dépens ,ftns néanmoins que Marie Joifel puiffe fe pourvoir contre 1'arrêt du 9 mars 16 7 3 3 qui fera exécuté. Fait en Parlement, le 11 juin \6$4. Le procés-verbal qui fut fait par Dumur, huiilier, en exécution des deux arrêts de la Cour, eft fingulier : on n'en avoit encore vu aucun exemple. Après que cet huiilier a rapporté tous les aétes dont il étoit nécelfaire qu'il fit snention dans fon procés-verbal: il dit: Nous nous fommes tranfporté, avecnotre affiflancé, en la maifon du Refuge, fauxbourg S. Marcel j ou éta.nt d, la grille „ I  Femme adulterè. \% la chambre : ru mériteröis, lui dir-il, • que je t'aftomma(fe,pour m'avoir alarmé par de faux avis que tu m'as donnés : :cherche donc, vois fi tu trouvetas celui :que tu accufes d'avoir attente a mon iihonneur. La femme alors, qui feignit de s'éveiller, demanda 1'explicarion de ll'énigme. Le valer étonné, qui ne voyoit r:perfonne, ne pouvoir pas comprendre ::par quel miracle le galanr avoit difIfearu. Le maitre feignant d'être tou;ijours irrité, chafta fon domeftique fur de champ. Voici 1'autre hiftoriette. Un homme exttêmement vieux s'a-  i88 Femme adultère. vifa d'époufer une jeune 5c jolie per-* fonne. Elle devint d'abord fort cocjuette : la foule de fes amants ne lui donnoit pas le tems de tefpirer : ils fe croifoient fans celfe dans les rendezvous qu'elle leur donnoit : elle ne gardoit aucune mefure. Le vieillard 9 qui fe faifoit juftice , jugeant qu'on ne devoit pas au moins lui ravir fon honneur publiquement, fit faire un efcalier dérobé a 1'appartement de fa femme : une petite porte fur le derrière de la maifon conduifoit a. cet efcalier. II demanda enfuite a fa femme trois graces: la première , de réduire a a cinq ou fix le nombre de fes amants; ia feconde , d'empècher qu'ils ne fe rencontralfent dans leurs rendez-vous : la troifième, de les faire entrer par 1'efcalier dérobé ; 5c pour cela il lui donna une demi-douzaine de clefs de la petite porte. Madame, lui dit-il, donnez-leur a cbacun une de ces clefs : s'ils les perdent, on aura le foin d'en commander d'autres. Il finit fon difcours, en la conjurant de fauver les apparences, fi elle entendon fes véritables intéréts. Cette conduite défarma cette coquette : elle renon^a a fes amant», 6c aima, de bonne-foi, fon ipari.  Ld F4VSSE TESTATRICE. Si 1'événement qui fait la matière de ;cette caiüb eüt précédé la repréfentation de la comédie de Regnard, intitulée le ■ Légataire^ univerfei, il n'y a petfonne iqui ne crut que c'eft la même hiftoire jaccommodée au théatre. Mais la pièce, de Regnard étant antérieure, de vin^t ;ans , au teftament dont il s'agit ici, on (pourroit croire que c'eft la comédie'quï K fait naitre 1'idée de cet acte aux fcélérats qui 1'ont fabriqué. Anne-Frarcoife Fontaine fut déclarée; ipar arrêt du Parlement de Patis, du 4 mars 1694, créancière de Guillaume Salles. Cette ctéance provenoit d'un legs univetfel fait a Anne-Francoife Fontaine 3 alors fille, par Marie joly a | laquelle Salles devoit une fomme conJidétable: Cette légataiie pourfuivoit I4 ifaifie-réelle que la teftatrice avoit fait faire des biens de fon débiteur. Pendant cette pourfuite, la demoifelle Fontaine époufa André Forefi ' imarchand a Bordeaux. Devenue veuve*  190 La faujfe Teftatrice. elle fut appellée a Paris, par un proces confidérable qu'elle avoit au ConfeilPrivé. Elle tomba , a fon arrivée , dans les mains d'une troupe de gensdemauvaife foi , qui mirent tout en ufage pour la dépouiller de fon bien. Son peu d'expérience, fon grand age, & le foin qüils prirent de la fouftraire a la lurveillance des perfonnes honnêtes , qui auroient pu la garantir de leurs pièges, facilitèrent, d'abord, le fuccès de leurs entreprifes. Mais fi-tót qu'elle étoit rendueaelle-même, elle faifoit annuller les injuftices qu'on lui avoit fait commettre. Le premier qui s'empara de 1'efprit de cette veuve, fut un nommé Lance]in., folliciteur de procés. Sous prétexte des fervices qu'il lui rendoit, & qu'il promettoit de lui rendre, il fe fit faire deux donations entte-yifs, qui furent déclarées nulles par arrêt de 172-5. La même année., une nommée Gouachet, aidée des confeils d'un certain Brac, avec lequel elle vivoit, avoit fupplanté Lancelin dans 1'efprit de la veuve Forejf , 1'avoit conduite dans fon procés contre ce folliciteur ,&, par le fuccès qu'elle avoit obtenu, avoit acquit t.oute fa confiance,  La faujfe Tcflatricc. 191 Elle profira de ces difpofitions, pour extotquer une donation de 3 0001. Mais la cup dité de cette intrigante ne fut pas fatisfaite de cette fomme : la faciiitc avec laquelle elie venoic d'obrenir cette obiigation , lui fit comprendre que ia voie de la féduction ne lui lailfoic rien d'impofhbie auprès de ia veuve foreft. Elle fe fit faire., en efftt, peu de mois après, une donation entre-vifs de rout ce qui étoit compns dans celle que la demoifelle Joly avoir pallce autrefois au pront de la veuve Foreft, Un nommé Samp/erre d'Arena , Gejrois de nation, fe röit aiotsfurles rangs, Sc fit comprendre a certe malheureufe victime de la fraude, que la Gouachet 1'avoit trompée, & la détermina a fe pourvoir eóntfe la féducrrice. Elle rendit oiainte en 1720'. Cette plainte fut fuivie d'une procédure criminelle, que la inorf.de la véuve Foreft empêcha de inertre a fin. Mais elle eut des fuites, dont je tendrai compre ailleurs. Ce n'étoit pas par des morifs d'équité que Sampierre et'Arena s'étoit mis a la tête des affaires de notre malheureufe. veuve. 11 follicira en fa faveur. Mais, iroins modefle encore que la Gouachet il exigecit une donation univerfelle. 11  1 g 2 La faujfe Ttflatnce. drefla 1'acte, dans lequel il fit comprendre , en détail, tous les biens qu'il connoifloit a la veuve Foreft 3 Sc généralement tout ce qu'elle pouvoit pofieder, avec toutes les aclions qu'elle pouvoit être en droit d'exercer contre quiconque, fous la réferve de uoo liv- de penfion viagère, dont il vouloit bien fe charger au profit de la donatrice. Elle étoit agée de 8 3 ans. Elle avoit réfifté, autant qu'il lui étoit poffible, aux follicicitations da d'Aréna. Mais, fentant qu'elle étoit ttop foible , pout combattre davanïage, elle prit la précaution de requérir, le 17 décembre 17 2 5, le tranfport d'un commiifaire de police , devant lequel elle protefta de toutes les fignatures que d'Aréna pourroit lui arrachet dans la fuite; ces fignatures ne pouvant être que 1'effet des perfécutions infurmontables dont il Pobfédoit tous, les jours. Le lendemain de ces proteftations ,! les affauts redoublèrent. Elle fut concrainte de lacher cette fignature contre laquelle elle s'étoit précautionnée la veille. Mais, xpour conftater davantage 4a violence qu'elle aveit éprouvée, elle tequit ^  La fauflè Tefiatrice. T 9 % requn, une feconde fois, le tranfporr du meme commiiTaire, & réitéra fes ptoteftations. Cependant, ilfuryintencore un nouveau féduéteur, qui mie le comble k toutes les perfidies dont cette infortunée fut le jouet, jufqu'a fa mort. Ce perlonnage étoit un nommé Quierfac.Vout le rendre le mairte abfolu de fa proie jUnleva la veuve Foreft, de 1'Eftrapad'e «u elle demeuroit, Sc Ja tranfporta i 1 autre bout de Paris, dans une chambre yoifine d'un appartement qu'il occupoit dans la rue de Bourbon, prés la porte Saint-Denis. Li, il ne lui permettoit de voir que ceux q«i lui étoient afrides. . fe Premier ufage qu'il fit de 1'autoctC iïr aVOir ufurpée fur la veuve foreft, fut de lui faire obtenir des lettres de refcifion contre la donation faite a Sampierre d'Aréna. Elles furent entérinees, Sc la donation anéantie par ^.«.^..v* uu v^aateiet du 7 janvier Sampierre d'Aréna s'en rendit appellant. Mais. craiananr ™„= V.CT..» iCt »_ - —0 1 iuuc ue cet appel ne lui fut pas favorable, il s>ar> ^angea aver Quierfac, auquel, par un Inliet du j mars 17*7, üaiTurafc tier*  I94 La faujje Tefratrice. des biens concenus en 'fa donation ^ avec 1100 liv. de rente yiagère , a commencer du jour de la mort de la veuve Foreft , & réverfible , après la mort de I Quierfac, fur la tête d'une concubine qu'il entretenoit, & qu'il faifoit palier I pour fa femme. . , . , Qu/er/dc accepta cette libéralite, & I fit céfler les pourfuites: mais il ne renonca pas, pour cela , au projet qu'il avoit formé de faire faire un reftament en fa faveur. La veuve ïoreft fut pnfe " de mal le 5? mars 1727- La maladie empira telle ment le lendemain, qu'elle fut hors d'état de faire Je teftament que j Quierfac defiroit fi .fort: Enfin, elle. mourut la nuit du 12 au 13 , fans avoir ■': recu auctins fecours fpirituels. Onen va ypir ia raifon. On crojra d'abord que cet accident va déranger les projers de QuierfacjÈ qu'il va iMer Sampierre d'Aréna joind de 1'effet de fa donation , & fe contenter de la portion que ce donataire luis avoit aiïurée. Non 5 il faut un teftamenjj Et volei comment il paryint a fe le pro-,curer. • j " ïl enfeveUt d'abord la mort ae id veuve Forefl- dans le fecret le plus imp$j uétrab'lc'. ï\ jetce jnfuice le? yeux fu|  Lafauffe Teflatrice. r<^ 'deux fcélérats qu'il eonnoiffoit pour .1 tels: c'étoit une nommce Guiilemctte. Rainteau, femme d'un cocher, & un certain hanquinoc, alors procureur nu Parlement. Ces perfonnages, après leurs conventions faites , cherchèrent un notaire qu'ils pulfent tromper : Mahaut parut, .touumu , I lui confier 1'opération qu'ils méditoieur. Mais elle auroit pu être troublce par. I le fieur Véron de l'hle, qui avoit ptêté :: différentes fommes a la défunte, &c ne ■ la perdoit pas de vue. On 1'empêcha, I &us prétexte qu'elle repofoit, d'entrer dans fa chambre , oü il 1'auroit trouvée I morte: mais pour le tranquillifer fur fa | créance, les trois conjurés lui dirent I qu'ils fcavoient qu'il lui étoit dü une I fomme de 2400 liv. dont il n'avoit I point de reconnoilfance : ils ajoutètent I qu'ils préfumoient que la malade rap5 pelleroit cette fomme dans fon teftaI ment; qu'il étoit cependant a propos de | prévenir, fur cela , Ie notaire. Quierfac I êc Ranquinot 1'y accompagnèrent. Ils ■terent, avec cet officier, un long eiïtretien. On a prétendu que, dans cette «•conférence, tout le plan du tefhmént lij  jqrS LafauJJè Tcjlatnce. fut rédigé; de manière que celle qui étoit chargée de 'Jouer le róle de teftatrice, n'auroit que oui a répondre aux queftions qu'on lui feroit. On éclakcira , dans la fuite, ce point de fait. Quoique les circonftances exigeaffent la plus grande célérité, on ne put eer pendant obrenk que le notaire fe tranf"portat, le même jour , auprès de la leftatrice; h partie fut remife au lendejnain 15 , neuf heitres du matin. 1 Mahau fut pon&uel : il arriva , I i'heure dite,ayec Gmdin , fon confrère, ïls furent conduits dans le lieu qui avoit été préparé pour la fcène. Leurs intro'duéfceurs étoient Quierfac &C Ranquinot : la chambre ou ils furent introduits . étoit celle de Quierfac lui-même ; & le lk oü étoit la prétendue teftatrice, étoit le même dans lequel ce Quierfac couchoit ordinakement. ;' La manière dont le teftament fut srédigé, Sc les circonftances qui accompap-nèrent cette réda&ion , font racontées ^ifféremment» L'hérkier de la veuve Foreft s qui préfendoit que les notaires étoient complices du ftratagême don; ils foutenoient avoir été la dupe , aftu»| reit que ces officiers apportètent m teftament tous rédigé, comme on 1'f déja ditc  La fauffe Tejïatrice. f 97 Celle qui étoit chargée de repréfenter' la teftatrice , avoit la face tournée vets la muraille, & conferva cette pofition, fous prétexte que fa maladie ne permettoit pas qu'elle en changeat. ^ Mahau fit d'abord la ledtnre des legs pieux j auxquels , fuivant 1'ufage , on avoit donné la première place. LzRainteau3 fuivant la lecon qu'on lui avoic faite, répondoit, achaque afticle, oui3 d'une voix tremblante & mal-alfurée. Venoit enfuite un legs de 12000 liv. au profit de Quierfac. La teftatrice interrompit, en cet endroit. la leclure: & craienant qu'on ne 1'eüt oubliée . quoique ce qu'elle faifoit méfitat aflu; rément récompénfe, elle diéta, comme Wrifpin, un legs de 5000 liv. a fon ipropre avantage; & ce legs, auquel 011 ne s'étoit pas attendu quand on avoic rédigé le teftament d'avance, mais qu'il falloit fouffrir dans les circonftances :actuelles, fut éctit, par un renvci a la tmarge, de la main du notaire Gaudin. On continua enfuite la leéture du 'teftament, oü Ranquinot étoit nommé ;légataite univerfei Sc exécutenr - teftaunentaire : le défiftement des lettres de refcifion contre Sampierre d'Aréna, eft révoqué. Gaudin s prenant la plume, Iii;  198 La fauffe Teftatrice. fit encore quelques renvois, fur la première page, aflez peu importants ; 1'é*critnre eft; remarquablepar la différence de 1'encre & de la plume ; il écrivit les vingt-une dernières lignes qui font la clöture ordinaire du teftament. La faufle teftatrice s'étant. retournée vers un des notaires qui la vouloir voir, elle déclara , avec Une voix calfée &C entreconpée, qu'elle ne pouvoit figner a caufe de fon tremblement de main : les notaires drefsèrent leur procés-vorbci 'de cette déclaration. On ajoate que la fcène ne dura que demi-heure ; après quoi les notaires prirent congé de la leftatrice, en lui difant que, fi elle avoit befoin d'eux, ils étoient a. fon fervice : enfuite ils fe retirèrent avec leur minute. La mort de la veuve Foreft fut annoncéele 16 mars 17Z7,quatrième jour de fon décès : elle fut inhumée. Le 1 9, 'iianquinot fit fon billet a Quïerfae^, portant promefle de lui donner moitié du legs univerfei, & de le parrager avec lui a meiure qu'il en feroit. le recouvrement. Cependant d'Aréna ne reftaapas oififi Comme il ne fe préfento.it aucun hérttier du fang, il fuppola la fucceiuou  Lafaujfe Tcjlatricê. Toe) Tacante, & fit créer un curateur. D'aci cord avec cet homme de paille, il ob| tint un arrêt qui infirfna la fentence qui I avoit entériné les lettres de refcifion | obtenues pat la veuve Foreft. D un autre cöté, un nommé Canon y I excité par 1'opulence de cette fucceflion, f qui étoit en proie a tant d'ufurpateurs, I chercha a les écarter töus • & fe fraya , a ceteffet, une route nouvelle. Lesobli1 gations *les donations , les legs étoient v épuifés. Profitant de 1'idée de d'Aréna fuppofant, comme lui, que la fuc~ ceffion étoit vacante, & par conféquent \ dévolue au Roi, a titre de déshérence, ^ il furprit, le 20 juillet 1728 , un brevet ijl qui lui faifoit don de tous les biens( meubles & immeubles qui a'voient ap1 partenuala veuve i oreft. Ce brevet fut 1 enregiftré en la chambre du Domaine, le 1 8 aoüt fuivant.- Le fieur Luriennt, héritier du fang3 :: petit-neveu de la veuve i orejl, qui ré: fidoit a Quintin en Bretagne, n'appril la mort de fa tante que vers le mois de .feptembre 1727. Les affaires du fieur Lurienne ne lui -permirenr pas de venir : mais il envoya :fa mère a fa place, munie de fa procu■p.ÜQii, Arriyée a Paris, elle découvric liv  200 Lafaujfe Teftatrice» toutes ces intrigues crimmelles. Elle fe précautionna d'abord, au nom de fon fils, de lettres de benefice d'inventaire, &c rendit une plainte qui fut fuivie d'une information ,fur laquelle Quierfac Sc fa femme, qui avoit contraéti avec lui une figure de mariage , Ranquinot Sc la Rainteau furent décrétés de prife-decorps ; les deux notaires, avec Sampierre d'Aréna, d'ajournement perfonjiel. Les notaires obtinrent \tn arrêt de défenfes : mais ils furent renvoyés au Chatelet en état d'ailignés pour être ouïs. Des quatre décrétés de prife - decorps , les trois premiers prirent Ia fuite : la contumace fut inftruire. La Rainteau " fut enfin arrêtée. Elle avoua fon crime, dans fon interrogatoire, Sc par conféquent fe reconnut faulTaire» Le fieur Lurienne voulut impliquer les deux notaires : il dit que la Rainteau leura foutenu qu'ils avoient apporté le teftament tout fait; qu'elle avoit feulement répondu, fur chaque article, oui: róle aifé a jouer. II voulut prouver encore ce fait par le teftament même. Cette preuve, ditil, eft palpable; & les yeux feuls e» peuvent être les aöbitres» Suivant ïe  Lafaujfe Teftatrice. 201' procés-verbal qui a été drefTé de 1'état du teftament, il contient trois granclcs pages Sc demie, & cinq fCHVoisL Tout le corps du teftament, aux wngt-uirt dernières iignes prés , tracées par Gaudin, eft écrk de la mais. de Malt ju ; mais d'une main pofée, d'une encre blanche Sc coulante, & d'une écnture nette. Ces vingt-une dernières Egtiei du teftament, avec deux renvoic , Si ;deux approbations de rature, font écrites au contraire d'une encre noire , Si extrêmemenr chargée &C bourbeufe ï parmi les renvois, il y en a un en marge de la première page, Sc au pied une approbation de rature de la main de Mahaut; Sc 1'on voitfenlibiementqu'ite font d'une encre toute différente que celle du corps du teftament, & non» pas d'une main pofée, mais précipirce & rapide. Eft-il nature' que ccku qui écrir, Sc qui a prefqu'achevé fon ouvrage avec une encre Sc une plume Ktïfées, les quitte fubitement, Sc paf caprice , pour fe fervir , en leur place d'une encre épaiffe, Sc d'une plumedure Sc difficile qui ne tracé pas diftincfe: inent : cette raifon fe préfente d'elïemême a 1'efprit. Papan, dans fon no:iaire, tome fecond, tit. 7, du liyre dtf I v.  202 Lafauffe Teftatrice. crime de faux, en parlant de pareifs" fignes, dit qu'ils font fi vifibles, qu'il. cit impoliible de les meconnoitre cc de lesdémentir : " Lapreuvequi en réfulta j> eft d'autant plus forte, continue ces is auteur, que c'eft le coupable lui-même » qui la fournit: elle vient de fon fair y » elle eft- littérale; Sc pour former une jj convictlon parfaite, elle n'a pas même/ » befoin d'être foutenue de 1% preuve «> teftimoniale », Cerre nren vp . npanmnins mnrp fiit-;s- 1 * . 7 ünnrlantf nn'pl\p p{\ fp ininr pnrnrp irJ, a. la littérale» En effet, qu'on parcoure T d'uucóté, 1'interrogatoire de la Rainteau Sc de 1'autre qu'on examine les dépofitions des témoins, foit dans 1'in-. ,'ormation , foit dans- le récolement& laconfrontation, tout s'élève contre les. notaires., iufqu'd leur propre interro- gatoire.. La. Rainteau a perpétuellement Sc conftamment foutenu , même dans lar ifonfrnnra.rrnn anx Aphy nnMirpc nii'Ü Fexception d'un petit nombre d'additions , parmi lefq:ie!!es fe trouve le legs, de 3000 liv. qu'elle s'eftfair,. le corps* du teftament avoit été appqtté tou-tprèr, tout rédigé ; qu'on lui avoit lu les. artides^Sc qu'elle. n'avoit eu part. aux dif-*  Lafauffe Teftatrice. iój fofitions qu'ils contiennent , que par; 1'approbation qu'elle leur avoit donnée ; enrépondant feulement ouï. Son témoignage devient nécelfaite, puifqu'elle étoit feule eiifermée avec eux,& qu'elle feule eft capable d'attefter ce qui s'elt iifait pendant ce tems. Ce qui prouvé encore que la Ram-' \tcau n'a point diété ce teftam.nt, c'eft i qu'on y fait le détail de plufieurs pro(cédures qu'elle ignoroit abfolument ? I elles font donc uniquement 1'ouvrag^ i de Ranquinot} ou des notaires. Or, que 1'on réfléchifle fur le tems-' , que demande un teftament de trois paI ge*, 8c demie, pour être récligé fous 1& i: dictee d'une reitatnee : que 1'on fade llattention au détail oii auroit dü entree' c une femme de la plu-s vile condition icomme eft la Rainteau, femme d'une : fiacre, pour développer fes inrentionjC ;fur différents ob;<;ts de procédures t I que 1'on confidère les fuites qu'elles de-rvoient avoir, 8c tous ces faits particu— :iliers dont elle n'avoit jamais ent ndu' (i pari er i qu'on joigne accia le tems ne-' jcellaire pour ajoucer lts renvois, lire &C ' rel'ire un teftament ft étendu dans fes> I dirfcrentes difpolitions: & qu'on le de— i Jnande a foi-même s'ii eft ppllible qu'il  204 La faujje Teftatrice. ait été dicté par la Rainteau, écrit paT les notaires, chargé de cinq renvois, lu &c relu, & tout cela dans une demi- heure. L'infpecHon feule prouve qu'uneheure ne fufhroit pas afécrivain le plushabile, a la main la plus légère, pour le tranfcrire en entier dans 1'érat oü il efiv Les notaires voudroient perfuader qu'ils 1'ont rédigé dans une demi-heure fous la diclée d'une teftatrice. Mais comment a-t-elle pu dicter ce qu'elle ignoroit, & ce qu'elle ignore encore ? Et tant de rnerveilles, répétonsde, dansttne demi-heure. Étoit-il poflible aux notaires de ne pas remarquer la fituation extraordinaire de la faufle teftatrice, qui leut tournoit Ie dos, & avoit le vifage dit cöté de la muraille ? Leur étoit-il irnpoftible, lorfque Kun d'eux 1'a fait retourner, de ne pas s'appercevoir qu'elle n'avoit pas le vifage d'une femme malade , agée 5c moribonde , telle qu'on. leur avoit annoncé la veuve Foreji ?■ Leur étoit-il impoftible de ne pas découvrir, a la voix eontrefaite , la vérité de 1'odieux ftratagêrhe? Veulentdls donc,. après qu'ils ont fcellé la ruine du fieur Lurienne par un acte authentique, ckr  La fauftè Teftatrice. 20 f qu'ils 1'ont forcé d'avoir recours i une plainte nécelfaire Sc indifpenfable, qu'on 1 lui refufe la jufte répara tion qui lui eft I due ? Voiciles régies que lepréfident Faler9 | dans fon code , définuion 2 du tic. 13 3 i liv. y , propofe, pour être fuivies dans | ces cas odieux & puniflables, II parle d'une efpèce de faux , commis par 1'inj terpofition d'une perfonne fubftituée I en la place d'une autre, au nom de la1 quelle elle pafte un acte qu'un notaire I recoit ; & il demande li un notaire ; qui a recu un tel a&e , eft réputé' 1 complice : fur quoi il propofe trois|. régies. La première eft d'examiner la réputation du notaire, fi elle n'a point fouffert d'atteinte , & fi 1'on peut préfumer qu'il y a, dans fon fait, plus d'imjprudence que de fraude» In kec multam j in terefl Jcire an notarius bona fams. fit L anfufpf ''<*; ut credi poffa per impru-den- i tiara & faci/itatem, potius quam dolo Ymalo delierufffe. La fèeëade régie qu'il érablit eft7 rlorfqne le notaire eft coupable , il mérite c' tr< .-••.mi dans toute la-févérité des li loix. Riec ti eft plus important pour 1$  lcé> La (duffe Tefldtrïct. public, que de veiiier au maintie» de$ k régies violét-s par les officiers fur qui'i roule tour le commerce de la fociété 1 civile: ils font les dépolitaires de la foi I publique. L'abus de la coiihance qu'on 1 a dans eux, caufe les plus grands defor- I dres, dépouille des families de leurs I biens & de leur honneur, A l'égard des teftaments, leur fup> I pofition eft le principe oü la loi Corne* I lia de fa/fis , a pris naiifance: fi quis 1 fubjecerafaljum teflamentum, dit la loi 1 i , ad leg. Cornel, de falfïs, On appel- I loit ce genre de faux falfitas tefiamen- I taria. Malgré 1'attention qu'on a ap- I portée a réprimer ce crime , on 1'a vu I revivre de tems en tems, par la prévari- I cationdes' officiers publics. Des le tems I de nos premiers Rois , on trouve dans* I les capitulaires de Dagob-rt, en 630, I sic. 59, n. 3', des peines établies contre I les notaires, dans le cas d'un faux tefta- I ment oüils avoient participé :-cum tefta- I mentumfalfatum fuerit C-mcellario, feu I notario, &e. L'orcfonnance de 1; 31 , j chap. 5 , are. 1 ; de 15 3 9 , art. 179 yd&i 1670, du tit. 9 du crime de faux, art; I 8 j 1'édit du mois de mars 1680: dan*| toutes ces ordonnances , toute la ri gueur des loix , toute leur févérité-eür. 1  ^ La faujje Teftatrice. 207 rappeïlée: les juges font chargés de tenrj la main a leur exécurion. Suivant la troilième regie, il n'eft. pas toujours nécelfaire qa'iï-y ait du dol de la part du notaire, pour encounr le reproche, & tomber dans le cas dn faux : il fuffit qu'il n'apporte pas toutes les précautions qu'il doit prendre pour fe conformer aux régies, lllud farii confiat, falfum fine üolo non commhci crimen : tarnen d notaria . et^m Mfum3 commhti potefl, ob ïdque neen* ■ f.,m .ar. : • . . . 1 ' <"<-u,u cUs, quoiies mmirum non ad* •hibet notarius eas cautiones quas aid falfum impediendum adhiberi Leaes aut \conftitutiones Principis vel SenatuCcon* r..t.. ...1 . - * wmfia voiunr. j Il'eft toujours certain crue cerre fmm du notaire donne lieu aux dommnges & mtérêrs de la partie; puifqu'un qnifiu jdeht, & même la faute la plus legér* eu font la fource.. Copiefïgurée du teftament. « Fut préfente demoifelle Francoifè » Fontaine , veuve du fieur André'Fow re ft, marchaud allourdeaux, demeu* » ranre a Paris, rue de Bourbon, prés • la porte S. Denys, au.fecond apparreT  2c8 La fauffe Tejtatricé. v ment ayant vue fur la rue S. Claude » oü demeure le fieur chevalier de >■> Quierfac, ciiez lequel elle eft en pen- | jj fion, trouvée dans fon lit malade der 33 corps, dans une chambre dépendante S3 dudit fecond appartement, fainetou- 1 3> tefois d'efprit, mémoire Sc jugemenrr j 33 ainfi qu'il eft apparu aux nctaires | jj fouflïgnés par fes difcours Sc entre- 1 >3 tien j laquelle incertaine de 1'heure de , 1 33 fon décès, ne voulanr en être préve- ] j3 nue , elle a fait, dicté Sc nommé aux j 33 notaites fouflignés fon teftament 3 23 comme il luit : » Premièrement, ayant vécu Si deir- | 33 rant mourir dans la religion cathoj3 lique , apoftolique Sc romaine, elle I is a recommandé fon ame a Dieu, im- 1 53 plorant fa bonté de lui faire (i) mifé» ricorde pour la rémiftion de fes fantes? j3 Sc intercède les fainrs & faintes dit Paradis, pouropérer, par le Seigneur,. | j> le fecours de fa miféricorde envers- j ,3 elle : elle entend être inhurriée avec 33 fimplicité: donne Sc lègue aux pau» vres de la paroiffe S. Laurent 30 liv» 33 une fois payées. Veut qu'il foit dit, i s-3 1'intention ck pour le repos de foaj (1) Mots rayés.  La fauffe Teftatrice. zog n ame, cent meffes baffes de requiem $ » en telle églife que le fieur Ion exécu-» : » teut-teftamentaire choifirs.. Doane Si « lègue aux pauvres des Pentes-Mai- . » fons, s'entendaThopital i'auxbourg S» as Germain a Pari:-, i 5co hv. au cou- ' »> vent des Jacob::v d< 1 rue S. Jacques 33 1000 liv. Sc 2 !'iJotel-Dieu pareilles in 1000 liv. le tout une fois payé. Donne 133 Sc lègue audit fieur de Quierfac y ,|33 chez lequel elle eft en penfion „ 33 120c-. liv. une fois payées y a pren33 dre 11 les biens qu'elle laiffera, SC i»j de ia nature qui fe rrouveront a fon 33 décès. hem , donne & lègue a Gui.'le33 me/re a'uueau,fille majeure, la fom- |>3 me de 3000 liv. une fois payée , k 3» prendre auffi furies biens qu'elle laif33 fera, Sc de la nature qui fe trouve- ;>3 ront a fon décès. La teftatrice n'ayant 33 point connoiffance de fes parents , >3 elle déclate que , s'il s'en préfente 33 aucun, lors de fon décès, pour avoir 33 part a fon héritage, en prouvant qu'ils is» foient véritablement un ou plufieurs >3 de fes héritiers par filiation, qu'ils ne ■** puiffent prétendre dans fa fucceftion 33 rayé dans la préfente page trois mots 33 comme nuls.  lió LafauJfeTeflatriee. h que la fomrne cle 6000 livres urii M fois payée , pour appartenir a- un ou » plufieurs héritiers prouvés. Et quant n au furplus de tous lefdits biens, men-'' » bles &: immeubles de la demoifelle » teftatrice , en quels pays & lieux' ^ qu'ils foient affis &£ fitués, elle les s> donne & lègue a Monfieur Ranquiij not, procureur au Parlement, qu'elle 33 inftitue fon légataire univerfei, pour 3« en difpofer par lui en toute propriété 33 du jour de fon décès, a la charge par 33 lui, Sr non autremenr , de payer (1) 33 ce qui eft du par elk a Monfieur Ve~ 33 ron de l'JJle , toutes les fommes qui lui >3 font Dar elle dues fuivant les tittes qui 33 font ès mains dudit fieur de l'Isle, 33 & notamment fans préjudice a lui de 33 1'exécutio'n de fes titfes & créances-, 33 la fomme de 2400 liv. qu'elle lui dok 33 encore fans billets ni reconnoiifances-, 93 que ied-ir fieur Feron de l'Isle lui a 33 avancée a plufieurs. & diverfes fois , »3 tant pour les frais des procés qu'elle 33 a eus , & qu'elle a actuellement } 33 rayé en la préfente page cinq mots }D comme nuls. (j) Mots rayês.  La faiiffe Teftatrice. 2 r ï f même que ledit iïeur de l'Isle foiü » encore rembourfé des fommes qu'il » avance acïuellement pour fa fublif|> tance, Sc dans fes affaires , fur fa dé» claration, a laquelle la teftatrice fe m rapporte. i •> Déclare la teftatrice qu'elle n'en|> tend point fe fervir & révoque, en > tant que befoin feta , les défift&ments » qu'on peut lui avoir fait figner parfuri> prife a 1'occaffion de lettres de refcii» lion qu'eile avo;- cbtenues conrre les ■:k> donations qu'elle a pu avoit' faite3 il Sc fignées aufli par furprife, entensk dant que 1'effet des donations d'entre IL elle & les-différents prétendus dona- »■ raires d'elle, aient leurs cours jufqu a > jugements défmitifs, non-obftant lef5 dits déllftements: & pour exécuter Sc > accomplir le préfent teftament, icelui > augmenter plutpt que diminuer, lalt dite demoifelle teftatrice a nommé & > choili ledit fieur Ranquihot , procureurau Parlement, fe delfaififtant en- > tre fes mains de tousfes biens , fuivanjt h la coutume; révoquanr, laditj de4» moifelle teftatrice, tous teftamrnts--, pcodicile Sc autres difpofitions tcfta:}» mentaires qu'elle a pu avoir f i;ts avant kle préfent teftament., auquel feul elk  lil Ëa fdüffèTzfimfki. si s'arrcte comme étant fon iivrentici 5$ j) ordonnatfice de dernière volonté. Ce *> fut ainfi fait, dicté Sc nommé paE' » ladite demoifelle teftatnce anxdits s> notaires fouilignés, puis a elle paf s> 1'un d'eux,- 1'autre préfent f lu & relu, 35 qu'elle a dit avoir entendu, & y a 33 perfifté, en ladite chambre fus défi» fignée, 1'an mil fept cent vingt-fept ,• 3» le quinzième jour de mars, fur les dix 33 heures du matin j & a déclaré ne pouj» voir écrire ni figner, a caufe du trem•w blementde fa main,de ce inrerpellée 33 fuivant 1'ordonnance. Signé, Gaudik Sc Mahau ir d'autres oerfonnes. 1 • . 