VERZAMELING W. H. SURINGAR  C AU S E S CÉ LEB RES ET IN-TÉRESSANTES; AVEC LES JUGEMENTS^ QUI LES ONT RFNDtJS; Ridigces de nouveau par M. /?X^#kkjt areien Avocat au. Parlement. ÏOMI QU INZIMiy" ^ Af STERDAM', Ghez Michel Rhit. Ï778.  Et fe trouvent a Paris} chei La veuve Savoie , rue S. Jacques. Le Clerc, Quai des Auguftins. Humblot, rue Saint-Jacques. Cellot, Imprimeur, rue Dauphine. La veuve Desaint , rue du Foin, Burand, neveu, rue Galande. Nyon, rue Saint!- Jean - de-Beauvais, Delalain , rue de la Comédie Fraacoifc Moutard, rue dfes Mathurins. Bailly, Quai des Augiiftins»  TABLE DES CAUSES Contenues dans ce quinzième Volume." Les nouvelles Caufes font marquées d'une ètoile. JL 1LLE trompée par un Avenunet't Page i. * Etat des enfants d'un Condamnè a. mort par effigie, 9i Dtmandc en cajfation demarlage , zi9 *Enfants d'un Soudiacre & d'uneAbbeJfe déclarés léghimes, 421 Arrêts en faveur des Comédlens Fran- Fin de la Table.   CAUSES CÉLEBRES E T ÏNTÉRE SS ANTES, Avec les jugemens qui les ont dècidées* * FILLE TROMPÉE PAR VN AV E N T V KI E R. D etuis que les maifons les plus anciennes & les plus illnftres ont ce(Té de rougir de s'allier avec la fortune , dans quelques «sairrs qu'elle fe trouve, & par quelques voies qu'elle y foic arr'ivée, les bourgeois enrichis ont eu , de leur coté, la folie ambition de r'echercher ces alliances. Les ons croienc relever„ ou dcgitifer Toms XVi A  t F Me tromp U la baflefle de leur origine 3 & efFacer 1'opinion défavorable ou aviluTante attachée a leur état. D'autres veulent acheter des protecreurs puiilancs, qui les préfervent des f>erquifirions que Ton puurroit faire fur a fource de leur fortune fcandaleufe , Sc des juftes reftituticns auxquelles on pourroit les atTujettir. On oublie , en quelque forte , les injuftices, les ufures, les vexations, les rapines , &c. qui ont accumule ces richeiïes avec une rapidité revoltante, quand on les voit deftmées, par un mariage , a rendre a une maifun illuftre la faculté de remontrer le fafre qui 1'avoit précipitée dans la pauvreté. Mais la vanité ou la précaution qui préjident a ces ailiances, font prefque roujours punies par le mépris, & par routes les difgraces qui 1'accompagnent de la part de celui que 1'intérêt y a fait defcendre. Un homme qui, en nailTanr, ctoit décoré d'un titre refpecté dans la nation , rougit de fe voir le gendre d'un fimple plebéïen, & reprocbe a fa femme , ia balTelfe de fa naiQance , qui ferme a fes enfants 1'entrée de ces compagnies diftinguées, qui n'admmettent que des Lnjets dont le fang n'eft pomt eviii par des méfalliances.  par un Aventurier. f Les exemples fréquents des fuites fècheufes de ces mariages difproporrionnés, ne fonrpoint un frein capable de retenir 1'ambition des roruriers enrichis; de^enx même qui n'oilt poinc de reproches a craindre , ni de recherches a redouter, dont la fortune eft le fruird'une induftrie légirime , & d'une fiige économie. On en voit que le defir d'une alliance illuftre aveugle tellement, qu'ils fe tailleur trompet par le premier aventurier qui ufurpe, ou tient da hafard le nom d'une maifon diftinguée; qui abufe de ce nom , pour alTurer &c perfuader qu'il eft un rejetton de cette maifon, Sc foutient certe impofture par un faftequi n'eft fondéque fur des friponneries & des excroqueries de toute efpèce. Cette caufe en fournit un exemple. Le fieur Bom naquir , le 24 décembre 1690, a Rouato, petit bourg fitaê dans les états de 1a république de Venife. Ociave Bona, fbfi pere, vendoit, dans le même lieu , de l'oivietan. II % prétendu que 1'ob.et du commerce de lbn père avoir été de ramener la maifon ■k fon ancien état de fplendeur ; ainfi , en voulant ennoblir , par le motif, une profeffion aulii peu analoguea un grand Aij  4 Fitte tromple - nom , il a avoué la vérité du fait. Le fieur Bona ne jugea pas a propos de s'adonner au mème commerce qua fon père , quoiqu'il eut cependanttous. les talents néceffaires pour y réuffir. II fuivit une route bienoppofée', il témoigna , pendant les premières années de 'fa jeuneiTe , un goüt décidé pour 1'étar de religieux, & fa vocation paroiflant cismre & fe fortifier de jour en jour , le i octobre 1710,11 entra dans 1'ordre des Servites a Rouato. Le 5 du mème mois, il prir 1'habit, fous le nom de Frere Akxandre, & fut, enfuite, conduit dans une maifon du mème ordre a Venife , oü il fit fon noviciat fous la diredion du Père maitre Jean-Fincent Maglietti, Florentin. Le Frere Alexanire paffa le tems du noviciat avec une ferveur capable de iromper les plus clairvoyants. Aufli-tot q,ue 1'année futexpirée, ilfe difpofafélieufement l faire fa profeiüon dans le convent des Servites de Rouato. Pour y réufiir, il demandaau Père Mag'.ietü, rnaure des novices , les atteftations néceffaires en pareil cas : il les obtint fat ilement; elles ne pouvoient être refufées a la régularité de fa conduite pendant le tems du aoviciat, & a 1'ardeur  par un Aventurier. jf du zè!e qui fembloit l'animer. Munide routes ces pièces , il fe rendit, avec emprelTement, a Rouaro , oü il fit fes voeux le n oóbobre 1711 , agé de n ans. Cette profeflion folemnelle revêtue de toutes les formalirés prefciites , foit par les loix de 1'églife, foit par les conftitutionsparticulières des Servites, fut, de plus, accompagnée de la plus grande publicité. On rapportoir l'acTre authentiquedela profeflion; ainfiil nepouvoit s'élever, dansles efprits, aucun doute raifonnable a ce fujer. Le fieur Bona ne fut pas plutot lie par des voeux, qu'un efprit d'inconftance & de déréglement s'empara de lui, Sc le porta, par dégrès 3 a des exces dont le récit fait horreur. En efret, il eft conftaté, par un certificat que le prieur même du couvenc a délivré, Sc dans lequel il parle fous la religiën du ferment, que la huk du $ fepiembre 1711 , le fieur Bona avoit affajjinè a coups de couteau , apres avoir manqué d'un coup de pifiolet , le Père Antoine Zigliano , religieux du même' erdre, auquel il dtvoit de Var gent. Oir ne rapportoit pas , il eft vrai, d'aurres' preuves de ce crime. Mais ce certificatA.iij  6 Fille trompée ■ étoit fuffifant pour autorifer une préfomption bien défavorable contre celui auquel un fupérieur de communauté n'avoit pas crainr d'imputer, par écrit, qet attenrat. II falloit que ce religieux fut bien afTuré qu'il prouveroit la vérité de fon accufation, ü celui qu'elle concernoit s'avifoit de s'en plaindce en juftice. D'un autre coté , le filence profond que garda eet accufé a la vue de eet écrit n'annonce -1 - il pas qu'il redouroit les éciaircilTements, & craignoir de fe voir juridiquement convaincu d'une actioa qui 1'auroit conduit a 1 echafaud ? Quoi qu'il enfoit, aprèsavoircommis nn crime aufli atroce, Bona s'évada du couvenr des Servites: les religieux ne regrettèrent pas, comme on jugeaifément, un pareil fujet; ils prirent toutes les précautions nécelTaires pour enfevelir dans un oubliéternel la mémoire du meurrre dont on vient de pailer } & puur prévenirle fcandale qu'auroit caufé 1'éclat d'un événement auffi' iiniftre. Bona quitta 1'Italie, & vint en France: J'incligetiee & le libertinage le déterminèrent a prendre parti dans les troupes; il s'enröla dans le régiment Royal Italien, & demeura , pendant quelques années , dans leroyaume jii'ayant d'au-  par un Aventurier. 7 tre qualité que celle de foldar ou de orenadier. On ne fe livrera point au détail de fes différentes aventures pendant fon-féjour en France; elles font peu intéreiïantes par elles-mêmes. II fuffira d'obferver qu'il ne fut pas plus fidele a remplir les devoirs du fervice militaire , qu'il ne 1'avoit été aux engagements de 1'état monaftique. 11 déferra vers 1'année 1719 , & retourna dans fa patrie, perfuadé qu'une abfence de huit années , auroit fait oublier fon crime ; que 1'indirTérence , ou plutot 1'horreur des religieux pour fa perfonne le mettroit a couverr de toutes perquifitions de leur part, & qu'ainfi il pourroit, avec fécurité, former quelques nouvelles tentatives pour fa fortune. Bona, de rerour dans fa patrie, n'y fut pas cl'abord décoré d'emplois briljants; il fur fait, ce qu'011 appelle en italien capo leva, expreflions qui peitvent fe rendre dans notre langue , par celles de chef de recrucs , ou enrêleur. La violence &c la rufe employees a propos , font les talents néceffaires pout réufllr dans eer emploi \ la république en retire , a la vérité , quelques avantages , mais la reconnoifTance ne va pas jufqu'a eftimer ceux qui les f rocurent. A iy  £ HIU trompte Bona parvinr cepencant, a fofce de bafles imrigues , a acquérir des protections. II obtinr quelques emplois un peuplus honorables que celui qu'il avcir d'abord exercé ; mais ia faveur ne fut qive paffagète. II fe vit obligé, par quelques aventufes dom on ne peu: faire ie détail avec certirude, d'abandonner, pout la feconde fois , fa patrie; &, ccmme la France ne pouvoit plus être im afyle pour lui , il pafla au fervice d'Efpagneen 172 1 , ou 1722. On croi: qu'il fur employé dans les guerres de SicUel, en qualité de caporal ou grenadier. II ne fut pas plus heureux en Efpagne qu'en Italië; il épreuva desrevtrs d'aur-ant plus facheux > &c d'autant plus amers , qu'il ne pouvoit les imputer qu'a fes violences & i fa mauvaife conduite. II fe vit donc obligé de reprendre la vie errante , & d'abandonner 1'Efpagne : mais dans quels climats fe retirer ? Les états d'Italie , les royaumes de France & d'Efpagne fembloient lui «re inrerdics; du moins, il ne pouvoit, lans péril, hafarder d'y iïxerfademeure. Uns fituarion fi critique fournit 2 fon efprit de nouvelles reiTources; ilforma de nouveaux projets ; il ie perfuada  par un Aventurier. g i u n eprouveroitun ion pms ïavuiauic ans les pavs fkués au nord de 1'Europe : flatté de cette efpérance , il fe rendit en Pologne vers la fin de 1'année 1715. Ici fe préfente un nouvel ordre de fairs : Bona arrivé en Pologne , fe méramorphofe en gentilhomme; il fe dit iflii de 1'illuftre maifon de Bona , parent même du cardinal de ce nom (1). Une phifionomie diftinguée, lenom de Bpna qu'il portoit réellement, fon origine italienne , toutes ces circonflances reunies donnent de la vraifemblatfce au roman. 11 paroit lui-même les fables qu'il avoit.imaginées fur fon origine , r r • rr ' /•'.!.. '. Cl jl lui ia iiaiuancc , iiu ics iiibutuirtiui-» uv- (1) Cette fajnSIe établie dans le Fiémont étoit une branche de celle de Bonne de Lefdiguières en Dauphinè. Le cardinal Bona , connti parplufieurs ouvrages de piéré, & dereorale en fut membre. Clement XI lerevêtit ut ia pouipre ruinaiiie 3 ut. a ja mun ut vs. pape, totis lesgensde bien fouhaitèrentqu'on lui rlonnat Zfo/iapour lucceüeur ; ce qui donna lieu acette pauminade : Papa Bona fa rel ie f-lefcimo;fur laqueüe le P. Daugïeres, jèfuite,. fit cette épigramme: Grammaiica. leges plerkmijue ecclcjia fpernW; Forti erit ut liceat dicere papa Bona. Vana folezcifmi ne te conturbet imago*;; EJfet papa bonus, fi Bona papa. forel: A-W  i o rille tfcmpe'e fa vie , avec eet air& ce.ton d'affurance & de vérité qui préviennent tout foupcon de Ia part de ceux qu'on en entrerientd'abcpi , & que 1'on ne choiiit pas au nombre des plus clair-voyants.Ceuxci communiquentles mêmes fairs a d'autres , en parient comme dechofes dont ils ne doutentpas^Sc corames'ils étoient rémoins oculaires; & , de bouches en bouehes, Ia fable eft univerfellemenr adof>tée comme une vérité. Le premier ener des ïntrïgues de Bona fut d etre admis dans les Gardes du corps du roi Augufte, eledeur de Saxe. 11 fcur, dans ce pofte, fe tnénager des protections 8c des amis, il s'inünuamêmechez Ie généralPoniatouski, qui i'nonora y pendant quelque tems , de fa confiance. Mais la proipérité du fieur Bona rre pouvoit être conftante : il eft bien rare qu'un homme coupable de forfaits parvienne a jouir de cet avantagé. Nous i'avons vu jufqa'ici fe lier par des vceux, s'évader, peu de tems après, du cloitre , après y avoir commis un crime dont Ia feule idéé révolte êc mener enfuite une vie errante 8c vagabonde. II faur mainrenaur fuivre ce fiéros de roman dans des aventures d'une efpècedifférente^&rendxe comp-  par un Aventurier. 11 te des mariages qu'il a contradés dans les pays du nord. Bona, pendant fon féjonr a Warfovie en \ , s'étoit introduit chez la veuve Simoner. Cette veuve demeuroit avec le fieur Ribjïnski fon père } notaire de la cour & de la chancellerie, homme très-avancé en age. Ce vieillard jouiflbit d'une fortune aiTez confidérable, que fa capacité lui avoit acquife , & qu'une probité reconnue de tont le monde rendoit honorable & jufte. La veuve Sitnonet n'aveit recil aucuns biens de fon mari \ depuis fa mort elle fubfiftoit , ainfi que cinq enfants , pour la plupart en bas age, par les libéralités du notaire Ribjïnski, dans la maifon duquel elle avoit trouvé un afyle. La, toute cette familie , partageant les fecours d'un aïeul généreux , par une jufte recpnnoiffance , lui payoit ce tribur de; foins , de complaifances & d'cgards , qu'un homme parvenu a nn grand age n'exige & ne recoir guere que de fes proches. 11 étoit réfervé a un imriguant anfïï dangereux que notre aventurier , de troubler la paix qui régno.it dans cette maifon. La veuve.Simonet avoit un fils & quatre filies j 1'a'inée des fiiles , agée Avj  i £ Fille trompie ci enyiron quinze ou feize ans, avoic: recu, de Ia nature , une figate aimable, c: - "ni extérieur modcile öc vertueux embelliffoit. encore. Elevée.avec rtmplicité , elle. ignoroit.jufqu'au nom de la paffion runefb qui s'annonce par les plaiilrs , Sc ne lailïe a. fafuire que les rernordscV 1'amertume.. Bona, devena depuis peu , comme. on 1'a.ohfervé , gentilhomme Italien t forma le projet odieax de féduire la demoifeüe.SÏOTo/zer. II cacha routl'artiike.dun féducteut, fous le voile fpécieux de vues honnèces Sc légitimes , d'une paffion tcndre & d'une probité épurée. La demoifelre Simonet ne (e déha point du précipice oü.1'on vouioir ijenrrainer; elleécouta les difcours d'un hornme. qu'elle auroit dü fuir ; & , trompée par des fermenrs qui ne font qtte.trop.fouvent des parjures , elle répondit s fes vues crimineiles. Cette intrigue fut ignorée pendant qtielque rems : mais elk eur des fuites qu'il ne fut pas poffible de diiïimuler ni de déguifer; le fecretfe fit jour; route la.familie de la dernoifeile , atcabiée. par une li crüelie difgrace , ne vir, dans cetteextrèmiré,d'autre parti apfendre, ijtic;.de.dunner.la demoifelle_ itimcnu.  par un Aventurier. i j; en manage au fieur Bona. Celui-ci eut la perfidie de refufer fa main; mais enfin , menacé d'êcre banni de la Pologne, il confentit au mariage qui fut célébré le z6 avril 1717. Cette célébration fut fuivie , un mois après , de la nailTance d'un enfant. C'eft. Sèbafiien Bona, qui étoit en France , avec fon père, lors du procés dont il s'agit iei. Marie-Anne Simonet en a eu. deux antres depuis ; 1'un qui eft mort. en bas age , & 1'autre qui exiftoit encore en Pologne , & avoit été indignement abandonné par fon père. Ce dernier fait étoit attefté par une déclara-rion authenrique de 1'abbé Simonet rélident a. Paris, & qui a cru devoir rendre eet hommage a lavériré. Marie-Anne Simonet mourut a Warfovie dansl'année 1753, agée de vingttrois ans. Elle avoit renend, pendant le • cours de fa vie, tous les chagrins que; peuvent caufer a une femme les violen-.res & les déréglements de fon mari. Puifieurs perfonnes dignes de foi atteftoienr que les défordres & Ia mau-t vaife conduite de Bona ont été noroires dans la ville de Warfovie \ que le\fcandale même , dans différentes occafions, avoit été porté jufqu'aux derniers..  14 Fille tramrite ex;ès. Bona fe rendir coupable , a pen prés dans cetems, d'une prévarication des plus caractérifées., en facilitant Pévaiiou d'un prilonnier d'érat confié a fa garde. Ce dernier trait Pobligea de vivre caché jufqu'a" la mor: du roi Augufte. • Après la morr duprince , il crut pouYoir reparoitre fur la fcène avec conriance: il entra au fervice du roi Stanijïas. & obrint un de ces brevets de colonel qu'on accordoit alors aux volontaires oui fe préfentoient. Loin de mériter 1'eftime Sc la protection dti prince , au fervice ducuelil s'étoitnouvellement engagé,on peut dire qu'il encouru: fon mépris; on en avoit des preuves qui n'étoient point équivoques, confignées dans des lettres écrires parle duc O'ToVmskl, "rand maitre de la maifon au roi ae Pologne, duc de Lorraine; il y eft dit que le rei donne permijfion en.i'ére de procéder contre ce matheureux.Mais on ne s'atrête point, pourle préfe-nt , a la difcuffion de ces preuves , dans la crainre de perdre de vue le £1 Sc la Ijaifon des faits. . Les c-xploirs milltaires de Bona , pendant qu'il fut attaché au fervice du roi Stanijlas, méntencoeu de- rixer Parten-  par un Aventurier. i 5 tion; maison nedoitpas ponerle même jugement du mariage qu'il contradta alors avec une riche Pruftienne. Cet engagement, dont il eft indifpenfable de rapporter les circonftances, exiftoic encore lorfque Bona vint fe marierdans Ie royaume; & le récit desfaits dont il a été fuivi , achevera de démafquer Phomme. Bona demeuroit, en 1735 , a Konigsberg , viüe lituée dans la PrulTe ducale. Lademoifelle Dorothée-Therefe Heinke , agée d'environ dix-fept ans , pafloit pour un des meilleurs partis de cette ville Son père , nègociant des plus accrédités, avoit acquis des biens immenfes qu'une fage économie avoit coniervés. La demoifelle Heinke, fa filie unique, avoit recueilli, depuis peu de tems, fa fucceffion. Elle vivoic avec fa mère ,& joignoit le mérite d'une beauté rare a 1'avantage de 1'opulence. Plufieurs perfonnages des plus confidérables & des plus diftingués afpiroient au bonheur d'obtenir fa main. Eile n'étoit embarrallée que fur le choix: mais elle étoit aflurée qu'elle ne pouvoit en faire un qui ne fut brillanr, E'le fe trompa. Bona vint lui faire perdre tous les avamages & routes les don-  r<£' FilU trompée ceurs que fa fortune & fa beauté lui promettoient. II fe mir donc fur les rangs 5 &fans être effrayé de Ia foule des prétendants, il entreprit de s'amirer rour a la fois le ccrur de la demoifelle, le confentement de la mète, Sc 1 exclufion des rivaux.. Je crois avoir èêji dit qua une 'taille avantageufe, & une figure difringuée , i! joignoit un efprit fouple, infinuanr , 1'art de perfuader, Sc ce ron de confiance avec cette facilité d'expreffion tpii préviennent routes les réflexions , & écartent toute idéé de foupcon. II feut mettre rous ces talents en urage , ik fe procurer le cceur de la demoifelle Heinke. Elle fe joignit a lui pour gagner le fuffr.ige de fa mère , qui ne connut. plusd'autrebonheur pour fa lille &pour elle , que d'avoir le iieur Bona pour gendre. Maïs rout le monde ne penfoit. pas comme elles, Sc la mère de Ia demoifelle Heinke, en favorifanr les vues de Bona , agiiToit ouvertement contre le vceu de toure la familie. Les parenrs les plus fenfés de la mineure ne vovoient. qu'avec peine un étranger , fur la naiffance Sc ies biens dnquel on n'avoit: aucune efpèce de certitude, prefcre aux: partis les plus convenables qui fe pré--  par un Aventurier. 17 fentoient. lis foutenoienr finguliérement un des prétendants; & les oppofitions qu'ils fotmèrent au manage projetté paria mère Sc la fille , qu un faux éclat éblouifibit, donnèrent lieu a une conceftarion qui fut portee devant le conhftoire de Konisberg. Les alarmesdeces parents fur les malheurs auxquels !a demoifelle Heinke alloit s'expofer, n etoienr que trop bien fondées; mais comment s'oppofera un mariage agréé par Ia mineure, lorfque la mère , a 1'autorité de laquelle elle étoit foumife, y donnoit fon confente.ment ? Le 3 aoüt 1735 > 'e confiftoire rendit fon jugement, dontil eft nécelTaire. de rapporter les kermes. Danspa ceufe de Vefpafien Bona colonel, & rf«Dorothée-Therefe Heinke, evec fon ajjijlant d'une part y & les tuteurs & parents de laditt Heinke , conjointement avec le lieutenant Chrerien Stach de Goltzeim de- l'autte part, au fujet des dijférends arrivés par rapport a la confommation du mariage , le trls-révérendcenjïfloire juge unaniment que , puifque la Heinke a lihrement avoue' icï quelle avoit donné promejfe de mariage au colonel Bona , qu elle vouloit lui tef-  i § Fille trompet ter confamment attache'e ; quen ouire,la propre mère a témoi^néfon confentement enperfonne^que , par conféquent,lesop~ pof dons des tuteurs & autres parents de l'accufee nefcauroient empêcher le mariage; qu'au contraire,maigréque l'on ait donné a l'intervenant un termefixe , lequel echu, ilferoït condamnépardtfaut -y ce mê~ me intervenant nauroitni comparu en perfonne, ni déduit fes pritentions : a ces eau fes , nous jugeons & déclarons quil efl permis au colonel Bona de continuer a faire la proclamation de mariage avec la ffiiite Heinke , & de faire bénir enfuite fon m.zriage avec elle; nous deboutons en outre l'tntervenant3 avec toutes fes prétentions, en le mettant hors de cour, & vculons que chacua garde fes de'pens pour foi. Vu & publié d Konisberg le 5 aoüt Cejugement fut envoyé, en original, par les miniftres de Pruffe d'é.tat & da cabinet, & fut légalifé par le marquis de Valory, envoyé extraordinaire du roi en PrulTe. 11 étoit accompagné d'une déclaration lignée des deux mèmes miniftres, & pareillement légalifée , laquelle conftace que, pen de jours après le jugement dont on vient de rendre compte, Vrefpaiien Bona, cS-Dorothée-  par un Aventurier. i 9 Therefe Heinke fa/ent marles par un eccléjiafiique cathollque de laf une du roi Stanifias , qui étoit alors d Konisberg, & dont dèpendolt ce Bona. C'eft ce que porte expreffément la déclaration des deux miniftres , qui atteftent avoir prls toutes les informations ncceffalres , au fujetdu mariage-de Bona. Cette infortunée ne tarda pas a potter la peine du choix auquel fon aveu-, gle amour Pavoit déterminée. La poffelTion d'une femme charmante , & d'une fortune que Bona n'auroit jamais dü efpérer, ne pur mettre un frein a fon gout pour la vie errante, Sc pour les aventures; en forte que cette femme , qui étoit née dans les circonftances les plus propres i lui procurer un bonheur folide Sc durable , fe vit plongée , par fon aveugle amour , Sc par la fatale complaifance de fa mère , dans un abime de malheurs. Loin d'avoir , pour fa femme , des procédés infpirés par la reconnoiffance Sc les fentiments de 1'honneur , Bona reprit, avec une ardeur nouvelle, la vie de chevalier errahr; une grande partie de la dot coniidérable qu'il avoit rec,ue fut bientot diihpée :'il expatria fa femme après en avoir eu un enfant; ill'em-  xo Fille trompée mem a^arfovie , & de-Ia a DantziJc r ou li Pabandonna enfin entièremenr, après s'être «mparé de fes diatnants & de quelques bijoux précieux qui pouvoient lui refter. On perd de vue ce héros de roman , depuisPaunée 1737 , jufqu'en 1'année 1741 • On fcait feulement qu'il fir, en 1737 , un voyage a Paris, ou il obtinc des lettres de naturalité pour Sebajlien Bona, fon hls du premier lit, & de Mane-AnneSlmonet;\\ lui fit auili nommer un curateur. On voit même3 par la fentence du chatelet du mois de mai 1737, que Bona avoit pris la qualité de colonel du. régiment du Prince royal infanterie quoiqu'il ne füt alors attaché au fervice d'aucune puiffance. Depuis, il fut errant & fugitif Jufqu'en 1741. C'eft tout ce qu'on peut alléguer avec certitude. A 1'égard de Ia demoifelle Heinke , qui avoit épreuvé , de la part de fon mari, un trairemenc ü indigne, elle retourna dans fa patrie, &, fecondéepar le crédit defafamille, & fingulièrement par Ie fieur Heinke, char.oine de la cathédrale de Warmie y elle parvint a obtenir, en Pabfence de Bona, une fentence qui annulloit fon mariage. Cette fentence.fut rendue en  par un Aventurier. z t j 7 3 3 , par unjuge délégué par Pevèque de Warmie. Bona 1'oppofoit avec la plus grande confiance , comme le rirre de fa liberté; mais on verra 3 dans la fuite, quece jugement éroit infecté des abus les plus revoltants, &t qu'on ne pouvoit rien oppofer de plus fort contre Ja fentence que la fentence mème. Vers la fin de Pannée 1741 , Bona fe rendit en Suede. 11 ne lui manquoit son frere , dans trois terres fkuées en Lombardie, l'une a Chri^olïn } l'autre a Ca(l'regatta 3 l'autre a Fontiniago , & dans une menagerie & terre au bourg de Ruato; plus fur un hotel magnifique Jitu, d Brefcia , le tout rapportant 4000 tcus, monnoie du pays; ce qui équivaut a 20,000 liv. de renre. Aucun de ces domaines n'appartinrent jamais a Bona : non-feulement il en impofoirde lamanière la plusodienfe fur fon nom, fa naiffance , fes biens. & fes ritres; mais il trompa fur fon ager & fe fit pauer pour plus jeune de neuf ans qu'il n'étoit réellement. C'eft dans cette vue qu'il commir ttr» faux dans fon extrair baptiüaire , Sc qu'après le terme de nenagefimo ,. il a; ajouté celui de nono, pourplacer, dans1'année 1699 ,fa naiifance , dont 1'époque véritable eft 1'année 1 ^90 ,. & metrre, par-la , fon extrait baptiftaire parfaitement d'accord , avec fa pbifionomie , qui, fur ce point, lui étoit affez favorable. On étoit en état de convaincre Bona de toutes ces impoftures par les preuves B «j  3" Fllle trompée les plus décifives qu'il foitpoffible cTinvoquer: en effet on rapporroit des certijicacs authentiques de la chanceilerie épifcopale de Bicfcia, envoyësen France en. original pa* le cardinal Querini , évêque de Brefaa , lefquels conftatent quilréfuliepar les docurmntspubliés tirés deslivresde la.-peroijje. de Rouato de ce dioc-fe, l°..que Vcfpafun Bona eft né . le^.dccembre 1.690.. Ainfele faux commis dans i'extrait baptiftaire. étoit d'abord bien conftaté.. 2°- Quil étoit publiquement notoire } en cette ville ., que JeanBaptifte Bona deB.uato,frire de Vefpaiien Bona yji'ayant. eucünchabitation dans Brefcia., ilacheta une maifon que poffédoit le nokle Seigneur Canflrance Bona, dans laqueile a. demeitre Vefpaiien , frere dudir JeanBaptifte, une ou deuxfois qulil seftusmèvé d Brefcia.. 3°. Que, dans cette ville, il fe trou^ voit pJufteurs families nobles du" nom de. Bona , d'aucunes de/quelles ne defcendoit lefufüt: Vefpaiien ,.puifqu'il éima né j^OcFave , de familie & profejfion, drogttifïe dans ladite terre de Rouato. 4°. Quil.éto'u notoirement faux que le fufdit Jean-Baptifte eüt latffè't hér uierfioji fufdit frère Vefpaiien de yd écGO,  par un Aventurier. $?p e'cusde rente , ayant lui-mêrne laijfe deux fils, & ne laijjdnt d'autres biens d difpoJer que pour ta valeur de 7 d 800 petits ducats vénitiens annuels , c'eft-a-dire 3 6 a 700 liv. denotre raonnoie. On peut donc dire avec confiance s difoit M. Aubry , défenfeur de la demoifelle du Pafquier „que Bona s'eft rendu coupable de la perfidie la plus noire. D'abord il ufurpe un grandnom ; & cette erreur eft mème d'autant. plus diificilea parer , qu'il y a , dans fa patrie ,. plufieurs'nobles du mème nom : il fe du iflu de 1'illuftre maifon de Bona , pendanr qu'il eft avéré qu'il eft fils d'un droguifte :.il trompe fur fon.age j ia faufTeté dePextrair baptiftaire eft aujourd'hui bien conftante ; on en a le témoignage le moins fufpecr dans Patreftarion donton vient de rendre compte : de plus il fe donne des noms de baptêmequi neluiapparciennent pointj fuivaut.ks regiftres publics du lieu de fa naiffance, il s'appelle Vefpafien Bona , & non pas Vefpajien-Sebüftien-Felix &c. Enfin, par rapport aus biens, 1'impoftnre eft des-plus caraeïérifée. II ofe dans un acre. aufli folemnel qu'un con* rrat de mariage, affecrer & bypothéqiier, pour süreté de.lad or,la moitié.  5 8 Fille trompie qui lui apparcient, ditdl, dans trens terres qu'il pofsède avec fon frère ; mais il eft conftant que fon frère eft more, laiffant des enfanrs , & que routes ces rerres , dont l'énumération eft faire dans fon contrar de mariaee .. ontautanrdedomamesdont perfonne, dans fa familie , n'a jamais eu la propriécé ni la poffeftion. On fe flatte d'érablir, lorfqu'on expofera les moyens , qu'une erreur de qualités auffi générale que celle qui vient d'êrre érabüe, doir produire les mêmes effets que Terreur de la perfonne. Le fieur Bona , cependant , témoignoit un empreffement extreme pour la conclufion du mariage; il fembloit craindre que fa conquête ne lui échappat; il recommandoit, fur-tout, un profond fecret, fous prétexte qu'ayant laiiTe fes équipages a Lyon avec fon fils, il ne pourroit procurer a fa femme a. Paris tous les avanrages que fon rang & fa qualité exigeoient. II y eut donc une publication de bans faiteaSaint-Sulpice; & le irmai 1745, Bona obnnt difpenfe des deux autres :. mais il eft important de remarquer que Bona, érranger, n'étant domicilie que depius fix moisfur laparoifie de Saint-  par un Aventurier. 50Sulpire , n'avoit point le domicile paroiiiial requis par 1'édit de 1697.11 réfulte, de ce défaur de domicile , un moyen d'abus décifif; & 1'on fera voir que ladifpenfe de publication de trois bans pour Stocholm 3 qui fut accordée 3 ne peut, dans les circonftances particulières, ébranler la force de ce moyen. Le mariage fut célébré le 20 maï 1745 , dans 1'églife de Saint-Sulpice a Paris. Bona demeura , pendant huit jours , a Paris, oiiil vécut dans le plus grand myftère , affe&ant de dire continueliement qu'il ne convenoit point a la comteffe de Bona de paroirre en public , fans avoir les bijoux les diamants, les équipages eonvenables a. une femme de fon rang.. Bona devoit faire routes ees emplettes a Milan, oü a Gènes ,- oü de riches banquiers avoient ,. di(oit-il, des fonds confidérables qui lui appartenoient.. Les circonftances qui onr fuivi la conclufion de ce fatal engagement ne lont guère moins remarquables , par leur fingularité, que celles dont on 3 déja rendu compte. Bona , déterminé a conduire la demoifelle du Pajquier en Lralie, fembloit attendre, avec impatience >de moment  43 F'nle trempie de fon départ: mais , comme il prévoyoit que cette route ne pourtoit manerncment s'étoit porte d vous rendrejuftice a eet égard, mais qu'il étoit arrivé, dans les entrefaiies de 1'examen de F affaire, que ledit Bona a abandonné le bien qu'il avoit achetê , fous le nom de votre fille , aux environs de Bergarne, fautc.de fatisfaire au paiement du prix, étant dailleurs obéré de dettes , & que , depuis quelque tems , il s'eft retiré, ou plu tot refugié, avec elle , d Milan; ce qui met un objlacle d ce que la république avoit déterminé d fon fujet: mais le gouvernement mordonne de vous dire que,fi eet homme reparoit avec la demoifelle votre fille dans les e'tats de la domination de Venife, on peut étre sur qu'il lesferaarrêter. En mon particulier,  par un Aventurier. 47 perfuade', comme je le f.iis, de lajuflice de votre caufe, vous pouve^ toujours compter fur ma bonne volonte', /il'occafon fe préfente de vous en donner de nouvelles preuves , &c. Bona ne put pas faire un long féjour clans le Milanez; il fe vir forcé de retourner dans les états de Venife. Les ordres qui avoient été donnés par les inquilireurs furenr exécutés ; il fut conduit dans les prifons de Brefcia: la demoifelle du Pafquier fut dépofée dans le chateau du podeftat de Bergarne; la comreffe de Giovanelli , femme du podeftat , eut pour elle tous les égards qu'une jeune perfonne aimable & maU heureufe femble être en droir d'exiger. Audi tor que les fieur & dame Jamet furent inftruits de eet heureux événemenr, ils prirent toutes les mefures nécellaires , pour procurer le retour de la demoifelle du Pafquier dans le royaume. La dame Jamet crut devoir faific 1'occafion qui fe préfenroit, de réparer la faute qu'elle pouvoit avoir a fe reprocher dans le confentementr donné au mariage de fa fille ; elle partit de France, au mois de mai 1746 , fans aurte efcorte que celle d'un domeftique ,. pour fe rendre en Iralie. Munie d'une  4-8 Fille trompé'e ïerrre decréance de 1'ambaffadeur de Venife pour le-podeftar de Bergarne a Sc de tous les paffeports iiécelTakes , ■elle arr-iva au mois de Juin a Bergame, ad'pü elle eft enfin parvenue a ramener fa fille en France. C'eft après avoir fiarmonTétant d'ohftacles , que la dame JflOTerinrerjetta appel comme d'abus du mariage de ia demoifelle du Pafquier. .Elle eur la confolarion de voir fa fille applaudit a cette démarche , &c fe joindre i elle , fous I'autorité d'un ruteur adhoc. Bona demeura , pendant quelque mois, dans les prifons de Brefcia ; il fut enfuite relaché, & ferendit en Lorraine, ou il s'étoit üatté de trouver un afyle. Mais il eut otdre de fortir de Nancy. Samajeftêafait ordonneröBona de fortir de Nancy, difoit M. de la Galaizière au fieur Jamet, dans une lettre qu'il lui écrivit,le zi novembre 1746, & Bona, mayant depuis éi rit une lettre a. cette occafion, dont fat rendu compte nu roi de Pologne., je viens de lui répon. dre que fa majefté ne vouloit rien changer aux ordres qui lui avoient été donnés par tnonfubdéiêguéde Nancy. Pour ajourer le dernier trait au ta'Heau de Bona , copions icj une lettre «cxire  par un Aventurier, 49 ecrïte au fieur Jamet par le chevalier de Solignac, fécreraire du roi Scaniflas. De Lunevïlle ,2e 14 Janvier 1747. Vhomme dont vous me par lest eft un. fripon , per omnes casus ; j'ai ouïdire en Pologne qu'il étoit fils d'un fpe\iale cu droguifle ;fa fiweura toujours été de fie donner pour un homme de qualité ,• •encore s'il foutenok ces airs de grandeur par des feniiments nobLes ^ mais .e'eji un fourbe & un coquin ; je ficais quel efl votre malheur de l''avoir connu , & je compatisfirucerement d vos peine^.JeJiils, &c TeJs étoient les fairs fur lefquels on fondoit les moyens d'abus par lefquels on demandoir la nulliré du mariage. Bona fit tous fes effotrs pour les combattre , ou pour en atïénuer les confé-quences. Quant a la vérité des faits , il ne put y jetter la moindre ombre ; ils -étoient tous conllatés, les das par des pièces authentiques; les autres par des preuves auxquelles il Stolt impoilible de fe refufer. 11 voulur encore faire ufage dün moyen qu'on n'emploie que dans les Tome XV. G  «9 Fille trcmpée caufes défefpérées \ ceiac de noircir la réputation de fes adverfaires. Mais fes calomnies fur.enr confondues par des preuves écrites, dont il leroit rrop leng de -placer ici un détail , qui n'amuferoit pas le lecteur. Elies furent remifes a M. i'avocat-général, qui en fit ufage a l'audience. La probité du iieut du Pafquierpère de la perfoune que Bona avoit fi indignement trom_pées avoit joui, dans 1'exercice de fa place de fermier-général de Lorraine., de la plus grande confidération , Sc avoit été honoré des relations les plus diftinguées. 11 étoit mort a Nancy , en 1738, agé de 35 ans. II étoit Hls de Jacques du Pafquier, procureur du roi a Pontigni en Bourgogne. II accompagna, en Lorraine , ie fieur d'Audifret, miniftre de France, en qualité de fecrétaire. 11 rixa fon féjour dans cette province , oü il époufa la demoifelle d'Afifulle , rille d'un avocat, ancien prévöt & gruyer de la ville de Gondreville. Ceft de ce mariage que naquit la demoifelle du Pafquier, victime de la £célératefFe de Bona. A 1'égard du fleur J~met, il étoit d'une familie originaire de Normandie, 4jui af roduit pluiieurs fc,ayants. Le der-  par un Aventurier. j r nier , Francois-Jamec de la Guefllere, a continué le journaldes audiences , après la mort de M. du Frefne. Paiions aux moyens fur lefquels on fondoit I'appel comme d'abus du mariage contracté par Bona. On en propoloit trois. Le premier dré du défaut de préfence du proprecuré. Le fecond fonué fur 1'erreur de la perfonne. Et le troifième dérivoir de la profeffion en religion. Mais , avant que de fe livrer a Ia difcuflion de ces moyens , il eft indifpenfable de propofer une obfervarion bien importante. Lorfque Bona s'eft marié dans le royaume , il éroit lié par un premier ;mariage contracté avec une Pruftienne; &£. cette femme étoit eneore vivanre, lors du procés. Ces fairs étoient conftants enrre les patties. Indépendamment de la fentence duconiiftoirede Konisberg, rapporrée ci-deffas,quidonneacïe d la demoifelle Heinke & d fa mère de leur confentement hbre d ce mariage , indépendamment de la déclaration fignée des deux miniftres de Prufte, quiconftatoitque, peu de jours après la fentence , Bona & la demoifelle Cij  51 . Fille trompe'e Heinke furent marie's par un ccde'fïajlique ca-.holique du roi Staniflas, dontdépendoic alors ce Bona , indépendammenc, dit on , de toures ces preuves , on na befoin , pour confrater le fait du manage , que de la fentence mème qui 1'a annullé. II y a donc eu un mariage conrracté, puifque Bona oppofoit lui-même une fentence qui avoit rompu fes liens. Mais fur quels moyens ce jugemenr eftii fonde ? II eft a la demoifelle du Pafquier d'une conféquence infinie de le connoirre. Si la dilfolution du mariage eft valable , Bona a éré libre d'en contracter un autre, mais fi elle ne i'eft pas, le Iien indiiioluble par fa narure fubfifte: Bona eft coupable de bigamie, &C la demoifelle du Pafquier devient complice de fon crime, dès qu'elle eft inftruite de fon engagement. Si , comme quelques réflexions fommaires vont le démonrrer, 1'abus éclare de routes parts dans cette fentence, la demoifelle du Pafquier ne peut pas , a 1'afpect d'un pareil titre, s'endormir dans une faufTe fëcurité. Qui pourroit donc lui contefter le droitd'en interjetter incidemmenr, & en ranr-que de befoin, appel comme dVDus ? Qui pourroit méconnoure la  par un Aventurier. 5 3 compétence de Ia cour pour juger eet appel, &C la qualité de la demoilelle du Pafquier pour le propofer ? D'a.bord eet appel comme d'abus , étant iuterjettéincidemment, ns pourroit èrrë porté que dans le tribunal déja faiil de la conteftation principale ; c'eft ce que Pön peut juftirier par ce qui -s'oblerve tous les jours de jurifdiction a jurifdiction. Onoppofe ,parexemple, en la cour, un arrêt rendu dans un autre parlement ou une fentence rendue dans un tribunalqui n'eftpasdu reflort, il eft conftantque , dans cecas ,on peut prendre la requête civile , former ur.e tiercé oppcffition , ou interjetter appel de la fentence , & faire juger ces différentes accions en la cour; 1'ordonnance y eft précife, &c les arrêts ont, dans toutes les occafions qui s'en font préfentées , confirmé fa difpofition. Inutilement objecteroit - on qu'il s'agit, dans 1'efpèce préfente , d'un iugement émané d'un juge étranger , & , par conféquent, indépendant. Si la décifion n'influoit que fur les fujets foumis a fa domination, 1'objection feroit jufte, mais fi ce jugement porte a un fujet du roi le préjudice le plus confidérable, li il 1'expofe a vivre dans le C iij  M' Fille trompee- cnme, dans la profanation d'un facrement augufte , il n'eft pas douteux que. le pnnce , dans les écats duquel un pared fcandaleéclate , ne puilfe en arrêrer les fuites funeftes. Or ce droit, qui lui appartient inconteftablement , pafte ,. par une conféquence néceffaire , aux: magiftrats dépofitaires de fon autorité. II ne s'agit point, dans 1'efpèce oü nous fommes, difoit M. Aubry, de porter atteinte au pouvoir du juge ctranger , dans la domination oü il 1'exetce; cela réfifteroit aux maximes du droir public. II s'agit d'arrêter les malheureux effets que fa décilion entrameroir.en France ; & c'eft ce que Ie. 'droit des gens autorifé. Cette vérité devient encore plus fenfible , lorfqu'on examine que la conteftation ne portt pas fur un intérêt civil , mais qu'elle a pour objet d'empêi.her la profanation d'un facreme.nt.Orl cgiife ne formant,, dans routes les parries de 1'univers oü: elle s'étend, qu'une feule république, les princesrecusdan-. fon fein mettent, fans doute, au nombrede leursdevoirs, ou plutöt de leurs prérogarives, 1'heureufe obligation de maintenir la pureté de fes loix, Sc de les faire refpecFer. On ne pourroit donc raifonnable-  par un Aventurier. 5 5 ment contefter la compétence de la cour pour juger eer appel comme d'abus incident. Mais la demoifelle du Pafquier auroir-elle qualité pour 1'interjerter ? Si , comme il ri'eft pas poffible d'en douter, 1'inrêrêt eft la mefure des actions, iï n'en fut jamais un plus puiffanrque celui qui 1'anime aujourd'hui j il eft fondé fur: des motifs de religion , de confeience & d'honneur. Elle parrage la fociété d'un bigame, elle fe rend coupable j en demeurant avec lui, dé la profanation d'un facrement, i'indifférence fur fa fitüation ne lui eft pas permife , & 1'analyfe exacte que 1'on va faire de la fentence qui a annullé le mariage de Konisberg, prouverabien que fes alarmes ne font que trop bienföndées. Cettefentënce eftfendue parun cha;' noine de la cathédrale de Warmies ^ délégué par 1'évêque. II eft annoncé, dans le préambule, que le procés eft ému a Poccafion du mariage contracté par Bona avec la demoifelle Heinke a Konisberg : voila le pur objet de la' conteftation. Le fecond porte fur la dot diflipée, pour la plus grande partie , par Bona , fimul ac ratione dotis illatm & deteriorau. Giv  5 ^ Fille trompie , H eft dit que Z?o/2 s'eft dit demeurant ordinair ement d Brefcia , & feulement d Stocholm lorfque fes emplois militair es le requierent j Sc que, de plus, toutes les claufes de ce contrat de mariage ne refpirent qu'un établiffement & des acquifitions en Lombardie - c'eft 1'emploi qu'on doir faire desdeniers de la dot, Tout annonce donc 1'intention ia plus marquée , de la part de Bona, de confirmer, pour ainiï dire par un nouveau cboix, fon domicile de droit dans le lieu oü fanaiflance 1'avoit. fixé. II eft vrai que , dans Pacte de célébration , Bona eft dit fimplement, demeurant ci-devant d Stocholm; d'ou 1'on aprétenduinduite que Stocholm ,.étant un paysluthétien, leconcoucs des deux. curés étoit impoftible , en forte qu'onn'avoit pu prendre d'autre parti que de difpenfer, en tant que de befoin, de la publication de trois bans pour Stocholm. Mais tout ce qu'on pourroir faire réfilter de ce qui eft dit dans 1'acte de cé-  .par un Aventurkr. 65 lébration feroit que Bona avoit un domicile de fait a Stocholm , immédiatement ayant que d'arriver a Paris, ce qui n'eft pas même exactement vrai. Mais, comme Pattribut eiTentiel & inféparable d'un domicile de fait eft de fe perdre par le feul départ , le fieur Bona, en quittant la Suede , avoir per du le domicile de fait qu'il pouvoit y avoir. II railbit, donc recourir au domicile de droit. Le fieur Bona n'avoit point, a Paris, fuivanr I'édit, un domicile de fait fufhTant, il n'en avoit point de fait ailleurs , paree que fon feul voyage a Paris les lui avoit fait perdre. 11 lalloit donc s'adrefTèr a Brefcia , fon domicile de droit; il falloit rapporter la permiffion de 1'archevêque ou évèque de ce dioccfe. La loi &c la jurifprudence exigeant le concours des deux eurés, cette formalité étoit inévitable , Sc Pon ne pouvoit , a Paris , en difpenfet valablement. Bona, dans la vue d'éluder un moyen fi preflant, propofa des cbjections qui, mcritoient a peine une rcfutation férieufe. 11 a prétendu , d'abotd, cjue I'édit de 1697 n'avoit en vue que ceux qui vien-  66 Fille trompte nent fur une autre paroiffe différente de la leur; ou qui viennent d'un autre diocèfe. D'oü il a conclu que, n'ayant ni paroifTe ni diocèfe, on ne pouvoit lui oppofer , avec fuccès , la difpofition de ledit. Ilaajouté, deplus , qu'aux termes de 1'édic ,il fufKfoit d'avoir obrenu la permiliion de Pordinaire, & que cette formaliré, qui avoit été remplie , puifqu'on apportoit une permiflion de M. 1'archevêque , étoit fuffifante , fur-tout par rapporr a un homme qui n'avoit aucune demeurefixe. Enfinonafoutenu qu'il n'éroir poinr vrai que Ie domicile de fair fe perdk par le feul départ, attendu que la tracé du fait fubfiftoit toujours. On répond, i°. quec'efl; précifément paree que 1'homme dont il s'agit n'avoit ni paroifTe ni diocèfe, qu'il devoit acquérir paroiife & diocèfe , par une réfidence conforme a celle que la !oi; prefcrit. i°. Heft vrai que I'édit exige, au défaut d'un domicile de fait fuffifant, lapermiliion de 1'archevêque ou éyêque diocéfain , mais cela s'entend de 1'archevêque ou évêque . non pas du lieu ou Pon eft nouvellement arrivé , & oü Pon fe marie , mais du diocèfe dont on étoit auparavant. Si le fieur Bona paroif-  par un Aventurier.. foit n'avoir point de demeure nxe , il n'en avoit pas moins un domicile de droit conftant, auquel il falloit recourir, n'y ayant point de domicile de fait. Enfin c'eft une héréfie en jurifprudence, que de.dire qu'on ne perd pas le domicile de fair, en quittanr le lieu ou 1'on réfiiloir; c'eft heurter de fronr le principe le plus conftant. II eft vrai que la; rrace du fait fubfifte toujours ; c'eft-adire, hiftoriquemenrparlant,iI eft toujours vrai qite rel hom me a été dans tel lieu. Mais ce qu'on appelle domicile de fait, fuivant le langage des loix , fe perd toujours par le feul dépatt. C'eft ainfi que M. Aubry développa le premier moyen fur lequel étoitfondé 1'appel comme d'abus interjetté paria demoifelle du Pafquier de fon mariage avec Bona. Mais je crois devoir donner ici quelques éclairciftements fur la dernière partie de fon fyftême. Si le domicile de Bona étoit a Brefcia , il eft cerrain que la publication des bans étoit nécelïaire dans Ia paroifle de ce domicile. Mais , en fair de mariage, il eft des régies particulières , pour le domicile des contractanrs; & ces régies font confignées dans I'édit du mois de mars 1697, enregiftré au parlement de  £8 'Mie trompée Paris , Ie 12 mars de Ia même année. Voici commenc s'exprime cette loi , actiele premier: «-défendons a tous cu» rés & prêtres , tant féculiers que ré» guliers, de conjoindre, en mariagej » autres perfonnes , que ceux qui font » leurs vrais & ordinaires paroilfiens 3 »> demeurancaétuellementSc publique» ment dans leurs parodies , au moins » depuis fik mois, al egard de ceux qui » demeuroient auparavanr dans une au» tre paroifle de la\nême ville , ou dans » le même diocèfe; & depuis un an , » pour ceux qui demeuroient dans un » autre diocèfe , fi ce n'eft qu'ils en » aient une permiflion fpéciale & par » écrit du curé des parties qui contrac* tënt > ou de 1'archevêque ou évêque » diocéfain ». Perfonne ne peut donc être marié , en France , que par fon propre curé , ou de fon confentemenc; & Ie propre curé ne peut être autre , que celui fur la paroifle duquel on a habiré pendanc Ie tems prefcrit par ledit de 1797. Or il eft certain que Bona étant arrivé & Paris aucommencementde mars 1645 , & s'y.étant marié le 2.0 mai fuivant, il n'avoit pas , dans cette capitale , le domicile requispar 1 edit; il u'y avoit, par  par un Aventurier. 6$ conféquent pas , non plus , de propre curé. Quel étoit donc le propre curé dont le coniénternent lui étoit néceifairepour fon mariage ? 