VERZAMELING W. H. SURINGAK  CAUSES CELÈBRES E T INTÉRESSANTES, A V E C LES JUGE^I, QUI LES ONT Ilf<2ip^üLl| Rêdigêes de nouveau par M. R\<£%'Èfjfcj '<&&tpi/ Avocat au Parlemèit^7^yv^K^X TOME ONZ IÈML J AMSTERDAM» CKez MlCHEL RlJEYo. 1775.  Et fe trouvent a Paris, cüe^ La veuve Savoie , rue S. JacqHes.. Le Clerc, Qup.i des Auguftins.. Hümbl.OT , rue Saint Jacques. Cellot, ïrnpriroeur, rue Dauphinei La veuve- Qesaint % rue du Foin. Durand , neveu , rn.e G.alande. Nyon , rue Saint - Jean - de-Beauvais, Delalain , rue de la Comédie Francoife. Moutard, Quai des Auguflins, Bau.y, Quai des Auguftkts.  T AB LE DES CAUSES Contenues dans ce onzième Volumè* Les nouvelle* Caufes font marquêes tTuns étoile. Hlftoire de Frilkt t 'page % Demande en réhahilitatwn de Manage » 112" Mifloir.e d'un Bigamey 15 5 L'Abbi des Rues , 2.1 £ * Fille mariée contre le gré de fon.  CAUSES  CAUSES CÉLEBRES E T INTJÉ RE SS ANTE S5 Avec les jugcmens qui les ont décidées, H I S T O IR E DE FRILLET. L'histoire de ce procés eftun.enchainement de fairs finguliers qui fe fucccdenr & fe compüquent de manière flu'il iie falioit pas moins que toure la fagacitc du Parlement de Dijon , pour ar-raeher le voüe dont on avoit enveloppe la vérité. Je tacherai , dans Ie «ar. que j'entreprends , de metrre Tomfi, XI. A  2 Kijlcire de Fritlet. toute Ia clarcé dont une aiïaire aufli embrouillée eft fufceprible, de foiuenir I'intérêt que doivent infpirer les fairs que j'ai a. raconter, & enfin de ménagsr la furprife que doivent occafïonner les événements inattendus que les circonftances ont fait.naitre. Jofeph Vallet écoit maitre d'une tuilerie qui avoit la vogue dans ie canton. On n'alloit ptendre de la tuile chez fes voifms, que quand la lïenne étoit épuifée, & jjtt'oö n'avoit pas le tems d'attendre qu'il en eüt fabriqué de nouvelle. 1 Cet avantage5 qu'il ne devoit qu'a fon induftrie &'aux foins qu'il donnoit a la4fabrique de fa ruile, lui attira autan: d'ennemis, qu'il avoic derivaux, & qu'il y avoir de gens Jaloux de fa -fortune, qui aurcient defiré de deve^ nir, i fa place, les maltres d'une tui-? lerie u bbn achalandée. La première atcaque que la jaloufïe lui fit éprouver publiquement, fut un procés qne lui intentèrent les feigneurs de Treffbrt&ids Varambon. Ils avoient, .pour procureur-fifcal, un nomme Frillet, homme adtif & entreprenant, qui fcavoit couvrir de I'intérêt public, ou de I'intérêt de ceux auxquels il ctoir,  Hifloire de Frillet. •"■» «ttaché, les démarches qui n'avoient cue fa propre utilité pour objec. Le procés dont je viens de parler ■fut terminé par une tranfadion pafféé pardevant notaire , le i} novembre 1704- Les conclufions des deux feigneurs , qui y font rapporties, nou, apprennent quel en étoit le prétexte. Us .avoient demandé « qu'il fuc fajt » fenfes a Vallet de ptendre , ni faire « prendre des pierres & cailloux dans » les lies .& fur les rivages de la rivière » d'Ains, & le long de leurs terres » pour les faire cuire & réduire en » chaux dur fes tuileries ; atcendu que » les hts & rivages, & les cailloux qui y « font, appamennent aux feigneurs qui *> en fourrrent un notable préjudice en * ce que les cailloux deviennent p|us » rares pour la fourniture des tuileries « des feigneurs, & empêchentle débic » de la chaux qui en provient». Cette tranfacbion trompa 1 attente de celui dont les confeils avoient engagé^ ces deux feigneurs i intenrer un procés auffi ridicule. II s'ctoit Bmé ■fans doute, de fatiguer Vallet ± forCö de chicanes, de 1'obliger enfin a acheter la paix, dc d fauver quelques débris A ij  4 Htfoirt de Frillet. ,de fa fortune, en abandonnant.fa tul«* lerie. Un proces au .civil a eet inconvéjliient pour ceux qui, fans le fufciter en leur nom , y engagent d'autres perfonnes, pour en tirer profir, fans rien rifquer eux-mêmes. Une tranfaction qu'ils .ne peuvent empêcher , dérange -leurs proj'ets au moment ou ils s'y attendent Je moins. Les procés au grand criminel n'ont point eet inconvénient: c'eft le jniniftère-public qui eft la principalp parne, & il n'y a point de tranfaction a faire avec le miniftère-public. On crujc .que cetre voie étoit plus fure pourperdre Vallet. Le dinianche, 15 mars 1705 , Jofepfi Vniet père, qui venoit d'entendre les .vêpres de la paroitfe de Prnv, étant accompagné de Plerre §1 Claude-P hïli.bert Blondel frères , & de Claude Matinee , dit la Raine par fob.riquex, rouj jwyfans ,. rencontrèrent, en leur che_mm, Antolne Duplex ,.fi plein de vin, .qu'il ne pouvoir fe foutenir. Jofeph Vallet lui dit bon foir , coufin: il s'ap..percur que Duplex faignoit par le nez; ii crut que eet accident étoit 1'effet d'une ;chure: il lui auroit rendu les devoits que 1'humanité exigeoit de lui, li An-  fli/Ioire de Frillet. fbitic Mallet & Nkolau, qui furvinrent, nefe fuiTent chargés d'en prendre foin: celui-ci hii elTuya le nez, & 1'emniena chez lui. Jofeph Vallet retourna Cn fa maifon. Le lendemain Duplex, dont le forn-' meil avoit diflipé 1'ivrelTe , travailla comme a fon ordinaire: le jour d'après, il alla travailler chez le curé de Priay , ouil employatrois journées confécutives a bêcher fes vignes. Le dernier jour, retournant chez lui, pendant la nuit, rl enfonca le pied dans un creux plein de boue & d'eau, qu'il trouva dans fort chemin ; & comme il avöit chaud , il fentit, fur le cliamp, un froid qui lui glaca le fang : il s'en plaignit a Mallet qui Paccompagnoit, & avoit travaillé avec lui. Le loir merrie, fon mal s'augmenta, il fe coucha, & ne fe leva * plus de fon lic; une pleurifie fe forma, dont il rnounit le z$ mars. La vérité de cette hiftoire eft foutehuepar la procédure. On ïrifpira au fieur Ravet} prccureur-nlcal du Pont - d'Ains, que les bleffures que Duplex avoit recues avoient autant contribué a fa mort, «jne fa maladie , & que les Blondci 8c Jofeph Vallet, qui 1'avoient rencontré Aiij  f ffiftoire de Frittet. Ie dimanche, 1'avoient batm. Le fout Xavet demanda, fans autre examen, permiffion au juge d'informer: elle lu rut accordée. Le lendemain, le juge du Pfanfts ö Ains le rranfporta en Ia maifon d'Antoinecte Cachet, veuve è'Antolne Du: i hü h ^ire la leéture de la plajnte du procureur d'office, & 1'inrerPella de déclarer fi elle vouloit auffi «tonner fa plainte, ou fe rendre dénonciatnce, Cette veuve répondit qu'eile ne pouvoit prendre ce parti, fans inrérefler fa conlaence; paree que fon mari ne s'étoir jamais plamt d'avoir éré maltraité m par les Blonde!, ni par Jofeph Vallet; quil «oir mort d'une pleurifie occanorwee par le rravail de rrois jo'urnées employees chez le curé de Priay,a porrer des terresdans fes vignes. Ainfi qu'eile ne prenoit aucune part i la plainre du procureur d'office fur ce fujet\ Cette déclararion, qui fut rédigée par ie grefher, étoit le langage de fa 5me, qUe cette femme n'avoit pas in, teretde cacher, & dont elle devoit êrre inftruite mièuxqu'u» autre. Cependanr on inrorma: il n'y eut aucune charge, üansinuormanon contre les accufés.  Hifloire de Frillet. J Le nommé Maurice , entr'autres 3; dépofa « que le jour que 1'on fuppofoir » que Duplex avoic été maltraité , il v étoit ivTe j qu'il s'étoit laifle tomber ,•' * Sc que fa chüte 1'avoit fait fiiigner « par le nez; qu'il n'avoit eu difficultc »5 avec perfonnej qu'il n'avoit pas vu' s> qu'aucun 1'eüt maltraité. Que le lens» demain, il lui avoit demandé li on ne « 1'avoit pas battu ^ qu'il lui avoit ré*> pondu que non, & qu'il 1'avöit vu 55 travailler, enfuite, quatre jours, pour w le cuté de Priay ». Cette dépcfition eft importante, & aura, dans la fuite, une application bierv remarquable. Le jugë,furla réquifition du procureur-fiflal^crut, maigré cela, qu'il devoit déeréter les accufés d'ajóurnemej* perfonnel. La procédure étant achevée , le juge prononca leur abfolution. Par , un mauvais ufage qui s'étoit introduit, en Breffe , dans les juftices de villages , & qui- a écé réformé, malgré le jugefnent de décharge, on nelaifibir pas de condamner 1ÜS accufés aux dépens, & de leur faire payer les vacations des officiers. On n'oublia pas ce chef de ccndamnation dans la fentence dont il s'agk ici. A iv  8 Hiftoire de Frillet. Soit que cette affaire eüt thortifie Ie fleur Ravet fon pour d'autres raifons, il donna fa demïiïïon de la place de P^ocureur-nfcalduPont-d'AinsUw//« t£Zia' lm^,^ R«™,f6n< Jofeph Vallet Sc les frères Blondel & que, pour prix de fa corruption', il jojt fait entendre de faux térAoins k d chargeoient es accufés. Surlaplaime U r'^V^^ P^dure quil ht faire, le fleur i?*v« fut coudamne, comme prévaricareur dans fes fonuions aux galères perpétuelles , par Wnce du ij feptembfe ijzS. Céè accufe ayantappellé, furrenvové , par e Parlement de Dijon, pardevan/le jugede Samr-Rambert /if eut une abC felution pJcmere. Frillet interjetta appeï f "™ ^Parlement, qui confiïL a fentence dujuge d'appd, & renvoya le_ fleur pardevanr Ie juge de Saint Rambert, pour faire droit fut fes dommages & intéréts. Le fier* Rcvet mourur avant le jugement de ce procés. Pehdant le cours de ces événements ri en arriva un autre, aVec lequel ceuxci vont fe trouver compliqucs, & aui iont la fource du procès que ;;en^e. prenos de dcvelopper. ■  Hifloire de Frillet. 5 Au mois de mai de 1'année 172.1, Philippc, nis ainé de Jofeph Vallet, fut attaqué, fur les chemins, par les frères Pin , & par un autre particulier. On lui vola fon argent & fes habits: il ft informer • il y eut atfez d'indices pour faire foupconner violemment lts accufés : il n'y en eut pas affez pour les condamner. On n'entendit plus parler de cette affaire. Mais ilne lafaut pas perdre de vue j elle aura une grande influence fur les événements qui reftent a raconter. Jofeph Sevos, dont il fera beaucoup queftion dans la fuite, Sc 'Antoinc Pin , 1'un des accufés du vol fut a Philippc Vallet, fe renconcrèrent ie famedi 19 février 1724, vingt-deux mois après ce vol. Ils pafsèrent la journée a boire enfemble en différents endroics, & difparurent ie lendemain. On feut qa^'ntoine Pin s'étoit retiré dans la Dombes, voifine de la BréfTe, & qu'il s'étoit engagé enfuite dans la compagnie du fïeur d'Aubure ie , lieutenant-colonel au régiment de la Sarre. Quant a Sevos 3 on ne découvroit aucune tracé de fa marche. II étoit a fon aife dans le pays j il pofTédoit une ■Ciaifon, des herka°es ; il avoit dei Av.  J *-H-l.l.CZ. mceurs. nj nnni-A .-.r^u:^' ^ ^ "r le ^i,- ! r — i^uuuc. unnepou- rmon ne pQHyoit donc êfre ™PJ qua un accident imprévu, aunefore sr °nconc,ut^-oitétra2 öientoc & perfonne ne mit en doute avoit, difoit-on, menacé *W • on les avoit vus enfemble töut le jour en Dombesj &I>0„ ne doutoitpas que «enefor pOUr s'v réfugier. CeSP foup! ^feCOnVert^oienre»^itudepat at capabie des plus grands cimes. MaIS tous ces propos n'étoient fondesque fur des conjedtures, qui nV KSeC^deS,Mr^sde,a^ ™irf£ ' de rotatie Pi* avoit fut un vojage a Dombes,, il ne J en fuivoit pas qu'il eut alfaffinéSevos. peu toe, On fcait que, quoicme h tombes appajrtmt alors a un Princequi  Hifloire de Frillet. 11 y avoit tous les droits de la., fouveraineté , il s'en falloit bien cependant que, daas le fait, ce petit état joint de 1'iiï* dépendance cjui appartient1 aux états dont nous fommes environnés, qui font vraiement étrangers a la France ; & que le plus léger ligne de la volonté du Roi auroir fuffi, pour, en fauvant les apparences de la fouveraineté du Prince de Dombes, y faire arrêter& ramener dans les prifons du royaume un fujet coupable d'un crime aulli énorme. De ce que Pin avoit une mauv.nfe> réputation , étoit-ce une raifon pour lui attribuer tous les crimes qui fe commettoient dans le.canton ? Enfin, de ce' que Sèvos & lui avoient bu enfemble ïe 15 février, s'en fuivoit-il qu'il eut affaffiné Sévos ? D'ailleurs , t)ü étoit le corps de dclit ? Si Sevos avoit été adailiné, ou étoit le cadavre ? Perfonne ne 1'mdiquoit. Ne' pouvoit-il pas fe faire qu'il -aar difparufubitement, fans avoir été aifalliné ? ■ Aulli la renommée changea infenfi-blement d'objet. II y eut des gens qui dirent que ,-le jour de 1'aflaliïnat, ilsavoient remarqué , fur les vifages de Ijp familie des Vallet, un air de trouble &:■ de eonfternation, qui annoncoit quel— Avj  I i Hifloire de Frillet. quechofe ^extraordinaire. D'autfes difoient qu'ils avoient ouï dire que les Vallet étoient coupables de 1'aflaffinat : d'autres enfin en parloient^comme témoins ociilaires. Ces bruits prirenr une telle confiftance, que le rainiftère-publiccrut enfin devoir fe mettre en mouvement, pour connoitre juridiquement fi Sévos aroit été effectivement aflafimé, ;& par qui, afin depourfuivre, & de faire punir les coupables d'un crime auffi énorme. Le fieur Frilletprenant pour dénoncianon les bruits publics qui s'étoient fi fort répandus, & qui étoient tellement circonftanciés, qu'il paroifioit qu'ils ne pouvoient avoir d'autre bafe que la vérité , rendit plainte , le 19 aout 1724, fix mois après 1'afiaffinat commis. II expofa que « Sévos, après « avoir hu & mangé chez Jofeph Vallet » le famedi 19 février 1724, avoit dif» paru, depuis ce tems-la ; qu'il avoit » ouï dire qu'il avoit été alTafliné & en» terré prés 1'embouchure du fourde Ia * tuilerie de Vallet ; & qu'enfuite il » avoit été jetté dans le feu quelquetems « après, lors de la cuilfon des premiers " matériaux 5>. Sur fon requifitoire, le fieur Réyïck  Hifloire de Frillet. i ^ Juge du Pont-d'Ains, permit d'informer. Dans cetce Information on ouïc Vaudan , qui dépofa que paffant « au j> Masfalcon lanuit du i pfévrier^fur les 3» trois ou quatre heures environ avant >■> le jour, il entendit du bruit dans Ia m maifon des Vallet &c une perfonne 93 qui crioit, au fecours, miféricorde , » confejjion , je vous demande pardon; » ce qu'il entendit répéter deux ou trois 3' fois, & qu'il ouït, en mcme tems , 33 la voix de Jofeph Vallet, qui difoit j 3' point de confejfwn , il faut que tu par33 tes; ce qui 1'effraya , & Fobligea, lui 33 Vaudan, de fe cacher dans un buiffon, » d'oü il entendoit toujours frapper fur 33 celui qui crioit: & quelque tems après 33 il vit Jofeph Vallet, fa femme 8c fes 33 enfants, qui portoient un corps mort, 33 qu'ils mirent a 1'embonchure de leur » tuilerie, & le couvrirent enfuite de s> quantité de bois; & que trois ou qua3» tre jours après il s'en alla chez les 3> Vallet, fans faire femblant de rien, 33 pour voir s'il reconnoitroit 1'endroit 35 oii on 1'avoir enterré, &c qu'il s'ap33 perait que le corps n'y étoit plus; w mais qu'il a ouï dire, depuis, que 35 c'étoit celui de Jofeph Sevos , 5c que » les Vallet 1'avoient brulé le vendredi^ t? faint dans leur tuilerie ».  &f Hifloire Ie Frillet. On entendit plufieurs autres témoins qui déposèrent, les uns que . paiTantl^ vendredi-faint pres de la tuilerie desVallet, les autres, que labourant leurs terres,qui n'en étoient pas éloignées,ils avoient été faifis d'une odeur qui fbrtoit du fourneau des Vallet, qui ne pouvoit être que celle d'une chair grillée, comme fi c'eüt été dun corp/que Pon brüloit ; que Ion fentoit cette odeur a plus d'un quart de lieue; qu'elle étoit li infupöortable, que Ton ne pou- ' voit y demeurer; & qu'ils avoient été obligés de dételer leurs boeufs de lacharrue, Sc de s'en retourner, tant i'odeur étoit forte. Plufieurs autres témoins déposèrent ce qu'ils avoient ouï dire par Vaudan. Sur cette information, toute la familie des Vallet fut décrétée ; c'eft-a-dire le père , la mère-& les deux rils. L'atrocité de ce crime, dont la procédure avoit acquis une preuve qui annoncoit la conviction la plus complette fembloit autorifer la juftice a fe relacher,contre une familie aulli féroce, des régies de Thumanité qu'elle avoit li cruellement outragée; fembloit même* la difpenfer dê procurer a des accufés abominables les adouciflgments dont-  Hifloire de Frilletv if les ordonnances ont voulu tempérer la rigueur du fort des accufés ordinaires. Le procureur-fifcal fit mettre-le dé-" cret a exécution avec 1'appareil le plus ■• impofant, & avec toute la dureté qu'if put fe permettre : il envoya la brigade de la marécliaulfée de Bourg, accompagnée des domeftiques des fieurs de. Varamhon. Tous les Vallet furent en-' levés dans leur maifon , qui refta au pillage. On ne fit aucun inventaire- on 11 ctablit point de gardien. Les accufés furent conduits au chateau du Pontd'Ains,- L'ordonnance crifninelle , tit. XI, art. z i , veut que 1'on tire des cachots les prifonniers malades , & qu'ils foienc vifités par les médecins ou chirUrgiens. Cependant, quoique Vallet père eut, depuis quelques jours, une fièvre violente, qui ne le quittoit point, le fieur Frillet, procureur-fifcal, lui fit mettre, dèsqu'if rut arrivé, les fers aux pieds, & des menotes aboulous pefant plus de trente* cinq livres, & ordonna qu'on le mitau cachot. L'embarras de fes chaïnes le fic tomber \ le procureur-fifcal ne fit* que riré de cette chüte.- Philippe Vallet fut traité comme fon père : on le chargea defersauifipefants,.  té Hifloire de Frillet. Si il fut rais dans un cachot, dont 1'humidité lui fit perdre fufage des bras Sc des jambes. Quoiqu'il ne foit pas d'ufage de donner des fers aux femmes, on mit des menotes a Anne Poiroux, femme de Jofeph Vallet.On traitade mêmePierre Vallet, qui n'avoit pas lage de tmberté. Les menotes a boulon qu on lui mit, le ferroient fi fort, qu'on fut forcé, par les cris continuels cfue la douleur lui arrachoit, de les lui óterau bout de qumze jours. On refufoit a. Vallet père 1'eau qu'il demandoit, a grands cris, pour écaiicher la foif que lui caufoit fa fièvre; & , pour empêcher fes cris d etre entendus des paflants, onfit boucher le foupirail du cachot qui donnoit fur la rue. . L'entrée de la prifon fut refufée a ua pieux eccléfiafUque, qui vouloit donner des confolations fpirituelles aux ballet. Ceux de leurs parents ou de leurs connoiifances qui voulurent leur procurer des fecours temporels, éprouvèrent le xnême refus. Pcjur comble de tourments, Vallet père fut affailli d'un elfain de fourmis rouges qui ferelayoient,pourain(i dire, par bandes, pour le picquer & lui fucej  Hifloire de Frillet. 17 le farig. N'ayant pas 1'ufage de fes mains libre , il ne pouvoit s'en débarr'afifet. Enfin , tóut fon corps fut couvert d'une plaie univerfelle qu'on eut beaucoup de peine a guéfir, quand il fut transféré dans la conciergerie du Palais a'Dijon. Le miniftère-public remit encore le meurtre de Duplex fur le tapis. Le juge lui permit une addition d'informatioiï fur ce chef. Le grand nombre de témoins qui furent ouïs, dans cette ampliation d'information , dépofa , touchant le meurtre de Jofeph Sévos 3 paf ouï dire, 5c fur la foi feulement de la clameur publique. A 1'égard du meurtre d'Antoine Duplex , Maurice , dit la Rulne 3 qui, dans fa première dépbfitióh, en 170$ , avoit décharge Vallet, tint un langage bien différent, dans la confrontation, a eet accufé. ' II déclara « qu'il J avoit environ dix,i huit a dix-neuf ans qu'écant a boire » dans un cabaret,il entendit,a quèlques » pas de la, un homme qu'on maltraitoit dans le chemin 5 Sc qu'érant ach courudans eet éndroit, avec plufieurs n autres, il y arriva le premier, &c qu'il » trouva Jofeph Valles qui teneit fous  & Hifloire de Frilki. «BJondd y .étoient p ré/Vn ts , qiu E "ff ^//er> q«» tenoitiJ^fous - « .concmaatoa/oursde le maltrai» ter e„ difant, non^Hjaut que je *l*oheVe,S 6c qm mourut quelmis H avoit dcja dit, dans foiarécole- "f ^',JP s 9°* cette afFaire leur -tatarnvee/donnèrent de 1'argent a | (a veuve d'^W ° ^^f|herderen^re.faplainr^^ enx, & quilsendonnèrentauffiauSr " "fm' P°Llli lors procureur d'office •pouraHonpir cetre affaire rau moven" «dequoi Rayet ne ffi pas entendre les -emoinsqui auroientpu dépofer con- onW fV aV°iC de recpérir qn onf, h:nraire desefrets d'e 7o-Sg* r*lUt lorfcru'd fut arfêté & d,y «ablir un gardieh folvable , s'avifa onze purs après-, de demander qae Je ÊfieCS > beftiaux> & gMrdement de  Hifloire de Frillet. i f fout ce qui appartenoit i Jofeph Valltt. II auroit du dire qu'il- requéroit un inventaire des effets qui étoient reftés, que la jititice avoit' lailTés en proie, pendant onze jours, aux payfans avides. On doit préfumer qu'ils n'épargnèrent que ce qui ne pouvoit pas t'enter leur cupidité. II requit , entr'autres , que 1'on fit perquifition des habits de Sévosy qui feroient des pièces de convictiohv Le juge fe tranfporta le 16 feptembre dans la maifon des Vallet, aflilté de Frillet: il procédaa 1'inventaire des effets , 8c fit établic,, pour gardien , une femme nommée Marguerite Mafjurd. Frillet rendit une plainte, oü'if expofa,que, pendant les onze jours qui s'étoient écoulés entte Fenlèvement des' accufés & 1'inventaire, on avoit volé les Vallet', enfoncé un grand coffre de bois, on avoit pris leur linge, leur argent, leurs habits & leurs papiers, 8c qu'on avoit écarté, fans doute, 1'habit de Se'vos. On informa : fur cette informacion, Francoife Vallet, fceur de Jo~^ feph Vallet, fut déctétée d'ajournement perfonnel. Elle dit, dans fes réponles , qu'elle avoit fait deux paquets des hardes de Jofeph Vallet: qu'elle les cacha dans de la paille pour les mettre a 1'abr^des7  20 Hijiöire de Frillet. lts Vallet aqm die avoit dit ce qu'eJIe' «efalloicpas vendre ces hardes, mak fe» engagerpour avoir de largén ; que qu ede avoit fauvédu naufrage : qu'elle --touvert,parlefond3ll^eif quelle « ^//,/fnt dSait " atteinte &convaincued'avoir ,1e ;our» & Je lendemam de 1'emprifonnement "des /gérant faifie des clefs de " T °n ' enfoncé «n coffre dans » lequel ctoi'erit les habits, liRe-e Sz au« tres plus précieux etters des' Val/et » que Ion détaille dans la fentence. On 55 ^condanina a rendfe, *!We qüi " JlU feroij Wdiquéejes effets dont proces - verbal feroit dfeffé, avec une * ren,de de 1 *' iv. & aux dépens taxés » a 39 hv»; r Toute cette procédure, & Ies induc. t onsqmenrefultoient,n avöiërit«ourfc ^les foupcons,ni les bruitsqui impuJierira Pm Te meurtre dè fe/lfe «xculcrent jufqü'a ]a Ccur, Les témoia,  Hifloire de Frillet. 21 tvoient été récolés & confrontés aux Vallet } les accufés avoient fubi _ cinq ïnterrogatóités \ Antoine Pin avoit été décrété de prife-de-corps, & la contumace inftruite contre lui, quand il fut arrêté,dans fon régiment, par ordre du miniftre, & conduit dans la prifon de Bourg. U fut transféré dans celle du Pont-d'Ains. II fallur inftruire la procédure avec lui. 11 fut interrogé, confronté aux témoins qui le chargèrent, enfuite aux Vallet; & , dans fa confron"tation avec eux, il foutint « qu'il n'aJ5 voitpas djt, dans fon interfogatoire, » la vérité telle qu'elle étoit, paree que » Jofeph Vallet 1'avoit fouvent menacé s> que , fi jamais il levoit la langue de « la mort de Se'vos, qu'il lui en feroic » autant qua luiqu'il 1'ayoit fouvent > flatté & fait boire pour n'en rien dire; » que r'nême il lui avoit donné de 1'atf» gent. Mais qu'il alloit révéler la vé» rité, qui efi que Sevos & lui buvant » avec Jofeph Vallet chez lui, la nuit du « i 9 février 1724, environ deux heures » après minuit, Sévos étant dans le vin x reprocha a Vallet, qu'il avoit tué An». toine Duplex; que Vallet s'étant mis » en colère prit un pot d'étain qui étoit » fur la table, 8c en donna un fi grand  a-i ^ Hifloire de Frillet. „ coup a la tête de Sévos , qu'il en fut reuverfé fous la table, & fe mit a s, ener mifédcorde 3 confeffion, prene* 3, mon argent & me laijjeit la vie, Mais „ que Vallet répondit qu'il n'y avoit .„ pomt de confeffion pour lui; & qu'er» s, même teras la femme de Vallet fe „ faifit d'une grande pêle de feu dont „ elle fe mit a frapper., auffi-biea que », Pklüppe Vallet, leur autre fils, Se3, vos, en telle forte qu'ils 1'aifoinmès, rent. Que Pierre Vallet faifoit fentk „ nelie a la porte de la maifon , pour „fjavoirfiperfonne ne pafferoit: & il „ ajouta qu'après que Sévos fut mort p „ Jofeph Vtllet voulut 1'obliger de donj, ner un coup au mort, afin qu'il ne 3, put pas fervir de témoin; mais qu'il „ ne voulut pas le faire. Après quoi, „ les Vallet prirent le corps mort, 5c ?, lemportèrent prés de 1'embouchure „ de leur four, oü ils le couvrirent de y-quanrité de bois, & le laifsèrent la „ jufqua la femaine fainte qu'ils 1'en „ retirèrent pour le jetter dans leur four„ neau, pour le faire confumer; ce „ qu'il découvrir, paree que , fe trou„ vant chez les ValLt le vendredi„ faint auprèi de 1'embouchure du four, p> ü fentit une odeur infupportable, Sc  Hifloire de Frillet. 23 ,, qu'il y vit .des offements, qui étoient ceux de Sévos ». Cette dépofition, fifemblable a celle de Vaudan dans les principales circonfrances, femblqit répandre un grand jour fur cette affaire, tc ne.plus laifler de doute fur le crime des Valltc. ,Cependant ils demandèrent d'être recus a la preuve de leurs faits juftificatifs. En premier lieu , qu'on avoit vu des traces de fang fur le chevet du lit de Sévos ^fiu fes draps & a terre depuk qu'il étoit difparu, 5c qu'il avoit été .tué par Antoine Pin. En fecond Heu , que Pierre Vallet le fils , la nuit du 19 février, tems au 1'on dit que 5;. vos- avoit été tué, étoit en penfion chez unmaitre d'école a Poncin en Bugey , 5c étoit couché entre deux autres peniionnaires. Le juge n'entra point dans le détail de ces faits, & permit feuiement aux Vallet de prouver qu'Antoine Pin avoit tué Jofeph Sévos. L'enquête des Vallet étant achevée , Frillet donna fes conclufions déEnitives , oü il requit « que Jofeph Vallet „ füt condamné a être pendu, pour avoir, par des voies de fait, caufé la „ mort d''Antoine Duplex ; 5c que fa „ femme, fes fils, 5c Antoine Pin,  *4 ; Hifloire de Frillet. » accuf«5 comme lui, de 1'afTaiTmat de ?■> JoJeP.h S,évos > fufTent préalabiement „ apphques a la queftion ». Le juge, par fa -fenrence du 9 mai 17r) h" or.d°mi-a , avoir égard £ leur enquête, avant faire 5, droit defaninvement, & fans préju„ dice des indices &c preuves réfultant „ de la procédure,.ils feroienrappliqués „ a la queftion ordinaire & extraordinaire, pour avoir, par leur bouche, „ plus ample preuve de raffaffinat de Sevos ». Frillet interjetta appel a minimA de .cette fentence. Toute la procédure faire a lajufhce de Ponr-d'Ains, furporrée au greffe du Parlement de Dijon: les Vallet y furent transférés couverts d'opprobres par le préjugé que la fentence élevoit contre eux. M. le procureur-Géné«J, après avoir examiné la procédure declara qu'il fe déparroit de 1'appel i ■minimd de fon fubftitur; & demanda que la fentence fur exécurée. Le Parlemenr ne fuivic pas ces conflufions. La procédure chargeoir, fans doute?  Hifloire de Frillet. i< éoute, lej Vallet; mais elle fóitrnijfolt contre Pin des indices inquiétants! La mauvaife réputation de eet homme, fa faite dans un afyle d'oü il auroit eu le tems de s evader, pendant les demarches qu'il auroit fallu faire, pour 1> Wr; la précaution qu'il avoit prife de le procurerune fauve-garde , en s'engageant dans les troupes du Roi ; tous ces morifs firent croire a cette Cour que la juftice avoit befoin de plus grand-s éclairciifemcnts. Pour les obtemr, il fut otdonné, par arrct du j8 jtun i72j, que les Vallet & Antoine Pm leroieut interrogés féparement fut la ïellette , & enfuite confrontés les uns aux autres, j Cette précaution ne donna pas eet ■y*u uc mmiere que 1 on avoit efpéré • mais elle multiplia les indices cóiitré Pin, au point que 1'on crut qu'il falJoic s attacher a lui. Par arrêt du z6 juin il fut ordonné « qu'avant de procéder au „ jugement définitif du procés fans „ préjudice des indices & preuves en „ relultaut, qui demeureroient réfer„ vees en leur entier, Antoine Pin fe„ roit appliqué a la queftion en nré>, fence des commilTaires que la Ccur „ deputeroit, pour avoir, par fa bou- ±5  26 Hifloire de Frillet. „ che, la yérité du crime d'aifaiïlnat de Jofeph Sévos , &c révélation de fes complices ». Un accufé d'un crime étranger a celui-ci, qui venoit de fubir la queftion , & qui n'avoit rien avoué, propofa fon exemple a Antoine Pin , &c lui per-» fuada que, s'il avoit la force de 1'imLter, il fauveroit fa vie. En effet, quand un accufé n'a rien avoué dans la queftion, fous la réferve des preuves, il ne peut plus être condaniné a mort: mais fuwant le mérite des preuves qui font réfervées, on le condamne a une peine afflidtive , plus ou moms grande. II arrivé fouyenr qu'il eft renvoyé fur un plus amplement in^formé. Telle eft la difrérence entre cette queftion & celle qui n'eft pas fous la rnême réferve. Par la dernière, 1'accufé eft renvoyé abfous de 1'accufation lorfqu'il n'a rien avoué, Antoine Pin, qui étoit d'une complexion robufte, frappé de 1'exemple récent qu'il avoit devant les yeux, loin de parler dans Ia queftion a la décharge des Vallet, ajouta qu'il avoit recu une piftole de Jofeph Vallet, afin qu'il lui amenat Jofeph Sévos, que celui-ci avoit le deffein d'afiTalliner.  Hifloire deFrilleL if Après une telle déclaration , qui complettoit la preuve acquife contreles Vallet, ils n'avoient plus d'autre fort & attendre, que le dernier fupplice. Mais, par une de ces révolutions qu'opèrent fouvent les remords de la confcience, la vérité commenca enfin i fe faire jour. Antoine Pin fut a peine détaché des liens de la queftion, que le poids de fa confcience qui Paccabloit, le fang de Sévos qu'il avoit répandu, celui des Val let qu'il alloit répandre, Sc qui élevèrent alors un grand cri, 1'obligèrenc a demander que M. Gui ie Vormes , rapporteur du procés, fe tranfportat dans la prifon pour recevoir fa déclaration.' Ce magiftrat s'y étant rendu avec fon grefEer, Antoine Pin rétraóta tout ce qu'il avoit dit dans tous les tems contre les Vallet, il les déclara innocents, &C s'avoua feul coupable de raifaflinat de ■ Jofeph Sévos, i il y eut arrct le lendemain, 3 juiller,1 1 « qui déclara Antoine Pin, atteint Sc ', s, convaincu de ralfaffinat commis ere : la perfonne de Jofeph Sévos; pouc i „ réparation, le condamna a avoir, pat i „ 1'exécuteur de la haute-juftice , les bras , jambes^ cuiftes, 8c reins rompus B "  Hifloire de Frillet. p & brifés fur un cchaffaut qui fetoh p drelfé au camp de Monrimont de p c£fte yiiie , fon corps mis fur une p roue, la face contre le ciej, pour y p demeurer jufqu a la mort : le con„ damne en une amende de 50 liv. p enyers le feigneur de Pont-d'Ains, 5c en 100 liy. d'aumóne qui feront p remifes entre les mains du cu.ré de la p paroiiTedePriay, pour êrre employees p a prier Dieet pour le repos de 1'ame p de Sévos j & le furphis des biens p d-Antoine Pin demeureroient acquis, 5, Scconfifqués au proüt de qui il appar-r p tiendra,li confifcarion avoit lieu. f Et en ce qui coocerne Jofeph Vali} let Antoinette Poiroux fa femme , p Philippe & Pierre Vallet leurs enp faats , ordonne qu'il fera furfis de ?, procéder au jugement de leur procés, p jufqu après le teftamenr de mort d'An- Cet arrêt lui fut a peine prononcé, Cju'i fa priere le Commiflaire de la (2qüï fe tranfporta dans la prifon pour ' jreceyoir fon reftament de mort. Voici fe qu'il déclara dans cet acte . fur les f kcpnftances de la mort de Sévos. II dit Éjne |e 19 Février 1724 , « étant alle ^ chez Jofeph Vallet ^ il y trouva 7o-  ffifioire de Frillet; i Sévos 1'ayant quitté pour aller che7i » la Flory , il alla 1'y trouver,-& qu'ils » burent encore enfemble chez elle 9> jufqu'a neuf heures du foir j de-la i ij qu'ils allèrent chez Claude Dumoulin ^ » ou ils burent encore jufqu'a minuit j w & oü.Sevojlui ayant fait voir environ » quarante écus d'argent qu'il avoit, il » concut le deffein de l'alïafliner; & que 95 pour y parvenir , il accompagna Sé: os »3 jufques chez lui, ou étant entré, il lui jj dit qu'il falloit manger enfemble une j3 fricalfée ; mais , comme ils n'avoient 93 ni pain , ni plat , il fut en chercher * chez Mlchel Morel, qui lui fit donnet 931'un & 1'autre par fa fervante : que » revenant de - la , il paffa prés de la j-3 maifon de fon père , & qu'étant en- tré dans 1'écurie , il y prit une ferpe 93 qu'il cacha fous fon habit, pour tuer »3 Sévos; qu'étant retourné joindre Sé? 35 vos qui 1'attendoit, aulieu de manger 33 la fricalfée , il lui dit qu'il étoit tems >3 de fe coucher , & 1'invita de coucher 33 avec lui. 33 Que Sévos s'étant mis dans la dif35 pofition de fe coucher, & pret a fe 35 mettre au lit , il lui donna un coup«j de ferpe fur la tête , dont il tomba B iij  3 O Hifloire de Frillet * Par terre en criant, aA mon Dieu , je tojui* mort ! Que le fang avoit reiailli * lur une beface, fur le lit & £ terre , « & qu'enfuite il avoir pris du fon pour >3 le couvrir. » II ajouta que le Charelain de Va«rambon étant venu quelque tems » aPrès dans la maifon de Sévos, on y, « vit encore les traces du fang, & qn'i[ s». y eut quelques-uns de ceux qui 1'acs> compagnoient qui reconnurent que: " Ia beface enfanglantée lui appartenoiti » a lui Pin. » II déclara qu'il étoit feul quand il] 3. aiTaffina Sévos. Qu'après 1'avoir alTaf» fine , il le cacha dans fon écurie fous; » du fumier; qu'enfuite il alla en Dom- ■ » bes pendantquatre ou cinq jours, d'oü i 93 étant revenu , il avoua fon crime ai %Picrre Pin fon frère, qui, ayant pi-» né de lui, lui aida enfuite a porter lei s' corps mort de Sévos dans un endroit: » que 1'on nomme Ie Biffet, autrement: 33 dit le BeJJier, oü ils Tavoient enterré., „ II ajouta que les Vallet , qu'il. » avoit chargés de 1'afTallinat de Sévos, » en étoient trés - innocens , & que « comme il étoit pret de paroitredevant 33 Dieu , il le prioit de lui faire mifcri« corde, fe repentant de les avoir injuf-  Hijioire de Frillet. _ J ï » tem ent accufés j & qu'il feroit bien „ malheureux , fi, par fa calomnie , ils étoient punis comme des coupables ». On lui demanda enfuite pour quelle caufe il avoit donc chargé les Vallet de 1'aiTaffinat de Sévos, dont il s'avouoit le feul coupable ? II répondit « que , „ dès qu'il fut en prifon au Pont d'Ains, « il concut ledeflein d'avouer qu'il étoit » feul 1'auteur de cet aflaflinat ; mais 53 que le geolier des prifons lui difoit j. fouvent que les Vallet le chargeroient 3, dans leurs réponfes , & qu'il feroit ,3 bien de les charger aufli, & de fou» tenirque c'étoient eux qui avoient tué ,3 Sévos >3. Enfin Pin ajouta que le nommé Vaudan , qui avoit fervi de témoin auffibien que lui contre les Vallet, étoit un frippon , qu'il avoit dépofé faux contr'eux ; qu'il avoit recu de l'argent pour dépofev , & que , s'il ctók pris , il en embarralTeroit beaucoup d'autres. Le moment du fupplice d'Antoine Pin étant arrivé , il demanda , avant que de fortir de la prifon , qu'il lui fut permis de faire une réparation publique aux Vallet. Ils parurent j il fe jetta a leurs genoux, les embralfa, les arrofa B iv  ip Hifloire de Frillet. ^érrileurimaoJneé e"en'tOIt davoIr Jofiph Sevos cachc i Pabri d*Un Kuif! r'r? fe IpecTareur de ce crime £^ rjLisrent ï,- f5™ c? hors de cour , ij avoir e» -drfcrénondedire^a'ns * £ rer, que s'iï avoir été affiW ;i ï PhiJippe \ ailet ne faivic de nouveau cette affane^ que sévos m Comp£ 2 kP-uve cue Jon n'avoit pu ac^I f * Pric' desce moment, fa réfa- uaonde^défairedWtémomnïit initruir L argent qu'il avoit vu dans 'a pocJiede.W,le détennina enfin 1 executer, Ce jour H 1« ■ -t Antoine Pin fon\Ue\a prifon : dans p ice T ° °" le-«an ^ p ice il marquou toutesfes démarches par deS> effets de fon repentir. IJ e' eroituniquementoccupé. IIdéclara,e«  Hifloire de Frillet, 33 préfence du greffier de la Cour , qu'il itoerfiftoit a ce qu'il avoit dit dans fon teftament de mort. Attaché fur la roue , les os brifés &- la face tournet vers le ciel , le peuple 1'entendit proférer ces. dernieres paroles: Seigneur3 pardonhe^ moi mon faux témoignage , les Vallet font innocens. Je votts dgmande , Seigneur, vengeance de leur jan g , s'il ejï répandu. Que l'on tirrête Antoine Vaudan ; c'ejl un faux témoin, il déclarera qui lui a donné tar gent pour faire une fauffe dépojïtion. II expira dans ces fentiments. La Cour ordonna le lendemain 4 juillet « qu'il feroit inceflammenc pro„ cédé a la recherche du cadavre de Jo„feph Sévos dansl'endroitindiqué danS ,, le teflament de mort d'Antoine Pin , en préfence de M. Flutelat , qui fe tranfporteroit a cet efFet furies tieuxj 3, que Pierre Pin & Antoine Vaudan fcroien: pris au corps , & conduits? ,, dans les prifons delaCour, pour être procédé contr'eux afnfi qu'il appar-3) tiendroit. Qae l'inforiiiation com,, mencée en la juftice du Pont d'Ains,: „ aufüjetde 1'aflalnnat de Jofeph Sévos f „ feroit continuce , mêrne par voie d& monitoire , parM. Flutelat, qiüpoa*jB v  34, Hifloire de Frillet. „ roit decejrner tous deerers, & proc»„ der a routes autres inftructions ; avec „ mjonction au grefiïer en la juftice dS „ Pont d'Ains & Varambon, de repré„ ienter au fieur commifiaire tenues "les „ minutes de la procédure dont il feroir « requis, norammenc du procés-verbal n de vifite faire en la maifon de Jofeph 3, Aevos, lors^de 1'ouverture d'icelle Desqael'Arrcc de la Cour fur reudu le commiflaire député, affifté dun iubfhtut de M. le Procureur Général ie tranfporta fur les lieux. D'abord 1 on arreta Pierre Pin öc Antoine Vaudan : on conduifit les deux prifonniers a Ambournay. On fe rappelle ce Clatuk Maurice qui, a \ occafion de la mort de Duplex avoit rait , en différents tems , deux: depofinons fi conrraïres. Ce meme Maurue vint voir Vaudan ï la chambre ou il eroit avec les archers. II ki dit a 1'oreilie , de ne pas fe démenrk ; il Jui promir que 1'argenr ne lui manqueroic point, & le munit conrre la crainre qu'on pouvoir lui infpirer. Antoine Toratos, oncle de Vaudan , vint fortifier ies imprelïïons qu on lui avoir données confirma les proroefles qu'on lui avoit Jaites pour 1'affennir dans la réfolution  Hifloire de Frillet. 3 ^ qu'on lui avoit infpirée. Vaudan 8c l terre Fin furent interrogés le même jour. Fin nia d'avoir aucune part a 1'affaflinat de Jofeph 5cvoi.Il ne chargea ïtsVallet que par les ouï dire qui les avoient chargés dès lescommencemens. A l'égard de ^Vaudan , il avoit extrêmement chargé les Vallet dans fa dépofuion : il y perfifta d'abord , mais fa confcience venant au fecours de la vérité , il avoua , fans qu'on Pinterrogear la-deffus, qu'il avoit fait un vol domeftique de trois bccufs 8c d'un poulain a Antoine Valencel, chez qui il demeuroit en qualité de valet. Cet accufé, qui s'étoit découvert , preffé de dire la vérité touchant les Vallet , convint que ce qu'il avoit dit étoit faux, qu'il avoit bien palfé la nuit du 19 Février 1724 , devant leur tuilerie , mais qu'il n'avoit point entendu crier Jofeph Sévos j qu'il ne le leur avoit point vu porter a 1'embouchure de leur fourneau, que s'il avoit dépofé ces circonftances , c'eft paree qu'on lui avoit infpiré cette dépofuion contre Jofeph Vallet 8c fa familie. Le commilTaire fit enfuite procéder a la recherche du cadavre de Jofeph Sévos •, mais toute fon exaétitude fut inutile. 11 femble qu'on pouvoit révoquer B vi  3^ Hifloire de Frillet. «idoutele teftament de mort l*Al* lome Pm, puifqu'iine dépofition faulTe dans une circonftance importante eft prcfiimeefaufle dans fon intégrité. Cependant c eft cette dépofition qui ach*, va Ia preuve dans 1 efprit des juges, Nauroit-onpas du fufpendre le iUae. ment tAnointPin, afin des en éclaircir aupatavant fur le lieu oi il difoü quelecadavre avoit été entetré? Ca. cetoit-la e corps du délit. Cette vore nauroit-elle pas. été plus süre ? Peuton prendre trop de foin pour cherche* ia vente , dans le tems fur-tout qu'elle federobeauxregardsdujugePMais on fent malgré cette objection , que cejugement-H étoit très-équitable & cette verité fe découvrira encore rhi'eu* dans la fuite.. Le commiifaire examinala procédure W en lajulhce de Pont d'Ains : on 7 trouva ces motifaux témoin & voleur domefl " c'1ue > fei"oit , par 1'exccureur de li » haute-juftice , conduit le mêrne jour » au champ de Montrimont, pour y h «re pen du , &c. le condamne en j 0 0 » hvres d amende envers le feigneur. *> Ordonne néanmoins qu'avant 1'exé. » cution, Vaudan feroit prcalablemenc « apphqué k la queftion , pour avoir par *> fa bouche plus ample connoilfance de « ceux qui ont participé l fon faux tc■» moisjnaee •>. T > A A L Arrer de mort prcmoncé a Vaudan ; « rut apphqué a ia queftion , il ne die nen de plus. A la potence, il déckira qu'il perfévéroirdans fa rétrachtlon : if fit une fatisfacfion publiqué aux Vallet. Xouscesévénen>ents conduifoien: foJ  Hifloire de Frillet. 4Ï ïenfïblementa la juftif cation entière SC Juridique des Vallet, Ils demandèrent leur abfoiution avec dommages & intéréts contre Maurice^it réfefvant d'en demander de plus amples contre les autres $émoins corrompus & leurs tomplices* Avant qu'on répondit cette rtquête 9' intervint arrêt le 12 Ocloore 1725 , par lequel « la Cour ordonna que , fans jj préjudice des preuves réfultant du >j procés, Claude Maurice , dit la Euiney » accufé de faux témoignage & fubor» nation , feroit appliqué a la queftion » en préfence des commiffaires que la » Chambre députeroit , pour avoir , » par fa bouche , plus amples preuves » des cas a lui imputés , &c le procès» verbal de torture repréfenté, y être » pourvu ainfï qu'il appartiendra ». Maurice fut appliqué a la queftion le même jour. II déclara que Frillet 1'avoit engagé a dépofer contre les Vallet j cox Antoine Thoriilon , oncle de Vaudan , * en conféquence, fai»fant droir fur i'appellation interfet>> ree de ladire fentence par les rit " ^Ann& Puroux, a mis & met icelle  Hifloire de Frillet. 43 3, & ce donEeft appel au néant, & par nouveau jugement a renvoyé les Val~ j, let & Poiroux de 1'accufation contre„ eux formée, tanr au fniet de Paffaf* „ fin at de Jofeph Sévos que d'homicide „ cV Antoine Duplex. Et, ayant aucunement égard a la „ requête de Jofeph Vallet r Anne Poi„ roux & leurs enfans,du 11 dud. mois J5 d'octobre, condamne Maurice & leur payer, pour dommages & intéréts 3. j, la fomme de 500 livres , fauf a eux , ^fuivant la ré/erve contenue en leur requéte , de pourfuivre une plus ample adjudication de dommages & intéréts „ contre qui il appaniendra , même la „ folidité de ceux-ciadjugés i &ferafur„ lis de pourvoir en ce qui concerne les „ autres accufés après le teftament de „ mort de Maurice , dit la Ruine „. Ainfi les Vallet recouvrerent enfin leurliberté; & commencèrent a refpirer après avoir gémi fous le poids oe - la perfécution la plus cruelle , & une des plus étonnantes dont les faftes de la juftice falfent mention. Mais quel étoit le telfort fecret qui avoit fait agir toute cette machine de férocité ? C'eft ee que la prudence du parlement dft Dijon va découvrir.  .^olre de'Frillet. Maurice , A.m- r „ ^ort , .perfévér;i c CfZttie^ contrè F^f^S^^f fuborné • IrL^ ^f^^vé les marqués d>„„ f ' ■ } d'iceux feront choifis des féqueftres ; sj Sc qu'icenx Frillet , Mallet, Thorjl* » Ion, feront" affignés k la forme de 1'or» donnance. » Enjoint k 1'huiflier porteur de 1'ar-» s> pet, de faire faire ouverture des por-* *> tes des maifons , chateaux & tous s> autres lieux pü ils pourroient s'être >j retirés , pour les y arrêter Sc conduite w enfuite aux prifons ; lui permet , a; 3} cet eflét , de fe faire affifter de tels j.3 fetruriers Sc nombre d'archers qu'il 3.3 jugera lui être néceffaires. 33 Octroie aóte k notre procureur-gé* *> néral de 1'appel par lui émis de la fen» is tence rendue le 28 janvier 1706 , fur v la procédure faite au fujet du préten^ 3? du homicide & Antoine Duplex , par v laquelle fentence Jofeph Vallet , Pier* i> re & Philibert Blondel renvoyés de sj ladite accufation , ont été condamnés s> aux dépens de ladite fentence, fomit mairement taxés a 43 1. faifantdroit w fur ladite appellation , a. mis Sc mee m icelle Sc ce dont eft appel au néant ; » Sc par nouveau jugement, ordonne aux tj officiers de la juftice de Pont-d'Ains, w ou k leurs héritiers, de rendre auxdits ^ Vallet Sc Blondel, ce qu'ils ont exigé  4* Hifloire de Frillet » deux pour les frais , & tons autref *» que lefdirs ^a//„ & ■ ftlfig_ » ronr leur avoir payés. *>delWAins,&atouS autres offi- * "ers de i^ice feigneuriafe de con~ » damnet aux dépens les accufés ren» voyes dennitivemenr, ni même en * aucu" .ftre ca* que ce puiffe être ■< » quand ds n'anront pour partje cue lê «procureur d'office :. ordonne que le » prefent arret & ceux des * , 11 Sc 11 * du mois d'octobre feroient lus & pul - blies au-devant de 1'églife & i 1'imie » de la meffe paroiffiale de Priay, ensemble de la procfiaine tenue de la juftice des lieux. » Et que la copie de la céduie écrite » de Ia mam de Frillet , Sc fignifiée de » la part de Maurice, dit ia ïuine, au " ™K. t Pmy ' deme«reroit au greffe » de k.Cour pour fervir & valoir a « qui il appartiendroit w, Pour comprendre certe derniere difpofirion,ilffltfcavoir que Maurice , qui ctoitunhomme violent, avoir dit des in;ures atroces au ouré de Priay qui en fit informer. Maurice , craignant 1 «^nement de ce procés, gagna le procureur-fifcal , qui négligea de faire fon  Hifloire de Frillet. 47 deyoir. Le curé lui fit une fommation qui ne fit aucun effen : loin .le conclure contre Maurice a il arrêta le cours de la procédure. On voit pourquoi ce témoin lui avoit vendu fa foi. Frillet n'eut pas plutót appris qu'il étoit décrété , qu'il chercha fon falut dans la fuite. Ilemmena avec lui Jofeph Mallet Sc Antoine Thorillon, qui avoient eu le mème fort. 11 fe réfugia avec eux en Savoye } oü ils demeurèrent cachés dans un couvent de religieux. Les Vallet préfentèrent leur requête a la Cour. Après a'voir fait une vive peinture de tous les maux qu'ils avoient foufferts, ils demandèrent, dans leurs conclufions, que Frillet 3 Mallet Sc Thorillon futfent condamnés folidairement par routes voies , même par corps, enveis eux en 10000 livres de dommages ëc intéréts , Sc aux 500 livres qu'ils avoient obtenues contre Maurice 3 dit la Ruine. Voici un nouvel événement qui met le comble a tout le metveilleux que 1'on peut avoir rrouvé jufqu'ici dans cette affaire. Pierre Vallet étant un jour dans la ville de Bourg , rencontre un hornme qui fixe fon attention. 11 n'en croit pas fes yeux j il s'arrête, le confi-  $ , Hifloire de Frillet. lui narlpr A ' iansPouvoir: 5 paUer, donue rous Jes fiïaes j., l eronnemenr & de Peftoi N f je fins vraiment Jofeph Sévos • Imi 1* ' me faues poi„r de tort O ' Pas cm L ,ff v nauroit ljnTolne%f^ [^ la confeffion précéd^ v * UC ce avoit precede Sc aecompagaé fon /bpplice Cjue Sevos avoit été tué > PierJp-;, ' ferendit e* ^yi^^ connut. 5 le re~ efpérèrent 1ne 1,exi^„ce latefllar",COnftatée d0««etoit un nojvel edat a leur innocence II, éWrearnté dU ^ Lcï °"lls.de«a»dèrent que de fon abfence par & lie Pn * être  Hifloire de Frillet. 49 être parvenu jufqu'a lui. La curiofiré 1'avoit du obliger d'être continuellement a 1'arTut d'un procés dont il étoit le principal fujet. Sur Ia réquifition de M. le procureur-Général, on ordonna , le 4 janvier 1750, que Ie lieurenantcriminel procéderoit pour confrater l'exiftence de Sévos. Ses réponfes , pleines de contradiction & de déguifement , iirent juger a la Cour qu'elle devoit approfondir les myftères d'iniquité qu'elles renfermoienr. Elle ordonna le 1.3 mars fuivant que Scvos feroit conduit dans la prifon de la conciergerie , pour êtte procédé a une plus ample inftruclion de la connoilfance de fon exiftence , & du fait dont il s'agilfoit. Sevos transféré a la conciergerie , & interrogé par le commilfaire de la Cour, s'enveloppa encore dans des réponfes obfcnres , entortillées : cela dcma lieu de le dccréter de prife-de corps. Interrogé une feconde fois, il accura un inconnu de fubornation. Sur le fignalement qu'il en donna, on arrêra le fieur Marnes, agent des feigneurs deVarambon. Jofeph Sévos ayant depuis été inrerrocé fur la felette . avoua nne. rlrme Hes premières réponfes , il n'avoit pas fvme. XI. C  5 O Hifloire de Frillet. dit la vérité ; paree qu'un nommé Naur* roi, avec qui il avoit couché pendant fix femaines dans la prifon de Bourg , lui avoit perfuadé qu'il ne devoit convenir de rien , qu'on n'étoit pas en état de prouver le contraire de ce qu'il diroit j que les innocents étoient fauvés, 6 qu'il étoit inutile d'impliquer perfonne, de nouveau, dans cette mal-, heureufe affaire. Dans ce fyitême , ayant comrnencé a s'écarter de la vérité, il avoit continué de mentir. Voicl enfin coinment il éclaircit des événements qui , jufqu'ici , ont dü paroitre incroyables. Après avoir raconté la manière dont il avoit paffé la journée du famedi i 9 février 1724, avec Antoine Pin , &C rapporté les mêmes détails que celuici avoit coufignés dans fon teftament de mort , il ajouta qu'après avoir recu le coup de ferpe , & crié : je fuis mort, il ne fit plus aucun mouvement, & eut le bonheur de faire croire a fon meur-, trier qu'il étoit effecfivement tué. Pin lui.prit quarante écus qu'il avoit dans fa poche •, &: le croyant mort, il fe retira. Lorfqu'il fut parti, Sévos , dont la bleflure n'étoit point mortelle , alla fermer la porte. Ayant bien répandu  Hifloire de Frillet. ^ \ du fang , pendant la nuit , dès qu'il fut jout, il ét,uva & panfa fa plaie le mieux qu'il put. La craiute qu'il avoit de rencontret fon affaffin, le détermina a refter feul enfermé chez lui , le dimanche & le lundi fuivant. Le mardi, il alla a. Varambon , pour rendre fa plainte a Frillet. .11 racprita toutes les circonftances de 1'aifaffinat, & n'oublia pas le vol qui lui avoit été fait. Frillet, après 1'avoit écouté bien attentivement; après avoir réfléchi quelques moments , lui confeilla de ne point faire de pourfuites. « Que feras-ru a Pin , lui dit-il ? » c'eft un miférable qui n'a rien. Si tu » le rencontre quelqtte par(c, tu fcais de » quoi il eft capable, il te tuera. Va-t» en tant que terre te portera». Mais il y a apparence que Frillet ne fe borna pas aux confeils , & que, de concert avec les ennemis des .Vallet, avec ceux auxquels le fuccès de leur tuilerie donnoit de la jaloufie , il donna une fomme a Sévost pour le détenninera jjuitter fon bien & fa profeflion. On yoit préfentement pourquoi ce procureur-fifcal , inftruic a fond de 1'hiftoire de cet affaffinat, ne requit pas fur le champ, un tranfport juridique dans la maifon dc Séyos. On y auroit  j 2 Hifloire de Frillet. trpuvé Ia ferpe enfanglantée, on y auroit trouvé le fang répandu fur le lit, Sc fur-rout fur la beface qu'on auroit pu reconnoitre pour être celle de Pin. Ces indices, joints a la prévention générale ou Pon étoit contte Antoint Pin , auroient forcé Frillet de diriger la procédure contre lui, Sc de laifler de cöté les Vallet, dont il avoit juré Ja perte. II laiffa donc a la prévenrion dont le peuple avoit été faih d'abord , le rems de s'amorrir , Sc de faire place a celle qu'il feut infinuer par fes émiffaires contre les Vallet. Ces manoeuvres exigèrent 1'efpace de fix mois qu'il 'laiffa écouler dans une inaétion apparente fur un crime aufli atroce, Sc qui fit tant de brnit dans le canton. II ne fe détermina a rendre fa plamte, le 15; aour, que paree qu'il crut alors que les efprirs proient bien difpofés pour enrrer dans fes vues , Sc que les témoins qu'il avoir préparés , ferviroient fa pafïion , comme on a vu qu'ils Pont fait. Aufli voit - on que , pour mettre ces témoins a pertee de charger , les Vallet a leur aife , Sc fans monrrer de partiaiiré , c;étoit contt'eux qu'il Pavpit rédigée} par les faits qui y étoient anicuiés.  Hifloire de Frillet. ^ 3 Quoi qu'il en foit, 1'exiftence de Sévos ne fut pas plutöt conftatée , que Frillet penfa a. en tirer parti. 11 fit préfenter, par Jofeph Pin , frère d' Antoine Pin , qui avoit été condamné a expirer fur la roue, & qui avoit fubi ce fupplice , une requête au confeil d'état du Roi. II demanda qu'il plut a Sa Majefté ordonner « que la mémoire » d''Antoine Pin fon frère feroit rétablie » en fa bonne renommée j comme n avant la condamnation portée en »1'arrêt du parlement du 3 juillet » 1725 , &l'exécution d'icelui, lequel » feroit Sc demeureroit comme nul, as & non-avenu j en conféquence, que » Jofeph Pin feroit envoyé en poflef» fion des biens qu'avoit Antoine Pin ; » & , pour plus grande marqué d'au« thenticité du rétablilTement de la >t mémoire d'Antoine Pin , ordonner » qu'il lui feroit accordé des Iettres pair tentes qui feroient enregiftrées au V parlement de Dijon , 8c en la juftrce » du marquifat de Varambon , dont fe» roit fait mention en marge dudit ar» rêt , lefquelles feroient imprimces »> & afïïchées , tant en la ville de Di' » jon, que fur les lieux &c aux por« tes des églifes de Priay Sc autres du Ciij  ?4 Hifloire de Frillet. « voxfinage ». Cette requête fut préWp„ e mmiftèredelavocatque j^enmloyoitordinairemenr; d'oti En conféquence de cette requête , il y_eutarret .duconfeil Je 4 feptemore / o,parJequel.SaMajeftéordonna »q«e dans un mois, pour tour dé« a Je greffier du parlement feroit tenu denvoyer au grefFe du confeii »f Procfdures, charges 8c informa» lons , fur Iefquelles étoit intervehd >> !7z7>, 1 Pal'iement d« 3 juillet Quand Ia procédure du parlement de^on fut au greffe du confeii , irtlke, pour preyehir les efprits contre Hf ' ^/'"Pnmer ce jugement, dul avoit condanrncdlaroueun homme pour en avoir tué un autre , qui étoit p em^vie; eVpar !a ge y avoit urggcrce d Jöfe h Pin , il efPérou fe rrayer une voie pódr préfenter a requere en caflation de 1'arrêt qui 1 avoit decrete. Voici les raifonnemens qu ii mit au jour contre cet arrêr ■ H fa lieu' , dit-il, d'être frapné d'étonnementaln vue de I'aéte qui juftifielexiftence de Jofeph Sévos , & dg  Hifloire de Frillet. ? ? 1'arrêt da parlement de Dijou qui a condamné Anto'ne Pink la roue , comme atreinr & convairicü de 1'avoir tue , fous prétexte quil a déclaré qu'il avoit commis ce meurtre , après avoir foutenu , même k la torture , qu'il n'étoit point Pauteur de cette mort fuppofée. II raconte enfuite toute Phiftoire du procés, ayant grand foin d'en fupprimer les circonftancës qui parloient contre lui. II paffe a fes moyens de caffarion , & ptétend qu'étant décrété de prife - de - corps fur les procédures faites contre Antoine Pin , Vaudan &C Maurice , toutes les nullités &c contraventions qui fe rencontrent dans cette procédure peuvent être propofées de fa part ; puifq'dé , par Pévenement , on, les a fait rejaillir contre lui perfonnellement. Frillet prétend que le parlement n'étant faili que de 1'appel d'une fentence interlocutoire , ne pouvoit retenir l'inftrücttóri du procés , fuivant Partiele V du titre XXVI de 1'ordonnance de 1670, qui porte expreffément que les proces criminels s pendans devant lesjuges des lieux , ne pourront être e'voque's par les Cours 3fi ce nejl qu'elles connótjfeni , après avoir vu 'les C iv  *ƒ Hifioire de Frillet. charges t que la matière eft legére a & ne «crue une plus amplé infirullL j auauel l'sjuger fa le champ j Fanii ƒ • Sel™^/e,, Ie parlement de Dijon ne pouvoit prononcer que Je bien' £ Jemaljugéde 1 WrloLo re , t ixroyer n^io" - /'* On répond qu'il s>agilroit Je p - ie ^ir;nce qm av,oit ord°nné les Vallet feroienr appliqués a Ja queftion ordina rp ^/ «„.iLL- • ] . referve des preuves. Or une telle fen- ^«eftuneefpecedejagementdéfinmf paree qu'elle déclare les accufés coupables. Cette peine , fuivant 1'ordomiancecnminelle, article XIII, titre XX7 , eft plus févère que les galères perpemelles quiemporrent mortciviJe • auuï on 1'appelle indicium mortis , un indicede mort. D'aiUciw Ie parlement qui voyoit dans Ia procédure\ les prévancanons de Frill» , ne devoit pas lui renvoyer 1'mftruaion. F Le fecona moyen de fonde fut ce au'Antoine Pin % n'ayant nfn avoue dia queftion ,a été condamne a la mort. L'ordonnance, artideXI, titre XIX,  Hifloire de Frillet. 