1 Qui ne voit que , lorfqu'un teftateur ijie fait fon teftament que fur 1'inter| jrogatoire qu'on lui fait, il époufe alors I une volonté étrangère, qu'il change I contre la fienne, par crainte ou par vio1 ience ? Mais lorfqu'il didte fon teftaI ment, c'eft fa propre volonté qui coule | de fource, fans melange d'aucune autre 1 volonté. Pourquoi la coutume exigeroit - elle J qu'il fiit fait mention, dans un tefta- I ment, qu'il a été diclé & nommé ; Sc i pourquoi voudroit-elle que ces mots ne I puiffent point êtte remplacés par des I termes même équivalents, fi 1'on n'avoit 1 pas cru cette précaution néceffaire pour I uiettre un teftament a 1'abti de la fug- 1 eeftion ? lp Quoique les notaires ne foient point i complices de la fraude, ils feroient trés1 coupables s'ils euffent tédigé le tefta1 jnent dans 1'abfence de la teftatrice, Sc \ «qu'iis fe fuflent contentés de connojtre  ai4 La fan (Je Teftatrice. fes intentions par la voie de plufieurs interrogats: auffi donnent-ils toute leur § attention a faire voir qu'elle leur adicté I fe teftament. Ils difent que la rigueur de Iarèglè I l.eur ayant fait foutenir le perfonnage I toujours trifte d'accufés, ils avoient | du moins recu cet avautage confolant 1 pour eux , que 1'inftruction , maniéepar ] un magiftrat éclairé , a pleinement ma- 1 nifefté leur iunocence. Les preuves qui ] la font éciater fe font multipliées dans J tous les degrés de la procédure, & elles font enfin parvenues au plus haut pé- I riode d'évidence que la vérité puifle de^ 1 lirer pour fon triomphe. lis racontent enfuite 1'hiftoire du procés j ils foutiennent qu'ils ont écrit | les difpofitions du teftament fous la dictée de la faufle teftatrice, & qu'ils n'ont pas eu la moindre méhance du tour qu'on leur a joué; qu'ils n'avoient point appris que la veuve Foreft fut morte la I puit du 11 au i z entre les bras de plu- j fieurs voifins. Ils difent qu'ils fe font ; préfentés eux-mêmes poür répondre , dés qu'ils ont appris qu'ils avoient été décrétés d'ajournement perfonnel. En premier lieu, ilyaici une vérité principale : c'eft que les noraites ont été  La fëujfè Teftatrice. a. i ^ les premiers trompés par P,anquinot, Quierfac Sc Ia Rainteau, &C que touc 1'appareil qu'ils out vu, quand ils ont • recu le teftament, n'a été imaginé qu'a deflem Af leut faite ptendre le faux pour le vrai. C'eft pour eux que s'eft jouée la comédie repréfentée -a leurs yeux j c'eft pour les féduire que la Rainteau s'eft mife.au lir, Sc qu'elle a aftééti tous les dehors d'une perfonne malade. S'ils euffent été complices-' de la fuppor fition de perfonne, ces précautions gênantes & dangereufes,auroient été fuperflues : ils n'auroient même pas eu befoin de mettre la Rainteau dans le fecret. lis pouvoient, étant bien fürs que la mort de la veuve Foreft étoit ignorée, frire leur acte , fans le fecouts de cette comédienne. Ils pouvoient faire plus.Sans courir les rifques de la preuve que la teftatrice étoit décédée a 1'époque qu'ils ont donnée a leur acte, ils pouvoient la dater d'un jour cu elle, jH'étoit pas encore morte. II eft donc impoflible d'attribuer a la fuppofition de perfonne, d'autre motif que celui de les tromper. En effet, il n'eft pas ctrangeque, d;>ns Paris, oü fouvenr on ne connoit pas fes Yoifms les plus prccbes, les notaixjs,  2 T 6 La faujfe Teftatrice. .aient pris le change: & nous voyoni qu'a la comédie, ou un auteur doit toujours repréfentet la vraifemblable, on a fait commettre une pareille erreur a deux notaires. v Eft-il vrai que cet odieux "manége ïi'aitété médité ni confommé que pour les furprend.re? Ecoutons les témoins, Sc la Rainteau elle-même, Pierre Chevalier, premier témoin de 1'informationj dépofe que BenouTefi fier, cinquième témoin, lui a écrit , dans la province ou. il étoit alors, que des notaires étoient venus , trois jours après la mort de la veuve Foreft, pour recevoir fon teftament; que Quierfac &C fa femme avoient caché le cadavre de cette veuve, & fait ujertre, dans fon lit, une femme appellée la Picarde, laquelle afteóta de tournet le dos aux notaires , Sc que 1'un d'eux lui tata le poulx Sc dit : voild une femme qui n'eft pourtant , pas fi foihle. II ajoute qu'a fon retour de province, fa femme , qui eft morte deux mois avant 1'information , avoit gté témoin oculaire de tous ces faits. Pierre de la Lande, troilième témoin, Ienou Teffter, cinquième témoin , ^ nne Coqui! e , feul témoin de la confinuation de lluformation; garde de la YSUV^  La faujfe Teftatrice 2I7 veuve Foreft 3 Sc qui pa VUe expirer dépofent unaniment que la Rainteau , Quierfac 8c Ranquinot ont agi d'intelligence pour tromper les notaires, leur repreientort , vouloit faire un teftaj ment. Gudlemette Rainteau a avoué qu'elle a joue fon róle de fauffe teftatrice, pour iurprendre les notaires , 8c qu'elle avoit le vifatre roiimj A„ ... o •-'-'i-v. uciamu- raüle, ahn qu'on ne la vit point; & elle ajoute qu'un notaire Ia fit retourner de Ion coté. Le cinquième témoin a dépofé comme témoin oculaire, que la Rainteau , héroïne du ftratagême lui i avoué qu'elle avoit fi bien joué fon perionnage, que les notaires ne pouvoient pas éviterle piège qu'elle leur tendoit. Après une preuve auffi complette ne s'etonnera-t-on pas qu'ils foient accuies, quand ils devroient être les accufateurs. Ils Ie feroient au/fi s'ils avoient appris, plutötque 1'hériti'er k ttomperie qu'on leur a faite :on les 'au roitvu armer le bras de la juftice, pour veneer la foipublique furprife en felirs perlonnes ; & n'auroient pas épusné  2i8 LafauJfeTejlcitrice. _ ces mêmes témoins qui, inftrilits de 1'odieufe manoeuvre qui fe préparoit, tont eu la lache condèfcendance de les |aifler féduire, & n ont parlé qu'apres ■que la pièceaété jouée. fcn fecond lieu,il eft conftant que la Rainteau leur a dióté le teftament. II eft vrai que deux témoins ont dit que les notaires n'ont refté qu un inftant dans la chambre de la fourbe, mais ils fe font dédftW la confrontation; & fan a dit qu'il ne fcayoit pas pofitivement ie tèms qu'ils avoient demeure j i'autre, en tenant le même langagea dit qu'il n'avoit pas l'horlogë dans la tête. Voila donc le fo'upcoh, que 1'indifcrétio'n de ces deux témoins avoit fait naitre, pleinement diifipé. Les notaires ont dit qu'ils avoient employé une heure a rédiger le teftament fous la diélée de la fourbe. Le tems étoit bien fuflifanr, puifque cet; aéte ne contient que trois pages ordende. " II eft vEai que la Rainteau, qui vouloit paÜier, en quelque forte, fa maffl vaife action,dit, dans deux articles de Ion' interrogatoire , que ce teftame« • étoit tout arrangé: que tout fon fcM tpnfiftoit i répoiidre oui a chaque arfj  Lafaufte Teftatrice. Hè «le que les notaires lui demandoienr. I Maïs quelle foi peuvent mériterlesdifI cours d'une fomme convaincue d'un :| crime auifi grave, & dont la punition mterefte autant le public ? Ne voit-on I pas qu'elle n'a imaginé cette circonfI tance que dans la vue de s'exeufer ? Le propre du menfonge eft de fe dé: celer lui-même : c'eft ce qui eft arrivé i iorfque le magiftrat a demande 4 la' Rainteau fi, dans fon teftament, elle a fait des legs auxhópiraux: elle oublie I qu'elle vient de dire qu'elle n'a ré; pondu que ouiaux interrogars qu'on lui a fairs; elle ajoute qu'elle a fait ces legs paree que la veuve Foreft fonhaitoit que cela fut ainfi, & qu'elle 1'avoit ordonné dans un teftament qu'elle avoit I fait quatre ans avant fa mort. Elle reI connoit donc qu'elle a dióté ces leaS pieux: dela une conféquence naturelle ■ fe préfente; c'eft qu'elle a dicté pareiillement les autres difpofitions du tefta- ii ment. Une autre preuve de cette vérité cc'eftque Mahau 1'ayant interpeilée, afe cconfrontation , de dire comment' elle ;fcavoit qu'il étoit diï i4oo liv. au fieur IVeton , & pourquoi elle avoit d';claré :qu'elle fe défiftoit des lettres de refci, K ii - -i  220 La faujfe Teftatrice. üon j elle a répondu que la veuve Foreft 1'avoit inftruite de fes affaires ; ainfi elle a bien pu dicfer ces deux articles. II eft vrai qu'elle a nié, dans la fuite , d'avoir. dicté les legs pieux : mais cette variation ne fert qua la confondre, après avoir expliqué la raifon qui 1'avoit déterminée a faire l'action qu'elle nie enfuite avoir faite. Dire qu'ayant dépofé que les notaires apportèrent le teftament tout rangé & préparé, on la doive regarder comme un témoin néceffaire j c'eft bien abufer de cette maxime ; puifqu'on n'a jamais regardé, fous cette idéé, une accufée prévenue d'un fi grand crime, & dont la foi eft fi fufpefte. II eft donc certain que 1'apologie des notaires fe préfente d'elle-même, malgré les efforts qu'on a faits pour opprimer leur innocence. Quant aux obfervations qu'on a faites fur les différentes plumes , les différent tes écritures dont on s'eft fervi, on a parlé fans fondement; on n'a point conf? taté 1'état du teftament: rien n'eft dong plus frivole. Ranquinot, qui n'a eu garde de fej /nettre en état, s'eft avifé de faire un feSm pour fa défenfe. On n'entrerjt  Lafaufte Teftatrice. til point dans le détail de fes moyens , qui confiftoient a alfurer féchement que le teftament n'étoit pas fnppofé: que le fieur Lurienne n'avoit pas qualité pour agir dans cette affaire: que la veuve Foreft n'étoit point motte a la date du teftament: qu'on n'auroit pas pu garder un cadavre ft long-tems, fans que l'odeur de la putréfaction eut décélé la fraude , &c. Sec. Mais il ne fournit aucune preuve de ces allégations, que les ■ allégations mêmes. Enfin, 1'affaire fut jugée au Chatelet. « La fentence du lieutenant-criminel, *> du 11 avril 1728 , jugea le profit de jj la contumace bien & valablement »> obtenu contre Ranquinot, Quierfac 8c » fa femme; déclare le teftament recu «par Gaudin 8c Mahau, notaires au j> Chatelet,le 15 mars 1727, au nom w & Anne - Francoife Fontaine , veuve >• d'André Foreft , faux & fnppofé , & » lefdits Ranquinot , Quierfac & -4a w femme, & Guillemette Rainteau , clé» clarés düment atteints 8c convaincus, » fcavoir , ladire Guillemette Rainteau , » de s'être fauffement fuppofé être lad. « veuve Foreft, qui étoit morte trois t jours auparavant, fait ledit faux teftaKiij  2 22 Lafaufje Tejldtrici. „ ment; & lefdits Ranquinot, Quierfac „ Sc fa femme, d'avoir frauduleufe„ ment célé la mort de la veuve Forejï „ pendant trois jours , d'avoir eu part a », Ia fuppofition faite de fa perfonne Sc a la faulfeté dudit teftament: pour », réparation de quoi condamnés a faire „ amende honorable au Pare civil du ,, Chatelet, 1'audience tenant, &audir 3, lieu,. étant nuds pieds & en chemife, „ la corde au col, ayant, ladite Rain„ teau écriteau devant & derrière, >} porrant ces mots : Tefiatrice fuppoféet &c tenant chacun entre leurs mains 33 une torche ardente de cire jaune du 3, poids de deux livres, dire Sc déclarer 33 a haute & intelligible voix, fc.avoir J „ ladite Guillemette Rainteau , que mé— 3, chamment, témérairement, &conv>' „ me malavifée, elle s'eft fautfement „ fuppoféêtre.la veuve Foreft , qui étoit „ morte trois jours auparavant, fait le „ faux teftament dont eft queftion-, & lefdits Ranquinot Sc Quierfac Sc fa! ,, femme, qu'ils ont frauduleufemenrJ j, célé la mort de ladite veuve Foreft „ pendant trois jours, ont eu part a la 3, fuppofition faite de fa perfonne, & i 3, la faulfeté dudit teftament: dont ils fe repentent, Sc demandent pardon; 3, a Dieu, au Roi,, & a la Juftice : cej  La faujfe Teftatrice. ±13 ;, rak ladite Guillemette Rainteau , Sc „ ladite femme Quierfac, banms pour neof ans de la ville , prévóté Sc vi- „ comré de Paris; enjoint a elles dé „ garder leur ban fur les peines portées „ par la déclaration du Roi, qui font „ d'être rerifermées én la maifon deforce „ de Phöpkal-général, chacun en 20 f. „ d'arhende envers le Roi; Sc lefdits» 3, Ranquinot Sc Quierfac condnits & at5, tachés a la chaine, pour y fervir ledit 5, feigneur Roi, comme for$ats en fes „ galères', Ie tems Sc efpace de neuf 3, ans, préalablement flétris par 1'exécu- teur de la haute-juftice , au-devant dé i, la porte des prifons du grand Chate>} let, d'un fet chaud en forme de letj, tres G. L. fur 1'épaule droite, con„ formément a la déclaration du Roi y „ du 4 mars 1724, Sc lefdits Ranqui„ not } Quierfac, fa femme, Sc Guille,-, metie Rainteau 3 folidairement eii „ 200 liv. de réparations civiles, dom„ mages Sc intérêts,envers Claude-Aiidié „ Lurienne , Sc aux dépens ; laquelle" „ condamnation , a l'égard defd. Ran„ quinot, Quierfac Sc fa femme , fera tranfcrite dans un tableau attaché a „ unepotence qui pour cet effet fera plarii} tée c'n la place de Grève, & le décreï Kiv  2i4 Lafaujfe Teftatrice. „ decerné contre un quidam habillé dé noir, qlu fera indiqué par Ia partie „ ciyile, & le procés a lui fait & par_ „rait, fuivant la rigueur des ordon„ nances : lefdits A moine Mahau & „ Matthieu Gaudin, Charles Veron de " Jff ^,?'an-A«g"fiin Sampierre „ d Arena, dechargés des plaintes, de- mandes & accufations contre eux „ mtentees par ledit Claude-André Lu„ nenne, lequel eft condamnéaux dé„ pens envers eux: les requêtes Sc mé„ moirés dudit Lurienne feronr & de>, meurerontfupprimés, & permis auxd. >, Gaudin Sc Mahau de faire imprimer » P^1™ . & afficher ^dite fentence » ou befoin feroit ». Voici 1'arrêt qui fut rendu : " La Cour, en tant que touche Tap- „ pel intetjëffé pat ladite Guillemette „ Rainteau ds ladite fentence, metl'ap- „ pellation au néant; ordonne que lad. „lentence,de laquelle a été appellé „ iottira effetj condamne ladite Rain- „ teau en Tarnende ordinaire de 11 nv >, & aux dépens de la caufe d'appel: Sc' „ Jur fappel inrerjetté par Lurienne de " i m,en'e/entence'ayanta"cunement » égard a fa requête, Sc pareillement >, egard a celle de Sampierre d'Aréna  Lafauffe Teftatrice. 22? ,, & fans avoir égard a la requêre de Mahau Sc de Gaudin , met 1'appella„ tion & fentence de laquelle a été ap,, pellé au néant, en ce que lefdits Gau„ din Sc de Mahau font déchargés de 1'accufation, ledit Lurienne condamné aux dépens en vers lefd. de Mahau &c „ Gaudin , & que ladite fentence feroit „ imprimée , lue , publiée & affkhée : „ émendant, quant a ce, fur 1'accufa„ tion intentée contre lefdits de Mahau „ & Gaudin, met les parties hors de „ cour & de procés, dépens, a cet égard, „ compenfés ; la fentence, au rélidu , „ fortilfant effet: Sc pour faire mettre ,, ce préfent atrêt a exécution, renvoie ladite Rainteau prifonnière pardevant „ le lieutenant-criminel du Chatelet. „ Fait en Parlement, le 11 naai 172S. „ Signé, Pallu , rapporteur ». La Cour jugea que les notaires ne pouvoient être troo attentifs dans les foncfions de leur miniftère, & qu'il falloit réprimer même les fautesqu'ils font par furprife ; paree qu'on foupconne qu'elles ont leut fource dans quelque inattention ; Sc que le défaur d'attention ne fe pardonne point ades officiers publiés. Pendant la pourfuite de ce procés ,1e K v  La faufte Teftatrice. fieur Lurienne étoit occupé contre trots" autres adverfaires qui lui tirfputoient la même fucceffion. Canon , btévetaire du Roi, pour foutenir la validité de fon ; brevet, attaque le fieur Lurienne par 1'endroit le plus fenfible a un citoyeu accoutumé a jouir paifiblement de fon état. Ilfoutint, même dans des mémoires publics, qU'Anne Fontaine, teut de la veuve Foreft,, & aïeule du fleur Lu~ rienne, n'étoit .pas légitime. I! foutint,' en outre, que le père de fon adverfaire étoit le fruit d'une-conjonction ilhcite entre cette même Anne Fontaine. 8c Jean Lurienne, fon aïeul.. Cette conteftatiou fut foutenne , de part 8c d'autre, avec la plus grande cha- : leur, & avec des frais immenfes. Mais les facultés du fieur Lurienne ne lui permirent pas-de vuider cette querelle, qui refta, S&qui eft encore indécife. Les deux autres adverfaires que cet heritier Infortuné avoir en tête, étoient Sampierre d'Aréna , 8c la Gouachet. D'Aréna défendoit au Parlement 1'appel qu'il avoit interjetté de la fentence1 qui avoit annullé la donation univerfelle, par lui extorquée en ifzx-. Et lal Gouachet défendoit celle qu'elle s'étoit ' fait faire de quelques effets paftkuliersa peu de tems auparavant,  La faujje Teftatrice. 227 [ Après avoir foutenu, contre chacmi de ces deux combartants f un procés pendant 13 ans, & fes facultés étant abiolument confuméW, il fe ditermina enfin a ratifier la donation faite au pcofic de d'Aréna, & a confentir qu'eiie eik' fon executiou ; ce qui fut homologué par arrêt, auquel on donna les formesncctifuves, pour le faire paroitre contradictoire. La Gouachet ne manqua pas de fe |revaloir de cetarrêr. La donation d'Aréna , enyéloppanr généralement toute Ia fucceilion de la veuve Foreft, 1'héri■ tier n'avoit plus dïnrérêr, & par con.léquent plus de droit de coricefter les dcmembremenrs qui avoient pu en être faits par des aótes Darricnliers. r.Vfr r» Iqiu hit jugé par un arrêt rendu en 1740. t Ainfi, 1'héritier légitime a perdu une fucceilion que la nature & la loi lui tv' vj avoient déférée ; il aperdu , en voul.mt repouiler les ulurpateurs. fn xune; & fhonneur de fa naiifance eft ilfefté compromis.  228 Enfant réclamé ENFANT RÉCLAMÉ PAR DEUX MÈRES. "Voici encore un enfant réclamé par deux mères. Mais ce qui diftingue cette caufe de la plupart de celles de la même efpèce qui ont fait retentir les tribunaux, c'eft la puteté de fon principe. On a vu des femmes adopter des enfants qui leur étoient étrangers, pour priver, de leur fucceifion, d'avides collatéraux qu'elles en cróyoient indignes. On en a vu employer ce ftratagême, pour fe procurer, fous des titres favo rables, la jouiifance d'un patrimoine| que la mort d'un mari, décédé fan» poftérité, tranfmettoit a fa familie. On en a vu enfin qui n'étoient animées dans leur réclamarion , que par le delir de perpétuer le nom d'une maifon illuftre : dans laquelle leur mariage les avoit i inttoduites. Ici, ce n'eft point Pambition , ce i n'eft point 1'intérêt qui anime les deux-i mères que Pon va voir entrer en licet:  par deux mères. 2,2.9 'Elles n'oftt, par leur réclamation , ni grand nom a perpétuer, ni grands biens . 1 conferver.Ce font deux femmes d'un ■I état obfcür , qui font a peine pourvues des fimples fecours qui préviennerit la ftriele héceffité, & qui, en voulant fe charger de la nourriture & de 1'entretien d'un enfant de plus, ne cherchent 1 qu'a augmenter leur embarras. Ce font ■ les entrailles maternelles, c'eft le cri impérieux de la nature qui les rend fourdes a la voix de la pauvreté. Chacune d'elles eft devenue mère , chacune d'elles en veut exetcet les fonctions, au rifque de facrifier le pur nécelfaire dont elle jouit, au plaifir & a la gloire de la matemité. Marguerhe Revel, femme de Gud, laume Brunot, maitre cordonnier, demeurant rue des deux ponts, dans 1'ifle Saint-Louis, accoucha, le 14 novembre 1711 , d'un enfant male, qui fut baptifé le lendemain dans la paroiffe de Sainr-Louis, qui étoit celle de fes père & mère , & fut nommé Mïchel Brunot. Le mème jour, Anne Lucas , femme de René Troëlle, tnaïtre fculpteur, demeurant rue Saint-Louis . contigue a la précédente , accoucha aufïi d'un enfant male, qui fut baptifé le lendemain dans  2>°a Enfant réclamé la même paroiffe, qui étoit auflï celte de les père Sc mère, & fut ndmmj Bernard- Francois froette : ces tïeiïl meres ont eu , dans leurs cou,hes, la même lage-femme. Le voilinage & lesliaifons qui étoient enne ces deus famülles , leur avoient va.it proietter enfemhlp . ™"J deux enfants en nourrice dans ie meme endroit: on avoic pris des mefures pour les placer a Richeviile en Normancie, qui eft a dix-iruit iieues de Paris, Si-tót que celle qui devoit les conouire fut arnvée chez Brunot, on alfa chercher IVnfant de Trce /V , qui fut apporté ciiez Ie premier, & remis i cette conductrice, que 1 on anpeüe vulgwement meneufe'. Celle-ci'étoit connue fous Ie nom de la grande Franfpife. Brunot, pour prévenir la confufion de deux enfants nés le même jour , & de même fe>;e, eut la précaurion de merrrc,furla tête du Gen, un bonnet marqué dun G: \\ lenveloppa d'une couverture bruiée par un coin. II eut lom de coudre a fes Ian?es, avec de gros El de cordonnier, un petit morceau de cuir,& mit la même marqué a ia couverture.  par deux mères. z^f On ne voic pas que le fculpteur ait' eu aucune idéé parelde. Il faut feula:ment remarquer que Trc'èlle donna a < fon fils deux bonnets de laine , &c une I couverture neuve. Les deux enfants i furent conduits a Richeville , en Nosmandie. C'eft dans le tems de la remife das : enfants en nourrice, que 1'on pré te na . que la confufion s'eft faite , en remet- tant a la nourrice 1'enfant de Troëlle : comme fi c'eüt été celui de Brunot, 8C en donnant a 1'autre nourrice celui de ■ Brunot a la place de 1'enfant de Troëlle. L'enfant remis a la nourrice, comme :: eelui du fculpteur, ne vécut que dixfept jours, & fut inhumé a la paroiffe de Richeville. On renvoya a la femme diTroèlle ; la dépouille de l'enfant décédé, c'efti a-dire, toutes les hitdes qui compofoient fa layette : elle y trouva un bonnet ufé 8c marqué d'un GV Cela -lui i donna lieu de préfumet que fon enfant ■ n'étoit point mort: fur cette idéé, eMe alla chez-Brunot, & dit a fa femme qu'elle ne ctoyoit pas que fon enfant fut mott, paree que, parmi les hardes elle avoit trouvé un bonnet différent de celui qu'elle avoit donné a fon enfant-  2-3 2 Enfant réclamé. La Brunot répondit qu'elle ne reconnoifloit point le bonnet dont elle hli parloit pour être le fien, & que, fi elle vouloit éclaircir fes doutes, elle pouvoit fe tranfporter fur les lieux, & fel faire inftmire. Brunot, quatre ou cinq mois après,] fit changer de nourrice a l'enfant qu'il] regardoit comme le fien, & 1'envoya a Boifemond , qui eft a une lieue de Richeville , ou il demeura pendant deux ] années fous les yeux du curé de la pa-1 roifle, qui étoit coufin de la Brunot. Après ce tems-la, l'enfant eft revenu, chez Brunot. L'hiftoire que la Tro'ëlle avoit faite , dans le quartier, de la confufion des en- 1 fants, qu'elle attribuoit a la meneufe 3 1 avoit trou vé créance dans les efprits. Dès \ que l'enfant fut arrivé, elle courutchez la Brunot, & s'écria en le voyant: voila i mon enfant, rende^-le-moi. Lapopulace avoit tellement pris les impreftions que j la Troëlle lui avoit données, qu'elle infultoit Brunot & fa femme. Pour faire 1 ceder ces rumeurs , ils rendirent plainte I pardevant un commiftaire contre Troëlle I & fa femme. JLe i 9 feptembre i-jiè , ils les firent affigner pardevant le lieutenant-cnmi-  par deux mères. 233 'nel du Chatelet, aux fins de la plainte, & pour voir dire que défenfes leurfieroient fakes de les infulter d l'avenir & tenir lies difcours , & femer les faux bruits dans 'le public au fujet de l'état de leur en\fant ; qu'ils Jeroïent condamne's d donner Kin acle par lequel ils reconnottroïent le '^contraire. II y eut fentence par défaut, le 28 i'feptembre , qui fait défenfe d Troëlle & fa femme de plus d l'avenir méfaire, ni xmédire d Brunot & fa femme ffous telles l peines qu'il appartiendra, & condamne Troëlle & fa femme aux dépens. Enfin, ceux-ci affigncrent leurs adverfaires, le 14 janvier 1727, au pare civil du Chatelet , pour voir dire que sBernard-Francois Troëlle, auquel ils ont xdonné la naiffance le 14 novembre 1722, \ & baptifé, le lendemain 15 , en la paroiffe de Saint-Louis, que Brunot & fa femme retiennentdans leur maifon, leur fera rendu » & qu'il leur fera permis de l'en retiter. On fit fubir deux interrogatoires a 'Brunot & a fa femme. Ils font conveIhUs, i°. qu'ils n'onr donné a leur en;fant qu'un feul bonnet, qui n'étoit point maeuf. 20. Qu'ils avoient marqué fes langes  2? 4 Enfant réclamé avec un' raorceau de cuir, coufu de gro# fil, afin que la meneufe püc diftinguèJ celui de Troëlle. 3°. Qu'a'uiïj-tot que la dépouille dej Penfantdëcédé eutétérappo'rtéa TroëlleA fa femme alla leur dire qu'elle avoit] recu les hardes qui appartenóient af Brunot, Sc qui en avoient toutes leJ marqués que 1'on vient d'indiquer. 4°. Que, quand l'enfant, actuelleJ ment vivant., fut arrivé , au bout dsf deux ans, la Troëlle ['alla voir , Sc s'éeria vvoi'ld mon enfant; rende^-le mor. Le 3 mars 1727,intervinr, au Cha-| telet, fentence par défaut faute de com-1 paroir, qui adjugea a Troëlle Sc fa fem-J me,, les conclufionsqu'ils avoient prifes le 14 janvier précédent. Brunot Sc fa femme en interjettèrent appel. Troëlle Sc fa femme, fur cet appel, préfentèrent requête en la Cour, Ie 4 avril fuivant, par laquelle ils deman-f derent qu'en cas qu'il y eut la moindre'f oifticultea coafirmer parement & firn-plement la fentence , il leur fut permis- ! de faire preuve par témoins, que 1'enfant'! acluellement vivant, eft le même quef celui dont la femme Troëlle eft accoucnée, le 4 novembre 1722; &posèrent des faits- fubordonnés a ce fait générafj  par deux mères. 23 > qui tendoient a 1'établir, On les dévaloppera dans la fuite. Brunot & fa femme foutinrent que 1'extrait - mortuaire qui énoncoit que Bernard-Francois Troëlle ,fih de Troëlle, fculpteur a Paris, eft décédé le X décembre, Sc a été inhumé le 3 décembre 1722, rend cette preuve inadmif- fible. „ Pour détruire ce fyfteme, Troeht foutenoit deux propofitions. La première, qu'en général, 1'extrairmortuaire d'un enfant n'eft pas un obftacle a la pteuve par laquelle on montre que celui que 1'aóte attefte avoir éte enterré , eft vivant. La feconde , fi dans 1'efpèce particulière 1'extrait-mortuaire a élevé quelques miages, 1'interrogatoire des parties advetfes fourniroit des commencements de preuve par éctit alfez puiflants pour les écarter.- Premiere Proposxtion.. L'état d'un -%oyen ne peut fouffrir aucune altération : né d'un tel père & d'une telle mère , il ne fcauroit perdre le tirre de fon origine. La bizarrerie des événements, les caprices de ceux  2 3 6 Enfant réclame. auxquels fon eafance eft confiée, Popi* mon meme du public n'ont point d empire fur cette vérité primitive, qui le confhtue, dans Ia république, fous une quabte fixe & invariable. L intérêt g2 neral de la fociété garantit d'abord^la eertitude de cette propofition : delacette permiffion accordée5par les IoixRomaines, aux etrangers de défendre 1'état d un enfant qui n'eft point de leur fang, de combattrepourfa Iiberté attaouée, & de parer les coups qu'on voudroit y porter : Nonfolüm neeejfariis perfonhr, Jed euam cxtraneis hoe permluatur, dit Ia loi Benignius 6,f. de lib. cauf. Mais cette faculté, accordée pour le bien delarepublique, a toutes fortes de perfonnes, par les loix Romaines, devient une obligation facrée a I'éeard des pere & mére. La vigilance qu'ils donnent a 1'etat de leurs enfants, eft un culte necefiaire qu'ils rendent d la nature de qm ils les tiennent, & la loi leur donne tout ce qu'il faut pour remplir ce devoir indifpenfable : Etïamfi nolnfihus, pro eo litigabit parens ; auin oyiru^c, tarit par tirres que par témoins. Cette conféquence n'eft combattue ni par la lettte ni par 1'efprit de 1'ordonnance. En eftet, ne feroit-ce pas le comble de l'-illufion, de ptopofer qu'on düt s'en rapporter , en matière d'état, a un prêtre obligé, par les fonótions de fon miniftète, d'infcrire le tems des fépultures, 'qui, fur 1'infpeéfion d'uj^ bière contenant un corps mort, écnt le nom qui lui eft annoncé, fans fcavoir quelle eft la perfonne décédée, fans connoitre ni le père, ni la mère, ni le défunt qu'il n'a jamais vu, fur la foi d'étrangers fouvent aufli peu inftruits que lui d'un fait de cette importance? C'eft pourquoi 1'art. i 2 n'ordonne point que le curé ou le vicaire figne le regiftre, paree que fa fignature eft abfolument inutile. Mais, quand deux parents ou amis du défunt déclarent fon nom, & fignent leut témoignage, alors on préfume que la vérité eft dans leur bouche; paree qu'ils le connoiflbient, qu'ils étoient en liaifon avec lui, qu'ils 1'ont vu malade, peut-être même mourir & enfevelir. Appliquons maintenant ces difpofitions de 1'ordQnnance a 1'efpèce pré-  par deux mères. 24^ fente. Que porte 1'extrait-mortuaire rapporré par les parties adverfes? En voici les termes. Le 2 décembre ( 1721) mourut, & le 3 dudit mois , fut inhumé Bernard-Francois Troëlle , fils de NI, Troëlle , fculpteur dans l'isle Saint-Louis a Paris , agé de dix-fept jours, lequel enfant étoit en nourrice che% le nommé Claude le Cer- I cle , notre paroifjlen , laquelle inhumation a été faite par nous Robert Belin • prêtre , curé de Richeville, préfence dudit , Claude le Cercle & iz'Auguftin de : Gifors. Deux obfervations fur cet exrrair. i°. II n'eft figné d'aucuns témoins, conrre les termes de 1'ordonnance : il n'eft point fait mention qu'ils aient été interpellés de déclarer s'ils fcavent ü figner. Par conféquent il n'eft pas même capable de prouver ni qu'il eft mort un :ienfant a Richeville, ni 1'année & le jour qui y font marqués : donc il fei roit abfurde de 1'oppofer pour conftater invatiablement le nom & la qualité de l'enfant décédé. 20. Ceux qui font dits préfents a Pen- terrement, bien loin d'êtte patents ou namis du défunt, comme 1'exige 1'or- ; donnance, pour donner quelque crédis Liij  246 Enfant réclamé a leur déclaration, lui étoient totalement étrangers : ils ne connoiffoient pas les parents, & n'en étoient pas eonnus : par conféquent ils étoient dans i'impoffibiiité d'attefter rien de pofitif, & qui portat avec foi les caraétères d'une vérité bien établie. En eifet, le premier témoin, nommé Claude le Cercle t mari de la nourrice de l'enfant décédé , n'a pas pu certifier un fait qu'il ignoroit ab&lument; car il 'n'étoit point venu de Richeville, lieu de fon domicile,a Paris, recevoir l'enfant nourri par fa femme,des mains de fes père &mère. Pendanrle peude tems que i'enfant a vécu, il ne les a point vus ; ils ne fe font point tranfportés a Richeville. De qui donc a-t-il appris un fait de cette qualité ? C'eft de fa femme qui, elle-même, n'en avoit aucufte connoiffance perfonnelle; puifqu'il eft cerrain que l'enfant décédé lui avoit été confié , non pas immédiatement par fes père &c mère demeuranr a Paris ou il éroit né, mais a Richeville par une meneufe, qui s'en étoit rendue dépofitaire pour le voyage de Paris a Richeville. C'eft donc uniquement de la meneufe , de laquelle part cette_ fauffe indi-  par deux mères. 2.47 cation , qui a pafte dans la bouche de la nourrice, & de la bouche de la nourrice dans celle de fon mari. Or, rout le monde fcait qu'un témoin qui ne dépofe pas d'un fait de fa I connoiftance, mais qu'il a entendu dire \ a un autre, ne fournir aucune forte de i preuve; paree que ce n'eft pas le fait 1 même qu'il certilïe, mais le rapport ' d'autrui fur ce fait. Ici le mari de la nourrice , li on peut : le regarder comme témoin, n'ayant ni : figné, ni été interpellé de le faire fui1 vant 1'ordonnance, n'a parlé que fur 1 une continuité d'oui-dire dont le principe venoit de la raeneufe : par confé1 quenr il a déclaré ce qu'il ne fcavoit ; pas, quand il a dit que l'enfant étoit Troëlle , quoiqu'il fut Brunot. Le fecond témoin, Augujl'm de Glfors j payfan de Richeville , eft encore moins digne de foi que le premier, fur le nom de l'enfant décédé : car plus on s'éloigne de la fource ou la vérité pouvoit être puifée, plus on fe trompe grolfièremenr. Or, celui-ci ne parloit que fut la relation du nourricier du même village que lui, qui rendoir ce 1 qu'il avoit appris de fa femme, laquelle ; lui avoit rapporte le dilcours de ia Liv  248 . Enfant réclamé meneufe; ce qui développe, en un mot, le commencement, le progrès, & la confommation de i'erteur dans I'extraitRiortuaire. D'ou il faut conclnre que cet ade j qui pourroit prouver qu'un enfant eft mort a Richeville, le 2 décembre 1722, li les témoins euffent figné le regiftre, ou qu'ils euffent été interpellés de figner' aux termes de Pordonnance, eft incapable ds confrater le nom de l'enfant decedé; puifque non-feuiement il n'eft point figné de deux proches parents ou amis, mais que les deux perfonnes indiquees comme préfentes a 1'enterreJnent, n'ont connu ni l'enfant, ni fes pere & mère. Mais, quand mêmeun extrait-mortuaire en bonne forme, figné de deux proches parents ou amis, feroit oppofé a un citoyen, contenant 1'année & le jour de fa mort, il ne porteroit encore aucun préjudice 4 fon état : la voie lui ieroit toujours ouverte pour réparer le vice d'une énonciation qui le bleffe pour defïiller les yeux trompés par ' les apparences , & démontrer fon exiftence dans le moment oü 1'on croit avoir quelque fondement de couclure Ion deces.  par deux mères. i^c) La preuve de cetre vérité fe tire de la comparaifon de ces diftérentes formalités prefcrites par 1'ordonnance pour la rédadfion des extraits-baptifi raires & mqrtuaires, & de la jurifprui dence conftante par rapport aux extraits; baptiftaires qui déclarent une faulfe I filiation. Les articles 9 & 10 du titre 10 de ; 1'ordonnance de 166j, veulent que le : regiftre des baptêmes fafte mention du 1 jour de la naiifance, qu'on y nomme l'enfant, le père & la. mère, le parrain & la marraine. Ils ordonnent que les baptêmes foient fignés parle père, s'il eft préfent, & par les parrain & mar1 raine qui doivent indifpenfablement y aflifter. Elle ne demande, au contraire, si l'égard des fépultures, que la mention • exprefie du jour du décès, & la fignai ture de deux proches parents ou amis qui auront été préfents au convoi %■ & dans les articles de fe'pulture fera fair mention du jour du déces 3 dit Partiele 9.. 1 Ainfi, 1'ordonnance ne prefcrit point d'y marquer les noms des père Se mère dn défunt, ni même leur qualité« 11 eft vrai que 1'extrair-mortuairedoit centenir le nom de la perfoMe moice?  2$ o Enfant réclamé mais cette dénomination, qu'on tui donne dans cet inftant, ne fait pas une preuve auffi abfolue de fon décès, que ceile du baptiftaire, qui affure la filiation de l'enfant qu'on y infcrit; paree que les mêmes perfonnes , auffi néceffaires, & auffi parfaitement inftruites. d'un fait auquel elles s'intéreffent, ne font pas également appellées par la lot a la rédacf ion des extraits-baptiftaires Sc. mortuaires. Dans 1'aóte de baptême, c'eft le pèrequi, pour 1'ordinaire, fe fait un devoir d'y être préfent & de figner, ce fontles parrain Sc marraine , certains du nom Sc de 1'état de l'enfant préfente au baptême, dont, par conféquent, le témoignage n'eft point fufpecf : mais. 1'extrait-mortuaire n'a pas, pour lui „ des motifs pareils de recommandation. Les père ou mère, mari ou femme du défunt n'affiftent point a fes funérailles: ainfi ce n'eft point de leur bouche que le prêtre peut apprendre fon nom Sc fa qualité. Ceux qui fe trouvent au convoi ont feulement entendu dire que le défunt étoit malade ; ils ne l'ont point vu expirer, ni enfevelir :préfents a fon inhumation, ils fignent 1'extrair-mortuaire3 fans qu'il foit néceffaire que la  par deux mères. 2f i perfonne a laquelle ils rendent leurs : derniers devoirs, ait été leur parent ou ^ileur ami : ce qui atrive fur-tout par rapport aux perfonnes de balfe condition , qui ne laiffent point d'enfants ni de biens , &c au convoi defquels il n'y a , pour tout cottège, que quelques voifins ou curieux qui n'ont point vu i mourir celui dont ils accompagnent le : corps. Cependant, malgré 1'authenticiré des i extraits-babtiftaires , malgré les précautions multipliées par 1'ordonnance pour rendre leur autorité fupérieure k celle des extraits-mortuaires, bien loin qu'ils forment des loix irrévocables fur 1'état des hommes, on a coutume, pac des raifons d'équité, de permettre la • preuve contraire aux énonciations qu'ils contiennent. Si la demande eft établie fur des fairs fuivis 6c circonftanciés qui faflent appercevoir la vérité , elle eft écourée favorablement \ & la teneur des tegiftres publics n'eft point un obf~ tacle a radmiflion de la preuve teftimc*niale. Que d'autotités, que de jugemenra folemnels jepourrois cirer pour juftifiejr cette vérité! Mais, fans vouloir prodi~ ■ guer une érudition fuperfiue , eft-il taae f '  2 >51 Enfant réclamé démonftration plus parfaite de cette propolïtiori, que 1'arrêt du 3 aoüti7i2V! rendu en faveur de la Tocquelin ? Des regiftres publics en bonne forme de Ia paroiffe dans laquelle elle avoic écé I baptifée, lors^ de fa naiifance, décla- \ roient une filiation comme étant ia fienne, la dénommoient, lui donnoient une mère, & l'indiquoient a des mar- I ques pofitives. Cependant elle fut recue a combattre ces regiftres publics, a ruiner 1'extrait - babtiftaire oppofé , par la preuve teftimoniale, a caufe de la vraifemblance des faits qu'elle articuloit (1).. Or, fi la foi des extraits-baptiftaires. peut être détruite par la preuve teftimoniale , quelque refpecfables qu'ils: foient par le concours des formalirés deftinées a les mettre au-deffus de Ia contradiétion; a plus forte raifon des extraits - mortuaires , qui ne portent j point avec eux les mêmes caractères de vérité, feront ils impuiffants pour empêcher de démontrer 1'exiftence de celui dont ils annoncent le décès. Ainfi, en taflemblant toutes les par- (1) Voyez le torae précédent, page 3.23.  