11 ne s'agir point ici du domicile de fait & du domicile de droit- Cette diftinction, relativement aux mariages, ne s'agitecjuequand il eftqueftion de celui des mineurs , qui, alfez fouvent , fe trouvent avoir ces deux domiciles a la fois. Cela arrivé , quand ils ne réfident pas dans la même paroilfe , que leur père 8c 'mère , tuteur ou curateur. Il faut, alors, que les bans foienrpubliés, dans les deux paroifles. C'eft la difpofition de 1'article 5 du même édit. Mais, a 1'égatd des majeurs , cette diftinction n'a pas lieu , quant aux mariages ; ils n'ont d'autre domicile , que celui qui eft requis par I'édit. Quel étoit donc le domicile du fieur Bonat Quel étoit fon propre curé? Ce n'eft pas a Stocholm qu'il falloit le chercher , puifqu'ii n'y a , dans cette ville , ni évêques, ni curés catholiques. Ce n'étoit pas a. Brefcia , puifqu'ii en étoit forti depuis plus d'un an, & avoit, par confcquent, perdu, dansce lieu, le domicile requis par I'édit.  7° FMc trompJe II faut donc regarder Bona, ainfi qu'il Ie difoit lui-mème , comme n'ayant ni diocèfe, ni .paroifle, & fmvre la règle établie par le concilede Treme au fujet des vagabonds , & adoptée, en France# par un ufage attefté de tous nos auteurs. Multifunt, dit le concile , qui vagantur, & incertas habent fedes , & , ut improbifunt ingenii , prima uxore reiicla , aham , & plerumque plures, illa vivcnte^ dtverfts in loas ducunt. Cuimorbo cuplens Sancla Synodus occurrere , cmnes apud quosfpeclat pater ne monet ne hoe oenus hominum vagantium ad matrimonium factie recipiant. Magiftratusetiamfaculares hortatur ut eosfeverè.coercednt. Parochis autem pr.  par un Aventurier. 85 eapidité de fes parents; ni fon caractère aifez timide , pour répondre docilement a leurs vues intéieflées. 3 0 La fentence, en vertu de laquelle le fieur Bona prétend avoir recouvré fa liberré , a éré rendue, dir-il, en 17 1 5 a. la nonciature de Venife. D'abord on ne connoit aucun tribunal de ce nom a Venife, dumoins les livrcS qui rraitent du gouvernement de cette république n'en font aucune mention ; mais , indépendamment de cette première obfervation , de quelque tribuual que fut émané le jugeme'nt qui auroit reftitüé Bona au fiècle, il feroit inconcevable qu'il ne fut pas parvenu a la connoilïance des religieux; ils y au- roient ete parties neceuaires. Cependanr , loin de trouverles religieux inftruits de cette prctendue reftitution , ce font eux-mêmes qui adminiftrenc la preuve de 1'engagement de Bona. 4°. Lacte de prorellion eit accompagné d'une atteitation authentique , fignée du prieur du convent, & dans Ia? quelle il parle fous ta religiën du fer- des lives cy proces qui exijtent dans t ar- thive du couvert. Cette pièce mérite une. «tention (ingulière. Le prieur, après-  S6 Fille trompet avoir expofé que Bona avoit pafte 1'année de noviciat dans le couvent, &, après 1'anné révolue , y avoit faic fes vceux , attefte que Bona s'évada du cloitre , après y avoir aflafliné un religieux. Enfuite il eft dit que Bona reparut en 1719 dans les états de Venife , c'eft-a-dire, huirans après fa profeilion, Sc dans un tems oü la réclamation ne pouvoit plus être admife, qu'il parvint , par fes intrigues , a fe faire rendre, par les religieux, Ia fomme de 5 00 & tant de livres qu'ils avoient rec,ue, & que le 3 o janvier 1719 ,fut drejfé un acle, par lequel fut promife la rup~ ture de la prefeffion ; faute de quoi le fieur Vincent Philippini, en qualité de cautfon, s'obligea d la même reftitution , fi, dans 1'année , la rupture de la profefifion narrivoit pas. Ce font les propres termes ducertificat > mais pefons ce qui fuic: L'année écoula, même trente-deux mois & ■ lus y fans avoir vu la rupture dc la, profeffion; de facon que Philippini , camion,fa affigné par un mandat cu ordre des confuls , pour remplir l'oblioa tion d laquelle il s'étoit engagé. Et enfin , depuis plufieurs années de procédures , par fentence confulaire du \ 6 juillet 17x6,  par un Aventurier. S7 & par une fentence du 11 mars 1727 s ledit Philippini fut condamné d la reftitution du même argent. 11 eft donc évident que Bonan'a. point été reftitué au fiècle \ que, s'd a fait , pour y parvenir 3 quelques tentatives,elles ont été inutiles , & même ont été formées dans un tems oü la réclamation , fuivant les difpofitions du concile de Trente fuivie dans toute l'Italie , ne pouvoit plus être admife. Enfin la dernière relfource de Bofltfconfifteademanderun déiai pour pouvoir produire cette prétendue fentence. Mais, indépendamment desraifons qu'on vient d'expofer , Fade de profeflion & 1'atteftation qui 1'accompagne furent figniliées juridiquement a Bona le 19 avril 1747 V ^ ne *au£.» tout au plus, qu'un mois pour avotr des nouvelles de Venife, & ü y en avoit, Iors de la plaidoïerie , plus de deux écoulés depuis ia fignifkation. II a donceu untemsplus que fuffifanr,pour faire paroïtre fa fentence , li elle exiftoit. Et ainfi la demande qu'il forme pour obtenir un déiai, eft chimérique , & ne peut être écoutée. II n'y a perfonne qui ne fente que , depuis la repréfentation de 1'ade de profeftion ,  *8 Fille tromp'e- Bona s'eft vu réd uit i la facheufe extr °* d^ fe laider condamner fans oppofeaucunedéfenfe., oll/;rrecf - ma Ja defarte dont il. fair ufage. foi U% !PareiUeS circo«ftances, dl* Iw efpnts qBelque doute fur lê fort deia caufeWeaia dccifion-dc la ^rPToutel'lr.ftoire de la vie du fieur Bona lnfere également l'indi,Hation & Horreur. QUel tableau ng t-elle pas? Les couleurs en ^„0" long-^?"611 P^^nir la vue n Is alage de vmgt-deuxans^ublie, ■un an apres, 1'engagement qu'il a pri aupieddesautels,&nefortducIonre qu après y avoir hifTA Ja« >-iU"re Les fairs qur fuiventfon évafion femWent etre peine. continue de fe premiers fo:fa,ts. Erranr & fttfrif 1 ptrcpurt tous Ies états de ,>E « ' quelquinftantde profpérité fembie iZ erromprele cours de fe d,feaces,0n le voit brentöt lui-m-We priver de eet ayantage ; bientót une conduite aveugie & cnminelle lui enièvedes«HopKes que fe artifices M ayoi ■pjrocurees.  par un Aventurier.- 8 p Après avoir contracté deux markges, qui font autant de profanations du facrement , il ofe venir, dans le royaume, combler la mefure de fes crimes, 6c : cromper une familie, par une réunion d'artirices'qui n'eur jamais d'exemple. La juftice pourroit-elle donc ne pas appefantit fon bras fur un homme coupable de rant de crimes , & qui s'eftï joué fucceffivement des engagements : les plus faints ? Pourroit-on expofer la l demoifelle du Pafquier a partager la fo* ciété d'un homme dont la conduite fcandaleufe la précipiteroit tous les jours dans de nouveaux malheurs? C'eft une difgrace quelle n'a point a redoutet lorfque, dans le ttibunalle plusaugufte, elle invoque , en fa faveur , 1'autonré de ces loix folemnelles d'oü dépendent é* Ecat des enfants cette matière, je crois devoir , en faveur de ceux i qui elle n'eft pas farmliere, rappeller ici quelques principes, que ) ai developpés dans men traité dé la mort civile. Les Romains ne reconnoiftoientpour mariages légitimes, jufl* nuptU, que ceux qui étoient conrractés entre un homme revêtu de la qualité de citoyen Komain, & une femme Romaine. Par conlequenr, ceux qui, par quelque condamnation , avoient perdu ce titre , ne pouvoient plus afpirer au mariage proprement dit. Les unions qu'ils fe permettoient n'avoient d'autre qualificanon, & d'aurres effers, que le concutunage. Fe/lus nous a confervé la loi de Numa Pompilius qui atttorifoir cette affociation dont faifoient ufage ceux qui reftoient dansle célibar; ou qui, ayant ete maries , ne vouloienr pas que leurs enfanrs fuftent expofés aux durerés d une belle-mère , ou fouffriffenr , par Ia naiffance d'enfants d'un fecond lit aacime diminution fur la fucceffion qu ils avoient a efpérer. Mais il n'éroit pas permis deprendre, pour concubine, une fille qui, par fa naiffance , auroit pu afpirer a un mariage honnête; ainfi ia nlle dün citoyen Romain, jouilfanc  d'un cotidamni d mort par effigie. 9 3 .de la plénitude des droits de cité, ne pouvoit jamais devenir la concubine d'un autre citoyen. Mais les étrangères : étoient du nombre de celles avec lefquelles onpouvoir vivre dans leconcubinage. Quanta nos mceurs, nous diftinguons, dans Ie mariage, lünion enrre le mari Sc la femme confacrée par le facrement adminiftré par lepafteurfpirïtuel; Sc les efFecs civils que produit cette union. Tout homme, de quelque pays qu'il I foit. & dans quelque circonftance qu'il fe trouve, peut s'engager par les Hens du mariage. Ce contrar, qui dérive du , droit naturel Sc du droit des gens , ap- partient a tous les hommes ; Sc tous les chrériens ont aufli le droir de le faire fanctifier par le facrement. Ils tiennent cette faculté du droit divin. Mais les conventionsquiaccompagnent , ou qui réfultent de eet engagement, n'ont été introduires que par le droir civil. Pour s'en convaincre , il furntd'obfer« ver que chaque peuple a des loix particulièresfur certe matière. qui font même quelquefois contraires a celles qui lont établies chez le peuple voifin. En France même, quoique routes les provinces qui compofent ce royaume,  94 Etat des enfants foientfoumifes a 1'empire d'un feul Icgiflateur, chaqueprovince a fes ufages & fes coutumes qui lui font propres. Souvent même deux provinces voifines font régies par desftaturs & par des loix diamétralement oppofées. A Paris, la communaucé enrre mari & femme eft formellement prefcrite par la coutume, &, quand on ne vent pas quelle ait lieu, il faut en exprimer 1'exclufion dans le conrrar de mariage , par une claufebien précife & bien claire. En Normandie, au contraire, province limitrophe, cette communauté eft fl rigoureufementinterdite, qu'on laftipuleroit en vain dans le conrrar de ma-, riage; elle ne pourroir avoir lieu. ( D'adleurs, pour peu quel'on veuille réfléchir fur les claufes qui peu vent êrre inférées dans ces acres, on verra qu'il n'y en aaucune,ou prefqu'aucunequipuifle tirerfon origine du droir des gens. Puis donc que ce conrrar n'a d'aurre fondemenr que le droit civil, auquel ceux qui font mom civilementne participent en aucune facon, puifque c'eft dans cette exclufion même que confifte la mortcivile il eft impoflible qu'ils puiflenttirer, de ce droit, aucune conïequence en leur fayeur. Lorfqu'ils fe  d'un condamnéd mort par effigle. 9 5 marient, & qn'aacane des conditions & des formalités requifes n'a été oublice , ils font liés dans le for intérieur & quoad fxdus. Mais ce mariage n'eft reconnu que par l'églife, & n'eft fufceptibleque deseffetsqui naiflentdu droit ! diviH.Ileft, par exemple, indiflbluble, paree que c'eft le fort de tout mariage contradé par des perfonnes qu'aucun empêchement dirimant n'arrête; & que, d'ailleurs, fi les loix civilesont prefcrit cette indiffolubilité, ce n'eft que pour ; procurer fon exécation a la loi divine , 1 qui Pa établie. Qaant a la focicté, conlidérée comme ] fociété parement civile , & abftradion ! faire de la religion, elle ne connoit point ) des engagements contradés par des perI fonnes qa'elle a rejettées de fon fein ; elle ne lear accorde aacune protedion politiqae , & ne leur fait part d'aacun des avantages qa'elle aécablis en favear de fes membres, glle lear refafe , en un mot, toas les eftets qui font dans fon reftort. Ainfi, la femme, par exemple , après la diflblution dün tel mariage , ne peut demander nifon doaaire, ni les droits qui poarroient réfalter de Ia communauté , ni aucune des autres conventions matrimoniales, foit qu'elr  2 6 Etat des enficnts les aient été ftipulées dans un acte , fok •qu'elles aient été reglées par la loi 3 enforte que les conjoints, pendant & après leur union , font lün & l'autre , relativement a leurs intéréts civils , dans ie même état qu'ils étoient avant leur mariage. Les biens qu'ils pofte doient n'ont point été frappés de leurs conventions matrimoniales. La femme a confervé la libre difpofition de fes biens , qui , de leur cóté , ont confervé , dans fa main , Ia qualité qu'ils avoient avant le mariage : ce qui étoit meuble eft refté meuble, ce qui éroit propre eft refté propre, &c. Et ce que le mari pofsède eft refté fous la main &c a la difpofition du fifc, qui en a confervé la propriéré qui lui avoir été ac«juife par le jugement de condamnaïion. A 1'égard des enfants iftus de tels mariages , ils ne font pas , a la vérité j frappés de. la barardife ; elle ne rouche èjue ceux qui font nés dünconcubinage; Sc 1'on ne peut pas regarder comme concubinage une union ratifiée & fanctifiée ©ar un facrement légitimement admisiiftré. Mais ce facrement, tout augufte qu'il eft^ n'influe point fur les eftêts civils t  dun coniamné d mort par effigie. 97 civils j la fociété les refufe abfolüment aux enfants qui en font iflus. Tous les droits civils dont nous jouiffons proviennent denos pères. lis nous les ont tranfmis par la voie de la fuccelfion. Ainfi nous ne pouvons pofleder que ceux qu'ils pofTédoient eux-mêmes; a moins que nous n'en acquérions de nouveaux par notre induftrie , par nos talents , par des fervices rendus a 1 etat, par les bienfaits du prince , &c. Or les père & mère des enfants dont il eft ici queftion , étant dépouillés des eftets civils , ils n'ont pu les leur tranfmettre ; nemo dat quod non habet. Ainfi ces enfants font réputés ne tenir a perfonne par les liens civils. Toutce qui fe pafte dans les families auxquelles ils tiennent par les liens naturels , leur eft étranger: il n'y a, poureux,aucune fucceflionni afcendante , ni collatérale. En un mot les loixles mettent au rang des batards, fans cependant leur en imprimer la honte. Quoiqne ces conféquences dérivent nécelfairemenr des principes de la matière , il paroït cependant qu'avant i£j9 , la jurifprudence ne les avoit pas encore adoptées. Les auteurs nous ont Tome XV. E  t)S Etat des enfants tranftnis deux arrêts célèbres qui Ie prouv.ent- affez. Un nommé la Recheboiffeau futconvaincu d'avoir tué fa feconde femme , &c condamné a mort par fentence du prévot des maréchaux, a Angers, Elle fut confirmée par arrêr du mois de mai ' 1600, dc executée par effigie. Après fa condamnation , & Pexécution de fon jugement, la Rochebotjfeau fe remaria , en troifièmes noces,avecla demoifelle de la Porte, donr il eur des enfants. Par le conrrar de mariage , on ftipula j 000 livres de douaire au prohc de la femme. Cette rroifième femme , étant devenue veuve , demanda, tant en fon nom, qaecqmme tutrice de fes enfants^ 1'exécution du contrat de mariage , & que fes pupilles fulfent admis a partager, avec les enfants du premier lit, les biens du père commun. II faut obfetver que ces biens éroient fitués dans i'Anjou, ou la confifcation n'a pas lieu, oü la mort civile ne produit pas d'autres eff'ets j quant a la fucceflion du condamné , que-la mort naturelle. Par arrêt du 13 janvier héij , la femme fut déboutée de toutes-fes dernandes, les enfants du premier lit dé-  (Fun condamnid mort par effigie. 99 chargés de la preftation du douaire , &c maintenus dans la pofieffion de rous les biens de leur père, a la charge de payer a la veuve , & a chacun de fes enfants , la fomme de 300 livres par 1 an , par fonne d'aliments , leur vie durant. La décifion portee par eet arrêt étoit • Balancée par deux conlidérarions. La i première eft relative au crime qui avoit i mérité a la Rockeboijfeau fa condamnaj tion. Les cönciles & les canons os:: décidé qu'un homme qui tue fa femme , ! ou une femme qui tue fon mari ne doivent point être admis a un fecond mariage. Ipfa autem infidiatrix , pa:nitenti<& Jubjela, abfque fie conjugii maneat. La feconde obfervation eft que la femme prcreudoit être dans la bonnefoi; c'eft-i-dire que, quand elle s'eft, mariée , elle ignoroit 1'état de celui . qu'elleépoufoit. Or labonne-foi donne la lcgitimicé aux enfants iffus dün ma-' riage nul. Peu de tems après , il s'éleva une autre queftion entre les mem es parties. Charles de Souvrgvé,£ilsa.mc de Laroche-r \hoiJJeau, & i(fu de fon premier ma1 fiage , décéda fans enfants, & ne laifla que des fceurs damême lit que lui.  loo Etat des enfants L'ahié des enfants nés après la mort civile de leur père , prétendoit devoir fuccéder a fon frère , & même être'préféré aux feeurs du p remier 1 i t, & profiter, a leur préjudice , de 1'avanrage que la coutume d'Anjou accorde aux males. . II difoit que la condamnation pro-' noncée contre fon père , ne 1'avoit point rendu incapable de fe marier. La queftion étoit jngée par le premier arrêt, qui, en privant le mariage de fon père , des efrers civils , en avoient camonifé la légitimité. D'ailleurs, quand il y auroit nullité dans lp mariage , la bonne-foi de la femme auroir ïégirimé les enfants. Or cette bonne-foi étoit fondée fur 1'ignorance de la femme, & fur la publicité avec laquelle Larocheboiffeau jouiffoit de fon état &c de fes biens , depuis fa frondamnation. II ne faut point oppofer aux enfants la diftinction entre le mariage & le contrat ciyil. Sans doute celui qui eft mort jCÏvilement n'a plus de biens dont il puifle difpofer par contrat de mariage. Mais les enfants nés de ce mariage , étant légitimes , font frères légitimes 4e ceux qui font nés de mariages préfiédents. Ils doivent, par conféquent, être habiles a leü'r fuccéder,  d'un condamné d mort par effigie. i © j Cette eonféquence eft fondée fur ce que ie droit civil ne peut erTacer le droit de la nature. Il eft impoflible d'être frère naturel & légitime , en même-» I tems, fans être capable de recueillir la fucceflien de celui avec lequel on eft rlans cerre relarion. La loi ne neut fé- parer les droirs de la légitimité, de la : qualité de légitime. C'eft un point expreflement décidé . par la loi 3 ff, de interdict. & releg. Le ; jurifconfulte y fait mention d'uH père a qui la déportation avoit óté les droits '\ de cité; Sc dit que la condamnation du père n'enlève a fes enfants quéce qu'ils auroient eu de lui, s'il fut mort citoyen. I Eum qui civitatem amitteret, nihil aliud : juris adimere liberis, nifi quod ab ipfo : perventurum effet ad eos yjï mtejïatus irt civitate moreretur. Or que leur auroit-il laifle ? Sa fucceflion, les droits de patren fur les afI franchis, &c. Hoe efl hareditatem ejus s i & libertos, & Ji quid aliud in eo genere 1 reperiri pote/l. Mais tout ce qu'ils ne I tiennent pas directemenr de leur père , i Sc qui leur vient de leurs ancêrres , du droit de cité, Sc de l'eflence deschofes ■ mêmes , ils le confervent dans fon entier. Qua vero non dpatre , fed dgenere , Eiij  loi Etat des enfants a civitate, a rerum natura trihuerentur „ ea manere eis ïncolumia. Ainfi ils font fiéritiers légitimes de leurs frères,& peuvent prérendre -a la tutèle & a la juccefiion des individus de leur familie. Jt aque & fratres fratrihus fore leg'himos hjtredes, & agnatorum tutelas '& hAredi'tates kabituras. Ce nJeft pas de leur père qu'ils tiennem ces droits ; c'eft de leurs ancetres. Non enim hac patrem ,fedmajores ejus eis dedifje. C'eft lafuite d'une naiffance légitime 3 & de la communication du fang. L'arrêt rendu en i 15 contre les en» fants du premier Ik ne doit donc pas jnfluer, fur la décifion de la cjueftion dont il s'agit ici. En route fucceffton il faut diftinguer deux termes : terminus 'd qne , terminus ad quem. Ainfi il y a deux capacités ^celle de rranfmettre, Sc celle de recevoir. Les enfants d'un condamné ont bien la faculté de recevoir; maiseiie demeure fans efïet par rapport a leur père , qui y ayanr tout perdu par fa mort civile, n'a pu rien tranfmetcre : Sc, dans le cas ou nous fommes, la coutume d'Anjou , n'admettant point Ia confifcation , les biens du condamné ont , au moment de fa mort civile , pafte au» enfants qu'il avoit aioi's. C*eft  d'un coniutnni a mort par effigie. 103 "pourquoi il tik pu , par nn manage fubféquent, grever ces biens d'aucune convention matrimoniale poftérieure. Le pouvoir de grever & d'affecter un bien eft attaché a la prc-priété^ il ne 1'aVök plus. Enforte que, fi les enfants du dernier lit ont été exclus de lafucceflkm de leur pèue, ce n'eft pas qu'ils fuffent in•c&pables de la recueillir ; mais c'eft qu'ils étoient nés trop tard , & dans un tems ou le père n'avoit plus de fucceffiou a tranfmettre. Mais ki, celui qui demande la fuceeilion dont il s'agit a , de fOn cóié , toutes les qualités requifes pour fuccéder; il eft frère légitime ; & rien n'a intercepté , dans le frère décédé , k qualité de tranfmettre. A ces raifonnements , ön oppofoit que le mariage qui avoit donné naiffance au fieur de Souvigne' ne pouvoit être regardé comme valable. Un homme qui, par fa condamnation , eft devenu ferf de la peine 3 ne peut valable1ment contraóter un mariage. Peu importe que cette condamnation n'ait étc exécutée qu'en effigie, c'eft du jour de la prononciation de la fentence, que la mort livile produit fes eflèts ; c'eft par •ette prononciation , que le cohdamné E iv  104 Etat des enfants eft frappé a more, il eft frappé gladïo lingus, (i). S'il fe crouve , a;outoit-on, quelques Ioix qui déclarent que la déportarion & Pinterdidion du feu & de Peau qui eraportoientla more civile, ne formoient point d'obftacle au mariage , elles ne parient que du mariage qui a précédc la condamnation. Erant furvenue depuis, il n'eft pas raifonnable qu'elle fépare deux perfonnes unies par un lien qui, par fon eflence , doit les attacher ■pendant toute leur vie naturelle. Mais qu'il foit permis a un homme mort civilement de fe marier, c'eft ce qu'aucun texte de loi n'a autorifé. Au contraire , 1'ufage du feu & de Peau étoit abfolument requis dans la folemniré des mariages des anciens , comme on le voit dans la loi y 66 §. i ff.de donat. inter vir. & uxor. D'oü il fuit néceflairement que ceux a qui Pufage de ces deux éléments étoit interdit, ne pouvoientpas contrader mariage. Loin qu'un mariage conrradé après la condamnation fut autorifé par la loi, (i) J'al fait voir la fauffeté de cette propofition, dans le traité de la mort civile, p. r 57 & fitivantcs.  d'un condamné d mort par effigie. 105 &c que les enfants qui en ptovenoienc fiuTent regardés comme légitimes , Sc ; capablesdes effets civils, on trouredes | textes qui. excluent de toute fucceflion : ceux qui naifient après la déportation , quoique d'un mariage contraóté avant la condamnation. Dans la loi 17 , §. 5 , ff", ad Jenattis confult. Trebell. un hcritier chargé 9 en cas qu'il décède fans enfants , de conferver 1'hérédité a fon frère, ayant, été relégué dans une ifle, le jurifeonfulte de man de fi les enfants qu'il a eus,' depuis fa condamnation, font tomber le 1 fidéicommis. Pour réfoudre la queftion , il diftin-" gue les enfants concus avant la dépor1 tation , &c ceux qui ont été con§us depuis. A 1'égard des premiers, ilsannuli lentle fidéicommis ; les autres, aucon» ' traire , font regardés comme non-ave1 nus. Le texte de la loi eft précieux» - Rogaverat quidam muiier filium fuum}ut,fi fine liberis deceffiffèt, refliiueret' hereditatem fra tri fuo. Is, pofted depor* 1 tatus in infuld , liberos fiufceperat. Qu ellesrles refufent a,tout-mariage quicho* qua- leur autorité..Quod eft contrdJe* ggm:^ n&nhabet legis beneficium*.  d'un condamné d mort par effigie. 10=9 Ainfi les enfants nés de ces mariages ne peuvent prétendre a aucun aurre avantage, qu'au llmple nécelfaire phyfi.que. Autrement les loix feroient illufoires, li ceux dont elles condamnent 1'origine , ne pouvant. fuccéder a leur père , pouvoient prétendre a 1'hérédité de leurs autres parents.. C'eft pourquoi les empereurs ont exclu les enfants dün condamné, nonfeulement de la fucceffion du père , mais de route aurre C'eft même par humanité , difent-ils , qu'ils veulent bien leur laifter la vie qui devroit leur être otée; paree qu'il ya lieu decraindre que les crimes de leur père ne foient hércditaires chez- eux. Mais ,.fi on ne leur fait pas fubir la mort, il faut 3 au moins ,, qu'ils foient réduits a 1'indigence ; que 1'infamie de leur père lesaccompagne par-tout; qu'ils ne puiftent parvenir a aucuns. honneurs, ni particir per a aucuns facrements : en un mot , qu'ils- foient dans un tel état de misère, qu'ils envifagent la mort comme leur unique confolation , & que la vie foit, pour eux , un fupplice continuel. Filii verb ejus, qulhus vltam Imperatarid fpe* cialiter lenitate concedimus ( paternomim deberent perire fupplicio , in quibus  11 o Etat dés enfants paterni > hoe eft hereditarii criminis exempla mentuntur ) d maternd, vei avitd, omnium etiamproxirnorum h&reditate ac fucceffione habtantur alïeni ; teftamentis extraneonim nihil capiant ; fint perpetub egentes & paupefes 'r infamia ios paterna fem er comitetur-y ad nullos prorsiis honores, ad nulla facramenta petveniant. Sint pqftremb tales ut ,.'hls perpetud egeftate fordentibus ,fit & mors folatium , & vita fipplicium. L. 5 , §. 1, cod. ad leg. jul. mdjtft. Eu un mot , les enfants nés après la condamwation font incapables-de toutes fuccellions en France, par une courume générale ; ce qui fut foutenu devant le pape, au fujet du jugement donné par les pairs de France , contre le roid'Angleterre , nom mé Jean fans Terre, Telle fut la défenfe des filles du premier lit de la Rochtboijjeau. Je ne m'arrêterai point a en difetuer les principes , dont le föible fe fait fentir a la iimple ieclure. Je me contenterai d'obferver que les loix romaines citées en leut faveur ont été mal appliquées , & mal interprétéss. La diftinótion établie par le jurifconfulte, dans la loi 17 , §. 5 ,ff. adfenatusconfult, Trebell. , ne privé pas les  dun condamné a mort par effigie. 111 enfants nes après la condamnation des liens civils avec les collatéraux. 11 en réfulte , il eft vrai, que le fidéicommis eft otivert au profir de 1'appellé , fans que les enfants dont la naiffance poftérieiue au jugement, puiffent apporter obftacle a cette ouverture. Mais la raifon eft fimple; Sc cette raifon écarté route idéé d'analogie entre cette loi, '& la queftion dont il s'agit ici. Aufli-tót que la peine eft prononcée , & qu'elle a eu fon exécution , le coupable eft dépouillé de tous les droits qu'il tenoit de. la qualité de citoyen. II eft même dépouillé de fes biens , dont la propriété , en venu de ia condamnation, paffe au tik. Cüm etiam bona , cumfud quodammodo causa, fifiofint vindicanda. II eft donc dépouillé , comme il le feroit par la mort naturelle. 11 eft donc dans 1'ordre des chofes que , s'il n'a point d'enfants aft moment de fa condamnation , celui qui, a défaut d'enfants , étoit appelié a recueillir le fidéicommis dont le condamné étoit grevéjlerecueille, comme il 1'auroitrecueilliparla mort naturelle. Cat enfin , fi 1'appellé ne le recueilloit pasj les biéns qui le compofenr pafte roientaufifc, qui n'en eft excln q.ue.parce que le droit de 1'appellé eft anténetir au  * i ¥ Etat des enfants Hen. Si les enfamrs nés depuis la condamnation n'excluent pas eet appellé , ce n'eft pas paree qu'ils font étrangersa la familie \ c'eft feulement pareequ'au moment ou ils ont été eon^us , le fidéicommis n'étoit plus dans les mains de leur père. Car laloi dit expreffément que c'eft le moment de la conception qu'il faut confidérer , & nullement ce- j lui de la naiffance. Concepti quidem ante deportationem, licèt pofled edantur, effi, cïunt ut condido. deficiat.. Cetté règle eft encore répétée x comme on 1'a vu, L, 1 j §• i j de bonis damnat, paree que , aes qu un enrant eit concu , les droits lui fonr acquis , comme s'il étoit au monde , pourvu qu'il ne meure pas avant de naitre-, car il feroit. alors réputé n'avoir jamais exifté. C'eft pour la confervation des droits de ce futur eicoyen, que les loix ontimaginé de faire créer un curateur au ventre .• bonorum ventris nomine curatorem dart opporteu ö jp. ae curat. jurws. II eft vrai que la loi dit qu'il faut, dansce cas, regarder les enfants concus après la condamnarion , comme s'ils provenoienr d'un aurre père , que ceux dont la naiffance ou la conception a grécédé cette difgrace. Maiscomme;  d'un condamné d mort par effigie. 11 5 1'obferve Godefroy , fur cecte loi, ils n'en font pas moins légitimes, paree que le mariage n'eft pas rompu. Matrimonium quidem deportatione , vel aqu£ & ignis interdièlione non folvitur. L. i , 'eed. de repud. II eft cependant vrai , ajoure ce commentateut, qu'ils ne font pas foumis a la puiffance paternelle. Elle ne dérive que du droit civil, dont i les eftets onr été enlevés au père, par fa condamnation ; Sc c'eft le cas, remar- | que encore Godefroy, oü I'on peut être fils légitime , & affranchi de la putf- x fance paternelle, fans avoir été émancipé. Si la déportation laifle fubfifter Ie mariage, fi les enfants naiflent a l'ombre de ce mariage , s'ils font légitimes , en un mot; ils font donc attachés , par 'les liens civiis, a la familie de leur père. Ainfi 1'interprétation donnée a la loi i , §. i ,ff. de bonis damnat, par les filles du premier iit de Larocheboiffeau eft forcée , Sc contraire a Pefprit de toutes les autres loix. II eft bien vrai que ce n'eft pas de leut père , que les enfants nés avant la condamnation tiennent tous leurs droits. Mais, quoiqu'il cefie d'être citoyen , fon mariage , qui a ete «omracté lorfqu'il 1'étoit, ne dégénéré  114 Etat des enfants point, êc conferve la légitimité qui lui avoit été imprimée dans le principe j de manière que les enfants qui naiflent al'ombre de ce mariage , ont pour patents tous ceux que le lang & la loi "leur oiit donnés. L'exemple de rafriranchi que fon ingratitude replonge dans 1'efclavage, ne prouve rien. Sas enfants naifTent pendant qu'il eftefclave;ils ne peaventpas être autre cliofe, que des efclaves ; les autres, au contraire, font les fruits d'un mariage légitime; ils font donc légitimes eax -mêmes, & ont toates lesprérogatives attachées a cette qaalité. A 1'égard de la loi 5 , §. i , cod. ad leg, jut. majcft. elle paroit favorifer plas directement le fyftême des filles da premier lit de Larocheboijjeau. Mais , pour faire voir qu'elles Pappliquoienc mal , 'il faut établir iciun principe. CJétoit une maxime , dans le droit romain , que le crime du père , & la peine qu'il fubiïToit, ne fouilloient les enfants d'aticune tache. 'Crimen, vel pcena paterna nullam maculam fillo infligere poteft. Namque unufquifque ex fuo admiffo fbrt'i fubjicitur , nee allenï criminisfucceffor conflitu'itkr. L. 16,ff. deposnis. Dii-ia yient que, quand un fér  d'un condamné'a more par effigie. i ï 5 nateur étoit dégradé de fa dignité , ceux de fes enfants qui naiffoient, & qui même étoient correus depuis cette dilgrace , jouiffoient des honneurs & des 'prérogatives attachées I leur naiffance, Si pater amiferit dignitatem ante con~ -ceptionem hujus (fiM),quaripoterit an , quanrvis quaft fenatoi is filius non tntelligatur , quafi nepos tarnen intelUgi non dtbeat? Et magis eft ut debeat J Ut avi fatras ei dignitas profit , quam obftt cai fus patris. L. 7, in fin. ff.de fenat. Et cette regie cctnlervoit ia roicc «uo tous les cas, foit qu'ils fuffenr favorables, foit qu'ils fuffent défavorables. Par exemple, il étoit défenduaux fillesdes fénateurs d'époufer des affkafnchis^eltes tranfgreffoient cette défenfe , l'alfiance qu'elles contradoient étoit ïllégiti Oratione divi Marei cayetur ut , // fenatorisfilia libertino tfüfjijfei , MC nuftïa ejjent \ quam % Ql«tasfOnfttltum fecuium eft. L. 16, ff- de rit. Lepere étoit il dégradé dc fa quaker de fénatetir ? Cette. allianrc at eftangeoit -point de nature,& reu" igitirne. F Mamfenatoris nttptia ■ ftvtniai fcutam,patris cafus non faciat uxorem. Nam qusfita dignitas liberis, propter crimen patris, auferénda non eft. L. 54, §. 3 eod. Enfin, on trouve, dans le  » l Etat des enfants code , un titre entier confacré a établir la maxime que les enfants ne doivent point paar des faures de leur père. Ne fUuspropatre, vel pater pro filio emancipato , vel übertus pro patrono , vel Jervuspro domino conveniatur. Celapofé, la loi dont il s'agit ici eft une exception a cette règle. Elle eft dingee expreflement& uniquement contre ceux qui fe rendent coupables du cnme de leze-majefté. Ce crime, dans tous les pays policés, a toujours fait une efpecea part, qui a fes régies particuliéres, qui fe punit par des fupplices extraordinaires, & produir, tant fur la Perfonne du coupable , qHe fur toute ia familie , des effets inconnus dans toute autre circonftance. . On vient de voir avec quelle attention les loix préfervent les enfants de la nonte donr font couverts les pères qui ont commis quelque délit. Mais , quand il s'agit du crime de léze majefté' de eet attentat qui fappe la fociété pat les fondements , les loix infpirées par I humanitc fe taifent. Elles ne regardent plus comme un homme celui qui a dédare la guerre au genre humain ; & 1 horreur qu'il infpire fe communiqué naturel ement a tcAit ce qui apparcient a un tel monftre.  d'un condamné'a mort par effigie. 117 Mais cette jufte févérité eft exactement bornéeauxcas qui la font naitre; & les loix qui la dirigent ne doivent &c ne peuvent s'appliquer a aucune autre circonftance. C'eft donc a tortque les filles de Larocheboijfeau ont voulu tirer avantage d'une loi qui n'a, & ne peur avoir aucune relation avec les circonftances dans lefquelles elles en argumentoient. M. Bignon } avocar généralconvint que 1'arrèt de 1625 , par lequel les enfants du premier lit avoient été déchargés de la preftation du douaite de la troifième femme , & maintenus dans la pofteflion de tous les biens de leurpère , n'avoit point porté atteinte a ce dernier mariage; qu'il avoit feulement jugé que les enfants qui en étoient iilus ne pouvoient fuccéder a leur père , ni prendre part aux biens dont il avoit été privé par la condamnation qui 1'avoic précédé. II conclut a ce que le fieur de Souvignï fütdéclaté capable de recueillir la fucceftion de fon frère , avec lequel il avoit jus confanguinhatts , quoiqu'il ne fut pas héririer de fon père, relativement aaquel il étoit comme un enfant exhérédé. Ntiti pojh morttm patris , vel poft captivitatemijive deporta-  118 Etat des enfants tionem ; fed &. ki qui, tempore quo ca- piebatur , vel depot tabatur pater, in po- iejlaiefuerunt, jus inter fe confanguinita- tis habent, etfi haredes patri non extitc- rint ,fcut exheredati. L. 6, ff. unde le- gitimi. Ce magiftrat ajotita cependant que, (i on admettoit le deur de Souvigni a la fucceffion de fon frère , ce feroit une grace qu'on lui feroir. Ainfi , difoir-il , il n'eft pas jufte de lui donner, fur fes fceurs, toures les prcrogarives que la coutume d'Anjou aecorde aux males. D'oü il eonclut qu'd falloir feulement 1'adiTiettre a partager par têtes. Mais, d'après les principes érabl is pat M. Bignon lui-même, ce n'ccoit pas une grace qu'on lui accordoit, en l'admettant au partage de la fucceffion de fon frère , puifqu'ii avoit avec lui jus confanguinltatis , & que ce droit de confanguinité lui conféroit tous les avantages qui en dépendent- Aulli fes conclufions ne fureut point fuivies ; & , par arrêtdu 6 juilier 16$j , le fieur de Souvigni fut. admis au parrage de la fucceffion de fon frère., avec tous les droirs accordés par la coutume , aux aihés males. Telle étoit la jutifprudence des tri-  d'un condamné d. mort par effigie. i1 j> bunaux, quand la déclaration de 1639 fut publiée. Elle porte , article V , que les enfants qui naicront de mariages que les pères & mères auront renus cachés pendant leur vie , feront incapables de toutes fuccejjions , auflï-bien que leur poftérité, L'article VI ajpute: « nous voulons )»» que la même peine ait lieu contre les , w enfants procréés par ceux qui fe ma» rient après avoir été condamnés d mort y n même par les fenrences de nos juges » renduespar défaut, li,avant leur dé; n cès, ils n'ont été remis au premier » état, fuivantles loix prefcrites parnos \H ordonuances ». Cette loi a dü nécglfairement appor;ter du changement dans la jurifpru1 dence. Le texte en eft clair; il déclara-i expreflemenc incapables de toutes fucj ceilions, les enfants de ceux qui fe ma-, i rient après avoir efliiyéune condamna-. : tion a mort, fi , avant leur décès , ils, n'ont étéreftitués par les voies prefcrites par les ordonnances. La poftérité de ces enfants eft aufli enveloppée dans cette profcription. Le Brun , en fon traité des fuccef1 fions , Liv. t, chap.' 2 , fect 3, dift. 2 , n. 4,5c, fuiv. élève, a ce fujet , quacre  120 Etat des enfants queftions. La première confifte a fcavoir fi cecte ordonnance doit s'appliquer aux mariages contractés par ceux qui font bannis duroyaume a perpétuité. La feconde, fi elleregarde ceux qui ont été condamnés par contumace , fe font malies pendanr la contumace, fe font repréfentés depuis, ont été contradiótoirement condamnés, & font morrs pendant PinftrucFion de 1'appel de ce jugement. La troifième queftion eft de fcaroir fi la loi dont il s'agit ici, a lieu, dans Ie même cas, lorfqu'ils meurent dans les cinq ans, fans avoir appeüé. Et Ia quatrième , fi ces enfants font exclus de lafucceftion du coejoint qui n'a point feu la condamnation de l'autre , & qui' étoit dans la bonne-foi, & des fucceffions du même coté & ligne. Je n'entrerai point dans la difcuflion de ces queftions, qui font étrangères a la caufe donr j'ai a rendre compte. D'ailleuts je les ai examinées avec une cerraine étendue dans le traité de la mort civile. Ces principes ainfi éclaircis , paftbns au récit de 1'afFaire qui a donné occafion d'en parler. Francols de Bourbonne fut condamné, par contumace j le 16 mars 1678 > au dernier  d'un condamné a mort par effigie. m dernier fupplicc, par ie prévot.général de 1'ille de France. 11 ne fir aucune démarche, ni pour pnrger la contumace, ni pour obtenir fa grace. Mais il parok qu'il ne prit pas non plus de grandes précaurions , pour éviter 1'animadverfion cle la juftice, qui, de fon coté, ne fit point de perquifirions. II a vécu , pendant cinqaante deux ans., dans la fécuriré la plus entière. En 171 o, trenredeux ans après fa condamnation , il époufa la Fille d'un marchand de Tours , qui, difoit-on , étoit alors femme de chambre d'une de fes tantes. 11 fe retira avec elle a Tarafcon , ou il eft morr en 17 j o , revctu dün emploi confidérable, & laiflant plufiears enfants de fon mariage. Ce mariage 5c les enfants qui en font ilTus furent reconnus de toute la familie, dont les perfonnes les plas confidérables les ont préfentés aa baptême. Le fieur de Bourbonne eat perfonnellement, avec une de fes ibears, des conteftations , qui farent portées en inftice , fans qu'on lui ait jamais dif- paté la faculté d'efter en jugement t faculté dont on eft abfolument privé , I dès que 1'on eft atteint de la mort civile. II partagea , avec un de fes frères , une Tomé XV\ F  iiz Etit des énfants fucceffion ouverre l leur profit \ il prit, dans tou» les acres qui conduifcienr a ce partage, la qualiré d'héritier , fans éprouver aucune contradiction. Après fon décès , fes enfants ont épalement joui publiquement de toute la ca:>acité naturelle & civile. Ils ont aflifte, conjointement avec leurs coufins germains , &c comme héritiers préfomptifs , a 1'inyentaire d'un de leurs patents. Tous les autres cohéritiers renoncèrent a cette fucceffion , qui fut acceptée par une des rilles de Francois de Bourbonne. Elle foutint, en juftice, les intéréts de cette fucceffion, & fa qualité d'héritière fut reconnue & canonifée par les tribunaüx , fans aucune contradiction. II eft nécefTaire d'enrrer, a eet égard, dans quelques détails, pourérabTir que ceux même qui, dans cette caufe, conteftoient aux enfants de Francois de Bourbonne , la qualité de légitimes , 1'avoient reconnue eux - mêmes jufqu'a 1'époque de la conteftation dont j'entreprends le récir. Le fils aïné de Ctaude de Bourbonne avoit été inftitué légataire univerfel par Jofepk - Léonard de Bourbonne , de la fucceffion duquel il s'agiftoit. Ce légataire univerfel s s'étanc avifé de faire  d'un condamné'a mort par effigie. 113 créeruncurateur ala fuccefion , comme . fi elle eüt été vacante , Hancoife , qui s'étoit portée héritière , a demandé la I nüllité de cette crëation de curateur. E $cntence eft interventie, au chatelet, qui I 1'adéclaréenulle, faufatt légaraire uniI verfel a fe pourvoir contr'elie , comme héritière , pourobtenir ladélivrancede fon legs univerfel Le fils ainé de Claude a inrerjetté appel de cette fentence } I mais, après laconteftation la plus vive , il eftintervenuarrêt, en 1742, qui nonfeulement a confirmé la fentence, mais I qui a mème permis a Francoije , ert qualité d'héritière de Jofeph-Leonard t de fe mettre en poffeftion de rous les I biens meubles & immeubles de lafucI ceffion, & quia condamné le légataire 1 univerfel a lui remettre tous les titres I & papiers , & a lui rapporter tous les I fruits qu'il avoit percus. En exécution de j Cet arrêt , le fils aiiié de Claude a dei mandé Sc obtenu la délivrance du legs si univerfel \ les parties ont pris enfuite : les voies de la conciliation; il a été fait i un projet de tranfaclion , portant liquidation des droits refpectifs dans la fucceffion de Jofèph-Léona-d; Sc Claude I lui-même a formellement acquiefcé a. ce projet de tranfadion. F ij  rï.z-4 Etat des enfants C'eft dans ces circonftances, que s'eft Quverte la fiicceilion qui a donné lieua :1a conteftation.. Celui qui a laiffc cette fucceflion étoit,c©ufiu , au même degré., Sc de ,Claude Sc des riües de Francois. "Elles fe font préfentées pour la recueillir,,comme elles avoient recueilli celle de Jafeph - Lionard. C'eft alars que , pour la première fois., on a.contefté :leur capacité , Claude les ayant fait aflïgner au chatelet, pour fe voir déclarer incapables de participer a cette fuccef- ■Pour proever cette incapacité , ii ri'a pas ctaint .de révéler au public la honre de fa propre familie, d'expofer au grand jpur des faits renfermés jufqu'ici dans Pobfcurité & dans le fecrer le plus impénétrable; en unaaiot, de foutenir que Francois , fon oncle paternel, a été retrafcché de la fociété civile) qu'il a été fait efclave de la peine Sc de 1'infamie publique ; que la juftice 1'a privé.de tous les droits de cité Sc de familie , Sc que -fes enfants font fpus le joug de cette profcription,. Par unp pareüle prétentioja , Claude ejeve, contre la mémoke de fon oncle, la queftion d'état, la plus importante , êc la plus intéreflante qu'on puilfe faire Hakte fur le fort des citoyens. II u'at-  d'un coniamné d mort par effigie. ïif faque pas , en effef, une portiori cte 1'érat de Francois : dans fa prétention -9il ne s'agit pas feulement de fcavoir & Francois étóir enfant légitime , ou enfant naturel ; s'il étoit d'une telle oa> d'une telle familie; s'il étoit aubain-ou regnicole; s'il occupoit telle ou telle place dans la fociété. 11 s'agit, au contraire , de tout fon état; de fcavoir s'il exiftoir dans la fociété civile , s'il y occupoit une place, s'il en étoit membre , s'il avoit une parrie &c une familie; en un mor, la queftion embrafle la totalké de fon être civil. 11 n'eft pas aflurémei t: poflible d'élever une queftion plus inréreflanre pour un citoyen & pour toute , fa familie. Mais , plus cette queftion eft intéref- : fante , plus on doit donner d'attention aux principes qui doivent la décider. Le premier principe, en cette ma* tière , eft de faire , en faveur de la , pofleflion, tout ce qu'il eft poflible s oc den y donneratteinte,quelorlqu on y eft forcé par des preuves auxquelles on ne peut réfifter; Ce principe eft tonde cc lur les Iu->miètes de la taifon , & fur 1'intérêt i public. L'état des hommes eft trop préi cieux vpour le rendre perpctuellement F iij <  H.6 Etat des enfants dépendant d'une difcuflion de titres , qui , par eux-mêmes , fonr expofés a iauffrir mille fraudes , ou a périr par mille a-cidents . divers. 11 a fallu que 1'état des hommes fur marqué a des cara&ères plus certains, plus ineffacables, & moins fufceptibles de fraude 5c de faliiiication. Ce font ces carattères que 1'on trouve réunis dans la pofleflion publique de fon état, dans le rang & la place que 1'on a toujours tenus dans la fociété générale des hommes , & dans les fo* •ciétés particuhères que la proximité du fang forme dans les families. L'érac n'étant, en lui - même 3 que la place que 1'on doit tenir dans ces fociétés , il eft invariablemenr fixé par celle que 1'on y a tenue publiquement depuis le jour de fa naiflance. Ce n'eft que par cette poftliiion publique que les hommes fe diftinguent entr'eux; c'eft fur la foi de cette pofleflion que les alliances fe forment, que les engagements fe contractent. Elle feule eft le garant & le foutien des acres les plus importants1* &z les plus facrés \ elle feule maintienc cette relarion fi néceflaire dans les families y elle feule eft le gage de la trauquillité de chaque familie en particulier ; elle feule forme le lien de toutes  i'un condamné d mort par effigie. 