5 J porte que l'accufc condamné a la queftion , (y qui l'aura foufferte fans rien evouer, ne puiffe être condamnï a mort, jt ce riefi qu'il furvienne de nouvelles preuves. La déclaration qu'il a faite eufuite, ne peut pas ètre regardée comme une nouvelle preuve : Nerno auditur pe rire volens, on n'écoute pas un accufé qui veut périr, On répond que la déclaration A'Antoine Pin , qu'il fit au moment qu'if fut détaché de la torture , eft regardée comme étant faite a la queftion : puifqu'elle eftcomprife dans les confetfions que fait 1'accufé , lorfqu'ctant tiré de Ia queftion , on lui demande s'd perfifte dans ce qu'il a dit dans la queftion. La maxime qui veut que la confeflïqu d'un accufé qui veut périr ne foic pas admife , eft vraie , lorfqu'il n'y a pas d'autres preuves de fon crime dans le procés : car , s'il y en a , cette confeffion perfectionne la preu ve.Aufïï voyonsnous que, dans une accufation , 1'interrogatoire d'un accufé eft d'un grand ufage. Le troifieme moyen de caftation eft fondé fur une prétendue contrariété d'arrcts du parlement de Dijon \ Paft, qui, ayant condamné Antoine Pin a la C v  5» Hifloire de Frillet. xoue, ordonna qu'il feroit fmGs ^ . Fallet fl femme & leurs enfans ,jut qnapres Je teftament de mort dW «"« /»«; 1 autre arrêt du 4 juillet P« lequel le parlement prk ie Ërti , "'aavre de JoJ'e,jh Sévos. Jnllet ait qu'il y. a un contrafte èj£ tre cesd «rets paree que le fecond rl ?as °rdonne de nouveau qu'il fe^furfis au jugemenr du piés des On répond que ces arrets ne fe continent point „p-uifqu'ils n'ont poiiVt lememe ob,et, comme on le voir. 1 cSard de Ia furféance du i„Be, ment aPrès le teftamenr de mort la' rur" a Pas dn , ïmméiiatwent après teftamenr; de mort ■ ainfi il n'a pas «e ncceuaire qu'elle prononcat une prolongatiou de la furféance. efl fLf r"^6 m°yen de cafl"a"°« efl:ionde fur ce que M. Flutdot com- rofTarabufé' dit™«,du,po«- J/We Elle ne 1'autonfoit que dans la vue de pourfuivre les complices de la mort de Sévos. U devoit lai/fer panemeut a délibérer fur ce qui vn\r c r ----- '^livuu qua ieroit iurfis au mtr»mo„f J.. _._J v , Vallet '"ö." uu P1Qces des  Hifloire de Frillet. ^ 9 pcmvoit rcfulter des nouvelies informations contre Maurice \ Sc au procureuriënéral , futvant 1'ordonnance 3 ritre III , africfe VIII, a former 1'accufation du prétendu faux témoignage. II a fait une procédure vicieufe , quandil adé» crété pour un autre genre de crime , que celui qui étoit Pobjet de facommiilion. On répond qu'il n'a point palfé les bornes. Maurice. a été décrété comme accufé de faux témoignage dans une procédure fur le prétendu homicide de Duplex , joinre a celle qui regardoit Sévos , Sc qui éroir Pobjet de la commiffion. II a été décrété a la requête du fubftitut de M. le procureur-général qui affiftoit le commilfaire. Voici le cinquième moyen de calfation. Le parlement dépouille , par arrêtdu 13 aoüt 1725 , le greffe du juge de Pont-d'Ains , des rnthutes des procédures criminelles au fujet de 1'afiaffinat de Duplex, Sc au fujet de celui de: Sévos. Il y a un arrêt du confeii du 21 novembre 1679 , rapporté dans le commentaire de Bomier fur Partiele IV du titre XXVI de 1'ordonnance de 1670 par lequel le feu Roi ,. de 1'avis de M~ le chancelier , ordonne que les groffes: des procédures criminelles , & non' lesC vj  ÓQ Hifloire de Frillet. originaux ffercnt apportées, cuenvoyc.s, au greffe des Cours.; & nu en ducun cas les mlnuiss des procédures criminelles ne feront tlrées des greffes des premiers juges,J7 een''eft qu'il fut queftion de fauffeté, ou de prévarication des juges qui les auroient faites. On répond que le confeii, en ordonnant que les Cours fupérieures feroienc rapporter feuleinent des groffes dea procédures , & non les originaux, a voulu empêcher que les originaux ne s'egaraffent : c'eft le feul motif que le Roi a en; mais on ne dira pas qu'il air. voulu que les groffes feules fufient nécefiaires pour la perfeótion des procedures des Cours fupérieures, faites en confrquence j. les originaux mentent bien autant de foi que les groffes dont ces dernières Brem tout leur mérite. D'ailleurs la Cour vouloit s'éclaircir. ici, pour favoir fi le juge & le grefner n'avqient point prévariqué. Le fixieme moyen de ca'fation de Frillet porte fur ce que le greffier, ayant rair ledhir* a Vaudan de. 1'arrêt qui le condamnoit ï mort „, dans le lieu de Iexecunon,.a dreffé un procés-verbal qui fait foi que ce criminel a perfifté dans. la déclaration qu'il a faite aux  Hifloire de Frillet. 6x commiffaires. Or ce greffier n'avoit pas le pouvoir de recevoir cette déclaration d'un accufé & d'un condamné.c'étoit la fonction du commilfaire qui alfiftoit a 1'exécutiom Donc cette déclaration eft nulle. Voila un beau moyen de caflation l Comment la nullité de cette déckration-la, en Fa fuppofant , peut-elle inlluer fur le décret de prile-de-corps de Frillet dont il demande la calfation ? Oferoit-on dire qu'elle put influer fus toute la procédure faite contre Vaudan ? Le feptième moyen de calfation de Frillet confifte en ce qu'il prétend que i'oidonnance du parlement du 11 octobre 1725 , eft une contravention formelle a 1'ordonnance criminelle , titre XXVII, qui abroge les appointements a donnet des réponfes & conclufiona civiles. Frillet entend malcette ord'onnancev Les articles I & II de ce titre diftinrguent feulement la formalué des affaires criminelles, d'avec la formaüté des affaires civiles, & défendent, en matiére criminelle , de donner des inventaires, eontredits, caufe d'appel, griefs & réponfes j abroge Ia forclufion de procluire , ou de contredire accordéa  ff Hifloire de Frillet. 31'audience & prife au greffe. Et Partiele III porte que les parties cïviles poun-ont prefer/tet des requêtes , & y atracher des pieces ; & c eft le ftvle T on: ™ le* , quand ils ont ^mailde des dommages & intéréts dans Ia requête fur laquelle Pordonmnce en queftion a été rendue. Pallet ne voitpas que 1'ordonnance a feiu lement voulu défendre le ftyle des affaires civiles dans I'inftance criminelle. Les parnes ont la liberté de demander des reparations civiles , en fe conformarit a Partiele III de ce titre. Jufqu'ki FrUkt n'a propofé que des moyens de calTation qui tombent fur ia procedure du parlement qui ne lé rêgarde pas : il va enfin aftaquer le décret rendu contre lui : décret qui devoit étré le principal objet de fa demande en caffation. II prétend, en huitième lieu, que ce decrët eft irrégulier , paree qu'il ne contient point le motif qui ob!iSe les juges a Ie rendre. JU déclaration du mois de décembre 168 i a ordonné que tous juges royaux, & ceux des feigneurs , feroient tenus d expnmer ; dans les décrets d'ajourncment perfonnel qu'ils décerneronr,  Hifloire de Frillet. 6$ le titre de Paccufation ; ce qui a toujours été néceffaire dans les décrets de prife-de-corps dont cette loi ne parle point, paree qu'elle a fuppofé qu'aucunjuge n'y devoit manquer. Frillet prétend encore que fa qnaliré de procureur-fifcal ne permettoit pas. qu'on le décrétat indéterminément, &C qu'il ne pouvoit être attaqué que pour prévarication, & qu'on ne dit pas expreffément qu'il en étoit prévenu. La dépofition d'un accufé condamné a. mort4. qui dit qu'un procureur-fifcal Pa engagé de parler conrre un accufé , n'eft pas un fondement alfez folide pour décréter cet officier de prife-de-corps. On répond que Pufage de plufieurs Cours fupérieures eft de rendre de pareils décrets , fans en exprimer les motifs. Qu'importe au fond , que Paccufc les fache dans le tems qu'il apprend le décret , ou lorfqu'il fubit Pintetrogatoire ? L'ordonnance criminelle n'a point affujetti les juges fupérieurs k cette formalité ; & Frillet convient que la déclaration qu'il cite ne parle pas même du décret de prife de-corps. Quoique le procureur-fifcal foit obligé de pourfuivre les crimes , on ne voit  6*4 Hifloire de Frillet. pas que fa qualité engage une Cour fupeneure quand elle le décrete , d expnmer le morif du décret. Le vengeur de fmtérêt public offenfé eft plus puniiTable qu'un accufateur particulier , quand il agit par paffion : il eft plus digne de fa févérité de la jufnee quicache fouvent fes démarches, ann de furprendre le criminel. II ne raur pas une preuVe ^ oWiger a rendre un décret. Le titre d une accufarion grave , & un commencernerrt de preuves, fuffifent. . Vo1" ,e neuvième moyen de calfa"0n : 'ev Parlement a renvoyé Pierre fiere d'Anrcine s de I'accufarion.contre lui formee au fujet de Phomicide >env°/-' aVCC ,a daufe iufqu'arW^ c eft-a dire , fans condamner ni abfou- p •' ,CC $u effi une contravention a larticle IV du titre XX de 1'ordonnance de i67o , qui veut qu'il feit prononce definitivement fur 1'abfolutron ou fur ja condamnatiom Quel rapport a la procédure qui a pour objet Perre Pin, avec la décre, rendu contre Frillet ? Peut-iFconclure , quand on lui accorderoit la nullité de ; Proiedufe dirigée contre Pierre Pin que fon décret fut nul ? P:errt Pirl  Hifloire de Frillet. . 6$ ' n'eft pas coupable de 1'homicide de Sévos : s'enfuit-il que Frillet n'a point ptévariqué dans l'inftrudion qui a eu pour objet les Vallet qu'il a accufés de I ce crime ? L'article IV du titre XX de 1'orj donnance criminelle porte qu'^rèj la. 5 confrontation des témoins , l'accufé ne : pourra plus être recu en procés ordinai• re : mais fera prononcé définitivement fur fon abfolution, ou fa condamnatïon. II ne s'enfuit pas de-la que 1'ordonnance exclue , après la confrontation , : un jugement interlocutoire , comme un plus amplement informé. Son obi jet eft d'ordonner que l'inftance fera pourfuivie extraordinairement, comme elle a été commencée. La claufe jufqu'a rappel peut fe comparer a un plus amplement informé. Dans ledixième moyen de caffation, Frillet attaque la demande en dommages & intéréts qu'ont formé contre lui les Vallet, fur laquelle le parlement a ordonné qu'on en vint a 1'audience. 11 prétend que cette demande devoit être jointe aune plainte, fuivie d'une information fecrete. II dit encore que cette demande étoit une prife a partie , Sc qu'il falloit qu'il y eüt unarrêequi pet-  6autre fondement que la dépolition d'un feul témoiu qui eft Maurice , qui a déclaré que Frillet 1'avoir fuborné. Premièrement Vallet, ayant eu une abfolution plemere en 1705 , ne pouvoit être condamné en i7i4, fur le fondement de I accufation de Maurice qui 1'avoic déchargé en 1705. C'étok d Maurice d qui il falloir faire le procés, comme a uniaux témoin. En fuppofant que fa dernière dépofition fut régwlière , Vallet pouvoit-il être condamné fur une dépofuion unique? Surquoidonc por-  Hifloire de Frillet. 79 toit 1'appel a minima de Frillet ? Encore une fois, ne voit-on pas que la paffion a été 1'unique principe de fes demarches j que c'eft elle qui lui a fermé : les yeux fur routes les régies de la procédure & de Péquité ? , > Énonxième lieu, quel'oncompare iel | la procédure qui a été faite fur les lieux, a la requifition de Frillet, touchant le : meurtre de Sévos , dont il accufoit les Vallet; que Pon compare, dis je , cette procédure avec celle qui a été faire par - autorité de la Cour. La première charge pleinement les Vallet, elle eft fuffifante pour leur condamnation; & la fecondeles décharge entièrement. Comment eft-il poifible qu'il y ait une fi : grande contrariété entre ces deux informations , que les mêmes témoins atteftent & nient fucceflivement le même fait ? Ils ont trahi la vérité^ dans Pune ou dans Pautre de leurs dépofi; tions. Peut on dire que c'eft dans la , dernière , qu'ils ont faite lorfqu'ils étoient condamnés au dernier fupplice, qu'ils avoient Pimage de la mort devant les yeux , qu'ils alloient paroitre devant le fouvetain Juge , & que ces dernières dépofitions quadrent avec Diy  3° ' Hifloire de Frillet. ^levenrT^T ,ieU ' trois rémoinS rlén J- /////,., r ' ' .En creizième lieu , que 1'on jokne a frété f ^ 11 aafPrisq«'d'étoit décréte , fon abfence hors de fon pays fa retraite en Savoie qui aduréX' de cm gans, fon retour en France C naeud autres motifs que de caf fer la procédure, les rentarivesaJS a Wau confeii dB Roi pour fa^ an!  Hifloire de Frillet. 81 Lttüller fon décret , les lettres de grace 'Jqu'il a entrepris d'obrenir : toutes fes ■fiémarches ne nous rep'réfenrent - elles ■éts un criminel qui veur fe dérober a pa juftice , Sc qui n'a d'autre reffource Ique dans les dérours de la procédure ? A 1'égard de la demande des Vallei en dommages Sc inrérêrs conrre Frillet, elle eft fondée fur la longue Sc injufte i détention qu'il leur a fait fouffrir dans la prifon ; fur la#cruauté qu'il leur a faic éprouver dans leur captivité j fur ; les frayeurs mortelles & les tranfes : horribles qu'il leur a caufées j fur la j mort ignominieufe qu'il leur a préfentée fans cefte , dont 1'idée fe rcrracoit toujours avec une nouvelle vivaciré. Que 1'on confidère que ce fonr des innocens qui onr foufferr tous ces maux-la dans roures leurs rigueurs 3 quoiqu'on les adoucifte aux plus grands. i criminels qui les ont mérirés. Leur ; honneur , leur liberré , leur fanté leur llént été ravis. Leurs effers ont éré ex: pofés au pillage par le fait de Frillet , : qui 'a négligé d'en requerir un inven: taire : le travail de leur tuilerie a cef- • : fé , leurs terres ont été fans culture „ • les frais immenfes que ee procés leur . coure j quand on aura apprécié routes  S* H^olre de Frillet. ces pertes dont on donnera un état ff on veut les fixer dans Ja baW »fl J.equite , il faadra , après cette apprécmion réfléchirque ce font des innoeens qm Jes ont foufFertes. Après cetre rérlexion-la , jufqu ou ne les porteroiton point ? r Mais , en fuppofant qne Frillet ffit aflez heureux pour éviter la peine affliclive qail mérite, il n'en feroit pas rnoms tenu des domrmges &. intéréts des Vallet. C'eft une règle certaine que , dés, qu un accufé a été renvoyé de 1 accufation formee contre lui par un procureur du Roi, ou un procureur d'office 1 un ou 1'autre eft obligé de nommer Ion denonciateur , a- peine d'etre condamné aux domnnages , intéréts & dépens qiu en reviennenc a 1'accufé. VW ce que porte l'article 73 de 1ordonnanee faite aux états d'Orléans ms procureurs , ou ceux des hauts juftiaersferont tenus de nommer le dénon- ' aateur s'ils en fant requis , aPrés que laccuje aura obtenu un jugemtnt & arrêt é abfolution ,. kJTn de recours de dépens dommages.& intéréts contre qui il apparnendra. ll eft vrai que cette ordonnance dit feulement qu'ils feront tenus,  Hifloire de Fillet. 83 de nommer leur dénonciateur, & qu'elle ne prononce point nommément de I peine contte eux a faute d'y fatisfaire. Mais tel eft le fentiment de tous les ) docteurs , & la décifion des ioix & des • arrêrs , qu'ils y font obligés fous ces : meines peines. Par les loix romaines, il n'eft paspermis a 1'avocar du fifc d'intenter aucune accufation fans délateur. C'eft la décifion de la lpi dernière au code de Dclatoribus , tirée des Bafiliques , & traduite par Antonius Auguftinus (1). Qu'il ne foit pas permis aux avocats- du fifc de dire qu'on leur a dit que quelqu'un retient des biens du fifc , Sc , fous le prétexte de cette accufation occulte , de tendre des embüches a quelques perfonnes ; il faut qu'ils aienc un dénonciateur , & qu'on confidère fon earadtère. Cujas , expliquant certe même loi , dit ces paroles , qui font remarquables : L'avocar (x) du fifc doit (1) Ne liccat, dit'cette loï, edvocatisfif dicere fibi ejfe relatum , deünere quemquam lo~ na adfifcum pertinentia , & p'optcr liane occultam accufationem ïnfièias alï'u a£ers ; fed dtl&tor adfi' , ejufque quMtas confideretur. (2) Patronus fijci & ddaior'n quodammodo* eft patronus : fine d'elatore fi agat , 'spfe deUter eft potiiis quam. fifci patronus, D V  84 Hifloire de Priller. , CCre .affifté d'un dénonciateur: sll n'èn a pomt, il eil plutöc dénonciateur luimême qu'avocit. DeR vient cette ordonnanee de Pkilippe U Bd, par.ja. quelle il n'éroit pas periSis au procureur duRoi, mafesfubftitutsfd'acculer perionne fans délateur. On a paffe menie plus avant * car , comme ri arnvou d'ordinake qu'un dénonciateur denioit d'avoir dénoncé , on a obhge les procureurs du Roi & leurs fubftituts de fake infcrke & foufcrire fur leurs regiftres les dénonciations, a peine d'etre refponfables des dommages & interets des parties. Telle eft la junfprudence générale des parlements du rovaume. M. Ie Pre tre,cent i.ch, 3 , en rapporre un arret precis du j Mars 16o4 , rértdu en Ia chambre de-l'édir, fur la réquifition de M. le procureur-général. Cer arret, rout feul , pourroit fervir d'interpretation a I'arricle LXXIII de 1'ordonnance d'Orléans : car , fi a faute d avoir fait inferire & foufcrire les dénonciations on a Juge qu'ils devoient erre refponfables des dommages & interets des parties ; a plus forte raifon , lordonnance les obligeanr de nommer leurs dénonciateurs , ils doivent  Hifloire de Frillet. 8? encourir la même peine , s'ils "n'y fa: tisfont ponttuellernent. Aufli cet article s'eft toujours encendu de cette manière. C'eft ainli . qu'il fe trouve expliqué par Duchalard, : ancien commentateur de certe ordonI nance.' NL le Prêtre eft de même avis , & la jurifprudence des arrêts y eft conforme. II y en a un du parlement de i Paris, du 18 avril 162-6 , rapporté par Dufrefne, dans fon-journal des audienees. Bouvor, en fes queftions notables, 1 rome I , in v&rbo Injligant, qu&fl. 1 , en remarque un aurre du parlement de Grenoble, du 26 mai 1605 \ 8c Bouchel, en fa fomme bénéficiale, en rapporte deux , in verbo , Dénonciateur , qui décident la même chofe. Si les gens du Rei ont droit de venger 1'inrérêt-public , ils ne doivenr pas abufer de leur pouvoir en fe prévalant de leur qualité , pour fatisfaire leur paflion par des accufations injuftes. Ils peuvenr bien , fuivanr 1'ordonnance criminelle , titre III , arricle XVIII , | pourfuivre le crime a leur diligence-, I lorfqu'il n'y a point de partie civile : : on ajoute qu'ils le peuvent même fans I dénonciateur ; mais c'eft lorfqu'il y a ! un corps de délit , ou que le coupabls. qu'il fe rrouve expliqué par Duchalard,  86 Hifloire de Frillet. eft accufé par la voie publique. Friil.t ne peur pas dire qu'il y eüc ici aucune de ces circonftances : il eft , par con- equent dans le cas de fupporter tour ie poids des dommages 8c intéréts des Vallet. Le procés ayant été inftruit'contre SeyVriat, accufé de faufletés, le parlement rendit 1'arrêt fuivant: « La Cour a déclaré & déclaré Claude » Sey^eriat&neim 8c convaincu d'avoir - fut plufieurs faux exploits en fa qua*> ine de fergent en Ia juftice de Tref» fort j pour réparation de quoi I'a «condamné 8c condamné a faire v amende-honorable au-devant del'i- - mage du Dieu de pitié de 1'églife pa» roifliale de faintjean de cette ville » ou il fera conduit par 1'exécuteur dé « la haute juftice , la corde au col , 8c » un ecnteau fur fa tête , contenant ces » mots : Sergent faussaire ; oü étant » tete nue, en chemife & i geaoax » Un,6 C°rcile * la main du poids » de deux hvres , il déclarera a haute & " f telligible voix , qu'il demande par» don a Dieu, aa Roi & a la juftice , » des crimes par lui commis. Enfuite " SeyVr'<" conduit au chamo » deMontnmont de cette ville, par led » executeur, poary être pendu :1e con-  Hifloire de FrilUt. 87 » damne en outre en 5 co 1. d'amende »envers le Roi, & déclaré le furplus de » fes biens acquis & confifqué au proy> fir de qui il appartiendra , au cas que » confifcatlon air lieu. Fait en la tour» nelle a Dijon , le 30 juin 1733. Le même jour , cet arrêt fut exécuté, Sey^eriat, allant au fupplice , s'écrioitft Hélas ! les faux expioits dont on m'accufe, font les ouvrages de la fuggeftion*. de Frillet, & de la crainte qu'il m'infpita. Pouvois je réiifter au crédir qu'il avoir dans le pays ? 11 ne m'a pas payé ces expioits. La juftice du parlement fe fignala encore par le fupplice de Jofeph Mallet. Voici 1'arrêt qui fut rendu. « La Cour a déclaré &c déclaré Jo» feph Mullet atteint & convaincu du » crime de fubornation de témoins y s> pour les faire dépofer fauffement »on» tre lesnommés Vallet& Poiroux, dans » les informations qui fe pourfuivoient » au fujet du prétendu aflaflinar de Jo» feph Sévos -y pourrépararion de quoi a » condamné & condamné ledit Mallet » a êrre par 1'exécuteur de la haure juf» tice, pendu auchamp de Montrimont y> de cerre ville : auquel effet il y fera. » conduit ayant un écriteau fur £&  88A Hb/Iöire de Frillet. „tete, conrenant ces motsrSusoR- « NEUR DE TÉMOINS. V Et ava»t i'exécution ci-delfus , or* ffne<£e edit^&raappl que J5 a la queftron ordinaire & excrLdiSZ ïm°me ^ CaenOj,enpré„fencedes commnTaires qui feront " dePUrc,s> Pou' avoir, par fa bouche » a reveiauon de fes complices , peur' " 16 P^-verbal de torture vu & " mmnfe ™* gens du Roi, être pour>,vua1nf1qudappartiendra.Condamne" T 0urreJfd-^^en5ool.d'ameu- " garc! a a/equete en dommages & „ interets defdits Vallet & Poirolx du ",Zr 1 7*?, en declarant ledéfour «ieveaugreffele ^novembre bien i " dL,mentobtenu contre iedit >, jour le pront, a condamné & condamne rcelui ^/^ en joo liv. de " dommages & intéréts envers lefdits Vj) un a donne ce nom h wHa « aP-ce que c'eft „n mo°eJèl cin ravemée. Elle fe donne ivec rl« -3 ^ a attaché aux pieds rf„ n , S P°'ds 9U on Téjeve P^lft^S^T1» les bras liés derrière le'dos L atff * fs poids, plus petite, ou plus fort! fa>  Hifloire de Frillet. ij,, Vallet Sc Poiroux, & le déclaré refL, ponfable de pareille fomme a eux adL jugée contre Maurice , pararrêt du i 3 rL, oclobre 1725 , fanf a êrre fait droit E, s'il y écheoit , fur les plus amples jj„ dommages Sc intéréts demandés par ij,, lefdits Vallet Sc Polroux dans leur i;, requête, même fur la folidité. Et a I,, déclaré Sc déclaré le furplus des biens ),, dudir Jofeph Mallet acquis Sc conh', fifqué au proht de qui il appartieni„ dra , au cas que confifcarioji ait lieu. I5, Fair en la rourneile a Dijon , le 7 |„ juillet 1733 Jofeph Mallet fut appliqué a la queftion le même jour. II chargea Bardot ] dit Bardolet , non feulement dans ce fupplice, mais encore dans fon teftament de mort (4); ce qui détermina le parlemenr, avec les preuves qui éroient au procés , a rendre 1'arrêt futvant. " La Cour, avant faire droit , fans préjudice des preuves réfulranr des ' „ procédures qui demeurenr exprelfc,, ment réfervées , a ordonné Sc ort, ne que Francols Bardot, dit Bardo- (4) On peut, fur un teftament de mort, «rrêter une perfonne qui y eft accufée ; ifur deux teftaments de mort conformes , on ipeut appliquer a Is queftion.  5° Hifloire de Frillet. ii let, fera appliqué a la queftion ordt „ naire & extraordinaire du moine de „ Uien , en préfence des commiflTai» res qui fercmt députés , pour , le » proces-verbal de torture rapporté & » vu communiqué au procureur>, genéral du Roi , être pourvu afnfi " qU„ fPPar«endra. Fait en la tour« "Jlle a Dijon , le 14 juillet i7Jï. dit j fubit J queftion fans rien avouer : fa ferme té lm fauva la v.e Quoique la queftion aveclyefervec es preuves , que 1 accufé aforferte fans faire aucunaveu, ne puirepas e dérober i des peines afflictives , fi les preuves j donnent lieu i il ne peut plus , fuivant pordon. nance ^ etre condamné i mort. Tel rur 1 arret qui fut rendu contre ce criminel. » La Cour » pour les charges réful„ tant des procédures , a condamné „ öc condamné Francols Bardot dit „ Bardokt, a fervir le Roi fur fes «rav lères a perpétuité, en qualité de for„car : hu fait défeufes d'en'Yortira „ peine de la hart; ordonne qu'il fera „ Hetrt & marqué fur Pépahle droite „ par 1 executeur de la haute juftice des w lettres G. A. L. Condamné en outre  Hifloire de Frillet. 9 r L ledit Bardot en 500 livres d'amende L envers le Roi, 8c déclaré le furplus de L fes biens acquis & confifqué au profit \, de qui il appartiendra , au cas que L confifcation air lieu. Fait en la tourL nelle a Dijon ,1e 16 juillet 173 3. ? [ Toutes ces exécutions qui fe fuccekoient fans mtervalle, toutes ces déielarations des coupables qui chargeoient Lnanimemenr Frillet, 8c cumuloient des témoignages qui formoient contre lui une preuve cornplette, le déterminèrent a faire un nouvel effort , pour féchapper au fupplice qu'il voyoit devanr fes yeux. II préfenta une requëre , dans Iai quelle il expofe que , poiu agir avec i plus de circonfpe&ion dans 1'accufation des Vallet, il ne la ptécipita point, &C attendit que la rumeur publique cxcitat fon miniftère; que , dans fa première requifinon , il dir limplement que Sévos , après avoir bu Sc mangé avec Jofeph Vallet., avoit tour d'un coup difparu ; qu'il avoit out dire que Sévos avoit été alfalfiné 8c enterré prés de 1'embouchure du four d'une ruilerie , &c qu'enfuite le corps avoit été jetté dans le feu. Quoique le corps du délit n'exiftat point, il avoit pu agir , ex-  91 Hifloire de Frillet. Cité par Ie bruit public , fans dénotf. ciareur ; qu'il n'avoit fait que.rapporter la voix publique. II en avoit ttfé de même fur 1'accufanon d'homicide d'Antoine Duplex : il eftime que la rumeur publique eft prouvee par Ia procédure. II ne craint pas d'ajouter que , s'jl h'etQit pais retenu par de refpeétüeufés confidéranons, il feroit voir que 1'innocence des Vallet n'eft pas univcrfelJement: reconnue. II parle, a cette occaiion , d'informations faires contr'eux dont il dit quelegreffe duPont-d'Ains eft remph ■ & prétend prouver par-Ii qu'ils ont eu plufieurs affaires criminelles. Pour montrer qu'il n'a pas eu befoin de dénonciateur, paree qu'il avoit pour garant le bruit patblic , il a recours a plufieurs autorités. Julius Clarus, livre V, queftion VI, n°. I , die que la commune renofnmée & le bruit rmiverfel font des motifs fuffifants k la partie publique pour former une accufation , fur-tout quand il s'agit de crime grave , tel que 1'homicide ; & il nepeut jamais être taxé de calomnie. Le préfident Faure , dans fon code, W. 7 i ttt. i , defin. 2 • dit qu'un ac~  Hifloire de Frillet. 93 ctïfateur efta 1'abri d'être accufé de calomnie , s'il a pour lui des indices évidents , la renommee , ou des ouï-dire rapportés par des gens dignes de foi : Excufatur d prafumptd calomnia fi habeat pro fe evidentia aliqua indicia , putd famam , vel audltam a fide dignis , yel quid fimile. Ces ouï-dire , felon ce magiftrat , & felon Juüus Clarus, forment la voix publique. Frtlkt dit enfuite qu'il n'a pas pu être pris a partie pat les Vallet. Mornac , fur la loi 2 , §. per eos.ff. de origine juris, dit que les officiers de juftice ne doivent jamais être pris a partie \ nifi manifefl\ffim& eorum fordes fuerint } & nifi non imago fceleris , jed fcelus irfum excipiatur oculis : A moins que leurs iniquités ne foient évidentes, & que leuts crimes , & non pas 1'apparence de leurs crimes-, foient appercus de tout le monde. Tous les juges , tant royaux que des feigneurs jufticiers , fuivant 1'ordonnance de Blois , art. LXUI, font obligés de pourfuivre la punition des crimes qui font venus a leur connoiftance, fans attendre 1'intervention des parties tiviles , 5c fans pouvoir les contraindre de fe rcndre parties. L'ordonnance de  94 Hifloire de Frillet. Blois, arricie CLXXXV , renferme Ia même difpofition. L'ordorinance criminelle de 1670, au tirre dés plaini ces , dénonciations & accufations , art. VIII, prefent que , s'd n'y a point de partie civile , les procés feront pourfuivis a la diligence du procureur général , ou des procureurs des juftices feigneuriales. Frillet cire enfuire M. lePrêtre, centurie 1, chapirre 2 3 ; B'odeau, fnr M. Louet, lettre A , n. 28 ; Papon , en fes -arrêts, livre 24, titre des accufations: Joannes Faber, fnr Ie parag. fin. des inftitutions de Juftinien j Jmbert, en fa pratique, livre 3 j Ranckin, fur la queftion 269 de Guy Pape, n. 2 j & Boni/ace en fes arrêts. ^ Sous le bouclier de toutes ces autorités , Frillet croit êrre a couvert, fans s'embarraffer de leur application & de leur fens légitime. II s'attache enfuite a fairevoir que, quoiqu'il n'ait pas requis 1'inventaire des effers des Vallet, lorfqu'ils furent arrêrés , il nepeut pas être tenu , s'ils ont'éré volés , de leurs dommages & intérêrs. Malgré tont ce qu'il dit, il eft toujours cerrain qu'il n'a fait procéder acet inventaire qu'onze jours après qu'ils ont été arrêtés. Ainfi il eft iuperflu de rapporter fes raifons.  Hifloire de Frillet. q<^ Pour montrer que leurs dommages & intérêrs ne doivenr pas être portés a nne forame li confidérable, il dit que tout leur bien ne vaut pas plus de 1500 livres. Leur tuilerie , dir-il , ne valoir pas 2co livres , nbjet aiïurémenr trop modique , pour exciter fa cupidité. Quanr a fa forrune , que 1'on fait monrer fi haut , &c que 1'on dir être le produir de fes prévaricarions, il s'efforce de 1'ruténuer , & de prouver , par des calculs , qu'elle n'eft même pas fufififante pour luppotter les dommages & , intéréts que les Vallet veulent faire prononcer contre lui. 11 juftifie enfuite la tranfaétion des feigneurs de Varambon , qui ont prétendu que les Vallet riavoïem pas droit de prendre des cailloux dans la rivière d'Ains. " L'air, dh-il, fournit des oifeaux , » la terre d'aurres fortes de gibiers , » comme les eaux des rivières,despoif» fons. Quoique ces éléments foient | »» communs a tous les hommes, s'en» fuit-il que chacun foit en droit de » profiter- de tout ce qui s'y préfcnte? I » Les ordonnances de nos Rois , qui ». le défendenr, feroient donc illufoiv res ? Onconyient que U ÜYKte d'Ains  5)6 Hifloire Je Friilet. » entrauie des cailloux dans le tc-mï » des crues, mais non pas en Ja quan] » titemarquée. Les Vailu exagèrent Ja» de/lus. LUe amene aufli fouvent des » pieces de bois, des débris de radeaux, » & d-autres chofes qu'on appelle épa- * ves , & qui appartiennent aux fc-i- * gneurs, lorfqu'eiles ne font pas réJ » clamees valablement. Les Vallet » voudroient-ils difputer ce droit - la » aux feigneurs » ? 11 prétend enfuite que la déclaration de Maurice contre lui a été ïuggéréë ■ mais il n'établit point la fuggeftion. li ? a"ache , après cela , z montrer que les foupcons de 1'homicide de Sévos ne tomboient pas fur Antoine Pin : il fait meme 1'apologie de ce meurtrier. in Antoin Pin, dit-il, avoit eu le deflein de tuer & de voler Sévos, en h-bile meurtrier, il nes'en feroit pas ten ft a un feul coup , il n'auroit pas été la dupe de Sévos , qui feignit d'être mort. 11 ne veut pas que Sévos, après avoir repandu tant de fang, air dcmeuré chez lm deux jours &deux nuits , fans avoir pris aucune nourrittire , qu'un peu de vin , & qU'il ait été en état apres cela , de faire un long chemin! Uwnment eft-ce que fesvoifins, dont les ? atta,che ' aPres «la , d montrer que  Hifloire de Frillet. 97 les maifons ne font féparées de celle de Sevos que par une muraüle fort mince , n'ont-ils pas ouï , dit-il, Sévos Sc Pin la nuit critique ? Comment, ipourfuit-il, lorfque Sévos cria, au moment du coup qu'il recut, ah ! je fuis \mort , n'a-t-il pas été entendu ? Enfin il raffemble , avec beaucoup de foin Ftoutes les circonftances qui iontarrivées a Sévos , depuis fon aflaflinar* Enfuite il s'attache a montter qu'elles ne font pas vraifemblables. 11 dit que la ferpe, >qu'on a donnce k Antoine Pin pour ;un inftrument de 1'aflaffinat , eft un ïêtre de raifon. Comment, pourfuit-il, cette ferpe qui ne porta que fur la tempé de Sévos, Sc qui ne s'enforica pas par conféquent fort avant } auroit-elle eu des traces de ,fang qui fe feroientconfervées pendant dix-huit mois ? Enfin il ne tint pas alui qu'il ne perfuadat a fes Juges qu'ils ont condamné Antoine Pin fur un crime imaginaire. 11 prétend que mal a. propos on a dit qu'il avoit fuborné Antoine Pin-y qu'il 1'a fait chercher par-tout pour le faire artêter , fuivant 1'ordre du miniftre ; d'ailleurs , qu'il n'auroit pas ofé faire Tome XI. E  9$ Hifloire de Friltei. des pöurfuires contre les deux rémoins $ il les avoit fuborné?. II me les mauvais traitemens que Ie; Pallet difent avoir recus en prifon , & qu'ils lui imputent. Enfin il fait tous fes efforts pour détruire , 1'une après 1 autre , 1'accufation de toutes les prevancations criminelles dont il eft chargé. Je n'entrerai point ici dans le detail de tous les fophifmes qu'it mit en csuvre pour fa juftification. D'après ks faits que 1'on vient de lire & dom on a vu la preuve, la fauiTeté qui en forme le tiifu fauteroit aux yeux & ne pourroit caufer que du dégout & de 1'eanui. Cependant Sévos tomba malad'e dans la prifon 8c expira. II lailfa , par fa mort, bien des éclairchfements 4 defirer. Quoique , dans fes réponfes, fes varianons i'aient rendu fufpeét, on pouvoit efpérer qu'il auroit fait enfin hommage a la vérité , & auroit achevé de lever les voiles dont elle étoit couverte, On a conjeóhiré qu'il ne varioit que pour cacher les vrais motifs de fa fuire, qui pouvoient Ie rendre criminel , s'ii eft vrai qn'elle n'eiït eu d'autre objets  Hifloire de Frillet, 99 ■que de favorifer les deffeins de Frillet qui avoit tramé la perte des Vallee. j ïl eft tems de vênir a 1'arrêt définitif de Frillet. « La Cour a déclaré & déclaré Jean Fri let atteint Sc convaincu d'avoir |» partieipé aux fubornations des té* |m raoiiis contre Jofeph , Philippe Sc H Pierre Vallet Sc Anne Potroux , SC » aux faux commis par Claude Sey\eriats , » dans les expioits de rebellion contre » Jofeph Buffet , Sc Benoït Duperrier , 1;» des 15 novemb. 1719, & dans lesacres faitsenconféquence defd. expioitsj » déclaré pareiilement led. Frillet atteint )» & convaincu de prévaricarionè Sc mali» verfarions dans lesfon&ionsdeprocu|j> reur d'office Sc de noraire : pour ré» pararion de quoi, Sc des aurres char» ges réfulrant des procédures , a conti damné Sc condamné ledit Frillet £ >, être pendu Sc étranglé jufqu'a ce que » mort naturelle s'enfuive , par 1'exé» cuteur de la haure-juftice , a une poL tence qui fera, pour cette effet, dref|>> fée ce jourd'kui au champ de Mon» ttimont de cette ville , Sc condamné » ledit Frillet en 1500 livres d'amende :» envers le Roi. Sans s'arrêter a la reL quête-de Frillet, du.18 juillet derEij  ï ©O Hifloire de Frillet. » nier, ayant aucunement égard a celles » defdits Vallet 8c Poiroux, des 12 » juin 1726, 8c 13 juillet dernier, a » condamné 8c condamné ledit Frillet » en 8000 livres de dommages & intcs> rêrs réels & honoraires envers lefd. » Vallet 8c Poiroux , & déclaré ledit » Frillet refponfable , par la voie foli» daire, des dommages & intéréts a „ eux adjugés contre ledit Mallet, par „ arrêt'du 7 juillet dernier; fauf a être „ pourvu fur de plus amples dommages „ & intérêrs au prorit defdirs Vallet 8c „ Poiroux , conrre Antoine Thorillon :, & tous autres, par la fuire, s'il y „ éclieoir , par relle yoie qu'il appar« tiendra. Ordonne que les termes in» jurieux inférés dans la requête impri>, mée dudit Frillet, du 28 juillet der» nier, contre lefdits Vallet 8c Poiroux, » feront birfés 8c rayés , tant fur 1'ori» ginal que les copies, par le greflïer h de la Cour a ce commis , aux frais » dudit Frillet, dont procés-verbal fe» ra dreiTé. A permis & permet auxdits » VMet Sc Poiroux de faire imprimer » le préfenr arrêt , enfemble celui du >s 13 odobre 1725 , Sc iceux publier » dans la paroifle de Priay , par le pre« mier fergeut royal requi?, auqutl la  Hifloire de Frillet. iöi „ Cour enjoint d'y fatisfaire , a peine d'y être pourvu, le tout aux frais du„ dit Frillet. Sous le benefice du défa„ veu formé par ledit Frillet dans fa „ requête de ce jourd'hui au fujet des „ feuilles imprtmées & placards men„ donnés en ladite requête , a mis Sc i„ met ledit Frillet hors de Cour quant a préfent, fauf aüxdits Vallet Sc Poi,, roux de fe pourvoir a cet égard , ;,, ainfi Sc contre qui ils aviferont bon •„ être. Condamné en outre ledit Fril„ let en tous les dépens defdits Vallet 3) & Poiroux. A déclaré Sc déclaré le furplus des biens dudit Frillet acquis iJ} Sc confifqué au profit de qui il apt, partiendra , au cas que confifcation !„ ait lieu , après le paiement defdites „ amendes , dommages , intéréts Sc ,, dépens. Sur les plus amples deman„ des Sc conclufions defdits Vallet s Poiroux Sc Frillet, les concernant, a ,, mis Sc met les parties hors de Cour ),„ Sc fera fait droit fur les conclufions IL, Sc réglementrequis par le procureur,,, général du Roi , ainfi qu'il appat„, tiendra, lors du jugement des autres ,, accufés. Fait en la tournelle a Dijon, ,„ le 7 aout 1733 ». Toutela ville, ce jour-la , étoit occuE irj  io2 Hifloire de Frillet. Pée de la deftinée de , & toutt ia ville efpcroitque 1'arrêt débarraflW te focieté d'un Héau qui mettoit tous les jufticiables 4 contriburion , & donnerou un exemple a tous ces petits tyrans de h campagne, dont 1'infolence, 1 avidite & k vengeance n'ont pas de barnes. Les juges, qui s'affemblèrenr ï la tournelle dés fept heures du marin , n en Went qu'a quatre heures du loir Des qu'on apprit que FrïlUt étoit condamné a la mort , on fe fentit ioulage t comme fi on eüt été délivré d un fardeau accablant: toutes les portes & les fenêtres qui font fur le pafiage de la conciergerie , jufqu'au lieu du iupphce , étoient remplies , & le public fe réjouilfoit d'avance du plaifir de • voir la fin d'un malheureux qui avoit commis & fait commettre tant as crimes , & ayoit occafionnéla mos oe tant de perfonnes. Mais , lorfqu'on y penfoit Iemoins on apprit que le fupplice étoit différé! M. le procureur généxal fe rendit a la tournelle ; il préfenta une lettre de M le chancelier a M. de la Marre premier préfident de cette chambre : la lettre porton , en fubftance , que' fa  Hifloire de Frillet. T ö % Majefté s'érant fait rendre compte de 1'affaire de Frillet , elle avoit ordonné qu'en cas de mort, il y eut une furféance a Texécution de 1'arrêr. La kttre n'étoit point adreffée a ia chambre , ni contrefignée d'un fecrétaire d'érat, & n'avoit point le caraftère de lertre de cachet, qui put la faire regarder comme émanée direétemenr du Rol. Les juges opinèrenr fur cet ordre , auquel ils pouvoient ne pas déférer dans 1'étar oü il éroir; mais le refpect pour les intenrions du Roi les obligea a paffer par-delfus la forme. Tout le peuple fur confterné de voir fon attente trompée ; il lui fembia qu'un exemple néceffaire a fa sürete dans la campagne lui manquoit. Dans la fuite , il a plu au Roi d« commuer la peine de mort de Frillet en un banniffemenr pendant dix ans hors la province , fans touchet au furplus de 1'arrêt pour les dommages 6c intéréts. Frida apprit, dans la prifon , prefqu'auifi-rot fon fupplice & la furféance : il dit , en apprenant la première inonvelle : L&tatus fum in kis qu& dilla \funt mihi, in domum Domini ibimus. :Ma deftinée , qus vous m'apprenez , E iv  104 Hifloire de Frillet. me comble de joie , f irai dans la maifon du Seigneur. II ne recouvra fa liberté qu'après avoir acquitté les dommages & intéréts qft'il devoit payer aux Vallet conformément a 1'arrêt. II mourut prefque fubitement au moment oü il fe mettoit en chemin , pour ex-écuter fon ban. Cette affaire conferva un caracfère de fmgularité dans tout le cours de fon inftruóhon. On y voit , jufqu'a la fin, les événements imprévus fe fuccéder les uns aux autres , & la grace de Frillet n'eft pas un des moins furprenants. A 1'égard de 1'arrêt du parlement de Dijon , il fait 1'éloge de 1'équité de cette compagnie , qui , dans une affaire fecomphquée & d'une fi longue inftruóhon j a découverc Sc puni plufieurs coupables que les détours de la procédure Sc le hafard des circonftances les plus lingulières auroient dérobé a des yeux moins attentifs Sc moins pénétrants. 11 femble cependant qu'on ait lieu de regretter que ce tribunal n'ait pas futfis le fupplice d'Antoine Pin jufqu'après 1'éclairciffement fur le fait de 1'enterrement de Séyos: on auroit fouhaité  Hifloire de Frillet.^ i o? de fcavoir pourquoi ce criminel avoit imaginé cette faulfe circonftance. On a dit qu'il avoit cru avoir tué Sévos, qu'il avoit chargé fon frère de 1'enterrer, Sc que ne doutant point de cet enrerrement , il 1'avoit mis fur fon propre compte : mais cette conje&ure nefatisfait point, Sc laiffe quelque chofe adefirer fur le développement d'un fait qui laiffe une efpèce de voile fut la vérité. Après rarrêt rendu contre Frillet , le parlement jugea ce qu'il lui reftoit a décider dans cette procédure a 1'égard •des autres accufés. Voici 1'arrêt qu'il prononca contre Horace Marnat , Sc contre Antoine Thorillon. « La Cour, ayant aucunement égard „ aux requêtes de Marnat, des 6 oc,, tobre 1730 , Sc 7 mai dernier , 1'a „ mis Sc met hors de Cour fur les ac„ cufations contre lui formées , Sc „ néanmoins 1'a condamné & condam?, ne a l'amende de zo livres en vers le Roi, pour laquelle il tiendra pri5, fon ; ordonne au conciërge des pri, fons de la conciergerie du palais de , mettre ledit Marnat en liberté , moyennant quoi il en demeurer*  io6 Hifloire de Frillet. „ bien & valablement décharge a la [ „ vue da préfent arrêt, & après le paie„ ment de ladire amende. En déclatant la contumace acquife contre Antoine Thorillon bien Sc duement „ inftruite:; Sc pour le proHt, 1'a déela„ ré Sc déclaré atteint Sc convaincu j, de fubornarion de témoins ; pour ré„ paration de quoi 1'a condamné Sc 3, condamné a être par 1'exêctueur de j, la haute juftice , pendu , Sc attendu 3, fa contumace, ordonne que 1'exécu„ tion fera faite par effigie a une po- ï „ tence qui fera, pour cet effet , dref„ fée au champ de Montrimont de 3, cette ville, ce jourd'hui,a la manière }, accoutumée , condamné en outrë s, ledir Thorillon en 500 livres d'a3, mende envers le Roi. Ayanr aucu- ] 3, nement égard aux requêtes defdits 3, Vtllet Sc Poiroux, des 22 juin 1726, „ Sc 1 3 juillet dernier , a condamné „ & condamné ledit Thorillon en deux „ mille livres de dommages 5c inrérêrs j, reels & honoraires envers lefdirs „ Vallet Sc Poiroux, & en cas d'infol„ vabilité dudit Thorillon , ordonne j, que ladire fomme de 500 livres fera „ prife fur les biens dudit Jean Pril„ let 3 lefquels biens en demeurent ref-  Hifloire de Frillet. 107 5, ponfables. A déclaré Sc déclaré le ,, furplus des biens dudit Thorillon ac„ quis & confifqué au profit de qui il appartiendra, au cas que confifcation L, ait lieu , après le paiement defdites 3, amendes, dommages Sc intéréts ciL defïus adjugés : fauf a être fait droit „ fur le furplus des requihtions , a la ,, la tournelle i Dijon ,1e 11 aout » 173 3 »• Le parlement jugea enfuite Louis Cottier, chatelain de Varambon , accufé de prévarication , & Flechon ,. dit la Paille , laboureur aux Mas des guers , contumax, " La Cour a déclaré Sc déclaré lescontumaces acquifes contre Louis 1 „ Cottier Sc Claude Flechon, bien Sc due>!„ ment inftruires, pour le pront , en ■:<„ cequi concerne ledit Cottier, pour les 13, charges réfultant des procédures con- tre lui., 1 a condamné cc condamné L, a fervir le Roi fur fes galères , en ,3 qualité de for^at, pendant cinq an„ nées , lui fait défenfes d'en fortir 5, avant ledit tems, a peine dj la hartj u, le condamné en outre en zoo livres ,3, d'amende envers le Roi \ Sc , atten,du fa contumace 5 ordonne que la E vj  108 Hifloire de Frillet. >, condamnation ci - deffus fera tranf>, crue fur le tableau qui feia. at-taj „. che , par 1'exécuteur de la haute juf« nee • a un poreau qui fera , pour eet „ effet,. drelfé au champ de Montri„ mont de cette ville. Et a 1'é^ird „ dudit Claudc Fleckon , l'a mis Sc „ met hors de Cour, & néanmoins l'a „ condamné Sc condamné ei* 100 iiv. „ d'amende envers le Roi. Faifant „ droit fur les plus amples requifiy, tions du procureur-général du Roi , „ a fait & fait expreffes inhibitions 5, & defenfes aux officiers des juüices J5 feigneuriales de fe rendre adjudica» taires direótement , ni indireóte53 ment , des fonds fubhaftés & déli„ vrés dans la juftice oü ils fe trouve„ ront officiers , k peine de privation „ deidits fonds & de leurs offices , Sc \ »» de 500 livres d'amende envers' Je „ Roi. Enjoint atous notaires d'appel„ Ier au moins un témoin fignant dans „ les aótes oü le contractant qui s'o- », blige ne fcair figner , fous peine de I „ faux , de rcpondre des fommes fti*» pulées dans les contrats & obligai, tions , & de 100 livres d'amende >, envers le Roi. Fait défenfes auxdits „ notaires de recevoir des aétes au pro-  Hifloire de Frillet. 109 fit des perfonnes dont eux , leurs » femmes, ou leurs enfans font les préw fomptifs héririers , dans le même cas » oü le contraclant qui s'oblige ne fcait » pas figner. Comme aufli a fait rrêsm expreffes défenfes aux greffiers def5» dites juftices feignenriales , notam» ment au greffier de la juftice du » Pont-d'Ains & de Treffort, de forss tir des greffes les minutes des pro» cédures , fi ce n'eft pour les remettre ss aux juges , ou aux procureurs d'offi" ce , en leur faifant donner leurs déy> charges fur un regiftre que lefdirs » greffiers feront tenus d'avoir , fous »> peine d'interdiclion , & de plus » grande peine , s'il y écheoit. En joint » ladite Cour a Francais Fontaine , » ci - devant greffier de la juftice du is Pont-d'Ains Sc a fes prédéceffeurs , n de rétablir , dans un mois prochain , »s au greffe dudit Pont - d'Ains , les >s minutes du tems de leurs exercices , " èc toutes auttes dont ils auront été » chargés , ou qui feront reftées entre >s leurs mains, & ce a la forme du s> reglement de la Cour de 1716. Orss donne , en outre , a tous dépofitaiss res, ou détenteurs , qui ont en leur ss puiffance des minutes & papiers de&  11 o Hifloire de Frillet. » cüts greffiers, d'en faire la remifeia" ««amment, Ie tour a peine d'y être » contramts par corps , de 500 livres » d amende envers le Roi, & de tous » depens , dommages & intéréts en" vers Jes parties ; auquel effet enjoint » au greffier de la juftice du Pont» d Ains , & au procureur d'office de - ladite juftice , de faire inceffamment » toutes les pourfuites néceftaires pour » Ie recouvrement defdites minutes & » papiers, a peine d'interdidion & » de ^tous dépens , dommages &'in» terets des parties. A fait & feit très>-• expreftes mhibitions & défenfes au » juge du Pont-d'Ains , de condamner » les accufés aux dépens, dans rous » les casou il n'y aura point de partie " que le procureur d'office , l peine » d interdiótion , d'amende & reftitu» tion du quadruple , dont 1'excédent » lera apphqué au profit de la fabrique: » rait defenfes, fous les mêmes peines "au procureur d'office dudit Pont» d'Ains, deconclure, dans lefdits cas, a » ondamnation defdits dépens. Fa'it » pareillement très-exprelfes inhibirions » & defenfes ladite Cour, a tous huif» liers ou fèrgents , de prendre Pour » temoms Öc rccors leurs confrères huif-  Hifloire de Frillet. I11 » fiers , ou fergenrs du même bailliagey » dans les exploirs qu'ils feront, a pei- - ne de nullité , de 1'amende , dépens, >i dommages 5c intéréts , en leurs pro33 pres 5c privés noms. Ordonne que *j le préfent arrêt, en ce qui concerne s» les réglements ci-deffus, fera publié »> Sc regiftré , tanten la juftice du Pont»3 d'Ains, qu'au bailiiage de Bourg , a 3> la diligence du fubftirut du procu» reur-général audit bailiiage ; auquel » il eft enjoint de tenir la main a 1'exés> cution du préfent arrêt , 8i rant lui que le procureur d'office dudit Pont» d'Ains , de juftifier de leurs diligenv ces , & en certifier la Cour dans un 3> mois. Fair en la tournelle a Dijon , 33 le 11 aout 1733 " • - Telle fut la fin de cette longue procédure , oü le parlement de Dijon fit éclater fa jufte févérité fur un affaflin , plufieurs faux témoins , & deux ofli; ciers prévaricateurs.  112 Demande en rêhabiiïtation DEMANDE EN RÉ B A BI LIT A Tl ON DE MARIAGE. Combien de jeunes gehs, rafTafiés des faveurs de 1'hymen, faifiroient avec emprelTement les nioyens de rompre une unïon qui ne leur laiife plus rien a defirer , & met un frein i Vinconftance infatiable de leurs defirs ! Le fleur Courtin de Villiers, au contraire, fe réfigna a toutes les peines & a toutes les traverfes que lui fit éprouver 1'autonté paternelle, pour défendre un engagement qu'elle défavouoir , que 1'anaour avoit formé , & dont 1'amour exigeoitla durée. Le fieur Courtin de Villkrs eto'it en garnifon a Metz en 1704 : il fut épris des charmes d'une jeune veuve qui demeuroit dans la même ville , chez la mère de fon défunt mari , qui 1'avoit chargée, par fon teftament, de nourrir & entretenir fa femme , pendant qu'elle refteroic en viduité.  de Mariale. i r 3 11 crut d'abord que cette conquête lui feroit aulli facile, que le font ordinairement celles qu'enrreprennent le* officiers dans les villes de garnifon. 11 réuffit, il eft vtai , a infpirer les fentimentsdont il étoit lui-même pénétré : ; mais la fageffe de fa maitrelfe mit un ' obftacle invincible a fes entreprifes ; bx il fut convaincu que le manage feul pouvoit lui procurer les faveurs auxquelles il afpiroit. II fallut donc faire une recherche dans les régies. Elle fut agréée par la belle-mère. L'age aftortilfoit les deux amants; ils avoient, apeu-près , chacun vingt deux ansLeur empreftement ne leur donna ; pas le tems de fe foumettre aux folemnités requifes pour la validité des ma- . riages. Leur age auroit exigé le confentement refpectif de leurs parenrs ; 1 mais les démarches qu'il auroir fallu faire , auroient exigé des délais que . leur impatience ne leur permettoit pas defouffrir. lis craignoient, d'ailleurs, de ne pas 1'obtenir, & que Ia demande qu'ils en auroient faite n'opposat , a 1'union qu'ils defiroient li fort , des empêchements infurmontables. lis firent part de leurs intentions & de leur embarras a un aumonier de 1'ar-  114 Demande en réhabilitation mee, qui leur fit entendre qu'il pouvoit es maner en Lorraine. Ils le crurent , ie iuiyirenr dans cette province , qui ioumife alors i un Prince particulier ! fuivoit , fur ces manères , le concile de 1 rente, qui ne requiert point Ie conlentement des parents pour le manage des mineurs. La vertil de Ja dame Geoffroi fc'étoit le nom de la belle veuve) , trompee par ce (imulacre de mariage , n'oppofa plus de réfiftance aux defirs de celiuqu'elleregardoitcommefonépoux. Vette union donna naiiTance a un en5?c 1m fuc baP"fé fous le nom d* Tincour de FirUle : c'étoit 1'anagtamme de Courtin de FilLiers. Cet événement ouvrit les yeux aux père & mère iur la nature de leur union , qui pla! coit Jeur enfant au nombre des barards. Le fieur de Filhers yint a Paris fe ietrer aux pieds du fieur de lalande, père de la veuve Geoffroi • & [e prier cl Wéér fon manage avec fa fille. II éprouva un rehis accompagné de toutes les marqué de la colère & de 1'indignation. D an autre cóté , les fieur & dame de Vilhtrs mftruits du mariage de leur WS, rendirenr, au cfiatelet, plainte ea leduéhon contre fi prétendae femme ,  de Mariage. 11 % Sc prononcèrent 1'exhérédation contre iui , en cas que ce mariage eut été jeontraóté. ! Ils obtinrent permiffion d'informef; Sc fur Pinformation, 1'époufe fut dcirétée d'ajournement perfonneL Elle fe rendit appellante de 1'ordonjnance du lieutenant-criminel, & obtint un arrêt de défenfe , fous le nom de la Veuve Geoffroi. ! Rien ne put vaincre la réfiftance des fieur & dame de Villiers. Leur fils , ■pour obtenir d'eux , 1'argent qui lui 'étoit néceffaire pour continuer fon fervice , leur déclara qu'il n'étoit point imarié; il en fournit même des certifiicats a M. de Chamillart, miniftre de la ;guerre , qui lui fit donner un billet de monnoie de 1000 livres. Le fieur de Villiers parvint enfin a fiéchir le fieur de Lalande \ Sc prit la réfolution d'attendre fa majorité , pour faire éclater fon mariage. Dés qu'il y fut parvenu , il dépofa , cbez un notaire , le certificat de Paumonier qui lui avoit donné la bénédiétion nupUiale , Sc le fit fignifier a fes père Sc mère , qui s'en rendirent appeilants comme d'abus. Cet appel fut porté a, la tournelle  ï 16 Demande en rèhabilitation criminelle , qui étoit faifie de celui que k dame Geoffroi y avoit porté de lor-: dqnnance du lieutenant - criminel. Les •fieur de Villiers fils préfenra une rel quète , par laqueile il demanda qu'al cas que la Cour fit difficulré de dé-: clarer qu'il n'y avoit point d'abus dan} ion manage , il lui fut permis de les rehabihter. Ses père & mère , pour( nrévenir certe rèhabilitation dont ils s étoient menacés , formèrenr oppofirion en 1'ofhaalité. Leur fils demanda maiu- '■ levée de cette oppofition. Les parents parernels & maternelsi du fieur de Villiers intervinrent dans la conreftation , & adhérèrent aux conclufions de fes père & mère. M. Dupin , procureur en la Cour , Sc curateur de 1'enfawr du fieur de Villiers & de la dame Geoffroi, en adhéranr aux conclufions de fes père & mère , demanda qu'il fut reconnu pour leur fils, & légitimé par le mariage fubféquent qu'ils feroient autorifés a conrraéter de nouveau , fi celui qui exiftoit étoit déclaré nul ; & , au cas on M feroit confirmé , qu'il fut maintenu dans la lcgirimiré qui lui éroit acquife. La caufe en cet état., M. Guyot de ' Chefne fut chargé de la défenfe des I  de Mariage. 