par deux mères. 2 3 un morceau de cuir coufu avec du „ fil; &: ce afin que la meneufe put M diftinguer 1'un d'avec 1'autre ». La femme répond « que fon mari lui a dir avoir marqué la couverture ,ou un des  par deux mères. ±<$ $ „ Tanges, avec un morceau de cuir, &t M un bout de fil, pour faire ia diftinc„ tion d'une layette a 1'autre». On leur demande « s'il n'eft pas vrai qu'une femme appellée la grande R Francoifc, a apporté ehez eux l'enfant „ de la femme Troëlle. = II eft vrai. )3 N'avez-vous donné qu'un bonnet a votre enfant? = Nous ne lui en „ avons donné qu'un. » N'eft-il pas vrai que la femme „ Troëlle, toute défolée au bruit de Ia „ mort de fon enfant, vint trouver la „ femme Brunot, & lui dit que certai„ nement ce n'étoit pas fon enfant qui „ étoit mort, puifqu'on venoit de lui ren„. voyer des hardes qu'elle n'avoit pas „ données a fon enfant; entr'autres un ,, bonnet ufé & raccommodé, marqué „ d'un G, avec une couverture brülée „, par un coin ? = La femme Troëlle ,, vint me trouver, & me dit qu'elle ne „ ctoyoit pas que fon enfant fut mort quoiqu'on lui eut renvoyé fes hardes.» „ parmi lefquelles il y en avoit qui ,, avoient été changées. Je lui dis que 3 „ fi elle étoit en doute que fon enfant ,, fut mort, elle n'avoit qu'a fe tranf„ potter fur les lieux , pour en avoir la . „ certitude. Quelque tems après, la;  2«; 6 Enfant réclamé „ femme Troëlle me dit qu'entr'autres „ hardes de fon enfant, on lui avoit „ renvoyé un bonnet ufé, raccommodé „ & marqué d'un G, qu'elle ne con„ nohToit point; mais elle ne me patla „ point d'une couvertute brülée par un „ eoin. «N'eft-il pas vrai qu'aufli-tot que ,, l'enfant vivant eut été rapporté chez „ vous, la femme Troëlle 3 ia mère , s'y „ tranfporta , qu'aptès 1'a voir regardé, „ elle s ecria fondant en larmes : C'eft- la mon enfant ; rende^-mol mon eni->fantj = II eft vrai que la femme „ Troëlle vint chez nous dès que 1'en5, fant fut arrivé, &c dès qu'elle le vit, „ elle s'écria: C'e/l-ld mon enfant; ren„ de^-le moi. Je lui dis qu'elle donnat „despreuves convaincantes, & que, „ pour lors, je lui rendrois l'enfant. „ La Troëlle me dit que Ia chofe n ert »> demeureroit pas la, & qu'il falloic M que cela allat plus loin. » N'eft-il pas vrai que vous avez dit j, au curé de Boifemont, votre coufin , „ ou vous vous êtes'tranfportée a 1'occa„ fion des plaintes de la Troëlle , que 3, vous doutiez vous-même que 1'en„ fant qu'on vous avoit renvoyé füt le ?> votre, paree que vous lui voyiez une  par deux mères. 2.5 7 „ relTemblance parfaite avec fon père Troëlle, &£ les autres enfants qu'il „ a ? = II eft vrai que j'ai dit au curé „ de Boifemont, mon coufin, qu'il 7 L avoir de la relTemblance entre mon „enfant & ceux de Troëlle; non pas :„ que je doutafle que eer enfant ne ;„ fut le mien: & je dis, en même tems , I, au curé de Boifemont que je me fou\„ venois de m'être fort attachée, pen- dant que j etois gtotie de 1 enrant „ dont eft queftion, a regarder un des pndnfi Ap Tmp.ll/'. nni eft mnrr: L & que j'avois fouvent les enfants de L Troëlle devant les yeux, allant Sc „ venant a 1 ecole, même maifon, que H celle oü je demeure». Le mari a ajouté que plufieurs perfonnes font d'avis qu'il y a beaucoup de Ireffemblance entre Troëlle & l'enfant Wvant. J> Si 1'on rapproche les faits avoués idans 1'intetrogatoire, & écrits dans 1'extrait-mortuaire, de ceux qui font attiIculés dans la requête, & dont on fera jeertainement la preuve, on trouvera que, de leur réunion, réfulte la conféquence néceftaire que c'eft le fils de Brunot qui eft mort, & que l'enfant vivant eft celui de Troëlle.  258 Enfant réclamé Un point conftaté pat 1'extrait-mortuaire que rapporte Brunot, & qui, paree qu'il le produit, fait preuve contre lui, au lieu que, comme on 1'adémontré, il n'en fbrme aucune contre Troëlle 1 eft que l'enfant décédé le 2 décembre; 1722, avoit^ pour nourrice la nommée [ le Cercle , de la paroilfe de Richeville. Or, li on établit que l'enfant donné 1 a la le Cercle , & qui eft mort, étoitj celui de Brunot, il s'en fuivra que l'enfant vivant eft celui de Troëlle. C'eftl pour parvenir a la preuve de ce fait général, que 1'on demande a faire celle de quelques faits particuliers, tels que la diftinérion des hardes, au moyen des différentes marqués dont on a parlé ; que c'eft l'enfant revêtu de celles qui portoient ces marqués qui a été donné, j nar la meneufe, fous le nom de Troëlle f , a la femme le Cercle, pour le nourrug ] que, pendant d'ix-fépr jours qu'elle \rz 1 noutri, ces hardes & ce bonnet ont per- : pétuellement fervi a fon ufage ; qua I 1'inftant même de fon décès^ il avoit 1 fur la tête Ie bonnet qui indiquoit qu'il appartenoit a Brunot fon père ; qu'il n'en a été dépouillé que pour êtee enfeveli; & qu'enfin ces hardes ainfi marquées ont été rapportées k la femme  par deux mères. 2^9 Troëlle, qu'on a cru être la mère de (l'enfant mort. ! La meneufe eft un témoin néceftaire ifur ce point. La nourrice ne 1'eft pas ;moins,pour dépoferqae l'enfant qu'elle Ja nourri, & qui eft mort, étoit couvert ide ces hardes, quand il lui a été confié; qu'elle Pen a toujours vêtu pendant les >dix - fept jours qu'il a vécu ; qu'après 1'avoir fait inhumer, elle a gardé les ihardes, pour les rendre a la mère, & qu'elle les a renvoyées a la femme ; Troëlle , qu'on lui a dit être la mère de l'enfant remis entre fes mains. De la preuve de chacun de ces faits Iréfulte une fuite de confcquences qui inaiifent les unes des autres: donc les I deux enfants ont été confondus : donc ton a nommé Brunot celui qui étoit I Troëlle , & Troëlle, celui qui étoit ■ Brunot: donc on a enterré, fous le nom I de Troëlle , l'enfant Brunot i donc PenI fant de Brunot eft décédé ; & celui qui I exifte appartient a Troëlle. Mais ce n'eft pas tout. On 'demande I a faire preuve de la différente comj plexion des deux enfants telle qu'elle I parut, quand ils naquirent, le 14 noi vembre 1722. Celui dont la Brunot i accoucha étoit d'une délicatefte extrê»  2£o Enfant réclamé mei Vat ""lade en naiflant: on le crut meme en trés-grand danger. Mais on euc fow de cacher cette circonftance facheufe afamère. Au contraire, celui dont la TroelU| accoucha étoit robufte, & d une complexion vigoureufe. V: /'fe T. Mmontïé, quelle en fera ;f;;f°n-7ousleMou;slaforce ou a foiblefle du tempérament adminiftre des prefomptions puiflanres pourdétermmer laquelle des deux perfonnes a vceu le plu, Wtems. Dans Péga"edage, le plus foible eft réputé mort le premier: c'eft une régie triviale en matière de fucceilion. Pourquoi, en fuivant ces routes connues , en confultant les loix de la vraifemblance qui doivent: etre admifes dans tous les cas oü « n e t pas ennèrement palpable, «e pas decider que l'enfant des partie adverfes a jufhfié la foibleflê de fon temperament par la courte vie dont ila,oui,pmfqu'il eft mort au bout de d«« GWe-  par deux mères. 261 froy , lat la loi 13, ff. de probat. C'eft conftammenc de la fage-femme qui a accouché les deux mères. Comme c'eft la même qui leur a fervi, elle aura des lumières plus parfaices & plus décifives. C'eft de la garde qui a été auprès d'elles, Sc des perfonnes qui ont ailifté a leur eufantement: c'eft des parrains Sc marraines, de la maneufe & des nourrices. L'intetrogatoire de Brunot d'ailleurs fournit des circonftances qui ne font pas feulement des adminicules a la preuve teftimoniale ■ mais qui pourroientfuflire dés a préfent pour la décifion de la queftion. i°. II convient, d'une part, avoir coufu les hardes de l'enfant avec un morceau decuir, & les avoir marquées d'un gros^ fil -y de 1'autre , qu'auffi-tót que ces mêmes hardes furent rapportées a la Troëlle. elle alla chez lui pour le lui déclarer. Ce font les faitsprincipaux, defquels réfulte 1'induction que Brunot eft le père de l'enfant dont la dépouille, reconnoilfable a des fignes faits de fa propre main, a été renvoyée a Troëlle. Pourquoi Brunot, par une confeflïon ébauchée , trahit-il la vérité , en la taifarit ? II avoue le principe 7 il diilimule  2.c>2 ^ Enfant réclame Ia conféquence. C'eft donc en lui eenrel fentant les langes, la couverture, & le bonnet rapporté, qu'on le forcera de" parler en lui faifant cette queftion preffante qu'on fit a Jacob: Vide utrum tunica filii tui fit, an non. Vous avez mis fur la tête & le corps de votre enfant urn bonnet & des hardes,que vous avez diftingués par des fignes particuliers : la mort, qui 1'a ravi, les a féparés de fa] perfonne: reconnoiffez-les aujourd'hui, 6c les marqués que vous y avez attaehées.f Vide utrum tunica filii tui fit, an non. Ne réfiftez pas a. 1'évidence qui vous! éclaire-ne balancez plus a dire,comme] Jacob a. PinfpecKon de la robe de fon fils Jofeph: tunica filii mei eft :fera peffima comedit eum' ; beftia devoravit Jofeph. C'eft la tunique de mon fils, ] qui a été la proie d'une bete féroce qui j 1'a dévoré. 2°. Eft-il rien de plus puiffant pour déterminer les fuffrages, que ce preffenéiment qui fait voler la. Troëlle chez} fes parties adverfes , dès le moment : qu'elle apprend que l'enfant dont il! s'agit vient d'y être apportépar fa nour-| rice ? De 1'aveu de Brunot &c de fa fem-J me , qui doivent en être crus , elle s'é- ■ crie en le voyant: Voilk mon enfant;  par deux mères. 263 rende^-le moi: paroles éhergiqaes que 1'efprit n'a point étudiées , que 1'ima. gination n'a point fournies , qui ne j font point dues a la réflexion: mais que 1 dief e tout d'un coup la nature par une 1 efpèce d'inftinct de I'amour maternel, I qui forterit impétueufement du fond , du cceur, comme de la fource oü réfii dent les affections d'une mère éplorée , | oü fe palfe cette cruelle viciffitude d'efjj pérance & de crainte, de confolation i & d'amertume , fur le fort de fon eni fant qu'elle trouve en des mains ctrani| gères : Voilé, mon enfant; rende^-le\ moi. A 1'afpect de cet enfant, la vérité I perce d'elle-même, & s'infinue jufqu'au I fond du cceur de cette mère: elle eftfüre I que fon enfant n'eft point dans la pouf1 fiére du tolnbeau, comme on 1'a dit I faulTement. La mère reconnoit fon fils : '1 elle feule peut découvrir en lui ces traits I diftincfifs qui font imperceptibles a ! 1'ceil le plus pénétrant. C'eft, on ofe 3 le dire, le coin de la nature inconnu a j tout autre , qu'a la véritable mère. Comparez la vivacité & 1'ardeur de i ces expreftions de la Troëlle, avec la langueur de la réponfe qu'y fait la Brunot: donnei-moi 3 répond-elle, dfs preuves  2 6*4 Enfant réclamé convaincantes ; & pour lors je vous ren- i dral cet enfant. Elle ne fent donc rien J pour lui, elle ne trouve point en elle- ■ même les preuves de fa maternité, elle les demande , elle les cherche au dehors , elle eft difpofée a croire que l'enfant eft ala Troëlle ; elle ne veut cependant le lui céder que quand elle rapportera des preuves convaincantes, qui feront une démonftrarion déja coramencée. La Troëlle, victime de 1'opiniatreté de la Brunot, ajoute, en ripandant un torrent de larmes, que l'affaire n'en demeurera pas ld , qu'il faut qu'elle aille plus loin. Ce fut autrefois a la différence du langage des deux femmes que le Sage difcerna la véritable mère de celle qui n'en avoit que les apparences: il la reconnut a fes gémuTements, Sc a 1'émotion de fes entraules; au lieu que 1'infenfibilité de 1'autre lui lit óter !e titre qu'elle s'attribuoit. 3 °. Ce qui eft d'un grand poids dans la conteftation préfente; c'eft la reffemblance qui eft entre Tro'Me Sc l'enfant qu'il réclame. Brunot Sc fa femme font obligés , dans leur intetrogatoire , non-feulement d'avouer ce fait, mais de convenir que tous les voifins en font frappés: 6c une circonftance qui mérite atteution,  par deux mères. 2 Sftention , c'eft que c'eft cet enfant qui' parvenu déja a 1'age de quatre ans & plus, peut a peine fe faire entendre, begaye comme le fieur Troëlle. 11 eft inutile dedcclamer contre 1'induftion tirée de la relTemblance, d'emprunterle fuffrage des naturaliftes, & de citer des exemples fameux pour en üegrader le mérite. Si, avec ce moyen unique & folitaire on faifoit cet argument a Brunot : l'enfant vivant eft Timage de TroJlle, puifqu'il a les mêmes traits & la même difficulté de parier; donc il eft fon fils : on pourroic s'élever contre cette conféquence trop prompte; paree que la nature, capricieufe dans fes opérations , fe joue dans iwa i^puus qu ene rorme entre les perj tonnes les plus étrangères. Mais on ne qu avec a autres conhdéra■ons, puifées dans la nature, & autorifées par la confeflion même des parties ad verfes. Or, c'eft de cet aiTemblage que réfulte un moyen viótorieux en faveur de Troëlle. Fn ofl"», Hes nmkonfultes, dont les décifions font louvrage de 1'exuérienre /s> A* I, bité du jugement. VVkï comme s'ex•j: tt .ri4uc i««rjj, come i, hv. 6, queft. ii8, a 1'occafion de la caufe du comte' j-ome a.  2f5S Enfant réclame _ de Saint-Geran, qui refterabioit a fon père (r). Quoique l'argument de la rejJemblance des enfants au père ne foit pas concluant, c'eft pourtant un indice affe^ fort, & qui, joint d d:'autres préjomptions, decouvre la vérité. Nous pouvons aiouur qu'en femblables rencontres on p,ut dire que la nature tdche de découvrirpar-lx cc qu'on veut cacher, & que c'eft une prêvoyance du fouverain ouvrier pour aller au-devant de ïimpoflure, & combattre l'artiftct du père des fourbes & des menfonges. ^ Auffi n'eft-ce pas la première tois qu'on ait donné quelque crédit ï cette obfervation : elle fut faite avec fuccès en 1638 par le Maïtre, défenfeur de Marie Cognot, défavouée par fa mère • &c ne fut pas d'une médiocre confid'ération pour faire pincher en fa faveur la baiance de la juftice (2). En vain ia Brunot, pour affoiblir 1'impreffion de ce moyen, dit-elle que fon imagination, frappée par la préfence d'un des enfants de la Troëlle qui venoit .a, 1'éeole dans Ta maifon ou (1) Voyez, tome premier de ce recueil, pite m. , ., X2) Voyez, tome 7 de ce recueil, page 18. I  par dtux mères. z6j elle demeure , pendant qu'elle étoit groiTè, a pu être la caufe de cette reffemblance. Mais par quelle prédilection, ou plutót par quelle chaine inconnue a t elle donolsté liée a cet objet plutot qu'a un autre ? De cent enfanrs qui fréquentent journellement cette école, pourquoi, par ' une fingulariré bizarre, en diftinguer un qui n'a rien de recommandable , pour en faire le modèle de fa produc.tion ? On répondoit, pour Brunot, que, s'il is'agilfoit de tirer avantage des fignes i.extérieurs de la tendrelfe paternelle, il feroit tout entier de fon cóté. La préxaution qu'il a prife , pour empêcher la confufion des enfants, manifefte bien clairernent qu'il avoit des fentiments de père. Mais peur on former un pareil ;}ugement eu faveur de Troëlle & de fa femme, qui n'ont pris aucune précaujtion contre un accident qui pouvoit faire pafler leur enfant dans des mains 'étrangères ? D'ailleurs, Troëlle & fa femme ont gardé le ftlence pendant deux ans tc demi, & ont laiffé tranquillement le foin de l'enfant qu'ils réclament auiourMij  -2.68 Enfant reclamï ,-d'hui, % des étrangers ■, fans en tcmoi■guer aucune inquiétude,, fans s'informer de fon état, Sc fans chercher a fcavoir fi on lui foutniftait même le nécelfaire. Eft-ce-la la marche de la nature? Un père & une mère qui foupgonnent qu'on a enterré un enfant étranget, a. la place du'leur, gardent-ils le filence pendant un fi long tems, & attendent-ils, dans 1'oifivetë, que des événements incertains viennent dévoiler une fraude qu'ils peuvent manifefter fur 1e champ ? A l'égard de '1'opin'ion populaire, quelle eft la fable la plus incroyable Sc la plus éloignée du vrai, qui ue trouve fes défenfeurs au milieu du peuple, toujours partifan du merveilleux qui 1'amufe 8c qui 1'étonne ? Plus elle eft extraordinaire , plus elle prend de crédit fur les efpriw ,. plus elle trouve d'opiniatreré Sc d'entêtement a la foutenir. Chacun veut Pembellir d'une circonftance qui défigure ce qu'il peut y •avoir de vrai: 8c tel eft Pégarement du vulgaire, qu'il demeure , a la fin , convaincu de 1'hiftoire qu^rl a lui-même inventée. L'enfant Brunot eft appercu a fo.n .arrivée par des femmes du quartier;:  vorJ^...€,ZS. 2% rnacune raifonne t>ar conieélure : quel- ques-unes lui trouvent des traits de refj femblance avec Troëlle père, ou avec :j fes enfants : on court faire ce récit a fa [ femme; & fur le champ elle vient chez. I Brunot, Sc s'écrie , en entrant,, que ': l'enfant qu'elle a devant les yeux eft le i fien. Les cris de Ia femme de Trollle I excitent Ia curiofité des voifins : le peuI ple s'attroupe autour de la maifon, peri fbnne ne veut entrer en connomance de ; caufe ; & chacun perfuade a la Troëlle. que fon enfant a été changé en nouri rice, que c'eft le fien qui afurvccu, Sc- " j qu'il le faut enlever de förce. Ces infultes ont été téitérées pendant > tnufieürs jours: Brunot & fa femme ontmême été inquiétés plufieurs. fois par la populace, & forcés d'avoir toujours leur , enfant fous leurs yeux, Sc de le^ tenir. en füreté \ ce qui les a déterminés a ren~ ! dre leur plainte. Tous les eftbrts de Troëlle Sc de fa femme fe bornent a oppofer a un monument public, dont le cri s'élève contre eux, la demande de la preuve teftimo- , niale, afin d'éffacer, pat le fuffrage des témoins, ce qui eft écrit dans le regiftre. * Min  2?u , - ^- -^«mê 11 n eft guere de principes plus rebatrus ni plus foüvent agités, que cèux: qui concernent ia matière de 1'état des hommes. Lobfcurité dont Ia naiifance de ceux qui veulent atteindre a 1'ctati légitime eft ordiaairement enveloppée,. les -nuages qui couvrent leur origine 1 ont fait mtroduire, en leur faveur , M remède de la preuve teftimoniaIe,pour: concourir avec les autres preuves, Sc i fnppléer a celle qui devroit naturelle- ■ ment ne fe Fencontrer que dans les regiftres publics. : Le grand débat qui s'eft élevé au ftij et de la queftion d'état, a été de feavoir Sc de déterminer précifément quel genre de preuve celui qui réclame un «at doit d'abord - rapporter a la juftice pour s ouvrir le chemin de la preuve vocale t & pour demander d'y être admis- Ci la ftmple polfeffion fuffit; s'il 1-autdes commencements de preuve par ecnt, Sc de quelle nature ils doiv«nt etre ? On a même été, dans ces derni-ers tems, jufquafoutenir, dans une caufe lameufe, que des fairs circonftanciés .iuftfoient pour mettre celui dont la naiftance étoit incertaine en droit de Ia mftiiier par témoins. II n'eft pas nécelfaire d'entrer dans  par deux mères. ifi ce détail, 'ni de faire ces dmiriftions : elles ne font que la fuk-e du principe général fur lequel tout le monde eft d'accord , & qui doit faire la décilron de Icette caufe: ce principe eft que la preuve Iteftimoniale ne peut jamais Être admile contre une preuve par écrit. Toutes les fois que 1'on a combattu Ipour faire admettre la preuve teftimoniale , c'a été en faveur de celui qui !n'avoit qu'un état douteux, dont le rei giftre ne faifoit point mention, qui, a vrai dire, n'avoit point d'état parmi les hommes , & dont la pofleflion etoït contraire a celui auquel il afpiroir. Pour lors la dépofition des témoins eft ; la feule Teftbnrce qui puifte fe ptéfenter pour fecourir celui a qui on ne peut 1 imputer le défaut de preuves par ecftt. Mais, quand celui qui veut conquem I Un état a toujours tenu , patmi les ci: toyens, une place cettaine ; quand Ie regiftre public fait mention de lui, & lui fixe fon origine & fa naiifance ; quand la poiïeffion n'a point démenti ce qui eft écrit au regiftre-baptiftaire: alors il n'y a plus de doutes a former : c'eft a la preuve par écrit qu'il faut demeurer inviolablement attaché. Autrement ce fercit reuverfer 1'éconcmie des M iv  V\ Enfant réclamé farmll.es & troubler I'ordre & 1'harmoUie qui les fair fnUCa*. Ce principe a fa fource dans les plüs; faines maximes,, dans les premières norinnc Hu J,„:. ». i i 1. - «eceffice de la rédacfion desacl.es, ou «es conventions, n'a été introduite que pour eloigner la preuve teftimoxnale, & n'erre point forcé d> avoir recours, La foi des témoins peut être iufpede, incertaine : elle eft du moins Wci&la preuve littérale léve les. ooutes y&c nous fauve du daneer de la preuve teftimoniale : Fiuntfcrïptur*jUt quod aclum ejl per easfacilihs poffit pro°*rt dit la loi 4, ff. defde inf.Bk Cue la première paroït, elle exclut 1'autre:&nn eft pas poffible de les faire combattre fans fe jetter dans le défordre & dans la confufion : Contra ■fcriptum tefttmonium nGn fcriptum teflimonmm „on firvir: c'eft la loi i , c. de 'efltb Ce font auffi les termes précis de 1 ordonnance de i G67, article i, titre des faits qu, gllTent en preuye yocale ou üttetale : ne fera recu aucune preuve par témoins contre, & autre le contenu aux acles. . Quelle eft maintenant la preuve par ecnt de la naidance & du décès cW  var deux mères. 273 hommes ? Quelle eft celle que les ordonnances prefcrivent, Sc contre laquelle elles ne veulent point écöutet de : preuve vocale ? Ce font les regiftres 1 baptiftaires Sc mortuaires, auxquels les Iégiflateurs fe font attachés de donner I une forme exaéte, pour en faire refpeci ter 1'authenticité. De même que l'ade i baptiftaire fait foi de la naiifance d'une 3 perfonne, de même auffi Pextrait raorij tuaite conftate fon décès: & dans 1'un & dans 1'autre cas, tant que cette preu- 3 ve littérale eft entière, Sc n'eft point dé- II truite, il n'eft point permis d'en recon- 4 noitre une autre. Toutes nos ordonnances eoncourent . a aftermir ce principe. Celle de Blois ■ art. 181 , qui a renouvellé les difpofi1 rlons de celle de 1539 ,-& qui a pris de rjnouvelles précautions pour la faire ob1 ferver, indique le motif du légiftateur, j en s'expliquant fur la forme des regif1 tres : c'eft pour éviter 3 dit- elle, les preui yes par témoins, que 1'on eft contraint de \ faire en juftice touchant les naiffances , il mariagts, morts & enterrements des perïfonnes. Donc, quand le regiftre fe troui ve exaéf dans fa forme , il n'eft plus.1 permis d'avoir recoursa la preuve tefti-* l moniale. ■  274 Enfant réclame De même,/le ritte zo de 1'ordonnance de f6 èy < qui raflemble & rég!e; tout ce qui concerne les differents genres de preuve lirtérale & teftirhoniale , & les differents cas oü il eft permis d'employer le fecours des témoins 'A met les regiftres baptiftaires & mortuaires au nombre des preuves parécrit f Les preuves de l'dge, dit Partiele y ,du \ mariage, & du tems du décès 3 feront re-~ cues par des regiftres en bonne forme, qui feront foi & preuve en juftice On ne: peut pas defirer une loi plus claire ,, ni concue en des termes plus énergi-< ques. II eft vrai que 1'on a quelquefois fou- . tenu que le regiftre ne faifoit foi que de : lage, du tems de la naiifance, & de celui i du décès. Mais combien de fois ce paradoxe a-t-il été combattu! Si le regiftre attefte la naiffance ou i le décès , c'eft de celui qui y eft nom- • me, & dont le nom eft inferit au regiftre. C'eft fe jouer de 1'efprit de la. loi que de vouloir penfer autremenr; c'eft renerre fon objet & fes vues illufoi- ■ res & fans fruit. A la bonne heure que le regiftre public ne ferve que d'indicatiön de Page & du tems du décès, lorfque 1'acfe ne donne que des notions  var deux mères. lf< lincertaines: comme, par exemple , fi lextrait baptiitaire ne raiioit point men¬ tion du nom des pere cc mere, ou n ie oère v étoit dit inconnu. Mais, quand 1'acte eft tevêtu de toutes les fotmalités prefcrites pour fa forme, quand il fixe un état cettain a la perfonne qui v eft nommée , quand il ne lailfe aucun \ doute; c'eft un acte qu'il faut détruire avant que de pafier a la preuve tettimoniale. Cette diftinction même ne fcauroit avoir d'application a. 1'extrait mortuaire: car il n'eft plus queftion pour lors d'expliquer la filiarion,dans 1'inhumation de la perfonne décédée. Certe explication fe fait par la poiTelfion de 1'état dans lequel le morr a vécu , & il ne faut que regaxder les difpofitions de 1'art. 9 & 10 du même titre de 1'ordonnance de 1667, pour fentir quelle a été la prévoyance du légiflateur : fon objet a été d'aifurer 1'époque du tems du décès. Cela eft fi vrai, qu'on fent combien il étoit important que la date en fut certaine , pour régler 1'ordrc des fucceifions. Mais 1'attention inquiette de celui qui eft 1'auteur de la loi a porté fes vues plus loin : il a voulu qu'il ne reftat aucune reftburce a 1'équivoque : Dans les acles de fépultures fera JVIVJ  2-7 6 Enfant réclamé, fait mention du. jour du décès, dit Part. 91 & Part. 10 ajoute, les acles des fépultures feront écrits & fgnés par deux des plus proches parents. & amis qui auront ^IF'fté 4u convoi. Arrêtons-nous donc aces deux principes.^ L'extrait-mortuaire fait preuye da décès de. la perfonne qui eft nommée.. dans 1'acf e,de même que.Pextrait-baptiftaire.fait preuve de fa naiifance; &Q contre cette preuve par écrit, nulle autre ne peut êtte admife; & il eft contre toutes fortes d.e régies, quand cette preuve eft rapportée,,, de fe jet ter dans les cpnjejftures que peut fournir la preuve teftimoniale. Si, dans ce .point de vue, on examine la prétention de Troëlle & de fa femme, li on la roefure fur ces principes, le ridicule qu'elle renferme s'offre, tout d'un coup aux yeux; Les deux families qui- conteftejnt ont eu chacune un enfant male le 1.4 no-r vembie 1722• la preuve en eft écrite. fur le regiftre baptiftaire de la paroiffe, qui en fair foi. Rjen n'oblige Brunot de. juftifier a fes adverfaires le. décès de„ leur enfant, pour en titer la conféquence. de 1'exiftence du fien. dans la perfonne de cekuqui vit encore,: néaa-  par deux mères. 277 I moins on leur rapporte un extrait-marr j tuaire.concu dans la forme de 1'ordon\\nan.ce, qui leur indique que le.momenr 1 de fa mort a fuivi de prés celui de fa 'ij naiifance. 1 Qu'oppofe-t-on a cette preuve fitté1 kale, que les loix du royaume autorij] tónt, que. 1'on n'attaque même pas? Car I on ne demande point ., pat la requête , I que 1'extrait-mortuaire foit rcformé: on I fe contente d'articuler- des faits que 1'on i 1 veut mettre en parallèle avec 1'extrait1 mortuaire: on. demande a prouver que l'enfant acluellement vivant eft le même dont la.femme Troel/e eft accouchée le 14 novembre 171.2.:. Voila précifément ce que lés ordonnances condamnent. Elles n'ont introduit les regiftres mortuaires , elles n'y ont prefcrit tme forme,que. pour.exclure la preuve teftimoniale : & l'on demande a détruite la preuve littérale par la preuve vocale. Si certe prétention étoit favoiablement recue , ce feroit fe livrer au renverfement des régies , & mettte le trouble &le défordre dans la fo* ciété. On fent bien que Troëlle 8c fa femme veulent fe défendre, en difint que c'eft ici une queftion d'idenrité. de per^  2-78 Enfant réclamé fonnes ; que Pordonnance n'a point été faite pour ce cas, qui eft au-delfus de la pmdence des hommes; que s'ils parViennent a prouver que l'enfant a&uellement vivant eft a eux, 1'exttait-mortuaite a pris fa fource dans Péquivoque que Pon a commife en remettant les enfants aux nourrices, Sc n'eft que la fuite de la confufion que Pon a faite de 1'un avec 1'autre. Dans tout cela que voyons-nous ? Une hiftoire arrangée & batie fur des faits. Ne tient-il donc qua caufer de 1'étonnemert par des faits, qua faiie fiaitre des doutes Sc des préfomptions, Dour expofer la preuve de Pordonnance a 1'incertitude des dépofitions ? Si 1'extrait-mortuaire n'eft pas une barrière qui arrête ceux qui voudroientfubftituer Penfant d'autrui au leur, il n'y aura perfonne qui ne puifle faire ufage d'un principe fi pernicieux. Qui s'oppofera a 1'entreprife d'un inconnu, qui, fotis le mafque de 1'impofture, voudra dégrader le fils de familie pour prendre,fa place? Son induftrie n'a qu'a lui fournir des faits merveilleux & circonftanciés: fon audace Sc fon artifice lui procureront bientöt des partifants pour le« foutenir.  par deux mères. 279 N'eft-ce pas dans ces cas que la poffeflión doit calmer 1'inquiétude des families? Celui-la eft vraiment nctre fils qui eft en pofleflion de 1'ètre , qui a recu de nous la nourricure & 1'éducation : c'eft a ces marqués qu'il doit reconnoitre fon père; ce font ces traits d'humanité qui lui montrent ceux a qui il doit la vie cette poifeiïïon, unie au titte, eft fupérieure a toutes les difficultés , a tous les doutes, & a tous les foupcons. La pofteffion de l'enfant-vivant eft d etre rils de Brunot : il a été remis comme tel a la nourrice quia élevé- fon enfance; on en convient: il a vécu dans cette poifeflion tant a Richeville qu'a Boifemonr; c'eft Brunot & fa femme qui ont payé fes nourritures, & qui lui ont foumi toutes les chofes nécefiaires. Au contraise, depuis la mort de l'enfant de Trodle&c de fa femme, après avoit calmé leur première -nquiétude au fujet du changement prétendu du bonnet, ils font tentrés dans la rranquillité \ ils fe font confolés avec leurs autres enfants de la perte de celui que la mort leur avoir enlevé; & ce n'a été qu'après deux années Sedemie que les vificns de  2&o Enfant réclame quelques perfonnes du bas peuple onv tanimé des fentiments que lacettitude» de Ia mort de leur enfant avoit dès lon<*tems effacés. ° A l'égard des faits dont on demande la preuve, fi, étant établis,.ils formoient une pleine convicfion, on pourrokpeutetre ccouter Troelk 8c fa femme : fi> par exemple, ils articnloient un lignalememfux le corps de leur enfant,qui eut. ete vu des voifins on .1^ ^ . , , 3 —HJtllMUCÖ mnerentes a la perfonne , qui croiffent avec 1'age & produifent une diftinclion certaine.d'une.perfonne d'avec une au-, tre, ceferoit du moins tracer une route, lure, autant qu'elle le. peut être, par le, fecours des fens, & qu'elle le peut devenir pat la preuve teftimoniale. Mais les faits qu'on popofe. d'éclaircir font, encore plus incertains que la preuve, memequel'onprétend en rapporter : ils roulent fur un prétendu changement de quelques hatdes; d'oü il faudra inférer tine confufion de perfonnes, Lorfque Ia preuve lera faite, il faudra encore conjectuter ,.marcher au hafatd, &.W pléer ce qui ne fera pas prouvé. On a pu conföndre les hardes fans conföndre les perfonnes : cependant on veut tker la  par deux mères. 2,81 Conféquence de Fun a.Taurre. Qnel danr I ger plus effrayant que de fe Iivrer incon- I fidérément a ce que Troelk&c fa femme a demandem ? Le fait le plus. important que.Ies par3 ties articulent, c'eft que lés deux. en- II fants ayant été conduits de Patis a Rirl cheville pat la meneufe,ils furent mis. dl enfemble fur un lir oü ils furent lailfés tij lorfqu'elle alla chercber les deux nourarices; elle confondit enfuite ces enfant», t| quand elle voulut les remettre aux nour| ïices. Qui reconnoitra Terreur de la meIneufe? L'écouteroit-on fi elle offroit de jfe rétraéter? Ce feroit donc la rendre jTarbirredu fort de l'enfant, & lui per» 1 mettre de fe jouer de 1'état des homImes. La première diftinéfion qu'elle a ij faite d'un enfant d'avec Tautre, lors de I la remife , ne. fuftiroit.-elle pas pour laijconvaincte de fon impofture?La décla* iration feroit démentie par fon opéra3tion que Ton auroit roujours devant les iyeuXj&c on croiroit bien plutöt qu'elle ?fe trompe en fe rétraólant, qu'il ne fefroit poflible d'imaginerqu'elle. a comimis une équivocjue, en faifant la difftinótion des enfants pout les remettre. ciaux nourrices. Le fait qui.concerne la compléxion  282 • Enfant réclamé robufte d'un enfant, & la complexipn delicate de 1'autre , ne peut donner ici | aucune lumière : car rien de fi coramun I que de voir des enfants dont les tem- I péraments fe fortifienr, & fur - tout I dans cet age tendre oü la nature fait j alors des révolutions , &c prend des for- I ces quelquefois par des progrès Ients, &c I quelquefois par des progrès fubits. . Tous les faits articulés par Trotlle Be I fa femme peuvent fe réduire a deux faits principaux, le changement du bon- I net, & celui de la couverture. Le bonnet I changé n'eft pas celui de l'enfant de I frunot: on demande donc inutilement prouver qu'il étoit fur la tëte de l'enfant mort a Richeville. La couvetture eft un fait ajouté après coup , pour augmenter 1'incertitude oü 1'on veut nous jetter. lis n'ont allégué d'abord que le changement de bonnet. Quand même ce changement feroit prouvé , on n'en fcauroit tirer la conféquence que tfoütes les hardes qui approchent le plus prés du corps de l'enfant font reftées I Troëlle & a fa femme. Ces deux faits écartés rompent la claine de tous les autres j le fyftcme tombe en ruine. Quant a la relTemblance prétendue  par deux mères. 