127 celles dont un royaume eft compofé ; elle feule , en un mot, eft le pnncipal appui de 1'harmonie de la fociété. II n'eft donc véritablement rien de plus intcreflant pour 1'ordre public , Sc pour la süreté des citoyens, que de donner, a cette pofleflion publique , toute la force 6c tout 1'eftet dont elle peut être fufceptible 5 c'eft une vérité dont les magiftrats ont toujours été pénétrés , Sc dont ils ne ceflent d'être animés dans toutes les queftions d'état. Se préfentet-on a la juftice pour faire la conquête d'un état nouveau, elle ne peut être qu'alarmée d'une pareille prétention i puifqu'elletend a imervertir 1'ordre de la pofleflion publique, a porter le trouble dansles families,adonner atteinte a mille engagements contradés dans la bonne foi.' Pour vaincre fes juftes alarmes , pour déterminer fon fuffrage , il faut lui préfenter des preuves auxquelles elle ne puifle réfifter; il faut des ritres 8c des moyens adoptés parlaloi-même; il faut enfin fubjuguer la juftice , 6c lui arraclrer une décifion , dont les fuites font toujours funeftes a. la fociété. S'agit il, au contraire , de défendre 1'état dont on a toujours éré en pofleffion publique Sc paifible ? Faut-il rèF iv  i,i8 Etat des enfants pouflèr les attaques, qu'on. livre a eet etat ? La juftice elle-mêtne vient aufecours du citoyen : il eft fpécialement fous fa protection j. il a , pour lui, la] foi publique ; la fociété entière dépofe en fa faveur. , & demande qu'il foit maintenu dans la place qu'il a toujours occupée. Le citoyen , attaqué dans fon état, n'a donc befoin que de fa feule pofleflion ; paree qu'elle - même fait partje de 1'ordre public : & par-la même celui qui veut rroubler cette pofleflion , qui veut dégrader le citoyen de fon état, doit fe préfenter avec de telles preuves , qu'il ne foit pas poflible a la ; juftice de les rejetter. Car , s'il lui eft poflible de les rejetter fans violer les ordonnances, elle doit le faire, puifque fon principal devoir eft de vtiller a 1'ordre & a. Pintérêr public : & tout au contraire, le citoyen attaqué dans fon état,, n'a befoin que de fa feule pofleflion } elle fait pour lui Ie meilleur de tousf les titres; il n'a rien de plus a propofer, & c'eft enfuite a la fociété générale i prendre fa défenfe. Or , quelle eft ici Ia prétention de Claude , difoit M. Boudet , défenfeur des filles de Francais de Bourbonne ? II veut faire juger que fon oncle étoit  d'un condamné dmort par effigie. i z 9 privé-de tous les effets civils; qu'il avoit été retranché, qu'il avoit cefte d'être unembre de la fociété civile. Quelle eft i au contraire , la iiruadon des demoi; I felles de Bourbonne ? Elles font troublées :; dans un étar donr elles onr joui, fans ; i cöntradicrion , depuis le moment de : j leur naiffance ; on veut les dépouiller i: d'une place qu'elles ont fans ceffe rem; < plie dans leur familie Sc dans la fociéré : 1 publique ; on veut dégrader leur père ! t d'un état dont il a joui jufqu'au der- I i nier inftant de fa vie ; on veut, en un ; ;; mot, revenir contre la foi publique „ II conrre le rémoignage de toute la fd: j ciété, & faire juger qu'elle s'eft ttom1 pée , lorfquelle a confervé Francois ! dans fon fein , Sc qü'elle 1'a conftdéré , comme un de fes membres. | Pour opérer une rétraétarion fi géné1 rale, pour accufer d'erreur la fociété enI tière » pour changer 1'état d'un homme ;; décédé dans le fein de la fociété, avec ; quelles armes 1'accufatèur ne doit -il ' ; pas fe préfentera la juftice? H a a vainï cte les obftacles les plus infur-möntai bles. La raifon ne permet pas d'at»i taquer l'état d'un homme mort i parce»qu'il eft dans rimpoilibil-ité de-fe-de- - tendre. Dans toutes les natiöns j on s  15 o Etat des enfants , 1 refpecté les cendres des morts. Parmi, I les Grecs , après un an , & parmi les ; Romains après cinq ans, il n'étoit plus.; permis de doucer de l'état dans lequel un homme étoit décédé : deJlatu de-\ funclorumpofl quinquennium quarere non licet, nequeprivatim, ntquefifci nomine : I Leg. i , ff.Ine de flatu def. L'état des citoyens ne nous eft pas J moinsprécieux après leur mort, & nous j portons bien plus loin notre atrenrion. 1 Plus jaloux que les autres nations de la I tranquillité publique , paree que nousI en connoiflons mieux le prix ; ce n'eft qu'a regrer que nous voyons arraquer \ l'état dont jouit un homme vivant ; ; nous prenons fa défenk , paree qu'elle intéreffe 1'ordre public; & , s'il eft un . moyen de le conferver dans fa polfef- 1 lion , nous le faifilTons avec avidité ; paree que rien ne nous parokplus important , que de ne pas violer la foi publique. Le citoyen attaqué dans fon état, eft donc fous les aïles de la juftice ; c'eft a elle a le défendre, & c'eft de eet afyle facré que celui qui 1'attaque doit 1'arracher: mais avec quelles armes faut-il qu'il fe ptéfente pour forcer eet afyle ? Eft-ce avec des préfomptions, des vrai-  d'un condamné'dmprtpar effigie. 131 femblances, des apparences, qu'il dé; truira l'état de ce citoyen ? Ce ne fontla que desarmesimpuiflaHtes: la juftice I n'eft point forcée de s'y rendre ; elle rejette tous les foupcons, tous les doutes, toutes les apparences ; paree que tout cela ne forme point une réalité , dont il lui foit impoflible de douter. Elle ne connoit alors que les preuves les plus authentiques , que les feules preuves que la loi impofe la nécefliré d'admetI tre; &li elle peut rejetter toutes celles ! qui lui font préfentées, fans violer la : loi, elle le fait, paree qu'en cela même I elle fuit 1'efprit de la loi dont le prinI cipal objer eft le maintien de 1'harmoii nie de la fociété. Quelles font iciles preuves que Claude adminiftre ala juftice ? Elles fe fonr réduires, pendanr long rems, a une fimple note, qui n'eft ni datée , m fignée -y c'eft fur cette feule note qu'il a voulu dégrader Francois & fes enfants de l'état dont ils font en pofteffion dans la fociété depuis plus de cinquante ans. Voici ce que c'eft que cette note. Au bas de la minute de la fentence de condamnation , font écrits ces mots , de la inaira du greftier : prononcée & exécutée par effigie; fans aucune autre mention de F vj  t$ 2 ., Etat des-enfants r.exéamön. Or, eft-ce la une preuvea laquelle la juftice ne puifte refufer fan fuftrage ? Eft - elle forcée d'y donner fa confiance ? Voila le point décifif. .Car, fi elle peurs'y refufer,, elle doit lefaire. Or, n'eftdl pas évident que, loin d'êtEe forcée de s'y foumettre, la juftice peut, la rejetter avec mépris , puifqu'elle n'a en foi aucun ,des . caraófcères que la loi exige pour les preuves authentiques. On lui a donc objeóbé que la condamnation. a mort par contumace ne fuffifoir pas pour opérer la mort civilede celui contre qui cette condamnation a été pro- . noncéé ; ;qu'il fallóit encore qu'elle eüt été exécutée par effigie * Sc qu'il falloit rapporter la preuve de cette exécution. II a s pour établir la preuve.qu'on lui demandoit, produit la note que 1'on vient de eopiei, II a été forcé d'en reconnoïtre lui - même rinfaffifance 8c 1'inutilité; Sc, dans ledéfefpoir,.il n'a pas craint de révoquer en donte les principes les plus-certains , &dur la foi defquels]on vit dans le barreau depuis plus . de deux . cents ans» Le mépris .que le public a fait de fa note lui a fait imaginer de foutenir que la feule condamnation par contumace opéroit la' mortcivjie-j Iprfque le. condamné.ne s'étoit  £un condamné a mort par effigie. 13 3 point repréfenté dans les cinq années , acomprer du jour de la condamnation, foit que la fentence eüt- été exécutée , foitqu'elle ne 1'eütpasété. Ce fyftême, qui a révolté tous les jurifconfülres, eft diamétralement oppofé a la raifon , a la jurifprudence , au fentiment des-, auteurs, Sc aux difpolltions des Ordon« nances. Maïs il a cru pouvoir j étayer cette note fi méprifable par une autre picce , qui nel'eft pas moins. 11 s'eft-fait déli- : vrer un extrait du regiftre du chatelet, du premier avril 1678 , concu en ces termes % Le tableau de Francois de Bourbonne , apportê d la geole de céans, par ■ Antoine Huart, quejiionnaire, & écrouê par moi Jacques Cuvier, exempt de la ; compagnie de M. le privot de ITJle de France ,/uivant la fentence rendue le 16 mars dernier , par M. le prcvêt de Flfle , qui le condamné , d la requête de M. le. procureur du roi. Signé, Cuvier..Et a cóté, en marge du regiftre de la geole, eft écrit: Et d finftant ledit tableau a été mis ès mains de Vexécuteur, pour être attaché au bout du Fdnt-neuf. Cette feconde mention n'eft atteftée par aucune {ignature; 6c la fidélité de la totalité de  134 Etat des enfants 1'extrait eft certiiiée , le zo juin 1744» par le greffier aétuel de la geole. Ces deux fingulières pièces , loin de faire revenir Claude de fon erreur, n'ont fair que 1'y affermir davantage. Il acru qu'il ne lui reftoit plus qu'a répandre des doutes Sc des nuages fur les arrêts qu'on lui avoit oppofés. Avant de paffer aux autorités , il eft a propos d'expliquer ici les vérirables principes de la matière que Claude s'eft perpétuellement attaché a confondre , pour en faire les plus mauvaifes applications. Q UESTION. La condamnation d mo>t par contumace opère-t-elle la mort civile , lorfqu elle na point été exécutée par effigie , & que le contumax a été c-inq ans fans fe repréfenter ? Pour approfondir certe queftion , Sc la mettre dans tout fon jour, il faut Fexaminer relativement aux lumières de la raifon , aux ufages qui fe font perpétués jufques a nous, Sc aux décilions de la jurifprudence Sc des ordonnances du royaume. Pour fe convaincre que la mort civile  d'un condamné d mort par effigie. i j j n'eft point opérée par la feule condamnation , il ne faut que faire attention a la définition de la mort civile. Qu'eftce que la mort civile ? C'eft la profcription abfolue d'un citoyen ; c'eft le retranchemeut qu'on en fait de la fociété civile •, c'eft un membre qu'on lui arrache; c'eft un homme fur le front duquel on imprime une infamie publique; c'eft un ciroyen avec lequel on défend tourcommerce,tout engagement,toute alliance; c'eft un homme qu'on retranche du catalogue des vivans; c'eft enfin un homme que 1'on avertit la fociétc de ne point connokre pour rel, de le re^arder comme érant déja dans la claffe des morts, & qu'on réduit a. n'avoir ni parrie mi familie. Comment veut - on que la fociété fouftreun pareilrerranchement, qu'elle abhorre un de fes citoyens , qu'elle ie juge indignede toute participation aux eftets civils , fi elle n'en eft inftruite d'une manière aurhentique , fi la profcription ne lui a été notifiée , fi elle n'a été avertie de ne plus confidérer un tel, comme faifant partie d'elle- même ? Tandis qu'elle ne re^oit point cette notification ; elle continue a garder , dans fon fein , le citoyen con-  i$6 Etat des-enfants. damné; elle n'appercoit en lui aucune marqae d'ignominie & d'indignité; 5c elle lui fait part néceffairement de tous les droits attachés a la fociété civile. II ne peut donc y avoir, fuivant les lumières de Ia raifon , de mort civile, tandis que la fociété n'eft point inftruite de cette profcription. Le crime eft bien digne de I'infamie publique; mais ce n'eft pas 1'action feule qui imprime cette infamie; il faut que le crime foit avéré en juftice , 8c que cette infamie foit imprimée publiquement-fur le front du coupable. Cette publicité } .cette notification authentique, fi conforme aux lumières ■ du boji fens > a été exigée dans toutes les nations policées. A Athènes , cette^ mère.des loix , de la police, & du bon ordre } on avoit foin , quand on prononcoit une condamnation de mort contre un abfent , d'ériger, dans les places publiqnes , des colonnes fur lefquelles on infcrivoit la condamnation, afin que toute la république fut averrie de regarder le condamné comme rejetté 6c profcrit de la fociété. - Quoiqu'a Rome ©n ne condamnat jamais a mort les abfens, il étoit néanmoins permis de les condamner k dés  dun condamné a mort par effigie. i 37 peines. infamantes ; & ia forme qu'ils avoient , dit Ayranlt. dans fon inftruction judiciaire ^Lir. ^,, n°, 36, de notifier leurs fentences par contumace , étoit qu'on les affichoit par les carrefours , qu'on les publioit d fon de trompe, voce legis, d ce qu'elles vinjfent d la. connoiffance de tout le peuple.. Les Grecs & les Romains , de qui nous avons emprunté la plupart de nos loix , étoient perfuadés que la fociété : ne pouvoit perdre un de fes membres ■ que par une condamnation publique ■ authentique , & tellement notoire. ,, qu'il ne fut permis a perfonne. de 1'ignorer. Si 1'intérêt de la fociété exige cette notification publique , celai de 1'accufé: la rend encore plus nécelfaire. II étoit i défendu,parmi les Romains, de con, damner a mort lès abfents ; par cette , raifon fupérieure , que tous. les hom1 mes devant être préfumés innocens ,,il , étoit jufte de croire qae Pabfent, s'il étoit ouï, feroit en état de fe juftifier: hocjureutimur , dit la loi première , de requirendis reis , neque enim inauditd caufa quemquam damnari aquitatis ratio patitur.. Juris e/?,dit.la loi 5 ,Jf. de  i 3 8 Etat des enfants peenis , abfentem in er/minibus damnari, non debere. Nous avons fuivi long - tems , en France, cette maxime; ce n'eft que vers la fin du quatorzième iiècle que lescoiv damnations a mort, par contumace , fe font introduites. Le premier exemple ' eft la condamnation de Jean de Montfort, duc de Bretagne , dont le corps &C les biens furent confifqués , par contumace, en 13 79, par Charles V, féanten fon parlement. Elles font enfuite de-; venues fort communes; mais on a porté la plus grande artention a ce que 1'abfent fut inftruit de toute la procédure qu'on fai'bit contre lui. Les citations publiques ont été prefcrites s afin qu'il appnt, dans quelque lieu qu'il füt, 1'accufation intentce contre lui. Le rnoindre acFe de la procédure par contumace doit aeqüérir la plus grande publieke, fous peiue de nullité; afin que 1'abfent puiffeconnoitre tout ce qui fe fait contre lui. Cette publieke fera t-elle moins néceflaire pour la condamnation , que pour les fimples acFes de la procédure? Le bon fens fuffir pour fentir que c'eft principalemenr la condamnation qui doit être rendue publique.  d'un condamnéa mort par effigie. i3 9 En vain 1'abfent eft-il inftruit qu'on 'accufe & qu'on le pourfuit , eela ne .fuffit pas pour le conftituer en demeure de fe repréfenter; il peutencore fe ralfurer fur fon innocence; ilpeut fe flatter qu'on ceftera de le pourfuivre y ü peut efpérer qu'on ne trouvera pas des preuves fuffifantes, pour le condamner. Ke n'eft que la publicité de la condamnation qui le met dans la néceflité de ■ ferepréfenter, & de vemr propoler ia juftirication. Jufques - la, il demeure kranquille , il n'appercoit que les apparences d'une tempête. 11 entend , a la vérité , gronder le tonnerre fur fa tere, : mais ia foudre n'eft point partie pl n'en j a point été frappé 5 & , tandis qu'il j\efent pas le coup, il n'eft pas obhge d y cher:herdu remède. ; Ce n'eft donc véritablement qu'a la I publicité de la condamnation que 1'acI cufc eft obligé de donner toute fon at!. tention •, c'eft de ce feul moment qu'il j doit fa juftification. II n'eft donc pas I permis de la lui laiflèr ignorer; & c'eft il auflia 1'en inftruire que les ordonnances |i du royaume fe font principalement attachées. Après 1'année 1379» époque de I uI fa°e des condamnations a mort pat  T4.0 Etat des enfants contumace, on norifioit ces condamna- ■ tions dedifférenres manières. Dans une i province, c'éroir par effigie j dans une ,! autre , c 'étoit par un tableau appofé fur la maifon du condamné; dans d'autres enfin, c'étoit feulement par cri public j Sc en outre,. il étoit d'un ufage général dé donner cepie dé la 'fentence au dernier domicile du condamné. Pour faire ceder cette diverfité,& pour prefcrirel a néceflité de 1 'exéeution par effigie, dans les provinces oü elle n'avoir pas encore eu lieu , Francais premier rendit une ordonnance , au mois d'aoüt 15 36 ,oü, après avoir réglé la manière d'inftruire les contumaces , il s'explique ainfi, dans 1'article Xf : « St 35 la condamnation faire par contumace, » Sc le forban donné, 1'on fera attacher,. » aux portes Sc entrees des lieux , les » tableaux Sc cordeaux, au defir de la .« coutume; & 1'on féra bannir 1'effet » de la fenrence donnée; Sc que qui »prendra le malfaiteur , le rende a « juftice ». Kien de plus energique que ces termes, bannir 1'effet de la fentence, c'efr-a-dire, la publier , la rendre notoire , en inftruire toute la fociété: bannir eft un terme breton, .qui fignifie proclamer.  dun condamné a mort par effigie. 14:1 Francois II, dans fa déclaration de 1559 , n'a pas moins formellement prefcric la néceflité de la publicité de la condamnation. « Les noms des apj> peil és , dit 1'atticle 7 , Sc ad journés v a ban , Sc pourfuiv.is Sc condamnés » par conrumace, feront inferits en ra» bleaux qui feront affichés aux portes j» des villes Sc des fièges Sc auditoires *> des lieuxdont les décrèts feront éma» nés , a ce qu'aucun n'en prétende i» caufe d'ignotance ». Enfin, 1'ordonnance même de 15 66, s donr Claude veut abufer, ajoute encore s aux anciennes ordonnances , puifque , dans 1'article 2 5 , elle dit: « Sc le fem{'» blable ferafait pour les appelles Sc ad>» journés a ban par contumace ; les » noms defquels feront inferits en ta3> bleaux qui feront affichés aux portes » des villes & des fièges Sc auditoires ! j3 des lieux dont les décrèts font éma7 ! 3> nés, a ce que perfonne n'en prétende si caufe d'ignorance ». 11 eft donc bien certain que, foit que 1'on confulte les lumières de la raifon, foit qu'on exaraine les ufages des na1 tions , Sc en particulier ceux de la ! France, il a toujours fallu que la condamnation, pour avoir efFet,iïïr rendue  I4ï Etat des enfants publique \ paree que, d'un coté , ce n'eft que par cette publicité que la fo- I ciété civile eft inftruite de la profcription d'un citoyen ; & d'un autre que j ce n'eft que par cette publicité , que 1 1'accufé eft rendu véritablement contu- 1 max , & forcé, pour la confervation de j fon honneur&defa vie, de fejuftifier aux yeux de la juftice. Tels étoient les principes & les nfa-j ges, lorfqu'eft interventie 1'ordonnance j de 1566, qui les a fi formellement re-4 connus par 1'article 2 <. C'eft dans l'arr. j 28 qu'elle prononce la mort civile, faute de s'être repréfenté dans les cinqj années; en voici les termes : « en ajou}> tant & déclarant nos précédentes or- ; nances , voulons & ordonnons quel » les condamnés par défaut &c contu» mace , pour crimes emportant con» fifcation ou amende au lieu d'icelle , » outre la réparation civile , ayant été i » en contumace de foi repréfenrer a juf,j tice par le rems & efpace de cinq ans, j » a compter du jour de la condamnation i it contr'eux faire pour efteradróir, per- ;»> dront , rion-feulement les fruits de '; j) leurs héritages, fuivant nos ordon-;,1 nances , mais aufli la propriété dei tt leurs biens adjugés par juftice  d'un condamné d mort par effigie. 145 » nous réfervant néanmoins, felon les »» caufes, perfonnes, tems, & autres n confidérations , de les pouvoir rece» voir a efter a droit, Sc de fe purger » après ledit tems ; & leur remettre la. >» rigueur de cette notre ordonnance ». i L'interprétation littérale de cette ordonnance tendroir a faire croire que la imort civile eft acquife par 1'expiration des cinq années, a compter du jour de la feule condamnation, foit qu'il y air eu exécution , foit qu'il n'y en ait pas eu : mais il s'en faut bien que ce foit 11 le fens Sc 1'efprit de cetce ordonnance. iQuand elle a parlé de condamnation, elle a parlé de condamnation exécutée t notifiée & rendue publique; c'eft ce iqui eft évident , lotfqu'on voit que , dans un des arricles précédenrs , elle renouvelle les difpofitions des anciennes ordonnances concernant la néceflité de 1'attache des tableaux aux portes des fvilles & des fièges Sc auditoires. C'eft ce dont on ne peut douter , quand on fe rappelle que ce n'eft que par cette notification , que le public Sc ll'accufé font inftruits de Ia condamnaiition. En un mot, c'eft ce qui eft indulibitable, quand on obferve que, dans 1'ordre judiciaire, il n'eft point d'ade  144 Etat des enfants ni de jugement qui puifie avoir effet , avant qii'ü air éré fignilié a la partie intéreffée. Un arrêt même inferit fur les ' regiftres , dans la meilleure forme , ne produic des effets, qu'autant qu'il a été fignifié ; paree qu'il eft du droit naturel de ne pouvoit aequértr aucun droit contre une perfonne , fans qu'elle en ait connoiffan.ee. Ainfi 1'ordonnance de i $ 66, en-pa-riant de condamnations , a entendu néceffairement une véritable Sc rëelle condamnation , capable de produire des effets , 8c bien & dument notifiée a toutes les parties intéreffées. Donner une autre inrerprétation al'ordonnance, c'eut érëluifaire prononcer laplus cruelle injuftice \ puifque c'eut été lui faire dëcider que la mort civile pouvoit être acquife , 8c a 1'infcu de la fociété, & a 1'infc.u de 1'accufé. Mais on a été bien éloi toit pas recevable a le rechercker pour t ce crime; & c'eft ce qui fut jugé : 1'ar1 rêtifte rapporte le difpofitif de 1'arrèr, , & on y voit que la cour a déclaré & dè! clare la partle de Navarrot non-recevable \ ' en latourjuite du pan lelde dont eft queftion. 11 fut jugébién précifément qu'on ii n'ctoit pas recevable, après vingt ans, a imputer un crime; par la raifon quece long efpace de tems avoit mis 1'accufe dans 1'impoftibilité de pouvotr vérlfier fon alibi , & autres falts -juflificatlfs Je ' fon Innocente: c'eft le moyen dont fe fervoit le défenfeur de Paccufé. Le même I auteur rapporte trois autres arrêtsdes 5 mars & 4 décembre ifioi ,& 11 février 1604 , qui déclarèrent égalemeHC G v  154 Etat des enfants que 1'accufation n'etoit point recevable* après les vingt années du jour du crime commis, quoiqu'il y eüt des pourfuites & des procédures. Imbert , dans fa pratique , liv. j J chap. 10., aux. notesfur le nombre 8,, rapporte unarrêt du 16 janvier 1585 ,, qiu n'eft pas moins remarquable que les. précédents : eet arrêr déchargea An~ toine Rigaut d'une condamnation d'amende prononcée pour crime depuis ; .plus de vingt ans, paree qu'elie n'avoit. point ére lignifiée. II fut donc jugé que ; la feule fignification du jugemenr pouvoit mertre obftacle a la prefcription de vingt ans. r j L'arrêtdu iofévrier 1.607-, rapportépat Brode au fur M. Louet ,. lett. C fomm. 4.7 , nomb. 6, eft encore plus,. précis. II déchargea des perfonnes recherchées pour un crime par. elles commis ,.il y avoit plus de vingt ans : & ce: qully a de remarquable en l'arrêr,. die Bxodeau ,. ceft que la cour pafa par-\ deffus le fait, mis en avant par. la veuve que des Pan 15 8 6, lly avoit eu fentence de:mort rendue contre les appellants par défaut & contumace , exécutée pat* effigie $ laquelle fentence elle offroit de rapporter dunsijxjjcmaines j. &, d faute de ce ^fe  dun condamné a mort par effigie. I 5 5 foiimetvoh d telle amtnit quil plairo\t d ia cour darbitrer. Ü eft vrai qu'il y avoit,, fuivanr Brodtau, de grandes préfomptions qu'il n'y avoit point eu de jentence exécutée par effigie; mais on lent bien que ce n'eft pas par ces prefomptions que la cour fe détermina, puifqu'elles devoient néceftairement céder au fait articulé par la veuve, & auxotfres qu'elle faifoit de rapporter la fentence exécutée, dans le déiai qui lui feroit donné fous peine d'amende. Quelle eft donc la raifon qui déteimina les> fuffrsges de la cour ? C'eft qu'en cette; matière, celui qui veut enlever 1'état; d'une perfonne , doit fe préfenter arme de routes fes preuves; & qu'il ne dorc Iaifler a la juftice aucun moyen de fau~ ■ver le citoyen troublé dans fon étac. La réflexion de Brodtau fur eet arrêir mérite encore d'êtte rapportée: « fi 01* » eüt fait, dit-il, apparoir fur le champ= >, de la fentence de mort ,.. ü femble-'„ que cela eüt empêché la prefcriptiorx ». de vingr ans ; la loi querela ne par»danrque d'une fimple plainteSs acciv» fation, & non pas quand il y a fen» tence , foit contradictoire , foit pa&' »- contumace, exécutée par effigie ,ow »-autrement , par le naoyen de laquelle-' Gvj,-  l%6 Etat des enfants » la prefcription eft interrompue. Si la » fentence de condamnation de more ,. » ajoute-t-il plus bas ,, donnée par déw faut & contumace , n'eft point pro^ *♦ noncée Sa exécutée par effigie,. ni en » vertu d'kelle les biens de i'accufé Sc m condamné , faifis & annotés ; elle » n'empêche point le corus de la pref» cription de vingrans :car il en va des S3 fentences de condamnation de more, « comme du foudre qui ne frappe ja» maisencachette, mais avec des éclairs p Sc un grand bruk». Brodeau rapporte un arrêt qui a été encoreplus loin que le précédent; voici les termes : « La cour a encore pafte W plus outre , &jugé( par arrêt du 20 3» décembre 161 j ) qu'un meurtre de« meurokpreferk par zo ans, nonobf- :» rant qu'il y eüt fentence, par laquelle ." I'accufé avoit été condamné a la quefw tion. Cette fentence n'ayant point été 33 exécutée, d'autant que I'accufé avoit,. .33 au même tems , brifé les prifons; la queftion n'al-Iant qu'a l'inftrucrian Sc préparation , nonobftant que 1'on re- '» monrrat que , dans vingt ans , le fils «de 1'homicidé, mineur , avoit fait .33 diverfes pourfuites contre le grefrier., » pour apporter les cnarges oc mforma-j  tfun condamné a mort par effigie. i j 7 » tions, la fentence de queftion & au« tres procédures : ce qui interromj oic » la prefcription ». Peut-on, après de pareilles décifions , «louter quel'exécution publique, la uotïficatiert i la fociété Sc a I'accufé, ne : foient abfolument néceftaires ponropërer la mort civile ? L'arrêt du 4 mars 162 3 , rapporte ; par Brodeau , mérite encore plus d'artention. Un particulier commet un meurtre en 1594 ; il y eut dès-lors informarion , décret en 1601 , non-exêcuté, fentence de condamnation de : mort par contumace en 1604, non-pro' noncée ni exécutée. 11 eft arrêré vingthuir ansaprès;iIexcipedelafindenon| recevoir tirée de Ia prefcription de 20 I ans; 011 lui oppofe le décrèt Sc la fetil tence de contumace r il remarque que la fentence n'a été ni prononcée ni exécutée 5 il foutient que, par-la même s I elle n'a pu interrompre la preferiptioij ; de 20 ans. Arrêr qui, en eonféquece , • déclare le crime éteint Sc prefcrit; arrêt ! yifiblementfondé fur cette raifon fupcj : rieure, que tout Jugementne peut avoir : d'eflèt, lorfqu'il n'a point été riorifié :iaux parties intéreflees. Deux arrêts3 rapportés par Au^anet,  1Etat des enfants en fes atrêts, liv. r , chap. 71 , Sclif, x , chap. 3 1, confirment cette maxime di'une manière encore plus éclatante.- I Dans 1'efpèce du premier,.qui eft du 4 juin 16 j 3 , les moyens de ceux qui défendoienra la prefcription de lo ans, | font rédigés en ces termes : << Les inti- \ » més foutenoient 1'appellante non ré- I » cevable , d'autant qu'elle ne venoic , » dans les cinq ans donnés parl'ordon- , 3» nance de Moulins, article 28 , pour I » fe purger du défaut 8c contumace „ | » après lefquels on n'eft recevable , pat I » la même ordonnance , a fe pourvoir „ contre les- fentencesainfi rendues par » contumace , ni a répéter les répara» tions adjugées aux parties civiles |J » que, de fignification de telle feuten- : »-ce , on n'en pouvoit defirer ;.attendu „ qu'il ne comparoit perfonne , auquel „ on puifle faire telle fignification , vu « que,fi I'accufé comparoilïbit, on exé-j „ cuteroit la fentence contre fa propre •, „ perfonne. C'eft pourquoi 1'ordon» nance de Moulins dit expreftement. » que lefdirs cinq ans fe comptent dm w jour de la condamnation, 8c ne par,3 tenr, en aucune facon, de Ia figni» ficarion. Au furplus , quand même 33. une fignification feroit néceftaire 1  'dun condamné d mort par effigie. i 5-9, » que 1'exécution & cri public équipol» loient a une fignification, qu'il n'étoit j» a propos de révoquer en doute que »» la fentence de 1'an 1605 ( elle con»« damnoit a mort) n'eüt été exécutée » vu que cela étoit notoire au pays , &£ » offroit de rapporter le procés-verbal » de 1'exécution, lequel il em failli de is n'avoir en main , s'il eür penfé qu'on » eüt voulu douter contre la fentence s» de 160$ »». Voila encore une efpèce oü il y a fentence de condamnation a mort; elle étoir de 1603 ; le condamné étoit mort en 1610 , fans s'être repréfenté. Cette fentence aura-t-elle quelqu'effet ? La veuve & les enfants du condamné prétendent qu'elle ne doit en produire aucun , paree qu'elle n'a point recu d'exécuti9n publique ;. leur adverfaire foutient qu'elle a paffe en force de chofe jugée , que la conrumace ne peut plus êtrepurgée, que les cinq ans de 1'ordonnance de Moulins doivent fe compter du jour de la condamnation ; que 1'exécution n'eft point néceffaire pour faire courir ce déiai de cinq années. Voila précifémenrlefyftêmede C/audeivoyons Ie fuccès qu'il eut en 161 j> « M- Servinremontra,.» c'eft toujours 'Au^anet qui parle « que la fignification  16@ Etat des enfants » étoit néceflaire pour alléguer la prei« cription des cinq ans , lefquels ne » pouvoient courir , que la fentence » n'eüt été duement fignifiée; finon.a » domicüe , du moins par cri public ; » & qu'autrement il fe commettroit « plufieurs abns & furprifes en telles » fentences; que cela avoit été déja. jugé » fur fes conclufions pour de la Joujfle» liniere ; & a. caufe de ce , adhéra a » 1'appellante ». Arrêt conforme , qui jugea que les cinq ans de Pordonnance n'avoient point couru , la fentence n'ayanr point recu de notification. On n'écouta pas même les ofrres que faifoit 1'intimé, de rapporter le procés-verbal de 1'exécution. II n'eft pas poflible de trouver une décifion plus formelle fur la queftion qui divife les parties. Le fecond arrêt, rapporré par Au\anet , n'eft pas moins frappant que le précédent; en voici 1'efpèce: Unnotaire eft condamné, en 15 &i, aux galères perpétuelles. 11 appelle de cette fentence , fans reiever fon appel. Les pourfuires furent difcontinuées jufques en 1609, qu'il tranfigea fur 1'accufarion & fur 1'intcrêt civil; il n'avoit pas ceflé d'exercer fa charge. En 16 £4 > trente-  d'un condamné d mort par effigie. 161 un ans après la condamnation , le procureur fifcal requierr , qu'attendu Ia condamnation de 1582. , emportant morr civile , detenles lui tuüent taites d'exercer fa charge de notaire.Sentence quiprononce ces défenfes; il enappelle au parlement de Paris; Sc, pour conferver fon état, il fe fonde fur ce que fon appel avoit fufpendu 1'etTer de la condamnarion, &c que 1'infamie ne pouvoit être acquife que par la confirmarion de la fentence. Sur' ce , arrêt le 5 mai 1616 , « par lequel 1'appellation Sc » ce au néant, le principal évoqué , Sc » y faifant droit, le crime déclaré éteint » Sc aboli, lilence impofé au procureur » fifcal, Sc permis a 1'appellanr d'exer» eer fa charge de notaire, comme au» paravant ». Si la fentence de condamnation avoit été exécutée } le notaire eüt été dans] les liens de la mort civile ; n'y ayant point eu d'exécution , il fut jugé y non-feulement exempt du fupplice , mais même innocent, Sc capable des fonctions publiques les plus délicates Sc les plus intéreffantes; paree que la prefcription de vingt ans efface toute ignominie , Sc innocente pleinement. On trouve, dans le joumal des au-  161 Etat des enfants diences, tome 2 ,- livre 2, chapitre 3 8, Un arrêt du 1 2 aout 1659 , qui a jugé cgalement que la fentence de condamnarion a mort par contumace , nonexécutée, n'interrompoit pointla prefcription de vingt ans j Sc 1'arrêtifte a grand foin de remarquerqu'il n'y aque 1'exécution qui puiffe lui faire obftacle. Mais jamais la néceffité de 1'exécution pour opérer la mort civile, ne s'eft manifeftée avec tant de force 8c de publicité, que dans les affaires jugées par les arrêts de ic66,8c de 1615. Dans 1'efpèce de ce dernier , rapporté par Brode au , loco citato , un homme eft condamné a mort par fentence contradictoire confirmée par femblable arrêt du 11 avril 1570: renvoyé au lieu de fon fupplice, il corrompr le meffager Sc les fergents., Sc fe retire a Saint-Malo, ou il change de nom , fe marie , Sc a nombre d'enfants \ on négligé de lui faire fon procés pour fon évafion. Enfin, quarante ans après I'arrêt, il interjette appel de la faifie de fes biens, & de 1'emprifonnement de fa perfonne , & foutient que le crime Sc I'arrêt font également prefcrits. Grande queftion de fca? voir fi la condamnation contradictoire n'a point interrompu la prefcription -f  'dun condamné d mort par effigie. 165 Ie crime étoit conftaté, la condamnation étoit prononcée par un arrêt contradictoire ; Ie coupable avoit été livré au fupplice; que falloit- il de plus pour 1'avoir couvert d'infamie, Sc pour lui iavoir fait encourir lamort civile? Néan;moins toutes ces confidérations furent limpunTantes, & le crime fut jugé éreint par cette raifon décifive', qu'il n'y avoit eu ni exécution réelle, ni exécution par effigie; que la condamnation n'avoit pas été rendue publique , Sc par confé, quent que le condamné n'avoit point I été retranché de la fociéré civile. L'arrêt de 15 66 eft rapporte fort au i long par M. Maynard, livre 4', chapi] tre 52, & il mérire la plus grande ati tention. Jean Pomle-z eft condamné a mort , avec confifcarion de tous fes I biens, pour avoir tué fa femme, par fentence contradictoire du 16 mai : 1566; cette fentence eft confirmée, peu ,de jours après par arrêt du parlement ) de Toulouie. On furfeoit a 1'exécution du coupable, par des confidérations particulières. Pendant cette furféance , , Jean Pomle\ déccde dans les prifons \ '. Ie feigneur demande la confifcation prononcée par la fentence & par I'arrêt. « Les enfants de Jean Pomie^ font re-  16'4 Etat des enfants »montrer,au contraire, que I'arrêt de » condamnation n'a point été exécuté j » ains, par aurre arrêt, 1'exécution fuf» pendue jufques a ce que la cour eüt » été plus amplement advertie que ledit I » Pomiei feroit revenu a fon bon 8c I » plus parfait fens ; & cependant, lui I j) étant décédé, ledit arrêt premier fe» roit & auroit demeuré comme pour » non-advenu , &c n'ayant été exécuté » au principal, ne pouvoit être exécuté » aux accefloires, même des confifca» tions qui ne pouvoient avoir lieu , y* que le corps ne füt confifqué par réelle » exécution de la condamnation fur ce .» enfuivie. Sur quai ladite cour, enla>3 dite chambre de la rournelle, entrée >j en délibération , les lieurs opinants »> s'y feroienttrouvés partis; & après, » a la graud'chambre, le parrage jugé , « par lequel les enfants dudit décédé » obtindrent, & furenr leurs tuteurs » abfous des fins & conclufions dudit » fieur de Gavaret >■>. Le coupable étoit, non - feulement condamné , mais il étoit même décédé dans les fers ; le fupplice étoit tout I preparé; il ne pouvoit s'y fouftraire; la ; morr naturelle 1'en dciivre : par la la condamnation ne devientpointnotoirej  d'un condamnéd mort par effigie. 16 e elle n'eft point annoncée au public , elle ne recoit aucune exécution authentique; Sc cela fuffit au parlement de Touloufe, fi célèbre par fa févérité, pour juger que Pemie\ eft décédé dans '1'intégrité de fon état, Sc qu'il a eu la capacité de tranfmettre fes biens a fes enfants: Sc dans quel tems encore le parlement de Touloufe rend t il cette décifion ? C'eft cinq ou fix mois après avoir enregiftré 1'ordonnance de Moulins, dont 1'artiele 28 fait tout le préItexte du fyftême de Claude ; cette ordonnance eft du mois de février 15 66 y lelie fut enregiftrée le 28 mars fuivant lau parlement de Touloufe; & c'eft après ■eet enregiftrement , que ce parlement idécide que la condamnation , même contradictoire Sc en dernier reftbrt, n'opère de mort civile qu'autant qu'ella la recu,une exécution publique. Sera-rdl encore poflible dedouterde Tinrerprétationqu'on atoujours donnée fi rarttcie 28 de 1'ordonnance de Moulins ? Et n'eft - il pas évident que les I cours ayant pénétré fon efprit, ont perji pétuellement été convaincues que la Ji feule exécution publique pouvoit don:tner quelqu'eftet a la condamnation, I ioit contradictoire, foit par contumace }  té6 Etat des enfants C'eft a la fuite & au milieu, pour ainfi dire, de cette jurifprudence univerfelle, qu'a été fake 1'ordonnance de 1670; Sc tous fesarricles portent 1'empreintede la vérité que 1'on vient d'établir; ils parient tous du jour de 1'exécution publique de la fentence de condamnation : tit. 17 , arr. 16. Si le condamné fe repréfente , eu èfl mis prifbnnier dans 1'année de 1'exécution da jugc-' ment de contumace, &c. Artisle 28 : fi les condamnés ne fe repréfentent, ou ne font conflitués prifonniers dans les cinq années de 1'exécution de la fentence de contumace , les condamnations pecuniaires, amendes & conffcations front répu* tées contradiüoires, &c, Article 29 : le condamné qui décédera après les cinq années. . .fera rêputémort civilement du jour de 1'exécution de la fentence de contumace. L'article 16 prefcrit Texécution publique pour toutes les condamnations infamantes , Sc la fignification au domicile ou a. Pauditoire pour les plusfimplescondamnationspécuniaires. Enfin l'article 17 règle la preuve de l'execution. L'efprir général de cette ordonnance eft donc vifiblement de ne donner quel^u'eftet aux jugements de contumace ^  II d'un condamné'd mort par effigie. 167 que du jour de leur exécution; c'eft-la le terme qu'elle fixe a leur force & a leurs effets.Elle ne parlequedes fentences exécutées,elle n'en connoït pointjd'autres} & en effer, la feule raifon convainc qu'un jugement inconnu, ignoré, tenu dans le feeree, n'acquiert d'autoritéque par fa notification & fa publicité. La i raifon naturelle , Péquité , le bon fens, i onr inrroduit ce principe dans les ma• tières mêmes les plus légères ; feroit-il , poffible de le méprifer dans les matières . ou il s'agit des biens, de 1'honneur ; & de la vie des citoyens ? Cette maxime, conftamment main-! tenue depuis 1'ordonnance de 1566, jufques a celle de 1670 , fi clairement , adoptée par cette dernière ordonnance, ■ n'a, depuis, trouvé aucun contradicteur; & on défie hardiment Claude de citer un praticien ou jurifconfulte qui \: ait feulement paru en dourer. On ne trouvemème qu'unfimpleexemple dans les livres, ou il ait été néceffaire de la rappeller. C'eft dans 1'efpèce de I'arrêt du 6 juillet 1705 , qui fe trouve au .journal des audiences , rendu fur les II conclufions de M. 1'avocat-géncral JoI ftph-Omer Joly de Fleury. II pafta pour , conftant, lors de I'arrêt, que laprefcripr,  \ 6% Etat des enfants tion de vingt ans fe comptoit a die perpetrari criminis, nonobflant les informations , décrèts , même une fentence par contumace , pourvu qu'elle ne foit exécutée: Sc I'arrêt confirma ces maximes. Enfin les annotateuts de Dupleflis (i) , en commentant 1'ordonnance de 1670, rapportent Pinterprétation commune qu'on lui donne : «« c'eft du jour de 1» 1'exécution de la fentence, difent-ils, >» que les cinq ans de la fentence de » contumace commencenta courir. Ain» fi j fi une fentence par conrumace » n'étoitpoint exécutée, le condamné, » en quelque tems qu'il vint a décéder » depuis la condamnation , mourroit w integri ftatüs : au lieu que , s'il rneurc » fans s'être repréfenté dans les cinq s> ans après 1'exécution de la fentence » de contumace , il fera répuré mort j> civilement du iour de 1'exécution de >3 la fentence , fi la peine prononcée y> eft telle, qu'elle empotte mort civile. » ou naturelle. L'exécution de la fen» tence par contumace produit encore 33 un autre effet; c'eft que , depuis ce » tems, le crime ne fe peur eftacer par (1) Traité des matiêres crirninelles , aux rietes (ar te dernier mot du chap. 2. 3> une  dun condamné d mort par effigie. 169 »-une prefcription moindre de rrente » ans j au lieu que , li la fentence n'étoit »point exécutée , quoiqu'il y eüt eu m décret décerné , & toutes les autres j» pourfuites fakes jufqu'a la fentence ; » définidve inclufivement, le crime fe » purgerok par la prefcription de vingc w ans (1) ». Qu'oppofe Claude a des raifons fi puiffantes, a des principes fi lumineux, a des décifions fi multipliées & fi expreffes ? Rien que des abfurdités. II I prétend d'abord que , fuivant 1'ordon■ nance de Moulins , la mort civile eft I acquife par 1'expiration des cinq années, quand mêmeil n'y a point eu d'exécuItion ; & 1'on vient de voir que cette ort donnance, en parlant de condamnation, ||n'a patléque de condamnation véritablesment exécutée; & que telle eft 1'interprsbtation qui lui a étéperpétueilement donnée dans toute 1'étendue du royaume. II excipe de 1'ordonnance de 1639 > j|qui pro nance la privation des effets civils, contre les enfants procréés par ceux I (1) Bafnage, fur l'article 143 de Norman■:;die; Boucheuil, fur l'article aoodePoitou, !fètabriffent -que la confifeation n'eft acquife ,|que par condamnation exécutée ; & qu'après .vingt ans fans exécutioB, elle eft prelcrite. Tomé XV ^ H  170 Etat des enfants quife marient apres avoir été condamn's d mort , même par des femences de nos jug:es , rendues par défaut ,fi avant leur décès , ils riont été remis au premier état, fuivantles voies prefcrites par nosordonhances. Mais il eft évident que 1'ordonnance He parle que de ceux qui, au jour de leur'décès , éroient fous le joug de la mort civile. Ainfi il en faut toujours revenir a fgavoir fi la fentence, nonexécurée , emporte mort civile. II prétend encore que ce n'eft que pour donner un effet réuroacrif a la mort civile , que 1'ordonnance de 1670 s'eft fervie de ces rermes , du jour de Cexécution de la fentence. Mais , en cela , il fournit des armes contte lui-même j car 1'ordonnance donnant , après les cinq ans , un effet rérroactif ï la mort civile , le lui a néceftairement donné du jour qu'elle a commencé : & par conféquent il eft évident que , fiuvant-' 1'ordonnance même , la mort civile ne commence que du joar de 1'exécurion de la condamnation. Enfin , ii fe fonde iur quatre arrets rapporrés par Louet &t Brodeau , lerrre C, fortune 25 ; mais 5 de ces quarre arrêrs ,il y en a trois abfolumentétrangers a la queftion dont il s'agit. Celui du 11  'étan condamné a mort par effigie. 171 décembre i<5"o8 eft dans cette efpèce : un homme eft condamné a mort par fentence de 1606, exécutée par effigie; en 1608, le frère du condamné décède; un de fes créanciers fait faifir quelques ■.deniers de cette fucceffion , comme létant échus a fon débiteur , paree qu'il étoit encore dans les cinq ans pourpurr >ger la contumace. Les frères du confcdamné foutiennenr qu'il étoit mort civilement dès 1606; I'arrêt ordonne que, dans un mois , le condamné fe repréfentera , & que cependant les deniers •feront délivrés au faifjflant, en baiilant par lui bonne & fufhfante caution. II eft évident que eet arrêt n'a aueun trait 1,4 la queftion acruelle. Celui du 13 juillet 1616 a jugé feuiement qu'un condamné par contumace, & qui, enfuite, avoit été condamné a ;mort par arrêt, & exécuté, n'avoit pu recueillir une fucceffion échue dans le tems intermédiaire. Cetarrêt eft encore étranger au poinr dont il s'agit. L'arrêt du 30 janvier 1(330 a jugé qu'un condamné a. mort par fentence contradictoire , confirmée par arrêt & exécutée , n'avoit pas été capable de recueillir *me fucceffion échue pendant 1'appel, 'Tout ce qui réfulte de cet arrêt, eft Hij  ,3 7-2. Etat des enfants ,que ia mort .civile, opérée par 1'exécution réelie, fe réfère au jour de lacon- j .damnation contradictoire. L'arrêt du .17 juin 15955 C s'autorifer même de 1'ufage pour fe faire maintenir dans fon état, s'd a été reconnu paria familie, & qu'il air acquis I une poffeflion publique de fon état. ) Mais, au contraire, pour le dcplacer , i pour le dégrader , on ne pourroit pas Jle fervir, contre lui, d'un extrait baptiftaire informe , qui le donneroir a une aurre familie; paree qu'alors, fa poffef1 fion d'état ne peut être détruite que par un titre légal, & tel qu'il ne puiffe fonf:, frir aucune efpèce de difficulté. 11 doit en être de même dans cette efpèce. Les filles de Francois pourroient s'autorifer d'un ufage abufif, pour fe conferver l'état dont elles jouiftent ; mais, pour les priver de eet état, ce n'eft pas d'un ufage abufif que 1'on peut s'autorifer; cenepeut être que de titres i parfaits & véritablement authentiques. La vérité de cette diftinction eft tel-  184 Etat des enfams lement claire , qu'il'eft plus aifé'de la fentir que de 1'exprimer. Oii n'eft pas mieux fondé a faire craiudre-a la cour les fuites & les conféquences de fon arrêt, en ceci, comme en tout le refte. Claude ne lui préfenre que des illuftons. En effet, quel trouble peut porrer dans les families , un arrêt qui ne fera que maintenir toutes les parties dans l'état dont elles ont toujours joui? Ce n'eft pas comme s'ils'agifioit ici de donner un état nouveau aux nlles de Francois : 1'exemple pourroit être dangereux. fvfois il s'agit, au contraire , de leur lailfer celui qu'elles ont, de les laiftèr cohéririères avec Claude , comme elles 1'ont déjaété deux fois -; de laifler, en un mot , fubfifter les liens que les parties ont toujours refpectés. II y a plus, c'eft que I'arrêt nepeut jamais avoir aucune fuire funeftea la tranquillité publique. En effer, tous les enfants ^des condamnés par fenrences, au pied defquelles eft une fimplemention , font néceflairement dans une de ces deux lituations; ou ils font, par eux-mêmes , par leur père, en bonne pofleflion de l'état civil; ou - bien ils font en poflef--  d'un condamné d mort par effigie. i$ $ don de 1 etat de la mort civile ; ou ils font en pofleflion des effets civils; ou bien ils ont vécu dans l'exclufion de , ces mèmes effets civils. A Pégard de ceux qui fónr en bonne i poffeflion des effets civils, & par eux., & par leur père, il eft fenfible qu'ilimporte a la tranquillité publique qu'ils i foient maintenus dans leur pofleflion ,. : puifqu'autrement, ce feroit porter le trouble dans une infinité de families , . deslionorer une partie des citoyens,& renverfer mille engagements contraótés fur la foi publique. A 1'égard de ceux qui ont vécu dans la privaaon des effets civils , leur poffeflion fera toujours , contr'eux , un titre qu'ils ne.pourront détruire que par les preuves les plus viótorieufes. Ce fera a; eux a prouver leur droit Sc leur capa; cité; Sc ce fera alors qu'il fera permis d'exciper, contr'eux,de 1'ufage, quoiqu'abulif; paree qu'il ne s'agira alors que de les faire refter dans l'état dont ils ont joui. Une dernière réflexion eft que ce.fei roit un arrêt contt aire aux filles de Fr anti cois, qui pourroit avoir des fuires bien funeftes. 11 peut, en effet, fe trouver un grand nombre de families dans lefquelr  ï8 État des enfants les il y air eu des coupables condamnés de k manicre dont Pa été francois, 8c dont les enfants foient reconniis dans ces families , & en pofleflion de toute la capacité civile. On ne manqueroic pas de fe fervir de I'arrêt , pour les troublerdans leur étar 5 &: dès-la, quel renve femenr n'y auroit-il pas a craindre dans une infinitéde families ? ^ II eft donc bien vifible qu'un arrêt défavorable aux filles de Francois, biefferoit toutes les régies, & feroit capablë de porter le trouble dans la fociété; au lieu qu'une décifïoh en leur faveur confirmera les véritables maximes , les vengera des atteintes qu'on a voulu leur donner, inrerdira mille recherches indécentes, &ferviraa mainrenir tous les citoyens dans l'état dans lequel ils font les uns aPégard des autres ; harmonie qui doit être toujours leprincipal objet de la juftice. C'eft ainfi que M. Boudet établit les fnoyens qui formoient k défenfe des filles de Francois de Bourbonne. II avoit, pour antagonifte , M. de Laverdy, qui founnt que , quand la condamnation capitale de leur père n'auroit point été fexécutée par effigie, la condamnation leule , 8c le laps de cinquante - deux  tPun condamné a mort par effigie. 