VERZAMELING W. H. SUKIXGAR  CAUSES CÉLÉBRE& E T INTERES S. ANTE-S^,   CAUSES CELÈBRES E T INTÉRESSANTER A VE C LES JUGEiÖ^ QUI LES ONT DE^Ê^Sf ^^ Rédlgées de nouveau par M. R i c jf ^M^^^tn Avocat au Parlement. TOME T R E I 2 IÈME, A AMSTERDAM. Chez Michil Rhey. I777-  e Z T VI A 2 ?• 3 H a TM I Et f& trouvent a Paris 3 cKe% , la. veuve Savoie , rue S. Jacques,r|- Le Ceerc, Quai des Anguftins. HUMBLOT, rue Saint-Jacques. Cellot, Imprimeur, rue Dauphine;. • La veuve Desaint , rue dïi ïoln. Durand, neveu, rue. Galande; iNYON, rue Saint-Jeaa-de-Beauvais,. Delalain , rue de la Comédie Fran^sife.. Moutard , Quai des AuguftiHS*. Sailly, Quai des Aüguüins..  CAUSES CÉLEBRES E T INTÉRE SS ANTES, Avec les jugemens qui les ont décidées* * PROCÉS DES JÉSUITES, a Voccajion de leur commerce. De routes les affaires défagréables que les jéiuites ont efluyées pendant qu'ils exiftoient , il n'en eft point qui ait eu des fuites plus facheufes pour la fociété,que celle dont 011 fe propofe ici de rendre compte. Un des membres de cette compagnie , qui jouilïbit de la répueation d'être un des plus fenfés, des plus fcavants & des plus grandg fujets de 1'ordre , ne fit pas difficulté Tome XIII, A  z Procés des Jèfuites , de dire publiquement que la cataftrophe qu'ils avoient éprouvée en Portugal, quelque terrible , & quelqu'afFreufe qu'elle eüt été j de quelque opprobre que les eüt couverts leur expulfion de routes les contrées de la dominarion portugaife j quelque grand que fut ie dommage qu'ils en avoient refïenti , tout cela n'eft rien , en comparaifon du coup de foudre écrafant que leur portèrent lesarrèts du parlement de Paris. Le tribunal de l'Inconfidence en Portugal avoit mis au grand jour une doctrine horrible pratiquée par différents membres de la fociété. Cette pratique influoit bien fur le corps en généralj mais on ne pouvoit pas cependanr , avec juftice , la lui imputer entièrement, puifqu'il n'y avoit que certains particuliers qui en avoient été reconnus coupables , 8c qui en avoient cté duement atteints & convaincus, Mais il en eft bien autrement des srrêts du parlement. Pendant qu'on inftruifoit juridiquetnent 1'affaire dont on va pariet , il parut plufieurs mémoires imprimés , avoués & fignés par les avocats qui leg avoient compofés. La défenfe des parties auxquelles ils prêtoient leur miniftèce , les obligea de pénétrer.  aPoccafïondeleurcommerce. 3 dans les ftatuts de la fociété , 8c d'en dévoiler les myftères. a C'eft la confti» tution de la fociété des Jéfuites que » nous allons développer , difoient Mrs Rouhctte &z Target , dans un tnéinoire qui parut fous leurnom. «C'eft *> larèglede leur adminiftration qui va » paroitre fous les yeux du magiftrac n & du public. » Cette règle ne fut pas faite pour s> être connue , elle fe condamna elle» même , en nailfimt, au myftère le » plus impénétrable (1) j & elle feroit " encore enfevelie dans fa première s> obfcurité , fi la vigilance du corps le » plus attentif 1 fes intéréts, pouvoit (1) Non opfortebh conjlitution.es univerfas J 'eb üs qui novi accedunt , legi ; fed compendium quodiam agi, Declarat. in exam cap. I, litt, G. Voici comment M. 1'avocat-général Joly de Tleury , aujourd'hui préfident du parlement, a parlé de ce inyflère , dans le compte qu'il a rendu aux chambres affemblées au commencement de juiller 1761. « Que perr » fonne ne parle aux externes de ce qui s'efr. » fait, ou de ce qui doit fe faire dans 1'inté» rieur de la maifon , fi ce n'eft avec Fagréy> ment du fupérieur. Qu'on ne leur commuvi nique point les conftitutions ou les autres i> livres & écrits qui y ont rapport , qui » traitent de 1'inftitut, ou qui renferment A ij  a Procés des Jèfuhes , >7ne pas fe rela;her, quelques inftanrs., „ pendaat le cours de deux hecles. Le „ fceau eft rompu ; le fecrer eft revc e » depuis long-rems ; mais c'eft ici la M première fois qu'ü fe découvre tour „ entier i la face des tribunaux ; Sc la . H cour , donr 1'auroriré feule pouvoic „ rendre légitimes les principes de „ 1'inftitut , ne commencera que d au„ jourd'hui aconno'itre le fyfteme de ce „ Uuvernemenr auffi vrai qu'mcroya„ ble , qui a toujours fui fes rcgards ». Cerre efpèce de dénoncianon hxa l'attention de M. 1'abbé Chauvclin , confeülei au parlement, qui la porra auxchambres affemblées , ie 17 aval 1761. * é 1-s Wivilètses accordés a la fociété, fans Ie SS, expres du fupérieu, R^d* » communes , refda $ , ^ * , P- 77--« „ II ne taut pas permettre la lecture oe t " J « les conftitutions a ceux qui lont -lWient admis dans la iociete ; on *£?2 ra?eukmènt en ma, quelqua■ v/-f'de ces conftitutions , dans lequel ; ch^Se parn" lier pourra ïinftruire de fes j q :/ t e („oérieur pourra cependant ac" deT Va k&«2 touus les conftitutions ÏSSJISS lejagei propos, &Pour de^aifons Pavticdiètes. ^^onesu. in cav 1, §• non appdrtebit ,v. 34- » JLkt un inftitut dont cn tait , W ec BW r foajilc , un myftère a ceux memes qui W vént fous ion empire !  al'occafwnde leur commerce. y Le tableau raccourci de eet inftirur, qu il mit fous les yeux de la cour , fit rendre , le même jour, 1'arrêr qui ordonna que les jéfuites feroient tenus de remettre, dans trois jours, au greffe civil de la cour un exemplaire imprimé des conftitutions de la fociété des jéfuites, notamment de 1 edition faite a Prague en 1757. Nul prétexte ne pouvoit les fo&ftraire a 1'exécution de eet arrêt ; puifque , dans un rnémoire a confulter & une confulration imprimée pour eux, on avoit cité des paffages de leurs conftitutions tirés de 1'édition même qu'on leur demandoit. Il étoit donc conftant qu'ils en avoient au inoins' un êxempfaire. 11 étoit fort aifé , fans doute , d'en faire venir un exemplaire de Prague, ou même d'en trouver un dans Paris. Mais , en faifant remettre par les jéfuites mêmes , leurs propres conftitutions , ils ne pouvoient plus dire , comuie ils 1'avoient fouvent fait , en pareil cas, que c'étoit un livre fnppofe* & fair par leurs ennemis. Or les différents reproches que 1'on peut faire a ces conftitutions, qui furent relevés par les geus du roi, par Ie A üj  6 _ ProceSfdes Jéfuites, confeiller dénonciateur , &'par les arrêrs rendus a certe occafion , n'étoient pas des vices ou des pratiques de certains particuliers de 1'ordre : c'éroit des vices folemnellement contradfs par touc i'ordre entier , qui les avoit concus & rédigés par écrit , pour les faire journellement mettre en pratique par tous les membres. La découverte de ces vices revoltants qui fe trouvèrent dans les conftitutions de eet ordre , lui porta donc uu coup bien plus foudroyant que route la procédure faire a Lisbonne , contre plufieurs de fes membres, puifqu'elle" la conduifit a fa deftruction rotale, L'injufticeque les chefs voulurent exercer contre les créanciers de la fociété révolta la juftice, fur-tout quand elle en trouva les motifs dans les loix qui la regifioient -y &c tout le crédit, toute 1'activité , roures les intrigues &: rous les fophifmes de fes membres ne purenr empêcher de voir le danger réel qu'il y avoit pour I'ordre focial & politique , de laiffer fubfifter un corps donr les combinaifons pouvoienr devenir ii funeftes aux princes Sc a leun fujets. Le père de la Valette, jéfuite"profes, fut envoyé , par fes fupérieurs , en  a l'occafion de leur commerce. 7 I743 , a la Martinique, en qualité de curé du Carbet , petite paroilTe fituée a une lieue de la ville de Saint-Pierre. Le P. de la Vaktte étoit un homme. rare. Ainfi Pa défini le P. de Sacy dans une de fes lettres , dont on aura occafion de parler dans la fuite. Tous eeuX qui 1'ont connu , les créanciers mem es , a qui leur confiance en lui a été fi funefte , s'accordent a reconnoïtre que perfonne ne pofieda a un plus haut degré les talents de 1'efprit , & eet extérieur qui perfuade & qui attaché. Les qualités de ce jéfuite éroient trop eclatantes, pour que fes fupérieurs tardaffent a s'appercevoir qu'il pouveit être employé plus utilement pour la fociété , qu'il ne 1'étoit i Pinftruction évangélique des ames d'un petit canton tel que le Carbet. Les jéfuites étoieiot peu riches dans cette partie du nouveau monde; cette médiocrité répugnoit a 1'efprit dominant de cette compagnie. Elle rendit au P. de la Valtae la juftice de le croire capable de lui donner , dans ces cantons, le luftre dont elle brilloit partout ailieurs , & d'augmenter le nombre des canaux par oü découloient ces richefles inimenfes qu'elle fcavoit »mAiv  8 Procés des Jéfuites , ployer a propos pour arriver a fes fins. L'arr de perfuader , que pofledoit le P. de la Valette , s'étoit fait connoitre dans fon adminiftration fpirituelle du Carbet. Oa voulut eflayer fes talents pour 1'adminiftrarion remporelle. La maifon de Saint-Pierre eft comme le cenrre des miilions des Mes francoifes du Vent en Amérique. On le fir procureur de cerre maifon. Les fupérieurs connurenr bientór qu'il éroit fait pour remplir leurs vues: la parrie importanre du commerce lui fur confiée fous le titrede fupérieur géneral, & préfet apqftolique des mijjions aux IJles du Fint. Les fuccès répondirenr aux vceux de la fociéré. On vir , en même tems , Ie P. de la Valette couvrir les terres de la Dominique d'une multitudede nègres, conftruire affez de maifons dans la ville de Sainr-Pierre , pour en former les plus belles rues, & charger des vaifleaux enriers des produclions de rille. Une forrune fi fubite Sc fi énorme fut portee au dernier période , Sc en très-peu d'années , fans argent, fans fonds, Sc avec les deniers d'autrui. Voici le plan fieureux qui le conduifir rapidemene au bur qu'il s'étoit propofé. Ce plan eft fans doure peu honorable pour un re-  a toccafion de leur commerce'. cj ligieux j mais il eft digne du négociant le plus habile. On fcair que 1'argenr de France a cours a la Martinique fut le pied d'une moitié de plus que parmi nous \ ainfi norre écu de 6 livres y vaur 9 livres. Par cette raifon, il n'étoit point d'infulaires qui fiiïent paffer leurs fonds en France, foit en argent, foit en papier. Ils ne faifoient pas pafler d'argent , puifqu'une fomme qui leur auroit tenu lieu, parexemple, de 9000 livres dans le pays , n'auroit plus valu que 6000 livres en France. II y avoit donc évidemment un tïers de perte , en faifant tranfporrer les efpèces. Ils n'eufient pas non-plus trouvé de papiers fur le royaume , paree qu'on ne peur rirer des lettres-de-change que fur un debiteur : or, fuivanr les principes du commerce & de la p^Iirique, la métropole, c'eft-a-dire , 1 erar qui a fondé la colonie, doir roujours êrre créancier de cette même colonie. Quel ufage les Infulaires faifoientils donc de leurs deniers ? Ils les convertiifcient en des produétions de 1'iile ^ & envoyoient ces denrées en France , pour y êrre vendues. Ce négoce leur Gaufoic moins de perte, que n'aurok A v  i o Procés des Jéfiutes, fair Penvoi des efpèces momioyées. Ife. fouffroient cependant toujours un préie valoienr que 4000 livres, 11 les e.mployoir en fucre Sc en café qui, rendus en Europe , ne lui produifoient pasles 6000 liyres qu'il avoit recus, mais' aulli qui ne perdoienr que 20 pour eenr; ainfi fes 6000 livres ne lui don-noient en France , que 4800 livFes.Oh convertifloit cette fomme en pièces d'or de Portugal , dont chacune lui étoit comptée pour 41 livres ; Sc otï les lui enyoyoit. II recevoit donc 11-7" A-vf  11 Proces des Jéfuites , piè:es d'or de Portugal pour fes 4800 livres , & 3 livres par-dela. Arrivées a la Marrinique , ces pièces d'or secues chacune a 41 livres valoienr 66 livres; ainliles 117 lui donnoienr 7722 livres, qui, avec les 5 livres d'excédant dont on vient de parier , formoient un total de 7725 livres. Le réfultat de fon opérarion étoit donc que, pour payer les 6000 livres qu'il avoit recues originairement , Sc dont il étoit débiteur , il avoir 7725 livres , Sc que , par conféquenr, il gagnoit 1725 livres. Teléroir le pront qu'il faifoir fur im premier envoi. Mais quatre mois fuflifenr pour la rraire des marchandifes de ia Marrinique en France , & pour le retour des monnoies de Portugal. Suppoions qu'il en employat iix au lieu de quatre ; il faifoir donc, au moins, deuxenveis par an , fur chacon dequels il proiiroir de 1725 livres. Les lettresde - change qu'il avoir tirées n'ctant payables qu'a deux ou trois ans , il faiioit, avant leur échéance , quatre ou fix envois avec lè même argent qui lui avoit é:e remis , pour le faire palier en France. II gagnoit donc quatre ou fix tjis 1725 livres fur les 6000 livres qui lai avoient été confiées;e'eu:-a-dire que, quand Ia lettre-de-change étoit a  d Voccafion de leur commcrce. r 5 deux ans d'échéance, il gagnoit 6900livres, & quand elle étoit a 3 ans , le profit montoit a 103 50 livres j ce qui eft , a 1'égard de la première , 11  a toccafion de leur commerce r $ eolonies francoifes , il ne fe fit poinc un fcrupule d'en devenir le plus grand terrien. Ce qu'il po-uedoit dans la Dominique forme une efpace de plus de trois lieues de long fur une lieue de large. Pour culriver une habitation au Ui confidérable , le P. de la Valette avoit. befoin d'un très-grand nombre de nègres : mais ilfouhaitoit les avoir au plus. bas prix qu'il fut pofïïble. Les lettres patentes en forme d'édit du mois d'octobre 1717, titres 2 8c 3 , défendentai. tous habitants des eolonies de faire aucun commerce de nègres avec l'é> tranger , fous peine de mille livres d'amende 8c de trois ans de galères. Cependant ontrouve, dansles eolonies angloifes, des efclaves qui s'achettent a. beaucoup plus bas prix que dans les notres. Les loix de 1'état, la peine des galères , rien n-'arrête le jéfuite dans. fes projets. II fe déguife en flibuftier s'embarque a la Dominique fur unefquif, pafle a la Barbade , ille qui appartient aux Anglois: ily fait, enfraudej,', Pemplette de 500 nègres , qu'il place, fur fon habitation de la grande Baye. II y éleva enfuite un batiment im^ menfe, pour y faire travailler le ma~ saioc , & y reeueillir le café & le ca-  16 Procés des Jéfuites, cao , &c même pour y fabriquer des fucres , lorfqu'il fera permis d'y établir des fucreries ; car la Dominique eft encore neutre & contenrieufe enrre la Franee & 1'Angleterre; ce qui empêche d'y établir des fucreries. Ce batiment lui coiita plus de cent mille écus , non compris les travaux gratuits de fes nègres. Le P. de la Valette alloit commencer a jouir du fruit de fes travaux, lorfqu'il fe forma, en France , un orage contre lui. Le petit voyage a la Barbade avoir percé: le P. de la Valette eft un perfonnage rrop tonfidérable a la Marrinique , pour qu'on ne cherche pas a fcavoir ce qu'il eft devenu , lorfqu'il difparoir. Quelques perfonnes 1'avoient même reconnu a la Barbade fous fon déguifement. On en porta des plaintes en cour. D'un autre cóté , fon commerce prodigieux devenoit a la fin un commerce exclufif. Les colons de la Marrinique , les négocianrs francois en louffroient égalemenr. L'appas du bénéfice qu'offroir ce m/JJionnaire a. quiconque avoir que'qu'argenr, faifoit verfer dans fa caiQe roures les efpèces de la colonie. Avant lui r la circularion de la monnoie facilitoit le débit des pr©-  a F occafion de leur commerce. 17 duótions de la Marrinique , & cetre confommarion faifoir valoir 1'importation des denrées de France- Tour cec inrcrêt refpeétif étoit ruiné par les opérarions du jéfuite entreprenanr. Les denrées n'éroienr plus vendues \ ou du moins, feul poflTefleur de 1'efpèce numéraire j il pouvoit feul les acheter , & y mettre le prix a fon gré: ainfi il lui étoit facile de commettre le rnonopole le plus dangereux. On murmura; les murmures éclatèrent bientót •. ies plainres furenr porrées jufqu'au rröne. Le miniftère en fir part au P. de Sacy , procureur - géneral des mifjimns aux ijles du Vent , & réfidant en la maifon profelTe de Paris. Celuici convint,avec candeur, qti'il étoit déja inftruir de la conduire du P. de Ja Valette , & des plainres qu'elle excitoit; que ces plaintes éroienr juftes, & que cette conduite pouvoit avoir les plus dangereufes conféquences; il s'engagea , comme fupérieur, d'y pourvoir efficacement; & paria d'un ton a ne pas laiffer douter que le remède qu'il méditoit étoit le rappel du P. de la Valette en France. Cependant il s'écoula deux années entières , fans que le P. de la Valette fut déplacé , & fans que fon com-  18 Procés des Je fuites, merce füt interrompu. Le P. de Sacy, ce religieux qui s'étoit engagé avec le miniftère a rappeller fon confrère ; qui avoir blamé hautement fon commerce, qui en avoir fenti avec douleur les funeftes effets, devint fon correfpondant. C'étoit a lui que le miffïonnaire rendoit compte de toutes fes opérations, & de fes envois: c'étoit fur lui que toutes les lettres-de-change étoient tirées; c'étoit lui qui les acceptoit a la préfentation , & les acquittoit a Péchéance. Le gouvernement ignoroit ce détail intérieur & perfonnel au P. de Sacy : mais il ne pouvoir ignorer que le P. de la Valette réfidoit toujours a Ia Marrinique, 5a y augmentoit fon commerce de jour en jour. L'autorité royale févit enfin. Un ordre fur expédié au mois de juillet 1753, & adreflé a M. de Bompart, gouverrieur-géneral des ifies du Venr, pour faire repaffer le P. de la Valette en France ; avec injonction de luiépargner le défagrément d'un rappel éclatant. Tels étoient encore alors les ménagemenrs que Pon avoit pour les jéfuites. On craignoit de morrifier un fujer qui éroir fur le poinr de ruiner tous les habitanrs d'une colonie entière, en faifant paüer leur commerce & leurs  ct i" occafion de leur commerce. 19 fonds dans les mains de fa compagnie. On enjoignit a M. de Botnpart de prévenir le fupérieur de la miiïion , afin qu'il fit partir le P. de la Valeite fous tel prétexte qu il jugeroit a propos. Le P. de Sacy Sc fes confrères en France mirent teut en mouvement , Sc employèrent tout leur crédit gour faire révoquer ces ordres ; mais inutilemenr. Ne pouvant en obtenir la révocation , ils prirent des mefures pour les éluder. M. de Bom-art ne pouvoit, aux termes de fes inftructions , faire partir le P. de la Valette que par la voie de fon fupérieur. Les jéfuites prirent le parti de le fouftraire a toute fubordination religieufe dans les ifles, en le nommant lui-même fupérieur - général des miffions des ifles du Vent: en forte que le gouverneur fe vit dans 1'impoffibilité d'exécuter fes ordres , n'ayant plus , fous fa main , de fupérieur auquel il püt les intimer; & il lui étoit défendu de les mettre a exécution fur Ie P. dz la Valette direétement. Ce trait hardi, pour ne rien dire de plus , détermina la cour a ne plus garder de ménagements, On en voie , par différents ports , des ordres directs. Le P. de la Valette en fut prévenu par fes fupérieurs} qui lui oxdonnèreiit de  2.0 Proces des Jéfuites , partir dès qu'ils lui feroienr norifics. II apprend donc 5c fon rappel, & la caufe qui Ie lui avoit mérité. II fe difpofe a s'embarquer. On préfume qu'il va du moins fufpendre fon commerce. Non -y dans ce moment même , il fait de nouvelles traites , il multiplie les nègres dans fes habirations; 5c charge du foin de gérer la miffion , pendant fon abfence , les fieurs Coen 5c Cautïer, 1'un Juif, 5c 1'autre Proteftanr. II adrelfe a Marfeille , aux lieurs Lioncy frères , 5c au fieur Gouffre , tous les trois afïociés , le connoifTement d'une cargaifon. II leur marqué d'acheter , & de charger , pour fon compre , deux vailTeaux, de prendre une parrie de leur rembourfenaent chez les P. P. de Sacy 5c Forejlier , I'un procureur-général , 5c 1'autre provincial; d'adreffer ces deux navires au Juif qui le repréfentoit dans la miffion , &qui leleur renverroit chargé de fucre &c de café. Toures ces difpofitions faites , il s'embarque. Les ordres envoyés par le P. de la Valette a. fescorrefpondants le précédent eh France. Ceux-ci achetèrent un vaiffeau de 30 canons , qui fut nommé la Reine des anges , Sc qu'ils chargèrent de roures forres de provifions Sc de marchandifes. lis le firenc précéder par  a t occafion de leur commerce. z i le navire le Saint-Pierre, qui fut encore chargé en plein pour le compre du miilionnaire.Tousces arrangements furenc faits fous les yeux des P. P.de Sacy SC Forefuer , qui comprerent les fonds que le P. de la Valette avoit annoncés. , Cependantfesfupeneurs, les memes qui furveilloienr les envois que les fieurs Lioncy frères, Sc Gouffte preparoienr l Marfeille , les mêmes qui en fournüToicnt les fonds en parne , norifièrentalacour les ordres qu'ils avoient expédiés au P. de la Valet;e pout fon retour . Sc lacelTation de tout commerce. llsfirentvaloir fa foumiffion. II étoit parti au premier mor, quoique fa prefei^e fut d'une nécefiiré indilpenlable a % Marrinique. La religion alioit y périr , faute d'un ouvrier infatigable. 11 n'avoit fait la conquête des terres de la Dominique, que pour parvenir plus facilement a la converfion des Caraybes qui 1'habitent; les maifons qu'il avoit fait élever ï Saint Pierre , éroienr 1'ornemenr de la capitale , & procuroient la commodité des citoyens: pour fes lettres-de change , elles n'avoie.:r ere tirées qua proporrion de 1'abondance des récoltes de la miffion.  Zt Proces des Jéfuites , C'eft ainfi qu'on difpofoit les efprits a recevoir le P. de la Valette. 11 arrivé; Scdébarqueau Havre-de-Grace, d'ou il fe rend a Paris dans une chaife de pofte , précédé d'un noir & d'un laquais francois , £r fuivi d'un aurre efclave noir. II eft accueilli a la maifon profeife comme un bienfaireur illuftre, comme un fondateur de la puifTance de la fociété aux ifles du Vent. On le préfente a Verfailles; 1 eclat de fa réputation 1'y accompagne ; tout le crédit de fon ordre 1'y foutient. Malgré tant d'avantages, malgré les inftances, les prières , les mouvements de tous les jéfuites & des protections les plus affecbionnées & les plus puiffantes , une année entièrefe pafia , fans qu'il put obtenir fon pardon. II 1'ob^jnt enfin. On lui permit de retourner en Amérique ; & encore quelle en fut la condition ? On obligea le P. de la Valette a donner la promefle la plus formelle qu'il ne s'occuperoit plus directement ni indirecrement de quelqu'efpèce de commerce quece fut. On exigea , du P. de Sacy, les mêmes alfurances , qui furent ratifiées par les fupérieurs majeurs. Sil'on en croit les jéfuites, dans un  a. ? occafion de leur commerce. % 3 rnémoire a confulterqu'ils firentirnprimer, lors de la conteftation dont il s'agit ici, I'ordre du roi avoit été furpris fur des délations obfcures & faufles j les commandants de 1'ifle avoient offert d'écrire en cour pour la juftification du P. de la Valettey les faits avoient été vérifiés , & c'étoit fur la certitude acquife que le commerce imputé a ce religieux n'avoit rien de réel , qu'011 lui avoit permis d'aller reprendre fes fonótions. Ainfi s eet événement humiliant pour les jéfuites , ils fcurent ie toumer a. leur g'loire. •■Nous répondons, dit M./tf Gouve',qui » plaidoit contre ces pères, qu'ils en ont »> impofé dans leur rnémoire , & nous » le difons avectoute la fermeté qu'au»> torife la vérité. Nous admirons même 5) que, dans un ouvrage public , fur un » fait éclatant , ils aient été affez imj> prudents pour chercher a tromper la » juftice. Les faits fe font paffés, cons> tinue-t-il , tels que je viens de les » expliquer, je puis 1'affurer. II en ré» fulte donc que le commerce n'apoint » été nié pour lors , qu'au contraire il »> a été avéré ; que le P. de la Valette\ » en a été convaincu , qu'il n'a du en-, o fin la réyocauon de I'ordre doncé  24 Proces des Jéfuites, s> contre lui qu'a 1'engagernent que lui » & fes fupérieurs ont contraété de 35 mettre fin a. un trafic aulfi contraire » a 1'intérêt de 1 etat, que fcandaleux s» pour la religion ». Le P. de la Valette obtint donc la permiffion de retourner a fa mijjion, fur la parole la plus pofitive de changcr de conduite. Le miniftère en fit donner avis au gouverneur & a 1'intendant de la Marrinique, qui furent chargés très-expreflement de veiller a ce que ce religieux tint les paroles qu'il avoit données. Sous prétexte d'acquitter les engagemenrs conrraétés par le P. de la V alette dans un commerce qu'il falloit abaudonner, les jéfuires obrinrent un arrêt du confeil qui leur permettoir d'emprunrer 600000 livres. Cet arrêt ne put êrre revêru de lertres-patentes, paree que le fervice étant alors interrompu au parlement , 1'enregiftrement n'en étoit pas poiiible. Peu de gens eurent confiance dans un emprunr qui n'éroit pas fuffifammenr aurorifé ; &C 1'on ne put ramaflër quequarante mille écus. Cetemprunt, dont 1'objet avoué étoit de remplacet un commerce qu'on alloit quitter  a Toccajion de leur commerce. -Q,^ quitter , étoit fait vérirablemenr pour le foutenir. Les fieurs Lloncy frères, & Goujfre en devoient toucher une parrie, pour fe remplir des avances qu'ils avoienr faites pour les derniers envois qu'on leur avoit demandés. Le peu de fuccès de 1'emprunt les inquiéta : ils envoyèrent a Paris un de leurs commis , qui fut recu, par les révérends pères, avec les démonftrations les plus affectueufes. On lui fir voir rimpoilibiliré d'effectuer a Paris 1'emprunr projerré: mais, en mème-tems, on lui fit voir les moyens que 1'on employoit , pour trouver des fonds en Angleterre. Ces moyens produifirent en efFet un emprunt de 200000 livres. On en fit toucher une partie aux fieurs Lioncy & Gouffre, qui fe virent en ctat de faire face aux engagtments qu'ils avoient contraétés. Dans Ie même tems , il arriva an P. de la Valette une avanture qui eüt déconcerté tout autre que lui. Mais, fupérieur a tous les cvénements, il trouva une nouvelle reilource a fes fuccès dans ce qui devoit lui caufer un naufrage irréparable. Il avoir tiré , de la Ma Le P. de la Valette étoit un homme fi exaét, & fur la parole de qui on n'avoit jamais compté en vain ! Les fieurs Lioncy frères & Gouffre fe chargèrenr donc d'acquirter cette fomme ; Sc le P. de la Valette en avernc le fieur Kervegan, par une lettre du 10 janvier 17 5 <,. Les fieurs Lioncy, de leur cöté , mandèrent Sc au P. de Sacy , Sc au P. De/marets qu'ils fe chargeoient d'aliurer cette fomme, au moyen de la promefle qui leur avoit été faite par le P. de la Valette, quils auroient la correfpondance de la miffion du Cap. Le P. de Sacy leur répondit, le 28 février 175 5 , qu'il avoit déja écrit deux fois au fupérieur de Saint-Domingue de leur envoyer fes fucres: vous lui rende% , leur dit il, un ajfe^ grand fervice pour qu'il n'y manque pas. En forte que ce n'étoit point un ordre qu'il avoit envoyé ; c'étoit une fimple invitation , dont le fuccès étoit attaché a la reconnoifTance que le P. De/marets devoit avoir du fervice qui lui étoit réndu. On a découvert, depuis , que le P. de Sacy avoit un incérêt a la chofe. II  32. _ Procés des Jéfuites s'étoit rendu caution de ces 30000 & vres envers le fieur de Kervegan j en forte que toutecette négociation n'étoit autrechofequ'un manége concertéentre les ttois jéfuites , pour faire payer aux fieurs Lioncy Sc Goufire une dette de dix mille écus , a laquelle ces trois religieux étoient obligés. Le fieur de Kervegan, fur 1'avis qu'il avoit reen du P. de la Valette, envoie aux fieurs Lioncy Sc Goujfre cinq lettres* de-change de 6000 livres chacune , en leur marquant qu'il les leur envoie en exécution de la lettre du P. de la Valette du 20 janvier , & des ordres donnés en confequence par le P. de Sacy a la miilion du Cap de leur enveyer fes fucres. Ce n'étoit donc qu'a cette condition que ces négociants avoient allure les 30000 livres. II ajoute qu'il a tiré ces lettres pavables en mai, juin , juillet, aoüt Sc feptembre , de facon , ditil , que j'aurai encore de vos lettres, quand vous recevre^ les fucres; car ces pères om du commencer d rouler en fin de janvier. Actirés par tant d'amorces , ils acceptent les lettres du fieur de Kervegan , en font part au P. de Sacy, & lui manden t qu'ils comptent fur les fucres du P. Defrna, éts.  a t occafion de leur commerce. 33 Le P. de Sacy répond , le 8 avril ; il s'épanche en remerciements du fervice lïgnalé quils rendent a la miflion du Cap : il ajoute qu'il a écrit plufieurs fois au milfionnaire de ce canton de leur envoyer fes denrées: mais dit-il, fapf rekende fort quelles ne foient pas en uüffi grande abondance qu'il feroit a fouh liter. Quelque tems après , ils recurent une réponfe du P. Defmarêts, datée du Cap , le 29 mars 1755» dans laquelle, après les plus grands remerciemenrs , les proreftations les plus vives de reconnoiflance , Sc de defir d'abliger fes bienfa teurs , il dit vaguement qu'il profitera de la première occafion pour leur faire tenir les fonds néceffaires en fucre Sc en indigo , pour les rembourfer de leurs avances. Quant a la correfpondance promife , Sc fous lappas de laquelle ils avoient bien voulu conrracler ^engagement des 30000 livres , il leur marqué qu'il trouve la propofttion irès-convenable; mais pour le prcfent, il a quelques dettes trop preiïees a acquirter pour déranger fes correfpondances aciuelles. Lorfque les pères de Sacy & Defmarêts écrivoient ainfi , ils éroient bien sürs que 1'engagement étoit contraélé B v  34 Procés des Jéfuites Jftt les fieurs Lioncy j & qu'on ne deyoit plus apprehender de les indifpofer i eet égard, Nonfeulement Pengagernent étoit contraefcé , mais les lettres étoient acquittéesfans que les correfpondants des rmüionnaires , & leurs-dupes euffent eu aucune nouvelle des fonds qui devoient les remplir, On écr-it lettres fur lettres au P. Defmarêcs; il ne daigne pas répondre. On s'ad-reffe au P;. de Sacy, comme fupérieur, & comms plus i portée, par la prosimité , d'ètra importune ; il répond , a la vérité „ le 7 juillet ; mais il fe contente de rnander que le P. Dsfmarêis promet de faire paiTer les premiers fonds dont i! pourra difpofer, Sc qu'il rachera de ne pas faire attendre long- tems. La. lettre contient, au furplus, de grandes. aifurances d'artachement & de reconncifiance de ia part de la fociété de Jéfus teut entière : & je puis vous affurer en mon particulier, leur dit-il, que ccfentiment qui vous- eft düa tous égards-, tft g-avé dans mon caeur en caraclères. inejfjcablcs. Quant au P. Defnaréts, it léve le aaafque. II écrit enfin aux fieurs Lioncy & Goujfre, k 7 octobre i7q. II COn-  a i" occafion de leur commerce. 3 < vient qu'il a recu d'eux plufieurs lettres; & s'il n'y a pas répondu , c'eft un voyage de quelques mois a 1'exrrêmité' du diftrict de la miftlon , & une attaque d'apoplexie qui 1'en ont empêché. II déclare enfuire nettement qu'il n'a fait aucun envoi, & quil n'en fera pomr. II y aun mal-entendu, dit-il, qui lui » fait ignorer , & qui fait qu'il ignore fi les fieurs Lioncy frères , & Goujfre ont acquitté ,. ou non, les 50000 livres, Une feconde raifon , qui le détermine a ne point faire d'envoi, eftqu'uti de leurs pères 1'a affuré que le père\ie Sacy lui- avoit écrit qu'il s'étoit fait caution de ces 10000 écus. Le P. de Sacy, ajoute t-il, me marqué dans fa fettre du- 10 juillet : « // cftvrai que „ je niétois fait caution auprès de M. de. ». Kervegan de dix mille écus que vous „ avei ürés , ce mois-ci, fur lui. Le P.„ Thomas vous a a»cufé jufle en cela. „ Depuis que 'f ai vu que le P. de la Va~v letti s'cn-chargeoh ,. & qti'd men don„ nok fa par oh, ï ar gent que je deftinois» a ca acquit ff en ai aidé le P. de la „ Vale:te„-. Enfin il conclud , & croit mème qu'ils ne peuvent pas trouver mauvais qu'il ne leur falfe a"jcun envoi p «■\e.V'..de. la Valette ne devant pas faire' B vj  3 6 Proces des Jéfuites » difficulté de les rembourfer d'un ar» gent que le P. de Sacy avoit deftiné d » payer pour lui au fieur de Kervegan „. Enfin le réfultat de toute cette manoeuvre fut que le procureur-géneral des mijfions , le pré ft apoftollque , & le fupérieur de la mijfwn de Saint-Domingue excioqaèrent aux feurs Lioncy 8c Goujfre le paiemenr d'une fomme de 30000 livres dont la miffion de SainrBonringue avoit profitée, qui n'a jamais été rembourfé i ceux qui lont fait, ic dont il ne leur refte d'autre titre que les lettres dont on a parlé. Pendant que tout cela fe pafToit du Cap a Matfeille , & de Marfeille a Paris . le P. de la Valette éroir embarqué , & arrivé a la Marrinique au mois de mai.17 5 5 • 11 s'étoit engagé, auprès du miniftère de France , a ne s'occuper plus que des foncFions fpirituelles de fa miflión. Mais ce defpore, qui réfide a Rome ,Jk auquel il croyoit devoir une obéiflance plus directe , vouloit qu'il continuat d'en établir utilcment le temporel. Les volontés du général prévalurent fur les ordres du roi. A jpeine eut il remis le pied dans 1'ifle , que fes ferments faits a Verfailles s evaaoairent; il ne fe fouvint plus que de fes vceux de jéfuite.  d Poccafiondeleurcommerce. 37 Si fon abfence avoit occafionné quelques foupc_ons, ils furent abfolument diilipés par fon retour. La confiance n'en devint même que plus aveugle , Sc tous ceux qui avoient des fommes a faire paffer en France s'empreflèrent de les remertre au P. de la Vaktte. 11 reprit plufieurs millons , dont il donna des lettres-de change , de la manière qu'on a expliquée plus haut \ il les fit accepterde fes correfpondants: &, avec des fonds auffi confidérables , il fe mit en état de faire des envois de maichaudifes fupérieurs au montant de fes traites. II s'occupe de 1'agrandiiTement de fon habitation a la Dominique \ il fait auffi, a la Marrinique , de nouvelles acquifitions, qu'il joint a 1'habitation de Saint Piene : il y ctablit, entr'autres , une vinaigrerie qui lui coüte plus de cent mille écus , & a laquelle nulle autre ne peur , dir on , être comparée. Auffi étoit-elle fi cotifidérable, & fi; urilea la fociété de Jéfus , qu'avec trois noirs feulement , on peut faire , par jour, quarante barriques de t.fia (1). U (1) Le tiifia eft une liqueur fpiritHeufe qui Te tire des cannes de fucre , ik qui eft une efpèce d'eau-de-vie.  38 Procés des Jéfuites blït, a. la Marrinique, un comptoir T fous la raifon de Kachon , Catücr Sc compagnie, pour correfpondre , fous fes ordres , avec la maifon du juif lfaac Juda a la Dominique ; avec Ia maifon de Moreau &c Lioncy, a Mariegalanre; avec la maifon de Chappuis a. la Grenade. 11 eut un agent ambulant 2ux iiles de Sainte Lucie & de SaimVincenr, Son ambirion , s'irrirant dans fon cours , ne connoilïoir plus de bornes; on eut dit, & on I'eüt dit avec vérité, qu'il vouloir tour envahir. Alors il tira des lertres-de-change plus que jamais. II en rira d'innombrables fur Bordeaux s Marfeille , Nantes , Lyon , Paris, fur Cadix, fur Livourne, fur Amfterdam , l-cc Quel eft le négociant qui ait jamais pa préfenter un tableau auffi pompeux, & auffi vrai de fon commerce , que 1'eft celui que Pon vient de donner du commerce da préfei apoftolique , membre de la compagnie de Jéjus , & lié par des vceux foiemnels de pauvreré ? Mais enfin , le tems étoit venu ou ce torrenr impérueux alloir êrre arrèré ;, en touchoit au moment d'une révolution; èc elle alloit être caufee par leseiinemisdePétatv.La mèmenarion qui»  i £"occafion de leur commerce. 3g> par des hoftilités iiiarrendues , a porredes coups fubits a la marine francoife „ préparoit au P. de la Valette un écueil donr tour fon bonheur n a pu le fauver. Mais le feul mal qui en foit réfulcé , c'eft que le poids de la cataftrophe eft tombé fur mille de nos compatriotes. En même-tems que le P. de la Valette avoit riré, fur les fieurs Lioncy 3 pour plus d'un millon & demi de lettres-de-change , il avoit mis en mer y pour les acquitter , deux millons de marchandifes a leur adreffe. Dans 1'atr teute de ces fonds , les. fieurs Lioncy acceptèrenr ces traites, lis avoient dé ja-, eu plus d'une. fois cette complaifance., fans avoir été trompéspar 1'événement. Cette fois , les vaiiTeaux charges par le préfet apojlolique furent attaqués par les Anglois , dont ils devinrenr la proie.. Tant de richefles pafsèrent dans la grande Bretagne. Les jéfuites , dans une confultatiora ,faite pour eux , & imprimée , cireiu ce malheur comme tendant a. la dér chatge du P-. de la Valette. Quel rer proche peut-on faire , difent-ils, a untireur qui envoyoit les fonds de fes traires? S'ils ont péri fur la route , c'eft. unefatalitéi  40 Proces des Jéfuites C'en eft une fans doure. Mais devient elle donc un titre de libération pour ce rireur ? Sur qui doir romber la perre , fi ce n'eft fur ie propriéraire r Si Ie P.dela Valette envoyoir , en France, des marchandifes a 1'adretTe des fieurs Lioncy , il n'en demeuroir pas rooins propriêtaire jufqu'au moment ou la venre en étoit confommee. Ils étoient, a la vériré , chargés du foin de cette vente , 5c autorités a rerenir le montant de leurs avances fur ie prix qu'ils en roucheroient. I!s n'en pouvoient donc jamais êrre que les dépoliriires , 8c ils ne pouvoient 1'être qu'au moment que le débarquement en auroit été fait entre leurs mains. Si donc elles ont péri , ou éré prifes par les ennemis , comme le P. de la Vniette en étoit encore propriéraire , 5c que c'éroit lui qui les avoit expofées au halard , il éroir impoifible qu'aucun aurre que lui en püt fupporrer la perte ; & cette perte ne le libéroir point des dertes qu'il avoit contracFées avec les fieurs Lie.cy 8c Goujfre , par les avances qu'ils avoient faites pour lui , 5c par fes ordres. Ce revers terrible Iaifïa aux fieurs Lioncy 8c Gcuffie la charge énorme de  k Voccafion de leur commerce. 41 trois articles. Le premier, qu'on peut regarder comme relatif au P. de la Falette , a caufe de la part qu'il a eue a 1'infidélité de la négociatio» , eft celui des 50000 livres , avancées au fieur de Kervegan. Le fecond eft une fomme de 95465 livres 9 fois, pour di verfes affaires de commerce que les fieurs Lioncy frères Sc Gouffre avoient faites avec le P. de la Valette Sc fes prépofés , Sc de fon ordre*, le troifième enfin eft celui de 150x26-6- livres 2 fois 1 denier de lettres-de-change tirées fur eux par ce jéfuire , Sc qu'ils avoient acceptées : ce qui monte , en tout, a un million fix cent vingt-cinq mille fept cent vingt neuf livres , onze fois , un denier. A 1'inftant que la nouvelle de cette capture fe répandit , 1'éclair n'eft pas plus prompt, le crédit des fieurs Lioncy s'écroula. Cependant leur courage fe foutint par 1'efpérance qu'ils avoient dans les reffources inépuifables de la fociété ; Sc il faut rendre juftice a qui elle appartient; les jéfuites ne s'amusèrent point a douter li les dettes du fupérieur de leur miiTion étoient leurs dettes propres. Perfuadés qu'il éroir de leur devoir , ou fi 1'on veut, de leur  41 ^ Proces des Jéfuites mtérêt, de foutenir les correfpondanrs d'un de leurs membres qui avoir travaillé pour eux avec tant de fruir Sc tanr dcclar, ils parurenr fonger férieufemenr a remédier aux maux de la fatale capture faire par les Anglois. Les fieurs Lioncy Sc Gouffre écrivirent donc au P. de Sacy , au P. Foreftier, & même au général. Ils leur firenr une peinture touchante de leur trifte fkuation, Sc leur firérit voir que la compagnie de Jéfus feule en étoit caufe. Ils chargèrent un de leurs amis a Paris de voir le P. de Sacy , & de lui demander un fecours de 3 a 400000 livres , avec Iequel ils auroient foutenu leurs affaires & le crédit de la banque de la Marrinique , en payant les traites aux premières échéances. Le P. de Sacy remir, a eet ami3 Ie peu de fonds- qu'il difoit avoir , Sc quelques autres fommes qu'il dit avoir emprunrées: mais ces fecours éroient bien éloignés d'arriver au but , & de répondre aux lettres qu'il falloit acquitter. ^Des fecours plus confidérables feroient arrivés de Rome, fi, par un accident qui mit le comble au refie , le P. Vifconti, général des jéfuites, étant  a £ occafion de leur commerce. 43 venu i mourir , il n'y avoit eu un intervalle de fix mois jufqu'a. l'élection du P. Centurioni. Pendant eet inrerregne, tout demeura fufpendu. Dans une fociété , telle que celle des jéfuites, oü tous les pouvoirs découlent du chef, comme de leur fource unique , le défaut de général ne pouvoit que retenir tout dans lincertitude Sc dans 1'inaction. Le fieur Goujfre vint cependant a Paris, efpérant que fa préfence Sc le tableau de fes malheurs feroient quelqu'impreffion fur les auteurs de fa perte. II vit plufieurs fois la P. de Sacy & les gros bonnets de I'ordre réfidanrs a Paris 1 tous 1'amufèrenr, Sc ne lui donnèrent aucuns fonds. Un jour le fieur Gouffre fe plaignoir amérement au P. de Sacy, Sc lui repréfentoir qu'il n'avoir plus d'autre reflource que de prendre le parri de périr. Pcrijfe^, lui répondit froide* menr le compagnon de Jcfus: nous ne pouvons rien pour vous. « Mais, ré,» pliqua le fieur Gouffre , je ne périrai » pas feul ; Meffieurs Lioncy périront yy avec moi, & tous nos correfpondants » avec nous». Pe'rijfei tous , repiïr encore le charirable père , je vous le repete j nous ne pouvons rien pour vous.*  44 Procés des Jéfuites Le fieur Gouffre rompt brufquement une converfation fi cruelle , part la rage &: le défefpoir dans le cceur, arrivé a Marfeille , fait part a fes aiïbciés des fruits de fon voyage, leur rend le dernier entretien qui Pa déterminé} & tous prennent le parti de mettre leur bilau au greffe des juge & confuls de Marfeille. Cependant le nouveau général avoit fenti combien il étoit important, pour la fociété, de relever le crédit du P. de la Valette. Le P. de Sacy recut , au mois de février 1756", un pouvoir du général Centurioni , pour emprunrer 3 au nom de la compagnie , jufqua la concurrence de 500000 livres. On fit partir un courier, pour en faire part aux fieurs Lioncy & Gouffre. Quoique la courfe n'eut duré que trois jours Sc demi , elle dura trop encore , Penvoyé arriva a Marfeille , le 21 février, Sc le dépót du bilan avoit été fait le 1 9. Que va faire la fociété des jéfuites ? Dès qu'elle fait que la faillite de fes bienfaiteurs étoit confommée , elle n'eut plus d'yeux ni d'oreilles pour eux. Elle avoit voulu éviter un éciat; il étoit fait : elle avoit confenti a les foutenir, tant qu'ils fe fouteno.ent eux-  d F occafion de leur commerce. 4? meines ; ils étoienc tombés. Ils lui avoient été chers , tant quils lui avoient été utiles ; ils étoient devenus malheureux; elle les abandouna, Sc lingratitude les laiffa dans 1'abïme OÜ leurs fervices les avoienr précipirés. Le P. de Sacy recevoit d'eux les lettres les plus touchantes ; il répondoit dans une lettre du 11 avril 1756, qui'/ n'étoit plus le mattre de fes démarches , que fes fupérieurs les régloient ; qu'il n'étoit que leur jïmplc agent; que ce qu'il difoit de lui , il le difoit du P. de la Valette. Je ne puis rien de mieux, ccrivoit-il une autre fois,ye ne puis nen de mieux en votre faveur, que d'ojfrir i JDieu mes prières , pour qu'il vous confole lui mime; je viens encore de dire, d. cette intention , la fainte meffe.... 11 en fera ce qu'il plaira d Dicu , dont mes fupérieurs me tiennent la place Ce n'eft pas d nous d gouverner ceux qui nous gouvernent, cela eft tout Jlmple, & vous êtes trop fenfés pour nen pas convenir. D'aurres fois , il répondoit : je fats Timpoffible pour faire ew.rer mes fupérieurs dans mes vues .... mais , comme les chofes fe traitent de loin, de Paris a Rome , elles éprouvent néceffaïrement  46 Proces des Jéfuites des lenteurs.... Je fuis dipofc' d vous rendre fervice en tout ce qui dépendra de mol, & qu'on jugera pouvoir s'accommoder avec le bien de nos mijjions. Tout ce langage du P. de Sacy prouve bien, fans doute , que Ie P. de la Valette n'étoit qu'un agent, qu'un facteur du fupérieur de Rome; que fon commerce de Ia Marrinique étoit le commerce de la fociété; que les biens des miilions étoient des biens communs. Mais enfin ce n'éroir point par de vains difiours , par des vceux ftériles que 1'on pouvoit foulager les maux des fieurs Lioncy. Ils attendirent deux ans; Sc pendant deux ans , toutes leurs foliicirarions n'éprouvèrenr qu'une infenfibilité réelie , voilée fous de tendres Sc pieufes promeiTes. Ils furent enfin forcés de faire un abandonnement général de leurs biens a leurs créanciers. Leur faillire s'éroit onverre en 1756"; eer abandonnement , ce dépouillement total a pour époque 1'année 1758. Si les jéfuites abandonnèrent leurs bienfaiteurs, s'ils laiffèrent tomber , du faïte de 1'opulence , dans les horreurs d'une faillire déclarée une maifon diftinguée dans le commerce , une maifon dont les opérations rouloient fur trente  a Voccafion de leur commerce. 47 jnillions d'affaires par an , s'ils lui donnerent la douleur d'envelopper dans fa ruine une inhniré de malheureux , s'ils virent porrer,dun eed tranquille , le contre-i-oup üe cerre chüte, a roures les places du commerce de France, ils ne cellèrenr pas de s'ocuiper du foin de parer a la perre de leurs vailfeaux , a la faillire de Marfeille , a calmer les cris de la nation qu'ils enrendoienr s'élever contreux de roures parrs. La fociété chercha, dans Marfeille s un aurre négociant, pour 1'établir fucceffeur des fieurs Lioncy. Le choix tomba fur le fieur Rey 1'ainé. Le P. de Sacy , autorifé par fes fupérieurs , lui donna une procuration des plus amples , pour liquidcr les derres contraététs fous la lignature du P. de la. Valttte ; &c il notifia cette procuration a. toutes les perfonnes intéreffées. On voit mcme , dans une lettre écrite par le fieur Rey , aux fieurs Clorch, D.del & compagnie a Amfterdam , que cette procuration contenoit pouvoir de vendre les biens a la Martinique. Le fieur Rey a en effet acquitté , entre les mains des porreurs, quelquesunes des lettres-de-change , montant a quiuze ceac mille livres pu envirou 9  48 Procés des Jéfuites dont 1'acceptation anticipée a caufé le défaftre des fieurs Lioncy ; & il les a acquittées avec des fonds qui lui ont ére fournis par le régime jéfuitique. Non feulement ce tégime a remis des fonds au fieur Rey , mais il lui a fait parvenir les envois que le P. de la Valette ne celfoit de faire. 11 arriva, en effet, a Cadix , au mois de juin 1756, des marchandifes envoyées par le P. de la Valette. Auflitót le P. de Sacy écrivit au fieur Rey d'en difpofer. Au mois de juillet, fecond envoi a Amfterdam. Le P. de Sdcy doïme ordre au négocianr hollanclois, a qui ü étoit adreflé , d'en jrenvoyer les fonds au fieur Rey. Untroifième envoi produifit quelque difficulté. Le P. de la Valette 1'avoit dffedié au paiement de cent cmquants mille livres de lettres tirées , depuis neu , fur les fieurs Clork , Bedel 8c cempaenie d'Amfterdam. Malgré _ les ordres^du P. de la Valette , fupcneut de la miffion , le P. de Sacy ordonna que les fonds en fudent reportes au fieur Rey. Les fieurs Clork refiftcrent, il fallut une injonétion jundique , de la part du P. de. Sacy. C'eft ^^A*  d l'occafion de leur commerce. 4 9 déclaré dans des dcfenfes qu'il a fournies au confultat de Marfeille, le 2.4 novembre 1759. Indiquons ici , en peu de mots , les réflexions qui naiffenr naturellement de ces faits. Qui ne fent que, fi les dettes du P. de la Valette , n'avoient pas été les engagements de la fociété , elle n'auroir pas donné des fonds pour les acquirter ; que fi elle n'avoit pas été propriéraire du commerce de la Marrinique , elle n'auroit pu difpofer des fonds enyoyés parle P. de la Valette, ni moms encore eilander la deftinarion qu'il en avoir faire ? Ces fairs prouvenr encore que le P. de la Valette n'avoit pas interrompu fon commerce , & que , fi le pavillon francois lui avoit été funefte, il fe fervoir de ceux d'Efpagne & de Hollande, auxquels les Anglois laifloient toute liberté. C'étoit donc dans les ports de ces deux puiffances qu'il faifoit palier , & vendre fes denrées; laiflanr dans la mifère les commercanrs francois qu'il avoit ruines , & auxquels il auroit pa rendre juftice , en leur adrefiant les fonds qu'il retiroit de ce commerce étranger. Mais qu'avoic - il befoin de s'acquirter avec des gens dont 1'induftrie devenoit inutile i fon commerce TomeXIII. C '  5 O Procés des Jéfuites par les circonftances de la guerre ? Les facultés du fieur Rey cefsèrent enfin. Les jéfuites fe lafsèrent d'être juftes. Les canaux qui portoient des fonds falutaires dans les mains de ce négociant prépofé par eux , furent fermésjtous les paiements cèfierent; oC alors quel défordre ne fe répandit pas dans les places commercanres ? Chaque jour, depuis cetems , a éclairé quelque nouvelle difgrace. Que 1'on confidère que les jéfuites fe trouvoient débiteurs de plufieurs millions : on ne fcauroit douter que plufieurs millions ne laifTaffent un vuidefunefte dans le commerce de la nation, en un tems , fur-tout, oü la guerre , & les fuites de la guerre 1'avoient déja fi fort altéré. Et de-la, combien de faillites ? Et chaque faillire en entraïne toujours quelque nouvelle après elle, Linfenfibilité conftante des jéfuites cbligea enfin le fyndic des créanciers des fieurs Lioncy a fuivre les voies iuridiques. 11 ne voulut d'abord faire'arligner que le tireur des lerrres , & celui de fes confrères qui avoir le plus ouverïemenr pris part a fon négoce ; c'eft-adire , le P. de la Valette & le P. de Sacy. Le premier ne comparur pas & fit 'défaut 3 mais le P. de Sacy comparut j  d F occafion de leur commerce. 5 1 &, par une fentence des confuls de Marfeille du 19 novembre 1759, le P. de la Valette défaillant fut condamné au paiemenr de 1 502266 livres 2 fois 1 denier , montant des traites acceptées ; a 1'exception de celles qui fe trouveroient avoir été acquittées par le fieur Rey ou par le P. de Sacy ; & a. 1'égard de ce dernier, la même fentence remic la caufe a un autre jour. Le fyndic des créanciers avoit cru que ce premier mouvement de fa part éclaireroit afiez la fociété fur fes véritables intéréts , pour qu'elle prévïnt la nauTance de procédures plus éclatantes: mais il fut forcé, par fon filence, d'ailigner , toujours au confulat de Marfeille , le corps &c fociété des jéfuites de France, dans la perfonne du père provincial & des procureurs généraux de la fociété , en leur maifon profeffe de la rue Saint Anroine a Paris , pour voir déclarer la fentence rendue contre le P. de la Valette , commune & exécuroire contre tout le corps des jéfuites , Sc fur tous les biens & les effets appartenants a la fociété dans les pays de la domination du roi: &c le 29 mai 1760 , intetvint une fentence par défaut conforme aux conclufions. Les jéfuites qui ? dans cette affaire ; Cij  ^ Proces des Jéfuites ont toujours prérendu ne point être folidaires ; que le P. de la Valette feul étoit tenu de fes engagements, Sc que , fi fes créanciers avoient quelque recóurs a exercer, ce ne pouvoit être que contre la maifon du Cap Sc fes dépendances ; les jéfuites , dis-je , fe divisèrent; la province de France d'une part, Sc féparément; & d'autre part, les quatre provinces de Champagne , Guyenne , Touloufe Sc Lyon conjointement formèrent des c-ppofitions a la fentence dont on vient de parler. Les jéfuites fuivirent ia même route fur deux autres demandes formées contr'eux par le fyndic des créanciers. La première concernoit la créance de i346'3 livres 9 fois, pour folde de compre de diverfes affaires faires avec le P. de la Valette. La feconde regardoir celie des 3 ooos> livres , payées au heur de Kervegan de Nanres , a 1'acquir du P. Defmarets, fupérieur de la maifon de Saint-Domingue , par Pentremife du P. de la. Va* lette Sc du P. de Sacy. La première demande fut portee au confuiat de Marfeille, ou inrervint fentence par défaut Ie 16 juillet 1760, qui cpndamna le P. de la Valette , Sc par corps , a payer les 13463 livres  d 11 occafion de leur commerce. «53 9 fois , & qui déclara le jugement commun avec roure la fociété , avec permiilion de porter fes exécutions fur tous les biens des jéfuites , en quelque lieu qu'ils fuiTent firués fous la domination du roi. II y eut oppofition a cette demande a la requêre des jéfuites de la prevince de France feulement, joint a eux le P. de Sacy. La demande concernant les 30000 livres fut portée devant les confuls de Paris, qui rendirent, le 25 avril, une fentence qui condamna la fociété au paiement de cette fomme, avec permiiiion de fe pourvoir fur tous les biens qui lui appartiennent. Elle obtint au parlement de Paris, le 30 avril, un arrêt qui les recut appellants de ce jugement , & fit défenfes de 1'exécurer. Le confulat de Paris ne ceffa, pendanr long-rems , d'êrre occupé de demandes femblables , contre la compagnie de Jéfus, au f 11 jet du commerce du P. de la Valette. La première de roures eft celle qui y fut porrée par la dame Grou , & Louis Grou fon fiis. On leur avoit donné, en paiement, une lettre-de change de t Een te mille livres, rirée le 27 mai 1757 par le P. de la Valette., fur le fieur Rey , a C iij  «54 Procés des Jéfuites I'ordre du fieur Rachon, qui 1'avoit paffee a I'ordre du fieur Chariery , Sc celuici 1'avoit endoffée a. I'ordre de la veuve Grou Sc fils. Elle étoit payable a deux ans de date; ainfi elle étoit échue le 6 juin 1759, y compris les dix jours de grace. Le fieur Rey , ayant refufé & de 1'accepter , Sc de la payer , la veuve Grou s'adrelTa au P. de Sacy; mais il 1'affura qu'il n'avoit point dargent, Sc la pria d'attendre. Elle accorda jufqu'i deux délais de deux mois chacun; mais ayant toujours la même réponfe,elle fit enfin ailigner ce procureur-général des mijfions aux ifles du Vent en la jurifdiétion confulaire de Paris. Ce compagnon de Jéfus comparut lui-même devant un tribunal uniquement deftiné a vuider les conteftations qui s'élèvent entre les marchands. II fit plus : il voulut plaider fa caufe en perfonne. II ne voulut pointconfier a d'autres le projet qu'il avoit formé de furprendre cette femme dans fes paroles. II demanda la permiffion de lui faire trois queftions \ Sc elle lui fut aqcordée. II lui demanda donc, i°. qui eft-ce qui a tiré la lettre de change dont vous êtes propriéraire ? Réponfe. C'eft le P. de la Valette. z°. Sur qui étoit tirée cette lettre ? Rep. Sur le fieur Rey , négociant  a F occafion de leur commerce.^ que 1'argenr repréfenté paria letrre-dechange, a d'abord été comptéau V.dela Vatette ; que , de fes mains , il a pallé dans celles du P. de Sacy, qui Ta remis au provincial; Sc que celui-ci 1'a tranfrnis au général. C'eft donc la fociété en corps qui 1'a recu par fes mandataires: c'efr donc elle-même qui doit «re condamnée. a ce raifonnement, il ajouta la lecture de la lettre du p. de Sacy a la dame Grou, ou il s'avoue tenu de la detre , en demandanr du tems pour la payer. m cita de plus le diclionnaire de Tretoux , ouvrage des jéfuites; 5c dans lequel, au mor mijjions, on érablit la filiation des miilions des ifles du Vent a la maifon profeiie de Paris. Enfin, inrervint fenrence le mercredi 3o janvier 1760, concue en ces rermes: « Avons donné 5c donnons adte des J5 déclararions refpeétives des parries ; j> & , arrendu que le p. de Sacy com35 parant e.1 convenu que 1'adminiftra3' rion du temporel de tout I'ordre eft » fubordonnéa 1'autoriré d'un fupérieur » général, les défendeurs (les jéfuites) .» condamnés , êc iceux condamnons 35 folidairement a payer auxdits de» mandeurs (la veuve Grou 5c fils) la  d ? occafion de leur commerce. de ladite fomme , permis, &: per33 mettons auxdits demandeurs de » faire faifir Sc arrêter tous les effecs 33 appartenants a ladite fociété : Sc 3> condamnons lefdits défendeurs aux 3: dépens >s. Cette condamnation fut , de toutes celles qui ont été eccafionnees par la banqueroute du P. de la Valeae , la première qui ait fait quelqu'éclat. Les iéfuiees n'étoient pas encore accoutumésafe 1'entendre reprocher publiqnement: d'ailleurs ils ne pouvoient fe pourvoir contre ce jugement que par appel au parlement de Paris \ Sc ne pouvoienr pas douter que les motifs qui 1'avoient dicfé, Sc qui étoient détaillés dans la fentence , en emporteroient la confirmation. Ils fe foumirent donc a payer. Ils cherchèrenr d'abord a emprunter; Sc deux jours après, ils payèrenr les trente mille livres comp- tant a. ia dame Grou, C t  5 8 Proces des Jéfuites Mais ils n'ont pas été fi complaifants pour las autres créanciers. Sous prérextes des différentes de man des formées eontr'sux , en différents tribunaux , a, 1'occafion du commerce du P. de la Vilette, ils obtinrent, le 17 aoüt 1760, un arrêt du conieil revêtu de lettres patentes , qui renvoya toutes les conteftations. nées Sc a naitre fur eet objet, a la grand'chambre du parlement de Paris. Ces lettres furent enregiftrées le5 juillet 1760: mais il faut okferver que, dans tous les actes faits par les. jéfuites , tant au confeil-, pour obtenir les Iettres patentes , qu'au parlement , pour les faire enregifrrer , Sc y faire recevoir les appels quils interjettèrent des jugements rendus contre eux dans. les différents eonfulats du royaume , il n'eft queftion que des jéfuites de la prevince de France 3 pourfuite & diligence- du P, de Montigny, procureur général de cette province. Pour entendre le motif de ces qualités , il faut faire attention que tous les. créanciers procédoient toujours contre sous les jéfuites du royaume; Sc que les fignificarions fe faifoient aux pires de la compagnie & fociét é de Jéfus y des pays & états du rol, es perfonnes des per frovindal^procureurs généraux de ladite  d Voccafion de leur commerce. 