117 fieurSc dame de Villiers père & mère. 11 défeudoir les droits de 1'autoriré paÊêrnelle , dans le point le plus délicat ïc le plus imporrant. II foutenoit 1'exépition des ordonnances de nos Rois, qui onr appuyé , de leur auroriré , celle des père & mère dans cette occafion. Les fieur Sc dame de Villiers ont cru que 1'honneur de leur état exigeoit qu'ils s'oppofaflent au mariage que leur fils projcttoit de contrader. Ils le devoient pour le corps de la nobleife dont ils Jont 1'honneur d'ctre membres. Des ■gentilshommes , jaloux de leur naififance & de leur nom, pour fe perjpétuer dans leurs enfans, doivent donI ner toute leur attention aux alliances qu'ils contracfent , puifque c'eft par des mariages fortables qu'ils continuent d'êtte la force & 1'ornement de 1'ètat, Non feulement il n'y avoit point de ; difficulté dans 1'appel comme d'abus j mais il n'y avoit jamais eu de mariage : ainfi , il ne s'agiftoit pas de_ déi cider fur la demande en rèhabilitation , Iijiais de fcavoir fi , dans ces circonftances , il étoit permis au fieur de Villiers de ie marier avec la veuve Geoffroi , ; fans lé confentement de fes père &C mère. Le jugement fur 1'appsl imer-  118 Demande en rèhabilitation jetté par cette veuve, dépend en par-! rie de I'explicarion de ce point. La preuve qu'il n'y a point de mariage , fe tire du certificat qu'on rap-j porte , & qui eft conftamment marqué au coin de la faulfeté même. Eneffet,. on ne 1'a rapporté que depuis la majorité : pourquoi ne pas le rapporter plutot ? II falloit le tems de le fabriquer. De plas ce certificat porte Capiranus fmajorQu'eft - ce que c'eft que cette quahté dans un prêtre ? Enfin le lieu de la célébration eft en inrerligneï N'eft-il pas vifible que ce certificat eft fuppofé ? La manière dont la veuve Geoffroi s'eft défendue, preuve é^alemenr qu'elle n'a pas été mariée: car eile a obtenu un arrêt de défenfe fous le nom de la veuve G'éofftoi : elle n'a commencé a prendre la qualitéde femme du fieur de Villiers, qu'après que le certificat a été fabriqué. < La conduite du fieur de Villiers ne permet pas de doutet de Ia fuppofition de ce mariage. II a écrit a fa mère plufieurs fois qu'il n'étoit point marié , il 1'a attefté a M. de Chamillan, miniftre d'étar. S'il dé lare aujourd'hui le contraire , on ne doit pas 1'en croire  de Mariage. i T 9 paree qu'il n'eft pas libre , étant obfédé par le fleur de Lalande &c fa prétendue époufe. Celle-ci , par fes charmes , flatte fa pailion , 1'autre , par fes pronieftes , flatte fa cupidité. II parle comme ils le font parler , & il parleroit aurrement, s'il étoit rendu a lui-même. Auroit-on baptifé 1'cnfant, qui eft le fruit de ce cornmerce , fous un nom érranger, s'ilsétoient mariés? Pourquoi, au défaut du nom de la femme , n'a-ton pas mis du moins celui du mari ? Rougit-on dans une conjonóture fi im- I porrante d'avouer un manage ? Mais la confuiion que caufe le libertinage, oblige a le réceler. II eft donc vrai qu'il n'y a point eu de mariage. II s'agit maintenant d'examiner fi le fleur de Villiers peur être recu dans la demande qu'il forme pour époufer la veuve Geoffroi. II eft certain d'abord qu'il y a iné- ; galité de naiffance. La maifon de Cour- I tin eft ancienne , alliée a de grandes maifons. Le fleur de Villiers le prouve • par fa généalogie. Le fleur de Lalande : eft d'une naiffance obfeure : il eft parvenu , depuis le premier degré de la 1 nulice , au rang de brigadier des arméés du Roi, ou il fe trouve élevé  12 o Demande en rèhabilitation par fes fervices. II eft vrai que fa femme , qui eft de la maifon de Balletrur en Artois , eft d une maifon ancienne ; mais la nobleffe de fa femme ne Ie relève pas ! II faut avouer cependant que 1'inégaIite de naiffance ne feroic pas capable de rompre un mariage contracfé ; mais ceft un monf légitime qu'on écoute dans la bouche d'un père , lorfqu'il soppofe au mariage de fon fils. L'autorité paternelle , fondée en raifon , trouve toujours dans la juftice tout i'appui néeefïaire. Outre I'inégalité de naiffance qui fe rencontre entre le fieur de Villiers Sc h veuve Geoffroi, 1,'inégalité de biens s y trouve. Le fieur de Lalande fe pare y -)™u nvics cife rente : on lui en a demande Ia preuve : il a'gardé le fiIence : on eft donc difpenfé de Ie croire. Un fait certain entre les parties , c'eft qu'on n'a conftitué dia veuve Geoffroi, dans fon premier contrat de mariale \ que zj®oo livres , qui ne font pasmcore payées. Voild toutes les richelfes ce cette veuve , que 1'on dit être un para avantageux pour Ie fieur^ Villiers. Voila Ia forrune qui 1'a déterminé l une recherche fi emprelfée. Difons plutót  de Mariage. i % i tot qu'un amiour héroïque , qui feroit : le mërveilletix d'un roman , a été le [principe de fes démarches : mais cet ainour héroïque, qui orne de tels livres, n'eft pas un exemple a fuivre dans le lifiècle. Il eft vrai que la veuve Geoffroi a un douaire de iooo livres de revenu: mais il s'éteindta par Ia mort. A 1'égard des legs que 1'on efpère trouver en fa faveur dans le teftament de fa belle mère , outre qu'on ne connoït point Ia fortune de cette femme, qui a jamais eu la témérité de fonder un iétabliiïement furie teftament d'une peti fonne vivante , qui peut ie révoquer a fon gré ? Le père & la mère du fieur de Villiers poffèdent le comté de Villiers qui eft de 6000 livres de rente, une autre terre qui eft aftermée 2000 livres, des conrrats fur 1'hötel de ville & fur plufieurs pnticuliers, en un mot, ils ont plus de 400000 livres de biens. Cetts fortune regarde uniquement le fieur de Vil'iers, fils ainé de fa familie , paree qu'il n'a qu'un frère qui eft chevalier de Malte, &c deux fceurs , qui , étant réduites a leur légitime , n'auront pas uu lot confidérable ; d'ailleurs elles peuTome XI. E  122 Demande en rèhabilitation vent prendre le parti du monaftère.:. U n'y a donc nulle proportion entres ces deux partis } qui puifïe déterminerr a confentir a leur union. Certe inéga-lité de biens , joinre a 1'inégalité de: iiaiiiauce , queue rorce ne sentreprê-- rent-elles pas pour en faire un motif d'on- ■ —a_ j i 'i i i, , J. , ^unuuii aans ia Doucne d un père qui! les propofe dans cette efpèce ? On ne dit rien de la conduite de : la veuve Geoffroi : ce font des myf- . tères qu'on n'a pu pénétrer. Heu- reufeinent pour elle , dans cette obfcurité, on doit préfumer fa fageiTe : mais il fera permis de dire que c'eft une veuve : qui par conféqnent avoit plus d'expérience que le fieur de Villiers, qui fortoit a peine du fein de fa familie. Elle étoit plus agée que lui, 5c 1'on ft:air que , dans un age égal, les femmes font plus formces que les hommes , & 1'on voit, dans des families , des filles qui régen tent dans des ruelles j tandis que leur ainé n'a aucun ufage du monde. La veuve Geoffroi, voyant un jeune homme riche , fufceptible de paflion , a mis en ufage tous fes charmes pour I'enflammer : elle lui a tendu des pièges incvitables. On peut dire que Ja  de Mariage. 123 nature avoit fait tous les frais qu'il falloit pour la rendre une féduóhice dangereufe , Sc lui faciliter la conquête de fon amant, qui , loin d'armer fon cceur , 1'a ouvert a toutes les atteintes qu'on lui a portées; Sc comme fi la veuve G offroi fe fur dériée de fes charmes , > elle y a joint ceux d'une fortune bril— l lante , qu'elle a fait luire aux yeux du i fieur de Vrfliers ; fortune imaginaire. La belle-mère a eu part a cette intrigue. Le fieur de Lalande , qui n'étoit pas alors a Metz , a joué depuis un róle 'important dans la pièce. On a fait paroitre ce père irritc contre fa fille , Sc contre fon gendre : mais fa colère ne s'eft pas foutenue , il s'eft appaifé Sc a oublié 1'injure qu'on lui a faite. De bonne-foi , croira-r-on que ce père éclairé fe foit endormi fur la foi d'un mariage dont on ne lui rapportoit point de preuves ? Ne penfera-t-on pas plutöt que , fe voyant déshonoré dans la perfonne de fa fille , il a offert au fieur de Villiers une dot capable de le tenter, & lui a préfenté , en mêmetems, des vengeurs dans les frères de la veuve Geoffroy , Sc dans lui-même , prêts a lui demander raifon de 1'affront qu'il leur a fait ? Xe fieur de Villiers F ij  124 Demande en rèhabilitation quelque courage qu'il aic eu , a-t-il pu balancer , tandis que fon amour parloit pour fa maJtrelTe ? On peut dire qu'il y a plus d'une forte de féduclioh qui fafcine le coeur Sc l'efprit du fieur de Villiers , Sc plufieurs féducteurs armés contre lui, S'il n'étoit pas enchantc , feroit-il infenfible a cette redoutable exhérédation que fon père a prononcée contre lui ? Oublieroit-il la rendreffe de fon père , Sc celle de fa mère , dont il a cté 1'idole , Sc qui, par les bienfairs qu'elle n'a celle de répandre fur lui, a acquis fur fon cosur des droits légirimes aulli forrs que ceux de la narure? Mais, afin que le charme ne fe leve poinr, le fieur de Lalande Sc la veuve Geoffroy ne perdent point de vue le fieur de Villiers. Celle-ci continue toujours d'employer fes charmes , qui f^avenr fibien le chemin de fon coeur ; 1'aurre fe préfente toujours a lui fous les mêmes traits qui ont rcuffi a le perfuader. La fille a commencé 1'intrigue , le père la continue avec elle, Or , non-feulement la fédudion eft un moven qui empêche de contraófer matiage , mais elle rompr celui qui étpit contraóté. Les ordonnances y font  de Mariage. 125 précifes , & ètabUltent même des peines fouvent capitales contre les féduc- teurs. r, 1! eft inutile de diftinguer h la iednctnce eft mineure , car une mineure :eft très-capable de féduire , fur-toBt fi c'eft une veuve expérimentée Sc plus ffeée. Dans le fait, le fieur de VUliers aÖété fcduit, Sc 1'eft encore par le fieuf i de Lalande Sc fa fille. Ce moyen eft d'autant plus mvincible contre la demande en rèhabilitation formce par le fieur de Villiers , , que , pour contraéter mariage , il faut être libre. Or , comment concevoir que le fieur de Villiers foit maintenant libre , pendant qu'il eft obfédé par la familie de fa maitrelfe avec qui il demeure aduellement? II n'eft donc pas en érar de contrader mariage avec la veuve Gëoffroy , paree qu'il y a feduc■ tion. De plus, pour conrrader ce manage, le fieur de Villiers, quoique majeur , a befoin du confenrement de fes père , Sc mère. L'autorirc paterneUe ne fe borne pas a la peine de 1'exhérédatipn , lorfque 1'enfant contrade un mariage fans le confentement de fes père Sc mère : les loix veulent de plus que 1'enF üj  ment de fes père Ar ,le.,confe"te- veuve Zot?* ^Pel fi»i* que Ia den^de £qi£K*ÏW« J'°» que la Cour les autonfe dans leur defJj n il ne peut aufli obtenir tout au ? n"arel du fieur de FillUrs, puifqu'il veut bien Ie reconnoïtre ? q A Pexemple de Buffy R«butin , qui f de la hJle avec le fieur de Ia Riviere engage, tous fes parents d interve r de forte qu'on vit une iifte brilhntè P«e hr auifiintervenir tous fes parents.  de Mariage. 127 Leur défenfe fe réduiïoit a dire que les families font un corps qui ne peut être bleffc , fans que les membres s'en reffentent : les collateraux font les membres de ce corps: ils ont en eftet un véritible intérêt de ne point voir leur nom mêlé avec un fang incormu , & que leurs biens ne paffent pas a des enfants qui pourroient leur faire déshonneur. Me Biaru , chargé de la defenfe de la dame Geoffroy dit que, fi jamais mariage a été permis a caufe des cir: conftances de la condition des époux , de leur fortune , de leurs qualirés parfairement afforties , de 1'état d'un enfant qu'il faut affiuer , c'eft fans dou te le mariage qui eft 1'objet du procés. On peut dire qu'il eft 1'ouvrage de la raifon. II fiut d'abord écarter 1'intervention des parents paternels & marernels , : tout refpedables qu'ils font pat leur nom , leur dignité & leur mérite perfonnel, ils n'ont aucun droit de s'intérellèr dans certe caufe , paree que les père & mère du fieur de Villiers font dans 1'inftance : la juftice ne leur laiffe que 1'office de médiateurs : ils ne doivent pas fortir de cette fphère. F iv  128 Demandeenrèhabllaation On cherche en vain d jetter des foupcons contre le mariage dont il s'aeit : eftreel:&,filWen rapporte ^ tre preuve que le certificat de 1'aumönier qui en a fait la célébration c'eft qu üa 7 en a point d'autre. Tandis que Ion ne s'infcrira pas en faux contre ce certificat , fon témoignage doit pader pour certain ; mais tel qu'il eft gpporte , ij prouve fuffifaminent le Suivant la copie , il y a c<,,fuams 77? »»^edu copiftePeuverfe dans k latmité : fur laminute il l a Capedanus. S'il y a un interligne \ ceftkfautedecetaumênier, «f»* pas des parnes , qui font bien e|oi en cant que de befoin , 1'annobliffoientfans qu'on put lui demander aucune finance. Auiha-t-il pris, dans. fon contrat de mariage , Ia qualité decuyer , & l'a donnée a fon père qui étoit feigneur de Lalande & de plufieurs terres que pofftde fon frère ainé qui a tous les titres de fa familie. II en eft dépourvu •, &c s'il ne les a point produirs , c'eft qu'il ne s'étoit pas attendu qu on ïnfultat a fa naiffance. Ce qui doit fermer  de Mariage. 13 1 la bouche a fes adverfaires , c'eft que deux grands Rois rendent témoignage a fa noblelfe , & impofenc füence a fes ennemis. Mais , en fuppofant que la nobleflss du fieur de Lalande fut perfonnelle, 6c füt le prix de fes fervices , elle feroit plus illuftre qu'une noblelfe d'extracrion , puifqu'il eft bien plus glorieux de briller par fon propre mérite , que par celui de fes aïeux. Enfin , fon illuftrarion perfonnelle 1'égaleroit certainemenr a rbut gentilhomme , quand il ne le feroit pas liumême. Le fieur de Lalande avoit été gouverneur de la citadelle de Metz , il étoit chevaliet de faint-Louis , brigadier des armées. L'inégalité des biens qu'on oppofe n'a pas plus de fondement. On yoit , par fon contrat de mariage , qu'il eft feigneur de plufieurs terres. Les parents de fa femme , qui eft de 1'ancienne maifon de BaUeuïer en Arrois , y font aufli qualifiés feigneurs de plufieurs terres. Elles font pofledées aujourd'hui par le fieur de Lalande^ , a qui elles font échues par fucceflion: elles montent a plus de 10000 livres de rente. Le fieur de Lalande a , outre P vj  131 Demande en rekahititation cela , des contrats , des penfions. En un mot, il a 25 000 livres de rente ; & li Ion vent attacher la décifion de la caufe a la preuve de ce fait, 1'on s'en" gage de la faire. Mais , afin de trancher le nosud de la difficuité par une propofition bien fimple , le fieur de Lalande offre de donner a fa fille autant de biens que le fieur de Villiers & la dame fa femme en donneront a leur fils : cette offre fera tomber leur moyen fondé fur 1'inégalité de biens, & répondra au delfein qu'ils ont d'établir leur fils avantageufemenu Me de Blaru apoftropha alors Ia dame de Villiers , qui étoit a 1'audience. Ehte dei-vous t lui dit-il , madame , Voffre que je vousfais , je fuis pret d la réalifer. II éleva encore fa voix , & répéta la même apofirophe , & comme la dame de Villiers n'y répondit rien, il dit : Je vois bien que la nature eft fourde , je rire , du filence de la dame de Villiers, 1'avantage de conclure que, s'il y a quelqu'inégalité de biens a oppofer , le fieur de Villiers père n'eft pas en droit de fe fervir de ce moyen , & que c'eft le fieur de Lalande qui oourroit 1'employer..  de Mariage. 133 A 1'égard de la conduite de la dame Geoffroi , dans le défefpoir oü 1'on a été de la noircir , quoiqu'on fe foit épuifé , depuis trois ans, a faire , fur cet objet , les recherches les plus fcrupuienfes , on s'eft retranché arciucieuiement dans des foupcons qu'on a voulu infpirer , fans rien dire de précis. Comme 1'honneur d'une femme eft extrêmement délicat, & qu'il peut être terni par Pombre même. d'un foupcon , on la diffipera par des témoignages éclatants : la dame Geojj'roy a des preuves aurhenriques de 1'eftime de fon pre- ; mier époux par fon teftament. Depuis fon décès, elle a demeuré chez fa bellemère , ou , malgré les pièges que fa beauté a fait tendre a fa vertu , elle a vécu avec tant de régularité ,. que toute la ville de Metz en a été édifiée. Madame de Saint-Conteft , femme de M. de Saint-Conteft , commilfaire député pour la province , en a rendu compte a plufieurs d'entre les juges. Depuis trois ans que la dem'oifelle de Lalande eft mariée avec le freur de Villiers , fa fagefle a été tellement irréprochable, que fon mari la demande hautement , loin de profiter de 1'occaüon de rompre les liens de fon en ga.-.  134 Demande en rèhabilitation gemene. Y eut-il jamais un témoignage moins équivoque de la part d'un mari ? Combien de femmes d'une vercu éminence feroient demariées après trois ans , fi on en donnoit la iibertéa leurs maris! Ainfi 1'on doit j'uger qu'un mari qui ne prorite pas d'un prétexte dont le fuccès feroit infaillible , prouve, par fa conftance, que non-feulement fa femme eft d'une grande vertu , mais d'un caractère qui rend fa vertu aimable a fon mari , qui défefpère d'en trouver une autre d'un pareil modèle. Mais , dira-t-on , c'étoit une veuve plus agée & plus expérimentée que le fieur de Villiers. Elle a employé tous les artifices capables de le féduire ; la fé-duélion a commencc en minorité : il ne peut jamais y avoir de mariage entre le féduóteur & la perfonne ieduite , pendant que la féducHon dure. Il eft important de renverfer cette objedion , & dans le droit, & dans le fait. Dans Ie droit, il faut diftinguer entre Ie rapt de violence 8z Ie rapt de féducfion. Le premier eft vérirablement un empêchement dirimant au mariage , mais le fecond n'empêchera a.mais un mineur qui atteint la majo-  de Mariage. 135 rité de pafTer outre. Aulli , quand on fuppoferoit qu'il y a féduótion de la part de la demoifelle de Lalande , elle I n'en pourroit pas moins aujourd'hui époufer le lieur de Villiers. Mais , dans le fait, il n'y a point de féduétion de fa part : un amour réciproque a fondé 1'engagement dont on fe plaint. On fe récrie fur fon age , elle a trois mois de plus que le fieur de Villiers : elle étoit , dit - on , plus expérimentée , paree qu'elle étoit veuve. En bonne-foi, comment concevrat-on qu'un jeune hamme qui a été deux ans moufquetaire, autant de tems- aidede-camp de M. le Maréchal de Bouf- • fiers , trois ans capitaine de cavalerie , foit fans expérience? C'eft-lacet homme que 1'on dit fortir , pour la première fois , du fein de fa familie , que 1'on n'avoit jamais perdu de vue , que 1'on a fuivi par tout, qui s'échappe , Sc trompe la vigilance de fes furveillants. Au refte, ce qui écarté toute 1'idée de féducliicn qu'on impute a la fille du fieur de Lalande , c'eft qu'elle jouilfoir d'une forrane qui n'avoir pas befoin d'être foutenue. Née demoifelle , fille d'un père illuftre par fon mérite perfonnel, elle avoit un rang quipour  136 Demande en rèhabilitation n'être pas tout a fait aufli confidérable que celui du fieur de Villiers, lui étoit néanmoins fuffifant. Elle avoit du bien, & le fleur de Villiers n'avoit rien : elle vivoit agréablement & commodément chez fa belle-mère ; le fieur de Villiers etojt déh'ué de tout. Dans cet état, quel intérêt pour la demoifelle de Lalande de féduire le fieur de Villiers ? S'il y a un fédudbeur , on le repète, c'eft le fieur de Villiers, qui ayant trouvé une riche veuve , jeune & aimable , a tout mis en ufage pour la perfuader & la conduite a un mariage oü confpiroit fon amour avec fon intérêt. La féduótion que 1'on impure encore au fieur de Lalande, eft tout aufli imaginaire ; car il n'étoit point a Metz Jorfque fa fille a époufé le fieur de Villiers. II eft évident que s'il eut été 1'auteur de ce mariage , il eut du moins fait obferver toutes les formalirés qu'il auroit ét? poffible de remplir. Depuis ce temsla , qu'a-t-il fait ? II a cherché routes les voies qui poavoienr fauver fon honneiir. On s'eft divern fur fon in diligence. La dame de Villiers auroit-elle voulu que , pour fatisfaire a fa jufte douleur , il eut égorgé le fieur de Vil-  de Manage. 137 liers fon fils ? On n'embrafTe les remèdes violents , que lorfque les autres moyens font épuifés j & le fieur de Lalande a toujours vu le fieur de Villiers difpofé a réparer fa faute : ainfi il n'a pas du conferver fa colère : il a du, au contraire, acceptcr la réparation que le fieur de Villiers lui orfroit. On veut que celui-ci ait toujours été obfédé. Mais n'a-t-il pas fait deux campagnes , cu il U'étoit point fous les yeux du fijur de Lalande &c de fa fille ? L'on .fcait qu'un officier qui porte en camteagne fon amour , ne le rapporte point jordinaivement au retour : mais le fieur de Villiers en avoir un a 1'épreuve de toutes les atteintcs. Avant que de loger ,;chez le fieur de Lalande , dans fes quartiers d'hivcr il s'eft préfenté a la maifon parerneüe : on n'a pas voulu le recevoir. II n'avoit d'autre azyle que celui que la reEiirefie de fon époufe lui offroit. Depuis fa majorité , il ne loge plus chez le fi'.ur ce Lalande. On veut encore que l'on air imprimé de la crainre au fieur de Villiers. 11 a craint véritablement , mais c'eft d'ctre panure , infidèle , traïtre a luimème , a fa confcience , a fon honneur & a fon fils, li fe roiciit .contre 1'exhé-  138 Demande en rèhabilitation rédation : ce n'eft pas qu'il n'y foir feniïble ; mais il 1'eft encore plus a fon devoir & a fon honneur. Sou efpoir eft de rrouver , dans le fervice , de quoi le dédommager de fon inforrune. Un gentilhomme qui fert fon prince avec zèle , eft sür d'être récompenfé. Ainfi fon bras lui tiendra lieu de patrimoine : prêt a répandre fon fang pour relever fa noblèfïe , il Ue fonge qu'a acquérif de la gloire en fervant fon Prince , dont la générofiré fera le refte. Enfin fon honneur , fon devoir envers fa femme Sc fon fils , fe préfentaflent-ils a lui accompagnés de 1'indigence , il les préféreroir a tous les biens de fon père, s'il ne les avoit qu'en violanr fes devoirs. II ne les veut point achetera ce prix , tV il dcclare hautemènt qu'il renonce a des conditions qui le déshonoreroient fans reffource. Pour empêcher ce mariage , on dit qu'il'n'y a point de loi qui permette aux enfans de fe marier fans le confenrement des père Sc mère. Mais , premiéremenr , c'eft le droir commun qui permer le mariage aux enfans qui ont atteint la majorité: ils fonr pour Iors capables de faire un choix. Secondement , lorfque les ordon-  de Mariage. 13 0 nancespermettent aux pères d'exhéréder leurs enfans majeurs , elles fuppofent qu'ils fonc mariés : car elles ne leur permettroient pas de les exhéréder pour la feule intentiori de fe marier. Ils peuvent donc réalifer cette intention , s'ils veulent encourir 1'exhérédation (i ). La dame de Villiers , défefpérant de réulfir dans fon oppolition , faifoit , difoit-on, auprès des juges, en les folKcitant, fes efforts , pour obtenir que le mariage fut dirféré. Mais qu'eft-il nécelfaire de différer après trois ans de perfévérance & de conftance ? Prétend-on que le fieur de Villiers ne foit pas affez inftruit du mérite & de la conduite de fa femme? Un motif plus fort encore ne permet pas de plus longs délais : le fieur de Villiers partincetfamment. II part pour 1'armée, il y peut périr ; s'il y eft tué , ( i ) II n'y a qu'a fa're Ie parallel* de 1'ordonnance d'Henri II, de 13^6 , qui peï•met aux pères & mères d'exhéréder leurs entans qui fe marient malgré eux , avec 1'ordonnance d'Henri Ilt, de 1579 , qui défend aux mineurs de fe marier lans le confentement de leurs pères & mères. La première ordonnance ne donne point atteinte k la fubnance du mariage ; mais la feconde le déclaré nul.  140 T)emande en rèhabilitation que deviennent 1'état de fa femme & celui de fon fils ? La more ne 1'épouvante poinr: pret a la braver dans toutes les rencontres , il ne menaeera jamais fon fang pour le fervice de fon Prince & de fa patrie : mais ce qu'il n'appréhende pas pour lui - même , il le craint. pour fa femme & pour fon fils: fenfible a leur honneur, il feroit toujours dans les alarmes j & cette ). crainte fi naturelle , eft digne de lui. Pour être héros , cn n'en eft pas moins père ; & la tendreffe paternelle fe conferve au milieu de toutes les vertus militaires. M. le Naln , avocat-général, dit que cette caufe , oü l'on avoit vu un amour mis a de fi grandes épreuves , & tenir contre 1'autorité paternelle , armée contre lui de fes foudres , étoit un exemple dangereux a propofer , quand meme la raifon parleroit pour ce fils 5 & quoiqu'ou doive facrifier tout a la raifon , on la doit fuppofer dans un père qui défapprouve le mariage de fon j fils ■■) a moins qu'il n'y ait des circonf- | tances bien fingulières & bien fortes , qui déterminènt a croire qu'elle eft du core du fils. II dir enfuite qu'il s'agifloit premie-  de Mariage. T41 rement de fcavoir s'il y avoit eu tin ma- . riage ; fecondemeut, li l'on dévöit permetcre au fieur de Villiers de ie rcha- ! biliter , ou d'en contrader un nouveau. Quoique le certificat que l'on rap- : porte du mariage ne foit pas enforme , ! cependant , paree qu'il eft plus hon- I nête de penfer qu'il y a eu un maria- I ge , dans le doute , il faut le croire. Au furplus cela eft indifferent pour la : décifion de la caufe , paree que ce mariage étant conftamment abufif par le dèfaut de confentement des pères & mères, il eft nul , & ne peut jamais fubiifter. Ainfi la permiifion de réhabi- :, liter un mariage , ou d'en contrader un , forme ici la même queftion & la même difïiculté. Mais le fieur de Filliers , infenfible a 1'exhérédation que fes père & mère 1 ont ptononcée contre lui, funefte effét de leur colère ! demande hautement a réhabiliter fon mariage. Les père & mère ont - ils droit de s'y oppofer > : C'eft ce qu'il s'agit d'examiner. Le fils mineur ne peut fe marier fans le confentement de fes père & mère: ! mais quand il a atteint lage de majorité, 1'autorité paternelle peut-elle s'op- , pofer a fon mariage ? Sans doute elle  142. Demande en réhab'ditat'/on le peut, fi ellea des raifons très-fortes : ce font ces raifons qui font Pobjet de notie examen. Le père & la mère emploient d'abord 1'inégalité de naiffance. II ya deux queftions , 1'une de droit , & 1'autre de fait. Par rapport a la queftion de droit, les loix rümaines ne permettoient pas aux fénateurs , ou fils de fénateurs , d'époufer des femmes efclaves , ou affranchies , & des femmes qui euffent monté fur le tfiéatre , paree qu'eiles étoient infames : mais elles leur permettoient de choifir , dans route autre condition , & même il étoit permis d'époufer fa fervanre. Parmi nous , 1'inégalité de condition n'eft pas un 'obftacle , fur- tout dans le fiècle oü nous fommes, oü nous voyons des difproportions trés - confidérables entre les contraétants. Comme le plus ou le moins dargent met une grande dïfférence parmi les hommes , le plus oü le moins dVrément met une grande différence dans le fexe. Les richeffes dans 1 un ou dans 1'autre fexe , & la beauté dans les femmes , approchenr , dans les mariages , des conditions très-éioignées. Dans le fait, ie fieur de Lalande eft  de Mariag;. 143 noble : peut - être que fa noblelfe eft nouvelle , peut-être eft-elle ancianrie ; mais, quoi qu'il en foit, outre qu'il a un mérite perfonnel qui vaut bien une noblelfe d'exrraélion , l'on doit même préférer une noblelfe qu'on tient de foimême , a une noblelfe qu'on tient de fes aïeux j puifque la première nous eft propre , èc que 1'autre eft emprun- I tée. Le fieur de Lalande n'a aucune tache dans fa familie : ainfi on ne fcauroit oppofer 1'inégalité de conditions. L'inégalité de biens n'eft pas mieux fondée , paree que , dans le droit, il n'importe, pour le mariage , s'ii y a égalité de biens : dans le lak, le fieut de Lalande n'a pas communiqué la preuve de fes biens ; mais, après tout, elle n'étoit pas nécelfaire. Si la fille du fieur de Lalande avoit tenu une conduite irréguliere , le fieur de Villiers père pourroir juftement s'en prévaloir ; mais il n'a point prou- : vé ce qu'il a voulu infinuer , & nous avons des rémoignages de fa vertu dans le jugement de fon premier mari; 8c les informations qui ont été remifes . entre les mains du miniftke public , n'ont rien produit qui put ternir fa réputation. La m^iguité naturelle , sure  14-4 Demande en rèhabilitation d'être écoutée par des perfonnes avides des récirs qui pourroienr flarrer leur deffein , ne leur ayanr ofé préfenrer rien de défavanrageux a la fille du fieur de Lalande, rien ne prouve mieux que fa verru eft irréprochable. Jufques-la rien ne femble empêcher que le fieur de Villiers réhabilite fon mariage avec la demoifelle de Lalande: mais la fcduction , dont le père Sc la mère fe plaignent, eft fufceptible de bien des difhculrés. Dans le droir, non-feulement le rapt de violence eft un empêchement dirimant , mais il eft cerrain aufli qu'il en eft de même du rapr de féduótion , beaucoup plus dangereux , paree qu'il eft plus difficile a évirer. L'ame réfifte au rapr de violence , Sc on s'échappe des mains des ravifleurs , des qu'on le peur : mais dès que l'ame eft fubjuguée par la fcduction , l'on ne peut pas fe de:liyrer de la captivité oü on eft réduit. Dans le rapt de violence, rous les fens, de concert avec le cceur, s'élèvent contre le ravilfeur : mais, dans le rapr de féduclion , rous les fens fonr fafcincs avec le cceur ; on ne penfe que comme penfe Ie féduóteur ; on a les mêmes  dé Mariage. \^ mcmes fentiments que lui , & l'on ne voit que par fes yeux. La féduction ne s'exerce pas feulenaent par les majeurs ; elle peut encore être exercée par les mineurs ; nous en voyons tous les jours des exemples. II eft vrai que l'on ne traite pas les mineurs qui Pexercent avec la même févérité que les majeurs. II eft donc conftant que la fcduction commencée en minorité empêche , lorfqu'elle dure , que l'on ne contracte mariage en majoriré. Tous ces principes font tellement connus , qu'il fuflit de les propafer pour les rendre certains. Voyons donc fi, dans le fait, il y a féduétion , par qui, & comment elle a éré exercée. A 1'égard de la demoifelle de LaLinde , on ne voit rien dans 1'informarion qui dépofe contre elle. Ainfi il |eft vraifemblable qu'une inclination réciproque a formé leur engagement, Sc il ne paroit pas que la demoifelle de lalande , quoiqu'en apparence plus éxpérimentce , paree qu'elle étoit veuve , lait féduit le fieur de Villiers. La conduite du fieur de Lalande ne paroit pas auffi exempte de féduction. Tomé XI. Q  i a£ Demande en rèhabilitation II eft vrai qu'il n'élóit pas a Metz lors du mariage de fa fille , mais a Paris. Frappé du déshonneur qui auroit réjailli fur fa familie, il eft hors de doute qu:il a mis tont en ufage pour retenir le fieur de Villiers dans fes premiers engagements. Tout ce qui s'eft fait vient J de lui. II eft a la vérité très-pardonnable \ la fédu&ion qu'il a exercée eft tres-innocenre , paree qu'elle a fon hon- 1 neur pour principe , mais, toute innocente qu'elle eft , elle ne laiffe pas de ravir la liberté au fieur de Villiers, qui a toujours demeuré chez lui pendant fa I minorité, En forte qu'on ne fcauroit regarder, la volonté dans laquelle le fieur | de. Villiers. vcïCi&q fi hautement , com- I me libre , & capable de produire un f confentement tel qu'il eft néceffaire pour contra&er mariage. Si le public a paru fenfible au fort de la demoifelle de Lalande , une pitié naturelle a fod | mé fon inclination : mais le miniftère public , qui eft prépofé pour 1'intéiêt- | public , & qui doit foutenir celui des pères , doit aulli penfer autrement , & 1 conformément a 1'efprir des loix. On volt que le fieur de Villiers , étant fé-1 duit par le fieur de Lalande , il feroit : d'une conféquence trop dangereufe de \  de Mariage. 147 confentir a fes deifeins : il flut du moins 11 n intervalle aure 1'obftifion & le mariage afin qu'il foit 1'effet d'un confentement libre ; il faut que le fieur de Villiers foit rendu a fa familie. Si , après tel tems qu'il plairaala Cour de fixer, il perfifte , on fera droit fur fa demande. Quand on dit qu'après une épreuve de trois ans, le fieur de Villiers eft parfaitcment convaincu de la fageflè de fa femme , on ne doit pas douter de cette fageffe , & l'on n'en doute pas effedivement. Mais on doute s'il n'eft pas fcduit par des impreffions que lui a donné le fieur de Lalande. On oppofe que le fieur de Villiers ira faire la campagne , & qu'il y peut périr; mais il a déja. fait des campagnes , d'ou il eft revenu chez le fieur de Za/Wrtte.D'ailleurs un événement qui peut arriver ne doit point faire quitter une voie que la prudence indique , furrout dans une efpèce oü 1'arrct qui doit intervenir eft d'une fi grande conféquence pour I'intérêt public , & celui de 1'autorité paternelle. A 1'égard de Penfant , on peut cependant lui donner ade de ce qu'il eft • 'ds du fieur de Villiers , pour y être Gij  148 Demande en rèhabilitation pourvu dans la fuire , ainfi quïl apparriendra : car jl eft fenfible que Tincour de Virille eft le nom déguifé du fieur Courtin de Villiers. Au refte la reconnoiflance du fieur de Villiers ne laiffe point de doute la-deffus. Pour ce qui eft de 1'appel fimple inrerjetté par la dame veuve Geoffroi, n'érant point coupable de féduólion , elle doit être déchargéede l'accufation', M. 1'avocat-général conclur enfin a ce que la Cour prononcar « qu'il y avoit 35 abus dans le mariage , & que la veu,> ve Geoffroi fut déchargée de 1'accu» fation en rapt de féduétion ; & avant j) faife^roit fur la demande en réhaw biiitation de mariage, il fut ordonne » que pendant un tel tems qu'il plai» roit a la Cour de fixer , le fieur de » Villiers fils fut tenu de fe rerjrer chez « tel de fes parents qu'elle nommera ,' «> pour enfuite ce tems expiré, être sj fait droit fur fa demande , s'il peris fifte. Et faifant droit fur la requête is de Penfant , lui donner aóle de ce 3j qu'j.1 eft fils du fieur de Villiers », On ne peur s'empêcher d'obferver que le motif qui détermina M. I'avocatgéuéral a penfer qu'il y avoit lieu d'ordpiwet un furfis pour Ie mariage du  de Mariage. Ï49 fieur de Villiers , avec la fille clu fieur de Lalande, ne paroit pas folide. En effet, il convient que les charmes de cecce jeune veuve n'ont poinc opéré de i féduótion fur le cceur & fur 1'efprit du i fieur de Villiers , 8c qu'il eft vraifemblable que c'eft une inclinacion réciproque qui a formé leur engagement. Mais pourquoi cette même inclination ne feroit-elle pas aulli la caufe de la perfévérance du fieur de Villiers ? Les charmes extérieurs de la belle veuve lui ont infpiré d'abord le defir le plus ardent de les polféder , 8c Pont déterminé a tout facrifier, pour obrenir une jouiliance que la vertu , plus forre que 1'inclination qu'il avoit infpirée , lui refufoit. Cett* jouiflance, au lieu d'éteindre les defirs , n'a fait que les entretenir ; 8c la liberré conjugale a découvert au fieur de Villiers , dans le coeur 8c dans 1'efprit de la perfonne qu'il aimoit , des qualités qui, joinces aux appas extérieurs , ont formé une i ehaine indilfoluble. Les raifons de convenance font en:, core venues au fecours , pour relferrer 1 ces nceuds. M. 1'avocat-gén-éral eft convenu que, dans le droit, 1'inégalité de ! fortune 8c de condition n'étoit pas un G iij  i^o Demande en rèhabilitation motif fuffifant aux yeux de la loi , pour empêcher un mariage. Mais dans le fait, le fieur de Villiers voyoit que s'il étoit noble , il époufoit une fille qui 1'étoit pareillemenc, & que d'ailleurs , le beau-père qu'il fe propofoit d'obtenir , étoit acfuellement décoré des principales dignités militaires. Quant ada fortune , on a vu que les chofes étoient a peu-près égales. II étoit perfuadé , en un mot , que la' fantaifie de fes père & mère ne lui procureroit jamais une alliance plus fortable , & auffi heureufe que celle a laquelle il afpiroir. L'amour & la raifon éroient donc les vrais féduéteurs qui retenoient le fieur de Villiers dans fa perfévérance j & ce n'eft pas dans les romans feulemenr que l'on trouve des exemples d'une conftaiice pareille a celle qui faifoit agir le fieur de Villiers. Quant au fieur de Lalande , quelle part pouvoit-il avoir a la féduétion ? 11 n'étoit pas avec fa fille quand elle admir le fieur de Lalande dahs fon cceur, öc quand elle lui donna la main. Er, quand il auroit éré préfent , quand il auroit eu part a 1'accès que trouva le fieur de Villiers dans la maifon oü logeoit fa fille , quelles raifons auroient  de Mariage. 151 pu le déterminer a fe charger des foins & des rufesquexigela féduction? Etoir- 1 il donc embarraffé de trouver , pour fa fille , un gendre tel que le fieur de Villiers ? Elle étoit belle •, elle étoit fage , elle avoit les qualités du cceur &c - de 1'efprit, de la naiffance & de la forum*. L'alliance du fieur de Villiers 1'avoit même fi peu flatté d'abord , qu'il s'y étoit oppofé , & avoit refufé fon confentement a la ratification de Puhion ir, régulière de fa fille avec lui. S'il chan: gea de facon de penfer , c'eft 1'honneur i de fa fille , qu'elle avoit hafardé , qui i opéra cette révolution dans fes idéés. . II ne confidéra point la perfonne , la I naiffance , ni la fortune du fieur de i Villiers : les circonftances 1'auroient déI terminé en faveur de tout autre per< fonne dont l'alliance n'auroit pas été I déshonorante. II eft donc a. préfmner qu'il a fouhai3 té que le feul remède qui pouvoit répaI rer 1'honneur de fa fille & de fa fa1 mille , fut mis en ufage ; qu'il a enI trerenu le goür perfévéranr du fieur de i Villiers pour fa fille , en lui repréfentant j que le mariage dont il s'agiftbit ésant •| abfolument aflorti , il devoit fau-ver G iv  t-5 2 Demande en rèhabilitation I honneur d'une femme qui ne lui en avoir fait ie facrifice que par inclina"on , & fans aucune vue d'inrérêr ni d ambirion ; qu'il devoit donner un état a unl enfant qui étoit le fruir des comPlailances d'une mère qui méritoic rout Ion attachemem , & par elle-même , & par fa nailfance , & par fa fortune : qu d devoit enfin épargner une tache a une familie dont il n'avoit pas a fe plaindre , & qui , jufqu'au moment oü il avoit fongé a y entrer , avoit toujours vecu avec honneur, & joui des éro. gatives qm y font attachées. Le père d'une fille qui s'eft égarée & qui tient un tel langage a celui qui Va deshonorée , tienr-il le langage d'un féducfeur? II faur donc regarder comme feducbeurs , tous ceux qui, dans Ia fociete civile , obtiennent, par ks confiderations & par Jes raifonnements , la juftice que leur doivent ceux avec qui ils ont des intéréts , de quelqu'efoèce que ce foit, a difcuter. Enfin , M. le Nain avoit-il fuffifammentrépondu aux raifons que l'on avoit oppofécs aux defirs que lesfieur&dame de Villiers avoient de retarder le manage de leur fils ? Sans doute il avoit eu jufqu'a Iors le bonheur d'échapper  de Mariage. i 3 aux périls qu'il avoit courus a la guerre. mais pouvoit-on prudemment en conclurrc qu'il échapperoir encore ? Et ipouvoit-on , fur une aufli grande inicertitude , regarder comme un trait de prudence, le retardement d'un mariage dont la célébrarion étoit nécelfaire 'a 1'honneur d'un-e femme vertueufe 8c innocente , 8c a 1'état de 1'enfant auquel elle avoit donné le jour ? Aufli les conclufions de ce magiftrat ne furent-elles pas fuivies. Voici 1'arrêt qui fut rendu. " La Cour a recu 8c recoit les parents \» paternels 8c maternels , ainfl quë L 1'enfant, parties inrervenantes.) évoi» quant le principal, & y faifant droit, 1» fur 1'appel comme d'abus , interjettc I» par les fieur & dame Courtin de Vil{» liers , de la célébration du mariage en :» queftion, dit qu'il a été mal 8c abu,1» fivement 8c non valablement contracI» té, le déclaré nul : en tant que tou313 che 1'appel fimple interjetcé par la 1» veuve Geofjroi, de la procédnre cri: ss minelle faire au chatelet contr'elle , j»a mis & mer 1'appellarion & ce au in néant; émendanr, la décharge de Fac|» cufarion formée contre elle , 8c 1'ab* IJ3 fout: faifant droit fur la requête préG v  154 Demande en rèhabilitation &c. „ fentée par le fieur de Villiers fils, lui „ permet de palier outse , & de con„ traófcer mariage avec la veuve Geof„ froi , en gardant les formalités prefi- critespar les ordonnances; a cet efFer, „ lui donne main-levée des oppofitions „ formées par les père 5c mère , a la „ publication des baro en 1'officialité de Paris , tous dépens compenfés en„ tre les parries ». Cer arrêt fut prononcé a la tournelle par M. de Menars , le 10 mars 1708. 11 décide qu'un fils majeur peut fe marier , malgré 1'oppofition de fes père & mère , lorfqu'elle n'eft pas foutenue par de fortes raifons , & que le fils, au contraire , en a de prelfantes: msus le père a toujours droit de 1'exhéréder , droit que les ordonnances lui accordent pour conferver 1'autoriré naternelle, & afin que les enfans ne foient pas rentés de contraster des mariages lans leur confentement.  Hifloire d'un Bigame. f > > HISTOIRE JD'un Bigame , dont les deux femmes, après fa mort, conteflent refpeclivement leur état 3 & celui de leurs enfants. Les tribunaux retentiiTent fouvent de queftions d'état, & les recueils d'ar: rêts en préfentent fouvent de diftèrentes : efpèces. Ces queftions dérivent prefque : toujours de fources bien abondantes : 1'avarice , la jaloufie , 1'ambition , la haine , la vengeance & la débauche. On en voit peu qui aient pour principe unique 1'amour paternel, ou 1'honneur. \ On en a cependant rencontre quelques exemples, dans ce recueil: mais en bien petit nombre. ■ C'eft un père, ou une mère qui craignent -que la charge d'un trop grand nombre d'enfants , ne nuife a 1'aifance dans laquelle ils veulent vivre. C'eft un mari jaloux qui attribue la fécondité de fa femme a une foiblefte criminelle. Deda les plaintes de la part des enfant* G yj.  i $ 6 Hifloire d'un Bigame. qui réclament un état dont on a voulu les pnver,&qui dévoilent, aux yeux du public, des faits finguliers', par les précaunons qu'on a prifes. pour les cachet. C'eft un importeur que 1'avarice & 1'ambicion portent i vouloir fe placer dans une familie dont I'opulence & la noblelfe le tireront de la baflefle 8c. de la mifère oü il eft né. ^ C'eft un père, ou une mère attachés a 1'eclat de leur nom , qui veulent le perpéruer contre le gré de la nature qui leur refufe des defcendaurs; cm quiirnrés contre des collateraux, enrret>rennent de les dépouiller de leur-facceffion, en adoptant un enfant qui leur eftétranger , pour réunir fur fa tête leur fortune 8c leur nom. C'eft une femme qui s'eft oubliée dans des circonftances qui ne lui permettent pas d'en impofer a fon mari, fur la paternité de 1'enfant qu'elle portedans fon fein. Elle lui dérobe la connoiffance de fa grolfetfe & de fon accouchement. Cet enfant trouve des traces qui le conduifent a fon origine , & réclame un état que la loi lui a aÖWéi C'eft un homme , enfin, que le dégout pour la perfonne qu'il- a époufée , ou 1'avarice,ou 1'ambition, déterminent  Hifloire d'un Bigame. i comme fes affaires 1'appelloient ailleurs , il paffa une procuration au nommé Saint-Martin , fon commis , portant pouvoir de tran • figer avec Marguerite Doros , & d'affermir , fur la foi dn ferment , tout ce qu'il trouveroit a propos pour fes interets. On prétend que Marguerite Doros a pafle avec Saint-Martin un act e , en vertu de cette procuration , dans lequel elle reconnoit qu'elle a poufle fi 1 loin la galanterie avec un capitaine , : qu'elle en a eu deux enfants qui font , a 1'hópital de Lyon. Par le incme acte, elle reconnoit Jean Capé entiérement i libre , & fe contente de la fomme de ; 6000 livres , tant pour elle , que pour ! AUxandre Capé fon fils , dont , ditelle , il eft véritablement le père. U faut bien remarquer ici que ces actes étoient  i Go Hifloire d'un Bigame. fignés Francoife 9 & noH pas Marguerite Doros. Jean Capé fe croyant, ou voulant fe croire dégagé , fe maria en \G<)S , a Chambery , avec Antoineue Dorfet : il étoit alors commiffaire des guerres. On ne voit pas que ce nouvel engagement eut d'autre matif , que 1'inconfhnce de Capé. 11 ajouta a fon nom , celui de Dulacq , dans l'a&e de célébration du mariage , qui fut fait par le curé de la paroilfe de la fille. On ne fait point rnentio» , dans cet aéte, de la paroilfe de Jean Capé; on y rappelle la publication de deux bans, & la difpenfe d'un troifième , & les deux témoins qui y ont alïifté. Le curé feul a ligné fur le regiftre, les parties eontra&antes & les témoins n'y ont point figné. Cinq mois après, Antoineue Dorfet accoucba d'un garqon. On a foutenu , pour la verta d!'Antoineue Dorfet , que cet enfant précoce étoit le fruit du devoir conjugal. Elle a eii un autre enfant , on ne dit point s'il devanca , comme le premier , le cours ordinaire de la nature. Quoi qu'il en foit, cette nouvelle, époufe a été en polfelïïon paifible de fon état, jufqu'a la mort de Jean Capé, qui arriva en 1704.  Hifloire d'un Bigame. 161 Elle fur nommée, par avis de parents, turrice de fes enfants. Marguerite Doros fit nommer un curareur au fien. Elles vendent toutes deux la charge de commiffaire des guerres, donr Jean Cape étoit pourvu lors de fon décès : oppofition par conféquent au titre. Sur 1'oppofition , les parties furent renvoyées par le confeii , au chatelet, pour procéder fur leur état. Au chatelet, demande a fin de provifion par 1'enfant de Marguerite Doros: on lui adjuge 5 00 livres , par fentence 1 du 2 9 Avril 1706, & on remet les par. ties a huitaine. Appel en la Cour par Antoinette Dorfet , &c en même-tems appel comme d'abus de la célébration du mariage de Marguerite Doros avec Jean Capé, &! en qualiré de rurrice , ^ requêrant pour fes enfants , qu'ils fuffent i recus parties intervenantes. Appel comme d'abus par MargueI rite Doros , de la célébration de maI riage d'Antoinette Dorfet avec Jean Ca\ pé, requêrant par le curateur a'Alexandre Capé, afin d'être re$u partie intervenante. La partie ainfi liée , Marguerite Doi ros fut préfentée a la Cour, par fa parI tie adverfe , comme une proftituée , venante.  IÓ2 Hifloire d'un Bigame. que 1'on avoit même été obligé de renrenner dans une maifon de refuge i ant qu'elle avoit cru devoir ménajer es apparences , pour parvenir au manage, elle avoupris les mefures les plus propres , pour proftituer fes appas en fecret Sc conferver aux yeux «ie ceux qu'elle vouloit tromper , les tjenors de cette retenue & de cette modeltte , qm feules conduifent ordinairement £ une alliance légitime. Mais a peine fut-elle parvenue i fon but a peine eut-elle ufurpé, fousl'ombre d an mariage infecfé d'une foule de nulhtes , le nom augufte de femme légitime , qu'elle ne connut plus de frein, « s abandonna , fans ménagement a toutes les impulfions de fon tempérament. r Les chofes furent portées au point que le fieur Capé ne crut pas devoir iouftrir qu une femme publique déshonorat on nom plus long-tenis. II lui rappella qu'elle n'étoit point fa femme leg.time • que la cérémonie qui avoit paru les unit , n'étoit qu'un fimulacre de manage , qui avoit pu tromper le public ; mais qui n'étoit , au fond , qu un pretexte pour colorer Ie concubinage dans lequel ils avoient vécu. II  Hifloire d'un Bigame. \ 63 la menaca , fi elle s'oppofoit a leur féparation, fi elle s'obftinoit a porter un nom qu'elle déshenoroit, a recourir a la juftice , & de donner a fa demande tout 1'éclat dont elle étoit fufceptible. II lui fit entendre , en même-tems , qu'elle étoit mère d'un fils , a la naiffance duquel il pouvoitcroire qu'il avoit eu part. Que ce foup^on lui fuflifoit, pour qu'il crüt devoir lui alfurer fa fubfiftance, fi on ne 1'obligeoit pas a dévoiler , par une a&ion d'éclat, 1'illégitimité de fon origine ; & que, li elle vouloit fe prêter a une féparation volontaire , il lui donneroit 6000 livres. L'appat de cette fomme , plus que 1'éclat dont on la mena5oit, détermina Marguerite Doros a confentir a la féparation que le fieur Cape' lui propofoit : & elle étoit fi pen attachée a. fon honneur , qu'elle ne réfifta point a la propolition qui lui fut faite enfuite de conligner elle-même la preuve de fa debauche , dans 1'acle qui alloit leur rendre leur liberté refpeétive. De-la , 1'aveu de deux enfants qu'elle avoit fait mettre a 1'hópital ,• •& dont , pour ne pas avouer tout-a-fait fa ptoftitution , elle a déclaté que le même homme étoit le père. Mais elle ne pouvoit, ni le  16"4 Hifloire d'un Birame. nommer » défigner d*me manière eomf5 Celul^'e,,ea-0^Puan„0ncer eomme umque, auroit purejerrer une Pateyttéfihonteufe.en nommantün grand nombre de rivaux, dont Pnnne 5£*C être ^^' M Enfin , quand Ie fieur CapéYtat quictce , elleporta ladébauchefiloin , & garoa fi pen de ménagements , q»" retge. n efmer ^ ^ ^n de Telle eft la femme qui demande aupurdnurque Ia Cour ratifie fon fibertmage , en la declarant femme légitime delunde ceux dont elle a été la oncubine. Mais jamais alliance ne mérita moxns Ie nom de manage. Voici le premier moyen d'appel comme d'abusce manage a été fan fans ie confentment de Ia mere de Marguerite Doros. Onfcait afie2qlie ce confentement eft u une ncceflité mdifpenfable, & qu>aü. cun mineur ne peut, fans abus, fe maner , non-feuWnt contre Ie eré rWans Ie confentement exprès de fes' Iln'ya pointeu de publication de bans: voiü le fecond moyen d'akis:  Hifloire d'un Bigame. i G$ les ordonnances la prefcrivent , les ftatius dli diocèfe de Befaneon y font con| formes. Pour prouver la publication de bans , on dit que , dans l'acte de célébration, I on a rempli les conditions néceffaires , aan dttb'uïs conditionibus. Quoi de plus abufif que ces termes vagues & géné- I raux ! Sils pouvoient fuffire , que de- | viendroienr les précautions qu'on a prifes pour obvieraux vicesde clandeftinité ? Eft-ce que des conditions elfen- : tielles peuvent être exprimées par des termes qui ne fpécifient rien de parti- I culier ? Peuvent-elles 1'être dans le mariage , oü toutes les formalités qui y { font requifes font de rigueur •, oü il s'a- i git de 1'honneur des fuiets du Roi, de la dignité des facrements , &C de 1'inté- !. rêt des families ? Peut-on y apperter rrop de précaution , les teïmes importants peuvent-ilss'y fuppléer ? L'on a bien fenti toute la force de cette objeótion , & l'on a cru étayer ceS rermes vagues & généraux cum debitïs condkionibus , en rapportant un certificat- du ficrétaire de la chambre ar- i chiépifcopale de Befaneon , qui attefte j qu'il y a eu difpenfe de bans. Dans une matière oü tout, encore une fois , . eft de rigueur, eft-ce que des cercificats  166 Hifloire d'un Bigame. peuvcnt fuffire? Eft-on recu a prouverfoa état par des certificats ? II faut Ie confrater par les aótes mêmesil faut rapporter les difpenfes, ou du moins l'acte de célébration oü l'on en fait mention. D'ailleurs , le fieur Billeret, qui donne ce certificat, eft fufpeét, comme' on le fera voir dans la fuite. Au fond, quand il y auroit difpenfe de bans , elle ne pourroit être que de deux bans: il fatit qu'il y en ait un de publié : ici il ne paroït pas qu'il y en ait eu aucun. Le troiüème moyen d'abus eft fondé furce qu'il n'y a que deux témoins au mariage; & 1'ordonnance en prefcrit quatre. Le quatrième moyen d'abus eft fondé fur le défaut de la préfence du propre curé. Le concile de Trente a érabli, pourunempêchement dirimant du mariage , le défaut de la préfence du curé & de deux ou trois témoins : ainfi ce moyen d'abus eft décifif. Les parties demeuroient a Salins , elles fe font mariées a Befaneon : le curé de Salins n'a donc pas été préfent a leur mariage. La première réflexion qui fe préfente , c'eft qu'on ne voit pas que Jean Capé eut aucun intérêt pour fe marier plutót dans une ville que dans une autre. .11 étoit étranger & fans aucun parent a Salins & a Befaneon ; il n'avoit  Hifloire d'un Bigame. 16j i point d'obftacles a furmonter: au contraire , Marguerite Doros étoit obligée ; de fe marier a Salins : elle vivoit fa! miliérement avec Jean Capé; elle avoit intérêt de faire connoitre que fes vues étoient légitimes \ & fi elle a penfé autrement, c'eft qu'il lui importoit peu , avec les fentiments qu'elle avoit , de ne faire qu'une figure de mariage. Cependant , afin d'impofer bz de pouvoir einder les ordonnances , l'on rapporte encore un certificat du fieur Bilteret, oü il eft fait mention que le curé de Salins a donné permiflïon de célébrer ce mariage : mais on a compulfé les regiftres , & on a reconnu que cette permiflïon n'y avoit point d'abord ; été inferite , & qu'elle y a été ajoutée après coup par le fleur Billeret gagné par Marguerite Doros. On a encore recours a un certificat du père Patournet, curé de Salins, qui déclaré qu'il a donné permiffion au curé de Befaneon de marier Jean Capé u avec Marguerite Doros : mais ce certificat eft de 1704, & on en rapporte un contraire , donné a Jean Capé pat le même père Patournet , par lequel il déclaré qu'il n'a jamais entendu parler du mariage de Jean Capé avec Marguerite Doros.  16"o Hifloire cTun Bigame. _ On rapporte encore un troifième cefnficat, oü il déclaré qu'il n'en a jamais donné de contraire a celui qu'on vient de citer. Qu'on ne dife pas que c'eft un homme agé , dont la mémoire a pu laifler échapper ce qu'on lui avair confié. Ce troifièifte certificat eft un acte réfléchi d'un homme qui eft sur que fa mémoire ne lui fair point un rapport infidéle. II n'y a donc point eu de permiffion du curé de Marguerite Doros donnée a un curé étranger pour la marier a Jean Capé : c'eft la-deflus qu'eft fondé ce moyen d'abus pris duconcile de Trente , qui a fait, du défaut de la préfence du curé , un empêchemenr dirimant &c invincible. Mais ce n'eft pas affez de faire voir que Ie mariage de Marguerite Doros eft abufif, il faut établir la validité de celui & Antoinette Dorfet. II y a un conttat de mariage , que Ia mère & d'autres parents ont figné. L'aéte de célébration eft en bonne forme : elle a joui de fon état paifiblement. Marguerue Doros fera-t-eile recue a 1'y troubler ? Eile a gardé le filence pendant la^vie cle fon prétendu mari : elle paton après fa mort : qui ne voit le mo- tif  Hifloire d'un Bigame. 16*9 rif qui la fait agir ? Elle lui avoit arraché des fommes confidérables \ 8e n'efpéroit plus, pendant qu'il vivoit , de le mettre davantage a contribution : elle fe flatte , après fa mort , de lui ravir fa dépouille fur une faufle qualité. Ce n'eft pas le titre de femme de Jean Capé qu'elle réclame \ elle s'en eft reconnue indigne & y a renoncé publiquement: c'eft fon bien qu'elle dévqre après ia mort , avec la même avidité qu'elle 1'a dévoré pendant fa vie. Aux moyens d'abus que l'on a propofés , fondés fur le défaut de la publicarion des bans , & fur le défaut de la préfence du curé , on a , par récrimination , oppofé de pareils moyens , fans s'embarralfer s'ils avoient quelques fondements. A 1'égard de la publicarion des bans, n'eft-il pas énoncé dans 1'acre, qu'il y en a eu deux de publiés , Sc difpenfe du troificme ? On a donc lideffus obfervé les régies. Quant au défaut de la préfence du propre curé , on fe fonde fur ce que le curé d'Antoineue Dorfet a paru dans le mariage , & non point celui de Jean Capé. Qui ne fcait que le curé de la femme eft le curé des parties ? D'ailleurs l'on ne prouve point que Jean Capé füc Terne XI H  170 Hifloire d'un Bigame. d'une paroiife étrangère a celle de fa femme : au contraire, il y eft dit, Jean Dulacq fieur du Capé , & Antoineue Dorfet, de cette paroiffe. Fagnan dit qu'on croit a Rome que, quand les deux parties contractantes font de différentes paroiifes, il leur eft libre de choifir celui des deux curés qu'il leur plaira pour les marier. Ils ne font rien , ni contre le concile de Trente j ni contre Ia loi : ils ufent de leur droit fans qu'il y ait lieu de les blamer , quand il n'y a rien de régie dans un diocèfe fur ce fujet. Ou oppofe , en troifième lieu , que les parties n'ont pas figné dans 1'acte de célébration , non plus que les témoins. L'on convient que , fi le mariage avoit été contraété en France , il feroit nul paree défaur de fignatures;; les ordonnances y font précifes : mais il s'agit d'un mariage pafte a Chambery, oü 1'ufage eft que le curé feul figne fur! le regiftre. On ne peut tirer aucune conféquence des ordonnances qui n'ont point d'autorité dans les pays étrangers, contre un ufage contraire. Ainfi l'on oppofe un mariage oü toutes les régies ont été obfervées religieufement, d un prétendu mariage oü elles ont été vio-  Hifloire a*un Bigame. 171 léés ; une époufe légitime a une concubine flétrie par fes proftirutions. A ces moyens plaidés par M. Arraut, M. Gondoin , qui étoit chargé de la défenfe des enfaats d''Antoineue n*rr,, ^ j> Enfuppofanrque le mariage de Marguerite Doros fur intrinféquemenr valable ; érant clandeftin , il ne pourroit proauire aucun etter civil. Le principe eft cerrain. 11 s'agit d'examiner fi ie mariage eft infeefté de ce vice. M. Ie ; Prêrre , qui a rraité certe mariére ex ' ProffjT° , » la fin de fes arrêtés a la cinquième des enquêtes , dir que l'on re- ( connoir qu'un mariage eft clandeftin , quand il n'y a point de contrat de ma- ; riage , qu'il n'y a point de publications de bans, point de folemnité, mille poffe/iion d'état. Toutes ces circonftances le rrouvent ici 5 car on ne rapporte point de conttat. L'on a montré qu'il n'y avoit point depublication de bans; paree que , quand il y auroit eu une difpenfe de deux , il falloit au moins 1 publier le ttoifième ; c'eft ce qui n'a pas été fait. I Jamais moins de folemnité : point 1de témoins ; ce n'eft point le propre jcuré, c'eft dans une ville étrangère aux Hij  172- Hifloire d'un Bigame. parties: encore moins de pofleflion d§ 1'état de femme. Cette polfeflion fe connoit , quand la femme habite avec fon mari , quand elle recoit les honneurs de fon état conjugal. Or Marguerite Doros n'a point habité avec Jean Capé; elle n'a jamais recu les honneurs de 1'état d'une femme. Vainement rapporte-t-on des letttes que Jean Capé a écrites , dans lefquelles il 1'appelle fa femme. C'eft un titre honorable qu'il donnoit a fon commerce déréglé. La preuve de cette vérité fe tire de ce que, parmi ces lettres , il y en a qui ont été écrites avant ce prétendu mariage, ou elle eft décorée de ce même titre ; ouvrage de 1'aveuglement de Jean Capé. L'on dit, contre les tranfaclions que ■Marguerite Doros a palfées , qu'elle n'a pas été maitrefte de fon état, encore moins de celui de fon fils. On en convient : auffi ne prétend-on pas que ces iranfaótions produifent contre Marguerite Doros autre ehofe qu'un aveu fincère de fon état véritable. Elle ne quitte pas, dans ces aótes 3 la qualité de femme ; mais elle déclaré qu'elle ne 1'a jacnais eue : & elle prétendoit que Jean Capé étoit tenu de nourrir Alexandre CWfo» fils. Ede lui demandoit même  Hifloire d'un Bigame. 