182 dont on fe fait un moyen , la femme de Brunot eft feulement conventie que fon fils avoit des traits de relTemblance avec un fils que Troëlle avoit eu, & qui éroit mort depuis peu \ Sc elle a expliqué que, pendant fa grolTeiTe, elle s'etoit plufieurs fois occupée a regarcer cet enfant, & les autres enfants de Troëlle qu'elle avoit eus fouvent devant les yeux, aliant & venant a 1'école qui eft dans la maifon oü elle demeure : mais a l'égard de la relTemblance prétendue de leut enfant a Troëlle, -Sc aux autres enfants qui ■ lui reftent, Brunot Sc fa femme ont cru devoir regarder la quefir tion qui leur étoit faite ace fujet,comme une imaginatión de leurs parties adverfes, Sc de Ceux qui les ont excités a. intenter Taction. Quels experts prendrons-nous pour nous mettre d'accord fur ce point?L'idée que Ton a de la relTemblance d'une perfonne a une autre ne nait que de Timagination que nous nous en formons.Tel croit rencontrer les traits d'une -perfonne fur le vifage d'une autre, qui trouve a coté de lui un contradicteur qui foutient qu'il n'y a aucun trait de relTemblance de Tun a 1'autre; que cela we lui paroït pas. S'ils s'accordent fur Ia  2§4 Enfant réclamé relTemblance en général, ils la fontconfifter chacun dansun trait particulier & différent. Cette variété d opinionsapour principe la fantaiiie; &. la fantahie n'a point de regies. S'il eft difficile, & même prefque impoftible de s'accorder fur la relTemblance, n'eft-ce pas un caprice outré que de la chercher fur le vifage d'un enfant, dont les traits ne font pas encore formésni produits au dehors, que T-age va effacer? Pent-on raifonnablement le comparer avec un autre ? Quelques années/ fuffifent. pour mettreentr'eux une difpropottion étrangeL Mais fuppofóns-la, cette relTemblance , fi difficile a démêler j confèntons £ dire qu'elle frappe les yeux de tout le monde; qu'elle eft auffi fenfible aux au-, tres qu'elle i'efta Troe/k Sc a fa femme,, quel argument en tirerontrils ? Qu'il si confultent , s'ils le veulent, tous les, naturaliftes; ils verront que cette reffemblance des traits du vifage eft toujours le fruit de Timagination de la femme, qui faiut Tidéédes. objets dont elle eft frappée, oudans le moment de la conception, ou dans les premiers inftants de fa grolfefTè. II femble que la; nature fe. forme des images, &: qu'elle;  par deux mères'. travaille a les imiter. On pourroit rapporter un nombre intini d'exemples dont les livres font templis : cette Techerche feroit plus curieufe qu'utilc. La femme de Brunot rond compte qu'elle avoit toujours devant les yeux les enfants de Trodle. Seroit-ce donc un :prodige 'fi étounant, fi 1'on trouvoit, fur le vifage de fon fils, quelques traits femblables a ceux des enfants de Troëlle ? M. Talon, avocat - général, obferva 'qü'après qu'on eut ramené l'enfant chez Brunot, au bout de deux ans Sc demi, la préfence de cet enfant réveilla les .foupcons, & renouvella les plaintes de ila femme Troëlle. 'Elle a cru reconnoirre Ion fils d certains traits, & trouver, dans •,cetenfant,uneparfaitere(femblanceavec fes autres enfants. 11 eft conftant Sc lavoué pat les interrogatoires de Brunot Sc de fa femme, que la Troëlle alla chez feux , Sc qu'elle expliqua les raifons qui pui faifoient croire que cet enfant étoit 'ile fien, & qu'elle preffa Brunot Sc fa ifemme de le lui rendre. Ces premières démarches fe pafsèrrent au mois de juin -1712. Nous ne /pvoyons rien depuis ce tems-la, juf(jqu'au mois de janvier de cette année  2.86 Enfant réclamé 17.27, oü Troëlle & fa femme ont pris les voies de la juftice le 14 janvier dernier. Ils ont fait affigner au Chatelet Brunot Sc fa femme, pour les faire condamner a rendre l'enfant qu'ils retiennent chez eux. Troëlle Sc fa femme , par leur requète du 4 avril 1717, ont demande d'être admis a la preuve de plufieurs faits particuliers, par lefquels ils efpèrent de prouver que 1'enfanr qui eft vivant eft leur hls. Le premier de ces faits eft que l'enfant dont la femme de Brunot eft accoucbée en-1723 , étoit foible Sc délicar; même qu'il fut malade quelques jouts après fa naiifance j & que l'enfant de Troëlle. étoit, au contraite, d'une fanté parfaite. En fecond lieu, Troëlle Sc fa femme demandent a prouver que les hardes marquées par Brunot, d'un morceau de cuir,ont fervi a. l'enfant décédé a Richeville. En troifième lieu, on prétend que Brunot Sc fa femme n'avoient donné qu'un feul bonnet a leur enfant ; que ce bonnet étoit marqué de la lettre G, paree que c'étoit la lettre initiale du nom de Guillaume, donné au fils de  par deux mères. 287 Brunot: Sc on offre encore de prcuver que ce même bonnet ércit fur la rite de l'enfant décédé a Richeville. En quatrième lieu , Troëlle Sc fa femme loutiennent que les deux enfants furent d'abord confiés a Ia même meneufe; qu'elle les mit fur le même lit, pendant qu'elle alla chercher des nourrices ; & qua fon retour ,elle donna le fils de Brunot, avec les hardes marquées d'un morceau de cuir, a la nourrice de Richeville; mais qu'elle le donna mal-a-propos fous le nom du fds de Troëlle. En cinquième lieu , la femme de Troëlle demande d'être adraife a prouver qu'on lui a renvoyé les hardes marquées d'un morceau de cuir, & le bonnet marqué a la lettte G , comme fi elle avoit été la mère de l'enfant décédé. Enfin Troëlle Sc fa femme foutiennent que les hardes qui ont été données a l'enfant porté a Boifemont, font précifément celles que Troëlle Sc fa femme avoient deftinées a leur enfant. Ils ajoutent même que d'abord les deux enfants furent portés a Richeville; que l'enfant qui-eft aujourd'hui contefté, y a été nourri pendant trois mois, & que  288 Enfant réclamé ce n'eft qu'après ces trois mois écoulés:, que Brunot & fa femme 1'ont envoyé en nourrice a Boifemont. Tels font les faits dont Troëlle 5c fa femme offrent la preuve par témoins 5 & après 'le détail que nous venons d'en faire, il n'eft rien de plus fimpie que les moyens des parties. M. 1'avocat-général fait enfuite quelques réflexions fur le rems marqué par les loix pour décider les queftions d'état des impubèresdlexamine les preuves que 1'on préfente, dès-a-ptéfent, fur 1'état de l'enfant qui forme 1'objet des prétentions. Enfin , il recherche quelle peut être la force, quelle feroit même la régularité de la preuve qu'on demande. Pat-la il embralfe les intéréts de l'enfant , & tout ce qui a formé les moyens des pères & mères. Autant nos ordonnances ont - elles négligé de fixer les différentes fortes de preuves qui doivent être propres aux queftions d'état, autant les loix Romaines paroiftent s'êtreappliquées a fixer ces mêmes preuves. Elles fembleht les avoir aftirrées d'une manière qui eft également propte a empècher,ou que 1'on introduife, dans Iesfamilles,des enfants qui leur feroient étrangers, ou qu'on ne privé  par deux mères. 289 privé des enfants légitimes de 1'honneur & des avantages qui leur font acquis par leur naiifance. Confultons donc ces loix, dont les vues fcr.r G A~a„ 'i & fi étendues: elles peuvent nous don¬ ner ces principes importants pour la décifion de cette caufe. * La première des maximes elf particulière aux queftions d'état des impubères. Les légillateurs ont cru qu'il étoit dangereux d'agiter ces fortes de queftions dans un tems oü ceux qui y font principalement intérelfés ne npn. I vent ni connoitre leurs droits, ni les jdéfendre; ce qui donna lieu au décret Icélèbre d'un préteur , qui enjoignit de Ine point prononcer fur 1'état des impuIbères, & qui en remit la décifion au Items de leur puberté. Mais, en veillant lainfi a confetvet leur état, il ctut qu'il létoit de fon équité de pourvoir a leur léducation; & par le même édit il voulut fcu'en attendant la décifion, 011 donnar k 1'impubère tous les avantages qu'il feouvoit efpérer de la polfemon de fop Ctat. Si cui controverfia fiet, aut inter tiberosfit, & impubesfit,causd cvgnita, Verindë poffefiio datur s ac fi nulla de eê P controverfia effet; & judicium in tem- vus puoertans, causa cognitd, difertur : Tomc X. M  £00 Enfant reclame ce'ifont les termes de la loi i , ff. de Ca[boniano Ediöl. Notre ufage a d'abord adopté cette ktrifprudence : $>: li, dans la fuite, on n'y avoit apporté aucune modification., en feroit aujourd'hui dans la néceffité de différer la décifion de cette caufe jufqu'au tems de la puberté de l'enfant dontil s'agit. Mais nous trouvons dans les loix mêmes dans 1'équité , des motifs qui doivent déterminer a juget préfentement cette conteftation. L'édit appelle Carbonien , que nous venons de citer, ne veut point que 1'on differe la queftion d'état de 1'impiibète fans prendre connoilfance du principal g Sc fans examiner fi ce délai, qui a été introduit en faveur de l'impubère,ne lui -fera point préjudiciable. Ilfaut, dit la loi .3 , ff. de Carbon. Edici. il faut exa- :■ -miner avec attention fi les preuves de I I'éjat de 1'impubère ne peuvent point dé- ■ -périr par ce délai, & fi le tems ne peut : pas lui ö.terquelqueavantage : car alors., L dit la loi, il feroit imprudent ou injufte : •de donner un delai qui put nuire a i celui aue cette loi veut & doit favori- • jfer : Aut liulü , aui iniqui pr Alors,ajouteM.Ca/*,, nous nouscontenterons, avec peine , des dépofitions des temomsrrious confulterons plutót les' actes nuk i^c :n , r ... - ^;._0 1C5 icgurxes domeftiques, les indicesmeme,.ces préfomptions qu font dunfi grand poids; paree qu'on peut corrompre les témoins par argent & qae ces préfomptions font toujours Je langage de la vériré même. Skjüam. fi dejure & ftatu perfonarum qutratur , f tum«Wus confentiemus:plus valehum■ tnflrumenta, ut natales, vel cenJua.es profeftlones, vel etiam indïcla. In omm luecerta judicia maximi momenti Junt; quodfcilicet teftes pecunia corrumpt poftlnt, indicia non item. Les loix Romaines ne décident pas nettement que cette preuve foit admifftble, lorfqu'elle eft feulê & dénuée de tout commencement de preuve par «rit: mais auffi ces mêmes loix n'excluent point la preuve par témoins. ^ette grande queftion paroit indécife dansles loix, dans les ordonnances même; & il n'y a que les arrêts . nous «ent donne, furccU, des principes eer-  par deux mères. ±gj On peut en recueillir deux. Premièrement, on ne doute plus qu'en matiète d'état des perfonnes , la preuve par témoins ne foit admiffible. La rejetter, ce feroit ótet a bien des malheuteux le feul moyen qui leur refte pour recouvrer leur état, &c pour fe procurer juftice. En fecond lieu, les arrêts nous apprennent que la preuve par témoins ne doit êtte admife qu'avec beaucoup de prudence, Sc qu'elle ne peut palier qu'a. la faveur ou d'un commencement de preuve par écrit, ou du moins de fortes Sc puilfantes préfomptions. Tous ces principes peuvent avoir une jufte application dans i'efpèce. Brunot Sc fa femme croient avoir, en leur faveur, des regiftres publics, Sc une poffelfion paifible de plufieurs années ; Troëlle Sc fa femme fe foudent fur des indices, fur de prétendus aveux dans les interrogatoites fubis par leurs parties adverfes, fur la complexion des deux enfants au tems de leur naiifance, fur les traits dc la relTemblance de celui dont il s'agit. Examinons en détail chacune de ces preuves. Des regiftres publics : on en produir de deux fortes , ceux de baptêmes, &les regiftres mortuaires. Que portent les regiftres des 'N v  2.98 Enfant réclamé baptêmes, Sc que peuvent-ils nous ap-' prendre qui foit décifif en cette caufe ? Ils atteftent ia naiifance des deux enfants , ils en marquent le tems, ils nomment les pères Sc mères, ils font. dans la forme ordinaire oü doivent êtte ces fortes de regiftres: mais ils font ab-. folument inutiles en cette caufe.; paree qu'on n'y révoque point en doute que les enfants de Brunot Sc de Troëlle aient. exifté, qu'ils foient nés a-peu-près en même tems, qu'ils aient été baptifés, qu'ds aient dü leur naiifance a des mariages légitimes : tous ces faits font certains, ils font avoués: Sc ce font les fe.uk que les extraits-baptiftaires puiffent prouver. Cependant il ne s'en agit point. Un feul fait mérite ici notre attention, Sc doit exciter notre vigilante , c'eft le fait du décès de 1'un des enfants: lequel des deux eft mort ? Lequel des deux eft vivant? C'eft ja feule queftion qui divife les parries; & les regiftres de baptêmes ne peuvent point en faciliter la décifion, par deux raifons. Premièrement, ces regiftres ne parient que de la .naiifance;. Sc il s'agit du décès : en fecond lieu, Troëlle Sc fa, femme rapportent un extrait-baptiftaire  par deux mères. 299pour prouver que leur enfant a exifté; Brunot & fa femme en rappottent un de leur cóté pour prouver qu'ils ont eu un enfant du même age. Ces regiftres de baptêmes ne prouvent donc rien d'elientiel a cette caufe ; ,& ce qu'ils prouvent eft effacé par la preuve également forte qui eft rapportie, par chaque par; tie. Examinons 1'extrait mortuaire qui i a été produit. II attefte qu'en 1722 , le 2 dècembre i mourut, & le 3 du même mois Jut inhume' Bernard-Francois Troëlle , fils de M, ', Troëlle , fculpteur dans Visie S, Louis , ■ agé de dixfept jours; lequel enfant,, 1 ajoute cet extrait, étoit en nourrice che^ le nommé Claude le Cercle , notre- pa1 roiffun. Cette inhumation a été faite, : & elle eft atteftée par le.curé de RicheI ville. On n'attaque point, dans cette caufe,, la foi du regiftre dont cette attelta&ion a.été extraite, & on ne pent pas nier 1 que ce ne foit la le fait le plus impor1 tant, 1'unique fait de cette conteftatiom 11 eft parfaitementcirconftancié : le nom de l'enfant décédé, celui de fon père, celui de fa nourrice , le tems du décès & de 1'inhumation , tout y eft exatle: meur détaillé. Comment donc pourraI N vj  -3°° Enfant réclamé t-on échapper a cec:e preuve, fi, d'un cóté, Tautorité du regiftre n'eft point aftbiblie, fi d'ailleurs les faits font marqués &c défigués de manière qu'il ne puilfe plus refter d equivoque ? Troëlle öc fa femme efpèrent de rendre 1'atteftation de ce regiftre inutile, en fupppfant qu'il y a eu de Terreur dans toutes les démarches qu'on a faites depuis que lés deux enfants furent confiés a deux nourrices fous de faux noms, & que le fait attefté par ce regiftre eft une fuite de cette errsur qu'il faut rechercher exacrement, & qu'on peut encore rectifier. Convenons d'une maxime : les regiftres mortuaires font la preuve ordinaire du décès des perfonnes: & dans le cours naturel, ils fuffifent feuls pour conftater ces faits : mais auffi eft-il, a la vérité, des cas oü leur témoignage n'eft pas toujouts décifif & fans reproche. Ils peuvent être foupconnés, fi on a lieu de croire qu'il y a du faux ou de Terreur •> £c malgré ce que difent ces regiftres, on peut encore examiner les faits, dans leur principe, pour juger de ce qui a été fait en conféquence. On ne peut pas dire qu'il y ait un faux exprès dans leregiftre dontils'agit.-  par deux mères. 30 r La nourrice de l'enfant décédé a été dans la bonne foi: elle étoit fans intérêt pour fubftiruer, au vrai nom de cet ■ enfant, un nom qui lui auroit été étran: Ier. II neparok pas d'ailleurs qu'au tems de 1'inhumation de cet enfant il y ait eu a Richeville aucune autre perfonne ihtéreifée a déclarer plutót le décès de l'enfant de Troëlle que de celui de Bruj not. II faut donc que Troëlle & fa femme ' avouent que le regiftre mortuaire eft en bonne forme; que le fait du décès eft parfaitement bien articulé ; que tout cela eft fondé fur une bonne foi fenfïble. Que leur refte-t-il donc, fi ce n'eft terreur prétendue de celle a qui on a confié les deux enfants, & qui les a remis aux nourrices ? Mais cette erreur ne doit point fe préfumer : onne doit point croire légèrement que 1'on fe trompe fur un fait auffi grave que celui du nom & de la qualité des enfants qu'on envoie en nourrice. Le fait du décès paroit claiirement prouvé par le regiftre morruaire. Pour écarter cette preuve, il faudroit rapporter une démonftration auffi parfaite de Terreur qu'on fuppofe. Le décès eft prouvé par écrit, & par un "crit Jrevêtu du caraétère public: au contraire,  3üi Enfant réclamé Ferreur prétendue n'a été jufqu'ici ap-» puyée que fur des préfomptions: mais. on fe flatte de 1'affermir davantage par. la dépofition de quelques témoins. C'eft-, la une citconftance oü il paroitroit ttèsdangereux.d'admettte la preuve par témoins. . Nous 1'avons ^ déja. obfervé : cetteforte de preuve peut avoir lieu dans les queftions d'état; cependantelle ne doit y être admife qu'avec une. infinité de ménagements & de précautions. II nej fuffiroit pas , pour la légitimer , qu'elle. füt précédée de quelques préfomptions,, ou même d'un commencement de pteuve pat écrit. Lorfque les arrêts 1'ont admife , a la faveur de ces préfomptions ou de ce commencement de pteuve par, écrit, on n'oppofoit point a la pteuve par écrit un regiftre public, un regiftre. en bonne forme , clair &.précis.dans les faits qu'il rapporte. Qu'un particulier, afpire a un état , qu'il cite des préfomptions qui le. favorifent; qu'il repréfente, dans des aéfces par écrit, quelques traces du fait qu'il propofe, &? qu'il ne foit point. contredit par un. acte formel & authentique; alots on. pourra admettre la preuve par témoins  par deux mères. 3^' I il feroit même injnfte de la lui refufer; paree que ces préfomptions, ces traces, ces commencements de preuves par écrit : patiënt pour lui,.& demandent que I 1'on creufe , que, l'.ön pénctre dans I 1'obfcurité de ces faits.; patce que, d'un | cóté, ils paroiffentjvraifemblables, & jij que de 1'autre cóté ils ne font point, encore détruits par auctine preuve .conij traire. Mais les parties fe trouve-nt- dans des I conjonftures bien différentes. Brunot &5 s fa femme prou vent, parun regiftre public, le décès de l'enfant de Troëlle : a \ ce regiftre on oppofe des préfomptions i que 1'on tire de la complexion-des deuxI enfants, de la reffemblance de celui I qui exifte, des hardes qui ont été reni voyées a la femme de Troëlle. On fent I que ces préfomptions font trop foibles i pour détruire l'impremou,que doit faire I naturellement un regiftre public* On voudroit appuyer ces préfomp[tipns de la preuve par témoins. Mais Meroit-il poflïble de balancer aftuelleiment le poids 8c 1'autorité du regiftre ipar la foiblelfe de quelques préfomptions ? Seroit-il régulier de chercher une -preuve dans la dépofition des témoins , iigrsmême que cette preuve eft toute.  304 Enfant réclamé acquife dans un acte par écrit? Seroit-il enfin de 1'intérêt public & des families qu'on put ainfi attaquer la foi des regiftres fur des foupcons & par témoins? Uans la queittou générale , il leroit d'une ttop dangereufe conféquence d'oppofer ainfi la preuve par témoins toute feule,& dénuée de fecours,a la preuve par par écrit; & dans 1'efpèce particulière, cette preuve par témoins nous paroit d'autant moins favorable, que le regiftre mortuaire demeure foutenu par -la polTellion. Les enfants de Brunot & de Troëlle font nés au mois de novembre de 1'année 1722 , celui qui eft décédé a vécu pendant dix-lept jouts, il a ere connu fous le nom du fils de Troëlle , il a été noutri a fes frais : l'enfant qui exifte a été dans une poffefiion conftante de 1'état de fils de Brunot, il a été élevé aux dépens de Brunot; c'eft par fes ordres que cet enfant a été tranfporté de Richeville a Boifemont; c'eft lui qui 1'a rappellé a Paris ; c'eft entre fes mains qu'il a été remis: &, ce qui paroït remarquable, il s'eft écoulé plus de quatre ans depuis le décès de l'enfant qu'on élevoit a Richeville, jufqu'a la demande qui a été formée au Chatelet par Troëlle & fa femme.  par deux mères. 305; Or Ia polfeffion, en matière d'état, eft toujours très-importante. Nous fomtnes touchés pat Ia longueur du tems qui s'eft écoulé dans la polTeffion paiiible d'un état, dit le jurifconfulte Marden , en la loi 47 ,ft'. de rit. nupt. Movemur & temporis diuturnitate quo in matrimonio avunculi fuijli. Celui qui pofsède n'a rien a prouver: il trouve dans fa polTeffion même le motif qui doit la lui confetvet; a moins qu'on ne prouve que cette polTeffion a été vicieufe dans fon ptincipe, clandeftine & interrompue ; & qu'on n'oppofe a cette poffeffion des preuves également fortes &C régulières. Nous voyons même que, dans Tefprit des loix Romaines, en matière d'é|tat des perfonnes, on n'exige point une (polTeffion bien ancienne ; & les loix 'veulent qu'on alToupifte, le plutot qu'il !fe peut faire, ces fortes de queftions; iparce que Pincertitude qui les fuit eft iauffi facheufe a celui a qui on contefte 1'état, qu'aux families qui y font intérelfées; témoin les loix qui font fous le ititre du digefte , Ne de ftatu defunclorum pofl quinquennium qu&ratur. Elles :défendent, ces loix, qu'après cinq ans :on ne contefte plus 1'état dé ceux qui  3© 6 Enfant réclamé lont décédés. Ce terme leura patu fuf-! fifant pour pouvoit attaquer un étatdom teux & illégitime : mais , en même tems, la loi n'a pas cru que la füreté &ó le repos des families duifent péricliter plus long-tems; & peu s'en eft fallu que les parties ne fe trouvalfent précis fément dans les circonftances prévues par ces loix ; paree qu'il s'eft écoulé plus de quatre ans depuis le décès de l'enfant élevé a Richeville, Sc qu'on nei peut aujourd'hui contefter 1'état de cellui qui exifte , fans ■ révoquer en donte; 1'état de celui qui eft décédé. Cependant, quoique nous ne puife fions pas tirer une fin de non-recevoir», contre la demande de.Troelle, du tems< oü il a demeuré dans l'inaclion & dans< le filence, nous pouvons du moins etw tirer des conféquences bien favorabless pour la défenfe de Brunot. Si Troëlle-: & fa femme avoient été parfaitement: cenvaincus que l'enfant décédé n'étoit: point le leut ;.fi ce fait leur avoit parui certain a la vue des langes 6c des hardes i qu'on leur a renvoyés fi les témoins : qu'ils veulent faire entendre leur ont; appris des circonftances décifives , qui puiffent balancer 1'autorité d'un re- , giftre public} comment n'ont-ils pas agj  par deux mères. 3 07'd'abord pour recouvrqr leur enfant perdu , pour que fon éducation ne fut point confiée a des étrangers, pour ne gas, perdre des moments fi précieux en matière de queftion & de poftèifion d'état? Troëlle & fa femme prétendent, a la vérité, qu'après le décès ded'enfant ils ont averti Brunot & fa femme de la préte.ndue erreur , qu'ils ont, réclame l'enfant qui vit encore , & qu'ils ont dit les raifons qu'ils avoient pout te réclamer. Mais, ou leurs preuves n'étoient pas encore bien affurées & bien propres a les excirer, ou ils font inexcufables d'avoir agi avec tant de négligence dans une affaire auffi importante pour eux & pour leur enfant, èc de n'avoir pas alors formé de. demande en juftice. Pré- ■ fumons mièux de leurs féntiments &C de l'affe&ion paternelle : ne' les accu-r fons pas d'avoir négligé ce que l'enfant, ce qu'eux-mêmes pouvoient avoir de plus cher; & croyons plutót qu'ils tedoutoient de faire une fauffe démarche qui feroit irréparable : croyons qu'ils efpéroient des éclairciffements que plu-fieurs années ne donnent point encore, & que l'avenir ne promer pas. _ Mais, fans vouloir fonder ici leurs confciences, & entrer dans leurs vues,  308 Enfant réclamé iuivons la roure que les loix nous onfi cracée. Cinq années fuffifent, felon elles , pour forrner un obftacle invincibli aux queftions de 1'état d'un défunt : ce délai feul, & par lui-même, opéreroit une fin de non-recevoir que tous les! aófces les plus folemnels, que les preuves les plus authentiques, ne poutroient futmonter. Quel fera donc au* jourd'hui le poids d'un filence de plus: de quatre années ; d'un filence qui efti juftifié^ par un regiftre public & régulier; d'un filence qu'on n'a enfin rompu: que fur quelques préfomptions donci nous ferons fentir toute la foiblefle ? Ce: filence s'élèye contre la demande de: Troëlle: il réunit toutes fes forces avec: celles du regiftre niortuaire; Sc nous; ayouons que ce titre Sc cette pofleflïon 1 ainfi téunis nous paroiflent invincibles j; qu'ils font difparoitre les préfomptions, ' Sc ferment la bouche aux témoins. Quel état,en eftet, pourroit être fur: deformais, fi on fe donne la Iiberté d'at- ■ taquer un regiftre public par la feule i preuve par témoins ; fi on fe croit en droit d'ébranler une pofleflion paifible Sc conftante,fur des foupcons, fur des indices ; fi tong les moments font éga- ■ lement propres pour agiter 1'état des  par deux mères. 300 ciroyens & celui des families? Un regiftre mortuaire fera toujours difficile a attaquer, & plus difficile encore a détruire. On ne touchera jamais qu'avec beaucoup de ménagemenc a une polTeffion de plus de quatre années , quand 1 même elle feroit dénuée de toute preuve f par écrit: mais un regiftre authentique , (foutenu par la poffeflion: une poffeifion < fondée fur un regiftre public , doivent I être facrés; ils font hors de toute atij teinte: le bien public & le bonheur des Jparticuliers demandent que lautorité I de la Cour les protégé, &c que les arrêts «les affermiffent. Après cela, il eft facile de répondre [ aux aveux prétendus portés par des in«terrogatoites, a la reffemblance , a la jcomplexion des enfants, aux preuves |que 1'on efpère trouver dans la dépofi■tion des témoins. Les interrogatoires fubis par Brunot & fa femme, ne paroiffent pottet aucun Uaveu qui puiffe leur préjudicier. Brunot ja reconnu que fa femme étoit accou|chée le même jout que la Troëlle; que ■l'enfant de Troëlle avoit été appotté chez \iBrunot; que les deux enfants ont été («confiés a la même meneufe, & emme2|nés enfemble en nourrice j qu'il avoit  jio Enfant réclame marqué un des langes de fon enfant ave'o; du gros fil & un morceau de cuir, afini qu'on put diftinguer cet enfant du fils: de Troëlle ; que les deux enfants onti étéportés a. Richeville en Normandie; qu'au tems de la mort d'un de ces enfants , la femme de Troëlle étoit venuei chez Brunot, &c qu'elle avoit prétendui que ce n'étoit point l'enfant de Troelle\ qui étoit mort, mais celui de Brunot ; qu'elle y étoit retournée d'abord qu'cni avoit apporté l'enfant k Paris; qu'a la; vue de cet enfant la femme de Troellc'i avoit réitéré fes inftances qu'on lui rendit cet enfant; & que quelques per-: fonnes difent que l'enfant qui exiftes reffemble k Troëlle &c k fes autres enfants. Que iéfu!te-t-il de tous ces différents: aveux qui puiffe conduire a la preuvei de 1'état contefté ? Dans toutes ces ré— ponfes, il n'en eft qu'une qui puiflei faire naïtre quelque doute; c eft 1'aveui fait par Brunot qu'il avoit marqué um des langes de fon enfant avec du gtos) fil & un morceau de cuir; c'eft d'ail-1 leurs 1'offre que fait la femme de Troellcl de repréfenter cette marqué, de prouveE que les langes ainfi marqués lui ont été; renvoyés, comme fi elle avoit été lal  par deux mères. 31 r mère de l'enfant décédé , ou comme fi l'enfant dont les langes étoient ainfi marqués avoit été celui de Troëlle. Mais, il faut 1'avouer, ce n'eft la qu'un fimple foupcon qu'on ne doit jamais oppofet a la preuve complette qui émane d'un regiftre Sc d'une longue pofteffion :y Sc le foupcon s'affoiblit encore , lorfqu'on réfléchit que la femme Troëlle n'a point parlé d'abord de cette prétendue marqué ; que cette circonftance n'a été dite qu'après coup ,& qu'on peut avoir changé les layettes de ces enfants, fans avoir changé les enfants mêmes. L'interrogatoire fubi par la femme de Brunot ne porte aucun autre aveu, Sc il ne peut nous apptendre de nouvelles circonftances. Nous obfervetons feulement que, dans cet intettogatoire, la femme de Brunot parle un peu plus pofitivement fur la relfemblancede 1'enfant qui exifte avec les autres enfants de Troëlle: elle ne dit point fimplement, comme Brunot, que 1'on dit qu'il y a de la relfemblance; elle convient elle-même qu'il y en a, Sc elle 1'artribue ace qu'elle voyoit fouvent les enfants de Troëlle qui étoient logés dans la même maifon. 11 n'eft point nouveau, en .matière d'état des perfonnes, de  312 Enfant réclamé voir propofer la relTemblance comme une preuve de la filiation. L'auteur des queftions médicinales 8c légales regarde même cetce relTemblance comme une des preuves des plus communes dans ces furtes de quellions. En général, il donne pour maxime que la relTemblance ne mérire pas beaucoup d'acrcntion, fi elle n'eft certaine, bien marquée, & auffi parfaite qu'elle peut être dans cette variété infinie de ttaits qui prouve la fécondité de la nature. Ilfuppofe d'ailleurs que cette reffemblancepeutnaitre de différents principes : qu'elle peut avoir une caufe naturelle: qu'elle peut auffi fe formerpar hafard, ou par une caufe étrangère. II conclut en difant que , dans le cours ordinaire,la relTemblance ne doit être attribuée qu'a la caufe naturelle : mais il ajoute qu'alors même il feroit dangereux de s'en rapporter a cette reffemblance , qu'elle eft toujours trèséquivoque, 8c qu'elle ne peut plus trouver place dans 1'état des perfonnes, qu'a la faveur d'une infiniré d'autres circonftances & d'autres préfomptions, qui, réunies enfemble, puiffent faire un corps de preuves. L'auteut  par deux mères. 3 r 3 L'auteur de ce fanreux traité cite plu; «ieurs décifions qui ont autorifé fon fen1 rtiment. Ainfi cette reflemblance, quand 1 .on la fuppoferoit réelle, ne nous dérerI mineroit point. La complexion difféI rente des enfants ne fait fur nous aucune impreffion. Que peut-on fe promettre de la fanté la plus robufte ? Que peut-on compter fur un age auffi ten-drePFoible préfomption du «décès qu'il s'agit de conftater , & que nous ne croyons pas même qu'on puiiTe abandonner a la preuve par témoins. C'eft la feule circonftance qui 'refte d examiner. La preuve par témoins des faits qu'on demande feroit peu propre a diiïïper 1'obfcuritc de cette caufe. Que pourroient-ils en eftet attefter, ces témoins , qui put détruire le regiftre 8c la pciTeflion? Quoi les pères & mères des deux enfants font eux-mêmes dans 1'incertitdde & dans la perplexité ; & des témoins ttrangers parleront plus pofitivementfut 1'état de ces enfants ! On prétend que la femme qui a conduit lés ïnfants en nourrice s'eft trompée fur !eurs noms, fur leur familie; 8c on veut a faire entendre. Que dira-t-elle ? Dépfera-t-elle de fon erreur prétendue? Tomé X. O  314 Enfant réclamé jUteftera-t-elle qu'elle s'eft méprife dans la défignation qu'elle a faite de ces enfants ? Et quand même elle 1'attefteroit aujourd'hui, la cro.ira-t-on? Si elle donnoit des preuves de ce fait, a.uroit-on. plus de confiance au témoignage de. cette femme ,. après le cours de plus de. quatre années , qu'a ce qu'elle a dit dans le moment même oü ces enfants lui ont été confiés; oü elle avoit la mémoire récente des particularités du fait; oü il, eft probabie qu'on lui avoit marqué chacun de ces enfants d'une inanière a prévenir route équivoqué? Pefons bien toute la force de ces moyens , Sc toutes les conféquences d'une preuve par témoins. Dans 1'état de la caufe , il n'y a qu'un fait important ; c'eft de fcavoir a qui des deux parties appartient l'enfant qui exifte, a qui appartenoit celui qui eft décédé. Ce fait eft tout décidé, fi on en croit le regiftre, la poffetfion, le filence même de Troelk Sc de fafemme. Mais aujour- U HUI, 1B aUUlJUUiU LWC^VJ <-VO (..-.... . .... ... felon eux,le regiftre eft errpné, la pof- ; felliou eft vicieufe; Sc ils, rompenr kv fdence pour oftir des preuves deFerreuBqui s'eft glüTée dans le regiftre qui a, donné lieu a la poiTeffiou.  par deux mères. 