5 9 fociété, & fupérieurs d'icelles & de toutes leurs maifons fous la domination de fa. Majefté y en leur maifon communefituée a Paris , rue Saint - Ant&ine. Or lesmaifons des jéfuites , qui étoient en France au nombrede centtrente-neuf, étoient divifées encinq provinces, celle de France, celle de Touloufe, celle de Guyenne , celle de Lyon, &c celle de Champagne. La miilïon de Ia Marrinique étoit de la province de France , paree qu'une partie desrevenus de cette miffion étoit attaehée au collége de la Flèche ; Sc comme le fyftcme de la défenfe des jéfuites confiftoit a dire qu'il n'y avoit que la miffion de la Marrinique qui püt erre tenue des faits du P. de la Valette -y ils prétendoient que c'étoit a. la pro vince de France a défendre direcrement aux demandes des créanciers» A 1'égard des quatre autres provinces, elles fourenoienr que les demandes ne les regardoient point , qu'elies n'y avoient aucun intéret , & refufoient , par conféquenr, d'y défendre. Cette divifion fut les qualités auroit produit un incidenr difgracieux. Soit pour le prévenir, en réuniflant les jéfuites dans une perfonne qui les comC vj  6o Procés des Jéfuites prenoit tous érninemment , foit pour donner a. l'action 1'étendue entière qu'elle devoit avoir, le fyudic fe détermiua a appelier le géfnéral lui-même réfidanr a Rome. Mais le général ne jugea pas a propos de fe préfenter. C'eft ainfi que la conteftation fe lia au parlement. Trois avocats y portèrenc laparole.M. Le Gouvé paria pour le fyndic des créanciers des fieurs Lioncy frères & Goujf-e.. fl divifa fon difconrs en deux parcies. Dans la première, il fit voir que I'ordre entier des jéfuites forme une feule perfonne morale , &c que cerre perfonie , c'eft le général r qui a une auroriré abfolue & fur les membres■ qui font tous des êtres puremenr paififs , & fur les biens qui font rous foumis a fa fouveraine difpofirion. Dans la fi'eonde, il prouva que, dans le fair , les opérarions du P. de la Valette ont été un commerce caraóténfé , onr éré exécutées de concert avec fes fupérieurs , & fous 1'auroriré du régime de la fociété « Ainfi , & a rous égards, 35 difoit il , c'eft du général , c'eft de 33 i'Ordre que le P. de la Valette a éré 33 le mand.itaire L'ordrefeul étoit pro33 priétaire du commerce de la Marrini? j3 que , comnie il 1'eft de tant d'autres  aVoccafion de leur commerce. Gi » comptoirs répandus dans 1'univers. w Quelle injuftice n'y auroit - il pas » qu'après avoir retiré des profits im» menfes de la banque de fon mijjion» nalre d'Amérique , la fociété put fe » difpenfer d'en fubir les charges &c »> les revers ? Le défenfeur des jéfuites de la province de France nivifa fon plaidoyer en' trois parties. II deftina les deux premières a difcuter celles de fon adverfaire \ &c promit de répondre , dans la rroifième , a quelques objeétions parriculières qui lui avoienr été oppofées. Enfin , M. Laguet-Bardelin paria pour les jéfuites des provrnces de Champagne , Guyenne , Touloufe & Lyon. II s'anacha pareillemenr a réfuter les deux propoiitions établies par M. Le Go>ive'. C'eft d'après les plaidoyers & les mémoires de ces trois avocars que je tracerai le tableau de cette caufe , que j'enrreprends de merrre fon les yeux du public J'aurai recours auiFi a une longue & fcavante confultation rédigée pour le fyndic des créanciers , par Me Laboure, avocar , approuvée &: fignée de plufieurs de fes confrères. Jemployerai encore quelque rrairs d'une aurre confulrarion rédigée pour le  O-i _ Peocès des Jéfuites , jéfuites de France , fignée de ceux de quelques avocats dont les confultations avoient le plus de crédit dans Ie public ; entr'autres , M« l'Herminier , Gillet, Mallati y &c. Avanc que la caufe fut plaidée au fond, les jéfuites élevèrent un incident alïez fmgulier. Ils prétendirent qu'elle n'étoit pas fufceptible de 1'audience , & qu'on devoitlappointer.Ilss'étoient fait un moyen de 1'intervention du lieur Ca-otte Sc de la demoifelle Fouque, pour obtenir eet appcintement ; prétendant que cette intervenrion multiplioit trop les objets , pour qu'en püt iufMammentles difcernera 1'audience. Quel pouvoit être 1'objet de cette demande? Efpéroient-ils que les longueurs ae linftruction d'un procés par écrit leur donneroient le tems de mettre en ceuvre des protections aifez puiiTantes pour faire fuccomber la vérité ? Ou fe flattoient-ils de rendre ce procés éternel, comme ils ont eu le fecret d'empêcher la décifion de celui qui a été pendant entr'eux & 1'univerfité de Paris , pendant cent cinquanti ans ? Quoi qu'il en foit, le fieur Castte Sc Ia demoifelle Fouque, pour faire le bien général des créanciers, & faire cefiêr le prétexce fur lequel on précendoit obte-  d toccafion de leur commerce. 6% nir l'appointemenc, devinrent fimples fpeótateurs d'un combat qui les intérefloit; ils fe retirèrent 1'un &c 1'aucre , pour rendre la caufe des fieurs Lioncy plus fufceptible de 1'audience; fauf a plaider féparément contre les jéfuites. Cette démarche réuffiry la cour ordonna que la caufe feroit plaidée. L'afFairedes fieurs Ca^otte & demoifelle Fouque mérite de trouver ici une place particuliere , tant par la liaifon qu'elle a avec celle des fieurs Lioncy „ que paree qu'elle eft fort intéreiTante par elle-même , & qu'elle apprend a connoitre de plus en plus 1'efprit de 1'inftitur des compagnons de Jéfus. Le fieur Canons , commiiTaire ordonnareur de la marine dans les ifles du Venr, a rempli les fonctions de cette place a la Marrinique , pendant treize années. Attaché, dés 1'enfance , a la fociété des jéfuites , parmi lefquels il avoit été élevé fous les yeux d'un oncle , mernbre de la compagnie, il n'avoir laillé échapper aucune occafion de leur êrre urile. Perfuatlé que 1'onne couroit aucun rifque avec des religieux. pour lesquels il étoit pénétré d'eftime &c de reconnoiiTance , il avoit donné 1'exemple de la confiance , en remettanc au P. de la Valette tous les fonds dou^  64 Procés des Jéfuites, il lui étoit permis de difpofer. En 1751, la fociété lui devoit 33000 livres. Elle s'acquittaenlettres-de-change fur Paris, qui furent exaótement payées. Sa caüTe étoit toujours ouverte aux befoins de la fociété , & les rembourfements n'avoient foufferr aucun rerard. L'efprit de retour avoit déterminé le fieur Ca-^otte, en 1758, a quitter la Marrinique. Il travailla a réduire en effets d'un tranfport facile le peu de fortune que lui avoient procuré fes travaux. II avoit vendu fes immeubles , &c le prix étoit entre fes mains. II lui reftoit environ vingt nègres , Sc une alïez grande quantité de bétail. Le P.. de la Valette cc le P. Fayard, procureur des milfions , lui proposèrenr de lui faire comprer, a Paris , la 'valeur de tout ce qu'il poffédoit a la Marrinique. Le lecFeur fe rappelle que, dès 1756", les fieurs Lioncy & Goujfre avoient fait faillite,que le papier des jéfuireséroit tombé dans un difcrédit toral en France, qu'il ne forroir plus d'efTers de la mifJion (1) de la Marrinique que pour le pays érranger, Sc que les jéfuites n'ayant (i) On a du reinarqnet*, dans tout le cours de cette affn're, que ce que les jéfuites appelioient mijjlons , ne font autre chofe que de vrais comptoirs de commerce.  di"occafion de leur commerce. 6^ plus, ou olifant ne plus avoir de fonds , avoient cefTé tout paiement. Le P. de la Valette, auteur de tous ces défaftres , ne les ignoroit certainement pas; mais il avoit fi bien pris fes mefures , qu'ils n'étoient point parvenus a la connoiffance des hahitants de la Marrinique , dont il amufoit Sc trompoit encore la confiance. Le fieur Ca^otte , qui étoit dans la bonne foi comme les autres , crut devoir rendre ce dernier fervice a la fociété. Tout fut livré au P. de la Valette, argenr, nègres, bétail; Sc la promefle fut ainfi concue : » Nous fouffigné , prêtre , mijftonn naire apo[folique de la compagi.ie de n Jéfus , fupérieur général & préfet jj ap&fiolique des mijjiens de la même j) compagnie , dans les ifles francoifes » du Vent de 1'Amérique , déclare 33 avoir recu de M. Ca^otte, com3» miflaire Sc controleur de la marine a 33 Saint-Pierre, la fomme de cent trente w mille livres en nègres, bêtes d cornes >■> & en argent , laquelle fomme , je 33 m'oblige a payer au pair, en Fran>3 ce , Sc dans la ville de Paris , 33 dans la maifon qui me fera indiquée, J3 a I'ordre de M. 1'abbé Cqurre , grand-  66 Procés des Jéfuites, » vicaire de Chaalons furmarne , dans » les termes fuivants; fcavoir foixante» cinq mille livres, monnoie de France " fzns Vlngf mois de la date des pré' " lentes > & foixante-cinq mille livres » monnoie de France , dans vingt-fi. -mois de la date de la préfente. A » Samt-Pierre de la Marrinique, le 28 "decembre 1758. Sïgné , la Va- n lette «. Qaand ce billet fut figne par le P de la VaUtte , le fieur Castte, dans la cramre des evénements de fon pafTage en France , le dépofa entre les mains du P. Fayard , & fe contenta d'une copie, au bas de laquelle le P, Fayard reconnut la conformité a 1'original, en ces rermes : «Je déclare la préfente obügation » parraitemenr conforme a 1'original, " iequel j'ai entre mes mains , fi^né » dnP.de la Valene; en foi de quoi je "ioufcris ce préfent écrit. Sigrié , " B- G- Fayard , jéfuite fyndic.° Cette déclaration fut accompagnée d une lettre du P. Fayard, par laquelle, en atteftant les égards , la prudence & l~ generofité du fieur Castte , il recommande , avec les plus vives inftances, au P. de Sacy, de ne pas dirrérer ion paiement.  u [occafion de leur commerce. 67 Sur la foi de ces titres, le fleur Ca^otte parr pour la France , & fon premier foin eft de fe préfenrer aux jéfuites. Les témoignages de la plus ardente reconnoiffance } les efpérances les plus flatteufes, les diftinctions les plus rouchanres , rour enfin, hors le paiement, eft prodigué au fieur Ca\otte. Mais , dans le public , il apprend que les jéfuites , preffés de toutes parts, ne rendent, d'aucune manière, juftice a leurs créanciers; que déja les tribunaux du commerce retentiffent des cris de ceux qu'ils ont réduits aux dernières extrêmirés ; que le P. de Sacy, ayant renté de foutenir en perfonne la première attaque , fa condamnation étoir fortie de fa propre bouche , & que, fur fon aveu x la fociété avoit étéjugée folidaire. Le fieur Ca-eotte alarmé , leur exprime fes inquiétudes. Bien éloigné de fe joindre a ceux qui les pourfuivoient , il leur demande feulement des afïurances , & promet d'en uferavec ménagement. Ces pères répondent qu'ils ne font point les maitres, qu'ils dépendent d'un fupérieur. Lorfque le fieur Ca^otte avoit confié fon argent, fes nègres, fes beftiaux aux pères de la Valeite &£ Fayard, ils les avoient recus fans obftacle, & fans formalité; ils étoient les  68 Proces des Jéfuites, rnaïtres ; il s'agit de la süreté du cre'ancier qui s eft livré de fi bonne foi; ils ne le font plus. II fallut donc s'adreffer au général. Le fieur Cocotte lui expofa fes titres, fes droits, fon procédé, fa fituation. Le P. Ricci, qui avoir éré élevé a la di deur de France , nVa fait remettre la lettre » dont vous m'avez honoré. Elle m'apprend » le trifte état de vos affaires , auxquelles je » prends tout 1'intérêt poffible. La feule re»commandation de fon excellence mérite » tous les égards. C'elt un feigneur qui a mille » bontés pour la compagnie , & pour moi en » particulier. » La bienveillance & 1'amitié que vous » avez témoignées , pendant tant d'années a » nos pères de la Martinique , fiiffiroit pour >» me dérerminer a feconder vos defirs. Je » n ai pu lire votre rnémoire , fans être péné»tré de reconnoillance. /e vous prie, Mon-  a P occafion de leur commerce. 69 alloit prendre de jufte mefures , pour qu'il eüt lieu d'ètre fatisfait. Le P. Allanic , provincial, fut chargé de concerter les moyens propres a lui donner les aiTurances qu'il deliroit; &c la feule grace que demanda le général au fieur Cazotte, fut d'accorder le de'lai qui feroit jugé nécejjaire pour prendi e les Arrangements convenables. Soit que les ordres du P, Ricci euflent » fieur , d'ètre perfuadé que je vais prendre de i> jufles mefures pour que vous ayes^ lieu d'ètre fait tisfait. n J'écris , de la manière la plus forte , au » P. Allanit , provincial. Ayez la bonté , « monfieur , de concerter , avec lui , les » moyens qu'on peut prendre , pour vous » donner les affurances que vous fouhuitez. » La grace que je vous demande , & que vous » voudrez bien joindre a tant d'autres que » nous avons déja recues de votre part, c'eft j» d'accorder le délai quifera jugé nécejfaire pour jj prendre les arrangements convenables. Je n vous affure , monfieur , que , parmi toutes » les difgraces , qui nous accablent dg toutes v parts , les affaires de la Martinique me >» percent le coeur. Nous méritons, par ce j) feul endroit, quelque compaffion. Les mal» heurs de la guerre , auxquels on ne pou3) voit parer , font la principale caufe des ï» affaires de cette mijjion. Daigncz, monfieur, >i entrer dans nos fentiments , comme j'entre » dans les vótres. Signè , Laurent RiCCl ».  I JO Procés des Jéfuites, été modiriés par des lettres particulières au P. Allanic, foit que 1'exemple du paiement parut dangereux a la fo.iéré , le feul avantage qui refta au fieur Cazotte fut d'avoir une créance reconnue par le général. II renouvella fes follicitations a Rome; &, par une feconde réponfe (i), ( i ) Seconde lettre du Général du fieur Cazotte. De Rome, le 28 mai 1760. « Monfieur, rien n'égale la reconnoiflance » que m'infpire la continuation de vos ten« dres fentimenrs pour la compagnie , malgré " ce qu'il en doit coüter , pour un tems, a » votre fortune. C'eft par-la même qu'ils nous J> font plus précieux , & que nous devons les 3' regarder comme la preuve d'une amitié « yraiment eftimable. Le P. Allanic n'a point J> été en état de feconder le defir fincère que 5' j'avois que vous fuffiez content; mais il a v> au moins dü vous convaincre du zèle avec 31 lequel je lui avois recommandé vos intés> rêts. Je les lui recommanderai encore plus » inftamment que jamais , ainfi qu'au P. Fron3) teau; & je n'aurai point de plus grande »> joie , que celle d'apprendre que leurs vceux » & les miens font remplis. 3> Pardonnez-moi cependant, monfieur ; »3 fi , déterminé a ne rien négliger vis-a-vis »de ces deux fupérieurs , pour que vous » foyez pleinement fatisfait, & que vous 1«  d F occafion de leur commerce. 71 le P. Ricci 1'aflfura qu'il recommanderoit cette affaire , encore plus inftamment que jamais , au P. Allanic, ainfi. qu'au P. Fromeau. Mais la même lettre annonce le fuccès que 1'on devoit attendre. Le général fait réflexion que les droits des autres créanciers font auffi folides & aufli facrés que ceux du fieur Ca^otte; &, quoiqu'il y air de fon cöté, une générofité qui ne fe trouve pas du leur, la délicarefle de la confcience ne » foyez le plutót qu'il ferapoffible , je ne vous j> donne point les affurances que vous fou» haitez. Vous fc^vez auffi-bien que moi , j> monfieur , qu'elles ne s'accorderoient pas, 5» en toute rigueur , avec les régies d'une » exa£te juftice. Vos droits font auffi folides j' & auffi facrés que ceux des autres créan» ciers; il y a mème , de votre cöté , une » générofité qui ne fe trouve pas du leur. » Mais les tribunaux s'en tiennent aux forv mes légales, & il ne dépend point de j> nous de vous alTurer la moindre préférence » fur les autres créanciers. Soyez perfuadé, n monfieur, que la fincérité de nos procédés « vis a vis de vous , répond & répondra tou« jours a 1'attachement dont vous nous avez 3) honorés jufqu'a prèfent. Que eet attache3) ment ne s'altère pas , je vous en conjure t 3> par la facheufe fituation ou nous fommes , >3 iaquelle ne nous permet pas de le reconj3 noitre auffi efficacement que nous le VOU« drions. Signé, Laurent Riccy  72, Procés des Jéfuites, permet pas au général des jéfuites de fe hvrer , en payant un créancier lé fenfer d'une démarche que vous jugez inj> difpenfable. Ma feule peine eft que le pro-, 3> cureur des mijjions de la Martinique n'ait w pu répondre , par des efFets, a votre gêné-, » rofité. 11 eft facheux d'avoir le plus petit 3) démélé avec quelqu'un a qui on doit de la s> reconnouTance. Par {èle pour vos intéréts , 3> je crois devoir vous prévenir, monfieur , 3> que 1'on m'a affuré qu'il y avoit un arrêt 3) d'attribution , de toutes les affaires concer3) nant les dettes de la miffion de la Martini-; 35 que , a la grand'chambre du parlement de «Paris. Cet avis peut vous épargner des »» frais inutiles. Signé , LAURENT Ricci i>. Tome XUL Q.  74 Proces des Jéfuites , La demoifelle Fo/^-eintervint auiïï. Sou titre étoit une lettre-de-change de trente mille livres , argent de France , tirée de Saint-Pierre de la Martinique , le 13 aoüt 1757 , par le P. de la Falette , a. I'ordre de la demoifelle Fouque , valeur recue comptant a. I'ordre du fieur Louis Fouque fur le fieur Rey. Elle obtint, en la jurifdicFion confulaire , le i4avril i7 que les jéfuites nous forcent eux» mêmes a déchirer le voile ? lis com1n prennent bien , fans doute , que le j> combat qui s'engage eft plus férieux » & plus décifif que rous ceux qu'ils sj onr foutenus jufqu'a préfent. lis ne » peuventignorer qu'un rnémoire avoué » qui les dépeint aux magiftrats , qui js doit fervir ales juger , qui s'adreflea w eux-mêmes, &c qui les force d'enrrer » en lice pour fe défendre , n'eft pas 35 comme ces écrirs anonymes, qu'il eft j3 facile de raxer de faux fans y répon33 dre; que perfonne ne vérihe; que >» les ans recoivenr , & que les autres 33 rejettent fans examen , au gré des 33 préventions qui les agirenr. Pourquoi 35 donc , encore une fois , ces hommes 3» li clairvoyants & fi fages , cedent ils Diij  7§ Procés des Jéfuites, » de fe reffembler a eux-mêmes ? Pou? » quelles occafions réfervent - ils leur » prudence ordinaire ? Et comment ne « préviennent-ils pas , autant du moins " par intérêt que par devoir , une crife » auili périlleufe r Si le public foulevé » s'indigne de rencontrer, a chaque pas, » un régime de politique plutót qu'une » regie religieufe; s'il découvre, fous les " prétextes de la piété , les motifs tou» jours vivantsde 1'ambition; fi, dans « le contrafte perpétuel de leurs loix 5 » dans 1'inconftance & la mobilité de »> leurs conftitutions , il croit voir le » jeu puérile d'une confcience qui s'am bufe , ou qui cherche a tromper les n autres; fi la cour même , frappée " des objets qui 1 occupent fans celïe , » & pefant les plus grands intéréts, » compare la police de leur fociété avec » la police de 1'état, & pénètre même » ce que nous ne montrerons pas -y fi s> tous ces maux leur arrivent, qu'ils » nous le difent , a qui faudra-t-il » qu'ils 1'imputent ? Me Target pafte enfuite aa tableau de la fociété. 11 eft de main de maitre j il a trempé fon pinceau dans les conftitutions mêmes de cette compagnie , &c nous ne pouvons mieux faire que de le copier ici,  d F occafion Je leur commerce. «< Vingr. mille hommes d elite , dit ■ „ il, unis enfemble par la conformirê » de lamorale, par la relTemblance de la » doótrine &c des mceurs (i), unis avec » leur chef par les liens d'une foumif» fion aveugle, &- d'une obéiflance ar» dente & prompte (z), font répandus (1) Hac funt intervalla locorum , non mentium ; difcrimina fermonis , nee peSloris ; cotorum dijjimilitudo , non morum. In hdc famdid idem fentiunt, Latmus & Graecus , Lufitanus 6» Brafilius, Hibernus & Sarmata , Iber & Gal' lus , Brhannus & Belga ; atque in tam difparibus genlis nuUum certamen , nulla contentio, nihil ex quo fentias plures ejfe. Imago primi fasculi, p. 35. Si quis aliquid fentiret quod difcreparet eb e» quod Ecclefia & ejus doüores commumter fentiunt } fuum fenfum definitioni ipfius focietatis debet fubjiccre. Declarat. in conftit. part. 3 , cap. 1. Idem fapiamus.. . idem propè dicamus ... doRrinct igitur dijferentes non admittantur. Conftitut. part. 3 , cap. 1 , §. 18. In opinionibus ttiam in quibus catholici doRores variant inter fe , vel contrarii funt , ut conformitas in focie~ tate fit, curandum ejt. Declarat. in conftit. p. 3 , cap. 1. Paratus fii ad judicium fuum fubmittendum . fentiendumque ut fuerit conjlitutum a focietate de hujufmodi rebus fentire opporUre. Exam. cap. 3 , §. 11. (2) Nee confervari, nee regi s atque adeb nee finem ad quem tendit focietas , confequi potefl , D iv  80 Proces des Jéfuites, w par route Ia terre (i). Tout ce grand 33 corps , pénétré du même efprit, gou»3 verné par une feule ame , em33 ploie , de concert, les plus puiflanrs J3 efforrs pour parvenir a 1'objér que » 1'inftirut fe propofe (2) : au premier » ordre,au moindre figne du fupérieur 33 commun , touts'agite , rours'ébranle, s> tout rnarche a la fois vers le but qu'il » défigne (j); nul n'eft rranquille que » ce bur ne foit atteint. Aucun membre -> ne pofsède pour lui-même ni pouvoir 'flinter fe , & cum capïte fuo membi-a ejits unita non fuerint... Hujufmodi unio , magnd ex parte , per obediëntie vinculum cenfic'uur. Conftit. part. 8 , cap, 1 , §. 1 , 3. Magnd cum celeritate f> perfeverantid quod nobis injunSlum fuerh «beundo. Conftit. part. 6 , cap. 1 , §. 1. (1) Difperfa quidem funt per omnes orblt 'mngulos focietatis membra , tot nationibus regnifque divifa , quot limiübus tellus. Imago I , fee. p. 35. Cum juxta noftra. profeffionis rationem. . . ad difcumndum per has & ïllas tnundi panes parad effe debeamus. Exam. cap. 4» §• 35- (2) Gsneralem .. . qui finem illum ad quem collegia & focietas tota contendit, pree oculis habeat. Conftit. part. 4 , cap. 10 , §. 2- (3) Lick nihil aliud quimfignum voluntatis fuperioris , fine ullo exprejfo pmcepto vide-etur..., adejus vocem , ac fi i Chrifto eg ederetur. ConflL part. 6 , cap. 1 , §. 1.  d Voccafion de Uur commerce 81 >■> ni office (i), ni crédit, ni richefles ,. n ni volonté , ni fentiments (2). L'au» torité concentrée n'appartient qu'au » général (3): fescommandements , fes » defirs mêmes font la loi qu'il faut j> fuivre (4); la puiflance coule de fes >5 mains comme de fa fource , fur les » têtes qu'il choifir (5) j elle s'étend juf- (1) Proprii cujufque gradus judicium , & officiorum difcretio ac diftributio , tola eft . .. in generalis mar.u.Baü. Greg. XIV, 1591. La même chofe eft dite en d'autres termes Buil. anni 1540. (2) Onnes eamdem dottrinam qux in focietate futrit eletla , ut melior & convenientior noftris , fequantur .. . doeïrina. in focietate communiori fe accommodet. Conftit. part. 8 , cap. li. Intcrrogetur an velit proprium fenfum ac judicium fubmittere, vel ejus fuperiori , ita ut ac^ quiefcat ejus jententiee. Exam. cap. 6 , §.8. (3) lllius eft regere univerfum focietatis corpus... Conftit. part. 9 , cap. 6, §. i. Jubendl jus toturnpenés prezpofitum erit. Buil. Paul, 3 , 1540. (4) Univerfum gubcrr.andi rationem Jgnaiiits fundator .. . monarchicam tarnen , & in definitionibus unius fuperiaris arbitrio conUntam ejje decrevit. Buil. Greg. 14, 1591. (5) A Gener.dl prapofitv, ut a capite , nni~■verja ficultas ProvinciaLium egr. diatur , ut per' sos ad' loc.ücs , per hos aulem ad fingulareefcrforuis defcendat,. Sic etiam ab eodem capite Jt  82 Proces /es Jéfuites , » qu'oü il vent (i): il a des coopératenrs; » mais, par leur miniftère, c'eft lui feul »» qui régit & qui gouverne (2): les » membres travaillent, ils agiffent, ils » acquièrent; lui feul difpofe de leurs » acquifmons , lui feul recueille le fruit » de leurs travaux, c'eft pour lui feul «quils ont contraaé(j); les tréfors » lont dans fa main pour les répafldre , » les biens font i lui pour les diftribuer " U) i fes fujets tiennent de lui leur vtlfjdum eo fuam facuhatem communicante..: mij/konts pwcedant. Conftit. part. S , cap. 1 , (i) Conflituet perfe ipfum rettorei collegaMm ac prxpvfetos locales domorum , quos aptioresfortejudicaveril.,. Ouibus eam facuhatem com• mumcabit, quant duxerit communicandam ad tnetmmm, ut plurimum.... Hoe tempte, '&■ contrahi & prorogari poteft. . . Curfu- trïenm peraflo removen pojfmt, nifi antè Generali removendi viderentur. Conftit. part. 9 , Cap , §-14- Declarat. ibid n. r. P' j ' (2) Per Rettores , adminiftrationem colleeiorumexercebit, kt iis qua ad cedifieia & temporaUa bona pertinent, Declarat, adconftitur. part. 5. cap. 3, § 3. v (3) Qmnis facultas celebrandi contratius eft penès prcepofzium generalem. Compend. conft. V lontraElus. V°. Generalis. (4) Domus.. . prcedia,.. pecunia. ... ymi  dPoccafion de leur commerce. 83 „ fubfiftanee, qu'il leur affigne arbitrai» remenc (1). De quelque cótéque fe » portent fes vues, touts'applanit, rien » ne 1'arrête; il parle, & fes volomés » plient j pleins de zèle pour obéir , » fans paffions pour réfifter, tous les » cceurs fe pénétrent des fentiments » qu'il commande {1) : tous les efprits » fe llvrent aux opinions qu'il veut » prefcrire (3) \ ee dévouement d'autant „ plus sur , qu'il eft libre & volontaire, » 1'idée fublime de la perfeóHon qui » s'attache naturellement a un gouver- vis mobilia Generalis difponere potent. Conftit. part. 9 , cap. 3 , §. 6. Detur quod conveniei ei cui dari debere Generalis fentiret. Conftit. part. 9 , cap. 4. (1) Rts , qua. advita doctrine, inflitittionem pertinent , adminiflrare Generalis munüs ent, Conftitut. pan. 9 , cap. 3. Retentd penès prapofitum&focietatem omnimoda gubematwne . .. quo ad... victüs vcptüsque eis miniflrandi rnodutn , atque aliam omnimodam gubcrnationem. Buil. PaulIII, if4°» 1543- Bull.Jul.Hf, 15 fo- ... (2) Omnem fententiam ac judicium r.ojtrum contrarium abnegando. Conftit. part. 6 , cap. I SL 1. (3) Si quis aliquid fentiret quod difcreparel ab co quod ecclefia & ejus doctores communiter fcntiunt, fuum fenfum definitioni ipfius focietatis debet fubjicere. Declarat. in cenftitnr. part.. V vj  84 Proces des Jéfuites, » nement fi rare , le prix qui d'oit cou& ronner un facririce. de toute la vie „ =» orent. au defporifme ee qu'il a de ri» goureux ; a la dépendance ce qu elle » a de. fervile ou de rude , Sc aflaten t » a jamais la durée de cette fociété trop« parfaire,. » Ce tableau , continue M.. Target „ » que Ie feu de 1'imagination fembfe sj avoir créé.tout entier , n'eft pourrant. s> que la copie fidéle d'un gouvernes> ment qui parut une fois fur ia terre , »> & qui fubfifte encore fous nos yeux. 3> Quels fentiments fera-r-il naïtre.? Caufera t il 1'admiration ou lefFroi ? 3} Ne prévenons pas-les réflexions : mais 33 que de biens ne peur pas faire un 5) corps aufli-bien dirigé .,. fi cette conf35 piration générale a la vertu pour ob« jet? Pan quels prodiges d'utilité ne s> doit-il pas étonner les Hommes, fi s> les vues font, au/li puresque fes. =5 moyens font puiflants ! Une feule in» telligence imprime le mouvement a 3» certe multitude aétive. ; atteint par « eile-aux exttêmités du monde , met & »profit fon courage , emploie fon-, adrelfe , ufe de fon crédit-, difpofe de » fes> richeffes , avec la même faciliré » qjuAuxhomme. robufte. Sc fort^ fe fert  d l'occafion de leur commerce. 8 ^ » de la vigueur de fes membres. » Une autorité li vafte peut - elle m rencontrer quelqu'obftacle , & 1'ar» mour de la juftice , armé de cette » force invincible, n'eft-il pas sur d'a» pérer tout le bien qu'il infpire » ? Reprenons , en particulier, les principaux traits de cette adminiftration merveilleufe , &c parcourons fucceflivement les caractères qui la diftinguent.. L'empire du général des jéfuites étoit également abfolu fur les volontés, fur les efprirs, fur la morale , fur le régime exrérieur , & fur les conftitutions mêmes. Cepouvoir illimitéembralToittous les bieHS, toutes les richefles de la fociété , dont il faifoit arbitrair.eme.nt tel ufage qu'il lui plaifoit. En un mot , ce n'étoit pas un monarque, c'étoit un defpore, qui n'avoit d'aurre régie que fa volonré , & qui ne devoir de compte & perfonne. C'eft ce qu'on a déja vu en abrégé , c'eft ce qu'on va voir dans un plus grand détail. La fociété étoit divifée en quatre claffes: i°. les profes, que les conftirurions. appellent Jocietas profejjd ; z°. les coadjuteurs formés ; 30. les écoliers approuivés ; 40. Tous ceux qui, fans êrre des trois premières clafTes, avoient ia réfolu^ tion de vivre & mourir dans la fociété y  86 Procés des Jéfuites, & étoient en état de probation, pouf cju'ori décidar enfuite dans laquelle des trois autres ils feroientadmis. Generalis, cum primhm eleclus eft, .... poteft plenam exercere jurifdiclionem in omnes fub ejus obedientid degentes, ubïcumque commorantes , etïam exemptos , etiam quaficumque facultates habentes. Compend. v°' generalis, §. i. Or, qui étoient les jéfuites qui avoient des facultés privilégies, & quels pouvoient donc être ces jéfuites ? On verra , par la fuite, que, fuivant les conftitutions, c'étoit dugénéral qu'émanoit toute 1'autorité des provinciaux , defquels elle fe communiquoit aux fupérieurs locaux , qui 1'exercoient fur les inférieurs. Les préfets , les recteurs, lesprovinciaux n'avoient d'autorité que la portion que le général vouloit bien leur communiquer ; il pouvoit les continuer & les deftituer quand il lui plaifoit; il pouvoit étendre ou refferrer leurs pouvoirs , comme il le jugoit a propos: en un mot, fon pouvoir s'étendoit a tout & fur tous. Quels peuvent donc être ces jéfuites privilégiés dont il s'agit ici ? Les conftitutions vont nous 1'apprendre. La feule condition effentielie pour êtrejéfuite confiftoit dans Ie ferme propos de vivre & de mourir fous les liens  cl ü occafion de leur commerce. 87 de la fociété , & dans la foumiuion au général. Societas , ut ejus nomen latifJïmè accipitur , omnes eos qui fubf obedientid pr&pofiti generalis yivunt, etiam nevitios } Sc quicumque , cum propojïtum vivendi & moriendi in focietate habeant, in probationibus verfantur, ut in eam ad aliquem ex aliis gradibus de quibus dicetur admïttantur , compleclitur. Confitut. part. 5 , cap. 1. Or ces épreuves dont il eft ici queftion , pouvoient durer tant qu'il plaifoit au général, 8c ceux quis'y foumettoientétoient difpenfés deporter 1'habir. Poflquam fiatuetur quod ad probationem aliquem admitti conveniat , Jolitis vejlimentis indutus y aut pro cujufque deyoiione , &c. Conftit» part 1 , cap. 4 , n. 1. Le feul propos d'êrre toujours forrmis au général furrifoir donc pour conftituer un jéfuite, fans qu'il fut néceffaire qu'il fe liat par les vceux de pauvreré ni de chafteté. Cette fociété , a 1'aide de cette quatrième efpèce, pouvoit donc comprendre, dans fon fein , des hommes de rous les ordres & de tous les états mariés ou non mariés , fans qu'ils abdiquaffentlaprofefficn qu'ils exercoienc dans le monde 5 & cette efpèce de jéfuites étoit capable departicipera toutes  88 Procés des Jéjukes , les graces fpirituelles dont k'diftribtttion étoit confiée au général, Quocumque ex nis quatuor moiis aliquls in focietate jftt, capax eft communicationis gratiarum fpiritualium quas in ed prapofius generalis ,fecundum conceffionem fedis apoftolica, ad majorem Dei gloriam , poteji concedere. Conftit. part. 5 , cap, 1. Tous ceux qui étoient connus pour jéfuites, & qui en faifoient profeffion ouverte, étoient répandus dans différenres forres de mailbus : maifons profelfes , maifons de probation ou noviciars , colléges , & miffions» Les profès éroient voués a lapauvreté.. Profejfi vivunt ex eleemofyms in domïbus. Conftit. part. 6, cap, 2, §. 3. Ainfi les maifons qui leur étoient réfervées ne pouvoient pofféder aucuns biens •, mais cette faculté n'étoit interdite ni apx colléges , ni aux noviciats. Les miffions, étoient, quant a la pauvreté, dans le même cas que les maifons profelfes ; la pofleflion des richeffes étoit réfervée aux colléges&aux noviciats, & les millions neformoient pas même des maifons : c'étoient des habltations deftinées au logement de parrisuliers dépurés par le pape , ou par le général, pout aller annoncer ia foi aux  >,? occafion de leur commerce. 89 infidèles. Ifc n avoient donc point a erablifTement fixej ils étoient toujours ptêts a- courir oü le bien de la religion lesapI pelloit. lis ne pouvoient donc pas, en , qualité de miuionnaires , former un i corps , ni avoir un être politique._ (Jes reglements cioivem- paiu^.^ u.v.. étranges au leéteur qui fe rappelle la conduite du miffionnaire la Valette , &C les acquifitions qu'il a faites pour la maifon de Saint-Pierre de la Martinique : mais , au moyen de la diredion d'intention , les jéfuites arnvoient toujours a leur bur, &violoient toutes les loix , fans en enfreindre aucune. Les colléges & les noviciats étoient capables de pofféder des biens. Nos pè^ res ont fondé de gros bénéfices , a la charge que ceux qui en recueilleroient les fruits feroient des prières folemnel1^ nonr le renos de leurs ames. Les , jéfuires ont fait réunir une grande par- : tie de ces revenus a leurs noviciars & a , leurs colléges , a la charge qu'ils feroient j employés pour 1'entretien des miffions. 1 lis fe faifoient faire, fous le même pré- i texte, beaucoup de legs & de dona- l tions j & les ttibunaux ont fouvent-re- ■ tenti des cris de pauvres héritiers qui réclamoient contre ces libéralités.  9° Proces des Jéfuites, Pour maintenir 1'obfervation Iittérale de la regie , comme ces biens étoient attachés aux colléges , c'étoit aux fupérieurs des colléges que 1'adminiftration en appartenoit, fous 1'autorité & fous les ordres du général: mais, comme le revenu en devoit être appliqué aux miffions, les fupérieurs des colléges palioient aux procureurs généraux des miffions , une procuration pour recevoir ce revenu & en difpofer. Le P. de Sacy en convint judiciairement, dans 1 afttoe dont il s'agit ici. II déclara qu'il legifloit & gouvernoit les revenus de la Martinique fur la procuration du recteur du collége de la Flèche , auquel ils étoient unis. D'un autre coté, les miffions faifoient un commerce immenfe , dans le nouveau monde , & acqueroient, comme on 1'a vu par la conduite du P. de Ia Valette, des rioheifes inrtvwjkloc mol» comme ces miffions n'étoient par ellesmemes ni des établilfements , ni des maifons particulières , & n'étoient autre chofe que des commiffions données par le général, a des particuliers , pour annoncer la foi aux infidèles, tous les biens qu'elles entafloient appartenoient au collége chargé d'entretenir la mif-  a, Voccafion de leur commerce.. 91 fion. C'eft ainfi que les maifons baties par le P. de la Valette, les habications, les efclaves , &c. dont il avoit enrichi I fa compagnie, appartenoient au collége I de la Flèche: Sc c'eft ainfi que les mif): fionnaires vivoient toujours dans la \\ pauvreté évangélique. Quant aux maifons profenes, comme I ceux qui les habitoient , devoient vivre d'aumones , elles ne poftédoient rien. On n'en a vu cependant aucune dont : les religieux mendiaflent. II eft inutile I de rechercher les moyens dont ils fe I fervoient pour remplacer les quêtes qu'ils ne faifoient point. Mais une fin! gularité, qu'il ne faut pas obmettre , : eft que , quoique les maifons profefies ' fuffent vouées a la pauvreté, c'étoit ceI pendant les profes qui étoient faifis des : biens de la fociété , de ceux même qui étoient unis aux colléges Sc aux noviciats (1). II eft vrai qu'il leur étoit dé: fendu de les empleyer a leur profit : mais , fi ces propriétaires des biens des ; colléges n'avoient pas eu d'autre ref- (1) Supremam curam & fuperintcndentiam eollegiorum. .. proftjfa focletas habebit. Conft. part. 4 , cap.ho , §. I Pofiejfiontm collegiorum... profeffa focietm habebit. Conftit. part. 4 , : cap. 10 , §. 4.  9 2- Procés des Jêfukes l fource pour fiibfifter, imagine-t-on I qu'ils fe fuffent laiffé périr de faim , au milieu de 1'abondance dont ils avoient fait jouir les autres ? Quoi qu'il en foit , c'étoit une régie des plus importantes du régime jéfuitique, & qui , dans cette affaire , ne doir jamais êrre perdue de vue , que celle qui vouloit que la fociété profefle füt faifie de la propriété, ou du moins du gouvernement de tous les biens , ! de ceux mêmes qui étoient attachés aux colléges & aux noviciats (i). Toutes les maifons de la fociété étoient diftribuées par provinces. Le P. Jouvency, dans fon hïftoire de la fociété, rapporte qu'en 1710 , elle avoit 612 colléges , 340 maifons de réfidence & 59 noviciats, 200 miflions, 24 maifons profelfes , le tout divifé en 37 provinces. Que Pon juge de 1'étendue énorme de chacune de ces 37 provinces par celles qui étoient en France. Ce grand royaume n'en formoit que (1) Juverit etlam magnopere in fuo bono flatu ac difciplind collegia confervare, & ad id eorum fuperintendmtiam per illos exercere , quibus utilitas temporalis nihil ex eis poteft accedere. Talis eft focieta-sprofejja. Conit. part. 10, §• 4-  a Voccafion de leur commerce. 93 cinq. Suivant le mème hiftorien , le n0mbredes jéfuites étoit, en 1710, de I9998. Tout le monde fcait que leurs 1 établilfements s'étoient beaucoup mulril> pliés depuis cinquante ans, canr dans I Panden, que dans le nouveau monde: I cependant leurs maifons éroient touc jours également peuplées ; il faut donc I que le nombre des religieus eüt beau| coup augmenté. ^ _ Tout ce grand corps étoit gouverne 1 par un feul général. 11 avoit, fous lui, I des provinciaux, dont chacun étoit a 3 la tête de 1'uïie des trente-fept provinI ces. Chaque maifon étoit conduite , I fous les ordres du provincial , par des i redeurs, des préfets, des confulteurs , I des fociaux , des admonireurs. Outre I tous ces officiers , il y avoit un procu1 reur général de I'ordre , qui réfidoit i : Rome. Chaque province , chaque mai; fon avoit fon procureur; chaque conrrée, I oü il y avoit des miflionnaires, avoit fon f procureur. Ces procureurs étoient fou' mis aux fupérieurs auprès defquels ils !; étoient employés; le procureur-général, ï au général; les procureurs des provin■ ces , aux provinciaux ; les procureurs des'maifons, aux redeurs ou autres. fupérieurs locaux. lis étoient chargés de ,  94 Proces des Jéfuites, l'adminiftration de la province ou de la naaifon a laquelle ils étoient attachés, mais comme des intendants , fous les ordres des fupérieurs , fans lefquels ils ne pouvoient agir. Ce grand nombre d?ofEciers étoient comme autant d'yeux qui faifoie-nt pénétrer par-tout les regards du général. II n'en étoit point qui fiuienteffentiellement fes coopérateurs, qui euffent une jurifdicfion propre , qui tinftent leur autorité de la même main dont il avoit recu la fienne. Tous n'étoient que des commiftaires du général lui-même; c'étoit lui qui les déléguoit & les députoit; c'étoit de cette fource que defcendoient tous les pouvoirs, qui alloient de canaux en canaux , fe diftribuer , fe fubdivifer , fe fixer ou il lui plaifoit, & produire tous les effets qu'il commandoit. Poteftas teta manere debet a prapq/ito generali. . . . ab eo , ut a capite , univerfa facultas provinciaHum egrediatur > ac per eos ad locales ; per hos autem aiJingulares perfonas dil cendat. Conftit. part. 8 , cap. i , §. 6. Et cette règle avoit lieu pour les miffions , comme pour les autres érabliffements; les conftitutions le déclarent en termes exprès. Sic etiam ab eodem  cl Voccafion de leur commerce. 9^ capite , vel faltem eo fuam facuhatem communicante ymijfiones procedunt. lbid. Mais tl ne faut pas croire que chaque dignité, chaque place eüt un pouvoir , déterminé. 11 n'y avoit point de fonction attachée aux poftes les plus ordi1 naites , i titre de fon&ion néceflaire & ] inhérente. II dépendoit du fuprême dif1 penfateur de donner a tel fupérieur des ; faculrés que n'avoit pas un fupérieur i du mème grade. C'étoit lui qui régloit : la fphère de leur pouvoir, en leur corai muniquant, du fien,ce qu'il croyoit i devoir leur en rranfmettre. Prapqfti I generales aut locales & rcclores, & alii \ commiffarü tam partem hujus facultatis \ habebunt qttam generalis ipfis communi1 caverit.... Quibus etiam tam potefiatem i communicabit, quam duxerit communi\ candam....poteJi etiam rcvocarc, reflrin-. gen , & etiam augere. Conftit. part. 9 , . cap. 3 , §. 7 > x4 > 15- .C'étoit mème i un de fes privilèges de limiter, par des contre-lettres, les pouvoirs qu'il avoit donnés par des lettres oftenfibles.Q«flOTvis generalis , in pattntibus litteris ai prapoftos particulares miffis , ampliflimam eis facuhatem impertiat , quo magis fubditi eofdem venerentur, & humiliores ac fubmifiores fe cxhibeant ,  g6 Procés des Jéfuites , nihilominus tarnen , -per fecretas litteras hac potejlas contrahi . prout convenire videbitur , & limitari poteft. Declarat. in conftit. pag. z , cjp. i. Oen étoit un autre de cafler & d'anéantir toutes les opérations faites pat les fupérieurs , quoiqu'ils n'eulfenr agi qu'en verru de fes pouvoirs. Quamvis aliis inferioribus pr&pofitis.... eommiffariis fuam facuhatem communicet, poterit tarnen approbare vel refcindere quod HU fecerint. Conftit. part. c, , cap. 3 zo. D'un autre cóté , comme il n'étoit point de place qui eüt de fonótions réglées, il n'étoit auffi ni pofte ni rang , dont la conceffion fut ftable. Toutes les places éroienr triënnales par elles-mêmes j mais elles ne duroienr qu'autant que le général le jugeoit a propos. Tempus contrahi & prorogari poteft. Potefi revocare. Conft. part. 9 , cap. 3 , §. 14 & 15. Le digniraire le plus éminent n'étoit qu'un commis amovible. La diftance des lieux ne déroboit point les miffionnaires a cette puiiTance qui atteignoit aux extrêmirés de la terre. Ab eodtm capite miffionnes procedant... Ad quajlibet mundi partes , ad 'qucdvis tempus 3 ad quamvis aciionem e.xercendam. Si  yeütaucune deftination marquée parle I donareur , le général en étoit abfoJut ment le maitre \ il pouvoit les vendre 1 ou les retenir; & dans ce dernier cas , I il pouvoit les appliquer a tel lieu qu'il 1 jugeoit a propos. En un mot, il en avoit 1 la fouveraine difpofirion. Deiis quzfoI cietati ha relinquuntur , ut ipfa, pro fuo \ erbitratu ea difponat j Jive bona ftabiliet Eij  ioo Procés des Jéfuites, /Hajint, ut domus aliqua , vel pr&dium , non aiicui certo collegio ab eo qui reliquit (teierminat'e applicatum \ elannexum, five mobilta . . . , Idem generalis difponere potent, aut vendendo, aut reünendo 3 aut huic , vel illi loco , id quodvidcbitur y fippücando. Ibid. §. 6. Tl n'avoit befoin, pour difpofer ainfi a fa volonté, de eonfulter perfonne,, ni de convoquer aucune délioération capitulaire \ on verra même, dans la fuire , que ces délibérarions étoient expreffément prohibées par les confticutions. Aucune place , aucun pofte, dans la fociété,ne donnoit pouvoir de prendre des arrangements fur ces objets, fans une autorifation fpéciale du chef. Et pr&pofiti provinciale*, aut locales & re&ores, & a 'ii ejus commiffarii eam partem hujus facultatis habebunt , quam ipjts generalis communicaverit : neque verb collégiales ad hujufmodi atlus collegialiter erunt congregandi. Ibid. Les miffions étoient, a eet égard, dans Je même ordre que tous les autres établiffements de la fociété, Idem gen ralis pi mijjlonibus omnem habet po.ejlatem. Jbid $. c,. Les conft tutions originaires des jéfuites avoient donné quelques legères  at 'occafion de leut'commèrce. toï entraves au pouvoir dn général \ mais il en fur totalement délivré par un décret de la première congrégation. Elle décida qu'il pouvoir faire routes fortes de contrats , fans exception , &; fut toutes fortes d'objets. Tuk facla deeï- fjïo quod poffet , ut pr&diclum ejl, quof- | vis contraclus eek b'are. Et. pour rendre cette décifron notoire a tous ceux qui ii auroient a trairer avec la fociété , la congrégation paffa fa délibération par~ devant notaires ; & eet acfe donne ad général un pouvoir indéfini & fans bornes, qui s'étend a toutes fortes de ai contrats, & a tous les biens , de quelque qualité qu'ils foient. Facuhatem eJJ'c penès pfapofitum géneralem . . . ad quofvis contraclus , ut emptionum & veni dkionum & ceffionum quarumlibet rerum temporalium , mobilium vel immobiliurri ^ eekbrandum. L'aéte ajoute que ce pouvoir appartient au général feul , & qu« les provinciaux mêmes n'y participent qu'autant qu'il leur en communiqué. Pr&pofitos provineïaks,- vel pat ticulares , ac recfores , ac alios quofvis de focietate , tam habe're duntaxat adres pr&dttlas faeultatem, qu& a prxrofito generali fuer'rt flits cemmunicata. Enfin il y eft déclaré que les affemblées capitulaires n'étoient  rol Proces des Jéfuites,' néceifaires pour aucun acfe , paree que tour pouvoir émanoit du général , Sc de lui feul. Non necejfe eft collegialiter ad Jimiles aclus congregari. . . . Non opus e£"e collégiales alicujus collegii congregari adfonum campana ,nec aliter, ad procuratores conjlieuendos , vel quofvis contraclus celebrandos , cum potes- tas tota manare debeat a VH.JEVO- sito generali . . . ita ut nullo rnodo cpporteat res hujus modi collegialiter traclari. Tel eft fidélement le réfulfat du décret de la première congrégation tenue par la fociété affemblée. Pour donner plus de poids a ces décifions, les jéfuites obtinrent de Pie V , une bnlle de 15^8, dans laquelle les mêmes difpofitions font répétées Sc confirmées. Omnimoda collegiórum ipJïus focietatis gubernatio . ... ad prapoJitum generalcmfpeclat; undè jit ut neque collegia prefata ca-itulum habeant, neque capitular'uer ad quevis peragenda congregentur • omnisque facultas celebrandi contraclus . . . penès prttpefitum prufatum refideat. Ce pouvoir arbitraire &indépendant fur encore confirmé , Sc même érendu par une bulle de Grégoire XIII de 157É. Elle autorifoit le général a vendre ,  al'occafion deleurcommerce. 103 aliéner , permuter, donnera emphytéofe ou a longues années, & par tels aótes & en celle forme qu'il jugeroit a propos , non feulement rous les meubles , de quelque prix qu'ils fulfent , mais encore tous les immeubles &c biens répurés reis , arrachés a quelques maifons de la fociété que ce fut , maifon profefle, de probarion ou colléges, ©u toutes autres , en quelques lieux que ces biens fuflent fitués; au prix , charges, claufes & condirions qu'il jugeroir convenables pour l'utilité de la fociété (1). (1) Generali pretpofito. . . infirmatione de confatlibus incundis per litteras. ,. auditis , juxta eorum inftitutum , confultoribus, accef ta, quezcumque domorum', turn profeffarum , turn probaüonis , collegio um & aliorum locorum ejufdem focietatis ubi licht corfiftenlium , bona ftdbiü.i & immobilia , feu quafi ftubilia nee non & pretïofa mobilia, cujufcumque qualitatis & quantitatis ac valoris , & in quocumque loco pofita , pro pretio , & fub paBis , conditionibus , modii &formis hic indé convenier.di ■ , in evidentern tarnen domorum Sr collcgierum hujujmodi utilitatcm per [e vel alium ,feu alios , vendere , permutare , ac etiam in emphyteufim feu livellum ad tres generatïcncs , vel nominationes tantum , feu al'tud longutn tempus , pro aff.Elufibi bené vifo concedere ... concedimus & indulgemus. E iv  1 e>4 Proces des Jéfuites , La néceffité impofée par cette bulle ; de faire des informarions & de prendre iavis des confulteurs, formoit des en» traves trop gènanres pour un defpote qui ne vouJoitrencontreraucunobttacle a ia volonré. Elles furent Ievées par une b e cu même pape dei582, qui rendit le genera! feul & fouverain ju?e de 1 unhte des aliénarions , qui le dilpenia de la néceffité d'aucune informanon , & de route formaiité , s'il ne iuge a propos d'en faire (i). Enrin le général Aquaviva donna , en x< 8r , un décrer , par lequel , apres avoir blamé ia conduire de quelques fupérieurs de la fociété , qui s'étQient permis de convoquer des afTêmblees capitulaires pour faire des con"ars , il les défendic expreflemenc , (i) Prcz?;fito Generali diSlee focietatis ■ extrajudicmliïer acfummarè,& fimnliciter ac<*pra ,. vel etiam ea omninö omina , bon* domorum collegiórum-, locorum hujufrnodi fiabilia , & mam mobilia preuofa. . . vendere permutare , in emvhyteufim- feu livellum ad tres generationes , vel in aliud tongum tempus fzr/y inilitatemque vendiionu-n & aliorum nuiufmodt, vel etiam dece/Jztatem , aut atidè cauf.rm propterqu.im fiat fimpliciter , b abfque fig-ira judicii , cognofcere , judkare, drfinire , é- penttus terminare , libere & licitè valeaf.  d £ occafion de leur commerce. IO <$ & donna une formule , a laquelle on étoit obügéde fe conformer deformais-} öc cette formule fnppofe que le fupérieur qui contradet'-a, fera autoriié par le général : la voici \ perfomaliter ctnfTfr tutus h!. reclor N. aferens fe , ad infra. fcriptam vendiaonem & permutationetn , SUFFICIENTEM HABfRE POTESTATEM A R. P. GENERALI PRyEPOSITO , PENES QUEM OMNIS FACULTAS CELEBRANDI CONTRACTUS . . RESIDET . . (le iicetl- tid diclo rtSóri concefja , littzris'patentibus nianu- ejufdem pmpofiti generalis fufcriptis , ejuf;ue fg'illo munkis.-Ordinat. general. injlk.-foc. Jef vol z , pag,- Les facultés du général alloient juf» qu'alui donner la liberré de- difpofer , comme- il vouioir y-des legs qui étoient laifTés a la fociété , quand, par le tefta? ment, ils-n'étoient'rrtachés a aucune maifon particuliere. 11 n'avoit pas ce pouvoir , quand la deftmarion - éroit marquée ; mais il ne lui étoit pas moins permis-de les détourrfer d'un ufage a 1'autre , non-obiïanE les dernières volenrés-des bienfaiteurs, poürva qu'on évitat de fcandaüfer les hérithrs qui les payóiënt: Hanc fcultatem fibi rej'eryat prapoficus generalis commutare exli, v  I o6 Procés des Jéfuites, uno ufiu ad alium necejfarium legata qua rellnquuntur noftris ccllegiis aut domibus „ dummodb id fiat fine fcandalo eorum ad quos folutio talium legatorum pertinet. -Compend. verbo commut&tio, §. 6 (i). II faut prendre garde de laiffer appercevoir que la fondation ne s'exécute pas : on pourroir refufer de la payer. II réfulte , de ce dépouillemenr des conftirurions, & 011 voit qu'elles le di- fent clairement, que ce pouvoir , tout étendu, tout énorme qu'il étoit , étoit inhérent a la perfonne du général , qu'il agiifoir toujours de Ta pleine puiffance , fans êrre tenu de prendre le eonfeil de perfonne avant d'agir , & fans devoir aueun compte a qui que ce fut j après qu'il avoit exécuté fes propres volontés. Eh! a qui rendroit-il ce compte ? La fociété lui donnoit, il eft vrai , «luarre affiftants , au moment de fon élecHon ; mais ce n'étoit point un tri— bunal qu'elle érigeoit , & dont il ne fut que le préfident , lui feul avoit toujours la voix aéfive. Les conftitutions attribuoient a ces alliftants trois (2) Ce paslage fenvoie au mot al'unatio-y ©u il efl ajouté rjj tout ce que le fupérieur vous ordonne « eft I'ordre & la volonté de Dieu » même; ik que , comme vous croyez, » fans héfiter , de tout votre cceur 8c » de tout votre efprit, tout ce que Ja  a F occafion de leur commerce. i r q y, foi catholique vous propofe:de même » il faut vous porter , avec 1'aveugle » impétuoiité d'une volo-nté empreiiée n d'obéir, & fans aucun examen , a n faire tout ce que le fupérieur ordonne; 91 en un mor , comme fic Abraham, » lorfqu'il recur de Dieu I'ordre d'im» moler fon rils (i) *. Les conftitutions interprétant cette lettre , profcrivoient toutes réferves &c toutes reftncfions a cette obéiffance. Ce n'étoit pas feulement dans les chofes de devoir qu'elle étoit de précepte; elle obligeoit jufques dans les chofes inutiles , indifférentes. II falloit partir, non-feulement au commandement du fupérieur, mais au moindre figne de fa volonté. II falloit obéir a ce fïgne avec la mcme foumiflion , & Ie même empreftement, que fi I'ordre eüt été prononcé par la bouche de J. C. lui-même. (i) Ut flatttatis vobiscum ipji quidquid fuperïor prtecepit , ïpfius Dei pmceptum effè & volunlatem ; atque ut , credendo quce catholica fides proponi', toto animo , affèifuque vcjlro , ftatim incumbitis , fic ad ea facienda qutccum. que fuperior dixerit, catco quodam impetu vo- luntatisparendi cupida ,fine ulla prorsüs difquifitior.e feramini. Sic egiffe credendus eft Ab a~ ham filium Ifaac immolare jujfius. Epift. pra- pofit. gen.  I io Procés des Jéfuites, L'obéiflance devoit être fi ponéhielle Sc fi prompte j cjue rien ne pouvoit la fufpendre, elle devoit être telle que , dans quelqu'occupation que 1'on fe trouvat 3 on devoit 1'interrompre a 1'inftant: il falloit agir, dès que I'ordre étoit donné, l'obéiflance ne fouffroit ni frqideur, ni délai; fi une lettre étoit ■commencée, c'étoit un crime de 1'a■chever. Re qudvis, atque litterd d nobïs incohatd ; necdtim perfecta re/icla (i). Elle devoit confifter, cette obéiflance, non feulement dans I'ordre , Sc dans la pleine Sc entière foumiflïon de Ia volonté , mais encore dans le fa riflce abfolu de fes propres penfées , & de fa propre intelligence ; hm in i 8c laplus fcrupuleufe , fi elie n'avoit pas j pour principe 1'acquiefcement le plus : enrier, un abandon total de la volonté , ! & une conviclion intime de 1'efprit fur la nécelfiré du commandement. Et cfh imperfecta ea obediemia in qua , pr&\ ter executionem , non efl hac ejüfdem voluniatis & fententia , inter eum qui jubet perjevercntid , quicquid nobis injunflun 1 ! fueritobeundo, omniajufla efie nobis perjuadcndo; \ j omnem fententiam ac judicium noilrum contrarium , ctzca qua, dm obedientia abnegando , & i id quidem in omnibus quje afuperiore difpo: nuntur, ubi definiri non poreft , quemadmo, | düm dictum eft , aliquod peccati gemii intercedere ; & fiti quifque perfuadeat quod qui fub , ebedientid vivunt fe ferri ac regi divind pfovidenl 'ui per fuperiores fuos finere debent proinde ac fi cadaver effent qujd qubcumque verfus ferri , &■ : qudcumque ratione trattari fefinit; vel fimilitet , atque fenis baculus , qui , ubicumque, & qua." curnque in re velit eo uti qui eum marot tenet t ti infervit. De cette reftriftion intercallée dans ce paffage, on concluoit que 1'inférieur étoit difpenfé d'obéir, quand il croyoit ne ,1c pouvoir faire fans pêché Donc l'autorité da général étoit fubordo.nnée a la 1'ói de Dien. Mais , 10. cette reftriction eft placée après Tobéiffauce aveugle , 1'obéiftance de 1'intelligence , de la volonté & du fentiment ; Sc avant 1'obéiffancc comparée a celle d'un cadavre 8c d'un baton. Or, comment concii lier la prétendHe exception avec cette impaffibilité que devoit avoir tout jéfuite relativement au eéfli;ra] ? avec cette abnégation, F ij  i 2,4 Proces des Jéfuites, prefcrite par les conftitutions, alTujetifibir , en mème-tems, les membres de parfaite de toute penfée & de tout jugement contraire; avec cette détermination due aux ordres du général, pareille en tout a celle que J'on doit a la foi catholique ? D'ailleurs , que difent, fur ce paffage , les déclarations qui, comme on 1'a déja vu , avoient la même autorité que les conftitutions elles-mêmes ? Elles contiemaent deux chofes effentielles : la première eft 1'explication de ces mots , turn in executione , turn in. voluntate , turn in intelletlu. La voici: Obedientia , quo ai executionem attinet, tuin prceftat cum res juffa. completur ; quo ad voluntatem , cum ille qui obedit id ipfum vult quod qui 'ijubet ; quo ad intellettum, cum id ipfum fentit quod ille , &• quod jubetur b^nè juberi exiftitnat. Et eft imperfecta obedientia , in qua , prater executionem , non eft hcec ejujdem volunta'.is & fententia inter eum qui jubet & qui obe'dit confenfio. Ceft-a-dire , « l'obéiflance , ï) quant a 1'exécution , eft entière , quand le »commandement eft exécuté ; quant a la j> volonté , quand celui qui obéit veut la » même-chofe que celui qui commande ; V quant a 1'efprit, lorfque 1'inférieur penfe S) comme fon fupérieur , & croit que I'ordre j> eft jufte : & 1'obéiffance eft imparfaite , j> quand elle fe borne a 1'exécution , & qu'il » n'y a pas un accord entier de volonté &. de » fentiment entre celui qui donne i'ordre , & » celui qui 1'exècute ". On ne peut difconvenir que cette explication ne laifie pas beau» CQup de place a 1'exceptioij.  d ï'occafion de leur commerce. 12«J k fociété a une multitude d'obfervances inconnues dans les autres régimes, SC Mais il y a plus: Vöic't coinmerit les mêmes déclarations expliquent cette exception: Sur ces mots: aliquodpcccatigenus intercederen elles difent : hujufmodi funt ille omnes in quibus nullum ejl manifeftiffimum peccatum. « Telles font toutes les chofes danslefquelles » il n'y a aucun pêché manifefte». Ce nelt plus ici quelque genre de pêché , aliquod peccati genus ; il faut un pêché mamfefte. Cette reftriaion , fi fage en apparence , n'eft donc qu'un de ces preceptes captieux que Pon rencontre fouvent dans 1'inftiuit des jéfuites. En effet, le jéfuite qui avoit des fcrupules devoit en abandonner le jugement a 1'un de ces hommes fcavants & pieux dont il eit dit que la fociété abondoit, & non a d atltres. Exam.gen.cap.3,% 12. Or ce dofteuir choifi pour juge la dècidoit ïnfailliblernerit dans un fens conforme a la morale & a la doctrine adoptées dans la fociété; car c'étoit un principe de 1'inftitut, qu'il falloit penfer dans la fociété comme elle avoit détermine qu'il falloit penfer. Sentiendum ut fuerït confti' tutum in focietate fentire opportere. Ibid. §, I I, Et quelle étoit cette doctrine qui devoit être inviolablement uniforme ? C'étoit celle que la fociété avoit choifie comme la plus coiivenable a fes vues , & la plus accommodée au tems. Omnes eandem doÜrinam que eleElit fuerit , ut melior & convenienvor noftrii , fequantur. Declarat. in conft. part. 8 , cap. 1 , k. Le livre de théologie fcholaftique qu'il falloit préférer, s'il s'en faifoit un nouveau, F iij  11 6 Procés des Jéfuites , qui aggravoienc 1 'alTerviffement & Ie föug. Une des premières queftions que étoit ceiui qui ais noflris ttmporibus aetommodatior vidcretur. Ibid. part. 4 , cap. 14 , B. L« auteurs qu'il-falloit lire étoient ceux'?