173 des dommages 8c intéréts, 8c le mena-< ; c;oit de lui intenter un procés : & c'eft pour 1'appaifer & pour prévenir un paI reil éclar , que Jean Cape' paffa la prej mière tranfaction. Er, comme elle avoit j eu d'autres enfants qui étoient les fruirs ! de fon liberrinage , 6c qu'elle éroit ca1 pable d'en attribuer la paternité a Jean Cape', il exigea d'elle , dans une feconde tranfaction , qu'elle nommat leur véritable père. On prérend que cet acte ne s'appli» que point a. Marguerite Doros , paree qu'on lui donne le nom de FrancoiJ'e i.qu'on joint a celui de Marguerite, 8c 1 qu'elle n'a jamais eu ce premier nom. i Cette erreur de clerc ne détruir point la vérité^ de cet acte. Si l'on approche j toutes les preuves de fon déréglement d'un extrait de lacommunautédu Refuge , qui fait foi qu'elle y a demeuré , on aura une parfaire idéé de fon caractère, & on fera convaincu qu'elle voile du nom de mariage fon concubinage. On rapporte un cerrificar de la fupérieure du Refuge, qui fait foi qu'elle y a mené une vie régulière. Cet acfe prouveroir que certe Magdelcine s'eft repetitie , pendant qnelque tems , de fes 'défordres , 6c prouveroit en même-  174 Hifloire d'un Bigame. tems que, fi elle a imite cette Sainte dans fa pénitence, elle 1'avoit imitée dans fes déréglements. Croirons-nous qu'elle l'ait bien retracée dans la conftance de fa pénitence ? L'on oppofe a Antoinette Dorfet qu'elle, ni Cape', ni les témoins n'ont pas figné dans 1'acf e de célébration. La reponfe eft prompte. Chambery n'eft pas fujet a nos loix : 1'ufage y eft que les parties ne fignent pas dans les regiftres. Le concile defrente, qui y fait loi, ne demande pas la fignature des parties , ni des témoins ; mais feulement la préfence des derniers. Elle eft juftifiée par i'énonciation qui en eft faite dans 1'adte de célébration : il n'en faut pas davantage : d'autant plus que les mêmes témoins ont ligné dans le contrat de mariage , oü 1'ufage eft de les faire figner : & ces témoins font la mère de la femme, & les parents les plus proches. Outre qa Antoinette Dorfet eft petite fille d'un fénateur de la ville , &.née demoifelle , on ne préfumera jamais que Jean Capé, qui n'étoit connu que par fes emplois, fut parvenu a 1'époufer , s'il ne 1'avoit fait dans toutes les formalités requifes. U eft eonftanr qu'Antoinette Dorfet  Hifloire d'un Bigame. 175 ft poffédé fon état. En premier lieu , fon adte de célébration , fon contrat de mariage figné de fes parents : ces convenrions honorables ne font-elles zpasauranrde preuves lirtérales & inconreftables de la poffefiion de 1'état de femme ? En fecond lieu , Antoineue Dorfet a continué de vivre avec fon mari-, elle a cohabité avec lui, elle en a eu deux enfants ; ils fe font donnés des fecours muruels. Quand il étoit abfent , il lui •. envoyoit de 1'argent \ elle a pris foin de fes affaires. Ces faits font conftatés ipar des lettres qui prouvent que ces deux époux adouciffoient les chagrins de 1'abfence , par une correfpondance [intime & fuivie , qui annonce la confiance réciproque la plus enttcre. On voit dans les lettres de Capé route 1'eftime qu'il avoit pour elle. On y rrouve un mari plein de tendreffe &c s de refpeét pour fa femme. Enfin , il eft i mort a Chambery dans fes bras. Ce tableau-la feul fuffiroit pour faire la _ 1 _ 1 : preuve fie icul niaiin^e. A 1'égard d'Alexandre Capé, qui fe prérend légitime : il n'a pas été reconnu. L'on fcait bien que le mariage fub', féquent légitime les enfants qui lont H iv  ïjG Hïftoire d'un Bigame. nés auparavant; mais il faut que le père les reconnoiffe par quelqu'acfe : ca* ie temoignage de Ia mère n'eft pas fuffciant: les penfions. qu'il a même payces pour ku peuvent être 1'ouvrage de la chanté , & non de la tendrellè paternelle. D'adleurs un mariage infiecté de tant de vices ne peut pas être le fondement d'une paternké légitime. Quant a la légitimité des'enfants, d Antoinette Dorfet , on la veut contefter. Premièrement, paree qu'on dit, 3'il y a un premier mariage , le fecond eft nul , & ks enfants de ce fecond manage ne peuvent jamais être légitinaes: quand ils pourroient 1'être par la bonne-foi de leur mère , ce ne feroit que par une bonne-foi contre laquelle k ne s'éleveroit aucun foupcon. Dirat-on ici que la bonne-foi A'Antoineue Dorfet eft 1, évidente , qu'elle écarté toutes les idéés défavantageufes qu'on en pourroit concevoir ? Secondement, afin que la bonne-foi d Antoinette Dorfet put mériter que fes enfants fuflent légitimés , il faudrok que 1'enfant , dans fa conception , ne tut pas , du cóté de la femme , 1'ouvrage d'une adion ülicite, qu'elle n'eui pas commencéai illkitis, comme di-  Bifloire ctunBigame. 177 fent les canoniftes. Or il eft conftant cpt Antoineue Dorfet , étant accouchée de fon premier enfantcinq mois après fon mariage , cet enfant ne doit pas lejour a un commerce innocent de la part de fa mère ; puifqu'il eft conftant 1 qu'il a du être concu plufieurs mois avant le mariage, On répond que les vices du mariage : de Marguerite Doros , qui n'étoit-qu'un vrai cottcubiiwge ,. ne permettent pasde douter que Jean Capé ne fut libre 1 quand il contraéta avec Antoinette Dot' . Jet. D'ailleurs ,. en fuppofant te premie* 1 mariage valide , la bonne-foi évidente ' d''Antoinette Dorfet , _ qui s'eft mariée j avec toutes les formalirés reoiufes, £e1 roit fuffifante pour légitimer fes enfants* fans qu'on puiffe dire que fon commerce , a qui fon enfant doit le jour , éroitillicite dans fon commencernenr, par-i ce qu'elle eftaccouchée cinq mois après-' fon mariage. On rapporte une conful-; tation de deux médecins qui atteftent : qu'une femme peut accoucher au bouc : de cinq mois» D'ailleurs, il faut faire une grande' I diftinftion entre Un enfant né pendant: j le mariage , & -n enfant »é avant mariage. Quand 011 .fuppofereit qj\A&--  i / 8 Hifloire d'un Bigame. tmnetti Dorfet auroit eu une foible/Te Pour Jean Capé, 1'enfant étant né dans le manage , participe a la bonne-foi du manage Le mariage a été contracté de bonne-foi par la mère , qui a cru & croit encore que Jean Capé étoit libre quand il 1'a époufée. II réfulte donc de ce qu'on a dit quindependamment de la queftion des deux mariages , les enfants XAntoineue fforjet, a 1'exclufion cYAlexandre Cape fontfeulscapables d'erfetscivils, & doit ' Tem recueillir la fucceffion de Jean Capé. On prétend tirer de grands avanta- 1 ges contre le mariage d'Antoineue DorJet, paree que Jean Capé a pris le nom Ae Dulacq dans le contrat, qu'il n'avoit point dans Ie premier mariage. Jean Capé a toujours porté le'nom üeDu/acq • & rien ne protlve mieux qu il n'a pas prétendu contracfer férieuement avec Marguerite Doros , que 1 afredarion qu'il a eue de ne pas prendre fon veritabie nom : ainfi, loin que cette circonftance puiffe fernr a Marguerite Doros , elle dépofe centr'elle. Me de Blam , qui défendoit Margueme Doros , convint d'abord de Ia tragdue de cette femme • fragilité qui  Hifloire d'un Bigame. 17 9 fut 1'ouvrage de l'amour que lui avoit infpiré Jean Capé. Mais une femme fragile a 1'égard id'un homme n'a pas toujours la même foiblefte a 1'égard des autres : au contraire , 1'amour qui lui ouvre la porre de fon cceur , la leur ferme , & fa tendreife la met fouvent a 1'abri de la coquetterie. Si , a fa défaite, on attaché de la honte, elle eft réparée par le mariage qu'elle a contra&é. II prouve touta-la fois fa fédu&ion , & 1'eftime qu* Jean Capé a eue pour elle. On a prévu que la compaftion que caufe fon infortune lui gagneroir rous les cceurs : pour arrêrer ces impreflions & lui enlever rous les fuffrages , on a i fait une peinture.affreufe de fa conduite , perfuadé qu'en la rendant 1'objet : du mépris de tout le monde, on tari: roit pour elle routes les fources de la pitié ; mais la calomnie eft fi mal fondée, qu'elle neréuffira point. On/commence par dire que Margue1 rite Doros eft le rebut des maifons de refuge : expreffion indigne qui la charge | par des trairs fi forts , qu'elle ne prouvè rien. Marguerite Doros , abandonnée de fon mari, s'eft tetirée d'elle - même. Hv|  18o mjtoïre d*un Bigame. dans une communauté durefuge : mars. cefutdefonpropre mouvement qu'elle W. mit dans un convent; & ce fut par un choix libre qu'elle préféra le refugel Elle proiiye , par une arreftarion en formé de la fupérieure , qu'elle y a mené une, vie édifiante. C'eft donc par une calomnie des plus atroces qu'on la com- 1 pare a ces malheureufes vidimes de la debauclie, que l'on. force d'entrer dans ces maifons.. . A 1'égard des tranfadlons dont on ie lert pour prouver preiniérement que ' Jean %^étoit.libre, fecondement que Marguerite Doros étoit fouillée par de3 proftitutions honceufes peut-on faire cet ufage de ces ades ?• Marguerite Dotos etoit-elle manrelfe de fon état & pouvojt-elle y. renoncer ? Sa renoncia«aon ferom-elle. de quelque poids ? Au contraire , ne prouve-t-on pas , pat la iomme de (Jooo livres, que Jean Capé seft obligé de donner a Marguerite ■Doros , qu'il ne la regardoit pas comme «ne concubine ? Promet-on We con> cubine des fommes fi confidérables ? Na iompt-on pas les liens. du crime, aufli facilemenr qu'on les contrade > Les tfooo livres que Jean Capé promet de tonner prouvent donc qu'il fenroit -  Hifloire ctunB'igame. irJï Sou te la force de fes noetids; ëc I'effoci qu'il a fait pour les rompre , en facrifiant une fomme fi confidérable , mon? tre qu'il les.croyoit indiflolubles , mais qu'il vouloit feulement faire croirequ'ils I ne 1'étoient pas , & perfuader ce qu'il ne croyoit pas lui-méme. Quant aux proftitutions- qu'on attribue a Marguerite Doros , & dont on dit qu'elle a elle-même attefté la vérité par écrit „ croira-t-on qu'elle. ait r.évéié fa turpitude , & en croiroit-on i'aven qu'elle en feroit de fa propre bouche ? Qui ne voit que cette tranfaction eft : 1'ouvrage de Jean Cape' ; que dégoütéd'une femme qu'il ne voyoit plus avea ; les mêmes yeux , & dont il. vouloit fe débarrafler , a quelque prix que ce fut, ij il a concerté cette tranfaction , & a fait ; paroitre une perfonne qu'il a fait palier pour Marguerite Doros ? Cette fauifaire s'eft méprife dans fon róle ; car elle a ! Cgné Francoife , c'eft-a-dire, qu'elle» pris un nom que n'a jamais eu celle qu'elle repréfentoit. On pourroit ici faire ufage d'un moyen qui couvriroit d'infamie la mé* : moiré de Jean. Capé, déja ft entachéei On pourroit, par la voie de 1'infèrip» I tion de faux , montrer jufqu'a 1'évir  182 Hifloire cTun Bigame. dence , que cet homme ne s'eft pas contenté de brifer les liens facies du mariage , Sc les nceuds dont la nature 1'avoit attaché a fon fils , mais qu'il a poufle la perfidie jufqu'a vouloir colorer ce crime par un autre crime. II a voulu, par un faux qui n'a peur-êtrepas d'exemple , ériger un monument contre 1'honneur Sc la verru d'une femme qu'il avoir cru digne d'être fon époufe. Mais on épargnera ce furcroit de honte a fa mémoire ; d'autant plus que la fauifeté de ces acres eft fi groflière qu'ils rombent d'eux-mêmes. D'ailleurs ils ne font d'aucun ufage pour la décifion de la conteftation. La maternité de deux enfans qu'on a donnés a Marguerite Doros eft une fable invenrée avec tantd'impudence , qu'elle ne donne aucune arreinre ni a fon honneur, ni a fon mariage. Artachons-nous aux véritables moyens de la caufe. Tous ceux qu'on oppofe s'évanouiflent devant Pafte de célébration , Sc devant les preuves de la poffefiion de 1'état de Marguerite Doros, On propofe quatre moyens d'abus ; Yoici le premier. La mère de Marguerite Doros n'a point figné Pafte de célébration du ma-  Hifloire d'un Bigame. 183 riage de fa fille mineure , &c n'y a point donné fon confentement. Ce moyen ne peut être écouté que dans la bouche de la mère elle-même ; mais loin de fe plaindre, elle a reconnu Jean Capé pour fon gendre. Antoineue Dorfet pourroit-elie repréfenter cette mère , & élever la voix pour fourenir , au nom de cette mère , un fyftème que celle-ci condamné hautement par fa conduite ? Le fecond moyen d'abus, fondé fur le défaut de la publication des bans , :n'eft pas plus folide. On rapporte 1'aéte de célébration , oü il eft dit que ie mariage a été fait cum debitis conditionilius , avec les conditions recjuifes; d'oü il s'enfuit clairement que les bans ont été publiés. On convient que l'aéte feroit plus régulier , fi Ia publication des bans eut été rappellée plus expreflément. Mais, fuivant 1'ufage de Befaneon , on n'explique pas autrement, dans un aéte de célébrarion , les formalités cjui ont été obfervées. Ce fait eft prouvé par ides cerrificars authentiques. Et fi c'eft (.une négligence , Marguerite Doros avoit-elle le pouvoir de la corriger ? D'ailleurs le concile de Trente n'exï:ge pas, dans l'aéte de célébration , une  184 Hifloire d'un Bi'game, énonciation précife & circonftaneiée. Les ordonnances n'écabliflent point la nuliité comme peine du défaur de la publicarion des bans. II n'y enr donc jamais de moyen d'abus plus mal fondé. Le troifième moyen, tiré de ce qu'il n'y a eu que deux témoins au mariage, au préjudice de 1'ordonnance qui en prefcrit quatre , n'emporre pas nulliré. Deux témoins rendent un témoignage indubitable: In ore duorum aut trium tejlïum flat omne verbum. Si 1'ordonnance en prefcrit quatre , ce n'eft que pour rendre le mariage plus folemnel, & pour monrrer qu'elle n'a rien rant a cceur que d'empêcher la clandeftiniré. Le concile de Trenre ne demande que deux ou trois- témoins. Le quatr'ème moyen d'abus ne fera aucune impreflion. On convient que ia permiflïon du propre curé eft abfolument néceflaire, & que , s'il n'aflïfte poinr au mariage , ou par lui-mème » ou par un prêtre qu'il commet, le mariage eft nul. Ici il eft fait mention dans 1'aóte , de la permiflïon du curé ^ le fieur B'dleret, fecréraire de 1'archevêque de Befaneon en parle , & le père Patournet s curéren rend encore témoir gnage.  Hifloire d'un Bigame, ï 8 > On a dit qu'il en avoit donné un contraire. Nulle contrartété : mais on affecte expres de fe méprendre : le certificat, que Marguerite Doros produit , parle de Jean Capé, 1'autre parle da ■Jean Dulacq fieur du Capé: ce fut apparemment Jean Capé qui eut loin de I Ie retirer , & demanda artificieufement au curé s'il n'avoit jamais marié ou donné permiffion pour marier Jean Dulacq . fieur du Capé : le curé , qui m'avoir paS effectivement marié ni même entendu parler de Jean Dulacq , répond. que non, & en donne fon arteftation. C'eft par cet arrifice, que ie cerrificar dont on prérend fe fervir a éré furpris. Ce qux confirme cette opinion eft que le même " père Patournet a , depuis , donné un ; autre certificar dans lequel il dénie avoir jamais donné un certificat tel qu'il eft produit aujourd'hui par Antoinette Dorfet. Enfin Bourot, prêtre, qui a eu la permiffion pour marier Marguerite Doi ros avec Jean Capé, donne fon certifi|; cat qu'il les a mariés , & qu'il a eu cette permiffion. Après avoir dérruir tous. les moyens d'abus qu'on a mis en eeuvre contre le mariage de Marguerite Doros , il faut faire voir qu'elle a poffédé fon état.  i 8 6 Hifloire d'un Bigame. Toute la ville de Salins 1'a reconnüc four femme de Jean Capé: on en rapporte un certificat des maire & échevins de la ville. II eft vrai qu'il n'y a point cu de contrar : mais la coutume & la Ioi, qui pourvoient a ce défaut , prouvent qu'un contrat n'eft pas de 1'effence du mariage. Elle ne peut rapporter les lettres de fon man, paree que, dés qu'il eut rnédite fa perfidie , il prit la précaution de les lm fodftraire. Son amour ufé & fon dégout effacant a fes yeux les charmes qui la lui avoient d'abord fait juger digne d'être fa femme , il a fuppnméles lettres qui auroient prouvéfon inconftance , 8c auroient été des témoins irréprochable-s de la perfidie qu'il méditou. Mais elle a d'autres lettres qu'il a écrites a fes amis : il y parle d'elle comme de fa femme , il lapeint avec les couleurs de fon eftime pour elle. II entre dans des détails de familie , fon cceur y parle naturellement; 8c ce cceur eft un juge qu'on ne peut recufer dans cette caufe. II a vécu avec elle pendant quatts ans dans une parfaite concorde, & fon amour , pendant ce tems-la , a toujours prevalu fur les petits chagrins qui naif-  Hifloire d'un Bigcme. 187 fent entre les perfonnes mariées. Dès que fon dégout prit le deflus , comme fon inconftance naturelle en étoit 1'umique fource , Sc qu'il n'avoit aucun reproche a faire a fa femme , il ne put fouffrir fa préfence; il s'abfenta, Sc 1'aibandonna. Son inquiétude 1'obligeant de s'informer des pays ou il pouvoit être , elle eut bientbt appris fa perfidie, Sc le mariage qu'il avoit contra&é avec da Demoifelle Dorfet. Ne confultant d'abord que fon refifentiment , elle vouloit éclater contre lee perfide; mais fa rendrelfe , plus forte que fa colère , la retinr, Sc 1'obligea de ftenfermerfa douleur au-dedans d'elle;même. Tranquille furTétat de Ton en[fant qu'elle crut inébranlable, elle aima i mieux abandonner le fien que de peri dre fon mari, en 1'expofant au fupplice que méritoit fa bigamie, fi elle récla1 moit fon état. Ainfi, de fa modcration , qui prouve la force de fon amour , on veut s'en faire des armes contre fon état, en at* i tribuant a fon indolence Sc a fon infen- fibilité ce qui n'eft que Peftet de cet at,1 rachement éclairé qui fe facrifie lui— 1 même a 1'honneur de la perfonne qui en :i eft 1'objet.  18 8 Hifloire d'un Bigame. ( Pes q.u'il n'y a point d'abus dans la célébration de mariage entre Marguerite Doros bz Jean Capé, & que Marguerite Doros a éré en poffeifion de fon état, il eft conftant que le fecond mariage eft abufif. Premier moyen d'abus contre le mariage d''Antoinette Dorfet : il eft fans réplique, puifqu'il eft fondé fur Pempêchement du Hen , c'eft-a-dire, fur 1'engagement du premier mariage yalablemeur contracté , lequel, tant qu'il fubfifte, empêche qu'on n'enpuiffe contraéter un fecond. Second moyen d'abus : défaur de publication de bans. On a dit qu'il n'opéroit pas la nullité du mariage , mais qu'on eft en droit ici de 1'employer , paree qu'Antoinette Dorfet s'étant fervie de ce moyen contre Marguerite Doros , on peut bien le rérorquer contre elle. D'aiileurs le défaur de publication de bans , accompagné des autres circonftances ., peut imprimer un caraétère de clandeftinité qui porte atteinte a 1'effence de 1'union dont il femble que l'on veut dérober la connoilfance. Ici il n'eft point énoncé dans la célébration , qu'il y ait eu trois bans de publiés , & il n'y en a point eu dans la paroiffe de Jean Capé.  Hifloire d'un Bigame. 189 Troifième moyen d'abus : défaut de préfence du propre curé. II n'y a pas de permiffion de celui de Jean Cape. 1 Enfin défaut de fignature dans 1'acte de célébration, Sc par les témoins , Sc ipar les parties contraótantes, Sc par le curi. L'on dit que c'eft 1'ufage aChambery : mais en fut-il jamais de plus pernicieux & plus abufif? II eft contraire a Ia difpofition du concile de Trenre , qui eft fuivi a Chambery : de plus la partie de Chambery ou le mariage a été célébré , eft foumife au diocèfe de :G.renoble. Or dans le diocèfe de Gre- aioble , onobferve les ordonnances de mos Rois : il 'falloit donc que le curé , ; les parties Sc les témoins fignaffenr. : C'eft un abus énorme que de ne 1'avoir pas fait. Outre les moyens d'abus conrre le E mariage & Antoinette Dorfet , elle ne , juftifie pas qu'elle air éré en poffeflion j de fon état; car fa fécondité en eft une ' preuve bien équivoque. L'amour illégiti'me eft fécond ainfi que l'amour légi- ITII1C. Le contrat de mariage qu'elle rap] porte, dépofe contre elle: il eft oppofé a l'atte de célébration. Dans le dernier, le mari eft noevmc Jean Dulaca fieur  190 Hifloire d'un Bi game. du Capé, Sc dans le premier il eft nommé Jean Capé. Ainfi celui qui a paffe le conrrac de mariage qu'on rapporte, n'eft pas le même qui s'eft marié avec Marguerite Doros. L'on dit qu'ils ont vécu enfemble : mais l'on fcait que, depuis ce mariage, Jean Capé a toujours mené une vie errante & vagabonde. II n'a regardé fon mariage avec Antoinette Dorfet que comme une figure Sc une ombre de mariage. Cela eft fi vrai , que l'on offre d'érablirque, lorfqu'il mourut, il étoit prêr de paffer a un rroifième mariage. Quefcair-on fi dans la fuite , il n'eütpas paffé a un quatfième , fi la mort n'eüt pas arrèté ce héros de polygamie ? II eft mort a Milan , Sc non pas a Chambery , comme 1'a avancé Antoinette Dorfet: ainfi il n'eft pas mort entre fes bras : il eft mort, au contraire , dans le tems qu'il étoit prêr de renoncer a Antoinette Dorfet. Voila deux femmes qui réclatnent leur état , qui prétendent 1'emporter 1'une fur Paurre , qui s'oppofent mutuellement des moyens d'abus, Sc veulent fonder la légitimité de leur mariage, en traveftiffant chacune en concubinage ie mariage de fon adverfaire: mais  Hifloire d"wi Bigame. t 91 en oppofant ces deux mariages 1'un a 1'autre , le premiet au fecond , on feta frappé par le parallele de la validité du premier, & par les abus du fecond : la feule comparaifon fuffit pour produire eer effer. Marguerite Doros paroir hardimenr a la face de la juftice pour foui tenir la validiré de fon mariage , paree E que fa tendreffe ne craint plus pour fon mari, donr la morr a opéré 1'abfolution de fon crime. A ces moyens préfentés pour foutenir la validité du mariage de Margue: rite Doros en lui - même , M. Nivelle en ajouta d'autres en faveur de 1'état ÜAlexcndre Capé. Cet état étoit certain. L'enfant avoit été baptifé fous le nom Sc comme fils de Jean Capé Se de Marguerite Doros. Le père Sc la mère ont été mariés , Sc par conféquenr le mariage fubféquent a légitimé leur fis , fans qu'il foir néceftaire d'aurre 1 reconnoiffance que d'approcher facie ! de célébration de mariage de 1'acte du baptême. D'ailleurs Alexandre Capé'a été éle■ vé par les foins de fon père, quia payé : fes penfions , qui parle dans fes lettres 1 de lui comme étant fon fils , Sc celui . de Marguerite Doros. Nulle reconnoif-  J 9 i Hifloire £un Bigame. fance plus formelle: quelie force n'emprunte-r-€lle pas quand on la joint i iadedebaptcme? Les rranfactions dont ou s'eft fervi Pour noirar la mère ne peuvent nuire al enfant: tous les aveux quelle peut avoir faits ne portent d ce fils aucune «reinre: dès que fon état eft certain , dnedepend plus du père & de la mère de le lui oter : dès que le mariage de Margueme Doros eft valide , 1'empêchement du hen renverfe le marine d Antotnétte Dorfet • ce n'eft plus qu'un concubmage honteux. A 1'égard des effets civils , on peut dire que , comme il ne peut y avoit deux manages, paree qu',1 n'y a pas deux facrements de mariage fubfiftant« en meme-tetns,furla même tête , il nV a auffi qu'une fucceffion , qai ne fouffre point de partage entre l'enfant du manage légitime Sc ceux du mariage illégitime. ö Qu'on nedife pas que la bonne foi „ mf^a legitimé ces derniers. } our juftifier que le commerce d'Antoinette Dorfet avec Jean Capé a toujours ere mnocenr, on eft obligé de dire que lanarure a fini, dans PeAace de cing mois, un ouvrage auquel eïle eni- ploie  Hifloire d'un Bigame. 193 \ ploie ordinairement neuf mois, & raI rement fept mois. Quelle idéé auronsj nous de la vertu d! Antoinette Dor/et , J puifque, pourlaprouver, elle fuppofe i un miracle ? Croira-t-on plutót au ren\ verfement des loix de la nature , qu'a la fragilité d'Antoinette Dorfet ? Or fa I fragilité criminelle eft un obftacle a la I légitimation de fes enfans , dont elle | veut que la bonne foi de leur mère foit I la fouice. I D'après ces défenfes refpeétives , il 1 eft bien difficile de prendre un parti J équitable fur cette conteftation , & de I décider laquelle des deux femmes meI rite notre attention, les honneurs & les I droits de la légitimité. Mais M. 1'avoIcat-général va fixer nos efprits chancelans. Ce fut M. Portail , depuis prej mier préfident, qui porta laparole dans 1 cette caufe. Les deux femmes qui fe prétendentveuves de Jean Capé, ont été également féduites, fécondes & malheureufes. Une foiblelfe commune devoit empêcher Antoinette Dorfet dereprochera Marguerite 1 Doros tous les faits honteux dont on a |parlé; d'autant plus qu'ils ne fervent pas ï a la décifion de la caufe : ils prouvent ! feulement 1'impatience de Jean Capé Tome. XI. \  194 Hifloire dun Bigame. dans fes defirs. II faut pourtant rendre juftice a la vérité : fi Marguerite Doros a eu de la foibleffe pour Jean Capé , elle a depuis vécu avec édification. Ce que l'on objeóte contre fa conduite eft fuffifamment détruit par les certificats des maire 8c échevins de la ville de Salins. Mais il ne s'agit pas de prononcer fur 1'innocence des deux femmes , Ia Cour juge de leurs états, ne 1'eft pas de leurs cceurs : Dieu feul y pénètre. Cette caufe peut être confidérée par rapport a deux effets différens; par rapporr au facrement, par rapporr aux effets civils: dans la première partie , il s'agit d'examiner la folidité des mariages qui font conteftés; dans la feconde, il eft queftion de décider fur la fucceffion de Jean Capé. Des deux mariages dont l'on conrefte réciproqaement la validité , 1'ordre demande que l'on examine le premier; paree que, s'il n'y a pas d'abus, le fecond ne peut être bon. II eft d'abord certain qu'il y a eu un premier mariage : 1'ade de célébration en fait foi. Onexaminera, dans lafuite, fice mariage a été clandeftin , 8c fi Marguerite Doros a pu y renoncer par les tranfaótions douteufes que l'on a produites.  Hifhire d'un Bigame. 19^ Des quatre moyens d'abus que l'on propofe contre ce mariage , le premier ne mérite pas d'attention. Jean Capé étoit majeur quand il s'eft marié ■ Marguerite Doros étoit mineure : cette minorité ne pouvoit fervir qu'a la mère de Marguerite Doros , pour faire déclarer le mariage abufif. 11 ne paroit pas qu'elle ait fait aucun mouvement a ce fujet: nul autte ne peut le faire a fa place; Jean Capé, moins que tout autre , encore moins Antoinette Dorfet. Aulli on n'a pas beaucoup infifté fur ce moyen. Le fecond moyen n'eft pas plus folide. Défaut de publication de bans. Quand il feroit certain dans le droit, que ce défaut emporteroit une nullitc Sc produiroir un abus , eft-il certain , dans le fait, qu'il n'y ait pas eu de publication de bans ? 1 L'aéle de célébration porte que Ie mariage a été célébré cum debitis conditionibus , avec les conditions requifes. La publication des bans y eft renfermée. On s'eft juftement élevé contre cette énonciation vague , cum debitis conditionibus. Les conféquences font infinies 8c dangeteufes : on ne fcauroit apporrer trop de précaution dans le mariage ,  i e,6 Hifloire cTuh Bigame. qui allure 1'honneur des fujets du Roi , 1'etat des families , I'intérêt de 1'état. Mais , dans le diocèfe de Befaneon , 1'ufage n'eft pas que le curé s'exprime autremeut. Onne s'eft point autrement exprimé dans le mariage de M. le Duc de la Meilleraye : le grand-vicaire de ce diocèfe attefte que c'eft la coutume. Les ftatuts portent , il eft vrai , qu'il faut s'énoncer expreffémenr : mais ces ftatuts ne font pas obfervés. Dans cet état , réfoudra - r - on des nceuds faints & légirimes , paree, que le curé, s'en tenant a 1'ufage obfervé dans fon diocèfe, n'a pas été aufli exaót qu'il auroit du l'être ? Et quand le curé feroit coupable , fa faute peut-elle, dans cette occalion , nuire aux parties qui font dans la bonne foi ? II feroit trop dangereux d'admettre une fetnblable conféquence. Tous les mariages -qui fe font faits jufqu'ici dans le diocèfe de Befaneon feroient nuls : quel inconvénient! Ce qui eft, pafte doit refter .dans fon état : il eft feulement a fouhaiter qua 1'avenirPon prenne les précautions les plus fages pour éviter tant d'écueils qui fe préfentent dans un ufage aufli dangereux quq celui du diocèfe de Befaneon,  Hifloire d'un Bigame. 197 Ainfi, par rapport a 1'efpèce particuiière , l'on pent dire que la feule énonciation , cum debitis conditionibus , renfermant celle de la publication , il eft a. préfumer que les bans ont été eftedi- ; vement publiés. II n'en faudroit pas 1 davantage pour écarterle fecond moyen i que l'on oppofe contre le mariage de Marguerite Doros. II fe détruit encore par les circonftances'particulièresj defqueliesil réfulte : qn'en effet les bans ont été publiés. Le fieur BiUeret'l fecrétaire de la chambre archiépifcopale de Befaneon , en rend rémoignnge dans fon certificat. II die que l'on a donné difpenfe de deux 1 bans. Qui peut mieux en être cru que le dépofitaire des ades qui fe paftent a la chambre archiépifcopale ? C'eft 1« ; même qui fouvent les expédie , furtout les difpenfes pour bans de mariage. On ne donne point de difpenfe de deux bans, qu'il n'y en ait eu un de pubüé. Ainfi il doit demeurer pour I certain qu'il y a eu publication de bans. 11 faut pourtant convenir que de fimples certificats ne prouveroient pas 1'état d'une femme : mais ces certificats ne faifant pas tant la preuve que la confir- ; mation de ce qui eft déja conftant, l'on I iij  19-8 Hifloire d'un Bigame. en peut tirer routes les coniequences qui fe préfentenr. II n'eft pas cerrain dans le droit , quoique cela foir dangereux dans le' tait que le défaur d'énonciarion de publication de bans emporte nullité. Ici les loix canoniques , ik les ordonnances particuliérement, prefcrivent de faire mention de la publication des bans : mais elles ne prononcentpas nuïlite. C'eft une régie que lona voulu 1 etre gardée par les c'urés , afin de conftater les mariages , & d'empêcher les abus : c'eft une charge qui leur eft im- 1 pofee , qui , toute fage & régulière I qu'elle eft , ne peut pas préjudicier aux parties qui font dans la bonne foi, & qui s'en rapporrent a leur curé. Ce I defaut d'énonciarion eft de fon fait & ! ne regarde pas les parties, dont les nceuds ne peuvent fe diftoudre par la faute du curé. Le troifième moyen d'abus , le voici: II n'y a eu , au mariage , que deux té- 1 moins i 1'ordonnance en prefcrit quatre; mais elle ne prononce pas la peine de nulhte. C'eft au prêtre qui célebre le mariage k exiger cette formalité, quand les parties 1'ignorent , ou négligent de s'y conformer. S'illenégiigelui-même, II  Hifloire d'un Bigame. 199 le mariage ainfi contra&é n'auroit pas dü 1'être , a la vérité ; mais il n'eft pas nul. On ne doit pourtant point fe relacher de ce nombre. Le quarrième moyen d'abus fait plus de difticulté. Les conciles dont les dif: politions ont été revues , les ordonnan: ces, les arrêts interprères des loix &c des ufages , tout y eft précis; &c l'on ne : peut pas douter que le défaut de préfence du propre curé ne rende un mariage nul. II faut donc examiner , dans le fait, s'il eft véritable que ce défaut fe rencontre dans Ie mariage de Jean Cape ; & de Marguerhe Doros. il eft certain que l'un & 1'autre de, meuroienr a Salins , & qu'ils ont été mariés a Befaneon. II a fallu, pour cela, une permiflïon du curé de Salins, fans laquelle le mariage feroit nul. L'aéte de célébration fait mention de I cette permiflïon ; mais il ne la date point, 8e elle n'eft pas tranferite dans , Ie regiftre. II faut convenir qu'aux termes de . 1'ordonnance de 16, la permiflïon a i du être tranferite dans le regiftre du 1 curé qui a fait la célébration ; précau■ tion dont on ne fcauroit trop admirer la fagefle. Sans cela il ne tiendroit qua Iiv  20© ^HiftoirecTunBimme; un precre étranger , dinteliigence avec lem? de?lre » r°us les jours, de ces -anagesu dkproporrionnés, queVe nefait enW, que paree qu'ils 3 pourroientfe faire en public: u"eop £ C°Ur ' " faLlt nécefTairemenr fe préWrafonproprepafteur, qnieft le Fem1er;uge, cVqufne donne de pemiffion qu avec connoiffance de caufe. a.tranfcnre route enrière dans le re*if, i tre public. ö Quelque pre/Tante & pontive q«e ! foit 1 ordonnance de 1elle n'em porte pas nuilité : & l^J^l pafteurs qui rranfcrivenr la permiffion qm leur eft adreffée, ne rend^T bu"ve hgnorance,ou la négligence de ceux qui ^ -nrenrenr de Pénonce - IfT' ^ ra6te de^lébrarion ^ II fuffiroit donc, pour qu'il nV e{it pas dabus dans la célébration du mamge de Ai^e,;re Doros, que la firn ple permiffion fut énoncéê Tns PaSe qui eft rapporté. e II ya plus, c'eft qu'il paroir, dans ie fait, que cette permiffion a été véritablementdonnée; ce qui anéantit tous  Hifloire ctun Bigame. 201 les raifonnemens que l'on a faits pour établir ce quatrième moyen d'abus. Le curé , qui a donné la permiffion , a attefté 1'avoir donnée ; le curé qui a marié , attefte de 1'avoir recue : tous : deux font d'une probiré recennue : leur témoignage rend le fait conftant. On dit, contre le père Patournet qui a marié, qu'il a donné des certificats 1 qui fe contrarient. L'un & 1'autre onc cté repréfentés \ mais on peut dire qu'au feulafpecl du cerrificat produir par Antoinette Dorfet , 011 reconnoit qu'il eft fuppofé , &c que le père Patournet n'en I eft pas 1'aureur. Tant d'artifices indi: gnes , & de fi honreux déguifements , 1 cette conduite cachée &c criminelle de i Jean Capé, ne permettent pas de conjechirer qu'aucun aurre que lui-même puiffe 1'avoir fabriqué. II ne faur donc pas être furpris fi le père Patournet, (.dans le fecond certificat, rapporté pas U Marguerite Doros , dit qu'il n'a jamais donné de cerrificar contraire : & le curé | qui a donné la permiffion , inrerrogé i juridiquement , acheve par fa dé.. claration , de manifefter la vérité. '. Quelque foin quwi ait pris de la ca.. cher , cette vérité , il fe fouvient pofi| tivement qu'il a donné cette permiffion. lv  20 2 Hifloire d'un Bigame. _ H n'y a donc pas d'abus dans fe ma- ■ nage de Mcrguerite Doros avec Jean I Capé. ' Acheyons de prouver qu'il n'eft pas dandeftm , & par conféquent qu'il pent produire des effets pïvüs. Comment I prouve-r-on la clandeftinité ? II en a , dit-on , toutes les marqués dont M. le \ Pr être, dans fesarrêtés de Ja cinquicme des enquêtes, fait 1'énumérarion: point de contrat , point de publication de bans , point de pofteffion : Marguerite Doros n'a pas eu les honneurs de femflae , elle s'eft elle-même reeonnue con- j cubine. > L'on pourroit d'abord obferver qu'il n'y a pas de demande formée fur la clandeftinité. Mais, fans s'arrêter a une formalité peut-être frop fcrupuleufe , examinons fi toutes ces marqués fe rencontrent dans Ie mariage de Marouerite II Daros, & ft elles opèrent la clandeftinité. L'on convient que le défaut de contrat eft une préfomption , quand il eft accompagné des autres circonftances : I carfeul il ne peut rien opérer. II ne faut donc pas s'y arrêrer. L'on a obfervé & établi qu'il y avoit eu publication de bans. Cette pubiica-  Hifloire d'un Bigame. 103 tion feul'e, fuivie de la célébration , le rend public, & en óce la clandeftinité , paree que ce font des aétes publiés dont l'on ne préfume pas 1'ignorance. La publication des bans mème n'a été intrqduite que pour empecher la clandeftinité. 11 feroit dès - la inutile d'entrer i dans la difcuilion des autres marqués de clandeftinité ; paree qu'il eft préfen1 temenr conftant que le mariage n'eft point clandeftin. Mais pourne rien laiffer a defirer, & rendre a Marguerite Doros, toutela pubiicité de fon état , que l'on a taché d'obfcurcir par la malignité des traits vifsqui lui ont été portés, la compaflion qui eft due a fes malheurs ne permet pas de lui refufer la confolation d'eutendre fa jufttfication. Elle a eu les honneurs de femme, elle a joui de fon étar, elle en a été en pofleftïon. Quatre ans d'une concorde parfaite , ouvrage d'un bon intervalle de la rak I fon de fon mari , font Ia preuve évidente qu'elle a été en poffeffion de fon ; état. Les lettres que fon mari lui a écrites , & qu'elle a pu recouvrer après un malheur qu'elle ne prévoyoir pas , actievent de per fuader : elle y eft appellée du nom de femme s il y eft parle Ivj  204 Hifloire d'un Bigame. de fon fis; il s'y agit d'affaires de mé-, nage : on entre dans Ie détaiJ. L'on a beau dire que les termes de femme ,-& les autres dont Jean Capé fe fert , font un effet de fa paffion. L'on ne continue pas fi long-tems; & fut-tout dans 1'ahfence on réflédiit fur fa débauche , on fe repent , & on ne prodigue plus des noms qui nefont dus qu'a une véritable femme. Non-feulement Marguerite Doros a été en poffeffion de fon état par ellemême , mais elle en a encore joui dans Ia perfonne de fon enfant, dont Jean Capé a pns foin. C'eft par fes ordres qu'il a eté mis en penfion., c'eft lui qui 1'a payée , il 1'appelle fon fils , on voit tftute Ia tendreffepaternelle: ne décèlet-elie pas 1'eftime qu'il avoit pour Ia mère? Un fimple particulier, peu accommodé dans fa fortune, a-t-il de pateils fentiments pour une concubine ? C'étpit donc pour fa femme qu'il les éprouvoit. Elle étoit fi bien reconnue pour telle, que toute la ville en rend témoignaae! II n'y en a pas de plus certain ni de plus pubhc dans cètte matière. Marguerite Doros a donc été en poffeffion painble ae ton état.  Hifloire d'un Bigame. ao? On prétend qu'eüe y a renonce : mais, fans examiner fi c'eft elle , ou une perfonne fuppofée qui a parlé dans ces aétes , dans ces rranfadfions indignes; fi elles ont été préparées , ou fabriquées par Jean Cape'; fi elle y a confenti libremenr, par menace , par furprife ou par violence ; il fuflit que cette renonciation foit vicieufe en elle même. L'état d'une femme eft tel , qu'elle ne peut en dilpofer : routes les atteintes qu'elle veut y potter tombent d'elles«rêmes. Ainfi, les tranfactions ne prouvent irien contre Marguerite Doros. Mais on peut dire, en même-tems, qu'elles prouvent en fa faveur la duplicité , la conduite artificieufe Sc cachée de Jean Ca- Ses foins 1'ont pourtant obligé , malgré lui, a manifefter la vérité : car, comme on a fort bien remarqué , il donne des fommes de 6000 livres , de 600 livres a Marguerite Doros. Que veulent dire ces libéralités ? En fait-on de femblables a une concubine dont on eft dégoüté , ou a une libertine , telle |qu'on a voulu dépeindïe Marguerite 'Doros ? Quelle prétenrion pouvoitelle avoir contre lui ? II eft vifible aue  loS Hifloire cTun Bigame. Jean Capé a voulu étoufrèr fes juftes plaintes ; il a voulu Pécarrer pour jamais : mais tel eft 1'aveuglement Je 1'homme perfide & mauvais , qu'on trouve , dans fes précautions même , de quoi les rendre vaines. Quoi de plus extraordinaire que la permiffion donnée a Saint - Martin d'afnrmer par Ja voie du ferment ! Dès que le mariage de Marguerite j Doros n'eft point abufif, & que d'ailleurs il n'eft point clandeftin , il eft j conftant que le mariage d'Antoinette Dorfet eft abufif. II ne feroit dene pas \ abfolu ment néceftaire d'examiner les moyens d'abus particuliers que l'on oppofe contre le fecond mariage : il fuffira de les parcourir. Celui que l'on tire du défaut de publication de bans mérite quelqu'attenfcion , paree qu'ils n'ont point été publiés dans la paroifte de Jean Capé. II eft inutile de dire que fa paroiffe étoit l la même que celle A'Antoinette Dorfet. C eft ce qui ne paroit pas : il femble même, par 1'acte de célébration que l'on rapporte , que le domicile en Ia pandde dont il y eft parle , & oü le mariage a été célébré , tombe feulement fur Antoinette Dorfet.  Hifloire d'un Bigame. 207 A 1'égard. de Ia préfence du propre curé , il eft certain que c'eft ordinairement celui de la fille, qui marie. Ainfi l'on ne pourroit pas objecter cet abus : mais le défaut de fignature des parties ffc des témoins dans 1'ade de célébration en eft un véritable. On répond que tel eft 1'ufage de Chambery j mais le Concile de Trente qui fait la loi des parties a Chambery, condamné cet abus. Puifqu'il demande la préfence des témoins, c'eft afin qu'ils puiflent dépofer de la célébration & de la préfence du curé : nulle autre voie pour conftater & rendre inébranlables leurs dépofitions , que leurs fignatures. Plufieurs de ces moyens font d'autant plus forts contre Antoinette Dorfet, qu'elle les a objedés contre Marguerite Doros. De plus, Antoinette Dor ft ne pareu t pas avoir été dans une pofteflion auffi publique qu'elle le dit. Elle rapporte bien des lettres, mais qui difent moins que celles rapporties par Marguerite Doros. II paroit que Jean Capé avoit de la contidération pour elle : mais n'en avoit-il pas pour Marguerite Doros} Cependantl'on a prétendu que ce n'étoit pas une preuve de la poffeffion de fon  208 Hifloire d'un Bigame. état : pourquoi en fera - ce plutót unef pour Antoineue Dorfet ? La feconde partie de la caufe n'eft pas difHcile a examiner. Marguerite Doros eft femme de Jean Capé ; c'eft j donc a l'enfant qu'elle a eu de lui qu'appartient fa fucceffion. Antoinette Dorfet n'y peut rien prétendre. Refte a examiner fi fes enfans doiventla partager, paree qu'on veut qu'ils \ foient dans la bonne foi \ ce qui fervi- reit a affurer & leur état d'enfans légitimes de Jean Capé, & leur part dans fa fucceffion. II eft sur que 1'un & 1'autre ne pourroit leur ètre refufé , fi leur mère étoit dans la bonne foi. II faudroit pour cela ,\ que^ le mariage de la mère eiit été célébré dans toutes les formalités prefcrites. On vient de voirle contraire. Première condition , il faudroit que la mère eut été dans une ignorance abfolue de 1'engagement de Jean Capé avec Marguerite Doros. ïl eft difficile de le préfumer , a caufe de toutes les circonftances qui ont été remarquées. Seconde condition , il faudroit qne la mère fut innocente , c'eft -a - dire , que fon mariage neut pas commencé | ah illicitis, par une aótion illicite. Dans '  Hifloire (Tim Bigame. 209 le fait, quelque force que l'on prétende donner a'la confultation des médecins de Paris, l'on ne dira pas qu'un enfant né a cinq mois de mariage n'ait pas été concu avant le mariage : on n'a pas eu jufqu'a préfent d'autres fentiments. Inutile de dire qu'il faut diftinguer entre l'enfant né avant le mariage , & l'enfant né pendant le mariage. Cette diftinótion eft jufte pour la légitimation par mariage fubféquent de deux perfonnes libres, qui 1'étoient dans le tems que l'enfant a été concu. L'enfant qui nait pendant le mariage n'a befoin d'aucune formalité pour être regardé comme légitime ; &t la foibleffe de la mère ne peut jamais lui fure tort : mais il n'en eft pas de même pour la légitimation qui eft 1'ouvrag* de la bonne foi. Comme c'eft une faveur que la loi accorde, elle ne doit pas être étendue: elle n'eft fondée que lorfque la mère eft innocente dans fon commerce. Il eft vrai qu'il y a un fecond enfant concu depuis le fecond mariage. II fe■ roit difficile de croire qu'il n'eüt pas le même fort que le premier , paree que oü il y a du crime dans le commenccment , il n'y a plus de bonne foi. Ainfi la troifième condition, qui man-  1 ï o Hifloire d'un Bigame. que ici, décide abfolumenc. Le fecond mariage étant nul en lui-même, n'a pas le pouvoir de rendre les enfans légitimes, puifqu'il ne le pourroit indépendamment du premier mariage : a plus forte raifon y ayant un premier mariage. « Par ces confidérations , M. 1'avo» cat-général a conclu qu'il y avoit lieu » fur 1'appel de la fentence du Chatelet, » fur le chef de laprovifion , de met$fl » 1'appellation au néant ; fur le chef » qui renvoie au premier jour, de met-' 3> ere 1'appellation & ce dont étoit ap-i » pel au néant ; émendant, évoquantj » le prineipal & y faifant droit , en| » tant que touche 1'appel comme d'abusi » interjetré par la Dor/se , dire qu'il » n'y a d'abus; en tant que touche I'ap"-i " pel interjetté par la Dcros, dire qu'il! » a été mal, nuilement& abufivement » célébré & contradé : maintenir &j » garder la Doros dans la qualité dei » veuve , fon fils dans la qualité de fils : » légitime de Jean Capé; faire défen-■ » fes a la Dorfet & a fes enfans de 1'y j » troubler, & de fe qualifier femme : » ou enfans légitimes de Jean Capé ,,. Intervint arrêt conforme aux conclu- ■ fions , le 18 avril 1707.  Hifloire d'un Bigame, 21 ï Cet arrêt décide premièrement que le défaut de confentement de la mère d'une mineure n'eft un moyen d'abus que lorfqu'il eft propofé par la mère elle-même. Secendement, que, pour la légitimation des enfans nés d'un fecond mariage , le premier fubflftant , jil faut, de la parr d'un des conjoints , trois conditions : Pignorance entière du premier mariage , 1'innocence entière de fa part, & la validiré du fecond mariale en lui-même. Troilièmemenr , ique 1'accoucbemenr a cinq mois du mariage doir faire préfumer la débauclie. II eft érrange que des médecins complaifans aienr pu arrefter que des enfans jJUUYUiciu na.ui; apts nuq 111015 UC. j mariage , Sc vivre ; que dans cet efpace de tems la nature pouvoit perfectioniner fon ouvrage. J'aurai peut-être ocïcafion d'examiner ailleurs , d'après un0 conteltanon rameuie , ou les gens de Parr onr approfondi la queftion , fi Ia :narure peut varier jufqu'a un certain point fur les termes des accouchements , foit en les avaaicant , foit en iles retardant. Quoi qu'il en foit , la feconde femme fe pourvut contre cet arrêt par re-  212 Hifloire d'un Bigame. quête civile , dont le principal moyen étoit de dire : Judicatum fuperfaljis (i). D'abord on avoit fait tomber ce moyen fur 1'acte de célébration du premier mariage : mais cette tentative ayanr échoué, on appliqua ce moyen a Tex-; trait baptiftaire d'A/exandre Capé, fils de la première femme, dont jufques-Ia on ne s'étoit point encore avifé de conrefter 1'état. La feu'e raifon dont on fe fervoit, pour établir la fauffeté de cet exrrait baptiftaire , étoit de dire qu'il avoit été délivré comme tiré du regiftre j public , dans lequel néanmoins il ne fe trouvoit pas ; Sc pour éclaircir ce fait , on avoit demandé que le regiftre de la paroiffe oü Alexandre Capé avoit' été baptifé , fut apporté au greffe de la Cour. Alexandre Capé, inftruit qu'en eftetl'aéfe de fon baptême n'étoit point dans les regiftres publics, foit qu'il n'y 'eut jamais été infcrit , foit que l'on <;ut.' deP'-ds , fupprimé la feuille oü il étoit écrit, fut obligé de déclarer qu'il ne prétendoit point fe fervir du regiftre; ' Sc en conféquence de cette déclaration , il intervint , le 4 feptembre 1711 , un arrêt qui déclara faux cet extrait bap- fi,' Jugement rendu fur de faufTes pièces.  Hifloire d'un Bigame. 21 3 ftaire, £c ordonna qu'il feroit rejetté u ptocès. Cet extrait baptiftaire n'étoit pas le kul titre qui établiifoit la filiation^'^v.xandre Capé. Une foule de monuïens domeftiques concouroit a affurer m état. On produifoit plufieurs lettres ju père, oü il reconnoiffoit bien exreffément cet enfant • & ce qu'il y j'yoit de plus finguli'er, 1'état. de ce mèae enfant fe trouvoit affuré par difféents aótes frauduleux que Du/ac Capé voit imaginés pour le détruire , dans k tems qu'il fe difpofoit a confommer a bigamie. ; • Cependant, M. le procureur-gcnéral üt touché de voir Alexandre Capé démé du titre conftitutif de fon état, par e jugement qui déclaroit faux fon exrait baptiftaire; & qua 1| faveur *le ce ugement , ceux mêmes qui 1'aVoient uiparavant reconnu le rroubloient dans a poffeffion de fon état. Alors ce mariftrat crut qu'au défaut de ce titre pu'lic, il étoit indifpenfable d'adminif:rer a cet enfant le fecours de la preuve :eftimoniale , quoiqu'il eut une poffefïon d'état établie par des monuments domeftiques émanés de fon père. Sur ;e fondement, M. le procureur-général  114 Hifloire d'un Bigame. requit d'office que cet enfant fut admis a faire preuve, tant par titres que par témoins , qu'il étoit fils de Dulac Capé ^ qu'il avoit été reconnu par fon père , qui avoit eu fioin de fon éducation , & payé fespenfions j qu'il avoit vécu en pojjejjlori de fon état, & qu'il étoit le même dont il' étoit fait mention dans les lettres écrites par le défunt. Ce font les ptopres termes du requifitoire , fur lequel intervint ariër conforme le 7 feptembre 1711 , trois jours après 1'arrêt qui avoit déclaré faux i'extrait baptiftaite : & dans la fuite Alexandre Capé établit, par la preuve teftimoniale, fon état, & il fut confirtné par arrêt.  L'Abbt des Rues. 21 ■$ VABBÊ DES RUES. vCe procés qui a fait tant rle bruit dans Ie tems , eft un exemple bien frappant jjdes reftources que peut mettre en ocuivre un coupable attaché au crime, dont t'imagination eft fertile en expédienrs , qui a renonce a route pudeur , & ofe cntreprendre de féduire le public , fes jfupérieurs & fes juges , par des paracidoxes. ; ^ l'abbé des Rues de Boudreville , né a Paris en 1690, étoit fils d'un marchand de vin de cette ville. Il y fit, avec un :: certain éclat , fes humanités chez les jéfuites. II paffa , comme il 1'a dit lui■ même , fon enfance eccléfiaftique dans le clergéde laparoifledeSaint-Paul, oii il refta, depuis 1701 , jufqu'en 1710. (On remarqua en lui, dès ce tems-la , I un penchant décids pour les plaifirs de i l'amour; & l'on crut s'appercevoir qu'd ufoit de 1'afcendant que lui donnoient i ks -fondions de catéchifte , pour fé-  21 6 L'Abbé des Rues. duire les jeunes filles qui alloient rece- • voir fes inftruótions. On n'a pas dit: qu'il ait alors confommé le crime avec : aucune de les eleves ; mais fa conduite i uuuua ue i mquietucte , öc Ion crutde- ■ voir congédier un fujet aufli fufpeéb. II fut néanmoins renvoyé fans fcandaïe. vn eut de I mdulgence pour fa jeuneffe : on efpéra, ou que Ie tems Sc la réflexion le rendroient plus fage, ou que , ; s'il coufervoit les mêmes inclinations , il ne refteroit pas dans 1'état eccléfiaftique , dans lequel il n'avoit peint encore pris d'engagements. II obtintmême, de plufieurs eccléfiaftiques de cette paroiife , des certificats, dont il voulut fe prévaloir dans la fuite. II fe mit fur les bancs de Sorbonne , Sc parvint au grade de bachelier en théologie. II paroit que 1'abbé des Rues n'avoit pas , fur les queftions qui agitoient alors le clergé de France, des fenti- ' ments analogues a ceux de M. le cardinal de Noailles, qui occupoit le fiè^e de Péglife de Paris. II obtint «e ce pre- I lat j un dimilfoire , pour aller a Sens. j Toute fa familie étoit originaire de cette ville ; il avoit deux oncles curés I dans ce diocèfe ; Sc il y poftédoitïlui- même !  L'Abbé des Rues. 217 t même , en commende , le prieuré de Saint Clément. 11 entra au féminaire I de cette ville , &c recut les ordres mii neurs & le fous-diaconat. L'archevêque i de Sens , touché des talents de ce jeune 3 eccléfiaftique , voulut 1'attacber a fon i diocèfe, &c lui offrit même la thcolo1: gale de fa métropole. Mais , foit que j 1'abbé des Rues imaginat que fes talents 1 mis en exercice dans lacapitale, duflent le conduite plus loin , foit que fon goüt • pour le fexe lui fit craindre d'être rrop : éclairé dans une ville de province , il . quitta Sens , & revint a Paris. . 11 entra en licence en 1714. II s'y diftingua par fon ralent pour la difpute i fcholaftique, & par lafacilité qu'il avoit de s'exprimer en latin avec clarté , & avec unecertaine éloquence. Entte ceux qui couroient la même carrière que i lui , il étoit le plus fouvent nommé pour cprouver les forces des afpiranrs, au baccalauréat. Mais fi ne put alors , malgré tous fe$ i talents , parvenir au dégré de licencié. iVoici i quoi il en attribue la caufe. Le. hafard , dit-il , permit qu'il entrat en lice avec quarre clercs de 1'égHfe de ■Saint-Paul. Un de ces clercs elfuya la iionre d'un refus. Un des principaax lome XL K  2i8 L'Abbe'des Rues. prêttes de cette paroiffe , qui a depuis été exilé a 1'occafion des difputes qui étoient alors agitées avec tant de vivacité entre les eccléfiaftiques, crut trouwer 1'occafion de fe venger de 1'abbé dis Rues. Celui-ci avoit refufé de figner un projet d'appel au futur concile», que ce prêtre lui avoit ptéfenté. Le prêtre qui avoit toujours fur le cceur la réüftence de 1'abbé , eut la malice de lui imputer un refus qui n'avoit d'autre motif que la foiblene du eandidat. Ü3ns ces circonftances 3 dit-il, on infinua a M. le cardinal de Noaiües , qu'il n'avoit été dans un féminaire de province , que pour furprendre 1'ordination. 11 avoic eependant en main les .lettres teftimonialès de fa conduite ; la permiffion par écrit que le prélat lui avoit donnée lui-même d'aller dans le féminaire de Sens , les dimilfoires fi. gnés de cet archevêque , pour y recevoir les ordres : tout cela n"empêcha pas; qu'il ne füt regardé comme un in. rrus. Le cardinal lui refufa lediaconat,. .fans lequel il ne pouvoit obtenir le degré de licencié; & il parvint, dit-il, a i Ja fin de fes exercices fans ppuvoir re- • cueillir d'autre fruit de fes travaux s (tjue la fatisfadion d'avoit foutenu fes :  L''Abbê des Rues. 2,19 deux premières thèfes avec honneur , Sc de s'être acquis Ja confidération de ïous fes confrères. L'abbé d que l'abbé '. des Rues donnoit, dans fa paroiffe , le meilleur exemple , & qu'il rendoit , a fon Jergé , des fervices effentiels. Le ; prélat } fur les remontrances de ce pafteur, envoya l'abbé des Rues au féminaire des bons enfants , oü , après un an d'épreuves , il recut , au mois de mai 1710, le diaconat des mains de M. 1'archevêque lui même. Il entra alors dans la carrière d'une feconde licence. Cependant les bruits fourds de fa mauvaife conduite don- ; noient toujours de Pinquictude a M. de NoailUs. Pour s'affurer de fa con- 1 duite , le prélat chargea quatre doóteurs ,1 de Sorbonne de le furveiller , Sc de lui : en rendre compte. L'abbé des Rues ne put fouffrir leuc incommode attentia.11 fur 'toutes fes démarches \ Sc pouj: les rendre incapables  210 L'Abbé des Rues. de porter aucun témoignage contre lui; voici ce qu'il imagina. Entre les bacheliers aggrégés a la maifon de Sorbonne, &c qui font aóhiellement leur cours de licence, on en élit un , tous les ans , pour gouverner la maifon , pour régler & ouvrir les forboniques (i) par une harangue, du paranymphe du répondant , &c par neuf arguments. Ce prieur eft eu polfeilion d'avoir la préféance fur tous les bacheliers qui font leur cours de licence; Sc la maifon de Sorbonne prétend que cet; te poffeffion eft fondée en droit. 11 eft encore d'ufage , quand le bachelier qui foutient fa forbonique adreffie la parole au prieur de Sorbonne , qu'il le qualifie : digniffime domine prior, Ce tte prefeance & cette cjualification dignijjlme a été anciennement conteftée au prieur; & il y a eu , a ce fujet, différents arrêts rendus au parlement (2), (1) La forbonique eft une thèfe folemnelle qu'on eft obligé de foutenir dans les écolss de Sorbonne , pendant le ceurs de !a licence en théologie. Elle commence a fix heures du matin, & finit a fix heures du fóir. II n'y a pointde préfident a cette thèfe : deft , en quelque for-te , le prieur de Sorboivje qui en fait les honneurs. (ï) Voyez le di&ionnaire des arrêts „ au niot Sorbonne.  V Abbé des Rues. lil L'abbé des Rues entreprit de faire revivre cette conteftation. II y excita fes confrères qui, affemblés au nombre de 106 , le chargèrent de fuivre le procés. II fe croyoit, dir-il , d'autant plus ho^ 1 noré de foutenir cette caufe , que 1'il1 luftre M BoJJuet 1'avoit défendue luimcme. II travailla donc plufieurs mémoires en faveur de fa compagnie •, il les donna aux évêques affemblés dans la falie de Sorbonne , oü la cérémonie d'une thèfe les avoit attirés ; & il fe Hattoit qu'il auroit enfin obtenu , fur cette impor tante affaire , un arrêt définitif, fi M. l'abbé Btgnon ne lui eut fait entendre qu'il falloit fufpendre la décifion d'un 1 procés dans lequel les docieurs de routes les maifons commencoient a fe déclarer , & qui pouvoit ranimer les troubles & les divifions de la faculté. La vivacité de fes démarches excita contre lui, dit-il, de nouveaux ennemis. On repréfenta a M. le cardinal de Noailles que fa qualité de provifeur de Sorbonne devoir 1'excitera punir un bachelier affez hardi pour arraquer une maifon qu'il protégeoit. On lui infinua en outre , que ce rébelle éroit d'une doctrine fufpe&e, & qu'il feroit dangeK iij  222 VAbbè des Rues. reux del'autorifer aparler en public. Deia , die il, le refus qu'il éprouva d 'être' admis a 1'ordre de la prêcrife. II eft d'ufage, dans les facultés dé théologie 8c de médecine , de faire des paranymphes, a la fin de chaque licence. C'eft un des bacheliers afpiranrsau grade de licencié , qui en eft chargé ; fes confrères i'élifent a la pluralité&des voix.