31 ^ lis auroient donc une circonftance d établir: cette circonftance eft qu'au moment ou ces enfants ont été cqnfiés aux deux noutrices, on a donné le nom de Troëlle au fils de Brunot, & celui de Brunot au fils de Troëlle. Mais quels témoins peuvent-ils avoir de cette erreur ? Ils n'accufent point la meneufe d'aucune furprife, d'aucune fuppofition volontaire : ils n'ont recours qu'a Terreur prétendue: qui pourra donc Tattefter cette erreur ? Ce n'eft pas celle qui s'eft trompée: toutes les parriesconviennent qu elle eft dans Ia bonne foi ; les motifs qui Tont engagée d défignec chaque enfant, comme elle afait, fubfjftent encore : nous ne pouvons pas douter qu'elle ne les ait délignés d'une mamère précife : nous ne voyons pas que , pendant la vie de l'enfant qui eft décédé , il y ait eu te moindre foupcon d'erreur : tout a été tranquille; les pères Sc mères , la meneufe , les nourrices , perfonne n'a douté , perfonne n'a parlé! Qu'eft-il donc furvenu dès-lors qui ait changé 1'état des families, qui ait alteré cette tranquillité ? Des hardes renvoyées d la femme de Troe le, Sc qu'elle prérend n'être pas les mêmes que celles qu'elle avoic données a foa dj  g i6 ' Enfant réclamé .enfant; quelque relTemblance de 1'êufant qui exifte avec les autres enfants de Troëlle: nous Tavons déja démontré , ces preuves font trop foibles pour établir Terreur dont il s'agit. On va plus loin, Sc on offre des témoins de cette erreur. Qui feront-ils ces témoins? II faudra commencer par écarter le témoignage de celle qu'on dit s'être ttompée ; rémoignage fufpect & incertam ; témoignage indigne de foi, s'il varie; témoignage qui fait la condamnation de Troëlle Sc de fa femme , s'il ne varie point. Entendra-r-on d'autres témoins ? Pre^ mièrement, il ne paroit pas que , lorfque la meneufe a remis les enfants aux deux nourrices , il y ait eu aucun témoin qui fut inftrui.t de 1'état des deux enfants. En fecond lieu, il faudroit que ces témoins atteftaffent deux faits; 1'un qu'ils connoiftbient parfaitement chacun de ces enfants , qu'ils fcavoient a qui ils appartenoient ; Tautre fait, que la meneufe s'eft ttompée , Sc qu'elle a donné le fils de Brunot pour le fils cie Troëlle, Sc mutuellemenr le fils de 'T'oelle pour celui de Brunot. Si on ne prouv.e pas ce fait, on ne prouve rien; paree que, pour juftifier la demande d.e  par deux mères. jif Troclle , il faut conftater précifément ïe contraire de ce qui a été fait par h meneufe.' Or Troëlle petit-il fe flatter de produire des témoins qui aient eu une con' noiffance patfaite de 1'état de chacun de ces enfants, qui ne les aient point perdus de vue dès le moment de leur naiffance jufqu'a Tinftant qu'ils ont été remis a leurs nourrices, & qui enfin ; aient été préfents &c fe foient appercus l de Terreur de la meneufe ? Mais , s'il y en a de ces témoins fi I bien inftruits , comment n'ont-i!s pas | t>arlé dans le tems même de Terreur ? ! Comment ont-ils vu changer 1'état do' i ees enfants fans en donner avis aux pè~ •■ res & mères? Comment la femme de-' i Troëlle ne s'eft-elle appercue du pré-; rendu changement qu'a la vue des latf; ges qui lui ont été renvoyés ? Difons plutót: la meneufe a été dans la bonne; :. foi, on n'a en, de part & d'autre,aucune fncertitude fur 1'état de ces enfants jufqu'a la mort de celui qui étoit nourri & Richeville : fon décès a fait naitre quelques foupconsala femme de Troëlle: elle a cru trouver, dans la reffemblance de l'enfant qui exifte, une convicfion ; parfaite a une preuve complette de ce O lij  3 t 8 Enfant réclame qu'elle defiroir : fur ces foupcons elle a agi , elle offre des témoignages qlii attefteronr peut être cette relTemblance, qui diront que les langes renvoyés a. la I femme de Troëlle ne font point ceux qu'elle avoit donnés \ preuves iriütiles a cette conteftation. II ne s'agit pas d'alfurer, par des dépofitions, des faits qui ne feroienttout au plus que des préfomprions de Terreur de la meneufe : il faut prouver 1'er- j reur même; il faudroit convaincre les pères & mères, la meneufe elle-même : il faudroit des témoins qui pulfent fe flatter d'avoir connu avec certitude chacun de ces enfants, Sc d'avoir vu la mé- i prife qu'on fuppofe; & il paroit inutile de les chetcher, ces témoins qui n'auroient pas attendu cette conteftation 'pour rendre témoignage a la vérité, Sc " qui auroient fans doute déterminé les pères & mères a fe rendre juftice a euxmêmes. II eft fuperllu de s'arrêrer aux foibles inductions qu'on prétend tirer de 1'interrogatoire de Brunot Sc de fa femme. Malgré leur incertitude, en la fuppofant, il feroit toujours vrai que les maximes les plus certaines, en matière d'état des perfonnes3concourroient apro-  ■par deux mères. 310 doneer en leur faveur : il faudroit 'tou- J jours alfurer un état a cet enfant: 8c ij comment héfiter entre une preuve acJ'quife & celle qu'on offre, une preuVe ii par écrit foutenue par la polfeflion & par | le filence des pères &c mères , & un'e i\ preuve par témoins fans aucun comjj mencemenr même de preuve par écrir ? Réduifons, en peu de mors, cette i| conteftation. Nous ne fommes point ici I dans le cas de 1'édit Carbonien ; paree I que 1'intérêt de l'enfant demande que 11'on décide préfentement fon état. 'Pour I cette décifion , la preuve par écrir paroit I devoir 1'emporrer fur la preuve par té| moins. Les regiftres des baptêmes font I ici abfolument inutiles , paree qu'ils ne 1 pronvent que la naiifance, & qu'il s'agit I de prouver le décès de 1'un de ces enI fanrs. Ce décès eft parfaitement prouvé i par un regiftre public, un regiftre en : bonne forme , un regiftre dont on n'atI taque point 1'autorité : d'ailleurs ce rei giftre eft foutenu pat une poffeflion de plus de quatre années, Jc par la forte : préfomption qui nait du filence que Troëlle & fa femme ont gardé pendant ■ un fi long-tems. A ces regiftres, a cette poffeflion, on in'oppofe que des indices très-foibles m  3*0 Enfant réclamé. par eux-mêmes, & plus foibles encorJ par les circonftances de cette caufe. Laf relfemblance eftéquivoque; elle eft fou4 vent trompeufe t les layettes peuvent} avoir été changées fans qu'on ait chanaél les enfants ;Ja complexion délicate d'iuxi enfant ne prouvera jamais fon décès d on ne peut efpérer d'apprendre, des témoins,, rien de pofitif fur 1'état de 1'enl fant, parcé qu'il faudroit que ees tel moins dépofalTent précifément du chalJ | gement des enfants; & fi epielqu'uil s ctoit appercu de ce changement, fans-1 doute Troëlle 5c fa femme n'auroient pas attendu plus de quatre années a fel pourvoir. La meneufe elle-même ne . pourroit pas dépofer de fa méprife; 5c fi on doit avoit quelque égatd au té- ! moignage qu'elle rendaujourd'hui, plutot qu'a celui qu'elle a rendu en con- 1 fiant ces enfants a leurs nourrices, nous, apprendrions , de la déclaration qu'elle adonnée. dup al^im -, ^— . v.waUl uilcuc eir enetter rp m An TV,.-/.'., o. —^„ruc, cc qu.u n y apoint eu de méprife. A la VHS dp rrmt- Ac r- O v  3 2 2 Enfant réclamé. « pellants d'une fentence dü Chatelet pi de Pans, du 3 avril 1727, d'une part j « & lïené-Francois Troëlle, fculpteur, 35 & Anne Lucas fa femme, inrimés , » d'autre ; & entre ledit Troëlle & fa « femme , demandeurs en requêre du ■>■> 4 avni dermër , a ce qu'il plaife a la 5) Cour, en prononcant fut ledit appel, 33 mettre 1'appeliation au néant,& con•33 nrmer la fentence avec amende Sc 33 dépens 5 Sc en cas que la Cour y faiTe, 33 quant-a-préfent, la moindre difticulté, 33 leur permettre de faire preuve que j> l'enfant acfuellement vivant eft le 33 même dont la femme dudit Troëlle « eft accouchée le 14 novembre 1722 , 33 Sc pour parvenir a Ia démonftration 33 de ce faitgénëral, leur permettre de « faire preuve par témoins pardevant rel 33 de Mèffieurs qu'il plaira a la Cour 33 nommer,&pardevanr le plus prochain « juge royal de Richeville & de Boife33 mont, lieu du domicile des nourri« ces, i°. Que l'enfant dont Ia femme 3j de Brunoc eft accouchée le 14 novem33 bre 1722 , étoit foible & délicar, >3 qu'il fut même malade en naiilant; 33 qu'au contraire celui dont la femme » Froelleell accouchée le même jour 14 «novembre 1722, étoit fort robufte»  par deux mères. 3 23 « 20. Après que Brunot &C fa femme sj font convenus , par leur interroga55 roire,avoir marqué les hardes de leur « enfant avec un morceau de cuir coufu s> de gros ril, afin que la meneufe le j> put diftinguer de celui dudit Troëlle, ■>■> leur permerrrede faire preuve que les 3j mêmes hardes ont perpétuellement » fervi a l'enfant mort a Richeville le 33 2 décembre 1722. 30. Après que Bru33 not tk fa femme font convenus, par « leur intetrogatoire , n avoir donné 33 qu'un bonnet, lequel n'éroirpas neuf, 53 a leur enfant, permertre de faire >» preuve que ce même bonnet, qui « n'étoit pas neuf, &C marqué d'un G , 33 première lettre du nom de baptême s» de Brunot, appelle Guillaume Brunot, 33 étoit fur la tête de l'enfant quand il r> eft mort a Richeville le 2 décembre p3 172.1. 40. Que les deux enfants ayant 33 été portés de Paris a Richeville par la 3* meneufe , appellée la grande Fran•3) coife, a qui ils furent confiés, furent 3> mis enfemble fur le lit de cette me» neufe, ou ils furent laiffés pour aller 3» chercher deux nourrices; après quoi 33 1'un des deux fut donné comme 1'en33 fant de Troëlle a la riommée Genekt vieve Skury, femme de Claude le Ovj  jr4 Enfant réclamé >■> Cercle, pour le nourrir, quoique ce » fut l'enfant de Brunot, avec les har» des coufues de gros hl , marquées » d'un morceau de cuir, ayant fur la » tête le bonnet ufé marqué d'un G ; » &c que c'eft ce même enfant qui eft » mort a Richeville. 50. Que les hardes » de l'enfant Brunot, marquées avec 5' un morceau de cuir par fon père, ainfi* 5' qu'il en eft ccnvenu par fon kiterro» gatoire, & le bonnet marqué £?ont w été rapportés a- la femme Troëlle, » comme fi elle avoit été la mère de » l'enfant mort, auquel, par inadver35 tance , on avoit donné le nom de »> Troëlle, a caufe de la confufion qui » s'étoit faite des deux enfants, en les* 3» tirant de deffus le lit de la meneufe, " Quel'autre enfant, pris pour ce3> lui de Brunot, quoique fils de Troëlle,, » fut confié, fous ce nom, a la nommée 33 Augé , femme d'Adrien Mcrrieu » nourrice , avec deux bonnets de laine »-neufs,& astres hardes données par » la femme Troelle,k la meneufe,Iors de » fa naiffance ; que ce même enfant 33 Troëlle, réputé Brunot parerreur, eft 33 refté trois mois a Richeville entre les 33 mains de cette nourrice, après lequel » tems la femme Brunot, le croyant fon  par deux mères. ^if sj enfant, a caufe de la mort de celui : s» qui avoit été nourri par la nommée ss Sicury, & fauffement nommé Troëlle, H quoiqu'il fut Bitiaot, 1'a envoyé a. Boifemont, diftant d'une lieue de 33 Richeville , pour le donner a. une auj> tre nourrice , & que c'eft l'enfant 33 vivant ] pout 1'enquête faite & rap! J3 portée, être ordonné ce que de raifon, ; » avec dépens , d'une part; Sc lefdits >3 Brunot & fa femme, défendeurs s s» d'autre part. » Après que Buïrette , avocat de Guilsa laume Brunot & fa femme , 8c Foreft33 tier , avocat de Bené-Francois Troëlle. » & fa femme, ont été ouïs pendant s» trois audiences, enfemble Talon pour 53 le procureur-général du Roi: la Cour ss a mis 8c met 1'appellation & ce donc s3 a été appelle au néant; émendant 3'. 33 fur les requêtes des parties de Foreft ss tier, met les parries hors de Cour; iss en conféquence ordonne que l'enfant 33 dont eft queftion appartiendra a Bru53 not 8c fa femme, dépens néanmoins :js compenfés. Fait en Parlement, le n; ■ ss juiliet 1717. Signéj Ysabeau ». II faut obferver que la fauffe mère :étoit dans la bonne foi : auffi n'a-t-ellf ;pas été condamnée aux dépens,,  3 2 6 Enfant réclame La Cour étoit bien éloignée de permettre a Troëlle & fa femme la preuve teftimoniale contre le monument public qui dépofoit contre eux. Ils vouloient que la fource de 1'erreur fut la confufion qu'ils fuppofoient que la meneufe avoit faite en remettant un enfant pour 1'autre: ce fait ne pouvoit pas être éclairci par le témoignage de la meneufe. M. 1'avocat-général en afaitfentir les raifons. Les autres faits ne paroiftbient pas concluants : quand Ia preuve en auroit été faite, ces nourrices , qui n'étoient pas éloignées Tune de 1'autre, n'auröiént-elies pas pu facilement changer quelques hardes les unes contre les autres ? Ét même, par bien des cas fortpits qu'on peut imaginer , cet accident ne peut-il pas arriver ? II auroit été trop dangereux d'expofer 1'état d'un enfant a la foi d'une pareille preuve. D'ailleurs, il doit demeurer f)our conftant, fuivant 1'intention du égiilateur , qu'il faut s'en tenir a la foi d'un acte baptiftaire , & d'un acte mortuaire , revêtus de toutes leurs formalilités:que cette preuve , jointe ala poffeilion , eft invincible. La fagetfe de la régie dont on vient de patier, eft établie pour couper la racine d'une infiniré  par deux mères. 3 27 I de conteftations qui peuvent être agi51 tées fur 1'état des hommes, conteftaI tions qui nous donnent lieu de déplorer i leur malheur. Pouvons-nous jamais afI furer hardiment que nous avons un tel I père?Qu'on ne dife point que la nature parle au fond de notre cceur. L'éloquence Sc la poélie peuvent fe parer des I tableaux de ces fentiments naturels. ! Mais ces prétendus oracles de la nature : ne font pas infaillibles. L'habitude, qui eft une feconde nature, emprunte le langage de la première, & nous infpire la tendrelfe & le refpect que nous refi fentons pour celui qui repréfente notre 1 père. Jamais père ne fut plus refpecté :pat des enfants que I'amour avoit introduits dans fa familie que celui dont voici 1'hiftoire (1). Un ditecTreur obligea une femme, fctjni étoit au lit de la mort, de révéler a. 1 fon mari le myftère de la naiifance de 1 quatre enfants que I'amour illégirime avoit introduits dans cette familie. Elle 'alfembla fon mari & fes enfants autonr : de fon lit, pour leur faire part de fecrets (i)Les réflexions qu'on vient de lire, après 1'arrêt, & !es h'.itoriettes qu'on va lire, font .de M. Gayot de Pitaval,  ^28 Ênfant réclame importants. ElleadrefTa ainfi la parole i, fon époux : Monfieur, ( je n'ofe pas] vous donner un nom plus doux) vousavez dotmi jufqu'ici tranquiliemend dans Popinion que vous avez que vous] êtes le père de ces quatte enfants: ma. eonfcieuee m'oblige de vous ouvrir les yeux. Pardonnez-moi le crime que j'aa commis en vous donnant des héritiers-' malgré vous. L'ainé doit le jour a im< abbé qui vint paifer le printems dansnotre maifon de campagne. Dans la: fuite vous trouvates que je n'avois point] la démarche alfez belle :- le maïcre danfer que vous- me donnates- eft le-1 père du fecond. La Brie, ce laquais dont ; vous admiriez vous même la figure J m'enchanta : que vous dirai-je de plus ? C'eft le père du troifième. Elle alloic continuer, lorfque le quarrième enfant,, agé de neuf ans, mais plein d'efprit, i'interrompit. II avoit obfervé que les-: kiclinations- de fa mère s'étoient aviliespar degtés. II appréhenda que Iefuccef-i feur d'un laquais ne fut le plus indigne' de tous les pères : il fejetta agenoux,4 tout en larmes,au pied du lit. Ma'-: mère, s'écria-t-il d'un ton pénétrantv donnez-moi un bon papa. La mère, a!osauxprifes avec lamort, ne put pas ache*-  par deux mères. 329» I vet fon récit ; elle rendit, un moment | après, le dernier foupir. On ne fcaic i| quelles furent les fuites de cette déclast racion. Chaque lecteur peut fe confulter^ I fe mettre a la place du père Sc des enI fants, Sc juger ce qu'il auroit fait. Cetce femme ne fut pas la feule que I crut qu'elle devait révéler le fecret de' s la paternité. Une veuve avoir eu deux i} fils durant le cours de fon mariage „ i| ï*un étoit le fruit d'un amour permis ,' 1'autre d'un amour défeudu. Elle crue l aulli que les mêmes raifons de confi cience 1'engagcoient a dire la vérité a< fes enfants. ElJe eut a peine fini le prélude de fon difcours , que tous deux lui i coupèrent la parole , en lui témoignancI qu'ils ne vouloient rien fcavoir ; qu'ils robéilïb-ient, avec plaifir, a la loi quï ordoimoit qu'ils pirtageaffenr la fucceflion de leur père putatif. La prudence I elle-même les eonduifit dans cette oc; canon. On ne finiroir jamais li on vouloit epuifer un fujet fi fertile en trairs & en èenfées. Je me contenterai de rapporter encore une hiftoire qui m'a paru fiagulière. Une nourrice payfanne eut 1'ambition de faire la fortune de fon enfant r voici comme elle s'y prit,  33° Enfant réclamé Elle changea fon enfant contre celui d un gentilhomme riche qu'on lui avoit donné a nourrir : ainfi elle donna au père & a la mère fon enfant pour le leur. Le payfan, devenu gentilhomme , lucceda, dans la luite,aux grands biens oe ceux dont il paroilioit tenir le jour : lë gentilhomme métamerphofé en payfan , devenu grand , fe lalla de cultiver la terre : il alla dans une grande ville oü demeuroit fon frère de lait, qui fiifoit une grande figure : il entra au fervice de ce gentilhomme: & comme il avoit un excellent naturel, il fe fit bientót aimer de fon maïtre, qui, 1'ayant cultivé, connut ce qu'il valoit, & le choifit pour fon ami, 1'admit a fa table, le mit de toutes fes parties, égala, en queique facon, fa condition a la fienne , quoique celui-ci continuat a le fervir. La nourrice étant extrêmement malade, demanda, d'une manière prelfante, le gentilhomme pour lui communiquet une affaire importante. II fe rendit auprès d'elle ; & elle lui révéla tout le myftère : elle mourut une heure après. Ce gentilhomme ne fe hata point d'en faire part a fon ami. Un jour, dans un repas qu'ils faifoient tête a-tête, le genïilhomme lui propofa fon hiftoire, oü  1 par deux mere^. 331 Jeelui-ci avoit tant de part, comme une Ihiftoire étrangère, & lui dit: « Si vous L> euffiez été l'enfant contre qui la nourL rice auroit changé le fien, que vous 1, connuffiez dans la fuite votre état, &c |» que vous fuifiez le maitre de jouir du j„ bien que votre naiifance vous donnoit, 1» quel parti feriez-vous a l'enfant de la » nourrice qui auroit été votre maitre ? m* Je partagerois avec lui ma fortune , h> répondit le valet. Hé bien, partaI» geons, répliqua le maitre: vous avez I» prononcé 1'arrêt; car vous êtes le fils du I» gentilhomme , & je fuis le fils de la ti» nourrice». Ce jugementfutexécuté.  3 3 2 Legs fe* fous une conditwif LEGS i uiLjous une condttwn contre le§\ bonnes moeurs. te jugement rendu fur le mémoire'! ïmvant, qui eft de ma facon,faic-: 1 eloge des juges de Genève (i). MÉMOIRE POUR Dame Diodati, veuve cfa : oieur üe la ttoue, Lcuyer. CONTRE les Héritiers du Sieur Franconi. L'objet du procés eft la difpofttiori iuivanre du teftament du fieur Fran¬ coni. J'avoisfait propoferama filleule Dio* CO C'eft M. Gayot dc Pitaval cjl>iï parle.  contre les bonnes moeurs, 333 Mati de revenir ici avec fa familie , & Pf • Pour & aider dfubfifter, je donneWpis mille e'cus blancs. Au lieu de s'en \vrévalpir elle s'eft marie'e, & elle a emifraffé la religion de 1'Églife romaine. Je Weux encore exécuter cette offre , ft elle hrevient de bonne foi parmi nous. Mai$ lelie ne recevra que les intéréts ; d moins Wu'il n'y eut une occafton, après quelVnues mots deféjour parmi nous , pour lei Uien connoure , deplacerfes enfants . ou \leur faire apprendre quelque profeffion ; lauquel cas je laiffe d la prudence de mes yiéritiers d'entamer le principal. I II eft d'abord conftant que le fleur IFranconi lègue a Ia dame Diodati mille lécus. La volonté du teftateur eft 1'ame ide fon teftament. Semper vefligia volunhatis teftatorum fequimur. L. 5, c. de tneceJT.ferv. hand. inftit. Cette volonté Be refpe&e jufques dans les expreflions jambigucs quilacachenr. In ambiguo ferfnone non utrumque dicimus ; fed id dunhaxat quod vohmus. L. } „ff. de rebus Wubiis. Ainfi, de quelque facon que la irolonté du teftateur fe puifle dévelopIjper, les nuages dont elle eft environnée Ine lui font aucun obftacle, elle s'obferve inviolablement. Ici, 1'on voit,a itrayers le raifonnement liiftorique du  3 ?4 Legs faitfous une condition teftac eur, qu'il a fait un legs de mill< écus a la dame Diodati fa filleule. 11 dil qu'il lui a offert mille écus, & qu'il veut encore exécuter cette offre. Voils fa volonté bien marquée : c'eft la loi qu'il faut fuivre. Mais, dira-t-on , il a attaché a ce legs une condition qui en fufpend 1'effet jufqu'a ce qu'elle foit accomplie. Les conditions, dans les teftaments, font; des difpofitions particulières qui font, partie de celles du teftateur, & qu'il y ajoute pour en régler 1'effet. La condition , fi elle arrivé , donne 1'exiftence $ une difpofition, & 1'anéantit fi elle n'arü rive point. La règle, en général, eft certaine ; niais il en faut excepter les conditions impoftibles, qui font regardées, dans les teftaments, comme fi elles n'y étoient point inférées. Obtinuit impoffibiles con-:. ditiones tefiamento adfcriptas pro nullis habendas. L. 3 , ff", de condit. & dein. Sub impojfibili conditione , vel alio moda faclam inflitutionem placet non vitiaril L. 1 , ff. de condit. inflit. Nous voulons qu'une inftitution faite fous une condition impolfible, ou fous quelqu'autre vice , ne foit pas annullée. Telle eft la fageffe du légiflateur, qui, en accor-  ■ contre les bonnes moeurs. 33$ iidant au teftateur le pouvoir de donner i des loix a fa poftenté, & en étendanc pon empire au-dela de la mort, a voulu ilque cette volonté fut conforme a la rjdroite raifon; & lui a óté fon autorité, :ijdès qu'elle a abandonné la lumière de 'jee flambeau. Ainfi la loidiftingue les teftaments |des conventions , qui font annullées par >les conditions impoffibles. Non folum \ftipidaiiones impoffibili condhioni appliïcatA nullius rnomenti funt ; fed etiam ,1 c&teri quoque contractus. L. 3 , ff. de obl. \& ac. On préfume que des contractans, qui ont attaché a leurs conven: tions des conditions impoffibles , ont plutöt voulu fe divertir, que s'obliger, I Mais on ne préfume jamais qu'un tefitareur ait voulu s'égayer dans un teftaKïient, la plus férieule & la plusimporn tante de toutes les difpofitions. Les idéés 1 de la mort, la noble entreprife de laifler après foi desmonuments de fa fagefle, i.bannilTènt de 1'efprit toutes les imprefilons de la joie. Parmi les conditions impoffibles , on met non-feulement ce que la nature frènd impoffible, mais cequi feroit contraire aux loix, aux bonnes moeurs, a ill'honnêteté. C'eft, feion cette idée-^  .33 «? Legsfait fous une condition <]ue Jufiinien, en définiiïant la Iiberté ,< h faculté de faire tout ce que 1'on veut fuppofe que 1'on ne veut point ce que les Ion: défendent. Quelqu'étendu que foit le pouvoir de 1'homme, füt-il placé fur le tróne, il eft limké par 1'équité : ce qui excède de telles limites eft pour lui impoffible. C'eft dans cet efptit que le légiflateur, pariant des conditions des teftaments, dit: Conditiones contra edida Imperator urn , aut contra leges, aut qm- legis vicem obtinent, fcripta, vel qua contra bonos mores, vel deriforia funt, aut hujufmodi quas pratores impro' iaverunt., pro non fcriptis habentur ; & ferinde ac fi cónditio hareditati fïve legato adjecla non effet, capitur hareditas legatumve.. L. 14, ff. de condit. inftit. Les conditions contre les édits des Empereurs, ou contre les loix, ou contre les bonnes mceurs, font regardées dans les reftamenrs comme illufoires: elles font mifes au no.mbre de celles cue les préteurs ont réprouvées: elles font regardées comme fi elles n'étoient point écrites , &c 1'bérédité eft recueillie, ou le legs, comme s'il n'y avoit point de condition. Et dans la loi 1 5 , ff de condit. inftit. Qua facla ladunt pietatem 3 exiftimationem 3 verccundiam noftram 3  contre les bonnes moeurs. 3 37 ut generaliter dixerim, contra tonos mores fiunt ; nee facere nos poffe credendum ejl. Ce qui blefle la piété, ttiónneur, la pudeur, généralementles bonnes masurs, doit être regardé comme ïmpoflible. La dame Diodati prétend que les conditions que Ie teftateur a attachées au legs qui eft ie fujet du ptocès, font dans le tang des conditions impoffibles de cette efpèce. Premièrement, il extee d elle qu'elle change de domkile ; fecondement, qu'elle change de religion. Impojer la loi d'un domkile, c'eft Heffer la Iiberté jufte & naturelle du choix d'un domkile : ainfi, c'ej?, en quelque jafon, olejfer les bonnes mceurs & l'honneteté. C'eft amjS que s'expliqueZW,, un de nos plus éclairés interprêtes d*s loix, dans la fe&ion VIII des conditions des teftaments , article XVIII & il ajoute : ces fortes de conditions n'olligent d rien , non plus que celles qui font naturellement impoffibles; & elles font tenues pour non écrites. La condition de changer de religion doit etre regardée comme une condition impoffible. La dame Diodati ne prétend pas difcuter laquelle des deux rehgions , la romaine, ou la proteftante Tomé. X. p "  538 Legs fait fous une condition .doit avoir la préférence. Elle choifireir mal fon champ de bataille , puifqu'elle doit être jugée par des proteftants. Elle exige de leur c'harjté qu'ils penfent que ce n'eft pas par un dérèglement de cceur qu'elle a quitté leur religion ; puifque la morale de la religion romaine, fans la vou.loir favorifer, eft ■ bien auffi févère que la morale de la religion proteftante : les deux religions prennent pour regie la morale de Tévangile. Quand ils penferoient que la dame Diódaü a emb'rafle la religion roïnainepar un ayeuglemeht d'efprit, leur charité croira qu'elle apris ce parti paree ■ qu'elle 1'a cru le meilleur; qu'après plu.fieurséclairciifements il neluiapasparu que les dogmes de la religion chrétienne. fulfent akérés & défigurés dans cétte re-f hVion; que, lörfqü'elle 1'a embraflee,; ,eile a jugé qu'elle fuivójt les mouve-, ineuts de fa 'confeience. Quand ils la fuDi>oferoient dans Terreur', ils doivent pénfer qu'elle eft de bonne foi; qu'a-j ptèstcuc elleapu s'attacher i une reji- I glOll , CJl.ll , 1C1U1I 10 1 luu-imuu '""""11 eft pratiquée par des gens eclaires qui ont lin'defir fincèrè de trav'ailler a. leur falut. Comment voudroit-on que la dame Diodati' pénétrée de ces' maximes1 remplie' de ces idéés , quittat la reli?  contre les honnes moeurs. 339 gion romaine? Elle feroit une mauvaife proteftante, elle fcandaliferoit ceux qu! font de ce parti. Son eforit & fon cceur n'en approuveroient point les exercices * Sc fuivant cette idéé, comment pourroit - elle , dans cette religion , adorer Dieu en efprit Sc eat vérité ? Suivant les principes mêmes des Proteftants , c'eft exiger d'elle une condition impoflible , qui bleffèroit les bonnes mceurs, que de la tranfporter avec tous fes fentiments, fes maximes, dans fa première religion. ■ ^Selon leur idéé, embraffer leur rekgion, c'eft fuivre les mouvemeuts du Saint-Efprit. Achete-t-on le Saint-Efprit avec de 1'argent ? Car engager la dame Biotatï a entrer dans la religion proteftante par fattrait d'un legs, c'eft , felon eux , vouloir a prix dargent lui faire fuivre les infpirations du SaintEfprit. Une telle propofition ne bleftet-elle pas les bonnes mceurs ? N'eft-elle pas, par conféquent, dans le rano- de ces conditions impoftibles que le droitromain regarde comme non - écrites dans les teftaments, Sc qui n'en peuvent pas déttuire 1'eftet ? Quand le teftateur a propofe un legs a la dame  340 Legs fait fous une condition Diodati pour lui faire embraffer la religion proteftante, il a voulu qu'elle changeat de religion par une vue hu«- ; maine : c'eft un piège qu'il lui tend. Cette embuche illicite , déguifée fous le titre de condition du teftament, encore une fois, doit être regardée comme pne condition impollible dans les régies d'une faine morale. Les ouvrages des Proteftans font pleins de cette maxime, qu'il ne faut point faire de violence aux confciences. Ils difent que la maxime oppofée blefte les bonnes mceurs. Ainfi le tribunal ou plaide la dame Diodati n'autorifera pas ce fentiment : car c'eft faire une efpèce de violence a une perfonne, que de la fruftrer d'un legs , fi elle n'embrafle pas une certaine re» ligion. II femble que cette caufe intére/Te la religion des juges : mais leur in tégrité leur fera oublier, un inftant , , qu'ils font proteftants, pour fe fouvenir feulement, en général, qu'ils font chrétiens \ Sc ils feront convaincus , fuivant leurs propres idéés, que la ] caufe de la dame Diodati eft la caufe du Chriftianifme. Ils allieront, felon eux mêmes, les loix divines avec les  contre les bonnes mceurs. 341 loix humaines, c'eft-a-dire, 1'évaiagi'e avec les loix romaines, que les Apotres ont mis dans une efpèce de parallèle (1). C'eft 1'é'oge le plus magninque qu'on pouvoit faire du droit écrit. Rien n'eft plus propre a montrer avec quelle pureté, & avec quelles vues fublimes ils difpenfent la juftice, que le jugement qu'ils rendront, en s'élevant audelfus de la tentation féduifante que leur propre religion leur fuggère. On jugea d Genève qu'on devoit payer le legs d la dame Diodati j fans exiger d'elle qu'elle rempltt la condition. Obfervez que les conditions de ne pas fe marier , impofées a une donation , a un legs, a ime fubftitution d'héritiers , font nulles, & ne formenapoint d'obftacle a 1'effet de ces difpofitions. Mais, fi la condition de ne fe point marier eft pour empêcher de paffer \ de fecondes noces, elle eft tellement (1) Neque verè vuil ut tantum juflititz lex enüeat per nos: voluit ut per Romanos quoque luceret ac fplenderet. Confl. Apojl. L. 6 , 24 , in principio. Les confHtutionsapoiroliqncs ont été attribufes au pape Clement 1. C'eft un recueil de toute la difcipline de 1'Eglife, c!u moins pour 1'Orient Cet ouvrage a été écrit, pour ieplus tard , dans le troilième liécle. Piij  342 Legs fait fous une cond. &c. Iicite, que le défaut de fon accompliffement renrl ra^n/me u Jt:rL-r.ïi'i. I . «^uv. i«t «IlJJUllClOll» C Jllninnn T„ /- - vp* ictuiiües noces loienc permifes, elles ne font pas favorables : furfoutelles fonr nrHo„r«^ J j_ w^^ui^o j vjumiu un a o,es- »ro ^.iviuitl Hl.  ui ENFANTS INGRATS. MÉMOIRE i POURMagdeleineGirónjépoule du fieur Mital. CONTRE le fieur Mital fon fh{l). ! Nulle perfécutión plus fenfible que \ Celle qui nous eft fufckée par nos propres enfants. Ils tiennenc de nous la vie & ï'edtfcatïön qui eft une feconde I vie , plus précieufe que la première. 1 Lorfque, payaiu de fi grands bienfaii's 1; d'une horrible ingratitude, ils devienI rienr nos ennernis \ c'eft la peine la plus 1 cruelle que norre cceur puilfe éprouver:. ] ce que David, rrahi par fon bis Abfa- (i) Ce Mémoire eft de M. Gayot ie 'Pitaval. Piv  344 Enfants ingrais. ton, exprime fi bien : Quoniam ; fi hu- forfuanab Tu verb , homo unanimis , ™™ meus, qui fimul mccum du/ces caPjeèasahos.' Si c'étoit mon ennemi qui TerT ^ C,etTe M,'Ure' ie 1'*™S *erie, fi celm qui me hait fe füt dé- trTiïtS1' m0i' jem'en ^ispeut«re dene : mais yoas> ayec qu[ jg r aneli grande muon, qui étiez mon mnme, & qiu preniez avgc moi de fi douxrepa,. Telle eft k fituation de ia dame ftnw, qui troilve dans fw en_ fants, feduits par le fieur A,™, fc„ gendre , les auteurs de plufieurs difgraces cruelies qu'elle a elfuvées. Obligee d en faire i'hift0ire, c'eft un furcroit de douleur a fa tendrefte, de ne posvoir fe difpenfer de donner de fes enf ans une idéé fi défa van rage ufe. Le fieur Mital a conduit avec beaucoup d nonneur, pendant plus de quarante ans fon commerce de la banque, qui s erendoit en Italië, Genève, Hoblande & Angleterre: fa maifon principaJe^etoit a Rouen. Nul rnarchand n'a été plus fidéle £ remphr fes engagements , nul n'a été  Enfants ingrats, 34^' dans une meilleure odeur. C'eft avec cecce réputation qu'il a quitté le commerce, il y a environ douze années : il vint alots demeurer a Paris. Le lieur Bary implora fa charité en 1720. II avoit diffipé 6000 liv. que fon père lui avoit donnés pour négocier: le gouffre de l'agio avoit englouti cette fomme. Le fieur Mital, le voulant dérober aux mauvais confeils que la misère pouvoit lui donnet, le recut chez lui, & 1'admita fa table. 11 éptouva bientót qu'il réchauffoit un ferpent dans fon fein. Le St Bary , comblé des bienfairs du fieur Mital, féduifit la fille arnée de la maifon : il crut que cette voie, toute indigne qu'elle étoit, obligeroit fon bienfaiteur, engagé a téparer 1'honneur de fa fille , a la lui donner pour femme. La douleur que cette féduéfcion caufa au fieur Mital eut beaucoup de prife fur lui. Ayant été taillé de la pierre, étant fort aftbibli par cette opération, & confumé pat ce chagrin domeftique, il tomba dans une maladie d'épuifement qui lui a laifté libre 1'ufage de la raifon: mais, dans un pareil état d'un homme feptuagénaire, 1'efprit n'a plus la même force, 5c la même acftivité. II cédaa la loi que lui impofoit 1'honneur -de fa Pv  &j$ Enfants ingrats. fille , enpermettant que le fieur Bary répousat, 11 lui remit une dot de 20,000 livres,qu'il eut bientot enfevelie dans le même abime. qui avoit dévoré fa légitime. Afin de n'avoir point devant les yeux aes- oöjets qui renouvelloient a tout moment fes ïnquietüdès', il obligea fon gendre & fa fille i quitter fa maifon. Le fieur Bary ne lailToit pas d'y venir fort fouvent. II infpira aux. quatre filles qui font a marier un efprit dehauteur & d indépeudance, & leur aida a fecouer le joug de 1'aurorité dè j Jfeur père êc de leur mère: il les fiattoit de les marier fuivant leur caprice. Nulle voie plus propre que celleda pour s'infinuerdans 1'efprit d'une fille nubileOn trouve d'abord la clef de fon cceur, dès qu'on lui parle du mariage. 