«ï ad Jcopum noftrum magis convenire videbaniun Conft. part. 4 , cap. 14 , §. 1. Or, fi la décïfiöh des cas de confcience appartenoit exclufivement aux dofteurs de la fociété i ü tous les membres qui la comjpoioierit ne pouvoient avoir qu'une même iacon de penfer, il n'y avoit donc de pérhés manifeftes , que les aétions qu'elle cc fes dofteurs jugeroient tels;. &, dans ce cas , comment étoit-il poffible qu'une démarche commandée par les fupérieurs füt un Péchè manifefte ? Le général & les fupérieurs ne tfecicioient certainement pas cju'il y eüt péf ene manirefte dans ce qu'ils commandcienr, 11 celui auqusl ils comroandoient avoit quelque fcrupule fur ce qui lui étoit cojnmandé.. Cette pretendue exception nxtoit donc qu'une pvécaution fubtilc , pour cacher aux yeux peu attentifs 1'oclieux qui fe trouvoit dans le précepte qu'elle psroiflbit mitiger ; snais qui devenoit inutile par les explications & les autres loix qui viennent d'ètre citées & qui ne font pas les 1'eules que 1'on auroii pu rapporter. Mais d'ailleurs qu'eft-ce que c'étoit qu'un pêché manifefte dans la fociété? C'eft ce qu'on peut apprendre en faifant attention aufyftême du probabilifme , qui fait la principale bafe de toute la morale jéfuitique , ck qui a été eni'eigné par les iéfuites de tous [li I  d l-'occafion de teur commerce. ï vf En devoit faire aquiconque fe préfen-; toit pour enorer dans la fociété, étoit s'il les tems & de tous les pays, Francois, tta-' lens , Allemands- , Efpagnols , Portugais , &c. ck avec les approbations de tous les fupérieurs de I'ordre. Voici ce fyftême. Le premier principe eft que , un homme fcrupuleux eft en süreté , s'il oppofe a fes fcrupules une opinion qu'il juge être probable , quoiqu'il penfe que 1'autre opimon eit plus probable r & le confeffeur doit, contre fon propre fentiment, fe conformer a celui du penitent, attendu aue 1'opinion du penitent , étant probable , 1'excufe devaot Dieu. Henriquei, fomm. theolog. mor.il. lib. M,i irregul. cap. 3 , *. 3 3 p. 845» «dit. de Venifc 1660. La raifon dé cette décifion eft que : ce feroit un fardeau inftipportable pour les confciences , ck qui expoferoit a beaucoup de fcrupules , fi nous étions obligés de recher«her ck de fuivre les opinions les plus pro-' Ëables. C'eft pourquoi des gens fcavants-, Sc n- 15 »• p. 24 , édit. dc Lyon 1659 » prendre la défenfe de mon fentiment, je » dirai volontiers avec faint Auguftin : ƒ je 3) doute rje ne me feraipaint de peine de chereher;. *>feje metrompe, je naurai point home d'ap. » prendre r &c. n, Tout ce qui eft pyobable peut donc être Wm en confcience, mème l'opinion la plus denuee. de preuves; & le confeffeur ne peut pas, fous peine de pédié morteI„refufer 1'abiolunon au.pénitent qui fuit une opinion pret>ableque le confeffeur croit fauffe. Or le général, eet homme qui tenoit la place de J. C. lui-même , eet homme dont les or^ dres exigeoient la même créance qne la foi cathohque , éteit certainement un. auteur graveel éteit donc impoffible qu'il y eüt jzmais pêché raanifefte dans ce que le général ©rdonnoit, puifque foa feul comaiandement tormoit une opinion-probable ^qui combattoit 1'autre opinion , & faifoit, par. conféquent, djfparoitre tout péehé manifefte; L'exception dont il s'agit ici ne pouvoit «ene jamais avoir d'applkation dans le fait.  aVoccafonde leur commerce. 133 i faire qu'avec 1'agréinenc du fupérieur „ . qui éroic le mairre de ne le donner • qu'auranr que le choix tornberoit fus J quelqu'un. qu'il eüt nornmé lui-mê'> me (1).. On devoit encore dernander au pof» J tulant s'il trouveroit bon que fes fantes 5 I fes défauts , & généralemsnt tout ce I qu'on trouveroit de repréhenfible en jlui, fut décelé & manifefté aux fupé1 rieurs, par quiconque s'en appercer VToit, ou en feroit inftruit par toute I autre voie que celle de la confeilion j; & s'il étoitaufli dans la difpofition de r manifefter , a fon tour r au. fupérieur ^ ( tous les défauts qu'il reconnoitroit dans : les autres , fur-tout quand il en feroit • requis par le fupérieur (2). (1} Interrogatur an quibus fcrupulls , vel diffi.~ I cultatibus jpiritualibus , vel aliis quibufcumque-. quai patiatur, vel aliquandö pati contigerit Ji dyudicandum relinquat 6' acquiefiat aliorum dé focietate qui dottrindb pietate fint proedhi fcn.~ tentïis. Exam. gen. cap. 5 12. Perfonarum hujus modi eleclio quibus fe 'judltandum reiinquere debetis qui in hujus modi difji' cultatibus verfatur, penès fuperiorem erit ,Ji fubdito ea placuerit, vel penès fubditum , Ji fupe» rior eam approbaverit. Declarat. Ibid'. (2) Prcecipue , ai majortm fubmiffionem & humilitatem proprium interrogetur an contentusr Jftfuturus ut omnes errores & defedus ipjtus  *34 Procés des Jéfuites , II ^ falloit enfuice que le fujet développat tous les rpnlic.^A f-.„ _J au general , oir a rel des fupérieurs J ou autre perfonne de la fociété qu'il plaifoit au général de commertre. II falloir ns«ill0m0nl. ^„J.„ __a- . perfonnes , un compte entier & fidele de route fa vie paflee, de fes penchants ,. de fes indinations, de fes goüts & de les degouts(i). res qucecumque qucznotatct in eo & obfervattcfue^ nntfuperioribus , per quamvis, quct- extra confijfioncm eas aecipenf; manififientur. Nunc etiamboni fit confulturus quod & 0 , # qui-yu aijus. fiicere debet ab aliis corrigi, & adTaliorum -corretlionem juvare. Ac nunc manifeftare fe fe invicemjunt parati cum amore & charitate ad m.iioremfpiritüs profeBum ; prcefertim ubi d fupenore qui illorum curam gerit, fuerit ha pmfcriptum aut interrogatum ad majorem Dei gloriam. Exam. gen. cap 4, §. 8. (1) Quicumque liane focietatem in domino fequi" volei. . . debeat confeentiam fuam magnd cum humihtate , puritate &■ cantate manifeftare , re nulld quiz dominum univerfarum nffïnJer'n iut„. td, & totius ante aelczvitcz rationem integram ytl certe rerummagni momenti fuperiori, qui turn jUerh focietati, vel cui ex prapofuis , vel aliis ex znferwribus ille injunge-et, pront magis convenireVlderetur , reddat.... he hm poft femeftre proximum, plus minus, ei , vel cui k fuperiore fiieru conftitutum, vita. rationem reddet. Deinde s. a Jfcundd hac rat'wne insipiendo , eodem oró.mc  dl'occafion de Zeur commerce, 135' C&tte déclaration devoit être réitéréer tous les (lx mois , jufqu'a ce que le poftulant fut admis a la profellion , ou a, devenir coadjuteur j alors il en fafoit une dernière , un mois avant fon admi Ilion. Les profès mêmes & les coadjuteurs étoient afTervis a ces déclarations tous les ans, ou plusfbuvenr, fi le fupérieur le jugeoir a propos. Et toutes ces précautions étoient prifes , paree que , difoient les conftitutions, il étoit. de la dernière importance , non folïim refert, fel valde , furnmopere, que le général eüt une pleine connoiftance des penchants & des mouvements de 1'amede tous ceux qui étoient fous fon obéiffance, propenfionum ac motionum anitni, & ad quos defecius vel peccata fucint s vdfint magispropenfi& incitati, II étoit 3 procedetur, & fexto qiioque menfe , rationem Aancfui quifque reddet. Ultima verb circiter triginta dies, antequdm profejfi futuri fuam profcffionem, & coadjutores fua vota emittant, redditw... Sic etiam videtur quod coadjutores formati & profeffi, ft alicubi agent ubi prapofiti alicujus focietatis obedientix jübjacent, fingulis annis } velcrebrius , fi prxpofito videtur , fuee confr.ientix rationem diilo modo ab ultimd quam reddimtrunt incipiendo , ei reddant. Ibid. §. 36 } 38 , 40,  136 Procés des Jéfuites , par-la , bien plus maitre de fes fujets 5 & par conféquent plus en état de pourvoir au bien général de la fociété , ut melius ipfbs dirigere pojjït . . .. & etiam ut melius fuper eos. poffu ordinare ac grovidere qus corpori unïverfo fo-cietatis conveniunt. Exam. gen. cap. 4 , §.35. Au/li, en mème-tems que les conftitutions obligeoient les fujets a découvrir leur intérieur , Sc a fe faire connoitre a leurs fupérieurs , elles obligeoient également les fupérieurs a pénétrer, autant qu'il étoit en eux , les eonfciences de leurs inférieurs. C'étoit «n devoir prefcrit en particulier au général , & qui lui étoit prefcrit principalement al'égard des provinciaux , & de eeux a qui il confioit les emplois les plus importants. C'ognofcat\ quoad ejus fieri poterit j. confcientiam eorum quijub ejus ebedientid funt; ac pracipuè prapqjitorum provincialium, & aliorum quibus munera majoris momenti commltit. Conft. part. 5>>eap. 3, §. t j. Et j pour lui faciliter cette connoiffance, les conftitutions lui procuroient toutes fortes de moyens. 1 ".On lui dreftoit, tous les ans, deur catalogues ; i'un de toutes les maifons. Sccoilèges. de la fociété, avecleurs re.v.s-  d F occafion de leur commerce. 137 nas; 1'antre de toutes les perfonnesqui Ia compofoient ; &c celui ci contenoit i non-feulement leurs noms & leurs emplois, mais leurs qualités & leurs dif: politions. Cataiogum itïdeih unum omI i nlum domorum & collegiórum focietatis t s cum fuis rëdditibus ; & alterum perfonaI rum omnium . . . übi eorum nomina & I qualitates fcribantur. Conft. cap. 3 , §. Cecatalogue , au furplus, n'étoit que le relevé général de ceux qui devoient ij êrre* envoyés , tous les quatre mois » I par les fupérieurs de chaque maifon ou | collége 5 au provincial, & dans lefquels. i on devoit, fur-tout , décrire fes talents I de chaque patticulier : breviter próz/Irin-F I gendo dotes unius cujufque. Le provincial I devoit envoyer auffi-rut au général une i expédition de ces catalogucs.Ils étoient I de la plus grande exactirude , n'étant ' autre chofe que le réfultat des connoifj fances que les fupérieurs s'étoient proI curces de ce qu'il y avoit de plus fecret I dans 1'ame de leurs inférieurs. Superio\ res domorum & reclores fcribant Jïngulis I hebdomadis ad fuum provinchalem .. . de \ jtatu ptrfonarum & rerum omnium; & , quoadfieri poterit, curent ut omnia tan, quam prafentia provincialis eer nat. .*»  Procés des Jéfuites,. Provmciales omnium prövinciarum & ropafcribant ad generalem femel quolibeÉ, menfe... Curabunt ut flatus tetius provinei* bené explfcent, ... & in univer_, Jum uafcribere debent, ut generalis ommum rerum, ömniumque perfonarurn ftatum , quoad ejusfieri pofflt, ante OculoA hobeat. Regul. foc. arr. de g,rrmiM fcri-. oendi, §. z, }t 7j I I# leaemm, di_, ient les déclarations fur eet endroit mehus intelligentur quA ad perfinas at- tinent, melihsque totum focietatis corpus ad Dei gloriam regi poterit. . Toutes les ïemaiues , les fupéi rwurs des maifons & colléges devoienp •eenre au provincial , & \m rendie un compre exacf de 1'état des përfounes & des chofes , de ftatu perjonarum ac rerum omnium • & Ce compte devoit être teilement déraiilé , & rellement circojntancié , que le provincial fur auflt pitWrnent nifrruit, que slfeüt été profent i. topt: Quoadfieri pafftt curent . ut omma tanquam pmfentïa provincialix cernat. Le provincial , a fon tour, devoit écrire . tous 1« m«;f '. '_.r , —, ? au ecjjcia.^ avec pms de détail encore , rant au fujet des perfonnes, qu'au fujet des biens.. Ainü e général avoit, tous les mois un. tableau exact de la fociété..  d Foccafïon de leur commerce. i^cy 3°. Les fupérieurs des maifons ÏC des colléges, & les maitres des novices, devoient écrire direftenaenr au général,. tous les rrois mois , & même plus fouvent , s'il y avoit quelque circonftance qui en valut la peine : ils devoient même lui faire part de tout ce qui s'étoit paffe, même de 1'agrément ou par I'ordre du provincial (ij. 40. Chaque provincial, chaque fupérieur de collége oude noviciar avoir, auprès de lui , un admoniteur , des confulteurs , & quelquefois un focial ou collègue. La fonction de 1'admoniteur étoit de repréfenrer au fupérieur ce qu'il devoit faire. Les confulteurs. etoierit ceux dont il demandoit 1'avisquand ille jugeoit a propos, mais fans être tëhu d'y déférer : Le focial étoit auprès du fupérieur, ce qu'étoierit les quarre affiftanrs auprès du général. Or il devoit , ainfi que les confulteurs , icrire, tous les fix mois, au provincial, (1) Retlores autem <%>fupericres domorum , & tpagiflri novhiorum, tertio quoqae menfe ,fcribant ad generalem. Keg. foc. arf. de formulAfcrib. §. 7. Superiores domorum & collegiórum , £• magiflri novidorwn fcribant ad generalem qucf alicujiis momenti fuerint, etiam fi approbante provinciali fiant. Ibid. §. IQ.  140 Proces des Jéfuites, & tous les ans au général, pour les 'm\ former de ce qu'ils penfoient du fupérieur & de fon adminiftrarion; & ils le devoient faire avec fincérité , fansaffeétaeion , & fans aucun refpeet humain (1). Les confulteurs des provinciaux devoient auffi écrire au général deux fois par an , & même plus fouvent, s'il en étoit befoin (2). L'admoniteur devoit rendre compte au général, ou au provincial, des avis qu'd avoit donnés au fupérieur, quand il n'y avoit pas déféré (3). 50. Outre cette correfpondance dont les régies faifoient un devoir, tout jê~ fuite avoit la liberté d'écrire , foit au général, foit au provincial, fans confulter aucun fupérieur médiat. Ces let- (1) In iïtterh finceri ac fine amplificatione, cmnique hnmano refpetlu fcmoto, fignificandum quidfibï de fuperioribus . . . & i>e eorum adminftratione , ac rerum ftatu fcribendum videztur. Ibid. §. 21. (2) Confultores provincialium ad generalem , menfe januario & julw ; nifi res aliqua ha urgeat t ut de Md extra etiam hoec tempora , fcri- j benium judicarent. Ibid. 20. (3) Cum fuperior cujufpiam pei admonitus re* \ medium non adhibuerit.... id fuperioriJignifi. eet (admonitcr). Regul. adinonitoris §. j.  a Voccafion de leur commerce. 141 tres étoient exceptées de la régie qui :interdifpit a tout jcfuite toute correfipondance épiftolaire , fans 1'agrément du fupérieur : c'étoit a lui qu'on remet- toit toutes celles qui venoient du dehors , 8c il avoit la liberté de les dé- caehcter, de les lire , 8c de les retenir , s'il le jugeoit a propos : celles qui alloient au général ou au provincial, 8c celles qu'ils envoyoient étoient affranJchiesde cette inqaifition (1). 11 n'y avoit fdonc point de maifons oü le général ne ■ puc avoir , ou n'eüt effect ivement des |efpions fecrets qui Pavertiffoient de Itout. 6°. Le général devoit. de fon cóté , lécrire au moins tous les deux mois aux 'provinciaux, 8c tous les lix mois , aux i recteurs & autres fupérieurs locaux ; 8c ' le provincial devoit écrire , tous les : mois, a ceux qui lui étoient fubordon- ; nés ; & 1'on penfe bien que, quand il y avoit quelqu ïnrormation a faire , on ne fe bsrnoit pas a ces régies ordinaires. Enfin chaque provincial députoit, tous les trois ans , fon procureur au gt'néral , pour 1'inflruire en détail des (1) Exam. genera!, cap. 4, §. 6. Conflit. yart. 3 , cap, \ ; ieclarat. U- Regul de for 'mul. jcrib. %. 13.  142 Proces des Jéfuites, chofes qui en mériroienr ia peine ; ai \ certioremmuhls de rebusfaciendum pr&- ■ pojitum generalem. L 'éloignement des lieux n'arfrancliifioit pas de cette députation ies maifons qui étoient dans les pays d'outre-mer; mais elle ne fe faifoit que tous les quatres ans ; & ex Indïis quarto anno. Ainfi, ■difent les déclarations , le général recueilloit tous les avis, &' étoit a portée. d'apprécier & defuivre ceuxqui étoient lé plus avantageux a la fociété. Et voila. cette communication Sc cette correfpondance univerfelle qui difpenfoit le général de convoquer des affemblées de la fociété , & qui concentroit en lui tour le pouvoir de la compagnie. On voit, paree détail , que le général connoiffoit, avec exactirude , le caractère & lepenchant de quiconque lui étoit foumis: il étoit inftruitde fes fautes, il étoit averti de fes taleuts, il étoit informé de fes vertus j le fecret des cceurs lui étoit ouvert, les replis les ■ plus intimes des confeiences éroient développés pour lui; le dénombrement . exact de cnaque province , & de ceuxqui !a compofoient , étoit préfent , a tout infrant, fcus fes yeux, ainfi que ' Férat, les qualités, ies inclinations de  d V occafion de leur commerce. 143 j ceux qu'il devoit conduire :c'eft-la qu'il - .apprenoir lamefure de leurs foi\es, 1'ufage qu'il en pouvoit taire, les ordres qu'il pouvoit leur prefcrire , les rraj vaux qu'il devoit leur impofer, lafonction a laquelle ils étoient propres. II n'éroir pas jufqu'aux dérauts, aux vices ; mêmes dont il ne put fe fervir au be1 {pin. Ut ejus rei habita raüotie , melius > Jpfos dirigere pojllt, nee fupra r>,enfuram r. virium fuarum in periculis & laboribus \\gravioribus 3 qudm in dominoferrefuavi^ j ter pojftnt, confiituat; & etiam ut, quA .,: auditfub fecreti figillo conjlituendo , me), Hits pojjlt or dinar e ac providere, qua cor\\pori univtrfo focietatis convcniunt. Exam. tjcap. 4, §. 35. VoOa le fruit qu'il retiiroit de cette correfpondance perpétuelle ) que rout fupérieur entretenoit réguliéorement avec lui, de eet efpionage 8c ;de cette inquifition oü vivoient tous les jéfuites , relativement les uns aux patres. Et pour qu'il entrennt fa correfipondance fans rifque , il prenoit la iprécaution de 'fe faire écrire en chiffres, jou du moins dans un langage qu'il inlidiquoit, & dont lui feul avoit la clef 1 Rjrfque les externes y étoient intéreffés Ipar quelqu'endroit (1), (1) II eft bon d'obferver que, par externes,  144 Procés des Jéfuites , Pouvoit-on porter plus loin 1'étendue des reflources ? Maitre de commander arbitrairement fans rendre compte a perfonne, affuré de i'obéiiTance la plus zèlée & la plus aótivc, dépofitaire des fecrets de tous ies cceurs, difpofant des enftyle des conftitutions jéfuitiques , i! faut entendre tous ceux qui ne tienaent a la fociété par aucune forte de lien. Voici le texte qui établit la précaution dont on a parlé : In rebus qua fecretum requirunt , hls vocabulis utendum ent-, ut ia intelligi nik d fupcriore non pojfint ; modum autem prccfcriletgeneralis. Regul. foc. de form. fcrib, §. 24. Si quid fcribendum effet de rebus qua externorum aliquem tangerent, itd fcriberur, ut etiam fi lltterce in ejus mams ineiderent ojfendi non pojjit. Ibid. n. 25. Dans les apologies anonymes qui ont cté publiées pour les jéfuites , on nie formellement qa'il foit prefcrit d'écrire en chiffres , fous présexte que , dans les dsux paffages qui viennent d'ètre cités , il n'y a pas un mot qui fignifie chiffre; mais cette expreffion eft confacrée pour fignifier teute fa^on d'écrire des lettres, qui n'eft entendue que de celui qui écrit, & de celui a qui on écrit, & qui ne peut être entendue d'aucune autre perfonne qui pourroit intercepter la lettre. Or cette définition du mot chiffre , en matière épiftolaire , eft exaélement la traduction des deux paffages que 1'on vient de rapporter : i ce n'étoit donc pas la peiue d'équivoquer fur ies tenues. opinions  af occafion de leur commerce. 14? opinions & des fentiments, perfuadé que fes préceptes feroient pris pour les oracles de la juftic* même, le général des jéfuires pouvoir-il ambirionner des droirs plus écenclus, devoit-il fouhaiter un pouvoir plus éminent ? Ce n'eft point la cependant le terme de fon autorité. La régie même , cette régie qui lui donnoit tout , il étoit libre de la détruire ou de ia changer. Bulles des. papes, décrets de congrégations, loix de i'inftitut, tout fuyo.it & difparoiftoit devant fa volonté ; fes inférieurs ne ijouilToient des privileges que le fouveirain ponrife leur avoit accordés,qu'au(tant qu'il vouloit bien les leur communiquer ; les réglements qu'il fubftituoit kux réglements qu'il annulloit étoient jregardés, par cela même, comme autofifés par le pape , quoique contraires a ceux que le pape avoit autorifés. En un ;;mot, il pouvoit faper les fondements de fa grandeur , & n'en être que plus grand encore ; & c'eft ici le délire du adefpotifme , qui veur être plus puilïanc que lui-même , qui fe joue de fes prs:pres droits , fe déttuit pour fe reproduire, & déchire , de fes mains, les titres de fon autorité, pour ne la tenir :que de fa force. Toms XIII. G  ï 46 Procés des Jéfuites , Ce tableau du defpotifme du général, des jéfuites , tracé par M. Target, eft tiré d'après les réglements mêmes de la fociété. C'eft ce qu'il faut développer. Quand I'inftitut des jéfuites auroit été fait , dans le principe , pour être connu , les états & les fouverains , a qui il importe de ne rien ignorer des régies qui gouvernenr leurs fujets , n'en auroient pas été plus avancés. 11 étoit de 1'elfence de eer inftitut que ceux quij y étoient foumis eiüTent la pleine liberté de le changer, & de le transfer-' mer a leur gré, felon la variété de leurs > intéréts. Paul III , par une ~bulle de 1543 , leur donna le pouvoir & la faculté de changer , altérer , ou même abroger entiérement, felon la variété des lieux & des circonftances , tant les conftitutions déja faires , que celles qu'ils feroient a 1'avenir, & d'en faire de nouvelles ) & ce pape voulut que fous les changements fuifent répurés confirmés par 1'autoriré du faint fiè^e , (Sc euffent la même force , que s'ils \ 1'euffent été en effet (1). (1) Et tarn haclenhs fatfa:, qudm in pofl-rum faciendas conflitutiones ipfas, juxtd locorum & temporum ac rerum qv.alitatem & varietatem , 1 msftare, alterare ,feu in totum caffdre , & alias  è F occafion de leur commerce. 147 Par une autre bulle de 15 71 , le pape ■ota au faint fiège même la faculté de faire aucun changement a ces conftitutions , Sc voulut que toutes les fois qu'il y feroit porti quelqu'atteinte , le général put les rétablir dans 1'état oü elles étoient auparavant, & même fous telle date qu'il lui plairoit choifir; Sc que les chofes ainfi rétablies fuffent cenfées accordées de nouveau par le faint-fiège (1). 11 eft donc vrai, comme on 1'a dit dans tous les tems , que le général étoit non-feulement indépen-, dant du pape , mais qu'il avoit un pouvoir plus étendu. Mais il y a une bulle de 1578 qui alloit encore plus loin; elle donnoit X la volonté du général un pouvoir au- de novo condere poffint & valeant. Q_uce poflquam mutatie , alteratie, feu de novo conditie fuerint ; eo ipfo apoftolicd autoritate preefatd. confirmatie cenjeantur, ed tem apoftolicd autoritate , de fpeciaü grand indulgemus. (1) Decernentes .... nullo unquam tempore pernos, aut fedempradi&am revocari, aut limitari , vel Mis derogari poffe. . . . Et quoties revocari, alterari, limitari vel derogari contingat, toties in priftinum , & eum in quo anti pmmiffa erant , ftatum reflitutas, de novo , & etiam fub pofleriori dati per .... prtzpafitum generalem eligendd , $■ concejfas ejfe & fore. Gij  148 Procés des Jéfuites , delTiis desdécrets des coneilesgénéraux, provinciaux, & de route autre puidance éccléfiaftique. Non obji'antibus . . . generalis concilii hujufmodi, aliisque apoftolicis , nee non in provincialibus &fynodalibus conciliis edicis gencralibus vel Jpecialibus conjlifucionibus_ & ordinationibus. Une autre bulle de 1 j^oportoitque roures les fois qu'il émaneroit du faint fiège des lertres révoquant ou limitant ces ftaruts, ils feroient autant de fois rétablis & pleinement réintégrés dans le premier état oü ils étoient avant , par la fociété , par fon général, & fes aurres fupérieurs , comme s'ils leur: eullent été accordés de nouveau , &C même confirmés, fous telle date que ces fupérieurs voudroient choifir chaque fois; fans qu'il füt befoin d'obtenir du faint fiège ce rétablifïement, révalidation , confirmation } ou nouvelle conceflion (1). f 1) Et quoties emanabunt (littercz revocantes vel limitantes ) , toties in prift num & eum in quo anted quomodolibel erant , ftatum , reftituta repojita , & plenaric redintegrata , ac de novo , etiam fub data per focietatem, illiufqueprcepofitum generalem , & alïos fuperiores prcediÊlos quando cumque eligendd , concejfi , ac etiagt  i a T occafion de leur commerce. 149 Enfin il écoit défendu a aucun jéfuite d'ofer demander aucun privilege -( contraire aux ftatuts communs de la forciété , & de le retenir , après 1'avoir que le jéftiite futur Hpv«;f PmrU~„„_ i o~. relire les bulles apoftoliques , /ui font parti'e de. I inftuut de la fociété, les bulles & lesrè.,-  a l'occafion de leur commerce. i <5 J règle,luióter toure application. Ad gene* ralem pertinebit, in ils qua accidunt ubi dijpenfatione opus ejl , habitd ratione perfonarum , locorum , temporum , & aliarum cir conft antiarum y difpenfare. gles qu'il fera tenu d'y obferver. Hoe medio tempore duorum annorum. . . videre unvfquifque & confiderare debet diplomata apoftolica inftituti focietatis, & conftitution.es ac regulas quas in ed eft obfervaturus } id que non femel. Tome l, p, 341, col. 2, Qui fucz animtz magis falutiferum judicat in corpus hujus focietatis admitti, prceter litterarunt apoftolicarum, & conflitutionum, & reliquorum qace ad ejus inftitutum pertinent, ipfo initio , ac pofted fexto quoque menfe confideranionem debet. Ibid. p. 361, col. 1. Elapfis duobus aut tribus diebus poflinzreffwm in domumprobationis....eidem oftendantur diplimata apoftolica, ac conftitutiones & regula: in focietate ac domo quam ingreditur obfrvandce. Ib* pag. 363 , col. 2. Auffi les conftitutions vouloient-elles que' Ie général eüt entre les mains les lettres apoftoliques, & toutes les conceffions relatives a 1'inftitution , les facultés & les privileges de la fociété. Ad omnia conferet, Ji generalis litteras apoftolicas & concejfwnes omnes: qua. ad inftitut'wnem , facultates vel privilegitt focietatis pertinent, & quoddanveorum. compen*dium apudfe kabuerit. Tome I, p. 442 y col. z„ La diftincYien que 1'on a vouln faire entre les: bulles & les coTrftituJÏoirs; eft donc une fubtibté démentie par Ie texte- mestte des coiïftiuiions. Q  15 4 Proces des Jéfuites y Mais il y plus , larègle n'obiigeoit aueun jéfuite, pas même fous peine da. pêché mortel. Comme ce chef elf encorè un de ceux fur iefquels on a fait: le plus d'efforcs pour juftiher, la fociété,.. il faut le dé'/elopper.. L'apologifte des jéfuites prétend enfuitëque ces claufes qui défendc-nt de toucher auxconltitutions de la fociété font purement de ftyle; & il les compare a celles que nos rois emploient dans leurs édits par les termes de. loi ïrrcvocable , de chofe ftable a toujours , &c.\ Mais.il eft bien fingulier quïl faille reeardtr comme claiife purement de ftyle , celle qui permettoit au général de rétablir ,. de fon autorité , ce que le faiiit fiège aura réformé & de donner a ce rétabliitement telle date qu>il jugeroit a propos. II eft bien ,.dans les iulles,, certaines claufes de fiyle qui annoncent que la cour de Rome a des prétentions, outrées : on fe contente de protefter- contre. ces claufes , ou même ne n'y pas faire attention. Mais peut-on mettra au rang de ces claufes celle qui donne un pouvoir exhorbitant au chef d'une troupe de religieux. ?■ Eft-. ildonc de ft) le de permettre aux fujets d'anéantir, de leur feule volonté , les loix d'un i'ouverain , qui en réforme d'anciennes ? Quand le roi déclare qu'il entend qu'un éditfoit irrévecable, clonne-t-il par-la le pouvoirr a qui que ce foit d'anéantir tout ce qui pourra,. dans la fuite, porter atteinte a eet édit. Mais , dit encore eet apologifte ;. les fuc-■«effeurs. du pape, auteurs de ces bulles, nei-  a F occafion de leur commerce'. i ^ Voici comment ce paiïage a éré misen note , au bas de Parrêtdu parlement de Paris du 6 aoür 17613 comme coneenant le rexre d'un des points de 1'inf.titut dont M. le procureur-général feporta appellant : Ne in laqueum ullius peccati ...... incidant .. . «, yifutn ejï perdoienr pas , pour cela , Ie droit de réformer ce qu'ils auroient pu trouver de vicieux dans I'inftitut. II eft trés-vrai qu'un legiilateur ne peut jamais avoir les mains liées pour dé-rruire une loi abufive. Mais les jéfuites ne' pénfpient ainfi que quand il étoit queftion d'appaifer un orage qui les menacoit ; &,. 1'hiftoire eft pleinede faits qui ne prouvent que trop combien ils étoient perfuadés que le pape ne pouvoir toucher a leur règle ,, quand le général ne croyoit pas devoir s'y prèter. Enfin il prétend que la facultéde changer' les conftitutions n'a été acordée qua faint Ignace & a fes compagnons; & que c'eft unpouvoir qu'il eft impoflible de refufer a un fondateur , qui ne peut pas prévoir tous les: inconvénients de fes divers réglements,. 10. II faudroit, pour que ce raifonnemenr eüt quelque fondement, que toutes les bullesdont il s'ngit ici euflent une date antérieure É la mort de faint Ignace.. ifi Eft-ce peur fuppléer au-peu d'éts nclue des lumières du fon>d&teur que Pon aurorife fea-fucceffênrs a ne.' fcuftir aucuna réfonrre de-la part même de-' FégÜfe , & de toujours maintenir toutes cïics*fes. dans lemême. état ?■' tïvf  Jf6 Procés des Jéfuites, Kobis . ... nullas confikutiones, decl'arcttiones,, vel ordinem ullum vïvendi pojje obligationem ad peccatum mortale vel veniale inducere , r.ififuperior ea in namine Domini noflri J-efu Chrifti, vel in virtute obediëntie juberet ; quod in rebus ,. vel perfonis illis in quibus judkabitur quod ad partkulare unius cujufque vel ad univerfale bonum multum conveniet , fieri poterit. Conftitut. part.. 6, cap. «• Pour ne pas engager les nötres dans, « les Iiens. du pêché, nous avons jugé » qu'aucunes. conftitutions , déclara« tions ,, ou manière de vivre , ne j» potirronr obliger fous, peine de pé~ s» ché mortel ou veniel, a moins que » le. fupérieur ne le commande au nom. » de Jéfus-Chrift, ou en vertu de la » fainre; obéijfance. ; ce qui fe pourra *> fau'e a. 1'égard.des chofes 6V des persi fonnes pour lefquelles. on jugera que * ^bien particulier d'un cbacun, ou: s» le bien général'le demande II eft clair que ce paffage annulloicfoures les conftitutions écrites , pour eft faire dépendre 1'eïécntion de la feule volonté du général. On pouvoit. fe dife penfer d'en prariquer un feul. point e fins;craindre de romber dans le rnoin- • die gédié x i moins que le général na  £ Poccajion de leur commerce. ï^J Fordonnat. Sou filence étoit donc une véritable difpenfe d'obferver la régie > èc elle n'étoit obligatoire pour chaque particulier , que quand il commandoit expreiïément. Ainli s quand il importoit a la fociété qu'un jéfuite vécüt comme s'il n'eut pas été jéfuite , le fupérieur lachott la bride , ne donnoit aucun ordre , èc il n'y avoit aucune régie pour celui * qui Tintérêt de la fociété demandoit que 1'onn'en imposat pas. II y a plus. Qu'il fe rencontrat un jéfuite fcrupuleux qui s'imaginat être obligé , au moins par les loix de la pro* feité , d'obferver réguliérement un inftitut auquel il s'étoit voué par ferment-, fi ce jéfuite avoit cependant des talents qui auroient pu être utiles au bien général de la compagnie , mais qu'il ne pouvoit exercer fans violer quelque point de la règle, le général le difpenfoit. Ad generalem peninebu . . . habha ratione perfonarum . . . difpenfsre. Et,' pour lors, rien ne 1'arrêteit; car s'il avoit juré implicirement d'obferver la règle , il s'éroit voué expreflémen-t a une. ©béiffance aveugle. Mais , difent les apologiftes des jéfuites , le paffage d'oü 1'on fait décou£ej: toutes ces conféquences, efttronqu&.  I j8 Procés des Jéfuites , Si on 1'eut rappprré dans fon encier j on y auroic vu qu'il y a quatre pointe eflentiels- auxquels on eft oblWé fouspeine de pêché Le premier eft le voeu qui attaché la fociété au fouverain pontife. Le. fecond , le troifième & le quatrièmepoints font les. trois vceux de panvrerê, dechafteré & d'obéiftance. II n'eft donc pas vrai que le feul poinr conftant dans les conftittnions füt de faire, régler & décidertout parle feul général, puifqu'il avoir le pape au-deilus de lui, a. qui on pouvoit avoir recours, & qui étoit toujours en droit de réformer ies ; ordres, quoique donnés en vertu de lafai nte obéiffance. Il n'eft donc pas vrai que ,.dans la pratique , les membres de. la fociété ne fuffent obligés en eftet, même fous peine de pêché véniel, i aucun des points contenus dans les Êonftitutions. L'illufion & le faux de ce raifonnement s'appercoivenr d'abord. On a vu que le pape ne pouvoit rien fur les conftitutions , puifque le général étoit: autorifé a rérablir, de fon propre pou.voir, tous les changements qui pouvoient y etre faits. Quant au voeu fpe* > cial d'obéiffance au faint fiège, en quoè £onüftoit-il ?. En voici la-formule  at'occafion de leur commerce. ï^cp mhto fpechalem obediendam fummo pon- tifici, circa m'JJionts ,.prouc in . . . lit■ teris apoftclicis & conditutionïbus conti-- be/«r..Conft>.,p. 5 , cap. 3 , § 3. « Je j 5» promets une obéiflante fpéciale au; ji» papepour ce qui concerne les. mif\\ » fions , aux" tetmes des lettres, apofto— t » liques , & des conftitutions ». Un jé? fuite ne fe foumettoit donc au pape: 1 qu'en ce qui concernoit les miffions $, ;! c'eft adire , qu'il s'engageoit a aller en i; miilion oü le pape jugeoit a propos de.- Penvoyer; mais le tout conformémenc. aux conftitutions ; & 1'on va voir ; qu'eltes rendoient ce voeu tout-ar fait iilufoire , tk confervoient au général, - même en ce point., la fupériorité fur i le pape. Ce quatrième vceu etoit donc ref— treinr a ce qui concernoit les miffions, .feLilement. Et, pour qu'on ne s'y mé; pnr pas , les déclaiations avoient eu. grand fom d'obferver que « toute l'inj> tention de ce quatrième vceu d'obéir: » au pape. a été & eft encore de le ref3» treindre aux miflions; o- ceft ainjf' 3> ajouteiit-fclles , quiljamt emendre les» lettres a ojloüques , ou il ejl parlé df » cette opéijjariLe d tout ce que le pap&' V'Ordonnera, & eu quelqu'endroit qu'il  160 Procés des Jéfuites, » ordonne d'aller ». Tota intentio tjuarti hujus vod obediendi fummopontiJici fuit et est circa miffiones. Et fic oportet intelligi litteras apoftolicas ubï de hac obediendd loquhur. In omnibus qu i tempore minimè limitato , per fummum pontificem mitteretur ,ad tres menfes ibidem manendum ei effe intelligaiur , & tnagis aut minus. ... Qu& emnia ;>x£«  j6z Procés des Jéfuites fuperiorh arbitrum. Conft. part. 7 , cap. 1 , $. 6. 3°. Enfin , dans le même article des conftitutions, oü 1'on paroifloic declarer, avecun dévouement fans limites, que la fociété avoit foumis aveuglément toute fa volonté & fon propre jugement au pape , on difoit aufïï-töt que ce n'étoit que fur l'article des miffions • & enfuite que ce n'étoit qua condition que le pape ne feroit rien contre I'avis du général. « Que tous les jéfuites , di » fent-elles , fe foumettent aveuglé» ment, fur cela , au pape & au géné» ral; & quant au général , s'il s'agif» foit de fa perfonne , qu'il fe fbu » mette de même au pape & a fa fo» ciete >j. Et in hdcparie , cum omnem proprium fenfum ac voluntatem (fummo pontfici )fitbjecerit . . . inferiores hanc curam univerfam fummo pont'ifici ac fuperiori fuo; fuperior verb , quod ad perfonam attinet, fummo pontifici, & ipfi focietati relinque:. Conft. p. 7 , cap. 1 at: Et les déclarations avertiffoient que 1'on devoit entendre ici, par la fociété, les jéfuites qui étoient a Rome.. Ainfi le pape feul n'opéroit rien , ou peu de chofe. Tel étoit le vceu d'obéiffance au pape , dans 1'intention des jéfuites»  I a. Voccafion de leur commerce. \ G\ La claufe qui obligeoit les jéfuites at c obferver l'obéiflance vouée au pape , :fous peine de pêche , etoit donc denilfoire , puifque cette obéiflance n'avoit l!aucun objet, ou que, du moins , fuijvant les conftitutions, elle pouvoit fans |ce(ïe être éludée. Quant au vceu de pauvreté, I'inftitut j fe feroit détruit lui-même, s'il eut auj. torifé a violer ce vceu fans pêché morI tel. Si chaque religieux eut été capable ' d'une~propriété-, il eft infaillible que la ! communauté auroit été inceflamment détruite. II n'étoit pas poflible qu'un jéfuite put violer la chaftetéfans pêché mortel, puifque Ia religion range ce crime au nombre des plus graves. Aucun chrétien ne peut faire , hors le mariage aucun acfe contraire a la pureté. Les jéfuites, au moins ceux qui étoient exte| rieurement connus pour tels , ne pouvoient s'engager dans les liens du mali riage , fans cefler d'ètre jéfuites j ce :ifacrement eft abfolument incompatible ,;avec la profeflïon religieufe. L'autorité li du général n'étoit donc nullement refitreinre par cette claufe de I'inftitut % 'i n'y ayant aucune puifiance fur la terre  164 Procés des Jéfuites, qui puiïfe autbrifer un crime prohibé par la loi divine. S'il eüt été permis a un jéfuite de fecouer, fans crime , le jong del'obéiffance, il auroic ceifé ipfo fiiclo, d'ètre jéfuite, la foumiflion au général étant proprement le caractère diftinctif du jéfuite , & ce qui le conftituoit tel. Societas, ut ejus nomen latiffimè accipiiur , omnes eos qui fob obedientia pr&pojiti generalis vivunt , etiam novitios , & qui cumque , cum propojitum vivendi & moriendi in focietate habeant, in probationibus verfantur. Conft. p. e , cap. i , in declarat. Lors donc qu'un membre de la fociété refufoit de fe foumettre , il annoncoit qu'il vouloit fe retirer; ou quand le général Pén difpenfoit, il Ie congédioit dans le fait. Les conititutions ne pouvoient donc pas regarder comme jéfuite un fujet qui n'étoit pas obéiffant; elles ne pouvoient donc pas permettre d'enfreindre la fubordination fans crime -, elles auroient édifié d'une main , & détruit de 1'autre. C'eft donc une pure défaite, une dé- j faite qui ne peut éblouir que les efprits peu attentifs ou prévenus, que dire que ces quatre grandes exceptions mifts  a l"occafion de leur commerce. i a la propojïlion générale ne permetient vas de dire abfolument , & fans i eflric- i tion « que les membres de la fociété » n'étoient obliges a aucun des points » contenus dans les conftitutions , a » moins qu'il ne leur fut fpécialement j> commandé par le fupérieur , en vertil n de la fainte obéiffance On a vu que la première de ces quatre grandes exceptioHS étoit purement illufoirej que ies trois autres n'étoient point des exceptions, mais des points effentiels & fondamentaux del'ïnftitut, points qui en étoient la bafe , fans lefquels il ne pouvoit fubfiftet. II eft donc toujours vrai que la règle ne gênoit aucun jéfuite par elle-mème, qu'elle n'éroir rèr^le uour lui qu'autant que la I fainte obéiffance 1'y obligeoit dans le \ détail \ & que , par conféquent, le gé•:, néral, a. qui feul cette fainte obéiftance I étoit due, la faifoit pratiquer par cha¬ que parricuiier , ou 1 en dupeinoit, ïelon que les intérêrs de la compagnie , ou fes vues propres le demandoient. Un exemple fera voir quel étoit 1'avantas;e qui revenoit a la fociété de cette claufe des conftitutions , & quel pouvoir elle donnoit au général. Qn le  i G6 Proces des Jéfuites tirera de 1'aftaire même dont il eft ici queftion. II paroit, par quelques paflages des conftitutions jéfuitiques que le com-' merce leur étoit interdit : omniet qua fpeciem habeni fi&cularis negotiationis t in colendis videlicet agris, vendendis in foro fruclibus & jimilibus , intelligantür prohibita ejfe nojiris. Decret, i, congreg. num. 6. Sans entrer ici dans la difcuffion d'autres paffages qui femblentdé-i truire cette difpofition , on obfervera feulement que voila une loi bien précife & bien claire; mais elle ne fou- j mettoit aucun jéfuite , même fous 1 peine de pêché mortel; ils pouvoient tous s'en jouer , tant qu'il n'y avoit pas i un ordre précis du général de s'y con- ! former en vertu de la fainte obéiffance. 1 Quand il fetrouvoit des P. de la Va- I lette, capables d'entreprendre & de I conduire un commerce aufli étendu & auffi lucratif que 1'étoit celui de la miffion des ifles du Vent, on n'avoit garde de 1'arrêterpar le frein dela fainte obéif- I fance : on le laiffoit fuivre les mouve- I meuts de fa confcience,qui ne lui faifoit I aucun crime d'abforber routle commerce i 'd'une contrée entière , d'en dépouiller ;  a Voccafion de leur commerce. 167 les ciroyens qui fupporcent les charges de 1'état & de la population de ies faire paffer entre les mains d'une fociété religieufe , qui n'avoit befoin de richelfes que pour affermir & augrnenter fon crédit. Eh ! quel rtfage vouloitelle faire de ce crédit ? Mais qu'un jéfuite moins intelligent dans cette partie , fe fut mis a la tête d'un comptoir ou miffion qu'il n'atiroit pas feu conduire, qu'il eüt fait un commerce inutile ou onéreux , la fainte obéiffance feroit venue 1'arrcter dans fa courfe , en lui oppofant les conftitutions qui, pour lors , 1'auroient obligé, fous peine de pêché mortel. II eft donc évident, auxyeux dequiconque voudra voir fincèrement la vé"riré , que le général des jéfuites étoit le maitre de la règle } non feulement paree qu'il la pouvoit détruire pour en faire une route nouvelle , ou paree qu'il pouvoir la rétablir, fi le pape , ou toute autre puiffance y eüt porté la plus legére atteinte j mais paree qu'en la laiffant fubfifter celle qu'elle étoit, il dépendoit de lui d'en difpenfer qui il jugeoit a. propos , ou de la laifler négliger , en n'attachaut aucun pêché mortei aux infraótions qui pouvoient y être faites;  IÓ8 Proces des Jéfuites, ou enfin, en la faifantobferver a Ia lettre , en vertu de la fainte obéiffance. Pouraffurer d'autant plus la fou miffion profonde des membres, & le defpotifme du chef , les conftitutions avoient encore pris une voie dont on ne pouvoit méconnoirre 1'adrefffe. Elles obiigeoient tous les membres de la fociété ï penfer , fur quelque matière qae ce fut, comme la fociété. Dans Pexamen que Ton devoit faire fubir aux poftulants , on leur demandoit s'ils n'avoient point eu, ou s'ils n'avoient point encore quelques opinions différeutes de celles qui étoient recues plus communément pat 1'églife & fes docteurs ; & s'ils en avoient , on leur demandoit s'ils étoient difpofés a foumettre leur jugement, & a penfer fur ces queftions , 0n ne dit pas comme J'églife , mais comme la fociété avoic déterminé qu'on devoit penfer. Si quis e/iquidfentiret quod difcreparet ab eo quod ecclefia & ejus doctores communiter fentiunt, fuum Jenfum definitioni ipftus focietatis debet fubjicire, Declarat. in conft. p. 3 , cap. i. Paratas ad judisiumfuum fubmittendum ,fentiendumque ut fuerir conftitufum a focietate de hujufmodi  a P occafion de leur commerce. i 69 \ jufmodi rebus fent'sre opportere. Exam. , j cap. 3,§. 11. Les apoiogiftes des jéfuites ont eu J recours aux équivoques pour laver les ij conftitutions du reproche qui rcfulte ■ de ces exprelfions. Ce n'eft pas , ont-ils idit, fur les points de foi qu'un jéfuite r| devoit plier fa croyance fous 1'autorité fde la fociété-; c'étoit feulement fur des . ij opinions debattues dans les écoles , &C Jfur lefqueiles on peut , fans hérélie, lembrafler 1'un ou 1'antre parti. Mais Ipeut-on regarder comme pure opinion lune doécrine embrafiee par 1'églife , ■kquod ecclefia fentit ? Les fentiments de Jcette époufe de Jéfus Chrift en fait de : idogmes , ne font-ils donc pas autant id'arricles de foi, auxquels tout catholiique doit foumettre toutes fes lumières ? D'ailleurs , pour peu que 1'on fal'e lattention a ce qui s'eft pafte depuis 1'éitabliflement de la fociété, on verra qre ce n'étoit pas feulement en matière :id'opinions que cette compagnie s'étoit fait une manière de penfer parriculiére, iimais qu'elle avoit perfévéramment reIfufé d'admettre des articles de foi. üTout le monde fgait que rien n'a été ■ capable d'arracher les jéfuites aux eri reurs de Molina, prof.rices par les pa^ Tome XIII, H  170 Procés des Jéfuites, pes , les évcques 8c les uniyerfités : tout le monde fcait qu'ils ont perfévéram- mentfouremi les cérémonies chinoifes, & que tous les efforts de la cour de Rome n'ont pu les leur faire abandon- ner. A-t-on vu aucun jéfuite réclamer 'contre ces erreurs ? Ils ne le pouvoient pas; les conftitutions, dont fans doute ik n'étoient pas difpenfés a eet é^ard , par la fainte obéiflance , vouioient que tous penfaflent & parlafientde la même manière ; idem fapiamus , idem dïcamus omnes \ qu'on n'admette point de doctrines dirférentes ; doctrine igitur dififerentes non admittantur • qu'il n'y air point de diveruté de jugements ; judiciorum . . . diverjitas evitari debet j qu'il y ait, au contraire, union & conformirc parfaite , unio & conformitas mutua (i). Les déclarations exigeoient, de rous, ce que 1'on exigeoit des poftulants dans 1'examen. Si quis aliquid (i) Idem fapiamus , idem , quoadfieri pofilt, dicamus omnes . . . doSrince igitur dijferentes non admittantur , nee verbo in concionibus , vel hfiionibus publicis , nee fcriptis libris ( qui quidem edi nonpoterunt in lucem fine approbationne atque confenfu prenpofiti generalis , qui eorum cpmmyniciitionem fitltem (ribus committat fand- I  ï è F occafion de leur commerce. IJl fentirtt quod difcreparet ab eo quod ec~| clefia & ejus doctores communiter fen, tiunt , fuum fenfum definïtioni ipfius foI cietaüs debet fubjicire. S'il y avoit quelj ques controverfes dans 1'églife, ou entre I les doóteurs catholiques, on prenoit , j dans la fociété , un parti uniforme , que tous étoient obligés de fuivre : ut con. formitas etiam in focietate fit curandum iejt (i). Et les conftitutions n'ordonI noienr pas de choifir le parti le plus conforme aux fainres écritures & a la tradirion ; elles vouloient que Pon adoptat celui qui feroit jugé le meilleur & le plus convenable aja fociété. Eamj dem doclrinam qua fuerit in focietate I elecla , ut melior & convenientior noftris. \ Declarat. part. 8 , cap. i. IC. Enfin, I. doElrind & claro judicio in ed facultate prctdictis} imè & judiciorum derebus agendis diverji- i tas . . . evitari debet: unio verb & conformitas mutua diligentiffimè curanda eft , nee quez ei adverfantur permittenda. Conft. part. 3 , cap. 1 ,' §. 18. (i) Si quis aliquid fentiret quod difcreparet a» eo quod ecclefia & ejus dotlores communiter Jentiunt , fuum fenfum definitioni ipfius focietatis ! debet fubjicere , ut 'n examine declaratum efl : i, ln opinionibus etiam in quibus catholici dotlores 1 variant inter fe , & contrarii funt, ut conformitas etiam in focietate ftt curandum eft. Deli elarat. ibid. li m,f„r et,*,r, ,„ «r,*t ... it rur.mrltim f t tuarat. idiü.  ijl Proces des Jéfuites tout devoit être au même ton dans les fentiments comme dans la conduite; j dans les chofes intérieures, comme dans les chofes extérieures. 11 devoit y avoir , I en tout &t par-tout, unité de doctrine, de jugements , de volohtés : muirum etiam conferet confentio, turn in interiori* bus , ut eft doclrina i judicia ac volunta* tes quoad ejus fieri poterit, turn etiam in exterioribus. Conft, part, 8 , cap. i , §•8. On fit, en i6"i i , une épreuve bien fmgulière de ce pouvoir du général fur '• les fentiments de tous seux qu'il gouvernoit. M. Servin , avocat général, portant la parole dans une caufe entre 1'univerfité de Paris & les jéfuites, rapporta qu'il avoit mandé les jéfuites , j &c leur avoit propofé de reconnoïrre quatre articles , & de s'y foumettre. Le premier étoit que nul, foit étranger „ j cu naturel fujet d'un roi, ne doit atten- j ter aux perfonnes & vies des rois, pour j quelque fujet & caufe que ce foit , même \ pour caufe de leurs moeurs & religion. ] Lefecond,que le roi ne reconnoit au- | cun fupérieur ès chofes temporelies, I que Dieu feul, & qu'aucune puiffance I ne peut le dépofer, ou le fufpendre, ou lepriver de fon royaume. Letroifièroe rj  a t-occafion de kurcómmérce.ijj que tous'fes fujets eccléfiaftiques & fé-; culiers lui doiveut obéifTance. Le quarrième tendoit a les obliger de foutemc les libertés de Péglife gallicane. Le P. Fronco , provincial, répondit a M. Servin que « quandlai Sc quelques „ autres de la fociété , qui font a Paris „ auroient le fentiment tel qu'on lere» queroit d'eux, dont il difoit, quant » a lui , ne séloigner pas , eftimann » que , pour chofes concernant la po» lice , il fe falloit accommoder aux » tems Sc aux lieux oü 1'on avoit a vi„ vre: toutes fois , il nen pouvoit faire. » unc déclaration précife Sc formelle , » auparavant en avoir parlé avec ceux » de, fa compagnie éranc en cecte^villej >■. Sc qu'encore il croyoit qu'après leur » en avoir communiqué, ils ne pour» roient pas répondre promprement , » ni réfolument a. ces propofitions , >, fans en demander & avoir avis de leur „ général, duquel il faudroit attendre » la volonté ». Ainfi ce provincial des jéfuites ne pouvoit abjurer la doctrine la plus farale au genre humain , & faire des déclarations fur les maximes les plus ïnviolables & les plus facrées, fans être afïuré du fentiment que la fociété avoit emH üj  174 Proces des Jéfuites, brafic , ou pourroit embrafier a eet egard, & fans avoir confulté Ie <»énéral, qui étoit f'ame qui animoic ce grand corps , & 1'efprie qui Pinfpiroit. _ Voila donc un aveu formel de eet mcroyable defpotifme , qui conftituoic Ie regime de la fociété , & de cette 1 perfuafion aveugle de tous fes membres, qu'ils ne pouvoient penfer autrement que leur général, & que, par conféquent, fa doctrine & fes penfées étoient neceifairement celles de la fociété. De-la, que pouvoit-il arriver ? Que eet arbitre foüverain des penfées &c des achons de tous les jéfuites eüt befoin a une certaine doétrine pour faire réuffir des yoes qu'il pouvoir avoir , il Ia f endoi't d'abord la doctrine de route la fociété ; tk tous les membres étoient obügés de la croire , de la profeifer & de la_ mettre en pratique. Mais fi cette doctrine étoit celle qui eft contraire aux ■ propolitions que le P. Fronto refufoit I d'admettre, eelle que les Becan , Ies_ j Santarel, les Bufembaum onc enfeignée dans leurs ouvrages , & contre ] laquelle les parlements ont tant de fois 1 fulminé , quelles fuites horribles ne pouvoit - elle pas avoir ? Nos aïeux "] n'en ont que trop fait la rnalheureufe  at occafion de leur commerce. 175 expénence dans la perfonne de cö prince qui fera a jamais Pobjet des re- . grers d'une nation pour le bonheur ae laquelle il fe croyoit uniquement né. |n entend alïez qu'il s'agit ici de Henn IV. Dans fon édit du 7 janvier 1595 » ■re«n mi ic ciidmp, par une ïndulgence , ou le laiifoit fubfifter , s'il croyoit devoir Ie faire. Enfin ce qui mettolt le comble a la puifiance du général des jéfuites, c'eft que ce qu'il étoit k 1'égard de rous les membres de la fociété , chaque fupé-neur 1'étoit k 1'égard de fes inférieurs, Tous les recteurs & fupérieurs loeaux rendoient au provincial la même obéiffance que celui-ci rendoit au général , & ainfi par gradarion jiffqu'au dernier des jéfuites. En un mot elle étoit la même dans tous. les ordres & dans  at occafion de Uur commerce. \ 77 tous les dégrès de fubordination. Ainfi le «snéral pouvoit , d'un clin d'ceil , mettre la fociété en mouvement. L'ordre éroit donné a tous les provinciaux , tranfmis aux fupérieurs locaux , qui^ le diftribuoient aux inférieurs. Rien n'en arrêtoit 1'exécurion ; tout partoit, tont agiffoit a 1'inftant indiqué , 8c un nombre infini d'agents étoient en mouvement dans toutes les parties del'univers a la fois. Telle éroit la fource de cette force que la fociété s'étoit acquife ; force qui la mettoit en état de réliflrer aux piuffances, foit par les intrigues, foir par la erainte, & aux attaques qui , dans tous les tems , avoient été portées a foncommerce. C'eft même dans fon étonnant régime , Sc dans la fubtilité desreflburces que les réda&eurs des conftitutions s'étoient ménagées, qu'elle precendoit trouver la preuve que le commerce qu'elle fai-foit a la Martinique par le miniftère du P. de la Valette ,. n'étoit le commerce que de la feule maifon de la Martinique j que c'étoit a cette maifon feule a en acquitter les traites , & qu'on n'en pouvoit demande r le paiement a aucun autre. Elle v-ouloitmêmedaiffer eutrevoir que cette H v  178' Proces des Jéfuites- , maifon auroic pu trouver des raifons-, pour s'en défendre , paree que le P. de la Valette n'étoit pas fuffifamment autorifé. Les auteurs decefyftême nes'étoient. pas fans doute actendus qu'on Péclaireroit du flambeau des. conftitutions jéfuitiques.; car il eft évident qu'il ne pouvoit fé föutenir , quand on connoiffoit 3e régime de la fociété tel qu'il étoit,. & tel qu'il vient d'ètre développé d'après fes propres conftitutions. Toutes les fociétés religieufes que nous.connoiflbns fe régilfent, comme. les jéfuites , par un général qui-réfide , foit a Rome ,. foit en France: mais que Pautorité dont il eft revêtu eft différente de celle qu'exercoit.le maicre des. compagnons de Jéfus! Les conftitutions de chaque ordrefont , pour le général , une loi qu'il ne peut enfreindre. II ne peut y porter la plus légere atteinte,. fans le confentement du. corps enrier ; & ce confentement eft encore impuiflant, s'il n'eft appuyé de Pautorité féculière. Le général, I'ordre même ne. peutfe pré val oir, contre un reügieux particulier , des changements faits a la règle primitive , fans 1'autorifation de la puiftance temporelle. Si quelqu'an fe;  kt occafion de Imrcormmrce. 179' ïrouveiéfé par ees nouveautés , il s'era garantit par la voie de 1'appel comme d'abus, contre lequel tous les efforts de fes fupérieurs viennent échouer. L'ordre eft lié & ce religieus, comme il eft lié a fon ordre. Chez les iéfuites~ il u'v avoit de rè- I gle, que celie que le général vouloit i bien aclopter: la maintenir, 1'altérerou I ïa détruire , éroienr des jeux de fa voi lonré- Aucun' potentat n'étoit capable 3; de 1'en empêcher, paree qu'il tenoit ce I pouvoir de la règle même , &c qu'il I n'étoit perfonne qui put la corriger, 1'inj terprêter j en un mot y porter la plus : légère atteinte , comme on Pa vu plus haut. D'ailleurs les conftitutions avoient : employé deux moyens bien efScaces 1 pour prévenir eet inconvénient. i°. 11 I étoit défendu , fous peine d'excommunication réfervée au pape , d'interjetter , appel , devanr quelque tribunal que ce 1 fut , même au faint fiège , foit des 1 eonftiturions, foit cles réglements, cor- Eecbons ou oraonnances cmances cl une eongrégarion générale de la fociété 3 ©u du général. Nulli de focietate ab inf; titutis , ordinationibus , coi rcciionibtis & mandaüs congregaiionis generalis , aut H vj  ï 8ö Proces des Jéfuites-, pr&po(ithgeneralis ... ad quemcumque£ etiam- ad fummum ponriiicem , & fé*\ dem apoltolicam , nijl de fpeciali fummh poncificis licenüd , appel/are Heet fub pcendex-communicationis-fedh apoftolica refervau. Compend. .verbo appellaZio, §. i. Völumus yftatuimus ,,&ordina~ mus quod d correctione reguU focietatis.... tippellare, aut talis appellatio perullum: judicem admitti... non poilir. Bulle de- 2°. Le général avoit la faculré de» congédier de la fociété qui il jugeoit ai propos. Rien n'arrêtoir fon jugement& fi volonté a eet égard. Quiconque entroit dans cette étonnante compagnie feiioit avec elle ; mais libre de ne choifip & de ne retenirque ceux qui lui conveJtoient, elle avoit rendu fon chef dépoliraire du pouvoir qu'elle s'éroir réfervé de fe débarrafïer , par 1'expulfion , detout fujet qu'elle croyoit pen propre a entrer dans fes vues, ou du moins peupropre a lui fervir d'inftrument pour j arriver; Les demiers vceux n'étoient pas ^ pour le général, un engagement plus>facré, que les premiers. Celui qui lesprononcoit, orfroir le facrifice de fes travaux , de fa liberté ,-de fa,raifon , de fa  a Foccajïon de leur commerce. 18 ï forrune: on recevoit ce facrince, fans. que celui qui Poffroit eüt a efpérer d'au-> tre dédonimagement que de le voir agréer, tant qu'il feroit utile ; mais ayant 1'expulfion toujours a. craindre R dès qu'on n'en éroit plus fatisfait. La: vieillede, les infirmités , l'affreufe misère & Pindigence profonde , rien ne. pouvoir garantir de cette difgrace , dès qu'on en étoit jugé digne par le général. Dimhti eos oporcet . . . quod ad commune bonum focietatis,non conveniat ut in ea maneant. Conft. pag. i > cap. i, §. i. Dimittendi ficultas .... erit penès generalem In omnibus. Ibid. i. Si exiftimaretur aliquem retinere contra focietatis bonum fore , quod cum univerfale fit, hand dubio bo w particulari alicujuspr«.ferri debet. Confl. p. i , §. i. Si donc un particulier vouloirfe prévaloir du fecours que les rribunaux de France font roujours prêrs a donner a quiconque fe plainc de Poppreflion &C de l'abus de pouvoir , fa rédamation. éroir bienrór rendue inurileparle congéqu'il recevoit du général. Se feroit il encore plaint de ce congé ? A.uroit-il demandé un ju^emenr qui Peut atitorifé \ r i i i • a conierver un etat aont ia vexatioa ! feule vouloit le priver ? Ge jugement  18 z Procés des Jéfuites f feroit intervenu fans cloute , 8c auroic écé fondé fur les loix naturelles & civiles ; mais il auroit été illufoire , 3c n'auroir eu d'autre effer que d'expofer ie miférable qui 1'auroit fait rendre a une perfécution plus cruelie que celle: dont il auroit voulu fe garantir. Dans les autres ordresles vccux font: abfqlös , & formentun contrat réciproque entre celui qui les prononce, & la eomnmnauté qui les recoit. La ftabilité y eft établie , lesplaces y fontéleétives& déterminées pour le tems & pour Pautorité; les délinquants y font. jagcs après une procédure réguliere & contradictoire. Toutes ces entraves données aux généraux les empêchenr abfolument de mouvoir tous leurs religieux a leur gré , de leur donner les impreffions qu'il leur plait , de leur prefcrire les opinions qu'ils doivent embrafïèr , les intéréts qu'ils doivent foutenir , le parti qu'ils doivent époufer, le langage qu'ils. doivent tenir. Un religieux irrévocablemenr engagédans fon ordre par un conrrar mutuel ,. décoré d'une charge dont les fonctions font réglées , & le tems Iimité , ou la. perpétuité affurée ; un religieux artaché }1. war fon vceu de ftabilité, afa maifon }lsL  a toccajion de leur commerce. r 8 % £a province , de facon a n'en pouvoit être exilé que pour crime :.un religieux affuré qu'on n'a pas droit de lui impofer des peines, fans qu'il ait commis une faute bien conftatée, fans qu'il y ait eu contre lui une fentence juridique ; dont il peut interjetter , ou un appel fimple aux fupérieurs majeurs , & aux ; chapitresgénérauXj OU un appel comme d'abus , fuivant les circonftances ; ce I religieux content de fuivre fa règle , & I de remplir les obfervances communes, ; peur réfifter aux mouvements & aux • impreffions que le général voudroit lui : donner. Cetre réfiftance n'eft pas une faute qui puifle opérer fa dépofition ,.. fon exil , fa punition ou fon expullion. 