VERZAMELING W. H. SURINGAR  CAUSES CELÈBRES E T INTÉRESSANTES, A VE C LES JUGEMENS QUI LES ONT DÉCIDÉES. Rèdigèes de nouveau par M. RlCHER, ancienAvocat au Parlemef^^ G^£?\ a£> TOT TOME DO xjwi ku m \ . I "o VEHS ET ESI lij S » I ^ AMSTERDAM, Chez Michel RnEïr 1776»  Et fe trouvent a Paris 3che? - L'a veuve Savoie , rue S. Jacques.. Le Glerc , Quai des Auguftins. Humblot , rue Saint-Jacques. Cellot, Imprimeur, rue Daupliine^.. La veuve Desaint , rue du Poin. DüRAND , neveu, rue Galande. NyoN;, rue Saint-Jean-de-Beauvais, ' Delalain, rue de la Comédie Francoife. Moutard , Quai des Auguftins, Bauv, Quai des Auguftkis>..  TABLE DES CAUSES (Sontenues dans ce douzième Volume» • Les nouvelles Caufes font marquées d'une ètoile. . £HANOINE quon refufe d'ad— mettre 3 a caufe de la petitejjk de fa taille, Page i: Queflion d'Etat, 75 * La belle Tonnelière 3 114^ Fille qui 3 de légitime qu'elle ejl s. veutfefaire déclarerbdtarde, 40$ * Affaire des cent-un Tableaux, 443 * Affaire du jieur Grillet, 471. * Hijloire du tejlament de M. Ger~ - main de Saint -Genys , 474 Fin de la Table..  C AUSES  CAUSES CÉLEBRES E T INTÉRESSANTES, Avec les jugemens qui les ont décidées. CHANOINE Qiion refufe d'admettre , a caufe de la petitejfe de fa taille. Un canonicat de 1'cglife de Verdun vaqua par la more du fieur ThomaJJïn. Le fieur Houvet, chanoine , qui étoit dans la femaine oü il devoic nommer a fon tour , jetta les yeux fur le fieur Duret fon neven. Tomé XII. A  2 Chanoine quon vent refufer Le n Septembre 1753 , Ce choix allarma le chapitre, Ce ne furent ni les mceurs , ni le caraólère du nommé qui indifposèrenc ies chanoines : mais il éroit d'une petire taille , & avoit une jambe rortne. Ces défauts les révoltèrent au poinc qu'il lui fut djt, en plein chapitre , qu'il éroit un hom me fcandaleux. Le chapitre écrivit a 1'archevêque de Paris, qui avoit ténfufcë le fieur Buret, Sc a 1'évêque de Verdun pour lui demander fa proteciipn , dans le defleiti ou étoit cette compagnie de ne point recevoir le "fieur Duret. Le fieur Bourc crut qu'il étoit bien fondé a jetter, fur le benefice , un dévolut. Le Roi lui en accorda le brevet, Cet incident fit evoquer 1'arTaire au grand-confeil. Les réponfes que les prélats firent au chapitre ne favorisèrent p.is fon opinion. Les avocats qu'il confuita ne décidèrent pas au gré des chanoines. Ils fe déterminèrent cependant a plaider ; Sc voici les motifs exprimés dans la conclufion capitulaire qui refufoit 1'admiiïïon da fieur Duret. Le fieur Duret efl: d'une dirForrnité diCspius frappantes. Chaque chanoine, fuivant les régies de 1'églife de Verdun,  -paree quil ejl trop petit. a itantobligé de faire les ronétions attachées a fon état, il ne pouvoit s'en acquitter avec décence. Le fieur Duret étoit peu propre a 1'étar écclcfiaftique. 11 n'avoit poulfé fes études que jufqu'en rroifièine : enfuite on 1'avoir placé en apprenriffage chez un raanre bontonnier ; il avoit exercé ce métier pendant trois ans \ il y feroit encore , fi le fieur Houvet fon oncle ne 1'avoit retiré de la boutique oü il travailloit, pour le faire tonfurer, & le nommer tout de fuite. Une pareille nommation, tant par rapport a la figure du fieur Duret 5 qu'a caufe de 1'état oü il a paffe , fait injure au chapitre ; elle eft peu conforme aux canons & a la pureté des faints decrets. La feule difformité avoit déja fait refuferun pourvu ; il y a un pareil uf-t^e* dans 1'églife de Toul , qui a été confirmé par arrêt j tels font les motifs du. chapitre de Verdun. Cette délibération ne renferme aucune contravention aux faints canons , ni aux loix du Toyaume, n'a pour objet que de maintenir , dans 1'églife de Verdun , une difcipline conftante & invariable, qui confifte dans 1'adoption de Ia difpofition précife 8z littérale du lé.viüque, chap. 11 , verf. 16 & fuiy. Ai»  4 Chanoine quon veut refufer Perfonne n'ignore que , par ce rexte facré , Dieu lut-même avoit exclu du miniftère de fesautels, toutes les perfonnes affligées de quelque difformité corporelle. Locutus eft Dominus ad Mo'ifcm , dicens : Loquere ad Aaron : Homo de femme tuo per famïlias 3 qui habuerit maCulam , non ojjeret panes Deo Juo 3 nee accedet admimfterïum ejus ;fi c&cusfuer'u 3 Ji claudus 3 fi parvo 3 vel gmndi 3 vel torto nafo , Ji fraelp pede , fi manu , figibbus 3fi lippus , fi a'lhttgmem habens in oculo ,fi jugem fcaiiem 3 fi impetiginem in corpore3 vel herniofus. Le Seigneur a parlé a Moïfe , & lui a dit : Dites a. Aaron , qu'un home de fa race, divifée en plufieurs families , qui aura le corps défe&ueux , n'orFrira point a Dieu le pain de propofition , & n'exercera point le miniftère des autels ; s'il eftaveugle , boiteux • s'ii-a ]e nez grand, ou per.it, ou tortu; s'il a le pied fracturé , ou la main ; s'il eft beffu , chafiieux , qu'il aitune taiedans 1'oeil ; s'il a une gale incurable , ou une dartre vive 'y s'il a une hernie. Si l'on parcourt les annales du chapitre de Verdun, on trouvera que cettö difcipiine, établie par les iivres faints,  paree qifil ejl trop petit. % fut toujours ptatïquée dans 1 'églife de Verdun. Un pourvu par le pape , le & avril i431 , 'Fut reEifé a caufe de fon inhafcilété. Dans la même année, le chapitre refufa un barbier qui n'avoit aucune teinture des lettres. Un garcon boutonniér ne doit pas être plus privilégié qu'un barbier. En 144S 011 recut Jean Tarclif, quoique difforme , fous des conditions extrèmement onéreufes. II fut chargé de retirer , a fes ftais , des efFets précieux que le chapitre avoit mis en gage, & de libcrer des fonds qui étoient hipothéqués pour des fommes confidérables. Jean Latcy , hom mé a la coadjutorerie d'un c'ariónicat par le pape , fut refufé par le chapitre le 13 juiller 151 o, a caufe de fa grande difformité , étant boiteux des deux cötés. II eft vrai que le 15 mai 15 11 , afin d'obéir au pape , on recut ce même fujet : mais ce fut après une longue réfiftance qu'on céda a rimpreffion de 1'autorité du pape , dans un tems oü Verdun n'avoit point encore le bonheur d'être foumis a la domination francoife , tk oü on n'avoit point la voie ouyerce d'appel comme A iij  f, , Chan°'tnequon veutrêfurer dabus^aurfegarandr des enVeprife* de Ja cour de Rome P t 5 dlfCIPhne eft obfervée dans I* chamtre: de Met, & dans deux L resdeTrev^es. IJ fuffira de rappj r iï£tKn4 e«W delfde reuif £e"r DrGman.ë'in > bo/Tu & boi- E|frr1".^fi^ dans Wies JgWes collégiales & cathédrales, ef%a, de la part de ce cfi ifre g proces tenmné aravan Puch' 2.QU 1 mai 1 tf* 8, intervenu fur »ae Plamoieriecontradidtoire &fur les concIuWdeM.ra,W. Vorci ceo' e frononce eer arret. V "Ordonnequelesftaturs de 1'églife -deTcml des années im&1<^0 .ferontexectltés&obWs)& 5 . ? cllns.oorgnes, boiteux, bofTus & com " tr™s > oa f^ant aucuns défauts ex« primes par lefdits ftatuts , ne pour» rometre admis apofTéder aucune di» gmte , chanoinie, prébende & béné" fice en hd"? églife. Et en confé" quence , ordonne que Iedic Doman-  paree qu'il eft trop petit. 7 » jy/z fera teriu de fe démettre de ladite » ehanomie &: prébende de la même ti églife , dont il eftpourvu , ès taains sa d'une perfonne capable de la poffé5» der , & ce dans un an, fans dépens » entre les parcies »< Jamais on n'oppofera rien de folide a l'autotité de cepréjugé folemnel, intervenu en faveur dJune églife ganre de Trèves , qui , par rapport a 1'exclufion des fujets difformes & conirefaits, fe gouverne par les mèmes régies que 1'églife de Verdun. La déiicateife que le chapitre a , fur 1'admiffion dans fon égliie des fajets difgraciés , ne fe borne pas aux canonicats , elle s'étend fur les chapelles j on en pourroit citer quelques exemples. Teis font les monumentsexiflants dans les regiftres de Verdun , qui conftatenc ladifcipline de cette égliie , conforme au lévitique , pour exclure tous les fujets qui font aniigés de quelqu'une des difformités corporelles iudiquées paf ce livre facré j difcipline qui s'eft maintenue depuis trois fiècles , & qui n'eft pas particuliere a 1'églife de Verdun , mais qui lui eft commune avec toutesles autres églifes de la province eccléfiaftique de Trèves. A iv  § Chanoine quón 'veüt refüfer L'on ne peut pas fe perfuader que Ie eonfeil juge abufif, & contraire a Ia pureté des régies, nn ufage fondé fur un texte facréqui ne produit d'autre efFet que de rendre plus décente & plus majeftueufe la célébration du fervice divin dans une cathédrale diftinguée , & qui a été expreffémenr confirmé, en connoilfance de caufe, par leparlemenr, en faveur du chapitre de Toul. Dira-t on que le fieur Duret n'a aueune difrormité qui puiffe le rendre iniaoile a pofTéder un canonicat de Verdun ? II eft facile de fe déterminer fur eette queftion de fait , par lafeule infpeócion de fa perfonne ; & quelque artiüce qu'il emploie pour cacher fa difformité , on appercoit, du premier coup d'ceil , qu'il eft entièrement difgracié de Ia nature : & fi le eonfeil veut inftrmre plus particulièrement fa religion , une vifite de medecins & de chirurgiens, nommés d'office, qui fera faite en préfence de deux chanoines de Verdun , manifeftera des difformités que le fieur Duret affedte avec grand foin de cacher a la faveur de fon habit long , & que tout le monde appercevoit d'abord, dans le tems qu'il bornoit fon ambitioti a être apprentif boufonnier.  paree qu'il eft trop petit. 9 Pour appuyer ces moyens, & ies rendre fenfibles aux yeux des juges^, le chapitre députa , pour la folllcïtation , deux chanoines de la plus grande taille, qui, aPaudieriee, affectoient de fë placer auprès du fieur Duret , afin que la comparaifon le fit paroïtre encore plus petit qu'il ne 1'étoit réellement. Voici les moyens qui furent employés pour la défenfe du fieur Duret. Premièrement, a Tégard de la difformité frappante qu'on lui attribue , ce reproche lui eft faie fans fondement. Le fieur Duret eft de petite taille, il eft vrai , mais il n'eft point nain ; il ne boite point, & n'a aiicun défaut au vifa^e , ni aux mains j il n'a aucun défaut aux jambes. Les défauts corporels , qui portent 1'exclufion pour les ordres & les bénéfices , font fixés par le droit, & détaillés par les auteurs. 11 n'ift pas permis de les étendre k fon grê : telsfontles défauts denaiftance lcgitime & les défauts de fèxe, la mutilation volontaire, la diftormité qui fait horreur : tels font encore les aveugles , les borgnes, les fous , les épïleptiques ; ceux a qui il manque un bras , une main, ou une bonne partie de la A v  io Chanoine quyon veut refufer fnain , ceux qui ne peuventfe foutenir fur leurs jambes : cels font encore les boffiis & fes boiteux qui ne peuvent marcherni fe foutenir fans baton. If n'eft point queftion en tout cela de la petite taille, qui n'a jamais écé réputée ni irrégularité , niincapacieé. Mais , fuppofë pour un moment que la figure du fieur Duret donnatlieu de douter s'il eft irrégulier , ou non , par fa diftormité, il eft sur d'abord qu'if n'eft pas dans le rang des irréguliers mijeisi-s dont on vient de faire le détail , qui font exclus, de plein, droir , de Tentrée de leglife. II ne pourroit donc au plus avoir qu'une de ces irrégulantés moindres , qui font entiéremen*\lz difpofrtion & au jugemenc «b 1'éyèque dioeéfain. Or , en^ce cas mèms, ounepeutie refufer , puifque fon archevêque Pa jugé capable" de reeevo'n la ronfure, ëc d'entrer dans le clergé. Ce n'eft point au chapitre a juger de ces matières , & encore moins a ïéformer les jugements des évèques , qui en fónr les feuls juges. II eft fans qualité pour cela , & vient trop tard reprocher un défautqui n'eft point réel., ea qui a écé levé & difpenfé par lor4inairev  paree quil eft trop petit, 11 Gibert(i) dans fes infticutions eccléfiaftiques, page 204 , dit, avee les autres jurifconfultes dont il n'eft que Pécho , que c'eft ï Pévêque a juger quelles font les dirformités qui doivent exclure des ordres : « C'eft a lui aufli a. » examiner li les talents des perfonnes (1) Jean-Pierre Gibert naquit a Aix en 16 '0,' ou il fut rec;u docteur en droit & en théologie. Appellé a Paris par le goüt de 1'étude , 11 y vécut dans la retraite & dans la fimplicité évangélique , & refufa conftammenï tous les bénéfices qu'on lui ofFrir. Quoiqu'it fut, de tous les canoniftes du royaume , le plus confulté & le plus laborieux , il vécut & mourut pauvre en 1736. Les principales produftions de fa fcavante plume font: i° mémoires concernant Vécrhurc fainte, la théologie fcholaftïqut, & l'hiftoïre de l''églife , 1 vol. in* 12 , qui n'a pas été continué. 20. Inflituiions tccléfiafliques & bénéficiales, fiüvant les principe1 du droit comman & les ufages de France. La deuxième édition , auginentée d'obfervations importantes , puifées dans les mémoires du clergé , eft en 0. vol. in-4°. 30. Confultatïons caneniques fur les facrements en général & en particulier, 2 vol. n-\i. 4°. Tra* dition , ou hifloire de réglif.- fur le facrement dt mariage , 3 vol. in 4°. difpenfe fe donne ordinairement fans » lettres , & par aótion 5 c'eft-a-dire , » pat la collation aótuelle des ordres , » 011 des^ bénéfices , k des perfonnes» dont levêque cofinott la difformité " qui eff route vifible. De-la vient que , » voyant tous les jours promouvoir aux » ordres des boffus , des boiteux, des » borgnes , Sec. fans difpenfes expref» fes , on s'eft imaginé que de telles » difformités nerendent pas irréguliery cè qui eft une erreur groifière », On voit, par ces termes de Panrëur, cpse 1'empèchément provenant des défauts dit corps qui rendent méprifable , eft entiérement a la difpofition de 1 ordinaire, dans les cas mêmes des difformités confidérables 5 qu'il en peut difpenfer , & en difpenfe fans accorder des lettres , & par la collation de 1'ordre. A plus forte raifon Ie peur-il dans les cas moindres & douteux» Le même auteur dit encore, pa^é>14 : « II y a quelques défauts du corps » dont levêque difpenfe 1 telsfont ceux » qui regardent les Jambes & les pieds ; » les jambes , fi elles font tormes , fi » ehes font trop petites par rapport i » Ia groffeur du corps, & trop foibles  paree quil efl trep peut. i j « pour le foutenir j fi 1'une eft plus m courte que 1'autre : les pieds, s'ils » fonr tournés en dedans , s'ils lont k informes. Telle eft auffi la bofTe r » groffe ou petite, doublé ou fi'rnple , » &c. La difpenfe des autres irrégula» rites , ex defe 'u, appartient encore a » 1'évêque pour la tonfure , pour les » ordres mineurs , & pour les bénéfin ces fimples ». Et il avoit dit , page 203 , » les canonicats font du nombre » des bénéfices fimples , pour ïcfquels » 1'évêque peut difpenfer M. Fuet, (1) auteur du traité des maiieres bénéficiales , dédié a M. Ie comte de Clermont , page 278 , dit r en parlant des défauts du corps r 011 » ne s'arrêtera pas davantage fur eet » artrcle , paree que ceux qullregaïde, »> pourront s'en rapporter au jugement » Sc a la prudence des évêques , qui » font les feuls juges a qui il appar» tient de connoïtre de ces matières >jv Quand on lic ces auteurs , qui font (1} Louis Fuet, avocat au parlement de Paris , mort en 1739, agé d'cnviron 50 ans ,. eft auteur d'un traité eftimé des matières bènéficiates. M du Roujfeau de la Corhbe 1'a fondu dans fon recue.l di la 14rifpruden.ee camnique.  14 Chanoine qit'on veut refufer fondés fur les principes les plus foiid.es du droit, & for 1'ufage du royaume , on ne peut douter que le fieur Duret, ad mis a la tonfure par fon ordinaire après lexamen fait de fa perfonne &c de fa capacité , ne puiffe poneder Ie canomcat de Verdun , & que le refus qui a étéfait, ne fok injufte. Mais, fuppofé que le chapitre ne fut pas parfaitement éclairci s'il avoit les quahtés néceffaires , il falloït qu'il coniu fat d'habiles canoniftes. II les a confultes : ilsont décidé que le fujet n'avoit aucime ineapacité. La paffion obligea le chapitre a fermer les yeux a fes lumières , & a s'opiniatrer dans fes fauiïès idéés. Le fieur Duret eft fous les yeux du eonfeil : on jugera sll eft d'une difformité des plus frappantes. II convient qu'il n'eft pas de figure a faire un beau cavalier : maïs ne peut4I pas etre un bon chanoine, paree que fa taille 1'empecheroit d'entrer dans les troupes ? Secondement, on veut que Ie fieur Duret ne puiffe faire les foiiftions attachées a fon état, paree qu'il ne pourroft pas s'en acquitter avec décence. Dans 1'églife de Verdun , Ie fervice n eft point attaché a la perfonne en-  paree qiïil eji trop petit. i <$ forte qu'elle fok obligée a le remptir par élte-même. II eft vrai que les chanoines font tenus de faire le fervice de Pautel Sc au chceur par eux-mêmes , c'eft - a - dire , par le corps des chanoines > a l*excUtli©n des officiers fubalternes, pour l'avrtel j & par le miniftère des fubalternes» pour les foncKons du cheeur. Ceci mérite explicariorï. Les fondions du chanoine font de deux fortes j 1'afiiftance a Poffice divin , èc le fervice a Pautel Sc au chceur. La première fonction , qui eft Paffiftance x eft la principale & PefleiuieKe : elle doit êtra remplie perfonnellement: on ne peut i'acquitter par un commis i elle eft du droit étroit Sc de rigueur : aucxm n'en eft difpenfe, finon les malades Sc les autres privilégiés , occupés aux aftai*res de 1'églife & de l-'état. Cette partie admet des excufes, route rigoureufe qu'elle eft: parcpnféquenr celle qui coniifte dans le fervice de Pautel peut avoir auffi fes excufes Sc fes exceptions. Ces excepnons font tondées dans les ftatuts mêmesde Pégl^è, &. dans fon ufage de tous les tems, tant pour Pautel que pour le chceur. Par le fervice de Pautel, on entend les fonc-  16 Chanoine quon veut refufer tions de prëtres, femainiers, de diacres & de fous-diacres. Par le fervice du chceur, on entend Pobligation des quatre derniers chanoines qui font dans les ordres facrés , .de porter la chappe , & de faire chceur tous - les jours de Pannée a leur tour. Cette fonction pénible a déja été retranchée : elle a été exercée par des chapelains , gagés par les nouveaux chanoines. 11 eft déja conftant, a eet égard, que les chanoines ne font plus obligés de faire le fervice par eux-mêmes. Refte le fervice de Pautel , qui ne peut être rempli que par des chanoines a leur tour , ou par ceux qu'ils commettent; car il leur a roujours été permis de choifirquelques-uns de leurs confrères, pour rempiir leur place. Cela fe prouve par les ftamts & par 1'ufage. Ces ftatuts fureut rédicrés en Pannée 1667 , par ordre du chapitre : il les a approuvés , & üs font relus tous les ans dans les chapitres généraux de réforme, comme 1'unique règle des chanoines. lis ont encore été approuvés par levêquefupërieur du chapitre. De-la plufieurs conféquences. i°. Tout chanoine n'eft pas eens  paree qu'il eft trop petit. 17 perfonnellement de faire fes femaines j a moins qu'il n'ait la faculté de bien prononcer , Sc la fciesce du chanc & des cérémonies. II n'eft pas dit que ceux qui n'ont pas cetre faculte feront'incapables du bénéfice ■ qu'ils en feront exclus, ou forcés de le quitter. 11 n'eft pas même dit qu'ils travailleront a 1'acquérir , fous peine d'être éloignés du miniftère. On fcair que les incapacités de bien prononcer & de bien chanter font quelquefois invincibles. On exige , dans ces cas , que , rant les prêtres que les diacres Sc fousdiacres , ne s'ingèrent point de fe mettre au grand autel, & qu'ils commertent en leur place. i°. Ceux qui font dans Pimpuiffance de fatisfaire a ces devoirs, doivent avoir foin d'y commettre des perfonnes capables. Ces devoirs peuvent donc être remplis par un confrère qui a les qu'alitéi requifes , au défaut de celui qui ne les a pas. 30. A 1'égard de ceux de médiocre doctrine , il n'y a d'autres peines , que de prévcir leurs offices pour éviter les fautes. 4°. Les chanoines , dont Yjnfirmité fera telle qu'ils ne puiflent oflicier pu-  18 Chanoine qu'on veut refufer bhquement fans exciter du fiaale & da me ls> celébreront en particulier, nors dc ia vue du peuple veu°7!e P?UC de forc en favetnc^s chanoines qui Cnc les plus grands défauts corpcLs. On net e.c.uc point du canonicar , m même des fondxons facrées : ou exige fenle*ïent qu'ils celébreront en particulier pour emer Ie fcandale; car , par le' rerrne **f^.m*i^^£ * pas le pouvoir ni la force de gomV d „ien b]i ien iecret, maïs les défeéfcuofités corporeles, qu,.peuvent excirer Ie fcandale & iemepns, &qui ne doivent pas empecher de celébrer les faincs myftères «n feeree, a celui qui eft revêtu da caractere facerdotal. 5°; L'affiiWe a 1'office divin éranE Ia principale partie du devoir d'un chanoine I eflence de fon érat, & ja ferme de fa profeffion , celui qui eft habile pour remplirce devoir, Be peut etre regarae comme incapable de ren,purfes foncbions, quand même il ne pourrou pas remplir les autres. * • II v a une dafTe de chanoinescleres , dus acolytes , dans 1'églife de  paree quil ejl trop petit. 19 Verdun , qui ont leurs fonérious marquées , fcavoir, de porter la croix aux procellions. On ne doir pas exiger de ceux-la d'autre capacité que celle de remplir cetre fonction qui eft attachée a leur place , par les ftatuts. Les prébendes n'étanr point facerdotales , il eft libre a un chanoine de refter dans letar de clerc toute fa vie : auquel cas il n aura befoin que de la capacité de potter la croix , de chanter 1'ornce , & de lire une lecon au chceur; &c ayant cette capacité , il a tour ce qu'il lui hut pour exercer les fonctions de fon bénéfice. Ces obfervations font fondées fur 1'ancienne difcipline de 1'églifé. Le3 chapitres des cathcdrales repréfentent i'ancien clergé (1) , les anciennes commuuaurés eccléfiaftiques , formées de tous les différents degrés, qui fervoient, chacun dans fon osdre , a la célébration des faints myftères; &c chaque fujet étoit attaché, pour fa vie , au grade dans lequel il avoit d'abord été placé, Cette branche de la hiérarchie primi- (1) Décret de Gratiën , diction 92, can; cantamts. On faifoit faire la fonction de chantres aux fous-diacres & aux cletcs inférieurs.  20 Chanoine qu'on veut refufer tive s'eft confervéje dans 1'églife de Verdun. II y a maintenant, & on a toujours vu des diacres &c des fous-diacres permanents , que le chapitre n'a jamais contrahits de s'élevejr a la prêrrife. II réfulte de tour ceci, qu'il n'y a pomt de régie qui prefcrive aux chanoines de Verdun de rempür perfonnellement leurs fonctions , enforte qu'ils ne puiflent pas les faire rempür par leurs confrères; & que le refus fait a {'appellant ,fur ce motif, eft injufte & mal fon dé. Ainfï Pappellant étant capable de remplir la principale fonction , qui eft 1'afliftance au chceur , & les fonctions de clerc , on n'a pas dü Ie resteer. II ne s'agit pas des fonctions des ordres facrés : il n'eft queftion que de celles de la cléricature. Les ufages de 1'églife de Verdun concourent, avec les ftatuts, a prouver que les chanoines ne font point obligés a remplir perfonnellement leurs fonctions , & qu'ils ont une entière liberté d'y commettre leurs confrères. Plufieurs chanoines , même aótuellement g ne font pas leurs fonctions par eux-mêrnes; & onen a vu pendant qua- ' rante & cinquante ans ne les avoir pas  paree quil efl trop petit. 2. t femplïes une feule fois , fans avoir jamais efiuyé, a eet égard , aucun reproche. Pourquoi donc fonder le refus fait a l'appellantjfur la prétendue obligation perfonnelle d'une charge qui n'eft point commune , Sc dont tant d'autres ont été difpenfés ? N'eft-ce pas avoir poids Sc poids ? Si la régie eft indifpenfable , aucun n'en peut être exempt: fi 1'on a toujours admis des exceptions, la régie n'eft pas générale : fi elle n'eft pas générale, on n'en peut faire un motif de refus. On répondra que les chanoines que 1'on cite manquoient de voix , & ignorpient le plein - chant. On répiique que ces empêchemenrs, dans le fyftême du chapitre , devoient les rendre incapables du bénéhee •, puifqu'ils ne pouvoient faire leurs fonctions par eux-mêmes. II ne peut ren* dre aucunes raifons pourquoi on les a recus , qu'elles ne fervent au fieur Duret. On a vu , de tout tems, dans le chapitre de Verdun , comme dans les autres , des boiteux , des borgnes, des perfonnes difformes, auxquelles on n'a point apporté d'obftacles. On a vu, depuis peu d'années, dans le chapitre de  22 Chanoine qu'on veut refufer Verdun , feu M. Pierre, avec un défauc fi confidérable , qu'il ne pouvoit ie foutenir qu'avec des croffes, Sc éroit difpenfé de porter 1'aumufteau chceur: il a ecé ordonné fous-diacre Sc diacre fous les yeux du chapitre , fans qu'il fe loit oppofé a fon ordination , ni a fon inftaliation , ni i Ia perception entière de les fruits. II eft donc certain que Pufa^e de cette églife n'eft pas de refufer les perionnes qm ont quelques difformités , m celles qui ne peuvent pas exercer leurs fonctions avec décence. Pour troifième motif du refus , le chapitre expofe , en fa concïufion, que Pappellant avoit été reconnu peu propre a Pétat eccléfiaftique , paree qu'il n'avoit pu poufTer fes études que iufqu'en troifième. On nie que Ie fieur Duret ait quitté fes etudes abfolument : il les a difcounnuées dans Ie collége oü il y vaquoit,, paree qu'on le nomma pour remplir un office dans 1'églife cathédrale de Verdun , qui avoit pour objet de diftribuer Ie pain & Ie vin des metfes , de préparer les vafesfacrés pour lacélébration du faint facrifice. II continua fes études fous un maitre qui 1'enfeignoit:  paree qu'il efl trop petit. 2. 3 ainfi, fans quitter les études , il changea feuleraenr de maitre. La conclufion capitulaire dit enfin que la nomination du fieur Duret, tant par rapport a fa figure , que par rapport a 1'état oü il a pafle, eft injuricufe au chapitre, peu conforme aux canons, & a la pureté des faints décrets. Puifqu'une telle nomination bleiTe le chapitre , il faut qu'il mette fa gloire Sc fa fplendeur dans la haute & belle taille de fes chanoines. D oü vient qu'il n'a pas fait un point de difeipline de meïurer a la toife ceux qu'il aggrege a ion corps ? Ce n'eft point en cela que confifte 1'honneur des autres égliles ; on peut même dire de 1'églife univerfelle. C'eft dans la pureté des mceurs , dans 1'obfervation des maximes de Pévangile , dans la fidélité a remplir les devoirs de fon état : Omnis gloria ejus ab intus. Lorfque le Prophéte Samuel fut envoyé de Dieu peur élire un Roi dans la familie d'lfaï qui gouvernat Ie peuple que Dien avoit choifi , ce Prophéte penchoit pour Eliab qui étoit d'une taille avantageufe ; mais Dieu lui dit fur le champ: Ne refpicias vuhum ejus, neque altitudinem fiatura ejus ; quoniam abjeci eum, nee jüxta intu'uum hominis  24 Chanoine quon veut refufer ego judico : homo enim videt qua patent; Dominus autem intuetur cor : Ne regardez ni fon vifage, ni fa belle taille, paree que je i'ai rejetté: je ne juge pas fuivant les yeux des hommes : Phomme fe determine fuivant les apparences \ mais Dieu pénetre le cceur. Zachee ne fur pas rebutépar leSauveur, quoiqu'il fut d'une petite taille. Combien d'évêques & de prêtres ont iiluftré 1'églife, depuis fon établiflement, quoique leur figure ne fut pas prévenante ? Combien y en a-t-il encore qui lui font honneur, &c qui n'ont pas les graces extérieures? La dignité de 1'églife ne confifte pas , encore une fois, dans la eonfiguration du corps. La nomination du fieur Duret n'eft donc pas injurieufe au chapitre par rapport a fa difformité. L'eft-elle par rapport a Pétat ou il a paffé ? C'eft ce qu'il faut examiner. Parmi ceux qui entrent dans 1'églife, les uns quittent la profelfion des armes , d'auttes celle du barre-au , d'autres celle des arts & métiers. Pourvu que , dans 1'exercice de leurs profeffions , ils n'aient point répandu le fanghumain , ou qu'ils n'aient pas exercé des métiers infames , comme de comédiens , farceurs , & autres exprimés  paree quil efl trop petit. 2 ^ exprimés dans le droit; on ne leur fait aucun reproche. C'eft ici la première fois que Pon s'eft avifé de dire qu'une profcHion honnête , exercée avant d'être cl ere , füt injurieufe a une c'glife , ou a im chapitre. Si ce chapitre ne pouvoit être rempli que par des perfonnes nobles & de grande condition , comme il y en a plufieurs , il y auroit raifon d'en exclure un roturier , ou an gentilhomme qui auroit dégénéré en exercant un art méchanique : on fe conformeroit, en ce cas, aux régies partkulières , Sc a la fondation de ce chapitre , qui forment une exception. Mais le chapitre de Verdun n'eft point dans cette efpèce: il eft dans le droit commun, dans Pufage ordinaire. Or li , en fuivant Ie droit commun, on ne doit faire nulle attention , nul reproche a un homme qui a exercé un métier honnête avant que d'entrer dans Pétat eccléfiaftique j a plus forte raifon ne peut-on pas ronder le refus d'un bénéfice fur ce pré-, texte frivole. Le chapitre invoque en Yain Pautorité des canons , Sc la pureté des faints décrets: ils ne militentpas pour lui en ce point. Lorfqu'ils dit Vaa-Efpen, & qu on en a étépourvu indépendammenr de iordinadon > 1'irrégularité a ete reftremte aux ordres dont les canons parloient feulement j & il eft pa^ ie en junfprudence , que les irréguliers ne loiu pomt privés de leurs bénéfices , »«'tuws qu ns exigent: /ra t«dem receptum eft quhd irregulares fuis tenejiau non cenfeanturprivatï , nee ab 'orumfunnionibusfufpenfi^Toodb ( ces termes font remarquables ) modb abordimtm funclionibus ab/iineant ; a moins que Jes canons n'aient parlé expreffément des bénéfices : Non privatur bene paomjïfpacialher in jare expreffum r'J luemadm9dl*™ de homieidio per aJJaFir20s perpetrato decemitur in fexto cap. i , de homicid. ' Cette diftindtion eft encore plus néceflaire quand il s'agit d'un ffmole canonicat. Les tems font changés : les chanoines font des clercs ifolés, qui ne iont que des ombres imparfaites des anciennes églifes cathédrales : ils n£ cooperent plus au faint miniftère , ifs  paree qu'il ejl trop petit. 41 pofïede*t les biens des anciennes cathédrales , fans en exercer prefque aucunes fonaions. Ce font les cures qui exercent aujourd'hui les anciennes fonctions des chanoines ; & ceux - ci , en confervant les biens des premiers , ie font rcfervé le chant des offices , dont les laïques d'abord , & les moines enfuite , étoient feuls chargés dans les premiers f.écles. Seroit-il poffible de ne pas diftingfier les chanoines d'avec les curés ? Et oferöit-on appliquer aux premiers des irrégularités , qui ne feroient prononcces qu'au fujet des fecond ? 1 Or, que 1'on ouvre le recueil des canons de 1'églife , on n'y trouvera point qu'on ait jamais mis au rang des irrégularités le défautde haute ftature. On y verra bien des doigts coupés,, des mains dtbiles , rail gauche éteint : encore , quelle vafte carrière n'ouvre-t-on pas aux exceptions dans tous ces canons. Mais jamais on n'y a vu qu'on alt exclu & des ordres , & des bénéfices, un homme , pour cela feul qu'il n'étoit pas d'une taille avantageufe. _ L'cglife n'a jamais établi fa gloire dans la belle taille de fes rrumitres ; jamais elle ne s'eft avilie jufqu'a croire  42 Chanoine qu'on veut refufer comme le chapitre xr j j j . JahTer approeher J// de ne -ommeiCnSrfÊ,?^^1^viéanv Ark' ■ , le na pomt en- ie tromeme nni l„ / ■ . ' beauté & ™ • ' 9 ,eür «doit en -f ' ,& de.montrer d toute la te-,-. P-Ie choix defeSminift"es cTu -bgmn véritable eft une rehgioTfp!(0 Sous 7";7W, on fe nlV„ • u «ne femme petite * ' P°ur aVoir Pns von!oientPde 'Rol &qUe ' >  paree qu'il eft trop petit. 43 rituelle , qui n'eftime grand que ce qui 1'eft felon la vérité de 1'efprit qui Tamme. Comment 1'églife eüt-elle pu penfer autrement ? Comment eüt - elle pu rejetter de fon fanótuaire tous les hommes de petite ftature j puifqu'un des prmcipaux omements de 1'églife naiffante, étoit un apötre dont tous les hiftoriens afTurent que la taille étoit fort petite ? Bibioth. Patr. pag. HU j Clem. Alexandr. 7 , Strom. M. Fleury , liv. 2. C'eft de faint Paul dont on vient de parler. On pourroit, fur le témoignage & Origine contre Celfe , de Tertullien , lib. de carn. Chr. c. 9 , de faint Clément, Alexandrin, lib. 6 , Strom. citer JéfusChdft lui-même. Mais, comme 1'unanimité fur ce point n'eft pas parfaite , on n'en dira rien. Saint Paul, 1'apotre , le miniftreek: 1'inftrument des grandes miféricordes de Dieu fur les Gentils , appeilé du haut descieux a 1'apoftolat: faint fauh en un mot , n'eüt point trouvé accès dans le chapitre de Verdun. Cette^ colonne de 1'églife eüt été jugée irrégulière: 1'apotre de Jéfus-Chrift n'eüt pas pu être un des premiers clercs d'un diocèfe \ il n'eüt pas pu être chanoine  44 Chanoine quon veut refufer de cathédrale. Cet homme , jLé digne d etre ravi jufqu'au troifième del eur ete mdigne d'entrer dans u„ chaP-rre ,1 eut ete reierté comme Ia home & le xcandale de 1'églife de Verdun. Comment Péglife d'Occidenr profcnro:t e e ]es ecclëffaftiques de petite taiiie , elle qui a regardé avec tant d mdignation la fauffe délicatelfe de ces eveques du quatrième fiècle , quirefuioien t d ordonner/a/« Martin de Tour, paree qu'il n'avoit pas une corpulence* avantageufe? S. Bern. ferm. de LmP7. °bed. elle qm a regardé comm£ ]a £ &- 1 honneur de Péglife romaine , un des plus petits hommes du fiècle => Loin de trouver dans la taille de ce pieBX abbe un fu;et de honte, elle a confervé i ia potente la mémoire de cette défectaofite & „'a pas voaIu ,Qn f Jbuvmt du „om de ce fcavant homme, lans fe fouvemr en rnème-tems qu'd «oit extremement petit. La poftérité ' la p!us reculee fcaura que c'eft a De^ys ÏÏJT7- qUe !f5HPe latine eft redevi ble de Ia première collection compiette «es loix de Péglife umVerfelTe : que B'fySÉ'& 3 é:é non - ieulernent Prerre &abbé,mais qu'il a été le premier oes prètres & des abbés de fon  paree qu il efl trop petit. 4^ fiècle j & que , dans les faftes de 1'églife , il a mérité une forte de préiéance fur les évêques , & prefque fur les papes. On oraet une foule d'exemples que tous les liècles , Sc le notre en particulier , offrent fans nombre: ceux-la fuffifent. II réfulte, de tout ce qu'on a dit, que la petitefle de taille n'eft point comprife dans le rang des irrégularités. Et quand on fuppoferoit que 1'églife eüt étendu les irrégularités jufques - la , quoiqu'elles ne s'étendent pas d'un cas a un autre ; cela 11e regarderoit que les ordres facrés : il faudroit une difpolirion particulière pour les fimples canonicars. D'ailleurs , les fonctions effentielles d'un chanoine font de chanrer Sc de pfalmodier au chceur: c'eft-la le feul devoir dont il foit tenu par rapport au chceur , dit le conciie de Balie : folum objequium quo obnoxius efl choro : c'eft la ferme & l'effence de l'état dc chanoine, felon les propres ftatuts moraux du chcpitre de Verdun. Tout le refte eft donc accidentel. Or, pour chanter 6V pfalmcdier , la haute ou petite ftature eft fort indifférente ; Sc dés-la elle ne peut être  46 Chanoine quon veut refufer matière a irrégulariré : irrégularités omnis petenda efl ex diformitate aus, funcuones impediret. Voila Ia règfe établie par le droit; règle unanimement recue. a S il faut etre d une belie taille pour etre fimple chanoine , il faudra encore nne taille bien plus avantageufe pour avoir une dignité dans un chapitre. La belle ftature fera encore plus néceffaire pour un chanoine d'une cathédrale que d'une collégiale. Au refte", c'eft a 1'évèque feul a connoitre des irrégularités. II en a connu. M, 1'archevêque de Paris a tonfuré le fieur Duret: il pa donc jugé capable : ü 1 a donc relevé de Pirrégularité s'il y en avoit : Pa/faire eft donc terminée. M. 1 archevêque de Paris a prononcé : c'eft au chapitre de Verdun a obéir. On a cité , avec beaucoup d'oftenra«on , les ftatuts des égiifes de Metz 5c de Toui. Quel rapport ont-ils au chapitre de Verdun ? Ces chapitres font comprovinciaux : donc les ftatuts de Pun feront ftatuts de 1'aatre, Voila , il faut 1'avouer , une jurifprudence& nouvelle, 5c bifarre. • Le fieur Duret , avant fa tonfure , s'eft adonné a un art méchanjque. II a été trois ans chez un mairre bouxonnier.  paree qu'il efl trop petit. 47 Voila , pour le chapitre, un fcandale aufli grand que la petitefle de fa taille. S'étonnera - r-on qu'on ait appellé le fieur Duret un fujet fcandaleux ? Sans nous citer les canons , on n'a employé que des raifons de bienféance. Quitter une boutique oü 1'on avoit pris racine, pour prendre place dans les ftalles d'une églife épifcopale\ avok fait chez un ouvrier de boutons un noviciat de chanoine de cathédrale \ quelle imagination ne feroit bleflee d'un tel contraire ! Que font devenus ces canons, dont on parloit avec tant de confiance dans la conclufion capitulaire du 13 janvier? Les auroit -on lus depuis ? Auroit - on enfin reconnu que , loin d'exclure des ordres & des bénéfices ceux qui , n'étant encore que laïques , fe feroient exercés au travail des mains \ ils enjoignent aux clercs , eux-mêmes, d'apprendre des métiers : cleücus viclum & vejlimcntum, artificiolo , vel agricuttura, paret, dit le quatrième concilede Cartage , diftinét. 91 , can. 3 «Sc 4. Omnes 'clerici, dit-il encore , qui ad cperahdum validi Junt , & artijiciola , & Utteras difcant: que tous les clercs, qui font aflez  48 Chanoine qu'on veut refufer robuftes pour travailler , apprennent a fake des ouvrages méchaniques , en même-tems qu'ils fe forment dans la fcience eccléfiaftique. Avoit-on lu ces canons quand la conclufion fut drelfée ? On fe recranche dans les bienfeances. Quoi! ces conciles, qui ordonnoient eux-mêmesle travail aux clercs, ignoroient- ils ces bienfeances? Lesapor'res ne les connoifloient-ils donc pas ? On trouve mauvais qu'un clerc , avant fa tonlure , fe foit appliqué au travail des mains : on crie a 1'indécence. La boutique d'un boutonnier eft-elle donc pius indecente que celle d'un charpenrier , oü Jéfus - Chrift a pafle fa vie cachce • que les rêts d'un pêcheur? Palfer d'une nacelle de pêcheur a la chaire pontificale; quitter des filets pour devenir le prédicateur du monde, qu'y avoit-il donc la de contraire a la décence ? Un apótre , un homme appellé par une voix divine aux faints miniftères, apprend , depuis fa .vocation , a faire des tenres. Si le chapitre raifonne conïéquemment , il doit le cenfurer ; il doit approuver ces hommes tout charnels, qui réfiftèrent a faint Grégoire Thaumaiurge dans 1'ordination de faint A'lexana're  paree qüil efl trop petit. 49 Alexandre le Chakbonnier\\) ? paffer de la pouffiére du chatbon aux douces vapeun de 1'encens , quitrer le fac pour fe revêrir des habus pontincaux porter .  paree qu'il efl trop petit. ^ 3 mémorial: mais comment le proüve-til ? par des exemples qui ne font nullement concluants. D'ailleurs l'abus ne fe juftifie pas par 1'ufage qu'on en a fait. C'eft roujours un abus qu'il faut reprimer : & plus 1'exercice en a été fréquent , plus le remède doit être prompt. Le chapitre , a 1'audience , a dcclart que fa délicatelTe ne tiendroit pas contre des Paul , des Martin , des Dtnys , qu'on lui a cités. Qui croiroit jamais qu'il eut bien voulu pouffet la condefcendance jufques-la ? II lui faut des vafes de la grace , des vafes d'élection , pour 1'obliger a violer fon ufage : mais , li eet ufage eft une loi pour lui, feroir-^ il en droit de faire des exceptions a cette loi, a moins qu'il n'agit par une infpiration divine ? 11 convient par-la que Ia loi n'eft pas inviolable : en le fuppofant., il peut donc bien y donnet atteinte. Enfin , quand on fuppoferoit que la difcipline de Verdun, que 1'on combat, feroir réelle \ étant contraire au droir commun , a 1'efprit de 1'églife , elle feroit abufive , & dès-la profcrite. L'arrêt du Grand-confeil, du 31 décembre 1734 , déclara « qu'il y ayois C jij  ?4 Chanoine quon veut refufer » abus dans le refus du chapitre, dé« bouta le dévolutaire , maintint Ie » fieur ZW, & condamna le chapitre »> aux depens ». Si le chapitre de Verdun a cru que Ja petitefie de taille eft indécente dans un chanoine ,ie chapitre de Clermont crut auffi qu'une grande barbe étoit indecente dans fon évêque. Guïllaume Duprat, hls du chancelier ■Uuprat, evêque de Clermont, qui affefta au conale de Trente , & fit barir le coüege des Jéfuites de Paris , avoit Ia plus belle barbe quon eüt vu. S'étant pieiente d fon églife cathedrale pour faire I-office, & dire la meffe le jour cols Pre'vöi foit condamné a lui délailfèr ia moitié d'une maifon qu'il occupe a Galais, Sc a lui en reftitu'er les fruits depuis fon indue jouilfance : elle foutient que Marie Moronvalle , qui lui a vendu la maifon , n'en avoit que la moitié \ qu'elle n'a pu transférer la; propriété de l'autre moitié qui appartenoit a. Louis Moronvalle fon père. De fa généalogie , mife fous les yeux de la cour, il léfuité que Guiilaume fecond,, C v|  6"o Quejïwn d'Etat. qui y eft inféré , étant père de Louis Moronvalle , a qui il a tranfmis fon droit , il eft dévolu. a Majie Moronvalle fa rille. La Sencenee qui la condamne, eft du io juillet i 723. On cherche vainement le juge dans ie difpofirif : on n'y trouve que 1'avocat de 1'inrimé qui recèle fi bien le juge , que c'eft plutöt le plaiuoyer de la partie adverfequ'un ju il s'eft tranfporté fur les IieiiK pour examiner les extrairs bapriftaires. II eft évident que fon faux zèle pour 1'intimé a été le feul principe qui La guidé. Louife Moronvalle a produit de noiv velles pièces dans 1'année qui lui étoir prefcrite i & la Cour, en lui fixant le delai. d'une. année , n'a pas. entendu que , fi 1'appellant.e trouvoit des preuves déciiives^ de fa filiation après ce délai, elle füt abfolurnent déchue de fa demande. On ne peur oppofer au> tune prelcription contre ia vérité de  Queftion cTEtat. Ci 1'état d'une perfonne , lorfque cette yérité fe manifefte. Ma filiation, qui a été cachée , pendant foixante ans, n'eft pas prefcrite par eer efpace de tems: la démonftration que j'en rapporte,au bout de ce tems-la, me fait rentrer dans mon érat, quand j'enaurois été privé par nn jugement fouverain. Tous les jugements contre mon état obfeurci ne peuvent qu'être provifionnels , & ne fcauroient jamais niüre a la vérité. Ce qui eft imprefcriptible par fa nature ne peut fe prefcrire par aucun arrêt. On ne peut prefcrire contre 1'état d'une perfonne : c'eft la décifion exprefTe de la Loi 2, §. 2 , au code , De longi temporis prefcriptione. Sold temporis longinquitate,aiamfi fexaginta annorum curricula execjferit ^ lihertatis jura minmè mutilari oportere eongruit dqnkatï. Un long efpace de tems , méme de foixante ans , ne donne aucune atteinte au droit de la libetté , fuivant les loix de 1'équité. On fcak que les décifions fur la liberté s'appliquent aux queftions d'etat. D'ailleurs Marie Moronvalle., en fe renfermant dans les limites que la Cour lui a prefcrires , démontrera , foit par les pièces anciennes , foit-par les nquvelles qu'elle a produites, que (on père:  62 Qiufiion cPEtat. eft hls de Guillsumt de Moronvalle ; fecond du nom : c'eft cour le nceud de' k difficulré. II eft d'abord conftant qu'il n'y a eu qu'une feule familie du nom de Moronvalle, qui ait écé établie £ Calais , 8c qu'on n'en a jamais connu d'autre : ce fait cclairci, dont l'appellance demande la preuve fubfidiaire , mettra les ju^es fur la voie de la véricé. Calais eft une petite ville qui n'a qu'une feule paroiffe : 1'on n'ignore pas que, dans ces petites villes , tout le. monde fe connok. II ne peut y avoir eu a Calais deux families d'un méme nom , dont I'une ait été inconnue , pendant que 1'autre y étoit fort connue. La^ demoifelle de Moronvalle porre Ie même nom que celui de la familie d'Adrien Moronvalle donr elle fe dit iffue. Le furnomt n'eft autre chofe qu'un nom général qui convient a tonte la race , & a toute la familie , & fe continue de père en fils, & paffe de branche en branche. Les Grnmmairiens fappelient patronomique, inw**»^ « patre nomen habens. Les Romeins >appeIloient, gentMe nomen, & fimiik «gnomen* En France les fumoms ont  Qucflion d'Etat. 63; commencé a être en ufage vers la fins 4u dixième fiècb , un peu avanc la troifième race de nos Rois : les nobles fe les attribuèrenta caufe de leurs fiefs^ Les roturiers les prir-ent des métiers qu'ils exercoient , des métairies qu'ils habitoient, de la facon de leurs habits , de la couleur de leurs cheveux y de leurs bonnes ou mauvaifes qualites des marqués de leurs corps. Tous ces noms - la. n'étoienr proprement que des fobriquets. lis ne furent pas d'abord fixes & hcrédiraires : felora Mezeray , ils ne commenccrent de L'être que fur la fin du règne de PhiiippeAugufte. II eft donc conftant que ces furnoms font regardés comme les noms de familie, & que ceux qui portent un même nom font d'abord préfumés être d'une même familie -y deforte que , fi on entend nommer d'un même nom deux perfonnes qu'on ne connoit point, ou pigera d'abord qu'ils font procfies parents. Le furnom eft doue le cara&ère dif^ rindbif de la familie. Dans trois attes authentiques de la familie, le nom de Moronvalle eft écritavec la même orthographe , &c même nombre de fyMabes, eonfotrnérnent al'excïait de marisge du  $4 QueJKon cTEtat. père de Marie Moronvalle , a 1'extraïe mortuaire du même, & i 1'exttait baptiftaire que Marie Moronvalle rapporte. Les noms propres fervoient a défigner les families dans les géiiéafogfes des Grecs & des Hébreux: on difoit un tel hls de Jean : c'eft ainfi qne faint Luc a fait la genéalogie da SauVeur du monde. Avant 1'invention des furnoms en France , les noms propres, dans W genealogies , étoienties fignës ëxptefjifs des families : mais on ne doit plas les regarder fous cette face. Une erreur dans un nom propre p'efi pas eftenneile , comme elle i'eft dans le fur120 m. ,Alnfi' en conduifant les juges a la vente, on leur fait faire Ie premier pas dans cette vote, quand on leur a démontre qne le père de 1'appellantea Ie Icearu rormel de la familie d'Adrien Ma* ronvalle , puifqu'ü porre fe même nom, afiujetti a la roêmeorrhograpbe, au même nombre de fyllabes. J'apporte enfuite plufieurs preuves qiu etaWiIFent que le père de Marie Moronvalle étoit fifs de Gmllaüme premier, lequel hokthh&ddrïen premier qui eft ia tige de la familie ; & paftg que,, dans les aétes qne je rapporte oa  QueJlionctEtat. 6> y trouve le nom de Guillain au lieu de Guïllaume , Sc qu'on prétendoic que Guillain n'éroirpas Guillaume, dont je Toulois prouver que Marie Moronvalle étoit iflue , je dis que Guillain n'eft qu'une corruption , un dimmutif du nom de Guillaume : c'eft ce que nous apprend le dictionnaire univerfel, au mot Guillaume , oü il dit: on appellé Guillaume, par corruption Guillem. L'abbé Chatelain dit, dans fon dictionnaire étymologique , que dans le Languedoc on appellé fainr Guillaume faint Guillem. Colin eft une corruption Sc un diminutif du nom de Nicolas s Dodon de Claudine 3 Manon de Marie-Anne , Javoce de Génevieve. On trouvera plus de rapport entre Guillem Sc Guillaume , qu'entre Colin Sc JSlicolas , Dodon Sc Claudine, Manon Sc Marie-Anne , Javote Sc Génevieve. Un auteur moderne (i) , qui a parlé des noms propres , dit , « qu'il y en a » qui les métamorphofent, les augmen» tent, les diminuent, fans les changer >s entiérement: nous traitons, pourfuitr (') L'auteur du traité hiftorique Si critique des principaux lïgnes dont nous nous fetvon1: pour manifeiler nos penfées, tome i  66 Queflion JËtat. » il, cela de pncrilité , & nous ne pou» vons entendre fans pitié ce jargon » maïs & ridicule , Pierrot , Janot , » I aulin , comme fi les noms de Pierre, » de Paul, de Jean, n'éroient pas aiTez » faeaux d'eux-mêmes fans qu'on les al» terar de la forte». II fnffit que 1'ufage e veudle : c'eft un tyran qui affujettit la raifon elle-même. Qu'on ne nous oppofe pas qu'en luppofant que Guillem fut un diminu»f & une corruption de Guillaume 9 on n'auroit pas infcrit fur Ie regiftre un nom dimmué & corrompu , a la place du véritable nom : on répond que Poreille, accourumée au nom dimmué 8c corrompu , Pa fuggéré a Ja plume de 1 een vam, plutót que Ie véritable nom. On n'en doutera point quand on confiderera que , dans ce tems-ld , les bedeaux de paroilTe , qui étoient des gens grofliers, tenoient les regiftres. Rien ne prouve mieux la groftiérété de ces fenbes , que Pextrait mortuaire qu'on nous rapporte d'un enfant de Guillaume premier. Le 19 décembre 1651 , l'enter* rement del'enfant de Guillaume Moronvalle. Voila une belle forme d'extrait mortuaire , ou plutót voila une belle preuve de Pefprit ineulte de Pécrivam ,  Queftion ttEtat. 67 qui fuppofe que eet enfant étoit anonyrrie , & qui, par une grammaire nouvelle , ne met aucun verbe dans fon extrair, 6t, par une affectation ridicule", évite de parler du décès de l'enfanr. Eft-il êtrange qu'un pareil ecrivain ait mis le nom corrompu a la place du véritable nom? Ne voyons-nous pas , dans le contrar de mariage du 4 novembre 164$ , cVAdrien Moronvalle fecond du nom, avec Antoinette Delafire , que le nom cYAndrieu, qui eft la corruprion du nom d'Adrien , y eft rou^urs employé au lieu du nom cVAdrien ? II ne ferr de rien d'oppofer que Guillain , ou Guillem &C Guillaume fonr les noms de deux faints différents : puifqu'il fuftït de dire que Guillain eft le véritable diminutif de Guillaume. D'ailleurs hint Guillaume, quon a appellé Guillain par corruprion, avoir fans doute pour patron faint Guillain, qui étoit un prêtre qui vivoir cent cinquante ans avant lui. De-ia il réfulte de notivelles preuves de la vcrité que 1'on a démontrée , que Guillain eft le diminutif Sc une corruprion de Guillaume, & qu'il s'enfuit qua remonter a 1'origine, le premier patron de ceux qui prennent le nom de Guillaume eft faint Guillain 1  68 Quefliond'Etat. c'eft par cette raifon que ceux qui ont voulu corrompre le nom de Guillaume ont préféré Guillain a une autre altéranon , comme la plus propre a rappeller le nom de Guillaume , dont faint Guillain étoit le patron. II faut obferver que 1'écrivain a pu croire que le Moronvalle dont il s'agit, a qm on avoit donné le diminutifÖde Guillaume , avoit le nom de Guillain : amfi , dés qu'il a pris cette idéé , il n'a pas regardé ce nom comme un nom corrompu • il a cru qu'il pouvoit 1'infcrire dans ces quatre acres qu'on rapporte. Voila quelie a pu être la fource de ion erreur. Cette méprife ne peut jamais nmre : c'eft ce que la loi a expnme lorfqu'elle a dit: Non Udijlatum liberorum ob tenorem inflrumenti male toncepti. Dejlatu hominum. ff. !. 0. Telle eft 1'inforrune de Marie Moronvalle: 1'abfence de fon père a donné lieu a fes parents de s'emparer des biens de Guillaume feeond , qui lui etoient tombés en partageaprès la mort de ce Guillaume: la trifte firuation de Ion pere, fon engagement dans le fervice, ont prolongé fon abfence : il eft mort enfin , & a laiffé fa fille dans un age ou les cénèbres de 1'enfance lui dé-  Quejlion cTEtat. 69 rcboient fa malheureufe deftinée. Une tradition confufe , qui lui apprenoit qu'on avoir ravi le patrimoine de fon père , &: qu'il avoit été aliéné , lui infpira de le venir réclamer. Elle vint de Namur a Calais. Qu'elle eut d'afTauts a foutenir ! Non-feulement elle luttoit contre la pauvreté qui 1'affiégeoit, mais contre le crédit d'un adverfaire puiffant , qui avoit 1'oreille , le cceur de fon juge : pouvoit-elle ne pas fuccomber ? Mais, foutenue par la vérité & la juftice , elle vient dansun tribunal oü elles règnenr. Elle démontre qu'elle eft iftue d'Adiien Moronvalle premier du nom , la tige de fa familie. Premiérement elle établit que fon père a le même nom de Moronvalle, orthographié de la même manière, & dans le même nombre de fyllabes : fecondement , qu'il avoit pour père Guillaume fecond, petit-fils d\Adrien premier. Elle prouve cette fiiiauon en, rapporrant 1'extrait de mariage de Guillaume fecond avec Peronne GoJJnrd, père &C mère de Louis Moronvalle. Elle fait voir que 1'extrait de baptême de Guillaume fecond3 fon extrait de mariage, 1'extrait de baptême de fon fils , q uadrent trés - bien j puifque, fuivant  7° Queftïon cTEtat. ces a&es , il fe feroic marié a dix-nèuf ans üx mois , & auroit eu, euviron trois ans après , un Bh qui eft le père de Marie Moronvalle. Toutes ces époques qui font de grands préjugés de la vente , font a Paferi de la critique. Telle étoit Ia défenfe que M. Gayot nut au jour , pour foutenir les droits de fa cliënte. II penfa , fans doute , &c bien d'autres Ie penferoient comme lui que cette défenfe n'étoitrien moins que' iumlante. Pour fuppléer a ce défaut, il compoia la difterranon fuivante, qui a eu le bonheur, dit-il , d'avoir le fuffrage d'avocars très-profonds, & qiii [„j ont confeillé de la donner dans route fon mtégrité. La voici. D 1 SS ER T ATI O N. Oü Pon démontre que Marie - AnneJofeph^Moronvalle, appellante, a droit d'être admife a la preuve teftimoriiale de fa filiation , fuivant la conclufion fubfidiaire qu'elle a prife. Contre Francais Creji, marchand h Calais, intimé. L'.appellante implore Péquité de ia  Quefl'wn £Etat. 71 Cour contre l'intimé, qui lui veurravir fon état, paree qu'il n'a pas d'aurre voie pour s'afïïirer le bien qu'il lui a ufurpé. Etrange combat! Elle demande que la vérité éclare, &c que la preuve teftimoniale diffipe les nuages qu'on a jectés fur des regiftres folemnels qui établiffent fa filiation. II déclare hautement qu'il s'oppofe a cette preuve. Qui ne voit qu'il 1'appréhende ? Malgré le préjugé que fa crainte fournit contre lui , il aime mieux le lailfer fubfifter que de concourir a une démonftration qui Ie doit confondre. L'intérêt public , qui parle pour la Moronvalle , n'eft pas l'intérêt d'un feul royaume , mais 1'intérêt de toutes les nations & de tout 1'univers: & c'eft, on le peur dire, l'objet le plus précieui de cetintérêf, puifque c'eft 1'état, c'efta-dire, ce qui conftitue chaque homme ce qu'il eft , qui lui affigne la place qu'il a dans le corps politique d'un royaume , d'une république : c'eft ce qui l'incorpore dans une familie; qui lui donne droit aux biens qui y font attachés ; qui alTure la qualiré de fa naif fance. Saus cela c'eft un membre ifolé qui ne rient a üen , c'eft un homme fans place , hors d'ceuvre, qui eft re-  72- ( Queflion d'Etat. gardé comme un étranger dans folt propre pays. II fcait bien qu'il eft homme ; mais il ne fcait pas quel homme li eit. On n'a plus avec lui que des rapports généraux d'humanité : il eft privé de ces rapporrs particuliers avec une familie , uneparenté; rapportsfi feniibles, qui lont toute la douceur Sc la confolation de la rie humaine, fi péuible Sc li humihante. Si les loix viennent au fecours d'un homme qu'on a dépouillé de fon bien > a la vie duquel on a attenté , fi el' s ouvrenr,acelui qui a eu cetteinfc.tune, toutes les voies pour faire connoïtrea la juftice le voleur & le meurtrier; fi les préfomptions, les indices, les adminicules de preuves aident a la découverte de la vériré ; fi la preuve ceftimoniale eft Ia preuve naturelle & légitime du crime.fermera-t on routes ces voies lorfqu'il s'agira de nous faire recouvrer le bien le plus précieux , qui eft notre état ? Celui qui nous la ravi fera-t-il une efpèce de voleur privilégié ? Les loix ferviront-elles a recéler fon ufurpation > Et paree que dans le regiftre qui fait loi de Ia nailfance , il y aura une erreur qui fera nakre quelque doute & quelque foupcon, cette erreur fera-r-elle fatale ?  Quejlion d'Etat. 73 tale N'y aura-c-il aucunc voie pour faire connoirre la vérité, donr 1'éclat eft obfcurci ? Non fans doure. Lesdroits de lavériréfonr trop forts: les juges font trop attentifs aux loix les plus preffantes de l'humanité : les loix naturelles , gravées du doigt de Dien mème dans leur cceur, y font trop puiffantes, pour craindre qu'ils en étoufteHt la voix. Ainfi , dans les propofitions qu'on va établir , on ne cherche qu'a rapprocher des principes dont ils font convai. gis :.en démontrant que ces maximes concourenr toutes a accorder la preuve que demande la Moronvalle, c'eft moins pour les raftembler dans 1'efprit des juges oü eet aflemblage eft déja fait, que pour les engager a les conful ter dans eux-mêmes , & a les aider a trouver dans leur efprir ce qu'ils y ont placé avec tant de foin Sc d'applicarion. On ne répérera poinr 1'hiftoire' du procés Sc de la procédure, que Ton a rapportée dans fa jufte étendue dans un mémoire imprimé. Cer ouvrage n'eft deftiné que pour érablir la demande fubfidiaire de la preuve vocale. On érablira, i°. que la preuve reftimoniale eft de toutes les preuves la plus par* faire. Tomé XI. B  74 Queflion d'Etat. i'. Qu'elle efl: la preuve naturelle de 1'état, 3°. Que 1'ordonnance de 1667, conforme a celle de Moulins , qui a défendu cette preuve dans plufieurs cas , femble 1'avoir confervée exprefTément pour 1'efpèce de ce procés. 4°. Que la fin de non-recevoir, qu'on tire de 1'arrêt interlocutoire rendu dans cette caufe, n'a aucun fondement, foit paree que 1'état d'une perfonne eft imprefcriptible , foit paree que la Moronvalle a fatisfait a 1'arrêt. Première Proposition. La preuve tejllmoniale efl de toutes les preuves la plus parfaite. La preuve eft le moyen qui 'perfuade a 1'efprit la vérité. Rien n'eft plus propre a la faire connoitre , & par conféquent a la perfuader que la dépofition de deux témoins irréprochables, qui la préfentent aux yeux du juge qui la leur demande. Ils 1'expofent avec cette naïveté qui en eft une fi vive exprëffion: ils en récitent routes les circonftances , en racontant ce qui a préesdé & ce qui a fuivi le fait, qui eft 1'objet de la jufte curiofité du juge. II le voic dans la  Queflion cCEtat. 