'Avide du bien de fon beau-père *l ^P'révaïöt de 1'état ou fa maladie le: réduifoit, pour perfécuter la dame fa belle-mère, afin de la dépouiller de fon adminiftration, de s'en emparer, & de pouvoir. diffiper le bien a fon gré.. Pour arriver a ce but, il a pris un afcendant fur ces quatre filles, fur le fieur '■ Mital. fon' beau-frère , qui eft marchand, &c fur Francois Mital cadet, de  Enfants Ingrats. 347 fous \ Sc a fai: fervir ces iïx enfants a fa eupicliré. Quoique la teridreffe de la mère ne fe foit jamais démentie a l'égard de fes enfants, dont elle n'a recueiüi que de 1'ingratitude ^ elle a eu le tourmenc de les voir fe foldever contre elle , & eatrer dans les complots de fon gendre , pour la perdre. Inütilement s'eft-elle relachée de foil autorité , pour vivre avec fes fdles dans une grande famillarité, & leur laiifer gouverner fa maifon, leur ayant coniié toutes les clefs. Sufcitées par fon gendre, elles abii6èrent de cette confiance pour enlever plufieurs effets qu'il recela chez lui: elles profitèrent du tems que le père moribond occupoit entièremcnt leur mère. Le gendre perfuada aux filles Sé aux:. deux tils, que leur mère vouloir s'appro-prier tout le bien , qu'elle les en vouloit fruftrer. Le fieur Mital hls, a qui fon père avoit prëté iï,ooö liv. ayant demandé a fa mère Ie billet qu'il avoit fait de cette fomme, elle le lui refufa,, afin de ne point faire d'injuffice a fes auttes enfants. 11 menaca fa.mère de fe venger de ce refus: il fe livra alors i tous les deffeins injuftes du gendre , Pvj  34°* Enfants ingrats. qui verfa Ie poifon dont il étoit rempli. fur cet efprit déja envenimé. L'exemple du fils ainé, qui trouva des reflburces dans la bonté de fon père, contte qui il avoit débité une calomnie affreufe auprés du magiftrat, autorifa celui-ci dans la rébellion, Ce magiftratperca jufqu'au cceur de ce fils accufateur, & fe défendit alors de la furprife. Le gendre mie tout en ufage pour prévenir le miniftre contre fa beiiemère. II lui fit entendre qu'étant nouvelle catholique, elle avoit tout 1'efprit de fa première religion ; qu'elle méditoit une retraite en Augleterre , ou tous les biens étoient placés ; qu'elle abandonneroit fes enfants , fon mari , & iroit jouir de tous ces fonds dans cet afyle. II 1'accufa de profiter de 1'état ca étoit fon mati, pour difpofer a fen fnfeu de 1'argent, le placer fur fa tête dans les fonds publics d'Angleterre , dans Ie deflein de ravir ces fommes a fes enfants. Si la vérité eüt pu plaider la caufe de la dame Mital, elle auroit dit qu'il y a trente ans que fon mari avoit difpofé de 5 0,000 écus en Angletetre fous le nom de fa femme j que cette fomme a été augmentée de cent mille livres jufqu'en 1710. Depuis ce  Enfants ingrats. 349 tems-la il n'y a eu aucune difpofition fous ce nom. Ainfi tout a été fait par le mari librement, volontairement. > dans le tems qu'il avoit toute IA force de fon efprit. Mais une perfonne du caraclère du gendre, pour venir a fes fins, donneroit un démenti a la vétité la plus évidente. Il s'aguerrit par avance contte la coufufion a laquelle il s'expofe. 11a fait, de fa belle-mère, le portrait Ie plus odieux qu'on puiffe faire d'une mère: puifqu'il lui a donné une inhumanité qu'on auroit de la peine a trouver dans une mararre: il a été fecondé pat fes enfants, qu'il a corrompus. Qui croiroir qu'ils euffent aiguifé les traits les plus cruels de la calomnie , contre une mère dont le cceur ne refpiroit pour eux qu'un violent amour ? Ils voient dans fa conduite un modèle accompli de fagefle. On défie la rnalignité elle-même de combattte cet éloge. Ainfi bi tendreffe qu'ils devoient avoir ', étant foutenue par 1'eftime, pouvoit-elle être fujette a s'éteindre ? Mais on doit reconnoitre la-dedans I'ouvrage de ce gendre : il s'en applauciiffoit. Ces fdles, dont il avoit empoifonné 1'efprit, s'efforcoient de jetter la  3 ? ö Enfants ingrats. frayeur dans 1'ame de leur mère, erfvoulant lui perfuader qu'elle devoit êtr-e enfermée pour lë refte de les jours qu'il y avoit une lettre-de-cachet- obtenue contre elle, fur le prétexte qu'elle avoit tous les feiuiments de la nouvelle religion. Elles lui confeillèrent de fëretirer en Anglererre , lui offÉant une chaife-de-pofte, & de 1'argent pour ce Voyage. Si elle eut pris ce parti, elle eut été arrêtée en chemin; & f0n gendre auroit accompli fes projets. Elle évita le piège qu'on lui tendoit„ Voici le fruit qu'ils recueil krent dë leurs inrrigues. Le magiftrat eut ordrë de fe tranfporterdans la maifon du fieur Mital. II y vint avec une efcorre d'ii guet ril y interrogea la dame Mital fur' le commerce de fon mari, qu'elle coriduifoit avec lui. La bonne-foi paria par fa bouche. Ce magiftrat le teconnut. 11 lui donna ordre de venir le lendemain, avec fon avocat, fon teneur de livres , & d'apporter fon portefeuille : elle obéit.Le magiftrat, ayant pris les éclairciftèments qu'il fouhaitöit, lui dcclara que le Roi vöuloit qu'elle fit venir lesfonds qui étoient placés en Angleterre t elle a déféré a cet ordre. II lui demanda alors pourquoi elle avoit enlevé de im  Enfants ingrats. -35: r .maifon plufieurs effets, & les avoit fait tranfporter ailleurs. Elle répondit que la maladie de fon mari 1'occupoit uniquement; que fa tendreffe 1'avoitclouée auprès de fon lit, &c qu'elle ignoroit abfolument qu'on eut enlevé aücua effet. A peine fut-elle de retout dans la maifon,, que ne doutant point qu'on n'eüt diverri plufieurs effets , après le langage que lui avcit tenu le magiftrat , elle reprocha ce divertiffement a fes fiy.es: elle s'en prit a 1'ainée, comme a celle qui avoit le plus d'autorité dans la maifon. Elle fut embarraffée & confoudue : elleavotia le délit. La dame Mital ne put pourcant faire revenir qu'une partie des effers difperfés :. & ccmme elle voulut abfolument recouvrer I'e refte , cette fille ainée fe déroba, & fe retira chez fon beau-frère , qui larecela. Ravi de ce défordre, il réfolut d'en profiter. II fit dire au miniftre que fa dame Mital, méditant de fe retirer en Angleterre,y avoit envoyé auparavant fa fille avec fa procurarion, pour y difpofer de fes fonds. Cette trahifon eft fi noire , que Ie récir de cette aétion feule fait un portrait achevé du cceur le plus perfide. II obtint un ordre pour faire arrèter la dame Mital. Elle étoit dan?  3? i Enfants ingrats. une grande fécuriré, lorfqu'on 1'avertit de la trame qu'on avoic ourdie contre elle, & du crime qu'on lui faifoit de 1'abfence de fa fille. Elle rendit alors fa plainte au commiffaire de 1'enlèvement de cette fille. Le magiftrat jinftruit de cette plainte, fufpendit i'ordre de la Cour. II manda la dame Maal. Elle accufa fon gendre de 1'horrible complot qu'il avcit exccuté. II comparut devaut ce magiftrar, a qui il défavoua fon crime : mais il décela la fille. Le magiftrar jugea apropos de Ia faire conduire aux nouvelles Catholiques. II révéla a la dame Mital que fa juftification venoit fort a propos , pour la garantir de la prifon. Un crime qui avorte décourage un homme, qui ne 1'a commis que paree qu'il y a été entrainé par des impreffions étrangères, ou qui ne marche pas encore d'un pas ferme dans les fentiers de 1'iniquité. Mais un homme dont le cceur &c 1'efprit ont contraéfé, depuis long-tems, ldfunefte pli du crime, qui Ie commet par gout &c par réflexion , ne s'en dégoute pas par un mauvais fuccès qui le couvre de confufion. Ue gendre n'abandonna point fon delfein : il voulut fouftraire les autres  Enfants ingrats. 353 filles a leur mère. II les avoit cléja en1 gagées toutes quatre a préfenter au mi1 niftre une requête, qui étoit un tilfu de I fuppofitions, fur lefquelles elles fe fonI doient pour demander qu'il leur fut 3 permis de fe retirer dans un couvent. ) Le gendre, efcorté de deux exempts , itaccompagné de fon beau-frère, étoit jvenua deux heures après minuit dans j la maifon , pour leur faire figner cette I requête, qu'il avoit dreffée. Sur ce fon: dement, on enleva les autres filles, &c I on les conduifit au couvent oü étoit leur 1 feeur dont on a parlé. Voila une mère qui a fur les bras fon j mari accablé d'une maladie, ou il lutte I fouvent contre la mort, & qui fe voit I abandonnée de fes enfants, qui fe tranfrforment en des ennemis acharnés a la Iperfécuter. Le gendre ne fe voyoit pas encore l au but de fes defirs. Il employa tant Ide moyens, qu'il parvint a ptévenir le miniftre contre la dame Mital. Plus 3 les poftes font éminents, plus on y eft ; expofé a la furprife des gens artificieux. II vint une lettre-de-cachet , obtenue 1 fur le prétexte d'un voyage d'Angle1 terre , qu'on fuppofa que la dame Mital ;:étoit a la veille d'entreprendre. On 1'ar-  5.^4 Enfants in gr ai S-. feta dans fon lit, a Paffy, dans le temê qu'elle y.étoit malade. Elle n'étoit allés dans cette maifon qu'avec lapermifllon' du magiftrat , & pour donner fes foins afon mari. La calomnie étoit bien évidente , puifqu'elle étoit attaquée d'un rfiumatifme qui nè lui aüroir pas permis le voyage qu'on lui artribuoir. Elle fur conduite a la Baftiile : elle fut por-' tée par quatre perfonnes dans la chambre qu'on luideftina. Son mal fut fi vio-i lent, qu'on fut obligé, pour la foulager ,> de lui faire une grande incifion a lal cuiftè. La vérité ayant pris le deffus , elle aj obtenu, au bout de deux mois, fa li—1 berté. Le gendre ne ferebuta pas encore?: de ce mauvais fuccès. II s'ouvrit une autre voie, pour s'erhpater du bien qui eft 1'objet de fa convohife. H a demandé en juftice 1'interdlctioA du fieur Mital: il a corrompu les fieurs Tatfes , Gotan , Mirarïen , Tómbin , Sourtcs, CHupes , -gens qui lui étoient déja dévoués, & les a engagés a donner leur avis pour cette interdiétion , qu'il aobtenue avec la curatelle fous un autre nom , par fentence de M. le lieu-. tenanf-eivil. La dame Mital, appliquée k donner  Enfants ingrats. 3 jfes foins a fon mari, n'en a point été' fdiftraite par ce procés: elle ne s'eft pasïdéfendue. Son mari 8c elle fe font rendus appellans de ce jugement, vifibleifnenc furpris ala religion du juge. Elle |a obtenu un arrêt de défenfes, qui a été jfignifié au gendre. Mais il a eu (i peu !de refpect pour 1'autorité de la Cour y Iqu'il n'a pas lailfé, au préjudice de cet .«arrêt, de faire mettre le fcellé dans la tmaifon du fieur Mital, 8c de faire prolcéder a un inventaire des effets. II Is'eft fait efcorter de huit atchers, afin [de faire un plus grand éclat. Nul ftein pe peut arrêter 1'impétuofité de fa ïpaffion. j II faut d'abord donner une idéé de Iceux que ce gendre a mis en oeuvre. Le fieur Tarfes, qui a peine a pingt ans , s'eft fignalé par plufieurs factions qui feroient plutot lefujet d'une jfatyre, que d'un éloge. Il a été quatre a ■cinq ans a 1'Oratoire, d'ou il eft forti, «paree qu'il fe laffa d'y mener une vie Iréglée. II a diilipédes fommes confidéJrables que fa mère lui avoit confiées. ÈEUe donna ordre a la dame Mital de le ):faire enfermer a Saint-Lazare, qui eft ■une école 011 les jeunes gens qui fe font légarés recouvrent quelquefois ia raifon»  3 5 6 Enfants invrats. mais par des remcdes violents. Il auroit fait un mariage trés mal aiTorti, fans 1'oppofition de fa mère & de fes patents. II a iiguré parmi les agioteurs; & ce jeu, ou tant de gens ont joué fi heureufement, ne lui a procuré aucune fortune. Voila ce témoin qui veut qu'on donne un curateur au fieur Mital. N'auroit-il pas du prendre ce confeil-Ia pour lui-i même, fuppofé qu'il ait fauvé quelques: débtis dans le naufrage de fon bien ? Le fleur Gotan n'a qu'un pas i faire: pour tomber dans 1'abime de 1'indigence : il fut nommé, pour la forme,, curateut du fils ainé du fieur Mital. On: lui donna un habit, lors de fa nomination a cette cnratelle, afin qu'il pütl paroitre avec quelque décence. Le fieur Mirarien, qui fe dit ami da i fïeuf Mital, n'a jamais été chez lui., S'il y alloit, on lui demanderoit fon i nom. Le fieur Tomlin eft un matcband du i Palais, renfermé dans un commerce ou i il trouve a peine de quoi ftiffirè aux : befoins de la vie. Le fieur Mital lui a , prêté 6"ooo liv. pour fon établüfement. La dame Mital a achetc fa haine, en lui demandant cette fomme. Le fieidr Sounes eft un homme dé-  Enfants ingrats. \e fut prononcée plus légèrement. On ne voit pas fut quoi elle porte. On voit feulement qu'il falloitinterdire le fieur Mital, patce que la cupidité du gendre, qui youloit régir fes biens, le demandoit. Qui .  Enfants ingrats. ^6t i Qui pourroit ne pas fe récrier fur i« choix d'un pareil curateur, notoirement infolvable, qui auroit befoin qu'on lui en décernat un , s'il avoit quelque bien ? Confier de 1'argent au gendre qui a un fi grand talent de le diffiper, c'eft | verfer de 1'eau , a 1'exemple des Danai^des , dans un ronneau qui n'a point de jfond. On a vu que fa légitime de 6000 divres, la dot de fa femme de zo,ooo |livres fe font fondues entte fes mains. Un fupplément de légitime de zooo liv. qu'il a eupar des voies injuftes après la jimort de fon père, a eu la même deftinée.- Voici 1'hiftbire fuccinte»de ce fup;plément. II demeuroit chez Je fieur Mital, jJorfqu'il apprit que fon père éroit extrê- biement malade a Montpellier. Conduit kar fon avidité, il s'y rendit avec des ailes qu'elle lui prêta : il s'empara d'abord avec violence des clefs que fon père avoit confiées a la demoifelle Cauprfanièce, pour les donner, après fa mort, a fon fils ainé qu'il avoit inftitué taéritier. Ce cadet enleva une grofle ibmme dargent, & la tranfporta chez es voifins. Le malade, averti par Ia iemoifelle Caulet, fe leva de fon lit: Tome X. Q  362, Enfants ingrats. comme il voulut oter ces clefs a fon fils, il fuccomba fous les efforts qu'il fit, il tomba fur le plancher, & demeura mort fur la place. Ce fpeótacle j effrayant pour un fils, n'artêta point celui-ci: il continua fes enlèv-ements. Il ne fut contenu que par fe juge, qui fe tranfporta dans la maifon, & dreffii fon procés-verbal. Le fils ainé, qui arriva peu de tems après cette fcène tragique, lui intenta un grand procés. On fit rapporter aux voifins les effets qu'ils recéloient. Comme 1'ainé redoutoit 1'efprit de chieanne que le cadet pofsède au fouverain degré, onlui donna, par compofition , zooo liv. Cette hiftoire, qu'on offre de prouver, eft un tableau naïf de fon cceur; il n'y a pas une circonftance qui ne foit un trait vif de cette peinture. 11 a difiipé , en moins d'un an , une dot de zo,000 liv. Combien demanderoit-il d'années pour diffiper le bien du fieur Mital? C'eft ici qu'on admirera fe difcernement de ceux qui 1'ont nommé curateur, afin qu'il régie un bien qui ne confifte que dans um mobilier dont il fe feroit bientót dèfearrafle. II auroit autant valu qu'ils euffent dit; ce n'eft pas un curateur que  Enfants ingrats. 363 nous nommons , qjeft un diflipateur. Nulle preuve plus forte du dévouement de ces efclaves a 1'avidité du fieur Bary, que le facrifice qu'ils lui ont fait de leur difcemement en le nommant curateur. On fera aulïï extrêmement fratW JU 1'aveuglement des enfants du fieur Mital,qai confentent a déshonorer leur père, afin de pouvoir, par cette voie, confier leur patrimoine a un diflipateur. C'eft une fafcination qui tient du prodige. S'il faut donner au fieur Mital une perfonne qui adminiftre fon bien , la dame Mital ne s'offre-t-elle pas naturellement? Son intelligence, 1'habitude ou elle eft de 1'aider a 1 fon commerce dans tous les tems , la ' prudence induftrieufe avec laquelle elle ja confervé & augmenté fa fortune, fa iprobité qui n'a pu être entamée pat k calomnie laplus artificieufe, fa qualité Sc fon cceur de mère; qui ra.Gembla : jamais plus de titres pour mériter une adminiftration ? Peut-on lui préférer le ■fieur Bary? Mais cette adminiftration ne doit point être accompagnée de la note de ' 1'interdiótion. Pour rendre plus clair fiétiX du fieur Mital, il auroit fallu ap- Qij P  3^4 Enfants ingrats. peller des parents, des témoins irréprochables, qui, iudépendamment de la religion du ferment, euffent un caraftère de probité qui jutat pour eux. Voila les témoignages que la juftice elle-même demande quand elle veut s'éclaircir de la vérité. La dame Mital implore 1'équité de la Cour pour faire infirmer une fentence qui flétrit fon mari injuftement, & qui confie tout fon bien a un diffipateur avéré. Pleine d'amour pour fes enfants, elle veut éloigner ces aveugles volontaires du précipice ou ils courent de gaieté de cceur. S'ils ont éteint, dans leur ame, la piété paternelle, en raviffant a leur père fon honneur par une interdiétion odieufe qu'ils ont tramée, la tendreffe qu'elle a pour fon mari fcaura bien le lui rendre. En perdant fes enfants, il a une lemme qui les remplace, & qui n'oubliera rien pour les lui faire retrouver. Quand ils ne feront plus a portee de fuivre les impreffions de leur féducleur, ils prendront les cceurs quï' leur a brés. Sur le bord du tombeau oü fon mari eft pret a defcendre, elle le défendra d'un gendre indif ene, qui veut 1'y faire entrer avec une note fur le front: elle arrachera a fon  Enfants ingrats. 36? avidité le patrimoine de fes enfants , qu'il brüle de dévorer, comme s'il fe propofoit de les rendre compagnons de fon fort. Elle a lieu d'efpérer de la Cour qu'elle ne déslionorera point le fieur Mital, qui n'a plus qu'un reffe de vie ptêt a s'exhaler, & qui a toujours confervé fon honneur avec tant de jaloufie; & qu'elle fera, par fon arrêt,une leccn folemnelle a tous les enfants quifetoient rentés d'imitet ceux du fieuf Mital. ■ Le fieur Mital père mourut le 10 odtobre 1715. Le procés eft demeusé indécis par fa mort.  3€6 I DEMANDE EN CONGRES, Contre un homme agé de foixantedix-huit ans. Jaffiais Ia fcicfee è« rut ii'A, peur fait tfimpniffance, Traloé, du fond tfcü böis, üa cerfi i'atfdience; ït jamais Juge, tmr'tua oitionnant con^e^ De ce batlefqoe mot na faK fts arrêf». Boueau , fat. 8 , v. 143. X-.E congres étoit 1 'épreuve de la puifiance , ou impuiflance des gens mariés, ordonnée par la juftice, & qui fe faifoit en ptéfence de chirurgiens & de matrones, dans les occafions oü il s'agiftbit de la nullité d'un mariage, pour caufe d'impuiffance. Je ne décrirai point ici les formalités qui s'obfervoienr, ni les opérations qui précédoient, ni les procès-verbaux qui détailloient & conftatoient cette ridicule épreuve. Ceux qui voudront fatiffaire leur curiofité, fur cet objet, peuvent confulter le di&ionnaire AeBayie, au mot Quellenec. Les deux caufes que 1'on va lire  Demande en congres. 367 feront connoïtre combien eet ufage étoit honteux & contraire aux bonnes mceurs; & qu'il n'étoit même pas propre a foumir la preuve que 1'on cberchoir. Le fieur Jallot de Saint-Remy avoit époufé, en 1 661, Magdeleine Pigoujfe. II étoit alors agé de foixante-cinq ans. Peu de tems après ce mariage, la femme intenta, devant le juge deCoutances, une action en féparation, fous i prétexte de mauvais ttaitements de la patt de fon mari. Les parents communs s'entremirent, pour reconcilier les deux époux, qui tranfigèrent, & convinrent que la femme, qui avoit quitté la maifon maritale, pourroit y retourner. Au lieu de prendre ce parti, elle fe pourvut devant 1'official de Coutances , pour faire prononcer la diflolution de fon mariage, fous prétexte que fon mari étoit impuiflant. Le fieur Jallot, pour prouver le contraire , foutint que fa femme devoit porter avec elle les preu, ves de fa virilité, puifqu'il 1'avoit déflorée: & demanda, en conféquence, qu'elle fut vifitée. L'official ordonna, au contraire , que ce feroit le mari qui fubiroit la vifue. Qiv  $68 Demande en congres. Cette fentence ayant été exécutée, le même jtige ordonna que les parties en viendroient au congres. Le fieur Jallot en interjetta appel comme d'abus. Cet appel alloit naturellementau Parlement de Rouen. Mais les parentés_& les alliances le firent évoquer en la quatrième chambre des Enquêtes du Parlement de Paris. On v foutint que la femme , s'étant d'abord contentée de former , contre fon mari, une demande en féparation fondée fur les mauvais traitemenrs, avoit élevé elle-même une fin de nonrecevoir contre fa demande en diffolution de mariage, fous prétexte de la prétendue impuiffance de fon mari. D'ailleurs , difoir-on , le jugement de 1'ofhcial étoit infoutenable. II ne pouvoit ordonner la vifire du mari, fans, au moins, ordonner, en même tems, celle de la femme. II étoit injufle, d'ailleurs, d'ordonner le congres, après buit ans de mariage, & lorfque Ie mari , parvenu a lage de foixante dix-huit ans, étoit fujetaux infirmirés de la vieillelfe. La femme précendoit que , loin de lui faire un reproche du filence qu'elle avoit gardé, pendant quelque tems,fur Tinfiiffifance de fon mari, on ne de-  Demande en congres. 369 : voit 1'attribuer qua fa retenue & a fa ; modeftie. M. de la Moignon, fils du premier I préfident de ce nom, porta la patole ; dans cette caufe, & dit que, fi 1'ofiicial de Coutance n'a pas fait droit fur la requête par laquelle le fieur de SaincRemy demandoit que fa femme fut i vifitée, ila peut-être cru fe conformer, I en cela, a la difpofition des loix & des 1 canons; & fi ce même official a eu re; cours a la preuve qu'il a ordonnée par la fentence donton feplainr,c'eft appa- I remment qu'il s'eft imagiué devoir fuivre 1'ufage qui a été fouvent confirme | par les arrêts de la Cour. Ainfi, continua ce magiftrat, voüi II 1'état de cette caufe , dont la décifion ;j eft d'autant plus confidérable,qu'elle va ou a confifmer un mariage , ou a dé' clarer qu'il n'y en a jamais eu entre ! les parties , quoiqu'ils aient vécu huic années enfemble fous le voile de ce fa^ I crement. De quelque facon qu'on regarde cetteaffaire, la condition de la demoifelle Pigo-ijfe eft fort déplorable. A quelleextrêmité plus facheufe une honncte femme peur-el!e être réduite , qu'a. révéler a la juftice, a publier en tant de Q v  370 Demande en congres. tribunaux , & jufques dans cette audience, des malheurs que la pudeur ordonne de tenir fecrets ? Peut-être les auroit-elle cachés, fi les mauvais traitements de fon mari ne 1'avoient obligéé de les découvrir. Et fi elle dit vrai, bien loin que le fieur de Saint- Remy ait adouci, par quelque marqué d'amitié, 1'infortune d'une femme abufée fous üne vaine prornelfe d'amour conjngal , il a ajouté le chagrin Sc la haine a 1'ifflpuilfance. Enfin , au lieu de trouver un mari en fa perfonne,elle fe plaint même He n'avoir pas trouvé un frère. L'état du fleur de Saint-Remy n'eft pas moins digne de compaflion. Un homme de foixanre-dix-huit ans fè voit condamné a la plus honteufe de toutes les épreuves , avec une femme dont la haine & la perfécution feroient capables d'étoufter tous les reftes de fon amour, quand la frigidité de lage ne les auroit pas éteints. Cette femme , qull avoit époufée pour être fa confolation & le foutien de fa vie, deviene le tourment & 1'opprobre de fa vieillefTe ; &c non-contente d'avoir abandonné fon lit, lui veut encore ravir 1'honneur, Sc le précipiter dans le tombeau avec iufamie.  Demande en Congres. %ft Quoi qu'il en foit,iI n'y a plus beu de douter fi 1'impuiirance eft une caufe légitime pour demander la diifolution du manage. La nature 1 ordonne ainfi : : les loix civiles, & la difcipline de l'églife , quoiqu'elle ait fouvenr changé . fur cette matière, en conviennent maini tenant. II eft conftant, dans le droit civil & dans le droit canon, que c'eft le confentement & non pas la confommation | qui fait le mariage : néanmoins les loix ■ & les canons, qui établiifent cette proi pofition, demandent encore quelque I chofedeplus que le confentement pour i la perfection du mariage. La Loi Julia i vouloit que ceux qui fe marioientju- ■ raflent que c'étoit dans le deftein d'avoir des enfants; & la difpofition du droit canon eft formelle, qu'il n'y a point de mariage , ubi non eft permixt'w fexuum $ ou plutót qu'en cet état le lieu du mariage n'eft point indifioluble. Ce n'eft pas que laftériüté foit parmi nous, comme chez les Romains,. ime caufe légitime de divorce, Car, bien que le dc-fir de ceux qui fe marient fois: i de laiifer après eux des enfants , 'ie d'ac! quérir, par ia continuation de Icurncwn, l'irumortalité que La nature leur refuiej  372 Demande en congres. néanmoins on ne peut pas dire qu'il n'y ait point de mariage, paree qu'il n'y a point eu d'enfant, quand même le mariage feroit contraéVé depuis longtems. Auiii le droit romain permettoit-il a ceux qu'il nommoit Spadones de fe marier, quoique difficilementils puffent avoir des enfants: mais, comme il n'étoit pas jufte de leur oter cette confolation, les loix n'avoient point en cela ri autre but que d'augmenter le nombre des ciroyens. Mais parmi les chrétiens, le mariage n'eft pas feulement étabii pour cette hn : il nous eft auffi donné , dit laint Auguftin, comme le remède &c te foulagement de la foiblefte huinaine ) ut infirmatis rcmed'ium, quibusdam verb humanitaüs folaüum : de telle facon néanmoins qu'il y ait toajonrs quelque efpérance qu'il en puilfe naitre des enfants. Cependant cette efpérance eft bien trompeufe. La nature , toujours incertaine dans fes productions, retarde ou avance, comme il lui plair, la fécon-dité des femmes , & quelquefois ne leur .accorde les fruits de leur mariage qu'après plufieurs années. La vieillefte même la p'us avancée n'eft pas toujours la caufe de la ftériüté  Demande en congres. 373. dans les hommes. Car, quoique la loi Papia Popaa air interdit le mariage aux hommes agés de foixance ans, & aux femmes agées de cinquante; quoique les poëtes feignentque la vieilleffe fait fuir I'amour ; il eft conftant que la nature n'a point prefcrit de hornes certaines dans 1'homme pour le tems de la génération. II eft vrai qu''Arijlote a marqué la fin de la génération dans la foixante*dixième année : mais 1'expérience a fait voir le contraire \ Sc il s'eft trouvé plusfieurs fois des hommes qui ont eu des enfants a 1'age de So ans, & même dans un 3ge encore plus avancé. C'eft ce qui obligea Jufiinien d'abolir entièrement la loi Papia Popxa. Aulli tou« les doéteuts qui ont traité cette matière, difent qu'il ne faut pas juger de 1'impuitfance par 1 age. Mais peur-011 conclure delaqueles vieillardsfont exempts: des loix qui déclarenr le mariage nuf, lorfqu'il eft contracté avec un impuiffant ? L'age netanr donc pas une marqué töfaill'ible de l'impuilfance, il a fallu en chercher d'autres preuves. La loi dernière au code de repudiis, Sc la novelle 11 qui yajoute quelque chofe, ordonnent la diftblution du manage, s'il n'a.  1 374 Demande en congres. point été confommé pendant les trois premières années: mais elles ne règlent point quelle fera la preuve de ce fait. I Gregoire II, dans une épitre dont Gratiën a fait plufieurs canons, dit que,fi j Je mari & la femme conviennent que, par le défaut commun, oude 1'un deux, ils n'ont point confommé le mariage, &que feptde leurs plus proches parents affirment cette vérité, on peut dire qu'il n'y a point eu de mariage. Mais il ne décide point la queftion dans le cas oü le mari dénie rimpuiffance qui lui eft objeétée par fa femme. Gratiën, qui Fa prévu, rapporte un canon d'un concile de Compiegne, qui dit qu'en cette occafion le mari doit être cru, quia vir I ejl caput mulieris. Nous voyons parda quel étoit alots 1'ufage de 1'Eglife de Prance. - Les décrétales, qui ont été.publiées enfuite, ont admis d'autres preuves, & elles nous apprennent que fouvention j a ordonné que la femme qui fe plaigrroit feroit. vifitée par des matrones ; que, fi elle fe trouvoit encore vierge, on 1'obligeroit de retourner avec fon mari , pour y confommer le mariage dans un certain tems. Si les mêmes matrones la trouvoient en état de virginité après  Demande en congres. 37$ cela, onpronongoit qu'il n'y avoic point de mariage, Dans la France, i'ufage a été ttèslong-rems que la femme prouvoic 1'isi: puiflance donc elle accufoic fon mari,par le témoignage des parents qui aflïrmoient la vérité de fon accufation. Yves : de Chartres rapporte, dans fon décret , une autre preuve donc on fe fervoic an: ciennernent, pour éclaircir la vérité de ; ces fortes d'accufarions- Si qu& muiier 1 Je proclamaverat quod i ir fuus numquam i cóierit cum ed 3 extat ad Crucem. Le3' : commentateurs fefont fort mis en peine : pour expliquer ce qae fignifie ce mot 1 exire ad Crucem. Les uns ont dit que les i défenfeuts des parties foutenoient leur I droit par un combat en champ clos devanr une croix. Les autres ont foutenu-que ce canon doit être expliqué du ferment que Fon faifoit fur la croix: mais-, M. Bignon , qui par 1'étendue de fes connoiffances , & par la folidité de fon jugement, pénétroit toujours plus avant que tous les autres, en donne la véritable explication dans fes notes fur Marculphe. II dit qu'en ce temsda, pour juftifier la vérité des faits avancés par ' les parties, on avoit accoutumé de metire fur 1'aucel des billets dont 1'un étok  376 Demande en congres. marqué d'une croix y qu'après plufieurs prières le prêtre, ayant mêlé les billets, tiroit au fort, &c qu'aiors celui a qui étoit échu le billet marqué avec la croix étoit cru fur tout ce qu'il avoit avancé. II eft aifé de juger qu'une preuve auffi extraordbiaire eft fujette a de grandes erreurs; aufli ne voit-on pas qu'elle ait été long tems ptatiquée. L'ignotance qui régnoit dans le huitième & neuvième fiècles avoit donné lieu a bien d'autres abus que celui-la. Mais les fiècles fuivants, plus éclairés, feguérirent de cette fimplicité fuperftitieufe &groffière :. ils introduifirenr 1'ufage d'autres preuves qui font marquées dans les décrétales, Enfuite , comme 1'efprit des juges cherche toujours de nouveaux moyens pour découvrir la vérité dans des matières obfcures, on a inventé, depuis un fiècle, dans les officialités , une. nouvelle preuve de I'impuilfance : on a même trouvé a propos que cette preuve füt accompagnée de. quelque forte d'ignominie, afin d'empêcher le trop grand nombre de demandes en diifol ittion de mariage,que faifoienr les femmes. Mais quelle digue peut-on oppofera labainé d'un mari & d'une femme qai  Demande en congres. 377 t t> r . „ i' 1» _ ont concu oe 1 avernon 1 un puur i au¬ tre ? Plus I'amour a été grand , plus cette haine eft irreconcmable. t^es deux : perfonnes, qui doivent toujours être : unies cKintérêt Sc d'amitié, deviennent 1 comme deux furies domeftiques , enne- mies de leur propre repos, Sc de leur I réputation ; elles font ingénieufes a fe toutmentet; Sc il n'y a point d'infamie I oü elles ne foient capables de s'expofer, 1 pour fe chagriner 1'une & 1'autte. On peut ajoutèr que, comme celles ; qui demandent la dilfolution de leur mariage pour caufe d'impuilTance, font l ordinairemenr poulfées a cette action i par le libettinage , elles ont affez d'efifronterie pour ne point craindre de i s'expofer a la vifite, Sc alfez d'artifice : pour corrompre Sc furprendre les ma; ttones, toujours portées a favorifer leur ilexe. Malgré cette raüon, les orhciaux : onr cru que la fimple vifit'e du mati Mc de 1» femme n'étoit pas une preuve fufHfante, li après cela on ne les obli: geoit a confommer le mariage en préfence de médecins Sc de plufieurs témoins. Ils fe font fans doute imaginés , que la pudeur naturelle, Sc particulière aux femmes , les empêcheroit de s'ex¬ pofer a une pareille infamie y Sc qu'enfia  378 Demande en congres. la honte feroit en elles ceque les confeils de 1'Eglife ne pouvoient faire : car 1 autrement on ne voit point fur quoi cet l ufage s'eft établi, bien qu'il foit con-I firmé par plufieurs arrêts. II y a beaucoup d'apparence qu'il a été d'abord . introduit en faveur de quelques maris, qui, fe voyant injuftement accufés d'impuilTance pat leuts femmes, ont offert de fe foumettte a cette preuve; & qu'enfuite on a fait une règle néceffaire de ce qui n'étoit auparavant qu'une fimple 1 condefcendance, & une foumiftion vo- I lontaite de 1'une des parties. . Si les juges eccléfiaftiques étoient ! bien entrés dans les fentiments d'un des plus grands génies de France,nous 1 voulons dire Hincmar, arcbevêque de Rheims, non-feulement cette nouvellt I manière de prouver 1'impuiffance n'auroit pas été pratiquée; mais même ces juges n'auroient point pris connoiffance de ces caufes indécentes a leur caractère. Qu'y a-t-il, difoit ce prélat, de plus oppofé a lafainteté du iacerdoce , j que ces queftions fales & honteufes, oü 1'on traite des privautés les plus fecrètes entre un mari & une femme ? Ce n'eft point affez qu'un prêtre ait le cocur pur; il faut-aufii qu'il ait les oreil-  Demande en congres. 