11 aura fes opinions, ou de 1'indifférence & de 1'indécifion dansles matières con< troverfées; fi on lui prefcrit une maI nière de penfer de parler & d'agir, ii aura peu a gagner & rien a perdre en confultant fa confcience, fes lumiètes , fon efpritde parriorifme , fon bien par; ticulier , fon inclination même & fa üfanraiiie. Que 1'on choififfe quelque jiparticulier que ce foit dans tous les ücuitres ordres mendiants qui cfnt des igénéraux étrangers , & a plus forte railibn dans les religieux rentés qui fon&  184 Proces des Jéfuites, ftables & tour Francois pour le régime-; 8c on rrouvera aurant de preuves fenfibles de liberté réelle d'bpinions., d'irM térêrs , d'inclinations. On ena vu une preuve bien éclarant-e dans le rêms même de la ligue. Les géi néraux des mendiants étoient excités: par les papes a. les fervir de tout leun pouvoir; il y avoit cependant , dans! tous les ordres mendiants , des fujersj attachés au parri du roi; la preuve en: eft confignée dans les regiftres du parlement, & dans les mémoires du tems., Ces monuments, au contraire, atteften-t que pas un feul jéfuire ne balanca tm 1 inftant de fervir , avec un zèle irittéi- ■ pide & furieux , la faction abominable-; des feize , qui étoient préfidés par le•.: P. Donpigenat jéfuire. Un religieux d'un autre ordre remj- • plit tous fes devoirs , lorfqu'il fatisfait: ■ aux prariqties ordinaires 8c monaftiques. Qu'il ait des mceurs 8z du talent, Péleétion capitulaire le metcertainement', Sfon tout, dans les poftes du régime.; Sc il n'a rien a, craindre-, tant qu'il ne ; fera point criminel. Mais un jéfuite avoit bien d'autres objers a. remplir , il avoir bien d'aurres ï •perfpectives devant les-yeux. Ce n'étoir. 1  a. F occafion de leur commerce. i8£ pas Ia règle qu'il envifageoir, ce n'étoit pas les confrères, ce n'étoir pas le roi » ce n'étoit pas les prclats ; ils ne pouvoient lui conférer aucun bénérice comme aux autres religieux des ordres rentés , aucune dignité claulfrale „ comme aux mendiants : il attendoit tour du général; c'eft de fa feule volonté qu'il tenoit tout ; fon exiftence jéfuitique dépeudoit même de eet arbirre fouverain, a tous les iaftants de fa vie. Devoit-il êrre profès ou coadjutenr , profefleur, confeffeur, prédicateur, procureur, recteur ou provincial ? le général feul pouvoit le dócider. If élevoit, il iliuftroir un jéfuite , il lui donnoit une place diftinguée dans les plus graudes villes du royaume; il L'introduifoir dans la confiance la plus intime du fouverain , en le nommanr fon confeifeur. Quelle foumillion! Quelle foupleffe , quelle fervile adulation ne devoit pas infpirer aux particuliers ce pouvoir illimiré qui réfidoit dans la feule volonté du général! Elle étoit d'autant plus gtande , qu'il n'y avoit point de jéfuite qui ne fut sur d'ètre roujours< préfent devant les yeux de ce tetrible fouverain } par 1'efpionage perpétuei  i86" Procés des Jéfuites , que tous les fujets exercoient refpeéti- vement par devoir. D'un autre cöté, quelle perfpeétive éffrayanre pour arrèter , dans fa fource T la moindre tentation de tiédeur dans le fervice du chef? L'obfcurité la plus avililTante, la fixation aux emplois les plus déplaifants & les plus contraires aiix goüts &aux difpohtions bien connnes , 1'exil aux extrémités du monde , Pexpulfion la plus ignominieufe, qui réduifoit a la difette la plus affreufe; tout cela pouvoit être la fuite d'un feul mot du général. Tout le bonheurd'un jéfuite réfidoit donc dans les bonnes graces de ce général , qui fcavoit tout ce qu'il difoir, tout ce qu'il faifoit, tout ce qu'il penfoit, auffi-bien & peut-être mieux que lui-même. Tout fon malheur, au contraire , dépendoit de la haine, ou de 1'indifFérence de ce fupérieur. Voila , quant au gouvernement des fujets , la diftérence qui fe trouve entre les jéfuites & les autres ordres religieux. Paflons a l'adminiftratión des biens. Chaque ordre eft compofé de difre— rentes parties , qui font comme autant de corps féparés , qui ont un régime  d Poccafion de leur commerce, 187 particulier , des biens parriculiers , une iadminiftration particuliere , des fupéIriéurs particuliers revctus d'une jurif-jdiction qui leur eft propre & perfonIjieile. Ces différents corps font bien Jfubordonnés ais régime général de l'orIdre entier , aux fupérieurs majeurs. Ils ilfont affujettis a des régies, dont la mainutention eft entre les mains du régime «général & des fupérieurs majeurs; ceux> ici ont le reffort de la jurifdicfcion desIfupérieurs particuliers , du moins en plee qui touche la difcipline intérieure &C ■ radminiftration des biens. Mais leur Jdroir n'eft qu'un droir d'infpecHon &C |de furveillance: Ia propriété des biens lappartient a la maifon particuliere; le ■fupérieur de cette maifon a une juxifIdiclion qui eft a lui ; fon autorité lui Jeft propre & perfbnnetïe , rant qu'il eft ■ en place; & le régime général ne peut lei la lui en-lever, ni même la limiter ,. ou 1'altérer. Telle eft , par exemple , la.congréIgation des bénédiétins : elle eft régie l,par un général , des alliftants , des fuipérieurs majeurs : en un mot le corps lientier eftprcfidé par un régime univer- fel. Mais ia totalité de ce corps eft diIvifée en maifons particulières, en ab-  18 8 Procés des Jéfuites , bayes j en prienrés , qui ont chacimej des biens particuliers , une adminiftration particuliere , un régime particulier. La jurifdiction des abbés y foit réguliers , foit commendataires , leur eft propre •> c'eft en leur nom qu'elle 5 exerce, ce n ett pomt au nom du régime général, qui ne peut , ni les en dépouilier , ni y porrer aucune arteinte , foit pour la reftreindre , foit ponr 1'affoiblir. S'agit-il d'acquérir ou d'aliéner ? C'eft le régime particulier qui acquiert, ou qui aliène ; c'eft 1'abbé avec les religieux qui paflent les contrats , qui s'engagent &c qui s'obligent; auffi n'y a- t-il qu'eux & leurs biens qui foient obligés. II eft bien vrai qu'il y a certains adres , tels que les aliénations d'immeubles , qui ne font valables qu'autant qu'ils font ou autorifés ou approuvés par le régime général'. Mais, i°. cette autorifatiön eft requife . uniquement pour ces fortes de contrars, &c ne 1'eft point pour les limples aótes d'adminiftration. 2°. Le droit d'autorifer n'en donne aucun a la pronriéré:' c'eft a peu prés comme une femme *. mariée, qui ne peut vendre fes propres fans 1'autorifation de fon mari. Un ordre eft comme une grande familie di-  d l'occafion deleurcommerce. 189 1 yifée en plufieurs branches. Si le chef J d'une branche fe trouve être un diilipa[ reur qui, par des excès de prodigalité , diilipedes biens dont il eft propriéraire, la la vérité , mais qui eft cependanr I redevable de cette propriété a la naif! fance qu'il a prife dans la familie , 1 tous fes parents ont intérêt , tk droit J par conféquenr , d'oppofer une digue | 3 fes déporrements , en le faifant in[j terdire , & faifant ordonner qu'il ne i pourra faire aucune aliéuarion fans leur j agrément. Mais,ianr quelon adminif| trarion n'ira pas jufqu'^ la profution , ] tant qu'il ne pouflera pas'jufqu'a 1'excès a 1'abus de fa propriéré , perfonne n'a le I droit de prendre part a fa conduite, ni 3 de s'en plaindre. Ainfi, dans les congrégations , il eft I vrai que, les corps parriculiers faifant I partie du corps général, 011 peur dire . que les biens du corps particulier font du quel il s'eft fait fort,  al'occafion de Uur commerce. 194 ^ a promis de fournir lettres d'acccptalion & ratification. Ils contraótèrent de même en 161 iï pour le collége de Sens, avec les maire Sc échevins de cette ville. Le P. Boette paria , dans le concordat, commefondé \du pouvoir fpécial du R. P. Jean Bau\vet, provincial de I'ordre , en laprovince : de Champagne \ promettant faire raüfter & avoir pour agréable le contenu au pré" fent contrat , au révérendijfime général dudit ordre, dans un anprochain venant; & il eft dit, en nniffant : pour sürecet j de toutes lefquelles claufes & conditions , \ le P. Boette, en vertu defondit pouvoir , ij a obligé & oblige tout le bien et revenu temporei, de ladite societe. i Le général, ou fes mandataires , pou:: voient donc 1'hypothéquer. D'un autre ( coté , c'eft tout le bien & revenu de ladite fociété, qu'on hypotheque dans ce corï\ trat ; Sc par conféquent, toutle bien & revenu temporel de la fociété étoit tentj : de répondre des engagemenrs pris par 1: une maifon particuliere. C'eft qu'il ' n'y avoit qu'un patrimoine dans la-fo:cicté,dont la propriéré appartint au corps, fans diviiiou enrre les maifons particulières. Le pouvoir que le P. Bouvct, provinIiv  ioo Procés des Jéfuites , cial de Champagne, avoit denné au P„ Boette , pour palier ce traité , portoit r ut vice nofira , fub beneplacho tarnen reverenai nofiripatrU generalis , ctuus sif' Mm totam confirm^re , fecnndiim fortnam ejujmodi rebus obfervarifolitam t cum magijlradbus. . . . agas, potejlatem jacuntes ea omma qu& hujujmodifundazionem fpccïant 3 et obligandi socieTAtem nostb am ad ea omma munia. qu& conjïi utionibus noflris co;:formi% ■«runt, & reditus prafentes patientur & jerent... Ainii le provincial reconnoifibit que c'étoit au général qu'il apparteiioit rem totam confirmare. II donnoit pouvoir au P. Bokte d'obliger route la fociété , obligandi focietatem nofiram. ' Lorlque les jéfuites voulurent s'établir a.Aix en Provence , Ie parlement de cette vilie drefla des arricles , dont le dernier étoit « que le P. provincial sj feroit tenu de faire ratifier au R. P1. " général dudir ordre , Sc cette ratihca» tion rapporter dans quarre mois , 5> après Ia pailation du contrat». ^Le féminaire de Strasbourg fut donne, en 1683 , aux jéfuites de la province de Champagne. II fut fair , a ce fujet, le 8 juillet de la même année-, 'un concordat entre Guiilaume Egon de,  d F occafion de leur commerce. 101 Furflemberg, évêque de Strasbourg, Sc le P. Jean De^, recteur dn collége de Sedan , député a eet erret par le P. La%are de Sauiereau, provincial de la province de Champagne. A la tin du contrat, le P. De\ promet de rappo-rter la ratification du provincial. Le 2 aout ,; le P. Sautereau donne cette ratification,. fub bene placito tarnen reverendifiimi patris Caroli de Noy elles, ejufdem focietatis Jefu prx.pofi.ti generalis , cujus efl rem totam approbare & confirmare. Ce n'eft pas feulement dans les affaires générales , & quand il eft queftioiï de l'établiffement d'un collége ou d'une maifon ; c'eft auffi dans les affaires particulières , que ce confentement da général eft requis , Sc qu'il fe donne. En 15 91 , le P. de la Grange jéfuite fait une donation de tous fes biens et la compagnie du nom de Jéfus , es mains. du P. Claude Aquaviva général; Sc elle eft acceptée par ce premier fupérieur. Cette donation prouve deux chofes ï 1°. II eft donc vrai que 1'autarité du* géncral doit nécefllurement intervenir même dans les affaires, particulières20. La fociété eft donc un corps individuel , puifque c'eft a ce corpsa lés. compagnie du nom. de Jéfus Sc non a aurIvr  2,0.2 Proces des Jéfuites s ctine rnailon particuliere, que la donation eft faite. Elle a occaiionné un procés jugé par arrêt du 13 décembre 15 91;, Sc ce qu'on vienc de. rapporter fe trouve: dans eet arrêt.. En 1738 , un chanoined'Autun veut faire une fondation au collége des jéfuites. lis lui déclarèrent que ,, fuivant leur inftitut, ils ne peuvent contracter d'engagement civil, pour tout ce qui a rapport au miniftère fpirituel;. qu'ainlï la feule alfurance qu'ils peuvent lui donner de 1'exécurion de fes veeux v eft leur parole d'honneur; a moins qu'il: ne vienne des ordres du général qui les obiige a perpéruité- a acquitter lafondation , en vertu du vceu d'obéiffance. En confequence , on drefie une.fupplique au général , qui envoie undécret concu en ces termes :: retro fcriptam donationem aeceptamus , & pr&pojilis provincialibus Provincie Campania atque recloribus col'legiiJuguflo- Dunenfis pro tempore extiti/ris, diflriclhmandamuSy ut omnia retro fcripta fideliter in perpetuum adimpleri caveant „ totamque pecuniarum fummam ad annuos reditus colloeent; ha tarnen ut, in omnibus, injlituti noflri ratio fervetur. Ce fait eft tiré d'un rnémoire imprimé pour les jéfuites ^  a F occafion de leur commerce. 203 au fujet de cette fondation , & gui fé trouve dans les ceuvres de M. Cochin , tome 4. On voit, dans ce décret du général, que c'eft lui feul qui accepte la fondation , Sc non le recteur du college d'Aucun , ni la maifon. On y voit qu'il difpofe de la fomme donnée pour prix de la fondation , & qu'il en ordonne 1'emploi, d'oü il fuir qu'il étqit le feul adminiftrateur & feul difpenfirteur de tous les biens des colléges & des maifons capables d'en poueder. Dans une caufe jugée au grand confeil en 1750, ils'agiftbit d'une fondation faire aux jéfuites de Bordeaux. Le P, Dioufidon , fupérieur de la maifon» profefte, ne 1'avoit acceptée , par acte du premier février 1745 , epiavecl'apprcbation du provincial, & fous le hort plailïr du R. P. général, qui envoya. effectivement fa ratification , datée de Rome , le 2 juin 1745. Non-feulement les jéfuites ont tou1» jours obfervé eet article de leur régime 5 inais, quand ils ont voulu attaquer le& ades ou il ayoit été négligé , ils n'ont pas manqué de s'en faire un moyen. 11 y en eut un exemple célèbre en ifcqDeux jéfuites envoyés i Caen , par le Ivf  2,04 Proces des Jéfuites, P. Ar mand provincial , Sc chargés de fa procuration , font un accord avec: Puniverficé de Caën; mais le général n'avoit point donnefon -confentement.. Les jéfuites obtinrent, de Henri IV , le 9 avril 1609 y des lettres - patentes qui caffoient le concordat, fur le dé fa ut du confentement du P. Aquaviva , leur général. Les, jéfuites produifirent ces. lettres - patentes 3 dans le procés qu'ils eurent en 172-0 , contre Puniverfité de Caën; Sc Puniverfité de Paris s'en eft fervie utilement contr'eux , en 1724, dans Pinftance concernant Puniverfitéde Reims ; elle leur oppofa que Ie décret de 1 609 , & la tranfaótion d* 1717, qu'ils apportoient pour s'aggréger a-Puniverfité de Reims ,. & qui faifoient leurs titres, n'avoient été ni autorifés , ni approuvés par le général.. 11 eft donc conftant, Sc par ies conftitarions., & par les faits , que le général feul pouvoit conrraérer; qu'aucune mailon ne le pouvoit, ni par alfemblée. capitulaire, ni par 1'entremife de fes fupérieurs particuliers , & qu'elle n'avoit réellement ni exiftenee , ni patri*mome diftingué de la mafte qui- appar-*tenoit a la fociété. Du droit exclufif de contracter, fuit le droit exclufif de difpofer des biens-  d F occafion de leur commerce. 205 Auffi réfidoit-il en la perfonne du général, avec une telle plénitude, qu'il pouvoit difpofer de tout en maitte fouverain ; des fonds comme des revenusLa feule chofe qui lui füt interdite ,. c'étoit Taliénation , ou la dcftruction des maifons & des colléges : c'étoient des établiffements insorporés a. la fociété , qu'il ne pouvoit lui enlever r. c'eft une foi fondamentale de toutes les fouverainetés, que le fouverain ne peut les dépiécer , paree qu'il- ne peut détruire fon état de propos délibéré mais, a 1'exception de ces démembrements , dont 1'intérêt de fa propre grandeur lui interdifoit 1'ufage , il pouvoit tout ce qu'il vouloit dans 1'adminiftration \ il pouvoit vendre , acquérir, aliéner, hypothéquer les biens de. la fociété. Les conftitutions avoient paru d'aborct mettre quelques bornes a ce pouvoir. Elles fembloient ne donner au général „. furies biens des colléges, que la faculté de les adminiftrer par les mains des* recteurs \ & le droit qu'il aveit de difpofer des biens en les vendantou les appliquant a tel lieu ou tel ufage qu'il jugeoit a propos, ne s'érendoit que fut ceux qui avoient été laiftes a la librc difpofition de la fociété..  2ö6 ^ Procés des Jéfuites, Mais ia fociété aifemblée en congtégations générales , & les balles des papes, le débarrafsèrent encore de ces entraves : ces nouveaux citres lui aban.donnèrent la difpofition abfolue , &' même arbitraire de tous les biens de la fociété. On a vu plus haut avec quelle érendue en parle le décret cle 1558; mais' fur-toüt ies bulles de Grégoire XÏII de 1 157^ & de 1582. II pouvoit vendre, pei-muter, aliéner , donnera emphytéofe ou a longues années , tous les biens meubles & immeubles de toutes. , les maifons, fans exception, en queW ' ques lienx qu'ils fulfent fitués. II pouvoit les aliéner pro affeclu fibi bene 'v :fo f Sc a tels prix, charges & conditions dont il convenoir : pro pretïo & fub faclis eondicionibus ,modis bformis hinc inde conveniendis. La bulle de 1576 1'avoit foumis a quelques formalirés; il lui : falloit faire une information , & prendre 1'avis desconfulreurs : il futarfranchi j de routes ces précatitions par celle de 1582. Elle 1'autorifoit a difpofer de tout par les voies qu'il iugeroit a pro*pos, fans faire la moh.dre information,, ou , s'il en vouloit faire, il la fiifoit ' corrime il jugeoit a, propos,, eatra^dz- .'  ! aT occafion de leur commerce. 207 i! tiaiher acJummaril & fimplicuer /.ccepta. 1 II faifoit tous ces acres fans confulrer I perfonne; & , pour les faire valider > ! il ne falloit nipreuves de la néceÜité ou i utilité des aliénations , non - obftant I toutes les loix intervennes fur l'aliénaetion des biens eccléliaftiques. Il n'étoit pas même nécelfaire de juftiiier de I 1'empioi du prix en acquifition de biens I équivalents ou meilleurs , ni de faire ^ aucune efpèce de pftihcatiom Nee ad >i vendiiionem , communicaüor.em & ahaï rum hujufmodi allen ationum , utilitatis , j feu nccejfuatis , au ttquivalcnüd , vel in I meiiora bona pratii convtr/ïonis, velaliarn I demonflrationem lener/. La même difpo- ijStion fe trouve dans le compendium , au . mor aüenatio. L'aurorité da général fuppléoir a tout t iipurihoit tout: c'étoit un fouverain qui r difpofoit d'un bien foumis a fes loix 1 ou du moins d'un bien dont il avoitune adminiltration li defporique & fi abfojjlue , que tout ce qu'il faifoit étoit bien ifait, éroir inaltérable , irrévocable, fans, i:que perfonne put le critiquer, le con::tredire , ou lui en demander compteSon pouvoir ne fe bornoit point k fe jouer des biens déja pofledés par les leellèges de les noviciats , il pouvois  2o8 Procés des Jéfuites , encore fejouerdes conditionsimpofées par les donateurs a leur libéralité. On a parlé plus haut de ce pouvoir & des précautions avec lefquelles il en devoit ufer. Mais, de tout tems, il avoit été le maitte & le difpenfateur des biens laiffés a la difpofition de la fociété , ut ipfa pro fuo arbitratu ea difponat. Les conftitutions elles-mêmes , qui paroiftbient le gêner pour la difpofition des biens appartenant aux colléges , lui avoient donnè route liberté fur ceux-ci. Generalis difponere poterit aut vendendo, aut reimendo 3 aut huic vel illi locoid quod ei videbitur applicando. Qr,s'il le pouvoit 3 ou s'il 1'avoit toujours pu , a. 1'égard dès biens laiftes a la fociété fans deftination particulière, a plus forte raifon le pouvoit-il des biens acquis par la fociété , foit de fes épargnes , foit de fo» commerce. lm produit du commerce éroit un fruit ds 1'induftrie des membres de la fociété , Sc par conféquent de la fociété mcme. Ce bien étoit donc plus fpécialement Sc plus particulièrement dans la main Sc lalibre difpofition du général, qu'aucua autre bien. De tout ce qui vient d'ètre dit, fuft la conféquence néceftaire, que le con>-  d f occafion de leur commerce. 209. merce qui fe faifoit, dans la fociété , fous 1'auïorité du général., dans quelque maifon qu'il fe fit, dans quelque co-utree de la rerre que le comptoir en fut etabli, éroit le commerce de la focicte , & ne pouvoit pas être le commerce cl'une maifon parciculière. On en vient de voir la raifon. La fociété étoit un toutcompofé de différentes maifons qui h'exiftoient pointpar elles-mêmes, qui étoient comme des membres fans vie , qui n'avoient d'aclion & de mouvement que ce qu'ils en recevoient en chef. Donc le commerce que faifoit une maifon particuliere n'étoit pas. le commerce particulier de cette maifon ; c'étoit celui du corps, de la fociété_entière , exercé dans une maifon particuliere. É: comment certe maifon auroïr-elle pu êrre propriéraire du commerce qui s'y faifoir , feule & a 1'exclufion de toures ies autres ? On 1'a déja dir , on 1'a f«it voir; il n'y avoit qu'un patrimoine dans Ia fociéré , une maffe commune , qui apparteuoir au corps entier, & dont rien n'appartenoit a une maifon plutot qu'a une autre. 11 n'en étoit point qui put avoir la propriété véritable 6c primitive de certains biens ,  2 f 6 Procés' des Jéfuites , même de ceux qui lui auroient été donnes avec une deftination précife & déterminée. La deftination indiquoit feulement 1'emploi qui devoit être fait des biens, mais ne déterminoit pas Ie propriéraire. Ainfi les biens donnés aux colleges & aux noviciats , ou les bénénces qui leur avoient éré unis, avoient pour deftination première les dcpenfes neceftaires pour le foutien de ces mailons & la fubfiftanee de tous ceux qui y refidoient, & qoi les deifervoient : mais cette deftination n'attribuóit point J ces maifons une vraie propriété des biens ; Ia propriété proprement dite rélidoit dans Ie corps de la fociété , a la charge de les employer aux deftinations prefcntes par les fondateurs , ou par les decrets d'uninn. r C eft au furplus ce qui réfulte d'un point du régime, qui a éré.expliqué ailleurs. La fociété profeffe faifoit vceu de pauvreté; elle étoit condamnée a mendier & d vivre d'aumönes. Les colleges au conrraire, & les noviciats' pouvoient être riches , & étoient capai bles de recevoir toutes les libéralités dont on vouloit les grarifier. Cependant c'étoit certe même fociété profelfe qui eroit propriéraire de tous les biens;  s' a r occafion de leur commerce. i r r I poffeffionem collegiórum, cum rebus temVpóra/ibus, capit focittas. Confi.paPt. 4 , lap. 2 , §■ >• Eorum fuperintendentiam I ver Ulo's exercsn{juvai) quibus uètiiOS J temporalis nihil ex eis potejf accedete: I talis eft focietas profeffa. Ibid. part. 10, I «/>. 1 , §• 4- Mais il ne faut pas croire que cette >| propriété fut accordée a quelques proI fès que 1'on auroit envoyé réuner dans I un collége , ou dans un eovkiw ; il y 1 avoit beaucoup de maifons oü il n'y < avoit point de ces profès , mais feule1 ment des étudianrs & des coadjureurs; ) ces derniers mêmes étoient les fculs J qne ies conftitutions deftinaffent a etre recteurs des colléges. Prtpojïtus gene-* I ralis , ut profit cuicumque collegio , altI quem ex coadjutoribus focietatis con fti, tuet. C'eft donc a la fociété profefte que i les conftitutions attribuoient la propriéré des biens des colléges & des noviciats. II n'y avoit donc pomt de mai: fon particuliere qui eüt des biens qui lui appnrrinftent a 1'exclufion d'une aun tre maifon. Tout apparrenoir au corps de la fociéré repréfenté par les profes \ car les déclarations nous apprennent que le mot fociété compreiioit , dans fa véritable acception, ft fon fans le  1 12 PrOCeS J.H>.<; TêGntae Plus propre , les profès feulement: /Sal lus nomina tocie.truic *rr<,r,,;„ £, • * j ■ -"Y"" " maxime propna , profefos duntaxat continuA Lanfr. n.nrt r • i , . \4 ■ y ' ^ ' ae"arat, A. Mais il ne faut pas perdre de vue que cette propriété , dans la main de ia focicte profeiTe , étoit une propriété nue , & que 1'adminiftration Jéfidoit delpotiquement dans la volonté du général. Supremam curam & fuperintendentiam collegiórum .... profeffa focietas habebit. Conft. part. 4, cap. ,o , §. u Hujusfuperintcndenti&execuüopenès pj&pojitum generalem erit. Ibid. §. %. S'il en étoit ainfi des biens donnés aux colléges & aux noviciats, avec deftination , a combien plus forte raifon la rneme chofe avoit-elle lieu pour les biens laiiTés l la fociété, fans deftination & encore plus pour ce que les maifons avoient acquis foit par leurs eparsnes . fnir nar U„r ;„j„/i_- i c > r"u 'üULiiuie , oc iur-toutpar la voie du commerce ? En cffet ce commerce étoit fait par certains membres de la fociété , qui ne ponvoient acquérir que pour elle ; ils n'avoient point d'exiftence civile , & ctoient alieni iuris. CU néral qu'ils acquéroient, mais pou^le general comme général , & par coufé-  a Voccafion de leur commerce. 213 quenc pour la fociété , dont il exercoit I les droits. Si la chofe eft indubitable pour le > produit d'un commerce fait par une i maifon capable de polTéder des biens , I tel qu'un college ou un noviciar , que ij dira t on de celui qui étoit fait par une il niiftion ? Ce n'étoit point une maifon, 1 ce n'étoit point un corps \ c'éroir un lieu I de raliement , c'étoit un hofpice pour I un certain nombre de religieux ifolés , I & deftinés , a 1'extérieur , a s'enfoncer i dans le pays des infidèles pour y prê| cher les vérirés de la foi, & y annoncer ll'hjumilité & la pauvreté évangélique. 1; Mais li , au lieu de fe livrer a cette oci|; cupation, ils faifoient un commerceuriI le , ils ne pouvoient acquérir ni pour I eux, ni pour une maifon particuliere , I puifqu'ils n'en formoient point. lis ne I pouvoient acquérir que pour la fociété 1 en général , qui les députoit , & fous ; les ordres de laquelle ils travailloient ï 1 11 • rr... cetre douDie momon. - Pourquoi rant de diftertations après tout ? Les jcluites ont relolu eux-memes autrefois la quelrion qui s'agite auiour- I d'hüi. Quelle farisfaction n'eft-il pas I permis d'éprouver , difoit M. U Gouvéy I de quelle confiance ne doit-on pas être.  214 Proces des Jéfuites , animé , lorfqu'en produilant au jout une vérité qui, peu analogue aux idéés communes & aux ufages ordinaires, fembloit fe préienter avec un air de paradoxe, on trouve que ce même fyftême , extraordinaire en apparence , a été foutenu , juftifié, démontré par les adverfaires a qui on 1'oppofe ? Les jéfuites nousdilent aujotird'hui, continue-t-il, « votre acrion folidaire » ne pourroit être adoptée qu'autant » que vous prouveriez qu'il n'eit dans »> notre corps qu'un patrimoine & qu'un » domaine , foit paree cjue la propriété »» univerfelle repofera dans la main de i> notre général, foir paree qu'il y aura s> une communication de biens établie »5 entre toutes les maifons particulièt) res ». Ainfi parloieiït les jéfuites en 1761» Appellens a notre fecours les jéfuites qui exiftoient en 1619; préfentons a leurs fuccefTeurs les ouvrages des P. P. Layman , Mangion , Cru/lus & Lavanda\ ils vont répondre a laqueftion. Voicil'occafionqui leurmit laplume a la main. L'empereur Ferd'mand II, par un édir de 1Ó2.9 , avoir ordonné que rous jtes' biens ecciéfiaftiques dont les protef-  a f occafion de leur commerce, 11 ^ tants s'étoient emparcs , dans toute J'étendue de 1'einpire , fufïent reftitués aux églifes catholiques qui en avoient été dépouillées. Tous ies ordres religieux fe préfentèrenr pour renrrer dans ceux qui avoienr apparrenu a ieurs mo ui^n en iuuiw; tc icpiucne que ion a fait, de tout tems, a la fociété , que le fondement de fa doctrine eft de n'en avoir d'autre que celle qui peut convenir aux tems, aux lieux Sc aux circonftances. Lorfque les deux écrits , dont on vient de parler , furent dans le public, on ne douta pas qu'ils n'euffent des jéfuites pour auteurs. Le P. Layman les avoua même comme tels , dans un autre qu'il fit publier fous le titre : Difceptaüo foüda & manïfefta. Cet écrit ne nous eft point refté : mais il en exifte encore un , du même auteur, compofé fur la même matière, imprimé a Dilingen en Suabe, cum facultatefupcriorum, SC portant pour titre : Ju/ia defenfio fancliffimi ponüficis, Jugufiijfimi C&faris, S. E. R.cardinaüum, epifcoporum , principum & aliorum , demum minima SOCietatis Jesu , in causd monaftcriorum extincloium éy bonorum ecciefiaflicorum vacantium. Tous ces biens, difoient les jéfuites, pat le miniftère . du P. Layman , font devenus vacants. Ils appartenoient a des tnonaftères particuliers; ces monaftères ont été déttuits; les religieux qui les flabkoieat ne vivent plus \ nul ne peut réclarner >  d P occafion de leur commerce. ixy réclarner des biens qui font aujourd'hui res nullius. A la vérité, I'ordre dont ces monaftères dépendoient exifte encore j mais ce n'eft point I'ordre qui étoit propriéraire; ces biens étoient féparémenc le patrimoine des monaftères auxquels ils fe trouvoient attachés. L'ordre n'a poinr de qualiré pour les révendiquer j ils font tombés en déshérence. Et qu'on ne prétende pas, ajontoitle P. Layman , que les jéfuites, dépoui'lés comme les autres , doivenr fubir .e même forr. Nulle pariré , a eer égard j les jéfuites font hors de comparaifon. Notre ordre eft abfo'umenr un , difciril , notre églife eft une. Aucune de nps tmaifons ne forme un corps féparé: toi«tes ne font enfemble que des parries intégrantes d'un feul tout, elles ne font ique des membres d'un grand corps .gouverné par un feul chef, a qui l'ordre a remis Ia pleine difpofirion de rous fes biens , & a confenti que , fous fa loi , ils fuflent tous communicables. Or , pourfuivoir-il , la fociété n'eft point éteinte , elle vit dans fon chef; elle peut donc réclarner les biens qu'elle a autrefois poffédés ; il eft jufte de les lui reftiituer ; elle a droit de revendiquer une propriété qu'elle n'a jamais perdue, i TomeXlIIi K  118 Procés des Jéfuites , quoique la vioience lui ait ravi la pof» feftioii. On pourroitbien ici examiner li 1'arl gument étoit conforme a la raifon & | la juftiee j & li la cupidité n'en étoit! pas feule la bafe. On pourroit faire voir! qu'a la vérité les biens des différenrs monaftères des autres congrégations | appartiennent tellement a chacun de] ces monaftères, qu'il n'y a point dei communication de maifon a maifon j &c qu'elles ne peuvent fe demander da partage entr'elles ; mais que l'ordre j de qui ces monaftères dépendoient'j ■étoit fondé a demander qu'on lui reftij tuar les biens ufurpés, pour rétablir les| monaftères détruits , &c les remettre enj pofteffion de ces mêmes biens dont ils] avoient été dépouillés. Mais il fuftit de fe prévaloir ici du point de fait établi par le P. Layman ; c'eft que la fociérél ne reftembloir poinr aux autres ordres;: que la différence fpécifique qui les diftiivj guoit étoit que , dans ceux-ci , chaque maifon a des biens, dont elle a la pro-, priété exclufive, & que l'ordre, conlidé-: ré en général, n'y peut rien prétendre; au lieu que , dans la fociété, c'étoit IV corps entier qui étoit propriétaire de tous les biens; que nulle maifon partir.  éi" occafion de leur commerce. 219 J culière n'y parcicipoic ; qu'il n'y avoit i qu'une feule made de biens, un feul j patrimoine chez les jéfuites; patrimoine J.régi & gouverné par un feul adminifJ, trareur. Rien n'eft plus précis ni plus fort | que ce que le P. Layman établit a. eet J. égard. i°. Chacun de ces monaftères | forme un titre de bénérlce : cefont des 1 abbayes , des prieurés , &c. II y a touI jours, au moins , un titre de ckanoinie ij réguliere : in monafieriis funt dignuates y i perfonatus, & beneficia regularia religioi forum : videlicet abbatia , prapofituriz , I prior'atus regulares; fed 6 canonix reguI laris ecclejiajiicum beneficium eft. 2e. Chai| que monaftère a fes biens propres &c I particuliers , quia jura , bona inter fe | divifa , 6' non communicabilia habct. 3 °. J Ils n'ont point de chef unique , qui I commande a tout le corps, en quelque ■ pays du monde que foient placés les 1 monaftères :fi monafieria or.ünis Sancii 'i Benedicii, verbi gratid , efficerent unwn i corpus , neceftarium cjjet ut unum corpus : haherent. ld verb dici non potefi , cum < generalem non habeant. 40. Les reli; gieux y font profeftion avec ftabilité perpétuelle dans le monaftère qui les a recus j en forte qu'ils ne peuvent être &ij  2 10 Proces des Jéfuites , forccs a changer de maifon , comme ils ne peuvent exiger qu'une autre mai-; fon les recoive , fi ce n'eft dans certains cas ou les loix eccléfiaftiques le permettent, & quelquefois même 1'ordonnent; quia proftjfwnem edunt cumftabilltate loei ad unum monafterium. 50. Dans les ordres mêmes qui ont des généraux , tels que prémontré , citeaux & quelques autres, ces généraux n'ont d'autofiré véritable , & leur prélarure ne s'exerce réellement & effieacement , que fur ce qui concerne la difcipline régulière : Mais leur puilfance ne s'étend , a propremenc parler, ni fur les perfonnes qu'ils ne peuvent transférer arbitrairement, ni fur les biens des monaftères , dont ils ne peuvent difpofer i leur gré , ne pouvant appliquer a 1'un les biens qui appartiennent a 1'autre. Quapropter eorum generales & vifttatores, non nifi in pertinentibus ad regularem difciplinam, prdationem aliquam habere cenfendi funt non item in ordine ad perfonasprofeffaspro libitotransferendas \ neque in ordine ad bona & jura monafterïi, quafi de iis difponere aut ea trans* ferre de uno ad aliud monafterium pqjjint übfque fpeciali licentia. Et plus bas J monafieria ordinis Sanfti Benedicii &  al occafion de leur commerce. rtgularium canonicorum non habere unum commune caput , idebquc non corpus commune cenferi. A 1'égard de citeaux , f rcmontré , & autres femblabies , qui ont un chef, non hr.bentjurium & bonorum communioicm ,fubgenerali tanquam capite, ita ut de iis monajleriorum bonis cum autoritate difponere pojjit, tanquam de bonis unius corporis, aut totius congregationis. Le P. Layman fait voir enfuite la diflérence énorme qu'il y avoit entre la fociété & ces autres ordres. i°. Les jéfuites , difoit-il , ne font point profeffion avec ftabilité de lieu 5 au contraire, ils font vceu d'aller dans quelque contrée de lat terre qu'il plaira au pape, ou a leur général de les envoyer. 20. Leurs colléges & leurs maifons profelfes ne fonr point des titres de bénéfices ; leurs maifons profelfes n'ont même aucuns biens \ & li les colléges & les noviciats en ont , ils ne les ont qua titre de deftination , pour fa nourritute des écoliers & des religieux , fans aucun droit de propriété v pro merd fuftentationt Tcholajlicorum &profefforum, nullo ipjis iure fub tiiulo acquijiio. j°. lis ont un général qui eft rellement le chef de loute lafociété, comme d'un feul corps, Kiij  222 Proces des Jéfuites s qu'il peut difpofer, a fon gré, des per- fonnes & des biens (i). II parut 3 contre eet ouvrage du P» Layman , une réponfe forte & preffante , intitulée : Aftrum inextinclum , qui avoit pour auteur Dom Hay , bénédictin. Ce religieux s'attacha moins a combattre la conftitution que le P. Layman attribuoit a la fociété , qu'a prouver que celle des autres ordres ne les excluoit pas du droit de répéter les biens (i) Religiofifocietatis Jefu non edunt vota autprofejfionem cumftabilitate adlocum , neque vovent obedientiam in ordine ad fuperiorem uniu». loei; cum ipfi,fecur.dum conjiitutiones fuas a fed& apoftolica approbata?, ferr.per parati ejj'e debeant ad ferviendum per qua'vis rhim'di plagas quo' fuerint a fumtrto pontifi.ee, vel d piis fuptriori- ■ bus mijfi. 10. Reiigiofi focietatis jus ac titulum lemficii alicujus in colhgïis aut domibus projejfis non kabent ; nam ecclefict & domus prefcffce ' nullos omninb redditus habere poffunt; collegia 'autem & domus probationis immobilia bona 6* redditus habere quidem poffunt , fed pro merd fujlentatione fcholafticorum ac profcfforum , nullo ipfis jure feu titulo acquifito. jo. Generalis prcepofitus ita eft caput totius focietatis, tanquam' unius corporis, ut perfonas de loco ad locum.transferre, & de omnibus bonis ac juribus collegiórum ac don;oiurn difponere, itnb etiam, ex juftd caufd, videlicetfi alicubi redditus abundantes fint, de collegio ad collegium, cum focietatis-. eonfenfu, transferre poffit,  cl t occafion deieur commerce. 223 J que 1'empereur avoit rendus aux églifes ij catholiques. Dom Hay fut repouffé vivement par j quatre jéfuites , qui firenr chacun un I traité contre lui; le P. Layman , luj.jmême, le P. Vincent Mangion , le P« I Jean Crujtus, & le P. Eugene Lavanda. 1 Tous ces ouvrages furent revêtus de I Papprobarion du provincial, en vertu j du pouvoir qu'il en avoit recu du géi néral: facld mihi potejlate ab admodum I R. P. N. ge ierali; après avoir, été vus 8c I examinés par plufieurs théologiens de I Ja fociété : en forte que ce font des pièI ces avouées par tout le corps jéfuuique j I c'étoit un manifefte de la fociété enI tière. L'écrit du P. Lavanda n'eft pas iveiiu jufqu'a nous \ mais il ne paroit Jpas que fa perte foit fort intéreftanre. JZ?o'n Hay nous apprend , dans un ouI yrage donr il fera menrion dans la fuite , 1 qu'il ne méritoit pas de réponfe. A 1'é1 gard des trois autres auteurs , ils foutinIrent & cléveloppèrent, de nouveau , le jfyftême que 1'on vient d'expliquer; &c , Jen particulier, les caraétères qui diftiniguent le gouvernement de la fociété Id'avec celui de tous les ordres religieux. La réponfe du P. Layman eft intitu9lée : Cenfura ajlrolog'iA ecclejiajlicx, & Kiv  224 Proces des Jéfuites , cjlri inextincli. II reprend routes fes preuves, pour monrrer que les aurres ordres ne font point un feul corps , dans le même fens , &avec les mêmes propriérés , que lafociéré , a 1'égard de laquelle il dit ( page 73 ) : Cum mxnifeftumfit in focietate noftrd , membra ejus omnia , fub uno generali capite conftituta & gubernata , unius ecclefia corpus conflituere. Plus loin , ( page 81), il explique en quoi confifte le vceu de ftabilité , & ce qu'il opère. Le religieux qui fait profeffion ad unius loei regularem congrégation -m feu certum monafterium , devient le propre fils de ce monaftère \ il y eft incorporé , il en eft un jnembre, & comme une parrie intégrante ; il devient , pour ainfi dire , la chofe , Fefclave du monaftère. Per ejufmodi profejftonem efficitur aliquis proprius ejus monafterii filius , eique , tanquam pars & membrum incorporatur j imb etiam fit quafi pojjejfio ac fervus monafterii; au moyen de quoi, tout ce qu'il acqniert, a quelque titre que ce foit, Sc en particulier, par fon travail & par fon induftrie , il 1'acquiert pour le monaftère : Eo ejfeclu ut und cum ipfo omnia hona ipfius , ipfo jure , in monafterium tranfeant j & auidquii HU , feu  ! a P occafion de leur commerce. 225 \donatione ,,feu perfnali opera atque in~ \duftrid acqulritur 3 per perjonam ipfius r \five potiiis comemplatione ejus , ad rno~ \naflerium devolvatur. E>'oü il fait que , iieomme au contraire celui qui entre idans la fociété eft religieux , non d'une iimaifon particuliere, mais de la fociété on genere , c'eft pour la fociété entière ique ce religieux acquiert ce qu'il acjiquierr par quelque voie que ce foit» j Voici fes termes: in iis religionum ordiInibus in quibus membra crznobia in und iprovincidfubjiciunturprefato provincialit, \& omnia totius ordinis ccenobia prtfato ïgenerali, monachus unius monafterii ito: \bona acquirit, ut ea poffit prafeclus gene-| palis applicare huic vel illi conventui feu ïeollegio ; quia religkfus non ka profiteji tur regulam religionis , ut fiat fLlius & mo~ \ nachus illius ccenobiï, in quo profeffionem \cmifii (page 88 ). Donc les profits que [ le P. de la Valette avoit retirés de fon: travail & de fon induftrie \ quidquid' I HU . ... feu perfonali opera atque indufi'\\ trid acquiritur ; tour ce qu'il avoit acI quis dans le commerce de la MartiniI que , il 1'avoit acquis pour la fociété v :i & non pour la maifon- particuliere ê& I la Martinique,. a laquelle il n'étoit.ce&1 uiriementpoinraffilié;. Kr  226 Procés des Jéfuites ,. Le P;. Vakntin Mangion , dans fófa aflri extincli theorices , prir la. défenfa du P. Layman & s'attacha a juftiêer toutes les prenves alléguées pour établin: la différence qu'il y avoit entre la com-pagnie de Jéfus , & les autres ordres. II fumra d'en tranfcrire ici quelques. paffages , oü cette différence eft démontrée.avec la plus grande force..Tituüfingulorum monaftcnorum ,, dit-il , part. i J queft. i, n..6i , fomm. 169 , in ordine fancii Benedicti dant jus folum ad bona; monafterii in quo funt , & non atiorum; monafteriorum ; & bona unius ecclefia: monaftica non incorporantur toto ordini A nee monachus unius- monafterii habet jus,, in bonis alterius\ nee in ordine eft unumcaput quod difponat de bonis omnium monafteriorum , ad utilitatem cujufcumquz: monachi. Voila pour les ordres. A 1'égard des jéfuites, il répète , après le PJa Layman : Qubd maximum fit difcrimeninter religiofos focietatis & monachos & regulares illos de quibus eft fermo ; & inter pr&pofitum generalem focietatis ejufidem , & ipforum.W renvoie au P. Lay-, man fm les divers chefs qui conffituoient la différence; on vient de les expofer d il fe contente de duziuiobis fatis fi qubd? ibi generalis ordinis non difponit cum'ats.mritate ds bands, monafteriorum»,.  a f occafion de le ut commerce, 22.7 II explique, plus haut, ce qu'il entend par le droit de difpofer avec autorité de tous les biens des monaftères; droit qu'avoitinconteftablementle général des jéfuites:/?e//?o/2u'<.0 ejje jus, ref ectu bonorum immobilium, ineundi de illis omnes contraclus lege eoncejjos , verbi gratid , locandi, dandi in emphytheuftn, hypotecandi , permutandi , conftituendi fuper iifdem annuos cenfus , fervitutes , tranjigendi , ea demum quoquomodo alienandi. Refpeclu verb bonorum mabilium eft pojfe illa confumere, erogare , donare , &c. eodemque modo fuprd dicla omnia facere , Jicut facit abbas circa bona monafterii particularis } cui prafeclus eft; ex eo enim qubd gemralis ordinis omnium monafteriorum bona gubernare pofJlt, infertur totum ordinem quem ille repr&fentat , habere dominium proprietatif refpeclu bonorum. Appliquant enfuite lui-même ces principes de la fociété , il dit: Societas , quatenus fignificat omnes fcholaresflmul fumptos , eft domina bonorum collegiórum , & poffidet. . .. & exhdc poteflate transferendi perfonas &■ bona , arguitur collegia focietatis non ejjel ftngulamembra feparata inter fe\fed effkmembra unius corporis fub uno capite , &■ habere bona. commiinicabilia , & fingu!& Rvj;  2,2,8 Procés des Jéfuites, collegia ejje incorporata tod focietate fcholarium, qualia non funt. monaflerïa de quibus agimus.. L'écrit du P. Jean Crufius a pour titre : Aflri inextincii eclipjis feu deliquium^ II inufte encore plus fortement que fes, confrères., fur Ie. vrai caractère de la fociété, & fur la diffemblance avec les. autres ordres. Elle confifte en ce- que (>)' « Ie géné« ral, comme chef d'un corps poliutiquer. » & individuele a la jurifdiction fur tous. 55 les colléges de la fociété , qu'il exerce. s» par tous les recteurs qu'il y a établisw Ha auffi la jurifdiction quafi'territo*» riale::car elle s'étendnon-feulemenc (l) Generalis ipfi , tjwqvjm capu7> unius verï corporis politici.... in fingula. collegia jurifdi&ionem habeat , turn prczcipuam qubd illftm per retlores exerceat... .. tum etiam quifi territorialem. .. . Nam ipfius ju, rifcüelio. rum perfonis folum, led etiam tertis ,„ rebus., bonis collegiórum terminatur ; cum res & tona collegiórum. ipfius gubernationi poteflalivè. fubfint.... unde-, ratione liujus jurifditlionis ipfi generali focietatis. , tanquam capiti vnius veri corporis politici, liceï n n bonorum lompetat dominium .... quia aliud' eft jurifdic'iio , aliud dominium . . . tarnen com. petit bonorum collegiórum ab. hofte occupatorum.^, vel' etiam perfonalis collegiórum illorum tempore' invafionis ,prcefemibus pofl defunilis rrepetiü.a j,  dÜ occafion Je leur commerce . 229 " furlesperfonnes., mais fur lesrerres,, " les chofes Sc rous les biens des collè» ges ; puifque tour ce qui apparrient » aux colléges eft foumis a fon gouver- nemenr. D'ou il arrivé qu'araifon de » certe jurimiction dont le general eit » revéru , en qualité de chef de ce corpsr> pol'uiqueyun, individuele quoiqu'il net » foir pas propriéraire des biens , paree » qu'aurre chofe eft la jurifdicfion » autre chofe eft le dömaine Sc la pro» priété des biens : cependant a. lui feul; rr apparrient ie droit de réclarner le »• bien des colléges envahis par les en» nemis. II a mêmel'action perfonneller qu rerum fuoru.ni collegiórum ^ atque pojfidtt cum- illis, hona inc.-rpor.ua... quia fcholares indifferenter. atque indifcrimmatim fe habent ad omnia collegia focietatisnee enim vovent hupis vel illiusloei f abilitatem ; idebque ad nuium admodum 'R; P. generalir ex uno m aliud transferuntur collegium .. . Confequenter (cholares- focietatis inJif~ cruninatim bonorum collegiórum domini funt pofejfores... fecitsres h'.ibet in ordine Bei.ediilï,. quia profeffi illius-voto fe obligant adfiubilitatem sdaufri-..  230 , Proces des Jéfuites , » pour revendiquer les colléges, foit au » moment même de Pinvaiion , foit 33 dans tout autre tems que ce puiffe » être, & même après la mort de tous 33 les religieux qui vivoient alors. Ea33 culté que n'a aucun autre chef ou, 33 vifireur des autres ordres non-men33 diants , paree qu'ils n'önt point cette 33 efpèce de jurifdiction ; ces ordres ne 3> formant point un vrai corpspolitlque » un , & individuel ; mais une efpèce » de familie divifée en différenres 33 branches , dont les prepriétés font diftinctes Sc féparées. Et plus loin: « La fociété, prife en un 33 fens érendu , eft propriétaire de tous s* les biens de fes colléges ; Sc elle pof3» sède , avec les colléges , tous les » biens qui leur font incorporés..... 3» paree que les fcholaftiques fe diflri»s buent indifféremment dans tous les 33 colléges de la fociété : ils ne font vceu 33 de ftabilité dans aucun lieu ; au con»j traire, ils fonr transférés d'un collége 33 dans un autre , au gré du général.. s> Ainfi les fcholaftiques de la fociété » en général font propriétaires & pofv> fefteurs des biens des colléges. II en sa eft autrement dans l'ordre de Saint •» Benoit } paree que les profes 5 pat  d lroccafion ie leurcommercè. 22 ï » leur vceu , font obligés a la ftabilité» dans leur maifon de profenion ». Dans un autre endroit, Crujïus com* pare la fociété a une armée , qui eft toute entière a la difpofition tk fous les ordres du général. Les officiers & les foldats, quoique divifés par régiments èc par cempagnies, ne font cependant qu'un feul & même corps , dont toutes les parties font fous fa main , tk ne recoivent de mouvement que par lui. Dom Hay , pour réfuter ces ouvrages , en publia tin intitulé: Aula eccleJïaftica & Hortus Crujianus. II réieva &C 1'exemple de 1'armée apporté par Cru-Jïus, Sc 1'expretfion de Layman , unius ecclejïa corpus, qu'il avoit appliqué a. Ia fociété. II les oppofa 1'un a 1'autre, cojnme préfentant un paradoxe ; la compagnie de Jéfus n'ayant jamais été qualifiée una ecclejla , & ne pouvant pas 1'ètre, fur-tout dès que Crujïus vouloit qu'elle füt comparée a une armée. Le P. Crujïus répliqua par un ouvrage confidérable, fous le titre Commenta Hayana ; & montra que le P. Layman, avoit pu appeller la fociété una eccle-*. Jïa, en un fens oblique & indireét ± pour prouver 1'unité de fa conftitu-* I tion & de fon être; & que lui, il avok I pu comparer. la même fociété a une ar^  22 2. Proces des Jéfuites, mee, pour prouver eette units d'ètre par la dépendance abfolue dans laquelle: font tous ceux qui la eompofent fous. les ordres du général. En mème-tems , il confirme routes les preuves que lui & le P. Layman avoient données de cette unité. II dit, dans un endroit 'r Collegia matcrialia focietatis , non certa alicujus loei collegio formati, fel toti focietaii acqniruntur. Trail. i , refolut, qu&Jl. principale x , feil. 3 , cap. 3 , §. 5 , n. 39 & 43. Il s'appuye de Pautorité d'un grand nombre de doéteurs qui enfeignentqubd qui vocis nen ad certum locum ajlringuntur , fed toti religioni obligantur 3 eorum bona non collegio certi loei , fed toti ifti religioni acquiruntur. Trail. 4 , lib. 2 , feil. 3 , n. 6 , pag. 151. Ailleurs : Si profeffi religioni in univerfo incorporantur , ita ut profejji de loco ad locum pro libitu fuperiorum transferantur , turn eorum bona toti religioni acqniruntur , eaque funt in genera|que la fociété prétendoit avoir. La cour paroit avoir en vue ce plan .de la conftitution des jéfuites, dans un larrct du 2.9 juiller i^ii.Lerécit de ij cette affaire ne fera pas déplacé dans I Pexpofé d'une caufe oü il eft fi effentiel de les faire connoïtre. Jean Laurechon y : medecin du duc de Lorraine , avoit I confié 1'édueation de fon fils aux jéfuiI tes du collége de Pont-a-Mouflbn. Cet ■enfant leur parut propre a être agrégé ii dans la fociété. Cet intérêt ne fut point I balancé par le chagrin d'un père qui I s'alloit voir arracher un enfant fur le- I quel étoit fondée toute 1'efpérance de  234 Procés des Jéfuites i> fa familie , qui avoit facririé a ce point de vue la dépenfe d'une éducation hon- nête , pour laquelle il avoit employé uneportion confidérable du fruit de fes. travaux. Les voies de féduction que 1'on employoit n'échappèrent point a ce père attentif. II retira fon fils des mains qui vouloient le lui ravir , & 1'envoya dans la ville de Bar. Les féducteurs entretinrent leur ouvrage par lettres; & lorfque le rems fur arrivé , ils char^èrent. un homme de leur collége, appellé Jeatu Roullin, d'aller a Bar enlever-1'enfane%3 tk lui donnèrent tout 1'argent nécethriré pour exécuter ce projer. II réuflit; tk ce jeune homme fut conduit d'abord a Luxembourg , & enfuite a Nancy , oü les jéfuites le recurent au noviciat. Que 1'on juge combien de détours tk demenfonges il fallut que les compagnons de Jéfus infpiraffent a ce jeune homme, pendant les deux ans qu'il demeura ai Bar , pour tromper fon père , & lui ca-, cher le deffein dans lequel il avoit tou-. jours été maintenH. Quoi qu'il en foit, Laurechon découvrit la tracé de fon fils, & fe pourvut en revendication au bailiiage de Bar , eü il éprouva ua déui de juftice. II fe ■  d V occafion de leur commerce. 2^% ourvut en ia cour.ix uciuamu k" iffion d'intimer les jéfuites de Nancy , :i*v a u l es h wies ae £ uu* , n"«<«t. " - tiMi 'oüj enfemblt qu'un mème corps de Yfociêiè -y ce font les termes de fa requéte ; lè que les fgnifications qui leur feroient fait es en leur collége de Paris, feroient Idéclarées valables pour tout le corps de la Uociéte. Sur cette requéte, intervint ar ïrêt qui ordonna que , fur l'appel, les iparties auroient audience au premier liour. & cenendant fit défenfes aux jé- Jfuires de Nancy , & autres de la fociété, «de recevoir le jeune homme k profefIfion, a peine de nullité de la profeffion , ]& de 10000 livres d'amende. II fut Jdit, en mêmc-tems, que les fignificaItions de 1'arrêt faites au provincial , Irecteuï ou gardien du collége de Paris, êferoient de tel effet & valeur, que Jifaites i étoient au collége de Nancy. Peleus nous apprend, dansje plai| doyer qu'il prononca pour le père , que .1 les jéfuites de Paris furent en effet mis en caufe; & il démontre que tout le I corps de la fociété étoit refponfable du j rapt commis par les jéfuites de Pont-a- Mouffon. i°. Paree que tout l'ordre des■ jéfuites litem faam fecit, en approuvanc l'enlcvernent. En effet les jéfuites de  236 Proces des Jéfuites , Pont-a-Mouffon avoient envoyé Roulïn a Rome , oü on lui avoit donné 1'ha-i bit de l'ordre- 20. Paree qu'aux termesde Parricle 3 de Pédit de 1603 , la fa-; ciété a toujours , auprès de la perfonnedu Roi , des jétuires qui doivent repondre des aclions & des emportements de ceux qui en font éloignés. 30. paree que les jéfuites de Nancy ck de Pont-a-] Moufion n'avoient qu'un même provin-: cial avec ceux de Paris , & qu'étant fujets a iobedience d'un même fupérieur y\ ils devoient tous repréfentet 1'enfant ravi. v On ignore quel fut le fort de cette conteftation r mais 1'arrêt provifoire r en permerrant d'affigner les jéfuites de Paris , faifant défenfes a. tout le corps de recevoir lé jeune homme a profefliony ik permettant de faire , au collége de Paris , les fignifications pour le collége de Nancy, a jugé que rout le corps éroit refponfable du fait commis par les jéfuites de Lorraine ; & ce jugement éroit fondé fur I'inftitut même de la fociété. De tout ce qui vient d'êtte dit, it réfulte clairementqu'il n'y avoit qu'une autoriré & qu'une volonré chez les jéfuites. II ne pourroic donc refter de con,-  al'occafion deleurcommerce. 2,37 •teftation que par rapport a Punité de propriété. Mais, dès que 1: général gouvernoit jfouverainement roures les maifons par ïles prépofés qu'il députoit, & dont il Jrecevoit les comptes , les maifons n'aivoient donc point le droir de fe gouïjverner elles-mêmes. Si elles n'avoient ■point la faculté de fe gouverner, de -is'adminiltrer, de contracter , de difpoifer, n'étoit-il pas impoffible qu'elles forirnalfent des corps ? Elles nétoient donc itoutes que des parries 5c des membres. >!Donc il n'étoit qu'un corps dans route Ëa fociété ; & s'il n'étoit qu'un corps, ^ n'étoit-il pas abfurde de foutenir qu'il |y avoit plufieurs patrimoines? Appliquons , en deux mots » aux lactes du V.de la Valett.:, les conféquen|ces qui réfultent des principes qui vienIjient d'ètre développés. II eftavoué que lesengagements forImés paree fupérieur de millions avoient : .obligé efficacement ceux au nom , &C j pour le compre de qui ils les avoient contractés. II ne" faut donc que fcavoir I de qui il avoit été 1'agent. Etoit-ce de : la maifon de la Martinique , comme le 1 ptétendoient les jéfuites ? Cela ne pou- yoit être. Comment lui auroit-elle pu  2,38 Proces des Jéfuites, donner des pouvoirs , iorfquelle étoit fans pouvoir elle-même, lorfqu'elle ne 1'avoit ni elu , ni pu 1'élire ; lorfqu'il ne lui devoit aucun compte de fa conduite , lorfqu'elle étoit incapable d'en recevoir & d'en entendre aucun , toute aiTemblée capirulaire , pour quelqu'objer que ce put être , lui étant interdite ? Comment eüt elle pris quelqu'inrérêt a fes opérations ? Elle fe trouvoit incapable de polféder des biens; 011 a vu que toute propriété étoit interdite aux miffions. Enfin il n'étoit permis qu'a ceux qui ont un être civil de prépoler quelqu'un; il n'eft permis qu'a des corps de députer. Une maifon , en qui n'eft nul germe d'autorité , nul principe de volonté, nul droit de propriété , ne fcauroit formerunêtre moral.Il ralloitdonc chercherailleurs le mandant du P. de la. Valette.Et oü le trouver, fice n'eft dans le chef qui étoit la löi vivante des jéfuites ? Le P- de la Valette délégué & comptable du général, ne pouvoit être qu'un inftrument dans la main de ce chef. C'étoit donc le général qui avoit contradé par le P. de la Valette \ 8C l'ordre que le général repréfenroit avoit contracté par le général. Or, dés que l'ordre ayoit contracté, étoit-il poffiblc  a V occafion de leur commerce. 239 que Puniverfalité de fes biens n'eut pas recu 1'impreffion de fes engagements ? La feale conttitution du régime jéfuitique formoit done , en faveur des créanciers des fieurs Lioncy ck: Goulfre, un moyen fans réplique, pour leur aifurer la folidité fur tous les biens de la fociété ; ils n'avoien: pas befom d'entrer dans le détail d'aucune circonftance du fait, pour établir cette prétention. lis prouvèrenc cependaut que le P. de la Valette avoit agi & du confentement , & de l'ordre même de fes fupérieurs. Cet objet forma la feconde partie de leur dcfenfe. SECONDE PARTIE. Avant que de fe livrer a cette difcullion, le défenfeur des créanciers crut devoir écarter une objection qui fe trouvoit dans Ia confultation rédigée pour les jéfuites de France. On foutenoit que le P. de la Valette n'avoit point fait de commerce. Oü eft la preuve , difoit on , que ce miffionnaire aitcommercé en Amérique , ou ailleurs ? S'il atiré des lerrres-de-change, ce n'eft que par la néceifité oü font tous les propriéuires a la Martinique de faire paffer  240 Proces des Jéfuites, leurs denrées en France, & d'en recevoir le prix par la voie du papier. Peut-on dire avec fondement, qu'il a fait le com-j merce ? S'il en avoir tiré pour de groltes fommes depuis qu'il adminiftroit la maifon de la Martinique , c'eft que cette maifon , étant le centre des miflions , devoit avoir nécelTairement ,i £c elle avoit véritablement des domainesfort étendus. Les denrées produites I pat ces domaines étoient de nature a n'entrer que pour très-peu dans la con-l fommation de 1'ifle ; c'étoit du fucre ,1 c'étoit du café , c'étoit de 1'indigo. II1 falloit donc lesvendre , & la vente de ces denrées , pendant quinze a feize j ans , avoit dü produire des fommes confidérables. La quantité des lettresde-change tirées parle P. de la Valette, j quelque grande qu'elle fut, ne devoit i donc pas paroitte étonnante. II falloit faire toucher , en France , cet argent i I ceux qui avoient remis le leur au P. de la Valette dans 1'ifle \ &c Pon ne pou- j voit tirer , de-la. , aucune induction de commerce propremenr dir. La qualité de religieux donr le P. I de la Valette étoit revêtu , & les défen- J fes faites aux eccléiiaitiques par les ca- I nons de fe mêler de négoce , n'impo- foienc  , aPoccafion de leur commerce. 