75 place naturelle oü il eft enchaffé , pour ainfi dire. Ses doutes , fes foupcons fe diiïipenr : il a dans le témoin qu'il in- • rerroge un interprète , un doelenr qui 1'éclaircir , qui 1'inftruic, tk, fatisfaic a routes fes queftions. La preuve littérale eft bien éloignée d'avoir ces avantages : c'eft un témoin inuet, qui ne diffipe point les doutes, les foupcons qu'il vous préfente.Si les circonftances elïentielles font omifesdans 1'écrit, cette omiilion ne fe répare point, ce vuide ne fe remplit point: 1'énigme qu'on y trouve conferve toujours le voile qui la dérobe : c'eft un tableau dont le peintre abfenr n'a chargé perfonne d'expliquer fon idéé , quand il n'a pas réttfli a la bien faire connoïtre; au lieu que le témoin tienta la main la clef de 1'énigme que fa dépofition vous oftre. C'eft un peintre toujours pret a vous expliquer ce qu'il vous repréfente , ik qui ajoute a fon tableau ce qui eft néceffaire ,' ou en diminue ce qui eft de trop. D'ailleurs le ferment que fait le témoin irréprochable le lie a la vérité encore plus fortement. Il envifage Diett dans le juge: il eft perfuadé que, s'il trahitfoit la vérité , s'il la déguifoit , la Dij  76* QiLeflion d E tut. diffimuloit, le Dieu qu'il offenfe vengeroit le parjure. II le voic pret: a punir fa dépolition inftdelle j il le prend a témoin \ il fe foumet a fa vengeance. Peut on penfer qu'il trahira tout a la fois , de gaieté de cceur , fa religion, fon Dieu , Sc fon propre caraótère? Les aótes les plus authentiques n'ont point le fceau du ferment: ainfi ceux qui ont confié leur témoignagea un écrit, n'ont point été liés a la vétité avec la même force que le témoin qui dépofe devant Ie juge. Aufli voyons-nous qüe la preuve teftimoniale a fa fource dans la loi divine : la loi écrite , Sc Ia loi de grace Pont confacrée toutes deux. Nous voyons queMo'ife a prefcrit que la vérité fera prouvée par le témoignage de deux ou trois témokis: In ore duorum aut trium teftïum fiat omne verbum. Deuteron, chap. 19, yi 5. Jéfus-Chrift admet la preuve par témoins dans la conduite qu'il ordonne de tenir dans la correction fraternelle : Adhibe tecum urium vel duos, t in ore duorum vel trium tefiium Jlet omne verbum. Matth. ca'". 18,^16'. Suivant le droit obfervé dans routes les narions , la dépofition de deux témoins fait foi en juftice. Jujlinien ?  Queflion d'Etctt. 77 dans fes novelles, in auth. de infit. caut. & fide, cap.fi verby col. 6 , dit : nous avons eftimé que ce qui fe dit de vive voix, & avec ferment, mérite qu'on y ajoute plus de foi qu'a ce qui eft rédigé par écrit: Nos quidem aftimavimus qua dicuntur vivd voce & cum jurejurando , h&c dignïorafide quam fer'iptutam ipfiam fecundum fe fubfifiere. Si la preuve reftimoniale mérite Ia préférence , paree qu'elle éclaire plus parfaitement le juge, paree qu'elle a été adoptée par une efpèce de prédilecticn par la loi divine , la loi civile , & la loi de toutes les nations, & enfin paree qu'elle eftrefpecftable par fon antiquité, Sc unerraditioninviolable qui 1'a tranlmife jufqu'a nous depnis le premier age du monde, comme la preuve la plus légirime,la plus naturelle : pourquoi les ordonnances 1'ont-elle interdite dans plufieurs cas ? Tous ces cas fe réduifent proprement aux conventions. Une convention eft un pacte mutuel, qui eft ordinairement chargé de plu» neurs claufes qui ont befoin d'être rendues dans les termes les plus clairs. Si on leur fubftitue d'autres exprefiions que celles qui font naturelles , Sc qui étoient dansl'intention des parties ; tel Diij  78 Quefliofi ctEtat. qui étoit Hé eft délié tout d'un coup ; 1'obligation la plus forte de vient le jouet de la chicane, qui en rompt les ncends a fon gré. II ne s'agitpas, dans une convention, d'un fait ïimple , mais de plufieurs faits eflentiels , qui doivent être expliqués dans les termes les plus propres pour en bannir toute ambiguité. Cette contexture d'une convention a laquelle on a attaché plulieurs conditions, ces termes propres qui font en grand nombre, qui ne peuvent point être remplacés ; tout cela eft un fardeau trop lourd pour la mémoire : pour pouvoir conferver une telle convention , telle qu'elle a été paifée, il la faut néceffairement confier a un écrit: la vouloir retrouver , lorfqu'on n'a pas pris cette précaution , dans les dépofitions des témoins , c'eft. confulter des mémoires infidelles, qui fe font déchargées du dépot qui leur a été remis; qui, omettant les claufes & les tetmes eifentiels de la convention, fubftituent, par des erreurs, même de bonne foi, de faux engagements aux véritables. De-la il s'enfuit que non-feulement la preuve littérale d'une convention , Iorfque l'aéte a été fait dans le tems de 1'engagement, eft plus süre &c plus fi-  Queflion d?Etdt. _ 79 dèle, qu'une dépofuion poftérieure k laquelle on a recours j mais qu'il eft même dangereux d'employer cette preuve teftimoniale pour étabhr une convention. C'eft précifément le motif de 1'ordonnance de Moulins, qui a defendu la preuve teftimoniale des conventions. « Pour obvier a la multipliate „ des faits que Pon a vu ci-devant etre » mis en avant, fujets i preuve de te„ moins , Sc reproche' d'iceux , dont jj adviennenc plufieurs inconvéments 5j Sc involutions de procés». On a même lieu de préfumer qu'etant fi facile a des conrractans d eenre leurs conventions, ils n'ont point voulu s'obliger , dès qu'ils n'apportent aucun écrit pour les juftifier. Ainfi les rémoins qui les dépoferoienr n'auroienr pas bien connu leur vraie intention. De-la il s'enfuit que la preuve teftimoniale , lorfqu'il ne s'agit point de convention , mais d'un fait fimple qu 1} s'agit d'éclaircir, oü toute la difficulce fe réduit, eft la preuve la plus naturelle Sc la plus légitime. Par une confequence comprife clans celle-U, il réfulte que la preuve teftimoniale de la filiation que réclame la Moronvalle eft tresïésulière. Mais cette conféquence 3 ub D iv  8o Quejlion d'Etat. rée d'nn principe général , aura une nouvelle force, lorfqu'on la tirera dun principe encore plus particulier. Seconde Proposition. La preuve tefiimoniale eft ia preuve le'giüme de létat. ' La pieave de Pètar eft une preuve de la pofleflion qu'on en a eue : car vainemem allégueroit - on un titre de de fon étar, s'il étoit combattu par une poftèffion contraire : dès-lors le titre deviendroit fufpect, 8c feroit juftemeht foupcönné d'avoir été fait en fraude de la vérité; ce témoignage, confié i Pécnture , féroit érouffé par le cri univerfel d'une foule de rémoins. La longue pofleflion au'contraire de I'état, quand elle eft conftanté*, fuffit fans titre; paree qu'on doit préfumer. qu'il eft perdu ou égaré, ou qu'on ignore le lieu des regiftres qui en font foi. Nous voyons dans le chapitre tuas , de probationibus, du droit canon , qu'il fuffit , fur les queftions d'état, que celui donton conrefte I'état ait été reconnu nis, 8c que ; dans routes les occafions , fuivant Popinion publique , il ait pafte pour tel Sat&ejje ad ejufmodi de natalibus qua  Quejlion cCEtat. 81 dones ut quis nominetur fiiïus , & publkè agnofcatur , pajjimque habeatur 3 &' endatur apmd omnes. En eflfet, qn'eft-ce quL*formela poffeffion publique de I'état ? Ce font des parents, des amis , des voifins. Voila les tables vivantes oü 1'on Ut votre état \ c'eft une écriture qui fe renouvelle fans cefte, qu'on n'efface que paree qu'on y fubftitue d'autres traits encore plus vifs, qui repréfentent toujours le même objet: c'eft un concert unanime de plufieurs voixqui répètentcontinuellement la vérité : les années qui fe font fuccédées n'ont fervi qu'a donner plus de force & d'éclat a ce tableau , ou a ce concert; car tant de témoins qui expriment par 1'organe de la voix la vérité , qui fe retrace fans cefte dans leur efprit, nous donnent tout-a-la-fois 1'idée d'un témoignage écrit & d'un témoignage vocal, Voila donc ce qui caractérife proprement I'état & la poffeiïion. J'ai joui continuellement de ma filiation dans 1'efprir, dans le coeur de mon père, de ma mère , dans 1'ame de fes domeftiques , de fes amis , même de fes ennemis , de fes voifins : mon titre , écrit au-cledans d'eux , fe pouvoit même lire fuf D v  8x Quejlion cPEtat. leur front , lorfqu'ils me parloient Sc converfoient avec moi ; paree qu'il étoit aifé de voir qu'ils agiffoienr & rraitoienc avec moi comme avec le fils d'un tel, Or cette poffeffion , qui eft le caraétère fpécifique de mon état, comment en faire la preuve ? G'eft d'appeller en témoignage routes ces perfonnes-la; père , mère, domeftiques, amis , parents Sc voifins : c'eft de leur faire dépofer une vérité qui leur eft fi familière , qu'elle a été convertie, pour ainfi dire , dans la fubftance de leur ame. Voila comment la polfelfion s'établit; voila comme elle fe rerrace aux yeux des Juges : ce font les dépofitaires de mon état qui viennenr les leur repréfenter. L'eflence de mon état confifte dans 1'opinion publique ; c'eft un bien dont je jouis par 1'idée d'autrui. II faur donc cirer ceux.qui me forment cette jouiftance : ee keft que par leurs rémoignages que je puis 1'établir : je ne fuis cenfé être fils d'un tel, que paree qu'ils le penfenr & Pont toujours penfé. II faut donc, pour faire ma preuve, qu'ils apprennenr aux Juges par leurs dépofirions, ce qu'ils penfent Sc ont toujours penfé. Qui ne fera pas convaincu, après cela , que la preuve naturelle de I'état efl:  Quejlion cïEtat. 83 la preuve teftimoniale ? AuiÏÏ la loi dit expreflement : / tUi controverfia ingenuitadsfiat, defende tuam caufaminfl.rumentis , & argumends quibus potes ; fol'c enim tefles ad ingenuitatis probationcm nonfufficiunt, /. i, c. de tefiibus. Si on vous difpute votre liberté , défendezvous par des témoignages , & par toutes les voies que vous pourrez embraffer : les témoins ne font pas les feuls moyens qu'on a pour établir I'état. La loi nous apprend qyiinftrumenca fignirie non-feulement la preuve teftimoniale , mais les témoins mêmes : lnftrumentorum nomine ea omnia acdpienda funt quibus caufa inftrui poteft ; & ideb tam teftimonia quam perfonm inftrumentorum' loco habentur. L. \}ff. de fide infirum. II faut obferver , fur cette loi, que non fufficiunt, fuivant le fentiment de tous les interprêtes , ne veut pas dire que les témoins ne fuffifent pas , mais qu'ils ne font pas les feuls moyens. La loi offre ce fens - la: autrement elle fe contrediroit elle-même. Le légiflateur dit ailleurs: Quod licht fcriptura non probetur, aüis tarnen rationibus doceri nihil impedit. L. 5 , c. famïl erfcis. Ce qui ne fe prouve pas par écrit fe peut prouver par d'autres D vj  84 Quejlion ctEtat. moyens. Dans un autre endroit on lic : Se fine publicis inftruméntis cujufque rei verkas deprehenditur. L. 3 , ffl de teft. Sms le fecours des actes fouvent la vérité d'un fait fe découvre. Mais rien ne prouve mieux le fens que nous avons donne a la loi, que la loi i9 , ffl de probat. qui dit exprefTément que les preuves de la filiation ne font pas reftreintes a la feule dépofition des témoins ; ce qui eft le même , que la preuve teftimoniale n'eft pas le feul moyen pour prouver la filiation ; ce qui répond aux termes, nonfufciunt : probationes qua de filhs dantur non in fola afflrmatione lejlium confjlunt. Nous avons encore une loi au code de nuptiis, qui décide qu'on établit 1'état, ayant recours aux témoignages des voifins & de ceux qui en font informés: 5/ vicinis vel aliis fientibus uxorem liberorum procreandorum caufa domi habuiffi, & ex eo matrimoniofilia fufcepta eft ; quamvis neque nuptiales tabuh, neque «d natamfiliam pertinentes fa?.a funt non ideó minüs veritas matrimonii , aut fufcepta filia ,fuam habet poteftatem. _ Toutes ces loix nous font fentir bien vivement que la preuve teftimoniale eft le canal naturel qui conduic la vcxit«  QueCüoiiiVEtat. 85 dans 1'efprit Sc le cceur du juge , quand il s'agit de connoitre I'état d'une perfonne. Peut-on n'être pas convaincu de la légitimité de cette preuve , quand nous voyons que la poneffion de I'état en eft 1'eflence, Sc que la poffeffion ne s'établit avec le dernier degré de force Sc de lumière, que par la dépofition de ceux dans 1'efprit defquels on pofïède fon état ? N'eft-ce pas prouver avec la dernière évidence un dépot, que d'apporter le rémoignage du dépofitaire qui vient lui-même vous le préfenter ? Vainement, pour combattre la preiive teftimoniale, oppofe-ï-on la facijité de corrompre des témoins, a 1'aide defquels unimpofteurpourroit s'introduire dans une familie. Ces témoins , dont la foi n'eft pas entière , font reprochés : leurs dépofitions tombent d'elles-mêmes par cetre voie. D'ailleurs une contreenquête de témoins choifis par Padverfaire de la preuve, eft une batterie sare pour ruiner 1'édifice de 1'impofture. On ajoute qu'on ne peut pas citer un impofteur, depuis que la preuve de I'état eft permife, qui ait trouvé le fecret de s'introduire dans une familie; paree qu'il faut, outre la preuve , raftembler tant de^ circonltances diftérentes 9  86 Quejlion d'Etat. qui doivent concourir toutes, Sc fe réunir avec cette preuve pour conftater la filiation. II faut qu'on neconnoiffe point la véritable familie de 1'impofteur; que la mère, dont il fe dit le Hls , foit aceouchée dans le tems qu'il le dit; qu'il ne foit pas prouvè que 1'enfant dont elle eft accouchée foit mort ; qu'il rende raifon pourquoi il a été caché fi longtems; qu'il nomme ceux qui 1'ont élevé, qui ont eu connoiffance de fon état; Sc qu'il prouve tous ces faits. II faut que les juges , pour fe déterminer , rrouvent tous les faits & les circonltances concluantes. Quel eft le plus habile importeur qui pourra jamais conduire a fa fin un femblable projet, fujet a être démenti par des témoins irréprochables? Pourroit-il jamais réunir tant de conditions, dont le défaut d'une feule déceleroit fon impofture ? Marie Moronvalle, qui demande fubfidiairement Ia preuve légitime de fon état, embrafle une voie frayée par toutes les loix , & qu'on ne doit pas lui refufer, puifqu'on ne peut pas craindre qu'elle réuffifTe , fi elle foutient 1'impofture; Sc qu'on auroit fujet de croire, en la refufanr, qu'on fermeroit la voie a la vérité qui parleroit pour elle.  Quejlion cTEtat. 87 Troisième Proposition. L'ordonnance de 1667 3 conforme a celle de Moulins } qui a défendu la preuve teftimoniale dans plufteurs cas, fa réfervée exprejfément pour fefpèce de ce Proces. Loin que 1'ordonnance , qui défend la preuve par témoins dans de certains cas , 1'ait défendue ici ; elle 1'autorife formellemeut. C'eft une maxime certaine, quel'prdonnance , qui a défendu la preuve teftimoniale des conventions qui excédoient 100 livres , a laifte la voie naturelle de la preuve teftimoniale lorfqu'il s'agit des faits. C'eft précifément a 1'égard des faits qu'il faut appliquer la loi j , ff] de fide inftrumentorum.Si res gejta , fine luterarum quoque confignatione , yeritate faclum fuum pr&beat, non ideo minus valebit qubd inftrumentum nu/lum de ed intercejfu : fi un fait peut être conftaté fans le fecours d'un aéte, on ne pourra point oppofer , pour le combattre , qu'on ne 1'établit point par un écrit. La prohibitiorA de 1'ordonnance eft  8§ Quejlion d'Etat. reftreinte expreftément aux conyen"ons ; c'eft ainfi que nous 1'apprend Boteeau qxxx a commenté l'ordonnance de Moulins renouvellée par le code dvil de Louis XIV. Hu jtota vis if- tius legis: quod tamen devaïioni- tus , conventionibus & contrakibus qui mter hommes ferlfilent intelligi debeat <™P> i , premièrepartie. Toute la force de certe loi ferenferme dans les pacles Jesconvennons, les contrarsqui demandenc Je confenrement expres des hommes; comme le contrat de vente, le bad a lover , le conrrat de fociéré , le pret a Ufage , & féchange. Intelligi detere de obligationibus qua ex contraclu najeuruur ut in emptione , venditione , locauone è conduÜione , Jocietate, commodato & permutatione. D'oü il s'enfuir amfi qu'il Ie décide dans Ie chapitre luivant, que les obligations qui ne font pas fondees fur un contrat , comme celles qm naiffent du quafi-contrat, du o.;üt& quali-déiit, ne font point compnfes dans la défenfe de l'ordonnance. A plus forte raifon un fait pur & ftmple.s qui n'a aucune relation avec une obligation. tel eft Ie fait du procés. Marie-Anne Moronvalk dit: « Je defcends de Guillaume II Moronvalle , co - propriécaire  Quejlion etEtau 89 » de la maifon que je réclame. La preu» ve teftimoniale d'un femblable fait » ne peut donner aucune atteinte a une » convention ni direétement , ni inrlirsrl-ement. Elle eft donc très-juri- » dique : 5c on ne peut pas dire , fans » bleffer toutes les régies qui parient en » faveur de cette preuve , qu'elle foit » comprife dans la prohibition de Por-. 3> donnance ». On va plus avant: on foutient que , loin qu'elle y foit comprife , elle eft permife formellement par l'ordonnance a la Moronvalle , dans le cas oü elle fe trouve. Elle a établi fa filiation par des extraits de regiftres de baptêmes , de mariages. Elle a prouvé par la que Guillaume Moronvalle II du nom a époufé Peronne Gojfard ; elle a apporré un extrait de ce mariage du 9 novembre 15 5 o» Par 1'exrrair baptiftaire de Louis Moronvalle, du 9 décembre 1553, elle établit que Louis Moronvalle fon père eft ïflu de ce meme mariage. L'intimé prétend que le mari de Peronne Gojfard n'eft pas Guillaume Moronvalle fecond du nom : il fe fonde ur ce que , dans eet extrait, le nom ropre eft , dit-il 3 Guillain , Sc non  9Ö Quejlion d'Etat. Guillaume ■ & que le furnom eft Maraval , & „on Moronvalle. On a répondu a ces deux difficultés , en démonBant que le nom propre étoit figuré ainfi Gmlm dans 1'extrait de mariage ; que ce nom ainfi abbrévié ne pouvoit iignifier que Guillaume- que fi ce nom dans des extraits de baptême de plufieurs enfanrsde Guillaume Moronvalle, étoit rappellé fous ie nom de Guillain , c'eft que Guillain eft le nom corrompu de Guillaume ■ qu'al'égard du nom de Moronvalle qui a été altéré , & auquel on a iubftitué le nom de Moraval, on ne devoit pas être furpris de cette altéranon qui eft fréquente dans les furnoms. On voit même, dans un aveu Sc dénombrement du 9 Mars 1669 • donné au Roi, produit au procés, que eet aéce commence ainfi : Déclaration , aveu & dénombrem ent que donne au Roi notre Sire & Souverein Seigneur, Jean Moronvaile/Zr & hémier pièces juftificatives de fa filiation, au» tres que celles qu'elle a produites, elle j» étoit déboutée oe fa demande ». E iij  102 ^ Qiieftion cTEtat. De-Ia, il tire deux conféquences. i\ Que Ie déiai d'une année, quieftécouié & au-dela, eft faral pour la ïforonJ valle, 1'arrêt ayant dit précifément dans un an pour tout délai. z°. Que ce n'eft pas une preuve teftimoniale que Ja cour a exigée, mais des pièces juftirkatives , fans kfquelles la Moronvalle ne pourroit être écoutée, quand elle ne feroit pas repou/Tée par la fin de non-recevoir. Une queftion d'état n'eft pas de Ia nature des autres queftions dont les arrêts tranclientabfolument le nceudfans reflburce. Le magiftrat fouverain fixe nos ïncerritudes par fon intelligence , & le fceau de fon autorité : il met a Ia place de nos doutes , de nos erreurs, une vérité Iumineufe;. il fait fuccédér, dans nos efprits, a de fauffes maximes , les véntables: fon pouvoir s'étend fur nos efprits. II lui eft réfervé de nous ouvrir les voies d'une fage jurifprudence, 8c de nous en prefcrire ie véritable efprit , qui doit nous fervir de guide dans notre conduite, &c dans le cours de nos affaires. II a parlé: Ia propriété du bien litigieux eft décidée immuablement: il eft préfumé avoir jugé comme Dieu même. La parole qu'ilöa prononcée eft irrévocable : il ne peut  Quejlion d'Etat. 103 plus la rétracter: quelque rapide qu'elle foit, elle acquiert une confiftance ïnebranlable, elle n'eft fufceptible d'aucune altération ni changement. Vona le caractere des arrcts de courfouveraine, dès qu'ils ne s'écartent point des lor* & des ordonnances. La vénté qu'ils établilfent eft prefcrite au moment qu'ils la déclarent: onne peut plus la combat- tre- . , M Malgré cette grande autorite , elle ne s'étend point, avec le même empire , fur ce qui eft imprefcriptible par fa nature. Telle eft la queftion fur I'état d'uii particulier, foumife a la décifion d'un tribuual fouverain. Le jugement qu'il rend contre eet état obfeurci n'eft que provifionnel i dès que la vérité fe découvre avec tout fon éclat en faveur de celui qui a été dépouillé de fon état, il rentre dans tous fes droits: pourquoi cela ? Paree que I'état eft imprefcriptible. En eftet , quand Tnlus prétendant •etre iflii immédiatement de Mctvïus, & fon adverfaire lui conteftant fa filiation , Ta'm fuccombe ; que prononce la cour ? Qu'il n'eft pas fils de Mcevius. Sa décifion eft envifagée comme une vérité conftante. Ticius, depuis 1'arrêc E iv  «04 Quejlion cTEtat. recouvre, au bout de cinquanre ans; ft 1'on veut , des titres qui érabluTent fa filiation , & qui apprennent qu'il eft fils de Mcevius; fan état lui doit être rendu , malgré le premier arrêt, par un nouveau jugemenr. Pourquoi ? Paree que 1 arrêt n'a pas pu lui óter le père que la nature lui avoit donné, pour lui en fubftituer un autre. Dès que le premier le préfenre avec les rayons de la vérité qui Paccompagne, le faux père , quoique muni de Pantorité d'un arrêt * doit céder a la loi du fang & de la nature' encoie plus forte & plus refpectable. La poneffion de ce faux père ne lui fert de rien , quelque longue qu'elle foit , & quelque force qu'elle ait dans d'autres queftions , oüelle eft un titre fuffifantj puifqu'elle óte, comme dit un jurifconfulte moderne , le bien au véritable propriétaire , le bénéfice au titulaire canonique, & a Péglife fon patrimoine ; qu'elle aneanrit fans ritre rous les ritres de propriéré , & qu'elle quitte infenlïblement fon caractère de pofTefEon , pour prendre celui de propriéré. Norre état, parun privilegefingulier, mais très-légitime, ne peut point fe* prefcrire par ia poifeffion qu'en a eue norre adverfaire: c'eft ce qui eft décidé  Qiieftion'cTEtat. i o ? formellementpar la loi 2 , § i , au code de longi temporis pr&Jcrip. On 1'a déja rapportée , Sc on cróit encore ici devoir la metfre devant les yeux de 1* cour; Sold temporis lortginquitate, etiarri* JiJe.xagir.ta annorum curricula excejjerit f lilertads jura minimè mutilari op.ortere congruit aquitati :' uii long efpace de tems , même de foixante ans, ne donné aucune atreinfe aux droits de la fiberté, fuivant les loix de 1'éq'uiré, La' li-berté' eft une partie de notre état; c'eft: un préfent que fa nature nous £• fait Inotre nailfan'ce : on ne peur pas rrous; Ie ravir. Notre filiation eft encore plus* inhérente a notre état'; elle eft elfen-*tiellement immuable:" car dés que Ti> f/u^eftde la fubftaiice même rfe Mat" fius, Sc qu'il eft'une porfion de la' chair de Mctvius que la narure lui t donné' pour père, on ne peut jamais oter Ti'-tius a. Mavius r ce feroit divïfer', pouf afnff dire, le corps de fflcevias', lui'óte£: un membre pour le donner a un autres Ifeft donc évident que rien n'eft" piu£ imprefcriptible que notre filiation.. La1 bonne foi ne fetviroit' de rien! $ eelné qui la- voudfoit employee pöttf pref-; crire norre &ïCss c'eft ce cru t&éécMé jar la foi:- Eaatnjt'rn'nxim^ quff êon$$*  106 Quejlion cTEtat* de rem pojfedtrit, non tarnen ufucapfo HU ullo modo procedït; veluti ji quis liberum. hominem pofifideat. In/li tut. lib. 11, rit., v, de Ufucap. §, ï, Vous avez eu, dans vorre puilfance , ua homme gé libre , vous en avez joui comme d'un efclave:. quoique votre jouilfance foit de bonne. foi , elle ne peut vous faire prefcrirecontre les droits de la nature. Boictau. nous donne pour. maxime, qu'un jugement n'a point de pouvoir fur ce qui efl: imprefcriptible. Suivant le dro.t canon, dit- il, recu dans tont. le royaume, tout jugement rendu contre 1e fait d'un mariage ne paffe jamais, en force de chofe jugée ; ce qui pourroit. paroi'tre fingulier d'abord 7 n'y ayant point de maxime, plus fouvent repétée en droit, qu'une chofe jugée doit paf— fer pour une vérité, & qu'une Sentenre. a la force. de rendre blanc ce qui eft. noir,& noir ce qui eft b'anc :J .idicium in caufi matrimo .iali la turn , fi ccntrfc matrimonum datum fuerit ,. nunquant tranf.t in rem judicacam , ex jure canonico in koe reg-.o pajfim rtcepto : quoi certè mlrum videri pojfet; cum in jure pafiïm clameiur nm judicctam pro veritct$e habe/i , & fient-.ntiam de albo nigrum & d€ nigro aibum faare. chap. 4, pre-  Qiieflion d'Etat. 107 mière parrie. II cite enfui:e 1'exemple d'une fentence d'un juge eccléiiaftique,contre taquelle fe pourvut une partie qui y avoit acquiefcé. II s'agiffoit n'un mariage, dont I'état efl: imprefcriptible: Ia fentence fut infirmée par le juge métropolitain. II feroit fuperflu de citer' pluiieurs arrêrs pour établir une jurifprudence inconteltable. De-la il réfulte que la cour n'a pasvoulu, par un délai fatal qu'elle a prefcrit, fixer pour toujours 1'ctat-de la Moronvalle ,.; ck lui fermer la voie de la preuve teftimoniale qui fera tricmpher la vérité, & que fon jugemenr n'eft queprovifionnel. Si elle n'a parlé que de Ia preuve littérale , c'eft que Marie Moronvalle ne lui avoit point demande la" preuve reftimoniale , qui ne s'accorde que lorfqu'on la demande ; & 1'on ne peut pas dire que cette preuve ait été iiiterdite lorfqu'il n'en a pas été queftion. D'aillenrs un Arrêt interlocutoire n'eft jamais décifif fur la principale queftion: qui eft 1'objet du procés : il [Prépare le" jugëment déhnitif, auquel il ne touche point: il le réferve dans fon iutégricé. Si 1'on en cioit 1'ilitimé , 1'arrêt interlocutoire eft- un arrêt déhnitif : la cour E vj  io3 QiieJFwn cFEtat. en prononcanr qull fexa fait droit fut la demande, y a fait droit en mêmetems.: Pareet fe transforme roitt d"urü coup, felon lui, d'interlocutoire 8c préparatoire qu'il étoit, en jugement définitif. Voila. 1'abfutdité oü a été conduit 1'intimé par fa frayeur que. lui infpire la previve teftimoniale , qui doit le couv.rir de confufibn. De bonne fbi, paut-on preter a las cour. une pareille idéé ? Quoi, la Moronvalle, qui prétend être ifTue de Guillaume Moronvalle } aura produit un extrait de celébratioii de mariage , oü le nom propre de 1'époux efl ainfi figuré Gmlm.. Elle. aura fair voir que. ce nom-: propre, aihfi figuré , ne peut. fïgnifiet que Guillaume r elle aura montré', par pluileurs a&es aucHentiques, que.le furnom.dè Moraval eft le même que celui de Moronvalle-qa\ ont fouvenr été confondüs; elle dèmandera la preuve teftimoniale , pour conduire dans.l'efpric du juge r avec tout fon éclat, une vérité déja établie : & la cour fermeroit les yeux. a: certe vérité qui paroït fur 1'horizon comme une nouvelle aurore , & Pempêcheroit d'arxiver a fon midi, en teiüfant la voie. de cette preuve!' Pour^ quoi cela, ? Afin tfe favorifer une ufur-  Queflïon ttEtau 109 muon qui fe "découvre a mefure que I'état de ïa Moronvalle fe manifefte. Comment la fagefl'e de la cour n'a-celle pas banni de 1'efprit de 1'intimé une idéé fi extraotdiuaire y afin de ne tien dire de pis ? La démonftration ne fera-t-eïle pas> parfaite, dès que Marie Moronvalle, pat: fa preuve , aura fait voir qu'il n'y a eu qu'une feule familie de Moronvalle, Sc qu'il n'y en a poinr eu ItMoraval qui ait été difbinere de 1'autre , que c'eft la même , dont te nom a éte altéré dans quelques aétes , & qu'on y a confondu. Moronvalle avec Moraval ? Vouloir que Ia cour refufe une pareille preuve, c'eft fuppofer qu'elle craint de voir la vénré pour laquelle elle a une fi grande paffion. L'intimé n'aura-t-il pas la hberre de faire fa contre-enquète ?: S'il a. la vérité pour lui, n'a-t-il-pas les moyens dela faire prévaloir ? Ne fournira-t-il pas des reproches contre les témoins de. 1'enquète dë la Moronvalle , fi elle en. choifitqui foient d'une foi fnfpeete? Le champ eft ouvert a l'intimé. S'il appréBende le combar , fa frayeur nous annonce fa défaite; le ver de fa confcience , qui le rouge , nous apprend fort ïfurgation : il fe préfente tout trem,-.-  iro Quefïlon cfétat. Ha,,c,&rranfi de craintc, comme un cnmmd de,a condamné par avance, ^excamemenc , fous une pareille figui* ^nefe.-ap.sHl.fionalaCour. Apr.-s tout , que porre 1'arrêc interfocmouePIlprononce que, faute par ia Moronvalle d'apporter d auttes preuves lutera es dans un an, elle eft deW tee de fa demande. Prenons eet arrêt i la ierrre: ou n en peut tirer aucun avanfge concrelle. Elle a produtt , dans iamiee plufieurs pièces qui ont eté contredites par 1'mtimé , elle a fait vafoir, dansun mémoire imprimé les mduchons qu'elle tire de ces pièces. Voüa la pe5 :e ievée, puifque Ja condirion nnp.,fee a été remplie. Ayant faiisfa.t a ngaeur de 1'arrêr , on ne peut do:r p.-.s ielai oPpofer:eIle peut donc ccrccn ctat dedermnderla preuve teftim > llirfe. II s'enfuic qiie J'arrec inrerlo_ cm oir.- no forme aucun obftacle & pe Jie po-nr Jes main? a la Cour po'ur lui cmpcduT de faire droit fur cette deJ«.ind. , puifque Ia Moronvalle a obéi ï **? ,:" ^JVluia écé prefcrite,& que Ia ngicurde la Ici eftcouverte, Ee fe.onj 'ait dont la Mor-nviVc demande Ia preuve , eft que \fMfi ' . ronvalU> q,u a vendu la maifon qui ,ft  Queffion dEtat. rtr robjet du procés , a reconnu , en plu~ fjeursoccauons ,.Lou s Moronvalle, père: de Marie , pour fon neveu. L'intimé oppofe vainemerit que cette preuve feroit fuperflue , paree quil ne doit pas dépendre de \:ane Mor nvatLe d'introduire un étranger. dans fa familie.. 11 affecte d'ignorer que les témoignages des parens dans 'es queftionsd'état, font ceux précifément que la. loi demande : Ji vicinis , 't? ali/s■ fuentibu ..Si elle veut qu'on confulte les voifins , Ik ceux qui en font informés ,. qui en eft mieux in'ormé que i s parens ? Si I'état fe prouve par la pofleflion, ce qui forme particulièrement èC eflentiellementcette pofleflion, cefont les parens. Dès que la pofleftion ne fe prouve que par les témoignages de ceux qui la forment , il s.'enfuit qu'on doir. préférer la dépofition des.parens a routes les autres, comme étant innmmenc plus importante, ie plus propre aéclaircir la vérité,.dont ils font , dans cette. efpece , les dépolïtaires naturels» Ainfi la preuve teftimoniale s'adapre'' telle ment a 1'efpèce de la caufe , qu'on peut dire que la vérité, la juftice la lblIkitent & lademandent de concert avec A arïi Moronvalle, puifqu'ainli qu'oB  ''12 Quejlion cl'Etat. I'a démontré , c'eft la preuve Ta plus parfaire en générai ; Sc en particulier c'eft la preuve naturelle de I'état; St que l'ordonnance , qui a reftreint cette preuve, 1'aréfervée, ce femble, expreffémeut pour i'efpèce de ce procés ; & que la fin de non-recevoir qu'on oppofe eft imaginaire en matière de queftion d'état; qu'en lui fiippofant quelque ré*üté , elle n auroit aucune application ; paree que la condirion impofée par 1'arrêc fur lequel la fin de non-recevoir eft fondée , a été exécutée dans le délai prefcrir. Tant de motifs fi fenfibles, Sc fi preflans; tant de loix fi favorables, peuvent-ils ne pas entrainer 1'efprit des jrrges ? La trifte fituation de Marie Mo~ronvajk , dépouillée de fon bien de fon état , livrée a une mifere affreufe r peut-elle ne pas ébranler leurs cceurs ? Loin d'oublier ici qu'ils font hommes-, pour fe fouvenir feulement qu'ils font Juges , ainfi qu'ils y font obligés en plufieurs occafions , l'humanité s'accorde avec la juftice , & la compaffion exigeque la loi foit obfervée. La Cour ne crut pas devoir s'écarter de 1'arrêt interlocutoire qui avoit été sendu.. Maire: Maranraik n'ayanr point-  Quejlion et'Etat. _ iï$ produit, dans le délai qu'elle lui avoit marqué , les pièces qu'elle lui avoit prefcrites; « par arrêt de la Cour du 18 „juillet 1730 , rendu a la feconde des „ enquêtes, la fentence du juge de Ca„ lais fut confirmée, & par conféquent „ 1'appellante fut déboutée de fa de„ mande avec dépens ». L arrêt eft au rapport de M. 1'abbé de Chayauion.  ÏT4 - *LA BELLE TONNEL1ERE. Le plus amplement informé indéfini prononcé contre un accufé d'empoifonnement, doit-il le priver a jamais dgs legs & donatiöns faits a fon profit par celui qu'il eft accufé d'avoirempoifonné? Cette queftion préfente un intirêt bien important pour la fociéré. Si 1'on décide pour la négative, on court rifque de récompenfer le crime , en faifanc paffer , dans les mains du coupable , les biens de fon bienfaiteur , qu'il n'a empoifonné que pour s'alïïirer & avancer une jouilfance qui pouvoit être révoquée, & qui, en tout cas, étoit différée jufqu'après la mort du teftateur. D'un autre cóté, quand Ie miniftère public feul & fans 1'intention apparente d'aucune partie civile, pourfuit une accufation de poifon , ne peut- on pas craindre qu'il n'ait été mis en mouvement par la fuggeftion de collateraux avides, ennemis nés de toutes difpolitions qui les privent des biens qu'ils regardent comme leur patrimonie ï Leur filence apparent , leur inaótion concertée n'eft-elle pas une préfomp-  La belle Tonneliere. 115 tion de leur indifterence fur une mort dont la décence au moins femble leur impofer le róle de premiers vengeurs ? Ils attendent, a 1'oaibre des pourfuites de la partie publique, le fuccès de 1'accufation. Si elle ne conduit pas 1'accufc au fupplice'j s'il prouve fon innocence , ils font a 1'abride route réparation, celui qui a été perfécuté , ne peut s'eu prendre qu'au miniftère public, qui n'en doit aucune. Si 1'accufé fe trouve coupable, fon fupplice leur fait pafler, fans frais , fans inquiétude , les biens dont les difpcfuipns du défunt .interceptoient Perïtt de la loi qui les leur avoit deftinés. Le fieur Parfait Devaux étoit fils de WicolasDevaux, marchand aParis.Après la mort de fon père , la veuve Devaux fa- mère pafïa a de fecondes noces avec un fieur Duparc. De ce fecond mariage naquirent Nicolas Se Claude Duparc y qui devinrent , dans Ia fuite , 1'uni maitre d'hotel de la ville de Paris, Sc Pautre officier de Ia Reine. En leur qualité de frères utérins du fieur Devaux , ils éroient fes uniques héritiers ,. chscun pour moitié, de fes meubles Sc acquêts, Sc des propres maternels. Cinara/2a',TonnelierJ mari de 1'acm cufée 9 éroit Yenu dans fa boutique , »» pour lui demander une once de tas> bac ; que , pendant que le témoin la 1* lui pefoit , Durand lui demanda s'il a vendoit du poifon ; quel étoit le plus s» fubtil , & s'il en vendoit a tout le ^ monde ? Le témoiA le pria de finiï  La behe Tonneliere. 12$ »j une pareille converfation, paree que', s> d'en parler, cela faifoit horreur. Du» rand, qui en convint , s'en alla. Le »i lendemain , il revintafaboutique, iC w lui dit qu'il avoir un diable de rar qui » coupoit tout Toner qui étoit a facave, 3' & qu'il lui feroit plaiiir de lui donnet 35 de la mort-aux-rats ; qu'il lui avoit 53 donné une once d'arfenic, & lui avoic 33 dit de quelle manié e, & avec quel33 les précautions il falloit s'en fervir 33. Lorfque , dans la fuite , on paria £ Boifval, de fa dépofition , & qti on lui en fit fentir 1'importance & les fuites funefles, il répondir « qu'il ne fcavoit 33 pas précifément s'il avoit vendu de »» 1'arfenic a Durand y mais qu'il croyoit 33 lui en avoir vendu; qu'il alloit, pout » en avoir connoiffance , faire dire des » meffes au Saint-Efprit». On ignore s'il fit dire des mefïes , SC quel en fur 1'effet. Mais, dans fon récolement, il changea beaucoup de circonftances. Ce n'eft plus un des pr<. miers jours du mois d'Oclolre 174Z ; c'eft précifémenr le premier oilobre que Durand eft venu lui acheter de la mort-auxrats. Ce n'eft plus pour un diable de rat qui coupoit tout fon ofier h fa cave; c'eft paree que les rats rengeoient , dans fes F iij  Ji6 La belle Tonneliere. armoires , fon Un e £ fts habiu. Ce n'eft -plus une once d'arfcmc qu'il lui vend ; c'eft une demi once dc fuhlimé-corrofif. On a pretendu que ce rémoin fuc confondu par 1'accufée a la confrontation , & que cette circonftance auroit mamfefté fon innocence , fi cette confrontation eüt été fidélement rédigée. Mais, difoit-on, le greffier du chatelet etoit alors ce Marot, auquel fes prévancations infignes ont fait infliger la jufte peine qu'il méritoit (i). A la faveur de la trop grande confknce du juge , .il ïnettpit fon miniftère a prix. II ne rougit pas , difoit-on , de faire ofrrir a la veuve Durand de donner a fon af;faire, mpyennantunefomme d'atgenr, ce qu'il appelloic une bonne tournure. (i) Tl avoit difpofé de quatre tafles , douze jcuilhères, douze fourchettes argentées qu'il avoit cru être d'argent, d'nne paire de boucles, d'un collier^ de grenat, & de quelques autres effets dépofés dans fon greffe. II avoit déplacé des minutes qui fe trouvèrent chez -lm , tors de la levée das fcellés qui y avoient .été appofés. Pour raifon de ces prévarications, le chatelet 1'avoit condamné au blame. Par iin arrêt du 24 oótobre 1748, la fentence fut ïnfirmée, & Marot condamné a neuf aus de galeis , & £ faire aniende honorable au parc-ciy.U,  La belle Tonneliere. i IJ Mais 1'accufée qui, ajoutoit-on , ne Vouloit devoir fa juftificarion qu'a fon innocence , rejetta , avec indignation „ cette propofition. Marot, confus d'avoir inutilemeirt •découvert fa fcélérateffe, devint le plus mortel ennemi de la femme Durand. 11 fcutfe récompenfer d'un autre eóté , Ou il trouva moins de délicateffe.- Aulli , depuis ce tems-la , lui flt->il cprouver toutes les humiliations que' lui dicfoient fon reflentiment Sc fon intércr. llafiécloit, quand il falloit 1'interroger, de la confondre avec les fcc-' lérarsqui devoient, le jour même , être Eramés au dernier fupplice , & que la juftice avoit condamnés a la rigueur des tourmens ufités dans nos mceurs , pour leur arracherla révélation de leurs complices. Mais ces actes de barbarie ne lui fuffifant pas encore pour affouvir fa vengeance, il fit tout ce qu'il put , pour la rendre criminelle, en fupprimant, dans la procédure , ce qui étoit a fa décharge. Ce fut, difoit-on , ce qu'il pratiqua finguliérement dans la rédaótion de la confrontation de Boifval. On obfervoit encore, relativement i ce dernier, que la crainte d'être pourE iv  128 La belle Tonnelière. fom comme faux témoin (x) , & U TnTf °l 1HreUre defon crime,lul ont fan abandonner fon écablifTemenr 4 qui lehxoitaParis.il pritlafuire, & onignore ce quil eft devenu. On ne peut attnbuer cette fuitea aucun dérangeineiit dans fon commerce , puifquy a laiffe fa femme qui Pa continué. On « en peut donc imaginer d'autre motif , quecehudefefouftraireaiapeinedue a ion impofturs. Quoi qu'ü en foit, ce fut fur Ie ténioignage de Boïfval, que Durand fut fonnT pnfe_de-corPs & empri- £n eet état, fentence intervint le 24 avnl 1743 , qiu , f üre ^ * nitivementfurksplamtcs & accufations ordonna quV en ferait plus amplement informe pendant un an ; Ie laquais feul mis en hberte, a la charge de fe repréienter cjuand il en feroit requis. Par arrêt du 18 mai fuivant, la fentence rut mfirmée; le parlement retint pardeverslui,laplus ample informafion pendant uneannée; le mari & la femme il s eto.t .„forine de plufieurs perfonnes, des pemes que peuvent encoutir ceilx qui'fone fle fauües dépoütions. H  La belle Tonneliere. 12.9 furent feuls détenus en prifon; Marguerite Manier e fut relaxée, reftant toujours dans les Hens du plus amplemeut informé; le laquais fut déchargé de Paecufation. E'année révolue , ïi'étanf point fufvenu de nouvelles charges , les accufés préfentèrent leur requête afin d'être déchargés. Par arrêt du 19 juin 1744 , il fut ordoilné qu'a la requête de M. le procureur-général , il feroit plus amplem nt ïnforme'en la courpar-devant le confcilier rapporteur, pour raifon des cas mcntionnés au procis, circonjlancesiy dependances, contre Durand 3 fa femme & fa belle-mère, pour, l'informaticnjaite , communiquèe d M. le procureur-général & vue paria cour, être ordonnéceqüe de raifon, & cependant Durand & fa femme mts' hors des prifons de la coniicrgerie du palais; d la charge par eux de fe reprèfenter toutes fois & quand par la cour feroit' ordonné, faifant les-foumijfions , & éli-' fant domicile. Cet arrêt conrient', en' oiltre , une anjonétion au fieur Boifval de feconfarmer a l'édit du mois de juillet 1681 , regifiré en la cour le 31 aoiit fuivant j en confèq'uencs de ne vendre de l'arfenic , du réigale, de l'orpiment & du fublimtqu' aux Fv  130 La belle Tonneliere. ■perfonnes qui, par Uur profeffton , font obhgees d'en employer, & avec les précautions- prefcrues par tarnde Vil de eet édit; & a eet effet , d'avoir un regiftrc particulier fur ieqnel les perfonnes: O'u en prendront écriront leurs noms quahtés & demeures; enfemble la quantlte f«il aurontprifes defilus minéraux r Jt elles fcavent écrire ; ftnonlcdit Boifval eenrapour eux : cv pour fa contraventzon, ledit Boifval efl condamné en 1000 livres d'amendefuivant l'areicle VIII de l'édit, avec défenfe, de reddiver fous plus grande peme. L'arrêt , en ce qui concerne eet épicier feulement, imrrimé3 publïé & affiche dans tous les lieux ordincires, même d laporte dufieur Boifval,. Gfignifié'aux gardes d,s ma chands épiciers , apockicai, es & droguifles. On prétendent tirer, de 1'inexaclitude de ce témoin a fe conform er aux loix oe fon état, un fondement de reproche capable d'atténuer au moins fon témoignage, qui paroit être le feul monfde cette mquiétude qui a déterminé le parlement i rerenir 1'accufée & fon mari dans les hens d'un plus amplementinformé indéfini.. Quoi qu'il en foit, après avoir rendu compte de la procédure criminelle , il  La belle Tonneliere.- fff eft néceflaire de mettre fous les yeux du: lecteur le tableau de ce qui fe pafla au eivil. Auiïi-tót après le décès du fieur Devaux , le fcellé fut appofé chez lui. La femme Durand y forma oppofition j Pinventaire fut fait a la requête du fieur de Saint-Paul, premier clerc de M. Delaleu 1'ainé s notaire, que le tef-' tateur avoit érabli fon executeur teftamentaire. Les meublesfurent vendus; rargenC"" comptant & les deniers provenant de lavente , dépofés chez M. Delaleu; les ti-' tres & papiers inver.toriésdemeurèrent" entre les mains de 1'exécuteur teftamen-' taire. Les héritiers formèrent oppofitioa entre les mains des débiteurs de' la renre de i 200 livres donnée par le fiei t Devaux a la femme Durand. Ils nrent" enfuite affigner, aux requêtes du palais r Ie notaire & 1'exécuteur teftamentaire j,, pour rendre eompte chaeun a leurégard , des effets qu ils avoiens entre les mains ? & les leur remettre,- Le notaire reconnur. être dépoutairigr de 32000 livres en deniers, &'de 11 3 a 1 i4marcs de vaiffelle d'argeiit. 11 offric de re mettre le tout a-qui par juftice feF vj  *32 La belle Tonneliere. soit ordonné, en Iefaifant dire avec fes Jientiers., ia légataire univerfelle , les iegataires pafticüliers Sc les créanciers. Quant a 1'exécuteur reftamentaire „ *I foutint que les héritiers n'étoient pas parties capables d'entendre fon eompte , cc de lui donner décharoe. En conféquence, ils^renraffigner aux requêtes du-palais , Ia légataire univerfeife,.pour la faire condamneralear aonner main levée- Pour foutenir fon oppofitioii, elle dit quelle etoitfondée en titres , formafa demande en délivrancede fon legs univerfel, & en main-levée des oppohtions rormees fur fa rente de 1200 livres. Elle foutenoit que les héritiers du fieur D-evaux n'ayant point été parties. au procés crimmel qui avoit été mftruit contr'elle, \t pluy amphment injormé lui valoit , d leur égard , décharge & abiolution, quoique, vis-a vis du miniftère public, il la- tint, en quelque forte, fous la main de la juftice r qu'ainfi 1'arrêt qu on lui oppofoitne pouvoit Pempêcher d'obtenir contr'eux la délivrance de fon legs univerfel, & encore moins empeeher Peftk de fa. donation entreYirs~ fes. héritiers oppofoient ace fyftême tioispropoi,tions.Ils difoient, d>. qlïe^  La belle Tonneliere. 133 Sotn que le plusamplementinformé indéfini opérat une décharge tacire en faveur de 1'accufée , il faifoic , au contraire ,. fubfifter 1'accufation, Ie décret & toure la procédure, avec les charges qui en réfultoient. 2°. Ce jugemenr fuppofoit néceflairement des charges conlidérables & de violentes préfomptions du crime dont 1'accufée étoit prévenue. 30. Ces préfomptions violentes, Sc ces charges conlidérables qui fortoient da plus amplement infotmé indéfmi étoient plus que fufnfantes pour conftituer 1'accufée dans 1'incapacité de recueillir les bienfaits du défunt fieur Devaux , quidevoient, parconféquenf, rentrer dans fa fucceffion. Sur ces prétentions oppofées , qui annoncent Ie vrai point de la difficulté s intervinr fentence fur délibéré en la première chambre des requêtes du palais, le 30 janvier 1747 , par laquelle , fans avoir égard aux demandes de MarieMarguerite Garnier, dont elle fut déboutée , quant a pré/ene , la joniffance des biens de la fucceffion du défunt fieur Devaux , même de la rente de 1-200 livres par lui donnée entre-vifs a Marie-Margueiite Garnier , fut accoidée aux fieurs Duparc : le tout en don~  «34 La klle Tonneliere. nant neanmoins , Duperf, bonne & valable caution, tant pour la ■ remi/e qui leur feroit faite par les dépofitaircs des effets de la fucceffion , que du . paiemem qui leur feroit fait des arréraves de la renn de i 20O livres , même pour l£ ranbourfement , s'ily avoit lieu. Toutes les parciesinrerjecrèrent appel de cette fentence. La femme Garnier ie plaignoit de ce qu'on avoit différé k faire droit fur fes demandes ; & de ce que d un cóté , on lui avoit enlevé la jouiuance d'un bien qui lui étoit acquis - par une donauon entre- vifs dont elle ne pouvoit erre privée que par une condamnanon ; d'un autre cóté , on lui avonrefufé la délivrance d'un legs univeriel que la condamnation a peine capitale pouvoit feule lui faire perdre. U un autre cóté „ les fieurs Duparc ioutenoient qu'on n'avoit pas dü leur ïmpofer la néceffité de donner caution pour jouir d'un bien dont la loi les avoitfaifis 5 & qu'une femme qu'on ft. geoitincapabled'exercer aucune action n avoit pas le droit de gênor leur jouiflance. La caufe fut appointée au rapport de M. Bo-hart de Sarron. Nous ailons examiner les moyens de ces deux difFérens appels , d'après M„VaiUct des Brunikres , qui pkida pour  La belle Tonneüère. 13$, fa femme Durand, Sc rvL Mallardr, qui plaida pour les fieurs Duparc. Nouscotnmeacerons par les moyens-mis ejps ceuvre pour la défenfe de 1'accufée, II faur toujours , pour voir le but desdifférents points de la diifertation qu'on va lire , fe rappeller que la légatdire a pour objet de prouver que le plus am>< plemenr informé indéfini ne la tenoic I fous la main de la juftice, que vis a-vis- du miniftcre pubuc; mais la dechargeoit: pleinement a 1'égard des particuliers, Ce qu'on appellé aujourd'hui plusampUment injor mé indéfini a été d'abord qualifié élargiffement par-tout, ou ufqucqub ,011 quoufque; c'eft-a--dire, élargiffemenr accordé jufqu'a ce qu'il furvienne de nouVelles charges contre, 1'accufé ainfi élargi- C'eft ce qu'il eft nécefTaire de favoir , pour entendre les principes Sc les auto¬ rites fur une matière aiiez inconnue en elle-même, quoique d'ime origme affer moderne ; fur iaquelle on s'eft formé ces idéés différentes , Sc fait des illuiions qu'il eft important , pour le bien public , d'cciaircir Sc de diiliper.Combattre les ülufions Sc les fophifmes des', préjugés les plus accrédités, découvrir les fources de Terreur , Sc prcparer les voies ala juftice & ala vérité, pour les  '3°" La helle Tonneüère. faire rentrer dans leurs droits, voililes fonctions les plus nobles, & le plus dfgne emploi d'un avocar qui veut remplir les obhgations de fa profeffion. _ S'ii ne fe fut pas trouvé des théologiens & des jurifconfaltes affez e^néreux pour s'élever avec force contre les cruelles & irtmtles épreuves de ce que bos peres appelloient les jugemens de Dieu, par le duel & par les éléments , nous vivnons encore dans ces erreurs. Si I on n'y prend garde , on va voir iucceder a ces abus barbares , un autre abus plus doux en apparence , mais plus rrifte par fes efFers ; i moins qu'on ne Je reftreigne exactement icenx qu'on a du fe propofer en 1'introduifant. Si 1'on na foin de reiferrer le plus amplement inrorme indéfini dans les bornes qui lui convienhenr, d'un acte de juftice qui peut etre unie , on fera un fléau funefte a 1'innocence. Oni nemend pas s'élever rei contre cette forme d'inftruction en elle-même: on veut feulement s'élevet contre les detours & les preftiges par lefquels les neurs Duparc veulent lui attribuer meme vis-i-vis deux , des fuites qui lê feroient dégénérer dans la plus crueüe mfuftice. Cet ufage ne Gre fa fource daucune lot , d'aueune ordonnanee,  La belle Tonneliere. 137 EHes paroiflent, au contraire , toutes fe réunir pour le condamner Sc le profcrire. Ce n'eft donc qu'en le renfermanr , foit pour fon admiffion 5 foit pour fon étendue , dans fon cas particulier , qu'on peut le tolérer. Pour s'en convaincre, il faut d'abord „être inftruit comment on procédoit en matière criminelle avant les ordonnances de 1498 & de 15 39- Nous Papprenons de M. Pavocat-général Talon, dans les conférences tenues en 1670 pour 1'examen de l'ordonnance criminelle , fur Partiele 3 du titre XX. 11 obferve qu'avant ces loix , « les procés » criminels s'inftruifoient comme les m affaires civiles; que Paccufé fe défenn doit par le miniftère d'un avocar Sc » d'un procureur; & que les plus grandes >> acculations, même capirales, éroient n porrées a Paudience , oü 1'une & » 1'autre des parties produifoient des »> témoins , Sc les preuves littérales » qu'elles avoienr raflemblées , Pune » pour inftruire fon accufation, 1'autre >> pour fervir a fa juftification ». Lesorclonnances de 1498 Sc de 1539 ayant changé cette ancienne forme de procéder , Sc ayant obligé les accufés de crime capitaux de répondre Sc de fe  13? LaldLTonnetiere. dcfendre par leur bouche, il en faut prendre les difpofitions qui peuvenr avo,rtra,raucas de laplus ample informanon. r "t L'a™r!er.llS de l'ordonnance de Louis XII faneifilois au mois de mars *45>S, porre que „ fi , pr ie procès » extraordinaire dument fait, on n'au" rolC P11 nen gagner, ( c'eft - i - direT » trouver preuves fuffifantes ) , & il » feroit befoin d ouirles parties , & de - les recevoir en procès ordinaire , les » juges ordonneront que les parties fe» ront omes par eonfeil i certain jour, » auquel jour le prifonnier fera menl " en Jf.gemenr, & Ja matière pJaidoyée » publ.quement , Je prifonnier prêp feut ». r v- L'article ri9 aJoufe que „ d »> les parties font appoinrées contraire* " & !n en£luec« > fi la matière y eft dif»pofce,Je prifonnier fera élargi , e„ » bailJaut bonne & fuffifante caution - uc comparoir en perfonne , au jour * que 1 enquête devra fe r*nnnrL~ » OU etre i-pmn ... rr * Enfin lamclei.r expJique pourquoi Ie prifonnier elargi étoit obligé dé fe feprefenrer. « Si 1'on trouve ,&dit eet - artiele , en voyant & confultant le  La belle Tonneliere. < 13? » procès ordinaire, que le prifonnier t» élargi doiveêtre condamné en aucune „ peine corporelle , criminelle ou ci„ vile, nos juges feront reftreindre le » prifonnier , ou en avertiront nos „ avocats & procureur , pour en faire » la diligence , afin que juftice foit af» furée de la perfonne du condamné , »> & que la fentence foit prononcée er* » fa préfence , & incontinent exécur » tée >». 11 eft clair que ces textes ne fe rapportent qu'au feul cas ou il y avoir. partie civile; en voici.leréfultat: i°. $1 le procès extraordinaire düment inftruit ne fourmlfoit pas les preuves fuffifanre*pour opérer la condamnation de 1'accu.fé , les parties étoient admifes a faire preuve refpcctive : F accufé , pour fe .juftiher des foupcons qui n avoient pu le faire condamner , & prouver la calomnie : la partie civile, pour étabhc de nouvellespreuves de fon accufation. Voila ce qui s'appelloit recevoir les parties en procès ordinaire. i°. Pendant les enquêtes refpeócives, le prifonnier étoit élargi & mis en liberté , a la charge de fe repréfenter au jour que Penquête devoit fe rapporter , ou être recue.  140 La lelie Tonneliere. .3-U eft bien vrai que cette réception en procès ordinaire avec élargiflement du prifonnier n'étoit point une converfion définirive du procès-criminel en proces-civil , & ne produifoit pas la decharge abfolue de 1 accufé. iju effet 1 accufation óc la procédure criminelle pouvoient être reprifes ou contmuees , s'il furvenoit denouvelle* charges & l'accufé , quoique mis hors des prilons, fe trouvoit expofé k être condamné en des peines corporeiks , crimrnelles ou civiles ■ & Ies ,Ws, en ce cas>.pouvoient refrein re. . MaIS 11 ne s'enfuit pas que la réception en procès ordinaire ne fut du moins , comme les termes le fónt entendre , une converfion provifïonnelle du proces extraordinaire en procès ordi* c3u'elle "Vrat , outre Ja Jiberte du prifonnier, fa décharge proviloire, jufqa'i ce qu'il furvmt £a£è a re,jrendre Paccufarion. U nous refte encore quelques veftiges de cette ancienne réception en procès ordinaire. Lorfque les ordonnances de J45>8 & i5 3c,étoientenvigueür, elle pouvoit fe faire tant avant^qu'après Ia confrontation des témoins. 11 y a des textes précis de la réception dans Pune  La belle Tonneliere. 141 & dans 1'autre circonftance\ elle s'inftruifoit, dans les deux cas, de la même i manière , fous les mêmes conditions , & avec les mêmes précautions. Préfentement , en vertu de Partiele 5 du titre XX de l'ordonnance de 1670, la converfion en procès ordinaire doit être faire avant la confrontation; & pour eet efet, y eft-il dir, les juges ordonné ont que les informations feront convertles en enquêtes } & permis a l accufé d'en faire , de fa part , dans les formes frefc itcs par les enquêtes. C'eft précifément ce qui fe pratiquoir anciennemenr , aux termes de Partiele 15 o de l'ordonnance de 15 3 9 , ou 1'on voit que , quand,avant la confrontation , il y avoir lieu d'ordonner que les parties feroient recnes en procès ordinaire , on leur prefigeoit un délai pour informer de leurs faits ; & cependant on élargi [foit f accufé d caution limitée , felon la qualitè & l'excès du délit & 4 la charge de fe rendre en état au jour de la 1 éce condamner, il doit lui être fait droit n fur fon abfolution pour le regard de » la partie civile , Sc fur fa réparation' »> de la calomnieufe accufation ; Sc i »» cette fin les parties ouïesen jugement, » pour prendre' leurs conclulions 1'une' »> a Penconrre de 1'autre , Sc être.réglées' »» en procès ordinaire , fi métier eft , Sc » les juges y voient la matière difpon fée », Le point le plus important a remarr  144 La belle Tonneliere. quer clans cette difpofition , c'eft Ia ncceffitc de faire droit d I'accufé fur fon «bfolutwn d 1'égard de U pa. tic civile , (/fur la réparatlon qu'il pouvoit prétendrede la calomnieufe accufation, lorfqu'il ny avoh pas matière d le condamner. Ce qm peut fe faire, fuivant M. Bourdin, procureur général , qai a commenre cette ordonname, de deux mameres. « Si par Ie moven , dir-il, de la » queftion ou geheime , on ne pe t ti» rer ou avoir aucune preuve du fait; » en ce cas 1'accufé doit êrre abfous » , cN:ft-a-dire , qu'on devoir prononcer fon abfolunon fur Ie champ:. ou bien, » continue r il, s'il y aquelqu'efpècede' « preuve dourcufe, doivenr les parties « être remifes & recues en procès ordi» naire », Alors on ne devoit prononcer définitivement fon abfolution qu'après 1'inftruction de ce procès qu'on avoit fouftrait a la forme extraordinaire, pour le foumettre a la forme ordinaire.' Cette prononciationdéfinirive étoit I'abfolution, fi 1'accufateur ne prouvoit rien de plus que ce qui avoit été prouvé par rmftruétion extraordinaite ; ou la condamnarion , s'il furvenoit de nouvelles charges. Ainll, Iors même qu'il reftoit des preuves  La belle Tonneliere. 145 preuves douteufes après la queftion , le procès éroit converti en procès civil j ÖC 1'inftruction ainfi civihfée étoit fuivie , felon 1 événement, ou de 1'abfolu-» rion , ou de la condamnation : en un mot, il intervenoit un jugement définitif. On ne voit donc encore rien ici qui ait le plus léger rapport avec le plus amplement informé indéfini ; Sc ce qui en éloigne route idéé , c'eft ce qui eft contenu dans 1'article 151, qui n'accordoit que deux délais, au plus j après lefquels le procès devoit être jugé défirutivement dans I'état oüil étoit. Vdici la difpofition de eet article : « & fi , 3J dans le délai baillé pour amener té» moins & les faire confronter, ou pour 3> informer' , n'avoit été fatisfait Sc »3 fourni par les parties refpeélivement, 33 fera le procès jugé en Pétat qu'il fera » trouvé après ledit délai pafïe , & fur 33 les coneïufions qui , fur ce , feront J3 promptement prifes & baillées par » écrit de chacun cbré , Sc chacun a » leurs fins; finon que, pour grande Sc « urgente caufe , 1'on donnat autre fe33 cond délai, pour faire ce que deffus ; 33 après lequel paffén'y pourront jamais 33 retoumer par reliévernent, ne au- Tomé XII. Q  Ij^6 La belle Tonneliere, « trement »• Ce'a eft clair & précis5c den n'eft plus éloigné du plus amplemenr informé indéfini , qui ne laiffe aucun terme pour la fin du procès, Mais il faut bien faire attention que eet ufage de recevoir les parties en procés ordinaire après l'infttuótion par récolement 5c confrontation , n'étoit pratiqué que quand il y avoit partie civile \ Sent pouvoit avoir lieu contre le miniftère-public qui , agiffant ex necefff tate officii, ne peut être fujet, ni a des' xéparations , ni a des dommages &Z intéréts, qui étoient le réfultat du fuc<ès de 1'accufé fur la procédure civile fubftituée a la procédure criminelle. Si ceux qui exer'cent ce miniftère avoient des condamnations perfonnelles a cramdre , il feroit auffi redoutable pour eux, que pour les accufés; & ils ne pourroient -exécuter qu'en tremblant les loix qui leur enjoignent de faire diligente pourfuite & recherche des crimes , fans attendre qu'il y ait inftigateur, dénonciateur , ou partie civile (i). Le plusamplement informé indéfini n'eft donc qu'une reifource que la né- (i) Article 184 de 1'ordennance deHefl*i IlJj'cig Piois de mai 1579.  La belle Tonneliere. 147 ceflité a mife en ufage , dans les cas oü 1'accufé n'a d'autre partie que le procureur du Roi. Mais il n'eft fondé furau- cune loi, puifque, dans celles que nous Venons d'examiner. 6c cmi font Ie<; fPn. les, avant celle de 1670 , qui ait trait a la matière, il n'en eft pas dit un feul mot, öc qu elles ne parient précifément que de la réception des parties en procés ordinaire , dans les cas qu'elles ont prévus.^ L'abfolution, ou la condamnation définitives devoient être'alors la fuite de la procédure civile ,*qui devoit fe faire dans de brefs délais, après lefquels. on ne pouvoit fe difpenfer : de les prononcer. C'eft ce que l'ordonnance de 1670 veut que 1'on faffe actuellement aprèslmftruélion du procès criminel; &c ce qu'on ne peut fe difpenfer de faire , fous quelque prétexré que ce foit, quand il y a partie civile. II eft inutile , pour éluder la force de ces principes , de cherclier a faire un parallele entre la réception en procès ordinaire , dont les regies étoient rracées par les ordonnances de 1498, . êc de 1539 avec le plus amplement : informé indéfini. Dans Ia réception en procès ordinaire, i'les parties inftruifoient 1'une conrrê Gij  148 La belle Tonneliere. 