18 7 ans éccmlés , depuis, fans s'être repréfenté, fuffiroient, pour que la mort civile fut acquife contre le coupable. Dela, la première queftion de fcavoir fi ; c'eft la condamnation qui opère la mort civile , ou fi c'eft 1'exécution de la fentence de condamnation atteftée par un procés - verbal régulier de la part du grcflier. . C'eft dégrader, difoit-il, 1'autorité de la juftice; c'eft violer le rexte formel , de routes les ordonnances ; c'eft allee j; contre le fenrimenrdes aureurs les plus : accrédités , & contre la jurifprudence ji la plus conftante , que de prétendre le I conrraire. Ce feroit faire dépendre le ; Merum imperium, ce droir de glaive que 1. le fouverain a remis a la juftice pour Ia punition des coupables, la profcriptioil ■ & la mort civile du criminel qui, par la - fuite, échappe au fupplice réel, de la néghgence ou d autres moursqui pourroient faire agir un greffier. Celui-ci , en laiffant imparfait le procés - verbal d'exécution , accorderoit des lettres de grace a ceux que la juftice a condamnés. Mais , en même - tems qu'on agite 1 cette queftion, dont on fent toute 1'importance , on rapporte plus de preuves i que 1 ordonnance n en exige ae 1 exe-  r88 Etat des enfants eution par effigie de la condamnatio» de Claudej Sc ces preuves font toutes rirées des minutesquirepofenr dans les greffes. Elles font telles que 1'ordon*nance les prefcrit, & elles font en plus grand nombre que celles qu'èlle exige. En effet, premièrement, fur la minute de la fentence de la condamnation amort, du z6 mars 1678, qui exiftë dans le greffe, lieu facré & impénétrable , le greffier a écrit de fa main, prononcée & exécutée par effigie. II cit vrai que certë nore n'eft point fignée dü greffier; mais une pareille omiftion-, qui échappe au milieu de la multitude des actes du greffe, peut-elle porter atteintea la foi de lamention? Combien de minures du chatelet, de toutes les juftices du royaume , & de la cour même , font-elles dans ce cas ? M. Marié, qui étoit greffier de la prévóté de 1'Ifle de France 01 1678 qui a écrit la minute de la fentence qui eft fignée de tous le# juges-, & qui-a mis , au pied de la fentence, de fa main, prononcée & exécutée par effigie , eft mort dès 1695. Deux de fes fils lui ont 'fuccédé dans fa réputatión de probité Sc dans fa charge , Sc il y en avoit im qui la reta-pHffc.it erfcére, lör's du procés dont il s'agit ici.  d'un condamnéd mort par effigie. 189 ;Secondement, le fupplice , dans les condamnarions par contumace, s'exéjeutant figurativement , paree que la juftice n'a pas le coupable entre fes mains, yoici une nouvelle preuve auCbentique de la vérité atteftée par le :greffier , que la fentence a été réellement prononcée & exécutée par effigie. En effet, pour ces fortes d'exécutions, on fait un tableau qui repréfente la perfonne & fon fupplice , on écroue le portrait au lieu de la perfonne , & le iportrait eft enfuite remis a 1'exécuteur, ipour Ie conduire au lieu du fupplice , avec le même appareil & la même efcorte que le coupable , s'il étoit préfent; le tout eft conftaté fur Je regiftre de la geole pour la décharge du greffier. On : a copié eer extrair plus haur. Voila. donc le tableau du condamné : fugitif qui a été éctoué , au lieu de fa I perfonne ; & ce tableau a été remis a : 1'exécuteur ., par le geolier , comme il i auroit remis le coupable même, pourle i. conduire au lieu du fupplice, Sc pour ; 1'exécuter. Qu'a-t-il donc pu arriver , dans le :;rrajfst du grand chatelet au bout dii ilPont-neuf, qui ait pu empêcher qué I fbrce ne foit demeurée a juftice , & que  'ï^o Etat des enfants le jugement n'aic exécuté ? Eft-ce uue rébellion qui aaroit traverfé cette exécution ? Elle feroit conftatée par un procés-verbal. Ceux qui en auroient été les auteurs auroient été pourfuivis ; Sc on en trouveróit des veftiges. Eft-ce Fau-. torité fouveraine qui a été interpofée ? Elleneparlepas en faveur de ceux qui fe condamnent eux-mêmes par leurfuite; &, lorfque le roi accorde une commu■tarion de peine , il eft de principe que la peine fubfticuée repréfente celle dont elle tient lieu; qu'elle opère les mêmes -efters, & par conféquent la mort civile, Troifièmement enfin , la fentence de condamnation de mort a tellement eu fön effet, que, dès 1'année 1679 , c'eftadire, un an après la condamnation , il paroit que, dans une inftance de faifie réelle pendanteen la cour des aydes, dans laquelle le condamné étoit partie avec fes frères Sc fceurs , il n'a plus procédé comme auparavant , mais qu'il a . éré créé un curateur d fes biens confifi ^«e'j,.quia repris, a fa place , Sc avec lequel toute la pourfuite a été faite. Ainfi Francois n'a donc plus paru , en fon nom , dans les rribunaux i depuis fa condamnation ; par la raifon qu'il avoit encouru la mort civile 3 Sc qu'aiml  'ePtin condamné'a mart par effigie. 19* il ne pouvoit plus efter en jugement. La confifcation a eu lieu fur fes biens, puifqu'ii eft prouvé qu'il a été créé un curateuc a fes biens contifqués. ï C'eft dans ces circonftances, que les enfanrs nés d'un mariage qu'il a conijtract-é dans un tems oü, s'il n'avoit pas rjéchappé a la juftice, par fa fuite, il n'auroit pas été en vie , fe font préfentés , ipour recueillir une fucceffion confidéirable. On leur a oppofé la condamnation capitale prononcée contre leur père, |qui a opéré contre lui la mort civile. ns ont pretenau , premieremenc, que la condamnation n'emporte la more civile, que dans le cas ou le jugement de condamnation a été fuivide 1'exécu- ction par effigie. 1 Secondement , que le jugement de conaamnation dont u s agit n elf point Öprouvé par un procés.-vei bal , tel que 1'ordonnance de 1670 le preient , cc que la juftice ne peut point recevoir d'autre preuve de 1'exécution de ce ju-* gemeut, que ce procés-verbal. Troifièmement enfin , ils ont prétendu que leur père & eux om une pof- .feliiou detat dans la familie , qui na permet plus de les miconnoitre au jour-s  i'5)i Utat des enfants d'hui, 8c de leur contefter les effets civils. 11 faut examiuer chacun de ces ■moyens. De tout tems les condamnations aux peines capitales ont opéréla mort civile de ceux contre qui elles ont été prononcées ; 8c, par une fuite & par une conféquence de ce principe , les enfanrs nés d'une perfonne déchue des droits de cité , 8c d'un mariage contracré depuis la condamnation , n'ont pu parriciper aux effets civils. « Un tronc mort (-difenr les auteurs ) » ne pouvant pas w produire des branches vives ». 'La déclaration du 26 novembre 1639 , cette loi fi fage & li digne de la majefté du fouverain , n'a fait que confacrer la jurifprudence de la cour. Le légiflateur dit , dans le préambule de cette loi , que , comme les mariages font le fe'minaire des états , la fource & 1'origine de la fociété civile, dant Jeur vie , centra le refped qui :» eft dü a un fi grand facrement, nous :» ordonnons que les majeurs contrac» tent leurs mariages publiquemenr » & en face d'églife, avec les folemni1» res prefcntes par 1'ordonnance de t> Blois , & déclarons les enfanrs qui Tom* XV. t 4  i J4 Etat des enfants », naitront de ces mariages, que les par» cies ont tenus jufqu'ici, ou tiendronc », cachés pendant leur vie, qui refièn» tent plutót la honte d'un concubinage, » que la dignitc d'un mariage, incapa», bles de toutes fuccejftons , aufji-biea » que-leurpoftérité. Art. V/l. « Nous voulons que la «, même peine ait lieu contre les en» fants qui font nés des femmes que.. » les pères ont entretenues , or qu'ils » épqufent lorfqu'ils font a 1'extrêmité », de la vie- Comme auffi contre les en».fants procréés par ceux qui fe marient >> après avoir été condamnés^ a mort, » même par, les fentences de nos juges , ». rendues par, défaut ,fi „ avant leurs dé» cès, ils n'ont été remis au premier état, »fuivant les loix prefcrites par nos &r< », don nances ». 11' réfulte , du texte précis de cette loi , que 1'incapacité de recueillir toutes fucceflions eft produite par la feule condamnation capitale, j & non par 1'exécudon, dont la loi ne dit pas un mot; comme auffi contre les enfants procréés par ceux qui fe marient après avoir, été condamnés d mort, même par les fentences de, nas, juges rendues par défaufs y fi avant leur décès & rgbjybcm remsittik  'd'un condamné a. mort par effigie 195 premier état, fuivant les loix prefcrites par nos ordonnances. Les enfants de Francois font nés d'un mariage contracbé depuis la condamnation k mort de leur père. Comment donc prétendent-ils recueillir une fucceffion de fon chef, contre le texte de la loi , qui les déclare incapables de toutes fucceffions ? En vain dit-on que 1'ordonnance de 1670, titre 17, des défauts &: contumaces, article 29, a changé la difpofi1 tion de la déclaration de 1619», Sc : qu'elle a ordormé que la peine de more ' civile ne feroit encourue que du jour de : 1'exécurion du jugement de contumace . qui doit être prouvé , fuivant cette imêrne ordonnance, article 17, par un i procés - verbal ligné du greffier feuleIrnent , qui doit fe trouver au pied de ia minute du jugement. C'eftabuferde 1'ordonnancede 1670, que de lui attribuer cette décifion généirale , Sc que de prétendre qu'elle a abrogé toutes les ordonnances anté! rieures, fans en dire un feul mor. Pour - s'en convaincre ,il faut obferver qu'aurparavanr Pordonnance de 1670, pen.i;dant les cinq années accordées pour -purger la contumace , le condamné ju'étoit point encore mort civilement.  i cjfj Etat des ■enfants Le foudre étöit fufpendu fur fa tere', iriaisil n'étoitpas encore tombé: le condamné avoit encore toute fa capacité pendant ce déiai de grace , Sc la mort icivile n'éroix acquife , Sc fa profcrip■Hon.abfolue , que quand il avoir laiflé écouler les cinq ans, fans fe repréfen,ter ala juftice; Sc alors , après l'expira■tion de ce déiai de grace, il étoit mort civilement, en verru de la feule condamnation a. peine capitale , fans que les ordonnances difent un feul mot de 1'exécutiom C'eft ce dont il eft facile de fe convaincre par la ledrure de 1'ordonnance d'Orléans , article 87 , de 1'ordonnance de Blois , art, 204 , de l'ordonnance de Moulins , art. 28. L'ordonnance d'Orléans « défend aux » juges d'avoir aucun égard aux dons de f, confifcation auparavanrles jugements » de condamnation »; celle de Blois eft cpncae dans les mêmes termes:« ordon» nons que rous nos fujers, de quelqu'é» tat, qualité Sc condition qu'ils foient, » qui fe trouyeront avoir impétré de » nous dons de cönfifcation ou d'amen» de , auparavanr le jugement de con- » damnation Sc adjudication » foientprivés, non-feulement des cho»> fes données. L'ordonnance de  II d'un condamné d mort par effigie. 197' Moulins die: « ajoutant, & declarant »nos précédentes ordonnances, vou- » lons 5c ordonnons que les conaamnes, » par défaur & contumaces , pour cri» mes emportant confifcations ou ameri» des, au lieu de confifcation, & outre » la réparation civile, ayanr écé en con» rumace de fe repréfenter en juftice; » par le tems & efpace de cinq ans , è » compter du jour de la condamnation » contr'eux faite , pour efter a droit, » perdronf non-feulementles fruits de » leurs héritages, fuivanc nofdires or» donnances, mais aufli la propriété de » tous leurs biens adjugés par juftice «y II eft donc bienprouvé que, fuivanc les ordonnances d'Orléans , de Blois , de Moulins , &c fuivant la déclaration de 1639, c'eft la condamnation qui opère la mort civile , après 1'expiration des cinq années accordées pour purger la contumace. L'ordonnance de 1670 n'a point' abrogé ces Loix , & n'y a point dérogé. Loin de mieux traiter des coupables , qui ne méritent que 1'indignation de la juftice , elle a ajouté une nouvelle peine a. celles qui avoient été prononcées par les précédentes. Elle a donné un effet récroaócif a la mort civile, pefïI iü  Etat des enfants dant les cinq années accordées pour pnrger la contumace, lorfque celui qui a. été condamné n'a point profité de cette grace, & qu'il ne s'eft pas préfenté a la juftice, pour juftifier fon innocence; &c , dans ce cas, il eft vrai que l'ordonnance de 1670 n'a fait rérrograder la mort civile , qu'au jour de 1'exécution du jugemenr de contumace. L'ordonnance de 1670 n'eft que peur ce cas unique ; & elle n'a rien cliangé aux ordonnances antérieures pour le cas ou il ne s'agir pas del'eftet rétroactifde la mort ciyile dans les cincj années. Mais ici , il ne s'agit pas de fcavoir de quel joura commencéla mort civile. Le condamné a non feulemenc laifleécouler les cinq ans de grace, fans fe repréfenter; il en a furvécu cinquantedeux a ia condamnation. 11 a donc laifle pafter au-de!a des trente ans qui éteignent la peine; &, après ces trenre ans, il ne pouvoit plus fe repréfenter pour fe faire abfoudre , puifque la mort civile étoit acquile, foit que Ton retranche les cinq ans de grace, foit qu'on les faiTe entrer dans le calcul. Ainfi que , s'il tomboit a un condamné par contumace une. fucceffion dans les cinq années, dans le tems in-  II d'un condamné d mort par effigie. ï 'termédiaire de fa condamnation & de 1'exécution , on foutienne qui 1'eftec rétroaétif n'ayant été donné a la mort civile pendant les cinq années accordées pour purger la contumace, que du jour : de 1'exécution du jugemenr de condamnation , il a été capable de recueillir cette fuccefiion , qu'elle eft tombée dans la confifcarion de fes biens, Sc que fes créanciers peüVent exereer leurs droits deftiis, a la bonne heure ; qu'on agite aufli la queftion de la capacité du con¬ damné par contumace pendant les cinq années accordées pour la purger, quand i! n'y a pas eu d'exécutiondu jugement de contumace , l'effet rétroactif prb- nonce par 1 ordonnance de 1-670 , n'ayant effet que du jout de Pexécütioft. Mais , après lts cinq années expiréès , après cinquante-deux ans de condamnation fans s'être repréfenté , qu'on veuille , contre le texte des ordonnances , donner la vie civile a un profcrit, & confondre la nouvelle peine de 1'effec rétroaótif prononcée par l'ordonnance de 1670, avec les anciennes ordonnances , Sc avec la déclaration de 1639, qui eft celle qui prononce conrre le con¬ damné , Sc contre leur poftérité, 1'inca:pacité de recueillir toutes fucceflions, llY  ico- Etat des enfants fans dire un feul mot de la néceflité de 1'exécution du jugement de contumace pour opérer la mort civile, c'eft ce qui . n'eft pas propofable.. Pour s'en convaincre, il faut rapporter le texte de l'ordonnance de 1670 & le fentiment. de Bornier fur cette ordonnance.. L'art 29, tit.. 17, eft concu en ces termes « Celui q,ui aura été condamné par » contumace a mort , aux galères per» pétuelles, ou qui aura éré banni aper» pétuiré du royaume , qui décédera .» après les cinq années fans s'être repré» fenté, ou avoir été conftitué priion» nier, fera réputé mort civilement du » jour de Pexécurion de la fentence par » contumace », II eft évident , par la leóhiredecet article ; qu'il ne s'agit que de l'effet rétroactif de la mort civile dans les cinq années accordées pour purger la contumace. Bornier, fur eet article, fur les termes du jour de l'exécution de la fentence de contumace y dit: «■ c'eft par une fic» tion d'eftet rétroactif y que ra nou» veile ordonnance veut que celui qui *> aura été condamné par défaut a cjuel» que peine capitale, & qui fera décédé » après les cinq ans, foit régiv'té; mort-;  d'un condamné a mort par effigie. lol » civilement du jour de 1'exécution de » la fentence; mais par le vingt-huitiè» me article de l'ordonnance de Mou» lins , le condamné a mort par contu» mace étoit feulement réputé mort ci» vilement après les cinq ans , Sc du »jour qu'il les avoit laiflé expirer fans » fe repréfenter ; en quoi elle faifoit » différence de l'état du condamné , - » avec celui auquel il étoit1 durant le » cours des einq années. Durant ce II » tems-la il avoit en lui-même la fa1 » culté d'efter a droit, & de fe repré- » fenterpouraneantirlacondamnation; » mais , après- 1'expiration des cinq ans » de la contumace , c'étoit un tems fa»> tal après lequel le condamné n'avoit » plus en lui la même faculté , Sc elle' » ne lui pouvoit plus revenir que paria ! » grace du prince , d'autant qu'il en » avoit perdu ie principe , qüt n eit au>» tre chofe que la vie civile .5. C'eft vouloir faire rllufion que de prétendre que ltsarrêts, quand il ne • mort civile dans les cinq années accor- . dées pour purger la conrumace , ont j jugé que l'exécution du jugement étoit 1 néceffaire , Sc que, fau-.e de la preuve i de cette exécution , la condamnation Iv  ioi Etat des enfants devenoit illufoire ; que le jugement écoit anéanti, Sc que le condamné aune peine capitale jouiftbit de fon état Sc des droits de citoyen, comme s'il n'avoit pas été eondamné par la juftice ; Sc que la cour avoit regardé ce principe comme ft inviolable , qu'elle avoit refufé un déiai de fix femaines qui étoit demandé pour prouver 1'exécution d'une condamnation a peine capirale , prononcée parun jugement de contumace. Quand on ouvre les livres, on trouve , au contraire, que la cour a jugé que la feule condamnation opère la mort civile , indépendamment de 1'exécution. Pour s'en convaincre, il ne fautqu'ouvrir M. Louet Sc Brodeau ,. fon annorateur, lettre C , chap. 14-, Sc chap. 47. Dans le premier chapitre, M. Louet rapporte un premier arrêt bien remarquable & bien célèbre, qui a été rendu, (onfuhis clafftbus, Sc qui a éréprononcé folemnellement pour fervir de réglemenr fur la queftion. Cet Arrêr eft du i 7 juin 1595- II paroit, par cet arrêt, qu'un patticulier avoit été condamné a mort par contumace, Sc qu'il étoit décédé après les cinq années, fans s'etre repréfenté. Le père du condamné moumt après les cinq années accordées par  d'un condamnéd mort par effigie. 203 l'ordonnance , pour purger la contumace , mais avant fon fils. Les créanciers du fils condamné prétendirent qu'il avoit fuccédé a fon père , attendu , difoient - ils , que la condamnation n'étoit confidérable , n'ayant point été exécutée , fait qui n'étoit point contefté par les frères èc les fceurs du condamné par contumace, qui foutenoient que la mort civile avoit été encourue par la feule condamnation. La fentence du fénéchal de Saumur avoit jugé en faveur des créanciers. Sur 1'appel qui en fut interjetté , toutes les chambres furent confultées , la fentence fut infirmée, &c les créanciers furent déboutés de leur demande. Cet arrêr, rapporté par M. Louet, 1'eft aufli pai Anne Robert, liv. 4 , chap. 1 6 \ par Chcnu, cent. 1 , queftion 45 , & par plufieurs autres arrêtiftes , comme étant un arrêt célèbre rehdu fur cette queftion. En 1626, le 23 Juillet, nouvel arrêt , en termes encore plus forts, fut la même queftion. Dans 1'efpèce de ce fécond arrêt, un particulier avoir été condamné a mort, par arrêrrendu fur procédure par contumace : cet arrêt n'avoit point été exécuté. Ce fait étoit conftant entre les parties , ainfi qu'il 1 vj  i©4 Etat des enfants eft prouvé par BroJeau. II a y plus, le condamné fut arrêcé & conftitné prifon nier, ce qui fit tomber la procédure de contumace. On lui fit fon procés con,tradictoirement, Sc il fut condamné & exécuté. La fucceffion du, frère du condamné s'étantouverte. dans le tems que la condamnation par, contumace fubfifitoit,. on prétendit qu'il avoir. fuceédé,. foit paree que le jugement. de contumace n'avoit point eté exécuté par effigie , foit paree que la procédure.de contumace. avoit ae anéantie le. condamné ayant. été. confïitué prifonnier, fan.proces lui ayanf éié fait de nouveau , <§• ayant: été conr damné & exécuté.La caufe porree a 1'aiir dience, Sc plaidée folemnellement,par arrêt prononcé par M. le premier préfir dent de Ferdan , & rendu fur les conclufions de M. Talon ,.il fut décidé que le défaut d'exécution du jugement de contumace.n'avoit poinr.empêché la mort civile , comme.ayant- été opérée par la fèule condamnation., &; que la reftitution contre la.contumace arriyée. depuis, fuivie defacondamnation contradictoire Si de, fon fupplice,,n'avoit, point, Ieyé fon. incapacité réfultant du. jugementde contumace ,.quoique nom- ©.xéeure., qui fubfifto.it. lors de. 1'quye.rr  II dun condamnémort par effigie. 205 ture de la fucceffion. Voici les propres termes de 1'arrêtifte:. « La. cour , conformément aux con» clufions de M. 1'avocar général Talon , »jugea qu'ayant été condamné a mort » par défaut & contumace, par arrêt » donné au parlement de Rouen , 1'aa » 1 608 yquo'ujue non-exécute par effigie , . » il n'avoit point fuceédé a fon frère, I » décédé en 161 8 , bien que, depuis » ayant été conftkué prifoianier , il eik II » été reititué, par atrêr du parlement., i I » contre les. défauts &. contumace; en- » fuite de quoi fon procés lui ayant été » fait & parfait, il avoir été condamné » a mort par arrêt , .& exécuté ; cette » reftitution ne lui ayant point óté fon i »ine'apacité au tems de 1'ouverture de i »la fuccellïon ; & furent les foeurs » maintenues & gardées en la poffef» fion & jouiffance de rous les biens de »la fucceffion , & celui qui les préten^ » doit, en vertu de la confifcation des »■ biens du condamné, fut débouté >h. ;i Ge qui fait dire a. Brodeau « que les - »f fucceflions & les droits de fuccéder !>>font de droit public , que la. loi eft i» dame & maitreffe de nos biens, fur >» lefquélles elle piend un empire abfo» lu} qu'elle n'y,appelle pas toutes for-  2ö6* Etat des enfants »tes de perfonnes indiftinctemenr ; » que celui qui a commis un crime poaC » raifon duquel eft intervenue une con» damnation de mort & capitale contre »lui , eft mort civilement ; c'eft un » membrepourri, ou fee Sc aride, in» capable de recevoir les influ'ences du » chef; il eft ferf de la peine , retranché » du corps politique ; n'a plus de fo» ciété, de liaifon , ni de participation » avec fes pareus & concitoyens , & » comme tel eft incapab'le de fuccéder, » & de tous acres & effets , tant du » droit civil & coutumier , que des » gens c'eft ce qui montre » ( ajoute cet auteur) que ia mort ci» vile produit les mêmes effets que la » naturelle, & que 1'incapacité pour les » effets civils eft encourue <&s ïi/iflant » de la cóndamnaiion , fön dience, prononcé par M. le préiident » Stguier, plaidant M. de la martei» fiere Sc Dolle, Sc M. Pavocat général »de Montholon , pour raifon d'un » meurtre prétendu commis par les ap,» pellans , \fi z février 1 586. » Et cequi eft de remarquable en >» I'arrêt, c'eft que la cour pafta parit deftlis le fait mis en avant par la veuve, » que dès 1'an 1586, ily avoit eufen«< tence de mort rendue contre les appel* lans par défauts Sc contumaces , exé« cutée par effigie: laquelle fentence elle » offroir de rapporter dans fix femai» nes; Sc a. faute de ce fe foumettoit a  i r 2 Etat des enfants » telle amende qu'il plairoit a Ia cour » d'atbitrer ». Mais outre qu'on' ne rem »préfentok point cette fentence , ni » aucuns adles oü elle fut énoncée , il yt n avoit de grandes préfomptions que ja- » mats U ny en avoit eu; Sc notamment en ce qu'en 1605 & 1606 on avoit , de nouveau , fait informer contre les appellants , ce qui eüt éré inutile Sc fruftratoire, s'ily eüt eu fentence de mort. Que fon eüt fait apparoir, furie champ, de cette fentence de mort , il femble q,ue cela eüt empêché la prefcription: de vingt ans. Si les deux ou trois arrêrs que Brodeau rapporte a la fuite de ceux donc on vient de rendre le compte Ie plus exact, lur ia queltion qui eit a decider , étoient aufli bien rapportés que ceux dont ou vient de voir les efpèces , oir qu'on put aller jufqu'a la fonrce de ces arrecs , oc en connoitre toutes les circonftances, on eftr bien perfuadé qu'ils fe trouveroient parfairement d'aceord avec les principes , Sc avec les arrêts les plusfolemnels que 1'ona rapportés, Sc que toute équivoque difparoitroit , de même que par rapport a ceux dont on a rendu compte, Sc dont on avoit abufé, err les préfentanr comme ayant  II \ d'un cond.imrJd mort par^ffigie. 213 décidé le contraire de ce qu'ils ont effeóFivement jugé. { Enfin , Pecquet de Livonnlere , dans • fes régies du droit Francois, article 63 , Jétablit lesmémes principes , que c'eft la ■condamnation qui opètè la mort civile , [fans dire un mot de 1'exécution; & il I autorifé fa décifion , de l'article 6 de la péclaration de 1639 , qui eft formelfur Icette queftion. « Ceux qui font condamnés (dit Poe- » quetde Livonniere) en des peines qui :» emportent la mort civile, telle que ; | la peine de mort, & celle des galères c „ perpétuelles , & du bauniffement a ; » perpetuité hors du royaume , foit » contradicFoirement , foit par contu;i » maces, & qui, au dernier cas, ne fe :» font pas reprcfentés dans les cinq i » ans ,nepeuvehtcontracFer un mariage ; »valable quant aux efters civils, & les ; »enfanrs qui en font nés , font incapac » bles de toutes fucceftions ». Après avoir examiné la première ! queftion , fi c'eft le jugement de con1 damnation par conrumace qui cpère I lamorr civile , ou fi elle eft atrachèe a I 1'exécution figurative du fupplice , il ■, fautprouver, dalns le fait, que le juge-  ii4 Etat des enfants menr de condamnation de mort, dont il s'agit, a été exécuté. L'exécutionpar effigie eft la figure du fupplice que fubiroir le coupable , s'il étoit fous la main de la juftice; elle al été établie pour renir lieu du fupplice réel, Sc pourle repréfenter. On voit J dans le commentaire de Theveneau furi les ordonnances, liv. 5 , titre 7 , desI défauts Sc contumaces en matière cri-.i minelle, que « telle forte de punir lest m condamnés par défauts & contumace^ » a pris fon origine de la jurifprudence » grecque, en laquelle on exécutoit les j » abfens par effigie, ou bien on écri-;] » voir leurs noms avec la condamna» tion en des colonnes , ce que les Ro» mains ont depuis pratiqué contre quel» ques - uns ». L'exécurion par effigie fe fait en vertu du jugement de condamnation par les miniftres de la juftice a qui 1'exécution de fes ordres eft confiée; Sc on ne peut jamais préfumer qu'ils aient manqué a s'y conformer. L'ordonnance de 1670, titre 17, art. j ï 7, ordonne que le procbs- verbal d'exécution fok mis an pied du jugement ,fgné du greffier feulement, fans exiger de  ' d'un condamné d mort par effigie. 11 j rlate particuliere pour cet acte , 1'exécution par contumace fe faifant toujours prefqu'en mcme-tems cjue le jugement de condamnation , & la mention de 1'exécution fe mettant par le greffier fer la minure même du jugement. 11 faut encore obferver que , quoi:que l'ordonnance ait prefcrit la fignature du greffier , elle.n'a point prononcé la peine de nullité , fi la mention de il'exétution faite par le greffier ne fe jtrouvoir pas fignée de lui; & qu'elle a ;encore moins décidé que la condamnation du coupable deviendroit illufoire, 1& feroir fans force & fans effer dans ce jcas; enforteque tout l'effet du jugement, [& la peine de morr civile contre le coujpable foient attachés a la fignature da 'greffier, Sc non au jugement émané de j la juftice. J Dans 1'efpèce qui eft a décider , Ia Jjcondamnation eft conftante , la juftice lJa fous les yeux ; Sc la minute de ce ; jugement eft mêmechargée de la mention écrire par le greffier, que la fen- atence a été prononcée & exécutée par ef- tfigié. On prétend que cette mention dii ngreffier eft fans caractère Sc fans ceftiitude, paree quelle n'eft point fignée de  - l i i> Etat des enfants lui; & qu'ainfi on doit regarder le jugement de condamnation a mort, comme ayanr été auéanti par le défaut d'exécution. On ajoute que l'ordonnance ayant admis ce genre de preuve de l'exécution par effigie , on ne peut pas en recevoir d'autres , & que c'eft en vain qu'on a fait des recherches pour prouver, par d'autres actes } l'exécution du jugement de condamnation; dont'il s'agit. Enfin on compare 1'exé-j cution par effigie d'un jugement dei conrumace, a ia fignification d'un arretj par défauren matière civile & la'mention du greffier, fans fignature de fa] part, a la mention qu'un procureur oui un huiffier auroit faite au bas d'une fignificarion qui ne feroit pas fignée de leur part , ou a un acre pardevant notaire qui ne fe trouveroir pas figné. II eft facile de répondre a des objections aufli frivoles. Premièremenr, ce qui porte le caraftère de la juftice, & qui fort de fes greffes ne peut jamais être qu'exempt. de reproches. Quel défordre n'arriveroir-il pas dans la fociéré, fi on admettoit a critiquer les minures des jugements fur les paiaphes qui peuvent manquer 3 & fur quelques omiffions que  ' aVun condamné a mort par effigie. t ï 7 ' qne mille événements peuvent produire , & qui ne diminuent en rien la fai due aux minures qui repofent dans le fein de la juftice même, & qui font Pouvrage des miniftres a qui la juftice ,a confié la redactiën , le dépot oc 1'exéicutiondefes jugements ? Un fanctuaire li facré eft impénétrable a la fraude & a la faufleté. L'écriture des greffiers eft trop connue, pour pouvoir être altérée; & ils fontrrop atcenrifs a répondrea la (confiance que les juges ont dans leur ivigilance & dans leur exacticude, pour 'qu'ils puiflent être trompés. 1 Dans 1'efpèce préfente, récriture de |M. Mariéq^. bien connue, & n'eft point tóvoquée en doute. C'eft lui qui a mis , fur la minute de la fentence , ces termes dans lefquels confifte tout le procèsverbal, prononcée & exécutée par effigie. [Si M. Marié a oublié de figner, combien d'événements qui furviennent a un greffier peuvent 1'cbliger d'interrompre, fur le champ, ce qu'il fait, Sc lui faire oublier enfuite de mettre fa ifignature! Tous les greftès du chatelet, & même ceux de la cour, malgré 1'exac:titude connue des officiers qui rempliffent actuellement ces places, & celle de •iceux qui les ont précédés , font pleins Tome XV. K  z 18 Etat des. enfants de pareiüeso&miifians. II y a une multitude de procés - verbaux d'exécution par effigie , fur lefquels les gteffiers ontomis de figner. Rendra-t-on tous ces profcrirs a la fociété ? Si la cour a rejetté 1'infcription de faux que 1'on a renté contre la minute d'un de ces arrêts oüil fe trouvoit quelques mots fans, paraphe, déclarera - t - elle nulle une mention qu'on eft forcé de reconnoïtre pour être écrite de la main du greffier, & dont la vétité eft démontrée ? II y a une grande différence entre le jugement de condamnation a peine capitale, & 1'exécution par effigie. Le jugement ne peut fe prouver que par lui-même. 11 faut le rapporter. Mais , pour ce qui eft de 1'exécution par effigie, c'eft un fait fur lequel rien n'empêche d'écouter toutes les preuves que la juftice a elle-même introduites , 8c qui nanfent de 1'exécution même. Aufti l'article 17 de L'ordonnance de 1670 , titre 17, ne dit-il point que cette exécution nepourra êtteprouvée que paria mention qui fera mife parle greffier fut la minute de la fentence , & qu'a défaut d.e cette preuve, le jugement de condamnation fera fans force 8c fans veitu, & que le-caupable jouiradetous  'd'un condamné d mort par effigie. 119 ies droits de citoyen, quoique profcric par la juftice. i°. Pour parvenir a 1'exécution par effigie , il faut écrouer le tableau da coupable dans les prifons , a défaut de fa perfonne. C'eft ce qui eft prefcric par l'ordonnance , & ce qui doit être fait , après que la condamnation eft prononcée, pour parvenir a 1'exécution du jugement. i°. Quand le tableau eft écroué i 1'exécuteur fe tranfporre a la prifon avec tout 1'appareil du fupplice, &c avec 1'efcorte qui doit accompagner & conduire le crirninel. On lui remer le rableau au lieu du crirninel fugitif. Le tableau eft rranfporté, au fortir de la prifon, au lieu qui eft préparé pour le fupplice , de la même manière que le crirninel 1'auroit été , c'eft a-dire , avec toute Pignominie du fupplice ; & le rout eft cop.ftaté par un regiftre en bonne forme , qui eft le regiftre du greftier des prifons. C'eft ce qui a été fait dans i'efpèce préfente. On en rapporte 1'extrair. Après une pièce aufti dccifive Sc aariii authentique , comment pouvoir dmiter de la vérité du procés-vetbal de IrL Marié, qui a mis , fur la minute ' de la fentence # prononcée & exécutée Kij  Etat des enfants par effigie? N'.eft-ce pas vouloir fermer les yeux a Ia vérité:? 5°. A.cesfiits, s'en joint un dernier •qui n'eft pas moins décifif. L'effet de la condamnation par contumace au dernier fupplice, c'eft Ia mort civile , qui confifte dans la confifcation des biens' .acïuels du condamné, :&c dans la privation de .tous les droits de citoyen. Francois n'a pas été plutêt condamné par contumace , qu'il a difparu d'un procés dans lequel il étoit parrie avec toute fa familie, par la raifon qu'il ne pouvoit plus efter en jugement , & qu'il étoit retranché de la fociété & de ia familie. Un curaceur a fes biens confifqués eft devenu partie a fa place; d'ou il fuit que la confifcation de fes Jpiens a eu lieu. En yain compare-t-on la procédure extraordinaire avec la procédure civile; Jes minutes des jugements du chatelet ,& de la cour avec la fignification d'un huiflier o.u un procureur| 1'exécution par effigie d'un juge.ment.de condamnation a mort par contumace, avec la fignification faite par un huiflier , ou par un procureur, d'un arrêr par défaut en matière civile :-enfin un jugement de mort par contumace qui eft lou-  £uncondamnéamen par effigie. ft f vfagë de la juftice , & qui eft fenda' fur une procédure reguliere contre le coupable fugitif qui a été contumace pat toutes les procédures qui ont été fakes contre lui, par routes' le? aflignarions s ic notamment par celle a cri public , & par la faifie SC annoration de fes biens, avec unadte volontaire pafte pat des parties chez un norake , &Z qui eft refté imparfait par le défaut de fignature; ce quienopère la nulliré. TouteS ces comparaifons fonrétrangères & fans aucune applicarion a- 1'efpèce qui eft a décider. • En vairt dk-on que 1'écroüe dk tableau du condamné a mort , qui te: rrouve fur. le regiftre du greffe' de fa prifon , & la remife dü tableau-a 1'exécuteur, pour le conduke au lieu du fupplice , ne prouvent quune difpofition1 fort prochaine, il eft vrai, au fupplice; figuratif, & noh le fupplice même : comme fi 1'on pouvoit préfumer une «ebellion a juftice, qui feule auroit pu; ttaverfer cette exécution depuis le grand chatelet, jufqu'au pont-neuf, ou elle' £e devoit faire; comme fi cette rebellion n'aiirok pas exciré des pourfuitesqui la conftarëroient ; comme fi une pareille rebellibn auroit pU anéantir le' K iij  1Ji Etat des enfants jugement, & rendre la vie civile a celui dont la juftice avoit prononcé ia mort.- Trouve - t-on des exemples df pareilïes rebeliions, & qu'on arrache des mains de la juftice les coupabies qu'elle fait conduire au fupplice ? II laut donc convenirque l'objècfion que ion fait ne roule que fur une fuppofïnon injurieufe a la juftice, Sc qu'on ne peut regarder que comme une abfur*dite. A 1 egard du moven tiréde la pefief- non aerat aans laqaeile on prétemt qit'a été Francois dans fa familie depuis fa condamnation, pofleflion qu'il a ( dir - on ) tranfmife a fes enfants , ce moyen n'eft pas plus folide que les premiers qu'on vient de combattre 3 Sc dont on a prouvé toute rillufion. Premièremenc, il faut écarter la preien due pofleflion d'état de Francois. En effet on a vu que 1'année d'après facondamnation a mort par contumace , il a cefTé de parokre dans un proces en la cour des aydes , ou il étoit pattie, avec fes fières Sc fceurs, au fuiet d'une, flifle-réelle de hieiKapnYonrnrton^f ^-rr™™^„w, paree qu etant mort civilement, & la condamnation ayant été exécutée % mort civile elle avoit effét, même dans les  'd'un condarrméa. mort par «ffigie. 111 cinq années accordées pour purger ia contumace , fuivant la nouvelle peine prononcée par l'article 19 du titre 17 .de l'ordonnance de 1670; & qn'ainfi il tie pouvoir plus fe préfenter dans les tribunaux , & efter en jugement ; ca été par cette 'raifon qu'il a été remplacè , dans cette inftance, par un curateut 4 fes biens confifqués , qui a repris en fa place. Si depuis , une foeur de Francois htt a donné une penlion ahmentaile de 60© livres, de trois muids de vin, d'uïi < boilléau de fel, & d'une certaine quantité de froment en nature pat chactm ian ; 011 ne peut regardercette donatiört , jx|ue comme un acte d'humamté pour fonrnir des aliments a un homme qui, vivant naturellement, eft capable d'eli ; recevoir , quoiqu'il foit mott civileï ment. Une pareille donatlon eft bien plutót la preuve que cet homme} dont les biens avoient été confifqués , a été obligé de recourir a fa familie póurobtenird'elle une fubfiftance. S'il s'eft élevé une conreftatiöfi quia 1 d'abord été portée en juftice, fur 1'éxéi, cution de cette doiiation , il n'eft pis i, furprenant que la fceuf n'ait point öp1 pofé a fon frère fa proftription j elle . Kiv  2*4 Etat des enfants auroit même été mal fondée a le faire, actendu qu'il s'agiffoitd'aliments; mais fe combat a bientöt été terminé par u» Jiouvel accord de fa part. II en eft de même, dans une autéi .P'ecendue pofleflion d'état de Francois., Il a,dit-on, parual'inventaire decetre foeur, & il a pris la qualité de fon héritier, vis-a-vis d'un de fes frères qui eft mort, & vis-a-vis de celui qui conr tefte fon état. Non-feulement ce fait,. qm n'eft pas prouvé, eft étranger a ld fucceflion dont il s'agit, & par confé-; quent indifférent j mais il paroir que la ' foeur de Francoh , de la fucceffion del Jaquelle il s'agifloit, avoit fait une donaten entre - vifs de tous. fes biens & fon frère, qui, par ccnféquent, n'avoit .J?0int intérêt d'attaquer Francels, & de releyer un fait aufli défagréable que . celui de fa condamnation. A 1'égard de celui, qui contefte aujourd'hui la capacité de Francois & de 1 -fes enfants , étant né bien depuis la condamnatidn, il n'en avoit pas alors ' connoiflance , & il étoit fans intérêt pour s'en. faire un moyen , puifque Ia .donation.enrre-vifr qui avoit été faite par fa tante , le déponilloit. de fa fuo ceffiom.  £un condamné k mort par effigie. ziy. . Secondement , la pofleflion d'état des enfants n'eft pas d'un plus grand' (poids que celle de- leur père : c'eft ce dont il eft facile de fe convaincre. En effet, a quoi fe réduit cette précendue Ipofleflion d'état? Un frère du condamné décède; rnais il avoit fait un teftament, pat lequel il avort fait fon légataire univerfel fon neven r petit-fils de celui qui attaque aujourd'hui l'état de Francois &-de fes enfants. Ces enfants fe; préfentent, il eft vrai , & fe difent héritiers. Mais celui qui attaque aujour-idzhui leur état, qui étoit père du léga-ttaire univerfel ,1e retire Sc renonce la- fucceflion dont il fe troüvoit déipouillé pat le teftament. Le légataireluniverfel, qui eft étranger a la contefta-ition préfente , puifque c'eft fon ■ père' iquieft héririer , refta, il eft vrai, alors,. vis a. vis des enfants de- Francois. II eftvrai aulli qu'il ne voulut pas les recon-hoitre pour héritiers% Sc qu'il fit mêmecréer un curatêur a la fucceflion dê fon'1 >cracle qu'il fuppofa vacante , & qu'il ' Jcbtinc , contre ce-curatêur la défrr ivr-ance- de fon legs. 11 eft encore vrai* qu'on attaqua cette procédure dela pare;" des rilles deFrancoisSc qu'on lui'opp©-1 ,fa qu'il- n'avoit "pas-pu-y -zuiifify^fc&èkz KM*  izG Etat des enfants la qualité d'héririèresqu'elles prenoienr,, Sc lans les en avoir fait décheoir, faire» eeéer un curatêur a cette fucceflioncomrne vacante. En eftec, le légataire. univerfel ne demanda point qu'elles, fuflent dcchues de cette fucceffion, il ne produifir point la fentence de condamnation qu'il n'avoit point , puifqu'elle n'a jamais été expédiée quen 3 744, Sc ü ne forma point de demande a ce qu'elles fuflent déchues de la fucceffion. II n'avoit pas même d'intérêt de, le faire, & de faire paroitre une pa- : reide condamnation contre des perfon-» nes qui., au moyen du teftament qui le.nommoit légataire univerfel, ne pouwient pas recueillir un écu. J\inft , non-feulement ce fait eft abfolument étranger a- la fucceffion doneti' üi s'agit, eu um> , jpajerde. ïranfaétion , dreflé par les. ■ aorafcitet^sées parties, an fujet de qael^pes biens que ks ?,nfanrs de- Francois «m&précendu.n'être pas, coropris dans. la,; d^B^ena^7ifs.dfiL.fa.f«BBc^& de&  'rfuhcondamnéd möttpdr effigie, fruits des biens qui avoient été légués : au fils de celui qui attaqué aujoHïd'hui 1 etat de Francois & de fa poftérité.Les ! filles de Franco/V prétendotent avoir les | Fruits écbus avant la demande ert déln I vrance du legs univerfel ,& les biens t qui ne fe trouvöient pas compris dans la donation; mais cette trarifaétion jj qui eft entièrement éfrangète a la fucceffion dont il s'agit, eft reftée impabi faite , & n'eft qu'un fimple projet qai I n'a jamais eu aucune exécution , & qui I ne peut en avoir aucune. Ainfi , il eft inutile de dire , pouf ■ répondre a cette prétendue pofleflion qu'on n'acquiert pas les droits de cité par prefcription; que c'eft ici une tm~ tière qui eft route de droit public ; que la prefcription ne pourroit avoir lieiï que pour telle ou telle fucceffion qui tfurok été parragée par efrem ; comme il a été jugé pluiïeurs fois par rapport ë des batards qu'on croyoit légitifheS, 3ê reö'on avoit admis comme tels * rMjfö* ger quelque fuccefliofl, ki, jamais , SI J rancoism fes enfants n'oht recaeilia! Iaucune fucceffion, Sc n'ont été recus-» parrage avec perfonne de la familie; düi n'a même jamais vu Taéte de céiébtï;I tion du prétendii inafiage dont ils ïivjj  0.8 Etat des enfants dun condamné; &c.\ difeur nés , paree que ce fait eft indifi férenr. Ainfi , non-feulemenr.les cho fes font entières pour ia fucceflion dont il s'agit aujourd'hui, mais mtmeJ-rancois Sc.fes enfants n'ont.jamais joui da droit de fuccéder , Sc n'ont recueilli , en eftet, aucune fucceflion dans la familie. La prétendne pofleflion d'état qu'ils allèguent. n'eft donc qu'une chimère qui ,ne.peur point. empêcher que la déclaration de \639 n'ait tout fon eftet; Sc. pat conféquent , que les enfants de Francois étant Ie fruit malt heureux d'un prétendu mariage., contracté depuis la condamnation. a. morr de leur père., ils ne foient; incapables , comme lui, dè toutes fucceflions.- L'arrêt qui fut prononcé en la grande chambre du parlement de Paris , le 1J; févrk-r 1745 > adjugea. aux enfants de. Francois de Bourbonne, une partie de. la fucceflSo» qu'ils réclamoient. Mais «nne.peut pas regarder cet .arrêt comme. ayant,ju^é la queftion. , paree qu'il fut= prononce confórmément a,une tranfacrion que lés parties ?aveient faite. entr'e.uX', Sc que Ia cour confacra, en-, lui donnant la forme Sc Pautonté.d'uia. arrêt; f!  II D E MANDE EN CASSATION D E M A RIAG K. L'anti v a t hi e Jeiile paroit d'abord! être la caufe de la vivacité , & de la; perfévérance aveclaquelle la dame deRapally fouhaita de rompre les nceuds. d'un manage qui 1'avoit tirée de la. misère donr elle étoit menacée, pour la placer dans 1'opulence., Elle. avoit tous les charmes de Ia beauté , & toutes les graces qui y ajoutent un fi grand prix. Mais elle étöir dénuée des dons de la fortune. Elle époufe.un mari qui a quarantecinq mille livres de rente ,.qui lui fait un don de furvie de tout fon bien, qui lui ftipu 1 e un douaire de fix mille livres de revenu.. A' la faveur de ce .mariage , le fieur Dupin , fon beau - père , lui eonftitue une dot dé. deux cents mille  4 j o Deman de en cajfadon livres. Elle ne voit rienydans le carafftère de fon époux, qui ne foit analogue a la probité. Elle ne voit rien, dans fes mceurs, qut ne iöir conforme a l'honnêtecé, aucunvice évident qui foit abfolument contraire au caracfère d'honnêtehomme. Au contraire, ilne s'éroit préfenté a elle que fous les dehors les plus flatteurs. Leurs ages n'étoient pas. dans une difproportion révoltanre ; il avoit trente-huit ans , & elle dixfept. Elle n'a pas dit qu'il eut rien de finiftre dans ia phyfïonomie : cependant elle fait taus fes efforts pour rompre une iuuauce n a vanrageuie. atraire tut pottée devant 1'official de Paris, auquel la dame Rapally demanda la nudité de fön mariage. Ecoutons , d'abord , M. Terraffon a fon avocat, qui va nous faire entendre fes moyens. Nousverrons enfuitecosnment M. Cochin repoufTa fes efforts. D'oüvietrr, s'écrie-t-il, que la demoifelle Delorme réclame aujourtriuü contre un mariage qui lui devoir être ii avantageux ? C'eft que , moins fennble aux temarions de rintérêc, qu'aux' mouvements de la confcience , elle ne petitreconnoitre pour époux une horrv- me qu effen a pointconlena d epouieï,  i 'de Mariage. ifi-. C'eft qu'il ne lui eft pas permis de regarder comme le concours de deux volontés, un engagement auquel la fienne n'a point eu de part;c'eft qu'en un mot, la bénédi&ion nuptiale n'ayant peine > d effet fans le confentement des pari ties , on ne peut pas dire qu'il y ak eu ^ un mariage ou il n'y a point eu de i choix , ni de iiberté. La feule peine de la demoifelle De-: v lorme&d de nepouvoir établk fon droky ij fans fe plaindre d'une mère qui lui as i e toujours été infiniment chère, & d'un j beau-père aqui ellea 1'obligation d'une I ; éducanon diftinguée. Mais, plus elle fe'Joue de leur bonté dans ks autres ©ccafions de fa vie , moins elle paroitra fiifpecte , lorfeu'el'fe dira que, dans eelle-ei , qui étoit la plus importante x elle a été indigraement facrifiée, La demoifelle Delerme , nét le i j Octobre 1709 , n'avoit que cinq ansr, lorfqu'elle perdit fon père. Elle a, depuis , démeuré en différents couvenrs,, jjufqu'a fa quatorzième année. En 1716, la dams Parifel fa mèreépouia le fieur Dupin. Le contrat de msriage portok exclufion de co'mmunauté.. Mais Ie fieur Dut in fe chargeai denouitir & entxeuenir les enfantsnés  Demande ett cajjaziorr de-Ia dame Parifil, qu'il époufbit, &c dü'i fieur Delorme , fon premier mari. lis?; etoientau nombre de deux, un garcon<; & une fille 11 lesregarda l'un& l'autre": comme les propres enfants. 11 voulut que leducation du premier fe fit fous les yeux': il lui donna un précepteur dans fa maifon. A-l'égard dela fille , il eut, pour elle, toutes les attentions depère , & chercha, avec impatience s 1'occaüon de la marier avantaoeufe- o menti II fe préfenta plufieurs partis qui ne furent point agréés; Le fieur Rapally 1'aurok-éré moins.que tout autre , s'il eut confulté. la demoifelle Delorme t - mais , en homme de fortune qui fcavoir le. pouvoir de 1'argent 3 il s'adreffa 5 tour d'un coup,-a la mère, & lui fir< écrire, par le fieur Batijfe fon 3mi, que, fi elle vouloit lui donnerfa fille en mariage , illui feroit une donation de tont fon bien en 1'époufantu- Cette. mère s éblouie de la propofition , en fit part au fieur Dupin, fon mari, qui n'en fut pas moins charmé» Le fieur Rapally paffoit pour un homme fort riche : il cffroit de donner tout fon bien par con« trat de mariage: enfalloit il davantagepour féduire des parents intéreffés ?  