^ Cc-s paranymphes confiftent dans un difcours , oü l'on infère 1'élo^e de chaque étudianr en licence. L'ufa»e s'étoit introduir de fubftituer a cet&éloge des épigrammes mordantes,en vers latHs , contre plufieurs des licenciés, 5c chacun d'êux répondoit a 1'attaque 'qui lui étoit porrée par une aurre épi^ramme dirigée conrre le paranymphef L'ufage de ces epigrammes eft aboli , 8c les paranymphes ne confiftenr plus'que dans un difcours analogue a la gravité de la cérémonie. II étoit encore d'ufage que tous les candidatsformalfententr'eux une fomme, qu'ils remettoienr entre les mains de celui qu'ils avoienr élu paranymphe, pour fournir aux dépenfes ordinaires. Au nombre de ces dépenfes étoient quarante boüteilles de vin , & autant de boites de confitures , que l'on envoyoit au chancelier de 1'univerfité. Cette  VAbbê des Rues. 223 place étoit alors occupée par M. Vivant. Voici comment'l'abbé des Rues rapporte la manière dont it s'acquitta de la fondion de paranymphe. «< L'abbé des Rues, dit-il, qui avoit acht cepté la commiftion de paranymphe , L fans aucune vue d'intérêt , & qui , I* fur la parole de M. le fyndic Sc de 3 » tous fes confrères, avoit recu un pou. » voir précis de faire le tout fansdépenfL fe , fe contenta de recevoir, de cha-' » que particulier , la moitié de la con„ tribution qui avoit été payée dans les ,.• licences précédentes, 5c crut, a caufe » des tems difficiles , devoir retram her » ce qu'il y avoit de fuperflu dans la I » cérémonie. On lui dir que 1'ufage I » éroit de donner a M. Vivant quaran,5 te boites de confitures , & quaranto » bouteilles de vin. II le fit avec tout » le refped qui eft dü a un chanceliet n de 1'univerfité. Cependantce prêtre refpeflable fe » plaignit,dansun difcours public, de ce I » que les boites de confitures qui lui • avoient été préfenrées, n'éroient point » affez grand es, ni le vin aftez excel» lent (1). (1) Le fait eft que l'abbé des Rues avoit K iv  4*4 EAbbè des Rues. » M. l'abbé des Rues n'aurou jamais. " Fenle. qu'on lm eut imputé comme » un crime, ce qui n'étoit , en lui » que 1'efFec d'une fage & prudente » economie. Ses confrères ne I'avoient » point choifi comme un expert pour » mefurer des boites , ni juger de I'ex» celle,Ye des vins j mais comme ui* » bacheher capable de foutenir 1'bon» neur de la licence dans la cérémonie » des paranymphes. » En effet , continue-t-ill'abbé des " Rues FrtJt , dans cette occafion , ac» compagné des mnfes. II fe fit un plai» fir de travailler plus de quarante piè» ces de pocfie d la louange de fes con- ' » freres. Toute 1'alfemblée eut la bonté « de 1'applaudir; & ff le feul M. Vi» vant , fans avoir affulé i la cérémonie , fe plaignit.hautement que le » paranymphe avoit été rrop piquanr » dans fes difcours , & trop modique »» dans fes préfenrs , il faut dire , fui» vant la penfée d'Ovide, que , fi les donné anx 40 bouteilles tout 1'extérieur du plus excellent vin de Champagne , & que dans le vrai elles cóntenoient le plus mau va,s via qu'il eut pu trouver. Les confimres « les dragees étoient d'une amertume iniupportable.  L'Abbé des Rues. 225 » dragees avoient été plus abondantes, » les reproches de M. Vivant auroient » eu moins d'amertume. Tpfe lieè ve'ntaj r/iufis comiiatus , Ventere , „ Si nihil anuleris , :bis , Hcmere , jords. . , t Alui. tra j crede mihi, piaeani hor/tinesque deosque } tl Placatur donis Supicer ipji datis. i »> Quidfaciet fap'wns? Stultus quoque muntregaudet j Ipfe quoque , aecepto munere , mini erit ,,. Ces dilputes , auxquelles le corps des docteurs prit part, autorifèrent 1'ab: bé des Rues a récufer les quatre que M. le cardinal de Noailles avoit chargés de iveiller fur la conduite de ce candidat, & de lui en rendre compte. Mais ce . prélat n'étoit pas moins aifuré que fes mceurs devoient 1'exclure du facerdoce , 1 auquel il refufa toujours conftamment de 1'admettre. L'abbé des Rues étoit fertile en reffources. Voici comment il imagina qu'il pourroir arracher de force une ordination qu'il ne pouvoit obtenir librement. II profira de Ia bonne volonté qu'avoit pour lui M. l'abbé Big/ion , qu'il 1 avoir féduit par fon. efprit &' par fes 1 talents. Une cure dans le diocèfe de ! Noyon vint a vaquera la nomination de ; ce prqtecteur.il y nommal'abbé desRues, qui obtint fes provifions de 1'évêcjue 1 dioccfaih. ' K v  22f5 . L'Abbédes Rues. II eft de principe que I'évêque ne peuc refufer I'ordination a un clerc lé- i gitimemenr pourvu d'un titre facerdotal, fi ce clerc ne s'en eft rendu indi^ne par un crime ' jüridiquement prouvé. A-utrement il a le droit de recourir au fupérieur de I'évêque dans 1'ordre hiérarchique : & ce fupérieur, fuivant le jugemenc qu'il porte des motifs du refus , le confirme , ou confere 1'ordre demandé , foit par lui-même , foit par un autre évêque qu'il commet. Si 1'ordinant.éprouve par-tout unrefus injufte, il a'recours alors, par fa vcde de 1'appel comme d'abus , a 1'autorité coacfiye de la juftice temporelle , qui emploie les moyens qui font a fa difpoiition, pour faire exécuter les faints canons , & procurer a 1'ordinant la réparation de 1'affront qu'il reeoit publique. inent. L'abbé des Rues, pourru d'une cure , étoit donc dans !e cas d'obliger M. Ie cardinal de Noailles de s'expliquef fur les motifs de fon refus. « Pour foutenir la grace d'une vocaii tion fi légitime, dit-il, il vint plu» fieurs fois fe jetter aux pieds de fon * éminence, pour.fa fupplier de Ie metai tré en état de re-mplir fes dèvoirsj  VAbbê des Rues. 217 L c'eft-a-dire , de lui donner la prêtnfe, „ ou un dimiffoite pour la rece-voir de „ I'évêque a qui il étoit attaché par les „ Hens de fa cure. Mais toutes fes pné„ res furent inutiles, & ii ne put obteL mr d'autre grace , que la permiihon „ d'employer les voies de aroir. „ Aiors , le 21 janvier 1714 , le » fait accompagner de deux notaires j , » il va au palais archiépifcopal, ou par» lanr au lïeur Chcvalier, fecrétaire du » prélat , il déclaré qu'il eft rerfuade „ que , de droit divin , il doit aller dfon „ benefice , pour y faire les fonYtons de •> pa/leur. 11 exhibe les originaux de fes o titres & capacités, enfemble plufieurs » atteftations qu'il a obtenues , depuis » 23 ans, de tous les curés , fupérieur-s » de féminaires, dodeurs Sc autres, qui » avoient été chargés de fa conduite. 11 » produit la formule de fa foi fignée de » fa mailt, déclarant, au furplus qu'il » fe feroit toujours un devoir de foufcrire^ : » aux conflitutions qui avoient condamné : v les propofitions de Jeanfenius', & au„ tres encore plus nouvclles. 11 demande : » afte de cette déclararion. Enfin , pé, „ nétré du plus profond refpeéfc , il fupplie fon éminence'de lui déclaret: „ 1 <\ Si elle trouvoit quelque chofe k K vj  2.2.8 UAbbè des Rues. » condamner dans fes fen timen ts & dans vjadodnne, offrant de fe fbumettre d »tous les examens quelle pourroit cxi» ger. » i°> Si elle révoquolt en doute la vé» rité. de fes. certificats ~ & fur-tout de » celui donné en fon nom par l'abbé - ~ ^^uuu.jo/! vicairegeneral, en da» f« rfa ^feptembre 1723. fcellé de fes » «/■«« , 6- infinuéau greffe des infinua» tions^eccléfiaftiques, le 6 dudit mois. » 3 °. Si fon éminence avoit quelque » chofe a y oppofer, & quel étoit y en par» tteuher , Vempêchement canonIque , « pour lequel elle pouvoit lui rcfufer la » prêtrife , ou un dimijfoire. » Le 28 du même mois, 1'abbé des » Rues , accompagné des mêmes no» taires, re tourna au palais arcbiépif» copal, on ie fieur Chevalier lui ré» pondit, de Ia part de fon éminence , » que , pour des raifons dont il n'étoit *: ort'géde rendre compte qda. Dieu feul » d ne pouvoit donner la prêtrife au fieur * ces Rues * ni W tonner un dimijfoire *> pour la recevoir dun autre évêque. » Ce fut alors que l'abbé des Rues ; « en préfence des notaires, déclaraqu'il » regardoit ce filence comme la preuve » certaine de ce que l'on ne pouvoit  L'Abbé des Rues. izcy m rien produire contre fes mceurs , ni 55 contre fa doótrine. C'eft; pourquoi ii 5» demanda acte de fes ptoreftations 55 contre ce refus, fe réfervant a fe pour» voir ainli qu'il feroit confeillé de le j « faire. » L'abbé des Rues s'étoit adrelTé a m fon éminence , avec les fentiments » de cette foumiftion rendre Si refpec55 tueufe , dans lefquels ce prélat s'aI >5 drelfoit autrefois lui-même au pape I ss Clément XI, en lui difant, que la per53 te de fes bontés rcmplljfolt fon ame I » d'amertume 3 & qu'il ne pouvoit rien »faire de plus confolant pour lui , que ss d'expofer fon état a celui que Dieu » avoit établi pour être fa force & fa conss folation. » C'étoitune explication charitable, 53 une réponfe paternelle qu'il attendoit » de la bouche de ce prélat; Sc non pas » des paroles qui ne peuvent convenir « qu'a des Rois, pour exprimer leur au>5 rorité fouveraine , Sc la domination 35 quefaint Pierre condamnoit dansles » pafteurs 35. II appuie ce fyftême , en difant que le concile de Sardique déclaré bien que les colombes de Péglife peuvent quelquefois fe ljvrer a des fentiments d'a-  l^o LAbbé des Rues. nimofité; que les évêques peuvent fe laiffér furprendre par la palfion , jufqu'a jurer la perce , &c i vouloir excerminer un diacre de leur églife : mais les pères de ce concile , & de plufieurs autres , fi célèbres dans 1'églife , bien loin de livrer les clercs ï la palfion de leur évêque, leur ont toujours donné un afyle dans le concile de la province , oü ils leur ont permis de citer jufqu'a leur métropolitain , pour y faire difcuter fes jugements & fes démarches j ut negotium difcutiatur. Concil. Sardic. cap. i 7. Et quelque tems auparavant les pères du concile de Nicée avoient établi la même difcipline, en ftatuant qu'il fe tiendroit, dans chaque province , deux conciles par année , oü les clercs pourroient porter leurs plaintes , demander juftice contre leur évêque , & produire les moyens de leur défenfe : Ut omnibus epifcopisprovincia Jlmul congregatis y difcutiantur hujufmodi qu&Jliones. Concil. Nic&n. cap. 50. C'eft de 1'églife que les évêques ont recu une portion de cette puiflance que le Fils de Dieu luia donnée : c'eft 1'églife qui leur a ouvert les portes du fanóbuaire , & qui, en les élevant fur fes trönes, leur a impofé-des loix, fui*  IJAbbèdes Rues. 23? vant lefquelles ils doivent gouverner fes enfants. Ainfi , un évêque le trompe quand il croit nctre obligé de renare compte de jon minift'ere qua Dieu feu!, puifqu'H en eft refponfable, non-feulement a 1'églife , mais aux parlements , i qui, en qualité de proteóteurs des faints : canons & des loix du royaume , ont droit de citer a leur tribunal tous ceux qui ofenr les violer. 11 y a déja long tems que 1'orateur du , elergé a démandé au Roi que les appels : commed'abus fuffent enlevés aux Cours : fouveraines: mais , fi les parlements 5 , dans cette occafion , touchoient 1'encen: foir , ce ne feroit que pour y jerter un ; parfum agréable au Seigneur. Er que : devïendroienr les eccléfiaftiques du fecond orclre , fi on leur enlevoir un tribunal augufte , qui eftfi fouvent le feul afyle ou de fi nobles & de fi fideles fujers de 1'état peuvent fe réfugier, pour fe fouftraire a la violence de ceux qui les oppriment ? -; L'on ne peur affez refpeéfer la digniré des évêques, qui font les vicaires de Jefus-Chrift fur la terre : mais 1'excelI lence de leur caractère n'empêche point 1 qu'ils ne foient des citoyens foumis ,aux loix de 1'églife , &C a 1'autorité de,s  2-31 JOAbbédes Rues. fouverains. De même que 1'églife fa trouve dans la république, tpjfa °enim ejl< in republicd ; de même I'épifcopat « trouve dansun homme fujet a fon Roi1 qm, en devehant plus élevé'qiïe les autres, a fait un fetmenr d'être plus fouïnis a fon Prince, & plus attaché aux regies de 1'églife : & puifque les danons de 1'églife , & les loix de 1'état ftH obhgent un évêque d exprimer les caufess de fon refus duns les actes qu'il en fah>. délivrer, ne paroit-il pas évident qu'un i eveque agit contre les ordonnances ,, quand , pour route réponfe , il fe con- ■ tente de dire : qu'il n'eft obligé de ren- ■ dre compte de fon minijïere qua Dieu i feul? L'abbé des Rues penfoit bien que fes ennemis avoient indifppfé fon éminence contre lui; mais du moins il fe flattöit que ce prélat, fi plein de bonté , ui apprendroit le fujet de fa difgrace. 11 ïcavoir que les conflitutions apoftoliques apphquent aux évêques , d'une mamère particulière , lè précepre de la chanré, & les loix de la correétion fraternelie i que , fuivahrla penfée de S:. , ( } lfc ,VI concile de Paris en 829, Can, J^.de Cambrai en 1565 , de Rouea en 15S1,  ■ LAbbè des Rues. 233 Ignace, dans fon épitre aux fldèles de Smyrne, fi les évêques font les images du Père tout-puilfant par leur autorité, ils doivent encore plus être les images de fon hls par leur tendreife : que , fuiivant la pragmatique-fanction , le conkordat & le concile de Trente , les pré:lats font des pères de familie qui ne ;peuvent exercer leur jurifdiction contre des clercs , qu'après les avoir prévenrS ^par des avis pleins de zèle 8c de charite j (que, fuivant les canons des deux conIciles généraux tenus a Lyon , fous In~ mocent III & Innocent IV , ils doivent létte interdits del'entrée de 1'églife,s'ils lemploient les cenfures avant que d'aila dépendance d'aucnn aurre évêque , ;que de celui dans le diocèfe duqueleft ifirué le tirre du bénéfice. Mais il ne faur pas placer les cures au nombre des bénéfices qui produifent jcer effer; paree que celui qui eft pourvu d'une cure n'enpeut être paifible poffef'feur , que quand il a été promu au faceraoee. Ainfi , quoique la cure donr il eft pourvu foit dans un diocèfe différent de celui ou il eft né , il refte toujours foumis a I'évêque du lieu de fa naiffance , tant que 1'ordre de prêtrife ne lui a pas éré conféré. Mais fi , avant fa promorion au fa'cerdoce , il obtient un bénéfice qui n'exige pas la prêtrife dans le diocèfe :.ou fa cure eft fituce , & s'il parvient a s'affurer la paifible poffeffion de ce béinéfice ; alors il paffe , de la jurifdiction de fon premier évêque , fous celle de ; celui dans le diocèfe duquel il eft de■venu bénéficier; & celui-ci peut, indé-  *3& L'Abbê'des Rues pendamment de 1'autre, le rendre capaoledepodederfacure.en lui eohfS rant le lacerdoce (i). Ainfi, pour fouftraire l'abbé des Rues, aux difhcalccs que lui faifoic le cardinal I de Xoadles ,1 „e fal!oit jüi CQnfé_ rer un benefice dans un autre diocèfe que ceku de Paris. C'eft ce qui alloit arriver par le fecours de cet évêque qui étoit attendri fur fon fort Le , x avril ,7M, U lui donna un bcnehce dans fon diocèfe, & fe difpofuir a lui dunner la prêtrife aux quatrcs tems fuivants de laTrinité ■ Cependant 1'abbé des Rues prévit bien quclies feroient les fuites de h demarche judiciaire qu'il avoit faite . (') Ce qd] eft dit dans le texte étoit en v.gneurau tems ou ce procés fut ag£ :U fuffifoit alors , quand on avoit ohtenu ml Mais, par la déclaration du 13 janvier i742 reg.ftree au pa/lément de Paris , le zTL' «leme mo,s , {| eft ordonné que nul eccléfa&,,,e ne puilTe être pourvu dorefnavant i quelque mre que ce foit, d'une cure oa' autre benefice a charge d'ames , s'U n'eft ans nccomphs; faute de quoi les prov S Jront regardée* comme nulles, &P ]e «ce vacant & impétrable.  VAbbè des Rues. 15 7 auprès de M. Ie cardinal de Noailles; 11 fgavok bien que ce prélat n'avoit que trop de raifons pour autorifer fon refus. Mais il fcavoit bien auffi qu'on n'avoit pas de preuves capables d'opérer une condamnation juridique. La foinmation faite dans une audience publique excita les murrnures de ceux qui étoient préfents : chacun fe dit ce qu'il fcavoit j ce qui donna lieu a des perquifitions. Elles apprirent que l'abbé des Rues avoit, pour complice de fes débauches , un certain abbé Merlier , qui étoit dïacre comme lui. La difficulté étoit de confrater , par la voie judiciaire , les faits graves dont M. le cardinal de Noj'dles n'étoit inftruit que par des mémoires, II étoit cependant urgent d'acquérir cette preuve , &c d'arrêter le facrilège qui alioit fe commettre par la promotion de l'abbé des Rites au facer'doce. 11 étoit important pour 1'églife qu'on écartat dii miniftère & des autels un fujet qui ne pouvoit que caufer le plus grand fcandale. II n'étoit pas aifé de préparer des preuves juridiques, fans que les fieurs Merlier & des Rues en eulfent connoiffanee. Ik'avoient , pour le fuccès de  2,38 LAbbé des Rues. leurs projets , Ie plus grand intérêt \ gagner du rems ; Sc ils donnoienr tous leurs foins a dérourner les preuves. Ils foupconnèrent que le fieur Peret\ chanoine de Saint Honoré , 8c promo*' teur de 1'orÏÏcialité , avoir parr aux per^i quifitions qu'ils avoient fujet de crain-,dre. L'abbé des Rues eut la précaution de lui faire une infulte dans Paris, ahnd'avoir occafion de lui reprocher , fi le: procés éroir inftruit a fa requête, qu'il agilfoit pir un principe d'animofité. C'eft par cette raifon que les pourfuires furent fattes par le fieur Ijoard t curé de Sainte-Matine , yice - promoteur. , Quand il fe crut en état d'acquérir , par la voie juridique , les preuves nécef-i faires pour écarrer des autels , par unei condamnation authentique Sc réguliêre, ces deux afpirants indignes , il rendit conrr'eux fa plainte ,. le 8 mai 17x4, Sc les accufa de fréqu.entatioir de per-: fonnes du fexe avec ranr de fcandale , que leurs maifons étoient regardées , dans leur quartier, comme des maifons .-de proftirurion. L'informa ion fut faite les .10 , n Sc ! 2, mni. Sur.les dépofitions de dix: témoins., les iieurs des P.ues &c Merlier,  L? Abbé des Rues. 239 furent dé^rétés de prife-de-corps le 1 3 mai , emprifonnés le 14 , interrogés le mème jour , & dans Pinftanr le procés fut réglé a 1'extraordinaire. II eft imiportant de copier ici les termes du ju«gement 11 porte que « les témoins ouis \» és informations , è ceux qui fourront ji» êtri entendus dans la fuite , feront ré^3* colés en leurs dépofitions & confron» tés , fi befoin eft, aux atcufés: & les ji» accufés récolés en leurs interrogaroij;» res , & confrontés, fi befoin eft, les |>» uns aux autres Le 15 mai , le vice-promoteur deimanda permiffion d'informer par addikion. L'informarion fut commencée le I lendemain. Six témoins furent entendus. Trois déposèrenr qu'une fille miineure, nommée Jeanneton le Fort, avoit : été fouftraite a les parenrs , & que penI dant trois mois , elle avoit éré dans la 1 maifon & en la poffeffion du fieur des i Rues. Ces. trois témoins étoient la mère •& les oncles de la mineure , qui, dejl puis , a été elle-méme entendue. Dans le même jour , ils furent réco| lés , & le lendemain , le fieur Merlier I fubit interrcgatoire. Le vice promoreur, a la vue de cette I procédure , apper^ut un cas privilégié.  24° L'Abbê des Rues. Ces trois témoins, en eftet, chargeoient l'abbé des Rues du crime de rapt d'une mineure 5 & comme depuis 1'audirion de ces trois témoins , on avoit procédé a leur récollemenr & a un interrogatoire , il fut ordonné , par fentence du 17 mai, que le lieutenant criminel feroit appellé. Les récollements de la mère & des deux oacles de la mineure , 8c 1'inter'rogaroire du fieur Merlier furent, par la même fentence , déclarés nuls, comme faits en 1'abfencedu juge laïque. L'inftruction fut faite , depuis , conjointement par 1'official &c le lientenantcriminel; ce qui eft conftaté par 1'intitulé de chaque vacation. En moins de deux mois, les accufés i furent iugés définitivement par 1'ofh"ctah La fentence eft du 5 juület 1 724 ; «< elle déclaré le fieur des Rues atteint » & convaincu de vivre , depuis pluj> lieurs années , dans un commerce de » débauche coufommée & d'habitudes ij criminelles j avec différentes perfon» nes du fexe ; mcme d'avoir retenu en » fa poffeffion , prés de trois mois , une s> fille de dix huit ans a 1'infcu de fes »> parents , d'en avoir abufé, & de ne i> 1'avoir rendue a fa familie , que paree « que fa mère & fes deux ancles, après » 1'avoir  L1 Abbédes Rues. a^t «1'avoir cherchée Iong-rems , font ve» nus chez lui , ayant lcu qu'elle étoit » en fa polfeifion. » Comme aulli atteint 8c convaincu » de s être découvert honteufement & » une religieufe(i), en préfence d'une » autre femme, dans ie parloir d'un mo» naftère de filles, 8c véhémenrement » fufpect d'avoir attiré , fous prêrexte » d'ouvrages, chez lui, Sc dans d'aurres » maifons , de jeunes ouvrières, pour » les corrompre & les livrer a d'autres. » Le fieur Merlier eft pareillemenr dé»> claré arteint & convaincu de s'être u abandonné a une débauche fcanda»j leufe avec des perfonnes du fexe ; mê» me d'avoir proftitué de jeunes filles , » d'en avoir follicité d'autres, Sc d'a» voir fait , de fon appartement , un » lieu de débauche, d'excès & de ican- > dale, y attirant des filles & des fem- > mes de mauvaife conduite ,8c y rein cevant des hommes pendant qu'elles ê y étoient, comme dans un lieu pu- > blic ; Sc en outre des Rues 8c Merlier p font déclarés atteints Sc convaincus (i) Il|eft prouvé au procés que, lorfqu'elle ctoit dans le fiecle , le fieur des Rues, qui aifoit le catéchifme de la paroiffe de faint 3ierre-des-Arcisj avoit tenté de la féduire. Tomé XI. L  Sr! 242 UAbbê des 'Rues. » d'avoir écé complices & compagnon! » de débauche: pour réparacion de quoi « ils font interdits pour toujours, des » foncxions de leurs faints ordres, dé^ » clarés incapables &inhabiles a être ja » mais promus a 1'ordre de prêtrife, 8c de 3> polféder aucun bénéfice a charge d'as j> mes ; le fieur des Rues privé de ia cuh * re de faint Brice-de-^Gauchi; 8c con-i «» damnés Bun & 1'autre a fe retirer in-: s> ceflamment dans telle communauté *» ou féminaire qui leur fera indiqué par M.r archevêque , pour y faire demeu» re aétuelle 8c continuelle pendant » trois années, 8c y reprendre 1'efprit » eceléfiaftique. Leur enjoignons , pen* » dant ce tems-la., de jeüner au pain; ■ »> 8c i 1'eau les vendredi 8c frmedi de u chaque femaine , de réciter ces jours-; •w la leur office a genoux & tête nue, *> les fept pfeaumes de la pénitence , 8$ jj de lire un chapitre du nouveau tefta-j. ss ment: & les condamnons cbacun eni » trentel. d'aumones applicables al'hój •3 pital des enfants trouvés , avec obli-i * gation de rapporter au grefie de 1'ofr »3 ficialité un certificat de leur bonnöi sj conduite pendant la retraite qui leur: »j a été ordonnée, avec defenfes de ré->> cidiver fous de .plus grandes peines  VAbbe' des R ues. 243 Le lendemain , ils furent transférés dans les prifons du chatelet. Le fieur des Rues , qui parloit pour lui, aufii-bien que pour fon complice , ! ne s'eft jamais attaché dans le fond k juftifier ni 1'un ni 1'autre des déréelements qu'on leur imputoit. Tantot il a dit que les témoins , qui trempoient idans leurs crimes, ne faifoient point preuves contr'eux ; tantót que le ca* idont on les chargeoit n'étoit pas privijllégié. Mais on ne voit point qu'il ait fait Lfon capital de montrer au fond qu'ils :n'étoient pas coupables. Il n'a jamais iparlé de cette indécence extréme , dont :1a fentence le déclaré convaincu. II foutint, devant le juge royal, que la jurifdiéHon féculière Se la jurifdicition eccléliaftique ont toujours été dif-> tringuées, & qu'elles ont des objets diftférents ; & comme le juge d'églife ne jpeut ftatuer fur les cas privilégiés , il eft: aulli conftant que les juges royaux aban-. idonnent aux juges d'églife la connoiffance &c le jugement des délits coramüns. Cette diftinétion fe trouve établie dans tous les tems; foit qu'on fe rapoelle les anciennes ordonnances, comcelle de Moulins, article 40 , Sc Lij  244 UAbbè des Rues. auties qai vouloient que reccléfiaftique fut d'abord jugé par le juge royal pour le cas privilégié , enfuire renvoyé au juge d'églife pour le délit commun ; foit qu'on fe repréfenre 1'édir de Melun, arricle zi , & roures les déclarations fuivanres , qui ont ordonné que « le juge royal fe rranfporteroir au lïège j> de Pofficialité, & qu'il y inftruiroit le s> procés de 1'eccléfiaftique , conjoinre»i ment avec 1'official, pour 1'accufé être »jugé par le juge d'églife fur le délit j) commun , & enfuite renvoyé au juge j> royal pour le cas privilégié ». 11 faut donc dire que ces deux ufages , quoique différenrs , fe réunilTent pour établir cette loi du royaume , ancienne & conftante ; fcavoir , que le feul cas privilégié eft 1'objer de la juftice féculière , comme le feul délit commun eft 1'objet de la juftice eccléuaftique. Ce principe fuppofé , il eft conftant qu'on n'a pu le traduire devant les juges royaux , que pour quelque cas privilégié , pour quelqu'accufation , aurre que celle qui a fervi de prétexte a la fenrence du juge d'églife. Mais il eft certain que la procédure ne le charge d'aucun cas privilégié. O»  L' Abbê des Rues. 24^ en a voulu faire un de la féduétian de Jeanneton le Fon. Mais cerre fille, s il avoir voulu la féduire , lui auroit épargné tous les frais de la fcduction j Foitvrage écoir fait long-tems avant qu'il la connut , &C l'on pourroir citer plufieurs perfonnes qui ont participé a fes débauches. La prifon , fur - tout , oü elle alloit voir quelques prifonniers de fa connoilfance avant que l'abbé des Rues la connut, fournit des monuments du libertinage outré auquel elle s'y eft abandonnée. On y trouveroit plus de yingt témoins du fcandale qu'elle y a caufé. Les deux cceurs entrelacés qui fe trouvenr fur la muraille , a cóté du lit oü couchoit un particulier , & les noms de ce parriculier & celui de Jeanneton le Fort, qui fonr écrirs au-deflous, annonceronra la poftérité que cette fille, comme les héros, a voulu que fes conquéces fulfent gravées fur la pierre la plus dure j ou que ce particulier, dans les tranfporfs de fa reconnoilfance, a voulu laitfer a la prifon un monument de la tendreffe qu'en 1'année 1713 , Jeanneton le Fort avoit pour un pauvre prifonnier. « La campagne comme la ville , din foit 1'abbé des Rues , ont écé p mr elle L iij  HG L'ALhé des Rues. » un théatrë, oü, pour jouer la même » Piece , elle changeoit tous les jours »» d acteurs. » II fuffira de citer ici le cabaret du » grand-Monarque, fituédMontmarrre « OU cette fille a été fouvent avec des " h.omracs boire le vin de fa proftiru» non. Finum inlquitatis bibunt. Pro» verb. 4. Cette montagne fainre , oü » e le n'auroit dü monter que pour * pleurer fa virginité , fut fouvent le » rendez-vous de fes promenades fiber» ttnes, & elle n'y monta jamais pour » faire des martyrs (i) „. : II eft vrai que Jeanneton le Fort avoit déclaré, devant un commilfaire, ie comrnerce criminel qu'elle avoit eu avec Je fieur des Rues, & avoit ajouté qu'elle etöit enceinte de fes osuvres. En conféquence il y eut un rapport, fur lequel Ja fage-femme attefta que cette fille «oit grofle, Sc qu'il paroilfoir que e'étoit fon premier enfant. L'abbé des Rues convenoit qu'en deux articles de fon ordonnance , I» avoit plus retranché de jurifdiétion I» aux juges eccléliaftiques, qu'ils n'en j»> avoient ufurpé dans 1'efpace de trois ij» fiècles Mais ou ne rapporte point qu'il ait jexprimé , en particulier, quelles étoient lies juftes bonus des deux puiflances &c |des deux tribunaux. Ainfi, pour donner une idéé jufte |du délit commun Sc du cas privilégié , t il faut recourir aux principes des deux ijurifdidions, confulter 1'efprit des orcdonnances , s'attacher a ce que les paralements ont décide , voir ce que les plus ihabiles jurifconfultes de France en ont  iGo V Jbbé des Rues. dit , dc appliquer le touc a la caufe'! dont il s'agit. Fevrei, dans fon traité de Pabus, liv. 8 , ch.jp. i , diftingue trois fortes de- cnmes ; les Jimples , les mixtcs tk les royaux. Les crimes iimples font ceux dont la connoiflance appartient au feul] juge d'églife. Telle eft Phéréfie qui ne j peut être portée qu'au tribunal des évë? ! ques , qui font les feuls juges de la foi. Et le pape, en i 547 , s'étant plaint de ce que Francois I avoit violé les libertés de 1'églife, en attribuant aux juges royaux la connoiflance des cbofes fpirirueiles , comme de Phéréfie, M. Brufiard, pro-cureur-général du parlement de Paris , , fut chargé de répondre aux articlespropofés par la Cour de Rome. II répon-* dit, avec une éloquence digne de lui , & de la place qu'il occupoit. Sur Partiele 1 5 , il dit que les juges féculiers ne connoifiènt point, en France , de 1'héréfie i mais des féditions &c des troubles qui pouvoient l'accompagner. Les crimes mixtes font ceux dont la connoiflance appartient aux deux tribu- i naux, & font punis par le juge d'églife dans les clercs , & par le juge feculier dans leslaïques. Telle eft la fimo- ' me, qui -, fuivant 1'édit de Blois, article  L'Abbé des Rues. iGt li , doit être punie févéremenr par les évêques dans les eccléfiaftiques , & par les baillis ,dans les féculiets, Chopin &C Rébuffe foutiennent pareillement que 1'ufure eft un crime mixte. Crïmen eft utriufque [oa. Et le parlement même regardoit autrefois 1'adulrcre comme un cas mixts , puifque Jean le Cocq cite un arrêt par lequel la Cour a renvoyé a I'évêque de Paris un eccléfiaftique accufé d'adultère , Sc que le Mattre , dans fon traité de Pabus , art. 6 , cite un autre arrêt qui défend aux ju<*es d'égl*fe de connoitre de 1'adultère dans les féculiers. Les cas royaux font ceux dont le juge royal conno't contre toutes fortes deperfonnes, Sc qui, par rapport a leur atrocité , doivent être punis par le bras féculier. Borrüer , dans fes conférences fur Pordonance de 1670 , titre 1 , article 13 , propofe Sc fourient la même diftinclion ; Sc , en parlanrdes cas royaux, il ajoute que ces cas font privilégiés , paree que les juges féculiers ont le privilege d'en connoitre contre les eccléfiaftiques j Sc que ces crimes étant attentatoires a 1'autorité du Roi , ou a la füreté de 1'état , dont 1'églife fait une  2 f?2 L'Abbé des Rues. partie , ipfa cnirn ecclefia eft in republh cd , c'eft aux juges royaux qu'il appartient de juger, même envers les clercs 1 rous les crimes qui font contraires aux devoirs d'un fujet du Roi , & d'un membre de la république. Enfin du Perr.iy , dans fes nores fur i'édir de i cï"9 5 ; A'Méruourt , dans fon recueil des loix eccléfiaftiques de France , & autres jurifconfulres de norre tems , rapporrenr plufieurs régies pour diftinguer le cas privilégié , du déiit -commun. '' Mais, en appliquant toutes ces régies a la procédure faite parle fieur des Rues, \ elles font autant de preuves qui démontrent qu'elle ne contient aucun cas j privilégié. Le crime privilégié , difent ces auteurs , eft un crime atroce , que : les peines canoniques ne peuvenr alfez ' punir, & pour la vengeance duquel il Faut employèr le bras féculier. Mais , dans 1'efpcce préfence, les coups de la 1 juftice féculière ne pourroient être que fcandaleux pour 1'églife , ik contraires aux ordonnances. Car enfin il s'agit ici de quelques foiblelfes que l'on impute a 1'accufé , & de quelques libertés que l'on fuppofe qu'il a prifes avec le fexe. Mais y eut-il jamais déiit plus com-  L'Abbé des Rues. 262 mun ? Et pour qu'elle raifon , M. le lieutenant-criminel pourroit-il s'en former un cas privilégié ? 11 eft certain que les crimes renfermés dans la clalfe que l'on nomme délit commun, ne font pas fi conl-idérables | que ceux qui forment les cas privilégiés. \ Maïs il ne faut pas croire que le délit ; commun ne s'étende qu'a des légére- ! tés , & a des fautes de foiblefle. Car il eft conftant que 1'ofricial ne peut connoitre que du délit commun : cepen-dans il peut impofer , pour pénitence , le féminaire, 1'interdiction , la dépofuion , la privation des bénéiices, 1'excommunication , la prifon a tems, & même la prifon perpétuelle. Or pour- : roit-on dire que la tyrannie de ce tribunal iroir jufqu'a impofer des peines fi confidérables pour des minuries, des faures palfagères , qui échappent fou- , vent aux hommes les plus parfaits ? i L'ordonnance d'Orléans , arr. 14 , défend aux ofheiaux de décerner moniiion ou cenfures eccUjiaJiiqucs , Jznon pour crime & fcandale public. Mais certe ordonnance fuppofe donc qu'il y a des crimes , & même des fcandales publics qui, fans fortir de 1'efpèce du déiit commun , font fujets a la jurifdiction épifcopale.  264 t L'Abbé des Rues. La déclaration du Roi, du 15 décembre 1(398 , jparle des caufesgraves , mais qui n? méritent pas une injlrulion dans les form.es de la .procedure criminelle , pour lefquelles les évêques ont droit d'envoyer leurs curés ou eccléliaftiques , dans un féminaire , pour le rems de trois mois. Mais fi ces fautes , fur lefquelles I'évêque a droit de prononcer dans le cours defavifite, font des fautes graves , qui ne méritent cependant pas une inftruclion criminelle , que fa.ut-il penfer de celles qui doivent être portées au tribunal conrenrieux de 1'officialiré , & fur lefquelles Je juge d'églife doir prpnoucei- ? Certaiuement ces fautes doivent être confidérables, & ne peuvenr êrre encore des cas privilégiés. Le concile de Trenre , le concordat & la pragmarique-fanction onr établi des régies pour punir & dirigerla conduire des clercs fcandaleux. Ces loix de 1'églife & de 1'érac parient des concttbinaires publics , obftinés, rébelles ; 8c, dans routes ces circonftances , il n'a jamais été fait menrion du juge royal, mais uniquemenr du ju^e d'églife , a .qui la connoilfance de toutes ces fautes apparrienr. Enfin , la déclaration du Roi de  L'Ahbé des Rues. *l6^ I 169$ , art. 36 , confirme cette maxime i qui n'a jamais été conteftée : icavoir U -que la correction des mceurs d'un ecclékj fiaftique appartient uniquement a fon | évêque. II eft certain que les clercs devroient | èrre plus purs que les anges : mais il j.n'eft pas moins certain que ceux que l'on regarde comme des dieux , & devant qui tout le monde flcvhit Ie genou, font fouvent aulli foibles que le refte des hommes. On voit encore quelque fois ceux qui font appelles enfants de Dieu par excellence , fe joindre aux enfants de la terre; des pères fpirituels fe changer en pères temporels. Mais c'eft dans la rerraire qu'on relègue ces pafteurs fcandaleux. Tout criminels qu'ils fonr , il n'y a encore rien dans leur conduite qui foir de la compétence du juge royal ; & s'il étoit vrai qu'il eut'èchappé quelque faure au fieur des Rues , la loi feroir encore plus favorable , puifqu'il n'eft point prêtre j qu'on ne peut 1'accufer d'avoir profane fon miniftère , & qu'il eft prouvé par les cerrificars de plufieurs évêques, docteurs , curés& vicaires-généraux , que, idepuis vingt ans , il a toujours tenu Tvme XI. J^J  i66 L'Abbé des Rues. une conduite édifiante , 5c qu'il n'a jamais fcandalifé 1'églife. Le délit commun , difent les jurifconfultes, eft un crime commis contre les loix de 1'églife ; & le cas privilégié eft celui qui intérefle 1'autoriré du fouverain , ou la süreré de 1'état. Mais , dans la caufe préfenre , on ne rencontre que des malheureufes , que le fieur IJoard a fait agir & parler au gré de fes defirs \ des filles vagabondes , invérérées dans le libertinage , dans le^ quel elles ont vécu fans interruprion \ donr la conduire &c le cara&ère exclut route idéé de violence &c de féduótion ; que l'on a éré chercher jufques dans 1'höpital, & dont plufieurs pubiient actueliemenr qu'elles ont été fuborn nées pour venir en témoignage. Tels font les témoins dont on s'eft fervi pour flérrir &c opprimer le fieur aes Rues. Et ce qui eft plus extraordinaire , c'eft que les BaJtnvH'e, la Macéj la le Fort, quoique domiciliées a 1'hoi pital, Sc renfermées dans la maifon de force, n'ont pas lailfé d'être introduires fur la fcène, pour faire le role de filles vertueuies. On a donné a ces Meffaünes le langage de Lucrece, Tout eft fimulé  L'Abbé des Rues. 2.67 idans la procédure; & pouvoir-on choilir des perfonnages plus ennemis de Il'lionneur & de la vérité ? Le fieur des Rues ne connoir point lees miférables, ou ne les connoir que |par la clameut de fon quarrier. Mais, en Irevenant au principe, fi 1'accufé avoit Jeu quelque fociécé avec ces femmes perïdues, qui dépofent de deux ans, de dix lans, de vingr ans, en quoi donc auroitlil violé les loix de 1'Ecat? Er une prifon |de neuf mois fuivie d'un long féminaijjre, décerné par fon official, ne fuffiIroir-elle pas pour réparer les faures. Iqu'on veut lui imputer ? Enfin le Roi, par fa déclaration de |iÓ7Ï5, a diftingue la jurifdiófcion ecdédiaftique de la jarifdiétion leculière : il |dir, dans cette déclararion , « avoir , j»> parfes ordonnances de 1667 & 1670, |» réglé particuliéremenc la compétence ji» des juges ». II ajoute que, <* par les ..w arr. 11 &c 11, au rirre de la compéI» tence , il a ordonné que les baillis 1>'> féhéehaux , lieurenanrs criminels de ia» robe-courte connoitront des crimes y » énoncés ». Ainfi les cas privilégiés , ;:c'eft-a-dire , les crimes donr la connoifi.fauce appartient au juge royal , font ccontenus dans les articles 11 &e 1 z de Mij  j.6Q L'Abbé des Rues. 1'ordonnance de \6jo. Mais , de tousi les cas qui y font rapporr.cs , on n'eni trouvera pas un femblable dans route1 la procédure. C'eft au Roi feul qu'appartienr 1'autorité Sc le droir de goaverner , pour le temporel, ceux que la providence a; foumis a ion pouvoir. C'eft lui qui éta-i blit, dans fes états, des officiers cc des juges dont il fe ferr pour rendre la juftice a fes fujets. Ce font les princes chrétiens , qui , pour cémoigner leur zèle pour 1'églife , ont accordé aux évêques cette junfdic-: tiou contentieufe qui s'exerce dans les offivialités , Sc qui, pour foutenir 1'hon-i neur du fanétuaire, ont fouftrair, dans bien des cas, les eccléfiaftiques aux tribunaux féculiers. Le privilege clérical eft donc fondli fur la piéré des Rois chrétièns , qui, pour punir &ccorrigerles eccléfiaftiques^ fans fcandalifer 1'églife , les onr ren-i voyés a la.jufte clémence de leurs: évêques. Ce privilège eft inféparablei de la cléricature , difoit autrefois uni grand magiftrat (i): de même qu'un féf (i) M. Bourdin , fur 1'ordonnance dek  L'Abbé des Rues. i6q óülier ne peur êrre traduit devant le juge d'églife pour chofes qui ne regar-. dent poinr fa jurifdidion \ de même 1'eccléfiaftique ne peur faifir a fa volonj té la jurifdidion féculière. Enfin , il n'y Ja que les crimes arroces qui puiffent arI ra. her les clercs d'enrre les bras de leur I évêque, Sc les priver du privilege d'êrre liugés dans fon tribunal. Crimina qua , Xpropter jut atrocuatcm , cejjate faciunt \privilegi:,mfon. Accurt. in leg. addiclos , | dip. de epijcöpis. Mais , quel feroir donc le privilege I du fieur des Rues , Sc quelle feroir la Iprérogative de fon érar, fi pour les mêImes fautes, il paroiffoit dans deux triIbunaux, Sc fubiflbit deux fentences ; fi I le juge royal prononcoir fur les mcmes Schefs fur lefquels le juge d'églife a déja I prononcé ? En quoi donc feroi r-il exempt [de la juftice féculière , fi le juge royal Iprocédoit conrre lui , comme il feroit I contre un fécülier; ou pltirór, s'il vouI loir le punir pour des faures pour lefI quelles il ne puniroir pas un féculier ? | On lui impure d'avoir fréquenré des jperfonnes du fexe. Mais n'eft-il pas fco'nftant que les laïques les plus liberI t'ms, Sc les plus fcandaleux furce chef, |jie font pas cités pour cela devant le Müj  270 L'Abbé des Rues. lieutenant-criminel ? Et comment donc,i quelques fanres fecrètes , paftagères 1 fuppofées , & recueillies depuis vingt|' ans , pourroient-elles rendre 1'accufé : foumis a ia compétence du juge royal ? C 'eft-a-dire, que tout fon privilege fe termineroir a multiplier les procédures , a le donner en fpectacle a toutes les prifons , a Ie faire paroitre dans rous les < tnbunaux, & a le rendre la vidime ' de 1'émuiation & des différents feminien ts qui fe rencontrent dans les deux jurifdiétions. II eft vrai que les fautes d'un clerc font plus graves que celles d'un féeulier : mais les clercs ontce privilege fur les féculiers , que c'eft a I'évêque ï leur donner les monitions, & a leur impofer des peines convenables, danslecas même oü les laïques feroient repréhenfibles devant les juges royaux. Enfin la feule atrocité du crime peut les faire traduire au tribunal de la jufti- ! ce féculière ; & Ja Cour connonra par ■ elle-même que toute la procédure qui a été portée a fon tribunal ne contient que des délits'communs, fur lefquels le juge royal n'a rien a prononcer. , Après avoir établi que le juge royal n etok point compétent pour pronon- quelques fautes fecrètes , paftagères 1 , ix recuenues depuis vinotans , pourroient-elles rendre 1'accufé \  L'Abbé des Rues. ijl Lr fur les délics imputés au fieur des ïïlues, il eft facile de prouver que la Loeédure faite par 1'official eft abufive. f II eft conftant qu'elle doit êrre fulLeófe. Car, fi fuivant 1'ordonnance de Louis XI, en i45>8 , de Fran^ois I , a |Ys fur Tille en 15 2 5 ; de Henn III aux érars de Blois en 1585 , & de Louis XIV, en 166- , tit. 14 , art. 29 , «Un L juge eft récufable quand lui ou fes „ enfants, fon père, fes frères, neveux I» ou alliés ont obtenu quelques bénéfi- » ces des prélats & patrons eccléfiaftiI» ques , qui foient parties ou interreflcs L dans 1'aftaire » ; que doir-on penfer I d'une procédure faite par un vice-proImoreur & un official enrichi des bienI faits de M. le cardinal de Noddles , conItreun diacre qui, quelque-rems aiw Iparavanr , avoit fait des fommations I juridiques a ce prélat, prorefté conrre I fes refus , Se éroit fur le point de 1'inI timer a la primatie ? Mais il faut déI montrer qu'elle eft vicieufe , nulle 8C I conrraire a roures les ordonnances. Le premier moyen d'appej comme I d'abus eft ciré de la qualité du viceI promoteur. Les évêques , dans le commenceI ment , n'avoient aucun tribunal: tout M iv  272 L'Abbé des Rues. leur pouvoir confiftoit a exhorter Jes coupables , ou * féparer les endurcis de^ a fociete des ftdèies. Dans la fuite on les a choifis comme des médiareurs pacihques & des arbirres intelligens, pour termmer les querelles qui pouvoient arnver entre les eccléfraftlques & les fécuhers. C'eft ce miniftère de médianon qu'ds onrconverri en jurifdidion: & le rems eft vertu ou les juges d'églile , voulant rendre leur préroire comme un tribunal univerfel , c'eft-a-dire y ener toutes fortes de perfonnes , & y juger routes fortes de caufes ; les Rois, & fur-tout Francois I, ont été obligés de reprtmer , pat des ordonnances particuberes , les abus des juges d'églife Sc les ont foumis aux Cours foiiveraines pour y rendre compre de leur conduite & en recevoir la corredion. Ainfi ce font les Rois qui ont donné des tribunaux aux évêques , qui ont affiYné les ofhuers de leur jurifdidion ■ & de même que les prélats ne peuvent avoir d'autres régies de procédures que celles qui font établies par le fouverain ; de même , ils ne peuvent multiplier , a leur fmtaihe , les officiers de leur pretoire , ni en avoir d'autres que ceux qLie les Rois leur ont permis d'étabhr. ,  L'Abbé des Rues. 273 Suivant 1'ordonnance de Francois I, en 1541 , 1'ordonnance de Moulins , article 76, &c i'édit de 1695 , article 51 , les évêques ne peuvent avoir plufieurs officiaux , fiiion dans le cas 011 leurs diocèfes fe trouvent ftués dans le reiTort de différents Parlements j &c même , dans cette occafion , ne peuvent-ils le faire fans des lettres expreffes de fa Majefté. Cette loi a été confirmée par plufieurs arrêts de la Cour. Il fuffira de citer celui quia été rendu le 14 avril 1600, furies conelufions de M. 1'avocat-général Servin , par lequel il fut défendu a I'évêque de Lahgres d'avoir deux officiaux. La raifon de cette loi fe trouve bien exprimée dans cette régie du droit canon : Sticut non funt unius civitatis plures epifcopi , ita nee plures funt ejus officiales: Comme il n'y a point plufieurs évêques dans une ville , il ne doit point y avoir plufieurs orbciaux. Mais , en appliqtiant ces principes au fieur Ifoard , foi - difant vice-promoteur de 1'archevêque de Paris, ne peut on pas lui reprocher le plus grand de tous les défauts , c'eft-a-dire, le défaut de puiffance ? Nullus major defec1 tus haben potejl rrriam pocejiatis. Leg, M V  274 L'Abbé des Rues. fw. de jur. Si l'on parcourr routes les" ordonnances & rous les diocèfes , on trouve que les évêques ont droir d'avoir! un official, un vice-gérenr , & un pro-i moreur : mais le nom de vice-promo- I teur y eft inconnu. Ainfi, comment a- | t-on pu , en faveur du fieur Ifoard, I érablir ün titre de vice-promoteur, que'1 les Rois n'ont point accordé aux évêques ? Oü font fes parentes ? Ses lettres ; ont-elles éré enregiftrées ? A-r-on pu : lui en donner conrre les ordonnances , Se fans une permiffion expreffe de' fa Majefté ? Enfin fi, füivant ce qui a été jugé le ] 19 juin 16"5 2. , contre le chapitre de | Sainr-Marcel , & par un autre arrêt '■ rendu au fujerde 1'abbnye defaintGermain-des-Prés, un feigneur liaut-itifticier , même eccléfiaftique , ne peur multiplier les officiers de fa juftice, fans des lertres-patentes du Roi \ fur quel fondement un évêque pourroit-il s'éloigriet de cette régie" fi ancienne & fi générale ? Le fieur Ifoard répond ra peur-êrre , en comparant fon préroire avec les Cours fouveraines , que le promoteur, ainfi que M. le procureur-général, peur avoir fes fubftitüts.  L'Abbé des Rues. 2jy Mais premiérement , le bien de la république Sc la multitude des affaires demandent les foins des fubftimts. Les lettres du prince autorifent leur miniftère. II n'en eft pas de même de la iharge de vice-promoteur. Secondement les fubftituts forment un corps de gens éclairés , Sc toujours prêts a travailler fous les ordres de M. le procureur-général, qui ne font rien qu'au nom Sc par 1'autorité du magiftrat •, 5c dans la caufe préfente le fieur Ifoard a rout reqais en fon nom. Enfin les ordonnances accordentun fubftitut a 1'official , en lui donnant un vice-gérent; mais elles n'en donnent point au promoteur. Voici le fecond moyen d'abus. Le fieur Ifoard eft un officier titre , c'eft-a-dire capable & müni de lettres nécelfaires; ou il ne 1'eft pas. Si ce vice-promoteur n'eft pas un officier rirré , certainemenr il n'a pu , en fon nom , rendre plainte , demander permiffion d'informer, conclure un décret , requérir le récolement des témoins , demander une addirion d'information , dénoncer 1'accufé aux juges royaux , Sc donner fes conclufions définitives. Car toutes ces opérations fupM vj  47<5 L'Abbé des Rues. pofent un homme qui a droit & titre pour agir. Mais li ie fieur Ifoard eft un officier titré & partie dans la caufe, c'eft donc a fa requête que les témoins ont dü être aflignés : c'eft fur fes demandes. que le juge d'églife a ordonné Pinformation , Paddition & le ïécolement.. Ainfi c'étoit en fon nom que ces procédures devoient fe faire 5 & 1'ordonnance de 166 j , titre 2 , article 2 , veut» fous peine de nullité, que le nom,furnom , domicile & qualité de la partie foient exprtmés dans les affignations* Cependant, dans cette affaire, le fieur Ifoard eft partie , il demande tout ; & rien ne fe fait en£on nom. C'eft ala requête du promoteur que tous les témoins ont été aflignés: c'eft-a-dire, 3 la requête d'un homme qui'n'eft point partie , &e qui , par reconnoiffance de quelques fervices qu'ila recus autrefois do 1'accufé , lui a juré qu'il n'avoit aucune part a la procédure. Cette nullité eft d aurant plus confidérable , qu'elle enveloppe toute Pinformation; que , fuivant 1'ordonnance de i667 , tit. 5 , art. 5 , la nullité des, expioits eftun moyen décififpouranéantir une procédure j & que les afligna-  L'Abbé des Rues. 277 tions de plufieurs témoins qui ont été remifes a l'abbé des Rues, font des preuves démonftratives de ce qu'il avance. Le troifième moyen eft tiré de Pabus que le fieur Ifoard a fait de fon prétendu miniftère. Quand un procureur du Roi commence une procédure , c'eft qu'il y a une partie qui réclame fon miniftère , ou le bien de la fociété le demande , & il eft excité par la clameur publique; aufli dit-on des promoteurs & des procureurs du Roi , funt qui pubücam vindiclam profequuntur : pubiica difciplinA y'mdices , quos ad accufandum ipfa oJJlcii necejfuas impellh. Un concile de Noyon, tenu en 1565 , défend aux promoteurs de déférer' au tribunal de I'évêque d'autres perfonnesque celles qui, par des faures fcandaleufes , font devenues infames \ & les pères de ce concile appellent infamie une clameur publique confirmée par le témoignage de gens qui puiflent méritet quelque foi. Neque judices inquirere eudeant spriufqudm diligenter curentinreftigare an e& infamïa a providis & honejiis orta fuerit. Enfin , fuivant les jurifconfulres, l'on ne peut admettre pour accufateur des  278 L'Abbé des Rues. fautes fecrètes, que !es particuliers qui y peuvent être intéreilès. Si crimen efl privatum , regulariter non admittitur ad accufandum , nifi Uk cujus intercfi. Jul. 1 Cl ar. llb. 5 fient. q. 17 , n. 1. Ici la procédure même ne prouve-telle pas la témérité avec laqueflele vicepromoreur allègue , dans fa plainre , qu'il a appris que le fieur des Rues voyoit des perfionnes du fexe , puifqu'il n'y a aucune partie qui fe plaigne , ni qui ait excité fon miniftère; qu'il s'agit de fautes fuppofées , dont jamais perfonne n'a eu le moindre foupcon, que l'on dir'avoir été commifes il y a deux ans, il y a dix ans, il y a vingt ans ; que des prêtres ennemis ont parcouru toutes les maifons du quartier de laccufé , o,u plutöt routes les rues de la ville , &c n'y ont trouvé que des témoins de fa probité & des apologiftes de fa conduire: enfin que rrois infames , qui font acluellement fugitives , fe font livrées au vice-promoteur , pour fatisfaire fa paflion; & que c'eft fur le témoignage unique de ces malheureufes, que 1'accufé a été décréré ? Mais de pareilles procédures, dans un tribunal ecléfiaftique , ne fonr-eües pas aufli f;andaleufes , qu'elles font injuftes & téméraires ?  L'Abbé des Rues. 2.79 Le quatrième moyen d'abus réfuke 'du décret lancé par 1'ofricial. Suivant 1'ordonnance c!e 1670, tit. 10 , art. 19 , ne fera décerne prife decorps contre les domicilies , fi ce n'eft pour crime qui doive are punt de veine affli ive ou infamante. 11 eft conftant que cette ordonnance doit être executie dans les ofticialirés , comme dans tous les rribunaux féculiers. D'après ce principe , on prouve par un fyllogifme bien exaét, que 1'öflicial ne devoir pas , & ne pouvoit pas décréter l'abbé des Rues. Suivant la loi, une domicilie , a plus forte raifon un eccléfiaftique , qui^ eft en même-tems domicilié , ne peur être décrété de prife - de - corps , fi ce n'eft pour un crime qui mérite peine affliórxve ou infamante; c'eft-a-dire, pour un crime qui, quand c'eft un clerc qui en eft coupable , fe nomme cas privilégié. Or un eccléfiaftique ne peur êrre décrété de prife-de-corps par un official feul , pour raifon du cas privilégié ; donc un eccléfiaftique ne peut jamais être décrété de prife-de-corps par un official feul. La majeure de cet argument eft exprelfément contenue dans 1'ordonnance  280 L'Abbé des Rues. de icTyo. La mineure eft cirée de I edir de 1540 , de toutes les déclarations dti Roi qui ent été rendues pour fixer les bornes des deux jurifdictions , Sc des arrêts de tous les parlements du royaufne; entr'autres de celui qui fut rendu au parlement de Grenoble , le 17 décembre i667, par lequel il a été jugé qu'il y avoit abus dans un décret prononcé par un official feul contre un prêtre accufé de cas privilégié. Enfin rargument eft en ferme, & la conféquence eft jufte. L'official dira peut-être que ce raifonnétnent tend a détruire 1'autorité des officiaux. Mais il doit fcavoir que, dans le commencement , les évêques n'ont point eu de tribunal • qu'ils fom les mimftres & les images d'un Dieu qui eft venu dans le monde , pour fauver les hommes, Sc non pour les juger & les dégrader : que leur prétoire a été etabh pour être 1'afyle des prêtres accufes , & non pas le théatre de leur fupplice : que le concile de Trente les exhorte a éviter les voies fcandaleufes de la procédure: enfin qu'ils font des pères établis pour protéger leurs enfants, Sc non pas des juges cruels, pour les pourfuivre Sc les diftamer.  L'Abbé des Rues. 281 Cependant l'on voit fouvent les juges royaux renvoyer abfous ceux que les juges d'églife ont condamnés \ &c la charité de ce tribunal eft quelquefois plus cruelle que la juftice rigoureufe des féculiers. L'ordonnance d'Oiiéans de 1560, art. 1 8 , déclaré que les évêques ne peuvent dr'cerner aucunes cenfures , que pour crrne & fcandale public. Celle du 1 5 decembre 1698 parle des caufes graves $ mak qui ne msritent quune inftrucllon dans les formes de la procédure criminelle. Mais , fuivant 1'efprit de ces ordonnances , que doit-on penfer de ces fautes qui doivent être portées au tribunal contentieux de I'évêque , & furtoutdecelles qui méritent un décretde prife-de-corps ; finon qu'elles font des cas privilégiés pour i'inftruótion , dès que 1'ofEcial ne peut procéder , fans prcalablcment avoir appellé le juge royal ? L'honneur des clercs n'eft pas moins pr 'deux que celui des féculiers; & puifqu'ils font la portion des fujets du Roi la plus refpe&able , c'eft a eux en particulier que l'on doit appliquer les ordonnances qui ont été établies pour la süreté des citoyens.  