379 rei chaftes. Comment peut-il connoitre des matières qu'il eft même obligé d'ignorer? Aufli voyons-nous , par toutes les loix des Empereurs chrétiens, qu'autrefois ces matiètes n'étoient pas portées devant les juges eccléfraftiques: Sc bien qu'elles aient été agitées dans quelques conciles de Frarace , ces mêmes conciles , quoique compofés de laïques en partie, ont fouvent déclaré qu'ils ne vouloient pas cönnoitre de toutes les caufes de mariage, mais qu'ils les renvoyoient ad nobiles laïcos, principalement lorfqu^il s'agifToit de queftions femblables a celle-ci. Antoine Hotman s 1'un des plus célèbres avocats de ce Parlement, qui viyoit fur la fin du dernier fiècle, prétend que cet ufage, de prouver 1'impuifFance par le congres, n'a été introduit dans les officialités que trente ans avant le tems qu'il écrivoit : 8c il efpère, dit-il, que la Cour réformera cet abus, comme plufieurs autres qui fe gliflent tous les jours dans les fièges des juges eccléfiaftiques. 11 eft vrai qu'il feroit a defirer qu'on eut banni de tous les tribunaux ce nom odieux de congres , qui ne peut être prononcé fans quelque horreur, & qui n»  380 Demande en congres. devroit jamais forrir de la bouche des eccléfiaftiques. II feroit è fouhaiter qu'on put abolir cet ufage , toujours incertam dans fa preuve, & qui, bien lom d'être approuvé par les loix & pat les canons, leur eft enrièrement oppofé. En effet, n'at-il pas quelque' chofe de barbare? Sa feule idéé fouille i'imaew nation, bleffe le refpect du .i la mU tice, Sc offenfe une religion aufli chafte que Ia notre : elle viole toutes les loix de la pudeur, la fainteté du mariage , & deshonore, en quelque forte, 1'huma* mte, mettant, pour ainfi dire, l'hon> me en pire condition que les bêtes. C'eft cette voie fcandaleafe qui peut donner lieu a 1'appel comme d'abusqm" fe préfente a juger. Mais ce qui femble exiger plus d'attention pour la fentence, eft que 1'oflieial ne s'eft pas contenté de la vifite qu'il avoit ordonnée, quoique le rapport füt en faveur du fieur de SaintRt™y-Car la fin de non-recevoir, qu'il allegue pour moyen d'abus, ne peut lervir qua faire connoitre-, par le récit de ce qui fe paffe dans fa familie, quelles fonn», a fon égard, les intentions de la demoifelle Pigoujfe. C'eft une femme qui ne veut pas demeurer avec fon  Demande en congres. 381 mari, & qui, n'ayant point de caufes 1 légitimes pour être léparée par les : voies ordinaires de la juftice , a trouvé - le moyen de 1'être , au moins pour quelque tems, par un accord particu1 lier; & ce rems fini, elle a recours au i dernier remède, qui eft la demande : qu'elle a formée devant 1'oflicial. On ne peut lui objeóter qu'elle a été 1 long-tems fans fe plaindre : car quoique , la difpolition du chapitre 1 de Frigidis ! foit formellemenr contre elle, néan1 moins ceux qui ont examiné ce chapitre, conviennent qu'a cet égatdce qui y eft porté n'eft point en ufage. La difpofition du dernier chapitre du même titte n'eft pas moins contraire a la prétention du fieur de Saint-Remy. On y voit que le pape Honorius III3 i regoit lui-même la plainte d'une femme fur 1'impuiftance de fon mari, après huit années de mariage. II n'eft pas plus taifonnable de dire que , fur la demande de 1'appellant, i ce que la femme fut vilitée, 1'ofhcial de Courance a manqué, en prononcant que le mari feroit feul vilité. C'eft 1'ufage des orhcialités ; & il femble fondé ! fur la confidération que 1'on doit avoir I pour ia pudeur du fexe, qui veut qu'on  381 Demande en congres, n'oblige ies femmes a fouffrir Ja vifire des experts, qu'au défaut de toutes les autres preuves, & a la dernière extrêmité. Ainfi cette caufe fe réduit ptincipalement a fcavoir fi 1'official, ayant déclaté que le fieur de i>aint Remy feroit vifité, & la fentence ayant été exécutée, il a pu enfuite ordonner le congres. Nous venons de repréfenter que ces fortes de vifites étoient la preuve ordinaire dont l'églife s'eft toujours fervie pour vérifier 1'impuiftance5 & qu'encore que ce ne fut pas un moyen infaillible, elle .n'en avoit point recu d'autre jufqu'a notre fiècle: que non-ieulement elle employoit ce moyen pour connoitre 1'état des femmes qui fe plaignoient d'avoir des maris impuiftants , mais encore pour s'afturer de la virginité des filles qui s'étoient confacrées aDieu. . II eft vrai que tous les Pères de l'églife fe font plaints de cet ufage : ils 1'ont condamné comme honteux, Sc fujet a de grandes erreurs. S.Jmhroife, entr'autres, le blame en plufieurs endroits de fes écrits : il rapporte des inconvénients qui arrivent tous les jours, Sc il en repréfente la honte & 1'incertitude en des termes ttès-preflants. II  Demande en congres. 383 fait voir cornbien il eft aifé de corrompre les médecins qu'on y admet pour juger -y Sc les plus fcavants même lavouent, qu'en ces fortes dinfpections, leur fcience ne peut donner que des connoiffances très-foibles Sc très-imparfaites. N'eft-ce pas , dit ce gtand Saint, en parlant des accufations contre les ! Vierges , n'eft ce pas une efpèce d'op- probre au nom chrétien, de fouffrir 1 qu'on intente ces aólions fcandaleufes contre toutes fortes de perfonnes avec impunité ? Sera t-il toujours permis, au : défaut d'autres preuves, pour foutenir 1 une accufation témérairement, Sc quel: quefois malicieufement fufcitée, d'en ! venir a une infpection infame des cho- fes les plus fecrètes, Sc d'expofer ainfi. ; des vierges aux yeux Sc a la rifée des hommes, en un érat dangereux pour la virginité ? Ce Père convient néanmoins , qu'on peut y avoir recours dans une ; néceffité abfolue , Sc lorfque 1'inno: cence court rifque de fuccomber fous 1; les artifices d'un calomniateur, faute ; d'autres moyens pour fe juftifier. En ce ■ cas, il dit que l'églife a cru que, pour 1 faire ceffer le fcandale,on devoit expo: fer les vierges a cette facheufe épreuve, - Sc préférer leur réputation a la pudeur.  384 Demande en congres. II eft conftant, dans la caufe, que 1'official de Coutance ne pouvoit ordonner de preuve plus réguliere que la vifite de 1'une & de 1'autte des parties. Les experts, qui ontyifitéle fieur de Saint-Remy, en exécution de la fentence de cet official, nous affiirent, dans leur rapport, après un long raifonnement, qu'il n'y a en lui aucune marqué d'impuiffance. Peut-être que, fi ce juge avoit ordonnéque 1'intimée fut vifitée, comme elle n'a jamais été matiée'qu'au fieur de Saint-Remy, ce moyen eüt été plus tolérable que celui qu'il a ordonné , bien qu'il ne foit guère moins incertain, & que, felon les termes du canon , obfletricum oculi perfapè falluntur, les yeux des fages femmes leur font fouvent des rapports infidèles. Cependant 1'official, au lieu de fuivre le chemin qu'il avoit commencé a prendre, & que les canons lui marquoient, a ordonné la preuve par le congrès, pour afturer davantage le jugement définitif qu'il devoir rendre. Mais quand la preuve par le congrès feroit convaincante, quand même elle feroit conforme a la doctrine des canons y on a lieu de dire qu'en 1'efpèce préfente elle feroit abufive, puifqu'il eft  Demande en congrès. 38 c i eft queftion d'un homme de foixantedix ans. La demande en féparation qu'a fait .: nouvellement la demoifelle Pigouffe ' n'eft guère plus raifonnable : car, foit 1 qu'elle ailègue les mauvais traitements 1 qu'elle a recus de fon mari,ou 1'injure i qu'elle lui a faite en 1'accufant d'impuif. fanee,faprétention eft mal-fondée. Si . elle veut être féparée fur les mauvais ;: traitements, il faut qu'elle rapporte des faits arrivés depuis la tranfa&ion qu'elle a paiTée avec lui: mais quels faits peurlelle rapporter, n'ayant point, depuis ce temsda, demeure avec Ie fieur de Saint-Remy ? . Sa prétention ne peut donc être fon:dee que fur 1'appréhenfion qu'il n'ait du irelfentiment contre elle, l caufe de iraccufation d'impuifiance qu'elle a initentce. Or une femblable crainte n'eft Ipas une caufe légitime de féparation : :c'eft une fuite, & peut-êcre un repenijtir, de la faute de cette femme : mais ce repenrir ne doit pas faire tortafon' ;man. Seroit-il jufte qu'après 1'avoir jflétri par une accufation fi honteufe, après 1'avoir expofé a tant d'indignités* itrainé en tant de tribunaux, elle°obtint en celui-ci ce qu'elle a le plus defiré, Sc Terne. X. r  386 Demande en congrès. ce qui 1'a portee a faire toutes ces pourfuites ? Et y a-t-il apparence qu'au lieu de la punir de fon crime ,on lui donne, pour récompénfe, la feule chofe qui 1'a obligée de le commettre ? II n'eft point encore tems de décider fi elle doit retourner avec fon mari, ni de prononcer fur la demande en féparation, paree qu'il faut auparavant que rofticial ait rendu fa fentence déhnitive. Si la Cour juge qu'il y ait de 1'abus dans la fentence de 1'official qui ordonné le congrès, elle pourra encore ordonnerque la demoifelle Pigouffe fera vifitée. II feroit même a. defirer qu'on 1'eüt ordonné d'abord. Car, fuppofé que la conduite de 1'intimée foit vertueufe , & fon accufation bien fondée , elle eft fans doute bien malheureufe de fe voir accufatrice fans preuve, & mariée fans mari : mais ce n'eft qu'a ellemême qu'elle doit imputet fon malheur. Elle y devoit ètte préparée lorfquselie époufa le fieur de Saint-Remy , agé de plus de foixante ans. Une fille abufée par de belles apparences, & par, une fleur de jeunelfe qui paroit dans fon mari, quand cette fleur ne produit aumn fruit, non plus que ces arbres tou-,  Demande en congres. 387 jours vereis, mais ftériles, que la nature n'a produits que pour le plaifir des yeux; une fille, dis-je, en cette occafion , a quelque fujet de feplaindre aux juges de Terreur ou on 1'a jettée , 6c de demander la difïolution de fon mariage. Mais que pouvoit efpérer la demoifelle Pigoujfe d'un mari plus que fexagénaire ? II ne s'agit pas aujourd'hui de prononcer fur la validité du mariage, mais feulement fur 1'abus qu'on prétend être dans la fentence de 1'official, qui n'eft que préparatoire. Nous ne croyons pas que la preuve de l'impuiffance par le congrès, que cette fentence ordonné, foit dans les régies, principalement dans les circonftances de cette caufe. Les loix permettent aux vieillards de fe marier, quoiqu'elles déclarent en même tems qu'il y a peu d'apparence qu'ils deviennent pères. L'églife même, comme une mère indulgenre pour les foibleffes de fes enfants, leur accorde la même grace, tanquam humanitaiis folatium , comme un remède des feux de la concupifcence, qui, étant fur fon déclin, ramaffe quelquefois toute fa force. Dailleurs contraindre tin homme dtf Ri;  388 Demande en congrès. foixante-dix ans a confommer fon mariage par ordre de juftice, a point nommé, en préfpnce de témoins, & avec tout 1'appareil qu'ordorine 1'ofEcial, n'eft ce pas prononcer direéftement contre 1'ordre de Ia nature, contre les loix ciyiles, contre la vraifemblance, contre ia difcipline de l'églife? Par confécjuenr, n'eft-ce pas un moyen d'abus ? Nous fouhaiterions même qu'il fut poflible d'abolir entièrement cetre preuve de 1'impuiftance par le congrès , dont les offjciaux abufent fi fouvent; ou dumoins, que 1'on ne 1'ordonnat jamais que quand les parties Ie demandent, & lorfqu'elles s'y foumettent volontairement. Autrement cet ufage a quelque chofe d'injufte, qui oftenfe les bonnes mceurs, la religion , Ia juftice, & la nature même; outre que la prarique en eft nouvelle , 1'origine obfcure , 1'exécution honteufe, 1'efret incertain, & qu'il n'eft fondé ni fur les loix, ni fur les canons 5 au contraire, il renverfe 1'ordre ancien qu'ils avoient établi pour éclaircir la vérité dans ces occafions; & qu'enfin c'eft un abus plutbt qü'un ufage. t' Ainfi il eftimoit qu'il y a abus dans „ la fentencedel'official de Coutance, & g W conféquence que les parties 4oiT  Demande en congrès. 3S9 s> vent être renvoyées pardevant 1'offin cial de Coutance, autre que celui » dont eft appel; & cependant qu'il feta » furfis a faire droit fur Ia requête de la » demoifelle Pigouffe, après que Ia de»> mande en dilfolution de mariage fera » jugée en 1'ofticialité ». Sur ces difterentes raifons de M. 1'ayocat-général, arrêt eft intetvenu , le 7 juin 1674, conformément a fes conclufions, par lequel la Cour prononca : Qu'il avoit été mal, nullement , & abujivement jugé & ordonné par l'oficial de Coutance; renvoya les parties pardevant i'official du même lieu,autre que celui dont tft appel, qui fera tenu de rendre fa fentence fur la demande en diffolution de mariage, dans trois mois du jour de la Jignification de 1'arrêt,pour, ce fait, être prononcéfur la demande en féparation 3 sjly échet, ainfi que la Cour verra bon être d faire par raifon: condamne Magdeleine Pigoufte aux dépens de l'appel eomme d'abus, le furplus réfervê. \ W \ I ll 5 : Riij  390 CONGRÈS AB0L1. XjA caufe que 1'on vient de lire prépara 1'arrêt dont je vas raconter Pliiftoire, & qui abolit enfin une épreuve que la nature, la juftice &t les bonnes mceurs réprouvoient, & qu'elles au■roient dü a jamais empêcher de s'introduire dansles tribunaux, qu'elle n'a fait que fouiller, tant qu'elle y a fubfifté. On vient de voir M. de la Moignon s'élever avecforce contre cet abus monftrueux. On va le voir fe déterminer enfin a en requérir la profcription. Le i avril 165 2, René de Cordouan , chevalier, marquis de Langey, majeur de vingt-cinq ans, époufa demoifelle Marie de Saint-Simon de Courtomer, agée de treize a quatorze ans. Les commencements de ce mariage furent heureux. Quand le mari étoit abfent, la femme lui témoignoit,auffitct, par fes lettres, 1'impatience qu'elle avoit pour fon retour , & lui écrivoit toujours avec certe affectioii rendre „ qui femble ne parler que le Iangage du  Congrès aboli. ^91 cceur. Ces lettres furent mifes fous les yeux de la juftice. Le mari répondoic a cet amour par une paifion égale. Cette parfaite intelligence dura pendant quatre années. Elle s'éteignk en 1'année 1657. On a toujours ignoré la véritable caufe de ce changement. Eftce légèreté d'efprit, de la part de la femme , ou le chagrin de ne fe point voir d'enfants? Eft-ce un défaut né avec le marquis de Langey , que le tems z découvert a une jeune fille? Ou plutot ne feroit-ce point 1'eftet d'une certaine campagne qu'il fit en Catalogne , pour le feivice du Roi, au retour de laquelle on prétend que la demoifelle de i>aintSimon ne retrouva plus, dans fon man, les facultés qu'il avoit a fon départ. Quoi qu'il en foit, elle 1'accufa d'impuiffance, & porta fa plainre pardevant le lieutenant-civil au Chatelet; paree que les parties étant de la religion prétendue réformée , ne pouvoient recourir a 1'official. Le juge nom me des experts pout les vifitet: les experts font la vifite, & déclarent, par leur rapport, qu'ils les ont trouvés 1'un & 1'autre, tels que doivent être des époux. Mais la demoifelle de Saïnt-Simon foutint que, fi elle paroilfoit être dans Riv  3? 2. ^ Congrès aholi. Pel porte dans Ja Chambre de I'Edit H 7 eut evocation du principal Arrêt i„ intèrvint maïon?éCUter ^ > °" ch°^ Ia «natten d u„ nommé Turpin3 baicmeur JienVJ q medecins> Wq ehrrur- £ e; a?UIfs * eut trop pré- i ime de fes Ws, foit j £ P entrepliVf rVP" dans fi» succes iur la femme, qui 1'avm'r deconcerté d emauvaisklemems & Jui_avoit infpué un relfentiment qu'il n^tpuvamcreJlaiIéguameme^ setoit fervi contre lui de malêL^ dansunbanqu'on iui avoit^^ are avant Jepreuvp TI A \ P fecondeépreuPve dema»d* une  Congres aboli. 393 Par arrêt définitif; « la Cour, fans » s'arrêter a fa demande, déclara fon v mariage nul, le condamna a rendre » la dot 5c tous les fruits depuis la cé» lébration, compenfa les dommages &c 3> intéréts avec la nourrirure, lui fit dé55 fenfes de contracter aucun mariage , j» & permit a la demoifelle de Sainc» Simonde fe matier». L'arrêt eft du 8 févtier 1659. Le lendemain le marquis de Langey fit fes proteftations devant deux notaires ; & foutenant que toute Pautorité de la Cour ne pouvoit changer fon état, il déclataque, non-obftant les défenfes qui lui étoient faites de fe marier, il contracteroit mariage, ainfi Sc quand il le jugeroit a propos. Cependant on 1'obligea d'exécuter Parrêt pour les reftitutions auxquelles ii étoit condamné. II préfenra fon compre a la Chambre de 1'Edir, & enfuite a la troifième des Enquêtes, après la fuppreffion de la Chambre de 1'Edir. La demoifelle de Saine-Simon, autorifée par fon arrêt, conttacta mariage avec Pierre de Caumont, marquis de Boefje , dont fon; iftiies trois filfes, En même tems le marquis de Langey fe maria avec demoifelle Dïane dg RïT  3 J4 Congrès aboti. Montauh de Navailles. Leur manage fut fuivi de la naiifance de fepc enfants. En 1670 , la marquifeieBoëffe mourut dans cette ville de Paris, après avoir fait^un teftament pardevant notaires „ qui porte cette claufe : Feut, la teftatrice ,que 1'on termine, par accommoderen t, le procés indécis en la troiftemedes Enquêtes , entr'elle & Meftire René da Cordouan, marquis de Langey ; qu'on le regie par ï'avis feul du fieur Caillard ,. avocat au Parlement > auquel elle a dédar e fes volontés, qu'elle veuc & entend être fuivies & exécutées de point en point ,, fans qu'on ypuifte contrevenir y fous quelque prétexte que ce foit. En 1673, lurvint la mort du fieur Caillard, fans avoir rien terminé. Le j Aoüt 16-j 5 ,1e marquis de Langey & dame Diane de Montault fa femme obtiennent arrêt fut requête , qui porte, conformément aux conclufions de M. le procureur général , permilfion de faire célébrer de nouveau ieur mariage. Ce qui fut exécnté. Le 7 feptembre de la même année, le marquis de Langey prit lettres en forme de requête-civile contre 1'arrêt définitif de 1655,, qui, avoit prononcé  Congrès dboli. la nullité de fon premier mariage , 5c contre fix autres arrêts rendus en conféquence, fur la reddition du compte des biens de fa première femme. 11 fit inférer, dans les lettres, la claufe de reftitution contre tous les aótesapprobatifs qu'il pourroit avoir confenris. L'affaire portée a 1'audience de Ia Grand'Chambre, au róle des jeu dis , Mc Pageau plaida pour le marquis de Langey , demandeut en requêre-civile.. Me Blondeau pour dame Diane de Montauh de Navailles 3 femme du marquis . de Langey , &c pour un curateur créé a leurs enfants, parties intervenantes^ &c oppofantes a. 1'exécution des atrêts. Me Chardon pour Ie marquis ie; BoëJJe, défendeur en requête - civile,. Nouet pout un curateur créé aux. enfants du marquis de BoëJJe &c de dame Marie de Saint-Simon. Pendant une plaidoieiie de onze atrdiences, on examina plufieurs difricultés de fait &^de droit, qu'il feroit enJiuyeux & même inutile de ttaiter icL Les deux principales queftions , quï font im portantes pout l'intérêt public,, furent de ficavoirs;  39^ Congrès aboli. i°. Si 1'état naturel des perfonnes efi fujet aux fins de non-recevoir. 2°. S'il efi apropos d'ordonner le congres dans les queftions d'impuiffance. Pour fondement de ces deux propofitions, on doit d'abord établir ce principe , que les impuilfants font incapables de mariage. Le droit civil & le droit canon le déclarent; mais avec cette différence , que le droit civil n'a , en ce cas, permis le divorce qu'aux femmes. C'eft la difpofition de la loi j c , cod. de repudiis. Aa lieu que le droit canonique donne le même avantage aux maris par une décrétale du pape Grégoire III. Nous lifons, dans cette décrétale, que Bonïface, archevêque de Mayence, ayant demandé ce que devoit faire un jeune homme dont la femme étoit tellement infirme, qu'elle n'étoit point propre au mariage ; le Pape répondit qu'il confeilloit a ce jeune homme de ne fe point matier: mais que , s'il ne fe fentoit pas aftez fort pour demeurerdans 1'état de conttnence, il lui permertoit d'époufer une autte femme. Le cónfeil de ce Pape femble fort fage, auffi bien que celui de quelques pères de 1'Eglife , quand ils exhortent deux perfonnes qui  Congres aboli. 3 97 vivent fous la préfomption publique da mariage, a fe regarder comme frère Sc focur, quand elles ne peuvent pas fe confidérer comme mari & femme. Mais, a. dire les chofes dans la vérité , Sc ainfi que 1'expérience veut que nous les difions, ce confeil pout la continence, pendant que 1'on eft fous la figure du mariage , eft bien difficile dans fon exécution. Sans doute que le magiftrat politique auroit droit d'enjoindre a ceux qui vivroient ainfi, de fe -féparer, fi 1'impuiflance étoit notoire. Car, outre que le péril du pêché eft: évident, U eft encore de 1'intérêt public que chacun foit dans la condition conforme a ce qu'il eft effeétivement, Sc oü il peut fe rendre utile a 1'état, cg corps politique dont il fait partie. Dela vient qu'anciennement les Empeteurs avoient feuls droit de décider des queftions de mariage, comme les plus intérelfés; Sc 1'Eglife n'avoit que le pouvoir de juger des fimples formalitéa pour 1'adminiftration du facrement. Quoi qu'il en foit, il eft certain que 1'irnpuiflance eft un moyen- infaillible de la nullité d'un mariage. Ce principe établi, examinons, dans la caufe du marquis de Langey, la première queftion»  39 8 Congrès aholi. Si 1'état naturel des perfonnes ejl fujet aux fins de non-rccevoir: c'eft-a-dire fi on peut le prefcrire pat des aftes * ec par le tems. Pour Ie marquis de Boefje, & pourle curateur de fes enfants, on «eut dire qu ils ont quatre fortes de fins de nonrecevoir pour oppofer a la réclamation ou marquis de Langey. 1°. Les arrêts intervenus contre lui. i°. Les actes approbatifs qu'il a confentis. , O °.Le Ionprenv: nn'il -, ' i_„ - - o; " « ianic auuier —pwmvuir contte les arrêts. j 4 • L'état préfent oü les cbofes font rediutes. Quant aux arrêts, il n'y en a que deux qui foient principaux • l'un qui ordonire le congrès, 1'autre qui prononce Ja nulliré du mariage. Dans tous les deux, on peut dire que le marquis de Langey a été fon premier juge. r La dame de Saint- Simon, i qui ]a nature avou donné autant de retenue que de beauté, ne pouvoit fe réfoudre a une expenence auffi honteufe. II 1> fit condamner par le premier arrêt &  T Congrès aboll. 3 9^ I eonnoiiTant la difficulté qu'elle y apporA teroit, il croyoit fe faire honneur de f& i réfiftance. Mais enfin, foreée de fe rendre , elle i dépofa, pour un tems, le voile de la pudeur \ la dure nécelfité lui donna des rorces \ 1'efpérance d'une trifte viétoire ! 1'anima: &C pendant que fon ennemi lknguiffoit fans vigueur, elle fe confola i dans fon innocente, èc dans les juftes 1 motifs qui 1'avoient engagée malgré elle a une li facheufe épreuve. Les experrs certifièrent, par leur rapport,, quependant quatre heures que cette épreuve dura, le marquis de Langey n'avoit donné aucune marqué de fa; puiffance. Sur ce fondement intetvint le dernier Arrêt qui déclara la nullité du mariage. Contre ces arrêts Ie marquis de Lan< gey a obtenu requête-civile : mai* eft-ii recevable a s'en plaindre, après n'avok pas réuffi dans une entreprife a laquelle il a volontaitement attaché laqualitéde fon état ? D'ailleurs, lorfqu'une fois nous avons une règle certaine, qui nous prefcrit qu'un homme accufé d'impuilfance doitfaire preuve de fes forces, & quand il fuccombe dans cette preuve, qu'il e^  4°0 Congrès aboü. déclaréimpuilfant, que peut-on oppofer a cette maxime? Eft-ce 1'aveu d'une ieconde femme qui ne devroit jamais I avoir ete ? Sont-ce des enfants qui ne le connoiffent pas eux-mêmes ? Ou feroit-ce 1'autoritéd'un mariage défendu, ^ que 1 on n'a jamais regardé en jufnee comme une feconde épreuve de Ia puiffance de 1'homme ? Car c'eft ici une caufe toute publique, ou les fentiments avantageux que 1'on peut avoir de Ia vertu de quelques perfonnes ne doivent Pas prevaloir fur le droit commun : & la loi, qm ouvre les yeux fur tout ie public ne s abailfe point a regarder plus favorablernent un particulier que Pautre : elle les comprend tous dans fa difpolition univerfelle. Que Ie marquis de Langey ne falTe donc point montre de fept enfants qu'il etale-aux yeux de fes juges: la Cod. nt les peut reconnoitre rils font nés contre fes defenfes. Et il eft nouveau qu'il veuilje falre un moyen de ê^_ci_ vile de ce qui n'eft en effet qu'une contravention formelle k 1'arrêr qui lui mterdit le mariale. Au fond , quelle eft la qaafité de la preuve qui réfulte des enfants? Tout *equon a pu introduire de plus favo-  Coyigrès aboli. 4pt ) ïable pour eux, quand ils font nés d'un I mariage légitime, c'eft cette maxime, 3, filius efi quem nuptix, demonflrant 3 la I filiation fe prouve par le mariage. Mais cette pteuve n'eft point du nomI bre de celles que 1'on appelle phylique$„ I Ce n'eft qu'une preuve morale , fondée : fur la préfomption que des enfants nés pendant un mariage en font iffus effecfi' vement. Or une preuve morale détruira-t-elle i une pteuve natutelle, ainfi qu'eft celle | qui réfulte du congrès ? Difons davan; tage : cette preuve morale, ou cette préfomption eft même fi peu certaine,' qu'elle n'eft point de celles qus funt juris & de jure ; paree que la préfomption : juris & de jure eft abfolue : elle ne foufi fre point de preuve au contraire; non admhtit probationem in contrarium ; Sc telle eft la préfomption qui dit qu'une cbofe jugée paffe pour vérité. Mais cette autre préfomption, filius efi quem nupti «- aont les tems. tn voia un fen n„. t_ *r roi de Caftille, s'étoit marié quoiquimpuifTaiu.il choifit BertrandTu de fa plus fecrète confidence: & I»ayant «at, ,11e fit aimer de la Reine, pour ,T fTeur. Néanmoins les pe - mitoire d Efpagne, ne voulnrent jamais recon„OKre Wan : J£™ iecours etranger, perfuadés que 1'im- puiflanceduRoi étoit notoire^e voitetreun enfant de la loi, fill\■ ,/? fi™ ™f« demonjlrant: mais, a leur ^g-d dieuren falloitun de la natS pour Wder i un Roi -turel, Onaditquel'enfantVe ^  Congrès aboli. 403 tpofe la loi eft une entreprife téméraire du légiflateur, qui veut fuppléer au dé1 faut de la nature, comme s'il vouloic . montrer que rien ne lui eft impoflible, ■ Sc qu'il peut faire des miracles quand Ie bon ordre 1'exige. Cela fait voir que, li la préfomption iqui vient des enfants étoit toujours i véritable, il n'y auroit rien d'alfiirédans la condition des hommes. Les impuififants ne manqueroient ni de moyens , ni de motifs, pour éluder les arrêts qui lies auroient condamnés. La figure du manage leur feroit un prompt fecours, 1'avidité ingénieufe dfi bien d'autrui, i&la vanité de paroitre pères, les engaigeroient volontiers a des réfolutions icontraires a leur état naturel; de forte que le vrai & le faux feroient égale;ment entre leurs mains, pour en ordonner feion leur caprice, II eft donc plus fur de s'en tenir aux .chofes jugées, lorfqu'on ne voit point de raifon certaine qui puiife convaincre du mal-jugé, Sc qu'au contraire on voit mille inconvénientsqui naitroient fi on y donnoit atteince. Voila ce qui cpncerne 1'autorité des arrêts; voyons les actes approbatifs qui les ont fuivis.  406 Congres aboli. Le premier aóte eft le compte préfente en la Cour par le marquis de Langey , pour la reftitution de la dot de la dame ae Saint-Simon. Le fecond eft une requête oü il dit que, n'ayant point été mari, on ne peut le regarder comme adminiftrateur des biens de la dame dc Saint-Simon, ni par conféquent, garant de tout ce qui s'étoit fait au préjudice de ces biens. Le trobième eft le fecond mariage qu'il a contracté du vivant de celiequ'il prétend aujourd'hui être fa femme. Tous ces acf esTorment autant de fins de non-recevoir. Car, en difant que 1'état naturel n'eft foumis a aucune exception légale, c'eft vouloir élever une queftion d'état, quand il ne s'agit que d'intérêts civils, qui font fujets a la fin de non-recevoir. Mais, quand il s'agiroit d'une queftion d'état naturel, c'eft un principe inconteftable que toute chofe contte laquelle on peut avoir act ion, eft fujette a. la fin de non-recevoir qui procédé de 1'approbation des parties ; paree que c'eft leur propre fait qu'on leur oppofe, & qui forme toujouts la plus füre décifion.  Congrès aboli. 407 Nbus voyons même, dans le droit romain, que la prefcription, qui etl une fin de non-recevoir qui réfulte du tems , comprend tout ce qui peut tomber eh controverfe, foit le dtoit privé, foit le droit public, pour quelque caufe, Sc en quelque perfonne qu'il fe rencontre. Jus privatum , velpublicum, in quacumque cctusd, vel qudcumque perfond , dit la loi 4 , cod. de praferiptione, 3.0 t vel 40 ann. Et afin que 1'on ne doute pas qu'elle comprenne 1'état naturel de 1'homme, elle ajoute ces tetmes : fuper fud conditione, ut liber. On oppofe que cette décifion en faveur de 1'état d'un homme libre ne peut êtrerétorquée contre lui, Sc que, fi la Iiberté fe peut acquérir par le rems, il ne s'enfuit pas qu'elle foit fujette a la prefcription, pour rendre un homme efclave, de libre qu'il eft naturellement. On répond que , comme nous acquérons 1'état naturel de la Iiberté par le tems , nous le perdons de même par le tems. Quibus modis acquirimus , iifdem in contrarium aclis omittimus , dit la loi 15 3 , $\ de reg. juris. C'eft une règle naturelle. On objedfce qu'il eft impofliblc de  408 Congres aboli. concevoir qu'un homme foit naturellement puiffant, 8c que néanmoins on le traite, dans la fociété civile, comme impuiflanr. _ On répond qu'il n'eft pas plus difficile de concevoir ce doublé état, que de concevoir un homme libre naturelIement, & qui néanmoins eft civilement efclave. Car les loix qui établiffent les fins de non-recevoir ne s'arrêtent pas tant a la vérité qua la poffeffion: ou du moins elles ptéfument toujours que la. poffeflion n'eft qu'une fuite de la vérité, fans 1'examiner davantage a fond & en elle-même. Dela vient que, quand les ordonnances de nos Rois ont prefcrit des hornes a^ toutes les aótions judiciaires, jufqu'a déterminer le tems de la validité d'une fimple procédure, elles ont donné a chacunede juftes limites, audela defquelles on ne les peut plus intern-er : ainfi elles renferment également 1'état natutel & 1'état civil, 8c tout ce qui peut tomber en conteftation. Enun mot, la prefcription, c'eft-adire, la fin de non-recevoir, eft une exception générale fous laquelle la loi veut que les hommes vivent en repos; te  Congrès aboli. 4oq K cela doit plus avoir lieu a l'égard de I 1'etat naturel, qu'a l'égard de toute au- il tre chofe qui peut moins troubler la I tranquilhcé des families. ■ Mais , fans nous arrêter a. la prefcription, il eft certain que 1'on ne fcauroic comprendre la prétention du marquis de Langey. Veut-il rentrer dans tous les i droits d'un premier mariage? Ou bien, ■ ie reduit-il aux intéréts civils? S'il prér tend rentrer dans tous les droits d'un premier mariage , que deviendra le ; lecond qu'il a contraóté du vivant de la dame de Saint-Simon? Sera-t-il mari de >. deux femmes vivantes ? Si, au contraire il ne fe propofe que les intéréts civils ' ■ leront-ils plus privilégiés que 1'état mê' : me dont ils .ne font qu'un accelfoire & I qu'il ne peut ptétendre que comme i:man ? Auffi le marquis de Langey s'expofe necelTairement a I'une de ces deux iextremités, ou d'être convaincu d'impuidance,ou d'être atteint du crime de :bigam Congrès aboli. & non point par une preuve douteufe & eqmvoqtie. Cette maxime eft il xonftante que quoique rour cequiémanedu Pnnce ioituneloi, ou ait la force de la loi néanmoins les jurifconfultes y ont apporte un tempérament. Us demeurent d accord que, quand le Prince auroit voulu juger dans toute 1'étendue de }a. Pul«atice; fi cependanc il a bleftë les loix naturelles , on pourroit fe plaindre de fop mgement, & fci oppofe la nulIne :c eft e fentiment de Vantius, dans Ion traite de tiulütaübus procefTuum ê fcntenüarurn^ la queftion, „ Ubetfentenüa^ d quocumque s etmm dtum nulluatis impugnari pefflt. JJ dit quelaffirmative eft 1'opinion générale de tous les doeteurs. Autre choflferoit, goute-t-il , fi leprince avoit jugé contre e droit pohtif: Quia chilis *üo ^ W ^rumptrepotefi; naturalia verb nequaquam. . E!\ Ufl moc' 11 e» faut toujours revejnraJa vcnté des droits naturels, qui lont autant de décrers de la nature qu il n eft pas permis aux hommes d'alterer. Auffi la loi 4, cod. de przfcrlpüone  Congrès aboli. 