2^1 foient pas a celui ci la néceflité de laif-, fer périr les denrées de fa maifon , plutot que de faire de fimples attes d'adifainiftration , comme en font tous les fimplespropriétaires de rille, fans être négociants pour cela. Si 1'on prend le mot commerce dan» toute fon étendue, c'eft tout ce qui fe I pafte entre les hommes pour 1 cchange des denrées contre 1'argent , ou des . denrées contre d'autres denrées : mais Jee qu'on entend vérirablement pat commerce, & celui que les canons déifenrlent aux religieux & aux maifons I religieufes , c'eft d'acheter des denrées : pour les revendre , dans la vue d'y faire i du profit. Or il n'y a nulle preuye que le P. de la Valette eüt fait un tel négoce. Telle étoit la défenfe des jéfuites cet égard, ci Que le genre de travail dont le P. I» de la Valette s'eft occupé ait été un I» commerce réel , c'eft , difoit M. le ) j» Gouve\ ce que jen'imaginois pas être \,n jamais dans 1'obligation de prouver. » L'évidence eft ici manifefte; la déi» négation des jéfuites eft révoltante. » Quels font mes titres , continuoitt» il? Des lettres de-change. Des letrresin de-chanaeforment déja despréfompTome XII1. l>  242. Proces des Jéfuites , ts tions de négoce. Quiconque tire des s> lettres de place en place , eft, pat a> cela feul, réputé négociant- 11 peut s> être pourfuivi comme tel. II doit être ?3 condamné comme tel. « Les lettres tirées par le P. de la. s> Valette ne font ni en petit nombre, s? ni pour des fommes modiques ». La correfpondance ne fe bornoit pas aux fieurs Lioncy ; elle fe répandoit dans toutes les différenres places du commerce. On la trouvoit par-tout , en france , &c en pays érranger ; tous les comDtoirs étoient a coutribution ; Paris , Lyon , Marfeille , Nantes , Bordeaux, Amfterdam , Cadix, Livourne, <5cc. toutes les bourfes rétentifïbient de fon nom; fon nom étoit infcrit fur tous les journaux , fur tous ies livres deraifon. II avoit par-tout descomptes ouverts.Lié , par des relations de mille efpèces, avec mille commercants de PEurope, pouvoit-il n'être pas eommer» cant lui-même ? Eftce bien férieufement que Pon a objeclé que le P. de la Valette devoitètre comparé a un propriéraire qui fait . vendre les fruits de fon héritage ? Les _ yfages, difoit-on dela part des jéfuites, I changenc felon les lietu. Les miffions  d Voccafion de leur commerce. 2.43 regies par le P. de la Valette pofsèdent des habitations. En Amérique , il n'y a pas d'aurre voie , pour recevoir le prix de fa récolte , que de tirer des lettres fur 1'Europe. « Quels raifonnements ! difoit M. » leGouvé. Les habitations des millions » des jéfuites étoient donc bien confi» dérables , pour être en état de fournir » a tant de traites. Et déja cette iin5) menfité de leurs établiiTements a la sj Martinique dépofe contre eux ; elle » xonftate même ce commerce au mois ment qu'ils le nient ». On accumuloit, dans le rnémoire , quinze a feize ans de revenu pour faire ces opérations. N'obfervons point qu'il s'agilToit de marchandifesque le temscorrompt ,ou fait dépérir, Sc qu'il feroit impoffible degarder pendanr plufieurs années: rappelions feulement les jéfuites aux faits avoués Sc reconnus de part Sc d'autre. C'e/t en Ï748 que le P. de la Valette a cbmmencé ; c'eft a 1'entrée de 1'année 1756 qu'il a plongé les lieurs Lioncy dans les horreurs de leur faillire. II y a donc fepc ou buit ans , au plus, Sc non ouinze ou feize : il faut donc retrancher la moitié des amas du revenu de la miffion. Lij  244 Proces des Jéfuites , D'un autre cbté , pendant ces fept k huk années , les fieurs Lioncy avoient toujours été en acceptarion de lettres avec le P. de la. Valette pour des mil lions : il a été un moment oü ils Y étoient pour trois millions 5c demi. Au moment de leur faillire , ils y étoient pour plus de 500000 écus. La maffe totale de leur négociation avec lui montoit peut - être a plus de dix millions. Que 1'on ajoute a cette fomme énorme le montant des traites qu'il a faites , pendant ces fept a huit années , avec les autres commercants de toutes les autres placesde 1'Europe , & 1'on trouvera un total effrayant: Et ce feront les denrées de Phabitation du P. de la. Val.tte qui auront produit tous ces fonds! 1'imagination & la raifou fe jévoltent a cette propofition, Enfin , de 1'aveu même des jéfuites, leur milfion de la Martinique leur produifoit 100 mille écus de rente, « Je M n'obferverai pas, difoit M. le Gouvé\ m qu'il eft bien odieux qu'un ordre de ,» religieux pofsède une éfendue de ter,, s, res dont quatre - vingt families fi?' „ roient fatisfaites », Renfermons-nous dans les réflexions qui ont un rapport djieét i b caufe. Le P. de la Valette  dV occafion de leur commerce. 14? avoir acquis ces domaines en moins de huir a neuf années. Qui lui en avoit procuré les moyens? Avoit-il pu les : trouver dans 1'cconomie la plus fevere ' d'une maifon auparavant médiocre ? Ses :: prédé.eiTeurs avoient ils feulement pu commencer PöuVrage qu'il a porté a ■ re haut déeré ? N'eft il pas fenfible qu il : n'apparrenoit qa'au commerce , a cette loime des grandes« rapmes unurawa , d'clever fi promptement tk fi fcandaleufement la fienne ? 11 étoit donc abfurde qile les jé'uites , en convenant de la grandèür tk de la rapidité de ces établiftements , défavouaftent ce qui feul avoit pu le prod. ire. Si le P. de la Valette neut fait que débitet fes denrées , la colonie auroitelle fait des plaintes fi amcres des operations de ce miftionnaire , de ce compagnon de Jéfus ? Les chefs de la colonie auroient-ils étéobligésde les tranfmettre au gouvernement ? Le gouvernement les auroit-il communiquées au P. de Sacy} Auroit-il exigé de hu , en l75i , qu'il les fit ceffer? Le P. de Sacy lui-même en feroit-il convenu ? Auroit-il promis d'y apporter remèdej Auroit-il laiflé entrevoir qu'il les arrêteroit par le rappel du P. de la Valette. L üj  246 Proces des Jéfuites , Ces plainres fe feroient- elles renouvellées en 1753 ? Auroient - elles été fuivies d'ordres adrelfés au gouverneur .de la Martinique , pour faire repafter ce religieux en France? Et lorfqu'on a .permis qu'il retournat , après un an entier de follicirations & d'inftances , auroit-on exigé de lui, du P. de Sacy\t du P. de la Tour , & même des fupérieurs majeurs , une promeile formelle que le P. de la Valette ne feroir plus le ■commerce ? Que le P. de Sacy , que le P. de la Tour , difoir M. le Gouve\ ceffent, pour un moment d'ètre jéfuites, qu'ils oublient la foumiffion aveugle qu'ils ont vouée aleur régime , pour ne reconnoitre que 1'empire de la vériré , qu'ils communiquent les lettres qui leur ont été écrires a cette occafion , & 1'on verra fi le commerce , & même le commerce prolnbé, n'a pas été conftaté : on verra fi le retour du P. de la Valette n'a pas étéaccordé avec les piusgrandes difïicultés , 3c fous 1'engagement exprès des fupérieurs , que ce religieux abandonneroit tout commerce? Que Pon interroge , continuoit-il , les habitanrs de la Martinique , il n'en eft pas un qui ne dépofe de la vérité de ces faits; paree qu'il n'en eft pas un qui  d F occafion de leur commerce. 247 n'aït jetté les hauts cris eonne un corrK I merce qui dévaftoit la colonie ren ab:: forbant celui de tous ceux qui la corapofent. Au furplus , en quoi confittoient les I opérations du P. dé la V.altttt ? Ne fai- I loit-il qu envoyer en üurope les denreesI de fa miffion, & en recevoir les rerours ,i, en marchand fes européennes ? Non. { ïl prenoit l'argent de quieonque voulo.e I lui enapporter.C'éroir de 1'argenr verfé dans ia caüie qui railoit le ronds ou papier qu'il donnoir. Pour faire face è I tant de lerrres qu'il fournifloit, il eroit j obligé d'aclieter, Sc il acheroir en effet i les denrées des autres colons. 11 expo- I foit ces denrées fur la mer, fans prendre |l meme la preeaunon de lesraire auuter. \ Quoique le prix de ces marchandifes I: dur fervir a payer en Europe ceux qui i; lui avoient confié leurs deniers , il les : laiffoiten péril, ilhafardoit leurs gages, tandis qu'il poffédoit leurs fonds ; Sc I cela , pour s'épargner quelques primes I d'affurance. Sur les retours, il faifoit des gains ■ inouis, par une combinaifon des écheanI ces éloignées de fes traites, avec fes en- 'vois multipliés dans 1'intervalle , Sc I avec la valeur des pièces portugaifes L iv  2,48 Procés des Jéfuites, qu'il recevoit en échange. II a le premier , par fes lettres au pair fur la Trance, donné i i'Amérique & a 1'Euiope, un fpecfacle dont elles ont été ctonnées , qui les a flattées dans les: commencements, & quia excité, dans Ia fuite , leur douleur & leurs plainres, quand elles ont vu que ce jéfuite , atti-j xant a lui toutes les efpèces numéraires ,1 fe rendaitt le man-re du prix de roures les producf ions, avoit ouvert un gouffre oü tout alloit fe perdre. Quel nom donner a des opérations pareilles, fi elles ne font pas un trafic d'argent, un négoce de marchandifes, de banque , & même de banque téméraire , enfin de monopole ? Ainfi 1'avoit jugé le miüftère de France , lorfqu'il les défendit au P. de la Valette rappellé par fes ordres t & cette déciiion feroit feule la preuve la plus refpecfable des imputations faites a ce miifionnaire. La confultation faite pour les jéfuites fembloit vouloir regarder comme impofiible que la compagnie de Jéfus en corps eüt approuvé le commerce que Pon imputoitau P. de la Valette, paree qu'il n'eft pas croyable qu'un ordre religieux tout entier fronde, de gayeté de cceur, & a la face de Punivers, les ca-  a roccafion de leur commerce. 249 jions les plus précis , & les plus autorifés par 1'églife & par les loix eiviles j ce font ceux qui interdifent le commerce aux religieux. «< Mais , difoit M. » le Gouve , eft-ce donc quelque chofe w de fi nouveau , & a quoi nos oreilles » ne foient point accoutumées , que » d 'accufer les jéfuites de faire le com» merce ? Je neprétends point me livrer » k une déclamation: mais il eft un. » principe de droit; c'eft qu'il eft pré■>•> fumable que quelqu'un a commis ce » qu'il eft dans l'habitude decommet» tre. On doit facilement croire que le >» P. de la Valette aété marchand , li la » fociété, dont il eft membre, efr|mar» chande ordinairement. » A cet égard, continuoit-il, quelles m font mes preuves ? Ce n'eft point la » notoriété générale que j'invoque, » Queique peu fufpeéte qu'elle puifte *, paroitre , quand on voit qu'elle eft » formée des voix réunies de tant » d'hommes de tous les tems, de toti* » les pays , de tous les ordres, de tout> tes les relrgions , je eonviens , quei» que sure qu'elle foit alors, qu'elle n'a r> poinrdans les tribunaux une autorité *> impérieufe. Je ne chercherai pas nora  2 ^ O Proces des Jéfuites , » plus de témoignages dans les écritg») publics de ces obfervateurs que le9> deur de s'inftxuire dans la connoifn fance des langues- & des mceurs con» duit de conrrée en contrée. Je n'ert » chercberai point dans tant d'ouvra» ges qui, folides, fidèles ,. eftimables „ 3» mais ne partant point en un mord'és> crivains autorifés , ne mériteut dès»lors qu'une confiance humaine , Sc » non légale. A quels titres me réduis3j je donc? II me fufEt d'invoquer les 3» décrers multipiiés des papes qui ont s» voulu reprirnerie commerce des-je53 fnites ij. Cet objet mérite un certain détail ;, il n'eft point indifférent de faire voir cömment ces Pères étoient fbumis aux. volontés du pape , lors mème qu'ellestendoicnt a maintenir 1'exécution des. canons dans ta purete, quand ces volontés n'étoient pas d'accord avec leurs intéréts. Grégoire XIII avoit, pat une bulle exprès, accordé aux jéfuites ie privilège exclufif d'annoncer la foi au JaponClement VIII" ne jugea pas qu'il fut. jufte de ne permettre qu'aux jéfuites, d'étendre les lumières. de la vraie reli— gion, & permit a tous les autres reli-  3j i foccafion da leur commerce. 1^1 gieux cl'exercer pareillement leur zéie ehez les Japonnois. Les Auguftins, les ji Jacobins , ëc les Fréres mineurs y enijvoyèrent des miffionnaires. Le biensjheureux Sotelo , de l'ordre des frères Bnineurs, écrivit au pape Urbain VIII Mme lettre fortprellante & fort étendue, pour 1'inftruire du fcandale que les jéifuites caufoient dans ces contrées , par 1 leur tralie, & par les ufures qu'ils fe : permettoient; ils tiroient jufqu'a 20 & 50 pour cent des prêts qu'ils faifoienr. |Cette lettre produilit une bulle portant |de rigoureufes défenfes aux miffionimires de fe mêler de commerce. Elle left du 22 février 1533. Alexandre VII envoya M. Lambert lévêque de Béritlie, &c M. Pallu3 évêique d'Héliopolis , en qualité de vicaircs|apoftoliques a laChine & autres royau{ mes voifins , dans lefquels les jéfuitesi étoient établis. Ces prélats trouvèrent" : cette miffion dans 1'état le plusdéploi rable. Les jéfuites , loin d'y travailler I a la conquête des ames, nes'occupoient: que d'un commerce totalement ruineuxqpour leshabitants, & les dérournoient „ :|par-la-, d'embralTer une religion donc I les prédicareurs démenroienr li Hautej ment la.fainteté par-leur sonduite. Ees>  2^2 Proces des Téfuïtes*, prélats en écrivirent a Clement YK qui avoit fuccédé a Alexandre VIL C naoe ctonna. e i -i mm 1&60. une j - - , , , . bulle qui rappelloit les difpofrtions de. celle cYVrbaïn VIII , & defendoit, de nouveau , tout commerce aux miffionnaires. L'évêque de Béritbe fit, 1'année fuivante , c'eft-a-dire , en 1670 , des ftatuts qu'il fit publier en plein fynode ^ dans lefquels il n'oublia point de renouveller un reglement auffi- néceffaire.. Le pape Clement^, les conrirma par une; bulle donnée au mois. de. fegtembre Non-obffant toutes ces déFenfes, Iesjéfuites faifoienr, dans 1'ifle de Manillev un commerce fi confidérable , que Dom PkHippe Par do , archevêque de: Manille, en- fir faire des informationsr juridiques, en- i63r. Le réquifitoire de fon promoteur portoir «■ que le trafic » que fout les Pères de la compagnie s» foit fupérieurs y foit inférieurs , de 3» plufieurs fortes de marchandifes,, w étoit tout public Sc tout feand'aleux a s« qu'il donnoit matière , parmi- les ecsT cléfiaftiques ,. auffi bien que parmi les; sr féculiers , a des difcours rrcs-perni'>» deux II conelut a la permiffioni  0 roccafon de leur commerce. tFinformer, Sc a ce qu'il fut enjoint aux jéfuites de cetfer tout tralie. L'informatiou fut ordoimée Sc feite. Quatorze témoins déposèrent de faits fans nomifare , qui conftatoient le négoce des jéifuites , leurs. correfpondances , leurs magafins , &c f On n'entrera point dans le detail des : perfécutions qu'üs firent elfuyer a 1'ari ehevêque de Manille , pour arrèter le i; cours de cette procédure. 11 fuffit de . dire que 1'afFaire rapportéeau Roi d'EfI pagne, ce prince punit ceux qui avoient i été les inftrumenrs de ces perfécutions , : Sc enjoignit aux magiftracs » d'avoir 5» grand foin d'empêcher que les ecclé- » fiaftiques ne filfent le commerce ». Le cardinal de: Tournon , légat du i faint fiège, arriva a Manille , en. 1704. ; 11 y trouva un procureur de la fociété , ; qui faifoit un trafic confidérable. Le léi gat le fit dépofer dë fa charge & de fes emplois , Sc fit mettre en féqueftre s tout le gain qu'il avoit fait par le com1 merce. 11 en prir même une occafion de I donner, le 17 juin 1704 y un décret , ( par lequel il renouvelloit les défenfes 1 portées par les bulles de 1633 „ i69j. & 1 (370. Benoit XIV inftruit de 1'efclavage  2^4 Proces des Jéfuites , ètns lequel les jéfuites tenoient les peuples du Paragai, inftruit que ces P. P. ne laiflant a ces miférables que le plus étroit néeeftaires pour foutenirleur vie, s'emparoient de tout Ie fruit de; leurs travaux pour en faire le fonds d'urt commepce immenfe,ce pontife adrefta un brefjleii décembre 1741, aTévê1que du grand Para, aux aurres évêques. du Bréfil, & a tous ceux des Indes occidenrales. Ce bref ordonnoit a. tous les réguliets , de quelqu'ordre que ce fut même a ceux de la fociété de Jéfus, de ïendre aux Indiens leur liberté. Le roi de Portugal , de fon cöté j. donna,.les 6 & 7 juin 1755 , des ordonnances qui, en renouvellant d'anciennes loix rendues par fes prédéceffeurs en 1611 1647 & 1680 , enjoiguoient qu'on rendit a ces peuples la liberté de leurs perfonnes, biens & commerce. II fit auffi publier , par Pévêque drt grand Para, ordinaire du Paragay , le bref de Benou XIV. Le mandement du prélar eft du 29 mai 1757. Tout le monde fcair, & le roi der Portugal 1'a fait publier dans un manifefte émané de lui, que les deux coulonnes d'Efpagne &. de Portugal ont-  a roccafion de leur commerce. 255 été obligées de prendre les armes pour ©blijer les compagnons de Jéfus a laiffer ces peuples en liberté , &c abandonner un commerce qui abforboit celui de ces contrées tout entier. Les jéfuites fe defendirent a main armée pendant lesannées 1754, 17558c 1756,&ne cédèrent qu'après une viétoire complette remportée fur eux.. Ce maniftfte excira Benou XIV a donner un fecond bref, dans lequel il expofe que , le roi de Portugal lui ayant fait repréfenter que la connoiffance des: défordres &c des abus commis par les jéfuites établis en Portugal , 6c dans les parties des Indes orientales Sc oceidentales foumifes a fa domination t, " s'eft répandue dans préfque toutes » les nations Sc les contrées de Puni» vers , par un petit volume imprimé » qui lui a été préfenté, ainfi qu a tout: « le facré collége » ( c'eft le manifefle dont onvient de parler ), il charge le cardinal vifiteur de réformer tous ces défordres, Sc de ramener les jéfuites a 1'exécution du bref cxUrbain VI11 de i(>3 3 , qui défend le commerce aux miffionnaires , Sc de celui qu'il a donné lui-même , le 20 décembre 1741- Le cardinal de SuLdanha , dans fo«  2 <; 6 Proces des Jéfuites , décret du 15 mai 1758, après avoir rappdlé les régies de 1 'églife qui interdifent aux eccléfiaftiques de fe mêler de commerce & de marchandifes, régies qui obligent encore plus étroitementjles religieux miilionnaires, qui doivent avoir t pour tout patrimoine, la pauvreté évangélique;après avoir rappelléle brefd'c^v bain VIII de 1633, la bulle de Clement ix de 1669 , le bref de Benou xiv de J74ia dit que « cependant le fcan* dale de ces trafics illicites... eft deï» venu public Sc li révoltant , que les.| *> magiftrats féculiers ont faili les mar-j » chandifes Sc effets qui éroient Pobjet; »» du commerce de ces perfonnes ecclé-J » liaftiques. ... 11 a de plus été in-] » formé avec certitude que y dans les, » colléges , noviciats y maifons , réfi» dences Sc autres lieux des provinces j» Sc vice - provinces de l'ordre de la n compagnie de Jéfus. . . . il fe trou-! » voit encore quelques religieux... non» feulement occupés i recevoir & dé3» livter des lettres-de-change , comme » font les banquiers Sc gens de com- j » merce , mais même a vendre des; » marchandifes d'Afie , d'Amérique. J » Sc d'Afrique, pour faire , par eux- ! « mêmes j le commerce ; comme fi cdm  aPoccafion de leur commerce. 1*7 „ colléges , maifons , noviciats , réfiL dences Sc autres lieux étoient des L magafins de commercants , Sc ces f« habitations des boutiques de mart L chands. . . • D'autres , après avoir L amafie des fonds confidérables dans [» leur commerce , fe font étabh des i» magafins dans les villes maritimes de >„ ces royaumes Sc de leurs dépendanE ces , dans les lieux les plus voifins E? des ports oü le commerce fe fait plus L facilement ; oü ils vendent euxL mêmes aux peuples leurs marchan.|>> difes , comme tous les autres mari» chands qui y font pabliquement et* Iblis. D'autres enfin ... font yenir des j»> drogues de leur communauté pour les i» faire vendre; ils font falet des vianI» des Sc des poifions , qu'ils vendent )dans leurs propres maifons, ainfi que „ de fhuile , vinaigre & d'autres cho1 » fes néceflaires a la vie. Ils y ont juf, qua des boucheries Sc autres boutin ques honteufes a des féculiers , même « de la lie du peuple ». Tous ces défordres conjïdérés, le cardinal réforma; teur eujoint a tous les fupérieurs de i l'ordre, a commencer par les provinI ciaux , & a leurs fujets refpe&ifs , de I faire ceffer les fufdues tranfgreffions ,  2 5 8 Procés des Jéfuites, ces fcandales & tout ce qui pouvoit y rejjembler. II ordonne, en même-tems, que , dans trois jours , ils feronr leurs! déclarations devant lui ou fes fubdélélégués « des commerce , lettres - de -I »> change, tranfport de marchandifes....! » les capitaux dans lefquels ils fonr in-: « intérefles , les marchandifes qu'ilsj « ont acttiellement en conféquence dej 3> lear négoce , & les aótions qui, au] sj même titre, apparriennenr a chacune' sa de leurs maifons religieufes... re*i sa préfenrant, en même - tems , tous 33 les regi (tres & livres de compte qui'; 33 fe trouveront au pouvoir des fup&l 33 rieurs , & de ceux qui leur font alTti*> jerris ». D'après tous cesmonuments aurhenrïques, ne peut-on pas regarder comme démonrré, comme prouvé juridique-; ment, que les jéfuites , depuis leur Jiaillance jufcju'a nos jours, onr porté, dans tous les climats , autant d'art &C d'attachément pour le commerce , que de zèle pour la propagation de la foi 5, qu'on a remarqué , en tout tems, que 1'ouverture d'une miflion préparoit Pétabliffëment d'une banque ; que partout oü la nature donne de For & desmaticres précieufes, 011 étoit sür de  i d t occafion de leur commerce. trouver & une miffion , Sc un comptoir tjde la fociété. < Le commerce de la Martinique n'e- loir donc qu'une branche du commerce pniverfel que faifoient les jéfuites. Or , cc commerce ne pouvoit pas être pam1 cuüer a chaque maifon qui le faifoit. Indépendammenc de la qualité du régime , qui n'admertoit qu'une admif niibation unique d'un patrimoine uni; que , adminiffration qui réfide dans les ij mains d'un feul régiffeur , dont tous les autres n'étoient que les prépofés Sc < les fatbeurs , imaginera - t - 011 jamais 1 qu'un commerce de plufieurs millions n'air eu pour objet que la nournrure 1 Sc 1'entretien de 15 ou 20 religieux qui ) réiidoient dans la maifon de la MartiI nique ? Le commerce du Mexique , ] qui produifoit plufieurs millions de ■ revenu s étoit-il donc deft'mé pour 1'u1 fage particulier de cinquanre ou foixanre jéfuites répandus dans cette immenfe . province? Le commerce du Paraguay., !(-commerce qui n'avoit aucunes bornes , ' j -qu'on ne pouvoit compter que par milliards, fervoit-il a 1'unïque fubfif| tance des quarante-deux jéfuites qui I étoient a la tête des quarante-deux paI roiffes ou bourgades qui divifoient le  %6o Procés des Jéfuites , Parana ? Non. Tout le monde fcait que la frugalité Sc la modeftie dans Phabillement &c dans Pameublement particulier de chaque jéfuite , occafionnoit une économie qui formoit encore, pour le corps , une fource de Tichelles confidérable. Les revenus immenfes dont il jouiftoit, les produits énormes du commerce Sc des autres branches d'induftrie étoient a peine entamés pour 1'entretien des religieux. Que deverioient tant de tréfors fans ceffe accumulés ? N'en trouverions - nous point 1'emploi indiqué dans les conftitutions ? Cuivis extra focietatem donare (non licet). Conft. part. 9 , cap. 4 , §. 7. Sut quoi les déclarations difent : Non pracluditur oflium ut fiat eleemofina , vel ttet. r quod convenit ei cui dari debere ad Dei gloriam generalis fentiret. Declarat. Ibid. D. II eft dit ailleurs: Ad ea qua dicla funt reducitur cura conveniens amieos confervandi } & , ex adverfariis t Benevolos redden li. Deel. in conft. part. 4, cap. 10. E. Ainfi , par une règle générale , la faculté de donner aux externes étoit interdite au général : mais cette règle fouffroit deux exceptions ; la première étoit qu'il pouvoit donner a qui il jugeoit qu'il convenoit de donnerj  d l''occafion de leur commerce. 161 & la feconde eft qu'il lui étoit licite d'employer les rieheifes de l'ordre a lui onferver des amis, ou a regagnet ceux qui ne 1'aimoient pas. Or,ü pouvoit lort bien arriver que la pratique de cerre dernière exception tónfumat une grande partie des tréfors qui fe verfoient de toutes parts dans les mains du général. Auffi a-t on vu tous les fupérieurs s'occuper de maintenir, contre le gouveinemenr, le P. de la Valette dans fa place , prendre part h fon commerce , en être même les correfpondants , nonobftant les promeftes les plus pofitives d'en arrêter le cours. On va voir , de la part du général, de la part du régime de l'ordre, Pinfluence la plus marquée fur toutes ;es opérations du négoce conduir par ce miffionnaire. Les lupèrieurs ne 1'pnt pas feulement autorifé par leur filence , ils Pont approuvé , ils Pont loué, ils Pont foutenu ; ils ont même géré, conjointement avec lui, ce commerce prodigieux : ils ont, de plus,com» mencé a le liquider par 1'acquittement de fes derres : ils ont enfin difpofé d'effets qui en provenoient. Enfin , on trouve, cn abondance, toutes les mar-.  2.6% Proces des Jéfuites ques auxquelles ia fociété pouvoit en êrre jugée propriéraire. Mais avant que de les expofer, Ml le Gouvé rappella fommairemenr les difpofitions du droit romain qui de-# voienr éclairer la difcuilion des fairs; qu'il fe propofoit de faire. «« Les Ro-' 55 mains, dit-il , nous ont laillé desj 33 préceptes lumineux fur tous les fiijeèsj » qui peuvent fe prefenter. Pourquoi 53 négligerions-nous d'ouvrir, pour quel-! 33 que tems, ces ardiives immorteiles de' »> raifon, d'équité & de fagefle ? On yi »■ trouve , fur-rour , trairée avec exac-i 53 titude., la matière des contrats des 55 fils de familie & des efclaves, par 33 rapport aux ailions qui en devoient 33 rélulter contre les pères & contre les s3 maitres. C'eft a nous de rectieiilir , ;* avec foin, ces décifions précieufes 53 des fondareurs de toute bonne & fage t> jurifprudence ». Les efclaves , a. Rome , formoient une des plus confidérables portions du. patrimoine des particuliers. Un citoyen feul en avoit quelquefois plufieurs milliers dans fa dépendance. Leurs Éonc-j tions ne fe bornoient pas au fervice tiomeftique j on les employoit felon  | k Voccafion de leur commerce. 263 leurs talents , les uris au gouvernement des métairies & des cerres , les autres aux arts méchaniques , quelquefois mème aux arts libéraux : on oecupoic ceux-ci au débit de certaines marchan; difes ; ceux-la étoient prépofés a un jnégoce plus élevé, a un commerce terI reftre ou maritime , a la manutention : d'une banque. C'étoit dix mille mains iqui 3 employées par un feul homme, pravaillóient pour lui feul. Leur état les Jcondamnoic a une obéiffance abfolue ; le'étoit autant d'inftruments dociles des jvolontés d'un maïtre, autant de reflbrrs ■aaveugles de fon opulence & defagranJdeur. La fociété civile ne les connoififoit point; ils étoient des corps morts, Jque 1'ame du propriéraire pouvoit feule ijanimer; ils étoient des batons dans la ïmain d'un viedlard , qui , s'il lui étoit jpermis d'ètre un defpore a 1'égard de j tous fes ferfs , n'en étoit pas moins Jobligé d'ètre un fujet fourais aux loix 1de la république , qui les renfermoit les uns & les autres dans fon fein. Quelles régies établirent les préreurs ifpour le maintien de la foi publique , ipar rapport a tous ces contrats que faiafoient tant d'agents mus par une feule aintelligen.ee ? Saus douce, onne regarda  264 Proces des Jéfuites, point ces adtes comme nuls , fous pré- texte qu'ils avoient été fairs p.ir des indi- vidus morts :ivilement, on ne diipenla point ie maïtre de les exécuter. Mais, fous prétexte que ces ef laves cultivoient, les uns une métairie, les autres une autre \ fous prétexte que 1'un tenoic fon comptoir ou fa banque dans un lieu , & un autre ailLurs , voulut-on qu'il n'y eut qu'une partie des biens du maïtre qui für obligée , & que le refte demeurat libre & affranchi ? Non. Rien n'eut été plus déraifonnable , &c plus contraire au bien public. On introduifit des acfions, dont les noms font peu ufités parmi nous, mais dont les effets font connus & obfervés chez routes les nations policées. Ces a&ions font au nombre de quatre ; 1'acfion inftuoria , 1'aétion exerchoria t 1'acf ion quod jujju , &c 1'aóbion de in rem verfo. Les deux premières étoient relatives a des négociations générales ; les deux autres concernoient les contrats particuliers Les trois premières éroient folidaires, la dernière feule ne 1'éroit pas. L aéhon ïntmo'.re le donnoit contre le maitre , pour raifon d'un commerce quelconque , a la tête duquel il avoit  a F occafion de leur commerce. 16$ avoit mis un facteur , que 1'on nommoit en latin-Infiuor. Ce facteur repréfentoit le maitre, qui étoit engagé , lui &c fes biens , par les obligations contracties par ce commis, en qualité de commis. Ainfi, tous ceux avec qui il avoic traité , étoient autorifés a pourfuivre le maitre en juflice , pour le contraindre a remplir les engagements de fon injïitcur , & ils 1'attaquoient par 1'actiori inftitoria. Cette règle tient a la règle générale que tout mandataire lie le mandant j mais elle s'exécute plus étroic ment encore dans le commerce , que dans les contrars particuliers , paree que rout le public eft intérene dans les affaires d'un magafin , d'une banque ouverte fous la direotion d'un facteur. Parmi nous, il faut rapporter a cerre action inftitoire, non - feulement celle que les engagements des cominis produifent contre les maitres qui les ont chargés de quelque fonction , mais encore celle qui s'exerce contre tous ceux qui, pouvant empêcher que les perfonnes qui font fous leur dépendance, ne falïent un négoce, ne les en empêchent pas. Ainfi la femme m ariée , * marchande pubuque, obüge Ion marl, Jomc XHl. M  3 2 6 6 Proces dés Jéfuites, Elle 1'oblige par la feule raifon que le mari , ne pouvanÉ ignorer fon commerce , & 1'ayant fouffert , eft cenfé 1'avoir aucorifée pour en partager les profirs avec elle. Ainfi encore , dans les pays oü la puiflance pacernelle eft établie , un fils de familie engagera fon père , qui eft préfumé égalemenr avoir autorifé un négoce qui fe faifoit fous fes yeux , fans qu'il l'empêchat, Sc dont il recueilloir effe&ivement le fruit pax le droit de fa puiflance. En un mot, qui feit & pafjus eft, in? folidum teneiur. Qui} cum prohibere poffel , non prohibuit , mandare creditur. C'eft le vceu des loix 2,3 Sc 5 ff. de noxal. acl. de la loi 60 ff. de reg. jur. 11 en eft de même de i'action exercitoire. Elle ne regarde qu'une feule efpèce de commerce, le commerce maritime , Sc a üeu contre le propriéraire d'un navire, pour 1'exécution des engagements contraeftés par celui qu'il a mis a la tére de 1'équipage. Elle fe confond dans I'action inftitoire , & les rèles de 1'une Sc de 1'aütre font abfolumenc femblables. L'aérion quodjuffu avoit lieu dans le Cis d'un aébe prticulier , quand un efclave avoit contraóté au nom Sc par  dl'occafion de leur commerce. 267 l'ordre de fon maitre. Celui-ci éroir , fans contredit, obligé comme s'il eüt contracté lui- même : cela fe refére au mandat ordinaire, tk il faut y ajouter ce qui vient d'ètre dit : celui la jubere mandarc creditur, q i feit, &} cum pro*-, hibere pojffit, paffus eft. ■ Refte 1'aétion de in rem verfo. Voici dans qu'elle occafion elle s'inrentoit. Un efclave , un fils de familie , fans être aurorifé ni tacitement, ni expreffément par fon père, par fon maitre , avoir tair un contrat fur le pécule que les fils de familie avoient ordinairement , &c que quelquefois les maitres petmettoient aux efclaves d'avoir. L'au< tre contractant venoit a découvrir que fes fonds avoient tourné en tout, ou en parrie , au profit du père ou du maitre. Alors il exercoit 1'aétion de in rem verfo, qui n'étoit point folidaire , & dont Pétendue étoit mefurée fur ce donr il étoit prouvé que le père ou le maïtre avoit profire. Dans les rrois premiers cas , oü les acfions inflitoire , txerchoire tk quod juffu éroienr ouvertes , le créancier auroit bien pu , s'il eüt voulu , intenter Paction de in rem verfo. Mais la loi prononce qu'il eüt été un infenfé, fi, quand; Mij  268 Procés des Jéfuites, les autres actions tui donnoient un droit de folidité inconteftable , il fe fut, par 1'exercice de la quatrième , conftitué dans la néceifité de prouver que quelque chofe avoit tourné au pront du père ou du maitre. C&terum dubium non efl qutn is quo que qui juffu domini contraxerit, cui que inflitoria vel exercitoria aclio competit y de peculio, deque eo quod in rem domini verfum eft , agere pojjit. Sederit flultijfimus ,ft, omijja aclione qua facillimè folidum ex contraclu confequi pojjit , fi ad difficultatem perducat probandi in rem domini verfum ejfe , vel habere fervum peculium , & tantum hahere , ut folidum fibi folvi pojjit. Inftit. Quod cum eo qui in al. §. 5. Qua diximus de fervo & domino > ea intelligimus c? deftlio & filid, ( & nepote, & nepte 6> patre , avove cujus in poteflate funt ). Ibid. §. 6. : Telle étoit donc, en fubftance , Ia jurifprudence romaine fur les conrrats faits par les perfonnes qui fonr fous la puiffance d'autrui. L'application en eft ici directe & frappante. Les créanciers avoient vifiblemenr, conrre l'ordre & le général des jéfuites, les trois premières actions folidaires de leur nature y 8c c'eft a celles-li qu'ils fe tenoient, d'après je confeil de la loi, ne voulant point  dü occafion de leur commerce. 2.69 être alfez ennemis de leurs inrérêts , pour fe contenter de la dernière. Pour le fuccès des trois premières actions , il fuffifoit que le maitre du P. de la Valette , le général des jéfuites , j| eüt inftitué , eüt aurorifé ce miffion|naire , expreflément ou racitement , |pour les opérations qu'il a faites. D'abord il eft impoffible que le com, mfirre dn P. de la Vale:te h'èüt point été connu du régime de la fociété-. C'étoit un commerce public , c'éroit des entreprifes d'éclar. Les vues fi vaftes dece religieux, le nombre infinï de fes relations, toutes fes' traites, tous fes ènvnis . les vovaees continuels de fes 1 vaifteaux , fes rapides progrès frappoient ies yeux de tous les negociants , raifoienr Pétohnement de toutes !esp!?C€5«' Les correfpondances étoient établies dans toute 1'Europe, avec une multitude de perfonnes, dans les villes oü la fociété avoit des maifons. Ne fe feroitil donc jamais trouvé , ou chez les jéfuites , ou parmi les externes, quelqu'un qui donnar des avis au général ? Mais le P. de la Valette lui-même obligé par les loix de fon état, de découvrir a fes fupérieurs fes plus fecrets delfeins, auroit-il tenté de dérober & Müj  270 Procés des Jéfuites ,' leur connoiffance un commerce dont la Martinique, k France, 1'Efpagne , 1 'Ü taiie , la Hollande alloient être le théatre ? Et s'il eüt ofé former , fans leur aveu , un auffi grand projet , auroit-il. pu 1'exécuter? Ou c'étoit un jéfuite fidele i fes vceux, ou c'étoit un rébelle. Au premier cas , il n'a dü agir que par 1'impreffion & d'après les ordres de fon général. Au fecond , il mériroic d'ètre réprimé 8c puni} 8c il ne 1'a point .été. i°. Quand un jéfuire étoit envoyé en mtilion, les conftitutions vouloient que le général lui donnar , par écrit , des inftru&ions très-amples fur la manière dont il devoit fe gouvemer dans fon pofte, & fur les moyens qu'il devoit pA» —i «. -J- 4 IS propofcut. Tam de modo procedendi, qudm de medïis quibus eum ud velit 3 ad finem quem in animo habet.. Conft. part.j, cap. 2 , §. 2. Cette expreffiort eft a remarquer. On verra, dans un moment, qu'elle fignifioit, dans le langage de la fociété , de bien étabdr le temporel de la mijjion , & qu'elle avoit cette fignification particuliérement dans 1'affaire du P. de la Valette. Le général avoit donc donné fes inftrucfions a ce  li a Voccafion de leur commerce. 271 miffionnaire furies moyens dontil vouloi: fe fervir , pour la fin qunfe propö• foit, c'eft a-dire , pour le temporelf e ; la miffion : Sc peut-on douter que c'eft: , en- conformité de ces inftruéiions , que ->j s'eft ouvert le comptoir de la Martinique ? . , . 2°. Lcrfque le mifïionnaire étoit arrivé , il devoit rendre compte au g'néral , par des lettres fréquentes , de la firuation de fa miffion. L'inftitut lui en faifoit un précepte,per crebram lit.1 terarum communicatïoncm. 11 devoit entrer dans le détail de tout ce qui concernoit les perfonnes Sc les affaires. Totius fuccefüs certior redditur qua per font, & ntgotia exegerint. Ibid. Le temporel, comme on le voit , étoit toujours inféparable du fpirituel. Et cela, afin que le général püt lui donner les ordres convenables a la firuation des chofes , Sc lui envoyer les fecours dont il pouvoit avoir befoin : Confilio ex aliis auxiliis quacumque adhiberi poffint pro.vide'-it. C'eft a quoi le P de la Valette ü n'aura eu gardede manquer; & la chofe étoit trop in tére Aan te , pour que le général ne Peut pas lié , en vertu de la fainte obéiffance, a la pratique de cette portion de la règle. M iv  272 Proces des Jéfuites, ■ 3°-L'ordre général de fubordination fctabli dans Ja fociété afrujettiubir le P. de la Falette a eiivoyér au provincial \ tous les quatres mois , deux érats ou catalogues, dont Pan devoit détailier, tous les biens de la maifon , cum fuè redditibus, & parconféquent énoncerle j produirdu commerce qui en étoit 1'obfit le plus important. II Pa%ètflfloii a écrire fouvent , foit au provincial ,• 1 foit au général lui-même. II 1'affujetif- I foit a une correfpondance réglée avec le I P. de Sacy, procureur général des mif- 1 fions dans cette partie de PAmériqué', 1 U a du , d'ailleurs , rendre compre , töds les ans, de-la recette & de la dépenfe de fr maifon , & de toute fon admi- ! niftration- Le procureur général a da faire , plufieurs fois , le voyage de Rome , pour faire au général le rapport de 1 etat de fa province : ad certlorem , muit is de rebus faciendum prapofitum ge- I neralem. Et", dans le nombre des chofes j dont il devoit informer le général, entroient néceffairement les fuccès bril- | lants du comptoir de la Martinique. , Mais , quand tous ces réglements j rPauroient point été obfervés , le P. de la Fa'ette n'avoit-il pas un admoniteur ' auprès de lui, des confulteurs, des efpions fecrets , dont la fonction étoit  a roccafion de leur commerce. 27 f ePépier , fans cefïe , & de dénoncer ?" Pourquoi tanr de bouches auroient elleslété muertes ? Si le général, inftruit de ce commerce, Sc pouvant, d'un mor, le faire cefler , n'y a mis aucun obftacle , il 1'a donc approuvé, il 1'a donc aurorifé; Sc c'eft comme s'il eut donné une procurarion Ipour 1'obliger. Scmper qui non prohibet \pro fe intervenire, mandare creditur. L. \6o ff. de regul. jur. Er celui qui fouffrequ'un autre fe mette a la rête d'une maifon de commerce , ou de quelque ] autre négociation que ce foir qui lui appartienr, eft réputé y avoir érabli ce commis, Sc eft tenu de fes fairs : fi feit & pafjus eft, eum in nave magijlerio , fungi, ipfe eum impofuifje videtur. L. B ifjf. de exercit. acl. §. c. Cette publicicé de commerce em- porre rellemenr un engagement de lai |, part de celui qui le fouftre , qu'il ne [feut le faire ceffer que par des précaujtions auffi publiques , que Pa éré leii commerce. La loi 11 ff.de inftit. aêl. §. 5 , & fuiv. veut qu'il mette, a la portes de la maifon de commerce, Sc dans le I lieu le plus apparent, une affiche en I gros caraétcres concus dans 1'idióme' I dn lieu Claris litteris ± unde plan® M. *  2.74 Proces des Jépuites , recie legi pojjit , ante tabernam feiltcet, vel ante eum locum in quo nego- \ ciatio exerceer ; non in loco remotoy fed in ev.denti y litteris . gratis 11 an latinis » . . fecundum conditionem. II doit avoir foin que 1'afnche y de- q meure perpétuellement , & qu'elle y 1 demeure toujours en pleine vue \ car j fi elle eft arrachée , même par le com- || mis, ou effacée par la pluie,. par vétuf- I té, ou par quelqu'autre accident quo. 1 ce foit, le prépofant demeure engagé Ij envers ceux qui ont contracté avec l'inf- ; titeur. En auroit - il fallu davantage pour faire admettre I'action folidaire en fa- 1 veur des créanciers contre le général &c contre fon corps ! Mais quelque puiffanresquefuffenr ces premières raifons, . on auroit pu prétendre qu'elles n'au- j roientformé que des préfomptions,, lé- 1 gales, a la vérité , Sc feules fufrifa'ïtes. Mais les créanciers avoient des démonf- _| trations pofitives de la connivence du j régime de la fociété avec le P. de la Valette, pour fon commerce. Entrons. dans le détail des fairs qui fourniifent ces preuves., Le P. de Sacy , procureur - général des miuloni des Ifles du Vent, convint  at'occafion Jeleurcommerce. 27^ .' lors de la fentence rendue par les confuls de Paris, le 30 janvier 1760, qu'il éroit en correfpondance de commerce I avec le P. de la Valette \ on peut fe rappeller de 1'avoir lu dans le récit des i: fairs. II en éroit encore convenu par écrit, dans une letrre du 29 paillet 1756, I adrelfée aux fieurs Bellaca , frères , de > Bordeaux. Aprés leur avoir mandé qu'il i ne peut être garant des opérations que I font en Amérique les fupérieurs Sc jj les procureurs des miiPions, il ajoure: 9 «« Jefaisbien quelquefois leurs eornmifI » fions , mais feulement faivant les 1» moyens quej'en ai, Sc rien audela». III accepte donc les traites qu'ils font fur I lui , au moins jufqu'a concurrence de : fes moyens. II fcait donc qu'ils iont le i commerce ; il 1'approuve donc , puifI qu'il y coopère. Il continue , dans la 1 même lettre , en parlant d'une lettreI de-change de 9000 livres du P. de la Valette, «Je voudrois pouvoir 1'accepH| » ter moi-même; je ne balencerois pas js a le faire , par 1'envie que j'aide vous ij! » rendre fervice , Sc d'aider vos opéraI » tions; mais je n'ai pas, Sc je ne pré- » vois pas avoir 1'argent qui ferpit néI •» celfaire a acquïtter ces 9000 livres a Mvj  ZJ& Proces des Jéfuites-, »leur, échéance *>.. II étoit donc danst l'ufaged'accepter des lettres-de-change | lorfqu'il avoit des fonds , ou qu'il prévoyoit qu'il lui en. devoit arri ver.. II s'explique encore plus clairemenc, s'il eft poffible , dans. une autre lettredu zo avril 17-58,, écrite au fieur Te£ tar de Bordeaux, II fe défend d.'accepte»; une lettre de lotto livres dont ce négociant étoit porteur 5 & il en donne.pour cajfon qu'il a actuellement les] mains liées pour toute. acceptation des. lettres-de-chcinge tirees fur France & ailleurs ,,par le P.Je-la Valette, Ou Esfj *b tems , continue-t-il, ou je. p.ayóis< P'avANCE , ET MEME saus RIEN. prendre pour l'escojwpte ,.ce/les qui étoient-. lirées fur moi l Cet heureux. tems rielil plus. . Je fuis dans la plus grande difette d'argent, pour m'être épuifé en faveur des. créanciers. du P. de la. Valette.. Maisj'adore les dejfeins du Seigneur , qui me réfervoit ,fur mes vieux jours , une fi pe-Jante croix , & je rn'y foumets. Des efcomptes ! Quel' langage , difoit M. laGouvé, dans la bouche d'un religieux!.& que ces traits de piété figurent décem-ment auprès,de rous ces regrets amers^ pour des biens vils qu'on a abjurés parquatre vceux folemnels.! Le P..sfe. Sacy  a t occafion de leur commerce. 277 étoit procureur général des miffions de FAmérique , il ne faut point perdre ce fair. II payoit les lettres-de-changeque le P. de la Valette tiroit fur lui , & le régime ignoroit ce commerce ! Un autre fait plus confidérable encore , eft celui qui eft conftaté par la lettre du P. de Sacy aux fieurs Lioncy [ffrères & Coulfre , du 9 juin 1756.. i Après les avoir inftruits de la procuration qu'il a donnée , fous 1'autorité de j fes fupérieurs , au fieur Rey 1'aïné , ilajoute : « Comme j'ai écrit, dès le 15 » mai a Cadix , pour faire fcavoir * ,i » ceux quiy étoient chargés de ma procu„ radon , que celle de M. Rey la révo„ quoit & Pannulloit, ils n'agiront plus » dans ce qui regarde nos affaires »» Si le P. de Sacy, en qualité de procu1 reur général des miffions , donnoit des I procurations a Cadix, & dansles autres 1 villes oü s'étendoit le commerce du préfet apoftolique, ce commerce fe fai • : fbit donc fous Pautorité du régime; &, : comme le P. de Sacy le dit lui-même ' c étoient nos affaires. II étoit néceftaire- ment fait par la fociété, puifque c'étoit. ; la fociété qui donnoit ces procurations, par le miniftère d'un dè fes principaux. I officiers.Si ce trafic aveit été celui de la  27% Procés des Jéfuites , Martinique feulement, les procurations necefïaires aux différents agents aurbiel ete donneespar le recFeur de cette communaute , par le P. de la Valette, ou Ft le procureur de la maifon , fous ion autorité , fans que les fupérieurs majeurs y priffent aucune part. C'eft ainhque la chofe fe feroit certainement Pa kf da"s tout autre ordre régulier j s'ü s en fut trouvé qui n'eut pat rouJ o un commerce fi fcandaleux. Si Pon fait attention a ce qui s'eft palie, quand le miniftère forca le P. de la Valette a revenir en France , & aux événements qui ont fuivi fon retour aux ifles. rtn 3 , V tu"ï Et peut-il y avoir, de la part des fupérieurs , un aveu plus formel ? II arrivé enfin. Le pumt-on pour avoir fait des entreprifes prohibées on ignoréespar la fociété, pour avoir violé, a Ik face de Puuivers , & avec le plus grand éclat , les canons de Péglifé Se les.confti- ' tutions des papes ? Non. II eft recu a bras ouverrs; il eft recu comme un des pnncipaux bienfaireurs de la fociété. II eft préfenré a la cour comme 1'apótre des nadans. Gen eft fait du falur des Caraïbes , fi le P. de la Valette ne retourne promptemenr cultiver les fetnences. de la foi qu'il n'a eu que le:  dPocca/ion de leurcommerce. 281 jtems de faire germer dans leurs cceurs ? SQuel autre miffionnaire que lui peur j avoir le même zèle, les mêmes talenrs, pour conduire a fa perfe&ion 1'ouvrage d'une eonverfion qui lui atant coüté de meines Sc de travaux? On croir facilement ce qui doit être. jUn miflionnaire n'eft, aux yeux du 1 prince , & de tous ceux de fes fujets 1 qui ne font pas jéfuites , qu'un prêtre, 1 ou'un apótre, qui confacre fa vie 8c fes foins a la eonverfion des infidèles. C'eft j dans ce point de vue préfentéayec 1'art - dont on fcait que la fociété étoit capable , que le P. de la Valette eft renvoyé. Ce font fes fupérieurs qui le défendent auprès des miniftres Sc a la cour , qui juftinent fa conduite Sc Pexcufent, qui obtiennent enfin la liberté de fon retour en-Amérique ; 8c fes opérations ne I font pas faites fous Pautorité du régime ; de la fociété! Mais il y a plus. Sous prétexte que le P. de la Valette va totalementabandonner le commerce, Sc que, pour Pobligèr a fe borner aux travaux | évangéliques, 011 Pa nommé vifireur 8c \ pré/et apoftollque des miffions des ifles ( du Vent, la fociété demande 8c obtient un arrêt du confeil, qui 1'autorife a faire | un emprunt de 60000 livres, pour ac-  283 Proces des Jéfuites , qumer les dettes contracfées par Ie ■miflionnaire, &auxquelles la ceffation ■du commerce ne permettroit pas defatisfore. C'eft donc la fociété qui eft debitnce des engagements qui ont été contracles puifque c'eft elle qui fe cftarge de 1'emprunt pour les acquitter. „ r ? fe raPPe'te la négociation qmseftfaite en 17.55 pour faire payl 30000 livres au fieur Kervegan de Nan-S tes & les faire perdre aux fieurs Lioncy) f Goulfre > n'eft - il pas plus clair que jf jour, que toute cette manoeuvre el louvrage de la fociété, puifqu'elle eft1 1 ouvrage des fupérieurs ? Laiffons i fél carr toutes les réflexions que pourroient i faire naitre les détours infidieux , par lelqucis on a conduit dans le piè^e les fieurs Lioncy & Goulfre. Concluons j ieulement de tout ce manègè \ que le commerce de la Martinique"correfpon- I doit avec celui de Sainr-Domincme • que Pun & 1'autre correfpondoientavec Je regimede ia fociété, dans la perfonne du P. de Sacy ; qLie le P. Thomas y ctoit entré auffi • &; de tour cela, concluons que tous ces différenrscommerces ne faifbient qu'un , & que c'étoit la foxiete qui le faifoit dans les maifons oü il ie trouvoit établi.  aT occafion de leur commerce. 2S3 T » P .de. la Valette repart; Sc dans a 1„ D ^ Vérrir : ƒ.« e mème ccms ie i . "-v — P. Je Valette ejt de ces nommes rara , avec qui fon vit volontiers , & qu'on anfne. touionrs de vlus en plus, & donton nefefepare jamais qu avec un extréme toigret. Son éloignement m'a mis famer\tume dans fame. 11 eft certain que notre ïmijjion de la Martinique a befoin de fa, '.prfence : fon trop longfêjour en France Hui a fait grand ton. Le voild enfin en \route poury retourner. Ten bénis Dieu , ïje le prie qu'il le conduife heureufement au port: fon arrivée rétablira l'ordre parhout. Qu'il vive , & le mal f era bientót ïrépari. ; _ C'eft aux fieurs lioncy qu'étoit adrefle ce pompeux éloge du P. de la Falette* Avec ces commercamsiine pouvoir êrre |i queftion que dutemporel de la miffion. ! C'eft donc fur ce temporel que le P. de Sacy artiroir , par fes prières , les : bénédidions du ciel. C'eft cet étabhfle| ment fi cher que la trop longue abfence i du P. de la Falette avoit endommage. > Mais il y rerourne, il le rétablira dans i fa fplendeur. II lui eft ordonné de rout réparer. Qu'il vive s Sc Pavenir répondra au pafté. Ainfi le pafte a été approuvé 5 Pavenir a été réglé Sc prefcrit.  284 Proces des Jéfuites, Dure/ie , Meffteurs, continue le'P. de Sacy, vous pouve^ compter fur moi comme fur lui-même. Le P. de Sacy , procureur général des miffions eft donc le repréfentant du P. de la Valette visa-vis des fieurs Lioncy ; Sc Pon comprend facilement ce que c'eft qu'être le repréfentant de ce rniifionnaire vis-avis de ces correfpondants. Toute ma peine eft de ne pas le valoir a beaucoup pres. Je voudrois egaler fon mérite , pour pouvoir vous être utile : du moins, je ferai tout ce qui dépendra de moi, pour vous prouver toute ma bonne volonté. Ainfi il s'identifie, pour ainfi dire, avec le P. de la Valette , pour les affaires que celuici a entreprifes Sc enrreprendra avec les Lioncy 5 & il en foumir, fur le champ , une preuve non cquivcque. A vue de pays , je ferai en état de fournird vos traites au mois d'Avrilprochain, pour 5 0000 livres-, peut-être même pourrai-je aller juf qu'a 60000 livres. Voila donc ce fupérieurdes miffionnaires qui, en cette qualité, fe charge d'acquitter les traites du P. de la Valette ; Sc il knoroit fon commerce; Sc la fociété n'en avoir point de connoiffance 1 11 ajoute enfuite : Trouvcrie^-vous quelquinconvénient de nen tirer que i$ou 30 fur moi^  d V occafion de leur commerce. 28 5 & le reft e fur M. Laleu ? En ce cas , je rernettrai d M. Laleu des fonds pour 25 ou 26000 livres. Si ccla ne vous incommodoit point, cela m 'accommoderoit fort. J attendrai votre réponfe , pour donner a M. Laleu ces fonds , que fai tout prêts che? moi en dividendes fur la compagnie, des Indes. Sans cherchera deviner fi 1'objet de ce myftère étoir de cacher au public 1'é.tendue de ce négoce immenfe & prohibé , Ü fuffic d'obferver que , outre que les preuves s'accumulent de la part que le régime prenoit au commerce du P. de la Valette , il réfulre encore , de cette lettre , que toutes les caiffes de la fociété étoient communes , paree que les dettes 1'étoient auffi; & les unes Sc les autres 1'étoient, paree qu'il n'y avoit vérirablement qu'un feul tréfor & une feule adminiftration dans la compagnie d'- Jéfus : il n'y avoit qu'un feul admi'niftrateur qui avoir, fous lui, des fubal,ternes chargés du dérail & des opérations , qui toutes reffortiffoient a lui , & veuoienr, en dernière analyfe , fe ranger fous fa main, & a la deftination qu'il jugeo-ta propos d'en faire. En effet lg paiement que le P. de Sacy offroit aux fieurs Lioncy ne proveuoit pas des  a.86 Procés des Jéfuites , marchandifes duP. de la Valette, puifque c'étoit des dividendes de la compagnie des Indes cu'il avoit aétuelle-' ' ment , & qu'il offroit de remettre au fieur Laleu. Joignons a tous ces titres & a routesces preuves , celle qui réfulte de la lettre écrire , Ie premier janvier 1755 > au !*• de La Valette, par Paffiftant & de l'ordre '• du général. Elle eftcopiée dans Ie récitl des faits , & il ne faut que la lirc pour y trouver 1'autorifation la pius cora-1 plerre. On fe bornera a une fimpie réflexion fur ces mots : jVt R. P. me charge de vous e'crire qu'il vous permet \ de faire , pour la fin que vous vous pro- I po/e^, & qui efl de bien établir le revenu tempcrel de votre miffion, tous les em-\ prunts que vous jugere\ k proros , &c. On a déja obfervé qu'il étoit écrir dans les corfritutions que, quand le général envoyoir un jéfuite en million, il devoit lui tracer Ie plan de fa conduite , adfi- 1 nemquem in nimo habe:, ïlgnitient bien étabtir ie revenu temp^ rei d'une tniffi n ; & , a en croire tous les monuments hif- \ toriques , bien etabiir le revenu tempcrel d'une mijpon , fighifië avoir un commerce , érablir un comproir. C eft dans le commerce ouvert par le P. de la  dF occafion de leur commerce. 287 Valette que confifloit le revenu de la miffion de la Martinique. Vuila ce :ommerce évidemment autorifé par le régime- Toures les traites dont il s'agifloic dans ia caufe étoient poftérieures acette lerrre du général remife aux fieurs Lioncy. Le général étoit donc conftamment leur obligé. Le P. de la VaLtte les avoit tirées pour érablir avantageufement le remporei de fa miffion. Le général le vouloit; c'étoit donc le général qui les avoit tirées par cet agent. Telles font les preuves qui réfulrent des faits arrivés avant la faillire. Ceux qui Pont fuivie ne font ni moins frappanrs , ni moins décilïfs. On va voir la fociété adopter les dettes , promerrre de les payer , commencer a les payer en effer , donner un nouveau correfpondant au P. de la Valette , mettre la raain fur les fonds envoyés par ce jéfuire négociant. Les fieurs Lioncy fe foutenoient encore en chancelant, & en luttant contre la perte de leur crédit anéanti par la funefte caprnre des Anglois; Ie général, perfuadé , que c'étoit a la fociété a metItre ces correfpondants en état de faire face a leurs acceptations dictees par leur  2-88 Procés des Jéfuites , confiance en elle , ordonna un emprunt de 500000 livres. Cette intéreffante nouvelle n'arriva , il eft vrai, malheureufement a Marfeille, que trois jours après le dépot du bilan des fieurs Lioncy au greffe des confuls. Aiais PemprunJ n'en avoit pas moins érédéterminé pari le chef de la fociéré. Le P. de Sacy Fat-, tefte dans une de fes lettres adrenee; aux fieurs BeJacla, du 16 juiilet 1756".: On avoit re'glé ici & d Home un emprunt confidèrahle. Cet emprunt ne fe fit point, paree que la fociété ne crut pas devoir' tendre les mains aux fieurs Lioncy , après qu'ils eurenr fait faillite. Cette circonftance les rendoir déformais inu- \ tiles. 11 y avoit des lettres-de-change a : acquitter, tirées parleP. de la Valette,: & commercées par fes correfpondants, après les avoir acceptées. II auroit été jufte de les acquitter, a mefure de leurs échéances : mais il y a des geus qui prennent 1'utile pour le feul guide de leurs aclions; fi le hafard y fair rencontrer Ia juftice , on ne manque pas de la préfenter comme le mobile unique : fi elle ne s'y trouve pas , on fcait s'en \ pafter , & on lui fi bftirue ou des manceuvres , ou le menfonge , ou même, fi Pon prévoit pouvoir agir impunénaent  a Voccafion. de leur commerce. 289 ment, on fe contente de payer d'effronterie. ■ Quoi qu'il en foit, le général , toujours repréfentant la fociété , ne pouvoit donner de preuve plus authentique, qu'elle regardoit les dettes duP. dc la Vtliete-iomtne les liennes, que cet «mprunt ordonné pour les acquitter. ; La faillire des fieurs Lioncy s'ouvre au mois do février 1756. La compagnie de Jefus interrompra-t-elle fon commerce pour un incident, déplorable a d'autres yeux, indifférent aux liens ? Elle le continuera , en abandonnant les fieurs Lioncy , puifqu'ils lui font devenus inutiles; elle leurdonnera un fuccefleur; ce ne (era point le P. de la Valette , ni moins encore la maifon de la Martinique qui choifira co nouveau correfpondant; ce fera le régime. Le P. de Sacy écrit aux fieurs Lioncy eux-mêmes,le 11 avnl 1756 , que, PAR ORDRÏ DE SES SUPERIEURS , ÏT SOUS LEUR AUTORISATION , // >a envoyé une procuration a M. Rey Vainè. Dans une autre lettre du 9 juin fuivant , il leur marqué qu'il afaitfcayoir d Cadix , d ceux qui étoient chargés ■de fa procuration 3 que celle du fieur Rey la révoquoit & 1'annuUoit, Ea forte qu'il Tome X11L. N  2iïous intérejje.... En confequence , je : penfe que c'ejl d lui d pourvoir d la sürecé f tles ejjets arrivés,de la Martinique a >1 Cadix, auffi bien qua ceux quiJontdeja, \ ou doivent être incefjamment d Amjl&rdam. ' Le i§ avril 1756, le même procureur général des miffions écrivoit aux I fieurs Bellacla, porteurs d'une traite de 5000 livres. J'ofe vous ajfurer , Mef- j fieurs s que vous ne fere\ pas obliges d'en Venir d l'extrêmité de ren\oyer votre let- \ ire d la Martinique ... ce qui, par les ] ft ais de retour , en doubleroic le mon- j tant..., Quoique Mejfeurs Lioncy frires \ & Goulfre, qui doivent f acquitter, aient 1 eefjé leurs pa'tements , elle nen Jera pas moin; j aye'e d Jon échcance. Ce ne jera I ■plus d Mejfeurs Lioncy fo'tl fau- l dra 'adreffer f mais bien d M. Rey | i'filni 3 J i a bien youlu fe eharger > a  & F occafion de leur commerce. 