1'aurre pat des enquêtes refpeétives-: elles inftruifoient dans des délais prefcrits j & ces dékis étoient très-courts. Apres cette inftruction refpective, après 1'expiration de ces délais, qui ne pouvoient être prorogés , il falloit prononcer abfolution ou condamnation. Ou , en cas que 1'on difcontinuat la procédure après qu'elle avoit été civilifée , elle tomboit en péremption. Aucun de ces traits ne convient au plus amplement informé indéfini avec le miniftère public. L'accufé n'a rien a faire , & eft obligé de demeurer dans 1'inaction , tant qu'il eft vis-a-vis du procureur du roi feul. Cet Officier n'a point de tems déterminé pour faire fa plus ample information. Le jugement définicifeft non - feulemeut fufpendu , mais il peut n'être pas prononcé pendant toute la vie de l'accufé , füt-elle de i ®ö ans. Enfin 1'inftruction nonfeulement ne tombe point en péremption , mais fubfifte, fuivant les idéés qu'on s'en forme , au-dela du rems reglé par nos loix pour la prefcription des crimes. C'eft en effet ce qu'emportent les mots indéfini , quoufque , ou vfqueq o , qui fignifient la même chofe. Eu vaia voudroit-on équivoquer , ert  La helle Tonneliere. 149 foutenant que la réception des parties en procès ordinaire, n'opéroit pas une i converfion du procès criminel en procès civil. Cette converfion réfulte des termes mêmes des otdonnances que nons avons rapportées. D'ailleurs les arrêtiftes nous atteftent que les procès ainfi convertis étoient fujets a la péremption ; ce qui, fuivant les principes, n'eüt pu fe faire li le proces extraordinaire converti en procès ordinaire , n'eüt été reellement un proces civil. Et , pour qu'on n'en doutat pas , M. Louet, qui rapporre 1'arrêt dont ou a parlé plus haut , pofe comme une maxime , que les matières criminelles intenties extraordinairement par information , récolement 6" cowfrontation 3 ne font point fujcttes d pé* remption , & que l'ordonance n'a lieu qu'aux matières civilement intenties. Ce qui fait voir ce qu'on penfoit alors de ces procès ordinaires, qui, dans le principe s avoient été des procès extraordinaires \ Sc ce témoignage a d'autant plus de poids , que M. Louet attefte que eet arrêt ne fut rendu en la fe- conde chambre des enquêtes , qu'apres- la quejlion demandée aux chambres. Enfin écoutons , fur cette matière , G üj  ï)0 La belle Tonneliere, ce que dit M. Talon , dans les conférences fur l'ordonnance de 16yo , titre XX, article 3. II parle de 1'ufage de re.eyoir les parties en procès ordinaire , $C dit: « cela ne fe pratiquoit que dans j) les crimes capitaux , lorfque , 1'accu35 fation étant inftruite dans toutes fes » formes, les témoins récolés & con33 frontés , il ne fe trouvoit aucune 33 preuve fuffifante pour prononcer au» curie condamnation contre l'accufé : >j mais il y en avoit pourtanr fufnfam3> ment pour ne lui pas accorder fon 5' abfolution. Alors , par une efpece »> d'interlocuroire , on recevoir les par" ties en procès ordinaire. L'accufé 3> avoit la liberté de faire entendre des « témoins pour prouver fon innocfince. » Si Taccufateur découvroit de nou33 velles preuves, il pouvoir auffi faire 33 enquête , de fa patt, & l''affaire étoit 33 lors pourfulvie civilement : mais avec 33 la liberté de réputer Paccufation cri33 minelle , en cas qu'il parüt de nou-, 35 velles charges Si donc il y a quelque parité entre la réception en procès ordinaire , qui avoit lieu autrefois, & ie plus amplernent informé indéfini que Pon prononce aujourd'hui, elle eft toute a Pavantagedu fyftême que Pon foutient icL  La belle Tonneliere. 1^1 En effet, dans la réception en procès ©rdinaire, la procédure criminelle éroit fnfne ndiie . lans opérer aucun effet; fauf a la reprendre , s'il y avoit lieu en conféquence des nouvelles charges : ce qui, aux yeux de quiconque fait i ufage de la raifon, emportoit une ab' folution provifoire. De même le plus amplementinformé I indéfini arrête entièremenr la procéi dure criminelle , fans qu'il foit permis i de la reprendre contre l'accufé , a 1 moins qu'il ne furvienne de nouvelles I charges. Une fufpenfion auffi abfo■• lue doit aflurément lui tenir lieu i d'une abfolution provifoire , non-feulement vis-a-vis du miniftère public dont le bras eft fufpendu lans quil puiffe frapper ; mais a plus forte raifon vis-a-vis de route parrie intéreflee dans 1'accufation , qui ne peut jamais tiref aucun avantage de eet état de l'accufé 3 qu'en faifant prononcer fa condanmation. C'eft ce qui va s'éclaircir davanrage en parcouranr les auteurs qui ont examiné cette matière. Le premier qui fe préfente eft fvL ie premier préfident Li/et qui vivoir au commencement du feizième fiècley C iv  I1)! La helle Tonneliere. & dans un tems oü 1'on n'avoit d'atitre loi , fur la matière que nous examinons , que l'ordonnance de 1498 , dont on a vu les difpofitions. Voici ce qu'il nous apprend a eet égard , dans ia praüqut pour rinftruction des matières crïminelles , titre VII , fur la manilre de procéder aux jugements. Ce magiftrat dit d'abord que le procès extraordinaire étant en état d'être juge , il le fera définitivement, fi faire fepeut, parcondamnation , abfolution, élargifiement quoufque ( voila le plus amplement informé indéfini ), ou autrement , felon que la matière y fera difpofée 5 ce qu'il développe , fuivant les différents cas qu'il fe propofe dans la fuite du chapitre (1). «'Si le juge , continue-t-il , trouve « le crime fuffifamment prouvé contre 3> l'accufé , il donnera jugement de « condamnation fuiyant 1'exigence du « cas. (1) Nous nous plaifons a copier tes paffages de eet auteur, & nous nous flattons que ]es leéteurs qui veulent s'inftruire ne nous en fgauront pas mauvais gré. Outre qu'on y voit comment nos ancêrres inftruifoient les procès criminels, on y trouve d'exceüents préceptes pour ceux qui font chargés de ces fonctions péniblcs &. délicaies..  La belle Tonneliere. 1^3 ft S'il n'y a pas preuve pleine ni enrr ticre contre l'accufé ,. mais preuve fe» mi-pieine par un témoin de notable' „ qualité & non de vile condition.y » dépofant du fait principal, qui feroit » fans aucun reproche , ou fufpicior* » q'ueiconque : ou s'il y a véhémentes; „ conjecfures & indices équipollentes,, » pour le moins , a la femi preuve , non élevés ou diminués par la preuve qui » aura été faite ex officia pour la juftifi» cation de l'accufé , & fuffifants pour„ ballier la torture ,,1e juge procédera' » au ju^ement de torture, n Etou , par le procès, il n'y aura ni m pleine „ ni femi-pleine preuve, mais n y aura feulemenr quelquesindices ou j> conjecbures moindres que ladite fe» mi-preuve s & non futfifantes pour » mettre a- la torture, & qu'il y ait vé» rifiuulituderéfultantdu procès que X& » demandeur en matière d'excès (i'accu» fateur) pourroitplus amplement proa-; » ver& vérifier les cas & délits par-lui » prétendus contre l'accufé en procès ot«39 dinaire : en ce cas ,. fi cejuge afaitce' » que 1'on peut 8c doit' faire pour" la1 » perfeéïion du procès extraordinaire',, » appointera les parties en procès ordi"' s> naïre }, &- ordonnera' que r dedan?^ G y<  154 La belle Tonneliere, j» huitaine , ils écriront fommairemenc » leurs faits par un brief inteudit (f) , '» Sc y répondront dans trois jours » après : Sc dedans aurre brief délai J3 qui leur fera préfigé , informeront 33 hinc indé tant par lettres , que té53 moins , en declarant, dès-lors, la 53 partie ncgligente forclofe & débou33 tée; & cependant le prifonnier élargi t » en faifant les foumillïons en tel cas » accoummées , Sc a la charge de fe » rendre en I'état au jour du rapport ja Sc réception des enquêtes 33. _ On voit, par ce détail, qu'il ne s'agiifoit , dans cette inftruction , qua d'une procédure civile , & qui ne devoit pas être longue. Vdili ce qui regardoit la partie civile qui avoit fuivi le procès r. « Et ou , reprend M. le préndent 33 Li/et , il n'y auroit partie civile , » pöurra , au fufdit cas , ledic juge 3) élargir le prifonnier par-tout, jufquii 33 ee que nouveaux indices. Sc preuvesh feront furvenues »^ (1) On appelloit ainfi arrtrefois les écrimres qui fe faifoient en conféquence d'un appointement fur faits- contraire , & dont orr ofii oit de faire preuve. Cè terme eft encore en ufage dans queftjues tribunaux de provinces,  La belle Tonneliere. I ff Voila le plus amplernent informé indéfini vis-a-vis du miniftère public défigné par Yélargiffetnent par - tout „ rerme qui le caracf érife, Sc que nos anciens jurifconfultes employoient. lis le qualifioient auffi élargiflement quouf- que , ou ufquequo. De ce qui vient d'être rapporté , il fuit que le plus amplernent informé indéfini ne peut ordinairement avoir lieu que vis-a-vis du mimltete public, quanq, il n'y a poinr de partie civile. Notre auteur pofe enfuite un cas oü il y a eu , dans le principe , une partie civile mais que la tournure de la procédure a fait difparoitre \ c'eft celui oü les indices ont conduir a ordonner la queftion •, paree que la queftion ne s'ordonne qu'a la requête du miniftère public , ou de 1'office du juge; la partie civile n'y a aucune part. Si l'accufé n'a rien eonfefle , M. Li/et penfe qu'alors on ne doit pourtant pas procéder au ju- ■gcmcriL aujvuiiuii c , mun j ctuc<«c«i u. ' l'élargijfement par-rour, jufqud ce que . nouvelles preuves foient furvenues. VoilÜ : bien le plus amplernent informé indéfini y Sc il enfeigne que l'accufé peut s'en) délivrer , en alléguanc contre la partie civile y vraie , évidente & préfumpte ca-; G vj  I^ê La belle Tonneliere. Inrrir,;* • fe „CTr^„, J„ ! . JE ff ., fera recu. La forme de procéder qu'il indique albrs re vient a celie de- la ré1ception en procès ordinaire , & produit le même effet ; la charge ., ou la-condamnation de l'accufé.- Ayrault, lieutenant-cri mine! 'd'Angers (i) , examinant la nature du plus amplernent informé indéfini ,-; dit que ce xTeft-proprement-ni unjugement- déhnitif, ni un jügement interlocutoire. H n'eft point interlocutoire 5 paree que-,. quoique l'accufé foit renvoyé a-la charge de fe repréfenter quand la juftice Tappellera , il n'y a point- d-ordonnance qui prefcrive aucune procédure pendant ce tems-la. Ce n'eft point un jugement déhnitif, paree que , s'il furviènt une nouvelle preuve , le procès eft repris. 11 eft- bien vrai que l'accufé- eft élargi fous caution, &c que , pour continuer la pourfuite , il faut un nouveau déeret; Mais " fon abfolution ou fa condamna-" '■ »»tion train e toujours , & il eft dubii » incertique flatus », (1) Traité dë 1'ordre , & inftruétión judi- ciaire, dont les aneiens-Grecs öc Komams onr. ufé'en -accufetion publiqus , conféré a 1'ufage de la. France , livre 3 , atticle.4 , nu» méros 14, 15 & fuivans.  Labeik Tonneliere. 1%J De-la, il prend occafion d'examine* fi cette facon de prononcer eft conforme a 1'équité , qui a pu 1'introduire en Trance ; & fi , après lyv tel jugement.,, il y a moyen de fe juftifier , & d'obtenir' une abfoiution pure & nttie, II paroit bien étrange a eet auteur qu'on ait admis une facon de prononcer qui ne décide rien. II trouve même qu'ii y a de 1'injuftice de killer 1'érar d'un accufé incertain \ c'eft donner carrière a la calomnie , que de bouiher la porte aux abjoiuiions plemeres.. Heft bon de remarquerici que , dans tous fes raifonnements eet auteur regarde le plus amplernent informé indéfini comme une abfoiution provifoire de l'accufé. On fa déja vu par fesexpreffions abfoiution pure & nette $ abfoiution plenilre , comme fimplement: oppofées a un état moins parfait. On en verra encore des pteuves par la faire. Tous les jurifconfultes de fon tems penfoient qu'on ne devoir régler les parties a. 1'ordinaire , que quand il y avoir partie civile ou dénonaateur en caufe ; mais- que eek ne pouvoit avoir lieu vis a-vis de la partie publique j, qu'il n'étoit ni jufte ni poffible d'ex-:  ij8 La belle Tonneliere. pofer aux fuites de cette converfion de i'extraordinaire en ordinaire. Ayrault foutient, au contraire, qu'on peur êtrerenvoyé abfousmême vis-a-vis du miniftère public, fans le compromettre ; mais que l'accufé ne doit jamais être renvoyé quoufque , quand il y a partie civile. II obferve , a certe occanon , que cette manière de prononcer ne provient d'aucune loi, & n'a d'autre fource que 1'ufage ; & que 1'expérience a prouvé qu'elle étoit utile quand il n'y a ni partie civile, ni dénonciateur conmv$ quand le procureur du Roi a.agi fur la feule notoriéré du fair , fans que perfonne prenne aucun intérêt a 1'accufation. Hors ce cas, Ayrault indiqne aux accufés le moyen de fe débarralïer des liens du plus amplernent informé indéfini, qui les éloigne derout emploi honnête dans la fociété , de toute alltance honorable , &c. En un mot il apprend comment on peut, dans ce cas, parvenir a une abfoiutionparfaite & définjtive. II y en avoit donc déja une parfaite; ou, comme nous parions aujourd'hui, une définitive. II faut, dit-il , que l'accufé demande un plus ample délai pour 1'accufateur. Ou fi l'accufé  La belle Tonneliere. 159 allegue quelques faits qui tendent a prouver la calomnie , il faut appointer les deux parties a informer , Tune pour prouver le crime qu'il avoir dénoncé; Sc 1'autre de la calomnie ; Sc que rous ienter le jour que les enquêtes leront rapportces. Si 1'accufateur ne prouve rien de plus que ce qu'il a prouvé d'abord , l'accufé , qui avoit été envoyé quoufque, fera abfous , & 1'accufateur condamné en fes dommages Sc intérêrs, &c en des réparations , s'il y a preuve de fa calomnie. Mais s'il n'y a d'autre partie que Ie procureur du roi, « il me femble, dit » Ayrault , que l'accufé doit requérir v commiflion pour appelier la veuve » Sc héririers , ou autres qui peuvent » avoir intérêt dans 1'aeeufation , a ce )> qu'ils viennent dire s'ils veulenr fe » rendre parties , ou adminiltrer té» moins au procureur du roi. S'ils dé» clarent que non , il y a apparence » que l'accufé foit bien recevable & » ciemander que le procureur du roi *» foir lors renu de nommer fon déla» teur, non pas afin de conclure firót a 55 condamnation de dépens , dommaj> ges Sc intéréts; mais afin d'avoir  j6o La belle Tonneliere. '» partielice; &r qu'a cedénonciateurlott' r> baillé autre délai d'informer Sc four> tenir fa délation Sc dénonciation-, a « peine de tous dépens , dommages 33 &c intéréts, Sc de réparation., li beioiu ,3 eft ,3, Mais il n'eft pas nécelfaire, dans notre efpèce , de recourir a tout ce cérémonial. Ici les parties fe font préfentées d'elles-mêmes , Sc Xxparf.e efl liee avec elles.il ne s'agit que de fcavoir commenr on la finira„ Mais il faut auparavantfixer, dans les vrais points de vue-, la nature Sc les véritables effets da plus amplernent informé indéfini. -Ayrault aioute encore ( & c'eft ici le vrai cas pour lequel le plus amplernent informé a été introduit , Sc dans lequel nniquermnt il doit fubiifter ) que , fi le procureur du roi n'avoit point véritablement de délateur , mais que , fur la feule notoriété du fait, il fe fut rendu accufateur , il n'y auroit point alors de remède: il faudroir demeurer dans les Hens du plus amplernent informé. D'oü il eonclut qu'on peut être abfous avec la partie civile , fans 1'être avec le procureur du roi. Nous ne nous arrêterons point ici a difcuter r d'après le: dérenfeur de la; $£i\uxuïDurands\es auteurs qu'il paffe er*  La belle Tonneliere. \6i revue , foit pour les combattre , foit pour s'appuyer de leur fuffrage (i). Nous nous fixerons, un inftant , fur Julius Clarus qui , felonM. Pafliet des . vaut feul le fuffraee d'un • r r 1 Tl „.,„...-.1 la manière donr on prononce , aaas les pays étrangers , en Efpagne , en Italië , dans le duché de Milan , le plus'amplernent informé , quand le crime imputé a l'accufé n'eft pas fuffip. II faut en même-rems A ; r . ...>.. „ „„„r. AP fpC Pf- connoitre ce qu un y fv-'"y — fets: & la facon de penfer fur les eftets d'un jugeme'nt en lui-même doit être commune a toutes les nations qui s'en fervent. Julius Clarus , liv. 5 , §• dernier ; queft. 6i, n. 6 & fuivans , remarque crue , dans ces différents pays , on prononce par abfoiution , les chofes demeuranr, vis-a-vis du miniftère public, M Ces auteurs font Joannes Millaus ; lieutenant des e?ux & forets de la table de marbre a Paris, fous Francois I dans fort livre Praxis criminis perfequendi , donne au public peu de tems après l'ordonnance de I tso. Jean imbert , lieutenant-criminel a Fontenay-Ie-Comte , dans fa pratique civile & criminelle , liv. 3 , chap. 15. Bruntau , mamws crimndks , part.. 1, tit. 27 , maxime 33,, .  ï6i La belle Tonneliere. dans I'état ou elles font • & pour faire voir qu'il entend parler précifément de notre plus amplernent informé indéfini, il faut rapporter fes propres ex* preflions :fi non adfunt indlcia fufficlery üa ai torquendum , vel ad imponendum allquam pcsnam extraordinariam, tune abfolvitur quidem, non tarnen diffinitivè , fed flantibus rebus prout flant. De forte que , fi, aptès ce jugement, il furvient de nouveaux indices, on procédé contre l'accufé comme s'il n'y avoir point d'abfoiution j & hoe cafu ,jï deindefuperveniant nova indicia , de novo contra eum proceditur nonolflante tali fententid. Par - la tout fe concilie. L'accufé ; qu'on n'a pu convaincre , ni parfconlequent condamner , jouit provifoirement, quant a fes biens & i fes droits , du bénéfice ds 1'abfolution : & quant a la peine qu'il peut encourir, s'il furvient de nouvelles preuves , il demeuro fous la main de la juftice. Mais elle ne peut le frapper , tant que , par défaut de nouvelles charges , il refte a fes yeux dans le même état. Si, fuivant Julius Clarus , on penfe amJj en Efpagne , en Italië , dans Ie auche de Milan , des effets du plus amplernent informé indéfini , il nous  La belle Tonneliere. 163 annonce qu'on a penfé 5c jugé de même en France. 11 dit , dans une note marginale : idem ebfcrvatur in regno Francu qubd non abfolvantur rei , Jed liberaniur fub cautione de fe reprnfentando, ut atteflatur Rebuffus. Nous ne dilTerterons point encore fur le paffage de Rébuffe , que 1'annotateur de Julius Clarus avoir en vue. Ce paffage eft dans la préface du commentaire fur nos ordonnances, glof. 5 , n. 118. Si, du fentiment des auteurs, on veur paffer a la jurifprudence des arrêts, voici ce qu'on lit dans Bouchcl, au mot abfous: «En France , les accufés ». de crime ne font jamais renvofés ab„ fous, afaure de preuve entiére ; mais « feulemenr on a accoutumé de les ,, élargir des prifons. Que 111'on donne » quelques abfolurions, c'eft pour le 3) regard de la partie civile : car quant « au procureur du roi, il eft toujours h fur fes pieds , fi 1'occafion de prou» ver la vérité du fait fe préfente ; m comme il fut jugé par arrêt du 8 jann vier 3540. Et néaumoins, fi l'accufé » a obtenu fon élargilfemenr par-tout, » or que ce foit en baillant par lui caum tbn , cela lui vaut tellement abfolu-  164 La belle Tonneliere. » non, que , fans attendre autre juge» ment déhnitif , il peut poutfuivre « fes dommages 5c intéréts contre fes » accufateurs ou dénonciateurs , comme » il a été jugé par arrêt de Paris du zo » aoüt 1537». Papon cite Ie même atrêt, liv. 4 , tit. 5 , n. 4 5 & en tire le meme principe. « Elargilfement d'un accufé par-tout , » dit-il, après le procès extraordinaire >j fait, encote qu'il foit chargé de bailleé » caution, vaut abfoiution; Sc peut, fans. 53 attendre aucune déiinitive, ledit prij> fonnier ainfi élargi, pourfuivre fes 33 dommages & intéréts contre fes infti3> gateurs. Et ainfï fut jugé par artêt de 33 Paris , du 23 aoüt 15 37 ». I ous les auteurs, comme Guenois Sc 'Automne fur lmbet , liv. 3 , chapitre 15, remarquent que, par eet arrêt, il avoit été jugé quel'élargiffement fait, même en b-aillant bonne Sc fuffifante caution , après le procès-criminel fait & parfait, avoit effet & force de fentence definaive y & qu'il n étoit bejoin d'autre abfoiution ; qu'en ce cas , l'accufé pouvoit demander fes dépens, dommages Sc intéréts. II eft aifé de fentir les vrais motifs de cette décifion qui eft-fi célebre dans notre jurifprudence. Il eft toujours eet-  ■ La belle Tonneliere. 16<$ tain que, dans le cas du plus amplej ment informé indéfini avec élargille: ment du prifonnier, le crime n'eff pas prouve vis-a-vis des parties civiles , vis-a-vis des dénonciateurs , vis-a-vis de toutes les autres parties qui peuvent avoir intérêt dans 1'accufation , ou qui veulent en tirer avantage contre.l'acI cufé. lis deviennent tous, en ce cas , 1 les parties , aclores, quand il s'agit de i leurs intéréts, dans quelque point de vue qu'ils fe préfentent, foit en défendant, foit en clemandant; Sc il eft de principe que , aciore non probante , abfolvitur , ;eus. C'eft donc a eux, foit qu'ils aient j a fe défendre des demandes formées contr'eux par l'accufé ainfi élargi, foit qu'ils aient a foutenir contre lui des : prétentions en conféquence de 1'accufation , a adminiftrer de nouvelles preuv -ves au miniftère public, 5c a faire reprendre la procédure criminelle , a lp faire condamner. Autremenr ils ne peuvent : etre écoutés ni dans leurs défenfes , ni dans leurs demandes; paree que l'accufé en liberté jouit v vis-a vis d'eux , de la plemtude de Ion etar. II faut encore faire, fur eet arrêt, une obfervation bien importante. Il a été ;rendu dans Ie tems que M. Li/et étoit  ï66 La belle Tonneliere. premier préfident de Paris , ayant fuccédé , en 1529, fous Francois I, a M. de Selve 3 Sc n'étant mort qu'en 1554, fous Henri II. Aufli voit-on , par fon ouvrage,fait avan» eet arrêt, qu'il étoit, dans le fond, du même fentiment, puifqu'il croyoit qu'on devoit faciliter a un accufé qu'on avoit mis en quoufque vis-a-vis d'une partie civile , ïe moven de s'en libérer Sc de fe procurer fes dommages Sc intéréts , fi cette* partie ne prouvoit rien de plus que ce qui fe trouvoit originairement dans le procès. De cette diflertation , il réfulte , i°. Que le plus amplernent informé in-' défrni ne doit fon origine a aucun e loi, aaucun réglement, & ne s'eft introduit que par un fiinple ufage , depuis que les ordonnances de 1498 Sc 1559 eurent changé Pancienne forme de procéder. i°. II ne pouvoit , fuivant 1'ufage primitif, être accompagné de 1'élargiffement de l'accufé , que quand le miniftère public étoit feul partie. Mais quand il y avoit partie civile , fi ia. preuve ne fe trouvoit pas complette , le procès étoit converti en procès ordinaire , Sc s'inftruifoit civilement.  La belle Tonneliere. i6j Cette inftru&ion fe faifoit dans de brefs délais, & étoit fuivie d'un prompt jugement , foit par abfoiution définitive , foit par condamnation. Et li la procédure étoit difcontinuée, elle tomboit en péremption. Par conféquent Paccufé étoit provifoirement décharge Sc abfous , foit jufqu'au jugement définitif, foit jufqu'aia péremption acquife. 3°. Ce plus amplernent informé indéfini ne pouvoit fubfifter que quand l'accufé fe trouvoit, a tous égards , vis-a-vis du miniftèrepublicfeul; quand perfonne n'étoit auteur de la dénonciation , Sc n'avoir aucun intérêr foit au crime , foit a fes fuites. Autrement l'accufé pouvoit prendre la route que nous avons tracée plus haur , d'après Ayrault; Sc fi ceux qu'il appelloit refufoienr de comparoitre , il pouvoit demauder qu'on lui nongmat ion dénonciareur , pour le forcer a foutenir ia dénonciation , fous peine de tous dépens , dommages & intéréts , même de réparation Sc d'amende. 4°. On a épuré fes idéés fur la nature Sc fur les effets du plus amplernent informé indéfini. On a écarté la vaine queftion de favoir quel eft, au  ï68 La belle Tonneliere.^ fond, Perk de la procédure vis-a-vis «iu miniftère public, qui peur la reprendre en cas de nouvelles preuves; mais qui, s'il n'en furvient pas , ne peur la faire revivre fous quelque précexte que ce foir. On a penfé & on a jugé qu'il en réfulroit une abfoiution du moins provifoire en faveur de l'accufé , foit visa-vis du procureur du roi, qui le tient inutilemenr fous fa main 9 tant- qu'il ne peut le trapper ; foit vis-a-vis de toute autre partie intéreflee dans Paccufation , qui ne peut s'en prévaloir tant que les chofes reftent au même état. Et a Pégard des parties civiles , on lui a donné 1'effet d'une abfoiution défini- tive. ... C'eft ce qui réfulte de 1'avis des iurifconfukes dont on vient de pariet , & de 1'arrèt de 15 37- Cet arrèt meme' en jugeant qu'un accufé peut , en ce cas, pourfuivre fes dommages & intéréts contre fes accufateurs & dénonciateurs, a plus accordé qu'on ne demande dans cette caufe. L'accufée ne demande en effet que la confervation de droits qui lui font acqüis , dont elle eft faifie en vertu d'un afte de donation en bonne forme ,s& dont elle ne peut, par conféquent, être dépouillée que par une condam-  Lil belle Tonneliere. 169 condamnation. Elle demande qu'on lui en accorde d'autres auxquels un titre légitime , un teftament olographe, lui donne lieu de prétendre , & dont fon abfoiution provifoire , qu'on peut, aux termes de 1'arrêt de 1537 , regarder comme définitive vis-a-vis de tout autre que du miniftère public , doit lui affurer le plein Sc entier effet. ii feroit même fouverainement iujufte , on ofe le dire , de penfer autrement fur eet objet. Ce feroit donner i de fimples préfomptions , qui ne vont pas a la demi - preuve , quoiqu'elles aient engendré Ie plus amplernent informé indéfini , route la force d'une condamnation déiinitive , qui ne peut s'affeoir que fur les preuves. les plus claires & les plus folides. Ce feroit enlever X un innocent , & dont la mort peut manifefter 1'innocence , les biens qui lui appartiennent, & 1'expofer a vivre dansl'ignominie & dans Ja mifère. Et fous quel prétexte ? Sous la fpécieufe' efpérance de trouver , dans 1'avenir , des éclaircilfements qu'on n'aura peut* ctre jamais, &qu'on ne doit pas moralement efpérer, après les délais qui fe font ecoulés depuis Ia doublé prononciation du plus amplernent informé indéfini. Tome XII, jj  170 La helle Tonneliere. Cependant le calomniateur qui fe feroit tenu adroitement caché , & qui n'auroit pas prouvé les faits de fa calomuieufe dénonciation , jouiroit traiiT quillement des avantages qu'il en avoit efpérés , & qu'il ne devoit néanmoins attendre que d'une condamnation. Si 1'on donnoit au plus amplernent informé indéfini 1'eftet qu'on prétend aujourd'hui qu'il doit avoir , cette épreuve , quoique plus douce en apparence , feroit bien plus trifte dans fes fuites, que celles que 1'on connoiffoit autrefois fous la fauffe qualification de jugements ce Dieu, Car enfin , après ces cpreuves que la fuperfiition faifoit regarder comme des jugements, l'accufé étoit abfous ou condamné ; il n'étoit exoofé qu'a perdre fes biens en perdant la vie, fans laquelle ils lui étoient inutiles. Mais , dans 1'atTreux fyftème qne foutiennent les fieurs Duparc, l'accufé qui n?a contre lui aucune condamnation , qui peut être innocent , qui n'a pas la liberté de fe juftifier , qui cependant efi pourfuivi par descalomniateurs qui veulent tirer avantage de 1'accufation qui le tient enchaïué , un tel accufé eft forcé de fe voir tranquillement privé des biens qui lui appartiennent,  La belle Tonneliere. r^r } Sc qu'on ne lui ravit que lous prétexte ^ de cette même accufation qui n'eft pas il protivée , qu'on ne peut prouver, &, dont ou' ne veut pas qu'il fe lave. Il a même le chagrin de voir fa fortune »i dans les mains de ceux qui ont entrepris fa perte fans pouvoir y réulfirj quoiqu'après fa mort, ils fufïènr, fuivant leurs propres principes , obligés de les reftituer a fa fucceffion. C'eft ici le moment de jetter un i: coup d'ceil fur la conduite des fieurs ;: Devaux , de manifefter 1'artifice Sc les i; détours par lefquels ils ont voulu faire jiillufion a la juftice. S'ils euffènt été perfuadés que leur frère utérin eüt été empoifonné , Sc que le poifon lui eüc été adminiftré par la femme Durand , ils auroient dü , fur le charnp , en rendre plainte , & pourfuivre Ia vengeance de fa mort. C'étoit leur devoir , fans i-quoi ilsfe rendoientindignes delafuchceflion qu'ils vouloient réclamer. Mais , au lieu de fe rendre parties par une plainre , ils fe font bornés a Wé rendre dénonciateurs. On doit durmoins le fuppofer. Car, s'ils n'ont joué itaucun role; fi la démarche du procujreur du roi n'a été excitée que par la \voix publique, pourquoi ne font-ils Hij  ijl La belle Tonneliere. pas intervenus dans 1'accufation ? Mais ils fcavoienr qu'en fe rendant parties , foit comme accufateurs , foit comme ïntervenants, ils étoient tenus d'établir i accufation par des preuves claires 8c lumineufes , fous peine , aux termes de l'ordonnance de 1670 , d'être condamnés en des dommages Sc intérêrs. Ils fcavoienr , d'un aurre cóté , que , vis-a-vis du miniftère public , de fimples foupcons , de fimples préfomptions , jointes au ritre d'aceufation , fuffiroient pour empêcher la décharge de 1'accufée , Sc la conduire a un plus amplernent informé indéfini , dont ils pourroient tirer avantage. C'eft après avoir ainfi gardé un fi-| lence profond Sc combine, fans pourtant demeurer dans l'inaaHon, pendant töute l'inftruction criminelle ; c'eft après le plus amplernent informé indé-1 fini qui en eft l unique réfultat, Sc qui n'eüt pu être prononcé s'ils euffent été 1 parties, que les fieurs Duparc fe pré-] fentent , pour enlever a la femme Du- \ rand des biens dont elle étoit faifie avant le pré ten du crime , Sc avant 1'ac-j cufation j pour lui refufer , en même-1 tems, la délivrance d'un legs dont elle| ne pourroit être déchue que par 1'enêcd'une condamnation,  Ld belle Tonneliere. 173 Ce n'eft point la , encore une fois , y&c ce n'a jamais été 1'objet du plus amplernent informé indéfini. II n'en a d'autre que de réferver, vis-avis du miniftère public , l'accufé a la peine jqu'il peur mérirer, s'il furvient contre Hui des preuves qui puiffenr 1'y con1 duire. Mais il ne peut, a 1'égard de Jltoute autre partie intéreffée dans 1'acleufation , porter aucune atteinte a fes jfacultés, ni a fes biens \ il jouit de la jplénitude de fon état. i C'eft donc vouloir fe faire illufion , jque de foutenir qu'un accufé mis en iplus amplernent informé indéfini n'a pas la reffource commune i tous les acicufés qui peuvenr demander leur défeharge , fi on ne peut parvenir a les iconvaincre. Quand les fieurs Devaux jonr avancé ce fophifme, ils n'ont donc jpas fenti combien il eft aifé de le déjtruire. II eft bien vrai que eet accufé |ne peut demander fa décharge tant Iqu'il refte vis-a-vis du miniftère public feul 5 ou du moins, attendu fa fituation, il eft obligé , pour fe débarraffer, de rapporter des preuves pofitives de fon innocencc; &C par conféquent, de prouver une négative. Mais il n'en eft pas de meme quand il fe trouve des par-  174 La belle Tonneliere. ties intéreffées dans 1'accufation , avee lefquelles, poar nous fervir des termes d''Ayrault, il puiffe lier la partie. On fcait alors de quelle manière un accufé peut parvenir , fuivant les loix, a fe procurer fon abfoiution. II faut donc , pour arnver au vrai , dans cette matière, toujours diftinguer deux fortes d'abfolutions ; 1'abfolution définitive prononcée par un jugement de decharge ; & 1'abfolution provifoire , qui eft Peffèt du plusamplemenc informé indéfini. C'eft cependant uniquement fur cette confufion que roule le fophifme perpétuel des deux premières propofitions des fieurs Devaux* L'intérêt du miniftère public', qu'ils ne veulent pas diftinguer de celui des particuliere , donne a leur fyftême une apparence de vérité qui pourroir en impofer a ceux qui n'y feroient pas affea d'attention. Pour établir que 1'accufée eft , par Ie jugement qu'ils luireprochent, dans les liens d'une condamnation qui leur eft néceffaire pour leur projet , ils ont été julqu'a vouloir infinuer que le plus, amplernent informé indéfini eft une peine , 1'avis en étant, difent-ils , fuivant une remarque de M.. 1'avocat-gé-  La belle Tonneliere. ïj$ , néral Talon , plus rigoureux que celuides galères. D'abord c'eft abufer du nonx de M< Talon , Sc donner pour fon avis ce qu'il ne donne lui-même que comme une I opinion qui n'eft pas a lui. 11 dit , dans les conférences fur l'ordonnance I de 1670, rit. z6 , art. 13 , quaucuns i\ ont ejlimé que le plus amplernent in- I formé étoit un avis plus rigoureux que celui des galères. En fecond lieu , quand il feroit vtal . que , dans 1'ordre des avis , le plus i amplernent informé indéfini feroit re^ ■ gardé comme plus rigoureux que celui des galères, ce ne feroit toujours qu'un ■ jugement interlocutoire, puifqu'il peut' I être fuivi d'un jugement de condamna- II tion ou d'abfolurion : & fi c'étoit une peine , il n'y auroit plus lïeu a un autre jugement, a une autre condamnation 5 paree qu'en matière criminelle , c'eft I L'tme maxime inviolable dans tous les ; cas: non bis in idem. Auffi les fieurs Devaux, après bien des raifonnements , fe font-ils réduits d'eux-mêmes a ne faire réfulter, du plus amplernent informé indéfini dont ils argumentent, que des foupcons Sc des préfomptions j Sc ont entrepris d'é-r H iv  176" La helle Tonneliere. tablir, par leur troifième propofition ; que ces foupcons & ces préfomptions, qui ont donné lieu a ce plus amplernent informé, fuffifent pour rendre la femme Durand incapable de recueillir les bienfaks du fieur Devaux, qu'elle eft du moins foupconnée d'avoir empoifonné. . On concoit qu'après avoir prouvé ; fur les deux premières propofitions , que^ vis a-vis des parties intéreftées dont il s'agit uniquement dans cette derrière, le plus amplernent informé indéfini vaut une abfoiution du moins provifoire , & qu'il produit tous les effets d'une décharge définiüve , on pourrok fe difpenfer d'aller plus loin. Alais 1'examen de leurs moyens, fur eet objer , donnera un nouveau jour a ceux qui viennent d'être étabiis contr'eux. Ils conviennent d'abord que les préfomptions qui , difent-ils , tiennent fouvent lieu de preuves dans les affaires civiles, ne fuffifent pas pour faire condamner un accufé a toute la rigueur d«s peines établies par les loix ; qu'il faut , pour le punk , des preuves plus claires que le jour en plein midi. Mais ils prétendent que , pour fonder 1'in^  La belle Tonneüère. 177 dicnité , les fimples préfomptions fuffifent. Voila leur thèfe générale ; Sc ils ajoutent , dans la thèfe, particuliere , que, s'il n'y a contre la femme Durand que des préfomptions Sc des indices , ils font plus que fufhfants pour la mettre'dans 1'impuiffance de recueillir les avantages dont elle veut jouir j Sc ils entreprennent de prouver ce paradoxe par les loix 6c par la jurifprudence. On va prouver , au contraire, Sc par' les loix qu'ils ont citées , Sc par d'aurres qui peuvent s'appliquer plus particuliérement a 1'efpèce , qu'il faut des preuves pouropérerl'indignité, comme il en faut pour faire prononcer la peine. On va prouver, par les arrêts mêmes dont ils argumentent, que ce n'eft que fur des preuves , que les tribunaux ont prononcé Pindignité. lis n'ont cependant, de leur propre aveu , que des préfomptions, que 1'on atténuera em core , en les rapprochan't des circonftances Sc de I'état du procès. On a argumenté d'abord des purgations canoniques qui étoient autrefois en ufage pour les eccléfiaftiques prévenus de quelques crimes. Celui qui ne pouvoit fe procurer cette efpèce de H v  iyS La Belle Tonneliere. jüfhficatxon , non-feulement ne pouvoit requénr aucun benefice ; mais il étoit quelquefois privé de la jouifiance de celuidonr il étoit pourvu.-ll étoit même expofé. a.fe. voir dépofer, fuivant la gravité du crime qu'on lui imputoit. Mais quelle pureté ne faur-il pas ^ pour être jugé digne des honneurs &L des offices eccléfiaftiques ? Un fimple; foupcon fuffit pour en écarter & pour, mettre, par conféquent } dans la néccttué indifpenfable de s'en juflifier. D'ailleurs ces purgations, qui paroiffient, avoir fuccédé aux anciennes épreuves de 1'eau , du fer chaud, &c». confiftoient a repréfenter un cerrain nombre de témoins qui connoiffoient: l'accufé , & qui, après qu'il avoit affuré fon innoeence par ferment, juroient qu'ils croyoient qu'il avoit af— furé la. vérité. Or fi de femblables purgarions étoient en ufage parmi nous> dans tous les états & en toutes matières , comme. le plus amplernent informé indéfini, 1'accufée feroit bientót juftifiée. Une foule de témoins.qui la connoiffent dès fon enfancejureroit qu'elle eft incapable du crime qu'on lui impute , & qu'ils Pen croient innocente.. C'étoic tout. ce qu'il falloit:  La belle Tonneliere. ïjcy pour la purgation canonique. Sepr témoins fufüfoient , &c quatorze dansles plus grands crimes : le nombre ne 1'embarrafferoit pas. Au refte, on penfoit de même chez lés Romains, par rapport aux honneurs& aux dignités.- La limple accufation i fuffifoit pöur' empêcher . d'afpirer a1une nouvelle promotion. Reos criminisupoftulatos ,- noYOS honores appetere non' debere , antcqudm purgaverint innocen-: tiam fuam y & a divis parentibus noftrisr & d me f&pe refcriptum eft , difoit Tem. pereur Alexandre , dans la loi unique;i au code , de reis pofiulatis.- Mais quelle application ces loix ca~ noniques , qui n'ont rapport qu'aux-*honneurs ,, aux bénéfices , & officesij, eccléfiaftiques peuv-ent-elles- avoir avec" cette caufe? Quel rapport peut-on trou-ver avec les intéréts dont il s'agit- ici',, i dans cette loi romaine ,- qui'- regardé-' j. les charges & les dignités ? On peutI faire la même queftion au fujet du dé-I cret d'ajournement perfonnel & du déI cret de prife-de-corps, dont on a vóukti ]; affimiler les effets a> ceux du plus am-■ piement informé indéfini: 3, paree; que; ces décrets■fufpendenf ceux quien font frappes- des-fonctions des»honneurs;  18 o La belle Tonneliere. de leurs offices , jufcjaa ce que le dé- cret foit purgé. Paffons donc a d'autres loix, qui parlant des biens , rentrent par la dans, notre efpèce ; & 1'on jugera fi celles rneme que les héritiers ont citées tendent a exc!ure des biens celui qu'on en prétend indigne , fous prétexte de 1'empêcher de profiter du crime dontil eft foupconné, C'eft cette confidérarion que 1'on fait tant valoir contre la légataire, que les loix ont expreffément prévue & profcrite. La première dont les fieurs Duparc ont argumenté , eft la loi 7 , §/4 , ff. de. bonis damnatorum. Mais elle ne fuppofe pas un fimple foupcon; elle fuppofe la convidion. Une fille de familie eft cenvaïncue d'avoir empoifonné ceïui'qui 1'avoit inftituée fon héririère ; dans ce cas, comme, d'un cóté, Tintent-ion da teftateur avoit été de dépouiller fa familie , & que , de 1'autre, fon héritiere. inftituée s'étoit rendue indigne de fes bienfaits en le faifant motuir, la fucceflion futadjugéeau hfc. En voici les termes: Divus plus refcripfit: cum jiha jamiiias veneno necaffe convincererur eum a quo heres inftituta erat, quamvis jujjii patris in cujus potejïcte ef-  La belle Tonneliere. i8r fet, adierit hereditattm , vendieari eam fijco. On a cité , en fecond lieu, la loi $ , ff. de hls qu& ut indignis auferuntur. Cette loi parle entore , non des fimples foupcons 5 mais de preuves, tk de preuves très-claires. Un héritier inftitué étoit convaincu d'avoir , par fa faute , & par fanégligence , lailié mourir celle qui 1'avoit inftitué; ie qui étoit manifeftement prouvé. La loi le déclare indigne de la fucceffion. 11 faut encore citer les termes: indignum effedivus Plus Mum decrevit, qui manifeftiflimè comprobatus eft id egi(je ut, per negUgeivtiam è' culpam fuam muiier d qua heres inflitutus erat , moreretut. Voila le délit conftaté par des preuves ttès-manifeftes. C,e n'eft donc pas fur de fimples foupcons , mais , comme dit la loi ellfemême,fur les preuves f s plus évidentes du fait, que porte fa difpofition. Voici encore une loi que les héritiers ont citée comme contenant une décifion bien remarquable. C'eft la loi 9 , ff. de jure fifci. Dans 1'efpèce de cette loi, 7 ucius Titius avoit inftitué héritiers fa fceur pour les trois quarts , fa femme M&via y & fon beau-père pour le fur-  icJz La belle Tonneliere. plus- Ce teftament fut annullé par la' furv-enance d'un pofthume, qui mourut peu de tems après. Ainlï toute la fucceffion fe trouva dévolue xMavia mère du pofthume, & fon héritière. La fceur de Lucius Titius accufa M&via fa femme de 1'avoir empoifonné.. Ayant fuecombé dans fon accufation , elle interjetta appel.- L'accufée vint a. décéder. Ce décès n'empêcha pas que les lettres qu'on appelloit -Apoftoü (x) ne fulfent délL— vrees. On demandoit li la- mort de l'accufée n'arrêtöit pas la pourfuite de Pappel, c]ui avoit pour objetla répétition de la fucceffion de Lucius Titius ? Lé jurifconfulte Modefiinus répondir que le crime étant éteint par la mort de^ l'accufée , le fifc pourroit révendiquer (i) A Rome , lörfqu'on avoit interjetté appel d'un jugement, il falloit que 1'appellant demandat au premier juge une lettre pour le juge fupérieur , foit que ce fut 1'empereur, foit que ce fut tout autre magiltrat.. Cette lettre s'appelloit littera. dimiffbricz ou apoft'oli, & contenoit tout fimplement qu'un tel avoit appellé de la fentence d'un tel juge,rendue entre tels & tels. Si , après les diligences requifes, 1'appel'ant ne pouvoit obtenir cette lettre ; en juftifiant de fes démarches , fon appel n'en étoit pas moinssecu. Voyez-L.unic. ff. dtlib. dimijf,  La belle Tonneliere. 18 j. les chofes qui feroient prouvées avoir. été acquifes par le crime. 11 eft: bon de rapporter encore le texte :: Lucius Titius fecit heredes fororem fuam ex dodrünte , uxorenr M&viam & focerum ex reliquis portionibus, Ejus tejiamentum s, pqfthumo nato , ruptum eft \ qui pojihumus brevi& ipfe décejjit; at que ita omnis* hereditas ad matrem pofthumi devoiuta, eft. Soror tefiatoris Miviam veneficio in: Licium Titium accufavit: ciim non obtinuijjet, provocavit -..intered decejjït rea;. nihilo minus tarnen apofloli redditi funt: Quare an putes,. extincld red , cognitionem appellationis inducendampropter hereditatem quafttam ? ModepZinus re/pondit, morte rea crimine extinclo , perjecutionem eorum qus. Jee/ere acquiftta probari poiTunt ,fifco competere pofte. Comment les héritiers ont-ils pu fe flatter de tirer avantage de cette loi ? Wy eft-il pas textuellement écrit que ce n'eft pas fur de fimnles foupcons,, mais fur des preuves , que le fife peur, révendiquer la fucceffion dont il s'agit9. comme acquife par le crime vqu& fcelera acquiftta probari pojfunt f Ce n'eft quefbus la condition expreffe d'une preuve.acquife , que le jurifconfulte décide.  184 La belle Tonneliere. que le fifc pouvoit en tentet Ia pour- fuite. , - Aces loix, dont les héritiers ont voulu li mal-a-pros tirer avantage , on en peut joindre d'autres qui n'admettent aucune indignité, fans les preuves les p'us claires, La loi 9, au code de revocand. donat. exige ces preuves, pour autorifer la révocation des donations , qui ne peut etre caufée que par ïindignité. Donationes circa filum , fil a,n-ve , n-.potem neptem-ve y velpronepo'.em proneptem-ve emancipatos celebratJis , pater, vel avus, vel proavus :evocare non poterit , nifi edodtis manifeftiffimis caufis , quibuf eam perfonam , in quam collata donatio eft, contra ipfam veni e pietatem , & ex caufis iua legibus continentur ,fuijfe conftabit ingra um. La loi dernière du même titre , après Pénumération des caufes d'indignité , demande , pour qu'elles piviifent donner atteinte aux donations , qu'elles foient conftatéesparles preuves les plus lumineufes & les mieux établies. Ex his enim tantummodo caufis, li fuerint m judicium dilucidis argumuntis cognitionaliter approbaca , e-.iam denutiö-  La helle Tonneliere. 18? nes in eos faclas everti concedimus. Ce qui eft répété dans la novelle 22 , cap. 2.6 , §. & fper 'is 3 qui ne veut pas que 1'ingratitude foit préfumée , mais qu'elle foit clairement & manifeftement prouvée. Palam verb eft quia ingratum intelligi eum oportet, qui.... fallus aperte monftrabitur. La novelle 115, chap. 3 , eft encore plus précife, & a un rapport plus par- I ticulier k notre efpèce. Dans 1'énnmération qu'elle contient des caufes d'indignité qui peuvent autorifer un père a lancer le foudre de 1'exhérédation fur fes enfants, fe rrouve celle du poifon 1 par lequel ils auroienr voulu artenter a fa vie: Si vita psrentum per venenum t : ent allo modo , infidiari tentaverint. i Après cette énumération, il eft dit a. la ' fin que, files pères & mèrès infèrent une de ces caufes dans leur reftament s &c que les héritiers inftitués prouvent que le motif eft réel , 1'exhérédation doit , avnir fon exécntion : mais s'ils ne font II pas cette preuve, les enfants rentrent dans leurs droits. Si igitur unam ex Dis • parent s in teftamento fuo inferuerint , & fcripti heredes nominatam caufam veram effe monftraverint , teftamentum fuam habere ftrmitatem decernimus. Si  186" La belle Tonneliere. autem hac obfervata non fuerint , nuïlum exheredaüs liberis pr&judiciunï generari. Ce qui fait dire par Godfroy , dans fes notes , prafumuncur meriti, nijl probentur immer'ni. Quoi le jugement d'un père, que 1'on ne foupconnera certainement pas d'accnfer légèrement fes enfants, fur-tout d'un crime auffi atroce que celui d'avoir voulu attenter a fes jours par le fer , ou par le poifon , ne leur portera aucun préjudice , fi fa déclaration n'eft fouteuue par une preuve juridique , par une démonftration; 8c 1'on viendra dire que, fuivant les loix , les préfomptions , qui ne fuffifent pas pour condamner, fuffifent pour fonder Pindrgnité ! Elles condamnent toutes , au contraire , un fyftême qui foumettroic Phonneur & la fortune des citoyens a 1'arbitraire des opinions. PafTons aux arrêts que les héritiers ont invoqués en leur faveur. Le premier eft rapporti par Louet &Z Brodeau , lett. S. fomm. 20. La dame de Montagriers plaidoit avec le fieur de Ch antte^ac fon neveu , pour la propriéré de Ia terre de Chantrezac. Pendant le cours du procès, elle fit affaffiner ce neveu par un de fes fils. Par fen-  La helle Tonneliere. 187 tence de la fénéchauffée d'Angoulême, la mère &c le fils furent condamnés a mort, par contumace. Pour la purger , la mère fe préfenta au parlement féant alors a Tours. La peine,de mort fut eommuée en un banniffement de dix ans , & elle fut déclarée indigne de la fucceffion de fon neveu, qui futadjugée a la dame d'EJliffac, veuve du comte de la Rochefoucault , comme ayant acquis les droits des autres héritiers. La dame de Montagriers éranr décédée , fes enfants , coufins germains du défunt, fe pourvurent par requête civile contre Parrèt, en ce qu'il avoit déclarê la dame de Montagriers indigne de la fucceffion de fon neveu , S£ prétendirent que leur mère , qui étoit feule coupable , étant morte, la fucceifiori leur apparrenoir, non comme fes héritiers , mais comme héritiers de leur coufin germain. Tant que leur mère avoit vécu, ils n'avoient pu prendre cette qualïté , paree qu'elle étoit inteterceprée par cette mère qui occupoit» dans t'ordre de la parenté , le rang auquel la loi & la nature déféroient la fucceffion. Mais ce rang ayant vaqué par le décès de celle qui 1'occupoit, ils y avoient été naturellement portés. Aüifi  ib8 La belle Tonneliere. c'étoit de leur chef & par leur propre oroit , & non comme éranr aux droics de leur mère qu'ils réclamoient cerre fucceffion. Mais on leurrépondoit qu'ils étoient indignes , auffi bien que leur mère, comme venus ex radice infccla, & qu'il n'étoit pas jufte qu'ils recueilliiient une fucceffion qui n'avoit été onverre que par le crime de leur mère. Par arrêt du i 5 aoüt 1604 , les enfants furent privés de la fucceffion. . Cet arrêt eft jufte : mais les fieurs Duparc n'en peuvent tirer avantage , qu'en difanr, comme ils fonr, que la dame de Montagriers , n'ayant été condamnée qu'au banniffement, c'eft une preuve qu'elle n'avoit pas été convaincue , & que cependant elle avoit été déclarée indigne de la fucceffion : d'oü ils concluent que 1'indignité n'avoit d'autre bafe que des préfomptions qui furent fuffifantes pour faire craindre de récompenfer le crime. Mais 1 °. les deux arrêtiftes atteftent que la dame de Montagriers fut convaincue de la nart qudle avoit eue a la mort de fon neveu Elle ne 1'avoit pas alfaffiné elle-même; mais elle avoit engagé fon hls a commettre ce crime. 2°. On jugea que la part qu'elle  La helle Tonneliere. 189 avoit eue a eet alTaflinat ne mérttoit pas d'autre fupplice, que dix ans de banniffement ', peine qui ne fe prononce pas fur de fimples foupcons. C'eft une maxime parmi les criminaliftes , que 1'on ne condamné point pro modoJuf picionum , mais pro modo probationum & pro ratione delicli. 3°. Les propres enfants de Ia dame de Montagriers , en défendant leur caufe perfonnelle , étoient convenusK eux-mêmes , comme Brodeau le rapporte, que leur mere étoit coupable: mais qu'étant innocents , ils avoient droit de venir, de leur chef, a la fucceffion. Cet arrêt prouve donc que ce n'eft pas par des préfomptions , mais fur des preuves fuffifantespour condamner, que 1'on prononce 1'indignité. Le fecond arrêt eft rapporté par trois jurifconfultes ; par Brodeau fur Louet y a I'endroit ci-deffus cité: il le date du 13 mars i6"g8 \ par M. Servin , avocatgénéral, qui porta la parole: il le date du 14 mars ; & par Mornac , qui en parle fous la loi 1 , au code ubi caufit fifc : il le date du 1 8 du même mois ; il le rapporté d'après les éclaircilfements qu'il avoit eus de M Ie premier préfident de Harlay , qui 1'avoit prononcé.  ïC)0 La belle Tonneliere. Thibault le Fevre avoit alTailiné un frère dé Jean Tajjart, & il réfultoit des charges & informations , que Jean Tajjart avoit feu le projet de le Fevre ; qu'il favoit même 1'endroit oü avoit été cachée la ferpe qui avoit fervi d'inftrument pour commettre ce crime , & qu'il n'en avoit averti ni fon frere , ni la juftice. Ils furenr tous les deux condamnés a mort, par fentence du juge de Rebais en Brie. Sur Pappel , Jean Tajjart fut mis a la queftion, manentibus indicils , Sc n'avoua rien. Par 1'arrêt déhnitif du 11 février 1601, la fentence de mort fut confirmée contre le Fe'vre ; & Jean Tajjart, pour les cas contenus au procès, fut banni pour cinq ans. Le tems du banniffement expiré , Jean Tajjart demanda a Ch/ifiophe fon frere , fa part dans la fucceffion de leur père commun , qui avoit été affaffiné. Par 1'arrêt dont il s'agit, rendu fur les conclufions de'M. Serv'in , Jean Taffan fut déclarè 'indigne & incapable de la fucceffion du défunt; & elle fut adjugéc a Chriflophe Ta ff art. Quel parallele peut-il y avoir entre cette caufe , & celle dont il s'agit ici?  La belle Tonneliere. 191 Chilftophe ne fondoit pas feulement la ré/iftance qu'il apportoit au partage, fur le fratricide dont Jean avoit été accufé, ou du moins fur la complicité qui lui avoit été imputée. II n'y avoit, a eet égard, que des indices, qui étoient cependant alfez forts pour avoir fait prononcer la queftion manentibus indiciis. Mais il la fondoit fur des preuves quiréfulroientdes informations , interrogataires & autres procédures ; defquelles il réfultoit que l'accufé avoit été inftruitdu deffein Sc des préparatifs de 1'affaffinat, fans en avoir averti fon frère ; Sc fur ce qu'en conféquence de ces preuves , il avoit été baniii. Bro- \ deau penfe que , relarivement au fratri¬ cide , le banmflement de cinq ans étoit une peine trop légere ; mais la preuve de ce crime n'avoit pas été complette j cependant les preuves acquifes avoient fuffi pour faire prononcer cette condamnation, C'eft aulli fur ces preuves , Sc fur Ia condamnation qui en avoit été Ia fuite, que M. Servin appuya fes conclufions. Par le procès criminel jugé par la cour , difoit-il, le demandeur s\(l trouvé coupable d'avoir eu la connoiff'ance de l'ajfaf| finat de fon frère ; & en conféquence du  192 La belle Tonneliere. banniffèmcnt donné contre lui , il doit être jugé indigne de l'hérédité du défunt, de l'ajfaffinat duquel U ne s'ejl pas trouve net. Mornae dunne encore un nouveau jour aux motifs de eer arrêt.' II dit avoir appris de M. le Préfident de Harlay , peu de tems après qu'il eur été prononcé, qu'on avoit refufé la fiiccefiion a Jean Taffard, paree que peu s'en étoit fallu qu'il ne fürcondanané comme fratricide fur les indices qui i'avoient fait mettre a la queftion : quia pene in propinquo fuïffet ut condamnaretur,ob indicia fcilïcet qua etiam effecerant ut queftioni damnaretur. II n'en demeure pas la :^ il ajoute que les Juges n'avoient point douté qu'il n'eüt feu les embüches tendues a la vie de fon frere : ut fClv 'lffe 'Mum infidias in fratris vitam 'dubitaverint minime judices. Cela étoit donc prouvé , comme le dit le Brun dans fon traité des fucceflions , Jiv. 3 , chap. o , n. 4, oü il parle de eet arrêt. Jean Taf art etoit convaincu d'avoir feu l'a.(RIPnüt médité contre fon frere. Ce qui réfulte de 1'arrêt même de condamnation , qui n'eft prononcé que pour les cas contenus aup/ocès, 5c dont la preuve étoit  La belle Tonneliere. 193 étoit, par conféquent, affurée. Auffi Mornac ajoutc-t-il encore , d'après M. leprélident de Harlay , que la queftion n'avoit été donnée a Jan Tajjart que paree qu'on ne voyoit pas alTcz clairemenr qu'il eüt auffi eu parr a ces embücfaes j que s'il en eüt fait le moindre aveu alaqueftion, tous les Juges étoient difpofés a le comdamner au dernier fupplice comme fratricide. Adjeclaque Jtt in hoe unum quajiio , qubd ty injïdiarum quoque participem fuijje non fatis üquei et. QubdJi tantillum veritatis inter tormenta emerfijfet, paratus erat univerfus judicantium concejfus addicere fuppli-. cio ut fratricidam. Qu'on faffe un peu d'attention a cette gradation , & tout eft éclairci. II y avoit preuve que Jean Tajjart avoit feu la maihination & les préparatifs de le Tevre pour attenter a la vie de fon frere; mais il n'y avoit pas affez de preuves qu'il eüt lui-même participé, autrement que par fon filence , i cette machination & a ces préparatifs. II elt mis a la queftion , manentibus indiciis , .. pour acquérir cette preuve. On ne 1'acquiert point par fes aveux; mais il n'en reftoit pas moins prouvé qu'il avoit été inftruit des embüches. II eft condamné TorniXlI. \  ïcj^ La belle Tonneliere. en confequen.ee au bannilTement: & enfuite, fur le fondement de cette preuve & de cette condamnation, il eft | idéclaré indigne de la fucceffion de fon frere, Donc aucun de ces deux arrêts n'a été rendu fur de firn pies préfomptions; mais fur des faits conftanrs &c bien prouvés. Le dernier eft donc faTorab'eau fyftème que 1'on foutient ici. Le troifième arrêt eft celui de la Morineau , condamnée par contumace aux peines que méritoit le parricide qu'elle avoit commis, Elle revient , après les trente ans qui avoient prefcrit fapeine, demander la fucceffion de fon père. Sa I fille intervient, &c la demande en fon nom. On jugea qu'elle avoit bien prefcrit contre la peine , mais non pas com tire l'indignité qui réfultoit du crime juridiquement prouvé , & du fupplice qui avoit été prononcé en conféquence. \ Ce n'eft donc pas fur des préfomptions \ que porte eet arrêt, mais fur des preuves juridiquement acquifes. A ces autorités , on joindra celle de Z'illuftre Cochin j dont le fuffrage eft configné dans une confultation , que fon fe détermine d'aütant plus volontiers ii c.opiet ici, qu'elle ne fe trouve ; pas dans le tecueil de fes ceimes.  La belle Tonneliere. •<« Eft d'avis que , quoique eet I w arrêt ( de plus amplernent informé « indéfini) fubfifteSempronia peut » toujours Former fa demande en déliI« vrance de legs, & 1'on ne croit pas I » qu'elle puiffe y fuccomber , fous préI « texte qu'aux rermes des arrêrs elle t »» n'eft pas pleinement déchargée de ' » l'accufarkm de poifon; enfbrte qu'on » peut dire qu'il refte une forte de |-»foupcon contt'elle. Car un fimple j|!«> foupcon ne peut jamais lui faire 1» perdre un droit qui lui eft d'ailleurs is» acquis parun titre légi time ;& plus le s> plus amplernent informé eft indérinï, « plus il eft jufte de ne pas fufpendre 55 la délivrance du legs-. car fi le tems IS étoit limité , comme dans le preinier Jij» arrêt, on pourroit, & on devroit furk> feoit a la délivrance j pendant le i55 même tems. Mais aujourd'hui que li» ce plus amplernent informé n'a plu* jw'de bornes , on ne peut pas laiffer m éternellement en fufpens la propriéré i» des biens. On ne peut pas débourer li> de la demande en délivrance; ce fe|f9 toit juger Sempronia coupable , fans |» qu'il foit furvenu des preuves capaf bles de déterminer la juftice. On ne i»peut pa* furfeoir , puifqu'une fut1%  196 Ld belle Tonneliere: » féance indéfinie feroit, au fond , un » véritable débouté. Tout ce qu'on ,» pourroit faire de pis pour Sempronia, ti feroit d'ordonner que, dans un tems, „ les héritiers de Titius feroient tenus *> de faire juger déhnitivement le pro>} cès criminel •■, finon qu'il feroit fait „ droit fur la demande en délivrance, » &: par la Sempronia pourroit efpérer » de fortir entiéremnt d'affaire ,■ tant » au criminel, qu'au civil. Délihérc a. » Paris le premier oilobrz 1744 , figué s5 CoCHlN ». Sur 1'idée óuv'erte dans cette confultation par M. Cochin , Durand &c fa femme préfentèrent une requête, le 11 mars ,1748 , par laquelle ils conclurent ■1 ce que « les fieurs Duparc fuffent te„ nus de déclarer , dans le jour, s'ils entendoient fe rendre parties civiles » dans le procès criminel originaire„ ment ihtenté a la requête du procu„ renr du roi au chatelet , & depuis ,3 inftrüit en la cour a la requête de M. „ le procureur-général; tk dans le cas m ou ils en feroient la déclaration, „ qu'il fut donné aóte aux fuppliants « de leurs offres de fe remettre, dans 33 tel jour qu'il plairoit a la cour d'in,3 diquer, dans les prifons de la coii-  La helle Tonneliere. i 97 3» ciergerie du palais : en conféquence , 3> qu'il fut ordonné que , dans le délai » qu'il plairoit a la-cour de fixer, les s> fieurs Duparc feroient tenus de faire 33 inftruire, a leur requête , le procés , 3> & de le mettre en état d'être jugé 33 définitivement , pour , ce fait , ou 33 faute de ce faire , être ftatué , fur les 33 appellations & demandes refpectivés} 33 ainfi qu'il appartiendia Le même jour , la mère de la femme Durand, qui avoit auffi été mife en plus amplernent informé indéfini par 1'arrêt de laTournelle du 19 juin 1744, donna pareiilement requête , par la* quelle, pour faire ceffer 1'objection que les fieurs Duparc auroient pu faire que le procès-criminel eft indivifible , elle faifoit les mêmes offres de fe remettre en prifon , fous les mêmes conditions. II eft donc fenfible; il eft même démontré que la cour ne peut prendre qu'un des deux partis indiqués par M. Cochin. Le premier qui confifte a ordonner dès actuellement, la délivrance du legs , eft conforme aux fentiments : de tous les jurifconfultes qui ont écrit , depuis M. Ie premier préfident Lifes 1 & &'Ayrault, &c adopté par la cour , 1 dans fon arrêr de 15373 oü elle a re1 iij  198 La helle Tonneliere. gardé , comme tous les auteurs, le plas amplernent informé indéfini comme une abfoiution du moins provifoire , Sc comme ayant, relativement a tonte autre partie que le miniftère-public 3 1'erfet d'une abfoiution définitive. Dans le fecond parti propofé par M. Cochin , qui confifte a faire finir le procès-criminel, dans un certain tems, avec les héritiers , & qui eft le parti extréme, fe trouvent les fentiments de M. le préfident Li/et Sc d'Ayrault, fur 1'inftruction contradictoire avec les part-ies intéreffées , en les ramenant a la forme de procéder prefcrire par l'ordonnance de 16jo. Tels étoient les moyens fur lefquels l'accufée Sc fon naari fondoient leur appel. II faut dire un mot de ceux qu'ils employoient pour cembattre ce-r lui des héritiers. Ceux-ci foutenoient que » la léga» taire ne pouvoit efpérer la jouiffance » des biens qu'elle réclanaoit qu'en pur" geantles foupcons & les indices vioi» » lenrs qui s'étoient élevés contr'elle j » qu'elle feroit réputée indigne , tant » que fon innocence ne feroit pas éta* »» blie; qu'elle étoit dans une incapa5> eité acfuelle dont elle. ne pouvoit fis.  