282 L'Abbé des Rues. Ainfi, aux termes de la loi , les oftïciaux peuvent bien décréter d'ajourngment perfonnel un eccléfiaftique accufé de délit commun \ mais ils ne peuvent Ie décréter de prife-de-corps, que pour crimes graves , appelles cas privilégiés : & alors il faut qu'ils décretent conjointement avec le juge royal : fi ce n'eft cependant qu'il s'agit de crimes atroces& purement eccléiiaftiques, comme 1'apoftafie , 1'héréiie , &c. dont la connoiffance appartient uniquement au juge d'églife , & pour lefquels il peut inffiger une prifon a tems ou perpétuelle : qui font tout-a-la-fois des peines canoniques & affiidives. Mais , dans tout autre cas , il faut fuivre l'ordonnance rapportée plus hautj & alots 011 fe conformera a la loi porrée au tit. 10, art. 2 de l'ordonnance de 1670 , qui veut que les décrets d'af Jtgné pour être ouï , d'ajournement perfonnel j ou de prife-de-corps , foient rendus fuivant la gravité des crimes, la force des preuves, & la qualité des accufés, c'efta-dire, que les officiaux étant juges des fautes moins graves , & officiers d'une jurifdidion qui, par elle-même , n'a aucune autorité fur les corps , ils peuvent bi€n citer un eccléfiaftique pour lui demander compte de fa conduite ;  VAbhè des Rues. 283 mais non pas le décréter de prife-decorps. Enfin le juge féculier eft un juge de rigueur , qui n'a d'autre but, dans fes procédures , que la punirion du crime ik la perre du coupable. Mais le juge d'églife eft un juge de charité , qui ne doït travailler qu'a la converfion du coupable & a 1'édificarion de 1'églife , pro fubdkorum emendatione , & dicecefs uülhate. Concil. Trid.fejf.14 , de ref. Or y eut-il jamais rien de plus fcandaleux , ni de plus conrraire a la chariré , que de voir des prêtres faire rrainer leurs confrères dans les prifons , inventer des cas privilégiés pour les dénoncer aux juges royaux , & fe rendre les inftrumenrs de leur perre ? Le cinquieme moyen d'abus réfulte de la conduite que 1'oflicial a tenue dans fon prétoire. L'ordonnance de 1670 , tit. 6 , art. 1 o , veut que la dépofuion de chaque^ témoin foit rédigée a charge comme a décharge. Or jamais 1'oflTcial de Paris n'a voulu écrire ce que les témoins déclaroient en faveur de 1'accufé. On les traitoit avec aigreur, on les menacoit, quand ils ne foutenoient pas la conjuration du tribunal: & ce qu'il y a d'ex-  184 L'Abbé des Rues. traordihaire , c'eft que plufieurs ont public , & même depofé en juftice, qu'ils n'ont jamais dit ce qui fe trouve dans leurs dépofitions. Au titre 6 , art. 11 , il eft ordonné que jes témoins feront ouis fecretement & féparement, c'eft-a-dire, que le juge nedoirpas inrimider , ni ufer d'artibce pour les furprendre; qu'il doit écrire fimplement leur déclaration , fans y joindre de réflexions. Par un arrêt de la cour, du 20 novembre 1707, il a été défendu au bailli de Venizy'd'interroger les témoins , en procédanc aux ïnformarions^ & par arrêt du 28 avril 1711 , ^la même défenfe a été faite au juge chatelainde Blanzac. Or , dans 1'affaire préfente , les témoins ont été follicités , menacés , intimidés. Et, pour donner quelque poids aux filles infames que Pon avoit arrirées dans le tribunal, on a affeóté d'écnre que les témoins n'avoient requis aitciïn falaire, pendanc qu'il eft cernin qu'eiies ont éré récompenfées fuivant leur zèle & leur docilité. A^même-ritre 6 , art. 5, les r-moins affignés doivent êrre enquis de leur uom,age, qualité 8c demeute , & s'il»  L'Jbbé des Rues. 28? font domejïiques ou ferviteurs des parties ; & de tout fera fait mention , fous peine de nullité. Sur quoi il faut pbferver qu'il y a nullité dans la dépofuion de Barhelet, qui a reconnu , a la confrontation , avoir été le domeftique de 1'accufé , fans qu'il en ait été enquis au moment de fa dépofuion. Au titre 15 , art. zx , il eft ordonne que les interpellations, reconnoilfan es & reproches qui fe font a la confrontation , feront rédigés par écrit : & il eft conftant que le vice gérent n'a jamais voulu faire écrire ce que Barhelet a dit , dans ce moment, pour juftirier 1'accufé contre la nommée la Ro^ière; ni 1'official ceque la le Fortz dit en fa préfence , qui prouvoit qu'elle avoit été forcée& violentée pour dépofer. Quand 1'Abbé des Rues a paru devant le juge d'églife , pour être jugé , il a demandé aéte de la déclaration que ces témoins avoient faite ; on a reconnu la vé ité de ces faits ; on a écrit fes demandes , mais on a afteclé de le juger, fans lui donner acte de ce qu'il avoit demandé. Au même titre , art. ^ & 13 , il eft ©rdonné que les apoftilles feront fignées & parapbées par les parties &' par les juges, fur le bureau , & en  28 6 L'Abbé des R ues. préfence les uns des autres : 8c cependant un des témoins a déclaré a 1'accufé, dans une vifire qui lui a été rendue en prifon , que , fix femaines après fa confrontation , le fieur Ifoard 1'avoit fait venir a lofficialirc , pour y iïgner des apoftilles. , L'ordonnance d'Orléans , art, 64 ; défend aux promoteurs d'affifter aux interrogatoires des accufés , a la dépofuion & au récolemenr des témoins : ce qui efi: confirmé par un arrêt de la cour, en date du 15 février 1538 , 8c un autre du 9 décembre 1561 , rapporte par Papon , liv. 24 , rit 5 , n. r. Cependant on a vu le fieur Ifoard conduire lui - même les témoins dans Ie prétoire , lesinftruire, 8c ne les faire palfer dans Ie cabiner de 1'official, qu'après les avoir engagés a ne rien oubiier de rour ce qu'il leur avoit infpiré. ^L'ordonnance de 1 5 3 9 , art. 92 , Pédit de Cremieu , arr. 16,8c celui de Rouffillon , art. 10, défendent aux juges d'églife de connoitre des cédules ou promefles , ni d'en faire faire Ia reconnoifiance. Cependant 1'official a voulu faire reconnoïtre , par 1'accufé , un billet ridicule de la fomme de fix bvres , qui étoit préfenté par la nommée (e Roi.  L'Abbé Jcs Rues. 2S7 Enfin , fuivant toutes les loix , 1'official devoit entendre , fur les faits dont il s'agilfoit, les honnêtes gens cités dans les'dépofitions des témoins , pour voir s'ils confirmeroient ce qui avoit été dépofé : il devoit donner aux dépofitions ce ftyie fimple & naturel , qui eft un des caractèresde la vérité, & non pas joindie les idéés de fa paftion avec la déclaration des dépofants , Sc donnant aux créatures qu'il entendoit, des larmes fimulées & les fentiments d'une vertu imaginaire. Il devoit, fuivant l'ordonnance , tit. 14 , arr. 1 , ne rr.ettre ni rarures , ni interlignes dans les minutes de fes procédures. II ne devoit pas fouffrir que le promoreur fttpprimat , du procés , les requcres & moyens de defenfe qui lui avoienr été fignifiés. II devoit conftater, en jugeanr, les faits quis'étoient paftes fous fes yeux , dont 1'accufé avoit toujours requis aéte ; il devoir ménager 1'honneur de fon érat j &£ ne point faire transférer 1'accufé avec fcandale. En expofant ainfi tout ce qne le juge d'égffe devoit faire , 011 rapporte tout ce qu'il n'a point fait.  288 L'Abbé des Rues. ^ Le fixieme moyen d'abus réfulte du: récolement des témoins. i &. L'ordonnance de 16jo , tit. 15,, art. 5 , porte qu'il ne pourra être procédé-, au^ récolement des témoins , qu'il neuk été ordonne' parjugement. C'eft cependant ce qm a fait été par 1'official; car lei 14 mai 1'Abbé des Rues a été arrêté 8c : mterrogé : le même jour , il y a eu une; ordonnance de foit momré au viee-pro- ■ moteur , conclufious a fin de récole- ■ ment , & ordonnance conforme. Le 15 mai , les dix témoins de 1'in- ■ fqrmarion ont été récolés 8c confrontés : le même jour , le vice-promoteur a requis une addition d'informarion : le juge a rendu une ordonnance conforme. C'eft en vertu de cette ordonnance donnée le 1 5 mai , qu'ont été affignés tous les témoins de la feconde information ; mais il n'y a point eu d'ordonnance pour les récoler ; ils 1'ont tous été en vertu de celle du 14, qui n'avoit été donnée que peur entendre les témoins de la première informarion. S'il faut une nouvelle ordonnance du juge pour procéder a une nouvelle Information , il en faut une pareille«»ent _ pour procéder au récolemenr des témoins  L'Abbé des R nes'. 28 9 témoins qui la compofent ; fi ce n'eft que, Fuivant Part. 1 du même titre, Ie juge n'ait exprimé , dans le même jugement, que les témoins ouïs is informations , & autres qui pourront être ouïs j feront récolés en leur dépofuion ; ■car alors l'ordonnance du juge enveloppe les rémoins de 1'information Sc ceux de 1'addition. Mais 1'official ne s'eft point conforme Sl la loi ; & tous les témoins de 1'addition ont été récolés devant lui fans fon ordonnance. Et cette nullité eft d'autant plus effentieile, qu'elle regarde les témoins dont les dépofitions ont fait citer 1'accufé devant le juge féculier, •& qu'elle iriflue fur la procédure faite conjointement par les deux juges. i°. Au même titre , art. 6, il ejl défendu de réitérer les récolements. Mais 1'official de Paris ayant jugé a propos , par fon ordonnance du 27 mai, decaffer Sc annuller le récolement de tiois témoins, il les a fait récoler une feconde fois devant lui, conjointement avec le juge royal. Ainfi les témoins ont été récolés deux fois devant le juge d'églife ; ce qui eft abfolument défendu pj.r la loi. j*. Puifque 1'official a regardé comTomc XL N  2,00 L'Abbé des Rues. me un cas prilvilégié ce que la Gautter a déclaré au fujet de Jeanneton le Fort, il devoit , fuivant les ordonnances, la récoler conjointement avec le juge royal. Mais Ie témoin ayant été récolé , reproché & confronté avant la jonction du juge féculier , 1'official a penfé qu'il ne pouvoit plus etre recole. ht s il etoit vrai que la dépolition de cette miférable donnar lieu de procéder au cas privilégié, il falloit aulli voir , dans cette dépolition , une nullité elfentielle, puifqu'elle n'a été récolée &c confron- rée que devanr le juge d'églife , & nullement devanr le lieutenant criminel. Le feptieme moyen d'abus fe puife dans la fentence de 1'official. On a dit &c prouvé plufieurs fois qu'il eft défendu aux officiaux de prononcer fur le cas privilégié, & aux juges royaux de juger les eccléfiaftiques lur le délit commun. En effet, les clers, auxquels nos rois ont accordé un privilege particulier , feroient plus malheureux que les fécuiiers , fi , pour les mêmes fautes , ils étoient foumis a deux jurifdictions , & obligés de fubir deux jugements. Quand il s*agit du délit commun , rpflicial eft-*leur juge ; mais quand il ■  L'Abbé des Rues. 29 r s'agit de cas privilégiés, il devient ieur 4>rotec"teur , &c aftifte a la procédure pour défendre 1'accufé. C'eft au feul juge royal qu'appartient alors le jugemeut de 1'accufation. Ces régies font certaines; elles font textuellement exprimées dans les ordonnances faites par uos rois, pour fixer les bornes des deux tribunaux , & conferver les privilèges de la cléricature. Henri II, dans fon édit de Chateau-Briant, rendu contre les Religionnaires , va jufqu'a diftinguer, même relativement aux féculiers, le cas privilégié du délit commun , en qualiiiant 1'héréfie de délit commun , dont la connoiffance appartient uniquement au juge d'églife ; & attribuant aux juges royaux la connoiffance des féditions cauféesparles liérctiques j & illesnomrae cas privilégiés. Suivant ces principes , 1'offïcial de Paris a non - feulement violé les loix dans cette affaire , mais il s'eft fait, depuis long-tems, une coutume de iug i~ les eccléfiaftiques , fur des cas privilégiés , qui ne font point de fa compétence , comme s'il vouloit fe dédommager fur les clercs de la jurifdicnoa Nij  2.9a L'Abbé des Rues. que les juges d'églife ont perdue fur les féculiers. Enfin l'ordannange de Louis XI, en 1464, & de Louis Xil, en 1499, artribuent au feul juge royal la connoiffance du poifeffoire ; cequi eftconfirmé par plufieurs arrêrs de la cour \ -& t comme difent les jiirifconfulres, re n'eft ppjnt a titre de privilege, mais a .i.re de droit, que cette connoiffance appartient au jugeféculier. tn regno Francïa cognuio omnls ppjjejforü , etiam in-* ter ecclefiajlicos , & pro rebus fpirïtualibus , fpeélat ad judicem Jecularem , non ex al/quo privilegto , fe i ex proprio. Mais, fins entrer ici dans le détail de tous les défauts dont la fentence de 1'ofScial fourmille, 1'Abhé des Rues foutient qu'il ne faut qu'y jetter les yélrx, pour voir que la procédure eft vicieufe dans toutes fes parties que toutes les ordonnances y ont été violées. Après avoir difcuté les moyens d'abus , donnon§ un moment d'attention aux nullités qui fe trouvent dans la pourfuite rigoureufe que cet eccléfiaftique a éprouvée. D'abord la jonctiou du juge royal avec le juge eccléfiaftique eft une nulüté , paree qu'il n'y a point de cas pri-  L'Abbé des ïlues. 2,9-3 vilégié dans les crimes qu'on lui impure. M le Feron , fur la coutume cle Bourdeaux , tit. 4 , de dote , dit qué le cas privilégié eft un crime commis contre les loix de 1'état , & qui intérefte 1'autorité dufouverain. Ühi adverfusreglas conflitut/ones quid aclum efi , fpe1des Jingularis ac prtcipua efl , ex qua ecclejïaftici apud profanum judicem eaufam dicunt. Et cette idéé du cas privilégié eft Ci ancienne & fi comftante parmi les plus petirs praticiens , que Papon , livre 1 , tit. 5 ,chap. 34 , rapporte qu'un huiiller du parlement de Bourdeaux ayant accufé un clerc d'avoir un commerce criminel avec fon époufe , il prétendit que .c'étoit un cas privilégié , paree que , difoit-il, fa femme étoit, en vertu de fon commutimus , fous la fauve-garde du Roi, & qu'amfi le clerc accufé n'avoit pu en jouir fans bleffer 1'autorité royale. Aquoi 1'accufé fe contentoit de répondre que le commutimus nelui avoit point étéfignifté*. Mais fi on fupnofe a 1'accufé des fautes contraires a la fainteté de fon caractère & a la difcipline de 1'églife , il eft conftant qu'entre rous les fairs contenus dans les dépofitions , il n'en eft pas un qui puifle être déféré au lieutennnt criN iij  294 'L'Abbé des Rues. minel ; & puifque 1'Abbé des Rues ne fe trouve accufé que de faures contraires a fon état, le procureur du Roi ne devoit pas s'ériger en juge des devoirs de la cléricature. Un clerc ne peut être traduit que devant le juge d'églife ; 8c, loin que fa quafité le rende jufticiable des juges royaux , c'eft elle qui eft le fondement du privilege que les Rois ont accordé aux eccléfiaftiques , pour lesfouftraire a la juftice royale dans bien des cas ou les féculiers y font foumis. En eftet, le concordat, la pragmatique fancftion & le concile de Trente parient des concubinaires publics 8c icandaleux : mais ces loix refpeclables de 1'églife & de 1'état, renvoient les accufés a leurs évêques ; 8c on n'a jamais penfé que , dans pareils cas , ils puftenr être cités devant un lieutenantcriminel. Quand les ambafladeurs de France , députés au concile de Trente, préfentèrent aux évêques affemblés plufieurs articles de difcipline , ils demandèrent premiérement, que les incontinences fcaudaleufes des prêtres fuffent punies fuivant les faints canons.. Et quels font donc ceux qui peuvent impofer des peines canoniques , fiaaon les juges d'églife ?  L'Abbé des Rues. 29% Enfin , fuivant ce que rapporte Papo*, livre 7, tit. VIII, art. I, « le 11 ' juin 1550, les fyndics de la province de Touloufe préfentèrent requête % au Roi, fur ce que les ordonnances „ des Rois fes prédécelfeurs , ayant de„ fendu aux juges féculiers de proceder „ contre les eccléfiaftiques , quand il " s'agit du délit dont la corredion ap" partient aux ptélats • cependant le „ parlement de Touloufe , par arret du ■„ 16 odobre précédent , rendu en vacation , auroit ordonné , entr'autres 'i chofes, aux juges royaux, defaifirles perfonnes eccléfiaftiques qui fe trötiveroient chargées de malverfations ' avec des femmes ; fans avifer que , " par les faints décrets , ledit crirnë " n'emporte de foi aucun cas privilégie, & que la connoiffance en doit appar" tenir aux prélats , privativement aux „ juges laïques. Ce confidéré requennent que le Roi, en qualiré de foti" verain , & de proteéteur des hberrcs " de 1'églife , eut la bonté de caffer ce „ jugement ». Cette requêre, dit Papan , fut rapportée au confeii-privé du Roi , qui ordonna que M. le procureur-géneral du parlement de Touloufe feroit mis N iv  z<)6 L'Abbé des Rues. en caufe. Le 29 avril 15 51 ,. Paffidrefut plaidée au confeil-privé i Amboife • & , par arrêt du confeii, rendu en préfence du Roi , 1'arrêt d» parlement de Touloufe fut caffié comme contraire aux famts décrets & aux priy.ilèges eccléfiaftiques! L'hiftoire Ioue le zèle de The'odófe , paree qu'if avoir abrogé la cpnftitution de Jean , ufurpateur de 1'empire d'occident, par lequel ce tyran vouloit oblïger les clercs a fubir , en toute caufe , le jugemenr des Cours féeulières; Clericos indifcraim ad feculares judices debere deduci infauftusprafumpnor edixerat. Leg. fim cod. Theod.. Elle parle de Ia piété de 'Conjiantin, qui refufa fouvent de juger des eccléfiaftiques , paree qu'il ne vouloir poinr fe rendre Ie Juge de ceux qu'il regardoir comme fes médiateurs auprès du Souverain des juges. La jondion du juge royal aux juges eccléfiaftiques eft donc une nullité v paree que le cas n'eft pas privdégié. Mais, en fuppofant qu'il le fut, le confeiller' clerc du chatelet qui a fait Pinftrudion conjointement avec 1'official , ne pouvoit pas faire certe fondioii. Un confeiller-clerc eft 1'homme de 1'églife dans le tribunal féculier, qui, en qua-  LAbbé des Rues. 297 * lité d'affocié a la compagnie , peut bien connoitre des affaires civiles qui y font décidées; mais qui, par rapport a fa qualité d'eccléfiaftique , ne peut connoitre des caufes criminelles. On n'a jamais vu un confeiller-clerc prendre féance a la tournelle j fi ce n'eft qu'il y füt appeilé pour difcuter le privilége de la cléricature. Les conciles fe font plaints affez fouvent de ce que les eccléfiaftiques fe mêloient des affaires féculières, Sc il leur a toujours été défendu d'affifter aux procédures criminelles. Mais comment un confeiiler clerc du chatelet a-t-il pu venir dans le fiège de l'oflidalité , pour y faire fonétion de lieutenant-criminel, c'eft-a-dire d'un juge qui eft le chef de la jurifdiefion criminelle , qui , fuivant la remarque d'un concile Rcmain , tenu en 32.0 , s'appelle Cour , a crupre ? Comment a-t-il pu recevo'ir la dépofition de la le Fort , pour laquelle feule le fieur des Rues aété déuoncé au juge royal? Comment un confeiller-clerc , qui fe feioit fait un crime d'inftruite urie procédure conrre un féculier , a-t-il pu fe charger de ia faire contre un de fes confrères % L'ordonnance dit que , dans 1'efpèce. du cas privilégié , te juge féculier & le N v  micfó L'Abbé des Rues. juge eccléfiaftique procéderont conjointement ; & l'on ne voit ici que deux eccléfiaftiques recevoir & conftater ïë partie la plus eflentielle de la preuve. Ainfi ce confeiller-clerc , dans cette occafion, agifioit contre les ordonnances , contre 1'efprit de fon inftitutioni dans le tribunal féculier , & contre: lelprit de fon état. La troifième nullité réfulte des ex- ; ploits qui out été donnés aux différents témoins. L'abbé des Rues entre , k cet égard , dans un détail trop minutieux , pour que je croie devoir le fuivre fcmpuleufemenr. Je me contenterai de faire mention des principaux vices qu'il a relevés fur cet objet. La P-apinviile a été affignée rue de 1'hirondelle , pour dépofer 5 elle n'y a jamais demeuré. Elle a éréaffignée, le 23 juin, treurt* au greffe de Fofficialké', d comparoir heure préjente, pour être récolée. Mais fon écroue prouve qu'elle étoit , pour ïors , détenue pnfönriière au fort févêCfue , par ordre de M. le h'eurenaut de pohce. Ainfi, comment s'eft-elie troüvée dans le greffe de 1'officialité ? Difons la vériré. On avoir , en effet, obsenu cet ordre, pour la faire venir dan»  LAbbé des Rues. 299 ]e prétoire y faire fa dépofuion. Dans la régie, la prifon du fott-Pévêque étant fon domicile acluel, on auroit dü 1'affigner entre les deux guichets. Mais on n'a pas voulu que la procédure même contint , par Pénonciation d'un tel domicile , la preuve de la débauche de cette fille , qui auroit couvert de confufion ceux qui employoient de pareils témoins. C'eft par certe raifon , que la Macé a été aftignée rue Geoffroy-Lafnier, parlanr a fa perfonne , tandis qu'elle a reconnu elle-même être domiciliée al'hópital; Sc la le Fort , parlant a fa perfonne , rue Mondétour , pendant qu'elle étoit, pour lors , reléguée dans une maifon de force. Mais ce n'eft pas feulement de Ia nullité des expioits , que réfulte celle des informations ; elle réfulte encore de la qualirc des rémoins. 11 eft conftant que la force d'une dépofition eft fondée fur la probité de celui qui dépofe , Sc qu'il eft des gens dont on ne peut, en juftice , recevoir le témoignage. II n'eft pas moins vrai que , plus les accufés font d'un état refpectable, plus. les témoins qu'on leur oppofe doivent P  300 L'Abbé des Rues. pour les convaincre, être graves & reCpecrables eux-mêmes ; & que c'eft défkonorer leur caracccre , que de les mettre en lice avec des gens diffamés.. Or q.uels font donc ici les témoins que fon produic contre 1'accufé ? Ce. font des témoins folitaires, dont chacun dépofe une fable qui lui eft particuliere. Ce font des filles de mauvaife vie , qui viennent en juftice déclaret leur rurpitude, qui alleguenr des fautes qui onr plufieurs anuées de date ,, dont elles fe difent complices., & dont perfonne n'a jamais enrendu pader. Ce font des témoins qui fe. contredifent eux-mêmes , & font démenris par les. autres; qui onr été follickés jugé par un arrêt du parlement de » Grenoble , le famedi du dimanche « des rameaux 1544; mais , quand » 1 enquête eft publiée , on ne peut » plus interroger un témoin. Aufli, en » matière criminelle , après que les té» moins onr été récolés & confrontés a » 1'accufé , ils ne peuvent être , de re» chef, ouis & interrogés; paree que , *> pour fe venger des reproches , ils » pourroient dépofer d'animoftté contre «1'accufé: ainfi qu'il a été jugé a la « tournelle, le 4 mars 1595 „. II 7 a donc plus d'un frècle que la Cour a cafté la fentence de meflieurs du Chatelet, en jugeant que les témoins reprochés & confrontés ne pouvoient plus être admis a aucun récolement. En effet, on récole un témoin pour hu donner la liberté d'ajouter ou retrancher a fa dépofition. Mais, dans les circonftances préfentes , les témoins confrontés par 1'official feul ne peuvent faire ril Pun ni 1'autre. Car , s'ils rerranchoienta leur dépofuion, ils feroient traités comme des fauffaires ; & s'ils ajoutoient quelque chofe „ leur addi-  L'Abbé des Rues. 303 tioH , fuivant la décifion de la Cour ,. I devroic être atrribuée a leur animolité. j1 Ainfi la fentence qui ordonne un fecond I récolement des témoins qui onr dé1 ja été reprochés Se confrontés , elf une ; fenrence conrraire aux loix Sc a la ju1 rifprudence de tous les tems. Ou les témoins de la première in: formation dont le juge royal vouloit : réitérer le récolement ont dépofé de quelques cas privilégiés , ou non. Si 1 ces témoins n'ont point dépofé de cas : privilégiés , meffieurs du chatelet doiI vent obferver une bonne fois , qu'ils na peuvent connoitre que du cas privilégié, Sc que les ordonnances leur défendent de connoitre du délit commun dans les.I clercs. Mais fi ces témoins avoient dépofé de quelque cas privilégié , ils doivent 1 encore fcavoir que , fuivant toutes les. loix Sc les arrêts de rous les parlements , le juge royal ne peut procéder contre res clercs féparémenr de leur official, Sc que les accufés fonr bienfondés a le recufer comme incompétent , tant qu'il n'ell point uni avec le juge d'églife que les loix leur ont accordé pour les défendre , Sc avec qui, fous peine de nullité, il doit faire la procédure con-  304 L'Abbé des Rues. jointemeht. « Aujourd'nuï » , dit Papon , livre I , titre V , chap. XXXII , « le juge laïque feul ne peut faire le » procés a un prêtre pour quelque dé» ht que ce foit , privilégié , ou non « privilégié ; & quelque renonciation , » ou confentement qu'il eut fait , le » procés qui lui auroit été fait feroit 53 nul ". I/auteur établit ces maximes fur les arrêts de la Cour , & fur 1'autorité des canoniftës dont il rapporte les raifons 5 entre lefquels il cite le fcavant Ayraut, dans fon livre de 1'ordre judiciaire; & cette jurifprudeuce a été confirmée depuis par des édits & des ordonnances fi decïfifs , qu'elle eft devenue une loi , l^ar' <3u>on «e peut violer fans témérité. 11 eft vrai que ie juge rsvaï, dans k vifite du procés, a bien fenti que Pédit de 1Ö78 lui défendoit de juger 1'abbé des Rues fur des dépofitions que fon greffier n'avoit point rédigées. & fus des témoins qu'il n'avoit point récolés, Mais aufli , il devoit obferver qu'en voulant, par fa fentence interlocutoire ! rccoler feul & en Pabfence du ju^e d'é- I giife , ces mêmes témoins , & même les confronter x & interroger 1'accufé  L'Abbé des Rues. 30 <} fnr leurs dépofirions , c'étoir violer les | ordonnances , quï veulent que toutes 3 ces opérarions fe faffent conjointement I avec le juge d'églife. C'étoit accufer I 1'official d'avoir paffé les hornes de fa | jurifdidion, en procédant feul dans 1'ef}i pèce d'un cas privilégié , Sc reprocher ; ouvertement a M. le procureur du Roi I de ne s'être point appercu d'une pa3 reille nullité , en donnant des conchiJi fions définitives fur une procédure dont i les rémoins n'avoient pas été récolés. Enfin, fi le juge royal croit n'avoir I point éré appellé affez tot, c'eft la faute de 1'official , Sc non pas celle de l'abbé des Rues. Ainfi , fuivant les ordonnances , il faut punir 1'official; c'eft-a-dire , caffer fa procédure , Sc Ie condamner a i des dommages Sc intéréts avant que de pourfuivre Ie jugement de Faccufc Enfin , Ia Cour elle-même, par fes arrêrs , a préjngé la juftice de 1'appel interjetté par l'abbé des Rues. Par arrêt du premier feptembre , rendu fur le* conclufions de M. le procureur - général, elle a ordonné « que 1'accufé feroit transféré , des prifons du grand, ,, chatelet, dans celles de Ia concïergerie , pour être procédé au jugemenr t „ de fon procés en la nianière accou-  3o6 L'Abbé des Rues. V trimée ». C'eft-ddire que 1'accufé a etc iouftraita la jurifdidion du cMteJet , & que Ia Cour , e„ confirtnant Ion appel , a évoqué le fond de fa caule , pmfqu'on n'a jamais cransféré un accufé pour juger feulement 1'appel d un jugement de pure inftruction. Car il faut fe rappeller que la fentence dont 1 abbe des Rues avoit appellé, n'ordonnoit autre chofe qu'un nouveau récolement, & une nouvelle confrontation des témoins La préfence d'un accufé dans les prifons du juge fupérieur , eft abfolument inutile pour décider une queftion de procédure; la Cour a donc evoque le procés pour être jugé. C'eft pourquoi par un arrêt poftérieur , il a ete ordonné que plufieurs pièces de procedure concernant le fond du proces , defta-dire, capables de juftifier iaccule, & de démontrer la fubornation & I'mfamie des témoins qu'on lui oppofe , feroient apportées au greffe de la Cour ; le tout en exécution de 1'arrct du premier feptembre précédent. Cf lont ces atrêrs que l'abbé des Rues emploie comme des moyens décififs dans fon affaire. Car, fuivant 1'ordonnance de i arr» } 7 , un accufé ne doit pas être renvoyé a fon évêque , quand il y a fufpicion d'animolité ; ce qui a été jugé par arrêt du 2 aoüt 1709 , rendu fur les conclufions de M. Ckauyelin, entre M. I'évêque du Mans & le frère la Bo^e, Ainfi il ne refteroir qu'a renvoyer ï'accufé devant le primat, qui nommeroit a Paris deux eccléfiaftiques gradués , dont 1'un feroir foncrion d'official , & i'aurre de promoteur, pour recommencer toute la procédure , comme il a été jugé par arrêt du 3 1 janvier 1702. Or la cour pourroit encore fe charger luftres prélats de France qui font les 35 difpenfareurs decesgraces ; & feroits3 il poffible que deux eccléfiaftiques acs» cufés de quelques foiblelfes n'y aum roienr aucune part ? Nous demandons, »> Monfeigneur , une liberré provifiou»» nelle , a ia charge de nous repréfen- 1 » ter a la juftice quand nous en ferons jï requis. Nous ofrrons de nous retirer »> dans une communauré, ou nous puifi m fions tout-a la-fois difliper les mau- j *> vaifes idéés que l'on a répandues contre nous , & cependant pourfuivre la » défenfe de notre honneur , qui nöus jj doit être plus cher que la vie même. 55 Nous efpérons , Monfeigneur, que 3j votre éminence voudrabien nous pro33 téger dans des demandes fi confor>j mes a fa charité & a fa juftice. Nous 35 ne pouvons demander grace fur des ; j> crimes que nous n'avons point comt> mis; mais la prifon nous diftame, ss la procédure nous épuife jufqu'a ne j> nous pas laifier le néceftaire; & nous m demandons une pieufe retraite , oü » nous puiftions vivre fans être con3» fondus avec des fcélérats , & défen39 dre la juftice de notre caufe. Nous *» nous fosnmes adrefles p Monfeigneur^  Jf Alli dot Rues. 31^. j» a M. le garde des fcea uXjCjiti eft LULit «. Jj» la-fois le premier miniftre de la juftice , a» ck un des plus zé.lés difpenfateurs des 55 graces de Sa Majefté : nous fommes I» perfuadés que fa religion !e rendra » favorable a nos prières. Mais , Mon1» feigneur, fi votre éminence vouloit il» bien lui témoigner qu'elle approuve 1 v nos demandes , nous verrions bientót j> tomber de nos mains les liens de I» douleur & d'infamie qui nous cap1» tivent.Nousattendons,Monfeigneur, J» cette grace de votre bonté que tout Ij»> le monde admire dans votre émi\» nence. Vous avez confommé le milt) niftère du juge , puifque vous nous cl» avez jugés ; mais le titre de média1» teur fera fans doute plus agréable a If» la piété, a la modération & a la douI» ceur de vorre éminence ; &c il ne 1» nous refteraqu'apubiier tous les jours »e de notre vie avec quel profond reftj»> peét & quelle reconnoilfance nous ■ «ferons roujours, MONSEIGNEUR, De votre Éminence, e} Les très-humbles & trés obé:lTantsfervlteursj Signés, des Rues & Merlier , cuacres de ce diocèfe. Au grand chatelet, ce 39 n^vcmbre 1725. O ij  31 6 L'J^J Jcs Rues, ce placet n'eut aucun fuccès: le pieux & fage prélat , auquel il avoit été préfeiité , jugea que le fcandale avoit été porté trop loin , pour autorifer les coupables a éluder ou pailier la réparation qu'ils devoient au public & aux miniftres de la religion. II la pourfuivit au i parlement. Me de Blaru , défenfeur de ce prélat , qui prit le fait & caufe de fon vicepromoteur , prétendit que les moyens de nullité qui concernoient le ftyle de la procédure , avoient été hafatdés par le fieur des Rues , auquel la minute n'avoit pas été communiquée. Ainfi il ne les difcute point. Mais M. 1'avocat- ■ général nous apprendra ce qu'il eu faut : penfer. Quant aux moyens d'abus propofés; par les accufés contre la fentence de : PofScial , il eft certain qu'ils s'avifè-4 rent un peu tard de méconnoirre le i vice-promoteur, contre lequel ils; avoient dirigé leur défenfe , fans au- ■ cune ré lamation , fans aucune protgf-radon, Cette exception , quand elle au-* ruit quelque fondement, auroit dü être i propofée in (imine liüs. D'aiiieurs la qualité de vice promo-. tei.ii ne peut faire un moyen d'abus. J'eta  L'Abbé des Rues. 317 parlerai , en rendanr compte du plak doyer de M. 1'avocat-général , qui traita ce: objec a fond. J'obferverai feulement ici que , s'il n'y avoic point de vice-promoteur , il faudroit, en cas d'abfence ou de légitime empêchement du promoteur , abandonner les foncHons du miniftère public au plus ancien praticien du fiége, ou commettre un promoteur ad_ eaufam , vel ad ütem , dont la commiftion n'a pas même befoin d'être infinuée , ainfi qu'il aéré jugé par plufieurs arrêts ; deux entr'autres, 1'un du 20 aout 1701, tk 1'autre du 17 juin 1702. Dans le premier arrêt, il étoit queftion d'une procédure faite en l'officialité de Lyön : dans 1'une & dans 1'autre , 1'official avoit commis un promoteur qui n'avoit pas même prêté ferment. 11 fut jugé qu'il n'y avoit point d'abus , paria raifon qu'un promoteur n'eft point juge , mais partie , pour requérir pour I'intérêt public , comme ia partie civile pour fon intérêt particulier. Rcponfe au moyen d'abus contre les informatlons. Le moyen propofé contre les inforO iij  3i8 L'Abbé des Rues. mtions réfulte de la qualité des téJ mcins , gens infames, capables d'avoir^ proft.tué leurs dépofitions comme leuri perfonne : ce font des filles & des femmes qui fe font accufées elles mêmes : elles ont été tirées , pour être entendues , des rnaifons oii leur féjour eft la; preuve de leur libertinage. A-r-on pu ajouter foi a ce qu'elles ont dit contre: des ecclcfi iftiques , finguliéremenr contre le fleur des Rues, qui , pourprou— ver la régulariré de fa conduite , rap— porte des certificats authentiques ? Lc fieur des Rues , fi fécond en certificats , & qui femble y avoir renfermé: foute fa défenfe, n'en rapporte pas de: tous les lieux ou il a été depuis qu'il ai été congédié du Clergé de faint Paul. En rapporte-1 il , entr'aurres, du curé: de faint Pierre-des-Arcis ? II faifoit ,,, dans cette églife , des conférences pour: l'inftruclion des jeunes paroilfiennes U & travailloita les corrompre. Mais, en premier lieu, quand il I auroit des certificats de toutes efpèces ,, ils ne pourroienr êrre oppofés a des; preuves judiciaires : ces cerrificars font: piéces mendiées , ou furprifes. On eer- ■ tifie la conduite dun eccléfiaftique,., fans que l'on enne ni qu'on foit obligé  L'Abbé des Rues. 319" fd'entrer dans des détails qu'on ne conjnoit point : elle eftpréfumée réguliere^ Raiït qu'elle n'eft point approtondie^, ïfpirce qu'on n'en juge que^ par 1'extéfrieur, & qu'il pa'roit honnête homme $ tant que le contraire n'eft point juftifié, ïCe crenre de preuves ne peur dérruire fni arrbiblir des informarions fuivies de Irécolements & de confrontations ; Se fceux qui ont donné des cerrificars font fles premiers a publier qu'ils ont été Itrompes. - En fecond lieu , laqualirédes rémoins I n'eft point un moyen d'abus. Si les tcI moins fonr infames, les fieurs des Rues 1 &c Merlier le font donc aufli; puifque lees femmes, qui s'accufent elles mè1 mes, ont été 1'objet de leurs afteclions -r 1 puifque la feule vérité a tiré de leur I Douche cet aveu; 'puifque, par les proI meifes des fieurs dis Rues & Merlier , 1'elles ont été féduites & corrompues , I ou entretenues dans 1'inclination qu'elI les avoient au libertinage. I . Les accufés fréquentoient les lieux f'de débauche : leurs maifons étoient deI venues fufpeéres dans leur quartier, I paree qu'ils y attiroient des femmes Sc J des filles de la lie du peuple , qu'ils1 avoient plus de facilité a féduire Sc a 1 O iv  320 L'Abbé des Rues: corrompre. Elles ont été des témoins' néceflaires ; & , loin qu'il y ait eu abosl de les entendre , il y auroit eu abus de neles entendre pas. Ce genre de preuves eft autorifé par le droit commun , par la jurifprudence du royaume, & par les difpofitions canoniques. Le droitcommun eftd'entendre tous les témoins qui ont connoiffance du fait pour lequel on informé ; & ceux qui y ont plus de part, font ceux qui font plus en état d'en dépofer. Les accufés n'en fouffrent point, puifqu'ils ont la liberré de fournir leurs reproches. On entend les complices , les co-accufés , les condamnés ; & leurs confeflïons, jointes aux autres dépofitions du procés, formept des preuves. Suivant les difpofitions canoniques , la confeffion d'une femme qui s'accufe d'adultère avec un eccléfiaftique , eft unedemi-preuve conrre lui , & le conftitue clans 1'obligarion de fe juftifier. Si purgare fe poteric , in o'pcio fuo mlnifrrare permiuas : alioquinab officia fuo fufpendere non poft ponas. C'eft le texte de la décrétale fignificafti, extra, de adulteriis &Jiupro. Le chapitre quoniam, extra, de tefliius, contient encore une décifion plus  L'Abbé des Rues. 32.1 précife. II eft du Pape Grégoire IX, qui, pnfulté fur la manière dont on devoit fbrocéder contre un prêtre accufé de faits femblables a ceux dont leS fieurs des mues & Merlier ont été déclarés conIvaincus , répond en ces termes : " II \„ eft néceflaire que vous examiniez tou> L, tes chofes avec attention & avec diL licence , & que vous vous hariez de ,[ de citer les femmes avec qui le crime f", a été commis , ou les témoins que [„vous jugerez être inftruits du fait \ I „ afin que la vérité , après un examen L, exad , puifle être découverte (1) ». Ce feroit un érrange privilège, que I des eccléfiaftiques puffenr impunémenr f s'abandonner a toutes fortes de défor| dres , & qu'on n'eut pas la liberté de ï faire entendre , -comme témoins , des 1 femmes qui , fans eux, auroient peutli être confervé leur innocence, ou qui 1 n'auroient pas perfiftédans le vice dont f il-étoit de leur devoir de les titer. En troifième lieu , de quarante-trois (1) Neciffe efl ut cttntta diligeniius perfcruI teris, & feu mulieres cum quibus peregijje dtciJj tut , fu alios quos de causa fcire aliquid fcn1 Teris , kuc fiftines aid eert, qiatthhs ecelefiafticddijïriaione liquidepoffmt qux vcra funt a^e- 1 Ilr- Ov  322 _ L'Abbé des Rues. témoins qui onr été entendus , tant; dans la première que dans la feconde ïnformation , il n'y en a que fept ou, hint dont les fieurs des Pues & Meren e tachent de rendre le témoignagnagefufpect : quelques-uns même nontpoint été par eux reprochés dans la confrontation : contre les autres , ils n'ont allégué que des reprochés vagues & généraux ; & il y en a rrente-cinq ou, trente fix qui font irréprochables en tout fens. .* Enfin la qualité des témoins ne fut jamais un moyen d'abus. L'abus ne: roule que fut la forme , & non point fur le fond : les témoins qui peuvent. etre reprochés, peuvent être entendus, faufaux juges a s'arrêter 4 leurs dépolition s , ou a les rejettër felon leurs lumières & leur confcience :.Sc fi le juge eccléfiaftique n'a poinr d'égard a des reprochés valables, les accufés n'ont que la voie de 1'appel fimple , pour fe pourvoir , & non la voie de 1'appel comme d'abus. Mais les accufés prétendent avoir acquis , depuis la fentence de 1'officialité , la preuve que les témoins ont été fubornés. Cette. circonftance furvenue depuis  L'Abbé des Rues. 323 Ie Jugement, ne produiroit pas encoreun moyen d'abus. Mais les preuves contre le fieur des Rues ne fe bornent point aux infor'mations. N'a-t-on pas, au procés , des preuves de fa manvaife conduite ? Un des témoins eft une fille de feize ans 8c demi , qui s'eft avouée coupable de débauche, avecle fieur des Rues* Sa dépofuion a été accompagnée d'une lettre palfionnée que le fieur des Rues ki avoit écrite. Au lieu de 1'adreffe v deux cceurs unis font repréfentés avec une devife : Nous fommcs unis d jamais* Pourquoi le fieur des Rues ,, qui dit tanc de choies mutües , a-t-il la cmcretiort de fe taire fur cette lettre ? Croit - il' qu'elle eft indifférente ? II 1'a reconnue écrite de fa main lors de fon interro-gatoire. Ce témoin, a-t-il dit , eft une' libertine. Il s'eft emporté contr-'elle & la confrontation. Mais il étoit en cqm' jmerce avec elle : ce commerce eftprou~ vé par écrit. Il étoit paifionné pour elleConvient-il a un eccléfiaftique de fréquenter une libertine , 8c de lui écrir© d'un ftyle paifionné ?• Que peur oppofe r le fieur defRaey contre un billet èctk 8c figné de' j& main » 5c reconmr fat- lui dans fon suk O v-jj  3^-4 L'Abbé des Rues. terrogatoire ? Ce billet eft de la fomme de ójivres, il eft fait a une jeune rille : Jes fieurs des Rues &c Merlier excirent cerre lille , avec fa mèrea venir fouper avec eux. :. eii.es couchent chez le lieur: des Rues. Quel a été le motif du billet ? Elles ne fcavoientni lire , ni écrire. Le: fieurdes_ Rues offroit un billet de 600 livres , il a la précaution de ne point: figner fon nom ; il eft prieur de Saint-■ Clement ; il figne le prieur de Saint- ■ Germain. Si Ie fieur des Rues n'avoit pas trompé la mère & la fille , peut-être auroient elles été plus difcrètes. Re'ponfe au moyen d'abus contre la dénonciation au juge royal. Les appellans ont été dénoncés au juge royal le i7 mai, c'eft-a-dire, auflitot qu'on a reconnu qu'il y avoit , au procés , un cas privilégié , oufoupcon violent de cas privilégié. lis foutiennent que certe dénoncia«on eft abufive , paree qu'il n'y a eu, dans le procés , ni inculpation ni foupcoii de cas privilégié ; que fi on Ie fup, pofe, la procédure n'eft pas moins abufive , paree que la dénonciation n'aura pas été faire affez tót , puifque ce que I on fuppofe ètre privilégié a paru le  L'Abbé Jes Rues. 32^ mai 3 que le même jour il a éte Iprbcédé au récolement 3 qu'enfin tó jnommée Af ne lui fera d'aucun fecours. Ilrefte une autre branche du raifonnemenr du fieur des Rues, qu'il faut abattre. L'official a découvert, dans les  L'Abbé des Rues. 529 Jdépofirions de la mère & des deux oncles de Jeanne le Fort, un cas privilégié j il a déclaré nuls leurs récolejmenrs , &ces rémoïns ont éré , depuis , jlrécolés par le juge eccléfiaftique & par f le juge royal : mais la nommée Matte , Idite ^Gautier , a dépofé du même fait , 1 & a été récolée & confrontée par 1'otI ficial feul. Ce fait a-t-il pu être tout1 a-la-fois , & cas privilégié , Sc dekt | commun ? 11 faut faire une grande difterence 1 enrre les dépofitions de la mère & des I deux oncles de Jeanne le Fort, 6c celle 1 de la Gautier. La mère & les deux oriI cles dépofenr de la fouftradion d'une I mineure a fes parents. La Gautier eft I celle chez qui le fieur des Rues a place Jeanne le Fort : la dépofuion de Ia Gautier n'a aucun rrait au rapt ; elle du même qu'elle n'ajoutoit point de foi i ce que Jeanne le Fort lui avoit dit: elle a donc pu être récolée Sc confronrée par l'official. ' . Voyons mainrenanr fi 1'official n a pas été en droir de fe réformer •: c'eft ce qui va êrre examiné , en répondant aux'critiques du fiéur des Rues contre les récolements des trois témoins qui ©nt donné naiffance au cas privilégié.  33° L'Abbé des Rues. Riponfe au moyen d'abus propofé contre les récolements des trois témoins de, l'add'uion d'information. , L'official a en ren du , le i Ce  L'Abbé des Rues. 337 i°. Ce moyen d'abus reproclié a l'official ne peut lui être imputé, puifqu'il dériveroir du fait d'autrui. La fentence de l'official eft du 5 juillet 1724 , &c celle du lieutenant-criminel eft du 17 janvier 1725. Qu'on détache du proces la fentence du chatelet, le moyen d'abus contre la procédure & le jugement de l'official difparort. Qu'on ne dife pas qu'il s'agit ic 1'une procédure folidaire. La faute d'un des deux juges ne peut réfléchir contre 1'autre ; il n'eft plus queftion de jolidiré , quand , après 1'inftruétion , ks deux juges fe féparent, pour ne plus fe réunir, &c rendre leur fentence féparément. D'ailleursce fiit qu'on veut imputer £ l'official, & qui lui eft étranger , eft une erreur. L'official n'auroit commis d'abus , Faute d'appeller Ie juge royal, qu'autant que , dans la première information , ü fe feroit trouvé un cas privilégié. Or il n'a paru de cas privilégié, oue lans la feconde information , par le ■ait relatif a Jeanne le Fort, mineure ie 1 8 ans , fouftraite a fa familie. Le Jrocureur du Roi, auquel toute la prc:cdure fut communiquée , les- deux Tome XI. p  338 L'Abbé des Rues. juges réunis n'ont jamais foupconné; d'autre cas privilégié. M. le procureur-., général lui-même , dans fa requête du' 18 aoüt, ne fait mention d'aucun au-' tre cas privilégié. Enfin les fieurs des" Rues & Merlier , dans leurs propresj plaidoieries , ne fe four défencjus que' fur le fait qui concerne Jeanneton la Fort. II faut bien cependant que le lieute-, nant-criminel ait cru voir ce que lesj autres n'ont pas vu , & ce qu'il n'avoit! pas vu d'abord lui-même. Tachons de pénétrer le m'otif qui a pu déterminer ce magiftrat a changer ft fubitement d'avis, & a imaginer , dans; le procés , un cas privilégié, qui devoit y être dans le principe. Le fieur Merlier, alfocié aux déb'aüj ches de l'abbé des Rues , faifoit profeffion ouverte de libertinage. II recevoiti chez lui , un fi grand nombre de filles &c de femmes de mauvaife vie , que lj voifinage en éroit fcandalifé. Quand il fut interrogé fur ce fait , il répondil qui/ avoit foixante couftnes germaina C'eft peut-être dans ce libertinage j que le lieutenant-criminel a puifé l'idé< de ce crime que les Romains appel; ioient lenocinium.  L'Abbé des Rues. 339 Ce crime odieux qui , communéjjnent, eft plus fubordonné a 1'animad:iVer(ion du lieurenant de police , qu'a Icelle du lieurenanr-criminel , n'eft cas jiprivilégié qu'autanr qu'il eft accompa[gné de circonftances qui 1'aggraveiat , l& qui exigenr des peines plus conlidé(rables , que celles qui font a la difpoliItion du juge d'églife. Ces circonftances pggravanres fonr les plaintes des voilins ffaites a un commilfaire , fon tranfport irequis, ou fair d'office; fon pnxès verIbal conftatant un défordre , une commorion , un fcandale qui rrouble la ipolice & le repos des voifins , & qui loblige, par ces excès, le juge féculier a |en prendre connoilfance. Mais le fieur Merlier n'eft ni atteint, pi convaincu d'excès & de fcandales jqui aient excité aucune démarche des lofficiers de police. On ne voir pas nou fplus qu'il ait entrepris de corrompre ll'innocence de filles mineures, qu'il les jiair enlevces du fein de leur familie \> jjqu'il ait renré d'arracher des femmes (de leur lir nuprial , qu'il en ait fair un tcommerce infame qui pür donner lieu ia prononcer contre lui des peines capiItales. Le lieu qu'il occupoit étoit , il eft Prj  34.0 L' Ahbé des Rues. vrai , fréquente par des perfonnes de L'un êc de 1'autre fexe , livrées comme lui, au libertinage : mais il ne paroit pas qu'il exercat 1'abominable commerce que nos loix appellent lenocinium , qui eft , a proprement parler un trafic lucratif de 1'honneur des filles &c des femmes que l'on a féduites & corrompues. Lenones funt qui ex fornicationibus fibi qudftum faciunt. Non quidem proprio corpore ,fed virgines , mulieres 3 matronas, aliorum uxores aut meretrices, hujufmodi qu Non°ce n'eft point ici la première fois. que l'on y a vu paroitie un vice promoteur : celui qui a fait inftruire la procédure dont eft appel, a été précédé de plufieurs autres : ils ont rempli leurs fonétions fous les yeux des magiftrars les plus zélés pour le bon ordre , Sc les plus éclairés. Les accufés fe tfarrent-ils de déeouvrir des inconvénients jufquV Pvj;  34$ L'Abbé des Rues. ci inconnus au miniftère public ? Pou?ront-ils trouver de nouvelles raifons pour profcrire des fondions que la néceffité , 1'utilité publique, 1'ufage ancien Sc prefqu'univerfelparoiiTent légitimer? II eft facile d'ailleurs de les juftifier par une loi-particulière j c'eft celle de ï'édit des ïnfinuations eccléfiaftiaues. L'article z i de cet édit de 1691 porte exprelfément que les ptovifions des fubfthuts des promoteurs feront infinuées comme celles des promoteurs % vice-gérents & officiaux, Fb cette difpofftion , il eft naturel de conelure qu'il eft permis aux évêques de commettre des fubftituts a leurs promoteurs ; ou y ce qui eft précifément la même chofe il leur eft permis d'avoir des viee-projnoteurs, Ces officiers , dans 1'efprit de eette ordonnance , font aufli néceffaires dans les officialités, que les promoteurs mêmes , les vke-gérems & les officiaux ; & , après un édit atiffi formeiI qiii fubfifte depuis trente ans , il feroit difecile de regarderla qualité de vicepromoteur comme-une qualité infolite y. j comme une commiifton inconnue paemi nous , comme une nouveauté- Allons plus avant, & oublions, s'iï ie peut, les ïaifons & 1'autorité que  VAhbê des Rues. 349 mous venons de 'rapporte* , pour venir fau caraétère de i'abus, Sc pour en faise U'applicationa cette caufe. C'eft un premier principe y en ce I point , que l'on doit puifer I'abus dans j quatre fources différentes; dans la conj travention aux faints décrets, dansl'inj: exécution des ordonnances Sc des arI rêts, dans 1'oppolition aux libertés de I 1'églife gaiiicane» Ces io.urces fonc connues ; & en y |i puifant , on ne doit pas craindre de fe méprendre ; mais fi l'on s'en écarté , il 1 fera peu de procédures a couvert de j Pabus. Ornous ne voyons pas alaquelle de ces loix la qualité de vice-promoteur I feroit oppofée. Les faints décrets, nosI liberrés , les arrêts n'ont jamais ré: prouvé cette qualité > Sc bien loin que les ordonnances denos rois la profcri, vent, on a déja obfervé qu'elle eft ex- preffément autorifée par un édit aflezi récent. On peut donc le dire avec conhance ! il n'y a point d'abus dans le pouvoir que Pon a donné au fieur Ifoard pour exercer les fonclions de vice-promoteur paree qu'il n'y a point de loi qui le condwme x paree que 1'ufage ne s'y opr  350 LAhbe'des Rues. pofe poinr, paree que les inconvénienESf nes elerenr point contre ce pouvoir. Enfin , s'il reftoit encore quelaue: doute, il faudroit s'attacher a une nia«f xitne dont nous fommes redevables aux: loix civiles , & que nous avons déja vu, adopter par les arrêts. On fcait que les • loix ne portent le plus fouvent leur} prévoyance que fur 1'avenir, & qu'elles n'ont pas d'effet pour le paffé , fi des motifs particuliers n'obligent le légiflareur a déclarer égalemenr nul ce qui a précédé & ce qui doit fuivre fa difpofitlqn.- Leges faturis , non prateritis dant fermam negoties. Cette maxime univerfellement recue devient encore plus équitable en marière d'abus, qui ne doit /amais fouffrir une extenfion d'un cas décidé a celui qui n'a pas été prévu. Ainfi , quand on penferoit qu'il y eurquelqu'inconvénienc a rolérer les vice promoteurs dans les officialités y Ia procédure donril s'agit n'en devroit peur-être pas moins fubfifter quant a ce chef, paree qu'elle a été faite avant qu'aucuneloi ait défendu de commettre des vice-promoreurs. ^ C'eft ainfi que , lorfque les Romains s'appercurent de 1'incapacité d un par-  L'Abbé des Rues. 3<5 r I ticulier a qui ils avoient aecordé les 1 honneurs de la préture , ils fe conten1 tèrenr de le dépouiller des honneurs Sc 1 de la jurifdidion j mais ils ne touchè3 rent point au paffe , paree que tous les 1 ades de jurifdidion émanés de ce juge I avoient été faits dans la bonne foi, 8c 1 que la tranquiliité publique demandoit I que l'on ne cherchat point irop fcru1 puleufement ce qui s'étoit palfé. Ce I font les motifs de la loi fi connue fous I le nom de Barbarius Philippus. Et c'eft 1 ce qui a engagé un Canonifte a décider 1 que les adres d'un officier public doiI vent avoir tout leur effet , lorfque fes I fupérieurs le fouffrent dans fes foncI tions. Gtfta per eum valenc, quandia 1 toleratur. Difons-le du vice-promoteur r tout I ce qu'il a fait dans la procédure dont il 1 s'agit a été fans afteótation • il a pour I appui la bonne foi de celui de qui il | tient fon pouvoir , & la fienne. Certe f bonne foi même ne peut pas être re| aardée comme une erreur , telle que I dans 1'efpèce de la loi de Barbarius Philip us. Ou, fi c'étoit une erreur 3 | -on y auroit été induit non - feulement par le profond fdence des canons & des 1 arrêts, mais encore par la loi pofinve  32 LAbbé des Rues. de icV & par 1'ufage prefq'uni-. verlel. Dans des circonftances fi favo4 rabies , pourroic-on déciarer nulle Ia procedure dont eft appel , par rapport ai la qualité de vice-promoteur ? En 16\ i les fon&ions de pénitencierf & de promoteur furent déciarées incompaubles. Cependant on ne fit pas reiulterune nullité des procédures quif avoient été faites , des inconvénients' de cette réunion ; on ne toucha point 1 au paffe , on fe borna a pourvoir a 1'a- j venir. _ En 1704011 défendit aux eccléfiaftiqties non gradués de faire les fonctions de 1 official, fans détruire Ia procédure qui donna lieu a ce réglement, & qui avoit été faite par un official non en>due. En i7i7 on regarda comme un inconvenient de réunir , dans la même perfonne , an office de confeiiier dans un bailhage , & celle de l'official. La cour ordonna que ces qualités feroient divifces, fans toucher aux procédures emanees de celui qui avoit exercé 1'une & 1 autre. Enfin , Ie 2 feptembre 1724, intervintarret fur les conchdbns de M. 1 alon hu-même, par rapport aux fonctins de vice-gérent & de pénitencier, ious ces arrêts- prouveut parfaite-  L'Abbé des Rues. 3^3 1 ment que 1'inconvénient n'eft pas touI jours un abus , & que la cour touche 1 avec peine a ce qui eft pafte } pour ne s pas porter le trouble & la confufion I dans les tribunaux eccléfiaftiques. L'application de ce principe a cette 1 caufe ne feroit pas des plus juftes, fi | Ton avoit a craindre, dans les fonctions | du vice-promoteur , rous les inconvéI ntents que les accufés croient y avoir ! appercus. Mais en quoi pourroient-ils I confifter ? Premiérement la qualité de I vice-promoteur ne viole aucune lot, 1 elle ne multiplie point les frais des proi cédures, & elle ne tend qu'a une meil: leure adminiftration de la juftice. Les I cours n'ont point été alarmées , lorf- au'elles ont vu tous les évcques da i royaume établir des vice-gérents, pour pemplir les fonélions des efhciaux fuf1 peéts ou abfenrs. On n'a poinr cherché, . comme les accufés le fouhaiteroienr, ! uneloiquipermïtexpreftément auxévê' ques de commettre des vice gérents : il a fufrï que cette qualité fut de quelque utilité , 8c qu'elle put contribuer a la -I décifioB desconteftationsque l'on porte dans les officialités. Mais la qualité de vice-promoteur eft-elle plus inutile & plus a charge que  •3<4 L'Abbé des Rues. celle des vice-gérents ? Et fi l'on dok -juger de I'imporrance de leurs fonctions par la néceffité des officiers qu'ils renïplacent, il eft certain qu'un vicepromoteur n'eft pas moins utile dans une officialité, que le vice-gérent ; paree que le promoteur, en qualité de partie publique , eft aufli néceftaire pour dénoncer & pour punk les criminels ij rr • 1 a - - . . > que i omcial menie. v enons a 1'efpèce particuliere de cette caufe. Les accufés ont ofé avancer que le promoteur de 1'officialité leur étoit fufpect dans leur conreftation. Le fieur Merlier a même fait un aveu authentique de cerre fufpicion. Us ne peuvent donc pas fe plaindre de ce que le vice-promoteur a eu des provifipns particulières de M. 1'archeveque de Paris : on eu a fait la leélure , & on aprouvé que ces provifions étoient anténeures , de prés d'une année , a la procédure dont eft appel , & qu'elles onr éréinfinuées felon 1'ufage. Ainfi les raifons générales & les circonftances particulières fe réuniffent pour écarter le premier moyen d'abus qui a été propofé. r Paflöns donc maintenanr a 1'examen de l'inftru&ion faite par l'official.  L'Abbé des Rues-, 3^5 Le accufés fe font bornés a quelques circonftances de cette inftruétion. lis onr prétendu qu'il y avoit plufieurs mterlignes , des furcharges & des ratures dans les informations. lis ont attaque quelques aflignations données aux témoins , la qualiré de la plupart de ces témoins , ladénonciation qui a éte faite au juge pour le prétendu cas privilégie , & le jugemenr qui a déclaré nul un interrogaroire & quelques récolemenrs. Ecartons d'abord Pobjedion que l'on a tirée des prétendus interlignes & des rarures que l'on rrouve dans la procédure de l'official. Les interlignes font ' expreftcment défendus par 1'arr. iz du ' tic 6 de l'ordonnance de 1670. Mais M. Pavocar général atteftoit qu'il n'en avoit trouvé aucune dans les minutes de la procédure. Pour les ratures, qu'il eft ciirhcile " d'évirer dans une procédure de longue haleine, le même arricle de l'ordonnance fe contente d'ordonner qu'elles feront approuvées , & que les renvois feront fignés : ce qui a été exadement obfervé a Pofficialité, ; ^ A 1'égard des aflignations donnces a quelques témoins , il n'eft pas difficile  3^ L'Abbé des Rues. d'écarter les prétendues nullités qu'ol leur oppofe. Quoique la Bafalnville füt dans les pnions du Fort-1'Évêque, on a pu prendre les mefures néceflaires pour oarvenir a fon récolement & 4 fa confrontation • & cette fille, arrêtée pour flinke débauche , a pu êrre rransférée a| l officialité , pour y être récolée & conrrontee. _ Or , nulle irrégularité dans l'affi porte expreflement que tous expioits d'ajournement feront faits a per/onne ou domicile. L'arr. 7 du tit. 2 2 Porte en particulier , que les témoins Jeront ajft^nés d pefonne ou domicile. Cette ordonnance n'impofe pas la néceffité d'affignerau domicile : elle donne & choix d'affigner au domicile , ou a la perfonne , quelque part qu'elle fe rencontre. f L'efprit de cette ordonnance n'a pas etc en effet de prefcrire une formalité inutile , en obligeant étroitement X donner les aflignations au domicile.  