de Mariage-. S$? I II fut queftion , après cela, de voir> la demoifelle Delorme. Le fieur Rapally, ami du fieur Batijje , qui a une maifon ie campagne a Boulogne , convint T kvec lui , qu'il- s'y rendroir un cerrain jour, Sc que , de-la, ils iroient a SaintCloud , chez le fieur Dupin , ou fe fêr* jroit 1'entrevue. Le fieur Rapally , pour jmieux juger de tout, fans-fe commettre , s'avifa de déguifer fon nom Sc fonÉtat, en fe faifant appelier/ que fa fille avoit faite le jour de la fète , pour renir lieu de celle qu'on fait avant ; que de fe marier , fe fit donner , par le Père Jouin, un certificat de cette con-, I feffion. Le 9 feptembre , on la conduifit ide Saint-Cloud , a Paris pour la céréïmonie des fiancailles. On ne fe fervic : point, pour cela , des carofTes du fieur {Dupin, ni de ceux d'aucun parent : l on prit des carroffes de louage , pour £ faire la chofe plus fecrètement j Sc on I affedra de ne mener aucun domeftique i de la maifon. Les fiancailles ne furent i pas plus libres, que 1'avoit été le concj trat de mariage \ Sc auffi-tbt après la tl cérémonie, au lieu de ramener la fian| cée chez elle , comme cela fe pratiquft Iordinairement, on la mena dans le jatdin d'un traiteur, au fauxbourg-Saint}  2.4Ó Demande en cajjdtion Denis, ou Ton attendit 1'heure deftinée pourlacélébration , de peur que, fi oni ■eüt perdu de vue la demoifelle Delorme } elle n'eut trouvé le moyen d'écha-. per a la contrainte. Ce fur dans ce jatdin , oü , raalgré 1'envie qu'on avoit de faire diverfion afa douleur par l'enjouement affedé du repas., elle ne cefta de pleurer. Mais un fait important, dont tous les aififtants furent témoins, c'eft que | dans ce jardin, elle fe jetta aux pieds de fon beau-père & de fa mère, & les corijura de nelapas marieraun homme qu'elle déteftoit; & , pour ne les point trop irrirer en leur propofant de rompre abfolument 1'affaire, elle leur demanda,, en grace, d'en retatder 3 du moins , de huk jours, la conclufion. La mère parut fenfible a cette priere ; elle eut même le courage de déclarer au fieur Dupin , qu'ilrépondroit devant Dieu de la contrainte qu'il exercoit fur fa fille , pour lui donner un mari malgrc elle. Le fieur Baeijfe ne paroitfoit pas. oppofé au court déiai que la demoifelle Delorme demandoit ; le fieur Dupin , lui - même , étoit ébranlé. Malheureufementun autre de la compagnie trouva qu'il y avoit de lafoiblefle a céder , È du!  II de Mariage. 441 chi péril a remettre. 11 n'en fallut pas davantage pour affèrmir le fieur Dupin dans fa première réfolution: il dit, avec emporremenr , qu'il ne vouloit poinc qu'on diftérat, & menaca la demoifelle i Delorme, li elle n'époufoit le fieur Ra,\pally,c\Q 1'enfermer, dès lelendemain, : dans un couvent, &c de 1'abaudonne* pour roujours. On partit donc de cbez le traiteur, fans domeftiques, fans parents,& dans i les mêmes carrofles de iouage dont on .Is'étoit fervi pour y aller. On arriva a ; Saint-Euftache fur les quatre heures du 1 matin , oti t-out étoit préparé pour le ijfacrifice qu'on alloit faire. Le fieur Ra\pally, qui craignoir toujours que le lliafaid ne fit rrouver , dans 1'églife , iquelques perfonnes qui fuflent témoins de la violence, eut la précaurion de jfaire donner un écu de fix livres au |fnifle , pour tenir les portes fermées pendant la cérémonie. Les parties fe ipréïenrèrent devant le prêtre , qui leur rit les interrogations ordinaires: mais , jquaud il demanda a la demoifelle De\lorme fi elle prenoir le fieur Rapally Jpour fon époux, elle répondit: Non , &C d'une voix afiêz haute pour être entendue. Ace mot,le beau-père indigné dit  242 Demande en cajfatlon. 3 la demoifelle Delorme, en s'approchant d'elle .: dij donc oal; a quoi elle ne répliqua que par un fllence profond qui confïrmoit fa première réponfe. Cependant, foit que le célébrant n'ait pu fe perfuader qu'elle fut venue a 1'églife pour faire une réponfe contraire au motif apparent qui 1'y avoit conduite , foit que, pénérré de cette penfée, il ait cru entendre ce qu'il fuppofoit qu'elle devoit dire, il acheva les auttes cérémonies du mariage *. mais run fait cerrain , dont les afliftants furenr témoins, c'eft que la demoifelle Delorme fe trouva mal, 8c fut obligée de s'affeoir pendant la Melfe. Dès que la cérémonie fut finie , elle youlut fortir de I'églife , pour fe difpenr fer de figner Padre de célébration. On eourut après elle, &, a force d'iaftances & de menaces , on extorqua fa fignature. Elle reprit le chemin de SaintCloud aufli-tot après , & toujours dans les mêmes carrofles de louage qui Pawoient amenée a Paris , fans avoit ave  2 j 6 Demande en cajfation un fonds de fermeté & de reiTources contre les événements de la vie , ne doit pas fuccomber aux mêmes menaces qui triompheroient d'une jeunefle timide & ignorante. On fuppofe auili, a 'plus forte raifon, que les femmes font plus faciles as'erfrayer que les hommes, paree que leur fexe eft plus foible ; & , par une fuite nécelTaire du même principe , o/U doit penfer qu'une jeune fille de feize ans, élevée dans la fimplicité de 1'obéiftance & du devoir, eft encore moins capable de réfifter aux menaces des perfonnes fous 1'autorité defquelles elle a vécu. C'eft la décifion de la glofe , fur le chap. xiv, de fponfalibus, en ces termes: minor tarnen metus magis excufat feeminam quam virum. C'eft aufli le fentiment de Covarruvias, dans le chapitre de matrimonio, tome premier, parr 2 , §.4, nomb. 15 & 16, oii, après avoir obfervé qu'il eft de la prudence du juge d'examiner quel genre de crainte peut déterminer un homme a contraster un mariage contre fon gré; il ajoute que cet examen ne doit pas fe faire avec la même rigueur pour une femme, que pour un homme , paree qu*elie n'a paa naturellement la même force. Judex  de Mariage. 257 ' : arbitrio proprio decernere debet non ito. anxïl , atque pitte hanc eligendi pru! dentiam exigendam e(fe infceminis , qui' I bus d naturk in eft minor animi vigor cor• porifque fortitudo. Sed confiderandum ' ejfe quidfcemina conftans eligeret 3 pen-I fata naturalifceminarum prudentid : ali\ Md enim cogeret fceminam, etiam conf\ tan tem, ad eligendutn id quodvir conf1 tans minimè eligeret. C'eft le langage de ce doóteur; & il I feroit facile d'en cirer d'autres qui aütorifeiu la même diftindion. Mais elle eft fondée fur le bon fens , &c il n'eft \ pas befoin d'autorité pour 1'appuyer \ I paree que routes les fois qu'il s'agit de Ijuger de l'irnprefïion qu'a pu faire la crainte dans un efprit, on confidère la qualité , 1'age , le fexe de la perfonne qui s'eft engagée par ce motif, aufli bien que les autres circonftances qui ont donné lieu a 1'engagement ; & jamais on n'a fuppofé , dans une fille de feize ans , la même force d'efprit que dans un homme. Mais cette confidération , quelqu'avantageufe qu'elle foit a la demoifelle I Delorme , n'eft pas néceftaire , on 1'ofe ; dire , pour le fuccès de fa caufe. La I crainte qui 1'a forcée a contraeter le ma-  15 8 Demande en cajTition liage dont elle fe plaint a été mife dans le rang de celles qui peuvent ébranlei Sc décerminer 1'homme le plus ferme t c'eft la crainte de perdre les biens 8c toutes les efpérances de fortune donc elle avoit lieu de fe ftatter. Une telle crainte, lorfqu'elle a un fondement raifonnable , produit la nullité de tous les acres qu'elle fait faire. Nous en avons une preuve bien fenfible dans le chap. abbas, au tit. de iis qua vi metuque fiunt. Un eccléfiaftique avoit été forcé d'abandonner fon bénéfice } par la crainte de perdre fon patrimoine. II s'agiftbit de fcavoir fi cet abandonnemenr étoit valable, 8c s'il devoit avoir fon exécution. Le pape décide qu'ayant cté fait par Ie mouvemenr involonraire d'une jufte crainre,qui étoit celle de Ia pnvanon des biens, il devoit etre réputé nul, 6c que le bénéfice devoit être rendu a celui qui en avoit été dépouillé par cette voie. Unie, quia qua metu & vi fiunt, de jure debent in irritum revocari ; mandamus quatenhs pradiclo , cum integritate , reftituas univerfa. Le motif de cette décifion eft confirmé par la glofe, en ces termes : Quod metus timijjionis rerum excufat \ & juftum eft ut ea revocentur qua tali me'u tradita funt; & juramentum non obftat.  de Mariage. 159 Or , fi un bénéficier, qui a etc dépouillé de fon bénéfice par la crainte de la perte des biens, eft autorifé, par les loix canoniques , a rentrer dans ce ! bénéfice, quand même il y auroit re: noncé avec ferment; on doit conclure, a plus forte raifon, qu'une fille qui a J été engagée dans un mariage contre fon | gré, par Fimprefliondela même crainte, | eft en droir de réclamer contre fon enI «ragemenr; paree que la difpofition in1 -volontaire d'un bénéfice n'eft pas , £ } beaucoup prés, d'une fi grande conféj quence que la difpofition forcée de l'état & de la liberté d'une perfonne. Auftiles docleurs regardent la crainte. I de la perte des biens comme un puiftant | motif de contrainte, qui fuftn toujours I pour opérer la nullicé d'un mariage d contracFé par ce motif. Covarruvias , I dans le même chapitre qu'on a cité , après avoir expoie pluüeurs cas ou la crainte qui fait faire un manage doit paffer pour légitime , s'explique en ces termes : Pradiclis adneeli potefi metum amijjionis bonorum omnium cadere in conflantem virum. La raifon qu'en rend ce doéfeur, c'eft que le bien eft la vie de rhomme, & que la perte de Fun n'eft guère moins redoutable que celle  2 douceurs dont jouit ordinairement une : jeune perfonne qui doit être riche uni jour, & qui n'attend que 1'age pour an étabüflement avantageux. 111'avoit flat-} tée d'une fortune coniidérable ? & 1'y; avoit préparée , pour ainfi dire , par i  de Mariage. ï6t toutes les aepenies qu n avcui j.ancs pour fon éducation. : Tout d'un coup, il fe préfente a lui un parti que 1'intrigue a menagé , 8c qui ne convient point a la demoifelle Delorme. Elle réfifte a la propofition qui lui eft faite; elle gémir, elle prie , elle fond en larmes , elle réclame les anciennes bonrés du beau - père. Rien ne le touche. 11 lui déclare impérieufement qu'elle n'a qu'a choifir, ou de pafier toute fa vie dans un convent, fans aucun fecours de fa part, ou d'accepter le parti qu'il lui a deftiné. Elle redouble fes inftances & fes prières: tout eft inutile auprès d'un homme que la préven- tion aveugle, & qui croit tenir, de fon opulence , le droit de commander au Eoeur. ] Peur-on foutenir qu'en eer état la demoifelle Delorme ait été libre ? Elle avoit véritablement la überté de pafter ttiftement fa vie dans un couvent, &C de la pafter encore plus triftement fans bien , & fans efpérance d'en avoir \ imais c'eft précifément le cas ou les loix décident que 1'horreur de cette penfée peut infpirer une jufte crainte, capable d'émouvoir 1'ame la plus forte: c'eft ce qui eft appellé par les doóleurs, metus  zm«tis tréforier de france. 11 ne;kii avoit point encore été propofépour époux ; Sc, dès la première nettveHe que fa mère & fois  de Mariage. 275 beau-père lui en donnent, ils lui décla- * ren: que la chofe étoit arrêtée, Sc que tout étoit déjd convenu entr'eux. A quels trairs reconnoitra-t-ora la contrainte , fi ce premier difcours n'en eft une ? On fcait bien que communément ce font les parents qui décident de i'établiflement de leurs filles , Sc qu'elles fe laiftenr marier pluröt qu'elles ne fe marient; mais les vues que les parents peuvent avoir , en pareil cas , font de fimples deftinations , Sc non pas des loix: ils les communiquent, du moins, a leurs filles , avant qu e de rien conclure ; Sc cependant, la première fois que la demoifelle Delorme connoic le fieur Rapally par fon nom Sc par fon état, on lui déclare féche ment qu'il va êtrefon mari, Sc que tout eft déja conclu. Ce n'eft pas, fans doute , en ce point que le fieur Rapally prétend trouverune preuve de liberté dans l'interro^atoire de la demoifelle Delorme. Sui,vons les induóHons qu'il a voulu tirer de quelques autres articies. On demande a la demoifelle D,flo-me, fi elle n'a pas enteudu la le.cture du contrat de mariale ayant cpie de Je figner; fi le fieur Rap.iI/y, a:rè^ avoir figné le premier , ne Jm ajgas pr,élcnfrc  ï-j(r Demande en cajfaiion la plume pourfignera fon tour, & (1 elle n'a pas figné agréahlemenr? Elle répond' qu'elle ne fcait pas s'lla été fait leéïuredu contrat de mariage, paree qu'elle refta dans fa chambre jufquau moment que le fieur Batiffe vint la chercher pour Jigner ce contrat. Ces premiers termes fonr connoitre cjue la demoifelle Delorme n'a peint enrendu lire Ie contrat de mariage , puifque , dans le rems qu'on en faifoit la leemte, elle étoit feule dans fa chambre , & qu'on n'eft venu la chercher qu'au moment oüila fallu figner. II eft Singulier qu'une fille que 1'on marie n'allifte pas a la lecfure de fon contrat de mariage: il eft encore plus extraordinaire, que , pendant qu'on le lit aux parents , elle demeure feule dans fa chambre , comme fi c'étoit une affaire qui ne la regardat point ; il eft inoui qu'en pareit cas , on n'ait fait venirprécifément la parrie intéreffée > qu'au moment oü on avoit befoin de fa fignature. Mais tout cela marqué une violence méditée, urt deftein fotmé de compcer pour rien fon confentement , pourvu qu'on vint a bout de la chofe. Dans la fuite du même article , elle dit ciue, dans le trouble oü elle étoit,  de Mariage.. 177 elle ne fcait qui lui donna la plume pour Jigner \ quelle figna le bas des pages , & d la fin du contrat, fuivant l'ordre quelle en recutdefon beau-père; quelle ne fe fouvient pas quily euc dyautres perfonnes dans la chambre que les deux notaires , le fieur Batiiïe & le fieur Rapally, fon beau-père bt fa mère ; qu elle étoit , pour lors , fi troublie, qu elle croit que fa fignature en-fera une preuve , ayant été faite d'une main fort trtmblante.. II faut, d'abord, obferver que, dans cet article, la demoifelle Delorme rend compte du- déguifement' affeclé des deux notaires ,. dontPun avoit été annoncé comme un architeóte qui venoit vifiter la maifon du fieur Dupin \ 8c l'autre s'étoit yéritablement donné pour noraire ; mais chargé feulement de venir paffer le contrat de vente de cerre maifon. II n'y avoit ni maifon a vifiter,, ni contrat de vente a. pafier : le faux architecte , le vrai notaire n'avoienr , tous deux , que la même profetfion 8c les mêmes vues. Ils venoient a SaintCloud , pour faire figner , par la demoifelle Delorme, le contrat de mariage qui avoit été dreffé a Paris. Pourquoi Pun a-t-il déguifé fa qualité , & l'autre le motif de fon voyage ?  2y8 Demande en cajjation C'eft qu'on vouloit furprendre la demoifelle Delorme , & lui bter le tems de la réflexion, en lui faifanc figner le contrat de mariage dès qu'on trouveroit le moment fayorable pour 1'y ofehger. Le fieur Rapally , par fon interrogatoire , n'a pas mé qu'il y ait eu du dégaifemeat dans la qualité des notaires; il a dit feulement qu'il ne fcavoit pas pourquoi. Mais on vient d'en marquer la caufe; & elle découvre des vues de contrainte qui ont commencé par la diftimulation & la fraude. Reprenons la fuite de l'article touchant le contrat de mariage. La demoifelle Delorme dir qu'elle 1'a figné en tremblanr , par ordre exprès de fon beau-père, & qu'on pourra jager de fon trouble par fa fignature. Le fieur Rapally prétend que le trouble donr la demoifelle Delorme* parlé eft un mouvement naturel dans ces occafions; qu'il y a peu de falies qui n'en éprouvent un feinblajble i lorfqtt'eUes s'engagent pour toute lear vie; que d'ailleurs, c'eft un ftgne équivoque , qui peut ê,tre produit par la ioie exczftive eCun kabliftement auqueloji 'ofoit préte :dre , plutot que par les in. uiétu.es & la peine d'un mariage dont n eft uL.rmé.  ie Mariage. 2.79 II y a plus de vanité que de prudence dans la réponfe du fieur Rapally. Ne croiroit-on pas qu'il s'agit ici du mariage d'une fille de néanc avec un feigneur du premier ordre ? II a pourtant eu la modeftie de déclarer, par fon interrogatoire, qu'il n'eft pas noble de naiflance , &c qu'il ne doir fon iiluftrarion qu'a fa charge de tréforier de France. Eft-ce-Ia un titre aflez éminent peur faite penfer que le trouble de la demoifelle Delorme étoit produit par la joie exceflive d'un écablifïement auquel elie n'ofoit prétendre? C'eft faire un .aveu public de la véritable caufei'de ce trouI ble, que d'en fuppofer un fi peu vrai: femblabïe. L'inducfion que le fieur Rapally a tirée de l'article fuivant n'eft pas plus 1 folide. On a demandé a la demoifelle l Delorme, fi, après la fignature du conI trat de mariage , elle ne joua pas de la . balfe de viole, pour marquer fa fatifI facFion & fa Joie. Elle a répondu qua1 pres la fignature du contrat 3 tous ceux qui étoient prèïents , & elle répondante > > aller ent fe promener dans te jardin jufqud i'fcuit heures du fair j que ce fut au retour : ie la promenade , que fon beau-père lui wdonna fa bafie de viole y pour l'engager üa en jouer-y ce quelle fit fi mal, que fon  z&o Demande en cajjaüon beau-père lui en fit des reproches ; qu'enfin le fieur Menijoua de fa bajje de viole; après quai on -a/la- fouper r,auquelfouper elle réponddnte affifla.- II femblequ'une perfonne qui fe met a jóuer de labafle de viole, au milieu d'une compagnie ,, n'eft-pas faifie de douleur ;.c'eft- 1'inducr.ion que le fieur Rapally tire de- ce fait.. Mais ,, outre | qu'il en coute móins a une perfonne plongée dans le chagrin, de jouer des. inftruments , que defoutenirune converfation qui lui dépla'it, il ne faut pas,, d'ailleurs ,,féparer ,,de ce fait indirferent, la circonftance eftenrielle que la demoifelle Delorme■ y a ajoutée ; c'eft que ce fut le fieur Dupin ,7 fon beaupère , qui alla lui-mème prendre une bafte de viole , Sc qui' l'obligea d'enjouer. II ne faut pas non plus omettre ce que la demoifelle Delorme rapporte, ace fujet ,quieft qu'elle en jouafi mal, que fon beau-père lui: en.fit des reproches. On peut impofer au public en lui préfentant des faitsrifolés Sc' fans circonftances. 11 ne faut que les revêtir de leurs particularités pour difliper 1'illu-fion. On ne croïroit pas de mème qu'une fille auroit foufFert beaucoup de con-  de Mariage. 28 £ traintè clans fon mariage , s'il paroiflbit que volontairement elle fe fut paree pour la cérémonie ; & c'eft aufli 1'avan- ; tage que tire le fieur Rapally des ornements avec lefquels-la demoifelle De- 'lorme s'eft préfentée aux fiancailles. IMaisj quandön voit qu'en demeurant . d'accord de la parure & desomements , elle a déclaré , en termes rres-clairs i que c'étoit fon beau-père qui 1'avoit fori cée.a paroitre dans cet état, pour donner une apparence de libertéa la contrainte la plusréelle; cetappareil de pompe ne ; frappe plus , & paroit une fuite du ; même efprit d'autorité & d'empire qui. a fait violence a la volonté. L'enjouement de la danfefembleexclure pareillement 1'idée de conrrainte du mariage dont il s'agit. Mais on re; vïent bientót de cette impreflion , en confidéranr que le fieur Dupin a voulu eacher la contrainte fous un air de fête;. aue la demoifelle Delorme ne pouvoit i l'empêcher de donner les violons aux ! gens du village; qu'il a fallu toute 1'au: toriré qu'il avoit fur elle pour la forcer d'étre préfente a cet exercice, & que 11 tout ce quelle a pu faire pourmanifef;ter fa répugnance a. celui qui en étoit ;l'ob|.et, a été de refufer conftammenc  282 Demande en cajfatlon de danferavecle fieur Rapally x comme, elle l'a die dans fon inrerrogatoire. • On fe fait un moyen coucre elle de s'ètre préparée a ce mariage par la confeflion: mais cette confeifion n'avoit, peint le mariage pour objet. La demoifelle Ddorme étoit dans la pieufe babitudede fréquenter les facrements: elle fut excitée a. ce devoir par une fète de laVierge au mois de feptembre. Sa mère , craignant qua cette occafio^ elle ne fit confidence de fes malheurs a fon confeifeur ordinaire qui étoit un Capucin , la mena elle-même au fien , qui étoit le prieur des Jacobins de la, rue Saint - Honoré , & lui défendir exprelTémenr de lui parler du mariage. La demoifelle Delefme exécura ce que fa mère lui avoit ordonné : elle fe confelfa, dans la vue de la fète, fans communiquer le projet de fon mariage a ce nouveau confefleur: & auili tot après , la mère voulant que cette co'ifeftion tint lieu de celle. qu'on. a coutume de faire avant que. de fe marier, demanda au confeifeur un certificat pour fa fille ; & le confeifeur lui en donna un. Quelle :.,4„a-V^ii npiir.nn rirer de ce fait. lorfqu'il eft expliqué dans fes véritable* circonftances ?  de Mariage. 18 j La demoifelle Delorme , dit - on , s'eft pre'parée d recevoir le Sacrement de mariage par celui de la Pénitence ; elle ne pritend pas avoir répandu , dans le fein du dirccleur , fes peines & fes amertumes , avoir imploré fa charité pour fiéchir la févéritc de fa mère: tout s'eft doncpaffe dans une parfitite tranquillite; Pour tirer- cette conféquence , il a fel Ui fnppofer que le Père Jouin, a qui la demoifelle Delorme s'eft confeffée , étoit fon directeur ordinaire; Sc cependant elle ne le connoilloit point: il ne Pa confeffée que cette feule fois ; Sc ce n'eft ni par fon propre choix, ni par Peffet du hafaid qu'elle s'eft adreftee a lui; c'eft fa mère qui le lui a indiqué y & qui Pa mence dans la chapelle oü il coruefioit. Eft-il furprenant qu'elle n'aic pas confié fa firuation a un religieux qui lui étoit inconnu, Sc a qui elle n'avoit jamais parlé ? Si on lui eüt laifte la liberré d'aller a fon confefleur ordinaire, elle auroit pu profiter de la connoiffance qu'il avoit-, depuis lotig-tems , de fa confcience Sc de fon cceur, pour faire des remontrances a fes parenrs fur la contrainte qu'ils vouloient impofer a fa volonté: mais elle n'avoit pas la même coniance, ni la même ouver-  284 Demande en cajfatiori ture de cceur pour un inconnu a qui elle' fe confelloit pour la première fois, dont elle n'avoit pas encore éprouvéles attentions ni Ie zèle. D'ailleurs,. elle étoit allee a 1'églife avec fa mère qui ne la perdoit point de vue , 8c qui, lui ayant recommandé de ne point parlsr de fon mariage a. ce nouveau confef¬ leur , auroir ere rres - prquee contt elle Ü elle ne lui eut pas obéi. La peine de découvrir un pareil fecret a. un confeffeur nouveau qui n'avoir pas fa confiauce, la crainte dedéplaireaune mère qui avoit toujours les yeux fur elle, Sc qui 1'avoit menée elle-même a ce confeifeur, de peur qu'elle n'allat a Tanden; voila le motif du filence qu'elle a gardé en cette occafion; Sc quand on voudra bien entrerdans ces circonftanees , on trouvera certainement qu'il n'eft point de fille de fon age qui, avec la même éducation Sc la même cimidité , n'eüt pris le même parti. Mais , objecte-t-on , s'il étoit vrai que l'interrogatoire de la demoifelle Delorme ne lui fit aucun préjudice ,comme elle leprérend, pourquoi auroir-elle fait des proteftations Sc des réferves après 1'avoir fubi? L'acte qui les contient a été apporté tout écrit a  de Mariage'. 285 2A. Pofficial, qui les a fait rédiger a la fuite du premier interrogatoire; Sc , par cet acte, il paroir qu'elle a protefté contre les réponfes qu'elle pourroit avoir faites au préjudke de fon intérêt Sc de fes droits. L'avantage qu'on prérend tirer de cet écrit n'eft du encore qu'a l'adrefiequ'on a eue d'en divifer le lens Sc les termes. La DUe Delorme n'a point protefté contre les fairs de violence dont elle avoit rendu compte, mais feulement contre ce que Ja timidité naturelle , fan peu de mémoire , ou le défaut de p.ouvoir s'énoncer, auroit pu faire inférer dans fon int-errogatoire au préjudice de fes droits. Une femblable proreftation, loin de détruire les faits avancés , n'eft qu'une réferve d'en articulerdenouveaux; Sc en efter, la demoifelle Delorme commence par .dire , quelle perfifle dans les faits de fa requête, fans préjudice , ajoute-t-elle , de ceux quelle fe réferve de mettre en avant, s'il y echet, dont elle entend faire preuve. Eft-ceJa, de bonne foi, une prote.ftation qui détruife 1'interroga* toire ? Qu'on fe mette , pour un moment, .a la place de la demoifelle Delorme, Une fille de feize ans, fans expérience,  •i.'Zé Demande eneaffatïon fans la moindre teinture des affaires ï vient de fubir un interrogatoire dans une conteftation qui doit décider da repos de route fa vie; eile appréhende de ne s'être pas aflez expüquée fur la contrainte dont elle fe plaint ; elle •craint, ou de n'en avoir pas aflez dit par la foiblefle narureilement atcachée a fon age & a fon fexe, ou d'avoir aftoibli ce qu'elle a dit par des motifs de confidération & de refpeót pour fa mère ■&c fon beau-père. Dans cette perplexité, elle fe réferve de fuppléer a ce qui a été omis dans fon intérrogatoire; eile per-fifte dans les faits articulés par fa première requête; elle fe réferve le droit d'en articuler d'aurres dans la fuite 5 elle -dédare qu'elle entend en faire la preuve. Y a t-il rien, dans tout cela , qui ne foutienne 1'objet Sc le caraclère de fa demande ? Une preuve bien fenfible de fon intention, a cet égatd , c'eft qu'immédiatement-après fes rcfetves , elle dit qu'ayant perdu fon père en très-bas dge, ellea regarde'leJieurD^'m comme fon propre père , & a fentïpour lui les mêmes afftclions de bienfeance ; de crainte, & de refpeB. ; quelle na fignè le contrat de mariage}-étéaux fimfailles &'dTa celér  de Mariage. liy f Iration, figné facie, couché avec IeJieur Rapally , & jou quelques autres démarches extérieur es , que parjorce, violence, ó pour éviter dêtre mije hors de la maifon de fon beau-père , & paffer le refle de ■fa vie dans un couvert , comme elle en 'avou eté menacée par lui; & empêcher qu'il n'en arrivdt au.ant d fon f ète , & que fa mère n'tut plus les mêmes ag,éments qu'elle ovoit avec le fieur Dupin , attei.du cu'il je nietten dans des vivacités ex'raor dinains remplies de menaces contre elie& contre ja mère, quand ilvoyoit leur réfiflance d ce mariage; qua l'égard dece qui a dépendu de fa propre volonte,t elle s'en efi Jtrvie pour dire non , lors de la cé éhation, & pour fout refufer au ■ fieur Rapally , jujqu'd la moindre honnêietê, ne l'ayant jamais reconnu pour ■fon mari. Cet acTe , que 1'on qualifiera , fi 1'on veut, de proreftations, ou de réferve, p donna ent ore un nouveau poids aux i motifs de contraintequi ont dérerminé, dans eette oceafion, les démarches extérieures de la demoifelle Delorme. On voic que 1'intérêt de la mère & celui du I fils n'enrroienr pas meins que les pro- pres intéréts de la fille dans les motifs de crainte qoioat donné lieu au mariage  288 Demande en cüffadon dont il s'agit. Cette fille infortunée, aflez effrayée dé ja.de tout ce qu'elle avoir a craindre pour elle-niême, par la perte de 1'amitié & des .biens de fon beaupère , voit encore fon frère en danger detre éloigné comme elle de la maifon , Sc enveloppé dans la mème difgrace: elle -voir, de plus, fa mère ex-j pofee aux vivacités Sc aux emportements de fon beau-père , fur ce qu'il la foupconnoit de favorifer fa réfiftance, Tohs ces puillants motifs de crainte £ foit pour elle-même, foit pour fa mère Sc fa familie , confpiroient enfemble contre la liberté de fon choix; Sc quelle eft,onne dit point la hlle de feizeans, mais la perfonne la plus expérimentée & la plus ferme , qui n'eüt fuccombé a tant daftauts? On oppofe que, par le même ïnterrogaroire, eile eft demeurée d'accord qu'étant fortie de la chapelle oü le mariage avoit été célébré, fans figner 1'acle" de célébration , le fieur Baüffe courut après elle, pour la faire revenir fur fes pas, Sc qu'éranc renrrée dans cette chapelle , elle figna volontairement; ce qui marqué, dir-on, de fa parr, uneapprobation réfléchie de ce qu'elle ayoitfam, Cette objeétion trouve fa réponfe , comme  de Mariage. feornme toutes les autres, dans Iespro: pres termes de l'interrogatoire. On a ttemandc a !a demoifelle Delorme fi , après la célébration du mariage , die en avoit figne 1'acfe dans Ie regiftre de Ia paroi(fe,& fi quelqu'un PaVoit forcée de figner ; voici fa réponfe; a dit3 qu% près la célébration de fon prétendu manage ; elle s'en alloit avec fa ml re, & un des témoin's qui lui donnoit la ma)n nefefouvitntplus lequel; au'étant fortle de la chapelle , IcfieurBautTe l'alné courut après elle répondante , pour lui dire qu'il falloit abfolument figner; au'au ffitot elle retourna fur fis pas , rtnira dans la chapelle, &figna , fans que perfonne lui au pns la main pour la forcer defi- Des termes de cette réponfe, il réfcke évidemment que, dVoord, ia demoifelle Delorme. forti t de la chapelfe, fans avoir figné Pafte de célébration ; ce qui prouve ie peu d'envie quelle avoir de le figner: car ce nelt point par inattention , ni par ollD]i qu'on négligé , fur un point fi important , une formalité fi nëceffaire. Le heul" UUB:n S annPTrnr ,-im' J! • \f.f r' r r r "-"f.ivoit C1U- paru lans figner: il envoya aulfi - tot après elle le fieur Badjfe, pour lui dire Tome XV. ^  2,90 Demande en cajfaticm qu'il falloit abfolument figner. Ce terme abfo'.ument, qui eft un eerme d'autorité & d'empire , ne marque-t il pas une fuite odieufe de contrainte ? On ne dit point a la demoifelle Delorme : vous avez oublié de figner, venez merrre votre fignature fur le regiftre : on lui dit defpotiquement: il faut abjolument figner. Et en préfence de qui lui prononce-r-on cet arrêt? En préience de fa mère qui étoit avec elle, & qui 1'oblige de retourner fur fes pas pour la fignature qu'on lui demandoit. Peuten dire, dans ces circonftances, qu'une telle fignature ait été libre? Ce qu'il y a en de libre , de fa part, c'eft le premier mouvement qui 1'a portée a s'echapper fans avoir figné. Le refte eft une continuation de violence qui augmente le tort de ceux qui en font les auteurs, mais qui doit artirer la compaflion du public fur celle qui es a été la victime. Que fert, après cela, d'oppofer que, pendant la cérémonie , la demoifelle Delorme tint fa main dans celle du fieur Rapally \ qu'il lui mit l'anneau au doigt, $C une picce d'or dans la main ? Tmut 1'appareil extérieur du mariage a été ,-' fans' doute, rempli: il y a eu un contrat,  ■de Mariage. 5.91 des fiancailles , une célébration appaïente; & , s'il n'y avoit point eu de célébration , 011 n'auroit pas eu befoin -de fe pourvoir pour ia faire déclarer aiulle. Toutes les cérémonies ont été obfervées■: mais que fervent les cérémonies dans un mariage , lorfque le •-confentement, qui en a fait 1'effence , ne s'y trouve pas? En vain on objecre Ce fait ne fe foutient que par la hardieffe qu'il a de le débiter. C'eft pourtant fur lui que tombe la néceftité de la preuve, puifqu'eu général on eft obligé d'étabür c"e qu'il avance , & que dans le cas particulier, le fecrer du miniftère fait préfumer le contraire de rout ce qui eft avancé, a cet égard, par le fieur Rapally. On n'en dira pas davantage fur nn fait qui fe détruit de lui-même faute de preuve , & qui laifte fubfifter , dans; toute fa force , 1'inducFion que la demoifelle Delorme a tirée du modèlequt luia été préfenté par fa mère, & au quel les mêmes impreffions d'antorité & de violence 1'ont obligée , malgté elle , de fe conformer. Mais, dir-on, Ie mariage dont il s'agit aété confommé. Le fieur Rapally a pafte dix -fepr nuits avec la demoifelle Delorme : comment s'imaginer qu'il n'y a point eu de confommation dans ce long efpace de tems ? II faut, d'abord , retrancher cette longue fuite de nuits dont le fieur Rapally fe fait honneur. La demoifelle Delorme n'en a pafté que cinq avec lui; & il eft vrai que, fi on en mefuroir le  de Mariage. 297 tems par tous les maux qu'elle a foufferrs, elles pafferoient, dans fon efprit, pour un fiècle : mais , dans le vrai, elle n'a couché que cinq nuits avec lui "en différents rems, & elle ne fera pas embarraffée d'en avoir la preuve. II faut aulTi demeurer d'accord que la confommation du matiage ne forme poinr de fin de non - recevoir , lorfqu'elle a eu le même principe que la célébration, & qu'elle n'eft due qu'a la force & a la contrainte. Le fieur Raoally convient lui-même de ce principe: qu'un homme emporté , dit-il , tenant un poignard d la main „ Contraigne une femme de céder d la violence de fes defirs , cette confommation , fans doute , ne paffera pas pour un acquiefcement libre. Voila en quels termes il s'explique \ & cet aveu lui óteroic tout 1'avanrage qu'il a voulu tirer de la prétendue confommation,quand même elle feroir vérirabie; paree qu'il fe trouveroit précifémenr dans le cas de 1'homme emporté dom il parle , puifqu'ii avoit un poignard feus le chevet de fon lit, & qu'il en mena^oit continuellement la demoifelle Delorme , fi elle ne fe rendoit a fes defirs. Elle a eu le courage ou le bouheur de réiifter , pendant les N v  298 Efemande en cnjjadön cinq nuits qu'elle a. couché avec lui». Peut être n'auroit-e.lle-pas été affurée de réfifter de même dans la fuite , fi elle ie fik mife plus long-temsa cette épreuve.. La violence fe porte quelquefois a des, excès auxquels on ellforcé de fe rendre. Quai qu'il en foit, il n'y a point.eu. de.confommation. La demoifelle Delorme fe foumet a routes Jes éprenvesqut. peuvent en. faire juger.. Le lieux Rapct.fy Pa mênieavoué a plulieurs perfonnes; dignes' de foi j Si , par une requête précife,.on a demandé la permiilion d'en fairapreuve. II n'allègue aujourd'hui ie contraire , que paree qu'il foutienr d'av.oir pafle dix-fepe nuits avee elle, Sc qu'il s'imagine qu'il lui feroit honteux. de.-n'avoir pas feu m§rtre a profit tanö de-nuits palTées-avec une. jeune perfon? ne.. 11 prend Ie. fait: dans fes fouhairs ,. &: la preuve dans fon amour propre. On, ne. répond. point au. prétendm danger des conféquences.. Le public ne dbit": pas craindre. qu'il fe. trcrave des: liommes affez imprudents pour époufer, dks,filles-.malgré elles, par les feuls ef~ ferts. de Ia- violence Sc des menaces ; &c aaiden trouvoit-, on ne pourroit refu-fer: aux, filles, qui; auroientéti engagées garL.cette.ysie.Vjles;mêmes-fecou>rs qu4É  de Mariage.- 299 Ia demoifelle Delorme a lieu d'efpérer de la juftice. Bien loin que la religion foir iwtéref: fée a faire fubfifter un mariage qui pêche dans- fon effence , faute de confentement , elle eft incéreflee , au contraire, a ne pas fouffrir que des parents avides-de biens, & peu fcrupuleux fur la vocation, abufenr de leur autorité pour jetter leurs filles- , malgré elles ,.. dans des engagements qu'elles détef; tent, & qui n'ont jamais que de triftes . fuires. Rien ne demande une liberté plus entière, que le facrifice même de la liberté. Tel eft 1'efprit de l'églife , rel eft le vérirable intérêt du public., Ces deux objets font également pré: fenrs aux yeux des juges qui' doiventdccider la conteftation. M-. Terrajfon, en finiftant, s'aurorifa-. d'un arrêt qui fe trouve aujournal des-: audiences. J'en rapporterai les circonftances : il eft curieux & inréreiTanr. Jeanneie Tourneuxèxoït née a Laval.Sa* . mère, après le décès de fon mari, fur 1 élue rutnee de fes enfanrs, tranfporra1. fbn domicile a VannesenBretagne', SC emmena-, avec elle , Jeanne fa-fille 3, !; alors agée de dix- feprans.- Un- nommé Fréarr recHefcria: cette; N-vji  joo Demande èn cajjation fille en' mariage» L'article 497 de la coutume de Bretagne , potte que « le »père étant décédé, les mineurs de » vingt - cinq ans voulant contracter » mariage , feront tenus requérir , &£ » avoir le confentement de la mère _, » tuteur & proches parents, avec 1'au» tori té de juftice ». Cette autorifarioti de juftice s'appel'e . dans Ie pays, décret du juge. Celui de Vannes donna ce décret , parleque! il ordonna , enpréfence de la mère, Sc de quelques parents., qu'il feroit palfé ourre a la célébration du mariage C'étoit dans le rems de 1'avent; en conféquence , on obtint, le 14 décembre 1650 , difpenfe , §c du tems , & de deux bans, a la cbar^e de faire publier le troifième. Le dimanche , 18 du même mois , k deux heures après minui:, le mariage fut célébré par le curé, fans avoir été ptécédé d'aucun conrrar» Trois mois après cette célébration , Jeanne le Toumeux rendit plainte devant le juge royat de Vannes contre fon mari , demanda d'êrre féparée de biens & d'habitation \ & déclara néanmoins que, fi fon mari vouioit la tratter plus humainement, elle retourneroit avec lui.  de Mariage. jol Le juge répondk certe piainre dknè ordonnance, portam qu'elle retourneroit avec fon mari, auquel il enjoignit de la traiter maritalement. Cette fentence ne fut point exécutée. Jeanne le Tourneux alla, de nouveau , s'ctablira Lnval, avec fa mère. Cenouve! établilfement ne fut pas de longue durée ; elle vint a Paris , ou elle pric une habiration avec le fieur Bigot, fécrétaire du roi- Ils demeurèrenr trois ans enfemble, Sc eurent un enfanr-, que Bigot fit baprifer fous fon nom. Ils fe marièrenr en 1657 , dans i'églife de Saint G'ervais , avec toutes les formalités prefcrites, Sc en prélence du propre curé. Peu de tems après, le fieur Bigot envoya fa nouvelle époufe a Vannes .pour faire annuller fon premier mariage. Elle fit aifigner Fréart pardevant Pomcia! de cerre ville , foutint que le mariage qu'elle avoir contraóté avec lui étoit nul, étant le fruit de la force Sc de la violence. Fréart déclara qu'ü lui étoit indifférenr que le mariage fubfiiiat , ou qiPil fur déclaré nul. Mais il foutint qu'il n'y avoit eu ni force ni violence. Qu'il eft vrai que , lors de la célébration 3  joi Demande en eajjdüon il écoic pris de vin , & que le ma*- riage ne fuc point eonfommé. L'ofKcialoEdonnaqueyea/2/z£ le Tourneux feroit preuve des faits de violence qu'elle avoit articulés; fauf i. Fréart m faire preuve du contraire ,. Il bon lui fembloit. Elle fitfonenquête,delaquelleréful'ra» la preuve dela violence qu'nne tante lut avoit faite ,. pour 1'obiiger a époufer Fréart. Elle fe contenta de cette pièje 'r &c, fans pourfuivre le jugement définirif, elle s'en. revint a Paris ,;trouver le fieur Bigot. Mais elle tomba dans un embarrasbien cruel. Le fieur Bigot ne voulut point la recevoir, ëc lui refufa même Pentrée de fa maifon ;. enforte qu'aprèsavoirépoufé deux. maris, qui vivoient tous les deux, elle fe trouva n'en avoir aucun.. Le fieur Bigot ne s'en tint pas au refus de la recevoir & de ia reconno'itre , il la fit afllgner a l'officialité de Paris-, Sc déma'nda que le mariage qu'elle 1'avoit' induita contrader avec elle fut déclaré. nul, attendu. qu'il avoit ignoré. celui', qui la lioit avecFréart ,.qu'il n'avoit. appris que depuis peu qu'il yeut infrance en 1'oiticiaiité. de. Vannes pour.'  de Mariag*. yoj; raifon de cette première alliance; & queeette inftance étoit encore indécife. Cerre déclaration fitentendre al'official de Paris, qu'il ne pouvoirftatuer fur le mariage entre le fieur Bigot & Jeannele Tourneux, fans avoir la preuvedes faits arriculés. £n conféquence, il erdonna que le fieur Bigot juftifieroic de Pinftance pendante a Vannes. Les pièces de la procédure furent rapporrées , & mifes fous les yeux de. Pomcia! de Paris, qui, par une feconde fenrence , ordonna qu'avant qu'il prolioncatfar le forr du fecond mariage,, les parties feroient diligence, pour faire juger. i'inftance pendante en PofEcialité de Van nes. Le (ieur^/c-orinterjetta appel comme d'abusde ces deux fentences , de la célébration de fon manage, & de la procédure faire a Vannes, en ce qu'il avoir été ordonné que Jèanne le Tourneux feroit preuve par rémoins des fairs de fosce & de violence qu'elle avoit mis. en avant. Jean Fréart inrerjetta aufti appel: «omme d'abus de la fenrence de Póffi*ial de Vannes qui permettoit la preuve. partémoins des faits de force & devio.knce: &, parune.requêtepréfentée au,  304 Demande en cajfatlon parlement, il demanda que Jeanne ie Tourneux , attendu fa mauvaife vie , & Padulrère qu'elle avoir commis, fut rafée & mife dans un cleitre , pour y pafTer le refte de fes jours. On difoit, pour le fieur Bigot, que Jeanne le Tourneux avoir contracte un premier mariage qui fubuttoii encore avec Fréart, Sc.qu'ainfi, elle n'avoit pu en contracter un fecond , tant que le permier n'étoit pas annulié, Mais que, pour lui , il n'ëroit pas coupable de cette bigamie, puifque, quand il avoit é.-oufé cette femme, il étoit dans la bonnefoi, ignorant qu'elle fütattachée par un premier Hen. 11 y avoir donc abtis dans le mariage contre lequel il réclamcit. A 1'égard de la fentence de 1'official de Paris, ce juge ayant vu, par les pièces qui lui avoient été préfentées , la preuve du premier mariage, il auroit du prononcer deünitivemeur fur la nulli té du fecond. Ces pièces juftifioienc que ce premier mariage avoit.été célébré par le propre curé, avec une difpenfe réguliere du tems & des bans , en préfence, de la mère de Jeanne le Tourneux , de fon oncle & de fa tante, & fous Pautorité du juge qui, fuivant  de Mariage. 3°$ la coutume de Bretagne , avoit déctètè le mariage. La preuve contre des aótes aufli authenriques & auili gérninés n'étoitdonc pas recevable , & étoit contraire aux difpofitions du droit écrit & de l'ordonnance. D'ailleurs la cohabitarion de Jeanne le Tourneux avec Fr art étoit une forte ' de ratification du mariage, qui faifoit difparoitre toute idéé , toute fufpicion de violence & de contrainte. La procédure de Vannes fourniftoit (encore une fin de non-recevoir contre la demande en preuve de force & de violence.Peu de tems après fon mariage avec Fréart, Jeanne le Tsurneux avoit ! préfenté une requête au juge royal de Vannes, par laquelle , quoiqu'elle fe plaignït des mauvais trairements de fon mnri , néanmoins elle avoit offerr de retourner avec lui, pourvu qu'il la trai- ;tat maritalemenr j ce qui avoit été or- . donné. Le premier mariage avec Fréart eft :donc conftant & légitime. La preuve en avoit été mife fous les yeux de 1'official de Paris. Jeanne leToumeux n'avoit donc pu en contracter un fecond , du ivivant de fon mari:ce juge auroit donc  Demande en cajfadon dü prononcer la nullité de ce fecond mariage. Fréart , qui avoit demandé que Jeanne le Tourneux fur rafée ck enfermée aux magdelonnettes, pour y finir fes jours, appuyoit fa demande fur ce que cetre femme étoit convaineue d'adultère ; qu'elle fe reconnoifToit même coupable de ce crime , puifqu'elle avouoir qu'elle avoit babitéavec le fieur Bigot, dont elle avoit eu un enfant, nonobftant fon premier mariage , qui avoit été célébré dans les formes prefcrites par les loix canoniques & civiles» Jeanne le Tourneux foutenoit la validité de fon fecond mariage, en difant que ie premier étoit nul, puifqu'ii avoit pour principe la contrainte & la violence. Elle s'étoit pourvue contre cetre première alliance \ & l'inftance étoit encore pendante & indécife en 1'ofriciaïité de Vannes. On ne pouvoit donc pas, dans cette incertitude, déclarer le fecond nul., puifque fi , par 1'événement, le premier étoit anéanti, le fecond , qui avoit été célébré avec toutes. les folemnités requifes, étoir valable.. 11 falloit donc , avanr totites chofes. , ftatuer fur le fort du mariage qu'elle avoit comracté avec Fréart , ik réglec  de Mariage,. j-07 sll y en avoit un premier, avant d'anrmller Ie feronri. L'ofricial de Paris avoit donc eu raifon d'ordonnet que les parties feroienr juger Pinftance pendante a Vannes. Ainfi Fréart, ni le fieur Bigot n'étoient recevables a eninterjetter appel comme d'abus, puifque, fuivant la difpofition des loix , au titre de ordine cognitionum, au code , les actions préjudiciables dotvent être jugées avam toutes chofes. 11 eft donc indubitable qu'avant de pouvoir donner atteinte au fecond mariage de Jeanne le Tourneux , il étoit néceftaire d'examiner & de faire juger la validité du premier conrraóté en. 1650 , avec Fréart. Car fi celui-ci étoit nul , il n'a pu former aucun obftacle au fecond. I.itispendentia fuper matrimonium non impedit fecundum matrimonium contrahi , fi primum erat nullum* Cap. 18, ex. de fiponfialibus. Or, le premier mariage contraóté avec Fréart étoit nul, paree que Jeanne le Tourneux n'y avoit pas confenti; Sc il étoit prouvé que fa tante avoit ufé deviolence Sc de contrainte. Le fecond mariage étoit donc légitime , puifque le premier n'exiftoit pas. II y a deux fortes de nullités en fait  joS Demande en cajfation de manage \ riullité dans la forme , qui eft de droit pofitiCj & uuHiti, par le défaut de matière . qui eft de droit divin. L'églife peut bien confirmer un mariage nul par défaur de forme,- mais non pas quand il eft nal par défaut de matière. Ainfi le premier mariage de Jeanne le Tourneux ayant manqué par ce qut eft eflentiel } c'eft-a-dire , par le confenrement, il eft nul d'une nulliré que rien ne peut fuppléer, Sc que nulle autorité ne peut réparer. 11 faut donc le conlidérer comme n'ayant jamais exifté ; d'autant plus que Fréart étoit convenu que , lors de la célébration de ce matiage , il éroir pits de vin , Sc qu'il ne fut point confommé. Le nem Bigot eft donc non-reeevable dans fon appel comme d'abus. M. Talon , avocat général, qui porta la parole dans cette caufe , remarqua que les moyens d'appel comme d'abus du fieur Bigot n'étoient aucunemenr conlidérables. Premièrement, a 1'égard des fentences de l'ofricial de Paris , ce juge ne pouvoir fe difpenfer d'inftruire fa rejigion par la première 6c la feconde fentence. Par la première, il a reconnu la vérité de lalitifpendance, pour raifon  de Mariage. 309 du premier mariage , qu'il ne pouvoit évoquer; il a vu que le premier mariage 11'étoit point de fa compétence , qu'-ainfi il ne pouvoit prononcerdéhnitivement fur la validité ou nullité du fecond mariage , jufqu'a ce que 1'inftance pendante pardevant 1'ofïicial de Vannes tut terminée: & s'il avoit jugé autrement, fa fentence feroit abuiive. II n'y a point non plus d'abus dans la fentence de 1'official de Vannes , qui ordonnela preuve par témoins des faits de violence; paree que c'eft une matière de la compétence de 1'églife; c'eft un facrement; & il n'y a point de doute que la preuve du fait des talents. Elle plut au fieur Rapally, qui fe porta avec ernpreffément a conclure le mariage. . On lui fit entendre que cette affaire devoit être conduite avec beaucoup de fecrer 8c de myftère , paree que la demoifelle Delorme étoit recherchée en mariage par des parris canfidérables y qui pourroient traverfer celui que Pon projettoit. Cette conduite qu'on lui «referivoit, ne lui coüta pas. Sc^d'ailfeurs un homme amoureux fe prête facilement a tout ce qui doit lui afFurer la poJfelfion de Pobjet aimé..  de Mariage. 