La bdie Tonneliere. 199 ) » telever qu'en fe juftifiant. Auffi W » juftice lui en avoit - elle impofé la ; » néceffité , fous peine de refter per„ pétuellement expofée aux fuires &c » effets de 1'accufation , chargée, par » conféquent, de toute 1'ignominie arn tachée au crime , & de toute 1'indi53 gnité qui en réfuite ». Ce» expreffions , qui font celles des |héritiers, annoncent qu'ils prévoient ( eux-mêmes que l'accufée pourroir par: venir un jour a fe juftifier , & a prouver fon innocence ; & 1'on a vu com1 ment elle y peut parvenir. D'ailleurs ] on ne pent pas penter que cette femme Ji armée des preuves de fon innocence, 1 rrouve la juftice fourde a fa voix , fous , prétexte de fon plas amplernent inI formé indéfini. Autrement cette ma; nière de prononcer auroit les fuites les il plus fmiftres , & il faudroir la proferire avec horreur comme un monftre & comme Ie fléau de 1'innocence per/i fécurée. Ainfi j a s'en tenir au fens que préI fentent naturellement les expreffions I des héritiers , ils prévoient, d'un cóté ii qu'elle pourroit parvenir un jour a fe juftifier de 1'accufation ; &c de 1'autre,. qu'en y parvenant, elle feroit en état I Vf  2oo La belle Tonneliere. de■ joLiïr jnftement des biens qu'ils ne lui conteftent, de leur propre aveu, qu'en la préfumant coupable. Mais, ^ansfe cas, ceux qui auroient eu cette joubiance jufqu'au moment de fa juftification , feroient obligés de lui tenir compte des fruits qu'ils auroient percus-, & de les lui reftituèr. Ainfi, dans leur propre fyftême, il étoit jufte de les aifujettir a donner bonne & fufiifante caution de les lui reftituèr. Ils n'ont pas prévu un autre cas qui doit, quant a la jouiffance , opérer le même effet. C'eft celui oü l'accufée 'viendröit a mourir fans qu'il fut intervenu de nouvelles charges contr'elle , & par conféquent, fans qu'elle eüt effuyé aucune condamnation. Dans ce cas, ces mêmes biens pafferoient a fes héritiers , qui feroient en état de les recueillir , puifqu'elle feroit morte , après la plus rude épreuve , fans qu'on put la juger coupable. Autrement il faudroit dire que le plus amplernent informé indéhni produiroit tous les effets d'une condamnation réelle : ce qui feroit auffi abfurde qu'injufte. De forte que , fous quelque point de vue qu'on envifage la chofe, 1'appel des héritiers n'a aucun fondement , ni  La belle Tonneliere. 101 même aucun prétexte raifonnable. On peut même aller plus loin. Si les premiers juges n'euflenr pas enlevé cette jouifïance a la légataire , & qu'en la lui confervant, ils 1'euftenr aiuijettie a donner bonne & fuffifante eaution de > rapportet les biens, en cas que de noui velles charges procuraflent un jugement ; de condamnation , les héritiers n'au: roient encore eu aucun motif de s'en : plaindre; puifqu'en confervant la jouif; fance des biens a celle a qui ils appartiennent , & qui n'en pouvoit être dépouillée que par une condamnation , i; leurs prétentions auroient eté également confervées. Tels étoient les moyens fur IefquelsMarie-Marguerite Garnier appuyoit fa. i; défenfe. Les fieurs Duparc répondoient , par : le miniftère de M. Mallard , qu'une femme accufee d'avoir empoiibnné fon bienfaiteur , & chargée de fcupconff affez violents pour 1'afiujettir a un plusamplernent informé indéfini^ne puiife : en eet état, réclamer les bienfaits du défunt; c'eft une vérité de fentiment dont il femble qu'on n'ait pas befoirc d'approfondir le principe. Margueritc Garnier combat cette vérité par intérêt»  Let Belle Tonneliere. mais, ne pouvant fe flatter du fecounr de la raifon, fa reflburce a etc d'ima- giner ielvtteme le plus etrange qu'on ait jamais puconcevoir.. Le fleur Devaux e-A, mort. empoifonné. Marguerite Garnier , qu'il avoit chérie au point de lui faire, une donation d'une rente de i 200 livres par an, & de 1'inftiruer enfuire fa légataire uni- veneue , eft acculee d avoir commis le crime. Une infinité de circonftances fe font'.élevées contr'eüe. Son affiduité aupres du fieur Devaux dans le tems de la caraftrophe , 1'achat. myftérieu* faitpar fon. mari,. peu auparavant, d'une. once d'arfenic, ou de fublimc corrofif, genre de poifon qui, au rapport des rnédecins, a confommé le délit-fèsmquiétudes-far un mariage projetté par le fieur Devaux ; 1'inrérct qu'elle avoit: de s'affurer dès bienfaits qui pemvoient: Jiti échapper ,.& de hater fa jouiffance;; enfin, les charges qui réfultoient. des, informations, dans le fecrer defqnelles. on n'a pu pénétrer , ont réuni fur elle. tous les indices. -La preuve , toujours difhcile dans ces délits obfeurs, n'ayanr pu fe perfectionner par un plus amplernent infermé d'un an . eile fe flattoit ÉPóS  La belle Tonneliere. 2,03; triomphe que 1'ufage femblok lui promettre. Mais 1'impoffibiüté de la juget innocente a fait rendre un arrêt qui r en lui donnant fa liberté provifoke , la foumer a une plus ample informatica illimitée. C'eft dans cette fituation qu'elle j réclame la donation & le legs dont le \ fieur Devaux 1'a gratihce. Eft-elle re■j eevable dans une demande de cette ; qualité ? Si 1'on s'abandonne au fentiment naturel , juge légitime en cette matière , toutes les voix fe réunkonf Icontr'elle. Meflieurs des requêtes du, palais 1'ont déboutée , qitant-a-préfent -v maïs ils ont obligé les fieurs Duparc a donner caution. Elle s'cft plaint d,ï Jleur fentence , dont Ia derniere partie a été attaquée par les fieurs Duparc. Marguerite Garnier, pour combattre les rtois propofitions de fes adverfaires , a entrepris de prouver que le plus amplernent informé indéfini emporte une abfoiution provifoire a 1'égard du miniftère-public , & une dé: charge pleine & entière par rapport h route partie privée ; qu'il n'y avoit" ■contr'elle que de foibles préfomptions 9, i & que de fimples préfomptions ne pou-1 voient produite aucun e efpèce d'inca^ i pacité. i vjj  204 La belle Tonneliere. Elle a iniifté principalement fur 1'effêc fingulier qu'elle ptétend attri.buer ait pms amplernent informé indéfini^ mais. c'eft une idéé qui révolte tour efprit lenfé.. Avant 1'ordonnance- de i^o , on eonnoiifoit deux efpèces de plus ample information , pendant lefquelies l'accufé étoit élargi ; 1'une étoit la réception en procés ordinaire , qui avoit lieu lorfqu'il y avoit partie civile , & qui étoit établie par' les ordonnances. de 145,8 & de 1530 : 1'autre n'étoifc fondee que fur 1'ufage; q'étqit le plus, amplernent informé a la requête du miniftère-public , a défaur de partie civile.. La plus ample information ,.dans.ces dernier cas ?, étoit le plus fouvent illimitée.& indéfinie, & ellefe pratiquoit alors de deux manières différenres.. La plus commune étoit d'ordonner que l'accufé feroit élargi par-tout quoufque , c'eft-a-dire jufqu a ce qu'il furvint de nouvelles preuves. Ce Jugement neportoirpointque 1'informarfon. feroit centinuée, mais le quoufque emporroit la reYerve de reprendre le procés , &• de puniE le coupable , fi 1'on tsouvoit, pat k. fuite, de quoi ie. convaihcre..  La helle Tonneliere. rVflnrres fois on ordonnoit indéfini- ment au'il feroit fait une plus ample information a la requête du miniftèrepublic , & cependant Ie prifonnier élargi , a la charge de fe repréfenter rou| tes fois & quantes. Me Ayrault abien diftingué ces deux j fortes de jugements. Ordomn r, ( dit-il) 3 (i) qu'il fera plus amplernent informé , | & cependant élargir, c'eft interlocutoire.... | être renvoyé quoufque , n'eft pas de \ même y ce n'eft pas proprement inttrlocu! toire , paree qu encore que l'accufé foit envoyé jufqu' a nouveau mandement , il | 72y a point d'ordonnance de run faire l pendant cela. j Mais, dans tous ces cas, quoique le j prifonnier fut élargi, il n'y avoit d'abI folution,, ni provifoire, ni relative :.Ie ji procès criminel fubfiftoit toujours, & j Ia procédure éroir confervée avec toutea fes charges.. Cette. vérité eft établie , a 1'égard de j' Ia réception en procès ordinaire , pat j les ordonnances de 1498 & de 15 3 9, oü \ Ion volt que l'accufé étoit obligé de i comparoitre en perfonne au jour de la. réception des enquêtes (2), & que ft la (0 Livre 3, partie 4 , n. 14 & 15. (2} Si. les parties font appointées comrai-  aotS La helle Tonneliere. preuve écoit perfe&ionnée par le pro* eès ordinaire , il étoit repris, fa fentence prononcée , Sc incontinent exécurée ( i). La réception en procès ordinaire pouvoir conduire l'accufé a obtenir fon abfoiution , fuivant Partiele i <$> de l'ordonnance de i 5 3 o , dont on a voulu abufer; mais elle pouvoit auffi entrainer fa condamnation par la perfection de la preuve. Cette dénomination de procès ordU nalre provenoit de ce qu'anciennemenr tous les crimes s'inftruiioient par la voie civile. Ainfi c'étoit une procédurecivile qui fe faifoit alors , mais c'étoit toujours le procès criminel qui s'inftruifoit civilement (2). On voit , par-la , combien eft peu res & en enquêïes , le prifonnier fera élargi en donnant caution de comparoir en perfonne au jour que 1'enquête fe devra rapporter ou être re$ue. Grdonnance de 1498 article 119. (1) Si 1'on trouve , en voyant le procès ordinaire , que le prifonnier élargi doive être condamné en aucune peine, nos juges-" Fe feront reftreindre , afin que juftice foitaffurée de fa perfonne, & que la fentence foit prononcée ?n fa préfence , & incontinent executée. lbid. article 121. (2) Ayrault-, liv. 3,, partie 4, mim. vu.  La belle Tonneliere. 207' ffaiibnnable la comparaifon qu'on a voulu faire de cette aneienne forme de procéder , avec certe efpèce de réceprion en procès ordinaire , qui eft admife par l'ordonnance de 1670 , pour en induire que le procès criminel étoit converri en procès civil ; qu'il ne reftoir plus, par conféquent, aucune rrace du procès criminel, qu'ainfi l-'accufé étoit regardé comme abfous. II y a wne différence infmie entre ces deux- fortes de réception en procès ordinaire. Celle qui eft étabiie par la' ja.ouvelle ordonnance , a lieu avant récolement & confrontarion , lorfque le. délit n'eft pas affez grave pour faire la matière d'un procès-criminslde maniere que cette procédure eft abandonnée , & qu'on ne pourfuit plus qu'un intérêt civil. Mais 1'ancienue réception en procès ordinaire avoit lieu dans les crimes capitaux, après 1'entière perfection de la procédure extraordinaire, &c ce n'étoit pas la nature du déüt qui faifoit ordonner cette tranfmutation de procédure ; elle avoit pour objetde perfeotionner une preuve commencée, & de conduire, par une nouvelle voie, ai la conviétion du crime. Mais s'il eft démontré qu'il nJy avoit  208 La belle Tonneliere. aucune forte d'abfolution , malgré 1'élargiifement du prifonnier , lorfque la plus ample information fe faifoit avec la partie civile elle-même , par la voie de la réception en procès ordinaire ; li le procès criminel étoit toujours fubfiftant, & fi la procédure extraordinaire étoit confervée avec toutes fes charges 5 il en faut conelure que tout fubfiftoit également, & que le prifonnier, quoiqu'élargi, n'étoit pas plus abfous dans ie cas du plus amplernent informé inrdéfiniqui s'ordonnoitavec le miniftèrepublic. C'eft auffi la décifion des plus célèbres auteurs, lis ne fe font expliqués ,. fur ce point, que par rapport au fimple élargiiTcment£7«5H/T/z/e, quirenfermoir,. par fa nature , une réferve de la pourfuite criminelle , mais ce qu'ils en ont dit s'applique , a plus forte raifon , a un jugement qui ordonné expreflement que 1'information fera continuée. M. le premier préfident Lifet, dit pofitivement que l'accufé élargi quoufque , n'étoit point abfous. « Et ou il » n'y auroit partie civile, dit-il, pourra,.. >3 andit cas , ledit juge élatgir le pri» fonnier par-tout, jufqu'a ce que nou» veaux indices & preuves feront fur-  La belle Tonneliere. 2.09 „ vernis, & auffi oü il n'y auroit eit >, jugement de torture , Sc 1'accufe „ n'auroit rien confeflé , il fera feule„ ment élargi jufqu'a ce que nouveaux » indices feront furvenus , & non ab- „ fous lefquelles preuves furvenues, » & informations faites d'icelles , fera » le juge reprendre le prifonnier , s'il » trouve , par lefdites informations , >3 matière de ce faire «. Lfö r, titre 7. Ayrault commence par décider, d'une manière abfolue , que le plus amplernent informé indéfini , qu'il appellé quoufque , Sc qu'il compare a VampRus non liquet des Romains 3 n'emporte ni condamnation ni abfoiution. Titre 5 , article 4j num. .3. 11 ajoute , un peu plus bas , que la condamnation ou abfoiution de l'accufé traïne toujours. 11 eft , dit-il, incerti dubiique flatus, i Ce jugement , dit-il encore , n'eft point un jugement définitif , paree que Jurvenant nouvelle preuve de même fait , elle eft accumulée , & le procès repris & conduit comme devant. Si la nouvelle preuve eft accumulée, les premières charges fubfiftent donc j c'eft donc toujours'le même procès qui continue , puifqu'il eft repris Sc conduit comme devant.  iro La belle Tonneliere. Notre auteur aj'oute enfuite que le procureur du roi n'eft point, en ce casla , tenu de nommer fon délateur. II en donne deux raifons. II n'eft tenu de fe nommer qu'en fin de caufe ; & Is eaüfi^ n'eft point finie. D'aiileurs , il faut être abfous, pour avoir intérêt de Ie fcavoir. L'accufé élargi quoufque n'eft donc point abfous a 1'égard du dénonciateur. Ainfi eet auteur ne dit pas un mot qui ne profcrive nettement la diftincnon frivole propofée pat Marguerite Garnier. Ii eft vrai qu'en examinanr enfuite quels font les moyens auxquels un accufé peut recourir, pour fe tirer des fiens du quoufque, il diftingue s'il yi partie civile , ou s'il n'y en a pas : non pas pour décider, comme on 1'a avancé, qu'il y z abfoiution a 1'égard de la partie civile , mais pour indiquer , a l'accufé, différentes reffources, eu égard a ces deux cas différents ; & c'eft alorsqu'il propofe les deux moyens dont on ^a rendu compte, en expliquant le fyftême de Marguerite Garnier. Quand, après la procédure tracée par eet auteur , le dénonciateur étoit de ven u partie , on retomboit encore  La belle Tonneliere. %%t dans la réception en procès ordinairer Mais il n'y avoit pas , pour cela, d'abfolution ; c'eft pourquoi notre auteur avertit qu'il n'étoit pas encore tems. de conclure aux dommages 8c intéréts.. iC etoir un mcyen pour fe titer du plus (amplernent informé indéfini, 6c pour iparvenir a 1'abfolution \ mais on n'étoit jpas abfous, 6c on ne pouvoit 1 etre que jpar la conclufion du procès ordinaire. \ Enfin . fuivant eet auteur , quand le procureur du roi, fans délateur , avoit. intenté 1'accufation fur la feule notoriéte du fair , il n'y avoit Iers remede ; " falloh toujours demeurer dans fon quouf¬ que. Cerre analvfe de la doctrine cYAy¬ rault prouve jufqu'i 1'évidence que nl eet auteur, ni M. Lifet, n'ont pas conlidéré le plus amplemenr informé ufqttcqub comme une abfoiution ni tacite ni provifoire envers qui que ce foit. L'un & 1'autre ont feulement indiqué les moyens a un accufé qui fe trouvoit dans ce cas , pour parvenir a fon abfoiution , foit avec une partie civile, foit avec un dénonciareur que 1'on avoit rendu partie. Mais, en même-tems , ïiis reconnoiffent que le. quoufque n'e-  212 La belle Tonneliere. toit pas plus une décharge envers ceux- ci , qu'envets le miniftère-public. L'accufé n'étoit pas plus abfous d'un coté, que de 1'autre; & s'il obtenoit fa décharge envers la partie civile , ou envers le dénonciateur , il 1'obtenoit de même envers le miniftère-public. La voie qu'on lui ouvroit, pour fe faire abfoudre a 1'égard des premiers , c toit, en même-tems, un moyen pour brifer' les liens du quoufque. C'eft ce qa'Ayrault nous annonce de la manière la moins équivoque., puifqu'il dit précifément que cette faculté donnée a l'accufé de fe faire recevoir en procès ordinaire avec la partie civile , ou le dénonciareur rendu partie , étoit un remede pour Ster le quoufque de deffus fon dos, Sc parvenir a une abfoiution Sc libération parfaite ; que fi 1'on ne prouvoit rien dans le procès ordinaire , le renvoyé quoufque étoit abfous ; mais que , s'il ne pouvoit ufer de cette voie, faute de parrie civile & de dénonciateur , il n'y avoit plus de remede , Sc il demeuroit en fon quoufque. On aura , fans doute, peine a croire que Marguerite Garnier ait ofc invoquer en fa faveur le fufFrage de ces ju-  Lab elle Tonneliere. z 13 rifcoiifulres mêmes , dont la décifion la condamné fi formellement. Mais il ne faut pas s'en étonner ; pouvoit-elle emprunter le langage de la vérité, pour défendre la plus raufle : de toutes les propofitions ? Rebuffe , qu'elle prétend ranger de fon parti, dit netrement que le quouf, que n'eft point une abfoiution., è- alias j non abfolvitur (1). Elle a recours enfuite A des ufages ultramontains qui n'ont pas le rooindre II rapport a nos maximes. Julius Clarus dit qu'en Efpagne & en Italië on prononce fouvent par abfoiution , rebus fiantibus \\ prout ftant, ce qui eft fondé fur ce que, , dans ce pays, on ne connolt point la maxime non bis in idem. L'accufé eft 1 abfous avec cette claufe, lorfque fon innocence n'a pas été clairement prou: vée , &c il peut être pourfuivi pour le ! même fait, mais alors c'eft un nouveau procès qui s'intente : de novo proceditur. Parmi nous } au contraire , l'accufé élargi (z) quoufque n'étoit point abfous; (1) Préface fur les ordonnances , glof. 5 , h. 118. (7.) ObfervabaturinFraneidqubd non abfilvuntur rei , fed überantur fub cautione de fe reprafentando. Note fur Julius-Clarus , liyre 5 , §. dernier, queftion 62, n. 6.  214 Lu helle Tonneliere. ■aulÏÏ ne fufKfoitdl pas , pour donnet 3ieui ce jugement, qu'il n'y eüt pas de -preuves pofitives de 1'innocence , il falloit qu'il y eüt un commencement de preuve du crime. La caufe n'étoit pointfinie , dit Ayrault, la condamnation out abfoiution trainoit; s"dfurvenoit une nouvelle preuve, elle Jtolt accumulée, & le procès étoit repris & conduit comme devant. La femme Garnier en eft enfin réduite a fe rerrancher dans les autorités de Papon, de Bouchel, de Guenois, & de Bruneau. Papon, k la vérité , décide que I'élargiifement quoufque vaut abfoiution ; •ce qu'il dit même avoir été jugé par un arrêt du parlement de Paris du 23 aoüt 15 37. Bouchel tic Guenois ne font que copier certe note , Sc Bruneau, qui ne méritoit pas 1'honneur d'être cité , nous^ renvoie fimplement a ces deux derniers auteurs. Toutes ces autorités doivent donc fe réduire a la feule nore de Papon ; mais malheureufement elle eft fondée fur un arrêt qui n'a jamais exifté. II ne nous en faut d'autre preuve que le témoignage de M. Ie préfident Lifet, qui ccrivoit dans le même tems, 5c qui  La belle Tonneliere. 2 t 5 «tablit une maxime route contraire. Ainii il faut ranger cette citation , & lx note dont elle eft le fondement , au nombre de ces rêveries dont Papon a été juftement taxé par les plus célèbres jurifconfultes (1). Tenons-nous en donc aux fuffrages de M. Lifet &C d''Ayrault auxquels nous allons joindre celui de M. Talon , en xeftituant dans fon entier le paffage qu'on a rapporté de eet illuftre Magiftrat. « II a été d'ufage , dit-il, de re» cevoir les parties en procès ordinaire, >» & de reprendre 1'extraordinaire, s'il « furvenok de nouvelles preuves. Mais jj cela ne fe pratiquok que dans les » crimes capkaux , lorfque 1'accufation « étant infttuke dans toutes fes formes, w les témoins recolés & cenfrontés , il as ne fe trouvoit aucune preuve furïï33 fante pour prononcer aucune con3) damnation contre l'accufé; mais il y 33 en avoit pourtant fuffifamment pour (l) Papo contra judicatum dic'it , fed non femper vera canit Cajfandra. D'Argentré fur 1'anicle 85-cis la-c.outu.me de Bretagne, titre 5 , numéro 1. Mera in multis funt apud ejufetmodi credulum areflographum fomnia. Mornac, fur la lei S , au digefte de refcindettdd venditians  216 La belle Tonneliere. » ne lui pas accorder fon abfoiution -, >3 car alors , par une efpèce d'inrerlon curoire , on recevoir les parties en j> procès ordinaire ; l'accufé avoir la liberté de faire entendre des rémoins >j pour prouver fon innocence. Si 1'acn cufateur découvroit de nouvelles ,> preuves , il pouvoit auffi faire en- quête de fa part; & 1'affaireétoit lors x pburfuivie civilement; mais avec la « liberté de réputer 1'accufation crimi» nelle , en cas qu'il parut de nouvelles 5> charges. » Comme ce circuit étoit long & ,> pénible, il engageoit les parties dans » des frais & des procédures infinies ; j) tk c'eft avec beaucoup de raifon que 3. la nouvelle ordonnance prefcrit cju'a3, prés la confrontation , on prononcera 3» définitivement fur 1'abfolurion ou 33 condamnation de l'accufé. II faut 33 pourtant obferver que quelquefois 33 on ordonné qu'il fera plus ampless menr informé. II eft vrai que 1'on a ,3 fait jufqu'ici cette différencé que, 33 lorfqn'il n'y a de partie que M. le 33 procureur - général öu fes fubftiruts , 33 fi les juges ne font pas fufKfamment >3 éclaircis pour condamner, ou abfoudre 2) l'accufé, ils ordonnenr qu'il fera plus 33 amplernent  La belle Tonnelière, nj » amplernent informé. Mais , quand » il y a partie civile , au lieu d'ordon» ner cette information plus ample, » on recoit les parties en procès ordi» naire ». Or , s'il n'eft pas permis de douter que le fimple quoufque n'emportoit abI folution envers aucune partie , foit privée, foit publique, qu'il laiflbit, au contraire, fubfifter le procès criminel avec toutes fes charges ; a qui perfuadera-tjon qu'il en ait pu être autrement , | forfqu'au lieu de fe réduire au fimple jélargiftement quoufque , on ordonnoic ;pofitivement qu'il feroit fait une plus amplé information a la requête du miiniftère-public, & cependant le prifonjmer élargi, a lacharge defe repréfenter toutes fois 8c quantes , faifant fes fouirjimons 8c élifant domicile? Tel eft le jugement qui a été prononce contre Maigue-ite Garnier , jugement qui., comme 1'a remarqué'^y'rauh , eft un véritable interlocutoire , qui, par fa nature , laifte néceffairement les chofes dans le même état, 8c équivaut a la plus ample conteftation en matière civile. N'eft-ce pas s'aveugler a plaifir que de pretendre qu'un arrêt qui ordonné Terne KIL ' k  2i8 La belle Tonneliere. qu'il fera informé plus amplernent pardevant le confeiller rapporteur , pour, Vinformation fa'ue , communiquée au procureur du roi , & vue par la cour, être ordonné ce que de raifon, a détruit le procès criminel , & anéanti toute la procédure ? Loin que la pourfuite criminelle foit anéantie , elle n'eft pas même fufpendue , puifqu'on ordonné que 1'information fera continuée , & qu'elle eft cenfée fe continuer, fans intermiffion , par la recherche des preuves dont le miniftère public eft fpécia- lement charge. Un jugement de cette nature exclut néceflairement toute efpèce d'abfolution , foit provifoire , foit définitive. II n'y a rien de provifoire que 1'élargiifement des accufés, rien de fufpendu que 1'exécution adluelle des décrets. L'élection d'un domicile , dans lequel Marguerite Garnier eft obligée de fe repréfenter a toute fommation , prouve feule que la procédure & les décrets font toujours fubfiftants. Ce domicile élu eft , felon le langage rnême de l'ordonnance (i)> une véri- (i) Ordonnance de 1670 , article 10^ titre 17.  La belle Tonneliere. 219 table prifon , dans laquelle elle eft comme confignée pour y attendre, avec réfignation , les ordres févères de la juftice. Elle reconnoït elle-même que le décret de prife-de-corps n'eft pointanéanti , puiiqu'elle oïre de fe rendre dans les prifons pour faire valoir une demande fingulière dont il feraparlé dans un moment; mais fi ce décret fubüfte , de fon propre aveu, il en réfulte , de néceffité, qu'elle n'a obtenu aucune efpèce de décharge ni d'abfolution. Marguerite Garnier refte donc toujours dans les Hens de la procédure criminelle , charsée du crime afT™™- ; dont la vengeance fe pourfuit contre ene. , ^r.'. cet.^z^ ou on 1'a réduite prouve néceffairement que les foupcons les plus violens fe font réunis fur fa tête. Si une plus ample information , dont le tems eft limité , fuppofe néceffairement de fortes préfomptions du crime, que ne doit-on pas penler d'un phis i.amplement informé indéfini tel que celui dont Marguerite Garnier éprouve i;la rigueur ? Dans le premier cas , l'accufé voit 1111 terme ou il eft comme affuré d'obKij '  2T.O La belle Tonneliere. tenir fa décharge, s'il ne furvienc point de nouvelles preuves : dans le fecond, au contraire, il eft condamné a trainer fon lien jufqu'a ce qu'il ait adminiftré des preuves polïtives de fon innocence. Le célèbre M. Talon n'a pas craint de décider (i) que le plus amplernent informé devoit être regardé comme une peine , par la feule raifon qu'il a trait i Ia mort. II va même jufqu'a dire que , fuivant 1'avis de plufieurs, c'eft une peine plus rigoureufe que celle des galères. C'eft, fur - tout, au plus amplernent informé indéhni que cette obfervation doit s'appliquer. Chez les Romains , un criminel qui avoit efTuyé une longue inftruction , étoit confidéré comme ayant fubi une portion de la peine due a fon crime. Les loix, par cette raifon , vouloient qu'il füt puni avec moins de rigueur (2). On ne doit donc pas douter que ce ne foic une peine bien réelle que d'être condamné a refter perpétuellement in. reacu , chargé de toute 1'ignominie du crime , portam dans fon fein des (1) Conférences fur l'ordonnance de 1670, titre 25 s article 13. (2) Si diutino tempore aliquis in reatu fuerit tliquatenus pcena ejus fuHevanda erit. Lege *5> ff' ie.  La helle Tonneliere. 121 frayeurscontinuelles, exckéesparl'irnage d'une more infame dont on eft menacé, 8c de ne fe voir ren du a la fociété que pour en être le rebut & 1'horreur. Marguerite Garnier fait-elle 1'éloge de fes fenrimenrs , lorfquelle vient nous dire qu'elle ne confidère point cec état comme une peine ? Le plus amplernent informé indéfini n'eft , nous dit-elle, qn'un jugement d'inftrudion 5 fi c'étoit une peine , tout -feroit terminé , il n'y auroit plus de pourfuire a faire , plus de punition a craindre , paree qu'on ne punk pas deux fois pour un même crime , fuivant cette maxime fi connue en matière criminelle , non bis in idem. Un feul mor renverfe cette objection. L'ordonnance met la queftion au rang des peines (i): cependant le jugement qui 1'ordonne n'eft qu'un jugemenr d'inftrudion. La queftion &C le plus amplernent informé ne font point la punition du crime , mais la peine des préfomptions & des indices qui n'ont point été pur- (i) Titre 15, article 13 de 1'ordonance de 1670. K iij  222 _ La belle Tonnellère'. gés. Ainfi on ne conrrevient point a Ia maxime «on in idem, en prononcant enluite contre l'accufé une condamnation définitive. Marguerite Garnier nous dit en vain que les préfomptions qui fe font éleve ;s contr'elle ne forment pas une fe«11preuve , puifqu'elles n'ont pas été iuHifantes pour la faire appliquer a la queftion. On lui répond que , dans les crimes qu'il eft intéreffant pour le public d'approfondir , il eft de la prudence des juges de ne pas laitfer dépendre le fort d'un accufé de fa feule confeilion. La queftion avec la réferve des preuves en entier auroit été une peine fupéneure au plus amplernent informé mdefini; auffi eft-elle annoncée par l'ordonnance comme la plus rigoureufe de toutes les peines après celle de la mort •naturelle , mais la queftion fans ré- I ferve des preuves auroit rendu Marguerite Garnier arbitre de fon fort ; elle auroit été dégagée de 1'accufation * ii elle n'eüt rien avoué; au lieu qu'on Ja réduit a ne pouvoir fecouer ie joug de Ia pourfuite criminelle, qu'en prouvant fon innocence, & a trainer une vie infame , toujours en proie a des alarmes plus terribles que la mort même-.  La helle Tonnellère. 22} Si elle a paru Merker un jugement auffi rigoureux, n'en dok-on pas; «Hldure que les indices les plus violens ie lonr réums pour ia i -.„„^ a re. n'pft au'il leur a lal Q unc aum-v- , i» i été impoffible de fe mettre au-defius des foupcons véhémens dont Marguerite Garnier s'eft rrouvée atteinte ? lis n'ont pu la condamner , parce que la preuve , fi difficile i acquénr dans les crimes de cette nature , ne s'eft pas trouvée a fon point de perfeftion ; mais ils font demeurés convaincus qu'elle fe perfeftionneroitavec le tems, & ils ont jugé Ma guerite Garnier^ indigne d'être rendue a fon premier etat, tant qu'elle ne purgerok point les indices puiffans qui fe font rr.anifeftes contr'elle.  , 224 gabelle Tonnellère. «nmer JG cette preuve imparfaite &■ ces préfomptions violente? £ Plus amplernent informé indefiri fu» lok TJ brf°">> &ire parIet jM • ju§ee 'ndigne d'être af&anchie des ngueurs deia pourfmte crimin Ie ^T*"'? nie"^ra-t-elle d'l* «e honorée de bienfaits confidér bles fance dn k; f procurer la jouif- fafteu t ? Par k morc du b«ntaiteu , & tandls .on w f «Se l/"-^ ?Ua"0n kPIus «P>£ • -/y "aö-c 5 on lm accordera nn?  La belle Tonneliere. izï . révolte la nature , 8c ce que la raifon ne pourra jamais concevoir. S'il n'y a pas eu affez de preuves pour faire fubir d Marguerite Garnier la oeine de mort , qu'elle ne croie | pas pouvoir en tirer ici le mcindre I avantage. Pour condamner a la mort, I il faut des preuves plus elaires que le jour , luce mertdiana cleriores, mais, des preuves mcins parfaites, en éparfnanr a. un accufé le dernier fupplice , I peuvent 1'expofer a des peines moins rigoureuies. L'ordonnance de 1670 , titre 19 „ article 2 , nous apprend que l'accufé qui a fubi la queftion avec réferve des preuves, &c qui n'a rien avoué , ne peut être condamné a mort , s'il ne furvient de nouvelles preuves ; mais qu'on peut lui infliger toute autre peine pécuniaire ou afflictive. 11 y a donc un genre de preuves capables de foumettre a des peines même affliétives , quoiqu'infufKfantes pour faire prononcer une condamnation capitale. C'eft auffi la décifion prefqu© générale des praticiens Sc des jurifconfultes (i). £1} Et Hocpraxi videair recepfum. Zceflus K v  224 La belle Tonnellère. II n'eft donc plus queftion j, W ner jfi cette preuve imparfaite, & ces préfomptions violentef, que Z Plus amplernent informé indéfini fop! pofe necefTauement, conftituent Marf^^Wdansl'incapacitê de £ cuedhrleshbéralirés du ffeUr ZW. loix Ti ,faire P^ler les ioix,&de recounr a la force des raifonnemens.pour établir une pareille propofinon, & n'eft-ce pas de ces vé- Prime /inren^Uel" — i^pnrne daus Ie «cur de tous les hommes ? Jugee indigne d'être affranchie des ngueurs de la pourfoite criminelle, Margucnt* Garnier meritera-t-elle d'cire honoree de bienfaits conlidérables m^a:re;drnt'cntre f« «« gage de fon innocence ? Le crime dont elle «ft fi vivemenc foupconnée! eft d avoir voulu fo procurer fa iouifWdu bienfait par la mort du bien- üortT' Tf* qU'°!1 lui fait %" Port.r par la fituation la plus rigoiireufeje poids des arèC^L;^ Tv. rtc"1 cnarSee > O» U" accordera une jomflanc. qui feroit le prix du crime affreux qu'on lui impute! On eft i fo Wpourla pu„ir, &oncommen! ceia par la recompenfer ! Voili ce qui  La belle Tonneliere. I révolte la nature , & ce que la raifon ne pourra jamais concevoir. S'il n'y a pas eu affez dé preuves pour faire fubir d Marguerite Garnier .1 la peine de mort , qu'elle ne croie I pas pouvoir en tirer ici le mcindre I avanrage. Pour condamner a la morr , 'i il faur des preuves plus elaires que le I iour . luce meridiand cleriores : mais I des preuves moins parfaires, en épar- i gnant a un accufé le dernier fupplice , ; peuvent 1'expofer a des peines moins 3 rigoureufes. Lordonnance de 1670, titre 19 , article 1 , nous apprend que l'accufé qui a fubi la queftion avec réferve des preuves, & qui n'a rien avoué , ne peut êtte condamné k mort , s'il ne iurvient de nouvelles preuves ; mais , qu'on peut lui infliger toute autre peine pécuniaire ou affliclive. II y a donc un genre de preuves capables de foumettre a des peines même 1 affliétives , quoiqu'infuffifantes pour 1 faire prononcer une condamnation ca— pitale. C'eft auffi la décifion prefqu© générale des praticieus Sc des jurifcan*- i fultes (1). £1} Et hocpraxi vtditur receprum. Zcefius K w  226 La belle Tonnellère. ApWorte raifon „des. indices viaT\ fortesPréfoinpticns feroientüs iuxhfauts pour priver l'accufé d'un, pur gaia , qm bi eft nu ^ cnme meme qu'on lid impure? 11 n'eft P"int queftion cTimpofe/ici aucune peine a iH^,^ U ne sV- que d.empec&er qu'elle.ne faife un gala iJleguime, & qu'elle n'accroüTe fa for~ tune des bienfaits de celui qu'elle eft accuiee d avoir empoifonné, Or s'il ett des cas od les préfomptions peuvenr ^ mr beu de preuves, qui peut douterque cene foit pnncipalement dans une lemblable circonftance ? Ces principes doivenr,.fur-tout, avoir jeur applxcation. dans une matière oü ia perfecrion de Ia preuve eft plus dift> «le a acquérir.que dans toute autre. ^ us un faxt. eft, par fa nature, difficile a prouver, plus la juftice fe déterB«ne facilement a déférer aux. préfomptions, lorfquil ne s'agit que de Maruer lur un intérêt purement civiL Mais ,, indépendamment de ces rer- \ htit.pnndea. dè pr. & pref. n. ao. «iraie de Bretagne , glofe i, n. 11, hnben dans fa pratique , livre 3, chapi. "6. 14 , numero 8. &«„. £ J  Lei belle Tonneliere. izj gles générales, nous avons deux principes particuliers qui dccident fouverainement dans Ia eonteftuionpréfenre; tan , que celui qui eft accufé d'un crime grave , ne peut af ürer, pendant que 1'accufation fubfifte , a aucun des avantages dont le crime rendindigne J 1'autre , que les préfomptions fufhfene pour établir 1'indignité , toutes les fois qu'il s'agit d'empècher que rien ne foit acquis par le crime. Le premier principe eft fondé fut les difpofitions des loix Roma'mes, fur celles des loix canoniques, & fur lesmaximes de notre jurifprudence.- Les loix Romaines décident qu'uit accufé ne peut obtenir de nouveau* honneurs , ni acquérir de nouvelles dignités jufqu'a ce qu'il ait crabli font innocence (i)- La même régie eft établie par fes canons contre les eccléfiaftiques prévenus de quelque crime. Le chapitre dccedens x 3 , X , de \accufatisnibus,. im.- (x) Reos crïminh pojfutatöf novos fionorey 'appetcre non debere ,. antequatn- pxrgaverïnr in-nocentiam fimm9 6* a divis parentibus nofirif & a me fizpè rcfcriptuia eft, Leg, unie eodt ete reis goftulatis,.  2 2 8 La bette Tonneliere. pofe a celui qui a ére diffamé par une accufation grave , 1'obligation de fe purger canoniquement , pour être en état de requérir le moindre benefice.. Plus les préfomptions du crime font confidérables y plus les. canons exigenc une juftification pleine & authentique Non-feulement l'accufé ne peut afpirer a aucun bénéflce jufqu'a ce qu'il foit juftifié , mais il efl fufpendu de fes fonctions j & fi le crime eft grar ve , on le privé de la jouiffance des bénéfices dont il eft pourvu (z): la rigueur des canons, va même jufqu'a le dépofer s'il n'a pu parvenir a fe purger, quoiqu'il a'ait point été convaiu«u (*)- (0. Attendentes vulgaiam infamatn;. gravejcandalum, &• yehementem Jhfpicionem ex tejlium diftis obortam purgaüortem ei quartiz deermat manus fui ordinis duximus indicendanu Cap. io, X , de purgat. canon. (2) LLèt ergo ecclcfiafüca conftitutio taks: officia tantum ujque ad purgationem cano- mcam docealfujpendendos; quia tarnen turn. etiam. a beneficio prop ter immunitatem criminis fujpendip , nolumus improbare. Eod. cpp. ro- (3) Qubd fi' forfan in purgatwne deficerit ; turn ab officio & beneficio depofitum, adagendam potnitentiam in arHum 'monajlerium damden nou omittas. Eodem cap^  La bdk Tonneliere. 229 Ces maximesontleurapplication dans l'ordre civil. comme dans 1'ordre de la religion. L'objer eft différent , mais le, principe eft toujours le même. Plus rigides , en ce point, que les loix Romaines qui ne piivoieht l'accufé que da droit d'afpirera de nouvelles dignités „ nous attachons au fimple décret, tant qu'il n'eft point purgé , la privation des honneurs artr.bués aux offices mêmes dont l'accufé eft revêtu(i). Or il y a ici même raifon de déeider , que dans lefpèce de toutes ces, loix. Si c'eft un fcandale pour la religion , & s'il eft contre 1'honêteté publique , que celui qui eft violemment foupconné d'un crime, poffede des honneurs , foir eccléfiaftiques, foit civils , dont ce crime rend indigne , ne feroitil pas contre 1'honnêteté des mceurs, Sc ne feroir-ce pas un fcandale pour la fociété , que celui qui eft accufé d'être Paffaifm de fon bienfaiteur , fut autorite a jouir du bienfair qu'il en a recu , dans le tems même que la juftice le pourfuit , & qu'elle lui fait fentir le poids des préfomptions dont il a éte frappé ? (1) Ordounance de 1670, titre 10 , artir de 11»  230 La belle Tonnellère. Mais que pourra-t-on oppofier i eet autre prmcipe , qiIe Ies éfom ■ nennent toujours lieu de preuve ƒ Jorfqu Ji eft queftion d'e mpêcher que rien «e foit acquis par Ja voie du crime ? . KaPPellons-nous qne Marguerite Gar- "f'r ne,pOUVoi-t/ouir de ** donatie* , f du iegs umverfel, que par Ia mort eft coUp,Djej & on ^ A quelle demande, ce fera fon' propre forfait qui paura mife £n £fiL des biens ou'ell* rtrU*.* ^ emoa gdulpnce^fiar ce point , feroit funeftealafoaeté, & elles ont cru ne c^t i°ar7°rCCr ^ k riSueur 4 On les voit d'abord perpétueliemenr cas , le cnnnaKIo -/r-: ^ ^, veut que , non-obftant cette maxime , que e ertme efl éteint par la mort f, coupable , on foit, recu , après le aecèsde Parrnf^ ' " . J.e i' r ■ ' 1 ^euiemeiii alui- vre 1 accufation 3 mais même èl interi ietter appel d un jugement qui Pa at ^ensjqui ixe luxétoient parvenus que  La helle Tonnellère. 23T tamme ayant fuccédé a 1'héritier da défunt. La loi 7 , §. 4, ff. de bonis damncttorum, a appliqué aux enfans du coupable les effets de 1'indignité. On n'a. pas voulu qu'il put même retirer du crime eet avantage d'en voir paffer le fruit a fa poftérité (1). Notre jurifprudence , également attachée au bien général de la fociété ,. a non-feulement exclu les enfans du coupable de la- fucceffion de 1'homicidej, elle a porté la rigueur jufqu'a les prLver, ainfique leur père, del'efpérance de recueillir les biens de cette fucceffion, comme héritiers de celui par qui leur père avoit été exclus. C'eft ce qui a été jugé par les arrêrs du 7 aoüt 1604 contre les enfants de la dame de Montagriers, & du 15 mai 1605 , contre la Morineau. On en a parlé plus haut» 11 ne s'agit point la de fimples foupcons ,.a ton dit, mais de crimes conftants & avérés. Cette ohfervation eft jufte ; mais voici une conféquence qui ne 1'eft pas moins : fi on a porté £i loirr la févérité des régies pour empê.- (1) Ex his, dit cette loi , qua per flag& üum damnatus acquifiit , portiones liberorum: &waugentur..J  23 2 La belle Tonnellère. cherque , dans aucun cas , le coupable «e put protiter de fon crime, foit directement , foit indirérement , il ne lera jamais poffible de fuppofer que la juftice foitaiTezindulgente pour laifTer recueillir les biens d'un homme mort de poifon , par celle même fur qui elle a J"ge que tomboient les préfomptions du crime , & qu'elle retient, par cette raifon , dans les liens de la procédure criminelle. Mais on ne fe borne pas d faire vaJoir cette conféquence -y on établit pofitivement que la feule crainre de laiher au coupable le fruit de fon crime , avoit entraïnc les loix 4 faire conhderer de fimples foupcons comme des motirs fufnfantspour établir 1'indignité. —- -~- ? , Uigcnc ae nis qua ut ind, af' dont on a rapporté les termes plus haut , décide que la feule négligence de1'héritier, fi elle a occafionné a mort du défunt, le rend indigne de lafuccemon : or cette ncgligencet quelqu evidente qu'elle foit, ne peut jamais prodmre qu'un fimole ïnitJnn « une mauvaifp 1 3 C eft fur le même fondement que es loix declarent indigne de fuccéder i uenuer qui ne venge point la mort du  La belle Tonnellère. 233 défunt. Le foin de cette vengeance eft: rpcrnrdé, il eft vrai . comme une ef- ipèce de devoir naturel : mais les loix ] n'ont attaché a 1'omiffion de ce devoir 1 une neine ft rieoureufe , que pour con- irpnir Ap* héririers avides . eiue 1'impa- tience de jouir pourroit entramer au crime 5 & elles ne privent 1'héritier de la fucceffion , que comme fufpeét d'avoir participé a 1'homicide, ou d'y ,avoir confenti: tel eft le véritable motif de leur décifion; c'eft la remarque de Bouteillcr, dans fa fomme rurale , titre 78 (1) ; celle de Matth&us , au traité de criminibus (2); & c'eft encore ce que décide la glofe fur la loi 10 , au code de hls quibus ut indign. h&red. au\fer. Yerbo indignam. . La loi li , au digefte de hts qu& ut \ indignh auferuntur , porte encore plus | loin 1'effet du fïmple foupcon. Si un !, affranchi décédoit d'une mort fufpecte, le patron , qui n'avoit fait ni recherches ni pourfuites, étoit privé, par cette loi, du droit de lui fuccéder : portiones \torumfifco vindicantur , .dit cette loi, (0 Ilfemble en ce cas, dit-il, que 1'hoir ; ait été confentant de la mort. (2) Quia fufpicio fcelcris ad ipfum redit, l Matth. cap. 5 , n. 9.  2.34 La belle Tonnellère. , qui mortem libertorum JufpecTo decedentium (i) non defendtrunt. Si, dans le même ou le meurtre n'eft pas certain , le iimple foupcon peut produire 1'indigmte, a plus forte raifon aura-t-il eet] effet , orfque Ie délit eft conftant , &c que celurqiti en prorite, fe trouve violemmenr niniiw Notre junfprudence a adopté tous ces principes, & les arrêts nous fournifientplus d'un exemple oü les pré- „r— ^.^ iegaraees comme Jmfantes , lorfqu'il a été queftion ;r-".v. vj^v, iicu ne rut acquis par le cnmp -1 r La dame A Montagriers , accufée d avoir affaffine fon neveu , ne fut con- """"'^ un oanmHement de dix ans ; preuve certaine qu'elle n'avoit Pas ete convaincue. Cependant elle fut jirgee indigne de la fucceffion de fin neveu. L'arrêt rendu contre Jean Taffen eft iur rout mfiniment remarquable! II avoit ete pourünvi comme complice du meurtre de fon frere, mais il n'y avoit „;,;A^ fufpe?e dece$l>id efl> vum fur.  La belle Tonnellère. 23? ü'autres charges contre lui, que d'avoir pté inftruit du projet de 1'aiiaffinat j & lil ne fut condamné , par cette raifon, Tqu a un bannilfement de cinq ans. Le Jban expiré , il réclama la fucceffion de Ifon frère , dont on le foutint indigne; ■les mêmes moyens qu'on fait valoir Idans cette caufe, furent employés alors, 1de part &c d'autre , & 1'indignité fut Iprone.icee. I L'unique motif de cette décifion fut lle foupcon de complicité. Mornac dit IPavoir appris de la bouche même de |M. le premier préfident de Earlay, qui :» avoit prononcé 1'arrêt. Enfin la juftice eft tellement attachée J a cette maxime, que dans le cas même Ji de 1'homicideinvolontaire 3 on prononvce 1'indignité (1). Comme on ne feart* ;J roit pénétrer dans le cceur de 1'homme , I il y a roujours lieu de craindre que le defir de fuccéder aux biens du défunt n'ait conduit la main de 1'homicide j ] quoiqu'on lui remette la peine du déI fit, on le privé de la fucceffion , pour j ne pas s'expofer a recompenfer le crime. C'eft donc une vérité dêmontrée (1) Le Bnm, des fucceffions , livre J ; thaj'. 9 , n. z.  2.36 La helle Tonnellère. que , lorfqu'il s'agit d'empêcher que ia tranfmiffion des biens ne foit Ie fruit du crime , il n'eft pas befoin de preuves pour établir 1'indignité. Une fuffifentlégitime ' U" lïmPle fouP$°ri Ce feroit donc renverfer tous les principes des loix & de la jurifprudence , que de mettre en poffieillon painole des bienfaits du fieur Devaux une femme violemment foupconnée* de l'avoirempoifonné, & qui nejouiroit de ces bienfaits que par le crime meme dont on 1'accufe. Le miniftère-public , lors de la plaidoiene de la caufe , avoit conclu en faveur de la légataire , & s'étoit fondé iur ce raifonnement: L'indignité eft 1'effet du crime; or le crime n'eft pas prouyé; donc l'indignité ne peut 1'ètre. Voila tout le précis de ce fyftême, dom le vice réfide principalementdans Je fens équivoque de la première propofition. Mais , après les principes qui viennent d'êtte établis , il n'eft pas difficile de refoudre cette difficulté. ^ L'indignité eft 1'effet du crime, c'efta-dire, qu'elle eft relative a un crime qui en eft le fondement j mais n'eft-elle  La belle Tonnellère. 237 jamais fondée que fur un crime avéré, Sc ne peut-elle pas 1'être fur un crime préfumé j 5c fur de violents foupcons ? La queftion eft décidée par ce principe qui vient d etre établi, qu'un foupcon légitime produit l'indignité, lorfqu'il s'agit d'empêcher que rien ne foit acquis par la voie du crime. Si, dans ce cas , de fimples foupcons peuvent produire l'indignité, il en réfulte que , pour établir cette indignité , il n'eft pas befoin de prouver le crime j la conféquence eft évidente. En fecond lieu, il faut diftinguer l'indignité acruelle Sc relative a. I'état d'un accufé, de l'indignité abfolue Sc irrévocable. Celle-ci ne peut être fondée que fur une caufe perpétuelle, paree que 1'effet ne peut fubfifter qu'auranr que la caufe fublifte; Sc cette caufe perpétuelle ne peut être que Ia conviction du crime ; ainfi le crime n'étant point prouvé , cette indignité ne fera poinr établie. Mais il n'en eft pas de même de la première efpèce d indignité qui réfulte de l'aiTujettiiTement acruelle de 1'accufé aux décrets Sc aux fuites de la procédure extraordinaire. Cette indignité acruelle n'eft point 1'effet du crime avéré , mais de la firn-  238 La belle Tonnellère. ple inculpation ; donc il n'eft pas'be- foin , pour 1'établir , que le crime foit prouve. • Or 1'argument que 1'on combat ici, ne pouvanr convenir ni atf cas oü il s'agit de priver un accufé d'un avantage qui feroit le fruit du crime , ni a l'indignité acruelle, produite par les décrets & par la feule pourfuite extraordinaire , il en réfulte qu'on n'en peut faire ici aucun ufage. C'eft en eftet de ces deux faits particuhers qu'il eft queftion : la poffeffion des biens que Marguerite Garnier réclame^ lui feroit parvenue par le crime même dont on 1'accufe , & on ne lui oppofe qu'une indionite a&uelle foiidée fur fon état préfent, & furies préfomptions violentes qu'elle n'a point purgées. Yes moyens lerviront de réponfe a 1'objecfion qu'on a fondée fur les loix qui exigenr des preuves entières , pour faire réyoquer une donation, ou autonfer 1'exliérédation d'un fils. , Toutes ces loix ne parient que d'une revocation pleine & fans retour , ou d'une exhérédationabfolue; & ce n'eft point ce dont il s'agit. Elies ne fe rapporteut point d'ailleurs au cas oü il y  La belle Tomtellère. 239 a lieu de craindre que la pofleflion des biens ne foit le fruit du crime ; ,n^ , innancieg. effets  La belle Tonnellère. 2,41 \ effets civils, il eft au moins quelques i effets civils dont elle rend indigne oü j incapable, lorfqu'elle a fait affez d'imi prefiion fur l'accufé poür le foumettte | a un décret, foit de prife-de-corps , 3 foit d'ajournement perfonnel. C'eft un is effet civil, par exemple, que de pou| voir pofféder un office , & en remplir 1 les fonctions; or un accufé en décret ne 1 peut, ni fe faire pourvoir d'un office , ■ ni exercer celui dont il eft pourvn. C'eft un effet civil ,que d'être recu a Iréfigner un office dont on eft titulaire, I& 1'on n'a point cette faculté, fi fon teft prévenu d'un crime qui emporte la tprivation de 1'office (1). C'eft encore un effet civil, que le droit |de faire recevoir fon témoignage en juAgement; & 1'on rejette le témoignage Ide l'accufé qui eft en décret. Ordoninance de 166j, titre 25 , article z. Enfin, tous les effets civils dont on eft tptivé par 1'infamie , l'accufé en eft incapable, s'il eft dans les Hens d'un dé;cret d'ajournement perfonnel , ou de (2) Apud nos in ojjiciis civilibus dccufiztus de crimine quod fequitur officü privatio , prce\(ètim de delitfo in officio , non admittitur ad yefignandum in favorem. Molinans, in reeulam. at ïnnrnus reiignannbus, n. 369. - lome XII. L  242. La belle Tonnellère. prife-de-corps , paree que ces fortes de décrets emporrent une note d'infamie , tant qu'ils ne font point purgés. Ainfi un accufé, dans i'état oü eft Marguerite Garnier, n'a point encouru une incapacité abfolue des effets civils; mais il en eft cependant , dont fon état peut la priver. La capacité générale qui fubfifte jufqu'a la condamnation , n'exclur point 1'incapacité particuliere , qui réfulte de 1'accufation & des décrets. On ne fcauroit donc argumenter de fe que Marguerite Garnier conferve encore cette capacité générale ; ce n'eft point ce dont ii s'agit; il n'eft queftion que de fcavoir fi 1'incapacité particulière de recueillir les bienfaits du fieur Devaux, eft du nombre de celles qui font attachées k fon état. Or on peut dire, avec confiance, que 1'affirjmative de cette propofition a été démontrée. En général, elle n'eft pofht incapable 'de recevoir une donation. ou un legs; il n'y a que la mott civile qui puiffe la mettre dans ce cas. Mais fon état pré» fent eft incompatible avec la jouiffance des ayantages dont elle demande a être mife en poffeffion,  La belle Tonneliere. 2,43 C'eft une incapacité relative au genre de crime dont elie eft accufée; c'eft une efpèce d'indignité qui n'a rien de commun avec la capacité générale des effets civils , Sc qui ne fe rapporté qu'aur bienfaits de celui dont la mort violente lui eft imputée. L'indignité n'eft ici qne préfumée , il eft vrai; paree que le crime dont 011 accufé Marguerite Garnier n'eft emore que préfumé. Mais la diffamation qui réfulte des décrets ne produit qu'une infamie préfumée, &c cette infamie préfumée a cependant le même effet, tanc qu'elle fubfifte , que celle qui nait de la preuve complette du crime. Or ia juftice retient toujours l'accufée dans les liens du même décret cuede? fnnn. : cons violents ont fait d'abord lancer contre elle. Ces foupcons continuenc donc d'exifter avec la même force ; l'indignité , qui en eft le réfulat , eft donc toujours préfumée: Sc cette nr^- fomption,tant qu'elle ne fera pas anéani tie par la juftihcation pleine & entière J _ 1> r' 1 • • , .. - . ae j accuiee , ooit avoir , dans nipèce préfente, le même effetquelaréalité.Si Marguerite Garnier eüt, pendant que la juftice étoit occupée a inftruire fon procés , formé les demandes qu'elle forme Lij  244 Ta belle Tonnellère. aujourd'hui, l'auroit-on écoutée ? Mais cette inftruction n'eft que prolongée : une plus ample information eft confiée auxfoins du miniftère-public qui veille fans celfe furies nouveaux indices, les nouvelles preuves que fes recherches ou le hafard pourront lui fournir. Le décret fubfifte toujours. Leschofes font donc toujours dans le même étatqu elles étoient quand le décret a été lancé; puifque ce décret eft ia bafe unique de Ia plus ample information qui a été otdonnée, & qui fe continue dans le fecret des recherches. La fufpeniion prononcée par les loix, foit contre lofticier, foit contre I'eccléiiaftique , n'eft autre chofe qu'une préfomption d'indignité. Le ctime les rendroit indignes, & ils font préfumés 1'être jufqu'a ce qu'ils aient effacé les foupcons qui fe font élevés contr'eux. Cette préfomption , tant qu'elle fubfifte , a tout 1'effet de la réalité ; la même raifon qui produiroit une indignité perpétuelle & a'pfolue , fi la conyiction étoit acquife , produit une in— 'dignité acruelle , pendant que l'accufé 'refte ia reatu, II en eft de même dans Ie cas dont j il s'agit. II n'y a pas moins d'incompa-  La belle Tonnellère. 245 tibilité entre la pofleflion des bienfaits que Margueiite Garnier réclame, & le crime dont on l'accufé , qu'il n'y en a entre les fonctions d'un office civil ou eccléfiaftique, & un crime qui emporre 1'infamie ;ilya donc autantde raifon, de part & d'autre, a donner un effet actuel a cette incompatibilité , lorfqu'il y a des décrets fubiiftants , & des préfomptions violentes, qui ne font^ point purgées; 1'honnêreté publiqiie & l'intérêt de la fociété Pexigenté galement. II y a même ici un intérêt beaucqup plus preflant pour la fociété civile. Quiconque aura pu concevoir le deflein barbare de 'fe procurer une jouiflance prématurée par la mort de celui dont il doit recueillir les biens, fe portera , fans héfiter, a 1'exécution de fon projet, s'ilfe perfuade qu'il faudra le eonyainere pour le priver du fruit de fon crime. IIn'eft point decriminel qui ne croie pouvoir écliapper a la conviclion \ mais il ne peut fe flatter de même qu'il n'y aura contre lui, ni préfomption , ni.indice: le moyen de le retenit eft donc de lui annoncer que, pour profiter de fon crime , il faudra qu'il parvienne a effacer ces préfomptions , & a établrc fon innocence. L üj  a4j La helle Tonneliere. , Cette précaution devient encore plas ^ce&ne, forfcjli^gït ducrimede ponon. Ce genre d>homicide, le plus taaie* commettre , eft auffi le J>IUS Oirncile a nmn.™,- . 1» ï . r r-w,^ ,a ton verrolt ces £ k /r »» 4 ' cu Hlu ia loir des Juchefles a detrurt tout fentiment d'hu- Z£iT. * 7 nvrer riardiment i toute 1 horreur de cecrime.fi le dcTaut de convidHon pouvoit leur aflurer une jouiflance qui feroit le prix de leur for- Ainfi le faiut des cirovens & la confervanon de la fociété", fe rrouvent e roitement l.és aüx maximes que 1'on vient derabhr;&ce font ces vues intereflantes qui ont déterminé les loix i donner aux préfomptions la force des preuves, lorfqu'il y a lieu de craindre fg la pofleflion des biens ne foit Ie xrmr du crime. Tout fe réunit donc contre la demande de Marguerite Garnier ■ Ia rai. fon, les loix & l'intérêt public. Son fyftemeeft fi déraifonnahle , qu'elle contredit elle - même tout ce qu'elle propole pour le foutenir. Elle prétend que le décret de prifede-corps eft effacé ; qu'elle, a fon abfoJution provifoire vis-a-vis du miniftère-  La helle Tonnellère. 247 public, & fa décharge pleine & entière a" 1 egard de route partie privce. Cependant elle offre de fe remettre dans les prifons pour fe faire abfoudre vis-a vil des fieurs Duparc. Elle foutienr que la feule conviction peut mettre un obftacle a fes demandes , & elle convient, I en même-tems , que, pendant le plus : amplernent informé d'un an, elle n'au* <; rok pas été recevable a les former. ^ Cet aveu, dont elle n'a pu fe déren* dre , eft extrêmement important. Si 1 elle ne pouvoit étte écoutée alors, par . quelle raifon le feroit-elle aujomd'hui? I Ne refte-t-elle pas foumife a 1'mftruc\ tion criminelle qui fubfiftoit alors r Ce : premier arrêt étoit un interlocutoire quï confervoit la procédure & les charges ; êc c'eft encore un interlocutoire que la I cour a prononcé par le dernier anct , qui laifle toujours le procès criminel dans le même état. La plus ample information qui avoit été ordonnée fe continue , la cour en a expreflement chargé le miniftère-public; Marguerite Garnier, quoique mifehors des pnfons, n'en eft pas moins in reatu , décrétée de prife-de corps, & expofée a routes les mueurs de la juftice , dont les pourfuites ne font point cenfées interromLiv  2-43 La belle Tonnellèré. Pues ; Ie jugement du proces eft fufpendu jufqu'a ce que I'information foit mts , de meme qu'il Pétoit par le preker arret 5 Padtion de Marguerite Gar"t 6ft do"cfL%ndue de meme. Si le deiai pour faire cette infamation eftinüerim , Ie jugement qui I'ordonne n'en eit que plus rigoureux , & \\ u*en ré_ iuke qu une plus forte preuve de la violence des foupcons dont la juftice a ete frappée. Enfin qui pourra.jamais fe perfuader VJriLl3 ""T16 mrormation limitée a un certam tems-, a fait fubfifter, pendant ce meme tems , 1'mcapacité de Margueau Garnier V & que cette information , par la feu!e raifon qu'elle a ete prorogee , Sc continuée jufqu'a un plus long terme , ou pendant un tems lüimue, a pu lever cette incapacité? En un mot, dès que ce font les mêmes pourluites qui continuent, elles ont aujourdhui le même effet qu'elles ont toujours eu. 11 eft donc impoifible de concevoir que Marguerite Garnier {0\t moins incapable qu'elle .Pétoit avant le dernier anct. Frappée de ia folidité de ces moyens Marguerite Garnier a èru trouver une reffource dans une fin de non-recevoir  La belle Tonneliere. 249 qu'elle a oppofée. Les fieurs Duparc 3 a-t-elle die , font indignes eux-mêmes de la fuceffion de leur parenr, puifqu'ils n'ont poinr vengé fa mort, ne s'étant rendus ni parties civiles , ni dénonciateurs. Etoit-ce de labouche de cette femme ; que devoit fortir un pareil reproche ? iLa juftice la pourfuir-elle-même pour i raifon de eet affaflinat •, elle la retient dans des liens dont elle ne verra vrai' femblablement jamais la fin , fi ce n'eft ■ peut-être pour aller au fupplice; Sc elle j reproche aux autres de ne pas pourI fuivre la vengeance d'un crime dont la I punition eft toujours fufpendue fur fa I tête, Sc la menace ,a tout inftant, de la I mort la plus ignominieufe! Quoi qu'il en foit , la notori'étc du i fait du poifon ayant excité le zèle du I miniftère - public , les fieurs Duparc n'étoient plus obligés a aucune pour- Chez les Romains , oü il n'y avoit I point de partie publique , Sc oii, par i conféquent , 1'héritier étoit plus étrpi- I tement obligé a venger la mort du dé- I funt, il en étoit difpenfé, lorfqu'y^i ; autre 1'avoit prévenu ; Sc il n'encouroit 1 point alors la peine d'indignité pronon-  Let Eeile Tonnellère lu ll i0110 >au code **m tu,V,Ut ^"'^^eduatesauferun- l' • -v ; "'""JC*vou-etemmtuée Ju e pourfum Ie meurtrier, préten- die ^T*^!?