191 Marfeille , oü il efi négociant, de la cor* rejpondance qu'avoient les Lioncy ^ avec nos mijjions. Comme procureur général de nos miffions ae i Amérique meridionale, je lui ai envoyé, avec une autorisation en bonne forme des supérieurs dont je dépends , tous les Pcuvoirs qui lui font nectfjaaes . our terminer toutes les af air es dejdues miffions , & en particulier celles < c notre maifon de la Martinique. Ai fi vous pottvcr compier que votre tettre-de-Jiange fera payée d {on échéance. Voila une affurance pofitive, capable feule de former un engagement réel. Le z avril 17 5 8 , il écrivoit a un autre négociant a Bordeaux : C'ejl M. Itey l'atné que nos supérieurs ont charge en bonnefo-me de l'acquitte- MtNT des dettes de la MART .nique. E:outons le P. de Sacy , dans les défenfes qu'il fit fignifier aux fyndics des créanciers le 14 novembre 175 9- " U „ repréfenra, dit-il } a fes fupérieurs la » néceflité de remplacer ia correfpon» danceabandonuéeparlcs Heats Lioncy jj frèresSc Gou/fie: il leur iidiqua , i » cet effet, M.A?ey l'ainé, hcmme -i'une « grande probité, tk des plus a c édités « parrai les négociants de Marfeille ; N ij  29 2. Procés des Jéfuites , »> ils ( fes fupérieurs ) le chargèrent de w lui en raire la propolinon ; cc M. 3> Rey 1'ayant recue avec bonté , il lui » fit expédier , en leur nom , & par 5> leur autorité , une procuration affez n ample, pour qu'il put, fans obftacle , s> procéder a 1'acquittement des traites s» du P. de la Valette ». Arrêtons-nous un inftant fur ces déclarations. i°. C'eft ici la fociété qui commet un nouveau fondé de procuration ; c'eft elle, ce font les fupérieurs du P. de Sacy , qui lui donnenr tous les pouvoirs néceftaires. Quels pouvoirs lui donnenr-ils ? Ce n'eft pas de défavouer le commerce du P. de la Valette , aii la correfpondance denégocequi étoit entre les fieurs Lioncy &c lui: c'eft , au contraire, de reprendre, en leur place , les opérations qu'ils avoient abandonnées. Voila donc une approbation bien pofitive de celles qu'ils avoient faites rant qu'ils ont pu agir. 2°. Ce pouvoir anerroirle fieur Rey en c'tat de procéder (ans obftacle d Vacquittement des traites du P. de la Valette. Voila donc toutes ces traites reconnues pour être celles de la fociéré, puifqu'eile autorife le fieur Rey a les acquitter en fon nom ; puifjrju elle fe foumet i les payer , c'étoit  I dïoccafion de leur commerce 9.93 ,,'donC fa propre dette. 30. Ce pouvoir. s I'autorifoit d mettre en ordre tout ce qui (! concernoit la fociété , a terminer toutes ■ les affaires de nos miffions , & en partiI culier celles de notre maifon de la MarI tinique. On voir, par-tout, régner la I mème idee , celle de propriété comI mune i toute la fociété. II faut aiouter ici un fait très-imporI rant concernant cette procuration. Elle , donnoit pouvoir au fieur Rey de vendre I les biens de la Martinique: c'eft le fieur i Rey lui-même qui 1'a écrit aux fieurs I Clorci, Dedel&c compagnie, d'AmfterI dam : il les menacoit mème de faire I ufage de cette partie de fa procuration , I s'i!s° ne lui faifdient pas remettre les I fonds procédant d'envois que le P. de j, la Valette leur avoit faits. Peut - on iil trouver une preuve plus claire , & un I aveu plus formel de la propriété de I tout l'ordre fur toutes les maifons qui le : compofoient, & les biens qui en dé| pendoienr, exclufivement aceux qui les 1 habitoient? Le fieur Rey vent vendre les biens de la maifon de Saint-Pierre. I Par qui y eft il autorifé ? Eft-ce par le ' P. de la Valette, eft-ce parlesïeligieux de cette miffion? Non, C'eft en vertu N Hj  294 Proces des Jéfuites , du pouvoir qu'il en a recu des fupé- lieurs majeurs. Continuons. Quel ufage le fieur Rey a-t-ii fait de cette procurarion ? O» ▼ient d'en voir un premier trait bien r ; arquable & bien intéreifant dans l i li r'tre écrite au fieur Clorck. Le P. de Sacy va nous apprendre d'autres faits qui ne font pas moins déciiïfs. H dit , dans fa déclaration , que j quand il eut donné fa procuration au fieur Rey, il fèlfrit lui remettre des fonds ; que, pour en trouver, il offroit de donner hypothèque fur les revenus de fon emploi; que fon offre fut acceptée par les premiers fupérieurs; que l'emprunt projettéjefit , & que le fieur Rey l 'atné ccmmenca d entrer en paiement. On voit ici que la fociété, parle miniftère de fes fupérieurs, emprunte pour acquitter les dettes du P. de la Valette , & qu'elle entre même en paiement ; & ces dettes lui étoient étrangères! Elle fair plus : elle hypothèque Pemprunt qu'elle fak pour ce paiement fur les revenus de 3'emplai du P. de Sacy. Or , quels font ces revenus ? II eft procureur général des miffions de PAmérique ; en cette qualité, ii touche le gain, tout ie pro-  : a V occafion de leur commerce. 20 % duit de ces miffions , pour le remettre , au général , ou a la deftination qui lui keft indiquée par le général. C'eft luirmême qui nous 1'apprend dans les re\ ponfes qu'il fit aux trois quekions qui i lui furenr faires ckvant les confuls de ! P-ris. D'ailleurs il n'eft pas poflibie d'imaginer que ces revenus puflent être j autre "chofe. On ne les prendra pas ;, comme des appointements deftines a le récompenfer de fes peines \ pour peu : que 1'on fe rappelle le plan de 1'mft tut,, l on comprendra facilement qu'il eit imj poffible qu'un jéfuite foit appointe. i! Voila donc des revenus qui ne font pas :: ceux du P. de la Valette , mais - eux ;i de la fociété , qui fe trouvent hypo héi, ■ qués aux dettes contracties par , e mif\ fionnaire; ou du moins aux emprunts I; fairs pour les acquitter. II eft vrai que la déclaration du P. i de Sacy , qui donne lieu a toutes les inductions que 1'on tire ici, eft entori tillée, & pleine de petites reftrichons, ■ par lefquelles il cherche a faire enten' dre que c'eft un fervice qu'il a bien [ voulu rendre a la maifon de la Martiniaue. «On comptoitbien , ditil, que » la maifon de Saint Pierre feroit re« mettre de 1'argent dans la fuite; ma,is Niv  aoö* Procés des Jéfuites, » il ne pouvoit pas venir ntöt.. T; per- ; »> fonne ne vouloit prêter furPhypothè>» que des biens poflédéspar la maifon de » la Martinique. Dans cet embarras , il •» offre 1'hypothèque fur les revenus de « fon emploi, pour faire Ia caution dü «pret.... Sc dans Pefpérance que le » P. de la Valette prendroir de juftes » mefures , pour que cette caution, k »> laquelle il s'obligeoit gratuitement, » ne genat pas les fonótions de fon em« » ploi »>. On fent que tous ces difcours font preparés avec art, pour pré venir la coniequence qui nait de 1'èmprun-t Sc du I paiemenr; mais on a beau fa prévenir, elle n'exifte pas moins , les difcours. J apprêtés pour la détourner, difparoiffent aux yeux qui lont appercue ; Sc iL I refte toujours pour conftant'que c'eft I en vertu de 1'unité de patrimoine éta- 1 ' blie par les conftitutions, qtiele regime : a emprunré pour payer , Sc a payé en effet les dettes conrraétées par le P. de ta Valette , paree qu'elles étoient les dettes du commerce fait fous le régime de la compagnie de Jéfus. En voici une nouvelle preuve ; elle eft fans réplique. Le P. de Sacy ajoute; 4ans fa déclaration, que, « pendant qse  d F occafion de leur commerce. 297 |,j fe faifoic le paiement, tant fur les • x fonds de 1'emprunt, que fur le produit de quelques effets appnrtenant a » la maifon de Saint Pierre , que la » prife de Mahon avoit fait recouvrer » a M. Rey Païné , il apprit que le P. » de la Valette avoit fait des envois a »> des négocïants d'Amfterdam , que » ceux-ci précendoient êtte deftinés par » ledit P. a d'autres paiements que ■ » ceux qui fe faifoient a Marfeille; » qu'appréhendant, avec raifon , que »a cette deftination prétendue ne mtisic » aux derniers paiements , il fe fit auto» rifer de nouveau, par les premiers fupém rieurs, pour s'y opposer efficaci5> ment; que muni de leur pouvoir, » il fit une injonction juridique aux , » correspondants Hellandois du P. » de la Valette, de n'avoir nul Égard j> aux ordres quils avoient recus » dudit PiÏRE , 8c de remettre a M. m Rey Painé tout ee qu'ils auroient fait » par la vente dudit envoi , & de n'en js rien de'tourner, peur quelqu''autre ufage j> que ce put être ; qu'il eut beaucoup de as peine a les réduire ; mais qu'enfin il » en vint heureufement a bout». 11 eft donc évident que le commerce de la Martinique appartenoit a la f©~  298 Proces des Jéfuites, ciété , puifque le régime avoit droie d'en difpofer, même contre le gré & la; deftination formelle du fupérieur qui senoir le comptoir , & de tous. les jéfuites qui Fhabitoient. Dans cour autre ordre religieux, le regime général aur oit-ileu le droir de dif. pofer , fans le confentement, contre Ier vceu du régime particulier, d'une portion de fon bien , d'en changer femploi „d'en détourner la deftination ? Les jéfuites avoient donc des loix difrérentes. III falloit donc que les biens , les revenus,,. Ie commerce de la Marrinique, n'appar-f tinffent point a la maifon dont le PJ de la F alette étoit fupérieur; & fi c'étoitj la fociété qui en étoit propriéraire J commenr les dettes auroient elles pin lui en devenir éttangères ? Ainfi elle/j auroit voulu. jouir du bénéfice. , & ne; point porterles charges.. Conrinuons de parcourir une partie" des autres lettres , tant du P. de S> afin que les 30300 livr. foiént payéés »> le pluröt que faire fèpourra». C'eJfc encore 1'homme dé la fociété qui s'occupe de pourvoir au paiement de cettedettc Le iG mars, autre lettre du P. deSacy qui ,. répondant 3 des plaintes, amères, & malheureufement trop bien fondées des fieurs Lioncy , leur marqué z « Pour ce qui eft des fuïte.; de cette s> malheureufeavanture, quinous mets, a> vous & mol, & Uien d'autres, dans;, « les plusgrands embarras, remetronsx les entre les mains de Dieu, Sc fai»> fons, de notre cöté, tout ce qui déai» pend, de nous a pour nous en tlrer  ii d i* occafion de leur commerce. 301 la caufe : les apologies fur ceht fe» roienc en pure perte ><. Pourquoi ce I jéfuite convient-il que la chüteducom/merce du P. dc la Valeite le met dans ; Fembarras, fi ce n'eft paree que toute la fociété y eft compromife ? Cet échec vlui auroit fait une imprellïon fort léj: gère , s'il n'eut concerné que la maifon j: de Ia Martinique. Autre lettre du 21 avril 1756 , qui i commence a laifTer enrrevoir le projex [ qu'avoient formé les compagnons de Jê: fus de ne point payer leurs dettes. I « J'eus 1'honneur , dit - il aux fieurs j » Lioncy , de vous mandet , dés le I » commeucement de votre eeffation ) I » de paiement , que je n'étois plus le tl » maitre de mes démarches w. PourI quoi avoit-il été le maitre de fes dési jnarches ; pourquoi ne 1'étoit-il plus ? I C'eft que toute la pan qu'il avoit prifè I aux affaires du comptoir de Saint-Pierre, I avoit toujours été fhbordonnée au ré" |: gime propriéraire de ce commerce , 8C I qui avoit étendu ou reftreinr les poui voirs de fon agenr, felon les circonftau4 ces , en voici la preuve : ~» Ce sont I » mes surÉRiEURS , conrinue-t-il , qui « as LES R.SGLINT (mes démarches.;, 1»  302 Proces des Jéfuites T s» n£ suis que leur simfle AGEKTi » C'est par leur ordre , & fous lear » autorifation que j'ai envoyé une pro» curation a M. liey 1'amé -. On a vu' eombien cette procuration manifefte la propriéré univerfelle du regime , & Padminiftration defpotique du général. Le P. de Sacy continue : « Ce que je r> dis de moi 3 je le dis de même du P. de n la Valette ; il n'eft plus le maitre de » fes démarches : il depend plus que ja» mais d'eux ; & ce qn'il feroit désor» mais fans leur attaché, feroit par-la» même intiéremenr nul ». Ne fuit-il pas bien clairementde ces expreffionsj que ce qu'il avoit fait jufqu'alors n'étoit pas nul, puifque la nullitë r.e tomboit que fur ce qui fe feroit deformais ? Et quelle étoit la fource de la validité de ee qui s'étoit fait précédemment, & de Ia null.té de ce qui fe feroit par lafuire } C'eft l'autorifrrion , ou le défaur d'aur torifation des fupérieurs; &c quelle autre qualiré pouvoienr-ils avoir pour autorifer, que celle de propriéraires ? Ce bon religieux ajoute : « Ainfi » quelqu'envie que neuspuiffions avoir » tous deux d'entrer dans vos vues, elle » deviendroit fans effet. Ce n'eft pas at » nous a gouverner ceux qui nous gay,-  £ toccafion de leur commerce. 303 Li vernent :• cela eft tout fimple, & vous i »■ êres trop fenfés pour n'en pas conyev> nir. Du rcjïe , je m'étois fiatte jjif» qnici de bien des chofes , que je ferai ij»peut-être oblïgé cCabandonner par ce ; » principe de dependance. II en fera ce \ » qu'il plairaa Dieu , dont mes fupérieurs; » me tiennent la place ». On voit ici la profeftion la plus ou: verte &c la plus précife de cette obéif•Ifance aveugle que les loix de I'inftitut exi^eoient de tous les membres de la. ■ fociété, Sc qu'elles impofoient a ceux :j qui étoient conftitués dans les dignites, : comme aux fimples particuliers.On voit. qu'elles tyranmioient mcme ies conieiences; car on appercevoit facilement mie le P. de Sacy étoir convaincu qu'il eüt été jufte de payer les avances fakes par les fieurs lioncy ; mais qu'il^ ne pouvoir s'y prêter en aucune manière9. paree que fes volontés & fes démarches, étoient liées.. Mais que voit-on , du cóté du régime ? Que les P. de Sacy Sc de la Vaiette avoient été autorifés a commercer, a emprunter , pour cet effet, des fieurs ! Lioncy des fommes confidérables , Sc i les plonger, par ces emprunts., dans. J'abyme d'une faillire; mais ils-ne furent  304 Proces des Jéfuites, pas autorifés a reftiruer ces emprunts ; ils furent autorifés i contraéter, & ils touchèrent lemontant des engagements auxquels les correfpondanrs avoient bien voulu fe foumettre ; mais quand le moment d'acquitter 1'engagement qu'ils avoient contraóté, de leur part, fut venu , le général leur öta tout pouvoir, tk les rendit comme immobiles , en leur ótant même la faculté de reftituer ce qu'ils avoient emprunté. II fit ufage, dans cette circonftance intérelTante , da pouvoir fcandaleux & effrayant qu'il tenoit des conftitutions. ïl confiffoit dans le droit d'approuver ou de cafter, a fon gré , ce que fes prépofés avoient fait en vertu de fa procuration Sc de fes ordres. Et quamvis aliis inferioribus prapojïtis ,velvifttatoribus, vel commijariis fuam facuhaum communicet, poterit tarnen approhare , vel refcindere quod ille fecerint , & in omnibus quod videbititr eonftituere. Conft. part. c,, cap. 3 , §. 20» Mais continuons de parcourïr les lettres. On va voir le P. de Sacy recuier, de quelques pas , a chaque lettre , Sc cherckr, de plus en plus, a fe débarralfer, en lailfant les fieurs Lioncy dausleur détreffe, tk les abandonnant a leur défefpoir. On va voir Ie projet du ré-  : dtoccajiondeleurcömmêrce.'io^ rgime s'annoncer plus clairement, & fe 'développer par dégrés. II étoit trop revoltant pour que le P. de Sacy osat le :. On ne finiroit pas li Pon voiiloir copier ici toutes les lettres du P, de Sacy, qui furent rapportées au procés; il fuffic d'obferver qu'il n'y en a pas une qui ne fourniffe la preuve claire que le commerce de la,Martinique étoit celui de la fociété , & que cette même fociété a toujours été dans 1'intention de faire fupporter aux fieurs Lioncy la perre des marchandifes chargées pour fon compte, payées par ces correfpondanrs, & prifes par les Anglois. Mais il en eft une dont on ne peut fe difpenfer de rendre compte ; elle foumit les preuves les plus claires. Un fieur Gauben , négociant a Bordeaux , étoit porteur de lettres-de-change mon-  d ?occafion de leur commerce. 307 tónt a 42000 livres, tirées par le P. de la F alette fur Thomas Clorck d'Amfterdam. Le P. de Sacy lui écrit ,1e 16 janvier 1758, qu'il ne doit point être inquiet \ que le fieur Rey eft chargé de fon paiement, Sc qu'il ne perdra rien. L'échéance tomboit a la fin d'avril 17 S 9« Le fieur Gauhert avoit écrit au fieur Rey , pour la lui rappeller ; Sc celui-ci lui avoit répondu qu'il n'avoit point de fonds. Le fieur Gauhert fe plaint au P. de Sacy avec vivacité , Sc lui demande fon paiement , paree que toutes les maifons de la fociété font obligées fblidairemenr. C'eft a cette inftance que le P. de Sacy répond, par fa lettre du 9 rnars '7 5 9- II s'excufe d'abord de ne pouvoir fa- tisfaire au paiement , pirce que le P. de la Valette , qui avoic promis des en- vois confidérables, n'en avoit pui fait. » Ce n'eft pas , dit-il, que nous ne lui » ayions procuré de grandes facihtés » pour s'arranger. Nos fupérieurs nien- » gagerent d. faire de gros emprunts en » fa faveur; Sc c'eft avec ces emprunts » que M. Rey acquitta ce grand nom- » bre de lettres de-change proteftées , » dont fait mention votre lertre du 5 , » a iaquelle je répondsici ». Voila donc  308 Proces des Jéfuites , des emprunts faits pour acquitter les dettes du P. de la Valette -y & ces emprunts font faits de Pautorité des fupérieurs. II eft vtai qu'il ajoute que c'étoit le defir d'aider un de fes frères qui 1'y porta. Mais on fent que ce n'eft qu'une tournure artificieufe démentie par tous les faits de la caufe. II ajoute : « Ce fut ce motif qui ma » fit faire, pour lui, fur les revenus 55 particuliers dont on m'a confié l'ad« miniftration , des avances fi fortes, " qu'aótuellement je fuis ,fans contre» dit, le principal créancier de la mai» fon de la Martinique. Tous les fonds »> de ma cailTe , je les ai engagés en fa » faveur ». On n'avoit donc pris le parti d'emprunter qu'après avoir épuifé la caiffe du P. de Sacy ; & il falloit qu'on en eüt tiré des fommes bien fortes, puifque ce P. prétendoit qu'elles excédoient les cinq cent mille écus dus aux fieurs Lioncy frères & Goulfre, ÖC qu'il étoit, fans contredir, le plus fort créancier de la maifon de la Martinique. Si les dettes du P. de la Valette n'euffent pas été celles de la cailTe du P. de Sacy, & de toutes les autres caiffes de la fociété, en auroit-ontiré des fommes auflïénarmes pour les acquitter?  d Voccafion de leur commerce. 309 II parle enfuite des fonófcions de fon jempioi. « Entre ces fondtions , dit-il, L» eft celle de faire les commiffions que I» ces mêmes miilions medonnent; de » leur prêter des fecours auranr que me » le permertent mes facultés, danscer\» taius cas fortuics ou elles auroient i> fait des peites ». H devoit donc acquitter les engagements qu'elles avoient contrac"tés en ces trifres occafions. Quant a 1'adminiftration des biens que pouedoient les miffions dans les eolonies , il dit qu'il ne les adminiftre pas : « ce font les feuls fupérieurs de » ces meines miffions qui les adminif» trenr , fuivant les pouvoirs que leur en n donnent nos premiers fupérieurs, le » p ovintial & le général». II eft; donc conftant que cette adminiftration engageoit la fociété entière. II revient enfuite aux avances que la ho té de (on exur lui avoit fait faire pour foulager le P. de la Valette. Toutes les nouvelles qu'il apprenoir de la | Martinique 1'affiiroient que cette miffion étoit alfez riche pour faire honneur i aux dettes qu'elle avoit contracties ; auffi il efpéroit qu'il ern feroit remt| bourfé. « Après tout, il en fera ce qu'il » plaira a Dieu. Je lui abandouiie mes  31 o Proces des Jéfuites , » intéréts (il devoit dire nos intéréts ©u les intéréts de la fociété \ car le Pi de Sacy religieux n'avoit aucun intéren perfonnel )- » bien certainemenr plus ».en süreté entre fes mains qu'entre les » miemies ». U difcute enfuite les principes avancés par le fieur Gaubtn fur la folidité des engagements Ce commercant lui avoit écrit cju'aucun créancier n'avoitj compté prêter a un fimple religieux qui ne feroit revêtu d'aucun pouvoir Le P. de Sacy répond que « le P. de la Va-\ r> let'e n'eft pas un fimple religieux , » fans pouvoir. Comme fupérieur de; w. nos miffions de la Martinique , il jj a recu , de nos fupérieurs , les mêmes »> pouvoirs, pour Vadminiflr ation du temsj porei, qu'on a coutume de donner » aux recteurs & fupérieurs de nos cel»» lèges &c autres miffions de notre ors> dre «. C'eft donc le régime c'eft donc la fociété qui étoit engagée partout ce qu'il avoit fait, puilqu'il n'avoit agi que fous fon pouvoir & fous fon autonfafion. Le fieur Gaubert lui avoit écrit que les créanciers avoient entendu traiter avec la fociété. Le jéfuite dévoile alors,' fans garder aucune mefure, 1'unique  5 al occafion de leur commerce. 311 projet du régime : il répond qu'ils fe ïfont trompés, s lis 1 pntcru, paree qu'il ien eft du corps de la focieti comme Ides différerites branches d"*unè familie , ïque les unes n'engagent pas les autres. ' On a démontré plus haut, par les cbnfjtifutions , que le parti que foutenotent lautrefois Layman , Mangion , Ciujïus , \A10r tk plufieurs autres , éroit le vériI table; fcavoir, qu'il n'y avoit qu'un paj trimoine dans la fociété ; que la proIpriété de ce patrimoine étoit une , &C Jréfidoir fous la main du général feul , I comme repréfentant la compagnie. Que les jéfuires, difoit M. ie Gouvéy \ s'autorifenr, tant qu'ils voudront, de 1 leurs conftitutions pour faire plier la 1 morale fous les circonftances des rems | tk des lieux; qu'ils croient, rant qu'ils I voudront , que ce qui eft une vériré f dans un tems oü leur intérêt demande I que c'en foir une, ceffe de i'être quand | ce même intérêt preud un j autre forme, | leurs idees ne rendront pas la vér«ué I muable , Sc il eft vrai aujourd'nui , | comme il i'étoit alors, que leur comI pagnïe n'a qu'une propriété unique Sc 1 ■indivife. Si cette Ünite leut eft fav raI ble quanH il s'agit de réclarner des A| feffions Si. de s'tinparer de celles des  312 Procés des Jéfuites , autres, elle doir mihtercontr eux quand il eft queftion de reftituer des ufurpations, ou de payer des dettes légitimes. Le P. de Sacy ajoute : « II n'y auroic r> qu'un cas oü tous les chefs fubiroie ït » le même fort ; c'eft celui oü ils fe 33 feroient. fait foüdairement camions » les uns des autres: mais c'eft ce que 39 n'ont pas fait, ni même n'ont pu 3> faire, ni notre maifon de Paris , ni 3) les autres qui font en France , par sa rapporr a la maifon de Saint - Pierrej j» de la Martinique j>. Le P. de Sacy avoit bien raifon de dire que ni la maifon de Paris, ni aucune de celles de France ne pouvoir fe rendre folidaire , puifqu'elles éroient dans 1'incapacité abfolue de contracter: mats il ne faifoit pas attention que c'étoit cette incapacité même qui opéroit 1'a folidité entr'elles. Pourquoi ne pouvoient-ellés pas s'engager ? C'eft paree qu'elles n'avoient aucune adminiftration, & que les fupérieurs qui les ré-i giffoient, n'étoient que les commisjdu général. Tous les acles de cette régie engageoient donc le général, quand il les avoit autorifés , & en fa perfonne , tous les biens de toute$ les maifons qin»  d l'occafion de leur commerce. 313 ni étoient fous fa domination. li fal¬ loit donc toujours en revenir au point; de fait : Le P. de la Valette étoit-il auitorifé , ne Pétoit-il pas ? II a été déimomtré qu'il étoit autorifé: il engageoic tdonc toutes les poffeffions de celui de iqui 1'autorifation étoit émanée. \ Le P. de Sacy continue, Sc dit qua ; jtoutes les poueffions de la maifon de lla Martinique étant chargées des dettes ;du P. de la Valette , on les abandcnjjnera volontiers aux créanciers. Ceux iqui nous gouvernent, ajoute-t-il, y con* ifentiront fans difficulté. Mais li 1'aban■jdonnement de ces biens devoit être ïïait par ceux qui gouvernoient, ce im'étoit donc pas la maifon de la Martinique qui en étoit propriéraire, c'étoit la fociété ; autrement c'auroir été aux: jfupérieurs particuliers a le faire. Telles étoient les preuves qui réful-*, keient des lettres Sc des aveux du P. ,de Sacy. Elles établiflbient bien claire-» ifnent que les opérations du P. de lx \Valette étoient un vrai commerce, Sc ijique ce commerce étoit connu Sc autoijirifé de la fociété. Voici un fufFrage plus confidérable 'ii encore, c'eft celui du Pt Ricci, général* f de la fociété. Terne XIII Q  314 Procés des Jéfuites 3 Un créancier portsur de lettres-decnange du P. de la Valeite avoit écrit au général 9 pour lui demander l'afiignation de fon paiement fur le collége de Marfeille. Le général, dans fa réponfe, débute par unpathétique touchant pour prouver au créancier combien il eft fenfible a fon malheur; il en eft d'autant plus afFecté , que celui qui en eft la caufe lui apparrient de pius prés par fon crat. Mais il déclare qu'il ne peut que le plaindre , fans pouvoir 1'aider, dans les clrconftances , dit-il, ou. nous nous trouvons, II s'agiffbit donc de circonftances qui intéreftoient toute la fociété. Quant au collége de Marfeille , dit le P, Ricci , ileft Ti accablé de fes propres dettes , qu'il eft impoflible qu'il fe charge de celles d'autrrti. 11 luiconfeiile donc » de prendre le parti qu'ont pris m beaucoup d'autres perfonnes qui fe s» font trouvées , dit-il, dans le même »> cas oü vous-êtes. Après avoir fait »» prorefter les lettres-de-change recues i) du P. de la Vedette , elles les ont ren» voyces a la Marrinique , oü elles-ont as été payces ». Ce confeil étoit infidieux , Sc portoit fur un fait faux. Il étoit infidieux, en ce qu'il tendoit 4 ftpérer tuie fin de non-recevoir en fa-  at'occafion de leurcommerce. : veur de la fociété contre le créancier j «ui en dirigeant fon aétion contre 1© " , J i _ *tc. r„..l • prére-t apoltonque aes miiiiuns ïcui t auroit reconnu qu'il éroit feul fon débiteur. D'ailleurs il a été fuivi par ur» -feul créancier, qui a recu du P. de Ja Valette , pour réponfe , la lettre la plus fiére & la plus dure. II eft vrai que le général ofe ajouter s «« Au refte , Monfieur , U eft d propos i» de vous dire que jamais le P. de la » Valette n'a été autobisé par „ ses supérieurs dans les emprunts li confidérablesqu'ilafaits». Comment I le lecteur regardera-t-il cette aüertion, : après les preuves qui viennent de lui i être fournies de Pautorifation des fupe^ rieurs , qui faifoient la bafe des opéra-* tions du P. de la Valette ? Le général continue : « Perfonne i « n'auroit auiourd'hui a fe plaindre » ( du P. de ia Valette), fi ceux de qui » il dépend avoient pu faire parvenir » leurs ordres jufqu'a lui: mais les cir» conftances de la guerre par mer ont sj traverfé & déconcerré jufqu'a préfenc » toutes les mefures que mes preden cerfeurs & moi avons prifes pour pré» venir ou arrêter les entrepriies du Pi » de la Valette », Pij  gi6 Proces des Jéfuites , Ce que dit ici le général fur 1'impoflibilité oü il s'eft trouvé de faire arriver fes ordres au P. de la Valette eft , fans doute, relatif a ce qu'on lit dans ïe rnémoire a confulter pour les jéfuites, On y ttouve la peinture la plus trifte des obftacles fucceffifs qui ont déconcerté les précautions prifes par le régime , pour fe faire inftruire du véritable état de fes affaires a la Martinique. Au mois de feptembre 1756, le P. de Montigny eft député en qualité de vifiteut des miffions des ifles du Vent s êc avec tous les poavoirs néeeffaires ; la difticulté du ttajet fait échouer ce projet. Au mois de novembre fuivant, on dépêche des ordres au P. d'Huberlant fupérieur général des miffions de la Cayenne ; ces ordres , quoiqu'adrefles par plufieurs voies , n'arrivent qu'un an aprês, & lorfque les efcadres angloifes fermoient les paffages. En 1758 , nouveaux ordres pour le P. Desbouges , jmiflionnaire dans 1'ifle même de la Martinique; ce religieux étoit alors en pleine mer malade, tk revenoit, a Pinfeu de fes fupérieurs , reprendre Pair ïiatal en France. Le P. Franto eft nomina i?n 17 5 9 , pour le remplacer; le fcor\s$% yint Pattaquer , comme il allc%  a Voccafion de Uur commerce. 31 ? mettre le pied dans le vaiffeau. On lui fubftitue le P. Delaunay ; ü tait , a Vetfailles , une chüte imprévue , qtu le met en danger de perdre la vie, Sc hors d'érarde partir. Mais les jéfuites avoient oublié de dire que le P. Fayard envoyé par le régime , pénétra a la Martinique en 1756 , dans le tems que la difticulté du paffage arrêroit le P. de Montiony. Aucun de ceux qui portent la deftitution du P. de la Valette ny peut aborder; le feul qui arrivé eft fans pouvoirs , Sc c'eft avec le P. de la Valette Sc ce nouveau procureur , que le fieur Castte a traité. Comment le général ofe-t-il donc aOurer qu'il n a pu faire parvenir fes ordres au mifhoiv naire apoftolique ? D'ailleurs, quand il feroit vrai que le P. Ricci &c fon prédécefteur auroient cru devoir prendre des mefures pour fufpendre les opérations du P. de la Valette, dès que , fuivant lm-meme , ces mefures ne font pas parvenues a la connoiffance du public, par les ctrconftances de la guerre par mer , qui les ont traverfées & déconcertées , les engage-' ments du P. de la Valette , quoiqiie poftérieurs k ces mefures ignorées du public, n'en étoient pas moins valaOiij  318 Procés des Jéfuites, bles. C'eft précifément le eas de la Ioi 11 ff. de infiit. dont on a parlé plus haut. Si 1'affiche mife a la porte du comptoir par le propriéraire du commerce , pour annoncer la révocation de riiïftitéuf, eft tombée par la pluie ou par vétufté , li elle a été arrachée paf quelqu'un , füt - ce par 1'inftiteur même, le public a pu traiter avec celui - ci , & fes engagemenrs ont lié le propriéraire (i). Ainfi quand les généraux des jéfuites auroient envoyé ati P. de la Vden* des ordres de ceftër fes operarions , ces ordres n'ayant pöint été publiés dans' le lieu de l'établiflement du comptoir, ayant même été intercep-r tés en route, par les malheurs de ia gue'. '-3, la fociété n'en auroit pas moins .été engagée anx dittes conrraétées pat fon inftiteur , le P. de la Valette. La feconde fetrre du général eft du 25 novembre 175 9. Elle eftadreffëe au iieur Février du Ca^a. Celui-ci avoit jnandé au P. Ricci, que le P. de Sacy lui (1) 57 dominus merels prafcripfijjlt alius cutem fuflulh, aut vetuftate, aut plwvia , vel quo fitnili contlngit ne prtzferiptum effet, vel non patere t, dicendum eum qui prcepofuil tenen • fed fi ipfe inflitor, decipïendi mei caufd, detraxit, dolus ipfiusprtzponenti nocere debet, nifi particeps dolifuerit qui comraxit. L. ÏI ff. de inft. §. 4,  Uoccafion de Uur commerce. 319 avoit fait toucher une petite fomme. Le général lui répond : « s'il na pas 5.. rVft mie la euerre a s> renda les emprunts nnpoflibles , « „ par-la nous fommes plus a plaindre „ que vous ». Voila une approbation bien fotmelle d'un paiement iait par le P de Sacy a un créancier du commerce de la Marrinique , & avec des fonds qui ne procédoient pas de ce commerce. II y a plu? ; d fe trojwe i •plaindre de ce que les cirtonftances front pas permis d'emprunter. Si la chofe eüt été póffible, onl'suroit donc fair, & on auroit aequitte toutes lè& ■ dettes. II faut faire atrenaon que c eft la fociété qui parle ainfi par la bouche de fon général. . 11 fiuit par exhorter Ie fieur Fevaer da Ca\a a renvoyer fes lettres au P. de la Valette, qui y fera honneur. La troifième lettre eft adreftee a« mème, & fe fenr un peu de la mauvaile humeur qu'avoient pu occadonner les fentences des confuls de Paris , mtervenues au profit de quelques créanciers contre la fociété. Elle eft du 7 mai 1760. Le général déclare a ce créancier qu il n'a aucun adouciftement a attendre ae lui dans fes malheurs, malgré la vive O iv  $10 Proces des Jéfuites, compaffion dont il eft pénérré a la vue de fa fituation, paree que « les feuten» ces du confnlat de Paris, dans les af» faires de la Martinique, lienr abfolu» ment les mains au P. de Sacy. II eft y> donc de toute nécefliré, continue-t» il > que vouspreniez patience, juf» qua ce qu'un arrangement déhnitif « Ie mette en état de vous fatisfaire »§ On trouve toujours lades approbations des dettes du P. de la Valette, & même mie indication du P. de Sacy pour débiteur; & cette reconnoiffanee eft faite dans un tems oü la fociété, étant pour- : fuivie & condamnée a payer les dettes de Ia Martinique , le général devoit mturellemenr s'éleveravec force contre toutes ces.dettes, file commerce n'avoit pas été fait fous Pautorité du régime. Al-és cette difculfion, il ne fut pas difficile de répondre aux objections propofées de la part des jéfuites. Mais , avant que de les parcourir,. il eft nécef faire de s'arrêrerici fur deux confidérations fort impertantes, & qui durent, fans doute , influer fur la décifion do eette grande affaire. La première eft fintétêt public ; la feconde eft que, quand on trouveroit , dans nos loix ' SP-ielques textes, &, dans notre juxü-  d roccafion de leur commerce. 321 ptudence . quelqu'efpèce qui pourroit ïupporter une interprétation fayorable aux vues des jéfuites , ils n'auroient pu s'en prévaloir , paree que , quoiquils exiftaiTent en France, quoiquils y eulfent des établifferoents fort nombreux , & fort multipliés, ilsn'y exiftoient que précairement; ils y étoient toléres & nou admis ; ils ne faifoient point corps avec 1'état , & par conféquent ÏÏs ne pouvoient fe prévaloir des loix fur lelquelles font appuyés les droits des citoyens. J . « Après avoir défendu des interets. „ particuliers , difoit M. Target, ofe» rons-nous fervir d'interpretes a lm» térêt public , auquel la cour yenle » fans ceffe ? Nous ne parions ni des „ loixfacrées & ptofanes qui défendent „ le commerce aux ecckfiaftiques $C » aux religieux ;ni du tort que caufe » „ 1'état une fonction fi lucrative , dans„ des mains qui en recueillent le pto„ fit, fans fupporter les charges publi„ ques. Un autre objet nous occupe.„ Quand des citoyens infidèles man„ quent aux engagements qu'ils ont *> pris , quelqu'un fouffre fans doute 't d'autres. citoyens perdent y des révo» Uitlous funeftes éclatent, & portent  ^22 Procés dés Jéfuites, *> fouvent le contre-coup a des diftan» ces éloignées: mais au moins les ri~ »> cheflTes de la nation ne s'épuifenrpas5. » une rria'in ponede ce qui devroit être m dans une aistre; les mêmes biens font « dans 1'état. Si au contraire des homos mes quine travaillent & qui n'acquiè»> rent que pour un. chef étranger, attiv roient des tichelles &ne lesrendoientw pas , les biens des families ne pafle•j roient entre leurs mains que pours'é»> couler hors de 1'enceinte du royaume;. » ils iroienr groilir des tréfors qui ne: e*- font pas pour nous. Pourrions-nous. a> efpérer qué la confbmmation de ces 3> hommes fages & modérés nous ramew nat ce que leurs gains auroient fait ^ fortir ? Ils font pleins de frugalité ; »9 ils font éloignés de tout fafte & de » tout fuperflu; leur fubliftance n'eft ni «e 1'objet de leur commerce „ni le prins> cipal emploi de leurs richeffes ; leurs » vertus mêmes dépofent contre eux 7 s> & li quelques autres canaux nous rap?s portoient,de tems en tems, une partie )> des fonds que nous auripns fournis & nous-mêmes , on fcait a quel ufage » leurs propres loix les deftinenr ; il. u vaudroit mieux les avoir perdus A. ce point de vue, pris dans la na-  a F occafion de Uur commerce, 323 ture des chofes, Sc qu'une expérience de deux fiècles avoic fixé , joignons ■quelques réflexions décaillées par 1'auteur de la confukation faire pour les créanciers des fieurs Lioncy Sc Goulfre. Le général, difoit-ïl, peut difpofer Sc des fonds du commerce, Sc de fes produits. II veut cependant que la fociété ne foit pas engagée au paiement des derres que ce commerce aura fait contracter. Elle ouvrira une banque publique , elle établira une correfpondance de commerce avec les plus forts cornmercants d'une nation , avec la nation entière , au profit du corps entier, fous le régime du général; Sc ce corps n'en fera pas refponfable ! Les coffres de ce religieux feront un gouffre oü s'abimera tout le bénéfice de la banque Sc du comptoir , pour devenir enfuke une fource d'oü découleront des richefTes immenfes lachées dans les canaux de 1'ambkion Sc de Pinjuftice 1 Tous les fonds feront ainfi diftraks au gré du chef d:une fociété qui ne tient qu'a elle , Sc qui eft étrangère dans tout Punivers •, Sc tous les créanciers de ce commerce , tous ceux qui en aurqnt; admiaiftré les capiraux Sc fait naitre les produits pat leur induftrie, par leurs  324 Proces des Jéfuites-, foins & par leurs veilles , feront réduirs;; a fe vengar fur les revenus ordinaires.. & les biens particuliers attachés a la, maifon oü la banque & le comptoir font établis ! On a vu d'ailjeurs que les. conftitutions donnent augénéralle droit d'ordonner de Pernploi des biens , de. les appliqner d'un lieu dans un autre-,, d'en difpofer, a fon choix , toutes les, fois qu'ils n'ont pas d'affeciation fpéciale.. En eflr-il qui foient plus fufcep* tibles d'une détermination- arbitraire que des deniers , que des efpèces nu-méraires entalfées par 1'induftrie de Piux des membres.? Les jéfuites vonioient renvoyer leurs créanciers a-la maifon dela Martinique ; mais cependant leur général pouvoit la dépouiller: quand les créanciers feroient arrivés, ils n'au-roient plus trouvé leurs gages. Mais ce pouvoir-de faire difparoïtre ce qui pouvoir afturer les créances de ceux qui faifoient les fonds d'aü les jéfuires tiroient la principale fource de leurs tréfors , n'étoit pas le feul que 1'intérêt public eüt a redouter; Lifons,,. avec attention , ce que le P. de la- Valette écrivoit le 4 aout 1759 , a m* créancier qui , conformément aux avisdu général, avoit envoyé les titres de.  ji aToccafiondeleurcommerce. 31% la cséanee & la Martinique , pour lesfaire exécuter conrre le fupérieur & lesbiens de la miffion. « Je pourrois » „Monfieur, lui difoit-U, me fervir | d'un privilege que les chefs de la fociéré m'accorderont , j'en fuis. sur , „ inftruirs qu'ils font de mes croix , 8S „, de la eruelie conduite de mes créan- „ ciers tels que vous Pouvoir-on , lorlque l on connoiumu les privileges dont cette terrible fociété croyoit pouvoir faire ufage , ne pas frérni-r, quand un de fes membres menacoit un créancier légitime, de les faire valoir contre lui ? Quel pouvoit etrs celui que ce compagnon de Jefus , ce pré/et apoftolique prétendoit oppofeï aux pourfuites d'un infortuné qu'il avoit ruiné, & qui réclamoit la rekfource unique de fa fubfiftance ? Reeueillons ici, fous un coup d'ceil y les tnovens aue ce réeimc formidable avoit 1 ^n.nrinés nour fe fouftraire aux droits de ceux qui auroient voulu réfifter a. 1 fes ufurpations. II a été prouvé plus haut que le génej ral feul avoit la faculté de contracter ,. j & qu'elle ne pouvoit être exercée que- I nar ceux a qui n en aonnoit un puw 1 soir fpécial j Sc il pouvoit étendre o»  326' Proch des Jéfuites, refterrer ce pouvoir a fa fan-taille; il pouvoit même, dans des lettres oftenftbles , le faire paroitre fans hornes , Sc le reflxeindre dans des lettres parriculières. On a rapponc plus haut Ie texte des conftitutions quifaifoitune maxime, de cette rufe , qui n'a pu être imaginée que par la mauvaife foi la plus déterminée. Ainfi un particulier rrairoit avec ie fupérieur d'une maifon de jéfuites y il traitoit fur la confiance d'un écrit du général qui donnoit a cet inférieur la procuration la plus complette t le traité devenoit-il ,• par 1'événement ,. onéreux a la fociété; elle 1'aaaallöif-„ en faifant paroitre les lettres fecrettes qui bornoient les pouvoirs du prépofé- Mais cette précaution n'avoit pas encore paru fuffifante ; ces lettres fecrettes pouvoient s'égarer : alors le général fe fervoit du droit qu'il tenoit des conftitutions, d'annuller ce que les fupérieurs inférieurs avoient pu faire , quoique munis de tous fes pouvoirs fans reftricfion. On a encore rapporté plus haut le texte qui autorife cette faculté monftrueufe. Mais il ne fe feroit peut-être pas trouvé de juges qui fe fuftent prêtés a. cette autorité.du général, &c qui euf-  d Voccafion de leur commerce. 3 27 fent été oerfuadés qu'en bonne juftice , lla ftabilité des contrats düt dépendre j~ 1. A'un relisieux. Rien UC ld. KUJUUU» — o L'embaraffbit les bons peres j ils avoient des remedes teut prees puui fous les inconvénients , ou pour y remédier.Tout jéfuite , & chacun de leurs affbeiés, pour vu qu'il fut tonfuré avoit ile droit, dans toutes. fortes d'afraires , civiles , criminelles ou mixtes, quand mème ils auroient été demandeurs , 8c j'-.^o'c ^r,,Tvpnrs v euflent ete ïn- téreffés , de fe choifir tel juge qu il leur plaifoit, ious le nom wjw/pr.^ des privileges de laficieté. Pourvu que. ce fut une perfonne conftituée en dignité, ou mème un chanoine de cathedrale , cela fuffifoir. Ce juce ainfi choifi, car il paroit qu oir pouvoit°fe reftreindre au choix d'ua feul, étoit tellement faifi de toutes les affaires du jéfuire , que lui feul_pouvc.it en connoitre , mème fans avoir egard, aux appels, & fans être tenu de s aliuiettir aux formalités judiciaires. Tout fucrement contraire au fien, qui auroit. pu être rendupar un autre juge ,^ozc nul. Les magiftrats n'avoient , a cet égard , d'autres fonftiws, que d exc-  3 2S Procés des Jéfuites, enter humblement fes jugemenrs, en y prêtaut les fecours du bras féculier: &cy s'ils le refufoient, ie confervareur pou-' voit les enpunir , par descenfures , ou mênie par des amendes. Une des grandes fonótions de ces confervateurs, éroit de réprimer route puifTance féculiére & eccléfiaftique ,, quelles qu'elles fuffent, nièmes. les rois & les papes , qui auroient molefté la fociété , & 1'auroient inquiétée dans fes poiiefiious , dans les privileges ou dans fa réputation , directement ou indirectement, racirement même ou en fecret, fous quelque prétexte que ce put etre. i^uiconque mjurioit laloeiete, lui enlevoit fes biens, lui étoit contradicteur ou rebelle, quelque qualifié qu'il put être, devoit être excommunié pat le confervareur , ou du moins puni por toutes les voies de droit ou de fait y qui convenoient aux circonstan:^ces. II ne fuffifoir pas que le confervateur apparnnt a la fociété , il falloit encore «qu'elle pütlechanger a fa volonté. Au (li eft-il porté dans les privilèges ,. que la fociété pouvoit faire pourfuivre par un futre confervateur une. affaire com-  dP occafion de leur commerce. 32$ mencée , quand même il n'y auroit , contre le confervateur, aucun empêche- ment(i). Tels étoient les trois moyens imaginés par. la fociété de Jéfus, pour s'auto; rifera s'emparer de tout ce qu'elle trou- (1) Voici les textes oü eft configné ce délire d'indépendance & de mauvaife foi. Societati,fingulifque illius perfoms, ac eorum fmiliaribus , clericali tarnen charattere m-> : fimids , Ut m quibufcumque caufis tam cwdi~, ■ bus, quam criminalïbus ac mixtis , etiam m eis ia quibus aBores , vel convenli rei forent..., I omnes & fingulos archiepifcopos & epifcopos..^ 1 É- catkcdralium ecclefwum canonicos._. . m fuos pejfmt ajjumere confervalores & judices ordinarios , ivdulfit. Ipfis fic elcêlis ...ut per fi , vel alium , feu alias... focietati efficacis , defenfionis prafidio affiftentes , non permitteren ï focietatem , collegia . . . fuper tems , locis,doii mibus ...ac quibufcumque aliis bonis mobilibust '■ & immobilibus , fpiritualibus & temporalibus. .. I: «i quibufcumque perfonis tam fnculanbus quam |, ecclefisfticis , ac qudcumque autontate & (upei; r'mitate fungeniibus , quoque modo indebitè mo' leftari . . . facerer.lque , cum ab . . . alrqito (Jo.cietatis) forent requifiti fuper refamione loco1 rum . ■ ■ quJTUmcumque bonorum , nee non pnvilenör'um & indultorum . .. obfervatione , necnoa de quibuslibet molepis , injuriis , damnis. .. ut illi< videlicet qua judicialem uquirent indaginem. fummaril,fimpliciur& de plano yfme flrepitu & figurd judkii , in aliis veto , pront eomm qualius exeeijfet juflitios complemenlum , .. deten.*  33ö Proces des'Jéfuites , voit a fa bienféance, fans être obligée" de reff iruer. Quels droits ! Quels privileges ! L'arr de rromper réduir en règle l | L'injuftice mife en maxime! Des hommes faits pour prêeher route vertu , &c 1 qui s'annoncoient comme tels, comp- • ■tores , injuriatores. . . nee non contraditiores I quoslibet & rebelles, etiam fi alias qualificati j vxifierent . .. per fententias , cenfuras & pcenas i tcclefiafticas, aliaque opportuna juris & F AC TI remedia , appellatione pojlpofitd , compefcendo... ■ panis etiam pecuniariis , arbitrio moderandis in- : -hibendo. Bulle de Grégotre XIII de 1573 , ■commencant par stquum reputamus. Non permit:entes eos . . . per quofcumque judices & perjan as cujufcumyue flatus , gradtis , ordinis- & conditionis exijlant , & qudcumque •etiam pontificali , régid , vel alid automate fungantur, puhlicè , vel occulte , direólè , vel in- ■ ■direólè, vel exprefsè , quavis quecfito colore ... ' moleftari, vel... inquietari. jBulle Salvatoris Domini, de Pie IV en 1576. Cum agitur de manifeflis injuriis ac violentis ( qua. fcilicet aut notoritz funt, ex fatti evidentla , aut ad probationem non indigent judiciali indagine ) contra bona , privilepa , & perfanas focietatis , poffumus . . . quafcumque perfonas tam ecclefiaflicas , quam IdLas , pertrahere ad judicium confervatorum. Ccmpend. privileg. p. 287. Qkilibet confervatorum... potefl profequi ar' ticulum per alium 'mcohatum , eti. m fi , qui incohavit nullo canonico impedimento praditus inveniatur. Ibid. p. 288.  a f occafion de leur commerce. 331 ter au nombte de leurs titres la liberté de manquer de foi '. C'eft en vain que les jéfuites difoient > dans leurs apologies , qu'ils ne prétendoient point fe fervir, en France, de ces privileges ; puifque , dans le tems , pour ainfi dire , qu'ils faifoient publier cette déclaration , le P. de la Valette, leur confrère j menacoitun de •fes créanciers d'en faire ufage. f f D'ailleurs, difoit M. i'avocat gencral au narlement de Rennes , en décembre 17tf 1 , lorfqu'il rcndoit compte ace tribunal des conftitutions jéfuitiques. «< Eft - il permis a des hommes qui ,„ veulent jouir du droit de cité fans " ètre citoyens , de demander & d'obw tenir des privileges exorbitants , „ d'une puiflance qu'ils regardent com■:, me fupérieure a toute autre puiflance , \\ pour choilir enfuite, parmi tous ces 11 privilèges , ceax dont ils voudront , Z ou dont ils ne voudront pas fe fer5 vir ? C'eft donc a 1'état a attendre ') tranquillementl'ufagequilleurplaira .' d'en faire, lis fe croiront modérés en \\ n'ufant pas en rigueur de tous ces droits qu'ils étalent avec oftentation " dans les éditions qu'ils en ont fait jV faire pour toutes les maifons de la  3 3 2 Proces des Jéfuites „ fociété , fans daigner faire mentiort i, du refpeét qui eft du aux loix des „ fouverains. Ils veulent bien ne pas ,, faire ufage de ces privileges dans les „ lieux oü ils trouvent des obftacles ; ,, mais ils n'ont jamais renoncé aux 5J principes d'oü ils dérivent, qui eft M le pouvoir direéb ou indireét du pape fur le temporel des rois ». Les loix civiles , il eft vrai, Sc les magiftrats chargés d'en maintenirl'exé-r cution , ne s'accommodent point de ces régies particulières , ou plutot de ce violement .de toutes les régies. On ne fouffre poinr que des ordres fecrers Sc clandeftins annullent des contrats faits fur la foi d'une autorifarion authenrique ; on ne fouffre point qu'un étranger révoque Sc anéantiffe des en¬ gagements pris avec ies citoyens par fes ordres & fur fa procuration. On ne permet pas que des ufurpations foient autorifées par des juges qui n'ont d'autre caraéfère que le choix de 1'ufurpareur , Sc qui ne peuvenr conformer leur jugement a d'autre loi qu a la volonté de celui qui les a choifis. Mais, quoique les loix, fous Pautorité defquelles nous vivons , ne fe prêtent pas a 1 exécution d'artifices auffi  d l'occafion de leur commerce. 333 conrraires a la foi publique Sc aux premiers principes des engagements ; .que ne devoit on pas craindre d'im établiffement qui , de ces détours & de ces fubterfuges , faifoit des maximes de conduite , qui autorifoit les fupérieurs a les fuivre dans la théorie Sc dans la pratique } & qui y foumettoit les inférieurs par la loi de cette obéiffance fervile , aveugle, ftupide, que les conftitutions exigeoient , Sc que tous ,-es membres de la fociété profeffoient ? Ces privileges émanoient d'une puiffance qui, fuivant les principes jéfuitiques, a tout pouvoir fur le fpirituel 8c fur le temporel, pouvoir qu'elle uent de Dieu même. C'étoit donc un crime , felon eux , de réfifter a cette puiflance , 6c de ne pas apporter une foumilfion fervile a tout ce qui en découle. Ainfi la violence feule arrêtoit 1'effet de ces privilèges ; mais cette violence étoit impie , puifqu'elle empêchoit 1'exécution des volontés fuprêmes du vicaire de Jéfus-Chrift; Sc c«ux qui la fouffroient étoient dans unétat de contraction contiuuelle , dont ils cherchoient a fe tirer par des efforts fourds, a la vérité , mais qui n'avoient point de relache. Quelle perfpettiye eftrayante ces.  334 Proces des Jéfuites , idéés n'offroient-elles pas ? Et que n'aurions nous pas eu a craindre li la mam qui atiêtoit 1'efTet de ces erlorts,füt venueaquitter pnfe un inftant , foit par principe , foit autrement. Pafions rapidement a une autre confidération de bien public. Pourquoi n'auroit-on pas craint, du commerce de la Martinique, ce qu'on a craint trop peu l< trop raid du comméixe du Paraguay ? On jetta ies fon-. dements de celui-ci , en raffemblant dans le Parana quelques families d'Indiens épars ca & l)i ; & , fous prétexte d'en former une fociété de catholiques , on en fit, felon le manifefte du roi de Portugal , des troupes d'efclaves affervis a un joug impitoyable } ocsupés de. tous les rravaux qui pouvoient former êc foutenir le commerce dont on jettoit les fondements , qui , dans la fuite, a tout envahi, en donnant 1'excluiion k tout Européen , a qui 1'approche même de ces conrrées étoit totalement interdite. Qui auroit imaginé, ilyacent cinquanre ans, qu'un commerce fi foible dans fon principe , coloré du voile de la piéré la plus ardenre , dut mettre un jour ceux qui le commencoient en état.  &£occaJion de leur commerce. 33 5 de foutenir la guerre contre deux monarques puiflants ? Au milieu du fiècle dernier, Dom Bernardin de Cardenas, cvcque du Paraguay , avoit donne avis des tichelles énormes que les jéfuites accumuloienr peu-a-péu , comme les chefs de la colonie de la Martinique ont fait fijavoir que la miffion des jéfuites abforboit infenfiblement tout le commerce, & que les particuliers commencoient déja a en relfentir les efFets. Ils ont appercu le germe d'une exclufion qui les auroit enfin obligés d'abandonner une rerre qui eüt dévoré fes habitants. Que feroir-il enfuire refté dans 1'ifle , que des caraïbes & des jéfuites qui auroient fait, de ces fativages, ce que leurs confrères avoient fait des Indiens dans le Parana ? Et les progrès auroient été bien plus rapides. Le Parana eft une province incomparablement plus etendue que la Martinique \ il a fallu beaucoup d'années pour s'en rendre maitres , & accoutumer au joujg. un peuple nombreux \ a peine les richeffes des miftiönnaires y ont-elles fait un certain éclat dans un demi-fiècle. Mais a la Martinique, un homme rare a paru ; fes opérations ont été fi vives & fi bien eombinées , qu'au bout de fa & fept  3 3& Procés des Jéfuites s ans , on ne parloit plus que par millions ; oü n'auroitil pas été fi la guerre n'eut arrété fes progrès ? Auroit-il donc fallu attendre que cet établiffement naiifant eut jetté des racines fi profondes qu'il eüt été en état de lutter contre le gouvernement ? Si cette confidérariem mérite Ia plus grande attention, difoient les créanciers des jéfuites, que fera-ce quand on réfiéchira que ce commerce de la Martinique n'eft qu'une petite portion de celui que fait Ia fociété dans toutes les parties de 1'univers, tk que , fi 1'on n'arrêre fes progrès, en gagnant ainfi de proche en proche , tk joignant tous ces différents chainons , elle englobera enfin toutle négoce du mondecatholique, Sc peut-être au-dela , fi , comme on 1'en foupconne , la diverfité de croyance ne 1'arréte pas dans Ie choix des fujets qu'elle admet dans fon fein. Si le commerce de la fociété , continuoient - ils , étoit réfervé a la maifon de la Martinique, ce feroit une fociété de négociants , qui auroit une maifon de commerce, dans laquelle feroit , pour parler le langage des négociants , 'la raifon de la foei 'té, qu'on appellexoit du nom du général 3 la raifon  d P occafion de leur commerce. 3 37 fon de Lam ent Ricci & compagnie. Abfrra&ion fake des loix canoniques , 011 pourrok peut-être dire que le danger polkique n'en feroir pas confidérable , pourvu qu'on ne lui permk pas d'envahir tout le commerce de la colonie. Mais, au moyen de 1'univerlalité du . négoce de la fociété, qui a formé des établiifements prodigieux dans toutes les contrées de la rerre habirable , ce n'eft plus le commerce d'une fociété ordinaire de négocianrs ; c'eft le commerce d'une nation entière , & d'une nation répandue dans tout 1'univers. Ce ne font pas même de umples maifons dont ces différents établiifements font formés, ce font de vrais comptoirs. Mais aucune autre nation ne fait le commerce en corps; ce font des particuliers qui le font pour leur compte perfonnel, fous la proteftion des forces &c des loix narionales : les comproirs ne font pas des établiifements qui appartiennent endomaine utile au peuple qui les protégé. La fouveraineté fur ces établiifements , fur les propriérés privées des fujets qui y ont des maifons de commerce, qui y ont acquis des portions de terrein ou des habitations, eft lome XIJI\ P,  338 Procés des Jéfuites , bien dans la main du corps de la nation ou du fouverain qui la gouverne , mais cen'eft qu'a titre de protection,& pourle rnaintien de Ia police Sc du bon ordre. Chez ies jéiuites , au contraire , c'étoit la nation qui faifoit le commerce , Sc qui ie faifoit pour fon propre compte. Les comptoirs appartenoient en pleine propriété, en domaine utile & privé, a la nation même , a la fociété en corps. Or cette nation vouloitcommercer avec. 'tout 1'univers , d'après les principes de fon régime ; vouloir , en conféquence, que rous ceux avec qui elle négocioit , fulfent liés vis-a-vis d'elle, fans fe lier elle-même avec eux, a moins que cette réciprocité ne lui füt utile. Elle vouloit pouvoir recueiilir rout le prohr du commerce de chacun de fes comproirs , en difpofer , s'en fervir pour fes befbins généraux &C particuliers, en un mot 3 le deftiner a tel ufage qu'elle jugeroit a propos \ Sc dans le cas oü un de ces comptoirs viendroit a ïoufrnr quelque échec , abandonner aux créanciers , pour tout paiement, les biens fonds qui y auroient été annexés, après l'avoir dépouillé , lorfqu'il étoit opulent, de tout le mobilier qui auroit fait la süreté des prêteurs , fi 1'on eut eu la bonne foi de 1'y laiffer.  a Voccafion Meur commerce. 3 3 9 La fociété a pronte des fuccès bnlïants du P. de la Valette r des révolutions imprévues ont expofé a des pertes les entteprifes téméraires de ce jéfuite , de ce facteur de fa compagnie & elle vouloit réduire les créanciers de ce commerce i Phypothèque des feuls biens de la Martinique. Mais cette maifon étoit-elle autre chofe qu'un des comptoirs de la fociété ? Etoir-elle autre chofe qu'une cailTe oü 1'on pouvoit fans doute fe préfenter pour toucher, mais qui n'étoit pas la feule , & qui ne déchargeoit pas tous les autres biens de la compagnie ? . _f ? Prenons ici pour juge, diioit M. le Gouvé,non pas le régime de la fociété, mais tel d'entre fes membres que 1'on voudra choifir j qu'on lui préfenre , fous ce point de vue, la queftion qu il s'a^it ici de décider, qu'on lui laiffe ianorer qu'il y eft intérene au moins pÖar 1'adhéfion aveugle qu'il doit a la volonté & aux opinions de fes fupérieurs ; qu'il la rapproche des principes de la loi naturelle, de la rehgion ; & de la politique ; il prononcera, fans balancer , que toutes les nations font intéreffées a étouffer un fyftême fi contraire a la foi publique , a, la süreté du Pij  34,0 Procés des Jéfuites ,. commerce , a la difpofition des loix l aux premières régies de la juftice diftriburive. Mais , difoit le P. de Sacy , dans cette déciaration dontilatant été parlé, li la fignature feule du P. de ia Valette pouvoit engager tous les biens des jéfuites, un limple fupérieur auroit donc eu la liberté de ruiner l'ordre entier , d'anéantir les érabliffements que ce corps polfédoir en France, Sc qui, formés par les libéralités des fondateurs , autorifés par les deux puiffances , fubfiftoient fous la protection des loix Sc canoniques Sc civiles. Plufieurs réponfes détruifent cette objection : Quand un fupérieur aütorifé par fon général, comme 1'étoit le P. de la Valette, contractoit un engagement' , ce n'étoit point un particulier qui contractoit , c'étoit le général luimême. Or que le P. de la Valette ait agi fous Pautorité , Sc de Pagrément du régime Sc du général , c'eft ce qu'il n'eft pas poffible de révoquer en doute, après les preuves qui en ont été fournies dans tout ce qu'on a lu jufqu'ici. On a démontré que ce commerce n'a pu être ïgnoré par 1 eclat qu'il faifoit dans toute.  I £1'occafion de leur commerce. 