L'Abbé des Rues. 3?7 Ses vues font rempües , fi l'on prend desmefures juftes , afin que le témoin ïj'ignore pas 1'affignation qui lui a été donneëj&; elle indique elte-mème ces imcfures , en difant que 1'aflignation doit être donnée a domicile ou d U per\fonne. Mais de ces deux manières d'affigner, on ne peur pas douter que la plus süre c'eft celle d'affigner la perfonne en lui parlanr a elle-même ; & c'eft ce qui a : été fait par rapport a la Bafainville. Son alfignation en tairune mention exprefte, &c les accufés n'auroient eu que la voie : de 1'infcription de faux , pour détruire ï cette éncnciation. D'ailleurs, quand même il y auroit } eu de faux domiciles éndncés dans les 1 aflignations, quand même quelqu'une \ de ces aflignations pécheroit contre les i régies prefcrités par l'ordonnance Sc i contre notre ufage , ce ne feroit pas un ; moyen d'abus propre a renverfer toute i la procédure de I'officialité , paree que i les irrégularités parriculières d'une ou i plufieurs dépofitions ne peuvent aftecter que les dépofitions précifémenr, fans toucher au refte de la procédure. II faudroit, pour reudre la nullité ca[; jgable d'aff'eaer toute la procédure , que  3^8 LAbbé des Rues. toutes les aflignations péchaflênt par quelque endroit : alors il n'y auroit plus d'information, & par conféquent il n'y auroit plus de décret , de récolement & de confrontation , qui put fubfifter. Mais il n'en eft pas de même des' irrégularités de quelque aflignation : el-' les ne peuvent donner atteinte qu'aux acres particuliers oü les irrégularités fe rencontrenr ; & le moyen d'abus n'eft pas général , puifqu'indépendamment de ces aflignations , la procédure eft completre , puifqu'elle fait un corps,, & qu'elle a d'ailleurs rout ce qui eft néceffaire , fuivanr l'ordonnance , pour parvenir a un jugement définirif. Au refte , on ne s'arrêrera point a la troifième irrégularité prétendue de ces mêmes aflignations , qui ont été données a la requête du procureur général de Parcheyêché , quoique ce promoteur n'ait point été partie dans cette procédure , comme il 1'a déclaré, 8c. comme on ne le contefte point. On ne peut douter que le miniftère public ne foit indivifible , & qu'il ne foit toujours le même, quoiqu'il foit parragé entre différentes perfonnes ; c'eft ce qui fait que, dans les officialités, les vice-promoteur's agiflent ou en leur  L'Abbé des Rues. 3^9 nom, paree qu'ils ont un carctère Sc un pouvoirfuffifantpour repréfenter le promoteur, ou au nom du promoteur qu'ils repréfentent. Dans 1'une Sc dans 1'autre de ces circonftances , ils agiflenr réguliérement. Ils ne doiyent point perdre de vue que leur pouvoir eft fubordonné a celui du promoteur, Sc qu'ils ne doivent agir que comme fes fubftituts. Seroit-ce donc une irrégularité de rappeller, dans une affignation , celui qui remplit le plus fouvent ces fortes de fon&ions , Sc au nom duquel ces procédures doivent être inftruites ? C'eft au contraire une exactitude que la fubordination demande , Sc que 1'ufage des tribunauxféculiers juftifie, puifque l'on fcait que les fubftituts de ceux qui font prépofés au miniftère public, n'agillent point en leur nom , mais au nom de ceux qu'ils remplacent, Sc dont ils font les fonótions. En. r^uniflant donc les deux informations , il y a dix-fept témoins de mcEtirs irréprochables ; il y en a huit qui , dans leurs dépofitions, ont fait 1'aveu de leurs défordres \ il y en a deux qui n'ont rien dit dans leurs dépofitions. Quelques-uns des témoins qui fortt irréprochables dans leurs mceurs, fur-  3 Go L'Abbé des Rues. tout les voifins des accufés, ont été repro-1 chés , fous prétexte de quelques conteftations que les accufés prétendent avoir eues avec eux, ou de quelques dettes qu'ils avoient contracties a leur égard. Cependant il paroit que les dépofitions des uns & des autres doivenr fubfifter,& que l'official apu y ajouterfoi j &c cela pour plufieurs raifons. Les témoins dont les moeurs font régulières n'ont été reprochés que foiblement; ou même ne 1'ont point été. Ces prétendues conteftations, dont les accufés fe font prévalus , pajroiffent des faits fuppofés , dont ils n'ont produit aucune preuve littérale ; & s'ils onteu quelques intéréts a démêler, ces intéréts ont été fi médiocres, qu'ils ne paroiffent point devoir donner atteinte aux dépofitions de ces témoins. Tel eft en .particulier le reproche que le fieur Merlier a donné contre trois témoins , mari, j femme & beau-frere , fous prétexte que le fieur Merlier étoit redevable i 1'un deux des falaires qui lui étoient dus pour 1'avoir fervi pendant quelque tems en qualité de barbier. D'ailleurs, c'eft une maximeconnue, qu'en maticTe criminelle ceux qui out le foind'adminiftrer ces témoins, doivent  L'Abbé des Rues. vent faire entendre ^ j/uiumilCLj ouï neuventavoir nnplmi» ^.,„„:/n. l i i. --■ 1v.«.-v1uv. «-uiiiiuuiiuice du crime cmi fair InKipt- A* U _ i --—pi'inc, iaur au luse a avoir nnplrmf» ïn*rA jreproches qui peuvent naitre de lage, 1de la condition . on Apc j„ö ' hémoins. Mais, dans 1'efpèce de cette caufe , le plus grand nombre des témoins n'avoient pas été reprochés, ou jiavoient été d'une manière qui ne méjritoit aucune attention. Quant aux perfonnes du fexe , quï font de moïurs dépravées, on peut aifément juftifier , en ce point, 1'infornation faite en I'officialité, paree que |es témoins ont été néceffaires, & que ja plainte a été rendue pour des faits Ju'il feroit prefque toujours impoffible jfie prouver, li onrejettoit le témoignage Me ces förtes de perfonnes. Mais les témoignages particuliers Jendus contrs les accufés deviennent l>eu fufpeéts par le nombre & 1'unifbrIbité des témoins. s'il en eft dont les ^nceurs aient été dépravées , & que l'on iit même rirés des maifons de force |ji>ur ks entendre dans i'informarion', Ie n'eft point une affeeftarion du viceIfömoteur, ce n'eft point une raifon ijiour fe refnfer aux dépofitions de ces lome XL q  362 L'Abbé des Rues. témoins ; paree qu'enfin les témoins de mceurs dépravées font foutenus par d'autres irréprochables : leurs dépoiitions réuuies peuvent êrre regardées , non| plus comme des dépofitions particulières , mais comme des dépofitions univerfelles , comme l'on regarde la re-: nommée en matière criminelle ; Sc ces dépofitions étoient d'autant plus uéceffaires , qu'il s'agiftbit, dans la plainte de crimes que la pudeur Sc le caraétère, dont les accufés étoient revêtus , les engageoieut a cacher fous le voile de 1'obfcurité. ♦ Qu'ils cedent donc de repréfenter les informations qui ont été faites contr'eux comme le réfultat de dépofitions ou mendiées, ou inlamantes pour les témoins mêmes, ou peu dignes de foi par leur condition & leurs mceurs. 11 en eft plufieurs , parmi ces témoins, qui font hors d'atteinte a tous les reprochés \ Sc les autres font nécedaires par la qualité du crime : ils font dignes de foi par leur nombre : ils s'accufent eux-mêmes , paree qu'ils ne peuvent pas parler autrement des fréquenrations qu'ils ont eues avec les accufés. On pourroit ici entrer dans le détail des preuves que les accufés prétendent  ■ L'Abbé des Rues. 363 | avoir données de la fobornation de ces ■ témoins^ Mais il paroït plus naturel de jne les examiner qu'avec la procédure I da chatelet, paree que 1'information jfur lafubornation des témoins a été faite Ipardevant le lieutenant criminel. Expliquons-nous préfentement fur la [fégularité ou 1 'irrégularité de la dénonI ciation. 11 eftconftant, dans le fait, qu'après ll'addition d'information , le vice-pro1 moteur donna fa requête a l'official : il 1 lui expofa que, par les trois dernières 1 dépofitions de cette addition d'inforImation , le fieur des Rues étoit accufé I d'avoir gardé , pendant un tems affez I confidérable , la nommée Jeanneton le I Fort, fille mineure , & a 1'infcu de fes Iparents;-que cette fouftraétion pouvoit ïparoitre un rapt ; que le crime de rapt I eft un cas privilégié , & qu'il paroilfoit ■ qu'il étoit de règle d'en faire part au I juge royal. Sur cette requête , par un jugement 1-du 17 mai 1724 , l'official a ordonné i que le juge royal feroit appellé , en dé- ■ clarant nul 1'interrogatoire que le fieur I Merlier avoit fubi le même jour , & le | récolement de trois témoins qui avoient i donné lieu a la dénonciation. Sur cela,  3 6"4 L'Abbé des Rues. on agite deux queftion : la première a pour objet la dénonciation : la feconde concerne cette difpofition du jugement de l'official, qui déclaré nul un interrogatoire & trois récolements. A 1 egard de la dénonciation , nous faifons toujours une grande diftèrence entre les dénonciateurs volontaires Sc ceux qui font forcés. Un dénonciateur volontaire ne peutappotter trop de précaution pour afteoir fa dénonciation , Sc pour ne pas s'expofer a en reflentir le contre-coup par des dommages Sc intéréts , ou même par d'autres peines qui feroient proportionnées a la calomnie. Le dénonciateur forcéne doit auftl faire cette démarche qu'avec beaucoup de circonfpeétion &de prudence , paree qu'enfin il s'agit, pour 1'accufé 5de 1'expofer a la per te de fa réputation Sc i toute la févérité des loix. Mais^ lorfqu'il s'agit de la régularité de la dénonciation , on n'examine pas avec la même exaclitude celle, qui a été forcée , Sc celle qui étoit volontaire. Dans la dénonciation forcée, on confidère d'abord la néceffité abfolue oü a été le dénonciateur de faire cette démarche , & l'on ne regarde fa dénonciation comme téméraire, que lorfque  L'Abbé des Rues. 36? Ia calomnie eft évidente , lorfqu'il n'y a ni preuve , ni corps de délit. Dans la dénonciation volontaire , on examine plus fcrupuleufement 1'accufation , &C onpunit plus aifément le dénonciateur, lorfque , par 1'événement, 1'objet de 1'accufation ne s'eft pas trouvé furfifamment prouvé. La raifon de cette difterence eft bien équitable & bien fenfible. Le dénonciateur forcé eft préfumé agir par 1'obligation que lui impofe fon miniftère , & par le zèle qu'il doit avoir pour le bien public qui lui eft particulièrement confié. C'eft pour cela qu'il faut détruire cette préfomption par des preuves convaincantes. Le dénonciateur volontaire , qui agit en pleine iiberté , eft cenfé avoir fuivi les mouvements d'une paffion aveugle , s'il ne juftifie pas lui-même fon accufation, s'il neprouve pasouqu'il n'a point été dans Terreur , ou que fon erreur du moins a été probable. En un mot, c'eft a 1'accufé a prouver que le dénonciateur forcé a été un calomniateur : au contraire c'eft au dénonciateur volontaire a atTurer lui-même fa dénonciation , &C a donner des preuves de la vérité da fait qu'il a dénoncé. Qiii  366 L'Abbé des Rues. Dans 1'efpèce particulière de cette caufe , le vice-promoteur a dénoncé Ie fieur des Rues , & dans fa requête , il] a repréfenré qu'il avoit trouve des traces de rapt dans les trois dernières dépofitions. On ne peut pas douter que le rapt ne foit un cas privilégié • & , dans tous les tems , Ia connoiffance de ce crime a apparrenu au juge royal. Mais y avoit-il en effet des preuves de ce rapt3 ou du moins des indices & des préfomptions ? La feule leélure de la dépofition dé la mère de Jeanneton le Fort pourra en décider. Cette mère a dépofé qu'elle s'étoit ! appercue plufieurs fois que le fieur des Rues , qui logeoit dans fon voifmage, faifoit les douxyeux a fa fille, & cherchoit toutes les occafions de lui parler en particulier; qu'elle avoir même cru s'appercevoir de cerraines privaurës qui : annoncoient les intentions de cet ecclé- j fiaftique , &c un commencement de fé- i duclion. Enfin , elle envoya , un matin , fa fille faire une commiffion; elle ne re- I vinr point coucher. Cette mère fit inuti- 1 lement toutes les perquifirions poflïbles I pour la retrouver. Elle avoit cru pouvoir foupconner le fieur des Rues d'a- 1  VAbbê des Rues. 367 voir eu part a la fouftra&ion de fa fille. Elle lui en fit plufieurs fois des reprochés ; mais il foutint toujours qu'il ne fcavoit ce qu'on lui vouloit dire. ' Enfin, au bout de trois mois , elle foutint a cet eccléfiaftique que fa fille ne pouvoit être ailleurs que chez lui, 5c ie menaca de fe plaindre a la police & a 1'archevêché. 11 promit alors de la chercher : & , le foir même , elle rentra dans la maifon maternelle. On voir, par cette dépolition , que la le Fort a été fouftraite a fes parents pendant plufieurs mois ; que^ le fieur des Bues a été foupconné de 1'avoir en fa pofleflion j que c'eft lui qui a promis a la mère de la rendre ; que c'eft lui qui la lui a remife en effer le même jour. Cetre dépofuion eft encore foutenue par celle des deux oncles de cette fille , qui y eft conforme. Qui pourroit donc trouver étrange que le vice-promoteur air cru appercevoir les marqués & le caradère du rapt, dans le fait dont parient ces témoins ? Une fille mineure fouftraite a fa mère , a fes oncles ; une fille mineure , que plufieurs perfonnes difent être chez le fieur des Rues , 5c qu'il rend lui-même a fes parents; qu'y a-t-il en tout cela Q iv  3*3 VAbhê des Rues. qui nerefleatelenipt que nous appel- lons in parentes ? Fr fa;rP „„ *v ce pas faire au vice-promoteur un criZ ,de fon ^itude ? Ne feroit-ce pas voulo.r engagerla Cour d punir , L ja. lufte délicateffe que l'on a ene au nbunal eccléfiaftique pour conferver les droits de la jurifdicfL féculièie ? Que le fieiu-^ ne fg fl ' deftacericijufqu'au nom même &L foupcons du rapt , fous prétexte que : £ /£ ^ etoit de mceurs dépravées pW ^encsft™«»P« rendu de ' Plainte pendant plufietns mois, fur la 'Wtraéhon de leur fille mineure. On exammeraailleurs la nature de ce rapt! Ap.res tout, on ne doit pas chercher rapt. _ L official & le vice-promoteur ne devoient.point juger & décider de ce lem fnJ "edevoient Po^t fortir de leur fphere : ce n'étoit point d eux l eu rap.de violence, ou rapt de féduc«on, fi ce rapt avoit été fait d la perfonnememedela/eJFm)oudcelledefes parents. 11 fuffifoit d l'official, ou au Nice-promoteur, d'avoir appercu des in-  L'Abbé des Rues. 3 69 1 dices de rapt, de le foupconner , de le :ji craindre , pour faire part au juge royal I de la procédure ; Sc fur la dénonciaI tion du vice-promoteur , c'eft au juge j, royal a examiner & a juger s'il y a lieu i de fe joindre au juge eccléfiaftique pour inftruire la procédure. Que Ton ne rende donc pas le vicepromoreur comptable d'une dénoncia.i tion faue pour un crime qui eft in1 contéftablement privilégié, pour un dé1 lit dont il y avoit tout au moins de fortes préfomprions. II n'étoit pas , fans doute , de I'intérêt particulier du uge eccléfiaftique de partager avec le juge ! royal la connoilfance de cette procédure j ainfi on doit préfumer qu'il ne la ij lui a déférée que pour fe conform er , aux ordonnances & aux arrêts : & fi l'on déclaroit nulle cette procédure par rapport a la dénonciation , dans quels embarras , dans quelle incertitude ne jettera-t-on pas déformais les juges ec: cléfiaftiques ? D'un cóté , ils fe verronr expofés a. la nullité de leur procédure , '1 s'ils ne dénoncenr pas exaótement les cas privilégiés aux juges royaux d< 1'autre , ils auront également a craindre cette nullité, fi , malgré de juftes fos.pcons &c des préfomprions violentes, il Q v  37° L'Abbé des Rues, fe trouve, par 1'événement, que ce qui paroiffoit d'abord un cas privilégié , ne 1'a pas été en effet. Jufqu'ici le vicepromoteur eft un dénonciateur forcé : il lui fuffit donc d'avoir des indices , des preuves commencées , des foupcons du cas privilégié. Paffons a cette difpofition du jugement de 1'official, qui déclaré nuls trois recolements & un interrogatoire. Plufieurs arrêts ont décidé que le juge eccléfiaftique doit furfeoir la procédure , au moment qu'il appercoit le délit privilégié , pour appeller le juge royal ; & tout ce que l'official fait , après la découverre de ce délit , fans la participation du juge royal, eft nul, comme ayant été fait au préjudice de la jurifdidion féculière. Sur ce principe, on ne peut pas douter que les récolements des trois dermers témoins n'aient été abfolument nuls , paree qu'ils avoient été faits fans J appeller Ie lieutenant-criminel. Quelle étoit donc la voie légitime pour rectifier cette irrégularité ? L'autorité de 1 official fiiffifoir-elle , ou falloit-il avoir recours a une autorité fupérieure ? C'eft de cette queftion que dépend la validite de la difpofition du jugement de  L' Albe' des Rues. 371 l'official, que nous examinerons préfencement. Mais elle paroït toute décidée par la néceffité , Sc par Pulage des juges inférieurs. Si on refufoit aux juges qui font fujets a 1'appel, le pouvoir de réformer leurs jugements , lorfqu'il s'eft glifté quelque nullité dans ces mèmes jugements, quels inconvénients ne naitroient pas de la néceffité ou ces juges feroient réduits ! Car enfin, ou ils cefferoient d'inftruire la procédure , ou ils la continueroient. S'ils ceftbient d'inftruire leur procédure pour ne pas faire des démarches inutiles , alors ces crimes demeureroient impunis j Sc les accufés , intérefles a fufpendre ces fortes de procédures , n'auroient garde de les déférer au rribunal fupérieur : ils verroient avec plaifir leurs juges naturels dans 1'impoffibilité de les punir , Sc bien loin d'interjetter appel de la procédure , ils laifteroienr tranquillement fubfifter la nullité , qui feroit un obftacle au jugement définitif Sc a leur punirion. D'un autre cöré,fi l'on abandonnoit au juge inférieur le foin d'exciter luimême le juge fupérieur pour réformer fa procédure , on retomberoir , fans Q vj  yji LAbbé des Rues. doute, dans les mêmes inconvénients des longueurs de la procédure ; on expoferoir les parties a voir dépérir les preuves, qui fonr toujours , en matière criminelle , d'une grande importance , paree que le bon ordre & la tranquilli' té publique en dépendent. Pourroit-on prefumer aiïez du zèle que Ton doit avoir pour Ie bien public , pour croire que le juge inférieur n'héfitera pas de déférer lui-même fa procédure , qu'il en expofera fimplement les nullités , qu'il en hatera la décifion ? Mais fi le juge qui s'appercevroit de cette nullité, continuoit fa procédure , il ajouteroit des aétes iautiles a des adtes vicieuxj il s'occuperoit d'une apparence, d'une ombre de procédure qui ne pourroit jamais avoir aucun effet; il multiplieroit lesfrais; & , en les multipliant, il fe prépareroit une nouvelle peine; paree que ces frais retomberoienta fa charge , lorfque cette procédure feroit déclarée nulle. Ecartons donc cette dure néceffité , oü l'on réduiroit un juge, de ne point punir le coupable , & d'inftruire une procédure qui ne pourroit point fubfifter. ^ _ Aufti 1'ufage qui eft le plus équitable interprère des ordonnances, 1'ufage au-  JOAbbè des Rues. ( 373 torife les juges inférieurs a fe reform er eux-mêmes; & le Chatelet 1'obferve depuis long-temps. 11 refte, fur la procédure de 1'ofiicial, a examiner 1'excès des peines dont les accufés fe plaignenr. Deux maximes femblent devoir conduire en cette matière. 11 eft conftant, en premier lieu , que 1'appel comme d'abus réguliérement ne faifit les parlements, que de la connoiffance de la procédure , & non pas du principal de la conteftation qui a été décidée par le juge eccléfiaftique. Nos ordonnances & nos ufages lui réfervent certains délits qu'ils fouraettent a fa jurifdiótion , foit par rapport a la qualité de ces délits , foit par rapport a 1'état ou au caraétère des accufés j mais , en même-tems, 1'ufage leur donne deux reftburces pour anéantir des procédures qui fe trouveroient irrégulières, ou des peines qui feroient exceuives.. Dans 1'appel comme d'abus , les eccléfiaftiques accufés trouvent un moyê*n sür & facile pour fe procurer 1'obfervation des faints décrets , de nos tibertés,, des ordonnances, des arrêrs. Dans 1'appel fimple , que l'on porte au fupérieur immédiat 3 felon 1'ordre & la hiérarchie  374 L'Abbé des Rues. de 1'églife, les accufés, qui font foufnis a la jurifdidtion , ont un remède contre la tropgrande févérité dont on aureit ine a leur égard. % Mais les droits de ces deux iurifdictionsfont également chers a la Cour elle fe borne a faire obferver des régies inviolables que les juges eccléfiaftiques- — ,w„ it Fiuporer oans leurs procédures j & abandonne au juge devant qui l appel fimple doit être porté , le foin d examiner & de réformer les peines, h elles font peu conformes a 1'efprit de I eghfe. Cette règle générale fouffre cependant tme jufte exception. On a vu quelquef-cus les arrêts porter leurs vues & leur eftet jufques fur la décifion du principal , non pas pour le difcuter avec la meme exaótitude & les mêmes droits que fe juge de 1'appel fimple , mais pour reconnoitre fi 1'appel fimple n'a pas ete fufcité aux accufés par un efprit de fiame & par une vexation criante. Et c'eft ce qui donne lieu a une feconde maxime aufli certaine & aufli equitable que la première. Cette maxime eft de détruire une procédure qui iercfft 1'ouvrage de la paflion feule , & qui manqueroir abfolument de corps  L'Abbé des Rues. 37 % : de délit. Alors 1'autorité des Cours eft I appliquée a un objet qui lui eft propre: elles répriment I'abus le plus l'enïible 1 qui puifle affecf er une procédure , elles ; veillent a Pobfervatiqn des faints dé1 crets & au bcm ufage que les juges ecI cléfiaftiques doivent faire du pouvoit qui leur eft confié. Mais il feroit dangereux de donner trop d'étendue a cette maxime : la junfprudence des arrêts 1'a fixée aux procédures qui , n'ayant point de corps de ; délit, manquent d'objet ; &c c'eft a ce 1 poinr qu'il faut s'en tenir exadtement. Ces principes ne peuvent point être ! conteftés j ils fonr fimples , & l'on voit aifément toute 1'affinité qu'ils ont 1 avec cette caufe. Quel a donc été le titre d'accufation contre le fieur des Rues ? Quelles font les preuves ? Quelles ont été les peines ? Le titre d'accufation eft une débauche exceftive , un fcandale public , une conduite capable de flétrir le caraótère dont j les accufés font revêtus. Sufpendons ici, pour un moment, i tout ce que l'on peur avoir de preuves : & de préfomprions de ces fairs : arre' tons- nous a ce qui a donné lieu a la i procédure dont il s'agit. Pourroit - ce  p6 ÜAbbèdesR ues. etre un fpeclacle indifférent aux juges d'églife, que celui de deux eccléfiaftiques engagés dans les ordres facrés ■ que l'on foupconne des plus grands . exces ? Le feul titre de 1'accufation pourroit-il ne pas exciter le zèle de ceux qui doivent veiller a la conduite du diocèfe ? Oferoit-on leur reprocher d'avoir fait légérement 1'éclat d'une procedure criminelle ; d'avoir rendu plainte pour des faits qui ne le méritoientpas; d'avoir inftnut une procédure extraordinaire pour des fautes qui ne demandoient qu'une fimple correcfioa remphe de douceur 8c de charité ? _ Non, un pareil titre d'accufation métnoit une^ procédure extraordinaire ; cette procédure a eu un objet certain, un objet qui demandoit des recherches exaétes , & Une information. Le titre du délit eft grave : ce n'eft pas une fimple foibleffe, un crime feul qu'il s'a.• la religion même , fi elle ne les con» damnoit hautement , fi elle ne les » puniftoit pas avec févérité. Mais enjj fin les accufés nous forcent a en rej3 lever une partie. Pour prouver que » rien n'eft moins digne de 1'attention ,» de la Cour que le moyen d'abus que » les accufés croient trouver dans les j> peines qui leur ont été impofées , „ pour cela nous ferons la leclure de ,j quelques dépofitions qui ne doivent „ pas être fufpeétes , puifque les tc» moins ne l'ont pas été aux accufés mêmes». Je me garderai bien de'rapporter ici ces dépofitions. Si le miniftère public y pour éclairer la juftice , crut devoir mettre ces détails revoltants fous les yeux-des magiftrats, ce fut par une lecturerapide, quine laifle dans la mémoire que des rraces paffagères des faits , êc y configne cependant h  378 VAbbUes Rues. preuve d'une débauche éffrénée & con> tmuelle , & y lailfe le tableau du caraófere & des vices des accufés. Mais ce feroit aller conrre les vues de la juftice, & s'expofer a de juftes reprochés de fa part, que de configner ces detads dans un ouvrage public qui les repréfenreroir fans cefTe aux yeux & a 1'ïmagrnarion des lecteurs. Je me contenterar donc d'indi'quér le réfultat de ces informations , fans entrer dans aucun détail , & faiis fixer les regards fur ces peinrures révoltantes qui font frémir la pudeur? Parmi ces témoins , étoient plufieurs Toifins des deux accufés , &• en particulier ceux qui habitoient la maifon oü logeoit le fieur Merlier, que le fieur des Rues frequentoir affiduement. Ces témoins ne parloienr pas d'après des ouï-dire ■ ils parloienr comme ayant enrendu & vu eux-mêmes tous les faits , toutes les circonftances dont ils dépolorent. r Us parient de fréquentations de f=mrnes & de filles que leur £ge & leur iigure fufhfoient pour rendre fufpedes Mais les motifs de cette fréquentation ne pouvoient être équivoques , par la iiberte des difcours tant des accufés-  LAbbè des Rues. 379 , que de ces femmes & de ces filles. On 1 les entendoit employer , avec cette liI berté qui annonce toute abnégation de I pudeur , ces expretfions que la débauI che a confacrées a la célébration de fes r myftères , & dont, pour peu que l'on I conferve quelques reftes d'honnêteté &c d'éo-ards, on s'abftient dans toutes les occafions. On a vu quelques - unes de ces mêmes femmes & filles peri mettre avec complaifance ces libertes : qui annoncent un ufage familier dn crime. En un mor, ces eccléfiaftiques étoient fi emportés dans leurs exces , I qu'il leur eft quelquefois arrivé d'ou* I blier de prendre des précautions pour prévenir les furprifes dans les moments 1 ou ils s'abandonnoient a la confomj mation du crime. D'autres témoins parient des follicitations que les accufés ont employées : pour les engager au crime. II en eft qui I ont avoué leur foiblefie ; Se le fieur des Rues a donné lui - même deux différentes preuves par écrit des démarches qu'il faifoit pour les féduire. Dans 1'interrogatoire que cet accufé a fubile 14 mai 1724, on lui a repréI fenté un billet iportant promefte de I payer au porteur la fomme de fix livres,  L'Jbbé des Rues. üfignéU prieur de Saint-Germain. Le tem des Ruts a reconnu ce billet pour ctre de fa main, & a prétendu que ce netoit quunelfai de plume : & cependant ce billet s'eft trouvé entre les rnzms de la nommée Jeanne le Roie e 1 a repréfenté lors de fa dépofuion \ elle a prétendu que le feut des Ruts lui avoit donne ce billet comme une promeffe de payer £00 livres, quoicu'ilne portat que Ia fomme de fix livres • quelle ne s'appercut pas alors de la ri-aude, paree quelle ne fcait pas lire, ,f, a avoue, q«e cette promefte avoit ete le prix de la fédudion de fa fille. Lorfque le fieur des Rues a été interloge comment ce billet avoit été entre les mams de la le Roi, ü a lé du qu il ignoroit comment il étoit forti de caezlmj que c'eft lui qui 1'a écrit, mais fans intention, & que ]a fi . eftaubaseftuneffetduhafard. q Quede défenfe eft celle - la fur tw Wiet reconnu & trouvé entre les mains de perfonnes fufpedes ! Quelles réponfes pour écarter les conféquences que Ion doit titer de cc billet, par rapport aafédudion d'une jeune- perW&.alimpofture que le fieur\fc, Kues a ajoutee a cette fédudion !  L'Abbé des Rues. 381 Enfin , par le même inrerrogatoire , ?il a reconnu avoir écrit une lettre Iqui lui a été repréfentée par une I jeune fille. Cette lettre a été accompaqgnée d'un préfent } elle eft remplie ii'd'expreffions que la paftion feule penei voit dicfer, 11 lui marquoit un tems Ipour 1'attendre chez lui; & il prétend jjque l'on ne doit attribuer les expreffions f tendres qu'a la compaffion que lui cauIfoit la mifère de cette jeune perfonne. | Mais, en réuniftant ces deux écrits avec | la quantité de témoins non fufpecfs , | ou néceftaires, les défordresdes accufés | font parfaitement conftatés. Mais ce n'eft pas aflez de prouver | que le titre d'accufation méritoit, par li lui-même > une procédure criminelle, | &c que les preuves abondantes font 1 pleines de force. « Nous n'ignorons pas , difoit M. | w 1'avocat-général ,que dans les régies , 1 » cet examen n'eft point foumis a votre I « jurifdicfion. Mais enfin , puifque les I » accufés nous ont porté leur plainte I « fur 1'excès de leurs peines, après avoir 1 » reconnu authentiquemeut les droits : » de la jurifdicfion eccléfiaftique } il f •> faut encore pefer, dans la balance de 1 » la juftice , d'un cbté , les crimes qui  382 LAbbé des Rues. » font prouvés, & de 1'autre les peines » qu'on leur a impofées ». D'abord , il eft conftant que 1'oflicial n'a prpnoncé que des peines canoniques , & qu'en cela il n'a point excédé fon pouvoir. Ces peines font de deux fortes : les premières font quelques années de retraite dans un féminaire , quelques prières , quelques jeunes , quelques bonnes oeuvres. L'autre peine eft la privation de la cure que pofledoit le iieur des Rues, & 1'incapacité prononcée contre 1'un & l'autre des accufés , pour être promus a 1'ordre de prêtrife. Par rapport a la première efpèce de peines , il feroit impoftible que les accufés s'aveuglaftènt aflez fur leur propre conduite, pour les trouver trop fortes. Ils doivent y reconnoitre cet efprit de modération & de douceur qui a fait toujours le caradère particulier de 1'églife , qui 1'engage « punir malgré elle , & qui ne punit que pour rappeller ceux qui ont eu le malheur de s'écarrer des routes qu'elle tracé a fes enfants. On ne trouve point, dans Ia retraite & les bonnes oeuvres que l'on a prefcrites aux accufés , cette contradidion qu'ils fe flattoient d'avoir découverte  L'Abbé des Rues. 383 idans les différentes difpofitions du juigement de 1'ofticial. Ils ont cru , ou plutót ils ont feint de croire, qu'étant idéclarés incapables d'être élevés a 1'oriidre de prêtrife, Sc de poffèder des béjnérices a charge d'ames, il étoit ioutile & peu convenable de les obliger a fe i retirer dans une maifon oü ils puflent reprendre 1'efprit de leur état. Conféquence injuffe d'un principe qui ne peut partir que d'une étrange ; ptévention. Quoi donc , les accufés fe li croient-ils difpenfés d'avoir 1'efprit de leur état , & d'en remplir déforrnais les fainres obligations, paree qu'ils ne peuvent pas efpérer d'arriver a un degré plus fublime dans le facerdoce ? Le ca; raéfère qui leur a été imprimé dans les ordres facrés n'eft il pas ineffacable? Ne feront-ils pas a. jamais une portion du 1 clergé ? Et puifqu'ils s'y font conduits . jufqu'ici d'une-manière ii fcandaleufe , devroient-ils fe récrier fur les bonnes oeuvres qui pourroient en quelque facon réparer ce fcandale ? Mais , en privant 1'un des accufés .de fa cure , & en les déclarant tous les deux incapables d'être élevés a 1'ordre de prêttife , bn paroit 3 di.t-on , avoir i épuifé les peines canoniques , Sc bn a  384 L'Abbé des Rues. .puni.les accufés au-dela de la rigueur des canons, qui n'ont jamais prefcrit de li feveres & de fi déshonorantes peines pour de pareils coupables. On les a épuifées, il eft vrai, ces peines canoniques : mais on ne les a epuifees que paree que les accufés ont rnis ie comble k 1'irréligion & k leurs delordres. Plufieurs témoins dépofent que le fieur des Rues a abufé de la confaance qu'exigeoientde lui lesfonttions les plus facrées, pour engager au crime de ;eunes perfonnes dont il devoit refpecterl'dge & 1'innocence. Un témoin depole qu'il a porté fes follicitations julques dans le faneftuaire : ce témoin dit 1 avoir vu non-feulement paffer , lansintervalle, dufein de la débauche au fervice des auteis, mais profaner, au memeinftant, le plus'augufte de nos myftères : & lorfque ce témoin in paroir juftement erfrayé de fon irréIigion, il tache de le ralfurer & de le calmer par les difcours les plus impies , & , on ofe le dire, les plus monftrueux dans un eccléfiaftique. Le fieur■ Merlier eft coupable nonfeulement d excès perfonnels , mais encore plufieurs dépofitions tendent k pre u ver  VAbbe des Rues. 30? prauver qu'il favorifoit la débauche des autres , & qu'il les y engageoit. « Quels termes aftéz forts, difoit „ M. Talon , pourroient exprimer toute „ lanoirceur de ces débauches ' Quelles *> peines canoniques pourroient leur être 9> proportionnées ? Quoi , Meffieurs , »> les accufés , que les témoins convain» quent , & que leur confcience doit » confondre , ces accufés ont porté la » témérité jufqu'a réclamer votre jufr> tice, jufqu'a invoquer votre autoriré, v> pour fe dérober aux peines qu'ils ont n méritées par tant de titres ? ils ont »» ofé fe plaindte de ce qu'on les cloigne » des autels , de ce qu'on leur refufe » de leur confier le foin des ames ! » Mais , fi leurs déréglements étoient » aufii cachés qu'ils ont été publics &C » fcandaleux , ce feroit a. eux-mêmes & » s'impofer les peines que le jugement » définitif leur prefcrit; ce feroit a eux » a s'abftenira jamais de la célébration i> des faints myftères, & de 1'un des plus » redoutables. » Difons-le , puifque c'eft rendre té» moignage a la vérité, & contribuer a » faire rendre juftice aux accufés.Toute » la honte qu'entraïne une procédure » criminelle , toute Tobfcurité & 1'aTome XI R  3 8(5 L'Abbé des Rues. » mertume d'une longue prifon , route u 1'infamie d'une privation de bénéfice >> & de Fincapacité pour être élevés i '»» 1'ordre de prêtrife; toutes ces peines w réunies ne font point trop fortes pour « les forfairs qu'elles doivent punir. » Nous ne trouvons donc rien que r> de régulier dans la procédure de 1'ofjj dcial ; nous ne trouvons rien que jj d'équitable dans fon jugement défi* » nitif. » Cependant il refte aux accufés une »> voie pour fe pourvoir conrre les peijj nes qu'on leur a impofées. C'eft la >> voie de 1'appel fimple; cette reffource 55 leur eft encore ouverte. La difcuflion V dans laquelle nous fommes entrés fnr » le jugement définitif ne peut donner »> aucune atteinte fur certe forte d'ap» pellation , puifque nous n'avons exa» miné ce jugement qu'autant qu'il pou» voit avoir trait a I'abus. On a allégué n une vexation d'autant plus injufte , jj qu'on la fuppofoit entièrement def» tituée d'objet». Paffons a la procédure du Chatelet. ■ Cette procédure confifte dansles réqu.ifiroires qui ont été faits pat le procureur du Roi, en conféquence de la dénonciation , pour avoir communica-  L'Abbé des Rites. 387 liöti de la procédure faite a 1 officialiré , &c pour qu'elle fut déformais inftruite de concert avec le juge royal ; dans 1'information d'ofKce qui a fuivi ces deux réquilitoires , dans plufieurs inrerrogatoires fubis par les accufés j dans leur récolement & confrontation; enfin dans un jugement par lequel le lieutenantcriminel a ordonné que les témoins qui avoient été entendus a l'odicialité, & qui n'avoienr point éré réc 1'nfnrnirinn au iuee royal. Ce juge a été compétent pour inftruite la procédure , paree qu'il s'agiflbit de crimes qui pouvoient demander des peines afflidives , s'ils étoient conftatés. II ne refte qua fcavoir fi cette procédure a été réguliere. ( Le 17 mai 17x4,1'official a ordonne que le juge royal feroit appellé le même jour. Sa fentence a été fignifieé au procureur dn Roi, &c il a requis la communication de la procédure de 1'offkwlité : le lendemain , il a demandé la jondion du juge royal a l'official, & que les accufés fuftent recommandés a fa requête. L'information d'office a été faite : en conféquence les accufés ont fubi chacun deux interrogatoires } & le ' 22 du même mois , le juge royal a pro-, cédc au récollement & a la confrontation de quelques témoins. Tous ces aótes ont été faits a I'officialité & era peu de jours. Mais il refte deux difftcultés a approfondir. . f Premiérement , les accufés pretendent que le lieutenant-criminel n'avok point rendu d'ordonnance pour faire affigner les témoins. En fecond lieu, ils prétendent que c'eft une irrégulaiité de la part du juge R v  394 > L'Abbé desKues. royal d'avoir rendu un jugement préparatoire pour ordonner le récolement & iaconfronration de quelques témoins, dans le tems même que 1'ofEcial a prononcé définitivement. Qu'ij n'y ait point eu d'ordonnance .pour affigner les témoins pardevant le juge royal , c'eft un fait qu'il ne pafort pas que l'on puiife révoquer en doute Paree que cette ordonnance n'a point été produire. Or ce défaut peut paroïtre ttne irrégularité dans ia procédure du lieutenant - criminel , paree que , dès que le ju|e royal inftruit conjointement avec r©fhcial,chacuh de ces juges doit égaJement contribuera Pinftruftion du procés 5 chacun doir veiller a une procédure complette & reguiière ; chacun doit avoir en particulier Ja même exacntude, que s'il inftruifoit feul la procédure. IJ eft vrai que les témoins fe trouvant aftïgnés en vertu d'une ordonnance. de l'official, & ces témoins ayant comparu devant les deux juges ; le défaut d'ordonnance du juge royal ne parot* pas devoir opérer une nullité qui aftècbe toute la procédure. Celle que l'on a propofée contre le dender Jugement de récoiement & de confrontation , eft bien pfess iucérefTante.  L'Abbé des Rues. 395 Mais examinons lc jugement prépapoyal a rendu. 11 uic que , fles le 4juillet 1714» l\>rri:iil a BtOROndé déiininvement contre les accufés. Alors la procédure du juge royal fe renfermon dans 1'inforItiuiÓn , los interrogicoires des accufés , le récolement tk la confrontation de plufieurs rémoins depuis le mois de juin 1724 jufqu'au 12 janvier 1725 , jour auquel le lieutenant-criminel a ordonné que les témoins qui avoient etc entendus devant l'official, & qui n'avoient point été récolés Sc confrontés devant le juge royal, feroient récolés &c confronrés : en même tems que les accufés feroienr encore interrogés. On %a« qu'il eft des premiers principes , en matière de délit privilégié , que les informarions faites dans les officialités , avant que d'appeller le juge royal , doivent fubfifter , & que , par 1'édit de 1678 , le'juge royal n'eft chargé que de récoïer les rémoins déja entendus par l'official. Ainfi , quant au jugement préparatoire rendu par le iieutenant - criminel, qui a ordonné qu'il fe joindroit a l'official, ce jugement eft régulier & conforme aux ordonnances-  39^ . PMé des Rues. Mais il fait partie de 1'inftrucïiott qui le fait conjointement avec le ju^e eccléfiaftique Sc le juge féculier :. il °y en a même eu un qui ordonna le récolement & la confrontation dans la formé prefcrire ; mais celui que nous examinons préfenrement a été rendu au Chatelet après que le juge royal & 1'official ont été divifés , & après que 1'official a confommé fon pouvoir par fon jugement définitif : c'eft ce qui mérite une grande attention. 11 faut d'abord diftinguer les variations de notre junfprudence fur les procédures qui s'inftruifent contre les eccléfiaftiques , tant pour le délir coa> ttum , que pourle cas privilégié. 1 Par 1'article )9 de f ordonnance de Moulins j Ie juge royal devoit inftruirs feul la procédure furie délir privilégié, a la charge , après fon jugement défi»l|f, de renvoyer a l'official pour le deht commun. Ainfi , dans 1'efprit de cette ordonnance ,. 1'official & le juge royal procédoient féparémenc ; chacun Jnftruiioir fa projcéd^re dans fon, tribunal. Ces procédures n'avoient rien de commun , & il fijffifoit alors qu'on veillat a 1'exéciitioii des différents jugements définitifs qui éroient inrerve-  L'Abbé des Rues. 39-7 nus contre les eccléfiaftiques , fans que 1'exécution de 1'un put porter préjudice aux difpofitions de l'autre jugement. • • Aujourd'hui notre maxime 5c notre ufage ne font plus les mêmes. II eft d'une obligation indifpenfable pour le juge royal Sc l'official , d'inftruire de concert leurs procédures. On a prévu que , fi ces procédures fe fuccédoient mutuellement , elles expoferqient les eccléfiaftiques a des longueurs infinies, Sc que pat-la leur privilege leur deyiendroit onéreux, paree qu'ils eftuieroient deux procédures 1'une après l'autre; quoique les féculiers les plus coupables ne fiüfent expofés qu'a celle du juge royal. D'ailleurs il a paru convenable de faire agir de concert le juge royal Sc l'official, afin que chacun de ces juges put veiller aux droits de fa junfdiction , & empêcher les ufurpations qui pourroient être faites mutuellement par 1'un ou l'autre de ces juges. Aufli 1'édk de 1678 ordonne que 1'inftruéhon des pro:.ès pour le cas privilégié fera faite conjointement, tent par les juges d'égüfes que par nos juges : ce font les termes. de cet édit. De-la. réfulte une  398 , E Albe des Rues. obligation bien précife pour les juges royaux & pour les officiaux , d'inftrUiffl leur procédure coujoiutemenr. Perfon»e n'ignoré que ces fortes de difpofitions font de droit étroit. La déclaration de 1684 n'eft pak rnoms formelle que eer édit: elle enjoint au lieutenant-criminel de fe tranfoorrer dans les officialirés , pout y faire rinftruction du procés aux eccléfiaftiques conjointement avec l'official. Enfin 1'article 38 de 1'édit de 165)4 rappèlie expreTément 1'arricle 11 de «dit de Melun, celui de i67i , &c oe la déclaration de 1684; il réitere expreffément l'injonéhon aux officiaux, & aux juges royaux, d'inftruire conjointement , lorfqu'il y a déiit commun & cas privilégié. De rous ces principes , il réfulte que , lorfque les eccléfiaftiques font accufés d'un délit commun & d'un cas privilégié ,. le juge royal Sc l'official font dans Tobligatiqn étroite d'inftruire leurs procédures de concert , & de ne fe féparer que lorfqu'ils doivent prononcer définitivemenr. Cependant d eft conftant qu'nprès que la procédure de l'offifialité a éré complette , après que l'official a rendu fon jugement dé-  VAbbe des Rues. 399fcnrif,- Ie lieutenant-criminel a rendu l une fentence d'inftru&ion , un jugement qui tend a un nouveau récole| ment, a une confrontation de quelques ■itémoins particuliers qui pourroient même entramet d'autres procédures ; • 8c c'eft ce qui patbit contraire & 1'efprit, & même a ia lettre des ordonnances qu; l'on vient de rappeller. Il refte a faire une fimple obferva": tion fur la procédure qui a été faite a 1'occafion de la prétendue fubomation : de témoins. Le fieur des Rues a rendu plainte contre le fieur Boy er, prêtre 5 tl Ta accufé d'avoir répandu plufieurs calomnies conrre lui , & d'avoir fuborné quelques témoins. Cetre plainte a ere rendue pendant le cours de la procédure iitftruiée contre Ie fieur des Rues. Le 16 avril 1714, *e lieutenant-cnmi* ïsel a permis d'informer ; l'information a été faite : mais cette information ne peut être ici d'aucun poids , pour rrois raifons. Premiérement , fe fieur des Rues s'eft flatté , par cerre plainte 8c cette information , de fe juftiSier fur les faits atreftés par quelques témoins. U eft de principe que, pendant rinftruction. des  400 L'Abbé des Rues. procés , on ne doit point admettre der faits juftiiïcatiïs ; paree que , felon les auteurs , il n'eft pas permis de confondre la voie criminelle & la procédure ordinaire , Sc que l'on ne doit pas furfeoir 1'une pour vaqner a l'autre. En fecond lieu , Ia plainte fuppofoic un libelle diffamatoire que le fieur des Rues prétendoit avoir été répandu contre lui; Sc ce libelle n'a point paru : preuve que le fieur des Rues fe flattoit, a la faveur de cette fuppofition , de faire palfer fes faits juftificatifs. Enfin cette information abourit a prouver que des prétres ont parlé a auelques témoins pour les engager a dépofer contre les accufés; que ces prêttes ont parlé des accufés comme de gens fcandaleux; qu'ils ont fait des recherches de leur conduite , & qu'ils ont même intimidé une ou deux jeunes filles pour dépofer. Ces difcours , ces recherches , ces demarches, paroiffent avoir pour objet rinftruction de la procédure criminelle. Une procédure aulli contraire aux maximes les plus connues Sc les plus inviolables pourroit elle donner atteinte a une procédure qui porte fur une information de vingt-fept témoins, dont  Tl Al 1 I 1 Ti . ~» UAbbe aes j\ues. la plupart font fans reprochés, & Incapables de dépofer par ces fortes de menaces ? „ .' K Ainfi , la procédure de 1 ofhciahte paroit réguliere , 5c celle du juge royal peu conforme aux ordonnances 8c a notre ufage. La procédure de l'official porte lat UHe plainte rendue par le vice-promoteur. II avoit un caraótère fuffifant pour rendre cette plainte , par les provifions infinuées qu'il avoit de M. 1'archeveque de Paris. La néceffité autonfe ces fortes de provifions , pour remplacer un promoteur qu'on veut faire pallet pour fufpeéb , ou pour légitimement empeché. L'utilité en eft évidente , 1'ufage en eft recu : il pouvoit paroitre dans°cette procédure avec d'autant plus de raifon , que le promoteur étoit fufped. Dans 1'inftruélion de la procedure de I'officialité , nul interligne, toutes les ratures , tous les renvois font approuvés: quelques aflignations ont été données en perfonne ; ce qui fufht, felon les ordonnances: & l'on n'a point prouvé la faufleté da domicile. Les témoins font ou irréprochables, ou necelfaires: la dénonciation a été faite fur des préfomprions , fur des preuves ,  4oi L'Abbé des Êues. h non complettes , de délits privilégiés , du moins fur de graves commencements de preuves. Si l'official a réformé un interrogatoire , & pnis trois récolements , il na fait en cela que ce que 1'ufoge permet & 1'équité autorife. " Enfin,- dit M. 1'avocat - général „ en terminant fon difcours , fans vou„ loir nous arroger un droit qui n'ap„ particnt qu'au juge de 1'appel fimple y j, & que nous croyons devoir lui ré„ fcrver nous avons été dans la trifte i, néceffité d'entrer dans la force des „ charges; & ces informations ne nous i, découvrantque des circonftances hon„ teufes pour les accufés , nous ont j, perfuadé que les peines portées par 3, le jugement définitif ne relfentent s, point la vexation dont les accufés „ vouloient fe prévaloir pour former „ un moyen d'abus. „Le juge royal a été compétent pour faire le procés aux accufés ; il l'a pu , foit par rapport au rapt de la >, U Fo-t, foit pat rapport a la conduite i, fcandaleufe du fieur Merlier , qffi a „ favorifé la débauche de différentesperfonnes. „ Mais les deux juges fe font divifés  L'Abbé des Rues. 40 J „"dans le tems oü le juge royal avoit E eu affez de rems pour confommer fa E procédure. 11 paroit 1'avoir négligée , L & il -a rendu un jugement préparaE roire, lorfqu'il devoit. prononcer déL finitivement. Au refte , cette irregu|] larité eft perfonnelle a la procédure :„ du Chatelet, & il feroit peu équira0 ble de la fairs rejaillir fur celle de I'officialité , qui d'ailleurs paroit ré„ gulière. ' „ Telles font, Meffieurs, les rèfle* j5 xioiis que nous avons cru devoir vous „ propofer fur les différentes procédures , fur lefquelles nous avions a nous ex„ pliquer. Mais nous croyons qu'il eft L de notre devoir, en firn (Tant, de dón" ner quelque attention a des libelle* „ qui ont paru fous le nom du fieur des . . , , ui 1 Si ces imprimes n avoient ete re- „ pandus que pour défendrece particulier , on ne pourroit pas défaprouver " les efforts d'un accufé pour fe juftifier a vos yeux & aceux du public. Mais " „ ces libelles font remplis de fiel & „ d'amertume ; ils ont ofé attaquer ceux a qui le fieur des Rues doit du refpéót & une déférencc particuliere "t pour leur caraótère j & foiri de reC-  404 E Abbé des Rues. fentir la fimple & modefïe juftification d'un accufé , ils femblent n'as, voir été mis au jour que pourfevens, ger d'une procédure que les accufés „ ne doivent attribuer qu'a leurs dé„ fordres. Ainfi doivent s'évanouir, avecl'ap„ pel comme d'abus, les flatteufes ef„ pérances des accufés. II feroit a fou3> haiter pour eux & pour 1'honneur de j, leur écat, que leur conduite n'eut pas „ été expofée au grand jour. Mais les „ avantages que la vérité & la juftice en J} attendent peuvent dédommager la „ religion, & la faire rentrer dans tous „ les droits qu'elle a fur les coupables „ & fur la punition de leurs crimes ». Conformément aux conclufions de ce magiftrat, intervint arrêt, dont voici le difpofitif: « Après que Laverdy, avocat de Claude-Nkolas des Rues, que „ Paillet des B runier es , avocatde Fran„ cois-Avoye Merlier j Guillet de Blaru, j, avocat de Louis-Antoine Cardinal de „ Noailles , ayant pris le fait & caufe „ de fon vice-promoteur, ont été ouïs „ pendant dix audiences , enfemble Talon pour le procureur-général da j, roi, qui a fait récit des informations. 1 „ La cour, faifant droit fur Ie tout,  VAhbc des Rues. 40* fans s'arreter auxrequètesdela partie " de Laverdy, donr elle 1'a déboute en , tant que touche 1'appel comme d abus 'interjetté de la procédure inftruite 8c de la fentence rendue enl'ofticialirc de 1 Paris, dir qu'il n'y a abus ; condamné „ les appellants en Tarnende 8c aux depens : en tant que touche 1'appel in" terjetté de la procédure inftruite patdevant le lieutenant-criminel du cnaf telet , met 1'appellation Sc fentence ' dont eft appel au néant j émandanr, , renvoie les parties de Laverdy 8c de Paillet , charges , informanons 8c i autres proeédures , pardevant le plus ancien lieutenant-particuher du cha" telet, 8c autres confeillers que ceux " qui ont affifté a la fentence du 17 jan- vier 1715, P°*r ètre Par liu , dénnitivement au jugement deidite* parties Ae Laverdy Sc de Paillet; fauf 1'appel en la cour , s'il y echet ; & " a cet effet , ordonne que les parties " de Laverdy Sc Paillet feront trans" férées ,des prifons de la conciergerte, en celles du chatelet; faifant droit fut " les conclufions du procureur- general " du roi, le recoit appellant de la per" miffion , informations faites en con* £ féquence de la plainte en fubonution  ' 4ö6 f VAbbè-des Rues. „ de témoins, du 27 mars 1725 .; faifej „ droit fur ledit appei , met 1'appelia„ tion Sc ce auuéant; émandanc, dé» clare lefdites procédures nulles : ayant „ pareillement égard au réquifiroire du „ procureur-général du roi , ordonne „ que les libelles répandus & diftribués „ dans le public fous le nom de mé„ moire .& réplique de la partie de La„ verdy, noniignés d'avocats ni de pro„ cureurs , demeureront fupprimés • " °vdoime que 1'imprimeur defdits lil „ bedes fera ajourné a comparoir en perfonne en la cour, pour être ouï & t, mterrogé pardevant Mc Ambroife F er„ rand, confeiiler ; & répondre fur les „ faits Sc conclufions que Ie procureur„ general du roi voudra prendre coiitre » au. Fait en parlement le 7 feptembre 1726 >.. Par ce premier arrêt, la cour nonleulement jugea que ?1 official, dans fa lentence & dans fa procédure , n'avoit donné aucune atteinte a l'ordonnance du roi Sc aux faints canons & par conféquent que le fieur des Rues « avoit eu aucun motif légitime pour arraquer certe procédure , Sc appelier comme d abus de ce jugement : mais «fle.jugea encore qu'il y avoit un cas  L'Abbé des Rues. 407 privilégié dans 1'information faite contre ces deux eccléfiaftiques, puifqu'elle les renvoya pardevant le juge royal ; ; mais , en mcme-tems , comme elle déclara nulle la procédure que le lieutenant-criminel avoit faite féparément de 1 official , tk qu'elle les renvoya pardevant le lieutenant-particulier & les juges du Chatelet, autres que ceux qui avoient rendu la fentence j:-il luit que le lieutenant-criminel avoit mal qrdonné que les témoins que 1'ofhcial . avoit récolés feul feroient de nouveau récolés devant lui. Si ces témoins-la ne dépofoient que du delft commun , ils «'avoient du être récolés que par 1'official feul : s'ils dépofoient du ers privilégié , ce cas n'avoit pu être inftruit qu'avec l'official conjointement ; &t l'ayant été, le juge royal ne pouvoit plus fiiire de nouvelle inftruóhon : des qu'il s'étoit féparé de l'official , il ne pouvoit plus juger que définitivement. Le fieur des Rues avoit donc toujoars a prouver qu'il n'étoit point coupable du crime de rapt qu'on lui imputoit, puifque c'étoit ce point uniquequi forinoit le cas privilégié , & lé conftituoit jufticiable du juge royal. Quoique j'aie déja parlé de cet objet,  408 VAbbé des Rues. d'après l'abbé des Rues , je demande pardon au le&eur, fi j'y reviens encore. Mais je me flatte que la manière dont M. Laverdy, défenfeur de cet accufé , traita cette matière importante 3 8c les traits curieux qu'il inféra dans fes raifonnements , feront mon excufe. Jufqu'ici les ravifleurs avoient été pourfuivis par les families dont les rapts bleflent la tranquillité. On avoit vu des peres 8c meres, des tuteurs , les perfonnes mêmes ravies , attaquer le féducteur & demander fa punition. L'abbé des Rues eft un ravifleur d'une nouvelle efpèce: perfonne ne 1'accufe, nulIe familie ne s'élève contre lui : il n'y a jamais eu de plainte: il n'a point enlevé une fille du fein de fa familie : la fille qu'on 1'accufe d'avoir ravie étoit entre les bras d'un particulier qui n'eft pas même pourfuivi. Le vice-promoteur de I'officialité de Paris s'eft apparemment cru le défenfeur de 1'honneur d'une fille & d'une familie qui ne fe plaignent point. C'eft lui feul qui eft le dénonciateur du fieur des Rues: & quelle fille 1'accufe-t-il d'avoir ravie ? Une fille dérangée dans fa conduite , née dans l'obfcurité , abandonnée parfes parents qu'elle avoit plufieurs  L'Abbé des Rues. 409 Hplufieurs fois quittés; une fille fameufe par fes intrigues, une fille enfin enfermée par plufieurs fois dans des maifons jde force. Eft-ce donc pour la süreté de jpareils fujets que les loix ont établi des jpeines contre les ravifleurs ? II y a cejpendant trois ans que 1'accufé gémit Jdans les fers , fous prétexte de la wenIgeance due a 1'honneur d'une proftiiruée. 1 On ne difiimuleta pas que , de rous «les crimes, il en eft peu de plus graves ique le rapr. Quand on eft innocent , jen n'a pas befoin de diminuer 1'horJreur des délits dont on eft accufé , 8c jd'en faire des portraits flattés. Le rapt jjtrouble le repos des families : il les Idéshonore , il foulève les enfants conïrre les pères & mères , il les fouftrait a lleur autorité légitime: le raviffeur ufurJpe un empire qu'il ne doit qu'a la violience ou a^la féduétion. II eft de I'intérêt public de punir un Icrime qui blelTe également ia religion lêc 1'état. II feroit fuperflu de rappeller itoutes les loix qui ont été faites contre Jee crime : loix romaines , capitulaires |de nos Rois, ordonnances , canons de Iféglife , toutes les puiffances fe font larmces contre. Tonic XI. S  41 o L'Abbé des Rues. Mais plus ce crime eft odieux , plus les loix le puniftent févérement ; plus aulli l'on doit donner d'attention pour le conftater. II ne faut pas prendre 1'ombre pour le crime , &c punir 1'innocent pour Ie coupable, L'on diftingue deux fortes de rapts; celui de violence & celui de féduótion. Le premier fe reconnoit facilement : j la violence eft un acte extérieur qui le trahit & le démafque. Le fecond ne fe manifefte pas ainli : pour le découvrir, il faur fouiller dans 1'inrérieur de ceux qui s'en font rendus coupables; il faut juger leurs penfées & leurs aótions: : il ne faut pas confondre le rapt de féducftion avec la fimple féduction , ou avec la fornication, La loi veut protéger la vertu féduite, èc punir celui qui lui a rendu des erabüches; mais elle ne yeut pas récom-; penfer le crime , 1'artifice & la mau-r vaife conduite d'une fille. De-la ces régies inviolables , qu'on ne regarde comme rapt, que celui qui a pour objet une fille d'une conduite épurée ; une fille fur laquelle les pères öc mères, ou les tuteurs ont fait une garde exacte , & que la rufe a cependant ft;u tromper; une fille enfin que ;  L'Abbé des Rues. 411 fl'«n a féduite par des promeiTes de manage , Sc que l'on a enlevée du milieu de fa familie. Tels font les caraótères Luxquels fe reconnoit le rapt. On ne ravit point une fille dont la conduite n'eft pas exempte de tous reprochés : on ne ravit point une fille dont la vertu n'a pas été aflez veillée par fes parents. Le rapt n'eft tel que quand il blefle la vertu de la fille , Sc rroinpe la vigilante des parents. C'eftla ce qu'on appelle raptus in parentes, frapzus in virgincm. L'efpérance du mariage peut bien quelquefois ébranler la vertu, Sc lui 1 faire fouffrir quelqu'éclipfe \ Sc peut Imème, fi l'on veut , légitimer , pour I ainfi dire , le crime aux yeux d'une i fille fage 5c fimple : mais s'être rendue | fans promeiTe de mariage & fans vioi lence , ce n'eft pas avoir été trompée i & ravie ; c'eft s'être volontairemenr ; livrée au crime. Enfin le triomphe de la fédudion , | c'eft lorfque le ravilfeur enlève fa vidii me , & que , lui faifant oublier fes de- voirs Si les bienféances , elle quitte la I maifon de fes parents , pour fe livrer I toute a lui. On fe fait un fcrupule de rapporter Sij  4-t 2 L'Abbé des Rues. des autorités pour étabftr des principes, que la raifon a pris plaifk de graver dans le cceur de tous les hommes. La loi unique, Cod. de raptu virgirum, porre : Baptores vitginum honeftarum ; & la Glofe fur ce mor honeftarum, dit : Secus eft in meretrice ; & elle cite Ja loi qua adulterium, Cod. ad leg. Jul. de adulceriis. Cette loi ne prend pas indifteremment la pudeur de routes les femmes fous fa prorection, 5f il en eft par rapport auxquelles elle ne recoit pas 1'accufation de viol & d'adultère, & par ccnféquent celle de rapt; & ces femmes font celles que la haHeffe de leur état, & les hafards qu'elles veulent bien courir, font regarder comme s'érant deftinées a la proftirurion. La loi diftingue les mères. d; familie fages , ou les filles bien élevées , d'avec ces fortes de perfonnes (i). On trouve , dans nos livres , un arrêt dans lequel Ia queftion éroit de fca- (l) Cum ab his fceminis vudicitis. ratio requiratur qiue juris nexibus detinentur f & matris fhtnilias nomen obtinent. He. autem immunes d judiciarid feveritate & flupri & adulterii prceftantur , quas vita vilitas dignas legum obfervatione non credidit.  