119 Les fieur & dame Dupin étoient alors a une maifon de campagne prés de S. Cloud. Le fieur Rapally fut conduic chez le fieur Batijfe a Boulogne d'oïi il fe rendit, avec lui, a Saint-Cloud. Les conventions furent bientót arrêtées , ainfi qu'il eft d'ufage : k demoifelle Delorme en fut inftruite : elle recut le fieur Rapally, non -feulement fans indifférence; mais même avec 1'enjouement ordinaire i une perfonne de fon age. Le contrat de mariage fut fignc 1c 3 feptembre, en la maifon du fieur Dupin , qui donna, en dot, 100,000 1. en contrats fur la ville , & une maifon fituée a Paris , rue des bons-enfants , louée alors 5 000 livres, & dont on n'a, retiré, depuis, que 2 500 livres par an» Ce contrat fut fuivi d'une promenade dans lejardin, d'une fymphonie , &c d'un fouper, ou Pon fit éclater , de toutes parts, une joie réciproque. La demoifelle Delorme avoit elle-même joué de la baffe de viole dans 1'aprèsmidi. En un mot, tout fepafla avec les> marqués les plus fenfibles de fatisfaction. Celacontinua jufqu'au 9 feptembre, que 1'on fe rendit a Paris pour les fianO iv  3,io JDemanièen cajjatlon cailles qui devoient être faixes a Saint, Euftache le foir, 8c être fuivies de la bénédicrion nuptiale la nuit du 9 au io. La demoifelle Delorme fe préfenta a toutes ees cérémonies fans trouble , fans agitation, 8c y donna un parfait confentement , en préfence du fieur Pain, vicaire de la paroifTe SaintEuftache. Un miniftre ft fage 8c fi inftruit des régies n'auroir pas uni, par le facrement, une perfonne en qui il auroit rernarqué la moindre contradietion. Aufli la dame Rapally a-t elle figné 1'acte de célébration de mariage , 8c rempli rout ce que Ton pouvoit attendre d'uneperfonne qui agifloit'en pleine liberté. En fortant de Téglife , Ia dame Rapally retourna a Saint-Cloud avec la dame Dupin fa mère, 8c le fleur Dupin, fon beau-père: elle fe coucha en arrivanr. Le fieur Rapally s'y rendit, de fon coté, quelques heures après. La joumée fe pafla en fêtes 8c en réjouiffance.. Pendant le fouper, qui termina la journée, la dame Rapally fur conduite par fa mère dans la chambre deftinée pour la confommation du manage. Le fieur Rapally s'y rendit bien-töt auprès de fon époufe : ils couchèrent  de Mariage. $l i enfemble, & le mariage fut confommé ( avec toute la fatisfaction que les deux époux pouvoient efpérer. Tout fe rëfféntit, les jours fuivants, 1 de ce contentement réciproque. Tous les jours, les danfes Sc la fymphonie fe jpignoienr aux autres plaifirs. La dame Rapally y prenoir plus de part que perfonne : elle étoit dans un age ou Tori' ne refpire que joie & dilfiparion^ Les chofes demeurent dans cette fïj tuation , jufquau 27 feptembre. Le fieur Rapally venoir quelquefois a Paris. 11 y demeuroit peu. Ce fut dans un de ces intervalles qu'il recut la lettre de fa femme, que Pon eft obligé de tranfcrire, pour faire connoitre dans- quel fentiment elle étoit alors. Comme je ne fuls pas encore aceoütu<\ mee 3 mon cher mari, d écrire aux mefJieurs, je ferai plus embarraffée que vi m d m'exprimer fur le papier ^e lefirai de - bouche , quand j'aurai Phonneur de vous: voir, & de vous témoigner que je fui& très-parfaitement votre mignone 11 eftfacile decönceVoirqu'üne j^ufiïP femme ,qui écrivoic dansjes- u-tmes .. O'v m  ££ i<. Demande en caffaüm fl tendres, ne donnoit que de noüvelies marqués de fatisfaction a fon mari lorfqu'il étoit de retour , & qu'elle étoif même plus vive Sc plus éloquente enfa préfence,. que fur le papier , peur fe. fervir de fes termes. Aufli, depuis le xo julqu'au 27 feptembre, le fieur Rapally a couché quinze nuits avec fa femme ,. Sc a toujours également eu: lieu de fe louer de fa tendrefl'e. C'eft- ici oü 1'otage commence. ib fe former, Sc oü une main ennemie vai xépandre, furies jours de ces nouveau», époux , autant de trouble Sc d'amertume, qu'ils avoient:jufques-lagoütéde. douceurs Sc de fatisfaction. On ignore les caufes d'un événement fi.imprévu. Peut - être le fieur Dupin n'a t-il pas. crouvé les refiources qu'il avoit efpéré. dans la fortune. du fieat Rapally, peut.etre un ennemi jaloux a.- t - il répandu. dïinfames foupcons; peut-être mcra« la Fëgéreré naturelle a-t-elle dégoüté h demoifelle Delorme; ou quelqu'un 1'atfil. féduite par des difcours enchanteurs..N'appEoroudiftbns point.cesmyf* ,sètfis ,. &.epntentons - nous de rendre; 'compte. des démarches qui ont été pur 'büqpes.. %sSitixi,Ropally pjopofavde 17 ftffi*:  * ie Mariage.- j. tembre, a fa femme, de venir a Paris », - pour y demeurer avec lui. Elle lui fit , enrendre qu'elle feroit bien aife de paffer encore quelques jours a la campagne: , il y confentit. II fe rendit feul a Paris^ Mais, le lendemain , il fut fort furpris; d'apprendre qu'elle étoit revenue, avec fa mère & fon beau-père , & qu'elle-' étoit reftée chez eux. II fut leur rendre vifite : il preffa fafemme de re venir chez lui. Elle s'excu- i fa , tantbt fur un prétexte, & tantbt fur un autre. Le fieur Rapally eommenga& concevoir de Pinquiétude, 8c ptia le' fieur Mini , notaire ,• de vouloir bieiï parler, pour faire ceffer une féparationj : qui commen$oita excirer une efpèce de- I fcandale. Le fieur Méni fe chargea dela commiffion. La dame Rapally 8c fai mère lui répondirent qu'elle n'avoit pas.; recu aflez de pierreries óc d'argenr,.. i P.ouf fe mettre en état deparoitre cheyfon mari. Le lendemain le fieur Rapally envoya trois cents louis , & pourdix- i mille livres, ou environ , de préfents?. I Les vifages parurent.un peu plus fereins a la vue de ces diamanrs : on promifdge : retourner dans un jour pu deux;- Mais> la' cabale étoit: forméëv Ihdame' Rapally yqpv rföuvoit'a. las r*%£ m  j-24 Demande en cajfation du complot , fa mère Sc fon beau-père ;, eurlafoibleffe d'y fuccomber. Le fieur Rapally , voyant-toutes les efpérances qu'on lui avoir données , évanouies, fut obligé de faire faire 3 le 4. novembre 17 26, une requifirion a fa femme de fe rendre chez lui , dans fon» carrofie qu'il lui envoyoit, a cet effet ,, avec les domeftiques. néceffaires pour 1'accompagner. La dame Rapally alorsn'imagina pas qu'elle put propofer , pour fa défenfe ,* qu'elie n'étoit point raariée : elle fe contenta de dire qu'elle ne vouloit point Sc n'entendoit point aller demeurer chez le fieur Rapally y pour les caufes Sc taifóns qu'elle diroit. en tems Sc lieu» La divifion ayant éclaté pat-la, la dame Rapally prétend qu'elle a fait folliciter. elle - mème une lettre de cacher , pour être recue dans un couvent. En effet, le 5 décembre , il y en eut une adrefféea la fupérieure des RécolJettes de la rue du Bac, connue en ces; termes-;. Madame tabbeffe de FTmmacuUe conception ,je vous écris cette lettre , pour vous dire que vous ayey a recevoir , en v.otre. maifon.,.la dame Rapally ,& del 'y  de Mariage. $ij garder jufqu'd nouvel ordre '. cependant elle en pourra fortir du confentement dafieur Rapally , fon mari, en payant par lui la penfion dont on eft convenu avec vous.. Depuis ce tems , la dame Rapally eft demeurée tranquilledans ce monaftère.. Le üem.Rapally attendoit du tems , Sc de la maturité des réfiexions que fa femme pourroit faire , le retour a fon devoirrmais le 28 avril 1727, il acté fort furpris de fe voir afligné a 1'officiar lité , pour voir dire qu'il n'y avoir point de mariage entre la dame Rapally Sc lui ; ou en rout cas voir déclarer nul celui qui avoir été conrraété en 1'églifé 1 de Saint - Enftaohe ,1e 10 feptembre 1.726; Sc ou M. l'ofricial en fëroit difficulté, qu'il lui fut. permis de faire preuve dés prétendus fairs de contrainte & de violence, articulés par la requête. de la dame Rapally. Si le fieur Rapally n'avoit conrultc 1 que fes intéréts Sc la rranquil'itc'de-fes I jours , il 11e fe feroit point détendu I contre cette demande; il auroit taillé prononcer la nullité d'un mariage ,.qui, après de reis commencements , ne proi ïneitoit que des fiiites funeftes.. Mais  Demande en eajjation Jfhonneur Sc la religion ne lui permirent pas de prendre un parti fi contraire ila vérité Sc afon devoir. 11 fcavoit que lemariageavoitétécontra&élibrement^ qu'il avoit recu un facrement, qui auroit été profane peut-être par un doublé ^dultère, s'il eüt confentia la demande de la dame Rapally. II ne balanca pas-, i céder a de fi juftes motifs :1e cri de fa confcience étoufta celui de 1'amourpropre , qui 1'auroit porté a une facilité 'eriminelle. C'eft a fon devoir c'eft a. la religion qu'il facrifia , quand il défendit a Ja demande formée fous le nom de fa femme; Elle lui fournit bientót elle-même lesmoyens les plus folides pour appuyer eette défenfe ,. dans l'interrogatoire qu'elle fubitfur les faits Sc articies qui Jui furenr fignifiés a la requête de M. Je promoteur. C'eftda oü vint échouer le concert de. fraude, qui feul animoit & dirigeoit cette affaire..On n'eut pas. de peine a reconhoitre que la dame Rapally y avoit peu de part: on peur dire qu'elle y défavoua les fuppofitions de ceux qui la faifoient agir. C'eft ce que Ton va connoitre pat" le détail de fes réponfes. Oh ne retrancbera aucune decelles que le confeil de;  de Mariage.la dame Rapally regardoit comme favorables & la caufe que: 1'on. foutenoic fdus fon nom.. On lui demande comment elle recue la première propofition du mariage». Elle répond ,. quelle fit voir beaucoup d'éloignement pour ce mariage , difanp que le fieur Rapallylui avoit fort dlpl» depu.s quelle l'avoit vu ; que fon beaupère & fa mère lui dirent que c'étoit ut}: parti fort avantageux pour eile , n'ayant pas de bien , & que tout étoit déja cenvenu ent/'eux v.quele fieur Rapally nelu/ a point dit qu'il la recherchoit en mariage. Qn-ne trouve ,. dans cette réponfe, qu'une répugnancede la parr de la fille.,. & une fage remontrance de la part des pète & mère. Eft ce donc la agir parcon.' xrainte & par violence ? Oü font ici les menaces, les mauvais traitements , lee partis durs & violents ? On peut paraphrafer la réponfe; on peut faire dire aux parents : Ce n'eft point votre avis que 1'on demande, le parti eft pris entre nous ; c'eft d vous d'obéir. On peut les faire, parler d'um .ton emporté & violent.; mais c'eft envenimer ce qu'il y a de plus fimple,. « Vous n'avez point de bien , difent. .» les iieur & dame Dupin dia demoi*  j i8 Demande en cajfacion » felle Delorme r voici un parti ayant* » geux qui fe préfenté : il eft facile de n furmonter une légere répugnance: il » faut que la raifon 1'emporte fur une » première prévention : n'éeartez pas » une affaire que vous ètes la maitrefle « deconfommer, puifque tout eft déja » convenu entre nous >v Quel eft le père de familie , qui „• plein de fentimenrs de tendreflë pour fa fille, ne lui parlat ainfi ? Et lorfque la fille fe rendra a une pareille répréfentation , qui ofera dire qu'elle a été contrainte ?' On demande encore a la dame Rapally fi elle n'a pas figné le contrat de mariage .après en avoir entendu lalec'mi-e en nréfence du fieur Rapally, le»-- quel ayant figné lepremier, luipréfenta* Ia plume pour figner a fon tour , ce qu'elle fit agréablement.-EUe répond ,. quelle ne fcait pas s'il a eü fait lecluredu contrat de mariase, paree quelle refia dans fa chambre jujqu'au moment que Is' fieur Batii e vint la chercher pour jigner le contrat, Elle ajoute , qu'elle étoit fi troublèe qu'elle ne fcait qui lui donna la plume pour figner; qu'elle figna le bas despages , & dia fin du contrat, fuivant l'otdre de fon beau-pére; qu'elle fut toujours-  ie Mar: erge. J'l'S. ftrouBlèe, qu'elle cro'u même que fa fgure en fera une preuve y ayant été faite d'une main fort iremhlante. On n'appercoit encore ici rit menaces , ni contrainte r c'eft un ami qui la vient chercher poiula fignature du contrat; elle figne toutes les pages ; elle figné encore'ala fin de 1'acte. Elle étoit troublée , dit-elle: cela peut être. II y a peu de filles qui, dans le moment oü elles s'engagenr pour toute leur vie , n'éprouvent quelqu'agitation, Sc quelque trouble; mais c'eft un mouvement cue la nature forme d'elle même , & qu'on ne peur attribuer a la prétendue violence que 1'on imagine, Sc dont on; u'appercoir aucun indice. On pourroir dire même que le trouble eft un figne équivoquej qui peut ètre produit par la joie exceflive d'un établiftement auquel on n'ofoit prétendre , plutót que par les inquiétudes & par la peine d'un mariage donr on eft: alarmé , Sc ce qui fuit va bientót perfuader que le trouble de Fa demoilelle Delorme venoit plutót de fa joie , que de fon chagrin. En effet, on lui demande, dans l'article fuivant, ff, pour marqué de fa fatisfaction , elle ne prit pas une baffe de.  3 jo Demande en cajfdtion viole dont elle joua quelque tems pour divertir la compagnie. Elle répond , qu après lafignature du contrat, tous ceux qui étoient prèfents , & elle répondante, alïèrent[epromener dans lejardin jufqud kuit heures du foit; que ce fut au retour de la promenade que fon beau-père lui donna fa baffe de viole pour l'engager d I en jouer , ce quelle fitfi mal, que fon beau-père lui en fit des reproches. Elleavoue enfuite qu'elle a feu qu'on avoit fait publierun ban , Sc qu'on avoit eu difpenfe des deux autres: qu'elle a été a confeffe au prieur des Jacobins de Ja rue Saint-Honoté , entre la fignature j du contrat, & la célébration du mariage 3 que le confeifeur donna un billet a fa mère: que le jour des fiancailles elle fe I coëffaa fix heures du foir; qu'elle avoit des diamants dans fes cheveux. II eft vrai qu'elle dit que c'eft fon beau-père qui les lui avoit mis : on jugera fi cette circonftance eft fort vraifemblable. Etle ajoute qu''après quelle eut été coèffée , elle defcendit dans le jardin du palais royal; quelle fut, de-la, menée d Sai&tEuftache pour les fiancailles ; que le prêtre lui fit quelques demandes \ ne fe fiouyient pas ■ ce quelley répondit, fi ce fu( t>ui,0ö non : que deda elle fut j avèc  êe Mariage. 3 5*t familie c'eft-a-dite , avec fa mère , fon beau-père , le fieur Rapally, les fieurs BaciJJe frères , le fieur Ve\ou , fon parent , le lieur Ricard, fouper ebez Payen. Ainfi, depuis la première propofition du mariage jufqu'après les fiancailles , on ne voit pas un feul trair de violence de Ia part des fieur & dame Dupin \ tout fe paffe tranquillement. Une legére répugnance témoignée d'abofd , a ce que 1'on prétend , tombe a la première remontrance des fieur & dame Dupin : tout le refte fe fait de bonne grace , & même avec joie : la promenade , la fymphonie & les repas, tous les plaifirs, en un mot , fe fiiccèdent les uns aux autres : tour i rour on fatisfait & aux devoirs de la religion , &C aux ufages profanes, fur la pompe qui accompagne les préparatifs de noces. Eit-ce donclacette viótime malheureufe, facrifiée par fes parents, trainee au lieu de fon fupplice , abbatue fous le poids d'un pouvoir tyrannique ? Ca font la. de belles peintures , mais qui» reffemblent peu aux originaux. Voici enfin la feule circonftance a laquelle on a pu attacher 1'idée de quelques fortes de menaces. La dame Ra"  aji Demande en caffation pally prétend que , dans le jardin de Payen','elle fe jetta aux pieds de fon beau-père Sc de fa mère , les fuppliant que ce mariage ne fe fi: point, ou du moins qu'il fut différé de huit jours ; que fa mère entra dans fa peine; que le fieur Dupin mème parut fe killer fléchir ; que le fieur Batijfe convinE qu'on pouvoir différer, endifant qu'elle s'étoit trouvée mal •, mais que le fieur Ricard infifta pour que le mariage*fe fit ce jour-la : ce qui engagea le fieur Dupin & dire qu'il vouloh que le mariage fe fit, qu'il en avoit donne'fa parole , & que ,fi elle n'y confentoit pas, il la meneroit, le lendemain , dans un 'couventt & l'abandonnerolt le refte de fes jour;. Le fieur Rapally , fuivant l'interrogatoire même, n'étoit paspréfenta cette fcène; il ne peut en avoir aucune con que vous puifliez efpérer: fi vous la » refufez par caprice, je ne veux plus » me mêler de vorre érabliflement: je » ne vous dois rien, vous n'avez qu-'a  de Mariage. 3 3 3 *> vous retirer dans un couvent: je vous » abandonne d votre propre fort: choi*> fiffez, en uri mot, ou du mariage qui » eft pret d être eonfommé , ou de vo» tre retraite dans un couvent». Quand ce difcours auroit été tenu , ce que le fieur Rapally eft bien éloigné de croire, il ne renfermeroit ni contrainte , ni violence. 11 étoit bien aifé d la demoifelle Delorme de préférer la rerraire dans un couvent d un man qu'elle auroit détefté. En un mot, ce n'eft pas la une crainte capable de donnet atteinte a la validité d'unmariage, comme on 1'établira dans la fuite. II y a même lieu de préfumer qu'il n'y a que de la ficrion dans cette fcène : i. car bieutbt après, on fon pa avec toute I la joie qui éclate ordinairernent aux repas des noces. t)n fut d 1'églife de I Saint-Euftache fur les quatre heures du matin. La dame Rapally convient qu'elle tint fa 'main dans celle du fieur Rapally penaant ia eereiuunic , tju cm. nwi ""ju1- 7 l* Ti 11 de La main du Jieur rvapany, une picic d'cr & un anneau qu'il lui mit au doigt\ djoUte quelle étoit fttroublée, quelle ne fe fauvtent pas Ji elle a montre alors aucune répugnance. Peut-on mieux manifefter le confentement libre qu'elle  534 Demande en cafjadon donne au mariage dans le moment décifif, & en préfence du prêtre deftiné i recevoir , au nom de 1'églife, le ferment réciproque des parties ? Cependant, & c'eft ici ou fe développe 1'indignité de ceux qui lui font jouer une intrigue ft odieufe , quand on lui demande 11 ellea dit oui en préfence du prêtre, elle prérend qu'elle a répondu non; mais aufli-tót elle explique cetre énigme d'une manière li propre i la démaiquer, qu'il eft impoftible de s'y lailfer furprendre. Elle prétend que Jon beau-père s'étant avancé, lui dit: Dis donc ouij & qu'enfuite elle ne répondit plus rien; mais que*peut-étre le vicaire & fon clercauront entendu le beaup}re d'elle répondante, qui dit: Dis donc oui , 6* qu'ils auront cru qu'elle répondante avoit dit oui. La défaite eft trop groflière : on n'a pas ofé imputer au fieur vicaire qu'il eür marié une fille qui auroit refufé de prendre le fieur Rapally pour fon époux: fa probité, fa religion trop connue auroit feule démenti 1'impoftute. II a donc bien entendu prononcer le oui fi nécelfaire. « Mais ce n'étoit pas moi j» qui le prononcois , c'étoit mon beau» père ». Défaite admirable , &c di-  de Mariage. j j j gne , fans doute, dès auteurs d'une intrigue infame & fi fcandaleufe. Achevons 1'hiftoire de la cérémonie par les propres réponfes de la dame Rapally. Elle déclare qu.'après la célébration du mariage , elle s'en alloit avec fa mère & un des témoins, qui lui donnoit la main; qu'étant fortie de la chapelle 3 le fleur Batilfe l'ainé cour ut après elle, pour lui dire qu'il falloit abfolument figner } qu'auffl-tot elle retourna fur fes pas , rentra dans la chapelle , & figna; ne fe fouvient pas que perfonne lui ait pris la main pour la forcer de figner. Une fille qui auroir répondu non fe feroit-elle prêrée, de fi bonne grace , a figner facie de célébrarion de fon mariage ? Elle convient qu'aufii-tbt qu'on lui dit qu'il falloit figner , elle rerourna fur fes pas , & figna, fans être forcée. L'iniquité eft ici confondue. On ne s'étendra pas davantage fur les trainte ie devant trouver dans les rans qui précèdenr le mariage , il femble que ce qui fuit devienne inutile. On eft obligé feulement de rendre compte d'une citconftance infiniment importante , Sc qui feule devroit couvrir de confufion ceux qui conduifent la dame Rapally.  3 3 £ Ditnande en cafjation L'interrogatoire qu'elle fubit fut pattagé en deux vacations, le 15 & le 3 o juin. Dans Pintervalle, ellene manqua pas de rendre compte de ce qu'elle avoit dit, & 1'on reconnut, fans peine , que n'ayanrexpliqué aucunfaitde violence, fa caufe ne fe pouvoit plus foutenir voici la reffource que 1'onimagina. Elle ne fait pas beaucoup d'honneura. ceux -oui 1'inventèrent; & loin de réparer Ie mal, elle ne fait que 1'aggraver. On lui dicta donc une proreftarion contre fes propres réponfes , & elle eut la fimplici'té de 1'apporter toute écrite a M. 1'of-j ficial, lors du fecond interrogatoire , qui la fit rédiger en ces termes. Leclure fake , & avant de figner , nous a repréfienté un écrit contenant fes dires & pro-teftations , qui font quelle perfifte dans; les faits-de fa requete, fans préjudice de \ ceux.qu elle fe réferve demeure en avant,, s'ily échec, donc elle entend faire preuve , déclarant que les réponfes qu'elle pouvoit avoir fait es dans lepréfent interrogatoire, contraires a fes droits, par le défaut de, pouvoirs'énoncer, ou de mémoire, ou par lat timiditénaturelle dfonfexe &dfon age, ne pourrontluinuire nipréjudicier ; qu ayant perdu fon père en trés - bas age , elle Oi regardele fieur Dupin comme fon propre père  de Mariage* père, & afenti pour lui les mêmes affecïions de èienféance, de crainte & de refiped; qu'elle na figné le contrat de mariage , été aux fiancailles & dia célébration , figné 1'aBe , couché avec le fieur Rapally, & fait quelques autres démarches cxtérieures, que par force, violence , & pour évlter d'être mife hors de la maifon de fon beau-père, & pafier le refte de fa vie dans un couvent. On n'a pas befoin de faire des réflexions fur une pièce fi fingulière: on n'avoit point encore entendu parler de proteftations contre les rcponfes qu'une partie a fakes en préfence du magifttac C'eft-la 1'afyle de la liberté même. Une" partie UKerrogéene peut pas dire.qu'elle ait été gênée fur fes réponfes ; & la dame Rapally ne le préteud pas. Pourquoi donc prorefter contre ur.e réponfe faire hbrement? Ah 1 fans doats i! eft ajfé de reconnoirre nnp lv»n ra os Ia dame Rapallv. OnxnA ..... ipnmeelle-mcme fur les circonfk,,,-^ tdifoit M. Cochin P\U nn „„„.. > ' - 5 t>i*ui s accou ' turner a toutes k« GAinn* i ■ Juggerees : c eft beaucoup au'elle pbrte la complaifance jufqu'a lakfer échapncr quelques fign.es équiybques : mais quand on La fót parler , ou dans fes  03 8 Demande en cajjaüoa requêtesou dans les écrits qu'on lui dkte , on ne mee plus de barnes aux ;prétendues violences que 1'on impure au fieur Dupin. Mais qui doit-on croire , fur des faks fi perfonnels a la Dame Rapally , ou la Dame Rapally elle-même, ou les auteurs de 1'inrtigue ? Ce contrafte même ne manifefle,i-il pas la fourberie Sc la fuppofition ? Après 1'expofkion des faits & de la procédure, on n'aura pas de grands efforts a faire pour combattre la demande en nullité de mariage : il fuffira de rappeller les principes les plus certains fur la matière , & de les appliquer aux faits dont on a rendu pompte. PRINCIPES DE DROIT, Un mariage oü n'a pas préfidé la lisberté doit être déclaré nul : c'eft une iyérité gravée dans tous les cceurs. & qui eft du droit naturel. ' II n'y a point de liberté, quand on agit par 1'impreffion d'une crainte capafbie d'ébranler un efprir ferme Sc confsanti c'eft une autre maxime, reconnue gncare par tous les do&eurs, & dont ,$a eft cQ.nvenu de part Sc d'autre.  de Mariage. On ne regarde point comme une crainte de cette nature , celle que forme , dans Pefprir des enfants . le refpect dü a leurs père & mère , &c que les doéïeurs appelienr la crainte révérentielle. Par fcumi/iion «ne fille fe dérermine a un mariage qui ne feroit pas de fon gotït, fi elle fe confultoit elle-même : ce n'eft pas un moyen qui puifte donner atteinte i un manage. Combien y en auroit-il qui feroieut attaqués fous de Gels prétextes? On préfume alors que c'eft un effet de la fageffe des enfants d'avoir fiiivi les conftrils éelairés de ceux a qui ils doivent la naiffance , & de les avoir préferes a leur propre inclination. Quel eft donc le genre de «•*.«,... i qui eft capable de rompre les noeuds un engagement li folemnel ? C'eft ce qu'il n'eft pas toujour* facile de déterminer. Cum intervim & vim fit differentia, dit le Pape , dans le chznirr* r. J. \fponf. ó- utrum pofieh confenfus intercef Jent, certumnobis nihil expreffifii, nihil ji eertum indé tibi pojjumus refpondere. Trois caractères doivent fe renconutrer, pour donner a cette crainte 1'auütontede réfoudre le mariage. II faut :|premièrement que ce foit Ia crainte Pij  3 4o Demande en ca (fation d'un mal énorme , enforce qu'en le comparant avec un mariage deteftc, on puifie penfer qu'un efprit raifonnable fe feroit déterminé i prendre le parti du mariage, plutót que d'éprouver un mal fi terrible. Talls metus,dn la gloie fur le chapitre 28 defponfalibus, continet mortispericulum, aut corports cructa* turn: alias vanus timor non excujat. ^ eit auffi le fentiment de Covarruvias: ii auis, dit-il, videatfibimortemimmmere, velmembri mutilationem , nip. cum Mcevid contrahat matrimoniutn , eligit prudenter matrimonhm contrahere , potras quam mortis periculum fubire. _ Par ces exemples, il eft aife de juger de quelle crainte on a entendu parler, quand on a dit qu'elle pouvoit operer li nullitédu mariage :c'eft la crainte de la mort, ou des tourmenrs les pms cruels: c'eft la crainte, en un mor cl un malcapable d'eftrayer un homme ferme, d'un mal qui, comparé 9 un mariage odieux, paroït préienter hmage a un fupplice infiniment plus terrible. _ I e deuxieme caractère de cette crainte eft que ce doit être la crainte d'un mal qui re-nferme quelqu'injuftice : car fi, en ne foliant point un manage, on » w %0it expolé qua fouffrit ce qu on a m*{  de Mariage. 341 rité, on a ne point obtenir ce qui n'eft point du, ce ne feroit point une crainte eapable de porter coup au mariage. C'eft pour expliquer cette maxime , que lescanoniftesfuppofentun homme condamné a mort, a qui on oftre fa grace s'il veut époufer une fille qu'on Fui préfenté: quelque répugnance qu'il put avoir pour ce mariage . la crainte de la mort 1'y dctermine \ mais ce n'eft pas une raifon pour dire qu'il a manqué de liberté, qu'il n'a agi que par crainte; car, s'il n'avoit pas fait le mariage, il n'auroit éprouvé que le fort qui lui étoit du. Enfin , le dernier caractère de la crainre eft qu'elle doit être excitée patdes traits de violence, & non par des difcours vagues : il faut des faits qui caracbérifent la violence, fans quoi il n'eft pas permis d'y déférer. On eftconvenu de ces principes de la part de la dame Rapally \ mais avec quelques modifications. II faut, a-t-on dit pour elle, que ce foit la crainte d'un mal violent: mais on doit mettre dans ce rang la crainte de perdre fon bien ; ik. cela ne s'entend pas du bien qu'on pofsède & qui nous eft acquis , mais de celui que 1'on pouvoit efpérer. C'eft: Piij  'j4* Demande en cajfation ainfi que 1'on a interprêté le metus amif- Jïonis bonorum, donc parle Covarruvias. D'ailleurs, pour exciter la crainte dans 1'efprit d'une jeune fille, il ne faut pas exiger la vue des mêmes maux. que 1'on croiroit néceffaires pour toucher un homme dans la force de fon age. C'eft par ces diftinctions que 1'on a voulu adoucit la févérité des principes dans une matière ou il eft fi eflëntiel d'y demeurer inviolablement attaché. Mais on cherche inurilement a en impofer par ces adouciffemenrs. La crainte de perdre tout fon bien eft-elle eapable d'ébranler un efprit ferme & conftant? Cela fe pourroit foutenir dans la thèfe générale ; mais la propofition révolte ,, quand on veut lui donner autant d'étendue que la dame Rapally a jugé a propos de le faire. Une perfonne eft née fans bien ; elle a un parent ou un ami dont elle efpère quelqu'avantage : ce parent, cet ami cherche i 1'étabhr : il lui trouve un parti avantageux , & veut bien conttibuer a la dot, en donnant, de fon propre bien , une fomme confidérable ; il ajoute que , fi on ne veut pas accepter ce parti, & que, par caprice , ou autrement, on refule d'entrer dans fes vues., il retirera fa pro-  de Mariage. 34?'' tection. La fille, quicraint d'être aban» donnée , accepte la propofition du mai riage , & ptend pour époux celuiqu'elle n'auroit pas choifi , fi elle avois pu fe paffer des fecours qu'on lui préfenté. Eft-ce donc la une crainte eapable de rendre le mariage nul ? Eft-ce la ce que Covarruvias a entendu , quand il a parle de la crainte de perdre rous fes biens ? On ne craint point de le répéter j «'eft une propofition qui révolte. La fille alors n'a pas été entraïnée par la crainte de perdre fon bien, car elle n'en avoit pas ; mais par Tappas de fe ménager une fortune dont elle avoit befoin: ce n'eft pas la crainte de perdre ; mais Tenvie de gagner qui 1'a dérerminée. Ce n'eft donc pas une circonftance qui puiffe jamais donner atteinte au mariage. Mais, dit-on , elle a eu peur de refter dans la misère. Cela eft vrai; mais cette misère étoit fon état naturel; elle n'en devoit point être alarmée: elle a bien pu defirer d'en fortir; elle a pu afpirer a une fortune éclatante , & , par ce motif, étouffer en elle une répugnance même vive & preftante; mais le defir d'acquétir , ou, fi Ton veut, la peur de ne point acnuérir, n'eft qu'un motif P iv  344 Demande en cajfaaon qui excire, Sc non une violence qui conrraigne, Sc qui exclue la liberté. S'il en étoir autrement , tous ceux qui, nés dans une vile condinon , feroient recherchés en mariage par des perfonnes d'un rang fort fupérieur , ne feroient jamais libres , paree qu'ils ne fe feroient déterminés que par la peur de refter dans l'état funefte oula Providence les avoit placés. Ce feroit ébranler les fondement» les plus folides de la fociété, que de douter de la validité d'un mariage célébré dans de telles circonftances. Si lacramre de perdre tout fon bien peut être regardée comme eapable de donner atteinte a la liberté elir'mariage, ce n'eft que dans le cas ou la violence Sc Pirrjuftice veulent nous arracher un bien qui nous appartient légitimement. Mais, dit-on, eette efpèce eft impoffible. N'a-t-on pas toujours les tribunaux de la juftice ouverts pour réclamer , Sc pour fe mettre a 1'abri de la vexation ? Ainfi , quand les canoniftes parient de la crainte de perdre fon bien, ce n'eft: pas d'un bien que 1'on pofsède, mais d'un bien que 1'on peut efpérer. De pareilles objeclions ne méritent pas d'être réfutées. Quoi donc, eft-oa  de Mariage. 3 4 5 toujours en état de réclamer contre 1'injuftice? Si cela eft, on ne doic jamais être touché de la crainte d'un mal que 1'on n'a pas mérité; car on aura toujours J^o „anrrcire CpvprPC rlflllS If C innCri fttatS l quelle illufion! Mais, pour ne fe point écarter de 1'objer de la perte des biens: un rich'è négociant a tout fon bien dans fon portefeuille; on s'en empare par force , ou par adrelle , 6c aulh-tot on ie menace de brüler rous fes effers , s'il ne contradte un mariage qu'on lui propofe : il eft ruiné s'il diftere d'un moment. Quel fecours aura-t-il dans la juftice ? Avant qu'il ait pu s'y adrefler, il eft perdu : il fubit donc la loi de la violence , 6c va fe marier. Voila. un exemple de la crainte amïjjionis bonorum. Dans des tems erageux, un homme revêtu d'une autoriré redoutable me nace un autre de le perdre , s'il ne fait un mariage qu'il lui indique; il va faire tomber lur lui toutes les diïgraees capables de faire éclipfer, en un moment, fa fortune. On tenteroir vainement le fecours des loix 6c de la juftice : il eft fupérieur a tour: on cède a la crainte de tout perdre fans reffource. Ces tems funeftes font place a d'autres plus heuPv  3-46 Demande en caffduon reux: on réclame alors avec raifon : en voila un autre exemple. On en pourroit citer bien d'autres. Que 1'on dife alors qu'il n'y a point eu de liberté par la erainte d'un mal fi dangereux, on pariera le langage de la raifon : mais, dans le cas d'une rille qui n'auroit rien , & qui a eu peur qu'on ne lui fit aucun avantage fi elle refufoit 1'ailliance qu'on lui propofe , c'eft le •comble de 1'illufion de nous donner cela pour une crainte eapable d'empêcherun confentement légitime. La feconde modification que 1'on a voulu appotter de la part de la dame Rapally a la févérité des principes , a été de dire que les filles , paria foiblefle de leur fexe, pouvoient être ébranlées par une moindre crainte. Ge moyen mérite peu que Ton s'y arrête; car enfin ,. des que 1'églife juge qu'une fille eft eapable de confentir librement, elle juge aufli qu'elle a aflez de fermeté pour réfifter a une crainte frivole. D'ailleurs , comment juget dudegré de force & de fermeté? Cela dépend de 1'éducation , & de mille autres circonftances. 11 peut bien fe rencontrer une certaine préfomption générale en faveur des hommes ; mais, dans combien d'occafions  de Mariage. ■ $47 la vérité fouffrira -1 - elle de cette préfomption ? II eft trop dangereux d'entrer dans de pareilles diftinctions. Renfermons - nous donc dans les principes, Pour pouvoir attaquer un mariage , il faut que la liberté ait été opprimée par la crainre d'un mal énorme , d'un mal qui renferme, en luimême, une injuftice , & qui ait été annoncé par des violences extérieures. Appliqaons ces principes aux faits de la caufe. Application des principes aux faiti de la caufe. On peut réduire la défenfe du lieus Rdpally a. deux propofitions générales. La première eft que la dame Rapally n'a point été contrainte avant le mariage. La feconde , qu'elle a confirmé , depuis, la liberré de fon confentement" par une infinité de circonftances. A juger de la liberté de la damè,; Rapally, avant le manage , par toutes les marqués extérieures de joie & dé^-' fatisfaction qu'elle a fait' éclater '9 -orin pourroit dire qu'il y a peu deperfonf.es-qui aient centracté un fi grand engage-ment avee un confentement ü parfak»  j 48 Demande en cajfat'ion Ce n'éroit que plailïrs toujours prêts a ■fe fuccéder les 11115 aux autres. La dame Rapally le laifle entrevoir 'dans fon interrogatoire. Le jour ducon'trat de mariage, la fignature eft fuivil de promenade , de fymphonie, & d'un ■grand fouper. Le jour des fiangailles ,. la future affecte de paroltre a la cérémonie avec rour Pappareil propre a flatter une jeune perfonne. Elle ajoute , aux ornements d'une coeffure recherchée, 1'éclat des diamants; elle va en étaler la pompe dans le jardin du palais royal \ enfin le jour du mariage , elle convient avoir danfé unepartie du jour» Ajourons que, dans 1'intervaile de la fignature du contrat de mariage & des fiancailles , elle n'a pas oublié ce que la religion exige en pareilles occasions : elle s'eft préparée a recevoir le facrement de mariage par celui de la pénitence. Elle ne prctend pas avoir répandu dans le fein du directeur fes peines & fes amertumes , avoir impioré la charité pour fléchir la févérité de fa mère & de fon beau - père. Tout s'eft donc paffe dans une parfaite tranquillicé. En effet , a quoi fe réduifent les pré"tendus faits de violence ? Qu'elle eft la  de Mariage, * crainte a 1'impreiïïon de laquelle la dame Rapally prétend avoir cédé ? Elle ne parle que de deux circonftances qui puiftent y avoir quelque rapport. La première eft celle qui s'eft paffee Ie jour de la propofition du mariage. Elle prétend qu'elle fit voir beaucoup d'éloignement pource mariage, & que fon beau-père & fa mère lui direnr que c'écoit, pour elle, un paree fort avantalageux, n'ayant pas de bien , & que tous étoit déjd convenu entr'eux. Suppofons cette converfation dans les mêmes termes dans lefquels la dame Rapally fa' rapporte r y peut on appercevoir ni menaces, ni contrainte , ni violence? Ce font des parents qui font une rern'ontraiicè fage a. leur fille; mais rèmontrahcë modérée, danslaquelle ils 1'excitent uniquement par fon propre intérêt, & non par Pimpreflion de leur autorité. C'eft la précifément ie cas de la loi 22, au digeft. de ritu nuptiarum , Sc de la ïote de Godefroy fur cette loi: Si, patre cogente , ducit uxorem quam non dueeretffui arbitrii effet, contraxit tarnen matrimonium , quod inter invitos non contrahukr : tnaluiffe lioc videtur. Ce terme de la loi, fi congente-patre , ïja paru dur; Sc c'eft pour 1'explitjuer que  j-.j o Demande en caffation Godefroy amis, dans fa note: Suadente admodumb urgente, atque hortante non tarnen vi cocente, autminis. 11 ett donc permis a un père , qm voit de la refiftance dans une rille , de Texhorter , de la prefler ; urgente , de 1'entrainer par la vue de fon intérêt.. Voila ce que le fieur Dupin a fait, en tenant ce laneage : C'eft un parti fort avantageuxpour vous, n'ayant pas de bien , & tout eft deja convenu entre nous. Ecartons donc cette première circonftance, dans laquelle on r. ^,,'nr.e fa(7&reDrefentation a laquelle la dame Rapally fe feroit rendue, s'il étoit vrai qu'elle lui eut ete alr ' r. j„ Rs .Wnière circonftance La ïecuiiu.»- ^ cft celle que 1'on fuppofe s etre paflee dans le ardin ae raycn uutailles & le manage. On prétend que la dame Rapally , ayant demande que: le mariage nefe fit pas ou du moins ■ fut différé, le beau-père & la mere. s'étant lailfé fléchir, un ami, qm etoit invité a la noce , réfifta au concert de toute la familie, & engagea le faeutDupin a employer fon autorite :; circonftance qui choque la vraifemblance. Car peut - on concevoir que le lieut Dupin,, touché par les larmesde. la  de Mariage. «3 belle - fille , entrainé par Pavis de fa femme & du fieur Batijfe , eüt tout d'un coup changé de fentiment pour faire faire le mariage, contre 1'intention de rant de patties ? Mais quel eft même | le caractète de violence qu'on lui impure ? La demoifelle DelormeiVzron point de bien , fa mère , mariée au fieur Dupin ,.nctoit.point encommunautéavec | lui: ainfi k Geut Dupin ne lui devoit : rien , fi ce n'eft la fubfiftance & les ali: mcnts. £n cet état, il trouve un parti | trés - avanrageux pour- la demoifelle Delorme. Le contrat de mariage figné 3 les fiancailles faites , on lui propofe de tout rompre. Quelle eft la perfonne qui, étant en la place du fieur Dupin , ne fe fur récrié , & n'eut dit a la demoifelle Delorme, « ou finilfez 1'afFaire » qui eft fi avancée , ou retirez - vous » dans un couvent; & je vous aban» donne a votre propre fort, & a votre » fortune ». > Oü eft donc la violence ? Et peut-on dire que la dame Rapally ait été ébranlée par la crainte d'un mal énorme qui renfermat quelqu'injuftice ! ^Pour la violence , on n'en peut pas ïiême imaginer. C'eft un choix naturel  3 51 Bemande en caffatïort que 1'on propofe i la demoifelle Df/or/ne; choix entre la rerraite paihble dans un couvent, ou le mariage auquel elle réfifte. Pourquoi donc , pour une fille de dix-fept ans, le couvent eft-il un mal fi funefte , fi terrible , qu elle n'ait pu en foutenir 1'idce fans etre abattue ? c Ce mariage , auquel on luppoie ou'elle avoit tant de repugnance , que la mort même ne lui paroiffoit pas un mal plus cruel j ce mariage, dit-on, elle le préfère a un couvent dans lequel on ne vouloit pas la forcer de fe faire relisienfe , mais dans lequel on vouloit feulement qu'elle fe retirat. 11 falloit que ce mariage ne fut pas bien eftrayanc peur elle , puifqu'elle le trouvoir un rnoindre mal , que d'aller demeurer dans un afyle paifible. En faut-il davantage, pour diflipet ces idéés de défefpoir qu'on kn prete dans les éerits qui paronTent en ion L' ^ nom : . t i . ■**•.„ j;f.^n i v avoir un mal plus terrible que le couventj c etoit la peur. d'être abandonnée par fon beau-pcre, de qui elle attendoit tour. C'eft ce qus Pon a appellé , de la parr de la dame Rapally, ia crainte de la perte de iod^ bien. I  de Mariage. $55 Mais on a fait voir que c'étoit abuler des principes. La demoifelle Delorme ne craignoir poinr de perdre , puilqu'elle n'avoit rien \ mais elle craignoit de ne point acquérir; elle craignoit de demeurer dans l'état oü la Providence 1'avoit placée: elle craignoit de ne pas faire un établiflement pour lequel fon beau-père vouloit bien contribuer de fon propre bien ; c'eft cette crainte j fi 1'on veut, qui 1'a déterminée 7 mais , loin qu'elle puiffe donner atteinte au mariage, c'eft ce qui en alfure la li-, berté. Car y a-t-il quelque mariage plus libre, que celui qui eft fair par une fille , qui, n'ayant rien , craincïroit de refter dans la misère , fi elle laifToit échapper une occafion fi favorable ? C'eft un defirardent, de fa part, d'obtenir ce qui doit lui affurer un fort brillant. II eft vrai que la vivacité du defir eft inféparable de la crainte: mais ölra-r-on, pour cela, que les démarches que L'on fait foient involontaires ? Elles font d'autant plus libres , au contraire, qu'elles deviennent plus nécelfaires &C plus indifpenfables. Ainfi, en fuppofant lafcène que 1'on a imaginée, depuis, dans le jardin de  j 5 4 Demande en cajfation Payen, tout ce qu'on en pourroit conclure eft que la demoifelle Delorme aaroit mieux aimé époufer le fieur Rapally , que de demeurer fans bien r eomme elle étoitnée. Que de mariages il faudroit détruire , fi tous ceux qui ont été faits dans de telles vues ne pouvoient fubfifter ! On ne parle point du prétendu non prononcé a 1'églife par la dame Rapally. Quand elle convient que le prêrre a pu entendre oui, quand elle convient qu'elle a figné libremenr , & fans être forcée , Tade de célébration du mariage; une allégation de cette^ qualité n'eft propre qua faire connoïtre, de plus en plus , les demières reflources auxquelles on eft obligé de recourir pour fourenir la demande que l'on a formée fous fon nom. En un mot, l'interrogatoire qu'on hu a fait fubir eft la picce la plus décifive que le fieur Rapally pouvoit jamais efpérer pour confondre les auteurs de 1'intrigue. La dame Rapally , quoiqu'inftruite , depuis long • tems , par eux, n'a pu foutenir , en préfence de M. l'ofricial , routes les fuppofitions qu'on lui avoit infpirées. La vérité a pénétré , malgré tant de foins qu'on  de Mariage. 555 avoir pris pour Pobfcareïr; & on a été réduit a dicrer a la dame Rapally une proteftation contre fes réponfes, qu'elle j a eu la bonne-foi de repréfenter a M. Pofficial. C'eft ainfi que Piniquité même fe confond, par les mefures que l'on prend pour la-foutenir. Le confentement libre qui a précédé le mariage a été confirmé, depuis , par une infinité de circonftances qui onc fuivi ; Sc ces circonftances font telles que, fi on pouvoit fuppofer quelque violence qui eüt précédé , on ne pourroir plus s'en prévaloir, après tant de confentements qui auroient fuivi: c'eft ce qui forme la feconde propofition. Perfonne ne döute que le conféntement poftérieur ne répare le vice que la contrainte auroit pu produire dans le tems du mariage; c'eft ce que les texres de droit nous enfeignent. II faut s'informer du rems qui a fuivi, dit le 1 pape dans le chapitre 6 de fponf. utrum po/led confenfus intercejferit.Czt il n'eft ! plus permis d'écouter celui ou celle qui ; réclame, s'ils ont alors confenti. Le figne le plus cerrain de la ratification eft la confommation du mariage, ou la cohabitation qui la fait préfumer. '. C'eft la difpofition du chapitre 11 de  $ 5 6 Demande en taffadon fponfalibus, Quamvis undecim annos habens ab initie invita fuijfet ei tradita , tarnen , quia pofted per annum & dimidïum fibi cohabitans confen/ijffe videtur , ad ipfum efl cogenda redke , nee de c cor.j  3 c 8 Demande en caffatïon fommation, & vous n'en avez aueune preuve: je fais plus , j'offre de prouver que vous êtes convenu qu'il n'y avoit jamais eu de confommation. Enfin la confommation prouvée n'excluroit pas 1'action en nullité de mariage , fi elle avoir été l'effet de la mème crainte qui avoit influé fur le mariage. Tous ces raifonnemenrs font trop Cqibles contre des régies aufli inviola- j •bles que celles que l'on a établies. La j confommation n'eft pas une circonf- | tance que le mari puifle prouver par témoins ; mais elle fe préfume, de droit , par la cohabitation , & par 1'union qui a régné pendant un tems entre le mari & la femme. L'offre de prouver que le fieur Rapally eft convenu du contraire eft une dernière ^ reffource hafardée dans une caufe déplo- Mais ce fait eft-il donc plus admiffible que les autres ? Un mari va-t-il entretenir le public des myftères du lit. nuptial ? C'eft a lui feul qu'il eft réferve d'en rendre compre a la juftice. Le fieur Rapally 1'a fait dans fon interrogatoire: il n'eft point permis d'écouter d'autres preuves, fi vir dicat qubdeam cognov'u; for-tout quand la déclaration du mari I  de Mariage. 31 p .-eft foutenue de circonftances extérieures, qui ne permettent pas de douter de fa fincérité. Mais la confommation n'exclut pas la demande en nullité, quand elle eft toujours l'effet de la crainte. Cela eft vrai , fi l'on prouve qu'actuellement, & dans le tems de la coni fommation , la femme étoit forcée de : céder a la violence & a la fureur. Qu'un j homme emporté, tenant un poignard a Ia main , contraigne une femme de i céder a la violence de fes defirs j cette ] confommation , fans doute, ne paflera ; pas pour un acquiefcement libre. Mais I qu'une femme, qui prétend s'être maI riée paree qu'elle éroit menacée d'être i envoyée dans uncouvenr, air, depuis, I accordé a fon mari toutes les faveurs \ qu'il avoit droit d'en attendre , & tl qu'après cela elle vienne réclamer coni tre fon mariage , comme fait par con| trainte, c'eft le comble de 1 'égaremenr. Ce n'eft pas par la confommation ! feule que la dame Rapally a confenti a | fon mariage, depuis la célébration: la ij joie qu'elle a fait éclater , le jour du ;|mariage, par les danfes , les ris , les iplaifirs de la mufique,& du repas ; 'wcette joie, dont elle convient dans fon  jtjo Demande en caffdtïon < interrogatoire , ne s'accorde pas avec le défefpoir d'une malheureufe victime que l'on vient de facrifier. Les habits de noces achetés deux ou trois jours après le mariage , les trois cents loius Sc les diamants recus, la vifire rendue au fieur Rapally dans fa maifon , pour ségler la diftribution de 1'appartement tk'èes meubles, tous ces faits parient aflez, quand on veut les encendre.Car de dire oue tout cela n'eft point perfonnel a Ia dame Rapally , & de rejetter tout fut fa mère , c'eft une iliufion qui eft aflez combattue par le concert qui règne entre la mère Sc la fille , Sc qui ne permet pas de douter que tout ce que faifoit Tune , étoit Touvrage de l'autre. . , Mais , quand il n'y auroit que la lettre écrite au fieur Rapally par fa femme , plufieurs jours après le marine 5 lettre ou elle Tappeile fon cher mari Sc ou elle promet d'être plus tendr'e en fa préfence que par écrit; en faudroitril davantage pour confondre Timpofture? C'eft fans doute une belle défaite que le tour que Ton a pns de faire faire une copie de cetre lettre par. la dame Dupin , depuis qu'on en a eu connoiffance , Sc de la dépofer, au mois  de Mariage. %Sfi tmoisde juin dernier , chez un noraire- ■comme fi c'étoit un brouillon qui eüt r : i: jii. j i- .ei _ _.'_n. aervi ae moaeie a ia ntre, tx -qu eiie •eftt gardé , par hafard , pendant prés , de dix mois': il faudroit avoir bien de • ;la fimplicité pour donner dans un arcii •ftce fi groffier. Depuis la demande en nullitë de i -mariage , le fieur Rapally a eu f hon-. i neur de préfenter un mémoire au mi: niftre , dans lequel il avoir xranfcrit I cette lettre. La dame Rapally., ou plu) 'tót ceux qui Tont fait agk , en furenr I dnformés; &, pour affoiblir une preuve i 'fi décifive, ils fitent faire la copie que ' Ton a dépofée. Qui ne fenr que c'eft i 'une fuite des fourberies que l'on a prai tiquées dans cette affaire ? Mais, diti 'on , vous ne rapportez point la preuve ■ que vous avez préfenté ce mémoire-; | !