^^^ ene ? d autre raifon que le défaur de Poutfunes eJlen'éCoit%ointindTgne paree que ^^gOuaJS^ «etr pourfuite. ^r^^& ^ — O5" fir'P™: fucceJUonem non convenu fZT r ^ J flfid»d^ ïnnoctmi* gtnsrt, n<:que dolo malo tuo maritumneeatum nequè aiids indignam te facc/l fione probari paffe confidis ,. advcrL ■ omnem calumniam maximum habes Ce curuatem,. A plus forte raifon ne pit on rien reprocher l üa héritier qui a été prevenu par celui que nous conndérons. en trance comme Je véritable veneeur des crimes, en qui feul ré.'ide le'droic dépourfuivr-eJapunitiondescoupables.  La helle Tonneliere. i $ i ïier , accufé d'avoir été complice dt£ meurtre de fon frere, & n'ayant écé ni couvaincu ni juftifié, Chriftophe Tajjart, autre frère du défunt, foutint qne Jean étoit indigne de la fucceffion du défunt» Jean Tajjart prétendit que Chrijiophe lui-mëme étoit non-recevable i lui oppofer l'indignité , paree qu'il n'avoit poinr pourfuivi le meurraer.-^iais- k vengeance du crime ayant été pourfuivie par Ie miniftère-public, ce moyenne fut point écouté 'y Jean Tajjart fut d'-claré indigne , & la fucceffion adjugée a Chrijiophe fon frere, Les fieurs Duparc font donc a couvert de tous reproches; & c'eft a Marguerite Garnier a fe défendre du moyen: cjue fourniflent contr'elle les préfomptions qui nament du plus amplemenï informé indéfini.- C'eft donc avec raifon que Meffieurs des requêtes du plais, fans s'arrêter ai cette fin de non-recevoir ,, ont rejerté les demandes de Marguerite Garnier* Mais ils ont obligé les fieurs Duparc s$ donner caurion, &: c'eft une dilpofitionu dont on a droit de fe pkindre.. Comme héririers , fes fieurs Duparc' fcnr faifis par la loi de tous les biens; & de- tous les droits duv, fieur Devaux #  252 La belle Tonnellère. fuivant cette regie, le mort/alfa U vijl <-e droit abfolu pouvoit recevoir quet quattemte par les difpofitions du dérunt , mus Marguerice Garnier étant incapable de faire valoir les titrésqu'elle reclame , elle eft au même état que fi elle n pu urm.- ^ "ruil au(-uus. Ce n'eft point du jugement qui déciare 1 incapacité de Marguerite Garnjer que les fieurs Duparc riennent le droit qu'ils ont de jouir des biens du fieur Devaux ■ ce jugement ne fait qu ecarter une entreprife faite fur cette iueceifton par une femme dont les titres ne peuvent produire aucun effet. Marguerite Garnier étant fans aétion la loi feule les conferve dans le droit Hmverfel qu elle leur donne. On a voulu faire une diftinction- entre la donation & le legs ; Marguerite Garmer, a-t-on dit, a été faifie de fa. donation du vivant même du fieur Devaux • ainfi , l eet égard , elle a un eroir tout acquis. C'eft eonvenir dabord qu'eüe n'a aucun droit formé fur les biens cmï compofent le legs univerfel. Non-feulernent elle n'en eft point faifie, elle «e peut pas même demander d'en être laifie par la juftice. Mais fi elle n'a ac-  La belle Tonnellère. 2? 3 | guis aucun droit fur ces biens, & fi elle eft dans 1'impuiffance acruelle d'en acquérir aucun , il en réfulte néceffairemenr que ces biens reftent dans la fucceffion du fieur Devaux , & que les fieurs Duparc en font propriéraires Sc poffefleurs légirimes en leur qualité . d'héiitiers. Cela pofé , ne feroit-ïl pas bien exI traordinaire qu'on les obligeat de donI ner caution pour Jouir de leur propre I bien, & qu'on les fournit a une condi: tion auffi onéreufe, en faveur d'une : perfonne qui n'a aucun droir exiftant, ; 6c qu'on juge incapable d'exercer auI cune aétion en vertu des titres qu'elle j oppofe ? • .-' v, 1 II n'y auroit pas plus de raifon a leur 1 impofer cette loi par rapport a la rente 1 qui fait 1'objet de la donation. Si Mar, gutrite Garnier en a été faifie, cette ;, faifine eft effacée par fon incapacité ac; tuelle. Son droit n'eft pas feulement =i fufpendu, il eft regardé comme n'exiftant point, paree qull eft incompatiblë avec les foupcons véhéments dont elle eft chargée , & que c'eft la même chofe de n'avoir point de titte , ou de n'être j pas recevable a'agir en vertu de ceux: \ que 1'on produit.  25*4 La helle Tonneliere. Cette rente doit donc être conftdéréa comme faifant partie des biens du fieur Devaux; amfiles fieurs Duparc en font faifis par la loi,& ilsen doivent jouir comme héritiers, c'eft ï-dire , avec la meme liberté que des autres biens de Ia fucceffion. Si le fieur Devaux eüt furmonté les attemtes du poifon , Se qu'il ne fe fut refervé ftifufruk de cette rente que pour un tems fixe, qui fut acfuellement expire, Manueriu Garnier feroit-elle recevable, dans I'état oü elle eft aulourd'hui, a lui demander une caution pour la süreté de fon droit ? Le fieur Devaux ne lui répondroit-ii p* , avec fucces , que ce droit eft effacé par les foupcons dont elle eft atteinte, & que jufqu'a ce qu'elle foit juftifiée , le titre qu'elle invoque ne peut fervir qu'a fa condamnation ? Or cette exception a Ia même force dans Ia bouche des fieurs Duparc qui comme héritiers du fieur Devaux le lepréfentent pleinement, & fuccedent dans tous fes droirs. Marguerite Garnier, dit-on , pourra par la fuite fe juftifier. C'eft en effet A unique reffource qui lui refte. Comme elle n eft pomt convaiucue y fa jnftihV  La belle Tonneliere. i<^% cation ne doit pas être regardée comme ïmpoffible ; mais, paree qu'il peur arriver qu'elle air un jour quelqu'acrion „ doir-on donner a fes ritres un effet actuel &. préfent, en lui p;rmectant. d'ens j faire ufage pour gêner des héritiers qui font failis par la loi ? Celui qui a un droit conditionnel 3 peut agir pour fe procurer. des süretés « mais un .incapable n'a aucun droit , i quel qu'il foit \ Sc ce feroit lui en atl cribuer , que d'autorifer une pareille ; action de fa part. II ne dépendroitpas, d'ailleurs, de Ia. volonté des fieurs Duparc de trouver une catuion qui voulutcentracter, pour i un objet auffi confidérable , un engai gement dont le terme ne feroit point hxé j & fi ce fecours leur manquoit , ils n'auroient plus qu'un vain titre d'héritier. lis fe verroient pleinement dépouillés d'une pofieffion qu'ils tiennent de Ia loi \ Sc cela en faveur d'unefemme déclarée incapable y Sc fur le fondement de ces mêmes ritres qu'on. auroit jugé ne pouvoir produire aucune. action. La juftice peur-elle s'expofer a. une contradicfion auffi évidente ? II ne refte plus qua dire un mor d'une demande fingulière que Margut?  2°)6 La belle Tonnellère. rite Garnier a imaginée, & gui fait affez ientir combien elle compte peu fut le iucces de fa prétention. Elle conciut a ce que les fieurs Duparc foient renus de déclarer s'ils en-' tenoent fe rendre parties civiles dans ie proces criminel ; & Dt\ ils en feroient la déclaration , qu'il lui foit donne acle des offres qu'elle fait de fe remettre dans les prifons de la conciërge*^.'l1 ordonné que, dans tel delai quil plaira a la cour fixer, les iieurs Duparc feront tenus de faire inftruire le procès a leur requête, Sc de le mettre en état d'être jugé définitivement ^ pour ce fait, ou faute de ce raire , etre ordonné ce qu'il appartiendra, ir ïl ne faut qu'un mot pour anéantir iine demande auffi extraordinaire. Les iieurs Duparc ne font ici que de fimples defendeurs , qui oppofent aux pretentieus de Marguerite Garnier une exception fondée fur fon état actuel Ur a-t-on jamais imaginé qu'un accufé puiffe Wr ceux qui ne font qu'exciper de fon etat , & qui n'ont pas meme prispart a 1'accufation , comme denonciateurs, d fe rendre parties civdes, Sc a inftruire le procès a leur  La belle Tonnellère. 2^7 téouète , fous peine d'être déchus de leur exception? f Ce qu'il y a de plus etonnant, c elt Ue Marguerite Garnier donne pour |rant de cette prétention b.farre , un Auteur qui la condamné formellement .Cet auteur eft Ayrault. W examme s it m quelque moyen dont un accuie , lelargi quoufque , puifle faire ufage pour '■fe titer d'une fituation auffi ngoiueufe. \ S'il n'y a d'autre partie que le miniftèreI public, il penfe que eet accufé peut faire appelier la veuve & héritiers , ou autres ayant intérêt a 1'accufatio.i , > pour déclarer s'ils veulent fe rendre \ parties ou adrainiftrer témoins au prof cuteur du Roi; mais ild.it, en meme, tems oue, s'ils le refuient , 1 accufé ne peut faire autre chofe que de le faire nommer le dénonciateur, auquel : il iera donne un acuu r "., ; mer & foutenir fa délation. Sil ny a point de dénonciateur , il decide net- , tement que l'accufé doit refter dans 1'état ou on 1 a ' " "J . , deremede, dit.il., ü faudtoa demeurer en fon quoufque. . Ainfi eet auteur annonce clairement que celui qui n'eft point dénonciateur , nepeut-être forcé de fe rendre partie, queiqu'mtérêt qu'il ait dans laccufa-  M 8 La belle Tonnellère Jion. II étoit donc bien éloigné de perv Ier que, pour fake valoir une excep"on, fondee fur I'état oü la juftice a rms un accufé , on füt obligé de fe charger de la pourfuite du procès criminel , & de le faire inftruire a fa requête. On pourroit encore faire obferver que le fimple quoufque , dont parle eet auteur , eft un jugement tout different de celui dont il eft ici quefnon & que 1'expédient qu'il pro* pofe neftrelatifqu'a 1'ufage qui fubftftoir alors de recevoir l'accufé en proces ordinaire , lorfqu'il y avoit portie civile, ou un dénonciateur rendu partie«*age qui a été abrogé par 1'ordonnance de 167o. Mais ce feroient des obfervations fuperflues , puifque la décifion & Ayrault telle qu'elle eft, loin de favorifer Ia demande de Ma-gueriu S'frnier, la contredit exprelfémenr. Quel pourroit être d'ailleurs 1'obiet de cette demande? Marguerite Garnier Pretend-elle qu'elle ne peut être jueée mcapab'e , fi. elle n'eft point convainc.ue du crime ? On la renverra , en ce cas,^aux principes qu'on a établis. Elle a meme reconnu que Ia convidion n'étoit point néceffairepourproduire cette locapacite. Auroit-elle imaginé que les  La belle Tonnellère. 2^9 fieurs Duparc, ne produifant poinr de nouvelles preuves dans le délai qu'elle veur leur faire prefcrire, fon abfoiution doir être prononcée ? Ellevoudroit donc faire juger tout le contraire de ce que la cour a décidé en connoiffance de caufe. IIa été jugé, en effer,que les preuves acquifes & les préfomptions violentes qui fubfiftent contr'elle , fuffifent pour la rerenir dans les lieas de la juftice , & que , dans I'état oü font les charges , elle ne peut obtenir fon abfoiution. Si elle a des preuves en main pour fa juftificatioii, qu'elle les produife a la juftice & au miniftère -public ; elle n'a pas befoin , pour les faire valoir , d'inrroduire les fieurs Duparc dans le procès criminel. Si elle n'en a aucune, il n'y a point de remède, il faut qu'elle refte dans fa fituation. L'arrêt de la cour feroit anéantï, tant en la forme qu'au fond, fi fa préteiition étoit écoutée. Après avoir décidé qu'il n'eft pas poffible de 1'abfoudre , on jugeroit qu'il y auroit lieu de le faire , quoique les chofes fulfimt toujours au même état; & 1'on fubftitueroit a un plus ample informé indéfini, dont le miniftère public a été chargé, une  *6o La belle Tonnellère. plusample information, limitée a ua certamtems a la requête de particl , C1"LU ne fo»t ni parties civiles , ni penonciareurs. Rien n'eft donc plus dérailbnnahle j qne la nouvelle imagination de MarM gutrite Garnier. L'unique moven de fe' faire ecouter , c'eft de purger'les foup-:j ?ons qui amment contr'elle les pour Ws de la juftice. Jufques-H, elle demeurera dans les Hens' de 1'incapacité j quon lui oppofe,&ilne lui fera pas permis de porter fes regards fur des biens dont elle n auroit acquis la jouif- 1 ance que par le crime même dont on 1accufe. On ne s'expofera pas a coüröri I ner le erime dans le tems même qu'on 1 1 ar arrêt du 29 juillet, 745,!a fentence des requetes du palais a été contonee avec amende & dépens. Ainfï ° , iuc aeooutee de la öemande en délivrance de fon legs univerfel, & de la donation de kfrente de non hvr« T , :~ ..:rr_. , tat adjugee aux lieurs ZJ^rc, en don- nant canrinn ... Depuis eet arrêt , Marguerite Manjere, mere ^Marguerite Garnier & Nico/as Dur,i„J f„„° • r *nforte qu'elle eft reftée feule accufée.  La belle Tonnellère. 261 i Les fieurs Duparc , quel que fut le USrifde leur inaction , ne fe prefierent pas de donner caution • ils néghgerent Ênerne de faire valoir le legs particuilier qui leur étoit fait par le teftament du fieur Devaux, qui pouvoit monter a ,■40,000 livres} enforte. que le fequeftre pemeura.en poffeffion de toute la fuc- ixeffion. ■ Enfin , après onze ans de iuence, IMs demandèrent la délivrance de leur ilees , pour lequel ils n'étoient pomt ! affujettis a donner caution , avec oftre Ue compenfer ce qu'ils pouvoient de|Voir k la fucceffion de leur frère. Mi**,****'Garniir- dUt n'avoit aucun droit ni réel, ni aoparent, fur ce legs, ne iaiffia pas de s'oppofer l la délivrance qui en étoit demandée. Mais , par fentence Aa, ^„J-rPQ An walais . rendue fur de- I libéré, le 18 juin 1:7*1 i '-es fieurs Du¬ parc obrinrent ce qu ns unuduu».*^ , £c Marauerite Garnier fut condamnee aux depens. Cette fentence fut confirmée par arrêr du 11 juin 17^5- Enfin , en exécutkm de la fentence du 30 janvier 1747 > confirmée par 1'arrêt du z9 juillet i749 \ ^ Prefe"" tèrent caution , pour toucher , du fequeftre de la fucceffion du fieur De-  262 La belle Tonnellère. vaux, lefurplus de fes biens. La femme Durand éleva une nouvelle conteftatioji fur la réception de cette caution. On lui oppofa qu'indcpendimmenr de la folvabilité notoire des fieurs Duparc, & de celle de la caution qu'ils offroient' la veuve Durand étant jugée indioue de profiter des bienfaits du fieur Devaux, &z n'ayant pu parvenir a fe juftifier, depuisplus de vingt années qu'elle yuu UtU,:> ^ nens a un plus amplernent informé indéfini , elle ne pouvoit jamais efpérer de recueillir ces bienfaits. Pour prévenir !es fuites de cette objection , dont elle fentit toute la force, elle eut recours a la faveur de la prefcnption. Nous avons pour maxime que tout crime, fur lequel la juftice n'a pas prononcé pendant vingt ans, eft étemr & ne peut plus être pourfuivi. En conféquence l'accufée préfenta fa requête a la tournelle , avec M. le procureurgénéral, par laquelle elle demanda fa décharge de 1'accufation inrentée contr'elle ; fe fondant fur le laps de tems, & fur ce qu'il n'étoit furvenu aucunes charges nouveMes. Mais cette demande pétoit pas fufcepribje de 1'audience ; elle étoit dépendante d'un procès de grand-criminel. Auffi, par arrêt du l  La belle Tonneliere. i6\ aoüt 1762 , rend.11 fur les conclufions de M. Seguier , elle fut déclarée nonfecevable dans fa demande ; fauf ï elle a fe pourvoir en la manière accoutumée. Elle fe pourvut donc plus réguliérement , &c renouvella fa demande dans les formes preférites , roujours fur le fondement du laps de tems, & qu'il n'étoit futvenu auume charge ; & par arrêt du 17 janvier 17*3 , la cour déclara ^-re/crue Cauufation inteniée a la. requête de M. le procureur-gdnéral. Aulli tót après ce jugemenr, qui ne prononcoit rien fur la demande onginaire qui avoit introduit cette nouvelle conteftation , fous prétexte de connexité &c de litifpendance , elle préfenta , en la rournelle , une nouvelle requête , par laquelle elle demanda la délivrance du legs qui lui avoit été fait par le fieur Devaux , & 1'exécution de fa donation. Mais , par arrêt du 18 mai 176$ , fa procédure fut déclarée nulle , avec dépens , fauf a elle a fe pourvoir pardevanr les juges qui en devoienr connoïtre. En elfet, 1'accufation ayant été déclarée éteinte par la force de la pref-  264 La belle Tonnellère. cription , il n'y avoit plus que des intéréts civils a régler; la tournelle criminelle n'étoit donc plus compétente ; & il falloit fe pourvoir , par nouvelle demande , devant les juges civils. La veuve Durand renouvella donc fa demande au chatelet. Elle fut évoquée aux requêtes du palais , en vertu du commuümus du fleur Duparc du Bouchet, qui étoit officier de la Reine. Par fentence fur délibéré , 1'affaire fut appointée. La veuve Durand appella de cet_ appointement , & deroanda 1'évocation du principal. Les fieurs Duparc s'en rapportèrent, a eet égard , a la prudence de la cour\ &c demandèrent que , dans le cas ou elle jugeroit apropos d'évoquerle principal, elle profcrivït définitivement la nouvelle réclamation de la veuve Durand au fujet des libéralités que le fieur Devaux avoit voulu lui faire , tk dont elle avoit déja été jugée indigne. Les fieurs Duparc foutenoient 1% que la fentence de 1747 , confirmée par 1'arrêt de 1749 , avoit jugé définitivement Pincapacaté de la veuve Durand. 2'. Qu'il fubfiftoit contr'elle des indices violenrs. 30. Que  La belle Tonneliere. 26$ 30. Que ces indices n'étoient pas effacés par 1'arrêt de 17 6" 3 , qui avoit déclaré 1'accufation pref.rite. 4°. Enfin , que ces indices la ren- doient indigne de profiter des bienfaits du fieur Devaux. A ces quatre propofitions , la veuve Durand en oppofoit quatre contradic- toires. i°. Loin que la fentence de 1747 & 1'arrêt de 1749 puilfènt être oppofés a la veuve Durand, ces deux jugements forment un préjugé décifif pour elle. z°. 11 s'en faut bien qu'il y ait eu contr'elle des préjugés violents. 30. Quand il y auroit eu des indices, ils auroient tous été effaccs par 1'arrêt de 1763. 40. Enfin , quand les indices , en. cas qu'il y en eüt eu , fubiifteroient encore , ils ne pourroient pas la rendre indigne. I. Lorfqu'en 1747, la veuve Durand, difoit M. Caillard fon défenfeur, forma fa démande en délivrance de legs, elle étoit encore dans les liens d'un plus amplernent informé. II étoit incertain fi 1'information ordonnée ne fe i feroit pas bientót, &C ne donneroit pas Tomé Xlh ~ M  i66 La belle Tonnellère. a la juftice les lumières qu'elle .cher-1 chók. L'originè da procès criminel I étoit encore récente j le décret fubfif- ■ toit encore ; 1'effet en étoit feulement: fufpendu ; l'accufée ne jouilfoit que : d'une liberté précaire , qui pouvoit, a . tout inftant , lui être enlevée par un ordre de fe repréfenter. L'effet du dé- ■ cret eft de produire une incapacité mo> mentanée : en conféquence, la juftice la déclara , en 1747 , non-recevable dans fa demande. Mais aulïi , elle ne prononca pas un jugement déhnitif, & eut grand foin d'annoncer qu'elle rendroit a l'accufée tous fes droits , quand les caufes qui 1'en tenoient éloignée auroient difpatu ; c'eft-a-dire , lorfqu'il ne fubfifteroit plus d'accufation contr'elle. C'eft pourquoi la fentence , après la claufe qui déclare l'accufée non recevable , ajoute ces mots préeieux : quant-a-prefent. C'eft le même efprit, c'eft la même intention de lui conferver fes droits, dont 1'exercice n'étoit que fufpendu par les circonftances , & pour prévenir toute dilïipation qui auroit été préjudiciable a ces droits , que les héritiers du fang, qui avoient un titre légal en leur faveur, furent foumis, pour entree  La belle Tonnellère. 267 | en pofleflion des biens de la facceflion, ja donner bonne & valable caution de I reftituèr , quand le cas écherroir. II eft évidenr, par'ces précautions, |que 1'on préfumoit que la veuve Durand jferoir un jour capable de recueillir ks ilibéralités du fleur Devaux ; qu'elle le I feroit quand il ne fubfifterok plus coi;Jtr'elle d'accufation. Elle eft aujourd'hui dans cette pofition • il n'y a plus d'accufation contre elle. Elle a donc droit de demander une jouiflance qui lui appartient; dont elle n'a jamais été déboutée. C'eft donc avec raifon qu'elle invoque, comme un préjugé invincible en fa faveur, & même comme un titre inattaquable , les jugements mêmes qui, en 1747 , 1'ont éloi née de la jouiflance qu'elle demandok alors. Les fieurs Duparc, pour affoiblir 1'induction qui réfulte de ces jugements , difent que ces mots: quant d -préfent, ont été inférés dans la fentence', uniquement pour le cas auquel l'accufée juftifieroit de fon innocence; qu'ils ne font relatifs qua cette juftification par preuves affirmarives ; qu'ainfi elle ne peut être écoutée que quand elle aura Mij  2 68 La helle Tonnellère. prouve qu'elle n'eft pas coupable du crime qui lui eft imputé. Mais cette difncciïté heurte, de front, les maximes les plus communes. La juftice ne recojmoit pour coupables , que ceux contre lefquels elle a acquis une conviófion juridique. Elle ne peut donc jamais obliger un accufé qui n'eft pas convaincu a juftifier de fon innocence : les magiftrats la voient toujours, certe innocence , dans le défaut de preuves. Pour éluder la force de eet argument , les fieurs Duparc fe permettent des raifonnements qui ne font pas jnème fpécieux. L'événement de la conteftation formée contre vous, difent-ils, étoit urii futur contingent. La juftice ne fe décide 1 jamais fur des futurs contingents : elle n'a donc pas eu en vue l'événement de 1'accufation. • Ji eft vrai que les magiftrats ne ren- 1 dent pas des décifions définitives fut' j des futurs contingents, paree qu'ils ne percent pas dans Pavenir. Mais, pré-1 voyant que I'état des chofes pourra } changer par la fuite, ils prennent des | ptécau?io«s pour prévenir les obftaeles j  La helle Tonnellère. 169 qui pourroient troubler 1'ordre qui doit accompagner les événements futurs. En .conféquence, ils ne prononcent qu'une décifion provifoire analogue aux circonftances acfuelles , mais fufceptible de changement , fi les faits , dont la poflibilité eft prévue , viennent a arriver. C'eft la précaution que Ton a prife ; en ne déclarant la veuve Durand nonrecevable que pour le moment oü 1'on prononcoir: auant-d-préfent, & en exigeant, des héritiers , une caution qui garanrit a la légataire, en cas d'événement, la propnété des biens dont la jouiflance lui étoit refufée quant-apréfent, & attribuée momentanément aux héritiers. Les juges , par-la , fe réfervoient la faculté de fuivre la viciifitude des circonffances 3 6c annoncoient qu'ils ne manqueroient pas de s'y conformer , fuivant Foccafion. Le raifonnement des fieurs Duparc efl. donc faux. Mais les fieurs Duparc, s'ils euflent bien fair attention aux intéréts qu'ils avoient entrepris de foutenir , ne fe feroient pas permis de le propofer. En effet, dans leurs propres idéés , la décifion dont ils vouloient tirer avantage, en prévoyanr un futar  2-70 La helle Tonnellère. contingent, pouvoit prévoir quel'accttiee feroit un jour juftifiée, & que c'étoir eet evenement, & non pas l'événement contraire, qui feroit Ie réiuitat de ce ftf! tur contingent. Car fa juftification étoit en 1747, une chofe future & incec-, tame. Le raifonnement des fieurs Duparc fe rétorque donc directement contre dlX. nrnm.o I. 'c ,i 1 , —. r-««,v v.|uw; ie inotir qu Hs attribiient a la fentence , eft un motif cnimenque. Au iurplus , fanS ies combattre par leurs propres armes, il fuffit de dire «iue ce jugement ne peut jamais rece* voir 1'interprétation qu'ils lui donnent punqu-il n'a pas exigé que 1'accufée' fit Ja preuve qu'elle n'avoit pas commie -Ie crime pour lequel on la pourfuivoir. La juftice 3 dont toutes les déciiions font conformes a la raifon, n'exige pas 1'impoffible ; & ce feroit prefque toujours exiger i'impoffible, que d'iml >-i > A "* UL^U1^ uc prouver qu il n eft pas coupable du délit qui lui eftimputé. II ne pourroit avoir d'autre preuve afhrmative, que l'alibi. Ainfi , toutes les iois qu'un accufé ne peut pas propofer Valibi, il n'a jamais de preuve afhrmative de fon innocence.  La belle Tonnellère. ijï La veuve Durand étoit dans cette pofition. Elle n'a jamais pu dire qu'etant , au moment du prétendu empoi-* fonnement , dans un lieu fort éloigne I de celui oü il a été commis , .on ne ; peut Ie lui imputer. Elle étoit a Paris , lorfque le fieur Devaux y eft tombe maiade ; elle étoit a Paris pendant fa i maladie ; elle y étoit quand il eft mort. La juftice auroit donc exigé d'elle ' PimpolfiWe, fi, fcachant qu'elle n'avoit ,. pas \'alibi en fa faveur, elle Peut af) trein te a fournir une preuve affirmative | de fon innocence. i ( En vain diroir-on que la juftice exige I donc 1'impoifible de tout accufé. Cependant elle prononce fouvent des ju; oements qui déclarent les accufés innocents , fur la preuve qu'ils ont adminif: trée de leur innocence; &, fans fortir l du procès, on voit que le domeftique du fieur Devaux a été déclaré innocent. Encore une fois , la juftice ne demande pas 1'impoffible, puifqu'elle ne demande pas que les accufés falfent ; cette preuve affirmative. Elle regardé un homme pourfuivi criminellement du même ceil que tout défendeur, qui obtient fa décharge par la feule négation du fait fur lequel eft fondée la M iv  272 La helk Tonnellère. ■ demande, jointeau défaut depreuve^ de Ja part du demandeur. F ' On fómrna, i 1'audience , les fieurs f*P*rc de „ter une preuve 'affirmatie ^e pourroitpropoferun accufé, autre wtrV'^ ^g-^ren'tLÏ! Z , «ifonnement. Qu'auroient-ils Purepondre en effet ? il nVenaS iement point. aua En citantl'exemple du domeffique , meines. Ce domeffique n'a pas nroonfii S'^^/^-g^^ccou- défenf. " " 13 JLlltlfc«"on. Une Ce et. »gaUVe d°nC fuffifa^ Cet exempJe vient donc a I'appui des moyens de ia veuve Durand. P? oes adverfaires ainn^n, „.,» /? i ^^^Pen^ujelie^devenïr capabfe dc jouir de fon Jegs , par Je defaut de preuves , ils auroient ac^ordé : h provifiofl au titre f«,W „„.. ?n ^ donation 5& par le teftament. I s oubfient donc que , dans le tems t 5ment,llSrfak valoiruntig^ominant a celui de la veuve La ^ice regardoit les droits de  La belle Tonnellère. 273 cette femme , comme fufpendus par 1'accufation & par le décret qui fubfiftoient; ainfi elle ne pouvoit lui accordée une jouilfance qui n'étoit que 1'effet d'un droit dont toutes les fuites étoient interceptées. Mais elle voyoit, furlatête des fieurs Duparc, faéritjers du fang , un titre légal 5 elle voyoit que le legs ne pouvoit parvenir a celle qui en étoit 1'objet que par le canal deshéritiers , faifis,. par la loi , de la totalité de la fucceffion. Jugeant a propos de fufpendre cette tranfmiffion & cette délivrance, les biens reftoient dans les mains des héritiers, qui ne pouvoient' être dépouillés que par cette délivrance^ Les (leurs Duparc ont reconnu cette vérité eux-mêmes , & 1'önt érigée ei* maxime , dans leur défenfe en 1749.« Cedroitabfolude 1'héritier, difoient-» ils, peut, i la vérité, recevoir quel» qn'atteinte , par les difpofitions du » défunt. Mais fi ces difpofitions foncn inéfficaces , fi elles font faites au; j% profit de perfonnes qui ne peuvent » s'en prévaloir , & qui font incapa-» bles d'en proliter , il eft évident » que , tant que cetts' incapacité fub>\JiJle , elles ne peuvent altérer le-' » droit ui la pelfeffion de 1'héritier? M-y' •  2.74 La belle Tonneliere. » qiu continue de jouir de même que - Ie défunt jouiifoit, & d'une manièré » auffi hbre & auffi parfaite „. lis ont donc foutenu que le titre d hentier devoit 1'emporter fur celui d un légataire y contre lequel s'clevoit une incapacité moraentanée. Au refte cette dernière objection des fieurs Duparc ne paroït pas les conduite au but qu'ils fe propofent. Ils venlent démiire lïnterprétation que Ia yeuve Durand donne a ces mots- ;• „ / ^ . * ' LX prouver que Ia fuf"ce 1 a foumife a la néceffité de fournir une preuve affirmative de fon innocence, & concluent, de cette préten- T'V TV ffla Xuftice eüt donné a cette elaule Ie fe„s qtle ja yeuve Duranilui forme , elle auroit accordé la provifion a mres , & 1'aamit, par conféfuenr., fait jouir. Mais il n'y a aucune conféquencedans ce raifonnement j celui de la légataire , au contraire , eft fans réplique. La juftice regardoit 1'effet de fes ntres comme fufpendu par la durée de laccufation. Cette. fufpenfion laiffoit donc a la lo, tout fon effet, au,moins «lomentanement; la jouiffimce devoit donc futvre Ia propriéré, tant que cette  La belle Tonnellère. 17 f propriéré , qui eft Pouvrage de Ia loi » n'eft point détournée de fon cours naturel , par la difpofition de 1'homme. La fentence de 1747 n'eft donc pass fufceptible d'une interprétation plus jufte , que celle que lui a donnée la veuve Durand. Et cette interprétation , qui met le fens de ce jugement dans tout fon jour, lui procure 1'avanrage de fe croire fondée a le regarder comme un titre de plus en fa faveur. II. Mais , quand cette fentence ne fotmeroit pas un préjugé pour elle, elle n'auroit pas encore lieu de redouterfes 1 adverfaires. Les indices violents dont on argumente contre cette femme, ne peuvent fe puifer que dans les faits , dans la» procédure, & dans les jugements. Or, quant au fait, qui eft le corps du délit, il eft plus qu'incertain j &c Pon peut dire , au moins, qu'il n'eft point conftaté. Le corps du fieur Devaux fut ouvere, Ie lendemain de fon décès, par le fieur Granier, chirurgien, & par fon garcon, en préfence du fieur Aflrue ,. médecin„ Ils penferent que le défunt avoit pris* quelques midicaments corrojtfs ? qui avoient canféfz mort, Ils attribuoierur M vj  IjA La belle Tonnellère: donc cec accident a des mcdicaments propres a difloudre une piexre. dont le, fieur Devaux étoit toujemen té. P ^6S, ^eurs DuParc voudroient quel.on n'eüt aucun égard a.cet avis, & que 1'on s'en rapportat exclufivemenu au. rapport des rnédecins & chirucgien^ du chatelet, qui ont. dit que le lieur Devaux avoit pris. un poifon corrofif. ,11-eft vrai que, fi , dans un procés criminel, on faifoit valoir, d'un cóté,. un avis de rnédecins & chirurgiens * qui declareroient qu'une perfonne eft I r?y^ ««uieuemenr.; öc de i autre „ *j ruipon aes rnédecins & chirurgiens de la junfdiétion ,. qui annonceroient une mort violente , on ne balauceroir, pas.d adopter Ie. rapport, & a. rejetter, l'avis, qu'on. pourroit regarder comme mendié, attenduque.ceux qui 1'auroienc donné n'auroient pas prêté ferment en. juftice, comme les auteurs du 'rapport ; & enfin, paree que l'avis ne feroit pas! partie de ia procédure criminelle. Mais , dansTaffaire préfenre, ce n'eft pas un avis, de. cette efpèce que 1'on produit. Le médecin, Ie chirurgien & fon garcon ont été affignés en. dépofition; c'eft en juftice , fous la religion du ferment, qu'ils ont déclaré ce qu'ils penr  La belle Tonnellère. 177 foient. Leur avis fait partie du procès ; il eft configné dans les informations; if mérite donc la plus grande attention._ S'ily avoir contradiction entre l'avis, & le rapport, cette variation entre des perfonnes qui exercent un art aufli conieétural que celui de la médecine, feroit trés,-capable de jetter des nuages & de 1'incertitude fur 1'exiftence d'un corps de délit. Mais on peut les conciher al* fément. lis difent tous que la mort da fieur Devaux a été occafionnée par une drogue corrofive. Ceux du chatelet difent nettement qu'il étoit mort d'un poifon corrofif. Mais ils ne difent paa que ce poifon a été adminiftré a titre de poifon.. II peut y avoir eu de 1'imprudence de la parr de celui qui avoie ordonné ce remède , ou de Perreur de k part de celui qui 1'avoit admmiftrei On ne peut donc pas conclure , des expreffions employées dans le rapport ., que le crime de poifon, propremeiit dit, ait été commis en la perfonne dn feut Devaux, quoiqu'il air été réellement empoifonné ; & les auteurs^de eet acte u'auroient pas pu affurer ce fait. lis n'étoient pas préfents au moment oule corrofif avoir été admimftre 5 ils ne connoiffoientpasrintention de la.  *78 La belle Ton„elièK. penaant la maladie tra!;:5 t?iecin&chirursien'--«- ™Ue 3 q»1 avoient donné leur avk q«c tc ««rode les mteftim. u „■„ * , - , ™n=ites bevues. H eft rPrr,i™ 2 ' ' fro<1",fc"t «" =fe contraire C°'P* dn déiu° P le  La belle Tonnellère. ijy Maisrquand il y auroit un corps de délit bien conftaté , il faudroit , pour que la peine en rejaillit fur la veuve Durand, qu'il fut prouve qu'elle y a eu part. Mais il ne réfulte rien contr'elle de 1'information. Le procureur du roi demanda une continuation , & un monitoire , attendu qu'il ne réfuitoit rien de rinformation qui put faire connoitrs comment, par qui, & d quelle occafion le fieur Devaux avoit pu etre empoifonné. Dans le fait, les témoins entendus dans cette information , & qui parloient du poifon, déclaroient feulement qu'ils avoient entendu dire, depuis la mort du fieur Devaux, qu'il avoit été empoifonné ; ou ils dépofoient du fait de poifon, comme ayant afiifté \ 1'ouverture du corps. Mais aucun ne remonroit a la fource. Les procédures qui ont fuivi chargent-elles davantage la veuve Durand > C'eft fur lapublication du monitoire,. que Boifval vint a révélation. II déclara que Durand , dans les premiers joursdu mois d'octobre , lui avoir demandé s'il avoir du poifon, quel poifon il avoir,. a qui il en vendoir, quel éroir le plus fubtil ? Qu'il répondit a toutes ces  280 La belle Tonneliere. queftions , qui lui firent ncanmoins horreur, & qui, par conféquent, durent lm rendre Durand fatptQc.- Cependant, le lendemain , eet homme q:u , la veiile, avoit frémi des propos de Durand, ne fit aucune difficulté de lui vendie du poifon, paree que Durand lui en dei-Hands n™,r mangeoit fes ofiers dans fa cave. Cet homme étoit bien téméraire de confier un poifon, tel que de 1'arfénic , a un particulier qui, la veiile, lui avoit Uit des queftions capables de faire naitre les plus violentes inquiétudes fur les deffeins. Une pareille fécurité peutelle fe préfumer dansun marchand qui auroit été retenu par 1'horreur feule du crime dont il avoit lieu de craindre detre le rmniftre; & qui, d'ailleurs , s expofoit perfonnellement /fans aucun ïnterct capable de balancer un fi grand danger, aux rigueurs de la juftice ? ' Quelle conféquence peut-on dons nrer de cette dépofition ? Le crime que 1 on pourfmvoit confiftoit dans du poifon admimftré au fieur Devaux Qr 1'achat dont Boifval dépofok , n'avoit aucune relation avec le fieur Devaux. D'ailleurs , Boifval ne parloit nulle^ menr de la veuve Durand ■> les.faks qu'il  La belle Tonnellère. 281 rapportoit , étoient perfonnels a fon mari. Mais , quand la dépofition eüt regardé perfonnellement la veuve Durend, quand elle auroit annoncé 1'ufage du poifon fur la perfonne du fieur Devaux , elle n'auroir jamais pu former une preuve contr'elle; paree que, fuivant cette maxime qui eft fi connue , & qui affure la tranquillité des citoyens, teftis unus , teftis nullus. Ainfi cette dépofition choquoit la vraifemblance ; elle étoit étrangère a la veuve Durand ; d'ailleurs elle étoit lolitaire. • Mais, indéiDendamment de ces caractères intrinfèques a la dépofition , il eft d'autres raifons auffi puiffantes , qui doivent la faire écarter. Lorfque le juge , après 1'avoir entendu , lui faifoit des reproches fur 1'inconféquence & les dangers de fa conduite , il répondoit qu'il ne fcavoit pas précifément s'il avoit vendu de l'arfenic d Durand , mais quil croyoit lui en avoir vendu ; quil alloit , pour en avoir connoiffance , faire dire des mejjes au Saïnt-Efprit. 11 fit plufieurs reponfes auffi peu fenfées, qui dénotoient le trouble de fon  2oi La belle Tonnellère. amre'r&^Cara£i:érifoienl: la fédudion. La faufferé de ce témoignage eft encore annoncée par les variations Sc les contradiéhons dans lefquelles il tomba a Ion recolement. . D'ailleurs, s'il eüt vendu de 1'arfeJic a Durand, fi Durand lui eüt été : iuipeét , comme il le dit, auroit-il manque de fe nréf%™pr ^Q i>„„.-_i_ j juuite, en ie conformant aux reglements , qui lui enjoignoient d'infcnre cette vente fur fes regiftres ? ' La dépofition détruite, il ne refte pas au procés le plus léger commencement de preuve, ni le moindre foupcon Contre l'accufée. Ce qui eft arrivé depuis , concourt ?-C°reaa {Vuftifica*ion. Le PKmier fan, eft le defaut d'information. L'arrêt de 1744 avoit ordonné qu'il en fur fait une nouvelle , paree que, la cour ne voyant pas au procès , de preuves du crime, penfa qu'il pourroit en furvenir, f le repofa fur M. le procureur généraL loln d en découvrir les traces. L'importance de cette affaire a,fans doute , donné au zèle de ce tnagiftrar «ne adhvité plus vive encore quecelle qm lamme ordinairement. On ne doit pas douter qu'il n'ait fait toutes les  La belle Tonnellère. 283 recherches poffibles: elles ont été infructueufes. 11 n'y avoit donc pas de preu| ves contre la veuve Durand \ il étoit I donc impoflible d'en acquérir, paree j qu'elle étoit fauflement accufée. Le fecond fait eft la fuite de Boifval 1 il étoit le feul témoin dont la dépofii tion eüt quelque connexité , quoique ) fort éloignée , avec 1'accufation de poi- I ion. Cet homme apprend que 1'accufee va fortir des prifons. Les remords ne lui permettent pas de foutenir fa vue ; il craint qu'elle n'emploie fa liberté & , pourfuivre la calomnie qui a fervi d'e prétexte unique a 1'accufation horrible qui j non-obftant les apparences d'une liberté précaire, la tient encore enchainée, & toujours expofée aux pourfuites artificieufes de fes ennemis ; qui laiffe fubfifter le germe de la bonte inféparable du foupgon fous lequel on 1'accable. II ne refte a ce malheureux , d'autre moyen, pour efquiver les recherches inévitables dont il prévoit l'ilfue, que de prendre la fuite. Cette précaution préfervera au moins fa tête des peines que fa confeience lui promet, & auxquelles il fcait bien qu'il n'échappera  284 La belle Tonnellère. pas, s'il refte expofé aux pourfuites de i innocence outragée , & s'il arrend - — ^ aunes qu elle mertra dans Jes mains de la juftice. La ffayeur excitée par fon crime , ie determine a mertre fa perfonne en surete; & cette frayeur eft caufe feule de ia fuite. II quitte un commerce en bon ordre, n'enleve aucun de fes effets abandonne la conduite de fa maifon | ia femmej, & fe tient fi bien caché que depuis, on n'a plus entendu parler de lui. r S'il n'a rien pris , de fon propre fonds , pour vivre pendant fa fuite & dans fa retraite , queiles ont donc ete fes reffources ? Ont-elles pu partir d ailleurs que de la main de ceux qui craignoienr auranr que lui que fa calomnie ne fut manifeftée & prouvée> Cette fuite de Boifval, dont les fieurs ■Duparc pretendent tirer avanraee , bien confideree dans toutes fes circonftances ioin de leur êfre favorable , éleve contreux les foupcons de la plus noire calomme. Pour éluder les conféquences de ce fait important, les fieurs Duparc ont lTZL,™My^\ difent . a .,,„, " qui a jugé qu'un homme que ce tribnnal avoit lui -même condamné a morr, mais dont on .avoit arrïculé la folie depuis 1'arrêt,« étant mort pendant le cours des épreu-? vés que 1'on ordonna pour s'afturer de 1'étac de fon efprit , étoit mort integri; Onrrouve encore des arrêtsfurPeftetde l'appel , dans Taifand, fur Bourgogne , art. 1 •, dans Bajjet, liv. 5 , titre: 3 , chap. jfj & 1'on peut affurer que la'jurifprudence, fur ce point, eft umforine dans qousles parlements,- Si donc un. homme ,- contre- lequel les preuves lont aeqsifes par Pinftruc-tïon faitedeyaajt le: premier- juge ,-qui J? N- vy.  3öo La belle Tonneliere. int cette inftrudtion , 1'a' condamné,; eft réputé innocent, lórfqu'il décede avant qu un arret ait confirmé cette fentence j fi celui-Ia même qui a été condamné par arrêt, comme criminel ék qui décede enfuite avant 1'exécution y eft encore réputé innocent,. & jouir de tous les effets civils ; a plus forte raifon cette préfomption d'innoceuce doit avoir lieu dans une efpèce comme celle-ci, ou il n'y a jarnais-eu de jugement définitif, même du premier ju^e;. eü il n'y a eu que des jugements d'inftruction , qui tendoient a acquérir des preuves, & qui, par conféquent, conftatoient quil n'y en avoit pas. il eft donc fenfible qu'indépendammenr des fairs de cette affaire , des jugements ren'dus, & de ce qui étoit eontenu au procès criminel , la veuve Durand auroit pu s'entenir a la maxime générale , reus non pr&fumitur, pour foutenir qu'on ne pouvoit pas penferqu'il y eüt contr'elle des indices violents, & qu'il falioit, au contraire , penfer qu'il: n'y en avoir pas. Hf. Mais, quand la veuve Durand fe prêteroit, pour un momenr , a la fippofition qui! y eflc contr'elle des indices , elle feroit fondée a foutenir  La helle Tonneliere. 301 que 1'arrêt de 176J les auroit efifacés. Pour le prouver, U faut cracer ici les principes fur la prefcription en matière criminelle. La prefcription a ete recue en matière criminelle , comme en matière civile. Si ces deux prefcriptions lont analogues, a plufieurs égards , elles ont auiTi leurs différences. On va expofer 1 origine de la preicription , en matière criminelle e mo»f qui Pa fait établir , fes differente» efpèces, & fes effets. . Quant a fon origine , elle Ia tire des loixromaines, que nous avons cependant beaucoup modifiées. Les Romains admettoient des prefcriptions fort courtes , pour beaucoup de crimes r ceux , pour lefquels il ny en avoit pas de particuliere, ne pouvoient être prefcrks que par 10 ans C'eft la décifion de la fameufe lol auerela, dont voici les rermes -querela falR tempor alihus prtjcriptiombus non excludhur , nifiviginti annorumprfnpïtoneificut ctwa quoque ferecrimtna. Leg. iz,C0d. ad leg. cor. de fa/fis. La difpofition de cette loi eft encore confignée dans une autre loi. Quamcumquc qutjiioncm apudjjfcutn , fi non aha Ja  3<52 Ia belle Tonnellère. 'fr&fifiptio, viglnti annorumfüentio prrafc cnbï diviprincipes voluerunt. Leo , ff, de requlrend. vel ah/ent. damn. ° l Cu, as, liv. 4 de fes obfervations-, chap. 14 ■ etend Ia loi quxrela l tous les crimes & foutient que , quelque graves qu ris pui (Ten f être, üs font toujours prefcnts par vingt ans. Nulla crinma, quantumvis gravia & reipubllc*per» niuofa, ultra vicennlum porrlgi yCertê automate confirmari potefl.. Telle eft 1'origine de Ia prefcriptiorj en mattere criminelle.-Qaels font les naotirs qui 1'ont introduite ? '^La prefcription a été établie en maticre d'accufanons criminelles , nonfeulement paree qu'il faut que les ptoces aient une fin , mais paree que l'on> penle qu'un accufé , contre lequel 011» na pas acquis de preuve pendant le tems neceflaire pourformer laprefcrip* non, etoit innocent. ' Voila le motif a 1'égard de ceux qui tont limplement accufés.. Quanta-ceux qui-, étant convaincus f condamnes , ont éludé la peine 8c lont parvenus i acquérir laprefcription on penfe que les alarmes continuelle* dans lefquellesils ont vécu , font une? punition- fuffifame. Incertains de leuff  La belle Tonneliere. 3031 fort, pendant une longue fuite d'an* nées , forcés de fuir les regards deshommes, toujours dans la crainte defe voir conduits au fupplice , la juftice fe croit fuftifamment vengée, Sc oublie, •pour ainfi dire , leur exiftence. Ces principes conduifent a diftinguer deux prefcripdons en matière criminelle : celle qu'acquièrent- les accufés qui-, depuis 1'accufation intentée , n'ont éprouvé aucunes pourfuites ; Sc celle qui a été établie en faveur des condaninés. La première eft de vingt ans ; ia feconde eft de trenre ans. Cerre difpofition diffipe toutes les équivoques du fyftéme des fieurs Du<■ parc , qui voudroient appliquer a la prefcription de vingt ans les principes qui ne peuvent convenir qua celle de trente ans. Plufieurs auteurs ont penfé que ces deux prefcriptions avoient pour mqtif & pour effet, la préfomption de l'in~ nocence. 11 -y a même des arrêts qui tont jugé. t Brodeau , fur M.- Louet , lett. c , fomm. 47 , en rapporté un célèbre du 20 décembre 171 J , rendu dans 1'affaire de Julicn Prévot. Ayant été condamné a mort, pour aifaffinat, par un  304 Ta belle Tonnellère. arrêr confirmarif d'une fentence', ayant été renvoyé fur les lieux pour 1'exécunon , il corrompit fes gardes , fe retira a Saint-Malo oü il fe maria. Quarante ans après, on lui contefta les effets civils ; 1'arrêr jugea que la prefcription lm avoit acquis le droit den jouir. Ainti la prefcription de t ren te années ne fut pas regardée comme une fimplfi prefcription de Ia peine corporelie : mais on fugea qu'elle avoit détruit tous les indices , Sc qu'elle avoit effacé le crime. Aurefte , la veuve Durand n'a pas j intérêt d'examiner quelle eft 1'effet de la prefcription de trente ans , puifque celle dont il s'agit ici , efl la prefcription de 20 ans. Quand om pourroit penfer que la prefcription de 30 ans n'a de vertu que relanvement a Ia peine , qu'elle n'efface pas le crime, Sc ne remet pas le condamné dans fes droits , il feroit irapoffible d'appliquer cette idéé a la prefcription de 20 ans. Pour qu'une prefcription puiffe nctre relative qu'a la peine, il faut abfoIumentqu'il y ait une peine prononcée, S'il n'y a pas de peine prononcée , il efl impofïïble qu'elle foit prefcrire jee  La helle Tonneliere. 305 qui n'exifte pas, nepouvant étrel'objet de la prefcription. 11 n'y a pas de peine prononcée contre celui qui n'a éprouvé qu'une accufation fans pourfuites. 11 ne prefcrir donc pas la peine, il prefcrir 1'accufation,qui eft détruite & anéantie. Dès-lors , 1I ne fubfifte rien qui forme le plus leger obftaclea fon innocence. L'accufation qm n a pas été fuivie d'une condamnation , ne peut le faire réputer coupable : a plus forte raifon doir-on le regarder comme innocent, lorfque cette accufation meme ne fubfifte plus. Une foule d'autontes erabhfient que 1'effet de la prefcription en matière criminelle , Sc fur-tout celle de vingt ans, fait préfumer, Sc meme etabht 1'innocence. ... « Cette prefcription, dit Brodeau lur „ Louet, lett. C. fomm. 47 , ^ »»tro„ duite en faveur de 1'innocenee , pour „ laquelle 1'on préfume toujours: homi» nes defenfwnem malunt , quam accu„ fationem , & in eapitis periculo , etiam „ alitnijjimis favent , dit Ciceron, en „ 1'oraifon pro Mur&nd ; autrement il „ feroit facile d'opprimer 1'innocence , „ fi on recevoit une accufation crimi„ nelle, après un fi long tems, pendant  3o£ La belle Tonnellère « lequel un accufateur püiffanr pourroit »aWIltfab Jerde F «que bon lux fembleroi/; un accufé «petdre les moyens de juftifier fon "innocence, ou contraint de tomber " dans 1'oppreffion ,,. Loyfeau, traité des offices, chap. ij »• 14 , dit que « Pempêchement que » produit une accufation contre 1 accu- nffi 3 C! ^JP0^ ê^e reek* u* « oftce, durejufquesitems que , par «ans qui ^ crnnes , fonf requis pour •Ja prefcnpnon , foient écoulés ,,. Loyfeau fait donc aller de pair juftification & laprefcription, p.L J felonlm fune &Pautre font ^ureTu^ homrne dans tous fes droits ,& le ré* abhffintdans la capacité commune a tous les autres cftoyens. -a^tt&Z^^^ ^^liv^1:^;6^;:^0-^ Un homme condamné aux calèrés avoit appellé de ce jugement. NWt pasetépourfuivi^Ia^oitexercéTne charge de notaire. Après vingt ans \l ™miifère-public denLnda |condamnation,U lui fut fait défenfe dexercer fa charge. L arrêt. déclare L  La helle Tonneliere. 307 crime éteint Sc aboli, i-mpofe filence au procureur-fifcal , & permet a eet homme d'exercer fa charge de notaire.' Cet arrêt fixe la manière de penfer fur la prefcription en matièrecrimineller La cour a attribué a cette prefcription 1 la faculté de reftiruer un homme dans ■fa boime fame Sc renommee , puifqu'elle a permis a ce notaire de cqn1 tinuer 1'exercice d'un office qui exige i-la probité Sc la réputation la plus intacte. Qu'il foit permis , pour éclaircir une 1 matière auffi importante , de parcourit ici les autorirésque la veuve Durand i fit valoir en faveur de fon fyftême- J'ai , .„orn nlii^pnrc fni <: mie i'éd'is . tant . pour les jurïfconfultes, que pout les lecteurs des autres clafies. Poquet de Liveniere , dans les regies du droit francois , au ritre de la prefcription , règle 41 , dit que le crime eft aboli par le laps de vingt ans. L'article 3 3 de 1'édit du mois d'aoüt i^a .fur les duels, porte que le crime de duel ne pourra êrre éteint, ni par 1 la mort, ni par aucune prefcription de 10 , de 30 ans. Cette loi dccide évidemment que la -prefcription, en matière criminelle ,  30o La belle Tonnellère'. a 1'effet d'eteindre le crime j or, le crime étant etemt, il eft évident que celui qui «oit accufé eft réputé innocent. Les principes fur la prefcription de 20 ans font encore développés au iour«al des audiences , i 1'occafion d'unarret du 6 juillet 1603 , rendu fur les: conclufions de M. Jofeph-Omer Jolyl dc Fleury. On y voit que cette prefcription a été établie , paree au'on pré- ■ Jume toujours pour l'innocence\ & qu'on regardé comme favorable tout ce qui va. On lit auffi dans Ie journal du palais, a la date du 3 avril 1685, que laprefcnpuon purge & abfout 1'accufé de 1'accufation du crime. (E« 173 1 > M. Chauvelin, avocat-géneral, établit la même doctrine a 1'audience. Ce magiftrat déelara que Ia prefcription n'avoit été introduite que pouralfurer I'état, Yhonneur, & la vie des hommes. Or la prefcription nepeut aflurerl'honneur d'un accufé , qu'autant qu'elle le fait préfumer innocent. . rL" a,uteurs & J" arrêts vont même jufqu'a établir unanimement que cette prefcrinrinn pfl- K^n «1.,. &~ ' li_ celle qui a lieu en matière civile. On fait courir Ia prefcriptioia, en  La belle Tonnellère. 309 matière criminelle , même contre les mineurs, &c , en matière civile, la minorité eft une fauve-garde , qui écarre même route idéé de preicriprion. En matière criminelle , on la fait jcourir pendant les rroubles des guerres jciviles , ou autre fléau de I'état. Ces jmalheurs fufpendent fon cours a 1'éJgard des adions ordinaires. I Elle n'eft pas interrompuepardespro. jcédures intermédiaires , fi elles ne fout 1 pas fuivies d'un jugement. En matière Jcivile, un fimple exploir, une fimple I fommation fignifiée une heure avant.le } moment oü la prefcription va fe trouj ver acquife , remet 1'aétion dans toute I fa vigueur , repoulTe la prefcription jufqu'a un délai auffi long que l'étoit E celui que 1'on vient d'interrompre. Enfin , en matière criminelle, elle j; éteinr toutes les actions civiles. Tous ces points de droit ont été con| facrés par un arrêt célèbre rendu le 2 5 I: juillet 1696, fur les conclufions de M. ] Servin, rapporté dans la feconde partie I de fes plaidoyers. M. le Prêtre , cent. 2, chap. 8 , en ; rapporté un du 22 janvier 1600, qut i jugea qu'après 20 ans, l'a&ion pour j les intéréts civils n'avoit plus lieu ; Sc  3 io La helle Tonnellère. Ie barreau , après Ia prononciarion , üm averti de n'en plus douter. PoCjUct de Llvoniere en fait une maxime , dans ia quarante - deuxième On ter-minera ce détail d'autorités par deux qui font bien précifes: la manére des prefcriptions, dans les affaires vnuimcriies,.y eit traitée avec érendue. '< Après les 20 ans, difent les anno- « wui» uc i^upieuis, traité des pref « cnptions , liv. 2 , on ne peut a.) plus s'éclaircir de ce qui s'eft paffé , » ni rechercher la vérité, decrainte de x> la découvrir, & d'en être convaincu. » La fe.onde raifon eft que, puifque » le crime & la peine font éteints, m tout ce qui fuit le crime, comme 1'in» famie, eft pareillement effacé. Et fi >= 1'on admettoit la preuve d'un crime i> après vingt ans , cela noteroit une » perfonne d'une infamie irrépara» ble , lorfqu'il en feroit convaincu. y> Car ce n'eft pas la peine qui caufe » 1'infamie , mais le crime qui donne » lieu a ia peine. Leg. iclus iz , digefl, » ï e his qui not, infam. » Enfin , il faut que la prefcription, jj opère autant en matière criminelle , y> qu'en matière civile. Dans celle-ci , » la prefcription fait préfumer de la » bonne-foi, & un jufte titre, de la » part du poffeffeur , haket vim conjli5» tu i. De même , la prefcription en j> matière criminelle doit faire préfum mer 1'innocence de celui qu'on ac»> cufe : c'eft pourquoi ce feroit contratx rium in oh]e:lo , de préfumer 1'inno» cence , & néan moins de convaincre » de crime eet innocent préfumé: ce  511 La helle Tonneliere. n feroit un criminel eftectif Sc véritan ble , Sc un innocenr feint Sc fuppofé: » Sc il feroit alors contre le bon fens sa qne la fiction Pemporrat fur la vérité, „ Sc qu'une fimple préfomption, fondée » fur 1'humanité, Sc fur un long efpace » tems, cédat a une vérité bien établie, s> bien juftifiée. C'eft pourquoi , après n vingt ans , il faut donner a cette » préfomption toute la force qu'elle peut avoir; il ne faut pas la détermi3j ner par une preuve conrraire: Sc , 3» comme il eft impoffible d'adjuger 53 une réparation civile Sc une reftitu53 tion j fans faire cette preuve, il s'enn fuit qu'on ne doit pas Padmettre m après vingt ans, Sc , par conféquent, ï3 qu'il n'y a pas lieu a Paéfion civile La feconde autorité eft celle de Chetiu, fur les arrêts de Papon, chap. 14, titre 11. ct 11 nè faut plus douter aujourd'hui, » dit-il, fur la queftion qui a éré difs3 putée diverfement, que toute acfion 33 criminelle, foir pour l'intérêt public, 33 foit pour le civil, ne foit éteinte Sc >3 prefcrite par le laps de vingt ans , »3 tant contre majeurs , que mineurs , 53 abfents que préfents , après tant d'arj> rêts qui ont été donnés depuis les 5» derniers  La belle Tonneliere. 2 r 3 n derniers ttoubles & guerres civües »j appaifés , que j'ai rapportos au long , m en mes notables queftions de droit, *» queftion 83 , fuivant 1'opinion de »> Jvannes Taber , in L. quxrela , C. ad »» leg. Cornel. de faifis ; contre 1'opinion i> de plufieurs doeceurs Sc praticiehs , a s> 1 egard de l'intérêt civil, lefquels ont » tenu qu'il ne fe prefcrivoit qu par m 30 ans, èsprovinces oü les couthïiies n n'admettent la prefcription de moin» dre tems , comme celle deBerry , Sc r> plulïeurs auttes,que lacourarejettée. » Car , jugeant autrement , il advien53 droit que , non - feulement l'intérêt 33 civil, mais aufti la peine dureroient 53 après vingt ans , paree que 1'on ne »3 pourroit pas condamner un homme as civilement pour homicide , ou pour 53 autre crime , fans lui faire fon pro53 cès , fans le convaincre de crime , » afin de venir a la condamnation des 33 dommages & intéréts qui ne font que v 1'acceuxure; ce qui feroit contre rais> fon, de donner plus de vie a 1'ae» ceffoire qu'au pnncipal ». La jurifprudeme a écendu la prefcription des actions civües, qui réfultent du crime, même a la reftitution des chofes volées. C'eft encore un point lome XIJ. O  3 r4 La belle Tonnellère. conftant fondé fur les arrêts. On en trouve un , entr'autres j rapporté par Louet, lett. C. fomm. 27. Ce point de jurifprudence eft atrefté par les auteurs. On peut confulter , a eet égard, les annotateurs deDuplejps, dans 1'endroir cité plus haur, Dunod, patlant des prefcriptions en matière criminelle , attefte la même chofe , tant pour la reftitution des effets volés , que pour les réparations , dommages & intéréts. En expofant toutes les raifons que 1'on pourroit alléguer pour foutenir que ces aótions ne fe prefcrivent pas par vingt ans, comme le crime, il convient que , " 1'opinion commune eft pour 1'af0 firmative. Elle eft fondéefur ce qu'on .j? dit qu'on ne peut répéter ces chofes ;> du criminel , fans le convaincre \ & 5» qu'il feroit abfurde de pouvoir prou53 ver le crime fans le punir; qu'il ré*l s> fulteroit une infamie de cette preuve, 'I « &que ce feroit une peine qu'il n'eft j> plus permis d'inniger, Enfin que , la 55 prefcription de 20 ans faifant prési fumer I'innocence en matière crimis» uelle j comme celle detrente ans fait » préfumer le titre & la bonne-foi en » matière civile , il eu réfulte une pré- I  La belle Tonnellère.. 31 ^ i h fomprion jüris & de jute qui exclut I n toute preuve contraire >», Traité des I prefcriptions, parr. 2 , chap. 9. Par une conféquence uéceffaire de ce 1; qu'après vingt ans , on n'admet plus i Pacrion en relf irurion des chofes volées, ii on rejerte celle des chofes recellées, | Arrêt du zo mai 1692. Toutes ces décifions font fondées fur ï| cette maxime li connue, que , lorfque \ le principal elf dérruit , les accê'fFolres |ne peuvent plus exitter, Chm pr'mciI palis cau/a non confiftit, nee ea quidem .1 qua fequuntur locum habeant. L. 119 , . .§. 1 , ff. de reg. jur. /. I7S , eod. L'application de ces décifions a 1'ef. pèce préfente, fe fait tout naturelleen ent. Si toutes les aétlons, même civües , j qui auroient quelque relation avec 1'acIcufation, fontdétruites &anéanties par la prefcription , a combien plus forte raifon , cette accufation même , & les Iprocédures qui lont fuivie , font-elles I dérruites. On ne peut donc plus s'en Itfaire un moyen , ni prétendre qu'eiles ccqntiennent des indices, Ces indices, s'il y en avoit, tomberoient avec la : procédure même. Ainfi , quand il fe' roit vrai que les procédures faites contre  3 t (3 La helle Tonneliere. fa veuve Durand cpntiendroient des charges conlidérables , on ne pourroit y avoir égard , depuis 1'arrêt de 1763. Au refte, on n'a invoqué , jufqu'i préfent , que des principes généraux fur la prefcription en matière crimineb le, 5c 1'on n'a pas riré avantage des circonftances particulières qui donnent a la prefcription prononcée dans cette affaire , une force extraordinaire. Une première circonftance , eft que prefque tous les arrêts,que 1'on trouve dans nos livres fur la prefcription en matière criminelle, ont prononcé ia prefcriptipn du crime ; celui de 1763 , au contraire , prononce la prefcription de l'aaufation. 11 femble que la cour ait prévu , au momenr de la rédachon de fon arrêt, que les fieurs Duparc foutiendroient pn jour qu'il n'y avoit que la peine de prefctue. Elle a remonré au premier acte de la prpcédure , afin de la détrui.re toute , dès fon origine. Les informations ont été entées fur 1'accufation ; 1'accufation ne fubfiftant plus , il eft évident que les informations ne fubfiftent pas non plus. Une autre circonftance auffi précieufe dans 1'affaire , eft que 1'arrêt de 1763 a  La belle Tonnellère. 