341 1 1'Europe , & par la correfpondance que. le P. de la Valette n'avoir celle d'entre- tenir avec le régime , qui n'avoit Geilede 1'approuver, de le combler d'eloges, de le protéger & de le défendre contre : les attaques du gouvernement qui 1'avoit I voulu interrompre , & qui n'avoir conj fenri au rerour de ce jéfuite commer>, cant dans fon comptoir, que fur la proI mefle des fupérieurs qu'il cefferoit fon I commerce fcandaleux & pernicieux: I mais ces promeffes ayant été faites dans j le fens des conftitutions & de la morale. j des compagnons de Jéfus , elles n'eurent I aucun effet; le commerce continua , &C I le régime le protégea. La vérité de tous I ces faits a été portée jufqu'a 1'évidence. D'un autre cóté , il a été démotitre I que route 1'autorité du corps des jéfuiI tes réfidoir dans les mains_ du général. I Lors donc qu'il conrraéloit , ou quel| qu'un en fon nom , par fes ordres^ 011 I de fon confentement, c'étoit lui-même j qui contraéboit , & c'étoit lui qui fe f trouvoit engagé , & par lui; le corps 1 entier. Si le corps étoit engagé , comI ment tous fes biens n'auroient-ils pas ij répondu ? Si, parmi les poffeflionsdes jéfuites, I il étoit des colléges , des féminaires Piij  342 Proces des Jéfuites ; dont ils ne fuflent pas véritablement • propriétaires , foit que ces établiifements euflent été fondés par des rois , foit qu'ils appartinifent aux villes, foit que les fondateurs les euffent grevés , en les appliquant a une deftination fixe , déterminée & locale ,- ce n'étoit pas pour ce genre de biens que les jéfuites devoient s'alarmer, puifque les créanciers ne demandoient a porter leurs exécutions que fur les biens & les effets appartenant librement a la fociété. Or elle en poffédoit une infinité de cette nature. Peut-être , difoit M. le Gouvéaura-t on a faire quelques diftinóbions a cet égard , mais elles nepeuvent regarder que 1'exécution de 1'arrêt -? il s'agit , quant - a-préfent , ajoutoit-il, de prononcer fur le mérite/ de I'action en elle-même. D'ailleurs , continuoit - il , il n'efl point a craindre que les engagements du P. de la Valette , quelque confidérables qu'ils foient, entament affez les. facnhés de la fociété, pour lui faire perdre aucun de fes colléges , ou aucune de fes maifons. Les fommes immenfes que le P. de Sacy convient lui-même avoir tirées defacaifle particuliere pour la maifon de la Martinique, iSc" qui >  d t'occafion de leur commerce 143 felon lui, le nndent fans contrciuU principal créancier de la mcufon.peuvent faire juger de 1'opulence & de Quand ils feroient réduus a celles que kur fournk ce commerce enorme que fait la fociété dans les quatre parti es du monde, elle feroit f l ab de la révolution qu'elle feint d'apprehender. Mais , quand cette crainte auroit étéLdée^uandilauroit fallu facnfier quelques-uns de fes etablifiements, quand il auroit fallu facnfier tout ce qu'elle pofsède en France , auroit-ce ete uLrionpourladifpenferd'acquurer les enaacements qu'elle avoit contrales \on\zV. de Sacy,\* rehgion & 1 et„c étoient intérelfés a la confervation des maifons de la fociété : mais la religion, dont la juftice eft le premier attnbut , veut qu'on paie fes dettes:; 1 et ar, qui ne trouve fa force que dans le bien erre de fes fujets , ne peut pas permettre qu'ils foient expofesa être ruines pat une communauré de religieux qui auroit la liberté d'emprunter, 5c le droit de ne pas rendre. Quand une commnnauté a contradé des engagements, elle eft tenue, comme les particuliers , de  3 44 Procés des Jéfuites "; les acquitter avec les biens qu'elle pofsede , de quelqu'origine qu'ils lui foient venus. Si fes engagements vont a épuifcr routes ces po!feffions, ou a ies diminner tellement qu'elle foit hors d'état de fe foutenir, on 1 eteint; tk les biens qui reffient, aprèsles dettespayées, on les donne a d'autres communautés , que 1'on charge d'acquitter ies fondations , autant que le component les biens qu'on leur remet. LesVondateurs » ont point a fe plaindre ; ils doivent s'impurer d'avoir choifi de mauvais adjruniftrateuBs; tk puifqu'ils ont donné leurs biens a unecommunauté qui pouvoit s'obliger, ils ont dü prévoir qu'elle pourroir s'obliger jufqu'a les épuifer. _ Ces confidérations , qui fetoient décifives contre toute autre communauré que celle des jéfuites, acquéroient de nouyelles forces quand on les leur appliquoit; paree que , de tous les ordres religieux qui exiftent, ils étoient celui qui pouvoit ie moins invoquer la ftabilité de fon établiifemenr, & fe plaindre de ce qu'on auroit renverfé 1'ouvrage des deux puiffances, en le forcant de payer des dettes qai auroient abforbé tout ce qu'il pofsèdoit. En effet j quoique les jéfuites euffent  dH occafion de leur commerce. 34^ en France , plus de maifons qu'aucuns autres religieux , & que , par-la , on fut accoutumé a les regai;der comme formant le corps le plus ferme 8c le plus inébranlable qui für dans 1'état ; il eft néanmoins cerrain qu'ils n'éroient en France que de fait , mais précairement Sc condirionnellement, que le contrat de leur réception n'étoit pas parfair „ qu'il éroit réfoluble , enfin qu'ils n'y étoient que tolérés, Sc non adoptés. C'eft ce qu'il eft facile d'établir, en préfentant un tableau raccourci des titres fur lefquels portoit leur exiftence parmi nous. Ils obtinrent, au mois de janvier 1550, des lettres-patentes qui leur permettoient de batir un collége k. Paris, & non es autres villes du royaume. On les préfentaau parlemenr pour être enregiftrées; les gens du roi requirent qu'il fut fait des remontrances au roi , pour le fupplier de rerirer fes lertres. IL fur ordonné qu'avant de ftatuer fur ce réquifitoire s 1'évêque de Paris , Sc ls faculré de théologie donneroient leu£ avis. Euflache du Bellay, lors évêque de' Paris , jugea que les bulles obtenue» jufqu'alors par les jéfuites contenoient plufieurs chofes értanges & alie'nées de: P ¥  346 Procés des Jéfuites 3 raifon , & qui ne devoient être tole'rees ni recues en la religion ehretienne. II rédigea fes motifs en clouze arricles, defquels il ccnclut qu'on ne devoit point recevoir la fociété des jéfuites dans le royaume. II ajouta que, comme les bul» les attribuoienr a I'inftitut , pour fin principale , de travaiilsr a la eonverfion des intidèles au dela des mers , il falloit les établir fur les frontières de la chretienté, & non au milieu d'icelle : auffi , difoit-il , y auroit-il beaucoup de tems. perdu & confomme' d'aller de Paris a. Conftantinople y & autres lieux de Turquie.. La faculté de théologie , après avoir détaillé les différents motifs qui la déterminoient contre l'admiffion de Ia. fociéré, les réfuma en ces rermes: CetteJocie'té eft dangereufe pour la foi; elle ne peut que troubler la paix de l'eglife, renver fer rordre monaflique; elle eft ne'epouf dètruire , & non pour édifier. Sur ces avis, le parlement prononca qu'on ne pouvoit ni devoit paffer a leur réception & autorifation. II ne paroit pas que les jéfuites aient fait, depuis , aucun mouvement fous Henri 1I9 pour parvenir a leur établiffement dans le royaume. Mais ils reprirent leurs  a t occafion de leur commerce. 3 47 pourfuiresdès qa aucune t „ & renoncant au préalable & par ex5, prés, a tous privilèges portes dans leurs „Uês auxchofesfufdires contraires i „ autremcnt d faute de ce faire, ou que, „ pour Tavenu ils enobtienncnt d autres „ te prefemes demeur,ront nulles * fenul ."^ Int. De tous. les moyens & inftru* » ments defquels fe font fervis ceulx ■» qui, de fi longue main. ont afpiré. i  a F occafion de leur commerce. 3 <; 3 « 1'ufurpation de cet état,& qui main„ tenant ne cherehent que la ruïne SC » diffipation d'icelui, ne pouvanr parvenir plus avant, il s'eft aperrement » recongnu, auparavanr l'émotion &C „ pendant tout le cours des prefents \h troubles , le rainiftère de ceulx qui „ fe difent de la fociété Sc cougrégation „ du nom de Jéfus, avoir été le mou» vement , fomcntation & appui de » beaucoup de finiftres pratiques , delh feings, menées, eritreprinfes Sc exe» curion d'icelles, qui fe font braftes „ pour 1'éverfion de Pautorité du ue» funt roi, dernier décédé, notre rreshonoré fieur Sc frère , Sc empêcher » 1'établiiTement de la notre ; lefquelles » pratiques, menées , deffeings & en» treprinfes fe font trouvées d'aiitant » plus pemicieufes, que leprincipal bun » d'icelles a été d/induife Sc pèrfuader » a nos fujets fecrertement & publique.„ ment , fous prétexte de piété , la h» bené de pouvoir attenter a la vie „ de leurs rois : ce qui s'eft mant' » feftement découvert en la très-inhu» maine Sc trés-deloyale réfolution de » nous tuer, prife en 1'année dernière » par Pierre Barrière ...confirrnée Sc au„ torifée par la feule induótion & mili-  3^4. Procés des Jé/uit es , » gation des principaulx du collége de » Clermont de cette ville , faifant pro« feflion de ladite fociété & congré» gation; & récentement par 1'attemp» tat qu'un jeune garcon , agé de dix» huit a dix-neuf ans , nommé Jchan » Chafld, enfant de cette ville , a fait » fur notre ptopre perfonne ; lequel « Chafld nourri & eflevé depuis quel» ques ans , & fait le cours de fes étu» des au collége dudit Clermont, a » donné aifément a cognoitre que, de » cette feule efcole , eltoient provenus » les inftructions , averriffements & » moyens de cette damnable volonté , » comme il s'eft depuis vérifié par inf" truétion en procés criminel fair a Ia »' requêre & pourfuite de notre procu»' reur général , en notre cour de par» lement , & par les interrogatoires , " confeffions dudit Chaflel , & con» frontation d'icelui avec Jehan Gueret, »» prêtrefoi-difant de la fociété ; comme *> auili de Pierre Chaflel & Denife » Hayatt , père & mère dudit Jean " Chaflel; par lefquels ceulx de ladite j " congrégarion fe fonr trouvés partici» pants de ce déteftable & très-cruel " parricide: Outreque, par ies efcripts " qui fe font depuis ttouvés és mains  a Voccafion de leur commerce. 3 <; 5 de Jchan Guynart, 1'un des régen» ' dudit collége & de la même fociete, \ on a recognu qu'avec tant d'immete que d'inhumanité, ils mamnennent , être permis aux fugjets de tuer leur , roi: pour raifon de quoi ledit Guy„ nart ayant été publiquement execute, Sc recognoitfant combien pernicieuie „ Sc dangereufe eft la demeure Sc iék jour en notre royanlme de ceulx qui par fi exécrables & abominables t moyens, en procureur & pourfuivent fa ruine avec la notre j apres avoir " mnrement, &c avec 1'advis des prnv " ces de notre fang , officiers ce notre „ couronne , Sc plufieurs feigneurs Sc „notables perfonnes de notre conïeil, délibéré fur le fait dudit affaflinat , " Sc des caufes , circonftances Sc eonféquences d'icelui, fuivant 1'arrer de ]. notre dite cour, Nous avons dit , „ déclaré Sc ordonné , Sc par ces prefentes, difons , déclarons Sc ordon, nons , voulons Sc nous p aift que les preftres Sc efcoliers du college " de Clermonr, Sc rous aurres foy-diï " fanr de ladite fociété Sc congrégation, " en quelque lieu & ville de notre \ royaulme qu'ils foient, comme corl rupteursde la jeuneffe, perturbateuw  3 5 6 Proces des Jefuitès , « dn repos public , & nos ennemis & j3 de i'eftat 5c couronne de France , en yinderonr dans trois jous après que -j Ie commandement leur en aura efté j> fair, en quinze jours-après de notre „ royaulme; &que, ledit tems paffé, „ oü ils feront trouvés , qu'ils foient pimis comme criminels coupables du „ crime de lefe-majelfé ; les declarant „ dès-a-préfentindignespoue-ffeurs des biens tant meubles qu'immeubles ,, qu'ils tiennent en notre royanime, „ lefquels nous voulons eftre employés j, a ceuvres pytoyables, felon que , par „ les donataires d'iceulx ils ont été „ deftinés , & la diftriburion que nous „ en ordonnerons ci-après. Faifons en „ oultre rrès - expreffes inhibitions & „ déf-enfes a tous fugjets , de quelque „ eftat , qualité Sc conaition qu'üs „ foiént, d'envoyer des efcoliers aux „ colléges de ladite fociété qui font ,, hors de notre royatilme pour y eftre mfrrairs , fur la mème peine de „ crime de lèfe-majefté. Sy doniions en „ mandement a nos araés & féaulx „ confeillers , les gens tenant notre „ cour de parlemenr de Rouen , qUe „ ces préfenresils aienr a vériiier, faire „ lire, publier 5c enregiftrer par' tous  a ? occafion de leur commerce. 357 „ les batlüagcs , fénéchauflees & ji rif„ rifdictions de leur reffort, &c le cou„ renu faire exécuter , garder , enrreL cenir , & obferver pleinement Sc pai„ fiblement, en chacun des lieax de L nocredit reffort , ceifant Sc faifant „ ceflertous troubles Sc empêchements „ au contraire. Car tel eft notre plai„ fir , en rémoing de quoi nous avons „ fait mettre notte fcel a cefdites pré„ fentes. Donné a Paris le feptième „ jour de janvier , Pan de grace mil „ cinq cent quatre-vingtquinze, Sc de „ notre règne le fixième t Signét Henri „ „ Sc fur le repli par le roi Pottier , Sc , „ fcellc fur doublé queue du grand ' fcel de fa majefté en cire jaune. „ Er a cofté fur le reply, eft efcript: „ Lues , publUes & regifirées esregiflres , de la cour: oy & requérantle procureur„ général du roi pour être exécutées , & le „ contenu en icelles gardé & obfervéfelon „ leur forme & teneur ,fuivant V arrêt de „ ladite ceurt de ce jcurd'hui. A Rouert . „en parlement, te vingt-unihne de jan„ vier mil cinq cent quatre-\ingts-quin%e.  3^8 Procés des Jéfuites, Extrait des regiftres du Parlement de Rouen. *< Sur' les lettres-patentes Sc déclara- > tions du roi données a Paris le fep „ tième jour de ce préfenc mois Sc an , „ allencontre tant des prêtres Sc écoliers du collége de Clermont, que tous I „ foy-difant de la fociété Sc congréga- tion du nom de Jéfus , étant en ce ' ,, royaume , après que lefdites lettres „ ont été judiciairement lues & pu- bliées , & oy Thomas pour le proeu- reur général du roi: la cour a ordonné I „ Sc ordonne que, fur le reply defdites I lettres - patentes , fera mis qu'elles ,, ont été lues, publiées Sc enregiftrées, | .„ oy & requérant le procureur général i 3, du roi pour être exécutées , & Ie con- 1 3y tenu en icelles gardé Sc obfervé felon fa forme & teneur , & que , fous Ie „ bon plailir du roi, la maifon & au- tres biens tant meublesqu'immeubles jj de ceulx de ladite fociété, qui font en-refte recouvré , feront deftinés i I „ Pédification d'un collége en cette „ ville, pour y inftruire la jeunefie aux ,, bonnes mceurs , en la crainre de „ Dieu, Sc obéififance du roi j &c fera ;  a Voccafion de leur commerce. 3 5 9 „ le vidimus defdkes lettres imprimé & envoyé , avec le préfent arrêt, par „ les bailliages de ce refTorr, poury êrre „ pareillement lues & publiées, a ce „ qu aucun n'en prétende caufe d'igno. „ rance. Extrait des regljlres du Parlement de Dijon. „ Lues , publiés & regiftrées, oui & ce requérant le procureur général du „ roi, a la diligence duquel tk de fes „ fubftituts, les biens meubles de ceux „ qui fe difant de la fociété du nom „ de Jéfus feront invenroriés & faifis , „ tk le revenu de leurs immeubles faifi „ & régi par féqueftres qui feront a „ ce établis, & le tout employé felon „ la volonté des donateurs , & ainfi qu'il fera ci-après ordonné par la cour; „ enjoinr aux fubftituts , chacun en „ droit foi , de certifier en icelle dans „ un mois de leurs diligences , & fait „ inhibkions & défenfes a toutes per„ fonnes , de quelque qualité qu'elles „ foient, de troubler & empêcher lef„ dies féqueftres en leurs charges , a „ peine de rous dépends , dommages „ & interets»& de Tarnende arbitraire-  %6o Procés des Jéfuites , ment ; & feront les copies defdites lettres & extrait du préfent arrêt en„voyés, a la diligence du procureur„ général du roi, par rous ies bailiiaj, ges, fièges particuliers-, de ce reffort, „ pour y êrre pareillement lues , pu„ bliées & regiftrées , a ce que perfonne „ n'en prétende caufe d'ignorance. Fait 9, en parlement a Sémur (i), le jeudy „ feizième de lévrier 1595. Extrait des regijlres du Parlement de Bretagne , du 11 février 1595. La cour , toures les chambres af'., femblées, délibérant fur les lerrres„ patentes du 7 janvier, Jtgnées Heuki 9 ék fur le repli Pottier , & fcellées j, de cire jaune a doublé queue, concer5, nant le banniffement des prèrres 8c 9, écoliers du collége de Clermont, Sc „ tous autres fe difant de la fociété &C „ congrégation du nom de Jéfus, en 3, quelques lieux & villes de ce royaume „ qu'ils foient. Vu lefdites lettres , arrêt 5, de la cour de-parlement de Paris donné „ contre Jean Chdtel, étudiant audit . (i) Ie parlement de Dijon éroit alors iean.t a Sémur, i> collége  - a F occafion de leur commerce. i6l '* collége des jéfuites , du 29 décembre s' dernier, les conclufions du procureur. \ général du roi; a été arrêté que lef t dites lettres patentes feront lues jf \ publiées & enregiftrées au greffe de I la cour, 5c que copies d'icelles feront \ envoyées aux fièges royaux de ce ref% fort, pour y ctre pareillement lues , „ publiées 5c enregiftrés, a ce qu'aucuns „n'en prétendent caufe d'ignorance». Cependant, ce bon prince , follicité vivement par le pape , fans ceffe agité de la crainte de nouvelles entreprifes contre fa perfonne tramées par cette fociété qui, comme il le difoit au dnc de Sully, ont des intelligences & des correfpondances par-tout, & grande dextéfité d difpofer les efprits ainfi qu'il leur plait , donna la déclararion contenant leur rappel. Elle eft du mois de feptembre 160$ , & porte que « le roi „ defirant fatisfaire a. laprière qui lui a 5, été faite par le pape , pour le rétabliffement des jéfuites en fon royain „ me , 5c a aucunes autres bonnes 5c „ grandes confidérations , a accordé a „ toute la fociété 5c compagnie defdits „ jéfuires qu'ils puffent 5c leur foit s, loifible de demeurer Sc réfider es „ lieux oü ils fe trouvent a préfent ctaTome XIII. Q  3 6" 2 Proces des Jéfuites , „ blis dans le royaume; a fcavoir ès Jt villes de Touloufe, Auch , Agen , • 1 Rhodez , Bordeaux , Périgueux , Limoges, Tournon , le Puy , Aube„ nay &c Beziers : tk outre ces lieux , 3, le roi, en faveur de fa Sainteté , & „ pour la fingulière affection qu'il lui s, portsit , leur permit de fe rétablir 3J dans les villes de Lyon , Dijen , ik „ particuliérement de fe loger en la I maifon royale de laElèche en Anjou , I j, a la charge toutes fois : j, t°. Qu'ils ne pourroient s'établir s, en aucun autre lieu ou ville du 3y royaume , fans une permiffion ex- j S3 preffe du roi, a peine d'ètre déchus „ du contenu en la grace que le roi „ venoit de leur accorder ». II eft vrai, comme le remarqua M. 1'avocat général Joly de Fleury , en rendantcompte, auxchambres affemblées, de I'inftitut jéfuitique , que cela eft de droit ; tout nouvel établiflement de tous ordres recus & autorifés ne fe peut faire que de Pautorité du roi, & par lettres patentes regiftrées dans les cours: mais ce magiftrat négligea d'obferver que, quand un ordre forme un nouvel établiffement dans un lieu , fans y être autorité d'une maaière légale, cet éta-  d t occafion de leur commerce. 3 63 bliflement feulement eft diftous & détruit , fans que -les autres, qui appartiennent a cet ordre en fouffrent aucun préjudice : mais ici, toute la fociété de Jéfus doit être privée de la grace conténue dans la déJararion , fi elle forme un feul établiflement qui ne foit pas légal. Or de quelle grace s'agit-il? C'eft du rappel de la compagnie en France. Elle en eft donc bannig ipfofatlo, fi elle a manqué a cette condition, & combien de fois ne 1'a-t-elle pas enfreinte ? « z°. II n'y aura, dans le royaume , „ d'autres jéfuites, même de reóleurs M & de provifeurs , qui ne foient 11a„ turelsFrancois,fansqu'aucunétranger „ puifle être admis ni avoir lieu en leurs 3> colléges 5c réfidences, fans la per„ miffion du roi; &c ceux qui pouvoient 3, y être alors étoient tenus , dans rrois j> mois après la publication des lettres', " „ de fe retirer en leurs pays; le roi dé» claranr routefois qu'il n'a enrendu » comprendre en ce mor d'étrangers , >> les habitants de la ville 5c conaté d'Aj> vignon. » 30. Ceux de la fociéré doivent avoir M auprès du roi, un d'entr'eux qui foit » naturel Francais , fuffifaninlent ap» prouvé pour fervir de prédicateur, Sc Q ij  364 Procés des Jéfuites , » répondre au rei des aclions de fes com- si pagnons. » 4°. II étoit enjoint a tous ceux qui «5 étoient, pour lors, membres de la foj> ciété , Sc qui y feroient recus clans la 5> fuite , de faire fermenr pardevant les » juges des lieux, de ne rien faire ni „ entreprendrecontre le fervice du roi, j> la paix publique & le repos du » royaume , fans aucune exception ni « réfervation ; Sc il eft enjoint aux ju>■> ges d'envoyer les acres Sc procèss> verbaux de ces ferments entre les « mains de M. le chancelier; & ceux 35 qui refuferont de prêter ce ferment 33 feront contraints de vuider le royau3» me », » 5°. Aucun membre de ladite fos> ciété 3 foit qu'il n'ait fait que des 33 vceuxlimplesjfoit qu'il en ait faitd'au33 tres , ne pourra acquérir aucun im>7 meuble dans le royaume , par quel» que voie que ce puiffe être , fans la «• permiftion du roi. L'exclufion des 33 fucceffions eft prononcée contre eux; 9> fauf la liberté de rentrer dans leur§ 33 droits , s'ils avoient été licenciés Sc «* congédiés. 33 6°. La fociété ne peut recevoit p d'imrrieubles de ceux qui font prq-  & Voccafion de leur commerce. 3 6 5 feffion , leurs biens paffen: a leur* 8, héritiers , ou a ceux en faveur de °, qui ils en auront difpofé par tefta„ ment. „ 70. Les jéfuites font afTujettis, en tout Sc par-tout, aux loix du royaume, ,, Sc jufticiables des officiers royauxt " aux cas Sc ainfi que les autres eccléfiaftiques Sc religieux y font fujets. „ 8°. Ils nepourrontentreprendrene faire aucune chofe, rant au fpitituel „ qu'au temporel , au préjudice des 5, évêques , chapitres , curés Sc uni„ verfités du royaume , ni des autie» „ religieux; ains fe conformeront au 3 droit commun. „ lis ne pourront pareilleraent prècher, adminiftrer les faints facre„ ments, ni même celui de la confeffion , fi ce n'eft par la permiffton des „ évêques diocéfains des parlemenrs <„ auxquels ils font établis par les let„ tres; fcavoir de Touloufe , de Bor\\ deaux Sc de Dijon , fans que cette „ permiffion fe puifïe étendre pour le ti parlement de Paris, excepté ès villes„ de Lyon & de la Flèche „ oü ils ' avoient permiftion de réfider Sc exer„ eer leurs fonótions comme ès autres „. lieux qui Uur étoient accordés. Enh»  3 &6 Proces des Jéfuites, s, tous les biens qu'ils avoient avant leur expulfion leur font reftitués ». Ces lettres furent portées au parlement la veiüe des vacations , & 1'affaire fut remife après la faint-Martin ; il n'en fut même queftion qua la fin du mois de novembre. Le roi manda au louvre une députation des préfidents &c confeillers, pour leur notifier qu'il vouloit être obéi. Le regiftre du parlement Jious apprend que, fuivant le récit que le premier préfident fit a la cour, le ij décembre , il avoit auffi été mandé a Pontainebleau , oü il avoit recu de nouvelles plainres fur les retardements qu'on apporroit a 1'enregiftrement. Il ajotita que le roi lui avoit dit « qu"y '„ ayant mürement penfé & délibéré , „ il avoit réfolu de les permettre ( les „ jéfuites ), & faire que ceux qui font „ demeurés en ce royaume y foient par ,j fa volonté , vivant fous fes loix , ce „ qu'ils ne faifoient pas ». Enfin le 17 décembre , la grand'chambre , la tourneile & la chambre de 1'édit affemblées , on y lut les lettres patentes & les conclufions du procureur général. Le premier préfident fit le récit de ce que le roi avoit déclaré,. Sant au louvre qu'a Fontainebleau. Le  k V occafion de leur commerce. 3 67 ,8 il fut ordonné que très-humbles temontrances feroient faites au roi, 8c mifes par écrit. Le roi ne voulut pas les recevoir par écrit, & ordonna qüelles fuffent faites de vive-voix. Ceiut Jchliles des Harlay, premier préfident, qui les prononca deVant le roi & la reine. Elles commencent par expofer que 1'étabiirlemenr des ïéfuites, en ce royaume , fut juge li pernicieux , que tous les ordres s opponent d leur réceptlon , & le decret de forbonne fut que cette fociété etoit aitrodutte pour deftruüion , & non pour edftcaüon. Si elle fut approuvée en 1561 , en 1'affemblée de Poifly , ce fut avec tam de claufes & de refltictions, que s ils euffent été preffés de les obferver , Ü eft vraifemblablc qu'ils euffent bientót change de demeure. D'ou le parlement conclut qu'ils n'ont été recus que par provifwn. ■ Ces remontrances atteftent qu'on n'en portoit pas un jugement plus favorable en 15 f 4. Dès-lors ils pretendoient s'exempter de toutes puiffances tant feculieres qu eccléftaftiques. Les gms^ du rol, & tous les ordres eftimlrent necejfaire les retenir avec cautions , pour empêcher la Ücence dès-lors trop grande en leurs aclions La prédicllon eft fort Qiv  358 Proces des Jéfuites, expreffe au plaidoyer des gens du rot i | qui leur afffioient pas , qu'il étoit befoin d'y pourvoir, afin qu'il nadvint p'^s que ] fe qu'ils voyoient des-lors. De-laleparlemenr palïe ala doclrinè I meurtrière des rois & aux maximes les I plus propres a fubvertir les fondements \ de la puiflance & autorité royale , que '■ les jéfuites répandent de vive-voix Sc par écrit. Comme le nom cV le vceu de leur fociété eft univerfel, auffi lespropofiiions en leur doclrinè font uniformes. Cette doclrinè efl commune d tous, en quelque lieu qu'ils fiolen;. ■ Les remontrances contiennent enfuite les rédexions les plus fages Si les mieux fondées fur ce fujet. Les jéfuites qui demeuteront dans le royaume, ou adopteront ces maximes ; Sc alors Ie xoi le fourfrira-t-il ? Ou ils les abjureront, dans ce cas , « croyez-vous , dk le parlement , qu'ils puiffent avoir une bonne doébrine faifant part ,, de leur religion bonne pour Rome „ Sc pour 1'Efpagne ; Sc toute autre „ pour la France , qui rej'ette ce que les autres recoivent , & que allants Sc retournants d'un lieu a un autre, „ ils le puiffent dépofet & reprendre ?• 33 S'ils difeut le pouvoir fake pat quel--  a Voccafion de leur commerce. 3 69 * que difpenfe fecrette-- qu'elle aft** rance prendrez - vous en des ames „ nourries en une profeflïon qui, par ' la divetfité & changement des lieux , & fe rend bonne & mauvaife » ? " Ces prédicareurs de maximes pernlcieufes les ont répandues , & ds ons infefté leurs élèves jufqu'au point qu ils ont gaté les jeunes théologiens qui ont 'fait leurs études en leurs colléges, Sc qu'a préfent la forbonne leur eft favora- lle. T Ce n'eft pas feulement par leurs maximes qu'ils fe font rendns coupables , mais encore par leurs déportements & leurs pratiques déteftables. C'eft ce qui conduit le parlement i rappeller fommairement certains faits „ comme celui de Barrilre rrftruit par Farade , & qui confejfa avoir recu la communionfur le ferment fait entre les mams: de ce jéfuite , tTapffiner le roi, celui de Cuignard) celui de Jean Chdtel qur attira 1'expuKion de la fociété r ce qut donne occafion au parlement d"expnmer fes alarmes fur la vie du roi. « Que w n'avons-nous point acraindre , du-U» 3> nous fouvenant de ces méchants Sc '„ déloyaux acces qui fe peuvent faclle^, ment srenoaveller ?.■ S'if nous. fauff  37° Procés des Jéfuites, paffer nos iours fous une crainte per- j, pétuelle dVvoir votre vie en hafard „ quel repos trouverons - nous aux vö- jj tres ? Quel regrer a vos fujets de voir „ entre nous tant d'ennemis de cet étac M 5c de conjurareurs contre votre ma- x, jefté => ! Les rernonrrances indnuent que les jéfuites avoient auffi été conjurateurs contre la vie du feu roi, ayant été , de fon règne, les auteurs & principaux minifires de la rebellion, & non innocents de fon parricide. Les jéfuites éludoient ces impurations , en difant que les fautes paifées ne doivent pas être relevées , èc qu'il y avoit eu d'autres ordres que le leur qui avoient non moins falli qu'eux^ Mais le parlement fair voir que , dans; les autres ordres 5c compagnies la faute n'a pas été univerfelie : mais ceux de la; fociété font dt meur és fort unis & refferrés en leur rebellion, & du tems de la ügue, aucun de fes membres n'a fuivi le roi , mais eux feuls fe Jont rendus les pluspartiaux. . . . _ Odo, l'un de leur fociété , fut chef! par les feize conjuréspour leur chefi Pour prouver que, ce que les jéfiuies ont été en France x ili 1'oax été aufS  d V'occafion de leur commerce. fyt , 'dans les autres royaumes , on cite fpecialement leur conduite en Portugal. Enfin , après un expofé fornmaire des raifons qui ont retenu le parlement de faire publier les lettres patentes , crai* criant\ difent les magiftrats, qu il ne nousfüt juftement reprochéd'avoir trop facilement procédé a cette vénficauon , ils aioutent : « Nous vous fupphons trés - humblement les recevoir en ' bonne part , & nous faire cette o-race , quand vous nous comman" d.ez quelque chofe qui nous femblé " en nos confciences ne devoir s'exécu" ter, ne juger défobéiffance ledeyoir que nous faifons en nos états , d'au" rant que nous eftimons que ne ls " voulez , finon d'autant qu'elle eft jufte & raifonnable : ... que ne fe" rez offenfé de n'avoir point été obei»». " M. de Thou , hiftöire univcr felle , ■ liv'. 131 , nous apprend que « le roi „ répondit a. ce difcours; avecbeaucoup de douceur , remercia , en termes pleins d'affecTion , fon parlement da " zèle qu'il montroit pour fa» per* fonne , & pour lasureté du royaumes quant au danger qu'tl y avoit a rétaer >y blir les jéfuites * ü témoigna< fea metrxe fort peu en peine , & réfiua  37'2 Proces des Jéfuites, y, fans aigreur les raifons alléguées.acft fujet. II dit qu'il avoit mürement: 3, penfé Sc réfléchi fur cette affaire, Sc 3, s'étoit enfin déterminé a rappeller la. 3, fociété bannie du royaume; qu'il ef3, péroit que , plus on 1'avoit jugée cri* minelle dans Ie tems ,. plus elle s'ef3, forceroit d'ètre fidelle après fon raps, pelque , pour le péxil qu'on fe fi33 guroit, il s'en rendroit garant -..qu'il; 3, en avoit deja bravédeplus grandspar ,, Ia grace de Dieu , & qu'il vouloit 3j que tout le monde fut en repos par 3, rapport a celüi-ci : qu'il veilloit au, 3, faiut de tous fes fujets; qu'il'tenok 3, confeil" pour eux tous ; qu'une vie 3, aulii traverfee que la fienne lui avoit: 3, donné affez d'expérience pour être. en état d'en faire des lecons aux plus, ,, habiles de fon royaume ; ainfi qu'ils. 3, pouvoient- fe repofer fur lui dü foim 33 de fa perfonne Sc. de 1'état,. & ce a, n'étoit que pour le falut des autres 3, qu'il vouloit fe conferver lui-même.. 3, 11 finit comme il avoit commencé-,, ,, Sc il remercia encore une fois le par-3, lement de fon zèle & de fon affecj».' tion. „ J'ai été témoin , continue M. de» Tbou j dece difcours avec beaucoup»  ircuafiotide leurcommerce. 373, „ d'autres perfonnes • & je me fuis? „, étudié a en donner ici un extrait fi„ dele , pour faire voir k fauflèré de ^ larelation italienne , publiée , un an après , a Tournon en Vivarais: rela" tion ou 1'on a inféré bien des traits. '„ injurieux au parlement , dont aucun M ne fortit alors de la houche de ce bon, \, prince, Sc oü , furies, bruirs popularA, res , on lui fait dire des chofes puériles Sc des pointes miférables , pour. „ répondre a. certaines chofes auxquelr „ les Harlay n'avoit pas penfé (_i)- ft) Ce témoignage d'ün auteur refpeétabiepar fa place , par fes qualités perfonnelles , Sc par la confiance qu'on n'a jamais ceffé d'avoir en fes récits n'a pas empèchéles jéfuites, dans lesapologies qu'ils ont fait paroitre dermere» ment, de foutenir que la relation italienne ,, donrparie M.deThou,eftvra\&; &ils oppofent au témoignage de cet auteur , témoin oculane . & a 1'abri de tout reproche, les mémoires dë Vilhroy , l'hiflorien- Mathieu, Dupleix , le P. Daniël &c 1'abbé Lenglet du Frejnoy, éditeur des mémoires de Sully. Ils prétendent d'aiïïeur? quVlle eft ia mème , quant au fond „ que -.elle dont M. de 1 hou a rapporté la fubftanfï, Si c'étoit lii même crofe , il ne 1'auroit pas arguée de faux. II iuffira de la mettre fous les yeux du kaeur, pour lé convaiiicre qu'elle tft indigne du grand prince auqueL m 1'atuibue , qu'elle centiem des.faits co%-  374 Proces des Jéfuites, Malgré cette réponfe du roi, il y ent encore des difficultés. II y eut de nou- traires a tous les monnments hiftoriques , & des reproches déplacés contre une compagnie qui n'étoit conduite que par fon zèle & fon attachement pour un fouverain qui en ttiéritoit tant, & dont la vie étoit fiprécieulé: voici cette prétendue réponfe. « J'ai toutes vos conceptions & fervices *> en ]a mienne ; mais vous n'avez pas la » mienne en la votre. Vous m'avez propofé » des difficultés qui vous femblent grandes & » confidérables, & n'avez cette confidération » que tout ce qu'avez dit a été pefé par mot »il y a huit ou neuf ans. Vous faites les en» tendus en matière d'état, & vous n'y enten■n deir non plus que moi a rapporter un procés. 5» Je veux donc que vous fcachiez , tou» chant PoitTy, que fi tous euffiez auffi bien » fait qu'un ou deux jéfuites qui s'y trouvèjjrent a propos, les chofesy fuffent mieux *> allées pour les catholiques; on reconnur jj dès-lors, non leur ambition, mais bien leur » fuffifance, & m'étonne fur quoi vous fondez »1'opiniorr d'ambition en des perfonnes qui nrefufent les dignités Sc prélatures, quand » elles leur font offertes, & qui font vceu r> a Dieu de n'y afpirer jamais , & qui ne pré» tendent autre chofe , en ce monde, que de »fervir fans récompenfe rous ceux qui veulent » tirer fervice d'eux. Que fi ce mot de jéfuitess» vous déplait, pourqiioi ne reprenez-vous. » ceux qui fe difent religieux de la Trinité;. » & fi vous eftimez d'ètre auffi bien de hi » compagnie de Jefus qu'eux^ pourquoi se  aT occafion deteur commerce. 57^ velles lettres de juffion , datées du 27 décembre 1605. Elles furent appottées ndites-vous que vos filles font auffi bien ■n religieufes que les filles-Dieu a Paris, St v> que vous êtes autant de l'ordre du faint j) Ef'prit que mes chevaliers , & que moi ? 33 J'aimerois autant, & mieux x être appellé jé35 fuite , que jacobin & auguftin. 5) La forbonne , dont vous parlez , les x » condamnés; mais , gloire , que je tiens a grace , de les y j»établir; Si s'ils n'y étoient que par pro3> vifion , ils y feroient déformais par édit 8c w par arrêt. La volonti de mes prèdéceffeurs. j> les retenoit; ma volonté eft de les éta» blir. 3» L'univerfité les a contrepointés ; mais n g'a été ou pour ce qu'ils faifoient mieux que les » autres, témoin TafHuence d'écoliers qu'ils 3» avoient en leurs colléges , ou pour ce qu'ils 35 n'étoient kicorporés en l'univerfité , dont 33 ils ne feront maintenant refus, quand je 35 leur commanderai, Sc quand , pour le& 33 remettre , vous ferez contrahits de me lesi) amen der. 35 Vous dites qu'en votre parlement, les»» plus doctes-n'ont rien appris chez eux; Si 35 les plus vieux font les plus doSes r il efl vrai # » car ils avoient étudié devant que les jéjuisi tes.fujfent en France j, mais j'aj out dire qua  3 7 6 Proces des Jéfuites, « Ie 2 janvier 1604, par M. Aniréïïw » rault de M:ffe > confeüler d etat „ » les autres parlements ne parlent pasamfi , « ni même tout le votre ; & 1'on y apprend" j> mieux qu'ailleurs , d'oii vieni que par leur » al f nee Votre unïverfitè efl rendut toute s) diferte , & qu'on les va clurcher , non obf 3» tant vos arrêts % a Douay , 6* hors de mon x royanmt. 3) De les appelier compagnie de factieux J v> pour ce qu'ils ont cté de'la ligue , c'a été w I'injure du tems. Ils croyoient y bien » faire , comme plufieurs autres qui s'étoient » mêlés dans les affaires de ce tems-la ; mais » ils ont été trompés & décus avec eux , & » ont reconmi tout le contraire de ce qu'ils j> avoient cru de mon intention *. Mais je veux y> croire que q'a été avec moins de malice» que les autres , & tiens que les mêmes x confeiences, jointes aux graces que je »leur fais , me les affectionneront autant 8c » plus qu'a la ligue.. 3) Ils attirent, dites-vous , les enfants qui t> onr de 1'efprit, voient & choififfent les. r> meilleurs; & c'efï de quoi je les eftime. 53 Ne faifons-nons pas choix dès meilleurs » foldats pour aller a Ia guerre ? Et fi les. t> faveurs n'avoient place , comme envers vous » en recevrïei - vous qui ne fiiffent dignes de » votre compagnie, & de fervir au parlement i: * Si cette réponfe e'toir vraiè , H'enri IV , a qui on. ïa prête , excuferoit ceux quiprennent les armes contre eur prince T paree qu'ils lui croient des intentioni u'il n'a pas. Ce bon jrin.ee ayou-il.donc adonté lej; guximes jéfuitic^ues-;  d f occafion de leur commerce. yjf » ayant entree , féance & voix délibé» rative en la eour , venu de la part du „ S'ils vous fourmflbient des précepteurs ou j> des prédicateurs ignorants , vous les mepri„ feriez ; ils ont des beaux efpnts , vous les » en reprenez. ,., „ Quant au bien que vous dites quils „ avoient, c'efl une calomnie & une impoflijre, „ & fcais très-bien que , par la réumon taite „ a món domaine , on n'a feu entretemr a ,> Boules & a Lyon fept ou hmt regents, „ au lieu qu'ils y étoient au nombre ae trente a quarante; & quand il y auroit de 1 ujconM vénient de ce cöté, par mon edit, j y ai j? pourvu. „, _ » Le vceu d'obéhTance quMs font au pape « ne les obligera pas davantage a fu.yre ton 1 „vouloir , qaele ferment de fidehte quils » me firent a n'entreprendre rien contre le ! j> prince naturel; mais ce vceu n'eft pas pour 1 m toutes chofes, ainfi ne le font que d obeir ' r> au pape quand il voudra les envoyer a Ia ! » eonverfion des inHdèles : & de fait, c ett «par eux que Dieu a convent les Indes ; » & c'eft ce que j'ai dit fouvent, fi 1 efpagnol „ s'en eft fervi, pourquoi ne s'en fervira la t? i ™nrlmnn eft-elle nire que „ les autres ? L'Efpagne eft elle plus aimable „ que la France ? Si elle eft aux fiens , pourn quoi ne fera la France aux miens ? » Ils entrent comme ils peuvent; auih tont „bien les autres ; & fuis moi - même entre „ comme j'ai pu dans mon royaume. Mais il raut „ aiouter que leur patience efl grande , &£ que p moi je 1'admire: caravec patience &bonne  3 78 Proces des Jéfuites , » roi, les grand'chambre, tournelle & » de 1'édir affemblées; lequel a dit que » vie , ils viennent a bout de toutes chofes; » & fi ne les eftime pas moins en ce que j> vous dites qu'ils font grands obfetvateurs » de lenrs vceux ; c'eft ce qui les maintienj> dra. Auffi n'ai-je voulu en rien changer «< leur règle , ainfi les y maintenir : que fi j) je leur ai limité quelques conditions qui n» 3> plairont pas aux étrangers , il vaut mieux >» que les étrangers prennent la loi de nous , »> que nous la pretiions d'eux. Quoi qu'il en « foit, je fuis d'accord avec mes fujets. Pour * les eccléfiaftiques qui fe formalifent d'eux , 3> c'eft de teut tems que l'ignorance en a voulu i> a la fcience ; & j'ai reconnu que , quand je » parlerois de les rétablir , deux fortes de 3> perfonnes s'y oppoferoient , particuliére3> ment ceux de la religion, & les ecciéfiaf»> tiques mal-vivants ? C'eft ce qui me les »> fait eftimer davantage. ^> Touchant l'opinion qu'ils ont du pape , » je fcais qu'il les eftime fort , auffi fais - je » moi-mème. Mais vous ne dites pas qu'il a 3> voulu faifir a Rome les livres de M. Bel3> larrnin , paree qu'il n'a voulu donner tant 3> de jurifdiction au S. P. que font communisj quement les autres. Vousne dites pas auffi » que ces jours panes , les jéfuites ont fou3> tenu que le pape ne pouvoit errer, mais j» que Clément pouvoit faillir. En tout cas je » m'affure qu'ils ne difent rien davantage que » les autres de l'autorité du pape, & crois que » quand on en voudrou Jaire le procés aux opir  cl Voccafionde leur commerce. 379 >> le roi lui avoit commandé retourner » en icelle cour, pour lui dire que fa 31 nions, il le faudroit faire d celle de l'églife » catholique. u Quant a la docïrine d'émanciper les eo » cléfiaftiques de mon obéiffance , ou d'enfei31 gner a tuer les rois, il faut voir, d'une part, » ce qu'ils difent, & informer s'il efl vrai quils 31 le montrent a la jeunejfe. Une chofe me fait » croire qu'il n'en eft rien ; c'eft que , depuis 3} trente ans en ga qu'ils enfeignent la jeuj' neffe en France , plus tle cinquante mille 3> écoliers de toutes fortes de conditions font 3> fortis de leurs colléges , & qui ont converfé f & vécu avec eux, & que 1'on en trouve un »feul de ce srrand nombre qui foutienne de leur 3t avoir oui t 'enir tel langage, ni autre approchant 31 de ce qu'on leur reproche. De plus il y a des 3) miniftres qui ont été & étudié fous eux ; 31 qu'on s'informe d'eux de leur vie ; il eft a 31 préfumer qu'ils en dirost le pis qu'ils pour3) ront, ne füt-ce que pour s'excufer d'ètre 3> fortis d'avec eux. Je fcais bien qu'cn 1'a 3> fait; & n'a-t-on rien tiré autre rail'on , fi3> non que pour leurs mceurs , il n'y a rien a 3> dire. j> Quant a Barrière , tant s'en faut qu'un 3> jéfuite l'ait confejfé, comme vous dites; que 3» je fus averii par un jéfuite, de fon entreprife , 3> & un autre lui dit qu'il feroit damnè s'il ofoit 31 Ventreprendre. Quant a Chaflel, les tourments 3» ne purent lui arracher aucune accufation a y> 1'encontre de Varade ou autre jéfuite; Sc fi j) aucun étoit, pourquoi 1'auriez-vous épars>gné? Car celui qui fut arrèté, fut arrèté  380 Proeès des Jéfuites , » volonté , qu'il avoit plufieurs foïss » déclarée , étoit que , toute affaire »> fur un autre fujet, que 1'on dit s'ètre trouvê; » dans fes écrits. Et quand ainfi feroit qu'un "jéfuite auroit fait ee coup, faut-il que tous] J> les apótres pdtijfent pour Judas , ou que je ré- \ » ponde de tous les larcins & de toutes les fauies » qu'ont faites & feront a l'avenir ceux qui au. »y ront été mes foldats } Dieu m'a voulu alors » humilier & fauver; & je lui en rends gra» ces , & m'enfeigne de pardonner les often"fes, & 1'ai fait pour fon amour volontiers". »»Tous les jours je prie Dieu pour mes »> ennemis , tant s'en faut que je m'en veuille » fouyenir , comme vous me convie^ d faire peu i> chrétiennement, dont je ne vous en fcais point 3} de gré »). Quand M. de Thou , auteur refpeftable k tous egards , auteur contemporain, & tèmoin oculaire , n'auroit pas attefté le faux de ce prétendu difcours, qui n'y reconnoitroit la jnain d'un jéfuite qui a voulu placer 1'apologie de fa fociété dans la bouche de ce grand prince , & la laver d'sn crime dont elle étoit juridirjuement convaincue ? En efFet, eft-ce un roi qui parle & qui explique fes volontés , tou un avocat qui plaide la caufe des jéfuites devant leurs juges, & un avocat qui ignore les décences de 1'art oratoirs ? D'ailteurs que 1'on ferappelle la raifon que Hen~i /foppoia aux confeils du duc de Sully , que 1'on fe rappelle la déclaration du 7 janvier 1595 , les motifs fur lefquels elle eft fondée, qu'on life enfin le djfcoursque M. Huraultprononca au parlement, de la part du roi, le 2 janvier  y dl'occafion de leur commerce. 381 „ ceflante , elle eut a vérifier fon éclic :}, pour les jéfuites , felon fa forme 8c L teneur, fans plus ufer de longueur , L retardement, modification nireftric]„ tion. N'étoit befoin, repréfenter les |„ raifons qui fe pouvoient dire fur 1'é|„ dit, qu'elles avoient été affez traitées 1„ parlesremontrances que la cour avoit j„ dignement faites, 8c par les réponfes ; „ a. elles faites par la bouche du roi ; 1 „ qu'il ne reftoit plus qu'a y apporter la 1 „ main par la vérification , dont ayant 1 „ recu commandement par la bouche I „ dudit feigneur, n'a voit qu'a lui obéir; ] „ & encore qu'il a été aifez parlé des I „ affaires , néanmoins il y avoit une par1 i3 tkularité, qui pouvoit fervir a ia refoI ,, iutifin , qui étoit qu'il y avoit 4 ou 5 j „ ans que le pape avoit fait folliciter le I „ roi d rétablir les jéfuites, comme ils I 1604, & que 1'on juge fi le même prince a pu I débiter 1'apologie indecente que 1'on vient de I lire , 8c chercher a infulter, par de mauvaifes I pointes , par des comparaifons baffes, 8c par I des reproches faux 8c amers, la première I compagnie de fon royaume , dans le tems I qu'elle lui témoignoit la plus vive inquiétude I pour la confervation de fa perfonne , & | qu'elle ne faifoit que lui rappeller des faits Iqu'il avoit confignés liii-m,ème dans une lei publique.  382 Proces des Jéfuites, „ étoient auparayant l''arrêt de la cour 1 „ que fa majeflé avoit gagnê le tems le] » phs qu'elle avoit pu ; mais enfin nefe „ pouvoit excufer de lui rendre réponfe! „ li y a deux ans ou environ que fa ma„ jefté avoit fait dreffer des articles al „ peu prés de ceux contenus en ledit, „ que ledit feigneurrit bailier au papeSJ par fon ambaffadeur , penfa avoir. „ beaucoup gagnê d'éviter un récabliffes, ment général que le pape demandoit \ „ en accord*nt lefdits articles , par „ lefquels ceux de ce parlement étoient „ réduits z deux maifons , & pour les „ autres parlements 3 ou 1'arrêt n'avoit été exécuté , réduits a ce qui eft pot té „ par ledit, que le pape avoit retenu ,j cès articles environ deux ans, fans y faire aucune réponfe, dont le rot avoit été aucunement en peine , jufj, qua ce que le pape eüt écrit a fa ma„ jefté qu'il les trouvoit bons , que les 5, jéfuites doivent fe contenter de la grace qu'il leur faifoit, & que la lonm gueur procedoit de ce que le général des jéfuites ne s'en contentoit pas , & „ ne les vouloit approuver , difant qu'ils étoient contre leurs ftatuts; dont ledit „ géneral écrivit au roi lettres qui pou„ voient être préfentées ; & ne font point.  IV occafion de leur commerce. 383 \ encore les articles approuvés par lui. • Mais le pape les ayant trouvés bons , , avoit fait prier le roi, par fes nonces jj & par les ambaffadeurs de fa majefté, s les accorder, en réformant 1'articl* ' qu'ils feroient ferment de fidélité au , roij & ce fut avifé, au lieu de met\ tre 1'article qui eft en 1'édit, qu'ils fe* roienr le fermenr pardevant ies juges ordinaires; tellement que les choies , n'étoient plus en leur entier, & avoient \\ pafte par un traité entre ie pape tk le „ roi qui vouloit 1'obferver du tout. „ La cour ne devoit trouver 'éttange fi le roi fe plaignoit des longueurs ,', qu'elle y apportoit , après avoir oui „ fes remontrances , qu'il avoit ruues de bonne part, fait fes réponfes fur „ icelles , & déclaré la volonté ; il vou}J loit être obéi, Sc qu'ence faifant nefut point dit que le parlement y apporte aucune contradiétion j autrement il „ feroit contraint venir a des remèdes J5 extraordinaires, & dont la cour au, roit du regret & du déplailir; tk par „ la prudence devoit confidérer qu'en. „ 1'état oü étoient les affaires du royau} me , cette difficulté & réfiftance , qu'elle faifoit donnoit non-feulement occafion aux mauvais efprits d'en  384 Proces des Jéfuites , „ faire mal leur profit , comrne 1'on ne 33 parloit que trop , mais étoit pour augmenter & accroitre les divifions 33 qui étoient dans le royaume , & par ce moven , la cour feroit momber fut le roi 1'envie qui pourroit prove- 3, nir de cette affaire; ce que fes officiers 3) & fujets devoient plutót parer, que „ rejetter fur leur maitre , & partant ,, devoient obéir a fa volonté. » A quoi M. le premier préfident a ». fait réponfe qu'il pourroit affurer le j, roi que la compagnie recevoit fon commandement avec 1'honneur ref„ peet & révérence qui lui étoient dus; ty que de longueur de fa part, il n'y en j, avoit point , d'autant que les gens 33 du roi, hier fort tard, avoient en- 4, voyé leurs conclufions a M. le rap3, porteur , fur lefquelles préfentement „ elle feroit droit ». M. Hurault fortit pendant que Ia cour délibéra tant fur ce qu'il venoit de lui dire de la part du roi, que fur les conclufions du miniftère public. Enfin elle rendir un atrêt en ces termes : « Va 1'édit de rétabliffement defdits „ jéfuites , lesregifrres du 10 novem>, bre & dernier dudit mois du rapport fi des remontrances faites au roi fur „ Péjdit  aï occafion de leur commerce. 38? ' 1'édit, lettres de jiuTion, conclufions ' du procureur général du roi , & fuc ■ ce la matière mife en délibération , ' „ A été arrèté que lefdites' lettres fernnr enreeiftrces en icelle , oui le nrncureur eénéral, apres tres-nuuiui« remontrances faites audit feigneur nnn-ft a ere arrete que ie 101 , fera fupplié pourvoir , par une décla]] radon , a ceque ceux qui aurontéte auelque tems en la fociété, ne puii" fent être recus aux partages , pour le ,, trouble qu'ils apporteroient aux fa- milles ". C'éft eer édit & cet arrêt d'enregiftrementiqui fixent le dernier état des jéfuites. lis n'étoient admis, dans le reffort du parlement de Paris , qu a Lyon & a la ïlèche. Le roi s'en étoit même , en quelque force, félicité dans le difcours que Pon vient de lire, & que M. Burauh prononca de fa part. Bientot ce prince céda a de nou velles importunités. Le 27 juillet 1606 , il donna aux jéfuites des lettres patentes, qui leur permettoient de réfider a Paris, mais qui exceptèrenr toutefoïs la leeïure pubüque ey autres chojesjcnoiajuques. whciuc» furent vérifiées le 11 aout fuivant ff lome XIII R  386 Proces des Jéfuites, pour jouir par eux du contenu en icelïes , conformément aux lettres vérifiées le 1 janvier 1604 , fans qu'ils puiffent entreprendre aucunes chofes contre icelles. 11 réfulte , de ce détail, que les loix générales fous lefquelles les jéfuites vivoient dans le royaume'étoient la réunion de ce qui avoit été réglé par 1'aóte de Poiffy en 1561 , par 1'arrêt qui homologuoit cet acte, par 1'édit de 1603 , &c fon arrêt d'enregiftrement du 2 janvier 1604; même par ce dernier entegiftrement du 2.1 aoüt 1606'. Les jéfuites ont voulu , en différents tems, répandre des nuages fur cet état. Ils ont prétendu qu'ayant été rétablis, en 1603, au même état ou ils étoient avant leur expulfion , c'eft cet état qu'il faut confidérer. Ils ont ajouté qu'ils ne vivoient plus fous la même loi qui avoit réglé leur introducfion en 1561; que, dans 1'intervalle de 15^1 a leur expulfion arrivée en 1594, ils avoient obtenu des lettres qui approuvoient purement & fimplement les bulles qui leur avoient été accordées & leurs conftitutions • 8c qui les autotifoient a rerenir le titre de compagnie de Jéf s, qui aboliffoient enfin le jugêmentjdesévêques afTembicsd  a V occafion Je leur commerce. 387 Poiffy, ti Parrêt qui PaVoHhomologuc enfortequ'étantrétablis en 160$ comme ils étoient avant leur éxpuMion , ils ne vivoiem plus fous les reftri&ions des. actes de 15 fe font foumis a la difpofition du 5, droit ancien , a la jurifdiction des „ ordinaires; ce qui leur a été renou3, vellé daus le rétabliflement de leur „fociété en 1603. . . . S'il leur eft „ permis de réfilier des proteftations , 3, qu'ils ont fi folemnellement faites , S5 recises par la faculté de théologie de „ Paris „ par M. Euftache du Bellay , lors évêque de Paris , & par toute j, Péglife de France affemblée a Poiffy, „ quelle süreté pourra-t-on prendre „ déformais en cette compagnie ? . . . . s, Mais, quand ils pourroienr, par quef s, qu'adreffe , s'y fouftraire , ala faveur s, d'une propofuion équivoque , il n'y „ en peut avoir dans Parrêt du parle)5 ment de Paris , qui n'a autorifé leur SJ réceptien en France qu'auxconditions fufdites >». Mém. du dergé, tome 5 , page ziQ,  h ï occafion de leur commerce. 389 Ils lont reconnu eux - mêmes dans le procés qu'ils ont foutenu, en 1714» co11" tre l'univerfité. Elle leur reprcchoitque, patle traité qu'ils avoient paffe en 1709 avec quelques membres de 1 umverfité de Rheims , pour s'y faire agreger, ils avoient réfervé expreffément les prmleges de leur inflitui , au mépris de la renonciation qu'ils y avoient faite lors de 1'afTemblée de Poiily. Ils repondirent que, par cette réferve , ils n avoient point entendu réclarner les privileges qu'ils avoient abjurés en 1561. Us convinrent, au contraire , «< qu'ils n avoient w été admis Sc rappellés en Trance qu a •„condition d'y renoncer j quils y „ avoient renonce folemnellement en» tre les mains des évêques de France, „ qu'ils avoient eux-mêmes pouriuivi, au parlement , Phomologation du „ réfultat de 1'affemblée : ainfi, conti„ nuoient-ils , la réferve ne s'apphque „ qu'aux privilèges donr ils peuvent » ufer en France ». lis avouoient donc , en 1714 , qu'ils étoient afTujettis , cent vingr ans après 1'édit de 1603 , comme aiiparavant , aux conditions qui leut avoient étéimpofées par 1'atTemblce de Poiffy. Us ajoutoient encore que « s ils » étoient capables de violer les condiR iij  39° Procés des Jéfuites > » rions feus lefquelles'ils avoient etc » recus en France, par quelques abus de. » ces privileges apoftoiiques contre les » droits de Iuritverfité iL lui feroit fa» cile de fe pourvoir contre ces abus » en réclamalrt Pautorité de ces loix » facrées émanées du roi & du clergé II eft donc certainque Pédit de 1605 nf fait que rétablir les jéfuites dans. 1'état oü ils étoient en 1594. Ainfi leur état actuePeft celui qu'ils avoient alors ^ il n'a point changé. Or quel étoit cee état? c'eft celui qu'ils avoient recu par 1'acte dè 1'affemblée de Poiffy , du ij feptembre , & par Parrêt d'ho- Eiologation du 15 février fuivanr.. - On n'examinera point ici les vices? que 1'on pourroit reprocher a cet arrêt £ qui a été rendu par la grand'chambre feule , quoique celui qui avoit ordonné le rcnvoi a leglife ga-llieane eüt été prononcé toutes les chambres affemblées; qui a été rendu fans que les parties intéreffées euffent été appellées , quoique cette formalité foit effentielle quand: il s'agit d'un nouvel établiffement, foit dans le royaume, foit dans un lieu particulier du royaume. On pariera encore moins des anecdotes qui concernent 1'aifemblée de Poiffy, tk defquelles il:  réi cl i r>_Jphur commerce. 29 ï Cl i C/CC£w*t//<' r , n_ éfiilte que le confentement qu elle s^tü^ui;(T«m«n* des ieiuites donna a i1-^"^ : H r' •■ ■* U tel qu'il eft , fut Cnv^ fafyuief detaiila ces anecdotes i 1'audience du parlement en i,^- tems ou «Jüef étoient bien connues.Prenons ces deu* titres,tels quils font, & voyons,en peudemors, ce qui en refuite. ^ lis n'ont été recus que parforme de fociété & de collége feulement , £ Outre que ce fait eft conftant par les d-ux titres qui font leur lor , fts en fbntconvenus plufieurs fois eux-memes , entr'autresen 15 64, dans un eent qu Uj avoient préfenté * l'univerfité. II etoiC queftïon de fcavok quelle etoit la quafité que les jéfuites avoient en trance , & ilsfe dérmiffoient eux--mêmes,en difant que la fociété étoit compofce de mav, fons profeiTes 5c de colléges. Ils declaroient qu'ils ne demandoient rien pour les maifons ptofeiïes ni pour les profes , paree que les profes font religieux, oC oue cette partie de la fociété n eft pas recue dans le royaume. Domus profej/orum nu/la efl in Gullid , nee de prof eftis eft qutftio, qui, fine uM controverfia, funt religiofu Verhm ea pars noflr* ]ocietatis inGallid non eft recepta._ Dans R iv  392. Proces des Jéfuites, une requéte adreffée a Ia même univerfïté , en 1564., ils fe qualirioient: foc'ü collegu Claromeniani. Dans celle ciu'iis dcmnèrenr enfuite au parlement contre le décret du reef eur qui leur défendoit d'enfeigner, ils s'étoient intitulés : les religieux prétres & écohers de la fociété & compagnie du collége de Clermont. Ils y déclaroient formeilement, qu'ils n'étoient recus que par forme de fociété & collége , & non de religion nouvellement injlituée. Enfin , fans s'arrêter a ramaffer une foule de rémoignages émanés d'euxmêmes , far cet article , en voici un d'autant plus fort, qu'il eft poftérieiir a 1'édit de 1(303 , &z qu'il eft même tout récent. C'eft celui qu'on trouve dans 1'inventaire des pièces qu'ils produifirent en i -15 devant Louis XIV, pour obtenir la déclaration du 16 juillet de Ta même année. Ils y difent « qu'ils as conyiennent de bonne foi que , 'par 33 Pacfe de Poiffy, & Parrêt de la cour 3> qui en ordonna l'enregiftrement y 33 ils ne furent pas recus comme reli3i gieux ». II eft donc bien conftant que les jéfuites ont toujours éré exprefïement réprouvés & rejettés du royaume comme  d F occafion de leur commerce. 393 religieux ; & qu'ils n'y ont exifté que comme fociété & collége. 20. Etant profcrits en France comme ordre religieux , comment pouvoientils cependant y exifter comme fociété &C collége ? En les rejettanr fous la première qualité, on n'empêchoit cependant pas , & on ne pouvoit eropêcher que chaque individu particulier ne fut religieux. II avoit fait des vceux de vivre fous la règle de I'inftitut; il avoit promis folemnellement chafteré, pauvreté, &: fur-tout obéiffance. II étoit donc religieux. Si chaque individu étoit religieux , 1'alfemblage, la totalité de ces individus formoit néceffairement un corps de religieux. Et cependant ce corps de religieux ne fera pas un ordre de religieux! C'eft ce qu'il eft impoflible de concevoir. Mais 011 ne fe contentoit pas de les rejetter comme ordre religieux „on vouloit encore qu'ils renoncaflent a leur nom , qu'ils celfaffent de s'appeller lat fociété de Jéfus ou jéfuites. On vouloit qu'ils abandonnaflentleur régime & les bulles quile conftituoient tel qu'il étoit, pour fe foumertre au droit commun , avec lequel ces bulles & ce régime étoient en contradicFiam fur prefqu© Rt  394 Proces dès Jéfuites tpus les articles. Ainfi c'étoit un corpsde religieux qui n'éteit point recu comme corps , qui-n'avoit ni nom , ni. régime, ni conltitutions; c'eft-a-dire,. que c'étoit un corps qu'on recevoit fans. fa manière d'ètre , fans fa narure propre , fans fon eifence, On va plus loin; on ne le recevoit: ainfi que fous la condirien expreffe.que, s'il vouloir exifter anrremenr., fa ré-ception auroit.