èc quand vous 1'auriez préfenté, le fej: cret qui couvre tout ce qui fe paffe dans | lesbureaux duminiftère , n'auroit pas i permis d'y voir le mémoire, ni la copie } de la lettre. •On le répète ,il eftincroyable qu'une i jeune femme ait gardé, pendant un fi 1 long tems, le brouillon d'un bi lier qui ) devoit renir fi peu de place , & auquel ik -.on ne devoit, dans le tems, attach&r Tomé XF. Q  Demande en cajfauon aucune importance. Le mari a gardé la letrre, il eft vrai, & ellen 'étoirpas plus importante que le brouillon. Mais il étoit amoureux de fa femme, & l'on j fcait qu'en amour, rien dece quiémane de la main chérie,n'eft indifférent , & qu'on Ie conferve avec une efpèce de culte. Quant au fecret qui s'obferve dans les bureaux du miniftère, il eft invio- \ lable, fans doute , pour les affaires d'écat. Mais mille exemples prouvent que les particuliers y puifent facilement les fecours dont ils ont befoin , pour les ehofes qui leur font purement perfonnelles. Enfin , il fuffit que rien ne conftate la .vérité d'une écriture privée , pour qu elle ne fafle aucune foi en juftice, fur - tout quand , comme ici, les circonftances autorifent a foupconner la fraude, Cette lettre donc, jeinte a tant d'autres circonftances , ne demontre-t-elle pas que tout a été libre, & avant, & depuis le mariage ? II n'y a donc pas : lieu de craindre qu'une demande aufli i fcandaleufe, que celle qui a été formée s {bus le nom de la dame Rapally, piiifle : jgouis eïre écoutee..  de Mariage. .3 6} Une fille infortunée, livrée. malgré elle, a un époux qu'elle detefte „ dok trouver un afyle dans le cribunal facré de la juftice, moins par fenfibilitépour fes malheurs , que par attachement aux régies faintes de 1 eglife : fon facrifice doit être détruit, fes chaïnes rompues , fa liberté rétablie. Mais aufli , lorfqu'une fille s'eft choifi un époux par déférence par les fages confeils de fa familie ; quand aux pieds des autels , elle s'eft engagée par un ferment redoutable, fans être captivée fous le joug d'une violence a laquelle elle ne peut réfifter; la religion alors exerce fes droits fans aucune réferve : jaloiife de 1'honneur du facrement, elle ne fouffre pas que 1'inconftance entreprenne fur fon empire, & puiffe rompre les nceuds qu'il a formés. On ne parle point du danger, des conféquences , Sc du trouble qu'une funefte facilité pourroit caufer dans les families. Ces morifs fi juftes Sc fi intérelfants doivent céder a de plus grands objets y 1'honneur de la religion , la fainteté du facrement, la pureté des aioeurs: on ne peut maintenir leurs droits facrés , fans rejetter une demande lajis laquelle ils fetrouvent tous violés»  ;3 64 Demande .en cajfation 'Sur toutes ces taifbns, .aüéguces de part &c d'autre, ïntervint une première •fentenoe de Poffieial, qui joignir , a U demande principale, les requêces de .la demoifelle Delorme, ou elle demandoit de faire preuve des fairs de violence; & enfin le 6 feptembre J 7*7* inter-vint fentence définitiye qui la déjbouta de toutes fes demandes conténues dans fes requêres , Sc de fa de* mande en nujlité de mariage , av.ee dépens.. La demoifelle Delorme fe rendit appellante a k primatie de Lyon j donf l'official de Paris relève. Elle y obtinf .une fentence , qui infirma celle de Pa;*is , & Padmit a la preuve du fait de violence qu'elle avoit artioulés, excepté Ja preuve du fait qu'elle.avoit allégué, en foutenant qu'elle avoit dit non , au Imx de oui , fors de la célébration du mariage. Par la même fentence, on j iO>mmit un docteur de Sorboune, der mearan-t dans le diocèfe de Paris^ | iqui on donna le pouyojr .de procéder dans cette -ville. Le fieur Rapally interjetta appel psmme d'abus .du jugement de la prir piatie > $f demanda des défenfes dc:  de Mariage. 36$ q\Til ne pouvoit les obtenitSc que le jugement devoit être exécuté par provi(ion. Les parties furent renvoyées a Taudience, ou fa caufe fut plaidée avec beaucoup de force par M. Coehin pour le mari , & M-. Huart pour 1'a fethtne^ lis rirent valoir les memes moyens'qui» avoient été employés a 1'officialité; M. a"Agueffeau, avocat - général $ dit que la queftion fe réduifoit' & fcavoir fi l'on devoit exéciiter, par provifion > une fenrence qui admettoir la preuve par témoins des fairs qui tendoient a dérrnire tfn mariage. II fit d'abord fentir rimporraMce de la' coU4 teftarion^oü il s'agifloit de l'état d'tiff mari Sc d'une femme, Sc de fcavoirs'ils font unis par un lien facté Sc indiflbluble , ou s'il n'y a eu qu'un facrement fans mariage , ou un contraf fans' confentement , c'eft-a dire , uneapparence de mariage , 5c non un ma>: rïage légitime;- Quoique la lenteur avec laquelle onrendla juftice foit une grande iiijuftice,. Sc quoique 1'expéditionfoit lè véritable [caraétère de la juftice , on peut pourtant ;dire ici que , dans une femblable'con:teftation , le jugene fcauroh rrop pefer' \8c approfondir la queftion, & ne doic m  3 66 Demande en caffation point accélérer le jugement: il doit Ie Iaiffer,pour ainfi dire, murir., plutót treindr; , atrtanr cpa'il'fe pourroü-; ft»  370 Demande en caffation preuves teftimoniales , Sc fur ce qu'en admettant trop facilemenr cette preuve, c'étoit introduire une jurifprudence eapable de troubler les families. Dans tous les cas ou la preuve par témoins ne peut être ordonnée qu'en connoiiTance de caufe, & après avoir pefé toutes les circonftances, c'eft un abus de 1'admettre lorfque ces circonftances doivent porter a la rejetter. Dans cette efpèce, il n'y avoit aucun commencement de preuve des fairs avancés par une femme pour attaquer fon mariage; elle étoit même tombée dans plufieurs contradiótions fur ces faits; elle n'avoit pas parlé , dans les commencemenrs de la procédure , de ceux qu'elle auroit dü le moins omettte s'ils euftent été véritables; & enfin , il y avoit différents foupcons qui portoient a croire que l'on vouloit faire une procédure indireéte , pout empêcher 1'exécution des claufes contenues au contrat de mariage. Dans ces circonftances , 1'orficial de Paris avoit mieux penfé que celui de Lyon, 5c „ en refufant la preuve par témoins, il avoit fait ce qu'exigeoit la juftice , auflibien que 1'intérêt public. Cet arrêt, loin de rendre au fieur  de Mariage.- jfv Rapally Pufage de fes droirs fur fon époufe, fit prendre a celle-ci le parti de mettre entre elle & lui, une fi grande diftance, qu'il leur fut impoffible de fe rencontrer. Elle fortit du royaume, 8c fe rendit a Chambery. Le fieur Rapaify Ne fit aucune démarche, pour la rappeller auprès de lui y. elles n'auroient pu que caufer un fcandale inotile y 5c, quand il auroit réulfi^ quel genre de vie auroit-il pu efpérer avec une femme qui lui avoit voué une averfion fi déterminée , 6c fi perfévérante ? II fe réduifit donc a pourfuivte Ie fieur Dupin, pour obtenir la remife des contrats fur Phótel-de-ville, Sc les titres. de propriété de la maifon de la rue des Bon»-enfants qui formoient la dot de fa femme. II failut, pour cela, livrei: bien des combats. Enfin, après deux ans de chicanes , le fieur Dupin y fut con" damné, par arrêt du 16 janvier j 73,0» C'eft ici que Pon décoavre enfin fes motifs fecrets qui ont fait jouer les; fcènes que Pon vient de voir , & quï vont conduite celles dont ©aya voürfe tableau.. II paroJt que le fieut Dupin regretsotit la dot qu'il s'étoit engagé; defoumkj  37 2.' Demandè en cajfatión> qu qu'il efpéroit que le fieur. Ra¬pally lui- en laifieroit la jouiftance ou du moins que,. lógeant enfemble ,. lès deux fortunes feroient confondues,. 8t: 1'aifance du: fieur. Dupin ne. feroit point. altérée. Mais , quand on fut afluré que le fieur Rapally. vouloit vivre chez luiavec fa femme , & jouir de la dor qu'elle lui.avoit apporrée, on tenta la' demande en nullité de manage , qui' atiroir.remis dans la-mam du heur Dupinles erfets qu'il avoit donnés. Cette: entreprife ayant.échoué ,.an eut recours: aux ftratagêmes extraordinaires dontiL me refte a rendre compte.. Piütièurs oppofirions mendiées arrê— tè'rent 1'effet de I'arrêt dn mois de janvier-i7'3 0. II fallut encore piaidercontre ces fantömes, que l'on fubftituoit ala.véritable partie:. les mains - levées ffirent.prononcées par arrêt dn 16 juillet: fuivant; Cé genre dé vexation étant épuifé 5> ' en-en imagina im autre cjui eft peurêtre fans exemple. Le fieur Rapally faterbiigé de faire-, avec la permiflibn dn: roi j. un voyage en Italië. On fircouririkbruit; qu'-iFy étoit mort:;;on ie fit; .uttème-artnancer. an p ublic-, par-la voie:  dé Mariage. ry-A dès gazettes. Ge bruit ainfi confolidé,, fervit de bafe. aux démarches les plusfïngulières. Un nom mé Germain avoit éré créé' rureur de la dame Rapally pour la pour— fuite du procés en nullité de manage; Mais fa fonc"tion étoit finie parl'arrêr qui avoir confirmé cet engagement. Cependant, fóus prétexte de cette faune' qualité de tuteur, Germain fe rranf— porta dans la maifon du fieur Rapally le_28 février 1730, avec unxommiffaire, pour y appofer le f ellé , fous' pétexte de veiller a la confervation des-: inrérêrs de la veuve;. Un fieurPóron , qui le trouva dans. Ia maifon, & qui, vraifemblablement étoit - chargé des- affaires-du fieur Rapally , forma oppofition pour IVtrfent y. fóutint qu'il étoit vivant; &, pour le.prouver, . rapporta une lettre que lefieur Rapally lui avoit écrrre dè Gènes; lè 14 , & un acre paffé par-devant na-»taires , le 6'du même mois-. Mais Germain ne fe rendit point aV: des pièces fi décifives. II y eut un référé: chez M. le.lieutenant-civil, quipermit: 1'appofirion du fcellé, aux rifques, pé-riis&:fortunes.de.c]niiI appartiendrok;-.  374 Demande en caffation Le fcellé fut donc appofé fur les biens d'un homme vivaut. Le fieur Rapally, inftruit de cette manoeuvre , crut que le moyen le plus sur pour la confondre , étoit de fe repréfenter lui - mème. II prit la pofte a Gènes , Sc fe rendit a Paris , pour voir ft Germain lui foutiendroit en face qu'il étoit mort. 11 n'en eut pas le courage 'y 8c , fur 1'appel interjetté de l'ordonnance de M. le lieutenant-civil, mtervint arrêt, le 19 juin 1730 , qui fit main levée de 1'appofition du fceüe , 6c condamna Germain , en fon nom, a c 00 livres de dommages Sc intéréts. Ce fut, a^peu-près , dans le même tems , que la dame Rapally quiua le féjour de Cnambery, pour revenir en Trance. , ,, Ce ne fut pas chez fon man qu eile choifit fon afyle r elle alla même jufqu'a le défavouer. Elle alla demeurer chez le fieur Dupin, ou ne pouvant plus fe faire pafler pour veuve , elle reprit le ütre de fille , 6c fe fit appeller Mademoifelle Delorme. On en avoit la preuve confignée dans un aéte public du 16 mars 173J. C'étoit Pafte baptiftaire d'un enfant né fur la paroifle de Sainfr  de Mariage. j yj Médard , dont elle fut la marraine. Elle n'y prit d'autre qualité que celle de Demoifelle Eléonors - Thérèfe Delorme , file de Louis Delorme , & de Nicole Parifel, & n'y figna que fon nom de fille Delorme. Mais voici une révolution plusfuprenante ; le fieur Rapally avoit été appellé a Gènes par la mort de fon père. Sa femme , qui 1'avoir fui , pendant qu'il éroir a Paris, fait paroïrrc le plus vif empreffemeut d'efe réunir avec lui, quand elle le fcait abfenr, èc occupé a Gènes d'affaires importanres.. On croiroit que , pour parvenir a. cette réunion, après fept années de divorce, elle lui auroit écrit, pour lui témoigner au moins quelques regrets de ce qui s'étoit paffé, & le defir qu'elle avoit de fe rejoindre a celui qu'elle reconnoilfoit enfin pour fon époux; que , du moins , elle auroit eu recours a la mediation de quelques amis communs pour opérer la réconciliation, & préparerfon retour. Non; ces voies honnêtes n'etoient pas du gout de ceux qui guidoient fes pas, & lui infpiroient fe» fentiments. Elle fe met, le feptembre 17$^ ; i la tête d'une cohorte d'archers armé*  $f 914 livres dans le mois de juin, & s'étoit cru difpenfé , au moyen d'une avance fi confidérable 3 de lui fournirles 100 livres du mois de juillet. La dame Rapally entre dans le cabinet de fon mari, Sc , voyant un fac d'argent que le fieur Foton venoit de lui envoyer , elle fe jette deflus, Sc veut 1'emporter malgré lui. Le mari réfifte avec d'autant plus de raifon , que cet argent n'ètoit pas a lui. On mande un commiflaire j on verbalife devant lui*  de Mariage. 383 La dame Rapally n'ofa pas contefter le fait des 914 livres, recues au mois de juin; elle convint qu'elle avoic enlevé ) le fac dargent malgré le fieur Rapally -y &, pour s'excufer, fe répandit en divers 1 reproehes. Cette fcène n'eut pas d'autre 1 fuite. Comme la dame Rapally n'avoit ■ pas été préparée, ce jour-la, & n'avoit , pas parlé avec aflez de force, on lui fit rendre , Ie lendemain , une rroifième plainte qui rouloit fur des faits anciens dont elle n'avoit point parlé dans les deux précédentes. C'eft le fait d'une : femme de chambre qu'on lui a préfen: tée , & qu'elle prérend n'avoir pas re. fufée. C'eft le fait d'un diner, qu'elle dit qu'on n'a pas voulu lui porter dans I fa chambre , paree qu'on attendoit ' qu'une femme juftement fufpecte au il fieur Rapally fe füt retirée ; au lieu nque la dame Rapally vouloit diner , .avec elle , tête-a-tête. La quatrième plainte eft du 16 juilllet. La dame Rapally y déclare que fon II mari lui a voulu faire figner un état de 11a dépenfe qu'il avoit faite , pour elle , depuis cinq mois, montant d prés de 1.4000 hvres'; qu'elle 1'a refufé; que, iliut ce refus, il lui a donné un foufflet.  3S4 Demande en cajfaiion .Mais elle dit que cela s'eft patfé dans Je .cabinet de fon mari , oü elle étoit feule avec lui. Ce qui rentte dans le fait articulé par la première plainte , .que le fieur Rapally Caccable de politefJes & d'amitié., en pré/enee des perfonnes ,qui le viennent voir, & d'injures^ des qu elles font retirées. Avec de telles fables , l'on peut ipoulfer -des clameurs; inais ela-meurs Inutiles , puifque la femme ne peut •foutenir fon .accnfation , ni le mari juftirier fon innocence. Les cinquième & fixième plainres font encore plus frivoles que tout le •refte. Elles ne roulent que fur le refus de fervir le diner a la dame Rapally , ■paree que le mari vouloit qu'on attendït le départ d'une femme qui éroit avec elle, qu'il favoitpriée inftamment de ne point voir, &: avec laquelle il ne vouloit avoir aucune relation. Tous ces objets ne pouvoient donc altérer la paix , que dans quelques moments de vivacité pafiagère. Aufli k dame Rapally convenoit - elle ellemême , qu'ils n'avoient eu aucune fuisie „ .& que J'union a regné entre eux , jËnforte que la oohabitaüoii, difoii-elle, avoic  de Mariage. j 8 j «voit été pleinement retablie. Venons donc au fait du 11 aoüt. La dame Rapally allègue , dans Ja plainte qu'elle rendit ce jour-la, qu'une blanchiiieufe lui étant venu demander dei'argent, elle defcendit dans 1'appartement de fon mari; qu'étant enttée dans fon cabiner, elle s'afijn fur Jes genoux , cv lui expofa, avec toute la douceur imaginable , la néceflité de pourvoir a ce paiemenr; que fon mari lui répondit en des termes que la bienféance ne permet pas de rapporter j qu'ayant iniifté, il lui donna un coup de poingfi furieux dans l'eflomac, qu'il la renverfa d fes pieds . . qu'il Je jetta fur elle lui donna plufieurs coups de poings ; lui dechira Ja garniture, & lui tnarcha, des deux pieds, Jur la poitrine. Elle ajoute que, ƒ elle neut de reJJource_ que d'appeller d fon fecours ; que les domeftiques étant arrivés , 1'arrachèrenc des bras de fon mari la firent afléoir dans un fauteuil, oü la parole lui manqua par une trés - grande oppreffwn de poitrine, caufee par les coups quelle venoit de recevoir ; que la parole lui étant revenue , elle dit a'un ton entrecoupê & de fuffocation t qu'elle avoit l'efiomac Tome XV, R  5 8 6 Demande en caffation rompu , quelle n'en pouvoit plus , & que le fieur Rapally lui avoit donné des coups^ mortels ; qu'ayant demandé de 1'eau a boire , & en ayant bu a deux reprifes, elle la revomic avec du fang mele ; «n'ayant appuyé fa tête fur le bras d'une perfonne , le deur Rapally 'accabla d'injures , & fit tant de défordre , que la blanchdfeufe avertit le frère de la dame Rapally, qui étoit dans fon appartement. II defcendit, & la dame Rapally lui dit de ne point1abanoonner ; qu'alors elle fut interrompue par le rang qui la fuffoquoit, & qu'elle rendit t avec abondance, fur le carreau. Elle ne put s'empêcher de reprocher, avec vivacité, au fieur Rapally, 1'inJigiutc de fa conduite, ce qui excita un troifieme vomifiement de fang. On apporta des mouchoirs; on les trempa dans ce qu elle avoit rejetté, & ils fe trouvèrenc teints de fang; elle en répandit encore avec abondance, tant fut les carreau , que dans les mouchoirs ; qu'alors le tieur Rapally convinr qu'il y avoit du lang , mais foutint qu'il n'en étoit pas cauje , & qu'on ne pouvoit prouver qu'il lui eut donné ni coups de pieds, ni coups depotngs. La plaignante prit la réfolution d aller chei un ?hirurgien,pwr ^oir lesJecQurs  de Mariage. %ul étoient nécejfaires a l'état mourant oh ellefe trouvoit. Elle monte a fon appartement, foutenue par deux perfonnes , & couvre 1'efcalier de fangcaillé • elle entre dans fa chambre: la , placée dans un fauteuil, elle vomit encore , pour la fixième fois, du fang fur le carreau. Enfin le paflage qui conduifoita fon grand cabinet en étoit encore rempli, au moment oü l'on rédigeoit cette plainte. II eft certain qu'on ne peut foutenir Ie tableau de cette fcène fanglante, fans en être attendri. Un mari qui renverfe fa femme par terre, d'un coup depoing , qui la foule aux pieds, en lui marchaut fur lapoitrine, qui la laifte expirante. Quel fpedacle oftre la dame Rapally , dans ces triftes conjonctures ? La poil tnne écrafée ne refpite plus qu'avec peme; elle ne peut ioutenir fa tête elle ne peut faire un pas , fans ctre appuyeej lesflots de fang couleur en abonnance a chaque mouvement, Ie cabinet du man, 1'efcalier, Ia chambre, Ie paflage dncabinet, tout en eft inondé Mais ce qui rend la férociré de 1'auteur de tous ces maux plus révoltanteencore c eft Ia beauté de celle qui les éprouve' Un voit noyés dans les larmes & dans le Rij  288 Demande en cafation fan* • on voit couverts de meurrriflures des°attraits qui femblent ne potwoir ètre appercus que pour infpirer de la tendreiie, & qu'on ne doit toucher que pour les careder. Mais fufpendons nos alarmes & nos regrets. La dame Rapally va nous tranóuïllifer elle-même. Dans Tétat d accablement & de foiblefle ou elle devoit fe rrouver après de fi rudes epreuves , dans le péril d'une mort prochaine dont elle femble menacée, on s'attend qu elle va précipitamment faire accourir medecins, chiturgiens, commiffaires, pour en rirer les fecours & la vengeance qui conviennent i fon état. Non ; cette actric- mouranre fur le théatre , reprend, fur Ie champ , toutes fes forces monte leitementdansuncarrofTe de place, &c, de la rue Guénégaud , oü elle demente va chercher un chirurgien a la place de Grève. U, fortant du carroffe , elle affemble , par fes cris une populace nombreufe, qui repand bienL dans Paris , le brUit des malheurs de la dame Rapally, & pre*ient rout fe public des acres de férocite qu une époiife fi charmante & fi complaifante énrouve de la part de fon mari. pCependant le fieur Graniet, chim*-  ie Mariage, 389 gien , étoit abfent; & cette femme fi délicate, qui eft aux portes de la mort, a le courage &c la force de 1'attendre fans aucun fecours. II arrivé enfin , elle lui fair le récit de fes malheurs. 11 propofe une faignée. Mais des circonftances particulières , dont la dame Rapally lui fait la confidence, obligent de différer. Voila donc une vifite inutile , qui ne procure a la malade aucun fecours contre des maux qui la mettoient a 1'extrémité , 8c qui n'aboutit qu'a promener cette moribonde dans un quarcier fort éloigné de fa demeure. Ses courfes ne fe bornent pas la ; elle remonte dans le même carrofiè, 8c fe fait conduire chez le plus galant 8c le plus honnête des commiflaires , le commiftaire le Comte, vis - a- vis la comédie franeoife, ou elle n'arrive qu'a quatre heures du foir, quoique la fcène fe fut paffee a dix heures du matin. Ainfi fix mortelles heures s'étoient écoulées, fans recevoir le plus léger fecours de 1'art contre les bleffures mortelles dont elle ctoit atteinte. L'état d'anéantiffement oü elle étoit réduite , les douleurs qu'elle éprouvoit , 8c qui lui annon-. coient une mort prochaine, ne 1'empê* Riij  39© Demande en caftation chèrent pas de didter unelongue plainte, qui ne put être rédigée en moins d'une heure. Enfin , fur la fin du jour, elle fe retire chez M. de la Brojfe , rue Poupée , & c'eft la oü fe termincrent fes voyages. La eile fut vifitée par un chirurgien , qui dreffa procés-verbal de fon état. Il déclare qu'i/ trouva la dame Rapally au lit, avecfievre & opprefflon. Ces fymptomes ne doivent pas être d'un grand poids, en faveur du fyftême de la dame Rapally \ tous les mouvements que s'c*. toit donnés cette femme élevée avec toute la délicatefle de Populence les précautions que Pon prend pour 1'éducation d'une fille chérie, avoient pu, dans le tems critique oü elle fe trouvoit , exciter cette émotion. ( Le chirurgien ajoutequ'i/arcm^ae trois contufwns; une au coude 5 l'autre a la partie moyenne de Vavant bras ;te la troiftème d la parite moyenne pofte-, rieure laterale gauchede la poitrine: toutes les trois de la granleur de trois travers de doigt, & frites par coups depoing ; ou autre chofe femblable. ? On fentit que ce rapport n'étant point fait par ordonnance du juge , ne pouvoit faire aucune foi en juftice. 11 en fut lait  de Mariage. % f) I un fecond, le 13 aoüt, en vertu d'une ordonnance de M. le lieutenant-civil ; Sc c'eft celui-ci feul qui a un caradtère d'authenticicé. Le médecin Sc les deux* chirurgiens du chatelet qui 1'ontrédigé, ne trouvèrent, a la malade, ni fièvre , ni oppreflion. Ils remarquèrent feulement deux contujions ; 1'une d Ia par de moyenne & pojlérieure du bras droit j l'autre d la partie moyenne & pojlérieure de l'avant-bras gauche, toutes deux de la grandeur d'un travers depouce ; en outre un rejle de contujion fur la einquième & Jtxième des vraies cotes gauches , parties pojlérieures : le tout fait par un inflrument contendant, comme coup depoingt chute, ou autre femblable. Ces deux rapports , quoiqu'il s'y trouve quelque difterence , fe concilient cependant. On y voit deux contufions; 1'une au bras droit, Sc l'autre au bras gauche , qui ont pu être occafïonnées par des coups de poing, ou par une chüte. En eftet, la dame Rapally , qui vouloit faire croire que fon mari 1'avoit battue , s'étoit jettée par terre dans le cabiner ; ce qui avoir pu lui caufer ces deux contufions. D'aillenrs, rien n'eft plus facilequede s'en precurer de pareilles, en fe frappant contre Riv  392 Demande en cajfation une porte, ou contre un mur; principalement quand c'eft une jeune femme s dont la peau tendre 5c délicate fe reflent des moindres impreflions. Les deux rapports anuoncent encore une rroifième contufion , mais fi peu conftdérable, que , dans le rapport du 23 aoüt, elle n'eft exprimée que par ces rermes: un refie de contufion ; Sc ou eft-elle placée? C'eft fur la cinq 6c fixième córe gauche, partie poftérieure. Voila donc tout ce que les médecins Sc chirurgiens ont trouvé. Mais ils n'ont appenju aucune marqué de violence , ni fur la poitrine , ni fur Peftomac. Cependant c'étoit fur ces parties que les coups motteis avoient été portés; ura coup de poing (i furieux dans 1'eftomac , qu'elle en avoir été renverfée par terre. C'étoit fur fa poitrine que le mari avoit marché a deux pieds. De-la les fuffocations,les flots de fang qui ont inondé 1'appartement Sc 1'efcalier. Par quel prodige ces parties rompues, brifées par rant d'eftbrts, fe font-elles trouvées ft belles, fi faines, que l'on n'y a pas appercu 1'ombre même d'une contufion , Sc que l'on a été réduit a en aller chercher au bras & i une cbte gauche, partie poftérieure ?  de Mariage. 3 9 3 Enfin} le 3 o dn même mois d'aoüt, c'eft-a-dire , neuf jours après cette fcène fi tragique , la dame Rapally fit écrire a. fon mari un billet qu'elle figna. Il eft 1 aflez fingulier, pour devoir être copié : M. Rapally aura agréable de remeitre a M. Bellot, une bajfe de viole , quatre livres de pièces de marais , un livre de cantates de Campra, un opéra , & un livre de romance. A Paris , /e 30 aoüt 1734. Delorme de Rapally. II faut avouer que, pour une femme rcduite , le 11 , dans un étatfi déplorable, qu'e//e étoit entre la vie & la mort, le goüt pour la mufique lui eft bienröt p revenu. Le 11 , la parole lui manque , i .Ie fang la fuffbque; & le 30, elle ne I .penfe qu'achanter, &C a jouer des inf: tmments. Canrates , opéra, romance , , bafle de viole, étoit-ce donc la les fecours & le régime que la médecme lui I .'avoir prefcrirs ? Si jamais elle ne propo| foir d'autres remèdes, il n'y a perfonne 1 qui ne voulüt être malade comme Ia dame Rapally. Cependant le fieur Rapally fur afïï1 gné au chatelet, le t6 aout, pour voir ; ordonner que fon époufe feroir féparée 1 d'avec lui de biens 8c d'habitation. L'inftance fut évoquée aux requëtes du R v  3 94 Demande en cajfation palais, oü elle demanda perrniffion de faire preuve des faits articulés dans fa plainte. Cette demande fut rejettée par fentence prononcée fur délibéré, le 21 mars 1735. M. Cochin qui, dans cette caufe , porta encore la parole pour le fieur Rapally, obferva, d'abord,que, quoique le mariage forme un engagement mdilfoluble , il faut cependant convénir qu'une femme traitée inhumainement par fon mari, peut réclamer Fautorité des loix, pour fecouer un joug tyrannique, que la religion &c la nature n'ont jamais prérendu lui impofer. Mais il faut avouer aufli que ces fortes de demandes ne doivent être admifes qu'avec la plus grande circonfpeetion. Les féparations portent tourjours une force d'atteinte a la dignité du facrement, a Phonnêteté publique a 1'intérêt même des families. Elles déployent un étendard de difcorde , fous lequel trop de perfonnes feroient difpofées i fe ranger. En un mot, c'eft un remède néceffaire , mais c'eft un remède violent, que la juftice n'emploie , pour ainfi dire t que dans lesmaladies jléfefpérées. La dame Rapally pouvoit-elle fe flat-  de Mariage'.- 3 9 j ter de vaincre, fur cela , la répugnance des magiftrats ? Si elle leur offroit, en elle, le fpeótacle d'une femme fidelle a fes engagements, attenrive i fes devoirs, qui eüt cherché a fe ménager 1'eftime , la confidération, la tendrefle de fon mari, on pourroit être tenté de formerdes voeux pour elle ; on pourroit préfumer qu'elle ne fe feroit pas portée légérement a une actiën que rien n'auroit annoncée dans la conduite qu'elle avoir tenue auparavant. Mais ici, celle qui fe préfenté eft une femme qui, après avoir conrraété le plus facré & le plus folemnel de tous ks engagements, aofé réclamer contre fon propre érat, & entrepris de fe dégrader a la face de tout 1'univers; C'eft une femme que 1'autorité de tous lesjugements les plus refpe&ables n'a pa* faire renrrer dans Ion devoir; errante fugitive hors du royaume, & perfiftanc' avec opiniatreté dans un divorce fcandaleux. C'eft une femme qui s'eft jouée' impunément de tous les ntres les plusüuguftes-Après avoir vécu comme fermme avec le fieur Rapally , elle a-plaidé' comme fille pendant deux ans; depuis elle a fait appofer le fcellé comme veuve-elle s'eft enfuite donnée pour Ryj  3 2 : \ la furprife. Mais ces circonftances font inutiles, fi l'on ne prouve qu'effeétivement le fieur Rapally 1'avoit battue , & lui avoit fait les outrages donr elle fe plainr: autrement il ne tiendroit qu'a une femme artificieufe de préparer une ; fcène tragique, & de la repréfenter avec beaucoup d'appareil , pour flétrir fon mari, & le dépouiller de tous les droits qui lui appartiennent. 11 faurdoncqu'elle remonte jufqu'aux prétendues violences , aux prétendus . exces qu'elle impute au fieur Rapally. ! II faut qu'elle prouve qu'^7 lui a donné un coup de poing fi furieux , dans l'eflo- I mac , qu'il 1'a renverfée par terre; qu'il lui a donné enfuitz plujïeurs coups de pied & de poing, qu'il lui a marché, avec les deux pieds, fur la poitrine. Mais la preuve de ces faits étoir-elle donc poflible ? La dame Rapally prétendoit qu'ils s'éroient pafles dans le cabinet de fon mari, oü elle éroit feule avec lui. Elle ne prétend pas établir ces faits par des actes & par des écrits : elle convient qu'il n'y avoit point. de té¬ moins. IN ert-ce pas une ïllulion, apres cela, de déclamer, avec force, contre  '4© i Demande en cajjauon Paureur de ces violences, de les articuIer, & demander permiffion d'en faire preuve ? Mais , difoit la dame Rapally j je me charge de la faire cette preuve ; cela fuffit: 11 je ne puis pas y parvenir, je fuccomberai dans la fuite :' mais il faut toujours commencer par 1'admettre. Mais les promelles ne coütent rien i quand on veut faire admettre une preuve, prolonger un divorce qui plait, fatiguer un mari, & profiter de tous les accidents qui peuventfurvenir dans le cours d'une procédure embarrafïée, pour jouir d'une liberté agréable. Mais la juftice ,' qui ne fe paie pas de chimères 8c d'illufions, fe prêtera-t-elle a. des vues fi indignesde fa fageffe ? Vous vous plaignez que votre mari vous a battue dans un tems, dans un lieu oü vous étiez feule aveclui.Sicela eft, vous êtes a plaindre; mais c'eft tout ce que nous pouvons faire pour vous. Quels fecours demandez-vous a des naagiftrats que vous ne pouvez pas convaincre ? Cette réponfe peut-elle ètre éludée par des promelTes que 1'expofé du fait rend phyfiquement impoflibles ? Ce n'étoit pas la première fois que  de Mariage-. 40 j cette queftion avoit été préfentée a la juftice. La dame de Marchainville,ma- 1 riée depuis 1719 , prétendoit avoir été oturagée pluiieurs fois par fon mari, Sc" avoir recu, en plufieurs occafions , des fouffletsJ& des coups de poing. Mais ces faits étoient couverts par une cohabitation reconnue. Un événement plus tragique , felon elle, 1'avoit enfin obligée de demander fa féparation. Elle prétendoit que , le 2. novembre 1717, étant dans le chateau de 1'Aigle avec une nombreufe compagnie, pendant qu'on jouoit en ; bas , dans le cabinet de fon père , elle ; étoit montée dans fon appartement 5 que fon mari 1'avoit fuivie , qu ils kolt ' j ené fur elle 3 & t'avoit accablée de coups; , qu'ayant voulu èchapper, il la ratrappa par derrière , la prit aux cheveux , la renverfa par terre , 6* lui donna tant de coups de pieds & de mains, quelle étoit toute couverte de contufions tt de plaies ,' & quil lui auroit tout d'un coup oté Itt vie, fi la compagnie, alarmèepar le eruit, , ne fit accourue d fon fecours. Ce font les propres termes du mémoire qu'elle fitimprimer. Ces faits étoient aftiirément aufli graves, que ceux de la dame Rapally. Les  404 Demande en caffdtion effets qu'on lui attribuoit étoient bien plus remarquables & bien plus funeftes', que ceux dont parle la dame Rapally. 11 étoit prouvé, par les certificats des médecins & des chirurgiens mandés auditor , qu'ils avoient trouve la dame de Marchainville dans fon lit, avec beaucoup d'émotion , au point de lui croire une faignée néceffaire, qui ne put être c lebree d caufe de l'état contraiicloire dans lequel ladite dame déclara être : qu'elle avoitplufieurs égratignures fur la poitrine, & des excorations d la levre , ér a la gorge, qu'elle déclaraprovenir des maltraitements que venoit de lui faire fon mari; qu'elle avoit plufieurs contufons fur la cuiffe droite , avec une autre contufion , quatre doigts au-defibus du genou de la jambe gauche. Dans 1'afFaire de la dame de Marchainville , ce n'étoit pas , comme on voit, de fimples contufions au bras , &C un refte de contufion a une cóte; mais des égratignures, mais des excoriations dont le fang couloit en plufieurs parties du corps. Cependant, elle demanda en vain permiftion de faire preuve de ces faits, elle fut déboutée de fa .demande. t: Pourroit-onadmettre d'autres régies  de Mariage. 405' en faveur de la dame Rapally ? Dans 1'affaire de la dame de Marchainville , la fcène s'étoit paffée dans 1'apparte1 ment de la femme, oü le mari 1'avoit 1 ftuvie ; ce qui pouvoit faire préfumer - une préméditacion de la part du fieur : de Marchainville. Ici , c'eft dans le ca, binet du mari, oü la femme 1'eft vemi 1 trouver. Certe circonftance n'etoit pas favorable a la dame Rapally : dans 1 1'affaire de la dame de Marchainville , les faits étoient les plus graves que l'on '. püt expofer a. la juftice; ceux de la dame Rapally ne 1'emportoient pas par 1 leurénormité. Dans 1'affaire de la dame i de Marchainville , toute la compagnie étoit accourue au bruit, ici, ce nefont • que de fimples domeftiques. Dans 1'affaire de la dame de Marchainville , on la trouve réellement toute couverte de plaies & de contuuons: ici on n'appercoit pas la plaie la plus légère , mais feulement de foibles contufions. Dans 11'affaire de la dame de Marchainville , Ion voit qu'elle fe fait mettre aufli-töt dans fon lit , qu'elle envoie chercher :des médecins & des chirurgiens qui ia Ivifitent dans 1'inftant: ici, la dame Har "pally va, dans le même inftant , parccourir tous les quartiers de Paris j c'eft  Demande en caffauon elle qui va chercher le chirurgien, pouï' lui dire qu'elle n'a aucun fecours a lui demander; c'eft elle qui va chez le commiffaire , pour lui rendre plainte. Enfin, dans 1'arraire de la dame de Marchainville, elle arciculoit des faiis bien circonftanciés, & demandoit permiffion d'en faire preuve. Mais cette preuve lui fut refufée , paree qu'elle imputoit i fon mari des cruaurés qui n'avoient, felon elle - même, aucuns fpecrateurs. La dame Rapally arcicule fes faits avec la même confiance ; Sc la même raifon doit néceffairement les faire échouer. II ne fuffit donc pas a une femme de jouer, avec art, un róle préparé depuis long-tems , de faire bien du bruit , d'appeller au fecours, de fe préfenter avec une garniture déehirée, de fe lamenter fur les fureurs dont elle fuppofe avoir été la vi&ime, de paroitre abattue , accablée , luffoquée , de vomir même, après avoir bu a plufieurs reprifes; tous ces vains dehors ne paflent que pour une comédie, quand la caufe n'en peut pas remonter jufqu'au mari. Aufli, la dame Rapally avoit - elle expofé , dans fa plainte , que fur le récir qu'elle avoit fait des prétendues  de Mariage. '407 Cruautés de fon mari, il répondic, devant tous ceux qui étoient accounts , que cela étoit faux, Sc qu'elle ne pouvoit pas prouver, par rémoins , les couds I de pied Sc de poing dans Peftomae, dont elle le plaignoit. Auroit-il parlc ainli, devant ceux mêmes qui auroient vu fes prétendus emportements ? La dame Rapally leur auroit-elle fait le récit de fes difgraces , s'ils en avoient été les fpeétateurs ? Tout prouve donc 1'impoflibilité d'admettre la preuve d'un fait qui n'a point d'autre garant que la déclaration même de la dame Rapally. Mais il y a plus: la faulTeté du faic eft démontrée, r.,u par les circonftances qui ont précédé, que par celles qui ont fuivi. On voit, avant la fcène du 21 aoüt, • 1'indifpolition que les fieur Sc dame Dupin avoient concue contre la dame Rapally , de ce qu'elle s'étoit réunie avec fon mari. Les chofes avoient été poulfées jufqu'a une rupture ouverte de leur part ; iis ne vouloient plus voir . leur fille. = Au mois de mars, on négocie une I réconciliation entt'eux : un voyage en I Provence devoit la retarder. Mais enfin  4o8 Bemande en cajfatlon elle s'eft faite dans la fuite ; & auflitóc on voit les orages fe former dans la maifon du fieur Rapally. lis fe terminèrent enfin par la fcéne fcandaleufe du 21 aoüt. II faudroit être aveugle s pour ne pas appercevoir que ce font eux qui ont conduitcet événement dans les vues qui les ont toujours animés. La préméditation éclate encore par «ne circonftance bien remarquable. li eft établi, par un mémoire écrit de la main de la dame Rapally , en date du mois de juin , qu'elle avoit treize robes differentes. Elleforr, le 21 aoüt, avec une feule robe ; & ayant, depuis , demandé qu'on lui remit tous les habits , hardes , linges , toil'Vtes & autres chofes a fon ufage, on n'a rrouvé que quatre robes qui lui onr été envoyées , Sc dont elle a donné fon recu. Que font devenues les huit autres ? U eft évident qu'elle avoit eu foin de les faire porter hors de la maifon du fieur Rapally , plufieurs jours avanr qu'elle la quittar. Le parri étoit donc pris avant les prétendus trairs de barbarie impufés au fieur Rapally. Par conféquenr, tout n'eft ici que comédie , dans un événement que l'on attribue a la rage du fieur Rapally. Mais  de Mariage. 409 Mais quel eft donc le motif qui a pu exciter cette rage ? Une femme charmante, ornéede tous les attraits, vient trouver fon mari dans fon cabinet, elle s'aftied fur fes genoux , lui demande , avec toute la douceur imaginable, une modique fomme de 30 livres, &c auftltót il fe livre a un exces de barbarie , donr les ames les plus féroces feroient incapables. Une pareille idee peut-elle être propofée férieufement ? On convient que ce qui n'eft pas vraifemblable peut être vrai. Mais c'eft déja un grand avanrage , que d'avoir contre Paccufateur, un défaut de vraifemblance a lui oppofer. Cela ne fuffit pas: il faut ajcuter qu'en matière de crimes, c'eft un principe de droit , qu'on ne prcfume pas qu'un homme s'eft rendu coupable fans caufe , fans prétexte, fans occafion; & l'on u'apper^oit pas ici le plus léger motif qui eüt pu irriter le fieur Rapally, « Mais, difoitla dame Rapally dans » fon mémoire, mon mari n'a pas paffe » fubitemenrde ma propofition a Ia » fureur: cela eft venu par degrés. Ma » propofition le fit changer de vifage ; » fa phyfionomie , toujours fombre , fe torembrunit encore: il me refufe dou- Twne XV, S  41 o Demande en cajjatlon » cement. Je lui repréfenrois que Ia » fomme étoit modique. .. . M. Ra~ » pally fe mit en colère; il me dit des » injures grolTières, & voulut me met» tre hors de fon cabinet. J'infiftai un »peu \ les injures redoublèrent : je » pleurai ; mes larmes Ie mirent en » fureur; d'un coup de poing dans lef» tomac , il me renverfa par terre >►. Cette peinture , qui nous fait voir par degrés , une phyfionomie plus fombre, la colère, les injures, les coups, èlt un jeu d'imagination qui, frappée de 1'abfurdité du fait en lui - même, veut y conduire infenliblement par divers mouvements ; qui femble ne fufpendre les excès, que pour les rendre vraifemblables. Mais le mémoire , en cela, n'étoit point conforme avec fa plainte. Elle repréfentoit le fieur Rapally comme un homme qui, enflammé d'abord a la propofition de fa femme , la renverfe par terre , la foule aux pieds , & veut 1'égorger. Le fieur Rapally avoit relevé rimpoflibiliré d'une pareille frénéfie. Sa femme , convaincue qu'elle avoit été trop vite , dans fa plainte, s'étoit réformée dans fon mémoire ; elle avoit peint la fureur s'élevant par degrés.  de Manage. 411 Mais cette reffburce venoit trop tavd ; il n'étoit plus tems d'imaginer; il falloit s'en tenir a ce qui éroit configné dans une plainte juridique, qui feule peut & doit être confultée. Quel pouvoit donc êtte 1'objet de ['enquête ? Ce n'éroit pas de prouver les traitements que la dame Rapally prétendoir avoir recus: elle convenoit que perfonne n'y avoit été préfent. Ce n'étoit pas de prouver fes cris , fes plaintes, 1'accablement dans lequel elle avoit paru ; le fieur Rapally en convenoir. Voici donc a quoi elle fe réduifoir. « Les témoins accourus a mes cris, di» foit-elle , m'arrachèrenr des bras de >> mon mari, dans le tems qu'il me » maltraitoit encore >>. Mais , en premier lieu , la plainte rendue, le même jour, ne va pas li loin. On fe contenta d'y dire que les domeftiques accourus 1'arrachèrent des bras de fon mari: ces rermes , dans le tems qu'il me maltraitoit encore, étoient d'une invention poftérieure. On fentit que la plainte feide condamnoitla dame Rapally. Le fecours de la fiction fut toujours prêt dans une affaire dont elle étoit feule Pame & le mobile. Ainfi on avanca hardiment, dans le mémoire, ce Sij  411 Demande en cafjation qui n'étoit pas dans la plainte. Faifoiton une object-ion a la dame Rapally „ tirée de fa propre plainte ? Aufti-totelle trouvoit la réponfe dans de nouvelles découvertes, que fa mémoire lui fourniffoit, au bout de deux ans, & qu'elle n'avoit pas faites le jour même de fa plainte. D'ailleurs eft-il poflible que les témoins fuflent arrivés dans le tems qu'on la maltraitoit encore ? Elle avoit dit , dans fa plainte , qu'après que les témoins furent arrivés, fur les reproches qu'elle fit a fon mari, il répondit,d'un air de triomphe, qu'on nz pourroit prouver , par témoins, qu'il l'eüt frappée. Ce langage , qu'elle rapportoit ellemême, ce langage tenu publiquement devant tous ceux qui étoient accourus , fe peut-il concilier avec le fait qu'elle hafarda depuis , que les témoins arrivé" rent dans le tems qu'on la maltraitoit encore} Un homme qui auroit été furpris par plufieurs perfonnes, dans le tems mème qu'il maltraitoit fa femme , auroit-il ofé leur dire , dans 1'inftant même : au moins il n'y a perfonne qui puiffe dire qu'il m'ait vu maltraiter ma femme} C'eft cependant ce que la dame Rapally rapportoit elle-même de fon  de Mariage. 41 J mari. En falloic-il davantage , pour 1» convaincre de fuppofuion groflière dans ce qu'elle avancoir, depuis, pour faire admettre la preuve ? L'enquête demandée n'avoit donc point d'objet. Elle n'en avoit point , pour les traitements cruels que la dame Rapally prétendoit avoir recus \ elle convenoit que perfonne n'y étoit préfent. Elle n'en avoit point pour les cris , les plaintes , les gémiflements , les vomiflements réitérés; le fieur Rapally ne les nioit pas. Elle n'auroit donc eu , pour imique objet, que le fait que les domeftiques qui étoient accourus 1'avoient arrachée des bras de fon mari. Mais que pouvoit fignifier un fait de cette nature ? La dame Rapally , dans les Sfgttarioiis qu'elle s'étoit données pour jouer le rble de femme battue, put facilement retenir le fieur Rapally , qu'elle difoit elle-même avoir pris par fa robe , elle put faire paroitre aux domeftiques qu'iis étoient Puh auprès de l'autre : & , de cette unique circonftance , elle en aura fair 1'objet d'une pteuve. Mais, difoit-elle , c'eft a moi a faire ma preuve ; ne vous inquiétez pas du S iij  414 Demande en cajfatlon fuccès ; fi les témoins n'ont rien vu > que craignez vous ? Ce difcours eft fpécieux: mais la réponfe eft facile. i2. II ne feroit pas de Ja fagefle du tribunal d'ordonner une preuve que 1'expofé de la plainte rend comme impoftible: une plainre de cette nature ne s'admet pas légérement; auttement il faudroit dire que toute femme qui formeroit une demande en féparation, Sc qui hafarderoit un fait de violence de la part de fon mari, même pendant qu'ils feroient feuls enfermés dans leur chambre, devroit néceffairement être admife a la preuve; ce qui feroit abfurde. 20. II n'y a perfonne qui ne fente le danger de commettte une preuve a des parties qui, depuis tant d'années, avoient formé tantd'intrigues Sc rant de cabales contre le fieur Rapally, Sc qui avoient cherché a le perdre par tant d'indignités. Enfin une preuve admife peur éternifer le proces; elle entretient la femme dans un efprit de divorce, elleprolonge Sc augmente le fcandale. Ce n'eft donc qu'a vee de grandes précautionsque l'on admet ces fortesde pteuves, & lorfque les circonftances en font connoitre , en  de Mariage. 415 i mëme-tems , & la néceflité, & la pof: fibilité. Ces circonftances manquoient toutes a la dame Rapally. Quant aux événements qui ont fuivi la fortie de la dame Rapally de la roai' fon maritale , on peut dire qu'ils ont tous été conduits pat un efprit d'aveu; glement. I N'oublions jamais l'état ou la dame , Rapally fe dépeignit elle-même dans i fa plainte. Frappée de coups moreels, la ; poirrine rompue par la fureur avec la! quelle le fieur Rapally a marché des deux i pieds fur une parrie fi délicate. La dame , Rapally , entre la vie tk la mort, ne 1 pouvant foutenir fa tête , fuffoquée a 1 chaque inftant, par les flots de fang dont elle inonde toute la maifon : au lieu de fe faire porter dans 1'afyle le ! plus proche , de fe faire mettre dans un lit, d'envoyer chercher médecins , ; chirurgiens, gardes, commiflaires, eile monte légèrement dans un carroffe de place; elle en foutienr toutes lesfecoufles i avec une force qu'elle n'auroit peut! être pas eue dans la plus brillante fanté : elle parcourt tous les quartiers de Paris pendant cinq ou fix heures , de la rue Guénégaud a la Grève ; de la Grève , vis-a vis la comedie trancoüe ; de ia Siv  416 Demande en cajfation rue de la Comédie-francmTe, a la rue Poupée. C'efr elle qui va chercher un chirurgie» qu'elle auroit dü mander , 8c qui auroit volé a fon fecours ; c'eft elle qui va chercher le commiflaire, & lui diere une trés longue plainte dans fon cabinet. A-t-elle donc oublié qu'elle étoit mourante , qu'elie ne pouvoit ni parler, ni fe fourenir? Ce n'eft que dans la maifon de fon mari qu'elle expire ; par-tout ailleurs , fes forces font inépuifables. Ces fairs, décrits dans fa propre plainte, fo rment contre elle une preuve littérale, conrre laquelle la preuve teftimoniale ne peut être admife. Les rapports en chirurgie formenc une feconde preuve littérale, qui nè permet pas d'en admettre une contraire. Les faits de fa plainte y font contredits d'une manière fi forte & fi puiflante , qu'on ne peut plus les regarder que comme une fable groffière. Quels font ces faits ? Que la dame Rapally a recu, un coup de poingjï furieuxdans l'ejïcmac, quelle en a été renverfée par terre. Suivant les deux rapports, on n'a pas trou vé la moindre impreftionfurl'eftomac, la moindre contufion, la moindre tar chej cette pattie étoit faine; rien n'a-  de Mariage. 