317 prononcé la prefeription , fans que la : veuve Durand la demandat. Tous les arrêrs que 1'on trouve dans nos livres onc jugé le crime prefcrir , I fur la requifuion des accufés 'y jamais ion n'avoit fuppléé ce moyen. Mais , en 1763 , M. le procureurIgénéral,, qui étoit demahdeur & accufateur, devoir, dans la régie ordinaire, I attendre que l'accufée proposat 1'excep; tiori qui réfultoit du laps de vingt an• nées. Mais il a cru que les circonftances i exigeoient qu'il s'élevac au-deffus de la ! régie ; & , de fon propre mouvement, il a requis que 1'accafation fut déclarée 1 prefcrire ; & , fans que la veuve Du* i rand eüt formé aucune demande a eet égard, la cour a déclaré 1'accufation : prefcrite. Des raifons fupérieures 1'ont déterI minée a rendre un arrêt dont il n'y a jamais eu d'exemple. Elle a vu, avec peine , qu'elle ne pouvoit plus décharger la veuve Durand de 1'accufarion ; des juges ne peuvent plus opiner fur le fond d'une accufation , lorfqu'il ne leur eft pas libre de condamner ou d'abfoudre : ils ne pouvoienr plus condamner après vingt ans ; dès lors , ils 1 ii'ayoient plus la liberté néceilaire pour  318 La belle Tonnellère. former un jugement. Ils ont vouluconf- - tater, par leur arrêt même, 1'impuifïance : jas ccoient ae prononcer lur Ie fond de 1'affaire: & n'ont fait entendre autre chofe a la veuve Durand, finon qu'ils avoient les mains liées, & que 1'accufation étoit prefcrire. Loin^donc que cette prononciation puiffe être oppofée a cette femme , elle eft toute a fon avantage. Mais, ont dit les adverfaires de la veuve Durand, d'après M. deGrainvitte -y 1'on ne peut pas prefcrire d'apres 1'opinion des hommes. Et, pour appliquer.ee paffage , ils ont repréfenté la I veuve Durand comme condamnée par la voix publique. D'abord , oü eft la preuve de cette opinion fuppofée fur le compte de la, veuve Durand* D'ailleurs j, cette maxime , qu'ils voudroient faire adopter introduit une notonété de fait contre laquelle on s'eft clevé dans tous les tems. Notorietas incerta res efl y chm plurima poffint haberi ut notoria , qua non I funt. Nul/a habetur ratio hujus notorietatis, nift deciaratafit d judice poft fufficientes probationes ilüus.  La lette Tonneliere. 319 Requiritur notorietas juris , id eft , , fententia. Voila les régies fur lefquelles nous ) avons toujours vécu \ & pour faire voir M. de G.ainville ne s'en eft pas I écarté, il fuffit de rapporter fon paf- r « On ne peur, dit-il , preicrire conI » tte 1'opinion des hommes. Celle que I li 1'on doit avoir de ceux qui ont ef- ï 3> fuvé une condamnation infamante , ... „i n iwr lp nnmhre des • I années qui fe fonr écoulées depuis I q'n'elle eft intervenue. C'eft-pourquoi i » la note qui réfulte de pareilles con- :» damnations n'eft point eftacée par la » prefcription, quolqu elle foit toujours, I « dans le cas ordinaire} un moyen vala'. »> ble, ou une le'gitimc défenfe ». Loin que ce paffage foit contraire I aux intéréts de la veuve Durand, il eft, comme on voit, tout en fa faveur. M. de Grainvillé dit qu'on ne prefcrit i; pas contre 1'opinion des hommes , dans le cas oü il y a une notoriété de droit , 1 produite par un jugement de condamI nation a une peine afflictive. Mais ce I n'eft pas le cas oü fe trouve la veuve I Durand. II n'y a jamais eu contr'elle , I de jugement de cette efpèce , elle eft O iv  3% o La belle Tonnellère. dans Je cas que M. de Gramville appellé les cas ordinaires , & dans lef] quels il convient que la prejcription efl un moyen valable & unelégitime défenfe. Mais , difent les adverfaires, vous avez été foupconnée pendant vingt années. La prefcription vous laiife dans le même état. Tantum prafcriptum , quant urn offJJum. i°. Cet axiomen'a lieu que pour Ia prefcription en matière civile. La prefcription en matière criminelle eft fondée fur des rnotifs différents : elle a auffi des effets différents. Ainfi il eft beaucoup d'axiomes fur les prefcripCiöns civiles, qui font fans application aux prefcriptionsen matière criminelle: & celui-ci eft du nombre. a°. Cet axiome fur la prefcription' civile ne concerne^que celle qui procure I'acquifition. "C'eft relativement a cette prefcription que 1'on dit qu'elle a Ja même étendue que la poffeftion. Vous êtes inquiet de fgavoir ce que vous avez prefcrit ? Voyez ce que vous avez poffédé. tantum pr&feriptum 3 quantum poffeffum. _Mais jamais cet axiome ne peuts'appliquer a 1'efpéce de poffeffion qui -opère la libération. On ne poffede poins  La helle Tonneliere. 321 lalibérarion , avant que d'avoir prefcrit» comme on polfede un bien, avant que 1 de 1'acquérir par la prefcriprion. On pof: fede fi peu la libération jufqu'a la prefI cription confommée, que, jufqu'a cet 1 inftant,. on eft débiteur, & on peut i être contraint de payer. II n'y a donc ji point eu de potleflron réelle de la part de celui qui s'eft libéré par la prefcription. On ne peut donc parler de poffeffion relativeroent k cette efpèce de I prefcription. La maxime , tantum pr&fj trivium , quamum pcjfejfum r ne peut donc s'appliquer a cette prefcriprion I civile. La polTeflion en matière criminelle, 1 ne peut jamais être affimilée a la pref1 cription civile qui opère 1'acquifition I mais feulemenr a celle qui opère la liI bération. II faut donc regarder la maxii me tantum pr&fcriptum , &Cc. commes étrangere a la prefcription en matière 1 criminelle. L'accufation criminelle eft un far1 deau dont l'accufé refte chargé pendant I vingt ans. Mais, le premier jour de la | vingtième année commencé , la juftice' | le décharge de ce fardeau. II le fupI portoir encore le demier jour de la dixI neuvième année: mais fon état change? Q v  322 La belle Tonnellère. en ce moment: depuis cet inftant, on ne peut plus jetter les yeux fur Je paffé; letar qui a précédén'a aucune influcnce: iur celui qui fint.. On ne.peut donc tirer aucune coniequence de ce que 1'accufé étoit foupconne , &. pouvoit être condamné le dernier jour qui a précédé la prefcription .confo.mmée : on ne.peut pas dire quil refte dans le meme état, puifqu alors il n'y auroit plus de prefcriprion. On convient qu'il ne peut plus etre condamné j il ne peur pas davantage etre foupconné. Les foupcons formoient une grande partie du fardeau quil devoit porrer pendant vingt ans. Ce fardeau a entramé les foupcons dans. ia chure.j ils ne fubfiftent donc plusy & l'accufé devienr lihrp Pour mettre dans la plus grande évidence la fauffeté du raifonnement des llOllrr. Fï '1 r CC • < .. .. ™^fp ^uFarc, niumroit de 1 appiiquer h prefcriprion qui opère la libération. Us diroient, de même. a un-débi- eur: vous deviez, le dernier jour deJa dix- neuvième année ; & dans un. smmm , vous etes hbéré.. Votre ütuatiou préfènte doit être conforme a votrextaxqui a précédé..Ge raifonnement,.  La bélle Tonnellère. fè$ pour trop prouver , ne prouve rien : car il rendroir a exclure totalement la prefcription; ce changement fubit étant précifément 1'effet de la prefcription , & fans lequel il n'y auroit pas de prefcription. IV. Refte i examiner fi la veuve Durand eft indigne de profiter des libéralités du fieur Devaux. Cette derniere propofition paroufurabondante , après ce qui vient d'être En effet, on ne foutenoit l'indignité que fur le fondement des indices violents que 1'on prétend n'ayoir pas éteeffacés par 1'arrêt de 176"3. Mais on vient de voir, & qu'il n'y" a point de foupcons violents, & que , quand il y en auroit eu , la prefcription les avoit effacés. Aïiiïi , fans qu'il foit befoin d'en dire davantagc , il feroit prouvé que la veuve Durand ne peut jamais être déclarée indigne. Mais les fieurs Duparc , fous ce point' de vtie même, qui eft le plus favórable pour eux , ne pourroient pas encore réufïïr. ' En effet', l'indignité ne póurrbit être ' fóndé'e que fur le crime. 11 faudroit- Q-vj,  324 La belle Tonneliere. donc ,. pour que l'indignité exiftat s que le crime füt prouvé. II n'y a; point eu. de preuve* acquifes. contre 1'accufée ; le corps de délir n'eft même. pas cexrain.. L'arrêt de 1744. prouve au moins que 1'accufation eft! fans. preuves , puifqu'il prononce une plus ample^ information. On. ne peut donc pas alléguer d'indignité; puifqu'elle ne pourroit avoir. de bafe que la. preuve du. crime que cette preuve n'exifte point. G'eft. une abfurdité de prétendreqa'un.fait puiffe être prouvé. fuffifammenr. au. civil „quoiqu'il ne le foit pas, au criminel..Les mêmes preuves font admifes. au criminel & au civil :.on; admet, dans 1'une. & f'autre matière ^ ia preuve littérale,. la preuve teftimoniale ,.Sc la:preuve conjecturale. Tout.ce.qtie Pon.pent dire, eftqu'em matière.criminelle, on.incline, lorsdu jugementa. l'avis le plus doux.: il 1'emporre., aux. termes de l'ordonnance „ fi l'avis plus fév.ère. n'a pas deux voix deplus.. Mais , quant aux manièms, de prouver un fait , eliës font les «ïêmes , foirau criminel-,. foit-au civil;. -PJacons les parties. dans la mêine*  La belle Tonneliere. %zf nypothèfe au civil, qu'elles fe trouvent au criminel* Si , dans une inftance civile , la juftice, croyanr devoir inftruire fa religion , impofoir a celui qui auroit allé— gué un fait, Fa condition de le conftater par une enquête; & fi , par 1'événe- ; menr , Penquête. n'étoit pas faire, il eft : certain que , les. deux parties fe repréfentant en juftice , celui qui auroit allé- I gué te fait , fuccomberoit faute d'en- I quête. Telle eft la poiïtion des fieurs Du\\ pare. La juftice ordonna, contre leur i adverfaire., une information. Elle n'a pu avoir lieu, paree qu'on a fenri qu'il ji n'en réfulteroit rien qui conftatat le fait qu'il fatkit prou ver. Le fair, alors, doit être écarté. Le fait écarté , il ne refte. pas le plus léger fondement a leur pré tention. Dans l'affalre la moins importante ^ au civil , la juftice exige une preuve ; claire & précife y a défaut de cette preuve , le demandeur fuccombe. Et ! 1'on voudroit perfuader que 1'on n'a pas befoin de cette preuve dans une affaire dont 1'intéret pécuniaire ,. quoi- queconfidérable ,.eft ie moindre objet  p.6 La belle Tonnellère. &c qui eft^ plus une affaire d'honneur $ qu'une affaire d'intérêr. En effet, i! eft évident que 1'on ne pourroit juger la veuve Durand indigne , fans la regarder comme coupable qu crime horrible dont elle a été accufée. Un pareil jugement emporteroit contr'elle, une note d'infamie. Or ü eft certain qu'on ne peut être trop circonfpect , ni même exiger trop depreuves , lorfqu'il s'agit d'infliger une nore a un citoyen. On doit être alors auffi difficile tk auffi fcrupuleux fur le genre de preuves, que s'il étoit quefliom de le condamner a une peine affliétive ou infamante. On ne peut devenir infame , a raifon d'un crime commis , fi 1'on n'en eft pas convaincu. Nullam exljlimationis infamlam perti-mefcat ob crïmen 5 fi fenter.tla non pr&c-ejjlt infamia maculam irrogans. Loyjeau, traité des offices, liv. premier, chap. 13 , n. 50, dit que nuf n'eft infame Ipfo fatlo , requiert une fentence déclarative. II ajoure, n. 51 , qu'il faut être déclaré convaincu du crime , par le jugement, Sc que. les juges qui veulent-'  La- belle Tonnellère. 3 27' fauver 1'infamie au condamné , ne le déclarentpas convaincu du crime; mais prononcent que , pour les cas vérifiés au procès , il eft condamné a une telle amende.- Ainfi un jugement ne peut produire 1'infamie qu'autanr qu'il énonce que la convidion eft acquife ; a plus forte raifon, faut-il un jugement de condamnation. Les loix exigentimpérieufement que toutes les caufes d'indignité foient prouvées de la manière la plus évidente & la plus certaine. indignum effe K divus Pius decrevit qui msnififtiffime comprobaius eft id egiffe . ut per negligentiam & culpam fuam, muiier d qua inftitutus erat, moreretur. L. 3 ,ff. de his qj.t ut ïndign. auf. La loi -9 , ff. de jure fifci, porte que lë fifcqui, chez les Romains, profitoit de l'indignité , aura, que fcelere acquifita probari pojfunt. La loi 10 , cod. de revoc. don. parle des caufes qui peuvent opérer la revo- ; canon des donations. L'énumération 1 qu'elle en fait , conrient autant de caufes d'indignité. Mais elle exige que ; cette révocation ne foit prononcée, fous le prétexte- de ces. caufes d'indi-  3*5 La belle Tonnellère. gnité, qu'autant qu'elles feront Wees tar les preuves les moins équivoques r & tut ies conféquences les plus datres. , hls eni™ tantummodb- caufis , fi fuennt m judicium dilucidis argnmends cognatronabUher approbau > donationes e-vcru concedimus. La préfomption eft toujours eontre eelvfi qui allegue 1'indignité ; & il ne peut detruire cette préfomption que par une preuve contraire & convaincante, II femhle que les rédadeuss des lei* ie ioient attachés a entaifer les expreflionsles plusforrp* n™,r - , l loa5 cuicnare que Ia preuve qu'ils exigent doit être au-deüus de toute atteinte. La légiflation eft fi claire fur cette matière, que, pour combattre les inducnons qm en réfultent, les adverfaires n ont pu trouver d'aurres armes-, quedans les loix mêmes qui confirment celles que k veuve Durand * invoquées. elt amfi. qu'ils ont voulu tirer avantage de Ia loi 7 rjf.. de bonis damnar. § 4 Cette loi veut que-, ft 1'héritier inftitué eft convaincu d'avoir empoifonnéi le reftateur les biens qu'il devoit recueilhr de fon inftirunon , foient adjuges au fifc. Oun fihafamüiai yiMW  La belle Tonnellère. 329 necaffe convinceretur eum d quo h&res infiuuta er at, .... h&rereiïiatem vindicarififco. On voit que ce n'eft pas une fimple accufation fans preuves qui opère la confifcation ; c'eft la conviótion. Citm convinceretur. A 1'égard de la loi 3 , cod. degenen abol. concue en ces termes: indulgeAitt quos libtiat, nctat , nee criminis infamiam tollït . fed pcene gratiam facit, n'a point d'application a la conteftatioij préfenre. Le Prince avoit accordé a un accufé , qui , convaincu d'un crime , avoit eu recours a fa clémence , des lettres, pour le foiiftraire a la peine qu'il méritoit. 11 avertir que ces lettres ne reièvent point le criminel de la note d'infamie. Y a-c il, dans cette[loi, quelque chofe qui annonce que de fimples foupcons fuffifent pour établir l'indignité ? Mais les fieurs Duparc , après avoir parcouru toutes les caufes d'indignité , s'attachent principalement a celle-ci ,. & prétendent y trouver un appui a leur fyftême. Ils foutiennent que 1'héritier qui ne venge pas la mort du défunt, eft indigne deluifuccéder; paree qu'il eft alors  33° La belle Tonnellère. foupconné d'avoir eu part a la mort ï d'oü ils concluent que defimples foupcons fuffifent pour faire prononcer l'indignité. Mais ce n'eft pasUle véritable motif qui a infpiré cette loi. Ifle le privé de la fucceffion, paree qu'il a manqué a un devoir de piété Sc de reconnoiffance. Omnes heredes, vei eos qui loco heredis funt, officiosè agere circa defuncii vindiclam convenit. L. x i 3ff. de his qua ut iniign. au/er. Debitum pietatis officium fcientes omiferunt. Cet héritier doit faire , des biens du défunt, le même ufage, que le défunt en auroit fait. II les eüt employés a puurfuivre ceux qui auroient voulü attenter a fa vie. Son héritier doit agir de même ; il doit prélever, fur la maffe de- la fucceffion , ce qui eft néceffaire pour cette pourfuite ; Sc il feroit indécent de !e voir jouir tranquillement des fruits du crime qui a fait perdre la vie & celui dont il a recueilli la fucceffion, fans s'qccuper de la vengeance de ce crime. On ne verra dans aucune loi , que 1'on ait privé 1'héritier qui n'a pas vengé ra mort , paree qu'on le foupconnoit d'avoir commjs le cuime j. c'eft fon.  La helle Tonnellère. 331 inaótion , c'eft fa négligence que 1'on punk, comme clans la loi 3 , ff. de his qu& ut ïndïg. au/er. rapportie plus haut, ou il n'eft queftion d'aucun foupcon de partkipation au crime, mais leulcment de faute , ou de négligence; per culpam , aut neglrgentiam Juam. Le Brun, traité des fucceftions, liv. j , chap. t , n. 5, dit que notre droit déclare 1'héritier indigne , lorfqu'il ne venge pas la mort , paree que nos légiflateuis fe perfuadenr qu'il n'y a rien qui foit capable d'arrêter la fureur d'un homicide , comme la crainte de la vergeance des héritiers , qu'il prévoit être indifpenfablement obligés de le pourfuivre ; que ceux qui ne le font pas , violent les fentiments de la nature , & oublient leurs devoirs. Tels font les véritables motifs de Pexclufion des héririers qui ne vengent pas la mort. 11 fuffir a la loi , qu'elle puiffe reprocher a 1'héririer fa négligence : par cela feul, il eft coupable , fans qu'il foit néceffaire de rechercher s'il peut être foupconné du crime. C'eft pouffer la rigueur des conjeéfures trop loin , que de fe faire un prétexte de celle-la , pour prononcer 1'exclufion. Si ce foupcon étoit le véritable mo^  332, La belle Tonnellère. tif qui eik dérerminri i aa.., »_ t< „ " 1 , , . . • " «^ Jdier mat- gries les héritiers qui ne ven^ent pas ia mort, un héritier qui fe ferok abf- femi iJn , • - ^ , cvuir, mais qui prouveroit quil etoit de route impoffibilité qu'il euc fait pénr le défunt... eommè?K «o«c ahnftancde la mort , dam un pays eloigne , ou retenu dans les fers ne feroit pas jugé indigne. Cependant, il eft certain que cet homme feroit exclu de la fucceffion qaotquon neut a lui reprocher que la négligence. 1 Ce n'eft donc pas Ie foupcon du cnme mais Ia feule inaclion qui eft regardee comme ingratkude , qui procuit 1'indignité. - r II eft poffible qu'il fe réunilfe quelquefois des circonftances qui faffent préfumer que 1'héritier qui ne pourfuit pas eft Iui-meme Ie coupable. Mais eert un cas particulier , fur lequel on ne peut fonderune regie générale , en dilant que rous les héritiers qui ne vengent pas doivent être foupconnés d'avoir ete les aflaffins. . D'ailleurs. dans ce cas li même , ce neft pas encore le foupcon ou la prélomprion du crime qui détermine i prononcer Pindignité j c'eft la «églil  La helle Tonneliere. 223 ;gence qui réfulte du défaut de pourfuiUas , Sc qui eft prouvee. Au lieu que ?les foupcons ne le fonr pas juridiqueimenc, & ne peuvent avoir d'autre effet, que de jetter de ia défaveur fur :.i 1'héritier qui, dans ces circ. nftances , | veut conferver la fucceffion. II fetoit donc déraifonnable que de I fimples foupcons fuffent füffifantts pour t produire une indignité. II faut que les 1 .caufes de 1'indigniré foient prouvées : I les loix ne 1'admettent qu'après des I preuves plus claires que le jour : luce I mer.diand clarions , munifeftiffime comI probstis ., edoclis manifeflifiimis caufis , I dilucidis a-gumcmis , qui ingratus aper\. tijfimh monjïrabitur. La veuve Durand invoquoit enfuite ; la jurifprudence des arrêts , & faifoit I valoir ceux qui avoient été rendus dans . les affaires de Jean Taffart, de la dame I de Montagriers &c de la Morineau. J'en ; ai beaucoup parlé plus haut. Ces trois i arrêts, difoit-elle, prouventque la jui rifprudence n'a jamais prononcé 1'ini dignité fur de fimples foupcons , & a toujours exigé des preuves. Ainfi ces arrêts font de nouvelles autorités en fa faveur, &c viennent a ï'appui de la quatrieroe propoütion.  334 La belle Tonneliere. Les fieurs Duparc entreprirent d'é J blir que la veuve Durand éroit nonrecevable & mal f«n,U„ J-~- i\ uciii.s ia nni . veile reclamation. Deux propofirions iormoient leur défenfe. i°.La veuve Durand eft indigne & jugee indigne de profiter des libéraiités du lieur Devaux.. %% La prefcription n'apporte aucun ■changement i fon état d'indignité qui eft toujours le même qu'il étoit en 1747 & 1749 , ne donne aucune atteinte aux jugemens rendns contr'elle. I. Eft-il quelqu'un qui ne foit forcé de convemr que celui qui attente a la vie de fon bienfaiteur , doit être privé des bienfaits qu'il en a recus ; oue quand le coupable déféré i la juftice ca dudéle chariment du au crime , qu a la faveur de 1'infnffifance juridique des preuves qui pouvoient opérer ia convióhon , les préfomptions violentes qui fe font élevées contre lui & qu'il n'a pu détmire, fuffifent pour '7'" üicapaoie de recueillir ou de conferver aucuns des bienfaits du défunt que ce monftre a affaffiné. . ,n eftec3 fi> dans une accufation capitale, comme celle dont il s'agit ici  La belle Tonnellère. 33^ les preuves qui font regardées comme , infuftifantes pour faire prononcer la peine de morr , peuvent donner lieu $ une peine pécuniaire; a plus forte raifon , des préfomptions fur lefquelles on ne fcauroit établir une punition capitale, peuvent-elle être aflez puifiantes pour priver un accufé d'un bien dont la polfeifion lui feroit procnrée par le crime même dont on 1'accufe. 11 ne s'agit point ici d'impofer aucune peine a la veuve Durand; il n'eft queftion de la punir, ni dans fa perfonne , ni dans fes biens: il s'agir d'empêcher qu'elle ne fafle un gain illégitime , un gain qui pourroit être le fruit du crime dont on la foupconné. 11 n'y a perfonne qui ne fente que , pour mettre un obltacle a un gain qui pourroit avoir une fource au ui criminelle , il n'eft pas néceffaire que les preuves aient ce dégré de force que la juftice exige , quand il s'agit de prononcer la mort. L'appücation de ces principes doit avoir lieu , fur-tout dans une matière oü la perfeftion de la preuve eft plus difficile a acquérir que dans toute autre. L'acrlon de celui qui attente a la vie des autres par le poifon n'eft qu'une  33^ _ La belle Tonnellère. opération fourde & ténébreufe qui lauTe rarement échapper affez de lumieres , pour qu'on puiffe remontcr jufqu'au coupable. Or , plus un délit eft , par fa nature, difficile a prouver, plus la juftice écoute les préfomptions, & leur prête la foivedes preuves,quand il ne s'agit que d'un intérêt civil. Jamais les foupcons n'ont plus de vertu pour exclure un accufé dont le crime qui lui eft imputé le rend indigne des difpofitions teftamentaires ou entre-vifs qu'il réclame , que quand il eft queftion d'empêcher qu'il ne prorite de ce crime. Tel eft le cas oü fe trouve la veuve Durand. La mort feule du fieur Devaux pouvoit lui donner la jouiflance & du legs univerfei, & de la donation , qui croitfaite avec réferve d'ufufruit. Ainfi, en la fuppofant coupable du crime donr elle eft jugée fufpecfe , ce feroir fon propre forfait qui lui auroit alfuré la poflelfion des biens qu'elle réclame. Or l'intérêt public ne fcauroit permet- j tre que celui fur qui la preuve du crime s'eft manifeftée par des indices, & par des préfomptions dont il n'a pu fe pur- ; ger , puiffe ^obtenir des avantages dont le crime même le feroit jouir. II n'y  La belle Tonnellère. 3 37 II n'y a point de précautions qae : les loix n'aient prifes pour einpccher . que, dans aucun cas, la tranfnufhon des 1 biens puille être le fruit du crime. La vigilance des loix romaines lur ce J point éclate de toutes parts \ & notre I jurifprudence , également atrachée au 1 bien général de la fociété , n'a été , i 1 cet égard , ni moins exacte , ni moins J rigoureufe. On fe rappelle la loi 9 , lT. de jure \fifci, rapportée plus haut, p, 1 82, & fuiv. J «qui annonce combien les loix font at| rentives a empêcher que le délit de 11'homicide ne lui foit utile , & qu'il j n'en tire avanrage , de quelque manière ique ce puilTe être. Elles font tellement I occupées de cet objet, que le crime & 11'accufation étant éteints par la mort I de l'accufé, elles permettent néanmoins I de troubler fes cendres, & de pourfui1 vre fa mémoire , pour enlever a fa fuc1 cellion ce qui peut lui être parvenu par 1 le crime. Elles autorifent même cette li recherche , quoiqu'il y ait eu un jugeI ment rendu en fa faveur. Enfin , non j conrentes d'exclure 1'homicide de la j fucceffion de celui a qui il a donné la || mort, elles ne veulent pas même qu'il 1 puiffe en obtenir les biens , comme 'Terne XIL P  338 La belle Tonnellère, héritier de ceux qui ont fuccédé immédiatement a 1'homi. idé. La loi 7, §. 4, ff. de bonis damnatorum, auffi rapportée plus haut, page ' z 3 1 , a encore porté la précaution plus . loin. Elle a appliqué les effets de l'indignité aux enfants même du coupable. On n'a pas voulu que 1'homicide tirat , de fon crime , 1'avantage d'en voir pafier le fruit a fa poftérité. La maxime a été adoptée panni nous. C'eft pourquoi la dame de Montagriers & fes enfants furent déclarés incapables de recueillir les biens de ; celui qifou 1'avoit accufée d'avoir fait affafïiner. Les arrêts ont même étendu la rigueur contte les enfants du coupable jufqu'a leur enlever, ainfi qu'a leur père, toute efpérance de jamais recueillir la fuccef¬ fion ouverte par i homicide , apres même qu'elle auroir été confondue dans celle de la perfonne a qui ces biens avoient été tranfmis, a l'exclufion de leur père. On leur a appliqué ce qui a été décidé , a cet égard , contre 1 homicide perfonnellement, par fa foi 9 , ff. de jurefifci, dont on vient de parler, C'eft 1'efpèce de 1'arrêt de Jeanne Morineau,  Labdie Tonneliere. 339 II fut jugé que les enfants du parricide devoient être exclus , a quelque titre qu'ils pulfent venir, paree que le parricide profiteroit indirecrement des biens qui palferoient ï fes enfants. Ces décifions font voir avec quel foin la juftice Sc les loix fe font mifes en garde contre ce qui pouvoit rendre a faire profiter le coupable de fon crime , foit direcfement, foit indirectement. Mais ce n'eft pas feulement contre ceux qui ont été jugés criminels, que les loix ont réfervé cette rigueur. Toujours pleines du même efprir , elles ont tellement appréhendé de laiffer entre les mains du coupable , le prix du forfait, qu'elles ont confidéré de fimples foupcons , lorfqu'ils ent parit légitimes , comme des motifs fuffifants d'exclufion. La loi 11, ff", de kis qu7 ' «"«uigne ae la iucceihon da «erunt. II eft impoflible de pénétrer dans les replis du cceur humain • & pon a toa. jours lieu de craindre que le defir de iucceder ai, défunt , n'ait condtiit la mam de 1'homicide, qui a vouiu prévemr les difpofirions teftamentaires, ou anticiper une jouiflance qui pouvoit encore etre éloignée. . Cette décifion eft une fuite de Ia 1 di/poution de la loi Romaine , qui declare indigne de fuccéder celui dont ia iaute ou la négligence ont occafionné ia mort du défunt. Cette loi ne diftingue point fi la faute de 1'héritier a eu pour principe un defléin criminel, ou s d eft exempt de crime : die le privé des biens, qnoiqu'il n'y ait pas lieu de le pumr comme coupable; elle craint qu'il ne le foit efFectivement , paree qu'il avoit intérêt de 1'être. Ces décifions, & les motifs qui les ont diccées établiffent donc que des préfomptions fortes, fondées fur une procédure régulière , & dont la juftice fait fupporter le poids a l'accufé par un jugement qui 1'a tenu in reatu, opèrent toujours 1'indignité, quand il eft quef-  La belle Tonnellère. 343 tien d'empêcher qu'un crime ne foit utile a fon auteur , ne quidfu qudjaum verfcelus. Elles établiflent encore que le fimple foupcon du crime, ou la crainre feule que la pofleffion des biensin en foit le prix, produit un effet femblaole, lors même que la juftice ne peut pourfuivre comme criminel celui fur qui tombent les foupcons. , r , • Mais , fi les loix ont porte fi loin l'attention&'la prévoyance, pournepas rifquer de laifter au coupable le fruit de fon crime, comment pourroientelles permettreque les biens d'un homme mort par le poifon, fuffent tranlmis a une femme que la force des préfomptions qui réfultent d'un proces inftruit a 1'extraordinaire , a livree aux rigueurs d'un plus amplernent mforme indéfini', peine plus confidérable, 011 ne dit pas feulement que la queftion fans réferve des preuves, que le banrilfement a tems , ou a perpétuite , mais meme , que les galères ? ( _ Quoi! une fimple faute d'un henner, une fimple négligence, un fimple défaut de vigilance fur les jours de celui a^qui il doir fuccéder , une aétion même jugée involontaire, fuffironr pour 1'exclure d'une fucceffion que la nature & Piv  344 La belle Tonnellère. la loi lui dëftinentj Sc une femme qui refte chargée d'avoir donné la more. a fon bienfaiteur , qui n'a pu , pendant ] un efpace de vingt ans , fe purger .des foupcons violents dont elle eft atteinte, ieramfe en poifeffion pailible de tous les bienfaits qui font peut être le fruit d'une liaifon condamnable ! Quoi! ce qui devoit être le gage d'une amitié pure, d'un attachement a toute épreuve , pouna devenir le prix du plus hornble attentat commis en la perfonne de celui même dont les ■bienfaits font émanés ! La nature fe révolte a une pareille propofition. Quel eft 1'homme fenié qui pourra ffl mettre dans 1'efprit que la veuve 'Durend jugée indigne d'être. délivrée de la pourfuire criminelle , puifté néanmoins être trouvée digne d'obtenir des a.vahtages qui ne pourroient être conlidérés que comme le gage de fon innocence ; que les juges , après s etre vu farces de préfumer qu'elle a précipité le lieur Devaux dans le tombeau , pour ie hater de jouir des bienfaits qu'elle en a recus, vivement frappés de cette préfomption , dont ils lui ont fait fentir tout le poids , dolven! néanmoins la mettre eu poifeffion des biens de  La belle Tonnellère. 34? celui-la même qu'ils foupconnent avoir été la viétime de fa crueÜe avarice ? Si les biens d'un homme , donr une main violente a tranche les jours, font abandonnés a celui qui eft accufé d'être 1'auteur du crime , & que la nature des charges en fait préfumer coupable , on doit être efrrayé des inconvéniens qui en doivenr réfulter. L'efpérance de prohter du crime, enhardit a le commettre. Ainfi un fcélérat quiconeoit le deflein de faire pcrir celui dont les bienfaits lui font deftinés , fe portera plus facilement a 1'exécution de fon projet, quand il pourra fe promettre de n'être pas pleinement convaincu , & qu'on le lailTerat, malgré les foupcons , jouir tranquillement de fon forfait.- Celui qui fe détermine a commettre. un crime , ne s'y détermine que trop aifémeiit , par- la perfuafiön que les précautions qu'il médite le prcferveront de la convicrion. Mais il ne peut fe flatter qu'il n'y aura, contre lui, ni indices, ni préfomptions. Le feul moyen de le retenir eft donc. de lui annoncer que , pour qu'il puifie retirer de fon crime 1'avantage qu'il sien promectoit , il faudra qu'il parPv  34& La belle Tonneliere. vieune d effacer les foupcons 4 & k étaoiir Ion innocence. ' Un coupable peut bien n etre pa& convaincu ; mais il lui eft impoifible de prouver qu'il efl: innocent. Ainfi il renoncera au crime dont il courra' sous les rifques, fans efpoir d'en tirer aucun fruit. Rien ne 1'artêtera, au contraire , (i on le difpenfe de fe juftifier & fi les préfomptions les plus fortes ne luniient pas pour le priver des biens. dont il aura voulu fe procuter une jouiflance prématurée. La füreté publique exige donc que ies préfomptions tiennent lieu de preuves quand il eft queftion d'empêcfier que les. biens d'un défunt ne foient tranfmis, par le crime même, a celui qui eft accufé de lui avoir donné la& mort. Mais s'il efteffentiel pour la fociété que cette maxime foit obfervée avec rigueur, c'eft principalement dans les accufations du crime de poifon. C'eft de tous les genres d'fiomicide , le plus, tacile a commettre , & Ie plus-difficilea prouver. Ainfi, plus l'efpérance de iimpunué eft grande, en ce cas , plusH eftimportantde ne pas, la fiatter encore par 1 efpoir de la récompeiüe, er*  La. helle Tonnellère. 347 Iaitfant croire au coupable qu'il lui fuffira d'éluder la conviétion , pour obtenir la récompenfe qui 1'avoit détermine au crime ; & que les indices & les préfomptions , quelque forts qu'ils foient, ne feront jamais capables de la lui arracher.Autrement, ce feroit livrer la vie des hommes aux embüehes fecrettes de Ces ames qui n'ont derefforts que ceux que leur donne l'intérêt, &c qui font fourdes aux fentiments , aux cris de 1'équité & de 1'humanité, dès que la voix de l'intérêt fe fait entendre. Que la veuve Durand ne cherche pasa fe prévaloir de la volonté du fieur Devaux. C'eft cette même volonté qui prouve fon indignité , &c qui la condamné. Le fieur Devaux a cédé an penchant qui 1'entrainoit vers elle. 11 Ia crue ca' pable d'un retour d'amirié & d'attachement Mais, fi ce font des mouvement^ de tendrellé & de confiance qui ont excicé fa libéralité , ces mouvements peuvent-ils produire leurenet en faveur de celle qui en a été 1'objet; qui a été accufée d'avoir porté 1'ingratitude jufqu'a faire périr , par le poifon y celui qui La combloit de bienfaits , & c|ai n'a Pv)  $4p La helle Tonneliere. pu ie purger de 1'accufation d'un crime- \ aaili horrtble-?1 Si 1'efricacité des remèdes eüt pu 1 échapper le fieur Devaux a la mort ,, j de quel ceil auroit - il confidéré une feimne.qui avoit toute fa tendreife, fur 1 Jaq.uelle.il avoit épuilé toute fa gene- I rohté , qu'il auroit vue entre les mains I de la juftice, pouriuiviecomme coupable .; de lui avoir fait prendre. un breuvage 1 empoifonné, chargée des foupcons les 1 plus violents, dont elle n'auroit pu parr I venira fe laver, condamnée, pour cette I raifon, a demeurer expofée aux fuites. I hmeftes d'une accufation de cette nar 1 ture ? Lui auroit-elle paru } en cet état-, I digne de pofféder les biens qu'U lui I avoit prodigués ? Que chacun confulte | fon cceur _, il y trouvera les fenriments I d'horreur & d'indignation qu auroit I éprpavés le fieur Devaux. La première démarche de cet homme 1 i» cruellement trompé , auroit été, fans doute, d'eftacer de fon teftament , le> ] legs uuiverfel fait^u prohr de-Ja veuve Durand. Or, ce qu'il n'a paseu le tems de faije.lui-mêmej la loi le fait pour- I lui.. Ik  La belle Tonneliere. 349 La loi romaine décide que, toutes les fois qu'il y a lieu de préfumer, par des motifs raifoimables , que le teftateur auroit changé de volonté , fi. la mortnel'eüt prévenu , le legs eft étemt de plein droit- Ainfi des différents confidérables élevés entre le teftateur & le légataire , anéantiffent les difpofinons fiiites en faveur de celui-ci. Quaritur an ininticki'.s interpoftm fideicommijjum nondebeatui ? Etfiquidem capimles , vel graviftima inimichia inur afte'int , adtmptum videtur quod relicium eft. Leg. 3 . §. 1 1 ff. de adim. vel transf. legat.Si inimici'tia ca> itales intervenetunt inier legatarium &'teftaiorem , & verifimile efte cceperk ttfiaiotem nolu/JJe legatum fivï jcdeicommifium pnfiivi ei cui adfcriptum 'relicium ejl, magis eft ui legatum ab eo petinon pofjit. Lef;. 9, in procm.f. de his qua utindign. auftr. Elles vont même jufqu'a ordonner la révoc-ation du legs, quoiqu'il f alt eu , depuis la diffention née , pkifiedrs codicilies par lefquels le teftateur ne 1'a point-fupprimé. Cum codicillis legatum r.on adcnunt; & cela , dit Ricard , des donations, part. 3 , chap 3 , feéh 3., n. i\ 5, xsG , p^rte que ie legs étant ré'voqué de droit-, le teftateur a pu pen*  3ÏO La belle Tonneliere. Ier qu',1 „'éroit pas befoia d'une reVo- cation exprelnj. , °r Je ^ Devaux auroit eu , pour revoquer fon legs univerfel, des mofs bien plus PuiflkntSjque ceux qui lont enonces dans les loix que 1'on vjenr de citer. II n'y a pas ici une fimple vraifemUance ; il y a une certitude «orale qu il auroit retiré fa main bientailante Sc auroit regardé Marie-MarguerneGemier, femme Durand, comme indigne de fes bienfaits, tant qu'elle n auroit pas été juftifiée. Les loix viennent donc fe mettre i ^ru avGfat DeVauX> *»neantiE rbfifter!" ^ °W W H n'auroit pas vu d'un ceil plus tran«juille Ia donation qu'il avoit faite i Mane-Marguerite Garnier. II auroit fait annuller cet afte déja anéanti par i mgratitude ia plus monftmeufe. .Le/. fi^urs B«P*rc ont fait ce qu auroit fait leur frère ; ils ont fatisfait a ce que fes manes exigent d'eux. S'ils ne fe font pas rendus accufateurs de Marguente Garnier Sc de fes complices, eelt quils ont été prévenus par Ie niinilïère-public, & qu'ils ont cru devoir s en rapporter i fa vigilance. Mak  La belle Tonnellère. g ^ i ils 1'ont attaquée fur fon indignité „ & ont fait tous leurs efforts pour écar- ter d'elle la récompenfè du crime dont I elle eft foup^onnée. La veuve Durand a fait d'inuriles- effbrts pour fe fouftraire a rimpreifion qu'ont faite fur fa capacité mora'.e la I fentence de 1747 , & 1'arrêt de 1749 ' c'eft en vain qu'elle a prétendu que ces. , jugements lui étoient favorables , elle n'en a pas détruit 1'efprit, & n'en a pas . détourné le fens naturel. Ils portent fa i condamnation en propres rermes; Sc i cette condamnation eft aujourd'hui dé» finitive Scabfolue, par la feule raifon. i qu'elle n'a pas obtenu la décharge de i 1'accufation intentée contr'elle , qu'elle y a même renoncé , ayant eu recours, a 1'indulgence des loix. Les fieurs Duparc, en 1747, comme aujourd'hui, fondoient l'indignité de cette accufée , fur ce que le plus amI plement informé indéfini prononcé1 contr'elle fuppofoit que la procédure '> fourniifoit matiete a un foupcon fi vio! lent, qu'il n'étoit pas polfible de 1'ab- foudre; que, quoique les préfomptions. I qui fortoient de certe procédure ne puffent pas fervïr de bafe a une condarn, laarion capitale x elles étoient cependant:  31) 2 La belle Tonneliere. affez puiffantes pour priver 1'accuféed'un pur gain dont la pofleiiion lui feroit procurée par le crime même dont on l'accufé ; que , pour produire eet eftet, il n'eft pas nécelfaire que les preuves aient ce dégré de force que la juftice exige quand il s'agit de prononcer une peine de mort \ qu'il fuftifoit que Margierhe Garnier ne füt point juftmée, & que les foupcons ayant eu. afiez de force ,.pour la faire tenir éternellement in reatu , pour tenir éternellfement le glaive de la juftice fufpendu H.r fa tête , elle feroit réputée indigne , tant que. fon innocence ne feroit pas établie. On appuyoit cette propofition fur deux principes, i°. que celui qui eft accufé d'un crime grave, ne peut afpirer, pendant que 1'accufation fubfifte, a la pofleiiion des avantages auxquels le crime met obftacle. 29. Que les préfomptions avouées par les loix-, ou adoptées par la juftice , produifent toujours l'indignité , lprfi qu'il s'agit d'empêcher que rien ne foit acquis par le crime. Ces deux principes concouroient enfemble, pour étabiir l'indignité de.la femme Durand. Ils ont fervi de b.afe. &£■  La belle Tonneliere. 3^3 de fondement aux jugements intervenus contr'elle en 1747 > & , La cour, en déboutant, quant a prefan la veuve Durand de fa demande en délivrance de legs-, & en exigeant , des héritiers du fieur Devaux , une caution , a annoncé que fon incapacité étoit actuelle , mais qu'il ctoit polnble, a la rigueur, qu'elle s'en relevat. Lmdignitl étant aétuelle, on ne pouvoit pas Luf adju^er les biens dont cette pohtion récanoït. Mais , pouvant c^ange^ nar quelqu'événement bien difficile a prévoir , qui n'étoit cependant pas dans la clafle des impoflibles , il fallpit empêrher la diflipation de ces biens qu i, l'indignité ceflant, auroient du revenu a ïa k'eataire. Ppur conciliet les circonftances actüelles avec le futur.-contingent, on a laifle la jouiflance provifoire aux héritiers auxquels les biens étoient dcvolus par l'indignité. Et cette indignité J abfolument parlant , n'étant pas ïrrevocable , on a chargé ces héritiers de donner caution , & par la ,.on a conlervé les droits éventuels de la légataire, a laquelle les biens devoient être reftitués,auiu-rot qu'elle ne feroit plus indigne de les poiféder.  3? 4 La belle Tonnellère. Mais elle ne pouvoit fe relever de cette incapacité, qu'en obtenant fa décharge du crime dont elle étoit accufie, Sc dont elle etoit fufpecte ; ce n'étoit que par cette décharge, & en iuftifiant de ion innocence , qu'elle pouvoit parvenu a la délivrance du legs qu'elle demandoit, & k faire ordonner 1'exécurion de la donation : autrement , elle «ou priyée a perpétuité, de 1'un & de i autre , a titre d'indignité. Tel eft 1'efpnt, tel eft le fens littéral de 1'arrêt. A °n co"vient qu'un coupable, fans «re convaincu, ^ £tre dans j, f_ libilite de prouver fon innocence. Auffi ia juitice n exige-t-elle pas de lui qu'il en donne une preuve affirmative. Mais elle exige qu'il ne fe trouve , dans 1 inftruction de fon procés, aucune circonhance qui puilfe Je faire foupconner coupable. Alors elle le préfume'innocent , & lui accorde fa décharge. La déuégation qu'il fait de fon crime ne peut jamais fervir a fa juftification sily a contre lui des preuves ou des mdices_ violents ; comme 1'aveu qu'i] en feroit ne feroit pas fuffifant pour le faire condamner, s'il n'y avoir.pas de preuves d'ailleurs, ou s'il s'en rencontroit qm fuffcnt contraires a fa confef-  La belle Tonnellère. 3 5 5 fion. Nemo audimr perire volens. Quoiqu'il ne füt pas au pouvoir de l'accufée de juftifier fon innocence par un alibi , ou autrement, une plus ample information pouvoit affoiblir , ou même détruire abfolument tous les indices qui fubfiftoient contr'elle. En ce cas , elle eut obtenu fa décharge; Sc feroit, par-U , rentree dans tous les droits de citoyen, dans fa bonne fame Sc renommee. Elle devoit donc, dans ce point de vue , exciter elle-même le miniftèrepublic ; lui indiquer an autre coupable de la mort du fieur Devaux, s'il y en avoit un autre qu'elle. Mais la crainte d'être pleinement convaincue , Sc de fubir la peine du crime dont elle étoit accufée , & violemment fufpe&e , lui a fait prcférer de demeurer dans fon état d'indignité , Sc toujours expofée aux fuites de la procédure extraordinaire. Le nommé Seigneur, domeftique du fieur Devaux , accufé comme elle , déeréréde prife-de-cbrps , & emprifonné, a fubi, comme elle , route 1'inftruéfion du procès, Sc a été renvoyé de 1'accufation; non pas paree qu'il a dénié avoir commis le crime j non pas paree  3)6" La helle Tonnellère. que Ia juftice a exigé de lui des preuves] de fon innocence , ni qu'il en ait foutv ui \ mais paree qu'il ne s'eft trouvé aucune preuve qu'il fut coupable d'avoir donné la mort ï fon makre ; au lieui qu'il s'en eft trouvé , contre la veuve1 Durand-, de trop fortes pour 1'abfoudre & La décharger de 1'accufation/ Voila pourquoi 1'un a été renvoyé de ■accufation,-Sc 1'autre retenu dans les hens du plus amplernent informé. Mais , dit la veuve Durand, il n'y a poiin d'indices violents conti'elle. S'il n'y en avoit point, elle eüt obtenu fa décharge , comme le nomméSeigneur. De cette circonftance feule, on eft en droit de conclure qu'il fubfifte contr'elle des indices & des foupcons violents qu'elle avoit donné la mort au fieur Devaux. C'eft en vain que 1'on veut élever des doutes fur la certitude du corps de déht. 11 n'eft que trop certain que le lieur Devaux eft mort. d'un poifon corrofif Le médecin tk le chirurgien qui I ont fait 1'ouverture de fon corps, qui y ont aififté, tk qui ont été entendus dans 1'information , 1'ont décidé, ainfi que. ceux du chatelet. II n'eft pas moins certain que Boif-  La belle Tonnellère. 357 ■val, épicier,a vendu a Durand, fon vob , mari de Marie-Marguerice Garnier, \dajublime corrofif, peu de tems avant, 1'empoifonnement du fieur Devaux. D'après ces deux faits , qui fora Iconnus de tont le monde, h 1'on confii.dère q 'e la'veuve Daraad avoit 'eule Mn tére t a la mort du lieur Devaux , ■quelle étoit fa Bgataire univerfelle ifa donataire entre-vifs d'une rente de izoo livrei, avec retention d'ufufruit; [filon coniidèr* , d'un autre có.té , qi.'eb jleavoit lieu de craindre que ces bienfaits ne lui échapa fent parun mariage proj ietté, qui étoit fur ie point de s'ao cm[ntir :fi 1'on co:mdère enfin 1'empire jque cette femme , pat fes iiaifons inti• me», s'éioit a.quis fur 1'efprit du fieur \ Devaux , & dans fa maifon , qu'il s'c- I toit abandonné a fes foins , qu'il ne II prenoit rien que de fes mains, ou , par : fes ordres , de celles du nommé Seigneur; qui doutera qu'elle ne foit réel- ji lement coupable de lui avoir donné [| la mort , en lui faifani prendre un i breuvaee , ou un aliment empoifonné ? DoK-on être étonné que, d'après des faits aufiiconciuants, & qui font avérés, la tournelle ait refufé, dans tous les  ! 3 =5 8 La belle Tonnellère. tems , d'accorder a cette femme , fa décharge , qu'on 1'ait, au conttai're , confignée dans les Hens d'un plus am- I plement informé indéfini , & qu'on Pait laiffée expofée a fubir, a chaque inftant, la peine de mort due a Patrocité du crime dont elle étoit accufée & prefque convaincue. On prétend, pour atténuer les préfomptions qui réfultent de ces faits 3 I que le mariage projetté par lc fieur \ Devaux avec la dame de NoinvilLe étoit une fable. Mais la veuve Durand con- i vient elle même que les témoins en ont parlé dans les informations. Le fieur Devaux , d'ailleurs , n'étoit 1 point agé, comme on le prétend ; il étoit d'une forte complexion, & n'avoit /; aueunes infirmités. Jamais il ne s'étoit plaint de la pierre, jamais il n'a pris de remède pour la diffoudre. Et la preuve qu'il penfoit férieufement a fe marier , c'eft que les inftances de la veuve Durand n'ont pu le déterminer a vendre fes deux charges , dont elle vouloit faire tomber le prix dans le legs univerfej; tk il en a toujours rempli les fonctions avec la plus grande exaditude. Si le fieur Devaux a confirmé fon  La belle Tonnellère. 359 teftament par un codicille daté de la veiile de fa mort, c'eft la preuve , non pas qu'il n'eüt point fongé au manage, inais qu'il y avoit renonce.. 11 voyoir une mort infaillible Sc prochaine j il n'avoit donc plus d'efpoir de pouvoir effectuer ce projet. D'ailleurs fon imagination étoit toute remnlie de 1'obier qui étoit fans ceffe fous fes veux , qui 1'obfédoit fans ceffe, & qui excitoit, en fui, des mouvements de reconnoiffance par les foins aflidus qu'elle paroifloit prendre de la vióhme qu elle venoit ae ïacnfier. Ces circonftances n'empêcbèrent cependant pas le moribond de fonger encore a. la perfonne qu'il avoit choifie pour en faire fa femme, & de lui témoigner l'affeótion particulière qu'il avoit congue pour elle; il légua a la dame de Noinville quelques belles pièces d'argenterie. Au furplus , il n'eft pas vrai que la rournelle foir dans 1'ufage de prononcer un plus amplernent informé indéfini , après 1'expiration du plus amplernent informé d'un an. La cour ne fe détermine a prononcer un plus amplernent informé indéfini , après 1'expiration de celui qu'elle avoit  36b La belle Tonnellère. borné a un an , que quand elle juge les preuves trop fortes pour prononcer 1'abfolution de l'accufé. II eft certain que le plus amplernent informé pour un délai rixe & détetminé, fuppoie toujours que le corps du délit eft conftant, & qu'il y a des charges & des foupcons violents contre l'accuféMais le plus amplernent informé indé- j fifii , fuppofe que l'accufé eft tellement fufpe.ct, qu'il n'eft pas poftible de 1'ab- ; foudre , a moins qu'il ne parvienue a fe juftifier. L'article 4 du titte 10 de l'ordonnance de 1670, porte, en termes formels, quapris la confontation des témoins , l'accufé ne pourra plus être reeu en procès ordinaire. Mais le légiflateiir veut qu'il foit prononcé défijikivement \ fur l'abfoiution ou fur la condamnation dé raccufé. Si, non-obftant mie difpofition aufti expreffe, on a retenu 1'nfage du plus amplernent informé, il eft évident qu'on ne le pratique que dans le cas oü les preuves déja acquifes, quoiqu'infuffifantes pour affieoir une condamnation capitale , font néanmoins affiez fortes , pour ne pas permettre aux juges de coiffidérer l'accufé comme innocent, &pouc  La belle Tonnellère. 361 Sc pour leur faire augurer qu'une plus ample information fournira la preuve complette du crime. Le jugement qui ordonné un plus amplernent informé indéfini, eft interlocuroire , Sc en même-rems , détinitif: interlocutoire , en ce qu'il peut arriver que y par l'événement d'une plus ample informarion , l'accufé foit juftifié , ou pleinement convaincu : détinitif , en ce que , s'il ne furvient point de nouvelles charges , il fe trouve condamné a refter perpétuellement in reatu. La flruation ou la juftice met l'accufé par un jugement de cette efpèce , eft regardée , avec raifon , comme une grande peine, puifqu'après avoir effuyé tout le feu d'une procédure accomplie dans rous fes points , lorfqu'il fe voit enfin parvenu au terme oir, faute de convidtion , l'ordonnance femble 1'autorifer a demander fa décharge , on Poblige a demeurer, une feconde fois , Sc pour toujours, expofé a toutes les rigueurs d'une inftruótion extraordinaire , qui peut être terminée par une condamnation capitale. Devenu le rebut de la fociété, il eft encore déchiré intérieurement par des frayeurs continuelies qu'excite dans fon Tome XII. Q  362 La belle Tonnellère. aroe 1'image toujours préfente du fupplice qui le ménace. Expofé, a chaque inftant, a être appellé par la juftice, il la voit, fans ceffe a fescótés, armée de tout 1'appareil de fa vengeance , & toujours ptête a lui demander le facrifice de fa vie , pour 1'expiation du crime dont il refte chargé. Ce n'eft pas alfez pour lui de n'être pas pleinement convaincu , il faut, s'il veut brifer fes liens , qu'il prouve fon innocence, & qu'il détruife, par une pleine juftification , les motifs puiflants qui ont donné lieu a le réduire a un état aulli violent. Ainfi , lorfque la juftice fe détermine a retenir un accufé dans une pofition auffi critique , auffi cruelle, il en faut conclure qu'il y a , contre lui, des indices affez frappants, & des préfomptions alfez fortes pour convaincre 1'homme , &c fubjuguer le fentiment; mais que ces indices & ces préfomptions font trop foibles encore, pour fatisfaire Ie juge. Ce n'eft donc pas ici Ie lieu d'appliquer la maxime que le crime ne fe préfume pas , quand il n'eft pas prouvé. II faut diftinguer : le crime ne fe préfume jamais, quand il n'y a ni preuves,  La belle Tonnellère. 263 ni apparence de preuves. Mais , quand les preuves font telles qu'on ne peut fe refufer a 1'évidence , on le préfume néceffairemenr, quoiqu'elles ne foient pas portées a ce dégré de perfection que les loix exigeut pour infliger a l'accufé la peine de mort. Quelle préfomption , autre qu'une pleine jufhficarion , peut-on oppofer a 1'arrêt de 1744, qui ordonné un plus amplernent informé indéfini ? Cet arrêt annonce , en propres termes , que la juftice a de violents foupcons fur le compte de l'accufée, & que ces foupcons font tels que, tant que les chofes relferont dans I'état oü elles font , jamais elles ne feront effscées. Car enfin , ce qui efl illimité, eft indéfini - & ce qui eft indéfini eft perpétuel. Mais, dit-on , il eft fi vrai que 1'innccence de l'accufé fe préfume tant qu'il n'elt pas convaincu , que celui qui meurt dans 1'intervalie de l'appel au jugement fouverain, meurt inle¬ gt 1 flatus. ^gpellatlo extinguit judicatum eft une maxime certaine en marière criminelle. Mais il faut i'entendre , Sc en faire une jufte application. Le condamné a mort, qui appellé de  364 Ld belle Tonnellère. fon jugement, n'eft pas, pour cela, innocent, ni préfume innocent; ilrefte toujours accufé; il eft toujours in reatu\ il meurt in reacu: mais il ne meurt pas définitivement condamné, paree que ipn appel ayant fufpendu fon jugement, ce jugement demeure fans effen Voila le fens dans lequel nous devons entendre ia maxime , appellations extinguitur judicatum. Mais elle ne doit pas être prife a la lettre. Car une (en~ tence de mort , dont il y a appel , exifte , & peut être confirmée par l'événement de l'appel, comme cela arrivé très-fouvent. Or , fi elle peut-être confirmée, elle n'eft donc pas anéantie par-l'appel: 1'effet en eft feulement fufpendu- De même , un arrêt qui n'eft point exécuté avant la mort naturelle du con damné , refte fans exécution : mais le ' jugement n'exifte pas moins, & le condamné n'eft pas , pour cela, réputé innocent. L'inexécution du jugement opérée par la mort anticipée du condamné , arrête les fuites que 1'exécution auroit entrainées quant aux effets civils : mais elle ne fait pas préfumer i innocence d'un homme que la juftice a déciaré coupable d'après l'inftrucfion  La belle Tonnellère. 3«55» la plus ample. Cette idéé réfifte au bon fens & aux lumières de la raifon. On nes'arrêtera point ici a exammer cette foule d'autontés & d'arrêrs dont 1 n... j r-h^rrhé 3 étaver Ion ia veuve r • N 1'efnèce dans laquelle le trouve ceue ™cufée. Elle n'a point été condamnée a mort par fentence ; elle n'a pomt ete dans le cas d'interjetter appel d'un pa■i : ■ aIIp n'eft noint decedee pendant fon appel \ elle jomt meme d'une bonne fanté. Elle a pu fucceder, tefter pendanr le cours de 1'inftruaion de fon procès elle a pu donner, vendre , & engager fes biens-, mais elle n'en eft pas , pour cela , plus capable de profiter des libéralités de celui dont la mort violente lui eft imputée. C'eft par un arrêt bien contradictoire avec elle , qu'elle eft déclarée fufpeéfe d'avoir donné la morr au fieur Devaux ; & c'eft fur ce fondement que , par la fentence de 1747 >& l'arrèt con" firmatif de i749 , elle a été jugee di"ne de profiter de fes bienfaits. Il n'y avoit pas alors plus de preuves du crime , qu'il n'y en a aujourd'hui. Cependant elle a été déboutée de fa demande en délivrance du legs qui hu Qiij  3 La helle Tonneliere. a été fait par ie fieur Devaux , Sc en exécution de la donation entre-vifs dont il 1'avoit gratifiée. On ne prétend point qu'elle foit morte civilement; on n'attaque point Ia capacité qu'elle a toujours eue , Sc qu'elle a encore de difpofer a fon gré, de fes biens perfonnels , de recueillir les fucceffions qui ont pu & qui pourront lui écheoir. On foutient feulement qu'elle eft indigne de profiter des bienfaits d'un homme qu'elle eft juridiquement fufpecte d'avoir affaffiné. Sur quel fondemenr peut-elle done foutenk qu'elle n'eft pas indigne des libéralués du fieur Devaux ? On a démontré que , s'il n'y a pas une preuve complette du crime , il y en a affez pour la tendre fufpecte, puifi qu'elle n'a pu en obtenir la décharge; Sc que, loin de 1'obtenk., elle a été coufignée pour toujours dans les liens ^e la Pr°cédure extraordinaire , par lVrèr même de 1744 , qu'elle invoque aujourd'hui. Cet arrêt ordonné une plus ample information, paree qu'en matière criminelle, quand il s'agit de prononcer une peine de mort, il faut des preuves plus claires que le jour , luce meridiana  La belle Tonneliere. 367 «ur;„r,* r\r rulles nue l'accufé ne puiife plus nier le crime qu'on lui impute , ut vix ipfe ea qua commifrit , negare fuffidat. La loi demière, au code , deprobatiombus, veut que toute accufation foit fondce fur des preuves indubitables , & plus claires que le jour : inftrucla. aperüjjlmis documentis , vel indicus ad probatïonem ïndubuath, & luie clarionbus expedita. Rien n'annonce mieux combien les juges doivent fe porter difficilement a condamner un accufé, que cette difpofition de la loi 5 , ff. de pcenis , qui declare qu'il vaut mieux laifTer le crime impuni, que de rifquer de condamner 1'innocenr. SatVus eft ïmpunïtum relinqui facinus nocenüs , qudm innocentem damnare. C'eft ce principe , dicté par 1'humanité , qui a infpiré les précautions fcru • puleufes établies pat les ordonnances , pour affurer ia vérité de la preuve en matière criminelle. On ne fe contente pas , comme en matière civile , d'enrenclre les témoins une feule fois \ on leur fait répéter leurs dépofitions dans le récolement, & on les éprouve encore par la contradiction qu'on leur fait Qiv  3 68 La belle Tonnellère. effiiyer , en les confrontant avec l'accufé. C'eft par une fuite du même principe , que l'avis le plus févère ne 1'emporre , en matière criminelle , que lorfqu'il prévaut d'une voix , dans les procès qui fe jugenr a la charge de l'appel; & de deux ; dans ceux qui fe jugent en dernier reflort. C'eft la difpofition de 1'article i 2 du titre 25 de l'ordonnance de 1670. Les préfomptions qui tiennent fouvent lieu de preuves dans les affaires civiles, ne font jamais fuffifantes pour faire condamner un accufé a toute la rigueur des peines que les loix établiffent: & on voit, tous les jours , que s dans une conteftation civile , un fair criminel , comme une fraude, eft réputé prouvé par un affemblage de préfomptions , qui ne fuffifent pas pour déterminer la juftice a punir de mort celui qu'elle a préfumé coupable. Autant la jouifTance de la vie eft un bien fupérieur a tous les autres, autant les preuves du crime , qui doit être puni par la mort du coupable , doivent être fupérieures a celles qui ne tendent qua lui faire fupporter quelque peine légère, ou a le priver des biens de la fortune.  La belle Tonnellère. 369 La juftice eft fi fcrupuleufe , a cet egard , que , dans le tems même oü elle fe fent enrrainëe a regarder l'accufé comme coupable , s'il fubfifte encore le moindre nuage , elle lui épargne la peine capkale , & lui impofe un chatiment moins févère. On en trouve la preuve dans l'ordonnance de 1673, titre 19 , atticle 2, oü il eft décidé que l'accufé qui a été condamné a la queftion , avec réferves de preuves, & qui na rien avoué, peut être condamné 3 toutes fortes de peines pecuniaires ouaftlicrives, excepté celle de mort, qui ne po.irra plus lui être infligée, .1 moins qu'il ne furvienne de nouvelles preuves , depuis la queltion. Cette difpofiticn annonce clairement que , lorfqu'il n'y a pas une convicfion alfez complette pour condamner un accufé au dernier fuppiice , il peut néanmoins y avoir alfez de preuves pourl'expofer a une peine moins griève, Ce qui eft conforme a Ia décifion prefque générale de rous les praticiens &c de tous les jurifconfultes : & hoe praxi vldttur receptum , dit Zoëjius y fur le digefte , de pr. & prof. n, 20 i de d'Jrgentre' , article 41 de 1'ancienné  370 La belle Tonnellère. coarurae de Bretagne, slof. i , n. nj Imbcrt, dans fa pratique , liv. 3 , chap. igt n. 8 & 9. Mais (i , dans une accufation capirale , des preuves qui font regardéescomme infufrïfaiites pour faire prononcer la peine de mort , peuvent quelquefois donner lieu a une peine afflictive moins rigoureufe j il eft encore plus aifé deconcevoir qu'elles peuvent iérvir de fondement a une condamnation puremenr pécuniaire. Cette remarque na pas éehappé a Imben , qui décide formellement , a fendroit cité , qu'il peut y avoir alfez de preuves pour prononcer une peine pécuniaire, quaiqu'il n'y en akpasfuffifamment pourf affeoir une punirion de mort, ou autre peine confidérable. H n'étoit pas queftion , en 1747, Sc 1749 , des preuves que la juftice pouvoit acquérir par la plus ample 'iaïótmation ordonnée par 1'arrêt de 1744. Les indices &: les preuves qui avoient donné lieuacet arrêt, & qui réfukoient de la procédure déja inftruire , furent rrouvées , en 1 747 , & 1749, fuffifanres pour priver la femme Durand des iibéralités du fieur Devaux. La cour 1'a jugée indigne , paree  La belle Tonnellère. 371 qu'elle étoit tellement fufpecte d'avoir donné la mort a fon bienfaiteur, qu'elle ne pouvoit prétendre a fes bienfaits , . fans parvenir a détruire les indices & les preuves qui fubfiftoient contr'elle.