été nulle. Autrement & cïfaute de ce faire . . . les préfentes demeu-reront nulles & de nul effet:& ver/a. Cefont les termes du confentement donné par 1'aifembiée de Poiffy , conrirmé par1'arrêt de 1561. Ii falloit donc que.ies, jéluires exiitaffent en France tels qu'ils, n'étoient pas ; Sc ils ne pouvoient ter.terd'y exifter tels qu'ils étoient, fans ceffer: d'èrre , au même isaftaat, fansréfoudrele conrrar de leur réception , qui ne les admettoitquacondition qu'ils feroient ce qu'ils n'étoient pas , quils ne feroient: pas ce qu'ils étoient , Sc ce qu'ils ne pouvoient pas ne pas être , s'ils exiftoient. Tout cela-forme un problêmedont la foiurion paroir aa-deffus de. tous les efforrs de 1'efprit hum.iin. Auifi les jéfuites ne fcavoient-ils pas ei.x-mêmes fe définir , quand on les  c\roccafion de Uur commerce W preuoit fur cet article En H%üS Lfentèrent une fuppUqne ,,1 umvetfité, pour y être incorpores. Le redeur leur fic fubir un interrogatoire, danslequel il leur demanda ce qu lis étoient en France; s'ils étoient féculiers, reguliers oumoines. Us répondirent : No* fumus in Gnlüa tales quales denommaU nos curia. On eut beau faire des inf-; tances pour les forcer de;s «pUqaer plasclairemenr, on ne putleurarracb^ S'aurre réponfe : & 1'univerlite dec^ca qu'elle ne pouvoit pas admettre, dan • fon fein , ün corps qui ne pouvoit pasmême fe qualifier. Lemotifde ce refusles fit travailler a-fe qualifier. Après avoir bien rcrlechi, ils ne purent faire autre chofe, que dedire, non ce qu'üs étoient mais Cf qu'ils n étoient V^s. Cette declaranonbien méditée potte quils-n étoient pasmoines , & ne fe croyoient pas_dignes-; de profeter un genre de yie fi frm .H üL^t-.Nccenim nos drgnos e(fe qui Jn fanclum atque perfectum va, genus profaeamur. Quils n'étoient pas fêcu* liers , puifquils vivoient en congrégation ; mais que la fociété etoit compcfée dedeuxprties,l'unede maifons pgË , &■ 1'autre de-collcges ou ter E R vj |  396 Proces des Jéfitites, fidoieut les non-profes. A 1'égard des profes , comme ils étoient religieux y cette partie de la fociété n'étoit pas recue en France. A 1'égard des non-profès qui habiroient les colléges , fi on les comparoit aux profès , ils n'étoient Jias religieux; fi on les comparoit aux éculiers , Us étoient relieieux. Comparatione eorum qui funt projejfi , non effe religiofis focietatis r comparatione auterrt fkcularium, effe rehgiofos. Ainfi, fuivant cette déclaration , ils n'étoient ni moiues , ni féculiers y ni religieux : car cju'efi-ce qu'êrre religieux vis-a-vis des féculiers, Sc ne 1'être pas vis-a-vis des profès ? Ce font des êtres qui n'ont point de nom , 5& qui ne font, pat conféquent, fufceptibles d'aucune exiftence légale. En 1575 , ils prëtenc un nouvel interrogatoire en forbonne , en préfence des dépurés de l'univerfité , a laquelle ils demandoient encore d'ètre agrégés. lis répondent qaen France ils font clercs féculiers, & en Italië, réguliers & moines. Ainfi, en 15 64, ils n'étoient pas dignes de mener un genre de vie auffi faint Sc auffi parfait que celui des moines; il fe trouve cependant qu'en 15 74 , mais £u Italië feulement, ils en étoient di-  al'occafion dehurcommerce. 397 pnes , & le pofledoient en effet. Ainfi leur état déptndoit du lieu oü ils le trouvoient; en paflant ditalie enFrance, ils devenoient féculiers j & retournant en Italië , ils redevenoient moines. Toutes ces variations annoncent Hmpoflibilité oü ils étoient de fe définir; impoilibilité qui réfultoit du vice, interieur Sc 'radical de leur receptioin lis ne pouvoient exifter comme réguliers ; puifque leur religion étoit reprouvée: ils ne pouvoient exifter comme féculiers , puiiqu'ils étoient religieux. C'étoit donc de fimples particuliers » fans état véritable , & fans exiftence de droit , qui babitoient , de fait , en France , & qui, membres d'un ordre prefcrit , fous fa qnaiité d'ordre, ne pouvoientdès-la avoir, dans le royaume,. aucun être politique, ni former un corps avoué pat la loi. f Avant que de développer ce troifième moyen, il eft néceftaire de lever une équivoque , ala faveur de laquelle un des apologiftes des jéfuites crur le fair- difpatoitre. On leur avoit dit que les les de leur réception & de leur rappel étoient des contrats, auxquels, ils avoient dérogé par 1'inexécution des claufes qui y étoient expnmées. « De-  £9§ Proces des Jéfuites ,5> puis quand, out-ils die, tin édit etv» regiftré au parlement a-t-ilétéregardés» comme un conttat. C'eft une loi ; Sc » toute loi, de fa nature, eft fixe & ir» révocable. Dans un contrat, chacune. » des parties peut également donner Sc » recevoir des conditions; c'eft le pro3» pre de tout ce qui s'appelle traité,, » contrat Sc convention. Dans la loi ^ 33 Pautorité fouveraine impofe des con33 ditions, mais elle ne peut en recevoir33 Une loi ne peut donc pas être une » convention oü 1'on traite d'égal a, 3» égal. Tourle pouvoir eft ici du cóté 33 du légiflareur , Sc il n'y en a aucun 33 du cóté de celui a. qui on impofe des 33 obligations». D'abord , que les titres de leur exifrence en France fuffent des loix ou des contrats , c'eft la même chofe quant aux, efTers. Si une loi impofe un devoir dont Pinfraction dok êrre punie par une. peine indiquée , elle n'a pas plus de. vertu qu'un conrrat qui porte une claufe.dont Pinexécution doit être. pareiilement fuivie d'une p:ine indiquée. Si. donc les jéfuites n'ont pas obfervé ce qui étoit prefcrit par les édits , tant de. leur établiftèment, que de leur rappel,. ëc £L ces édits réraquent la grace qu'ils:-  aibccn/Tcm de leur commerce. 399? eonriennent dans, Ie cas. d'inobfervation , il eft conftant que ieur corps: »; quel qu'il fut, avoit perdu fon être civilpar le feul fait.. • D'ailleurs, fi 1'on examine la choie de bien prés , on trouvera que Padmiffion & le rappel des jéfuites dans le. royaume étoient un véritable contrat.. lis fe préfentèrent a la nation 011^ au monarque qui la gouverne , pour être introduits ou rétablis dans fes états. 11 y confentit., & leur dit: » je vous; ac-» corde un certain nombre d'habitauons » dans mon empire, jem'engagea pro3>-té. Voila fes engagements. « Mais, a-t-il continué, j'imv pofe acette faveur desconditions aux» queues il faut que vous vous foumet' » tiez, & dont Tinexécution , de votre « part, me déliera de ma parole :^ fi je » contracté un engagement vis-a-vis » de vous , ce n'eft qu'a la cbarge que » vous en contraétiez un, de votre part,. » vis-a-vis de moi •, & celui que je vous » impofe eft contenu dans les difpcfi« tions appofées a 1'édit qui vous re*» coit fous ma proteétion Sc comme,  400 Proces des Jéfuites, » habitants de mes érats ». N'eft-ce pas la un véritable contrar paffé entre le fouverain & la nation , d'une part, tk les jéfuites de 1'autre ? Mais encore une fois , ce n'eft ici qu'une équivoque de mots : peu importe que les jéfuites fuflent en France fous la foi d'un contrat, ou fous ia foi d'une loi; il fuffit que la condition qui leur avoir éré impofée fut irritante, pour annuller 1'un ou 1'autre, s'ils ne furent pas fidèles aleur engagement, ou a la loi qui leur avoit été impofée. Autrement y ou d faute de ce faire , difoient les évêques affemblés a 'Poiffy, ou que, par l'avenir , ils en qbtiennent d'autres ( bulles ) lcs préfentes demeureront nulles et de nul effet et vertu. On ne répétera point ici les claufes de Pacte de Poiffy , ni celles de 1'édit de 16o 5 ; elles font rapportées plus haut. Or les conditions qui leur avoienr éré impofées furent - elles obfervées ? Y a-t-il quelqu'un qui ignore que les jéfuites n'ont jamais pris d'autre nom que celui de jéfuites, tk n'ont point défignê autrement leur compagnie que par la dénomination de fociété de Jéfus ; qu'ils: fe font toujours comportés en France comme ordre religieux ; qu'ils y onc  a Voccafion de leur commerce. 401 introduit cette partie de la fociété , qui, fuivant qu'ils le difoient euxmëmes en 1564, n'eft point recue dans le royaume, & qu'ils y ont fuivi leurs conftitutions & leut régime ? Eft-il quelqu'un qui ignore quils ont obtenu des bulles fans nombre , depuis qu'ils ont promis , en 1.5 61, de n'en obtenir aucunes.On en peut juger par 1'édition de leurs couftititutions en deux volumes in - folio , qui furent imprimées a Prague , 17 5 7 > 82 q1"- e^ dépofée dans les greftes des parlements. Elle contient quatre-vingt bulles poftérieures a leur admiffion en France ; Sc ce qu'il y a de plus fingulier , c'eft qu'il y en a une datée du mois d'aout 156^» dans le même tems oü ils proreftoient en France 3 qu'ils n'en prendroient aiH cunes; c'eft celle qui les autorifoit a graduer leurs écoliers dans roures les univerfirés , & qui les exemptcit de la contributien aux décimes,_& a toutes les autres impoiitions établies & a etablir. Les monuments eccléfiaftiques font remplis d'aftes de rebellion , de leur part, aux droits des évêques , des curés , des univerfités , &c. 4°. La réception des jéfuites n'étoit  401 Procés des Jéfuites, pas définirive; elle n'éroit que provifoire. On en peut croire le miuiftèrë public & le parlement lui-même. On peut fe rappeller que le 28 novembre 15 60, M M. les gens du roi cotrfentirent a 1'enregiftrement des lettres patentes , après la déclaration faite par ies jéfuites,qu'ils renoncoient afaire ufage de leurs conftirutions & de leurs privilèges, en ce qu'il y auroit de contraire aux loix du royaume; mais ce confentement ne fut donné que fous cette réferve: fauf ou en après Us fe trouvtrone dommageables ouprejudiciables aux droits du roi cv privileges ecclefiaftiques , de reque'rir y être pourvu. Quand le confentement de Pafïèrnblée de Poiffy fut rapporté, les gens du roi conclurent encore a ce que, qüanta-préfent, les jéfuites fujjent recus d la: cha -ge Je les rejetter ,fi&• quand ci-aprèsy. Us ffolent découverts être nuifibles 3 & faire préjudice au bien&e'tat du royaume. M. Dumefnil, avocat général , dans k caufe qui fut plaidée , en 1564, entre 1'univerlTté & la fociété , foutint que les jéfuites n'avoient été recus que quant-a-pref ent & a 1'effai, en atten- DANT CE QUE i/exECUTION , TRATIQUEïtexpér.ience découvriroitdes pro>  a F occafion de leur commerce. 403 messes que faifoient ceux de ladite focie'té, et non autrement. U ajouta>que ia cour 1'avoit trouvé expediënt c> taifonna'de. Enfin ie parlement, dans fes remonrrancesa Henri IV, dit que les jéfuites, n'avoient été recus que par provijion : &C pour répondre a cette obfervation , MHurau't , dans le difcours qu'il tint au parlemenr, de la part du roi, déclara que M. n'entendoit, par fon édit „ que les rétablir comme ils étoient auparavant. <°. Pour dernière obfervation , le contrat , quoique fimplement provifoire , quoique conditionnel & réfotuhle , n'étoit pas même parfait dans fa forme, & n'a jamais produit, avant leur expuliïon, aucun engagement. Pour érablir cette vérité , il faut fe rappeller que , fuivant les conftitutions tout contrat fait fans 1'aveu du général eft radicalement nul; a plus forte raifon Pintromillion de la fociété dans un état tel que la France devoir-slle être revêrue de cette formalité. Le confentement de tous les jéfuites affemblés. n'auroit pu y fuppléer. Ici non feulement le général n'avoit' point donnéce confentement, il 1'avoit:  404 Procés des Jéfuites , refufé -j il avoit fait part de ce refas aii roi; & le roi 1'avoit notifïé au parlement, qui le fit infcrire fur fes regiftres. Cet aveu étoit cependant fi effentiel, & celui des jéfuites de France étoit fi peu fuffifant pour y fuppléer, que I'inftitut de la fociété défend , fous peine d'excommunication, lata fententiét, réfervée au pape , de faire le moindre changement, foit direótement, foit in* directement, & fous quelque prétexte que ce foit, a la moindre partie de ce mëme inftitut, d'y apporter même aucune modification , & d'entreprendre de toucher a aucun des ufages de la fociété, fans le confentement du général , 011 de la congrégation générale , ou du pape (1). (1") Voyez Infl. fociet. Jcfvol.i, pagei,'. Cenfuraa & prascepta hominibus focietatis impofita , primüm juffu congreg. VIII. Collefta deinde a congreg. XVII & XVIII recognita. Census, je. 10. Qulciimque , fivl extra , Jive intro, focietatem , inflitutum ipfius Jive conflitutiones , vel (onjl'uutiontm Grcgorii XIII, qua incipit afcendente , vel aliquid ex kis quovis quafito colore direttè vel indirettl impugnare , vel eis contradicere uufus fuerit, incidil in pcenam excom-  cï Ï occafion de leur commerce. 40^ Comment donc les jéfuites, quilollicitoient leur établiftement en France , purenr-ils confentir valablemeut a des conditions qui étoient une vcmable abjurariou aux loix de la fociete dans prefque toutes leurs pames, & dans ce qu'elles contenoient de plus propre 5c de plus fpécial a la conftirurron oe Ia fociété, qui, comme le difoit M. Servin en iéii , eft fondéc en Prmh'Ses cu en régies ? Ce confentement pouvoitil produire quelqu'elret, fur- tout lorl- r 1 '.'1 J„(\m-,rnnvnir hailte- que ie g^n^ai ^w-rr—--• ment ce qui fe faifoit en France, 5c les municatmnU latafententice , 6» inhabiluaüs ad ofF ia & beneficia focularia , 6> quorumyis ordiimrcgularia, eo ipfi , abfque aüa declaratione incurrmdam fedi apofiolictz refervatum. Oreg. XIII. Conft. afcendente , &c. . 2o. Item qui focietatis infiitutum, conflitutio. nes aut decreta,vel ex eis quidpiam vel aliui auid vrcediaa concernens majoris bom aut J'exceote cependant un endroit aui » regarde les miffions , Sc deux autres « oü la fociété fe relache de quelques » privilèges en faveur de 1'inquifition m d'Efpagne. . . . » On peut dire, en faveur de 1'infti» tut, qu'il a été approuvé, conrirmé Sc j> favorifé par plufieurs papes, Sc même n par 1'églife au concile de Trenre; que » les conftitutions ont été conrirmées ,9 nommément par tous les papes ; que Sj les établiffements de cet ordre ont » été protégés , favorifés par les rois ; »> que les jéfuites ont vécu en France w fous la foi d'une pofteifion aurorifée » par les deux puiffances: polfeftion qui, » fuivant les loix efviles , formeroit une ,5 prefcription inattaquable, &un droit » a i'abri de toutes les objecrions. * t» On ne p£ut alléguer de prefcrip-  a ? occafion de leur commerce. 411 » tion contre le droit public ; & 1'abus, « s'il yena, ne fe peut couvrir ici par » le laps de tems, ni par le poids de » 1'autorité. „ En fecond lieu ,il eft contre l'ordre » public qu'il puiffe fe former, dans un. » état, des alfociations , des fociétés , » des ordres fans autorifation de 1'état; » ou bien il faut dire que les états n'ont » pas le droit & le pouvoir de veiller a jj leur confervation. ,j Les conftitutions d'un ordre reli,j 3 fcavoir quelles qualités prennent les >» religieux quidemandent a être recus, ,5 ce qui les caraótérife , ou ce qui les S5 diftingue des autres , fous quelles loix 33 ils entendenr vivre; quels réglements ,, ils promettent d'obferver. En un mot ,3 1'état doit connokre la forme Sc la » conftitution de leur gouvernement , •3 afin d'avoir des fupérieurs connus & » aurorifés, des garanrs de la fidélité >3 des membres. 5) II doit encore examiner li un nou33 vel ordre ne pré-judicie en rien au 33 public ou au droit des corps déja éta> 35 blis.Tous ceux qui ont intérêc peu33 venr demander a être entendus, Sc , „ s'ils fe trouveur léfés , ils ont droit ,3 de former oppofition a 1'établiffement 33 qui fe propofe. ,5 11 eft inoui que 1'état puiffe être ,3 contraint d'admettre des hommes 3-3 qu'il ne connok point; Sc il ne peut 33 les connokre que lorfqu'ils préfentent ,> leur inftitut, leuts loix & leurs conf53 titutions. ,3 Heft donc contre le droit des gens, >» contre l'ordre public , que les conftb 55 tutlons d'un ordre, de quelque auto» rite qu'on les fuppofe émanées, ne  a F occafion de leurcommerce. 413 * foient pas repréfencées. II eft contre „ k raifon & le bon fens qu elles nc » foient pas publiques , notoires , ou » fuffifamment connues. „ L'ordre étabü dans le royaume u exige une autorifation par des lettres . patentes de fa majefté , enregiftrees » dans les cours fouveraines \ & U n y „ a point d'état catholïque ou les *ou» verains ne prennent.i peu-pres,les « mêmes précautions. „ Je ne vois point que les conltitu„ tions des jéfuites aient été vues ou » ptéfentées i quelque tribunal que ce » foit, féculier ou eccléfiaftique, a au« cun fouverain , pas même a la chanp cellerie de Prague , pour avoir peré miffion de les impnmer; car il eft * remarquable que , dans cetre edmon » même , la plus complette & la plus » authentique qu'il y ait eue , on ne » trouve point de privilege de Pempe■ „ reur, formalité ufitée dans 1'Empire » comme en France ; il n'y a point eu m de privilege pour celle d'Anvers. „ J'ignorefi , pour leséditions de Lyon ., &°de Rome , il y a eu des privileges h accordés par les fouverains. „ En France , les jéfuites n'ont ja» mais obtenu de lettres patentes qui S iij  4 r 4 Procés des Jéfuites, » aient approuvé leur inftitut & leurs x conftitutions ; Sc c'elt ici le lieu de » rappeller ce qui a été obfervé d'abord, » que tout paffe fous le voile de la re»j ligion. On négligé les régies les plus » eflentielles , ou Pautorité furprife les 55 franchit, on omet des formalirés qui 55 tiennent aux loix. On s'en appercoit s> quelques fiècles après ; mais les étas> bliflements font fairs, Sc il femble s> que les abus Sc les vices acquiérent, » par une efpèce de prefcription , le 3» droir d'ètre irréformables. 33 L'état des jéfuites en France n'eft: 33 pas bien certain. Un ordre de reli3> gieux n'eft pas feulement un nombre 3) d'hommes diftingués par un habit ; 33 c'eft une fociété eccléfiaftique ltée a » l'état par des régies Sc par des confti» tutions. Si l'état Sc les conciles n'ont 33 jamais vu ni examiné ces régies Sc ces sa conftitutipns , peut - on dire qu'ils 3) aient véritablement recu les ordres >3 qui les prrfeflenr? j: Il y avoit des conditions appofées » a Poiffy pour leur réception , il y en 33 avoit en 1603 pour leur rétabliffe13 ment. Il s'enfuit qu'ils n'ont jamais 33 été recus en France que condition» nellement; ce qui laijfe dans fon en-  d t occafion de leur commerce. 41 5 » tier la .jueftion defcavoirft les condi» tions ont éte obfervees ou aecomplies. » Au furplus il eft plus facile de fca» voir s'ils font recevables , ou s'ils ne » le font pas , que d'examiner s'ils font » recus. Cette dernière queftion eft de3' venue contentieufe. Quand on leut " a demande ce qu'ils étoient , ils ont 3» répondu tales quales , tels quels. S'il >j faut répondre au fage fuivant fa fa» geffe , 5c a celui qui ne 1'eft pas fui» vant fon intention , on pourroit leur » répondre par-tout, & ici même, qu'ils » font recus taliter qualiter : ils ont 33 fuppofe quils étoient recu \ on Vafup33 pofé aprés eux ; leur réception n'eft >> jondée que fur cetti fuppofttion. Ils j> n'ont d'abord été que tolérés; 5c ils 3> ont une exiftence moins précaire de3> puis 1603 >j. Loin donc que leur état püt faire; dans cette caufe , un moven en leur faveur , il prouvoit, au contraire , qu'ils ne pouvoient s'en prévaloir pour fe débarraffer des engagements qu'ils avoient contracftés. Sous quel prétexte en effet auroient-ils pu s'en prévaloir ? Eft-ce paree qu'ils n'avoient pas la capacite de former des engagements ? Eft-ce paree que ces engagements, fi on les eüt auSiv  4 i é" Proces des Jéfuites , torifés, auroient été capables d'anéantir les établiffements qu'avoient les jéfuites en France ? Mais, puifqu'ils poffédoient, dansle royaume , des biens fqus le titre auquel ils y exiftoient, ils ont pu les engager a ce titre , comme tout autre ordre peut engager ceux qu'il pofsède fous la qualité en laquelle il les pofsède. Vn corps qui a une exiftence fixe Sc immuable, aauffi la propriété fixe& immuable de fes biens , & la faculté perpetuelle de les engager irrévocablement, paree que fon être eft perpétuel & abfblü. Les jéfuites n'exiiroient pas ainfi ; ibif fïoiènt quetolérés, Sc ne pouvoient poftéder , en France , qu'autant que 1'on vouloit bien les y laifftr fubfifter. Mais tant qu'on les a tolérés, tant qu'on leur a laiffé 1'ufage Sc la propriété de leurs biens, ils pouvoient & contraéter Sc engager ces biens. L'état auroir-il 'pu leur laiffer la liberté des contrars pour acquérir, &c leur intetdire la faculté de s'obliger , 5c d'obliger les biens qu'ils acqucroient ? Les engagemeuts qu'ils contradfoient étoient donc auffi valables, Sc leurs biens étoient auffi légitimemenc obligés, que le peuvent être  a To''ca(ion de leurcommerce. 417 ceux des autres ordres, dès quils avoient contraétédans le tems ou leur exiftence étoit rolérée en France. Après cetre difcuflion , peut-me trop longue, mais toujours intereflante par ia nouveauté , par limporrance ae Lnobjet , parlacélébrire de cet ordre redoutable,fiaveuglementchendeceux qu'il avoit féduits, & fi fort decrie ae ceux qu'il avoit perfécutes, le lecteur impartial Sc éclairé par la fimple vente dépouillée des voiles du prejuge , appercoir déja la juftice de 1'arret qui fut m-ononcé dans cette grande caufe. Les moyens qui viennent d'ètre detailles avoient été rendu publiés , par la voie de 1'imprelfion , avant la plaidoier.e. Les avocats chargés de la defenfe des jéfuites n'en furent point effrayes. L un fe préfenta avec cette confiance que hu donnoit t'idée qu'il avoit de fes propte* talent*; confiance qui ne convient qu a ceux qui joignent k un fonds heiireux Sc bien cultivé , la délicatelïe de ne vouloir défendre que la vénté , ou tout au plus ce qui peut fctre problcmanque. L'autre, plus modefte , Sc encore paru dans aucune caufe d edat , fe borna a foutenir que les jéfuites des provinces de Champagne , Guyenne ,  418 Proces des Jéfuites , Touloufe & Lyon n'étoient point tenus des dettes dn P. de la Faiette y paree cjiie la maifon de Saint-Pierre de la Martinique ne faifoit partie d'aucune de ces quatre provinces , mais de celle de France feulement. On ne 1'entendit pomc, a chaque phrafe , menacer fes adverfaires de les écrafer fous le poids de fon éioquence cC de fes moyens, on ne Peneend» point braver & infaker, pour ainfi dire, i'inclinariondu public, il le refpecta : on reconnut un homme qui n'avoit pu réiiifer a la tentation de profirer d'une occafion éclatante , pour faire fcavoir qu'il avoit entrepris la carrière du barrean. VoyonSj en peu de mots, ert quoi confïftoient les objecrions qui faifoient le fonds de leur défenfe. Première ohjeclioi. Quoique chaaue maifon ait le même adminiftrateur , chacune a une propriéré diftincte. II y a uniré d'adminiftrareur , il n'y a pas. unité d'adminiftrarion. Toutes les maifons font autant de propriétaires. Comment même la fociété pourroit - elle Pêtre ? Elle eft vouée a la pauvreré. Réponfes. II eft- impofnble , difoient les créanciers, decamprendre comment chaque maifon deftinée a Fhabkarion des jéfuites, peut avoir une propriété:  aP occafion de leur commerce. 419 particuliere. Ce ne feroit qu'atuant qu'elle formeroit un corps \ & elle ne pourroit former un corps qu'autant qu'elle feroit capable de fe gouvcrner par fespropreslumières , de fe mouvoir par fes propres forces, de contracter 5 enun mot, autant qu'elle jomroit, par elle-même , de la faculté de difpier. En  420 Proces des Jéfuites, Sc qu'on leur óre , comme on les leur a donnés, fans leur confentement. Elles ne font donc pas réellement des corps politiques; elles n'ont donc pas de pro- priéré. ,On convient que le général n'eft point propriéraire y. qu'il eft feulement un adminiftrareur fouverain Sc univerfe!: mais de qui tient-il fon adminiftration ? II ne la peut tenir que du propriéraire. Quel eft-il ce propriéraire ? Sélon les fieurs Lioncy , c'eft l'ordre r felon les jéfuites, c'eft chaque maifon particuliere, Mais, pour rendre le fyftême des jéfuires un peu inrelligible , il faut feindre que le général adminiftre chaque maifon en vertu d'une procuration qu'elle eft cenfée lui avoir donnée ; Sc en ce cas, il n'y auroit pas lieu a la foiidité, paree qu'il y auroit autant d'adnfiniftrations divifées, que de propriétaires qui auroienr nom mé 1'adminiftrarenr chacun a fon égard. Mris fi cette fiétioii eft infoutenable Sc fanfte , fi réellemem la procurarion n'eft donnée au général que par l'ordre ericièi, les jéfuites font forcés de reconrïoicre, a leur tour , que la folidité eft inconteftable. N'y ayantqu'un man-"" daut pour tous les biens de l'ordre , il  a £ occafion de leur commerce. 421 n'y aura qu'un propriéraire, & quand Ie propriéraire eft un, ii n'eft pas potÜble qu'il y aic pliifieurs parrimoines. Ceft donc Tune ou 1'autre de ces alternatives qu'il faut fixer. II va être fenfible, dans un moment, qu'on ne peut préfumer uwe procurarion donnée a 1 adminiftrareur univerfel par chaque maifon particutièrè. D'abord , qui eft-ce qui accepte les donations ou les fondations des maifons ? C'eft le général. C'eft lui qui pafte le premier acte fondamental. La maifon érablie inftitue-t-el!e, de quelque manière que ce puiffe être , ce général pour fon adminiftrareur ? C'eft lui, au contraire, qui, a 1'inftant, nomme , pour la gouvemer , Ie redeur le fupérieur , rous les officiers; gens qui ne repréfentent que lui, &" non la maifon , fans le concours de laquelle ils font placés , comme ils peuvenr être déplacés fans fon agrémenr. Jufqu'ici elle ne donne pas le plus léger iigne qui annonce qu'elle ait aucune propriéré.. Mais peut-être rentrera-t-elle dans fes droits naturels a la mort du général qui 1'a créée. AfTurément , li elle eft propriéraire , comme la morr a éteint les pouvoirs de fon adminiftrateut, elle  42.2 Procés des Jéfuites , dok prendre parr a 1'éleciion d'un fucceiTeur defliné a la régir encore. Elle n'y concourt en aucune manière. Voici la forme de 1'élecf ion des généraux. On renoit d'abord des affemblées provinciales , dans lefquelles , fuivant les conftitutions, on devoit appeller tous les profes , & les recteurs &c procureurs des maifons. La huitième congrégation a décidé qu'on ne convoqueroit que cinquante profes dans chaque province , avec les recteurs & les procureurs de chaque maifon : mais il falloit cependant que le nombre des profés excédar, des deux tiers , celui des recteurs ou procureurs non-profès^ enforte que les profes étoient toujours en état del'emporterfur les non-profès. Dans ces affemblées provinciales, on nommoit trois députés pour la congrégariongénérale. Le provincial éroit, de droit, 1'un des rrois. L'affemblée géné-< rale éroit donc formée de ces trois députés de chaque province : il y avoit trenre-fept provinces; ce qui produifoit tn électeurs. Mais il faut remarquer que ceux d'entre les députés qui n'étoient pas profès des quarre vceux n'avoient point de voix pour PélecïiorK Us n'en avoient que fnr les autres ma.-  è roccafion de leurcojnmetce. 423 tières que 1'on mettoit en délibération. II eft donc évident, concluoient lei fieurs Lioncy, que les religieux de chaque maifon n'ont pas Ia moindre influence dans 1'élection du général. Car, i°. ce ne font point eux qui députent a 1'affemblée provinciale , ni a la congrégation générale, ils ne s'aflemblent pas plus dans ce cas, que dans un autre. teut adminiftrareur eft mort; nul mouvement de leur part, pour s'en proculer un autre.. z». Si les recteurs Sc les procureurs des maifons. fe rendent a 1'affemblée provinciale x ils n'y paroiffent que paree qu'ils tenoient leurs places dn precedent général qui les avoir nommés. Leurs pouvoirs conrinuenr , paree qu'il faut „ dans tout gouvernement, que les pouvoirs fubfiftent pendant 1'interrègne , fans cela le corps tomberoit dans 1'anarchie : mais ce n'eft point de 1'autonte de la maifon qu'ils fe rendent a 1'affemblée , elle ne les a point choifis t la place qu'ils tiennent du défunt général les conftitue , de droit , membres de1'affemblée provinciale. # _ 3°. Dans cette aftemblée provinciale , Ie nombre des profès devant être plus grand, de deux tiers , la voix des ree-.  424 Proces des Jéfuites, teurs Sc procureurs , s'ils ne font pas profes, eft néceffairement étcuffée. 4°. Quand ces recteurs & ces procureurs font députés pour la congrégation générale , ils ne font point encore du nombre des électeurs , s'ils ne font pas profès; Sc s'ils fonr admis comme électeurs , c'eft a titre de profes, Sc non en qualité de recteurs ni de procureurs. Ce fonr donc les profès qui font le général. Or ces profes , que font-ils ? La fociété profeile repréfente la fociété entière. Saivant les conftitutions, le nom de fociété, dans fon vrai fens, ne comprend que les profès: hujus nomine focietatis accevtio , & maxime proprla , profejjos duntaxat continet. Part. i, cap. i , in declar. A. C'eft donc Ia fociéré feule qui élit le général; c'eft elle qui choifit I'adminiftrareur de rous les biens Sc de toutes les maifons. Donc c'eft la fociété qui eft propriéraire de tous les biens des maifons particulières. Encore une fois, fi les maifons avoient quelque propriéré , elles auroient le plus grand intércr dans le choix de leur adminiftrareur. C'eft au moment de fon élection que Ie général acquierr le pouvoir de 1'adminiftration univerlelle. Ce  a r occafion de leur commerce. 425 pouvoir lui eft conféré fans le fecours des maifons , il ne lui eft donne que par la voix de la fociété profetie , qui repréfente la fociété mème des jeluites. Donc c'eft la fociété qui donne au géneral fa procuration, Sc les maifons ne lui en donnenr point. 11 ne pouvoit tenir fonadminiftrationque du propnetaire. Donc les maifons ne font point propriétaires, Sc c'eft la fociété qui 1 eit: Sc fi c'eft la fociété, il n'y a qu'un patrimoine. L'adionfolidaire eft par conféquent légitime Sc néceflaire. _ _ Toutfe rapporte au mème principe , comme on le voit, dans le gouvernement des jéfuires. La communaute de propriété étoit déja une fuite naturelle de 1'uuité de pouvoir Sc d'admimftration. La voila conrirmée encore par la manière dont cette univerfalire , cette fouveraineté de pouvoir & d'adminutrarion fe confèroit au général. _ II y a olus encore. S'il eft mamfefte que la fociété' étoit propnetaire des biens de toutes les maifons qui pouvoient êrre renrées chez les jéfuites , telles qu'étoient les noviciats Sc es colléges; i plus forte raifon 1'etüU-elle des miffions; Il eft conftant , Sc ce fait n'a point été contefté , que les miffions  42,6" Procés des Jéfuites, éroient vouées z la pauvreté. Les miffiormaires devoient être mendiants pat leur étar. Lors donc , qu'au lieu de mendier, ils avoienrle ralenr d'acquérir des ricnerTes , autres que des richeffes fpirituelles, a qui auroienr-elles pu appartenir , fi ce n'eft a la fociété ? Qui devoit encore, li ce n'eft la fociété , profirer du revenu d'un commerce confiftant dans des deniers , dans des effers mobiliers, qui font fi naturellement fufceptibles de toutes les deftinations qu'on veut leur donner, & fi propres fur rout a être employés aux affaires générales de l'ordre ? Tout l'ordre devoir donc répondre des dettes eonttactées dans le fein d'un tel commerce. Mais , difoient les jéfuites , comment foutenir que la fociété eft propriéraire de rour, & convenir, en mêmetems , qu'elle eft vouée a la pauvreté ? Comment plutor, leur répliquoit-on, concilier fon vceu de r»auvreté avec fon opulence? C'eft un des myftères de fon régime; c'eft a elle a le développer. La pauvreté a laquelle les miilions font vouées , n'empêche pas que les jéfuites ne faffent unir des bénéfices aux colléges, avec détermination d'emploi au  aBoccaJion de leur commerce. 427 pront des miffions. II y a, entre autres , beaucoup de ces unions au collége de la Flèche en faveur de la maifon même de la Martinique ; les jéfuites 1'avouent. Voila Pexpédiént quils ont trouvé pour enfreindre & n'enfreindre pas leurs vceux. C'eft' par des voies pareilles_, fans donte , que les religieux des maifons profeffies fcavent fe difpenfer de vivre de quêtes & d'aumónes. Qu'importe après tout, ajoutoit on, que la fociété foit vouée a la pauvreté , quand il eft cerrain que les colléges & les noviciats n'ont aucune propnere de droit ni de fair, il faut que la propnete de ces maifons léfide quelque pan , Sc ov fera-t-ellc, fi ce n'eft dans la fociete qui en confère 1'exerciee a fon général > On a déja cité , d'ailleurs , des textes auffi lumineux, a cet égard , quil eft poffible d'en trouver dans un regime 11 ténébreux. Vbveant univerfi perpetuam pau ertatem. PoJJint tarnen habere collegium , feu collegia habentia reditus & pojfejfiones , ufibus & neccffnatibus fludentium applkandas Bulle de Paul III, de 1540. Les profès feront vceu de pauvreté; cependant ils pourronr avoir des colléges qui auront des rentes &  428 Proces des Jéfuites, des pofleffions applicables aux ufa<*es des étudiants. C'eft donc aux profes que les colléges appartiennenc , poffint habere collegia. Les revenus de ces colléges font feulement dans le cas d'ètre appliqués aux étudianrs. La propriéré & la deftirination font par-la diftinguées: la fociété eft propriéraire; les colléges font ufagers. Les colléges ne fonr pas plus propriéraires des biens qui leur font ainfi annexés, qu'ils ne le font de ceux qui leur ont éré unis pour être employés au miffions. Autre texte : PoJJejJlonem collegiórum cum rebus temporaiibus capiet fodetas. Les chofes temporelies font données aux colléges, mais c'eft la fociété qui s'en met en pofTellion. C'eft ainfi, difoit M. le Gouve', que 1'objection des jéfuites tourne en preuve contre eux. Que leur fyftême eft admirable! La fociété peut s'obliger, emptunter, recevoir par la main de fon général; & quand il s'agit de payer , elle répond : j'ai fait vceu de pauvreté; je n'ai rien , les colléges ont tout. Le créancier s'adreffe aux colléges , ils répondent: Ie général n'a pu nous enga-  d V occafion Je leur commerce. 42,9 ger; nos biens n'appartiennent qua nous. Seconde objecllon. Les loix de 1 eglife, les loix de l'état protegent les maifens des jéfuites établies en France. Elles ne permettent point que des biens confacrés a Dieu ou a l'utitité publique foient inconfidérément aliénés. L'inftitut des jéfuites doit plier devant ces loix refpectables , avec d'autant plus de raifon que le général eft un étranger. Réponfe. On vient de faire voir que c'eft en vain que les jéfuites invoquoient les loix du royaume 5 elles n'avoient rien a leur répondre , puifquils n'avoient point été véritabiement recus en France. Mais , difoit M. le Gouvé, il faut les pouifer jufques dans les derniers re* tranchements. Ou les jéfuites fonr recus en France avec leurs conftitutions, ou ils n'y ont pas été admis , ou ils n'y font que tolérés. S'ils n'ont pas été admis, ils ont donc été rejettés; leur exiftence n'y eft donc qu'une exiftence de fait ; alors tous leur» biens doivent paffer au fifc,leurs derres payées. S'ils ont été recus avec leurs conftitu-  43° Proces des 'Jéfuites , tions , elles fixenc donc leur maniere d'exifter parmi ■ nous \ elles doivenr, par conféquent, fervir de règle de décifion dans cetce caufe. Enfin , s'ils n'ont été que tolérés , c'eft avec leurs conftitutions , telles qu'elles étoient, ck qu'on a voulu éprouver. Les jéfuires ont donc été autorifés , au moins par provifion , a y conformer leur conduire. Il faut les prendre reis qu'ils fonr. Qud que foir le mode de leur exiftence s ils ne fcaaroient avoir Ie droit d'emprunter, & le privilège de ne point rendre. Leur général eft un étranger. Mais diftinguons entre la jurifdiction & la propriété. Nos loix ne fouffrent point, en effet, que les chefs d'ordre étrangers exercenr quelque jurifdiction dans le royaume. On les oblige de nommer un vicaire-général en France, & 1'on auroirpris la même précaurion avec les jéfuires , s'ils euffent été recus autrement qu'a titre d'épreuve. Jufqu'a préfent ce font les provinciaux du royaume qui ont tenu lieu de ce vicaire-général; bien imparfaitement fans doute , puifqu'ils font eux-mêmes , comme tous les autres jéfuites , dans une dépendance fervile du général. Quoi qu'il en foit,  m aT occafion de leur commerce. 431 *1 ne s'agit point ici de la jurifdiction , la propriété eft un autre article. Les loix de France permettent que les étrangers foient propriétaires de biens fitués dans ce royaume , qu'ils en faffent tous les aétes , qu'ils paffent tous les contrats du droit des gens , acquifitions, ventes, obligations. Toure la prérendue difficulré s'évanouit donc , en regardant I'inftitut des jéfuites, non comme une lóipublique, mais comme un titre déclaratif de propriété ou d'adminiftration emportant les acles de propriété. Maisil y a plus. Ni les dccrets eccléfiaftiques, ni les loix civiles, n'empêchent que, dans les circonftances ou fe trouvent les créanciers, ils ne puiffent attaquer les biens des jéfuites. D'abord on peut fe contenter de faifir le mobilier avec le revenu des immeubles, en réduifant chaque religieux a la portion concrrue. II n'eft point néceffaire qu'une maifon oü il y a quinze religieux poffede 50 mille livres de rente, on faifira tout le fuperflu. Quand il faudroit faire porter les exécutions jufques fur les immeubles , ne doit-on pas diftinguer entre les aliénacions ftrictement dites, & les obli-;  431 Proces des Jéfuites , gacions qui ne font qu'emporter hypothèque , quand même cette hypothèque entraineroit a fa fuite une aliénation ? Les biens eccléfiaftiques ne doivent pas être aliénés fans formalités \ mais lescorps eccléfiaftiques peuvent, comme tout ci toyen, contracter des dettes ; &C une fois contractées, il faut qu'elles s'acquittent fur leurs biens. Tout ce qu'on a a examiner, c'eft la validité de 1'obligation. Le créanciet n'eft teriu de prouver que 1'engagement a été utile &c profitable au corps religieux , que quand la légitimité en eft conteftée. Ici les jéfuites reconnoiffent que les créances font juftes , que les ritres en font valables. II faut que cestitres aient leur effet. On agit ainfi avec toutes les communautés religieufes La prérendue faveur de leur érar eft fubordonnée a la règle qui veut que les dettes foient payées; & quand ces dettes font fupérieures aux forces de la commünauté , on 1'éteint: tel eft 1'ufage. Les jéfuites veulent-ils être traités plus frvorablement que tous les autres ordres religieux qui ont, dans l'état, bien plus de ftabilité qu'eux ? lis reprcfcntent qu'ils ont des colleges  a F occafion de leur commerce. 43 3 , es fondés par nos rois ; d'autres qui appartiennent aux villes, qu'ils ont des biens déclarés inaliénables par les fondateurs. Mais n'onr-ils pas auffi beaucoup de biens libres , une multitude d'immeubles qu'ils ont achetés de leurs deniers ? 11 y a la-deflus des diftinctions a faire. N'eft-cepas bien inutilement encore qu'on a cherché a effrayer les efprirs > par les conféquences qui pourroient rcfulter de la folidité établie enrre toutes , les maifons des jéfuites ? Un fupérieur : pourroit donc , fur fa lignature, a-t on : dit, ruiner les établiifements qu'il importe a la religion &c a l'état de confer1 ver ? Une première réponfe eft qu'il faudroit exatniner 1'engagement , & voir s'il feroit légitime. Une feconde eft qu'après tout , ce n'eft la qu'un inconvénient qui eft bien balancé par les avantages d'un inftitut danslequel, fans doute , les jéfuites en trouvent de très-grands. Qne 1'on confi, dère qu'ils doivent au fyftême de cet i inftitut ce dégré de puiftance oü ils font i montés. Sont-ils dene bien a plaindre d'ètre expofés au léger malheur qu'ils feignent de redouter? Terne XIII. T  434 Procés des Jéfuites, II faut, d'ailïeurs, ne point perdre de vue que les engagements du P. de la. Valette ont été les efFets d'un commerce, & d'un commerce fait pour Ie compte de la fociété. Dès-lors elle n'a poinr de privilège a. réclarner; toute immunité êc perfonnelle & réelle cetTe en matière de commerce. Les jéfuites fe font faits négociants, qu'ils foient jugés fur les loix des négociants. Le défenfeur des jéfuites de France voulut écarter cette accufation imputée au P. de la Vaktte , & foutint que ce n'étoit point un commerce qu'il avoit fait, mais defimples actes d'adminiftration pareils a ceux que font tous les habitants de la Colonie. Tous les raifonnements qu'il fit a cet égard avoient été réfutés d'avance ; & 1'on a vu , plus haut , que ce prétendu miffionnaire n'étoit autre chofe qu'un véritable marchand , un véritable banquier. Mais il préfenta comme une piece fans réplique une lettre écrite au général des jéfuites pat 1'intendant a la Martinique» Elle mérite d'ètre ici copiée. « Mon très-revérend Père j «« Je vousavoue que j'ai étéextrêrae-  a l'occafion de leur commerce. 43 ^ " ment furpris , ainfi que tous les hon-« " nêtes gens du pays, d'un ordre que » nous avons recu de renvoyer le P. de » la F alette, que vous venez de nom» mer fupérieur des miffions & préfec » apoftolique, & cela fous le prétexte si du commerce érranger. II y a crois ans j> paffes que M. de Bampar & moi nous « gouvernons cetre Colonie ,y & loia j> d'avoir eu fufpicioa contre le P. de la » Valette a ce fujet , nous lui avons j» toujours rendu la juftice la plus si complette fur cet objet, comme fur « tous les autres qui regardent fon mi» niftère. II a eu ici des ennemis, qui « om tant crié auprès du miniftre , j> qu'ils en out furpris l'ordre en queft> tion. m Permettez-moi d'abord , mon très» révérend Père, de vous repréfenter » que vous .avez été mal fervis par „ ceux de votre compagnie qui , en ti France , font chargés de la corref» pondance de vos miffions, qui auw roient pu être inftruits de ce coup, 31 & le parer ou du moins le rendre sj moins défagréable. Mais enfin il eft yy porté , ck il eftqueftiondele réparer, » 8c de le faire d'une facon qui puiffe » mettre d jour l'innocence d'un sujet Tij  43 6 Procés des Jéfuites , » respectable , nèceffalre abfolument » /?oar l'utiiué de vos mijjions , & dont >* les intéréts , dans cette occafion , font » joints a 1'honneur de votre fociété » dans les Colonies, & a fon utilité m particuliere &c générale. >i io, Je commence par vous ajfurer 8c x vous jurer que jamais le P. de la V prpnonce pas fans quelque preuve ,  d t'occafion de leur commerce. 437 « & fans du moins avoir fait les per>. quifitions néceffaires pour atfurer fa » religion Sc fa confcience. Je conclus » de-la que le miniftre , qui eftrempli » de juftice Sc d'équité , a été furpris. » Voila les réflexions générales que » j'ai 1'honneur de vous préfenter \ &c » en conféquence , le P. la Valette. va » partir pour la France; car ilfaut comu meneer par obéir, & il le peut d'au» tant plus aifément, & avec d'autant » plus de süreté , qu'il lui fera aifé de » fe juftifier. Mais j'oferai ajourer que *> 1'honneur & 1'intérêt de votre fociéré » fe trouvent joints a fa juftification » abfolue. » Perfonne n'eft a 1'abri d'une impu« tation-calomnieufe, & plus les gens » qui font attaqués font d'un état ref„ pectable , plus il femble qu'il faut •» de précautions pour les condamner. » Si les foupcons ou les imputations ' » étoient juftifiées par les chefs du pays, » cela mérite attention , mais que les » accufateurs n'ofent pas fe nommer , » il me femble qu'on doit aller douce» ment, & vérifier auparavant. Si 1'on » fouffre tranquillement un pareil évé» nemenr, vous devez vous attendre » a être attaqués de même dans tours* T hj  4^8 Procés des Jéfuites, » vos miffions , Sc fous ie même pré» texte. La jaioufie naturelle qu'on a » dansce pays pour ceux qui foétitegr, » par leur conduite , la conriance des 35 chefs & des honnêtes gens,vous fuf» citera toujours des ennemis d'auranc n plus dangereux qu'ils font cachés , & » qu'ils pouffent toujours les chofes a » Pextrême, danslacertitude qu'ils ont » d'ètre éternellement enfévelis dans jj leur obfcurité. II efl: do~c vrai que y> 1'honneur de votre fociété &c de votre * miffion y eft intéreffé. Pour votre- in« térêt , & celui de votre miffion , cela 33 n'eft pas doureux. Le R. P. Guiün y le plus honnête homme du monde , as eft agé : il releve de maladié ; &c , 3> dans létte oü il eft , il regarde cet 53 événement comme un des plus triftës 33 qui piit lui arriver a lui perfonneile33 ment > indépendamment de 1'amitié » tendre & de la confiance qu'il a pour 33 le P. la Valette, Sc de 1'intérêt qu'il 33 prend au bien & 3 1'honneur de votre »> fociété & de la miffion. Vous n'avez. §3 ici perfonne abfolument qui paiffie 33 fuccéder au P. la Valette. Je fuis tés» moin du bien immenfe qu'il a fait a >3 votre miffion , depuis que je fuis ici, » Sc il n'y a que lui qui foit au fait de  d P occafion de leur commerce. 439 la faire des affaires qu'il a entreprifes s „ & qui ne peuvent être quinfiaiment avaniageufes.Js fuis fi perfuadé de ce que j'ai 1'honneur de vous marquer, „ que je vous réponds que votre miffion „ efl perdue pour long-tems tJi le P. la „ Valette ne revenoit pas , & peut-être ,, ne pourroit-elle fe rclever. „ Voila , mon rrcs-révérend Pére ; r„ ce que le refpecl injzni que j'ai pour „ vous y Pattachement fincèré que j'ai „ pour vos Pères, depuis que je les „ connois, les bontês que vous m'avez „ témoignées dans Ia lettre que vous 9i m'avez fait 1'honneur de m'écrire , „ Pamitié tendre que j'ai pour le P. „ la Valette perfonnellement , fen„ timents que M. de Bompar notre „ général , le plus digne homme du „ monde, parrage bien réellement avec „ moi , m'oblige de vous mander. „ J'ajouterai a rous ces motifs la con„ fidératïon que mérite une fociété s, comme la votre, & le bien infini que „ je lui vois faire par 1'ufage que vos „ fupérieurs , & fur tout le P. Gullin „ „ & enfuite le P. Lavalette ont fair du bien de la miffion , pour rendre „ fervice a quantité d'honnêtes- gens „ qui, fans eux, auroient été fort emM barrafles, T 'vt  440 Procés des Jéfuites , „ Vous pouvez partir hardiment des confidérations que j'ai 1'honneur de vous propofer. Ma facoa de penfer fera roujours uniforme , paree qu'elle eft fondée fur mes connoilTances par„ ticulières , Sc fur ia cerrirude que j'ai de ce que j'ai 1'honneur de vous marquer. Soyez perfuadé que je ne „ manquerai anemie occafion de vous „ témoigner mes fentiments, pour vous perfonnellement, mon très-révérend j, Père , Sc pour votre fociété. L'otdre du miniftre a été furpris, & il fera aifé de le faire révoquer; mais il faut #, qu'il lefoit authentiquement, aurrej, ment vous vous expofez a de fré., quents défagréments qui feront tort a votre miffion Sc a votre corps; Sc fi s, je n'étois sur de Pinnocence entière 5,-du P. de la Valette Sc de faconduire, je puis vous affurer que je ne parle3, rois pas fi afïïrmativement. „ Je fuis avec un profond refpeéf „ Mon T. R. P. Votre très-humble Sc très-obciflant ferviteur, * * > , intendant des üles du Vent. A la Mirtinique , 19 feptembrc 1753.  a V occafion de leur commerce. 441 II réfulte de cette lettre que M. * * * refpe&oit beaucoup le général des jéfuites , faifoit trés grand cas de la fociéré , étoit ami du P. la Valette , Sc qu'il ignoroir que celui - ci fit le commerce étranger. Mais elle prouve que ce miffionnaire avoit fait un tien ïmmenfe a la miffion \ & ce n'eft pas un bien fpirituel, du moins les fuccès évangéliques du P. la Valette chez les Caraibes n'ont pas été fort célébres: mais on a beaacoup parlé , & on a vu la preuve des richefles temporelles qu'il avoit acquifes a la miffion de la Martinique ; & comment les avoit-il acquifes ? par les affaires qu'il avoit entreprifes , & qui ne pouvoient être qu'i/2finiment avantageufes, Ainfi , quand il feroit vrai, d'après le témoignage de M. * * * , que le P. de la Valette n'avoit point fait de commerce étranger; & on ofe dire qu'il ne tenoit qu'a lui de s'affurer du contraire , il n'en feroit pas moins certaia qu'il avoit fait le commerce national, Sc qu'il avoit foutenu la banque. C'eft lui même qui va, par fes lettres, nous donner des témoignages invincibles d'achat & de vente de denrées. Les fucres ont eaiffe de dix pour cent 3 Ty  44^ Proces des Jéfuites , écrrvok-il aux fieurs Lioncy , le i aout 1753. Voila pourquoi je pais acheter a force. 11 y a déjd plus de 300 bariques de fucre, qui attendtnt votrz Pierre ,. dont i ^opour moi} & ies autres 150 pour MM. B. & T.-y & dans le courant de ce mois , tous mes fonds fe* ront employés. Ainfi il y aura cinq cent bariques de fucre achetées ... Signé , ia Valette ,jef. Vous ave^, fans doute, recu3 leur marquoit-U, dans une lettre du 12 aout 1753 , mes précédentes , par lef quelles je vous ai annoncé les nouvelles remifes faites dia maifon de Graffon , Bordeaux & compagnie , pour le commerce des monnoies d'or ; d'oii vous deve\ conclure qu'il paffera , par ce camal la seul , indépendamment de mes remifes & de mes cargaifons , pres de deux mille bariques de sucre , chaque an~ née- Celle-ci y écrit-il peu de jours après , x'ejl uniquement que pour vous reu ér er mes inflances, pour faire revenir promp~ tement Graffon. Bordeaux eft indifpofé depuis quin\e jows. Toutes les affaires languiffent. Gouffallin ne peut pasfuffire a tout, & la fan té de Bordeaux eft ff ddlabrée, qu'il ne peut yeiller qu'a. Ia.  a toccafion de leur commerce. 443: caijje , dans laquelle ily a ,. malgré deux tent bariques de fucre achetees ex tayÉes y 158000 liv. Je fuis Jfr les épines. Averti£e\ Graffon que , s'il n'eft pas ici en novembre , je forme une autrefociété. Je ne fuis pas fait pour être dans les plus vives alarmes , & pour n'etrè occupe que .de l'achat des sucres y et de toutes les autres choses qui en dependent. Je nai rien d ajouter , c'eft ici Ia dernière lettre qui a précédé le départ du P. la Valette pour la France , d mes précédentes yfinon que je laiffe ici deux cent mille livres entre les mains des fieurs Gautier & Co'èn , pour vous les fairtr paffer, et pour acheter le nAvire de MM. Diant, & pour le charger tout defuite , en vous donnant avis pour les ajfurances. Le S. Pierre partira d'uB vers le 10 novembre; ily aura y pour Itt compte de la maifon, 300 bariques defucre, & plus , s'il y a de la place. Terr. chargerai autant fur le nayire des Diant* Comptei qu'il ne tiendra qu'k vous que . vos navires faffent deux voyages tous les: quimte mois. Avant mon départ, qui e/F toujours fixé au 1.0 novembre y je vous écriraï au long fur toutes chofes.. Le P- la Vaktte % après fon ESWOB »  444 Procés des Jéfuites , Ia Martinique , reprend les rênes dn commerce &c la correfpondance avec les iieurs Lioncy , qui avoit été entretenue , pendant fon féjour en France , par les fieurs Caen Sc Gautier. Enfin, écrit-il aux fieuts Lioncy en 1755 , ^a Reine des Anges part chargée a mortecharge , pour le compte de la maifon. J'ai Été obligé de prendre des fonds a löng terme pour avoir des sücres. .... Cariïer vous dïra que , pcur avoir la préférence de 35o bariques de sucre qu'il falloit pour l'expéittïon de la Reine des Anges , j'ai donné dix milie livres au dessus du prix es Tl mé des dit s sucres. . . . . Je ferai , & vous auffi , un grand coup , fi vos navires a r'rvtnt ici en janvier ou février, au plus tard. L'attention qu'exigeoit le commerce des fucres & des monnoies d'or n'occttpoit pas le P. de la Vatette sa point qu'il ne defcendit quelquefois anx plus petites branches du traric. J'ai fait , marquoir-il au fieur Cr,,.., le 15 Juiller 1757 , d S. Pierre, une vinaigrerie qui me donnera, chaque année, 7^8 cent ba'iques de tafia : f achetr des sirops pcur cela. J'ai fait , a coté, une gmgerie, mouiin a eau. S. Pierre ,  a F occafion de Leur commerce. 445 avec cetie augtnentaüon, nous rendra , ennée commune , deux cent mille livres de rente. Que ferviroit-il a préfent de s'occuper de ce négoce écranger , que ^ les loix des Colonies défendent li févérement a rous les habitants ? Le P. de la Valette zézè accufé du commerce e'tranger , par la voix publique , auprès du minlft'ere : M. * * * a pris la peine d'attefter fon innocence au général des jéfuites, & non au miniftre; a. la bonne heure ! L'intention de M. * * * a-telle été de le juftifier aulfi fur le commerce permis a tous les négociants ? La réponfe eft dans les lettres du P. de la Valetie. Troifiemeobjeclion. Le commerce eft un délit dans les religieux; les loix canoniques 5c civiles le leur défendent ; la règle"'même de la fociéré Pinrerdit aux jéfuites. Si le P. la Valette , fi le procureur général des mifiions , fi les aftiftants , fi le général onr commerce, c'eft un délit qu'ils ont commis : mais il leur eft perfonnel; les délits ne font point folidaires. Tous ces jéfuites font fortis des bornes de leur adminiftration, leur crime ne peur compromettre les maifons particulières qui n'y ont point  446 Procés des Jéfuites, participé. Les créanciers eux - mêmes ont été complices; ils font donc fans actio.n. Reponfes, On livre donc aux créanciers , comme autant de coupables , tous ces jéfuites coopérateurs du P. de la Valette. Mais eft-ce comme officiers conftituant le régime de la fociété qu'on les leur abandonne ? En ce cas , voila toute la fociété débirriee. Eft-ce comme de fimples particuliers ? Mais que veuton que les créanciers faifent de tous ces reiigieux morrs civilement ? Cependant il eft sür que ces mêmes jéfuites n'ont poinr prohré perfonnellement des deniers des créanciers: c'eft dans la cailTe de ia fociété que font tombés ces fonds immenfes. Et la fociété ne feroit pas obligée de les rendre ! Ces créanciers font complices , ditelle. Ils ont a gémirfans doute de s'être trop généreulement dévoués aux intéréts d'une fociété auffi ingrare : mais faudra-t-il donc , fous ce prétexte , qu'elle s'enrichiffe de leurs déponiiles ? C'eft elle feule qui a violé des devoirs impofés par les régies monaftiques , des devoirs qui lui étoient perfonnels : c'eft elle qui véritablement eft complice de tous les jéfuites qu'elle abandorme comme criminels,  d Foccafion de leur commerce. 447 Elle a avancé que l'ordre pouvoit , dans certaines occafions , dépofer fon général. Ici le général eft a treint d'un délit orave dans un chef d'ordre , d'un délit public , notoire. Qu'a r-elle attendu pour faire le procés a ce coupable, & le deftituer? Elle a fouffert Ion délit -y elle 1'a donc pattagé. Mais comment auroir-eUe enrrepns de le punir ? étoit-ce réellement un crime a fes yeux que ce commerce , dans le tems qu'il profpéroit ? On a fait voir que celui de la Martinique n'étoit qu'une branche du commerce nniverfel que faifoit la fociété dans tout l'univers: c'étoit une tache prefqti'originelle, & qui devint comme naturelle dans les jéfuites \ leur fociété étoit une fociété marchande. C'eft ainfi que fur rerraffée la défenfe des jéfuites. M. le Pellerier de SaintFargeau , alors avocat général, aujourd'hui préfidenr a mortier, porta la parole, dans cette caufe. Ceux qui aftiftèrent a fon difcours furent frappés du nouveau jour qu'il fait donner aux moyens que 1'on vient de lire, & de la folidité de ceux qu'il fournit encore avant de fe déterminer a conclure contre les jéfuites.  448 Procés des Jéfuites, Enfin, par arrêt du S mai 1761 , U général, & en fa perfonne la fociété des jéfuites, futcondamné a. acquitter, tant en principal , qu'inrérêrs 5c frais , dans un an, a compter du jour de la fignification de 1'arrêt, toutes les letrres-dechange tirées par Ie Frere de la Valette jéfuite , fur les fieurs Lioncy 5c Gouffre j li-non permis tant aux créanciers des fieurs Lioncy & Gouffre, qu'aceux-ci, de fe pourvoir , pour le paiement, fur les biens appartenant a la fociété des jéfuites dans le royaume, a la réferve de ceux dont la deftination n'a pu être changée par la fociété & le général 3 au préi'udice des dreits des fondateurs , donateurs 5c de leurs repréfentants , ou des villes & pays a 1'utilitédefquelles lefdits biens auroient été irrévocablement affeóbés : le fupérieur général & la fociéré condamnés en 50000 livres de dommages Sc intéréts envers les fieurs Lioncy Sc Gouffre, fi mieuxn'aiment les payer par déclaration, ce qu'ils feront tenus d'opter dans quinzaine. Faifant droit fur les conclufions du procureur général du roi , la cour fit défcnfe au Frère la Valette jéfuire &c i tous autres , fous telle peine qu'il appartiendra, de s'immifcer direcfement  d Uoccafion de leur commerce 449 ni indireiftement dans aucun genre de trafic interdic aux perfonnes eccléfiaftiques , par les faints canons recus dans le royaume , ordonnances du roi, arrêts & réglements de la cour ; les jéfuites condamnés en tous les dépents envers loures les parties. Cet arrêt prononcé au profit des fieurs Lioncy feuls & de leurs créanciers eft devenu le titre commun de tous ceux qui fe font trouvés avoir des lettres-dechange du P. de la Valette ; ils Pont fait ordonner fucceilivement fur de fim-ples requêtes. Mais ni les uns ni les autres n'ont abufé de leur droit a la ricnieur , & ils ont accordé aux jéfuites les délais dont ceux-ci ont eu befoin pour s'acquitter fans fe gêner , & fans altcrer leurs fonds. C'eft ainfi que fut terminée cette affaire , qui occupa tous les efprits , tant qu'elle fut pendante au parlement. Je m'étois propofé de faire, de fuite, 1'hiftoire de cette fameufe révolution qui a pris fa fource dans cette affaire , 6c qui a fait difparoitre cette étonnante fociété de la furface de la terre, qui en étoit couverte. Mais je crains d'avoir trop long-tems arrèté mes lecfeurs fur  4 5 Proces des Jéfuites. le même objcc, dans un ouvrage dont la variété eft un des principaux" apanages. Je réferve donc pour une autre fois , le développement des motifs 8c des opérations qui ont plongé dans le néant cette fociété fi célèbre , fi puiffante & li formidable. Fin du irei^ième Volume.  ■