417 voit altéré la blancheur de la peau. Le fieur Rapally avoit marché avec f ureur, des deux pieds , fur la poitrine de fa femme; & cela au mois d'aoüt, dans le tems qu 'elle n'avoit qu'une fimple robe de taffetas. Cependant la poitrine eft comme 1'eftomac; rien n'y eft altéré; on n'y appercoit pas même la moindre tache. L'impreftion violente d'un corps pelant qui auroit du naturellemenc ï'écrafer, n'en a pas même terni 1'éclat. L'impofture, après cela, n'eft-elle pas confondue ? Vingt témoins, qui dépoferoient , après cela, avoir vu le deur Rapally marcher avec fureur fur la poitrine de la dame Rapally, Sc la renverfer par terre d'un coup de poing furieux donné dans 1'eftomac, feroient vingt témoins convaincus d'impofture , par une preuve juridique de la fanté parfaite de ces mêmes parties , dans des moments qui ont fuivi de fi piés les prétendues fureurs du mari. Comment pourroit-on en admettre la preuve? Toutceque leschirurgiens ont trouvé fe réduitadeux contufions j une au bras droit, & l'autre au bras gauche , & un refte de contufion a une cbte laterale gauche, partie poftérieure. LaplusfeiS v  418 Demande en caffation ble impreflion auroit du produire ces marqués légères. Mais elles font fi éloignées de 1'eftomac & de la poitrine , que ces découvertes mêmes ne fervent qu'a mertre 1'impofture dans un plus grand jour. La dame Rapally, qui a voulu jouer le róle d'une femme battue, a bien voulu fouffrir que les parties indifférentes, en quelque manière , fuflent légèremenr ofténfées : mais elle a voulu que l'on refpectat fon eftomac & fa poitrine : & , en cela , elle a ellemême trahi fa caufe , 8c fourni au fieur Rapally 1'argument le plus déciftfpour la juftification. Une dernière confidération qu'il ne faut pas négliger, c'eft la contradiction quife trouve entre la plainte de la dame Rapally, 8c le mémoire fair en fon nom , 8c qu'elle a figné. On a vu qu'elle difoit , dans fa plainte , que le fieur Grenier, chirurgien, lui confeilia une faignée ; qu'elle lui repréfenta que l'état ou elle fe trouvoit ne le permettoit pas; ce qui 1'obligea de différer ; 8c elle dit, dans fon mémoire, qu'étant arrivée chez la dame de la Broffe, elle fut, fur le champ , faignée du pied. Depuis qu'elle étoit fortie de chez le chirurgien , jufqu'a ce qu'elle fut arrivée  de Mariage. 419 chez le fieur de Ia Brojfe, fon état étoitil changé? ne pouvoit-elle recevoir le fecours de la faignée dansun momenr, Sc cependant fe faire faigner un inftant après? Depareilles contradi&ions font-' elles 1'éloge de fa fincérité Sc de fa bonne-foi ? Cette affaire pouvoit donc fe réduire a un feul point de vue bien fimple.La dame Rapally , entrainée par les confeils pernicieux qui Fobfèdenr, a voulu faire déclarer qu'il n'y avoir point de mariage valable entre fon mari & elle. Elle a articuié des faits de violence Sc de contrainre , des faits de févices. Elle ademandépermiffion d'en faire preuve. Mais la juftice inexorable ne s'eft point prêtée aux impoftures qu'on lui faifoit débiter; Sc , en rejettant la preuve , a confirmé 1'engagement qu'elle avoit contraóté. Après fept ans de révolte contre 1'autorité de I'arrêt} elle eft revenue chez le fieur Rapally : mais les confeils, qui 1'avoient d'abord féduite , 1'ont encore flattée d'un refte d'efpérance , Sc lui ont fait entendre que , fi eile fe prètoit a 1'intrigue, ils pourroient lui procurer une fiberté qui lui eft fi chère. Elle a donné trop facilement dans le piège : elle a encore articuié S vj  4 2 o Dem arde en cajfatlon , $cc. des fairs de fureur & d'emportemenr. Mais , outre qu'elle ne peur plus merker aucune conrïance , après avok été convaincue de calomnie , 1'impofhbilké de prouver des faits qui s'étoient paffés , felon elle - même , dans la folirude du cabinet, & les preuves de fauffeté qu'elle avoir adminifrrées elle-même , devoient nécelfakement faire échouer un complot dans lequel on reconnoilTok la même maiignité & Ia même impofture qui avoient ammé fes premières démarches. Par arrêt du 24 avril 1736", la fenrence des requêtes du palais, da 21 mars 1735, fut confkmée.  4xi *E N F AN T S DUN SOU Dl ACRE ET D'UNE ABBESSE, DÊCLARÈS LÉGITIMES. Le titre de cette caufe fingulière annonce au lecreur un intérêr alfez attachanc, pour que je croie devoir me borner au fimple récit des faits , & a 1'expofé des moyens , fans chercher a y ajouter aucun ornement. Edmie de Bridières, étant entree , a 1'age de 14 ans, dans Pabbaye du Lys, diocèfe de Sens , proche Melun , y fit profelfion en 1599. En 1606 , elle fut nommée co-adjutrice de l'abbaye de Saint - Remy - des - Landes , dans la Beauce , diocèfe de Chartres, proche Claire-Fontaine. En 1608, le décès de  412. Enfants d'un Soudiacre 1'abbefle, dont elle étoit co-adjutrice; la rendit titulaire. En cette qualité, elle s'acquitta de toutes les foncrions , Sc jouic de tous les droits qui appartiennent a une abbeffe. Dès la première année de fon avénement, elle avoit admis Sc recu quatre religiéufes a la profeffion. Elle donna , pendant fon adminiftration , les prieurés qui dépendoient de fon abbaye : ede emprunta de 1'argent , au nom du monaftère, Sc foutint, en qualité d'abbelfe , plufieurs procés contre différens parriculiers. Ces procés s'inftruifoient Sc fe jugeoient en la quatrieme chambre des enquêtes, oü M. Chauveün , foudiacre, étoit confeiller-clerc. II étoit, enoutre , abbé de Saint-Père. L'abbe'.e de SaintRemy fit la connoidance de ce juge , dans le cours de fes follicitations. Leur liaifon devint intime; 1'un oublia qu'il étoit dans les ordres facrés ; l'autre qu'elle éroit liée par des vceux en religion L'abbeffe devint enceinte , Sc accoucha dans fon couvent. Les deux amants continuèrent de fe fréquenrer; deux autres enfanrs , nés pareillernent dans le couvent, furent le fruit de leur commerce.  & d'une Abbeffe, &c. 423 Enfin la dame de Bridieres fortit du couvent en 162.2, & fis rendit en un village , prés de Bourges, ou M. Chauvelin 1'époufa , fans que ni 1'un ni l'autre eut obtenu aucune difpenfe. Six enfants , outre les trois premiers, naquirent de cette union. Rien ne la troubla jufqu'en 1647 , que le promoteur en Poflicialité de Paris , excité par les parents , ranr du foudiacre, que de la religieufe , &c par le fcandale qu'excitoit ce commerce incertueux , pourfuivit la religieufe, pour la faire rentrer dans fon couvent. Cependant les parents de M. Chauvelin & de la dame de Bridieres fe prêrèrent a un arrangement , & confentirent a leur mariage, pourvu qu'il fur célébré fuivant les loix de 1'églife Sc de l'état. En conféquence, on interjetta , au parlement , appel comme d'abus de la procédure faire en 1'officialiré de Paris ; & la religieufe demanda que fes vceux fuflent déclarés nuls. Sur cet appel, & fur 1'acquiefcement des parents , & du confentement de M. le procureur général, inrervint arrêt, le premier juillet 1647 , par lequel , fur la demande en nullité de vceux , on renvoya a fe pourvoir par-  414 Enfants d'un Ssudiacre devant 1'official de Sens, a la charge néanmoins d'obtenir, en cour deRome, un brefqui en relevat celle qui les avoit prononcés. La dame de Bridieres s'adrefla donc au pape ; & , dans fa fupplique , elle ne rir aucune'mention qu'elle eüt été abbeflè, Sc qu'elle en eüt exercé les fohétions: elle déclara, au contraire, qu'elle n'avoit rien fait qui püt tendre a ratifier fes vceux. Le brei: fut expédié Ie premier feptembre 1647 : mais la difpenfe qu'il accordoit étoit fous la condition que 1'impétraiite avoit réclamé dans les cinq ans. Ce refcrir étoit adrelfé a Pofficial de Sens, qui 1'entérina, mais fans conteftation, 8c fans contradicreur légitime ; 6c ordonna aux parties, pour route réparanon du fcandale qu'elles avoient caufé , de réciter , tous les jours , pendant un an, le Mifrere a genoux. M, Ckauvelin compnz que par ce refcrit , qui ne concernoir que les vceux de la religieufe, il n'étoit pas autorifé a fe maricr, 1'ordre du foudiaconat, dont il étoir pourvu , Sc dont il n'étoit pas difpenfe, formant un obftacle i fon union conjugale. Lnconféquence, la dame de Bridieres  & d'une Abbejfe, &c. 425 & lui s'adreffèrent, de nouveau , au pape; Sc , le 12 juillet 1648 , fur une fupplique auili peu exacte que la première , ils obtinrent conjointement un fecond bref, qui fut adreffé a rofficiai de Paris , par lequel 1'abbé Chauvelin étoic rélevé de 1'engagement réfultant du foudiaconar,& la dame de Bridieres de fes vceux en religion. Ce bref fut entériné a Paris , avec permiflion aux parties de fe marier. Munis de ces pièces, ils s'adreffèrent, en 1649 , a l'ofricial de Bourges, pour obtenir permiflion de faire célébrer leur mariage dans le diocèfe. Ils 1'obtinrent, fe marièrent dans une paroiife de la même ville, Sc mirent fous le poêle les neuf enfants qu'ils avoient eus jufqu'aIors. Ces deux époux vécurent tranquillement jufqu'a leur décès , qui arriva en 165 5.La fortune qu'ils laifsèrent montoit a 50,000 écus, que leurs enfants, fans éprouver aucune contradiótion , partagèrent par égales portions. Ces enfans jouirent de la même tranouil.lité dans les pattages qu'ils firent, a mefure que chacun d'eux vinr a décéder. L'ainé, nommé Jacques Chauvelin , furvécut a tous fes freres, recueillit  '4i 6 Enfants a"un Souiiacrt feivl route la fucceflion des père & mèrs communs s fans que perfonne fongeat a 1'inquiéter. Enfin , en 1663 , Guy Chauvelin controleur des tréforiers de la maifon du roi , frère du confeiller décédé , mourut fans enfants, 8c fans avoir fait de teftament. Ses frères 8c fa fceur fe difposèrenr apartagerfa fucceflion,fans ionger a Jacques Chauvelin, leur neveu. Ils crurent qu'il devoit être content de ce qu'on ne 1'avoit point attaqué fur fa naiflance , de ce qu'on ne lui avoit contefté ni I'hérédité de fon père , ni celle de fes freres; mais on n'imagina pas qu'il put fe préfenter pour recueillir une fucceflion collatérale dans une familie oü fa naiflance ne lui permettoit 1'exercice d'aucuns droirs civils, & oü on ne lui avoiclailféoccuperune place» que par tolérance, &c par des confidér rations d'honnêteté. Jacques Chauvelin ne penfa pas ainfi. Perfuadé que 1'union de fes pète 8c mère étoit légitime ; que d'ailleur5 des collatéraux étoient non-rccevables a 1'attaquer , il fit afligner fes oncles 8c fa tante, pour avoir partage dans la fucceflion. La conteftation fut portee aux requêtes  & June AMeJJij&c 417 ia palais , oü Jacques Chauvelin obtint une provifion de 3000 livres. Ses oncles & fa tanre interjettèrent appel comme d'abus de 1'exécution de la difpenfe des vceux de la dame de Bridieres, de 1'engagement de 1'abbé Chauvelin, & de la célébration du mariage qu'ils avoient contraóté. Le parlement, par cet appel, étant faifi de 1'affaire , Jacques Chauvelin obtint un arrêt fur requête , qui confirma fa provifion. Les appellants formèrent oppofition i cet atrêt; & la queftion fut traitée dans toute fon étendue. Pour que Jacques Chauvelin , difoiton , pür demander partage , il faudroit qu'il fut né d'un mariage légitime : mais, étant né d'une conjonótion facrilège } d'une conjonótion réprouvée par toutes les loix divines& humaines, il ne peut pas implorer le bénéfice de la loi , qui tient toutes les fucceflions dans fa main, & ne les difpenfe qu'aux citoyens ifliis de mariages contractés fous fes aufpices, tk conformémentaux régies inviolables qu'elle a prefcrites. Or, quels étoient les père &c mère de Jacques Chauvelin ? D'un cóté, c'eft un foudiacre revêtu d'une charge exclufiYement affeótée aux eccléfiaftiques en-  '418 Enfants dun foudiacre gagés dans les ordres ; Sc pourvu d'un bénéfice dont il jouifibit, Sc percevoic les revenus. D'un autre cóté, il a eu, pour mère, nne religieufe qui, après un noviciat en règle , a prononcé fes voeux dans un age compétent, a été revêtue de la dignité d'abbeffe, en a exercé les fonctions pendant vingt ans , fans avoir , pendant un auili long efpace de tems, fait aucune réclamation , ni aucun acte qui put en tenir lieu. Tels font les parents auxquels le fieur Jacques Chauvelin doit le jour. 11 eft né , perfonnellemenc, pendant que fa mète réfidoit dans fon couvent, Sc y faifoit les fondtions d'abbeffe ; Sc les derniers de fes f-ères font le fruit d'une débauche publique , que l'on vouluc enfin couvrir d'une apparence de légitimité , en profanant le facrement de fnariage; profanation dont la témérité n'a peut-être pas d'exemple. Si la familie de Fabbé Chauvelin a fermé les yeux fur cette union fcandaleufe, fi elle a fouffert que celui qui en eft le fruit recueillir les biens de fon père , c'eft que, plus attachée a 1'honneur qu'a 1'intérêt, elle n'a pas voulu mettre au grand jour la turpitude d'un  & d'une Abhejfe, &c. ^if de fes membres, ni dévoiler la naiffance inceftueufe d'un homme qui portoit fon nom , & étoit véritablement fils d'un magiftrar qui, abftraction faite de fon coupable attachement, méritoit de la confidération. Devoit-on , après tant de complaifances, s'attendre que ce même enfant, auquel on avoit fait des facrifices aufli confidérables pour cacher fa honte, viendroit lui-même , a. la face des tribunaux & du public, tévélet fa propre turpirude , & faire a fes bienfaiteufs un crime des graces dont ils 1'avoient comblé, & qui n'éroienr que 1'eftet d'une générofité qu'il ne devoit pas attendre, & qui n'a peut être même pasd'exemple? 11 fe fait un moyen de ce long filence, & de cette tolérance,quine devroit être, pour lui, qu'un motif de la plus vive reconnoiflance. Mais qui eftdl , pour vouloir implorer les fins de non-recevoir , & les prefcriptions ? Ne fijait-il donc pas que jamais un enfant inceftueux ne peut être légitime par un mariage fubféquent ? Or, quelle eft 1'époque de fa naiflance? Sa mère vivoitdans fon monaftère , ou elle étoit retenue , par les vceux qu'elle avoit faits a Dieu, au pied de fes autels; elle étoit revêtue  430 Enfants d'un Soudiacre de la dignité d'abbeffe, dignité qui ne peut réfider que fur la tête d'une véritable religieufe. La conception de cet enfant eft même une fuite des foncrions qu'elle exercoit comme abbefte , puifqu'elle n'eft devenue mèrej que paree qu'en fa qualité d'abbefie, elle follicitoit un proces pour la communauté qu'elle régiffbit. Le père de cet enfant étoit, dans le même-tems, fous les liens d'un ordre efféntiellement incompatible avec le mariage. Ainfi , quand on fuppoferoit que le mariage qui a été contracté depuis feroit valable , il n'auroit jamais eu la vertu de purifier la naiffance de Jacques Chauvelin, ni de lui donner les honneurs de la légitimité. N'a-t-on pas jugé que 1'enfant d'une femme mariée a un impuiffant, né avanr la diflblution du mariage , étoit adultérin. La raifon qu'en donne Tiraqueau, dans fon traité de legibus connub. eft que, quoique cette femme puiffe devenir libre par la fuite, cependant les foiblefles qu'elle fe permet font autant d'adultères, tant qu'elle n'eft pas dégagée des liens du mariage putatif qui 1'attache a 1'homme qu'elle a époufé.  & d'une abbejfe, &c. 431 Ne peur-on pas , d'après cela, foutenir qu'une religieufe , après plus de vingt ans de profeliion, & un foudiacre étant artachés auxautelspardeschaïnes bien plus forres, que celles quilienrune femme a un homme impuiifant, n'ont pu donner la légitimité a un enfant, avant les fentences desofficiauxqui ont annullé leurs premiers engagements , & que cet enfant eft adultérin ? Mais il y a plus. Le pape, en aecordant les difpenfes a 1'ombre defquelles le mariage a éré célébré , a fait ce qu'il ne pouvoit pas faire. Les conciles & les conftitutions canoniques veulent qu'une religieufe, qui eft tombée dans le crime qu'a commis la dame de Bridieres, foit enfermée, pour pleurer fa faute pendant toute fa vie; 8c qu'on ne lui donne même la communion qu'a la mort. Les pères de 1'églife regardent comme de véritables adultères les mariages contractés par les perfonnes conlacrées k Dieu. Ces véfités font confignées dans un traité que Saint-Ambroife a adtefté k une vierge qui s'étoit lailTé corrompre. Quafpopondit Chrifio, dit-il , & fanctum velamen accepit, jam nupfit, jam immortali junïïa eji viroy & jam,jzvoluerit nubere communi lege conjugiï, aduU terium perpetrat, ancilla mortis efficitur.  4 i i Enfant d'un Soudïacre Le concüe de Calcédoine défendaux reiigieufes de contracter mariage, fous les peines les pius févères que 1'églife puilte infliger. Virginem qua fe Deo confecravit ,fimi/iter & monachum non licere nupüalia jura contrahere. Qubdfi hoe inventifuerint perpetrare, excommunicentur. Can. 19. Mais, fans chercher des autorirés ailleurs que dans 1'églife gallicanne , Ie premier concile de Tours , celui de Vannes , le cinquième de Paris , le premier de Macon , le troifième de Lyon ont prononcé les mêmes peines, contre ceux qui rompent leurs vceux j en s'engageant dans le matiage. Nos rofs ont autorifé ces jugements eccléfiaftiques , & Chariemagne en a ordonné 1'exécution en plufieurs endroits de fes capitulaires. Les papes eux-mêmes ont regardé les vceux en religion comme un lien fi indiffoluble, qu'ils ont déclaré qu'il n'étoit pas en leur puiifance de le rompre. Non ajlimet abbas , dit Innocent III, aux décrétales de fiatu monachoru-n qubd fuper kabendd proprietate , poffit cum aliquo monacho difpenfare, quia abdicatio proprietatis , ficut & cufiodia cafiitatis adeb efl annexa reguU monachi  & d'une abbeffè, &c, 43 j j monachi , ut contra eam nec summus I pontifex possit licentiaai indul1 cere. Les apparences mêmes de I'engage: menr contra&é par les vceux font li I refpeótables, qu'il n'eft pas permis a I celui qui prétend ,qu'ils font nuls, 3c qui en pourfuic juridiquement la diflblution, de quitter 1'habit monaftique avant d'avoir obtenu le jugement qui :\ doit l'affranchir; & s'il fe donne cette licence, il doit être renfermé dans fon monaftère , & puni comme apoftat. Qubdfi ante habitum fpontc dimiferit t nullatenhs ad allegandam quamcumque I caufam admittatur ; fei ad monaflerium redire cogatur, & tanquam apoftata pu' niaiur, dit le concile de Trente. Ce n'eft pas que les canons & nos lloix regardent comme irrévocables les 1 voeux faits a tout age, & dans toutes fortes de circonftances. II y a, fans doute, ;des profeftions qui font radicalement [nulles , & dont les tribunaux doivent jdélier ceux qui les ont prononcées. L age a été fixé, par le concile de TrenJte, & par l'ordonnance de Blois, a feize ans. Mais cet age n'eft pas aflez imur , pour mettre celui qui y eft parvenu a 1'abri de toute impreflion étranTomc XF. X  434 Enfants d'un Souilac-e gère \ Sc il n'eft que trop fréquent de voir un jeune homme , & une jeune fille précipités dans uncloïtre par i'impreiïïon de la crainte , Sc pour des motifs purement humains. Aufli leur a-t-on laiflè un certain tems , pour réclamer ; & ce rems eft borné a cinq ans; pafle lequel or. préfume que la réflexion Sc le goüt les ont attachés a leur état, Sc que leur lilence a raririé leurs vceux. Mais ces cinq ans expirés, le concile Sc l'ordonnance ne permettent plus d'écouter aucune réclamation , fur quelque fondement qu'elle puifle être appuyée. Le pape n'a donc pas eu intention d'aucorifer le mariage entre un foudiacre & une abbefle; & quand il auroit eu cette intention , il auroit enttepris au-dela de fon peuvoir. Il a bien pu les abfoudre du pêché dans lequel ils ont vécu ; mais il n'a pas pu couronner leur crime, les autorifer a le perpétuer ; il n'a pu donner a leur débaucne , le ritre honorable du mariage. Ainfi les enfants qui en font nés ne peuvent êcte confidérés que comme les enfants du pêché; ils font le fruir de 1'incefte de leuts père Sc mère, & doivent avoir, pour tout partage, la honte de leur naiflance.  & d'une abhejfe, &c. 43 c Le défenfeur de Jacques Chauvelin établit d'abord , par plufieurs texres, lanr del'écriture , que des pères Sc des conciles, que , fi Ï'ordre de diacre Sc Sc foudiacre obligeoit au cclibat ceux qui y avoient éré promus, c'étoit feulemenr par un décret de 1'églife dicré par des morifs de bienféance, d'honnêreté publique, & pour que les affections , les follicirudes qu'entraine le mariage ne détournaflenr point les miniftres des autels du zèle & de 1'alfiduité qu'ils doivent exclufivement aux fonótions de leur miniftère; mais que ce décrer ne lioir que ceux qui éroient entrés de bon gré dans ces ordres , Sc qui en avoienr enfuire exercé publiquement les foneticus, Cet exercice eft regardé comme un vceu folemnel que l'on fait de refter attaché a Ï'ordre que l'on profefle , Sc d'en remplir tous les deVoirs, au nombre defquels le célibat tienr un des premiers rangs. Et cette manière de fe lier eft bien plus efficace que celle qui réfulte d'une fimple formule de patoles prononcées avec certaines cérémonies: on ratifie fa vocation ; on exerce fa miffion , Sc l'on fe lie ainfi a la loi eccléfiaftique , qui inTij  43 6 Enfants d'un Soudiacft terdit le manage a ceux qui ontrecu les ordres facrés. Mais li, après avoir été ordonné diacre , ou foudiacre , jpn refufe d'en faire les fonctions; li on n'a recu ces ordres que par force 3 ou par crainte ; li on n'a été déte.rminé a cette démarche , que par des vues profanes , comme Pefpoir d'obtenir un bénéfice d'un revenu confidérable, ou le projet de fe faire pourvoir d'une charge réfervée a ceux qui fonr dans les ordres 3 on peut dire, avec Tertuhen Sc Origine, qu'il n'y a eu aucun engagement contraéfé , {k que cette démarche n'a point rendu celui qui 1'a faite inhabile au rnariagé. II elt vrai que M. Chauvelin s'éroit marié avant de s'être pourvu contre fon ordination. II étoit, eii cela , contrevenu aux loix extérieures de 1'églife. Mais cette coiitraventicn n'avoit d'autre effet, que de rendre les parties indignes de recevoir Ia bénédiétion &c Ia grace du facrement, jufqu'a ce qu'elles eulTent fatisfair a 1'églife. Le mariage n'en étoit pas, pour cela, moins valable 4 1'égard des enfants; & il ne léur a pa? moins conféré les droirs de la légitimité, II fuffit, pour eer effet, que la faute que 1'ona faite en fe mariant, foit fufceptibl|  & d'une AbbeJJe, &c. '4.$"? 'ü'abfolution Sc de difpenfe ; & , en quelque tems qu'elles arrivent , foit avant, foit après le mariage , elles produifenr toujours leureffer. Quant aux enfants , elles ne changent rien a leur conditiën , & n'ont pour objet que de purger la confcience , Sc rendre la paix inréfieure a. ceux qui les obtiennent. Depuis que la rigueur de Pancienne difcipline de Péglife a fait place aux pratiques de la cour de Rome, on n'a pas cru qu'il fut jufte de mettre en compromis 1 etat d'un enfant s fous prérexte de défauts Sc de nullitésqui peuventfe réparer, pour ainfi dire, a prix dargent. En effet, il n'y a point d'exemple qu'on ait annullé des mariages contractés fans ces difpenfes qui ne fe refufent point. On condamné les parties en des aumónes; on les exhorte a fe réconcilier avec Péglife, Sc a fatisfaire les loix du for intérieur : mais on ne les fépare point, paree qu'on fcait que Ie droit qui défend ces conjonótions eft un droit {(afitif, & qu'il n'eft établi par aucune oi divine. On en trouve un exemple célèbre dans les mémoires de du Tillet, fous le règue du roi Jean. Marguerhe, com* Tiij  43S Enfants dun Soudiacre teffe de Flandres , époufa Boucharit d' Avefnes , qui, lors de fon mariage 9 étoit diacre , chanoine de Tournai, Sc chantre de 1'églife cathédrale de Laon. Elle en eut deus enfants; Jean ScBaudouin. Son mariage fut cenfuréa Rome , paree qu'il avoit été fait fans difpenfe». Bouchardct'Avefne fe mit en route, pour aller folliciter lui-même cette difpenfe Sc mourut, avant que d'arriver. Marguerite fe remaria avec Guillaume de Dampierre, dont elle eut des enfants» Grand différent fe mut, dit du Ti liet ^ entte les enfants des deux mariages. Ceux du fecond prétendoient que les autres étoient batards } comme iffus d'un mariage réprouvé. Ce proces fut jugé au parlement, Saint Louisyféant. Les enfants des deux lits furent également admis a la fucceflion, Sc partagèrent entr'eux les comtés deHaynault Sc deFlandre. Du Tillet ne rapporte pas le motif de ce jugement. Mais Mathieu Paris dit aue Bouchard d'''Avefne n'avoit fait aucune fonction de fes ordres. C'étoit un guer tier dont ie bras avoit plus paru couvert de fang, que de la fum 'e de Veneens & des facrifices. 11 étoit marié , il eft vrai, fans difpenfe j mais c'étoie  & d'une Jbbejfe , &c* 439 tine négligence , une faute même bien fufcepcible de grace & de pardon. II avoir enrrepris le voyage de Rome , pour 1'obcenir , & faire révoquer la cenfure que le pape avoit lancée contre lui. La mort le furprit en chemin : repen tin i casus inïquuas per conjecluram pïetatis emendanda, comme dit la loi 3 , cod. de inoffic. teflam. C'eft pourquoi le roi & le parlement fuppléèrent la difpenfe , & confirmèrent le mariage. M. Chauvelin étoit dans un cas bien plus favorable. Ce n'eft pas une difpenfe qu'il avoir obtenue, mais un refctit qui déclaroit que Ï'ordre qui lui avoir été confcré étoit nul. Ce refcrit fut adreflé a 1'officiai de Paris; rous fes parents furenr appellés, il fut interrogé; on fit, fur les faits qu'il avoir articulés, une enquête dans les formes: le refcrit fut entériné contradicroirement avec les parents, qui, depuis ce rems-la, Pont toujours reeonnu comme laïque, &c ont trairé avec lui en cette qualité: & c'eft vingt ans après fa mort, lorfqu'il ne peut plus fe défendre , que ces mêmes parents viennent interjetter appel comme d'abus, & de Pobtention du refcrit, & de la fentence de fulmination ! Si jamais appel comme d'abus a été mal: Tiv  44° Enfants d'un Soudïacre fondé, c'eft certainement celui dont il s'agit ici. A 1'égard de la dame de Bridieres, toutes les fentences des offtciaux ayant été rendues contradiótoirement avec les parties intérefiées , & ayant déclaré qu'elle n'avoit jamais été liée par un vceu légitime, que fa profeflion éroit radioalementnulle , il eft conftant qu'elle avoit pu fe marier , fans attendre de refcrit qui déclarat cette nullité. Les enquêtes fur lefquelles étoient intetvenues ces fentences avoient prouvéque la dame de Bridieres n'a voir prononcé fes vceux qu'en conféquence des violences qu'elle avoit éprouvées de la part de fes parents , qu'elle les avoit prononcéavant lage requis par les loix, êc fans avoir fait de noviciat. Cette profeflion étoit donc nulle, faute d'un confentement libre de la .part de celle qui 1'avoit faite. Or n'étant que le fruit de la violence, elle ne produit aucun eftet réel; & tous les acres extérieurs qui paroiflent en être une fuire , font vains , & ne peuvent lui donner une réalité dont elle eft effentiellement privée.On a cru voir une religieufe , on a cru voir une abbefle , paree qu'elle en avoit tcus les dehors \  & d'une Albejje, &c. 441 & que le public ne pouvoit juger que fur ces dehers. Mais ce n'étoit qu'un fantöme , qui trotnpoit tous les yeux. Cette dignité d'abbefie, que fa familie avoit follicitée Sc obtenue pour elle , étoit un nouveau piège qu'on lui avoic tendu, pour réalifer des liensqui n'exifroient pas. On avoit cru que 1'efpèce d'indépendance que donne aufourd'hui cette qualité a celles qui en font revètues, que la facilité de fe fouftraire a une partie des exercices d'une règle auftère , que la difpofition prefqu'arbitraire d'un revenu confidérable, 1'attacheroient a l'état auquel on 1'avoit condamnée. Mais ces fleurs dont on avoic cherché a parer le joug dont on 1'avoit chargée, ne le lui rendirent pas plus ddux;&, comme il n'étoit que 1'ouvrage de la violence Sc de la fédu&ion, elle crut enfin devoir le rompre, Sc fe délivrer d'une captivité a laquelle laprovidence ne 1'avoit pas deftinée. Une profefifion nulle de droit ne peut jamais devenir valable. C'eft une aótion illégitime, que la loi détruit dans fon principe. Quand une profeftion a été faite fuivant les loix , quoiqu'elle foit viciée par un principe ctranger, tel que la crainte Sc la violence, ce vice peut Tv  44 * Enfants d'un Soudlacre être détruit , dans Ia fuite , par na confentement libre, & exprimé par des actes qui 1'annoncent. Mais quand les nuïïités dont on fe plaint font prononcées par la loi, c'eft un vice radical, perpétuel Sc ineffacable. Nos rois ont cru qu'il étoit de leur fagefle de mettre au nombre des loix publiques celles qui regardent les profeffions & les mariages.'Ils ont conlidéré ces actes comme des contrats, Sc ont voulu qu'ils priflent, de la loi, toute leur force & toute leut vigueur. C'eft: elle qui doit leur donner 1'exiftence, Sc les animer , pour ainfi dire, d'une vie civile. Aufli lorfque ces actes font faits contre l'ordonnance , lorfqu'ils choquent la difpofition exprefle de la loi 9 deftirués de fon autorité , ils demeurent imparfaits , comme inanimés , privés de la vie civile & politique, Sc par conféquent incapables de produire aucun eftet. Jettons donc un coup d'ceil fur ces loix. L'ordonnance d'Orléans, faire en i5 accorderez l'effet de leurs prières , v> qu'ils redoubleront envers le Sei» gneur , pour la profpérité de votre » chère compagnie ». La troupe , fur ce placet , qui lui fut préfenté le 1 1 Juin 1696 , ocrroya aux Cotdeliers 36 livres par an, a raifon de 3 livres par mois. En 1700, les Augultins réformés du fauxbourg Saint-Germain follicitèrent la même grace, par une requête en ces termes: « A MM. de ï'dluflre compagnie de » Ia comcdie du Rol. » Les religieux Augultins réformés »> du fauxboug Sainr - Germain vous >> fupplient trés • humblement de leur » faire part des aumónes & charités » que vous diftribuez aux pauvres mai» fons religieufes de cette ville de Pa»ris, dont ils font du nombre : ils » prieront Dieu pour vous ». lis obtinrent la même fomme que les cotdeliers; & ce font ces générofités libres dans leur principe, qui font la fource du quart des pauvres , impofé aujqurd'hui fur tous les fpectacles de Paris.  ^.j 5 Arrêts én faveur Voici le brever en queftion.' « Sa majefté ayant eftimé a propos » de réunir les deux troupes de comé» diens établies a 1'hötel de Bourgo» gne, Sc dans la rue de Guénégaud a » Paris , pour n'en faire a 1'avenir » qu'une feule , afin de rendre les » repréfentations des comédiens plus » parfaites par le moyen des acteurs » Sc actrices auxquels elle a donné v place dans ladite troupe : Sa ma» jefté a ordonné & ordonne qu'a » Payenir , cefdites deux troupes de » comédiens Francois feront réunies j> pour n'en faire qu'une feule Sc même troupe , laquelle fera compo#> fée des acteurs Sc actrices donr la » lifte fera arrêtée par fa majefté ; Sc » pour leur donner moyen de fe per» fectionner de plus en plus, fadire » majefté veut que ladite feule troupe » puifiê repréfenter les comédies dans » Paris , taifant défenfes a tous aurres j? comédiens francois de s'érablir dans » ladite ville & fauxbourg de Paris , » fans ordre exprès de fa majefté: eu» joint fa majefté au fieur de la Reinie, » lieutenant général de police , de te» nir la main a 1'exécution de la pré# fente ordonnance. Fait a Verfailles , » le  des Comédiens Francois. j^^j » le 22 Ocrobre i*8q. SlgnéLOUIS; » & plus bas, Colbert , &c fcellé». Sur ce fondement , le lieutenanc général de Police rendit deux fentences , par lefquelles il défendir a tous ceux qui repréfentoient des petites comédies & des farces dans l'enclos de la foire SaintGermain , de continuer leurs fpeótacles. Le fleur Dufreflioy, receveur de 1'abbaye Saint-Germain-des-Prés , interjetta appel de ces deux fentences, qui Ie privoient du loyer confidérable qu'il retiroit des loges occupées par ces farceurs. M. le cardinal d'Eftrées , pour lors abbé, intervinr aufli dans la caufe , pour foute«ir les libertés & franchifes de fa foire. Les^ acteurs de la foire alléguèrenc premiéremenr qu'ils étoientcomédienj fbrains; qu "ils n'avoient jamais prétendu s'établir dans Paris pour y faire une réfidence fixe; qu'ils rt'étoient pas dans le cas des défenfes portées patIe brevet du roi , paree qu'il falloit les envifager comme des gens errants qui divertiflbient le public en pafiant. Secondemenr, qu'ils ne prenoient point la qualité de comédiens francois ; que leurs troupes éroient ordimirement compoiees d'Efpagnols . Tome XV. V  .45 ? /Arrêts en faveur d'lcaliens, d'Anglois , de Flatmnds , d'autres étraagersu Troifièmemeiy:, qu'ils ne repréfenjoient point de comédies fraucoifes * mais des fimples fragments de comédies efpagnoles & italiennes, qui n'onr, aucun rapport a celles qui le repréfenrent fur le théatre des comédiens du roi. Qu'enfin, en n'élevant leurs théatres que dans 1'enceinre des foires de Siint Germain & de Saint-Laurent 4 qui fout des lieux de franchife, lieux e-u, de tous tems, il y a eu liberté entiere pour le négoee & pour les fpectacles s ils doiveat être maintenus dans la même liberté pendant le tems que duren.t ces foires. 11$ prétendoienr ,que leurs raifons étoient d'autant plus foiides , que les comédiens francois n'ay.oient point de lettres-parentes , &C n'avoieut qu'un limple brevet qui n'étoit pas coijnu » 8f n'avoit point été enregiftré en la cour. Leurs moyens étoient foutenus par les anciens titres de 1'abbaye , & par jme polfenion immémoriale. Les comédiens francois répondoient fommairemenr qu'en regardant ces acteurs comme des paflagers , comme 4ps gens compofés de différentes na-;  êes Comédiens Francois. 459 tions, qui ne jouoient que des fragments de comédie , ils donnoient toujours atteinte a leurs droits. II ne sJenfuivroir poinr que , paree qu'ils ne leur caufoient pas tout le préjudice qu'ils auroient pu leur occafionncr , ils ne leur en caufalFenr aucun; qu'il ne s'agiffoit que de faire la différence d'urt moindre mal a un plus grand ; que 1'un & l'autre mériroient toujours d'être réprimés. Que les franchifes de la foire ne s'étendoienr pas a favorifer une comédie qui pouvoir faire rort a celle que le roi vouloit faire fleurir ; que le refpecx qu'on devoit avoir pour la volonté du prince, dans ce qui regardoit fes piaiflrs, ne devoit pas permettre qu'on s'opposat a fes intentions. k caufe du défaut de la formalité de femegïftrement. Arret intervinr, le 2 2 février 1707, par lequel les deux fentences furent confirmées: & les comédiens forains, auxquels le dialogue avoit été interdit, fe réduifirent au fimple monolome. Depuis cet arrêt , les comédiens franccis onr prétendu que les comédiens forains ne cherchoient qu'a en éluder la difpolition, plutot que d« v.j  4<5"o Arrêts en faveur s'y foumettre; &, pour en avoir la preuve, ils requirenc, au mois d'aoüc 1707, deux commiflaires de fe tranfporter a la foire Sainr Laurent, dans la falie ou Charles Do/et Sc Antoine de la Place avoienr fait éléver un théatre. Par les procés verbaux drefles les 11 & 30 du même mois d'aoüt , il eft conftaté que , dans les farces repréfentées par Dolet, de la Place , Sc autres , un acteur parloit haut, qu'un autre lui répondoit bas; Sc que celui qui parloit haut, paroiflbit répéter ce que fon camarade lui avoit dit bas ; ce qui formoit une efpèce de dialogue ; qu'il échappoit même quelquefois aux acteurs de faire un dialogue de trois ou quarre mots tout haut. Les comédiens fe déterminèrent a faire afligner ces forains a la Police, Sc demandèrent qu'ils fuflent condamnés a fe conform-er a. 1'Arrêt du 22 février 1707 , Sc en leurs dommages Sc intéréts , Sc que le lieu ou ils faifoient leurs repréfsntations feroit fermé , leur théatre abattu Sc dérnoli. Sentence jntervint, par laquelle les acteurs forains étoient condamnés envers les comédiens acinq cents livres de domjriages & intéréts, Appel en la cour,  des Comédiens Francois. 461 Les comédiens francois fe rendirent aufli appellants en ce que le juge de Police n'avoit pas fait droit fur la démolition du théatre des acteurs forains. La caufe portée a 1'audience , les forains difoient qu'ils avoient eu grand foin de fe conformer a I'arrêt du iz février 1707 » qui faifoit la loi des parties; que la plupart des fcènes qu'ils avoient repréfentées, ou qu'ils repréfentoient actuellement , étoient ou muettes , ou monologiques ; c'eftadire, qu'il n'y avoit jamais qu'un acteur qui proférat quelques paroles, & que celui auquel il les adrefloir , n'ofant répondre. crainte de former un dialogue , marquoit fimplemenr, par cercains geftes 8c certaines démonftrarions , la réponfe qu'il devroit faire , s'il avoit la liberté de la parole. Que ces geftes , quelque ftmples qu'ils pulTent être , avoient déplu aux comédiens francois, qui voudroient , s'il leur étoit poflible , leur interdire les mouvements du corps, avec la liberté de la langue. - Pour réuflir dans ce deflein , ils avoient engagé deux commiflaires a fe tranfporter dans le lieu oü étoit le théatre des acteurs forains. Ces offï- Vüj  '4/6'z "Arrêts en faveur ciers avoient fait deux rapports quï ont fervi de fondement! la fentence dont étoit appel. Ils n'avöient point de caractcre pour faire ce procés-verbal: ils auroient du êtte autorités pnr quelque jugement oa orconnance qui les eüt commis a cet effet; & ce dcfaut de formalité devoit faire rejetter leurs proces - verbaux ; qu'a prendre droit par ces mêmes procédures , on ne doit point conclure qu'ils eulfent contrevenu a I'arrêt de Ia cour ; puifqu'on n'y voyoir pas qu'ils eulfent fait aucun dialogue ni colloque > ex qu'il y étoit rapporte qu'il n'y avoit jamais qu'un feul homme qui parlar , témoin la fcène de Scaramouche dans la foire de Saint Germain, dont les commillaires font mention; que, s'il échappe quelquefois a- nn acteur de proférer trois ou quatre mors tout haut, cela marqué que ce n'eft que par hafard ; qu'ainli cela ne peut être appellé dialogue & qu'ils ne lachentque des monofyllabes. Les comédiens francois répliquèrent qu'il étoit étrange que la volonté du roi contenue dans le brevet que fa majefté leut avoit accordé , & 1'aurosité du parlement eufteut été fi peutei>-  des Comédiens Francois.- 46$ pedtées par les acteurs forains. Que fi' majefté , jaloufe de la perfedtion de lacromédie , avoir témoigné qu'elle fou-Raitoit qu'il n'y eüt que ceux qu'elle-" avoit choifis qui puffent s'y adonnet paree qu'elle vouloit, en les éclaitanf de prés, exciter en eux une noble émurfatïön, eapable de les engager a faire" de grands progrès. Cependanr, au mépris des ordres du roi, les acteurs fxn rains ofoient repréfenrer en public des comédies: c'étoient, fi l'on veut, des avortons , des dialogues imparfaits 3 qui ne paroilfoient être que des monoIbgues : mais d y avoit des interlocu-' teurs qui fembloient fe préfenrer paif hafard, qui laiffoient échappet des di£ cours qui fe Iioient avec ces monologues; mais cette fupercherie n étoit qu'une rufe , pour éluder les ordres du roi. Suppofons que fa majefté eüt défen-du a fes fujets qui s'adonnent a laf peinture , de la peindre; ne contre-viendroit - on pas a cet ordre par la moindre efquiffe que l'on feroit de fón porttaif, fans que 1'ignorance du peinrre , ou le défaut des couleurs puffenr lui fervir d'excufe ? A 1'égard des proces - verbaux qui V iv  4^4 Arrêts en faveur ont été faits par les commifTaires , ils font émanés cl un pouvoir fuffifant , pnifqu'ils dérivent d'une autorité donc font revêtus ces officiers, qui leur donne droit de verbalifer fur tous les faits de Police , &z les contraventions aux ordonnances. M. Guillaume Joly de F/eury, alors avocat général , enfuite procureur général , dit que , quoique fuivant les regies , les comédiens ne puffent fe flatter ni d'être entendus en corps, ni de jouir d'un privilege exclufif, n'ayant aucunes lettres-parentes enregiftrées en la cour; cependant la cour , dans tous les tems, n'avoit pas cru devoir ufer de cette rigueur, par rapport a un corps a qui l'on ne donne pas même le nom de communauté , mais de troupe ; qu'on rolère, fans en reconnoitre 1'éta.bliffement par une voie juridique , Sc qui, par la feule raifon de cette tolérance , doit jouir , dès qu'on le fouffre a Paris , du privilège exclufif que le roi a bien voulu lui accorder ; que ce privilège eft établi par le brevet du roi du 21 oélobre icTSo , Sc que les motifs en étoient fufKfamment expliqués dans le brevet. Que, fur ce fondement , il étoit intervenu plufieurs  des Comédiens Francois. 46$ fentences, arrêts, & réglements entre les parties: entre autres trois fentences portint défenfes aux appellants de repréfenter des comédies ck farces; l'une interventie en 1701, une autre le 17 juin 1703 , fur laquelle il avoit été rendu arrêt confirmatif; & encore une le 15 février 1704. Qu'après cela, il avoit encore été rendu deux fentences en termes plus précis & plus décififs , les 19 février &c 5 mars 1706, fuivies d'un arrêt confirmatif rendu le zi février 1707 fur les conclufions de M. i'avocat général Portall. Que routes ces décifions conformes ne laiffbient plus rien a defirer , que d'en ordonner 1'exécution en confirmant la nouvelle fentence interventie ie 9 feprembre 1707 , fur laquelle il y avoit néanmoins une obfervation a faire; fcavoir que ce jugemenr n'avoit point prononcé fur la démolition du théatre des appellanrs, en cas de nouvelles contraventions de leur part aux arrêts % Arrêts en faveur acteurs forains font des gens fans aveu Sc fans écabliflement; qu'ils ne font connus que par leur défobéiflance continuelle; qu'ils croyoienr être a 1'abri Sc fe bien difculper, paree que , difent-ils , ils ne repréfentent que des monologues. Mais que le monologue eft une fcène dramatique dans laquelle un acteur parle feul a lui-mëme, pour expiiquer quelque chofe néceftaire a 1'inteiügence de la picce, ou pour exprimer les paftïons qu'il repréfenre. Que ft le monologue eft une fcène dramatinue , il n'eft pas permis aux danfeurs de corde de faire des monologues , puifqu'une fcène eft partie de la comedie qui leur eft défendue. Alais leur prétendu monologue ne 1 eft point du tout: leut acteur parle feui; maisilnefe parlepasalui-même: il parle rout haut a un autre, qui lui répond a demi bas; Sc le premier répète haut ce qu'on n'a pas entendu du difcours du fecond; ou le premier , qui a parlé haut, fe retire dans la coulifle , pendant que Ie fecond lui répond rout haut, Sc fe retire enfuite z fon tour, pour attendre la réponfe du premier. Or il n'y a point de comédie que Ton  des Comédiens Francoïs. 469 tte put jouer toute entiere de cette faqon. La manière, a la vérité, n'en eft pas gracieufe; mais elle peut devenir plailante par 1'excès outré du ridicule. Quoi qu'il en foir, fi le monologue étoit permis aux danfeurs de corde , ils ne laifleroient pas de faire des fcènes très-agréables, s'ils avoient ces gens d'efprit pour lescompofer , Sc de bons aóteurs pour 1'exécution. 11 fe trouve beaucoup de fcènes monologiques dans d'excellentes pièces dp thrztrp . Annr pllpc fnnr 1'r.rnp- menr (1) ; & par conféquent elles font défendues aux danfeurs de corde. Mais ils ne fe bornent pas a celles-la; Sc pour couvrir leur jeu , ils jouent des fcènes partie muettes , & partie parlantes. Quand on leur défend de jouer des comédies , leur jeu ne doit en approcher en aucune facon. Efpèces , images , figures de fcènes , tout cela eft compris dans la défenfe. Ne jouentils pas des fcènes tirées du théatre italien ? Ils fuppriment le dénouement dans leurs pièces, afin de dire qu'ils (1) On peut citer cette fcène du Cid : Percè jufques au fonds cu cceur d'une atteinte imprivue aujfi bkn que mortdle.  47 o Arrêts en faveur ne contreviennent point aux arrêts." Enfin, il n'y a cpie des peines févères qui puiflenr les centemr. MJ Borderel, pour les acteurs forains , difoit que s'érant échappés dans des dialogues- a répréfenter des comédies entières, ils avoient été réprimés par fentence du 9 feptembre lyoj , confirmée par arrêr du 11 mars 1708. Que depuis, ils n'ont fait aucuns dialogues ni colloques , mais de firn* pies monologuesfans enchamement &C fans fuite; qne cependant ils ont été attaqués de nouveau par les comédiens: mais qu'ils n'ont point contrevenu , fuivant les procès-verbnux des huiffiers-, & des certificats de perfonnes de confidérarion qui ont aliifté a leurs- fpectacles; qu'enfin le monologue ne leur a poinr été défendu. Qu'ils n'ont dans 'leurs repréfentations aucunes inrrigues , aucuns- enc'riainements, aucunes liaifons, aucuns dénouemenrs , aucuns mariages, aucunes caraftrophes; rien enfin de ce qui fair 1'ame des comédies & des tragédies. Qre les farceurs ont droit d'avoir des :héaires. lis ajoutoienr que les- co-  des Comédiens Francais. 47* fnédiens nedoivenc point faire parade de ce qu'ils payent. aux pauvres 1 ils ne le prennent pas fur leur gain : c'eft Ie public qui en fait 1'aumóne : qu'ils ont; traité du fixième a quoi monte le revenu des pauvres, a quarante mille 1. pa? an ; qu'ainfi ils gagnent prés de deux cents mille livres par an rous frais faits 1 qu'ils ne devoient pas prétendre que le public n'aille prendre des divertifiernents que chez eux; & qu'après tout r il ne vient chez les défendeurs que des artifans, des valets 3 Sc du menu peuple, qui , pour quatre ou cinq fois , paffenr un aprés-midi , qu'ils pourroient empFoyer ailleurs beaucoup plus mal; que li le hafard conduir chez eux quelques perfonnes de condition & de bon goüt, on les y voit raremenr retourner deux fois. Qu'enfin , les défendeurs voulant faire voir qu'ils font plus zclés pour les pauvres que les comédiens , offtenr un fixième, raak différent des comédiens; car ils 1'offrent fur la mafte de leur, gnin. M. 1'avocat général a dit, que le droit des comédiens étoit certain pat les titres de leur établiftement; qu'ila avoient obtenu plufieurs fentences Si.  '471 Arrêts en faveur arrêts contre les défendeurs; notamment 1'arrêr du 2 1 mars 1708 , auquel les comédiens prétendoient que Dolet tk conforts avoient contrevenu ; qu'ils rapportoient, a eer efTer , des procèsverbaux de deux huifliers de la cour, 8c d'un commilTaire. Mais , quoique ces buiffiers euffent un caractère pour exécuter 1'arrêr de la cour, ils ne Pavoient pas pour dreiTer des procès-verbaux de contravention : qu'a 1'égard du coramilïaire, il avoic un caractère fufKfant. Qu'au fond , les défendeurs faifoienr des dialogues; qu'ils faifoienr des fcènes ou ils parient feuls: mais plufieurs y répondenr par geftes; & cela fuffit; 8C qu'en ce cas, c'eft éluder la loi: d'ailleurs c'eft une e"fpèce de comedic. Qu'ils rapportent des certihcats du contraire : mais ce font des certihcats mendiés. Qu'ils objeétenr que les nrocès-verbaux fa*ics conrr'eux ne fonr poinrarteftés de témoins: mais qu'il n'en eft pas néceffaire dans les procès-verbaux. Qu'enfin, ils oftrent de fournir pour les pauvres un fixieme de leur gain : mais que cela ne déttuit point la contravention. Ainh les défendeurs , éranr en con-  des Comédiens Francois. 473 travention, ils doivent fupporter une peine qui ne doit point être regardée comme comminatoire : qu'il feroit inutile , pour le préfent , d'ordonner la démolition de leur théatre ; que cela fera bon pour 1'avenir: mais qu'ils devoienr être condamnés en mille livres d'amende, & en des dommages Sc intéréts, payables même par emprifonnement de leurs perfonnes. Pour ces confidérations, M. 1'avocat général eftima qu'il y avoic lieu s ayant égard d la demande des Parties de M. Dumont, de déclarer la peine portée par rarrêt encourue : en conféquence de condamner les parties de M. Borderel en mille livres damende , & en tel dommages & intéréts qu'il plalroit d la cour arhitrer ; défenjes d eux de récidiver , fous plus grandes peines,