^ II n'étoit pas nécelfaire qu'elle fiat pleinement convaincue de ce crime \ il fuffifoit qu'elle en fürptefque convaincue. Elle n'a, pu parvenir a détruire ces indices Sc ces preuves j elle renonce même a fa propre juftification , en recourant a 1'indulgence des loix. Elle réfte donc dans fon état d'indignité ; Sc la privation des bienfaits du fieur Devaux eft aujourd'hui la feule peine des indices Sc des preuves qui fubfiftent 'contr'elle; peine légere, eu égard a la nature du crime , a la difficulté de le prouver , & a la force des preuves. II eft donc faux que , dans le cas oü fe trouve la femme Durand , on doive être auifi difticile 6V auffi fcrupuleux fur le genre de preuves , pour la priver des libéralirés du fieur Devaux , que pour la condamner a mort. C'eft une erreur révoltante ; c'eft cependant le fyftème que 1'on voudroir accréditer. II eft certain , au contraire , que les foupcons légidmes qui s'élèv ent contre Qvj  yj-r La belle Tonnellère. itn homme accufé d'homicide , font fuffifants pour le réputer indigne des bienfaits de celui auquel on le foupconné d'avoir donné la morr , & que cette mdignité ne peut cefler qu'autanc que ces foupcons. font détruits.. Cette vétité eh\ inconteftablement prouvée par la fentence de 1747 , & par 1'arrêt de 1 749. II eft trop a craindre que la jouillance decesbienfaits ne foit le fruit du crime; & il n'y a point d'efforts que la süreté publique n'exige de la juftice, pour empêcher le fucccs de ces attentats , qui feroient encouragés par 1'impunité ,. (Sc par les avantages qui en rcfulteroienr. On conviendra ,fans peine, qu'on ne peur devenir infame pour un crime commis, fil'on n'en eft point convaincu. Nullam exijlïm&tionis infamlam pertimefaat ob crimen ^Ji fcmenüa non pr&cejfit infamia maculam irrogans. L. 14, cod. ex quib. cauf. infum,.irrog. On conviendra encore, avec Lolféau^ « que nul n'eft infame ipfo faclo , qu'il >> faut une fentence dcclarative , qu'il * faut être déclaré convaincu du crime » par jugement », Mals on peut être indigne d'un bienfait, a raifon d'un crime , fans être  La helle Tonnellère. 373 pleinement convaincu du crime. Les feuls foupcons légitimes fuffifent pour priver l'accufé d'une libéralité dont la jouiffance ne lui parviendroit que par le crime. Les loix , dit-on , exigent impérieufement que toutes les caufes d'indignité foient prouvées de la manière la plus évidente. Indignum effe divus Pius Mum decrevk qui maniftftijjimè comprobatus eft id egifte, ut per negligentiam & culpam fuam muiier a qua h&resinftitutus erat , moreretur, Mais quel eft le fait dont cette lot exige la preuve? C'eft le feul fait de la négligence de 1'hcritier. Or la négligence de 1'béritier , quelqu'évidence qu'elle fort , peut elle produire autant que le feul foupgon du crime ; foupcon qui réfulte des preuves les plus juridiques , &. les moins équivoques ? La loi 9 ff. de jure ft/ei, déja tant de fois citée , porte que le fifc , qui „ chez les Romains, profitoit de l'indignité (1) pouvoit pourfuivre les cho- (i)Le fife profiioït de Findlenité chez les Romains par une raifon qui paroit plus fuhtile , que foüde. Le teftateur , eu transfé«ant fa fucceffion a d'autres- perfonn'es qu'a fes héritiers légitimes, avoit maiiifefté, par  374 La belle Tonnellère. fes qu'on pourroit prouver avoir été acquifes par le crime , qua fcelere acquifita probari pojfunt, quoique le crime & 1'accufation fuffent éteints par la mort de l'accufé , & qu'il y eüt un jugement rendu en fa faveur. Cette difpofition n'eft rappeüce ici que pour faire connoitre combien les loix font attentives a empêcher que fitomicide ne profite de fon crime ; & la preuve ou'elles exigent n'eft autre que celle qui pouvoit faire naitre une préfomption jüris & de jure. A 1'égard des loix qui concernent la revocation des donations pour caufe cette difpofition, une volonté déterminée de pnver ces héritiers de fes brens. II pouvoit avoir des raifons folides pour avoir prononcé cette privation. D'ailleurs les difpofitions d'un teftament éroient fi refpeétaBles qu'i] n'étoit jamais permis de les enfremdre , fi ce n'eft dans quelques cas prévus par les lotx , comme celui de la prétéritioo. A.nfii ceux qm avoient été légitimement excus de la fucceffion par Ie teftament, étoient regardés comme étrangers au teftateur, Sc ne pouvoient, fous aucun prétexte , prétentie a fes biens Mais , d'un autre cóté , 1'indrgne etolt exclu de la libéraUté qui lui étoit faite & ne pouvoit la recueillir. La fucceffion uou aonc vacante , & , par la, appartenok  La belle Tonneliere. 375 d'ingratitude , elles n'ont aucune appli: cation a 1'efpèce , puifqu'elles n'ont nul rapport au cas oü il y a lieu de craindre que la pofleiiion des biens ne foit : le fruit du crime ; 8c c'eft la circonftance oü fe trouve la veuve Durand. Mais la préfomption , dit-elle , eft toujours contre celui qui ailegue 1 indignité. Cela feroit vrai , s'il n'y avoit aucune nreuve dlndienité. Mais, lorfqu'il y en a une fuffifante , la préfomption fe tourne conrre celui auquel on 1'oppofe. La loi 7 , §■ 4 , de bon. damnat, citée aufli plufieurs fois , s'applique aux ; enfants mêmes du coupable. Elle ne veut pas que Thomicid» puifle tirer du crime 1'avantage d'en voir paifer le fruit a fa poftétité. Ex Kis que per fiagitium damnatus acquijivit , portiones liberorum augentur. II eft vrai que, dans le cas de cette loi , il s'agiifoit des biens des condaitt- i nés, & qu'ils ne pouvoient être con- damnes lans étre convamcus du crime neca(fe convinceretur. Mais cette lol étabht , en meme - tems, que l indignité de ces condamnés pour crime , paifoit a leurs enfants, qui ne pouvoient  37'6 Tonnellère. profiter des biens acqois par Je crime» Cequi revienr parfairemenrace que les fieurs Duparc onr avancé, que Jes loix fe font mifes en garde contre tout ce qui pouvoit tendre a faire profiter le coupable de fon crime, direétement, ou indirecremenr. La veuve Durand n'eft p3s condamnée au dernier fuppliee pour avoir donné la mort au fieur Devaux , paree que la juftice n'a pu la convaincre pleinement. Mais elle eft jugée trèsfufpecte de ce crime horrible , puifqu'elle a été retenue par arrêt dans les hens d'un plus amplernent informé indéfini. C'eft fur Ie fondement de cet arrêt qu'on 1'a fbutenue indigne de profiter des bienfairs du fieur Devaux , & qu'elle en aété privée par des jueemens folemnels ; dans Ia crainte feule cpe Ia pofleflion de ces bienfaits ne lui füt parvenue par le crime dont elle étok accufée , & prefque convaincue. Celui qui eft fufpeél d'avoir donné Ia mort a quelqu'un , pour fe procurer & accélérer la jouiifance de fes bienfairs , eft alfurément indigne d'en profiter ; & fon indignité eft bien plus ccnfidérable que celle du maïtre , qui  La belle Tonnellère. 377 , ne pourfuir pas la vengeance de Ia mort de fon affranchi décédé d'une mort fufpefte. Cependant le patron étoit, pour cela feul, privé de la fucceffion de cet affranchi. L. 11 , j/. de kis qus, ut indig. au/er. Le foupcon qui s'élève contre celui qui eft accufé d'avoir attente a Ia vie de fon bienfaiteur , produit 1'indignité , comme le crime commis \ & les preuves que c'eft l'accufé qui 1'a commis produifent les foupcons, quoiqu'elles ne foient pas encore affiez fortes pour aifeoir une condamnation a peine capitale. L'héritier qui ne venge pas la mort du défunt péri par une mort violente, ne manque pas feulement a un devoir de piété j mais il fe rend fufpect d'avoir confenti a la mort; quia , fi non y vin dieet, fufpicio fceleris ad eum redit r difent nos auteurs. Son inaófcion , ou fa négligence , produifent bien un repro: che : mais le foupcon que fon ina&ion ou fa négligence Vont naïtre , produit fon indignité , & datermine la rigueur de la peine prononcée par la loi , qui • veut empèchet que la tranfmiffion des biens puiffe jamais £tre la récompenfe 1 du crime.  37° > La belle Tonnellère. Qu'on ne s'écarte pas de ce principe, & on ne doutera pas que de ftvtfl pies foupcons peuvent produire 1'indignité de celui fur qui ils tombenr; & qu'il fuffit que le crime foit conftant, & les foupcons fondés, fans qu'il foit befoin que celui qui eft fufpecf de 1'avoir commis foir convaincu par des preuves luce meridiand ciariores. La jurifprudence des arrêts y eft conforme. L'arrèt de la dame de Montagriers , & celui de Tajjart, le prouvent d'une mamère fans réplique, puifqu'ils n'ont été condamnés qua un banniflement, 1'une de dix ans , 1'autre de cinq ans. Ce qui prouve qu'ils n'étoient pas pleinement convaincus du crime capital dont ils étoient accufés , & qu'il n'y avoit contr'eux que de fortes préfomptions, mais qui pouvoient fuffire pour les priver , ainfi que leurs enfants & petits-enfants, de Ia fucceffion de 1 nomicidé. Mais il n'eft pas étonnant que Ia veuve Divand veuille tirer parti de ces autorités, pmfqu'elle ne craint pas de regarler 1'arrêt de i749 comme un prejugé décifif en fa faveur; tandis que ce même arrêt 1'a jugée indigne de proriter aes bienfaits du fieur Devaux;  La belle Tonnellère. 379 icomme fufpecte de lui avoir donné la mort , pour s'en procurer Sc s'en affuirer la jouillance. II. Mais , au moins cette accufee i peut elle fe mettre fous la fauve-garde de la prefcription : Sc , a la faveur de cette indulgence de la loi, acquérir le 1 fruit de 1'accufation qu'elle a prefcrire? La loi qui admet la prefcription en matière criminelle arrête le glaive de la juftice; mais elle n'innocente pas le ; coupable , ni celui contre lequel il 1 fubfifte des preuves alfez fortes du crime , pour qu'il n'ait pu être renvoyé abfous. La veuve Durand, lors de 1'expirai tion des 10 années , n'étoit pas feulement dans les Hens d'une inftruction criminelle ; elle étoit jugée fufpeéle d'avoir empoifonné fon bienfaiteut : elie étoit jugée ainfi par un arrêr contradictoire , inrervenu fur des preuves non encore fuffifantes pour la condamner a mort , mais alfez concluantes & aftez fortes pour lui faire fubir ! la peine d'un plus amplernent informé indéfini: peine plus confidérable que la queftion fans réferve de preuves , Sc ■ que les galères. Tel étoit fon état en 1747 & 1749 ,  380 La belle Tonnetlère. lorfqu'elle a été'jugée indigne de profiter des libéralités du fieur Devaux I par une fentence contradictoire avec elle , confirmée par un arrêt également contradictoire. Or eft-il poifible que la prefcription détruife de pareils jugements , quelqu'effet qu'on puiffe lui foupconner? La prefcription de 20 & 30 ans, en matière criminelle , eft une rémiffion , une abfoiution légale qui n'efface pas la marqué de 1'infamie , ni l'indignité qui en réfulte, fuivant la loi 3 de gen. abolit. Indulgentia quos lib er at, notat , nee infamiam criminis tollit ; paree que le fondement de 1'infamie n'eft pas la condamnation ; c'eft le crime, dont Ie reproche furvit a la décharge de la peine. Pcena pot efl tohi, culpa perennis erit. Le crime fait la home, & non pas l'échafaud. Generalis indulgentia nojlra reditum exulibus , feu depertatis tribuit. Non etiam loca militia pridem adempta contedit , neque integram atque tllibatam exiflimationem refervavit. L. 7 , cod. de fentent. poff. & re/fit. Ces principes font développés dans  La belle Tonneliere. 381 lajournal des audiences, a 1'occafion de 1'arrêt de la Morineau , du 15 mai 1665, « La prefcription de zo &C 30 ans , » qui a ére établie , dir l'arrêrifte , pour » 1'extinction des crimes , n'eft pas une » voie d'abfolution , ni un moyen de ,. juftlncation j m.iis un affoupilfement » des loix, un refkhement de la peine, „ une affurance de falut , une grace & » un pardon , & qui, par conféquent, » ne donne aucun droit , ni aucune » action a une perfonne eondamnée , „ pour le recouvrement des effets Sc » des avantages civils, defquels elle a „ été déchue par fon crime ; puifque „ toute la grace & toute la faveur „ qu'elle lui procure , eft qu'elle » 1'exempte de la peine. » La loi quitrela , au code, ad leg. „ Corn. defalf. qui eft le fondement de „cette jurifprudence, eft concue en » ces termes: Qutrela jalfi temporalibus „ prtfaipdonibus non cxclwlitur , nifi » vigindannorumcxcepdo/ie,j7cutcatera » ferè crimina. » La prefcription de vingt ans , » comme toutes les autres efpèces de „ prefcriptions, par fa nature, & d'eüe» même, n'eft qu'une exception , c'eft-  382 La belle Tonnellère. » a-dire , un afyle , un bouclier , une „ arme , qui met a couvert de toutes les »> attaques , de toutes les prifes & de » routes les foudres que la juftice lache « fur toutes lestêtes criminelles. » Mais cette fauve garde n'eft pas » une déclaration d'innocence , ni un n rétabliffement dans I'état auquel Je » criminel éroit auparavant le crime » commis, & une prononciation d'abfolution 35. La femme Durand n'a. point été convaincue,il eft vrai, d'avoir donné la mort au fieur Devaix. Mais il a été jugé qu'elle eft plus que fufpecfe d'avoir commis ce crime. Elle n'a pu fe laver de ce foupcon \ elle n'a pu ni le détruire, ni 1'affoiblir, pendant vinac ans & plus. Enfin , elle a été obligée d'avoir recours a la prefiription , pour fe racheter de la crainte perpétuelle d'être pleinement convaincue de ce crime , & d'en fubir la peine. Croirelle que cette exception , qui la met a couvert des pouriuires du miniftèrepublic , a dctruit Jes preuves qui fubfiftent contr'elle ? M. Jr.ly de Fieury, avocat-général , & depuis procureur général, nous apprend ,dans fon fcavantplaidoyer, lors  La belle Tonnellère. 383 j de 1'arrét du 15 mars 1708, rapporté 1 au journal des audiences , que «« la 5) prefcription de 20 ans , en matière „ criminelle , n'óte point 1'infamie , fi „ la préfomption ne milite entiére„ ment en faveur de 1'innocence; que „ cette préfomption ne peut fubfifter , „ quand c'eft un arrêt contradictoire » oü l'accufé a été entendu ». La veuve Durand , acculée d'avoir empoifonné le fieur Devaux fon bienfaiteur , a été décrérée de prife - decorps j elle a été emprifonnée j elle a étéentendue, interrogée , confrontée. Enfin elle a eÜuyé tont le feu d'une inftrucrlon extraordinaire , & jugée contradicloirement , par une fentence du chatelet, a un plus amplernent informé d'un an : ce qui prouve déja que les officiers du chacelet Tont trouvée coupable. L'anné révolue , elle a demandé fa décharge , fur le fondemenr qu'il n'étoit point furvenu de nouvelles preu1 ves. Mais , lorfqu'elle devoir efpérer deréuffir, les magiftrats, après un nouvel examen du procès , ne trcuvant pas alfez de preuves pour la condamner au dernier fir plice, & en trouvant trop pour 1'abfoudre , fe font déterminés a  384 La helle Tonneliere. faifler fubfifter la procédure avec routes les charges , & ont ordonné un plus amplernent informé a la requêre de M. le procureur général, fans limiter aucun terme. Toure la grace que la veuve Durand a pu obtenir , c'eft fa liberté , a la charge de fe repréfenter , toutes les fois qu'elle en feroit requife. Ces jugements n'annoncent-ils pas les plus violents foupcons ? Si les magiftrats eulfent pu préfumer fon innocence , 1'auroienr-ils lailfée dans les liens de la procédure , chargée du crime affreux dont la vengeance n'eft arrêtée que par la prefcription ? Mais cette prefcription de 1'accufation & de toute la procédure n'eft pas fondée fur la préfomption de fon innocence : elle eft fondée uniquemenr futle laps de tems de plus de 20 années ; au bout duquel tems toute la procédure criminelle peut être déclarée prefcrite , foit qu'il y ait preuve complette , ou qu'il n'y ait que des indices Sc des préfomptions violentes. Car il n'y a point de différence entre ces deux cas , par rapport a la prefcription. La procédure contradictoire , Sc celle qui eft faite par contumace, demeurent fans effet > pour la convic- tion  La belle Tonnellère. 38=5 tion du crime, comme pour la ccnvicfion pleine Sc entière de l'accufé. Mais elles ne fubfiftent pas moins quant a 1'infamie , quant a l'indignité: en forte que , l'accufé condamné a mort par contumace, au moyen de la prefcription de ;o ans, qui eft feule admife en pareil cas, ne peut plus être exécuté &c mis a mort. Mais il refte toujours incapable des effets civils ; non pas que la preuve de fon crime foit complette: car , en fe repréfentant dans le tems , il auroit fait ceffer la contumace, & auroit pu fe juftifier : mais paree que , n'étant plus dans le tems de fe repréfenter , les preuves acquifes contre lui par la contumace fubfiftent en leur entier; Sc par une fuite néceffaire , laiffent fubfifter 1'infamie Sc la déchéance de rous les effets civils; de manière qu'un condamné i mort par contumace , qui a acquis la prefcription de 30 ans , a la vie fauve; mais il eft mort pour ia fociété civile (1). (1) Voyez le traité de !a mort civile , part. 1, liv. 4 , chap. i, feft. 2 , dift. 3 , p. 5 34 • & fuiv. Cette matière y efl amplernent thfeutee in ut amque partem. Tome XII% R  q8<5 La belle Tonneliere. Tels font nos principes : 1'unique effet cie la prefcription , en matière criminelle , eft d'effacer la peine du crime, quand il eft prouvé, & Iors même que le criminel eft pleinement convaincu. C'eft une indulgence, c'eft une grace que la loi accorde a la faveur du tems , pendant lequel le criminel femble avoir racheté fa vie par les horreurs de la mort. Mais 5 pour cela , il n'eft pas rendu a la fociété. 11 n'y a de différence entre un accufé convaincu & condamné a mort, & un accufé qui n'eft pas encore convaincu , quand ils ont, 1'un & 1'autre , acquis la prefcription, fmon que le premier ne peut plus être mis a mort, &: le fecond ne peut plus être convaincu: mais 1'un & 1'autre reftant dans leur etat ,. la peine du premier eft effacée par la prefcriprion , non pas paree qu'il a contre lui la preuve de fon crime , mais , paree qu'il eft cenfé , par ie laps de rems, en avoir expié la peine , pout avoir effuyé , pendant 30 ans , les re* mords de ce crime ; par les horreurs perpétuelles d'une mort prochaine. L'accufé qui n'eft pas encore pleinen ment convaincu, mais qui a contre lui tgn jugement qui ordonné un plus anw  La belle Tonnellère. 387 plement informé indéfini, ayant ao quis la prefcription, ne peut plus être convaincu du crime donr il eft accufé : non pas qu'il foit préfume innocent ; cela n'eft pas pofiible , puifqu'il eft jugé prévenu du crime \ mais , paree qu'ayant palfé 20 ans dans la crainre d'être pleinement convaincu , il a , comme le condamné , expié la peine qui lui étoit impofée de demeurer roujours in reatti , &c dans les liens d'une pourfuite extraordinaire. Quant a la forme de prononcer, au lieu de déclarer le jugement- de condamnation prefcrir , on déclare 1'accufation prefcrire. Certe forme ne changex rien : 1'accufarion &£ le jugement n'ei» fubfiftent pas moins ; l'efTët de la prefcription eft toujours le même; 1'accufarion ne peut plus être pourfuivie le jugement ne peut plus être exécuté. Mais il n'y a , dans aucun des deu* cas, aucune préfomption d'innocence, aucune décharge du crime : pcena collitur, culpa perennis. Le condamné a mort jouit de Ia vie naturelle ; mais il refte incapable de tous les effets civib. L'accufé , contre lequel il fubfifte •des indices'violents, des préfomptions  388 La belle Tonnellère. telles qu'il n'a pas été pofïible de 1'ab-: foudre, & qu'ilia fallule buffer géml dans les iiens de la procédure , ne pent plus être convaincu de fon crime , ni \ par conféquent en fubir la peine ; mais il refte toujours jugé fufpeét du crime , & dès-la., indigne de profiter des biein faits de celui auquel il eft préfume avoir donné la mort. Mais , dit-on, 1'arrêt du 17 janvier 17155 , qui déclare prefcrite 1'accufationi intentie contre la veuve Durand, détruit tous les indices qui fubfiftent contr'elle. II faudro'it, pour que cette propofï- tion fut vraie , & ne füt pas contrairei au fens commun , qu un rait put, tout-: a la fois, exifter , & ne pas exifter. Quand il exifte des indices d'unr crime , ils ne peuvent fe détruire q,ue;< par des indices contraires. La prefcription , de quelque nature qu'elle foit, n'a jamais eu 1'efret de rendre faux cel qui eft vrai. La veuve Durand a été condamnée,!; par un arrêt rendu contradiétoirement.1 avec eile , a fubir Ia peine d'un pluis amplernent informé indéfini. Il fub-liftedonc, contre elle , des indices violents du crime horrible dont elle efU  La belle Tonneliere. 3 89 Ksafée. Voila. un fait prouve par un [jugement, & qui ne peur être détruiÉ ■que par un fait contraire, bien couftajé. On conviendra, avec M. de Grainïville, que la prefcription eft un moyttt Xvalable , & une légitime défenfe , dans lies cas ordinaires. Mais la femme Duïrand fe trouve-t-elle dans ces cas ordiïnaires dont M. de Grainville entend Iparler ? Ces cas ordinaires arrivent, lorfqu'on Irend plainte d'un crime commis , vingt lans après qu'il a été commis. Voila un leas ordinaire , oü la prefcription peut lêtre un moyen valable, & fournir une Jlégitime défenfe. Alors , le crime eft leteint ; & tous les intéréts civils qui Ine font que la fuite d'une conviétion ■ qui ne peut plus fe pourfuivre ^Jl'^Iquérir , n'ont plus lieu. On n'eft meme ■plus recevable a répéter les chofes qui ■ auroient été volées. La femme Durand fe trouve dans jiïncas toutoppofé. Au moment de 1'hoijmicide du fieur Devaux par le poifon, I elle a été acenfée, décrétée, emprifon1 nce,interrogée, confrontée, jugée a un iplus amplernent informé d'un an ; & ■ enfin a un plus amplernent informé in;i défini. Voila une notoriété de droit. R iij  390 La belle Tonneliere. 'Notorietasjuris d judice dedarata y poft fuffieientes probationes illius. C'eft fur la fondement de cette notóriété , qu'elle a été jugée indigne dei profiter des libéralités du fieur Devaux,] autant par un motif de droit public J pour empêcher que la jouiflance des lil béralités d'un homme mort par poifon 1 ne foit le fruit, ou la récompenfe du; crime , qua caufe des indices violents qui ont fait préfumer l'accufé coupable» de cet horrible attentar. D'après ces arrêts, il eft impoflibléi de préfumer la femme Durand inncrsj eente.. On préfume un accufé innocent*1 quand 1'accufation efl intentée après les zo ans , ou lorfqu'eile eft refléei fans pourfuite pendant ving- ans, &l qu'il^e fubfifte plus, contre lui, aucune] preuve du crime dont il eft accufé. C'eft dans ces circonftances que. Brodeau,. lett. C , fomm. 47 , dit cue. « toute querelle , ou plainte , ou accu-j « fation criminelle , telle qu'elle puifle » être , fe prefcrit'par vingt ans; que. „ cette prefcriprion eft introduite en » faveur de 1'innocence , pour laquelleI s> on préfume toujours : autrement ,' » continue cet auteur , il feroit facile d'opprimer 1'innocence après un fi;  La belle Tonneliere. 391 « long tems , pendant lequel un accu„ fateur puiffant pourroit aifément fa„ briquer des preuves telles que bon „ luifembleroir; un accufé perdre les » moyens de juftifiet fon innocence , ou contraint de tomber dans 1'oppref» fion ». ( Loyfeau , dans fon traite des offices 9 liv. 1 , cbap. 4, nombr. 14 , dit « que I'empêchement que produit uneaccu* fation contre l'accufé , a ce qu'il „ puiffe être recu a un office ,■ dure „ jufqu'a tant que , par effet , il foit „ juftlhé , ou que les vingt ans qui , 0 és crimes , font requis^ pour la pref„ cription , foient écoulés ». Mais cela ne peut avoir lieu , quand le procès a éré fait Sc parfait a l'accufé , quand il a été condamné a fubir le fort d'un plus amplernent informé indéfini. Alors , il n'eft plus dans les termes d'une fimple accufation , d'une fimple procédure , il eft jugé füfpecl?. Dès IA, il ne peut-être jugé innocents, qu'autant qu'il prouvera fon innocence', & la prefcription, qui arrête les pourfuites , qui retient lebras de la juftice, nele juftiiie point des indices du crime qui font acquis , Sc qui fubfiftent contre lui. R iv  39* La belle Tonnellère. L'arrêt du i4 décembre 161 z , rapP°rtcPar ^^>lettr.C, fomm.4£ ne prouve rien autre chofe, finon que ia prefcription de 30 ans , acquife par Juhen Prevot, contre la condamnation * mort prononcée contre lui , 1'avoit mis z couvert de la peine qu'il avoit mine, s'étoic retiré a SaintMalo , avoit changé de nom , & s'y ctoit mane : il avoit même obtenu des lettres d'abolition. Ainfi on jugea pour Ja prefcription , dit Brodeau eu faveur de celui qui ad melioreni frugem pervenerat. 0 Que réfulte-tri! de cet arrêt pour i en-et de la prefcription de trente ans ? Kien du tout. On n'a jamais douté W un cnnnnel condamné a mort par fentence confirmée par arrêt, qui corrompt fes gardes , qui s'échappe, qui cnange oe nom , ne puiffe , par furpnfe jouir des eflets civils ; qu'enfuitë acqucrant la prefcription de trente & quarante ans , obrenant des lettres d'abolition, ,1 ne puiffe être maintenu dans 1 etat dans lequel il fe trouve , au bout de 4oans. Eft-il, pour cela, préfumé innocent ? Cela réfifte au bon feus & a ia droire raifon.  La belle Tonneliere. 933 1 11 en eft de même de l'arrêt du 5 mai I 171 6 , que 1'on trouve dans Au^anec, I liv. 2., chap. 3 2. Un homme, condamné aux galères, j avoit appellé de ce jugement. N'ayanc I pas été pourfuivi , il avoir exercé une I charge de n»taire. Après vingt ans , le I miniftère-public demande , contre lui, 1 qu'attendu la condamnation , il lui I foit fait défenfes d'exercer fa charge, I L'arrêt de la cour le maintint dans fa j charge , quoiqu'ü eüt été condamné I aux galères, il y avoit vingt ans. La raifon de ce jugement eft qu'il y I avoit appel de la fentence qui avoit I prononcé la condamnation aux galères j { que cet appel étoit refté fans poarfuites I pendant 20 ans ; qu'il s'agiffoit d'un I crime d'adultère , fur lequel il y avoit eu , depuis , une tranfaction , crime | pour lequel le miniftère-public n'eft | pas nécelfaire Quel rapport ces circonftances ont- elles avec celles oü fe trouve la femme Durand} Poquet de Livonière-, dans fes régies du droit francois , au titre de la prefcription, règle4i , dit que le crime'elf. aboli oat le laps de 20 ans. Perfonne ne nie ce principej mais il faut feu-  jct.4 Ea Belle Tonnellère. rendre. Le crime eft. étèint ; c'eft aV dire , que 1'on ne peur plus en accufer qui que ce foit , ni en pourfuivre la. vengeance. Ce principe recoir néanmoins une. exceptiom L'arricle 33 de 1'édit du. mois d'aoüc 1679 Porte que le crime de duel ne pourra êrre éteinjjmi par la. mort , ni par aucune prefcription de 2.0 8c 30 ans: c'eft-a-dire que, nonobftant la prefcriprion , on pourra en rendre plainte , & en pourfuivre la vengeance contre le coupable. Mais il ne s'enfuit pas que le coupable , reconnu pour rel par un jugement puiffe jamais être réputé innocent.. II eft trés - vrai qua 1'occaiion de l'arrêt du 6 juillet 1703 , rapporté au: journal des audiences , il eft dit que la prefcription , en matière criminelle s'acquiert par le laps de vingt ans. « i°. Paree que celui qui , pendant » un fi long tems, a porté fon crime, s> 8c 1'inquiétude d'être pourfuivi, eft »j réputé alfez puni. » z9. Paree que, pendant ce tems ,\ 5> les preuves qu'il pouvoit avoir de. j> fon. innocence peuvent avoir dépéri ;; • sv qu'au. conrraire un accufateur pour*> toitt fier.vir de. ee temspour prati*  La belle Tonnellère. 395 » qtier des preuves ; qu 'on préfume » toujours pour 1'innocence ; qu'on rejj garde toujours tout ce qui va a la j> décharge On regardé encore comme un principe certain que la prefcription , en matière criminelle , ne s'interromp pas par les moyens qui interrompent la prefcription en matière civile ; que la minonté de 1'accufateur ne 1'interrompt pas.; qu'elle n'eft pas interrompue par des pourfuites , même par des informations faites , & un décrer décemé avant 1'expiration des 20 ans, ni même par une fentence par contumace , amoins qu'elle ne foit exécutée. Les lieurs Duparc ne combattenr pas ; ils avouent même ces principes. Mais ils foutiennent qu'ils n'ont aucune application aux circonftances-dans lefquelles fe trouve la veuve Durand. On ne lui contefte point 1'avanrage qu'elle a eu d'acquérir la prefcription de 1'accufation intenrée contr'elle : l'arrêt du 17 janvier 1763 1'a' jugé. Mais on lui foutient que la prefcription qui met fa tête a couvert, n'a pas 1'èfrét qu'elle voudroit lui attribuer • que cette fin de no'i-recevoir contre les pour&ites: cnmineiies- ne- détruir point les  39^ La helle Tonnellère. indices qui fubfiftent, contr'elle , da crime pour lequel elle a été condamnée a iubir^ la peine d'un plus amplernent informé indéfini. On lit, dans le plaidoyer fur lequel a ete rendu l'arrêt du 3 avril 16S5, citépar la femme Durand, & rapporté au jöurna! du palais, que « le moyen » tiré de la comparaifon de laprefcrip« non du crime , par laquelle 1'aétion " éteinte , n'a point d'application k » 1'efpèce qui fe préfente a juget; paree 53 «l"'11 faut diftinguer 1'exrindion dir » crime , d'avec 1'abfolution de 1'ac» cufé. La prefcription n'éteint pas le » crime, mais elle purge 3c abfour I'ac>r cufé de 1'accufation du crime, Elle » éteint, continue 1'arrêtifte , I'accüfa* » non, & non le crime. Ainfi il ne »faut point setonner fi l'accufé étanr » aofous du crime par Ie bénéfice de *ia.Prefcriprion 3 i'a&ion qui nait du » crime- s'évanouir. » Mais il n'en eft pas de même de » ce qu'on appellé improprement 1'ex» tinclion du crime,"au lieu de 1'an» peller 1'extinctron de la peine que " ménce le crime ; puifque , non-obf» tanr cette prétendue extinftion du » crime , Ia réparanon civile ne laifle » pas d'être due'»..  La helle Tonnellère. 397 Cela revient toujours a ce que 1'on a obfervé. Un accufé d'un crime eft , après vingt ans fans pourfaites, abfous du crime; c'eft-a-dire qu'il ne peut être pourfuivi ni pour raifon du crime , m pour les intéréts civils qui naiffent du crime. Mais, fi 1'accufation a été pourfuivie jufqu'au jugement , fi l'accufé a été condamné a une peine telle qu'elle foit, il n'eft déchargé que de la peine , & non d'iufamie 5 paree que le reproche du crime fubfifte après la décharge de la peine. L'arrêt du 3 avril 1685 a jugé que plufieurs années après quun coupable de meurtre a exécuté fa condamnation , pour la vengeance publique , par le banniffement de 9 ans, il ne peut être rc:k rché pour la réparation civile s quoïque la veuve de l'homicidé fe füt déparüe de cette réparation civile , quand le proces fut fait au mturtrier. Cet arrêt eft donc abfolument oppofé au fyftême de la veuve Durand, & n'a aucun rapport ar.x circonftances dans lefquelles elle fe rrouve. II ne s'agit point ici d'intérêts civils ;-il s'agit de 1'exécution de jugerrents folemnels qui 1'ont déclarée indigne de prof ter des bienfaits du fieur Devaux , auquel un  39'8 La helle Tonnêüèrc. Jugementdéclare qu'elle eft foupconnée I d avoir donné ia more. Quand M. Chauvelin, avocat-géné-ral, auroit dit, lors de l'arrêt de 17 31 r que ia prefcription a été introduite pour affurer I'état , i'honneur & la vie des hommes , cela ne s'entendroit encore que de la prefcription acquife avant la plamte,. avant 1'accufation. Mais cette maxime ne peut jamais avoir de rapporr a un homme condamné pour raifon d'un crime , ou jugé fufpect de On préfume un accufé innocent, quand il ne fubfifte contre lui aucune preuve, aucuns indices du crime. Quelque fayorable que foit la prefcription en matière criminelle, elle n'a d'autre effet que d'effacer la peine du crime , êc de mettre l'accufé ou le condamné' a couvert de toutes pourfuites pour raifon du crime , après la prefcription. acquife. II eft certain qu'en matière criminelle, la prefcription eft plus favorable qu'en matière civile , qu'elle courrcoutre les mineurs , qu'elle court pendant les troubles ; que des procédures qui ne font pas fuiyies d'unjugei-  La belle Tonneliere. 399 inent définitif ne 1'inrerrompent pas. Ces points de droit font confacrés pat. les arrêts; notamment par celui du 17 juillet ióc.ó', rendu fur les conclufions de M. Servin, rapporté en la leconde partie de fes"plaidoyers. On regardé encore comme une maxime , que Paction pour les effetscivils eft éteinte par le laps de vingt ans. Cette jurifprudence eft fondée fur des arrêts \ Poquet de Livoniere Puttefte , les annotateurs de Dupleflis ont développé ce point de doctrine. Enfin,, on adopte ici toutes les autorités invoquées par la veuve Durand ; Sc Pon convient que toutes ces décifions font fbndées fur la régie qui nous apprend que , quand le principal n'exifte plus s. les accelfoircs font pareillement anéanris : cum principalis caufa non tonjxjlat a. nee ea quapquuntur locum haker.t. Mais en eftil moins conftant, dans le fait , qu'il a été jugé que la femme D'juwdeft. fufpeéh d avoir empoifonné le fieur Devaux fon bienfaireur j. qvPelle a été condamnéé , comme telle j. a fubir la peine d'un plus amplernent informé indéfini 5 que , dans cet état j, une fentence contradictoire , confirmée: par arrêt, 1'a déclarée indigne de pro?-  4 La belle Tonnellère. ficer des bienfaits du fieur Devaux? Quel eft donc , quel peut donc être 1'effet de la prefcription de vingt ans , dans ces circonftances ? Ge n'eft pas d'opérer une impolfibilité phyfique ; c'eft-a-dire de faire que la veuve Durand n'ait pas été accufée , décrétée, intërrogée , confrontée , jugée fufpecte d'avoir précipité dans le tombeau le fieur Devaux , fon bienfaiteur, par un poifon corrofif; ce n'eft pas de faire qu'elle n'ait pas été jugée , dans cet état, indigne de profiter de fes libérarités. Ce feroit attribuer a cette prefcription la vertu d'anéantir le paffe , & le préfent; de faire qu'une chofe qui a été faite n'eüt pas été faite, & que la même chofe exifte &c nexifte pas tout-a-la-fois. II faut donc conclure que tout 1'effet de la prefcription, dans les circonftances oü fe trouve la femme Durand 3 confifte a ia mettre a couvert des pourfuites du miniftère-public , qu'elle ne peut plus être recherchée , poutfaivie , convaincue & punie pour „raifon du crime dont il eft jugé qu'elle eft fufpecte ; mais elle refte toujours prévenue du crime , & indigne de profiter des bienfaits de celui auquel la juftice a  La helle Tonnellère. 401 déclaré folemnellement qu'elle la foupconné d'avoir donné la morr. On eft non-recevable , après vingt ans , a pourfuivre un crime , on eft eft non - recevable a exercer routes les aclions civiles qui déiïvent du crime. L'accufé eft , fi 1'on veut, légalement abfous. Mais cette abfoiution n'eft pas une vraie juftiflcation ; c'eft 1'effet de 1'indulgence de la loi. Auffi n'eftace-telle point l'indignité qui réfulte du crime ; indignité fondée fur des preuves fuffifantes , qui ne peuvent jamais etre effacées que par des preuves contraires. Aiiffi , quand une accufation & les procédures quil'ont fuivie contiennent despreuves, des indices violenrs, elles ne font pas anéanties par la prefcriprion : ces indices font toujours les mêmes ; les jugements qu'ils ont fait naitre exiftent toujours, malgré la prefcription. La cour, en déclarant, par fon arrêt du 17 janvier 1763 , que 1'accufation intentce contre la femme Durand étoit prefcrire , a rementé jufqu'a la fource de la procédure , paree qu'elle a jugé qne les acres qui avoient fuivi n'avoient point incerrompu la prefcription. Mais  402 La belle Tonneliere. elle n'a détruit , pout cela, ni Vaccaüi tion, ni les procédures & les jugements. qui 1'avoient fuivie. La veuve Durand eft reftée, dans I'état oü elle étoit , lors de l'arrêt du lo juin 1744. Elle étoit alors indigne de profiter des bienfairs du fieur Devaux ; &c cette indignité a é:é prononcée contre elleparunjugementcontradictoire & folemnel, avant les vingt années. La prefcription de 1'accufation n'a point changé fon état d'indignité 7 mais elle 1'a mife a couvert ces pourfuites-du miniftère-public , qui s'eft luimême impofé filence en faveur du laps de tems. La femme Durand n'a pas, il eft vrai, invoqué nommément la prefcription mais elle a demandé fa décharge1 fur le fondement du laps de tems, fans qu'il fut fuivenu de nouvelles charges. Cette tournure équivaut a une demande en prefcription. Ainfi on ne doit pas s'étonner que le miniftère public fe foit lui-même impofé filence , & que la cour fe foit déterminée a déclarer 1'accufation prefcrire après vingt ans. Mais une preuve que la cour n'a pas jugé que la prefcriprion püt tenir lieu de la décharge du crime , d'une jufti-  La belle Tonnellère. 403 fication pleine & emière , c'eft qu'en declarant 1'accufation prefcrire , la cour a refufé la décharge demandée par l'accufée. Cette décharge n'eft donc point une fuite de la prefcription. Les motifs qui ont établi la prefcription en matière criminelle ne font pas les mêmes que ceux qui l'ont introduite en matière civile. « A 1'égard des crimes , difoit M. » Joly de Fleury , dans fon plaidoyer » du 15 mars 1708 , a 1'égard des ,> crimes , oü le motif des prefcrip» tions ne peut avoir lieu , oü celui » de la diminution des procès, qui ne 35 regardé que l'intérêt public , combat j3 un intérêt public bien plus confidéra33 ble, qui exige des exemples pour la »j punition des crimes , afin de con-< >3 ferver 1'ordre 8c la tranquillité dans » la fociété , il a fallu trouver d'autres motifs de la prefcription , qui font. ,., la faveur de lalibération; faveur qui 30 ne pourroit être fuftifante , fi elle n'étoit fondée fur un principe d'é33 quité 8c par rapport au public , 8c 33 par rapport aux particuliers qui y 3> ont intérêt. ,3 Par rapport aux parties intéreffées, n Ia prefcription eft fondée fur cette  404. La belle Tonnellère. » même préfomption de droit, que Ie » long tems fait croire que 1'arcufa» teur a voulu abandonner fon droit. » Par rapport a l'intérêt public , elle » eft fondée fur ce que , pendant un » fi long tems ,. on préfume pour 1'in" nocence, on préfume que les preu» ves fur lefquelles l'accufé auroit pu » fe juftifier, font pcries. Ainfi , rant » que cette dernière préfomption fub» fifte , tout doit être éteint ». D'après ces motifs , qu'il n'eft pas au pouvcir de la femme Durand de me/rtre en doute, il fautconclure qu'un particulier contre lequel on interne une accufation d'un crime , même cap-ital , vingt ans après qu'il a été commis , eft bien fondé a fe prévaloir de la prefcription , tant a 1'égard de fon accufateur, qua 1'égard du miniftèrepublic ; & que cette exception eft' fondée , par rapport a 1'accufateur , fur ce qse le long tems qu'il a laiffé paffer fans pourfuivre fon accufation, fait préfumer qu'il a renonce a fon droit. Par rapport au miniftère public , on préfume que le long efpace de tems a fait périr les preuves de 1'innocence de l'accufé j &,par une conféquence ncc-effaire , on préfume qu'il efteffeótivemeut innocent.  La belle Tonnellère. 40 5 11 en efl: de même de celui conrre lequel on auroit rendu plainte d'un crime , au moment oü il auroit été commis, (i la plainte & 1'accufation étoient reftées fans pourfuites pendant vingt années, Mais, quand le procès a été fait 8c patfait a l'accufé , quand il a été condamné a fubir le fort d'un plus amplernent informé indéfini; alors 1'innocence ne peut plus fe préfumer ; les foupcons les plus violents , de la part de la juftice , font ceniignés a perpétuité dans ce jugement. II refte donc dans fon état d'indignité , paree qu'il n'eft plus poflible de le préfumer innocent , puifqu'il 7 a des indices 8c des preuves fi confidérables , qu'il n'a pu, pendant 1'efpace de vingt ans , fe juftifier & obteni^ fa décharge. La prefcription le délivre bien du fardeau de 1'accufation ; mais le jugement qui le déclare fufpeci du crime fubfifte toujours, 8c le maïntient toujours dans l'indignité de profiter des libéralités de celui auquel il eft fufpeóf d'avoir donné Ia mort. On détruit bien une propriéré pat la préfomption de 1'aliénation , une obligadon par la préfomption de la  4o6" La belle Tonnellère. decharge du paiement. Mais un fait averé par un jugement ne peut pas être, détruit, non plus que l'indignité qui en réfulte, paree que la veuve Durand, par exemple , ne peut pas avoir été & n'avoir pas été jugée füfpe&e du crime. On ne perfuadera jamais a perfonne qu'un légataire univerfel, & donataire, en même-tems, prévenu d'avoir donné la mort a fon bienfaiteur, foit capable de recueillir ces libéralités. Cette idéé révolte la nature; elle eft contraire aux bonnes mceurs tk a l'intérêt général de la fociété. La prefcriprion , en matière crimi>nelle, eft une indulgence de la part de la loi , indulgentia legis. Erendra-r-on certe indulgence jufqu'a récompenfer eelle qui fe trouve jugée fufpecte d'avoir donné la moit a fon bienfaireur , pour accélérer & fe procurer la jouiffance de fes bienfaits ? Que celui qui n'eft jugé que fufpect d'avoir empoifonné fon bienfaireur , ne puiffe plus être plein ment convaincu , paree que la prefcription arrête les pourfuites ; qu'il ne pui,Te . plus être ni recherché , ni pourfuivi pour aucuns intcrêts re arifs au crime dont il eft prévenu, tk dont ü a acquis  La helle Tonneliere. 407 k prefcription , fera-t il moins fufpecl d'avoir donné la morta fon bienfaiteur \ fera-t-il plus digne de profiter de fes bienfaits ? Ici , la queftion d'indignité n'eft point indécife, elle eft jugée contte la yeuve Durand par une fentence sontradictoiredu 3 janvier 1747 , confirmée par un arrêt folemnel du 29 juillet 1749. Ces jugements refpecfables , fondés fur la pureté des mceurs , feront , a jamais , des monuments dignes de la fagefle des magiftrats qui les ont rendus; ils ne peuvent recevoir d'atteinte par la prefcription ; paree que la prefcription n'eft point une juftification , & qu'on ne peut prefcrire contre fon propre état. Par arrêr rendu fur délibéré , le avril 1765, la veuve Durand fut déclarée non-recevable , & condamnée aux dépens.  4°8 Fille qui veut FILLE Qui 3 de légltlme qu'elle efl} veut fe faire déclarer bdtarde. Ije baron de Siméony , donc PJenrierte Mellin voulut fe faire déclarer la fille, étoit d'une maifon illulfre dans la Bavière ; il s'attacha a l'élecfeur de Cologne, qui le choifit pour être fon envoyé extraordinaire auprès du roi d'Angleterre, & le chargea enfuite du foin de récgmpenfer les perfonnes qui contribueroient a fes divertilfements. Une comédienne francoife, nommée la Ie Comte , que fes talents pour Ie chant avoient fait incroduire dans les concerts de ce prince, eut 1'art de s'atracher le baron , qui la combla de bienfaits , & deux petites filles dont elle devinc mère. Sans fe lier par aucun acte, il leur paya, pendant fort iong-tems , a chacune une penfion de %6o livres par m,°'lS', ^es <*eux ^es ^e marièrent. L'aïnée , nommée Marie-Anne Mellin , née a Liège en 1696, époufa un nom. m  changerfon état. 409 mé Tafiar , garcon tanneur de la même ville ; 8c la cadette Henriette Mellin , auffi née a Liege le 11 aout 1697 , époufa Herbalt BenTelt, fils d'un cabaretier. Ces mariages n'interrompirent point le cours des libéralités du baron , qui n'en tarit la fource que lorfqu'il vint fixer fa demeure a Paris avec la dame Renée Grohelle de Fleury , qu'il avoit époufée en 1.715. La femme de Taffiir , quoique réduite a 1'indigence par la fuppreffion de fa penfion , n'entra pour rien dans la conteftation que fa fceur fit effiiyer au baron. Elle fe contenta de lui écrire. Dans fa lettre , elle ne lui donne d'autre qualité que celle de fon bienfaiteur; elle ne prétend aucun droit a fa libéralité ; c'eft: fa générofité , c'eft fa charitc qu'elle impiore. Henriette ne fut pas fi tranquille. Perfuadée que la dame de Siméony feule avoit fermé la main du baron, elle crue que fa préfence réveilleroit en lui fes anciens fentiments, 8c qu'elle les oppoferoit avec fuccès aux eftorts de la baronne.Elle vient a. Parisavec'Beiflelt foit mari: prières, importunités, amis, tout fut employé pour flécbir le baron; il fut inébranlable. L'éclat fut pour Henriette Tomé XII. $  4X0 Fille qui veut une dernière reffource. Elle fe perfuada qu'en publiant que" le baron étoit fon père , elle arracheroir a la bienféance ce qu'elle ne pouvoit obtenir du fentiment Si elle étoit véritablement fa fille, le rang qu'il occupoit , 5c les rieheffes qu'on lui connoilfoir ne permettoient pas qu'il la laifïat, aux yeux du public, dans I'état d'humiliation & de misère oü elle fe montroit: fi elle n'étoit pas fa fille , ppuvoit-il laiffer fubfifter yn brufc qui le déshonoroit , & qu'il pouvoit appaifer par quelques largeftes que fa fortune le mettoit en état de cpntinuer, fans s'incommoder? Le baron ne crut pas devoir acheter le filence qu'il vouloic impofer a cette importune : il eut recours a 1'autorité des magiftrats, & rendit fa plainte le $ mai 1725- Le procès fut d'abord jnftruit au chatelet. Les prompts fecours dont Henriette avoit befoin , i'impuiffance oü elle étoit de fournir aux frais de deux procédures fucceiiives , déterminèrenr fon mari &c elle a interrompre celle du chatelet pat un appel au parlement. La requête qu'ils préfentèrent a la cour avoit trois objets. Ils demandoient }a pullité de la procédure faite en pre-  changer Jon état. 411 mière inftance ; ils demandoient que Henriette Mellin füt déclarée iille naturelle du baron de Siméony & de la veuve le Comte: en conféquence, que le baron füt condamné a continuer a fa fille la penfion qu'elle avoit toujours recue de lui, ou du moins a lui fournir. une dot convenable. Enfin ils foutinrent que, fi la cour ne trouvoit pas les preuves qu'ils lui adminiftroient fuffifantes pour prononcer fur I'état d'Henriette Mellin , on ne pouvoit lui refufer la permiffion de les appuyer fur la preuve reftimoniale, mais elle ajouta que fon indigence extréme devoit être foulagée pendant cette inftrudtion , Sc le baron condamné a lui payer une fomme par provifion , tant pour fes aliments, que pour fubvenir aux frais du procès. On n'entreta point dans le détail des nullitésque Henriette Mellin oppofoit a la procédure faite au chatelet, il n'oftre rien q»i foit ni utile ni amufanr. Pour établir fa. filiation , elle avoit deux objets a difcuter. II lui falloir, d'un cóté , détruire un extrait baptiftaire qui lui étoit oppofé par le baron , & qui lui donnoit un père & une Tnère différents de ceux qu'elle réclaS *j  412 Fille qui veut moic : elle étoit obligée de faire voir enfuite qu'elle étoit le fruit de 1'attachement du baron pour la le Comte. Elle établiffoit ces deux points par les faits èc par les pièces que fa partie adverfe avoit mis au jour elle-même. L'extrait baptiftaire qu'on vouloit lui attribuer 1'annoncoit comme fille légitime de Théodore Mellin , &c de Marie-Arme Vernelle. Cet acte étoit en forme légale, il eft vrai; mais devoir-on, pour cela, y donner une croyance fi aveugle, qu'il failut fermer les yeux aux preuves qui démonrroienc qu'il étoit 1'ouvrage de 1'impofture ? Quand aucune circonftance ne répand de juftes foupcons fur ce qui eft contemi dans les regiftres de baptême, on leur doit une foi entière. L'étabiiffèment de ce dépot eft un monument de la fageffe de nos légiflateurs ; c'étoit le moyen le plus fimple & le plus certain pour afïurer I'état des ciroyens. Mais un établiffementaulïi fage deviendroit une fource intariffable d'iniquités , fi la juftice fermoitabfolumeut I'entrée de fon fanctuaire a routes les preuves que Ion peut oppofer a Ia fidélité de ces ritres. L'enfant cjui vient au monde ne peut rien faire pour affurer fon état.  changer fon état. 413 Incapable de tout , ignorant qu'il en ait ou qu'il doive en avoir un , ne fcachant même pas ce que c'eft qu'un état, il n'appercoit aucun des dangers qui 1'environnent, &c fa nailfance ne peur* être que trop aifément 1'innocente vicrime de 1'ambition, de Favarice, ou même de !a jaloufie de ceux qui y préfideut. Le prêtre, miniftre de ces actes, n'eft point témoin de la nailfance de 1'enfant; il ne fait que rédiger la dépofition de ceux qui le lui préfentent. Il attefte qu'on lui a dit que celui qu'il vient de baptifer , eft né d'un rel & d'une telle; mais il ne garantit pas la vérité de cette dépofition. Si nos ordonnances fe font élevées contre la preuve teftimoniale, quand elle tend a détruire un acte , ce n'eft pas quand il eft queftion d'établir la filiation : elles n'ont eu en vue que les feules conventions des hommes ; & la preuve teftimoniale n'eft profcrite contre ces conventions mêmes que lorfqn'il a dépendu de k partie de fe ménager la preuve par écrir : fi cette preuve écrite ne lui a pas été poflible , celle qui fe fait par témoins lui refte toujours. Qai peur y avoir recours a plus jufte titre, qu'un enfant qui étoit , lors de Siij  qui veut j'aóte dont on ven: fe faire un titre c«ntre lui,dans une impoftibilité totale de s'en ménager d'autres? Sans certe preuve , le fort de tous les citoyens feroit 'döuteux ;il dépendroit néceffairement du caprice & de la mauvaife volonté des parents. Les loix romaines ont tou?r«rs voulu prévenir cette incertitude. Dans le tems mêmequ'elles donnoient aux pères fur leurs enfans le droir trop cruel de vie & de mort , ils ne pouvoient pas les renoncer comme étrangers ; & la même main qui leur pouvoit oter la vie, ne pemvoit plus changer leur naiflance. Un père pouvoit oublier qu'il^ étoit père; mais il ne pouvoit pas empêcher que fes enfans étoient ciroyens. Quoiqu'il füt 1'arbitre de leur vie-, i! ne Pétoit pas de leur état. Dausquelies circonlfances Henriette Mellin réclamoit-elle ces principes ? Elle fe préfentoit devant Ie tribunal de la juftice , armée de pièces qui démontroient la fuppofition de 1'extrait qu'on vouloit lui oppofer, & elle tenoit ces pièces de fa partie advetfe elle-même, dont les démarches, qui n'avoientponr but que de foutenir un fyftême démenti par la nature, en avoient dévoilé l'injuftice & les défauts.  ehanger fon état. 4-t S Le baron de Siméony , lorfque 1'affaire étoit encore pendante au chatelet , avoit fait imprimer un mcmoue en 1726 & 1'avoit même fait figtufaer. Voici comment il parloir de la nailfance de Henriette Mellin. A cela on ajoute une preuve inconteftable que les Henriette & Marie-Anne Mellm ont pour piere une nommée Marie - Marguerite Soulas * yeuve le Cotnte t comédienne dans la. troupe francoife qui revtnoit d'Hanover. Cette preuve confifte en ccrtificats de troisfceurs nommèes Marie-Anne , Francoife , & Agnès Mou'aon , qui atteftent que la nommée le Comte eft accouchée , en leur prefence , des files Henriette & Marie-Anne Mellin , dans la maifon de certain fieur Thiernejfe h Liège , rue du potcTor, vis-d-vis la pofte de France y que la fage-femmefe nommoit Marguerite laLoifi & que fon fils , Léonard-Jofeph la Loir} tint fur les fonts de baptême Marie-Anne Mellin avec Marie-Anne Mouhon , & Henriette Mellin avec Agnis Mouhon. Ce témoignage eft £autant plus recevable, que ce font ces mêmes fieurs Mouhon, confidentes de leur mère, qui les ont élevées & mariées. Henriette Mellin n'étoit donc pas fille de Marie-Anne Vervelle , comme  4r 6 Fille qui veut Je porton 1'extrair baptiftaire qu'on vouloKh, attnbuer.IlLtdoncTpPoie, & le baron en démonrroit luiSSS fUTfiri0n Paf -re dl C qu I ne pouvoit par conféquenr défavouer Leeernficatdoüeesfaits étoiem Wj? etoit produit fous les yeux dê £ LeS Mouh- i'-oiLt donné ia vente fous la foi du ferment. Le ba- tre que les M^kon lui avoient adtef«s,danslefqHeIles elles tenoient le tre, des Iiberahtés continueiles qu'il Jjoit repandues a pJeines mains^ur liennette & fa fceur. Il femble que ie baron de Siméony foit fan „n devoir de fourmr lui- S!l£*- aTs a faPartie ad^fo Peur detrmte 1'extrait baptiftaire qu'il pétoit. II dit, dans ll même té prwnr mm de la le Comte, elle seft re- T,T t'e*™**' «vecGille-Francois Bolduc,age de dix-huh ans, fils kun Mdansl egl!f£ d£s Rm R p p J * «Hudelsaeim, pres d'Hanovre, par k  changer fon état. 417 père Bertrand Theftay, mijjïonnairc & théologien ■ & comme n'étant pas du lieu s ils avoient) befoin de difpenfe y ils Vont obtenue de feu fon alteffe Jodoc Edmond, alors évêque & prince de Hidelsheim. Cette difpenfe efl fignée de 1'évêque & du Jïeur Jean Chrétien Rofenthald fon fecrétaire , préfentement confeiller aullque. C'eft , au témoignage du baron luimême , en 1693 ou en 1694, que Bolduc époufa la veuve le Comte ; & c'eft en !i>97 , qu'elle accoucha de Henriette Mellin : celle-ci naquit donc pendant le mariage de Bolduc; elle n'eft donc pas fille de Théodore Mellin ; fa mère ne s'appelle pas non-plus Marie Anne Verveüe, elle s'appelle la veure le Comte. Quelles preuves plus conclnantes pouvoit-on apporter de la fuppolition de 1'aóle que le baron de Siméony vouloit mertre entre lui & celle qui lui demandoit des aliments comme fa fille ? Elle démontroit qu'elle avoit une autre mère que celle que cette pièce lui fuppofoit; mais quel étoit fon père ? c'eft encore le baron qui va nous 1'apprendre; & les preuves qu'il fournira, k cet egard, feront autant d'appuispour celles  418 Fille qui veut qui établifient la rraatermté de fa le? Comte. Les Mouhon déclarenc, dans leur certificat, que la fage-femme qui a recu les deux filles- de la veuve le Comte , fe nommoir Marguerite ht Loir. Si la mort ne Peut pas trop tot ravie au baron de Siméony, elle.auroit encore été une fource d oü il-auroit tiré de grandes lumieres pour la défenfe de Henriette Mellin. Mais il a eu recours, pour fuppléer ace défaut, a Dieudqnnée la Loir aufïï fage - femme sL Liège & nièce de la précédente. Elle lui avoit donné un certificat en forme-, qu'il avoit eu foin de produire pour fournir de nouveaux moyens a fa partie adverfe. Elle attefte que feu fa tante Mar^ ueritelaLoir ,fage-femme , & qui r en cet ie qualité, a pré té ferment eh juftice , a- delivré, en 1696 , au mois defeptembre, dans la rille de Liège, la dameIe Comte étrangère ,. d'une file ; que le baronde Siméony alloitfouvent voirceKedame, & mangeoit avec elle , quand ellefut reLvée de couches, II la ramena en: earrojfe. dans la rue: du potd'or,oh elle avoit un appartement j que par ordre de jfa. tant&y die y- yint, dans. le. mime: carm.  chan«er fon état. 4T 91 Toffe, poury fecourir la dame le Comcf y gu cas qu'elle eüt quelque foib.ejfë ou quelquindtfpofition. Elle artefte que £ enfant efl toujours reflé en nourrice cke% la fage-femme fa tante; & ne doute point que cette fage-femme n'ail été futisfaite par le baron 'de Siméony. Elle déclariS encore que la fage-femme fa tante Fa envoyéeen 1697 r au mois d'aoüt, dans Vappartement de la dame le Comte „ a la rue du pot d'or , pour y veilier d fa. place, d L'accouchement de cette dame 'y que fa tante lui dit : ne vous embarraffez de rien ; la dame le Comte eft mariée avec M. le baron de Siméony: ce mariage eft caché a caufe de la baffeffe de la naiffance de la dame le Comte» Elle accoucha la dame le Comte d'une fieeonde fille ,. en préfence de fes deux fervantes feuiement , nommées Francoifs' Mouhon,, & Marie-Anne Mouhon fxurs.Et pendant qu'elle emmaillotoit l'enfam , les deux fervantes l'empêchoient de crier 9 afin que ceux qui demeuroient au-deffusne l'entendiffent point ; & quand ellet voulut fcavoir pourquoi ces fervantes fai~ foient cette violence a cet enfant,. elles répondirent r fvL le baroa de Siméony? eft d'une grande ex-rratTuons-iline v-euc pas pubïïei fora mariage- avec k dkn*  4 2° Fille qui veut te Comte , qui n'a point de naiflTance. deux fervantes lui dirent de porter l enfant cheK la fage-femme dont elle efl ia mece-yelle le porta efeclivement. Elle dit que le premier enfant y étoit encore. Un prn une nourrice pour cette feconde file. hlle fcait qu'on donnoit dix écus d Ja tante par mois'; les gages de la nourrice étoient compris ld dsdans. Elle fca it auffi que le fecond enfant a re ft e'plus d'un *n en nourrice. EVe déclare que le baron *te Siméony, dans le tems qu'elle veilloit * l'accouchement du fecond enfant, lui mu dans la main une piftole d'or par forme de préfent. II venoit fort fouvent voir la dame le Comte ; & elle n'y a jamais vu d'autre homme que luLLes fieurs Mouhon payoient toutes les dépenfes néceffaires pour les deux enfants. EiJe déclare encore qu'elle n'a jamais porte les deux enfants aux faints fonts de baptêmemais que c'a été fa tante qui les y a portès avec un billet qui indlcuoit comment on devoit lesn ommeren les baptifant; qu'elle a remis ce billet entre les mains des curés qui leur ont conféré ce facrement; ne fcachant pas ft le fleur baron de Sim ony cu les Mouhon , ont donné ce billet d fa tent: Elle fcait parfaitement que feu Leonard la Loir, fis de fa tante , a été  ehanger fon état. 421 parrein des deux enfants; que Marie-Anne Mouhon a tenu le premier -yqu; fa fieur Agnès Mouhon, èpoufe du fieur W'erca , a tenu le fecond. Les Mouhon ont élevé les enfans jufqu'd leur mariage ; & elle eroit qu elles ont toujours tiré leurpenjion du baron de Siméony , ou par fon ordre. Ce certificat, qui prouve démonftrativement- la paternité du baron de Siméony , porte avec lui tous les caractères de la fmcérité. On voit que celle qui y parle a toujours fon ferment devant les yeux, qu'elle ne donne pour cettains que les faits qu'elle fcait par elle-même ; & pour douteux, ceux dont elle n'a pas une connoiffance perfonnelle. A cette preuve par écrit, Henriette Meiiin en joignoit plufieurs autres. Elle groduifoit une lettre, dans laquelle le confeffeur de la.veuve le Comte lui difoit: puifque M. de Siméony a tant fait auc d'approuver votre mariage , & de vous faire une per.fion durant bien des années, tackc* de le fléchir par vousmcme , 'ou de le faire fléchir par quelque hunne amc, afin qu'en bon père , il vous tel ere de ï'état affligeant ou vous ét es. Lui feul el obligé a cela, & lui, mieux que tout autre , ejl en état de le faire.  4al Fille qui veut Marie-Anne de Blerel, femftie da faeur Leroi , apjthicaire , avoir écrit «eux fois au baron de Siméony. Dans ia première lercre du 6 Juillet 1725 , elle lui die: Je crois, Monjéigneu , que Vous avej erop de confidéraüon pour Madame le Comte y pour ahandonner entierement une fille qui n eft pas la caufe de fa naiffanu infortunée. Je vous avoue que jefulsfortfurprife que vous ia df;pa_ voueipour votre fille. La m-ère auroit pu fuivre une fortune plus heureufe en s'acquittant de fon devoir t mais fa folie complaifanee pour les attralts de fa paffton r & pour les libèralltés que vous lui faiJi*l, nelui £ mpa permis de fuivrefon mari 'Bolducfort joli homme. Sa faute eft votre: cuvrage; en cas de befoin rjeferai oblige'e de rendre témoignage d la vérité. Dans la fecondë , du quatre juillet fuivant, elle parloit le même langage. II y étoit faic mention des deux filles. de la Ie Cemte, auxquelles elle donnoir le baron pour père , étant, difoit-elle Hen inftrrite de toutes les particularltés & de toutes les circonftances ; & étant dans laconfidence de ces myftères,. ayant èté plujhurs fois de fes parties & des repas ou étoit la le Comte. Elle finiffok fa lettre par un petit fermon f par kqueï  changer fon état. 4x3 elte vouloit imérefler la confcience du baron. Henriette Mellin avoit encore deux autres lettres de Ia dame Siméony elle.meme, dans lefquelles ellefaifoir menden de la femme de Beiflel comme d'une fille naturelle de la le Comte ^. elle y parloir de quelques libéralités que cette fille avoit recues du baron, &C dont il avoit interrompu le cours dans la fuite. 