419 3 0 vel 4c annorum, que 1'on oppofe , ne parle que de la Iiberté, & ne dit rien de la fervitude, paree qu'on ne pouvoit y tomber qu'en ttois manières; ou parl'origine , quand on éroit concu ou né d'une mère efclave ; ou par le droit de la guerre, fi 1'on étoit pris par les ennemis; ou lorfqu'un majeur veudoit fa Iiberté. Et 1'empereur Jufiinien , aux inftitutes, ajoute : Jura natura'na > divind quddam providentid conftitatci , fitmper firma atque immutabïiia permanent : les droits naturels font établis par une providence divine & fpécküe: üs font immuables; & on ne leur peitE donner aucune atteinte. Et dans le droit, nous ne voyons point que la prefcription fut un quatrième moyen pour aifervir un homme libre : au contraire , la loi 9 , ff. de ufurpationibus & ufucapionibus, a excepté les hommes libres : Vfucapionem recipiunt maxime res corporales , exceptis rebus facris , fanclis, publicis populi romani, item Hberis hominibus: tout eft fujet a la prefcription y excepté les chofes facrées , les choies faintes & publiqites, & Ia Iiberté. Quand même la fervitude pourroit être impofée par la prefcriprion, il ne s'enfuivroit. pas qu'il en fut de même Svj  4*0 Congrès aboli. de 1'état d'impuifiance : la raifon de cette différence eft remarquable. Le droit des gens ayant autorifé les manières de perdre la Iiberté, il n'y auroit pas un extréme inconvénient, felon le même droit, que la fervitude put être préfente. Mais, a l'égard de la puiftance de 1'homme, comme il n'y a point & qu'il „e peuc y avoir de loix qui difent qu'elle fe peut perdre par des moyens civils, a 1'exemple de la Iiberté, il eft d'une conféquence néceifaire que 1'état d'impuiffancé ne foit point iujeta la fin de non-recevoir. Auffi c'eft la nature qui fait 1'homme puiffant comme c'eft elle qui le forme im-punTantj.au beu que, bien que la nature nous crée libres , ce n'eft point a eik que nous devons nous en prendre de notre fervitude : c'eft un effet de Ia meme loi laquelle a introduit la pref- ' cription. . r C'eft encore un autre principe, que tout ce que nous ne pouvons acquérir par le confentemenr du propriétaire n'eft point fujet d prefcription • paree que dans la prefcription, on induit, de la neghgence du propriétaire, un comentement tacite par lequel il abandonne la chofe au poffelfeur.  Congrès aboli. 42 r Dela il fait qu'un homme naturellement puilfant ne peut être confidéré comme impuilfant \ d'autant qu'il ne peutconfentir al'être; même fa femme, fes enfants, tout le public pouvant Ie réclamer malgré lui, ainfi qu'il eft dit d'un homme libre injuftement retenu dans la fervitude. L. 1 , ff. de liberali causd. Sur ce même fondement, M. Tiraqueau , traclatu de jure primogenitorum 500 q. n. 9 , alfure que la qualité d'hétier n'eft pas prefcriptible, nee per mille annos ; & il ajoute qu'il en eft de même du droit d'aineffe : un puiné ne le peut acquérir par le bénéfice du tems. La raifon qu'il en rend, eft que la qualité d'héritier &c le droir d'ameife viennent de la nature, qui n'eft point fujette a la loi civile des prefcriptions. Mais, fans chercher nos maximes ailleurs que dans le droit canonique, qui femble être le fiège des décifions dont il s'agit, il eft certain que, dans des queftions d'impuiftance, fentenüa. nunquam ajjumit vim rei judicattt , dit la glofe fur le chap. 1 de frigidis. Au chap. lator. de fent. & de re judic. Si conjliterit ecclejiam fuifje detepiam , & fic per judicium non fuifje legitimë  412 Congrès aboli. Jeparatos ,faciatis , ficut vir urn & uxorem, infimul per maner e: fi 1'on découvre dans la fuite que lejuge eccléfiaftiqueait été furpris , & qu'il n'ait pas féparélégirimement des perfonnes mariées , réuniffezdes , & faites-les demeurer enfemble. Le chapitre laudabilem, aux décrétales ie fiigïd. eft dans I'efpèce d'un mari & d'une femme qui avoient déclaré que leur mariage n'avoit pu avoir d'effer. On avoit pris leur ferment, & 1'on y avoit ajouté le témoignage de leurs proches. En conféquence, la diffolution du mariage avoit été prononcée. Mais le mari, ayant contracté un fecond engagement, avoit par-la découvert la faulfeté du fait d'impuilfance. Cette décrétale dit que les parties font coupabies de parjure , & les oblige de retourner enfcmble, fans confidérer le fecond mariage. Cela eft conforme au canon requififti, can. t} y q. i , ou faint Grégoire dit que le fecond mariage eft une preuve manifefte du menfonge qui a donné lieua la dilfoIution du premier. Le chapitre fraternitatis eft dans une efpèce bien plus forte. L'impuilfance étoit efFeétive; elle avoit été prouvée par Ia vifite : mais,  Congres aboli. 423 dans un fecond mariage, Tétar des chofes avoit changé. Le pape décide qu'il faut rétablir le prenpier mariage. En ce cas particulier, il eft inutile d'oppofer la maxime, ne de ftatu defunctorum poft quinquennittm quótratur : qu'on ne recherche pas- 1'état des morts après cinq ans. Cette difpolition ne touche point a 1'état naturel des vivants : au contraire , fi elle eft favorable pour ceux qui ne font plus , combien le lèra-t-elle pout ceux qui, faifant partie de la fociété civile, n'y doivent point paroitie avec infamie ? Au fond, s'il s'agiftoït nniquetnent de 1'état naturel de la dame de SaintSimon , on pourroit appliquer cette maxime. Mais, quand il s'agit pareillement de 1'état naturel d'une perfonne vivante , c'eft alors que les loix n'onf point formé de fin de non-recevoir par quelque laps de tems que ce foit. Cela eft fi vrai que , fuppofé qu'un homme libre fut mort dans une fervitude apparenre , on éroit toujours recu a prouver 1'ingénuité : Nam in meliorem cauftam etiam reclè qu&ritur de ftatu defuncli pctft quinquennium, dit M. Colombet j dans fes paratitles fur le  424 Congres aboli. titre ne de ftatu deftunclorum poft qu'in-, quennium, &e (1). On oppofe que l%marquis de Langey s'eft marié contre les défenfes de^ la Cour, & que néanmoins, de fon manage, il veut faire un moyen de requêtecivile contre les arrêts. On répond qu'il n'y a rien qui puilfe altérer dans Thomme la Iiberté de fe marier, quand naturellement & civilement il eft capable de mariage: naturellement , par fa puilfance naturelle & civilemenr, quand il n'eft point engagé dans un état contraire a la Iiberté de fe marier. Auiii n'a-t-on jamais regardé ces fortes de défenfes comme des loix hxes & certaines : elles ne font que comminatoires; enforre que, quand le mariage eftconrradé non-obftant cette prohibition, qui ne rend les perfonnês ni impuilfanres,niinhabiles,onnel'infirme point: on fe contente de condamner les (1) On peut rechercher 1'état d'un mort apres cinq ans, s'il s'agit d'une caufe qui lui foit favorable ; enforte que , fi cette maxime ne peut être renverfée- en faveur de 1'état naturel d'un mort, a plus forte raifon ne doit«11e poinr fervir a détruire 1'état naturel d'ynt perfonne vivanie.  Congres aholi. 42 & au mois de mars fuivant elle s'embarqua avec cet enfant de trèize mois, qui avoit toujours été nourri par le lait de la négreffe vierge. Tome X. , f  434 Congrès aboli. dame Magdeleine de la Chaftre fa femme, pourjuivant la difjolution.de leur ma-» riagefintimée. Les autres, pour trop donner d'avantage a 1'honnêteté publique, 11'ont pas pris garde qu'ils s'oppofoient a ïadécouverte d'une vérité naturelle, infininaent plus importante qu'elle n'eft honteufe, & que 1'on ne fijauroit trop aflurer dans le public. On peut ajouter qu'ils fe font laiffés prévenir par des exempies étrangers , qu'ils ont trouvés dans les anciens jurifconfultes. Ils fe font perfuadés que, comme chez les Romains, la pudeur fit autrefois abolir 1'infpeótion du corps, par laquelle on jugeoit de la pubertc, &C que 1'édit du Préteut, de ventre infpiciendo, re$ut dans la fuite une infinité d'atteintes, pour ne pas toujours foumettre une femme a une inquifition fcrupuleufe \ il en étoit de même pour les accnfations d'impuiffance : ils ajoutoient que tout devoit reffentir la pureté & la fainteté du mariage. On répond qu'on ne doit point eheichetune conformité entte des cho*fes fi différentes, Lage fut ttouvé fuffifant pour juger de la puberté, paree que la nature } réglée dans fon cours , formoit feule la décifion par le nombre des amices.  Congrès aboli. 43^ A l'égard de ledit du Préteur , d& ventre infpïckndo, comme les formalités en étoient extraordinaiies, ckfouvent mortelles a la mère & a l'enfant , cn s'eft difpenfé voiontiers de quelquesunes, que 1'on jugea inutiles. Mais qu'a tout cela de commun avec une épreuve indifpenfable ? Et bien loi» que la fainteté du mariage la doive faire rejetter, elle Pautorife formellement, pour ne pas donner occalion au crime de fe couvrir d'un nom fpécieux , & d'exercer toutes fes brutalités fous le voile de ce grand myftère. Mais, dira-t-on , c'eft une épreuve %ui offenfe la pudeur. Hé! le moyen de faire autrement dans cette matière ? Veut-on épargner le front des experts Sc des matrones ? Tous les hommes qui ont 1'efprit bien fait ne tegardenrils pas cette épreuve comme tout ce qui fe pafte dans le mariage , oü 1'imagination nous en repréfente toujours plus que la vue même ? Si, d'un autre cóté , on veut fou!a»er la pudeur d'un mari Sc d'une femme qu'on ne les vifite donc jamais: 1'honnêteté y eft bien plus bleftee. D'ailleurs tout ce qui peut exciter la honte, dans Tij  436 Congrès aboli. cette occafion, n'eft pas tant I'aetion en loi, que la bienféance, qui ne permet pas qu'elle fe farfepubliquement. Quand donc une fois cerre bienféance n'eft plus inréreffée, que les ordres de la juftice ont levé cet obflacle, qu'il y va même de 1'honneur de 1'homme de faite paroitre fa puiffance; pourquoi fe fignrer un vain fantóme de pudeur, & prendre pour vertu ce qui n'eft en effet qu'une foibleffe que 1'on ne fcauroit excufer ? Quel moyen , continuera-t-on , d'y réuffir a point nommé, & au moment que les juges 1'otdonnent? On demeure d'accord que cette épreuve eft facheufe & difficile : mais elle eft abfolument néceffaire ; & depuis un fi long-tems qu'elle eft en ufage, il n'y a eu que les hommes véritablement impuiffants qui y aienr fuccombé. Car nous devons faire ici cette réflexion décifive , que quoiqu'il femble que la nature ne foit pas toujours ni affez prompte, ni affez fidelle dans fes opérations, tous ces défauts , que nous lui atttibuons injuftement , ne viennent que de notre impatience. Ainfi, fous prétexte qu'elle a manqué quelquefois dans un moment qui étoit le nótre, & non pas le fien, on ne la doit  Congres aboli. 437 point charger du reproche d'une défaillance pendant quatre heures enrières, & dans un intervalle de tems oü 1'on ne peut fe plaindre de fes caprices, qui ne font guère que momentanés. Au fond, fi 1'on aboliffoit cette preuve, que deviendroit 1'état d'un homme faulfement accufé d'impuiffance , ou celui d'une fille abufée fous la figure du mariage? Que 1'on interroge les parties tant que 1'on voudra , que 1'on - prenne la dépofition des témoins , que 1'on falfe la vifite , tout cela n'eft point fuffifant pour décider de la condition de ces deux perfonnes. On n'en doit pas remettre le jugement fut la foi d'une affirmation qui peut être téméraire, oufur 1'apparence trompeufe de quelques fignes équivoques. En un mot, fans le fecouts du congrès, il eft impoilible de juger d'un défaut intérieur de puiffance, & de connoïtre les véritables marqués de la virginité, qui n'eft pas une vertu fenfible a nos yeux. 11 faut donc fuivre la jurifprudence de nos pères, qui n'ont été ni moins éclaués, ni moins honnêtes gens que nous le fommes. L'expérience leur fit connoirre que 1'on ne pouvoit bien iuger de la puiffance de 1'homme que par Tiij  4 3 8 C072gres aboli. 1'adion même, & qu'il falloit néce/fairement en venir la: Nee inimicum vïderi debet probationis genus , quod folum ejl. Quintilien, declam. 7. Autrement ce feroit juger des chofes par 1'écorce 8c 1'extérieur feulement. Un genre de preuve ne doit pas être jugé dangereux quand il eft le feul qu'on puiffe employer pour découvrir la vérité. En quoi, fi nous y prenons garde, ils ctabliffent un principe bien précieux,qui nous doit fervir de règle dons nos jugements. Ils nous apprennent que 1'on Confidère d'une facon les matièrs morales , & les matières phyfiques d'une autre fa^on. Dans la morale, on interprête tout favorablement; paree que, comme nous fommes les maitres de notie volonté , qui eft le principe de nos adions, on doit toujours préfumer qu'en faifant quelque chofe on la fera de la meilleure manière qu'on Ia peut vouloir. C'eft une juftice réciproque que fe doivent tous les hommes. Mais dans les matières phyfiques, qui ne dépendent point abfolument de notre volonté, on n'eft pas obligé a la meme complaifancè;on ne fcauroit avoir trop de déhance, ni s'inftruire avec trop d'exaditude: c'eft alors qu'il faut juger  Congrès aboli. 439 de 1'homme, non point par ce qu'il paroit, mais paree qu'il eft effectivement; & que, fans nous arrêter a tous fes dehors, qui ne nous marquent rien d'affuré , nous avons droit de defcendre , pour ainfi dire, dans le fein de 1'humanité même, & la interroger la nature qui ne nous peut tien répondre que par fes effets. Par ces raifons , on fotitient que le marquis de Langey, n'ayant pas téufti dans le congrès, n'eft point tecevable a ptétendte qu'il eft puiflant. Pout le marquis de Langey, fa feconde femme, & le curateur de leurs enfants, on peut dire au contraire que le congrès n'a aucun fondement , m dans 1'autoritc des loix , ni dans 1'opinion des dodteurs, ni dans les fuffrages des honnêtes gens. L'empereur Jufiinien 3 au code de reputliis, loi 10, dit que, fi un mari & une femme ont demeure deux ans enfemble fans confommer le mariage , il en faut prononcer la diffolution. Dans la novelle 21, il prolonge ce terme de deux ans a trois , a compter du jour de la célébration du mariage. Cette novelle ajoute une raifon remarT iv  44° Congrès aboli. quable, qui nous peut faire connoïrre que Ion ne doit pas forcer Ia nature pat une épreuve non-feulement honteufe ^ais quelquefois précipkée. Edoclinamquejumus, ex iis qua anu hoc proye/2£_ runt, quofdam ampliks qudm biennium temport, non valentes, po/led potentes "ftenfos, mtmflrarcfiliorum procreationi. Nous fommes inftruits, par 1'expérience des chofes paffee,, que ceux qui ont été impuifTants pendant deux ans, font devenus puifTants dans la fuite. C'eft-li tout ce que nous remarquons «ans e droit civil, touchant J'accufanon dimpuiffanee: on n'y voit ni la vilite , m le congrès. Le droit canonique s'eft conformé au droit civil; & toutes fes décilions, lut cette matière, fe renferment en «eux elpeces différentes. La première eft d'un mari & d'une femme, qui reconnobfent, de bonne*jf* per la créduliré des experts & des juges.: &, comme le motif qui les porte a cette  446 Congres aboli. extrêmité eft un principe de haine, il ne leur eft pas difficile de fupprimer'les effets d'un amour forcé , quand ils agiffent de concert: comme il leur eft moralement impoffible de donner des marqués d'un amour qu'ils ne reiTentent point, quand 1'un ou 1'autre réfiftent a la diffolution du mariage. Ainfi il y alieu de s'étonner comment on s'eft avifé de fe fervir du congrès. Les livres des anciens ne nous fourmffent que deux exempies qui puiffent 1'appuyer; Sc encore ces deux exempies font également ridicules. L'un eft dans Lucien, qui rapporte qu'un nommé Bagoas , voulant être admis dans une affiemblée de philofophes, comme on doutoit qu'il fut homme, quelqu'un dit qu'il falloit 1'éprouver par cette voie : propofitioncertainement digne del'impudence que cet auteur reproche tant de fois aux faux philofophes. L'autre exempie eft dans Petrus Atickaranus, fur le chapitte litters,, aux déctêtales de frigidis , oü il dit qu'un certain officier de Venife, voulant éprouver un impuiflant, le fit enfermer avec une femme débauehéè, fur le rapport de laquelle il Ie démaria. Ancharanus n'a pas dit que cet exem*  Congrès aboli. 447 ple fut a imker : auffi ne Pa-t-on point fuivi dans, fon pays » ni dans le tefte de I'Italie non plus qu'en Efpagne & dans les Pays-Bas. Toutes les nations ne reconnoiffent que la vifite dans les accufations d'impuifTance \ & nous ne voyons point,par les écrks de leurs jurifconfultesque le congrès foit cn ufage parmi eux. Par quel malheur faut-il donc qu'il foit recu dans la France feule? Comment une nation qui fe diftingue de toutes les autres par une véritable honnêteté ,qui eft fon caradtère particulier, peut-elle fouffrir, parmi les faintes SE judicieufes loix quida gouvernent, une coutume fi contrake aux bonnes mceurs & a la vérité même ? Cette erreur n'a pu avoir d'autre principe qu'une curiofité vaine & indifcrète, ou Pefprit bumain fe laiffe emporter. II veut toujours étendre fes lumières, ne confidérant pas que Dieu leur a donné des bornes très-étroites : il veut s'ouvtk le paffage a tout ce qu'il y a de plus inacceffible, & forcer , pout ainfi dire , Ia nature jufques dans lesabimes ou elle eft retranchée, fè flattant de la conquête de tous fes fecrets^  448 Congres aboli. malgré les ténèbres dont elle les a couverts. C'eft ainfi que de téméraireï obfervateurs ont entrepris de foumettre anos lens le nnracle.de la génération des hommes. On pourroit les excufer s'ils n avoient rien choifi de malhonnête : mais, fans trop nous arrêter l leur invennon brutale, quel autre effet peutelle produire que de rendre publique la dermere de toutes les infirmités * ' Mais revenons a cette épreuve, que tous les honnêces gens condamnent: & apres avoir obfervé de quelle manière limpiidence de quelques maris y a donne beu, & qu>unë vaine curiöfité 1 ataitiouhaiter, voyons par quel motif il ie trouve des femmes qui fe portent volontiers a cette honteufe evrr^. mitP Une femme a toujours cet honnête prétexte , quod mater ejfe veilt, qu'elle veut être bonorée de la marernité , diient les canomftes, caP. uit. de frigidis fut déclaré non-recevable dans fa des> mande en fes lettres de requête-civile. «» ]Ü fut ordonné que les fommes adju3> gées par 1'arrêt contre lequel il s'étoit sa pourvu , demeureroient réduites a ss celle de 65,000 liv, pour toutes les s> prétentions quelconques du marquis s» de BoëJJe 8c de fes enfants, dépens de j* la préfente caufe compenfés. Faifan?  Congres aboli. 461 „ droit fur les conclufions du procureur» général, il fut fait défenfe a rous ju» ges , même aux ofriciaux, d'ordonner » a l'avenir 1'épreuve du congrès. Or» donné que 1'arrêt feroit envoyé aux » bailliages, fénéchaulfées & officialités » du reifort, pour y être lu, publié $t » enregiftré ». Ult> Tii]  4&Z Crime pcurfuivi * CRIME POURSUIVI Après vingt ans. de Cunayes & de Forges, avoic époufé ■A meinette de Saint- Prieft. De ce manage provint Pierre du Sarren. La vie débordée de cet enfant, & les ou trages qu'il avoit faits afon père, determinéren t celui-ci a le déshériter, & a inftituer la demoifelle de Saint-Priejl, fon époufe, héritière univerfeile. Devenue veuve, elle convole en fecondes noces avec Pierre du Perrier. Il prit en amitié du Sarron fon beau-fils, Sc ne négligea rien pour achever fon éducation. Loin de tépondre aux foins de fon beau-père, du Sarron le chalfe violemment, ainli que fa mère, de leur maifon de Forges , & s'en met en poffeflion. Ils rendent plainte de ces violences en Ia fénéchauïfée de Lyon , a 1'effet d etre réintégrés dans leur bien. Pendant la pourfuire du procés, la dame du Perrier vient a décéder, Sc  après vingt ans. 463 laiffe quatre enfants de fon fecond lit. Xe fieur du Perrier reptend le procés , tant en fon nom, que comme tuteur de fes enfants. Du Sarron, inftruit que fon prosès prend une tournure peu tavorable pour lui,fe détermine a faire alfaffiner fon beau-père. Au mois de mai 1578, il apofte, fur le grand chemin, un nommé Efcofier, fon domeftique, avec iix foldars. lis fe cachent derrière une mafure, & tuent du Perrier de deux coups d'arquebufe , en préfence de du Sarron, qui feignoit de chaffer. 11 fit enfuite cacher Efcofier dans la citadelle de Maeon, oüil demeura pendantquelques années. Le fils du fieur du Perrier étoit mineur. La Ligue embrafoit alors toute la France \ cet enfant avoit d'ailleurs tout acraindre des fureurs de fon frère utérin. 11 fut même obligé, pour s'en garantir, de fe retirer dans la ville de Bourges. Ce ne fut qu'en 1588 qu'ayant recueilli les circonftances de 1'affaffinat de fon père , il en fit informer en la fénéchaulfée de Lyon. La mort funefte de Eenri lil redoubla les troubles dont le royaume étoit déchiréj ils ne cefsèrent que quand Henri IV fut parvenu a fe faire recoftViv  4°4 Crime pourftdvi «ojrre par fes fujets. Du Perrier fet oblig, pendant ce tems, d'interroS faculte de fe faire entendre. II fit informer de nouveau par autorité du prévèt e Beaujolois; & fiirles informations, JonrTfc 7 déCret de Prif^-^-corps conue Efcofier. r Laccufé fonda fa défenfe fur deux moyens ; I incompétente du prévÓt des marechaux; & les vingt ans écoulés depuis Ie .cnme Commis,qui le garan[if_ W de toute pourfuite^pafce que, f-vant les loix romaines, r'out déhtqui na point ete pourfuivi pendant vingt a"s, ne peut plus 1'être. ë Le prévèt renvoya les parties devant le prefidial de Lyon, pour juger de Ia Wence. Ge tribünal, auSiieu de deciarer le crime prévótal, comme ayant ete commis fur Ie grand chemin, & pat des gens de guerre, ordonna que attendu les fins de non-recevoir (i) pro! - (') Vfr fin de non-recevoir, on entend »n junfprudence une raifon alléguée par celui qui eft attaqué foit au civil, foft au /r mine & en vertu de laquelle il foutient qu'on n'a-' voit pas droit de 1'attaquer. Ainfi1/* fin /e  après vingt ans. 46 3 pofées par Efcofier, il feroit renvoyé avec les charges & informations au bailliage de Beaujolois ,pour y être procédé ainfi que de raifon. Efcofier interjetta appel de cette fentence au Parlement de Paris; &préfenta fa requête, pour y faire juger fa fin de non-recevoir a 1'audience. Ainfi il y avoit deux points dans la caufe. i°. L'appel de la fentence des juges préfidiaux de Lyon, par laquelle il paroilfoit qu'ils avoient regardé le prévöt des Maréchaux comme incompétent. 20. La fin de non-recevoir fondée-fur la prefcription de vingt ans. Sur le premier point, on fouceneit que la fentence devoit être infirmée pour deux raifons. dire qu'on ne pouvoit pas Ie pourfulvre pour un crime commis il y avoit plus de vingt ans ; paree que tout crime eft effacé par ce laps de tems. Ainfi le préfidial de Lyon crut qu'avant de juger la compétence du prévöt, il étoii néceflaire de faire juger, par les juges ordinaires , la fin de non recevoir; attendu que „ fi le crime étoit éteint, la compétence da prévót étoit fans objet. Si au contraire il n'étoit pas éieint, il étoit toujours tems de tenvoyer le coupable au prévot, en cas qull dat être juge.  46"G Crime pourfuivi Les juges préfidiaux de Lyon n'avoient point prononce fur la fin de nonrecevoir, donc ils étoient les juges. En effet, Efcofier ne foutenoit 1'incompétence du prévöt des Maréchaux, que paree qu'il precendoit que le crime dont on 1'accufoit étoit prefcrit. Or, puifque le préfidial^ étoit juge de cette compétence, il étoit nécelfaitement juge des moyens fur lefquels elle devoit être adoptée ou rejettée. C'eil donc z tort qu'ils ont renvoyé la connoilfance de cette fin de non- recevoir pardevant d'auttes juges. La feconde taifon qui devoit faire infirmer la fentence, eft que le préfidial de Lyon avoit tacitement déclaré ie prévöt des Maréchaux incompétent, quoiqu'un crime commis fur un grand chemin par des gens fans aveu, foit néceflairement de fa compétence. Quant a la fin de non-recevoir, on prétendoit, de la part du fieur du Perrier , que des anciens jurifconfultes avoient été partagés fut la queftion. Les uns penfoient qu'après vingt ans, toute pourfuite devoit ceder, paree que, pendant le cours d'un fi grand nombre d'années, le cocipable pouvoit corriger fes moeurs, & reprendre une vie conforme  après vingt ans. 467 aux regies de la religion 6c de Ia ptobiré. D'ailleurs, en laiffant la Iiberté de pourfuivre les crimes après un fi long efpace de tems, c'étoit ouvrir unchamp libre a la calomnie, Sc lui donnet beu d'opprimer 1'innocence \ paree qu'il eft impoffible aux accufés , qui font beaucoup plus favorables que les accufateurs , de trouver , après un fi long tems, des témoins qui puiffent dépofer pour leur juftificarion. D'autres jurifconfultes, confidérant que les états fe confetvent par la récompénfe des bons , Sc par la punition des méchants, eftiment que la longueur du tems ne peut effacer les crimes, Sc faire qu'ils n'aient pas été commis. Que la jurifprudence eft conforme a ce dernier avis, lequel eft fondé fur la loi divine, qui veut que les crimes foient punis. Que 1'on ouvre les livres faints, on y veira que le fouverain Légiflateur afligne une peine a chaque crime, Sc 1'on ne voit nulle part qu'il fixe un tems après lequel les coupables feront a 1'abti de toute punition : on le voit au contraire annoncer qu'il pourfuivra, jufque fur les enfants, la vengeance des fautes commifes par les pères; Sc tont eft plein d'exemples de 1'exécution de cette meiiace.  /\.68 Crime pourfuivi D'ailleurs, de quel crime éroit-il ici queftion ? D'un parrieide, qui, fuivant les loix romaines , ne peut jamais fe prefcrire (i). Car la loi ne répute pas feulement coupables de ce crime ceux qui aifallinent leur père ou leur beaupère, mais mème les étrangers qui ont participé a cet horrible attentat (z). Ainfi, Efcofier ayant affaifiné le fieur du. Perrier père , de 1'ordre de du Sarron fon beau-fils , dont Efcofier étoit domeftique , il étoit coupable de parrieide; &c n'avoit point, par conféquent, de prefcription a oppofer. Au furplus, quand un moyen ft contraire aux bonnes mceurs pourroit être adopté, les circonftances particulières de la caufe le feroient rejetter. Le fieur du Perrier fils étoit mineur lors de 1'affaffïnat de fon père, &c fa minorité avoit duré prés de quatorze ans depuis. (i-)£o.f quiparricid'ii pcend teneri poffuntfemper eccuf.ïre permittitur. L. 13 ,ff. ad Senatufconfult. SU. Eorum qui parricidii pcend teneri poffunt, femper accufatio permittitur. L. 10 , ff ad leg. Pomp. (2) Utrum qui occiderunt parentes , an etiam confeii pand parricidii adficiantur , queeri potefl. Et ait Mxcianus etiam confeios eddempcend adficier.dos, non folum parricidas. Proindè confeii etïam extraneï eddem pcend adficiendi funt. L. 6, ff. ad leg. Pomf,  après vingt ans. 469 De plus , pendant les guerres civiles, il avoit toujours porté les armes pour le fervice. du Roi, fous la conduite du fieur de Gamaches, ce qu'il prouvoit par des certificats. Efcofier, au contraire , avoit toujours fervi pour le parti de la Ligue ou il n'avoit pas été pofïïble de le pourfuivre. La prefcription n'a donc pas pu courir pendant ce tems. Enfin, il eft porté par 1'édit faita 1'occafion de la réduéKon de Paris, que les prefcriptions n'ont eu aucun cours pendant les guerres civiles; ce qui doit avoir lieu en matière criminelle, comme en matière civile. De la part d'Efcofier } on répondoit que la prefcription de vingt ans, en fait de crime , eft établie pat les loix romaines, & qu'elle.eft d'autant plus favorable , qu'il s'agit de la vie d'un citoyen; & 1'on citoit la loi 3 , au digefte de aequir. rer. demin. & la loi 12 au code ad leg. Corneliam de falfis. On ajoutoit que, quand même le parricide feroit excepté de cette règle, Efcofier n'en étoit point coupable, n'étant nullement parent de du Perrier. Que la minorité n'eft point fuffifante,en matière criminelle, pour empêcher la prefcription; & 1'on citoit beaucoup d'ar-, têts qui 1'avoient ainfi jugé.  47° Crime pourfuivi a £fiofier ajoutoit qu'il étoit faux qu'il eut porté les armes contre fon Roi pour le parti de la Ligue, puifque, depuis quinze ans, il avoit fait fa demeure avec fa femme, & un grand nombre d'enfanrs dans un village du Beaujolois; qu'il y avoit toujours fait valoir quelques héritages, qui luiappartenoient du chef de fa femme, & toujours fait le trafic de beftiaux jufqu'au moment oü il avoit été conftitué prifonnier. Enfin, quand il auroit été,comme on le difoit, attaché au parti de la Ligue , on auroit toujours pu fuivre contre lui le procés criminel , puifque les troubles n'avoient point empêché qu'il n'y eut des tnbunaux en état d'inftruire les accufations. II y avoit eu des grands jours tenus en Auvergne, en i 5 81; Sc depuis les troubles , il y en avoit eu en 1596". Par atrêt du famedi 18 décembre 15 99 , le fieur du Perrier fut déclaré nonrecevable dans la pourfuite du crime en queftion, Sc Efcofier élargi des prifons, Sc débouté de la demande qu'il avoit formée en dommages & intéréts. II eft bon d'obferver ici, au fujet de cet arrêt, que tout crime qui n'a point été pourfuivi pendant vingt ans eft prefcrit, de manière qu'on ne peut,  après vingt ans. 471 après ce tems, inquiéter, en aucune facon, celui qui en eft coupable. Nous avons puifé cecte maxime dans la jurifprudence romaine. Le crime mérite , a la vérité , toute la haine & toute la vengeance de la juftice •, mais 1'innocence ne mérite pas moins toute fa protection. Lorfque le crime lui eft déféré dans un tems oü les preuves font faciles a acquérir, & oü 1'accufc peut également adminiftrer fes défenfes, la juftice le pourfuit avec rigueur , pour Le condamner avec févérité. Mais s'il s'écoule plufieurs années fans que le crime foit conftaté publiquement & juridiquement, la juftice favorife alors 1'accufé ; paree que, comme 1'humanité veut que 1'on préfume toujours pour 1'innocence, elle fuppofé que la longueur du tems a fait pétir les preuves que 1'accufé auroit pu adminiftrer pour fa juftfcfication. En un mot, les loix n'ont pas voulu que les hommes futfent recherchés pour des crimes après un efpace de tems capable de leut enlever les moyens de fe défendre, & elles ont fixé cet efpace a vingt ans. Querela falfi temporalibus pr&fcriptionibus non excluduur, nifi viginti annorum exceptione } fuut utera  472 Crime pourfuivi quoque ferh crimina. L. u cod. ad leg. corn. de faljis. 6 Nous avons recu cette maxime; & k prefcription eft, depuis trois ou quatre becies, un des principes les plus certains du droit Francois. On n'en n'excepte que Je duel & Ie crime de lèie majefté. Les Romains y avoient introduit plufieurs exceptions. Tous les crimes qui provenoient de la loi juüa de adulteriis étoient prefctits par 1'efpace de cinq ans! J-es crimes étoient tout aéte contraire a la pureté, défigné par le mot générique /^.-1'adultère, le maquerellage, &c. L. ±9i §. 6, ff. ad leg. ju/, deaduh. Le pe*ulat: L. 7,ff ad leg. jut. pecul. l-orlquun citoyen avoit été tué par quelqu'uu de fa familie, il étoit défendu douvnr fon teftament avant que le coupable eut été condamné & puni: L. 3>§- i7> ff- deSenatufc. Silan.Müs lorfque cette loi étoit violée pat une perfonne etrangère au défunt, elle ne pouvoit. plus etre pourfuivie après cinq ans : L. ï 3 , eod. H y avoit, auconttaire, d'auttes crimes qm ne fe prefcrivoient jamais, pas meme par 1'efpace de vingt ans. Tels étoient la fuppofition de part: L. i9 .§. i ,ff. ad leg. Corn. defalfis. L'apof-  après vingt ans. 473 tafie : L. 4 , cod. de apojtat. 8c le parricide. Nous n'avons point admis ces diftinótions; &,a 1'exception du duel & du crime de léze majefté, tous les autres crimes, de quelque nature qu'ils foient, font éteints par la prefcription de vingt ans; & cette prefcription n'eft pas un« fimple exemption de la peine, c'eft une fin de non-recevoir contre 1'imputation du crime , contre le reproche qu'on en veut faire, contre la révélation même du crime. C'eft ce que dit Imbert, liv. 3 , chap. 1 o, n°. 8 & « Nous avons, » dit-il en parlant des crimes, des fins »> de non-recevoir qui font fort ufitées: v 1'une, quand vingt ans font paffes que 31 le délit dont on eft accufé a été oom33 mis; cat, après vingt ans paffes , on 33 n'eft pas tecevable a faire pourfuite 33 de quelques crimes ». Le miniftèrepublic même ne peut pas élever fa voix, Quiconque acquiert la prefcription de vingt ans , eft donc pleinement lavé aux yeux de la juftice. Perfonne n'eft plus en droit de 1'attaquer; il conferve tous fes droits naturels 8c civils, C'étoit donc a tort que, dans 1'affaire du fieur du Perrier, on vouloir tepouffer cette prefcription fur ce qu'il étoit  474 Crime pourfuivi mineur lors de 1'aflaflinat de fon père. En effet, deux fortes de perfonnes font autorifées a pourfuivre la vengeance d'un crime; les particuliers auxquels il a caufé quelque tort, peuvent pourfuivre la réparation du dommage qu'ils ont recu. Ainfi un homme quia été volé demande a la juftice la reftltution des effets qui lui ont été pris. Une femme dont le mari a été aflaftiné, des enfants dont on a tué le père , demandent que , fur les biens du rneurtrier, on leur adjuge une fomme qui les dédommage, aurant qu'il eft polfible, de la pette du défunt : mais ils ne peuvent jamais, dans cette action , demander aurre chofe que ce qui concerne leurs intéréts particuliers. Le procureur du Roi, au contraire, eft tenu , par fa charge, de pourfuivre la réparation publique du crime. II repréfente le public, & c'eft au nom du public qu'il requiert que le coupable fubiife le fupplice qu'il mérite. Si ce magiftrat, foit par négligence, foit paree que le crime n'eft pas venu a fa connoilfance, n'a fait aucunes pourfuites , Ia juftice regarde le crime comme non-avenu. Les patents ne peuvent donc plus exercer le droit qu'ils avoient de  après vingt ans. 475 pourfuivre leurs dommages & intéréts. S'il étoit poffibie que ia juftice les écoutat, & leur accordat ce qu'ils demandent, il raudroit qu'elle reconnüt qu'un crime qu'elle ne peut plus punir, a été commis j ce qui implique contradiction. Fin du dixième Volume.