L'Abbé des Rues. 413 Voir , « fi 1'adion en crime de rapt » étoir recevable , lorfque ies pères 8& „ mères n'avoient pas empêché ia dé„ bauche de leur fille ». Et M. Talon , qui porroir la parole, dir s « qu'd étoit „ mftifié que la fille s'étoit rendue bien » facile , & que la mère ne lui avoit » pas été aflez févère : partant point de f rapt ni de fédudion. La mère a dü » ufer de toute forre de prévoyance , 35 &c au contraire a fouffert toutes for» tes de vifites; & partant fe doit im» puter a elle-même toute la faute du *> défordre qui eft arrivé : qu'il n'y a >= pas d'apparence que la fille prétende SJ récompenfe de fa débauche ». Journal des audiences , arr. du 5 0 décembre 1649. Le principe néceftaire, fondé fur la bonne conduite de la fille & fur la vigilance des parents , eft reconnu par tous iesaureurs, & confirmé par une foute d'arrêrs. On peut citer celui de Braonne, du u aoüt 1633. Une veuve chargée del'éducation d'une fille , avoit pafte a de feconds engagements : fon nouveau mari avoit un fils d'un premier lit : on eut 1'indifcrétion de mettre la fille & le fils coucher dans la même chambre ; la fille avoit cependant Siij  4M ^Abbé des Rues. une gouvernante qui 1'accompagnoitj jufques dans ie lit. Elle ne laiiTa pas] de devenir groffe , & le garcon fut ae| cufe de rapt. Par arrêt, les parties fn-J rent mifes hors de Cour & de procés j êc M. Talon , qüi portoit encore lal parole , donna tout le tort k la mère & a la gouvernante. _ La Cour vient de confirmer ces principes par un arrêt récent du 5 janvier] 172.5. Martin, fils du procureur-fifcal 1 d'Ernée , avoit été accufé de rapt pari la demoifelle le Jarlel, & parune tante qui etc.it chargée de fon éducation. Cette fille étoit reftée orpheline en basi age. La demoifelle le Jarlel étoit del humde , & portoit un fruit que Mar-\ tin avouoit, & dont il avoit offert d-1 fe eharger. Comme il fe vit pourfuivil yivement, 1'accufation & 1'appareil de la procédure 1'effrayèrent : ü prit lal fuite , & fut condamné par contumace a la peine des raviffeurs. II laiflaécóu- ' Ier les cinq années que la loi accorde pour purger la contumace : enfin il obtint des lettres pour être relevé de ce 1 laps de tems ; il fe mit en état, atta- 1 qua, a la tournelle , toute la procédure qui avoit été faite devant le lieutenant- \ criminel du Mans , oü la conteflation 5  L'Abbé des Rues. 41 <, avoit été renvoyée a caufe des parentes, 11 interietta appel de la fentence de contumace , demanda 1'évocancm au principal, & d'être décharge de 1'accuItion de rapt. La caufe fut plaidee pour Martin par le défenfeur du fieur --des liues i il établit les mêmes principes fur le rapr , il fir voir que la mauon de la tante de la demoifelle Ie Janel étoit le rendez-vous de route la jeuneffie d'Ernée; que la ranre n'avoit pas i affez veillé a la conduite de fa mece , | & que celle-ci n'avoir pas eu afiez de i verru. II rit voir que la féduóhon con• fiftoir dans les efforrs , & non dans i quelques polireffes & dans quelques 1 galanteties qui font les tribuis orcti1 naires que l'on paie au fexe ; qüe iapf cela rout le monde feroir rayïffeut , fuivant la penfée d'uncélèbre doéteur(i). Enfin M. Talon , qui portoit la parole - dans cette caufe , adopta tous ces principes : il tónna contre le peu de vigtlance de la tante , Sc contre la facilite de la nièce.L'arrèt fut favorable a Martin, & il fortir de prifon fur la minure (2). (1) Poffel caplte puniri univerfus mundus. Bofte, tit. de coitu damnando. t (3) Ceft-a-dirc , avant que 1'arrêt au ere expédiè. s iy  416 L'Abbé des Rués. Dans un aurre arrêt , ou la Cour donna des dommages 5c intéréts, 1'arrêtifte remarque(i) quelafeule modefiie de la demoifelle & fa réputation furent les veritables raifons de l'arret. Et dans tous ces jugements, il y avoit des perIonnes qui fe plaignoient du rapt \ & des families qui réclamoient la févérité des loix. Enfin , quelques recherches qu'on fa/ie on ne trouvera jamais d'arrét dont les circonftances approchent de celles du prétendu rapt imputé au heat des Rues II eft conftant que tout rapt demande , dans la perfonne que 1'ou prétend avoir été'ravie, de 1'éducation & de la vertu , de la furveillance & du lom de la part de fes parents. Pour être accufé de rapt , il fmc donc avoir fait des efforts pour confommer la fédudion ; il faut des artifi, ces ptanqués, des affiduités infidieufes &c des lettres paffionnées ; il faut avoir abufe de I entrée qu'on avoit dans une maifon. La loi première, Cod. de rapt, virgm. dit: nifi etenim eam follicita'vent , nifi odiofis artibus circumvenerit nonfaciet eam veile in tantum dedecus (i) Des Maifons, lettre R, chap. 2s  L'Abbê desrRiies. 417 fefc prodere. L'ordonnance de Blois , art. 41, en parlant des raviiTeurs, dit: c ceux qui fe trouveront avoir fuborné „ fils ou fille mineurs de vmgt-cinq ü ans , fous prétexte de mariage , ou » autre couleur, fans le gré, feu , vou„ loir & confenremenr exprès des pcres » & mères, & des ruteurs >>. La verru ne fuccombe qu'apres des attaques réitérées j 5c pour qu'il y ait un vol fair a des pères 5c mères, il faut qu'ils ne foient pas eux meines aiTociés au crime. _ . L'action de rapr appartient aux pères & mères, aux rureurs 8c aux perfonnes ravies , quorum maxime \indiJa bitérefi , comme parle la loi. Quand ils ne fe plaignenr pas, c'eft une reconnoiftknee , de leur part , qu'on ne leur a rien enlevé , 5c qu'il ne leur eft point dü de fatisfacVion. Le man feul peut venger 1'honneur du lit nupnal : les parents feüls peuve it fe plaindre du rapr, 6c juger s'il y en a un, 5c s'il y en a pu avoir. II faurmaintenant rendre compre des circonftances du prétendu rapt dont Tabbé des Rues . eft accufé. Jeanneton le Fort n'a ni naiffance ni éducarioii; c'eft une fille naturalifée }> S v  4i 8 _ L'Abbé des Rues. pour ainfi dire , avec le crime , & dél voiue a tous les libertins. La mère 1'a abandonnée a fa mauvaife conduite ] & 1'a laiflee fuivre fon penchant déréglé. On ofe dire avec confiance que , depuis qu'on a fait des loix contre les raviffeurs , jamais perfonne n'a été meJiacé de leur févérité , & dénoncé comme les ayant enfreimes , avec atfffi pen de vraifemblance & de fujet que le fieur des Rues. Ces loix n'ont point été faites pour venger des Jeanneton le Fort (i). On pourroit, a ce fujet, citer Heiiri IV , qui , ayant défendu a fes üijets de porter de ia dorure , excepta les filoux «Sc les filles de mauvaife vie; paree que, dit ce Monarque, de tels gens ne méritent pas que l'on s'intéreife dans leur conduite. ■ Dans cette affaire, on a en ten du en témoignage des filles infames , qui out depofé contre le fieur des Rues. L'on trouve dans la décrétaleJtgnificajll X de adulteriis & Jlupro, une décifion bien (i) Cum hez tmmunes a judiciarla Jèveritate Gfiupn fy adulterïi prcefientur, quas vha vilitas dtgnas legurn. obfervauone non credidit.  V Abbi des Rues. 419 remarquable.L'efpèce propofée au nap e, étoit d'un prêtre qui s'étoit: fowlle d un adultère dans 1'églife.. La femme complice s'accufoit elle-même j 5c le prctre nioit le crime. Le pape fut conhdte «out fcavoir fi la déclaration de cette femme faifoit preuve contre recclc. fiaftique : i'on entend qu'il s'agifloic d'un prctre , d'un adultère , 5c et un adultère commis dans 1'églife meme. ; En effet, le papecommence par ordonner qu'on béniffe de nouveau 1'egliie.. A 1'égard de la femme coupable , quol: qu'elle ne fut pas une 'de ces femmes - perdues , qui ne connoiflent que le crime , cependant le pape réfout que J la déclaration de cette femme ne hut aucune preuve contre le prêtre. 11 déclaré enfm que , comme la conduite d'un miniftre de Jéfus-Chnft ne- doit pas être feulement «tempte de crime „ mais qu'elle doit aufij être fansioupron , il faut que ce prêtre fubifle les ëpteuves appellées purgarrons canoniques , que la funplicité du fiecfe avoit mifes en ufage , afin de connoitre , par ie fort de 1'ëpreuve , fi ventablement il étoit coupable ou non (1). fi) éi'nificafi nobïs quemdam presSyterut» S YJ I étoit d'un prêtre qui s'étoit fouiüe d un  420 L'Abbé des Rues. On ne peut rien voir de plus précis que cette autorité. On pourroit en ajouter beaucoup d'autres ; & fi 1'oa confulte des régies fi fages , l'on peut dire que Pinformarion dont il s'agit ne fournit, contre le fieur des Rues , aucune preuve fur laquelle on puifte affeoir une condamnation légitime. En effet , tous les témoins qui ont cum altcrius conjuge in/ra ecclejlam dormiffè , . qua. fe & 'Mum cuï iam facefióli hujujmod'i delitlum confeffos fuifje publcl tibi detixit : & hoe ipfum idem facerdos , nomen adultcri cd ans, in piafetuid lua dixit. Super quo quidfieri debeat , cum negante adultero , muiter in confef. 'jione perfijlat, conjïlium reqüififli. Ideoque ma:idamus, quateniis condignam ptmnentiam prai dicla imponens ' adu'Uera , ecclefi.jm per s.fpcrfionem aquet benedictie reconcili.ire procures ; prcz.UEo autem facerdoti, ne contra apoftolum , iifirmorum corda mala famaipfius percuüa.Aur 3 & ne vituperetur miniftcrium ncflrum , neque fecuriores presbyteri exiftentes in peccatum lieert' tuis prolabantur , ciin vicinis quinque presbyteris, quos fe nolle pejerare cognovcris , juxti arlitrium tuum purgaüonem indicas ; quem , fi purgare fe pourit, in of lcio fuo min flrare permittas ; alioquin ab officio fuo ipfum fufpendere r.onpoflponas. Et la Glofe donr 1'aUtorité eft égale au texte, dit: Nota quoi cqnfejjlo unius fuper eodem crimine altcri non nocet, quamvit illafint connexa : fed debet indicipurg.it iopropter infamiam inde ortam.  U Abbé des Rues. ^It cté entendus , fe difent complices : ils ne mcritent aucune foi, & beaucoup moins que la femme adultère de la décrérale. Enfin nul autre témoin ne foutient leurs dépofirions , Be ne les rend vraifemblables. Ajourez que rous ces rémoins dépofenr de fairs finguliers & uniques; que leurs dépofitions font remplies de contradiétions; que 1'affeétation règne dans toutes ces dépofitions ; qu'on y voit un ftyle étudié & uniforme qui ne convient pas a des témoins ,^ & qui indique le même auteur; que l'on a prêté des larmes a des maUaeureufes pour des crimes dont elles font trophée. Peut-on condamner quelqu'un fur de pareils témoins ? S'il fuffit de raffembler des infames, il n'eft perfenne qui ne foir expofé a êire couverr d'iufamie. Le cas privilégié pour lequel le fieur des Rues a été dénoncé au juge royal c'eft le rapt de Jeanneton le Fort. Ce n'eft qu'au quatorzicme témoin que la dénonciation a été faite. La Cour ne peut pas jetter les yeux fur les rémoins entendus , récolés & confrontés par  4±i VAhhé des Rues. 1 official feul, paree qu'il ne renferme que le délit commun, que la Cour ne doit pas connoitre. Le fieur des Rues attencl u" jugement qui efface le cas privilégié , Sc qui le mette en état de travailler enfuite a en obtenir un qui le juftifie du déiit commun. C'eft ainfi qu'il efpère recouvrer fa liberte , fon honneur Sc fon état. Enfin le 9 aout 1 727 , les fieurs des Pu, 5 Sc Merlier furent jngés définiti-vement par fentence du Chatelet , & furent diclarés convaincus d'avoirfréquente les perfonnes du fexe avec fcandale ,pour réparation de quoi admonétés, & envingt livres d'aumoae. Ce jugement n'imprir moit aucune note fur "les accufés , & leur laiflbit 1'efpoir de rentrer dans toutes les prérogatives de leur état s'ils parvenoient a faire infirmer ,. par Ja priniatie , la fentence de l'official. Auifi le jugement du Chatelet n'éprouva-t il d'abord aucune contradidion de leur part; ils y acquiefecrent & 1'exécutèrent. Mais M. le procureur - général ea ayant appelléa minima,ils crurent aufS devoir fe patter appellants. On leur oppofa cet acquiefcemeiu comme fia de non-recevoir»  LAbbé des Rues. _ 423 L'abbé peut , fous quelque prétexte que ce i> puifle etre , juger les clercs fur des » procedures faires par les officiaux , « pour raifon du délit commun. Enfin » les procédures faires par le juge d'é* giife avant la jonétion du juge royal » ne peuvent avoir ni force ni vertu «dans le tribunal féculier, fi les dé*> pedants n'ont été du moins récolés " par le juge royal >>. ■ Ges loix font fondamentales pour diltinguer le pouvoir des deux tribunauï. Ce font des loix de 1'état confacrees par rous les arrêts des parlements du royaume : & cependant ce font ces loix refpectables que le juge a violées & nieWées, lorfque le 9 aout dernier 11 a a.iecle d interroger & de juger les accufés fur les treize témoins entendus, reco es & confrontés par le feul juge d eglife. ' 0 foici Ie fecond moyen. Le concordat (1) & la pragmatique - fanérion , Coill ****** §• nct **>  L'Abbé des Rues. 42^ même le concile de Trente, parient de la punition des clercs concubinaires publiés & fcandaleux •, & on n'a jamais penfé , dans ces cas , a les renvoyer devant les juges féculiers, mais uniquement au tribunal de leur évêque. ^ Le privilège des clercs eft fonde fur ce que la piété des Rois a voulu cachef aux féculiers les foibleffes & les crimes des eccléfiaftiques , en les renvoyant a leur évêque , pour les méttre fous les ailes de fa charité paternelle ; mais ce n'a pas été afin que les clercs , pour les mêmes délits , fufTent traduits dans tous les tribunaux , & pums par les deux juges. Un prêtre qui commet une faute eit, fans doute, bien plus coupable qu'un féculier ; mais , quelque criminel qu'il foit, il ne laifle pas d'être un homme priviléeié , qui eft exempt de la juftice royale aans bien des cas oü le commun du peuple y feroit foumis. II ne peut être cité devant les officiers royaux, en fa qualité d'eccléfiaftique accufé d'avoir pêché contre les canons de 1'ésdife , dont ils ne font point les juaes ; mais comme le feroit un féculier , & un fujet du Roi , accufé d'avoir violé les loix du prince , dont ils font confervateurs.  L'Abbé des Rues. On voit tous les jours , dans les pnions , des femmes décrétées pour crimes , & recommandées en mêmetems par le juge de police , pour raiion de leur libertinage. Sur 1'aecufanon dn crime , elles paroiffenr devant *e lieutenant-criminel , & fouvent , après en avoir été reconnues innocentes , elles ne laiffent pas d'être envoyées par le Iieutenant de police dans une maifon de correction, pour y réparer le fcaridale de leur incontinente. 11 eft donc vrai que la débauche Ia plus icandaleufe ne foumet pas ces femmes percues a la jurifdidion du lieutenantcriminel : & fi c'eft uniquement au lieutenant-criminel de police qu'il appartienr de les punir, I'évêqse eft le leui maïtre de la police eccléfiaftique qui a recu de 1'églife & du prince Ie droit denvoyer les clercs fcandaleux oans un féminaire , fans que , pour railon de leur débauche, ils foient jamais foumis a un juge royal. Si le fcandafe fuffifoit pour qualifier un cas privilégié , il n'y auroit plus de oeht commun ; car les fautes les plus legeres font fcandaleufes dans un prêtre. r Le premier de ces deux moyens étoit  L'Abbé des Rues. 427 fans fondement \ puifque , quand 1'inftruelion eft faite en commun, le juge royal doit prononcer fon jugement leparément j il eft certain qu'il a le droit , & même que la forme 1'oblige de faire fubir aux accufés le dernier interrogatoire , foit fur la fellette , foit derrière le barreau , felon que les conclufions du procureur du roi font plus ou moins rieoureufes. Quant au fecond moyen , il eft certain que plufieurs circonftances rendent les crimes des accufés des cas royaux. Le trafic honteux qu'ils faifoient des filles proftitttées , & le rapt de Jeanneton le Fort qu'ils avoient fouftraite a fes parents. DTailleurs un fcandale enorme peut être un cas privilégié. ^ En un mot, revenons toujours a Ia première idéé que nous avons donnée du cas privilégié : elle s'apphque a tout crime atroee qui mérite une peine arfliftive , que les juges d'églife ne peuvent infliger. Voici 1'arrêt dèfinitif que Ia cour rendir. , • • 1 « Vu par la cour le proces criminel fair par le lieurenant - criminel du " Chareler , & continué pat 1'aijcKi* ' lieutenant-particulicr audit Chatelet  4^8 L'JbbUesltves „Ie 7 feptembre 1726, k la requête duf^tut du procureur-généraldu " r!'^-10^ & ^afateUr contre " C!*«4'-*iicolas des Rues de Boudre>, vdh, ducre du diocèfe de Paris, & ,>F>«ncolS-Avoye Merlier, auffi diacre „du diocèfe de Paris, défendeurs & „ acculés , pnfonniers ès prifons de la " conci"-gerie du palais k Paris ; Ia fen" tencerend^fur ledit procés leoaoüt "IJ1]-' f^quelle lefdi« Jvoyt * ^rjrer UCU^-HieoUi des Rues dc " Boudte^ auroient été déclarés due„ ment attemts & convaincus du fcaö. * d, Par e!IX sommis par leur débau» Che avec desperfonneï du fexe; po r " ^«on auroient été condamnés a „ etre mandes & admonêtés ; défenfes "lCr dsr-idi-^ouspelne „ depunuion exemplaire ; condamnés „ chacun en vmgt livres d'aumóne : k „ le lubfhtut du procureur-général du „rot aurou déclaré en être" appela, ,„ffer ^« auroient déclaré y acquiet "d 'roi°"^"'.^P^nr-g^ncral 5'itfd t &1"terrosésen"aco« „ pofes. Tout conlïdéré :  L'Abbé des Rues. 42.9 Ladite Cour , faifant droit fur „ 1'appel d minima de ladite fentence , [] met 1'appellation «Sc la fentence \\ de laquelle a étê appellé au néant j „ émandant , pour les cas réfulrant „ du procés, après que ledit Nicolas des Rues , pour ce mandé en la cham,', bre de la tournelle , nue rête «Sc a , aenoux , a été blamé , le condamné , en dix livres d'amende envers le roi; „ Sc après que ledit Avoye Merlier pa, reillement pour ce mandé en ladite „ chambre de la rournelle, a été admonêté, le condamné aaumóner au pain ]] des prifonniers de la conciergerie " du palais la fomme de rrois livres. Fait en parlement le 3 o décemb. 1727. Signe's , Dïlpech. De Maufeou ». L'abbé des Rues ayant perdu, par cet arrêr qui le rendoir infame , tout efpoir deparvenir jamais a 1'ordre de prêrrife , de conferver fes bénéfices , «5c d'en pouvoir obtenir d'autres , crut trouver une relfource dans 1'alfemblee du clergée de 1730. U entreprit de prouverauxprélats qui la compofoient, que l'arret qui 1'avoit condamné , étoit attentatoire aux droits de 1'ordre ec-  43° L'Abbé des Rues. ciéfiaftique , qui devoit , felon lui , réclamer contre cet attentat. Dans le principe, dit-il, les eccléfiaftiques accufés de quelque crime ne connoilfoient d autre tribunal que celui de leur évêque , & ne pouvoient être traduits devant les juges féculiers. Ce privilège fe trouve ètabli dans les ordonnances de Conftantln , de Tke'odofe, de Juftïmen , & de tous les empereurs ou rois chrètiens, qui, pour fe déciarer les proteóteuts du fanéhiabe , ont défendu aux juges féculiers de connoitre des fautes commifes par les eccléfiaftiques. Telle eft , en particulier, la loi que Charlemagne a fait publier avec tant d'éclat. Sancitum eft ut nullus epifcopum, velfacerdotem, vel clerlcum, apudjudkes lalcos accu/are pr&fumat ,fed apud ep'tfcopos. L'empereur Théodofe, long-tems i auparavant „ avoit bien exprimê le rnotif de cette loi, en difant qu'il ne convenoitpas que ceux qui étoient les difpenfateurs des biens cé!eftes,fuftent foumis aux jugements fi fouvent arbitraires des puiffances temporelles. Cum ntquum . non effet ut civini muncris miniflri temporalium fubd'erentur arbitrio. Lib. eleric. eod. Theod.  L'Abbé des Rues. 43 r Cenftantin refufoit de juger les eccléj fiaftiques , paree qu'il ne vouloit point •; fe rendre le juge de ceux qu'il regardoit comme fes mediateursauprès dufouverain des juges, Si l'on remonte jufqu'a la fource de la royauté , Salomon , le plus fage de tous les rois, avoit appris de fon pere ! David que les puilfances féculières ne ; pouvoient , fans crime , frapper les chrifts du Seigneur- Notite tangerechrif tos rneos, Quelque coupable que fut le prêtre Abiathar, il refpeóta toujours , :i dans fa perfonne, un miniftre qui avoit porté 1'arche d'alliance : qula pcrtajli arcam Domini Dei. Il ne voulut point le livrera. Ia mort -.hodienon te inttrficiam. Ne lui laiffant pour fupplice que les remords quidevoienr accompagner fon crime , il fe contenta de 1'exiler de fa cour : vade in agrum tuurn. Et il n'y a pas jufqu'auxPaïens, comme nous 1'apprend Tite-Live , qui , pour bonorer , les prêtres deftinês au fervice des idoles, renvoyoient leurs caufes devant le grand pontife. L'hiftoire parle d'un Prétcxtat zeeufc par le roi Chtlperic de crime de lèze-majefté; d'un Sagittarius & autres , d'homicide ; enfin plufieurs clercs grieve-  43^ L'Abbé des Rues. ment coupables , dont le jugement aéte remis au tribunal des évêques. Pafquier rapporte, dans fes recherches, qu'un juge féculier ayant condamné un clerc étudiant dans 1'univerfité de Paris , il fut lui-même obligé , par forme de réparation , de détacher le cadavre du gibet, & de le porter fur fes épaules. Et vers 1'an 1380 les juges du bailiiage deMorer s'étant avifés de refufer le renvoi d'un clerc accufé de crime , même de lui avoir voilé la tête pour eacher aux yeux du peuple les marqués de fon état, Ademar, archevêque de Sens, en porta fes plaintes au parlement de Paris, qui, par un arrêt folemnel, condamna lesjuges a dépendre le mort, a le conduire jufqu'a la porte de 1'églife cathédrale, portanta la main des torches ardentesdu poids de quatre livres; & le dimanche, au milieu de la mede , lors de 1'offertoire , nues têtes & a genoux, a livrer le cadavre a i'archeyêque , comme étant le feul jucre a qui il étoit foumis. Dans la fuite , les juges féculiers ont prétendu que les peines canoniques , tdles que les juges d'églife peuvent les prononcer, ne/uffifoienc pas pour punir les  L'Abbé des Rues. 433 ïes clercs ccmvaincus de crimes atroces: Sc que la connoiffance de ces crimes devoit être dévolue a la juftice royale , qui feule avoir droit d'impofer-des peii nes affliéHves. De-la eft venue la difjdnérion du délit commun £c du cas privilégié. Le délit commun , dans les clercs , , a toujours été celui dont I'évêque , qui eft leur juge commun Sc naturel, avoit I droir de connoitre ; & le cas privilégié , celui qui, comme dit Accurfe fait 1 par fon énormiré ceffer les droits de la I cléricarure , enlève 1'accuié a fon évê/), que ,< Sc donne au juge léculier le pri' vilège de procêder contre lui. Crimina 1 qu& propterfuï atrocitatetn cejjarefaciunt privilegium fori. Accurf. cod. ad leg. : eddicios , tl'., de epifcop. aud. Pour faire un cas privilégié, il falloit i donc un crime arroce qui intérelfat le roi ou la rêpublique. Mais il y avoir \ toujours des crimes très-graves, qui 1 n'éroient regardés * dans les eccléfiaf; tiques, que comme des délirs communs I donr la pUnition appartenoit uniquei ment a la juftice épifcopale , & dont 1 les juges féculiers décidoienr eux-mêI mes que la connoilTance leur éroit in- terdite. Tame XI, T  434 L'Abbé des Rues. Jean Ie Coq, dans fon reeueil d'arrêrs* en cite un, par lequel un prêtre accufé d'adultère fut remis a fon évêque. Monftrelet , premier volume , chap. 155 , és années 1415 Sc 1460, rapporte plufieurs exemples de clercs accufés de fortilèges , homicide, Sec. qui avoient été renvoyés au juge d'églife : & c'eft ainfi, dit Papon , liv. 7, chap. premier, que , par refpect pour 1'églife , &z par obéiftance pour les anciens canons , on abandonnoit le jugement des clercs a I'évêque , Sc des évêques au Synode, Enfin , le parlement de Paris , par fes arrêts rendus les 9 mars 8c 5 avril 15 31 , nous a laifle une preuve conftante que, dans le feizième fiecle , le vol dans un eccléfiaftique étoit encore répuré délit commun ; puifque les clercs qui en éroient accufés étoient renvoyés au tribunal de leur évêque; Sc le 1 5 février 1545 , a érê rendu par le parlement un arrêt pour infirmer lafenrence d'un juge royal qui avoit prononcé fur une accufation de rapt intentée conrre un eccléfiaftique ; Sc qui juge que 1'accufation n'avoit aucun trait au cas privilégié dont les juges royaux euffënt droir de connoitre dans les clercs, D ulc, plach. lil. 3 3 tit, 7j art.  L'Abbc des Rues. 43? II faut cependant avouer qu'il y a eu fouvent de grandes conteftations entre ie clergé & les tribunaux féculiers ,pour fixer les bornes des deux jurifdidions. En 1329 le roi Philippe de Valols convoqua, au bois de Vincennes , une grande affemblée , pour établir , a ce fujet, quelque décifion pacifique & immuable. Bertrandi, évêque d'Autun , & depuis cardinal fous le titre de faint Clément, foutint les droits du clergé J & Pierre de Cugnières , avocat du roi , porta la parole en faveur des juges féculiers. La difpute fut longue & vive ; mais le défenfeur de la juftice royale convenoir de bonne foi qu'il y avoit dans les eccléfiaftiques des crimes graves , comme Padultère , dont la connoiffance devoit être renvoyée aux évêques , &t fe retranchoit uniquement fur ce que ces crimes étant mixci fori, ils ne pouvoient être dénoncés ni pourfuivis dans la juftice épifcopale, quand il s'agifloit de féculiers foumis aux tribunaux féculiers. Si les magiftrats n'ont ceffé de faire des tentatives pour enlever au clergé fa jurifdidion la plus légirime & la plus inaliénable , les évêques, de leur ebté , fe font toujours réunis pour défendre Tij  43-] de 1'édit de Nantes , quand un juge royal faifoir un procés criminel a quelque particulier de la religion prétendue réformée , il étoit obligé , fous peine de nullité de fa procédure , d'appeller un adjoint de cette religion , pour défendre les intéréts de'l'accufé. Mais fi des raifons d'érat ont engagé les princes a donner ce privilege aux proteftans, c'eft la piété la plus folide qui a didé les ordonT iij  438 L'Abbé des Rues. nances par lefquelles les rois rrès-chrénens ont défendu a leurs juges de procéder contre des.clercs , féparément de leur proteéteur , c'eft-a-dire , de leur cveque , ou de l'official qui le repréfente. Depuis I'édit de Melun, les magiftrars fecuhers ne ■JailTbient pas encore de prendre fouvent le prétexte du cas privilégié pour inftruire contre les clercs qui n'étoient accufés que de délit commun , 8c même vouloient difputer aux: officiaux, jufques dans leur iiège , le droit de pré/ider & de porter la parole dans les procédures qui fe faifoient contre les eccléfiaftiques. C'eft pourquoi les évêques de France dans 1'aifemblée des états qui fe tint i Pans en 1614 , fe plaignirenr encore au roi de ce quenjaifbh tous les jours de nouvelle* entreprifésfur la jwijdlclhn eccléfiaftique , & fupplierent fa majefié de determiner le nombre & la qualité des cas privilégiés , & éclaircir ce qu'on entendon par libertés. Ce qui prouve bien que , dans ce tems , les magiftrars féculiers , fous ie prétexte fpécieux du cas privilégié , vouloient juger les délits communs des eccléfiaftiques, 8c que fous celui de libertés Gallicanes , ils  L'Abbé des Rues. 439 iWroient aufli queiquefois de vouloir fe rendre les juges de la dodnne , &L a'e placer leur tribunal jufques dans ie fanétuaire. Mais les rois de France , qui, par leur piété fingulière ont fi bien merite d'être appellés les fils atnes de leghje, fe fonr toujours fait un devoir de religion d'employer toute leur autorite pour protéger ceux qu'ils regardoient comme leurs pafleurs & leurs peres en Jefus-Chrift. . ' , C'eft ainfi que Clovis n eut pas fi-tot embraffé la religion chrétienne, qu ü fit alfembler un concile a Orleans , & ufa de toute fa puiffance pour faire obferver ce qui avoit eté deciac par lts évêques. , r Les capitulaires de Charkmagne font des preuves de la religion de ce prince , U fut-tout de fon zèle pour cönferver les ptérogarives du clergc. Charles le Ctiauve , dans la conference de Ceriziers , tenue en 877, n'emploie fes foins que pour conflrmer ce que les prédécefleurs avoient étabh en faveur de 1'éalife &de fes miniftres: pro Ham & muniminefan£t* Dei ecclefi* ac minifitrorum ejus. Les ordonnances établies par faint T iv  440 L'Abbé des Ruts. Louis , pour la police de I'éelife annonceront a jamais aux rois de Franse ce que Ia religiën les engage de faire Le roi Charles VU k faifoir gloire de dire que Dieu 1'avoit érablinonleulement pour règner fur fes peuples , maïs auffi pour avoir foin de Vé/life de fes droits & de fa difcipliue : ecckfiam tuen , ra/n/)?™ f/ÜJ c^/r na laifferoit pas de bien exprimer que fon arrêt n'eft point fondé fur un crime capital. Et en effet c'eft au R0i feul a qm il appartient de faire grace aux criminels: les juges ont été étabiis pour les condamner fuivant la rigueur des loix. Les peines qu'ils impofent doivent donc annoncer la nature du crime qu'ils puniffent ; & on ne peut pas dire qu'un accufé foit moé coupable d'un rapt, quand il n'eft point condamné comme raviffeur. Enfin le co-accufé du fuppliant n'a jamais éré dónoncé a la juftice royale Son éminence monfeigneur le cardinal de I\oailles a toujours prétendu , foit par la bouche de fon défenfeut , foit dans fon mémoire imprimé , « que , fi » le lieutenant-criminel avoir cru tróu» ver , après coup , dans le co-accufé, «un cas privilégié, il étoit dans 1'er-  L'Abbé des Rues. 4^1 m teut, & que Terreur du juge royai » ne pouvoir rendre abufive la procc»dure du juge d'églife ». Le parlcment , par fon arrêt du 7 feptembre Ïji6-, a adopré tous ces principes, il a légitime le défaut de dénonciation du co-accufé , il a confirmé toutes les opérations de 1'official. Mais , après avoir fi foleimiellement décide que la caufe du co-accufé n'apparrenoit qu'au tribunal de I'évêque , & quê le lieurenantcriminel, en voulant procéder _ contre lui, étoit dans 1'erreur , il devoir donc fubir la loi qu'il s'éroit impofée luimême , & ne pas le juger fnr un cas privilégié dont il 1'avoit déjaV déclaré innocent. Mais fi , pour juftifier 1 at-» rêr du 30 décembre, 011 ofoit avancer qu'il eft appuyé fur la fréquentation des perfonnes du fexe; alors 1'incompétence des juges &t leur cöntraventioil feroient fans contradideur. Car le parlement , par un arrêt rendu après dix audiences , avoit ftatué que la fréquentation des per/onnes du fexe , meme fcandaleufe , éroit un pur délir commun dont les juges féculiers 11'avoienr aucun droit de°connoitte j & il ne pouvoit donc , fans fe contrarier lui-même , prendre la fréquentation du fexe pour i'objet de  45 2 L'Abbé des Rues. fen jugement. Ainfi , de quelque facon que l'on appliqué 1'arrêt da 30 décembre, c'eft un jugement infoutenable. Car fi eer arrêt eft fondé fur 1 accufation du rapr , fon injuftice eft évidente; puifque la fédudion d'une proftituée eft impoifible : au contraire , s'd eft appuyé fur la fréquentation des perfonnes du fexe, 1'incompétence des juges féculiers , dans cette efpèce , eft prouvée par des jugements fo! emn els que le parlement a rendus lui-même dans la caufe du fieur des Rues ; Sc cependant il eft conftant que les macfiftrats ne pourroient jamais produire d'autres motifs de leur arrêt, ni d'autres cas réfultants du procés. Enfin , le cas privilégié , qui feul rend les eccléfiaftiques de la compétence des juges féculiers, eft un crime atroce qui mérite des peines afflidives ■ Sc le parlement, en prononcant une admonirion, a doneftatué lui-même qu'il prononcoit fur le délit commun. Cependant les eccléfiaftiques nefont point traduits devant les juges laïques pour en recevoir des monitions : Sc fuivantTarnde 36 de f'édit de 16^6 a c'eft aux évêques feuls qu'appartient W drok de [es avertir & de les corriger.  L'Abbé des Rues. 45 3 II eft vrai que les fautes qui font le délit commun dans les clercs , ne font ; pas fi confidérables que celles qui forment le cas privilégié ; mais aulli il ne faut pas s'imaginer que le délit commun ne s'étende qua des minuties ou des légererés. Car il eft conftant que rofficial ne peut connoitre que du délit commun : il n'eft pas moins cerrain qu'il peut ' impofer pour pénitence le féminaire , Finterdit, la dépolition , privation de bénéfice , excommunication , prifon a tems , Sc même la prifon perpétuelle. Et pourroit-on dire que ce juge fut aurorifé a. prononcer des peines aufli confidérables pour des fautes de foiblelfe &c des bagatelles ? L'ordonnance d'Orléans , art, 14 , défend aux officiaux , « de décerner jj monition ou cenfure eccléfiaftique , >s finon pour crime Sc fcandale public ». Cerre ordonnance fuppofe donc qu'il y a des crimes Sc des fcandales publics , qui ne forrent point de 1'efpèce du délit commun , & font uniquement fujets a la jurifdiction eccléfiaftique. La déclaration du Roi, du 1 5 décembre 1698, parle « des caufes gra» ves j mais qui ne méritenr pas une  4H EJbbêdesRi tes. » inftrucfion dans les formes de la pro» cedure criminelle, pour lefquelles les v eyequesont droit d'envoyer leurs cu» rcs eccléfiaftiques dans tin féminaire » pour le tems de trois mois». Mais fi ces fautes , fur lefquelles I'évêque a droit de prononcer dans le cours de fa Vihte , font des fautes graves , fans méruer une inflruclion criminelle , que faut-il penfer des fautes qui demandent une procédure extraordinaire ? Certamement ces fautes doivent être tres-confidérables , & ne peuvent encore etre des cas privilégiés. Le concile de Trente , le concordar, & la pragmatique - fandion ont établi des régies pour réformer «5c punir ia conduite des clercs. Ce? loix de 1'églife &c de 1'état parient des concubinaires publics , obftinés , rébelles lcandaleux; & dans toutes ces circonftances, il n'a jamais été menrion du juge laique, mais uniquement du-jugè d'églife , i qui la corre&ion de ces crimes eft renvoyée privativement a tous les juges féculiers. U eft certain que les eccléfiaftiques devroienr êpre plus purs que les an^es: cependant il n'eft pas moins vrai que ceux que l'on regarde comme des Dieu»  L'Abbé des Rues, 4^ font aufli foibles que le refte des hommes ; & on voit alfez fouvent ceux qui par excellence font appellés les enfants du Très-Haut, fe jojndre aux enfants de la terre. Mais, quelque criminels qu'ils puiffent être 9 ils font toujours des hemmes diftingués dans la foeiéré , qui eompofenc le premier corps de 1'état , Sc ont recu de la piété des Prihces un privilège qui les rend exempts de la juftice féculière, dans bien des cas dans lefquels les féculiers y feroient foumis. Et quel feroit donc le privilège & la prérogative des eccléfiaftiques, li pour les mêmes fautes ils étoient obligés de paroitre dans deux tribunaux , d'être donnés en fpectacle dans toutes les prifons , d'eftuyer deux procédures &e deux jugements ? II eft donc évident que fi le juge royal pouvoir prononcer , ainfi que le juge d'églife, fur la fréquent tatlon du fexe, ou autre délit commun , il n'y auroit plus de privilège dans les clercs, plus de jiirifdiétion particulière dans les évêques \ & les eccléfiaftiques ne feroient-ils pas les plus malheureux fujers de la république , qui fubiroient deux condamnations pour des fautes pour lefquelles les féculiers ne pour«  i\<6 L'Abhè des Rues. toient même être cités devant aucun juge ? Quand un eccléfiaftique eft. traduit devant les juges féculiers , il ne paroit point dans leurs tribunaux en qualité d'eccléfiaftique , mais en qualité de membre de la république , dont le clergé fait partie, Ipfe tnim eft in republicd ; & de fujet du Roi qui feroit accufé d'avoir violé les loix du Prince , dont les juges laïques font les dépofitaires 5c les proteéteurs. Suivant ce principe inconteftable , il eft notoire que la fréquentation des perfonnes du fexe ne peut être de la compétence du juge royal. Car il n'y a aucune loi d'état qui la défende ; 8c une pareille accufation ne feroit jamais admife contre un féculier, quoiqu'il foit auffi foumis aux ordonnances du royaume que lès eccléfiaftiques. La fréquentation des perfonnes du fexe eft donc un crime dans les clercs, 5c peut a leur égard exciter quelque procédure , paree qu'elle blefle en particulier la pureté 8c la fainteté de leur état. Mais les évêques font les feuls juges des devoirs de la cléricature. II y a incompétence , vexation & entreprife fur la jurifdidion cpifcopale ,  L'Abbé des Rites. 457 ëpifcopale , quand les juges laïques veidenr s'attribuer la connoiflance des fautes commifes contre ces devoirs ; 5c dans ces circonftances , le bras féculier, bien loin de s'appefantir fur les eccléfiaftiques , doit toujours honorer leur caraétère , refpecter leurs privilèges , reconnoitre fon impuiffance , & les renvoyer a leur évêque. Le fieur des Rues , quelqu'innocent qu'il foit, ne peut fe préfenter devant les juges de la primatie pour faire ftatuer fur le délit commun dont il a été accufé, qu'il n'ait obtenu juftice contre les jugements des juges féculiers qui font cenfés être fondés fur quelque cas privilégié : c'eft pourquoi il a été confeillé de préfenter fa requête au Roi, pour demander la révifion d'un procés dans lequel il ne s'agit tout au plus que d'un délit commun , dont les juges féculiers n'ont jamais eu droit de connoitre , 5c pour lequel cependant le fieur des Rues a été détenu pendant prés de quatre ans dans lesprifons royales. Saint Athanafe accufé , 5c même condamné par les Ariens fur une inculpation de rapt, a obtenu de Conftantin la révifion de fon procés : il a Temt XL V  41',3 L'Abbé des Rues. démoutré devant fes nouveaux juges | que cette accufation chimérique 5c calomnieufe , n'étoit fondée que fur ia tnalice <5c la témériré de fes accufateurs ; que fes ennemis étoient les ennemis jurés de 1'églife Sc de 1'autorité royale; que fa condamnation étoit 1'ouvrage de la plus noire cabale; enfin que toutes les régies de la juftice Sc de la nature avoient été violées a fon égard. Ce n'eft pas que le fuppliant prétende fe comparer avec un des plus grands Saints du quatrième fiècle : mais fa fituation n'eft-elle pas femplable par rapport a la calotnnie & a la vexarion de fes ennemis ? Auffi le Roi , toujours proteóbeur du fanctuaire , a déja recu la requête du fieur des Rues ; il a nommé , pour lui ea faire le rapport , un maglftrat auffi plein de fageffe que de juftice. ■ Le fieur des Rues elpère , NofTeigneurs , que fa majefté aura égard £ une requête qui fans doute intéreffera fa piété autant que fa juftice & fa cléf meuce. Mais comme il s'agit panicu^ lièrement de défendre les droits de votre jurifdidfion , ilimplore votre intervention Sc toute vptre autorité dan?  L'Abbé des Rues. 4^ «ne caufe qui eft la votre & celle de tout le clergi. Car ft , dans la fuite , le fcandale de quelque prêtre exciroit votre juftice a prendre les voies d'une procédure judiciaire , lorfque 1'accufé feroir renré de fe révolrer contre vos jugements , il invoqueroit a fon fecours la prorecfion des parlements , il appelleroir comme d'abus de vos fenren'ces, pour énerver du moins la force des preuves, & anéantir 1'information la plus légitime ; il prétendroit que la fréquentation des perfonnes du fexe avec fcandale eft un cas privilégié , fur lequel vos officiaux n'ont pu procéder feuls; il cireroir a ce fujet 1'arrêt rendu contre le fieur des Rues , pour prouver que le parlement de Paris, en prononcant fur la fréquentation des perfonnes du fèxe , l'auroit regardée comme un cas privilégié. Cet arrêr feroir donc un moyen infaülible pour renverfer les fondernents de lx chaireépifcopalej, enlever aux évêques jufqu'a la correótiondes prctres qui leur fonr foumis , & lss dépouiller de tout ce qui leur peut refter de leur ancienne jurifdiétion. Les eccléfiaftiques du fecond ordre fefont gloire} Nofteigneurs, de fe dire Vij  4fjo L'Abbé des Rues. vos enfants : ils marchent fous vos ordres ; Sc vous êtes leuts pères , leurs chefs , leurs juges, C'eft a yotre fagefle qu'il apparrient de couronner vos rravaux ; Sc s'ils ont le malheur detomber dans quelque faute, c'eft auffi a vorre juftice qu'il eft réfervé de les reprendre , de les corriger , de les punir: Sc le crime atroce peut feul les arracher d'entre vos bras. Ne permerrez donc pas que les juges féculiers enchament dans leurs prifons , Sc opprimenr .par leurs jugements des clercs accufés de fautes qui, bien loin d'être de ces crimes atroces Sc privilégiés, ne pafferoient, dans 1'efprit des féculier» les plus graves, que pour des actions qui regardent le for intérieur , dont la correétion n'appartient qu'au tribunal de la pénitence; qui doivent êtrepefées au poids du fanctuaire , & ne peuvent jamais être mifes dans les balances de la juftice royale, Jertez un regard dé" cette bonté paternelle fur un fils accablé , qui , pénétré du plus tendre refpeór. Sc de l'attachement le plus inviolable, fe profterne a vos pieds pour vous demander juftice contre des freres qui, auffi perfides Sc. plus barbares que ceux de Jt>-  L'Abbé des Rues. 461 feph , Font livré aun efclavage cruel , chargé de confufion , dépouillé de cette robe éclatante dont vous 1'avez vousmcme revêtu, nudavtrrunt eum tunica talari , Sc vouloient la teindre de fon propre fang. Ne refuïez pas le fecours de votte interventionaundiacre perfécuté, dont la perte entraineroit la ruine de Votre tribunal, qui après trente années d'étude', fe voitlanguir a la porte du tcmple , comme un miniftre inutile ou bleffé , pendant qu'il pourroit exercer fon zèle contre les ennemis de 1'églife ; qui ne defire rien tanr que de facrifier tous les jours de fa vie a la défenfe de vorre autorité , Sc qui n'implore actuellement celle du prince , que pour être rendu a fon évêque , qu'il regarde comme fon pere , donril a déja regu mille rémoignages de bonré , & a qui il veur donner , a la face de toute 1'églife , des preuves éclatantes de la foumiflion la plus tendre Sc la plus refpedfueufe. Enfin , NolTeigneurs , fi la caufe du fieur des Rues éroit regardée comme une de ces caufes parriculières qui ne mérirent pas 1'inrervention du clergé , ou fi les bruits calomnieux que de faux Viij  4^< L'Aèhê des Rues. frèresneceffentde répandre contre fop pouvoient fufpeadre vos bontés a fon egard d fe flatte du moins d'avoir accompli tout ce que fon honneur Sc ion etat éxigeoient de lm. En effet, il a demandé juftice dans tous les tribunaux d nnplore aduellement 1'autorite du prince , il réclame le fecours des eveques , il facrifie pour fa défenfe ion repos, fes biens, fajeunelfe, fa vie meme. Que peut-ii faire da van tage'> ht ieroit-il donc réduit k mettrefa caufe entre les mams de celui qui eft le juae iouveram des vivants Sc des morts&> hgo quoi erat mei cfficii prtfiiü ; nihil emphus pojfum. Ou plutöt votre relT gion , Noifeigneurs , pourroit - elle ne pas s'intérelfer dans un procés dans lequel les facremeuts ont été profanés les loix du fanduaireviolées, les droits iacres del'épifcopatfoulés aux pieds Jes privileges du facerdoce méprifés & la jurifdidion de 1'églife anéantie ? Succurrue facerdotio quoi inculcatur leges violantur 3 fas fubverthur. Sanclus Lnrilojt. torn. 4 de verbis IfaU. Tom ces raifonnements, tout cet étaiage d'erudition viennent échouer contre la juftice Sc la régularité de 1'arrêt, Unayu, dans leplaidoyer deM. Talont  L'Abbé des Rues. 465 «ue le fieur des Rues étoit coupable da rapt de Jeanneton le Fort ; .non que cette fille ne lui eut épargne la peine de la féduite. Ainfi, quand d a au de grands effotrs pour prouverqu elle etoic Toute féduite , qu'elle avoit fait part de fes faveurs a plufieurs perfonnes, ix que , par conféquent , il n'crotr pomi coupable du rapt de fédudion; d ne voyoit pas qu'il ne fe juftthoit pomt du crime du rapr qu'on appelle rap.us in parentes. Une fille déréglée érant mineure , ne dépouilie pas, par la dépravation de fes mceurs, fon pèie & fi. mere de 1 autorité qu'ils ont fur elle , & fur-tout cuand ils n'ont point pamcipe a les déréglemenrs : lis ont droit de la rcclamer ,ils efpèrenr de la ramener a une vie réguliere. Et quand un eccléfiaftique , au lieu de feconder leur de fetn, la leur ravit dans le tems qu 1 s 1'avoient retirée de fes defordres, & la garde chez lui plufieurs mois pour en abufer il eft cerrainement coupable in parentes. Le fieur des Rues a fair de stands efforts pour fe dcfendre du rapt de fédudion , & ne s'en: pas défendu de ce rapt in parentes. C eit < e qui a engagéM' Laverdy fon defenleu*  4^4 L'Abbé des Rues. I accufer la mère de Jeanneton le Fort d avoir manqué de vigilance fur fa conduite. Le fleur Merlier a trempé dans ce «pt : 11 etoit d'ailleurs coupable du cnme d'avoir fait un mauvais commerce de filles , commerce dont le nom eft fi odieux. II eft cexrain que ce crime c*s *°y*l i qui mérite une peine sffhéhve. Le roi, par fa déclaration du ij juillet 171 5 , ordonne que, pour ce crime, il fera procédé par récolement & confrontation , & par appel i la tournelle. On eft coupable de ce delit quand on tient un lieu de débauche. Quelque honteux que fulTent les exces ou donnèrent ces deux eccléfiaftiques, le décri oü ils étoient tombés dans leur ordre , leur jufte puniriou mfh^ee par les juges eccléfiaftiques, 1 applaudiffement que ce même ord-e a donne aux jugements qui les ont condamnés : tout cela fait 1'éloge du clergé , loin que ces exemples donnent atteinte a la vénération qui lui eft due»  46) * FILLE MAR1ÉE contre le grè de fon père, Le fieur le Brun de Saint - Vattery prévót-général- honoraire de Mie de France, avoic téfolu, pour des mout* d'inrérêt perfonnel, de reremr dans ui» célibar perpéruel, une fille umepe qu it avoit j & , pour être certain qu el e n èpouferoir perfonne i fon infeu d avoit formé , au mariage de cette fille, une oppofuion indéfinie ; c'eft-a dire , qui n'avoit point de terme pour la durce & qui ccMicernok quiconque afpirerois a devenir fon mari. Quand elle eut atteint- 1'age de 15 ans M. Pourchereffe de Vertières * préfident en la chambre des compres , cour desaydes, bureau des- finances de Dole en Franche - comté , fe prefent» pour lui donner la main. Le père retuïa la main-levée de fon oppotraon 5> fous-prétexte que M. de PourchereUe étoit d'une familie fujette »la demence „ qu'il avoit été Jéfuite pendant deuxateï» T Y V.  4^6 Fille mariée qu'il avoit écé fotdat, puis cordelier : il avoit fait profeffion a Tours, dans un convent régulier , cue l'on ne défignoit pas autrement, & qu'enfinil étoit actueliement dans les hens d'un premier mariage. Ces faits furent pia[dés au chatelet par M. P. avocat du deur le ƒ run. JU compofa, en même-tems, & fit impnmer des mémoires danslefquek attaiqü^C',fans m™agement, 1'honneur de M. de Pourchereffe perfonnellement.&de toute fa familie. Interent fentence, Ie nao«i7+7) qui fis mamdevee de 1'oppofition formée pat ie fieur le Brun au manage de fa rille , iautonfa a paffer outre , non - obftant kdtte oppofition , & rit défenfes au ~ P' °e figner de pareik mémoires. Le freur le Brun interjetta appel de cette fentence , relativementi la mainievee donneea fa fille. Francois P. s'en porta aufli appellant fur le dief des défemes qu. lui avoient été faites relatives a fa profeffion ■ foutenant que le chatelet n'avoit point de jurifdióhon fut les fonéhons des avocats recus au parlement, & qiu exercoient leur mimfrere en cette Cour fouveraine : & demanda qu'il ffit fair défenfes au lieuce-  contre le gré de Jon père. 467 nant - civil de plas connoitre, a Paveoir, de pareüles matières. M. de Pourchereffe préfenta une requête, le 8 mai 1748 , par laquelle il demandoit atFe deceque « actenduque „ M. Buirette fon avocat lui avoit _de„ claré qu'il n'entendoit pas foutenir la „ compétence des juges du chatelet par „ rapport aux difpofitions de la fentens, ce dontétoit appel, qui concernoient » Francais P. il déclaroit qu'a cet égard n il s'en rapportoit a la prudence de » la Cour , 8c demandoit cependant » que toutes les conclufions par lui pri» fes au fujet des mémoires compofés » par ledit P. lui fuffent adjugées ». Après que M. Marchand , avocat du fieur le Brun & de P. & M. Buirette , avocat de M. de Pourchereffe 8c de la demoifelle le Brun eutent été entendus pendant cinq audiences , M. Joly de Fleury . aujourd'hui préfident a mortier , 8c alors avocat-général, dit que 1'autotité paternelle , fur-tout quant aux mariages des enfants de familie, étoit infiniment refpe&able ; elle rire fon origine du droit naturel' ? le droit civil Pa atmée de toute fa puiffance , 8c a même fait, du défaut de confentement du père j un euipêchement dirimant au  468 Fille mariee mariage de fes enfants. On a regardé ce pouvoircoinme un frein qu'il falloit oppofer a la fougue des paflions d'une jeunefte qui , dans fon aveuglement , fe précipiteroit dans des alliances réprouvées par les bienféances, par 1'honneur, par les circonftances de la fortune , Sc qui feroienr même fouvent funeftes. On père ne cherche que le vérirahle intérêt de fes enfants ; il eft de fang froid , Sc difcerne ce qui leur conyient de ce qui peut leur nuire.. II feroit inj'ufte d'ailleurs qu'une amourerce mit dans fa familie un gendre, ou une bru dont il ^auroit a rougir ; de voir fon fang mêlé avec un autre fang qui le déshonoreroir, Sc de fe voir conrraint de reconnoitre pour fes petits enfants , des enfants iftus d'une race réprouvée par 1'honneur. II feroit injufte de lui donner, fans fon confentement , une lignée pour laquelle il auroit lieu de craindre les horreurs, de Ia mifère Sc de h pauvreré. Ennn , abftradion faite de toutes ces confidétations , lecho'ix des perfonnes avec qui d veut faire alliance, ou du.moins le droit d'empêcher qu'on ne les choiirifè contre fon- gré , eft une déférence due a la dignité paternelle , dignité qui eill'ouvrageducréateur luimême^ •  contre le gré de fonpere. 469 * Mais ce pouvoir a des bornes; c'eft un frein pour réprimer une impétuohté aveugle , & prévenir les maux qu elle pourroit faire nalttej 8c ce n eft pas le pouvoir tyrannique d'un deipote , qui peut , fans autre raifon que le caprice de celui qui 1'exerce , condamner ï un célibat perpétuel des enfants deltinés par la nature a donner des iujets i 1'écat, Sc a contribuer a la propagation de 1'efpèce. Les loix qui foutiennent avec tant de rigueur 1'exercice de ce pouvoir, le tempèrent par des exceptions que la fagelfe &c la juftice ont dictees. A ; , Elles autorifent les garcons ages^ de ,0 ans, & les filles agee$ de 15 , a ie marier valablement, pourvu , porte 1 edit du mois de février 15 56 , qu j)s ie foient mis en devoir de requerir 1 avis &c confeii de leurs père Sc mère. Cette requif.tion fe fait par des fommations que l'on appelle fommations refpeétueufes Cette précaution , quand elle ne feroir pas fuivie du confentement qui eft demandé, garantit les enfants qui la prennent de 1'exhérédation que leurs pères 5c mères pourroienr prononcer contre eux. Ce n'eft pas que les garcons quibravent 1'exhérédation ne puit  47© Fille mariée fent valablementfe marier, quands ils font parvenusdragedezj ans,quoiJ* ril n aient pas atteinr celui de trente. Mais nen alors ne peut les garantir de cette peine, qui s'étend fur toute leur poftente ïffue de ce mariage. Ces loix ne font même pas toujours emervees a la rigueur. 11 s'eft rencontré des cas ou les Cours fouveraines ayanc reconnu que le refus des pères ou des meres eroitinjufte , ont permis aux enrants mineurs de contraórer des mariages que le refte de la familie trouvoit avantageux. Mais ces cas font rares Se a prefompnon eft toujours en faveur de • ï autorité paternelle. Quoiqü'il en foit, la demoifelle Ie Brunetoitagcede25ans; eile avoit droit par-confequent defe marier fans Ie confentement de fon père , oourvu f Ü ?> e^ P'^, de la part de celui qui eroit 1 objet de fon choix, d'obftacles reiultant de hens antérieurs & incompanbles, ou que Phonnêteté & la décence ne soppofaifent pas i une alliance dont le delft feroit infpiré par une paffion aveugle. C eft ce que nous alions examiner en peu de mots, d après M i avocat-general. M. de PourcherelTe avoir, il eft vraj ,  contre le gré de fon père. 471 porté 1'habit de jéfuite pendant deux ans ; & l'on argumentoit d'une prétendue déclaration de 1701, qui, difoit-on, déclaroit ceux qui avoient porté cet habit pendant cet efpace de tems , incapables de fuccéder. Mais cette déclaration ne fe trouvoit nulle part; & voici quelle étoit la junfprudence fur cet objet. On connonToit, dans cette pretendue fociété , deux fortes de vceux ; les uns fimples les autres folemnels. Les premiers ne lioient point la fociéte envers celui qui les avoir prononcés. Mais, pour conferver le droit de congédier les fujets a fon gré, elle différoit le plus long - tems qu'il étoit pofnble , rémiffióri de ce qu'on y appelloit les derniers vreux : encore a~t-on appris, lorfqu'on eft enfin parvenu a pénétrer dans les conftitutions de cette affociation * que 1'engagement contraólé par cette detnière formalité n'étoit pas réciproque. Les fupérieurs confervoienr toujours le droit de renvoyer les profes^ fans que ces profès puflenr, d'eux-meines , rentrer dans le fiècle. Cette politique pouvoit occafionner beaucoup de troubles dans les families. On étoit expofé, tous les jours, a voir un jéfuite congédié venir demander fa part  472 Fille mariée dans des fucceffions partagées entre les autres co héritiers , qui avoient pris des arrangements d'après le laps de rems qui les avoit induits a croire que 1'en- gagement du réclamant étoit devenu irrévocable. Pourprevenir ces abus, le Roi, fur les remontrances du parlement, donna une déclaration , le 16 juillet 171 5 , qui portoit qu'a compter du jour de 1'enregiftrement, tout jéfuite qui feroit congedié après 1'émiffion des vceux fimples, & avant 1'age de 3 3 ans accomplis, rentreroit dans tous fes droits échus ou a échoir, avant & après lefdits vceux fimples fans néanmoins aucune reftitution de fruits jufqu'au jour de la demande faite depuis la fortie de la compagnie. Mais que ceux qui feroieht congédiés après lage de 3 3 ans ne ponrroient avoir ni prétendre aucune part dans les fucceffions direcles ou collaterales échues , ou a échoir. II n'y avoit donc point, dans cette prétendue fociété , d engagement civil avant 3 3 ans. Or , Ioin que M. de Pqurcherelfe eüt acquis cet aae chez les foi-difant jéfuites, il n'y étoit pas encote arrivé au moment de la plaidoierie. Son entrée chez eux ne formoit donc aucun ©bftacie a fon mariage.  contre le gré de fon pere.. 473 S'il avoit ete foldat , s'il avoit porté 1'habit de cordelier fans faire de vceux , ces circonftances étoient encore ëtrahgères au deflein qu'il avoit formé de fe marier. ■ Quant a la profeflion que M. le Brun prétendoit qu'il avoit faite dans un ordre régulier a Tours , c'étoit une pure allégation, dont on ne rapportoit aucune preuve : & M. de Pourcherefte , au contraire, faifoit plus qu'on n'avoit droit d'exiger de lui; il fourniflbir une preuve négative , en rapportant des certificats émanés de tous les couvents de Tours, qui atteftoient qu'il n'avoit fait de vceux dans aucun. Le mariage dans lequel on prétendoit qu'il étoit a&uellement engagé, demandoit un peu plusd'attention. Ilrapportok l'aifte de célébrarion de fon mariage, &: 1'extrait mortuaire de fa femme. Dans le premier, elle étoit nommée MargueriteJeanne Alberti; dans l'autre, Marguerite Alberti feulement. Ce nom de Jeanne ne fe trouvant point dans 1'extrait mortuaire, donnoitiieude douter, au moins juridiquemenr, que ces deux aftes fuf- fent relatifs au même individu: mais il en naiffoit toujours un fort préjugé en faveur de i'identité , d'autant plus que  476 Fille mariée contre le gré, &c> fait defenfes au nommé P... de fijner a 1'avenir de pareils mémoires; & faifant droit fur lesconclufïons du procureur-général, il fut fait défenfes aud. P. de plus a 1'avenir faire, compofer & figner de pareils mémoires, la fentence au furplus contirmée. Les mémoires fignés P.... fupprimés comme injurieux ; ordonne qu'il feroir dreffé procés-verbal de la radiation qui en feroit faite par le greffier de la Cour. Ordonné en outre que P... demeureroit rayé du tableau des avocats : permis a M. de Pourchereffe &e a la demoifelle le Brun de faire imprimer & afficher l'arret, même hors 1'étendue du reffort aux frais & dépens du fieur Ie Brun & de P.... qui furent condamnés en tous les dépens. Fin du on^ième Volume.