11 y avoit une foide d'autres lettres de difiérentes perfonnes qui renoient lemême langage , tk qui donnoient a Henriette la le Comte pour mère , & le baron pour père. La nature elle-même fembloït élever fa voix en faveur de fa paternité que cette infortunée réclamoit. Sa parfaite reffemblance avec le baron donnoit un démenti fermel au défaveu qu'il foutenoit a la face de la juftice : c'étoit les mêmes traits , c'étoit la'même phyfionomie. Si cette conformité étoit peu fatisfaifante pour la vanité de celle qui la réclamoir, elle lui éroir du moins udfe pour affurer fon érau La force que fe communiquoierrr toutes ces preuves réunies acqueroit errcore un nouveau dégré , quand on la lapprochoit de la conduite du barcr*  424 Fille qui veut avant & depuis ia conreftation liée. II avoit toujours pris unfoin particulier de 1'entretien & de Péducarion de Hennette Mellin: la penfion de 360 livres par mois qu'il avoit faite a fon mari n'annoncoit-elle pas que fa générofité provenoir d'une autre fource que de la chariré qui ne s'étend ordinairement que fur les befoins de ceux qu'elle foulage? C'eft doncla nature feule quia détermine ces fecours; & leur abondance en décèle la fource. C'eft lui-même qui aveit appris a Henriette Mellin qui elle étoit. II fcavoit oü demeuroit fa mère , qucique Henriette Pignorat elle-même. II étoit mftrmt de tous les détails des accouchementsdela veuve le Comte. Par quel motifaurott-il pu s'infprmer fi particuliérement des accouchements d'une comédienne, s'il n'y avoit pris un intérêt particulier ? Mais puifqu'il étoit tant au fait des affaires de Ja familie de Henriette Mellin , que ne lui apprenoit-il quel étoit ce Théodore qu'il lui donn'oit pour père; quel pays il habitoit lors des accouchements de fa prétendus femme , quelle étoit fa profeffion, & oü il étoit caché pendant 1'inftruétion d'un procés  changerfon état. 42 $ oü il avoit tant 'de part. S'il étoit mort, dans quelle région avoit-il terminé fes jours? Dans le nombre immenfe de pièces produites par le baron , il n'y en avoir pas une feule qui fit mention de ce Mellin, ni qui put en indiquer la tracé. C'eft cependanr a quoi il devoit principalemenr s'artacher , pour faire tomber fur ce Mellin la parernité qu'on lui imputoit a lui-même, & que 1'on appuyoit de preuves fi convaincantes , qu'il devoir s'en regarder comme écrafé, Sc rougir de s'être prêté au mouvement d'un vil intérêr qui avoir intercepté en lui les cris de la nature. Henriette fembloit avoir aflez 'bien étabii fa filiation , pour efpcrer que la cour la lui confirmeroir. Elle entrevoyoit cependant quece tribunal,donrles ora.cles ne font jamais enfantés par la précipitation, pourroit bien ne pas fe déterminer fans avoir entendu la yeuve le Comte. Sa déclaration auroit été d'un trés - grand poids. Elle auroit fourni beaucoup de dérails , & donné beaucoup de jour aux faits que 1'on fcavoit d'ailleurï : elle en auroir fair appercevoir les rapports, & les auroit liés les uns avec les autres. En conféquence , par la requête que Henriette avoit pré-  42 6 Fille qui veut fentée au parlement, pour être adrnife a faire preuve par témoins de fa filiation , elle avoit demandé en cutre que le baron füc tenu de metcre en caufe Bolduc & la veuve le Comte , ou qu'il lui füc permis de les y mectre. Mais , difoit-elle, que deviendrai-je pendant le cours de cette procédure ? A quoi me fervira le fuccès de 1'enquête que j'entreprends ,fi la plus affreufe pauvreté ne me permet pas d'en attendre le fuccès ? Je réclame un état, je demande qu'il me foit permis de développer les preuves qui me 1'a.furent, quoiqu'il y en ait'déja de fuffifantes; & randis que je rravaülerai , la faim me privera de la vie même. Qui doit me la conferver , fi ce n'eft le baton de Siméony qui me 1'a donnée ? Je dois prouyer que je fuis fa fille; c'eft une vérité qu'il Pui imporre d'éclaircir; ma confervation lui eft donc précieufe ? Rien ne paroilfoit plus jufte que cette demande en provifion. C'eft un principe certain , dans Ie. droir, que , quand la propriéré d'une chofe , même mobiliaire, eft en conteftation , la provifion eft adjugée a celui qui la poflede fans violence , qui ne cherche point a cacher fa poffeffion, qui ne latient point  changer fon état. 417 a titre précaire, & enfin qui en. jouit depuis lon^-tems. Henriette étoit en polfeffion de recevoir des alimencs du baron. 11 les avoit donnés de fa propte volonté -y il n'y avoit donc point de violence de la part de celle qui les recevoir. Sa poffeffion n'étoit donc point clandeftine■ elle étoit connue du baron , puifque c eft de fa main qu'elle les reeevoit ; il n'y avoit donc rien de précaire dans fon titre. Enfin , fa poffeifion étoit des plus anciennes, n'ayant cl'autre époque que celle de la nailfance même de la perfonne qui la réclamoir. A qusl titre la réclamoit-elle ? Ce n'étoit pas une fimple libéralité qu'elle exigeoit du baron •, elle tenoit fon titre de\ nature même: elle prétendoit que ces aliments lui étoient dus paree tiu'elle étoit fille naturelle de celui a qui elle les demandoit; & en cette qualité , elle fe prétendoit propnétaire de ces alimenrs ; la poffeffion devoit donc lui en être continuée jufqu'au moment de la décifion. ( Ce raifonnement , toutdecifit quil paroiffoit , acqueroit encore de nouvelles forces par la maxime tirée de rhumaniré qui nous apprend qu'il doit être pourvu a la fubfiftance de 1'enfant  428 Fille qui veut pendant la conreftation que 1'on forme contre fon état. Cette maxime eft con«ignee dans les loix romaines , au di- ' ^' IO' m 37 • de Carboniano edicio. On y ht que le juge, après avoir pns une connoiffance générale de la caufe , doit accorder a 1'enfant ia poffefiion des biens dont il jouiroit fi I'état qu il reclame ne lui étoit pas contefté : ce qui don avoir lieu, lors meme que ia caufe eft douteufe; c'eft-a-dire lorfque les preuves alléguées par l'enfant ionr foibles, pourvu qu'elles foient fufiantes pour jetter du doute , Sc qu'il ne lou^pas démontré qu'il n'eft point ce quil prétend être. A la bonne-heure qu on lm jmpofe la néceffité de donner une caution , & qu'il f0jc remi ds reftituèr le prix des aliments qu'on lui a avances, en cas qu'il fuccombe.Mais s'il ne trouve pas de caution , il ne faudra pas moins qu'il ait ces aliments. La loi prend föin elle-même de nous rendre eompce du motif de ces difpofitiöns.Ils'agit de Ia confervarion d'un citoyen, k laquelle tout doit concouriq or, öans I'importante alternative de faire vivre l'enfant aux dépens de celui même qui lui contefte fon état, ou de Ie laiffer périr dé faim, on doit avoir grand foïh  changer fon état. 429 de ptévenir ce malheur, quand il s'agiroic même d'altérer , en fa faveur , une fucceffion donr il pourroic être exclus , fi , par l'événement de la conteftation , la faufleté de la filiation qu'il réclamoit étoit.prouvée. D'après ces raifonnements copiés fur les exprelfions des loix, ou plutot fur 1'équité naturelle, fi Henrierte Mellin n'étoit pas fille du baron de Siméony, le rifque qu'il auroir couru en la nouriflantj comme il avoit fait jufqu'alors , étoit peu confidérable ; mais fi , érant fon père , il lui refufoit des alimenrs , le malheur qui devoit fuivre eer abandonnement ne pouvoit être prévu qu'avec frayeur. Quelle devoit être la inefure de cette provifion? Elle doit être réglée fur la fortune & fur ia nailfance de celui qui la doit. On connoillbit le rang &c les facultés du baron; d'ailleurs il avoit lui-même fixé la peufiou de Henriette a 360 livres par mois. II lui fournilloit cette fomme dans un tems ou des fecours plus modiques auroient fans doute fuffi. On ne devoit donc pas les réduire alors qu'elle étoit chargée de deux enfants quifaifoient tout fon patrimonie  430 Fille qui veut & aecroifloient fa mifère ■ alors qu'elle avoit un procès a foutenir. Tels font en fiibftanee les moyens qu'employa Me Manourry pour la défenfe de Henriette Mellin. Me Pommyer de Rougemont, qui s'étoic chargé de la caufe du baron de Siméony, fut appuyé par M. Talon , alors avocat-général, & depuis préfident a mortier, qui conclut en fa faveur. Comme leurs raifonnements a 1'un & a 1'autre, tendent au même but, on les confondra ici , pour n'en faire qu'un corps de défenfe , afin d'éviter les longueurs tk les répétitions. Henriette Mellin fe préfentoit a la juftice d'une facon bien défavorable. Elle avoit voulu,dans le commencement du procès, porter une atteinte mortelle a 1'honneur & a la dignité du baron de Siméony, en foutenant qu'elle étoit fa fille légitime. Elle a prérendu qu'il avoit été marié avec la le Comte , &c qu'elle devoit le jour a cette aillance; mais que la dilproportion énorme qui fe rrouvoit entre un homme de fa nailfance tk une comédienne errante , perdue de réputation , avoit fait fupprimer tout ce qui pouvoit contribuer a écablir la preuve  ckanger fon état. 431 de ce mariage. Cette calomnie fut confondue furie champ. Terraffée dès cette première attaque, Henriette n'abandonna point 1'impofture. Ne pouvant s'élever a la quaiité de fille légirime d'un baron, elle voulur au moins être fa batarde. Tour abjecte qu'eft cette qualité , elle la préfere a celle de fille légirime que fon extrait baptiftaire lui attribue, qui certifie qu'elle eft ifiue du mariage légitimemenr contracfé entre Théodore Mellin , $c Marie-Anne Vervelle. Qu'on lui donne des penfions , qu'on lui accorde des provifions , il n'imporre a quel titre ; le plus infamanr lui fera le plus cber , dès qu'il lui procureta les moyens de fatisfaire fa cupidité. Entre les preuves qui conftatoient la filiation de Henriette Mellin, celle qui tenoit le ptemier rang étoit fon acre baptiftaire. II étoit extrait d'un regiftre en bonne forme, Le baron de Siméony le tenoit de fa main a elle-même; elle 1'avoit reconnu pour être le fien , elle 1'avoit fait annoncer a l'interrogatoira qu'elle avoit fubi au chatelet; il avoit été juridiquement paraphé & déclaré véritable, tant par Henriette , que par  43 2 Fille qui veut fon mari • enfin ils avoient joint celui de la fceur aïnée de Henriette. Tonde monde fcait que les regiftres de baptême font des témoins revêtus d'un caraótère public, & uniquement deftinés a atrefter le rems & les autres circonftances de la nailfance, & même de I'état oü nailfent les enfants. C'eftia que 1'on trouve les prérentions qu'ils apportent en venant au monde ; Sc il n'y a point de citoyen qui ne foit accoutumé a croire que c'eft de fon extrait baptiftaire feul qu'il tient le rang qu'il occupe dans la fociété. C'eft donc avec la plus graiade réferve , Sc avec les précautions les plus réfléchies, que 1'on doir porter atreinre a ces fortes d'acfes. On peut quelquefois , il eft vrai , leur impofer filence , quand on a lieu de douter de la bonne-foi de ceux qui ont préfidé a leur rédaclion : raais quels ménagementsn'a-t-on pas pris avant que de les rejetter, Sc jufqu'oü n'a-t-on pas poulfié le fcrupule, quand on en a voulu fufpendre 1'effet ? II faut de violentes préfomptions de la fauffeté du regiftre, il faur cet enchaïnement de circonftances que 1'impofture ne peut jamais réulïtr;, que la vérité feule peut raflembler Sc  changer fon état. 43 3 Sc faire naitre les unes des autres. Henrierte Mellin veut trouver Ia preuve de la faulfeté de fon exttait baptiftaire dans le certificat des Mouhon , dans 1'atteftation d'une fage-femme , dans les foins Sc les aliments dont elle prérend être redevable au baron de Siméony. » Le certificat des Mouhon éroit, par lui-même , indigne de foi , Sc éroit inutile pour les faits qu'il falloit prouver. Ces filles n'éroient point connues , . elles ne s'annoncoient fous aucun titre qui put rendre leur témoignage refpectable a la juftice. C'eft une maxime connue de tout le monde, Sc admife, avec raifon , dans tous les tribunaux, que les certificats particuliers font toujours méconnus dans 1'ordre judiciaire. Si on les y admettoit une foisj quelle vafte carrière n'ouvriroir-on pas a 1'impofture ? Indépendammenr de ces confidérations , auroit-on pu donner quelque croyance a un aéfce qui attefte un fait arrivé depuis plus de rrenteans, Sc fur lequel les Mouhon, pendant tout ce tems-la, ont gardé un profond filence ? Un certiticat de certe nature pouvoit-il être oppofé a un regiftre public , en pouvoit-il balancer 1'aurorité? Tornt XII. T  434 Fille qui veut D'ailleurs, quand on y auroir eu égard, ,qu'auroit-il prouvé ? Qu'Henriette Mellin étoit fille de la le Comte? Mais cé n'étoit pas ce qu'i! falloir prouver; étoit-ellg fillg du baron? Voik ia queftion. On avoit prévenu cette obiection , en fortifiant lp certificat des Mouhon par celui de la le Loire , fage-femme, II étoit, a la vérité, plus circonftancié, Sc paroiffoit dire quelque chofe de plus poficif; mais il avoit les mêmes vices que 1'autre : ce n'étoit qu'un acre particulier , délivré plus de trente années après 1'époque des faits qui y étoient atteftés. La plupart des détails qu'il eontenoit n'étoient fondés que fur des ©uïdire; Sc cependant il n'y étoit fait juillementionque la leComte eütattri^ jbué la nailfance de fes enfants au baron de Siméony. On fcait cependant de quelle imporrance , de quelle néceffiré même eft la déclaration de la mère dans pes occafions- Tous ces défauts n'étoient point fupplées par les vifites que Ia le Lo.re difoit avoir vu rendre a la le Comte par le baron de Siméony , ni par ie foin qu'il avoit pris ,de fournir aux frais de ia nourriture de 1'enfant. Qjiand ces deux circonftances auroient  changer Jon kal. 435 été vraies , elles n'auroient contribué, tout au plus, qua former une préfomption contre le baron j préfomption même qui, n'étant appuyée que fur un témoignage unique, irrégulier , fufpecf a plufieurs égards, n'auroit pu être d'aucim poids. Mais la fauffeté du premier de ces deux faits étoit démontrée. Henriette Mellin étoit née au mois d'aoüt j tic e baron ae oimcuny ^un auji» a Londres auprès du roi d'Angleterre , en qualité d envoyé extraordinaire , Sc n'en étoit revenu qua la fin du mois de décembre de la même année. Ces deux certificats une fois réprouvés, quelle reflource la femme deBeifiêl Ïiouvoit-elle trouver dans les letttes qu'ele appelloit a fon fecours ? Parmi ces lettres , il y en avoit deux de la dame de «Im^nvnn'nn iip nnuvoit méconnoirre: mais on n'y trouvoit nen qui put etre pris pour un aveu de la paternité du baron; Sc c'étoit-la 1'unique fait de la caufe. Aucune des autres ne devoit faire la plus légère impreffion. Les unes avoient été écrites au baron, a la follicitation d'Henriette 3 les autres étoient des réponfes qu'elle s'étoit procuréesellemême , en écrivant la première a ceux de qui elle les avoit recues j ils avoient Tij  43 6 Fille qui veut parlé d'après les faits qu'elle leur avoit écrits comme certains ■ mais ils n'en avoient aucune connoiffance d'ailleurs. Si 1'on pouvoit regarder ces pièces comme une preuve , ou comme un commencement de preuve par écrir , qui pourroir ne pas s'en ménager de f>areilles fur des queftions d'état ? C'eft a facilité qu'il y auroit a fe procurer de femblables titres, qui a détermine les lcgillateurs romains a exclure les lettres du rang des preuves que 1'on peut admettre dans une matiète fi importante (i). II eft vrai qu'elles fouffrent quelquefois que les lettres fuppléent au défaut d'acfes publics (2): mais ilfaur que ces lertres méritent uncentière créance par laprobité & labonne-foi reconnues de ceux qui les ont écrites , par les circonftances du tems oü elles ont été envoyées , & enfin par les aveux pofitifs 8i certains qu'elles renferment. Or celles queHenrietteMellin employoit pour fa défenfe , n'étoient point reconnues en juftice par ceux a qui elles les attribuoit. On n'étoit donc pas obligé de ^roire qu'ils en fuflent les auteurs. (1) £.3, cod. de probat. (2) L. zo f. eod.  changer fon état. ] 437 D'ailleurs elles avoient été écrites dans un tems fiifpeót, c'eft-a-dire , dans le cours même de la procédure , depuis que la femme Beinel s'étoit vueforcce a foutenir la première démarche qu'elle avoit faire , & depuis qu'elle avoir été prelfée de raffembler quelques preuves de la filiation oü elle afpiroit. Henriette Mellin ayant perdu la reffource qu'elle croyoit trouver dans fes certificars & dans fes lettres , que deyenoient les induéHons qu'ellevonloit tirer des libéralités dn baron? Elles n'étoient fondées fur aucun ritre qui les rendït nécelfaires-, il n'y avcit aucune preuve de fixation qui les rendït certaines. Pouvoit- on donner le nom d'aliments a ce qui étoit libre dans fon principe Sz dans rout le cours de fa durée ? Ce n'étoit donc qu'une pure libéralité , qui ne donnoit au fieur de Siméony que la qualité de bienfaiteur , & ne laiffoit a Henriette que 1'obligation de la reconnoiffance. Quelles conféquences funeftes n'entraineroit pas un arrêt qui adopteroit comme une preuve de la filiation les foins qu'on auroit pris d'un enfant né dans 1'indigence, fans preuve par écrit, fans préfomption, fans extrait baptifTiij  Fille qui veut taire , on plu tót contre le témoignage authentique d'un regiftre public , Sc contre un extrait baptiftaire en bonne forme! Ne feroit-ce pas tarir la fource i toutes les libéralité's que la charité répand tous les jours en pareil cas ? Qui voudroit déformais fournir, a ce prix, un titre contre lui même ? Enfin la femme de BeifTel avoit lailfé s'élever contre fa prétention un obftacle invincible. Elie étoit née en i6c,j r Sc avoit été baptifée comme rille légitime de Théodore Mellin. Depuis fa nailfance , elle n'avoit pas ceifé un inftant de jouir!,"avec fécurité , de cet état: dans fa pattie , Sc au milieu de ceux qui 1'avoient vue verrit au. monde. Lors de fon mariage , cet acte le plus important de la vie, cet acte ou 1'on ne fait rien gu 1'on. n'infère rien , que du confenterment expres & libre des conrractants », elie avoit confervé le même nom , fans. longer a prendre Ia qualité qu'elle vouloit ie faire atttibuer, fans s'aflurer une. dot ou des aliments qui auroient pu lui procurer un établilfement plus avantageux. Ce n'étoit même pas elle qui avoit rompu le. filence qu'elle avoit gardé pendant vingt-huit années, c'éroir le baron de Siméony qui ayoit rendu plain-  cliangtr fon état. _ 43$ te de 1'ufurpation qu'elle vouloit faire» Tout fembloit confpirer a lui ïmpo-' fer, de nouveau, le filence qu'elle avoitf gardé fi lonü-tems, Elle avoit une iceut germaine baptlfée ,■ comme elle, fous le nom de fille légitime de Marie-Anne Vervelle & de Théodoee Melhn: cette' fceur avoit auffi été comblée des hbéralirés du baron. Pendant les trente année* qui s'étoient é. oulées depuis fa nailfance , & qu'elle avoit vécu dans fa patne ^ il lui auroit été bien facile de s'inftruire de fon vérit-.ble éta'. Cependant elle réfifteaux fpHicirati'ohs les plus preuantes de fe joindre au procès, elle deiavoue même les démarches qui fe faifoient contre le baron. Elie étoit ncan-moins alors dans 1'indigence. Par quelaveuglement auroit - elle facnfié des' droits que fa misère devoit lui rendre: fi précieux ? La déclaration qu'elle avoitfaire dans fa lettre, de ne point prcten-dre a I'état de fille naturelle du baron de Siméonv, n'éroir-elle pasypöur ce baron,, un titre contre Henriette ? Tout rélifcoit donc a fa prétention,tout en démon-troit la fauffeté. Ainfi il étoit inutile de chercher d'autres preuves , ni de mettre perfonne en caufe; les éclairciffef  44° Fille qui veut ments qne 1'on avoit alors étoient plus que fufhfanrs. On pouvoit ajouter, aufuplus, que la demande formée par Henriette de mettre en caufe Bolduc & la le Comre , étoit contre les bonnes mceurs. Leur témoignage n'auroir pu lui êrre favorable qu'auranc que la le Comre auroit ayoué qu'elle avoit vécu dans 1'adultère , & que Bolduc feroit convenu 1'avoir feu öc 1'avoir fouffert. Peut-on efpérer que des coupables s'accufent eux-mêmes en juftice de pareils crimes ? Et quand ils auroient alfez peu de pudeur pour ne pas rougir d'un tel aveu 3 quel danger n'y auroit-ilpas d'admetrre de telles dépofitions en juftice , & de leur donner du crédir ? Ce feroit rendre les pères &; mères maitres de I'état de leurs enfants , & de les rendrelégitimes ou barards, fuivant leurs intéréts & leurs paflions. D'ailleurs, difoit-on, que réfulroitil du fyftême d'Henriette Mellin , 8c des certificats qu'elle préfentoit a la juflice ? Rien autre chofe , finon qu'elle étoit née de la veuve le Comte, pendant fon mariage avec Bolduc; elle étoit donc •fille légitime de cette le Comte &c de  changer fon état. 441 ce Bolduc j c'étoit donc a eux feuls qu'elle devoit s'adrefler pour fes aliments. Enfin, par arrêt du 9 aout 1717 » il fut fait défenfes a Henriette Mellin de prendre, a 1'avenir, la qualité de fille naturelle du baron de Siméony , & de fe fervir a 1'avenir' des injures qu'elle avoir proférées contre 1'honneur Sc la répuration du baron Sc de fa femme , a peine de punition exemplaire ; elle fut condamnée folidairement , avec fon mari, en 3 liv. d'aumone, Sc en tous les depens: fauf a elle Sc k fon mari afe pourvoir contre Bolduc Sc la nommée le Comte comme ils jugeroient a propos. M. 1'avoeat géncral, qui avoit pam fcandalifé de 1'attentat commis par Henriette contre la chalkté du baron , avoitconclu ace qu'elle füt condamnée avec fon mari a comparourc en perfonne a la cbambre du eonfeil du chatelet , en prcfence du baron , de la baronne , Sc dc lïx perfonnes qu'ils voudroient choifir, pour dn e 5c déclarer que, témérairemenr& indifcretement, ils avoient prétendu que la femme Beiifel étoit fille du baron, qu'ils s'en repentoient Sc en deuundoient patdon. Mais la Tv  442 FUk qui 'veutchanger , &c. cour ne les trouva pas coupabJes d'une: mauvaife foi évidente. Les fecours. abondanrs que Henriette avoit recus du baron depuis fa naiflance & fans difcontmuation, la reffêmblance qui étoit entre elle Sc lui, & contre laquelle on.. n'avoit oppofé aucun raifonnement, les, certificats circonftauciés qu'elle rapporton; tout cela formoir, en fa faveur, une. préfomption qui, fi elle n'étoit pas juridique , avoit été fuffifante pour induirexettefemme infortunéeen erreur..  40 *A F F AIR E DES CENT-UN TABLEAUX. Le fieur■ Tardif avoit été originairernenr ingénieur êc étoit devenu fecretaire de feu M. leMaréchal de-Botfers. II avoit joui d'une fortune aliez honnête; mais ayant reftreint fes befoms i un honnête néceffaire, ii avoit employé le fuperflu de fon revenu a fotisraire fa palfion pour-les tableaux & les bi- joux. . r La révolution du fyfteme avoit preicm'anéanti fes biens-fonds. 11 employa les débris qu'il en put fauver en rentes viagères; mais il conferva fes tableaux qui auroient pu lui fournir un fonds lutfifant pourle mainrenir dans 1'ai ance, fic.fe contenta d'un revenu modique , qui n'exeédoir pas feizexent livres par a" Quelque tems avant la maladie dont il mourut, le hafard le fit fe rencontrer chez le fieur abbé le Raguois avec le père Dequet jéfuite, procureur du noviciat dufauxbourg Saint-Germain. Le T vj,  444 Affaire fieur Tardif avoit toujeurs, jufqu'alors; tcmoigne beaucoup d'idifférence pour ces peres. II n'étoit pas meme abfolument ben prévenu en leur faveur. Les bruits defayorables que ion répaudoir iur leur morale , les menées fecrettes cont on les accufoit, pour faire perfécuter ceux qui avoient, fur la pureté evangelique, daurres opinionsque celles qui étoient enfeignées dans les livres reeonnus & adoptés par la fociété : les ruies qu'on leur attribuoit pour fe procurer les dépouilles des families ; tout cela les lui faifoit regarder comme des gens qu'i! valoit mieux fuir oue frequenter. 1 Ces difpofitions n'effrayèrenr point le pete-£>e?w. Ij avoit entendu Daiier avec eloge , du cabinet de curiofites du iieur Tardlf. II fouhaita de le v0ir & concut le deifein , fi la chofe en valoit la peine, d'en faire faire une aamóne a Ja compagnie de Jéfus. II prir le fitur Tardif^ f0n foible ; ie flatra fur la réputation de fon cabinet, le donna pour un curie»* & tm conflo.ifeur en état d'apprécier ie -gefit qui avoit prefidé -X la colledion qu% defitoir cxammer. Ü en obtinc la permiffioo , & ne  des cent-un Tableaux. 44$ manqua pas de louer Sc d'admirer tout ce qu'il voyoit. ^ Ces éloges ménagés avec adrefte eurent 1'efFet qu'il en attendoit. 11 fiattoit la paflion a laquelle ce vieülard avoit tout facrifié. Le fieur Tardif ne vit plus , dans le père Dequct, le membre d'une fociéré dan^ereufe ; fon imagination le lui transforma en un connoifleiu , qui voyoit tout le prix cle fon tréfor ^ 8C qui en faifoit tout le cas qu'il méritoit. Cette conformité apparente de goür fic d'inclination jerta quelques femences d'amitié dans le cceur du fiear Tardlf. Le jéfuites'appercut quil avoit touché a fon but: il profira de la confiance qui en étoit une fuite néceifaire. Son nouvel and étcit prefquefeptuagénaire, fans femme, fans patents, & fans domeftiques qui hti fuifent affidés. Le père Deqnet faifit cette circonftance , pour laifler entrevoir an fieur Tardif qu'il avoit quelqu'inqtfictnde fur le fort d'un tréfor aufli précieux. Mais il ne érüt pas devoir s'expliquer clairement. il prit la voie de l'infiiHiation , afin cme i'idée qu'il vouloit faire naitre parut au fieur Tardif wenk de fon pro-  44<\ AJairt p-efond, 6V „'être, tout au pW,™ le rcfultat des rcflexions- diébées par 1'amitie. r - D'abord, il lui peignit , avec cette* efoquence infinuante , qui malheureuiement ne réuïïit que trop- fouvent. i donnet au menfohge les couleurs de lavente, les dangers dont il fe trouvoit ©nvn-ouné a la plus légère maladie, les mconvéniens qu'il y auroit a recevoir les lecours dont il auroit befoin par des mains etrangères, & par des gens qui lui feroient inconuus; la facilité aveclaque le on pourroit lui voler fes effets les plus précieux, & les enlever i fes héritiers. II lui fit craindre jufqu'aux approches de fes voifins, & de ceux qui lui montreroient leplus-de zèle & é affection. Ces difcours.firent leur effet. Le fieur lardtf fe regarda comme au milieu dune troupe de brigands auxquels il iui etoit impoffible d'échapper. II ne voyoit mille reifource pour fauver du pifiage des effets qui lui étoient plus precieux que la vie.. II „e pouvoit s'ouvrir a perfonne : rout lui étoit fufpeót: il n j avoit que fon nou vel ami qui p&t' le tirerd'embarras; iUe confulta. C'ésoitda que le jéfuite 1'attendoit. Celui-  des cent-ntn Tableaux. 447' ciprit, pendant:quelques inftans , cer air rêveur qui annonce de profendes rétlexions: puis compofanr,rout-a-coups fes trairs, pour fe donner 1'apparence de fatisfaccion & d'enthoufiafme qui fuccède a la méditation qui engendre un projet heureux : • « Sortez » d'ïci , s'écria-t-il avec vivacité , je ,y vousoffre un afyle sur , ou vous ferez „ toujours a portee des fecours les plus « prompts , tant pour le fpirituel que n pour le temporel. Vos tableaux , vos s „bijoux feront confiés a la bonne-foi »■&• a lacharité vigilante de nos pères. „Détachés, par état, des biens de ce „monde, Sc défenfeurs de la juftice, „ ils vous en conferveroncda jouiflance: » tant qu'il plaira a Dieu deconferver • „ vos jours , 6c auront foin quelle » paffe, après vous, a vos héritiers *>. ■ II propofa donc au fieur T^rdif de ' r ^ f 11 _ .1 1-.. faire tranlporter les raoieaux cue* ie* pères jéfuires, d'en meubler un appartement qu'on lui deftinoir; & , par cette heureufe précaution , d'évirer le pillage donr on 1'avoit tant alarmé. Cé-. toit, comme on le verra bientót, prévenir une privarion imaginaire par une: 1 , .. „ /- 'IA 1 _ J' prtvation réeüe ; öc le narer ae ucpoiiüler le fieur Tardif&h fon vivant ?  44§ Affaire pour empêcher qu'il ne le fut après fa mort. II étoit a peine dans les difpofitions qu'on avoit fouhaité de lui infpirer , qu'il fur tout-a-coup conduit aux portes du tombeau. L'heureux génie du père Dequet 1'amène au lic du moribond , dans le reins oü la fièvre avoit déü caufé quelqu'alrération dans la raifon du futur peniionnaire de la fociété. L'amirié de ce bon père parut eiirayée. II vit tout le danger d'une mort précipitée , qui auroit privé de leurs efpérances ceux qui pouvoient avoir des vues fur les précieux effers qui compofoienr Ia fucceffion dn malade. II ent, avec lui , une converfarion particulière de deux heures , d'oü il fortit avec un vifige ferein & rranquille. Tout éroit arrangé au gré du jéfiüte: le trépas pouvoit lui ravir fon ami; mais les tableaux tk les bijoux étoient en süreté ; le fieur Tardif venoit d'écrire tk iigner un afte dont voici la ccpie : Je donne au novkiat des jéfuites tous mes tableaux, eu confidcration du pere Dequet mon mü, qui peut les enlever dès-d-pré/ent. Ce lo 'mal 1728. Signé, Tardif. Le père Deouet ne fe crut pis plutot -autorifé a mettre les précieux citers eu  des centrun Tableaux. 449 sureté , qu'il y employa tout fon zèle. A peine fut - il faifi de la pièce que 1'on vient de lire | qu'il fe mitlui-meme I décrocher les tableaux , affembla douze ou quinze perfonnes , qui tranlportèrent les plus grands 5 & il emporta avec lui les plus petits dans un carofle qui les conduifit a la maifon du noviciat. Cet enlèvement excita le murmure de rous ceux qui en furent les témoins. II n'y en eut pas un qui ne parut fcandalifé de voirun religieux fe faibr.avec une fi grande avidiré, des effets d'un homme qu'on ne pouvoit compter alors ni paimi les vivants , m parmi les morts; & plufieurs fe communiquant les uns aux autres 1'indignation dont ils étoient templis , ils'élevaune rumeur, il fe fit une fédition dont les fuites devenoient a craindre, fi elle n'eür ére calmée par 1'abfence du père Dequet. Ce bruir tira le malade de fon alfoupiffement. Quelques heures avant fa mort, retrouvant , avec 1'ufage de fes fens, celui de fa raifon , il fe fit tranlporter a la porte de fon cabinet: il s'appercut de 1'enlevement de fes tableaux Sc de 1'abandon de fa perfonne. 11 vit que, dans ces triftes momentSjü n'avoit  P° Affaire de confolation & de fecours i atrendre; que de ces mcmes voifins, dont on bi avo.t tant fait craindre les appro.hes.. Le charme cetfa, & tl fe p^gffi j dans les termes es plus durs & ïes plus amers, de la cruelle mridélité que Pon commettoit envers lui, ^ Les difficultés qu'avoit éprouvées Ie pere Dequet ,& le dangerquil avoit coum dans le commencement de fon expedmon, neiui firentpas lacher prife. ü voulut confommer fon ouvra^e &e «vim a-la maifon du-malade; non'paspour lm proeurer le foulagement fefe mei & corpore! que Pon devoit attendrede fonarmne &de fa qualiré de Dretreil venoit pour mette le refte des tableaux efe süreré , & les fouftraire'* 1 mvafion des héritiers iécdtim°s Mais la mauvaife humeur d'une hörelfe du fieur Tardif, & la vigüance d un cavalier du guet fo« voifm , s'opPofant au fuccès de ce projet , faL Terent ce qmreftoit de Ia fucceffion. Ces mdifcrets firentplus: ils écrivirent aux héritiers , & les avertirent combien leur préfence devenoit nécefgj« Toute la diligence qu'ils purent faire ne leur procura que la confolation «ie recevoir les derniers fougirs de leur  des cent-un Tableaux. 41* «èéiwyïi n'y eut pas deux jours, d'in^ cervalle entre 1'heure de la prerendue donation, &c la mort du fieur Tard.j. Ce n'eft donc qu'i la fmcente & au. témoignage des voifins,que fon frere SC fes neveux furent redevables de la connoiffance juridique de tous les tal* dont on vient de parler.. v En arrivanr i Paris , lU trouverent les fcellés deji appofés : ils procederen', fur le champ ,.a les faire lever. Le p^re Dequet y forma oppofition , quafifia Pafte dont il étoit mum de donation entre-vifs, & prétenditque, nonfeulement tous les tableaux,. mais encore les livres & leseftampes du detunt lüi appartenoienr. On ne voit pas trop fur quoi il fondoit la dernière partie de fe pretentionrPafte fur lequel il étabbifoit fes droits, fe bornoit expreffémenr aux tableaux.. Cetobjet, dont 1'importance s'appercevoit au premier coup d'ceil, 1'avoit nnf quement frappé , & ne lui avoit pas permis de faire, attention aux autres er- fets. , . < D'ailleurs le jéfuire n avoir pas de tems a perdre ; les moments étoient brécieux; il en.fallut confommer une partie aféduirelefieur Iard.f, & lebo»;  Affaire père oublia de faire comprendre , dans ion aóf e, ce qiu n'étoit pas actuellement ious les yeux. II voulutréparer cette faute dans Ia procedure, & ne craignit pas de mettre, dans tout fon jour, la cupidité donr il etoit poffédé. Mais, loin de pouvoir etendre fon aéte, il fe vit forcé d'en dérendre la vaiidité intrinfèque. Après avoir fornié fon oppofirion au icelle il déclara , par écrit , que , de tant de tableaux, il n'en avoit pu enlever que ceit-un ; ajoutant qu'il n'en etoit refté que quatre-vingt en fa poffeffion, y en ayant eu vingt-un de pris ou de perdus par les gens qui les avoienr tranlportés au noviciat. « Circonftance » dccifive , difoit I'avocat chargé de la » défenfe des neveux du fieur Tardif » témoignage inconteftable de la rapi» dité avec laquelle les tableaux furent » emportés ; précipitation criminelle » qui fait la démonftration la pluscom» plette de 1'efprit de fraude qui a ré^né » dans route cerre entreprife ° Quand les héritiers du fieur Tardif ie virent arrêtés par la demande des jefuites en délivrance du refte des rableaux , des livres & des eftampes ; ils pnrent le parti de demander qu'on leur  Jes cent-un Tableaux. 45 3 rendït, au contraire , ceux qui avoient été divertis. Le père Dequet ne s'étoit pas attendu a ttouver tant de réfiftance dans des gens de province, qui n'avoient aucune connoiflance , Sc paroifloient n'avoit aucun appui a Paris. 11 fe retoutna& eflaya, mais envain, de leur perfuader que des jeunes gens avoient plus befoin de plaifirs Sc d'argent, que de tableaux Sc de procès: ces difcours furent fans effer. Les pères jéfuires, un peu déconcertés par la fermeté avec laquelle les héritiers du fieur Tardifte préparoient a foutenir leurs droits , craignant qu'ils ne prilfent la voie criminelle, les amusèrent par de faux projers d'aecommodemenr. Ces bonnes - gens y prêtoient les mains de bonne - foi. Ils fentoient combien ils avoient a craindre que le combat ne fut pas égal, Sc combien il étoit difïicile de réfifter au crédir Sc a la puiffance redoutable contre laquelle ils alloient plaider. La procédure criminelle n'auroit pu fe diriger d'abord que contre le père Dequet : c'eft lui qui avoit extorqué 1'acie en queftion ; c'eft lui qui étoit  4"> 4 Affaire •coupable de 1'enlevunenr des tableaux:; en unmot, ily avoit, dans fa conduite, ic féduction & voies de fait. La foaété profita des retardements -óccafionnés par ces apparences d'accom•modement: on le dépouilla promprement de Poffice de procureur cju'il exercoit au noviciat des jéfuites a Paris, & on fe hata de le faire partir pour Rome Par cette merveiileufe adreife , on prévint 1'inftruction crimuielie &c 1'interrogatoire , que ce père n'auroit pu éviter , même par la voie civile. On fut donc obligé de s'en tenir a une fimple aiïignation devant M. le lieutenant civil au chatelet de Paris, pour obrenir main-levéedel'oppofition, & la reftitution des effers enlevés. Les jéfuites usèrent du privilege du commatlmus , pour faire évoquer la conteftation aux requêtesde Phóteh Ils n'avoient pas craint, dans Ie cours de Ia plaidoyerie , de demander a Paudience pourquoi on n'avoit pas rendu plainte, & profité des avamagesqu'offroit la ptocédure criminelle. « Ce der» nier coup , dit M. Sover, défenfeur m des héritiérs dépouillés , eft fans 5> doute 1'effet de la polmque la plus •> confommie j & le fyftême du père  Jes cent-un Tableaux. 45^.«» Dequet eüt été imp.xrfait , s'il eüt »> manqué de reffoiuxes dans de pareils » évcrKmens >». II falioit, en effet, être bien peu attaché aux régies de la bonne-foi , pour fe faire un moyen de ce que leurs adverfaires n'avoientpas fuivi une procédure que 1'abfencedu père Dequet avoit rendue ïmpoflible. » Vous ne nous pour„ fuivez pas criminellement, difoient»> ils ; donc nous ne fommes pas cou» pables Rendez nous votre père De» qua , leur répliquoit - on , & nous » prouverons que c'eft un frippon Sc » que yous voulez profiter de fon crime. *»» De quel ceil, continuoit 1'avocat des » héritiers Tatdif, les magiftrats regar„ deroient-ils de femblables inrrigues ? » Le public, effrayé par de tels projets , „ fe rappelle le fouveni: de tant de fem» blables ufurpations dont notre fiècle 3) a été le témoin; & il attend . avec im» patience, que leur autorité s'oppofe a „ de pareilles entreprifes >■>. Pour juftifier fes alarmes, il en rapporté deux exemp'es. Dans le premier, le père Dequet avoit été leprincipal héros, & avoit donné des preuves de Pinduftiie qu'il •venoit d'empioyer dans ce procès : on en ttouvera 1'hiftoire a la fuite dc telle;  45 6 Affaire ci: 1'autreétoitl'aventure célèbre cVAm- broife Guys, qui jamais n'a pu être éclaircie. On juge aifément que les feules circonftances du fait rendoient indubitable la caufe des héritiers du lieur Tar4/Cllfaut donner une idéé des moyens de droit qui concouroient a affurer la reftitution qu'ils demandoient. Le P. Dequet} a qui 1'intention du défunt devoit être des mieux connue , avoit annoncé l'aére comme une donation entre-vifs: c'eft ainfi qu'il le qualifia dans les tems les moins fufpecte , iors de fon oppofirion aux fcellés. Ce bon père connoiffoit bien les régies de *• la féduétion ; mais il ne connoiffoir pas affez les précaurions que les loix ont prifes pour en garaneir les perfonnes limples. Quelque précieufe que la liberté foit a 1'honme , elle lui deviendroir bientót r.uifible, fi les loix ne lui apprenoient quel ufage il en doit faire; leut rigueur falutaire redouble fes forces , au lieu de les affoiblir ; Sc , en vivant fous 1'empire de la juftice, bien loin d'être efclave , on devient affranchi de fes propres palfions. Ce n'eft donc point attenter a notre liberté;,  des cent-wi Tableaux. 4^7 liberté , que de reftreindre les mouvements de notie cceiir, & de donner a notre volonté des régies fages fur lefquelles elle puiilé fe déterminer: c'eft pour la conferver, c'eft pour la défendre , &c non pas pour la détruire, qu'on a prefcrir aux hommes certaines formalités , dont leurs plus libres difpofitions doivent être revêtues. On eft libre, par exemple , de difpofer de 'fes biens , foit par donation entre-vifs, foit par teftamenr : mais il faut toujours que les actes qui renfermentces difpotitions, foient conformes, en tout, a ce que ces loix exigent pour leur validité. Une donation foumet le donataire , c'eft-a-dire celui au profit de qui la donation eft faite , aux charges impofées fur les biens donnés, aux hypothèques , par exemple , aux fervitudes, &c. Ces charges peuvent lui être onéreufes; &c il n'eft pas jufte qu'un homme fe trouve foumis, fans qu'il le fcache } a un fardeau qu'il ne veut point fupporter. C'eft pourquoi 1'on a établi la néceffité de 1'acceptation de la part du donataire ; elle doit être exprefle dans 1'acre même 3 a peine de nullité. II n'y avoit pas la plus légere tracé JemeXlh %  458 Affaire d'acceptation dans celui que le père Dequet avoit extorqué. Un homme malade, de la maladie dont il décède, eft incapable de donner entre-vifs j c'eft la difpofition précife des articles Z77 & z8o de la coutume de Paris. Un moribond , accablé fous les poids de la maladie, a néceflairement 1'efprit plus foible que dans un autre rems \ il a befoin des fecours de tous ceux qui l'environnent; il eft donc fans ceife expofé a la fédu&ion. On lui permet de donner par teftament; paree qu'un acre de cette nature n'a d'eftet qu'après fa mort; il n'eft donc pas dépouillé de fon bien dans 1'inftant même oü il en a le plus de befoin pour fe foulager. D'ailleurs il peut, rant qu'il eft vivant, révoquerfon teftament, & par conféquent réparer, dans des inftans de raifon, les faures que la féduéfcion pourroit lui avoir fait commettre. La donation enrre-vifs eft irrévocable; &c par conféquent fans remede. Le fieur Tardif étoit malade, quand il a écritl'aete en queftion \ il eft mort, de la même maladie, en moins de deux jours après. Encore une fois , ce n'eft donc pas une donation entre-vifs qu'il avoit faite.  des cent-un Tableaux. 459 Une donation entre-vifs ne peut pas être fecrete. Les biens qu'elle comprend peuvent être foumis a des droits appartenant a d'autres perfonnes, qui ne les réclamant point contre le donataire, courroienr rifque de les perdrepar la prefcription , ou par d'autres voies. 11 faut donc que toute donation foit infinuée; c'eft-a-dire , tranfcrire dans un regiftre public, que tout le monde peut confulter. Les ordonnances arrachent une nullité abfolue a ce défaut de fotmalité. II fe trouve dans Pafte du père Dequet: ce n'eft donc point une donation entre-vifs. Les jéfuires ouvrirent les Yeux a tant d'abfurdités mais ils ne fe déconcertèrent pas. II leur falloir les rableaux ; ils ne pouvoient faire pafter leur papier pour une donation enrre-vifs , ils fe retournèrent , & foutinrent que c'étoit une donation a caufe de mort. Que peut-on penfer d'une pareille tervige, fation} Paree qu'un afte renferme en foi des nullirés radicales , il fera permis aux jéfuires de le transformer au gré de leur inrérêt, & de le produire fous une dénomination qu'ils croiront leur devoir être plus avantageufe , quoiqu'ea. Vij  4^o Affaire effet elle n'en foit pas plus conforme a ,1'efprit des loix. Il faut être bien aveuglé par l'intérêt fordide , pour ofer demander , avec tour i'appareil de la plaidoyerie-la plus fjlemnelle , d'être autorffé a garder, a. titre de legs , un bien dont on s'eft mis ,eu poffeffion dès le vivant du défunt. Pour que cette prétention put fe foutenir , il faudroit introduire une nouvelle jurifprudence dans leroyaume , quirenversat 1'prdre de la nature, & confondit toutes les idéés j qui ouvrit les fucceffions avant le décès du propriétaire. Qui jamais a ouï-dire, & qui jamais auroit pu comprendre que 1'on put fucr céder a un homme , tant qu'on peut le compter au nombre des vivants ? Or les droirs ouverts par un teftar ment ne peuvent s'exercer que fur la fucceffion du teftateur; & il n'y a point de fucceffion du teftateur , tant qu'il yefpire. D'ailleurs l'afte en queftion n'étoit, en lui-même, rien moins qu'une donation teftamentaire. C'eft par la fubftance d'un afte qu'il faut juger l'afte même ; fit non pas par les dénominarions qu'il $>Mt aux parties de lui attribuer.  des cent-un Tableaux. dfii Le premier caraftère d'un teftament eft de n'avoir d'effet qu'après la mort dn teftateur; donc cet écrit n'étoit pas un teftament, puifqu'il avoit. eu fon effet dès le vivant du- fieur Tardïf. Les teftaments font révocables jufqu'a la mort, avant laquelle ils ne peuvent recevoir leur aceompliftement. Donc l'afte préfentépar les pères jéfuites n'étoit point un teftament , puifque le; prétendu teftateur s'y étoit irrévocablement dépouillé dès 1'inftant. Ges termes , quon peut enlever dès-d-préfent ,« bien loin de 1'annoncer comme une donation teftamentaire , juftirioient la qualihcation de donation entte-vifs » que le père Dequet lui avoit donnée, Donc le deffein de ce père , en diftant cet écrit , n'avoir pas éts d'attendre fa' mort du fieur Tardïf, pour s'approprier fes effets , & de courir les rifques de 1'incertitude d'un tefcameiit: & s'il.eüt été préfent & partie au procès, il auroitrejetté la qualification dont les pères s'étoient nouvellement avifés. C'étoit même 1'unique moyen d'éviter les reproches qu'on lui auroit fairs fur 1'infidélité avec laquelle il auroit dépouillé le fieur Tardïf, dès fon vivant, de ce qu'il n'auroit-donné qu'après fa mort-V üj.  4-61 Affaire II falloit donc s'en tenir a défendre 1'acre en queftion , comme une donation entre vifs. Mais il n'en avoit pas plus les caractères , que ceux d'un reftament. Ce n'eft pas dans l'ordonnance de 1731 qu'il faut chercher les régies qui doivenr fixer le fort de l'a&e en queftion , puifqu'il eft antérieur, de trente ans, a cette loi; c'eft dans la jurifprudence qui étoit en vigueur quand elle parut. Les auteurs avoient été jufqu'alors partagés fur la queftion de fcavoir fi une donation faite fous feing-privé , étoit valable ou non. Aucune loi n'avoit encore prefcrir la neceffité de cette formaliré; d'oü quelques aureurs concluoient qu'on pouvoit s'en difpenfer , pourvu que 1'aóte fut figné du donateur êc du donataire , êc infinué avant la mort du donateur. D'autres penfoient, au contraire , que, comme un aéte fous fignature privéen'a point de dare certaine , une donation faite dans cette forme étoit radicalement ■ nulle. En effet, donner & retenir ne vaut, eft une maxime qui, de tout tems , a été en vigueur. Or le donateur , qui ne s'engage que par un  ptopoi. 11 pou rol , P toos les qu'uiiéctltpnve,&ql>'"e'u ?„k,uu„«aa.o„perfon«Uu hypothecaires , foit que foient anténeurs , iojt qu"5. n - • » U ^re de l'mfinuation. PtX;ueï^padrdqueronveuiUe loit faire valoit étoit nul. H ne I a v e, pasfigné, il n'étoit point par-devant Ltairesiiln'étoitpasi^nue De tout tems, les donations entre vifs n'ont Héle donateur qne du jour 1 'elles ont été acceptées par le donaSre Non potefi Hberclhas noknu ad T i o S X ff- t£ donClU C eft  4^4 Affaire j*xontrat fmrWrnariqoe, q«i requierr le concours de deux volontés ; celle du £ndteur ^lufaitla libéralité ffl doiwtfre 9« 1'accepre. Jufqu'au jjgrpètft toujours changer de volonté « ^rev-oquerfonbienfait. . Les ]olx romaines fg conteRtoient •Une acceptation préfumée. C'émir une maxime générale, que celui qüi -greepar effet eftréputéavoirftfflS £t?nr°frmS& acc^ceq;.naété f Cn fa quoiqu'ÜVait conflgné ioa acceptation dans aucun z&t.Non tanl habe"P°fc,fedetiam ac \\ \^-fat«™r£mhab.& deratihabiu & ffS'rtrS ^^rifprudencejleft ^hfpenfable que- les donations foient expredement acceptées par le donataire «a perfonne Une foule darrêts ont aneanti des donations, par Ia feule rai- ionque cetteformaiité avoit été hêélgee. o Or, ni lepère Dequet,.ni perfonne, au nom du noviciat, auquel la préter>doe donation eft faite, ne 1'a acceptée. Af4fetó quelque point de vue que lonconndere 1'écrit qui fert de prétexte a 1'enlévement des tableaux , il «ftradicalement nul, &. ne peut produire aucun effet.. 1  des cent-un Tableaux. 46^ ïviais, quand le prétendu acte auroit quelque vertu par iui-même , ceux au profit defquels il étoit fait, n en pouvoient pas profiter. Les jéfuites étoient aiTujettis a' des leix particulières , qui les rendoient incapables de recueillir aucun legs univerfel. La pauvreté eft appellée, dans leurs conftitutions , le rempart de la religion ; elle leur étoit ordonnée , comme le feul moyen de préferver la fociété de la ruine ou les ordres les plus flbriflants font tombés, pour ne lui avoir pas été fidèles. On lit, a ce fujet, dans les mémoires du concile de Trente, un fait des plus finguliers. Le concile offrit aux mendians de les relever tous du vceu de pauvreté. Le génétal des ©bfervantins , Sc celui des capucins demandèrenc que leur ordre fut excepté , voulant fuivre fcrupuleufement la régie de faint ïrancois. ■ Le général des jéfuites , entraïné par lé bon exemple , demanda la même chofe pour fon ordre, alléguant que , quoique leurs colléges pullent pofféder, némmoins les maifon sprofelfes , dans lefquelles confiftoit elfentiellement fa fociété, ne ppayoiem vivre qiie d'aumo  4j66 Affaire nes. Mais, toutes réflexions faites, il fut fe rétracter dès ie lendemain ; difant qu'a la vérité , fa compagnie prétendoit vivre toujours dans la mendicité : mais qu'elle ne fe foucioit pas d'en avoir 1'honneur devant le monde , contente du mérite qu'elle auroit devant Dieu , a qui cela feroit d'autant plus agréable r que , pouvant fe fervir de la permifiiGn du concile , néanmoins elle ne s'en prévaudroit jamais» II eft donc conftant qu'ils ne devoient vivte que d'aumönes. Profcffi vivant ex eleemoJÏRÏs.. . tam in particuLari, qudm in commun: domus vel etclejxt. focictatis* Quoiqu'ils fe foient donné la licence , dans ces déclarations qu'ils ont inférées après coup dans le rexte de leurs conftitutions , d'étendre jufqu'aux noviciats les diftincfions établies entre les znaifons prefelfes & les colléges feulement; du moins ne pouvoient-ils pofféder que des chofes qui leur étoient nécellaires , ou de quelqu'utiiité (1). Quo ad hahitationcm.vel'ufum neceffariurn tis , aut valdè conveniens fuerit. Or ■éroit-il néceffaire que ies pères de la compagnie de Jéfus emportalfent tous (i) J'aurai bientöt oceafionde dêveiopper ce point des conititutions jéni.titjues.  des cent-un Tableaux. 467 les tableaux du fieur Tardif} & de quel ufage pouvoient être a leurs nonces les peinrures de Vénus, deJupuer, & de Ganimède; d'Appollon &c d'Hyacïnte , de Narciffe & ranr d'autres ?^ Mais encore, quand cerre aumone du fieur Tardif auroir éré convenable a ces religieux, c'eft de la générofité des héritiers qu'ils auroienr du 1'attendre tc la recevoir. L'obéiffance qu'ils ont vouée a leurs conftirutions ne leur auroit pas permis de fe faire un ritre de la prétendue donation } pour les citer dans aucun tribunal. Si aliquifpontefud elcc> mof nas relinquerent, nullum jus civile ad eas petendas in judicio adquiratur : fed chm ad idcharitas , propter Deum 3 eos moverit, tune eas elargiantur. Ce défaut de capacité , dans toutes les communautés de mendians, qui ne peuvent recevoir , foit par donation entre-vifs , foit par teftament, fans un eonfentement exprès de la parr du. prince, étoit encore plus fort contre les jéfuires , que conrre route autre communauté. Aflemblage de corps poliriques, fuiets d'un général ctranger , qui exergpit , dans la fociété répandue par-tout 1'univers , un gouvernement monarehique } qui s'étendoit au-deli  4&o Affaire des mers (i); i 'quel titre oferoienc* ils fe préfenter , pour dépouilier des fuiets du roi ? Ils ne -connoiflbient d'autre monarque que ce général, auqud ils vouoièntune obéiifance aveugie & fi parfaite qu'ils devoient toujours , & pour quelque caufe que ce füt, exécuter fes ordresavec promptitude, avec une joie fpiri, tuelie, &• avec perfévérance , en fe perfuadant que tout ce qu'il leur ordon«oit étoit jufte , & enrenoncant, par unecertaine obéiffance aveugle , a tour ce qu'ils auroient vu & jugé avant queIa chofe leur eüt éré commandée (i)„. (1) Adhoc, ut fecietas bene gubèrnetur, valdè expedu ut prezpofitus generalis omnern habeat autontatem: ex qua 'Mud fequitur commodi, at univerfus ordö , ad monarchicam gubemationem ^ compofitus, bene fervetur unitus, ïpfiusque mem- ■ ira per univerfum orbem difperfa , per omnimodam hanc fubordinationem Juo capitifmt cellizala. Bulla. i 591. (2) Obediëntie tam in executione , tam in vo~ luntate , tam in intdleSu fit in nobis femper omni ex parte perfeêa, cum magnd celeritate , Jp.ntualigaudio &perfeVerantid; quidquidnobis injundumfuerhobeundo, omniajufla nobis perfuadendo, omnem fententiam ac judicium , ctecd • quddam obedientid.abnegando . . . quam quidem obedienriam , omnes plurimum objervare & in m excellere Jludeant; nee folum in re bus obliga.  des cent-un Tableaux. 469 En un mot , per omnia, & in omnibus j» ils devoient lui obéir comme a JéfusChrift même : ln iiio Chriftum veiut prafentem agnofcant. Enfin le deipotifme y étoit fi abfolu (1), qu'ils ne faifoierit point de dilficulté de fe comparer a uncadavte qui fe lailfe porter & Vainer fans réfiftance , perinde ac Ji cadaver effent, & uu baton dans la main d'un vieillard , qui s'en fert quand il veut, & comme il veut , au gré de fes defirs (2). A la vue de ces engagements, qui ne torlis , fed etiam- in alïis , lick nihil aliud quamfignum voluntatis fuperioris , fine ullo expreffb figno \ideretur, ad ejus vocem , perinde ac ff.a-Chrifio domino egrederctur, qudm promptiffimifimus re qudvi,atque adeb litterd incohatd,. nee dum perfeBd reliftd. (1) Sibi quifque perfuadeat qubd fe ferri ac rxgi d divindprovidentid ,.per Juperiores fuos fine e debent ; perndè ac fi cadaver effent, quodquoquö versus ferri , & . uacumque ratione trac tari re finit,- vel fimilïler atque fenis baculus , qui ubicumque &qud.wnque in re velit eo uti qui cum mmutenet,ei infervit. Conft. foc.-pag. 6 cap. i. (2) On n'avoit alors que des idéés bien imparfaites de la toute puiffance du général :je ferai binntót voir quelle étoit fon incroyable étendue..  470 Affaire Jes cent-un 3 &c. feroit pas alarmé, difoit M. Soyer ; de 1'avidité & de rimpudence avec laquelle ils pourfuivent les biens des citoyens ! Ênfiia , après trois audiences , de deux heures chacune , les révérends pères jéfuites, du noviciat, furent condamnés a reftituet les tableaux, a. payer la valeur de ceux qu'ils difoient avoir étéégarés, & aux dépens. Ce jugement eft du 9 aoüt 1719. 11 n'y eut point d'appel.  471 ♦AFFAIRE DU S I E U R GRILLET. On a va, dans le rédt de l'hiftoire des cent-un tableaux , que M. Soyer défenfeur des héritiers du fieur Tardif, avoit rapporté deux fairs qui prouvent combien les jéfuites étoient avides de fuccelfions. L'un eft celui XAmbroife Guys; & 1'autre eft encore un exploit du père Dequet. Le voici : _ Le fieur Grillet étoit origmaire d Orléans : il fixa fon féjour i Nantes , après £voir fait , aux dies, une fortune alfez confidérable. Le firn Dequet étoit alors, en cette ville , diiecteur de la rerraite. 11 aimoit alfez a faire connoiflance avec les eens qui paffoient pour riches : il fit celle du fieur Grillet. C'étoit un homme fimple & facile 5 il fit, a fon directeur , la confidence de 1'heureux fuccès de fes voyages, & du petit ttéfor qu'il avoit avec lui. t . Le père Dequet jugea , par ce rccit, que celui qui le faifoit avoit une vocation des plus marquces pour la compagnie de Jefus. On n'admettoit, dans  472 Affaire du fieur Grillet. cette fociété, que des-fujets qui puffent lui être utiles par leurs talents : mais les foixante mille livres , dontle coffre du fieur Grillet étoit rempli , lui tenoient Üeu des talents. & des qualités de 1'efprit dont il étoit réellement dépourvu. On crut donc pouvoir lfas«sré^ ger. Mais il mourut dans la maiforTdes jéfuites de Nantes , en 1713 , avanc d'avoir pris 1'habit. Sa fille, inftruite de tout ce qui s'étoic paifé, fe préfema pour recueillir fa fucceffion : mais le père Dequet éroit trop fcrupuleux pourlui révéler laconfidence que le fieur Grillet lui avoit faite; & facompagnie trop difcrette pour lui déeouvrir le fecret du père Dequet. Elle fut donc obligée de procéder eriminellement contre la fociété. Elle' foutint qu'on avoirabufé de i'état dans lequel le fieur Grillet étoit alors ; hc en, effet, il avoitété déciaréfoible d'efprir, par jugement rendu en la prévóté de Nantes. En conféquence , elle obtint permilfion d'informer, & de faire publier desmonitoires. Plufieurs témoins avoient déjadépofé en faveur dela fille; & Paffaire étoit appointée , lorfque le père Guimont , vifiteur, fut député de la compagnie pour porter des paroles  Affaire dufieur Grillet. 47j de paix & d'accommodement. Le père Dequet, fuivant fa prudence ordinaire , avoit prévenu 1'interrogatoire 3 en fe faifant reléguer dans une autre province. La fille étoit dans une indigence extréme •, on lui offroit dix mille livres en argent, & trois mille livres en autres effets; & elle fut enfin obligée de tranfiger avec les pères a telles conditions qu'ils voulurentlui impofer. Les jéfuites fe confiant fur 1'exactitude de ceux qu'on avoir chargés de fupprimer toutes les pièces du procès , lors de la tranfaction avec 1'héririère du fieur Grillet, nierent, dans 1'affaire des tableaux , qu'on eüt jamais entendu parler dans la fociété , ni de Grillet, ni de fes richeffes. Mais, quelques foins qu'ils euffent apporrés pour en brer la connoiffimce au public, il en étoit encore refté des monuments authentiques que M- Soyer remir enrre les mains de meffieurs les gens du roi; & ils éroient afiez inftrucrifs, pour que la fimple lec* ture convainquir de la modérarion avec laquelle cet avocat avoit rapporté les •faits qui y étoient contenus,  474 Hifloire du teftament HISTOIRE DU teftament de M. Germain de Saint - Genys. Queiques jours avant le jugement des cent-un tableaux, les jéfuites avoient perdu, alagrand'chambre du parlement de Patis , un proces de même efpèce. II s'agilfoit de foixante-dix-neuf mille livres léguées a tous leurs colléges de France , par M. Germain de SaintGenys , dccédé a Rome le 30 janvier l711' Le teftateur , qui étoit frangois , 5c qui demeuroir a Rome depuis quaranre ans , avoir formé, avec les jéfuites, des Kaifons fort étroites. 11 avoit, en France, des rentes dont il avoit fait folliciter long-tems le rembourfemenr, afin d'avoir la confolation de faire lui-mème fon préfenr aux jéfuires de Rome. II ordonna , par fon teftament, que « fon „ corps füt porté & expofé dans Péglife „ Del-Giéfu , avec la pompe & le dcco» rum convenables a fon état, & enterré m dans la fépulture des bienfaireurs de m la fociété ».  de M. Germain deS. Genys. 47^ Par le même teftament, il nommoit les jéfuites de France légataires de toutes fes rentes , Sc avoit eu loin ce leur ïndiquer , avec beaucoup dart, que ce legs, au fond , n'étoit pas pour eux, mais pour les pères de Rome , qui n'auroient pas éré capables de le recevoir directement. M. le chevalier de Conflant, M. Fumée , lieurenanr-général de Chatellerault, & la dame fon époufe , héritiers légitimes de M. de Saint Genys , avoient déja obfenu une fentence des requêtes du palais, le 15 mars 1713 , qui, après une plaidoyerie de fept audiences , « déJaroit le teftament nul &c » de nul effet , déboutoit les légataires j» de leur demande en délivrance, Sc i> les condamnoir aux dépens ». Les jéfuires des cinq provinces de France , s'éroient rendu appellants de certe fenrence a la grand'chambre , ou l'affaire avoit été appointée. Elle fut terminéeparun arrêt déhnitif prononcé dans les premiers jours du mois d'aoüt 1729 , qui confirma la fentence des re quêtes du palais. Fin du dou^ième Volume.