6éU G 22    LETTRE A MESSIEURS L'ÉCOUTETTE, BOURGUEMAITRES , ÉCHEVINS ET CONSEIL D'ANVERS. Sur leurs Ordonnances & Catalogue de Médicamens relatifs a la Médecine , la Chirurgie & la Pharmacie, émanées le 7 Mars iy86. P AR J. B. VAN DEN SANDE, Mattre en Pharmacie & Chimie, Membre honoraire, de la Sociétè d'Émulation de Liége. A AMSTERDAM, Che\ Changuion1, Imprimeur - Libraire; Et fe trouve a BRUXELLES, Chez EMM. FLON , Imprimeur-Libraire , rue des Fripiers. M. DCC. LXXXVI,   L E T T R E A MESSIEURS I/ECOUTETTE, BOURGUEMAITRES 3 ÉCHEVINS ET CONSEIL D'ANVERS. Bruxelles ce 4 Juillet 1786. MESSIEURS, r 1 1 1 OUT bon citoyen fe fait un devoir de contribuer autant qu*il eft en lui a la confervation , & au bonheur de fes femblables ,• ce fentiment précieux, & qui forme la bafe de toute fociété, dok animer encofe plus ardemment ceux qui, chargés des rênes du gouvernement, fe font comme vous fpécialcment dévoués au bien-ötre public ; vous avez prouvés combien vous en étiez pénétrés en faifant émaner les ordonnances du 1 Mars dernief , relatives aux Médecins, Chirurgiens, & Apothicaires de votre ville , ainfi que le catalogue des médicamens qui y eft joint. Le même efprit qui vous a dittc ce fage rcgle- A  ( a ) ment, m'enhardtt a vous préfenter quelques téflexions que la ledture du catalogue m'a fait naitre , je le fais avécd'autant plus de confiance , que ce n'eft pas votre ouvrage que je difcute; vous y avez fèulement donné la fanétion d'après la confiance que fes auteurs vous ont parus mériter, & cette affertion de ma part ne doit point mortifier votre délicateffe ; on peut être favant juriiconfulte , fage légiflateur même, & ignorer les premiers principes de 1'art pharmaceutique & chimique ;je dis plus, ces deux fciences femblent s'exclure 1'une 1'autre; toutes deux font fi étendues , qu'elles exigent le travail entier de celui qui s'y livre , & le partage fuffiroit seul pour les rendre mediocres dans les deux genres. Les études analogues a la carrière que vous parcourez avec tant d'honneur ont donc dus vous diftraire de celles néceffaires pour compofer 1'ouvrage que j'examine. Si cependant 1'un de vous étoit aflez verfé dans 1'étude de la pharmacie,& chimie pour avoir pu produire eet ouvrage, je vous adrefferois encore mes obfervations avec confiance , perfuadé qu'un homme auffi éclairé feroit audeffus des atteintes de 1'amour-propre, regarderoit mon travail dans les mêmes feminiens que lui ont infpirés le fien, & feroit le premier a applaudir k mon zèle. J'ai été encouragé dans cette entreprife par Pimportance du fujet; les moindres erreurs qui fe gliffent dans les livres pharmaceutiques, & chimiques peuvent avoir des fuites pernicieufes, foit par la confiance du manipulateur peu attentif, foit par fon ignorance qui le met dans rimpoffibilité de juger fi les compofitions contenues dans eet ouvrage font  ■( 3 ) . bonnes ou mauVaifes; combien ces erreurs deviennent plus défaftreufes , fi ces livres paroiffent munis de la fanêkion des loix , alors le Pharmacien n'a pas même le droit de s'éloigner des procédés qui lui lont indiqués , la loi lui ordonnedelesfuivre,&fon ferment 1'y contraint. Surement, Meffieurs, vous avez confulté les perfonnes de 1'art que vous avez jugés les plus inftruites. Mais quel eft 1'artifte qui ne faillit jamais "i la réputation d'ailleurs n'accompagne pas toujours le mérite , & cependant c'eft la réputation qui a dü déterminer votre choix ; peutêtre enfuite n'avez vous confulté que les Médeeins , cependant 1'art pharmaceutique & chimique eft eflentiellement du refibrt des Apothicaires, & il en eft plufieurs dans votre ville dont vous auriez pu tirer des lumieres. Ils ont fans doute concu , a la leixure de votre catalogue , une partie des idéés que je vais foumettre a votre prudence , cependant aucuns d'eux jufqu'a cette heure n'ont parlés , tous fe taifent. Ce filencc général dépoferoit-il contre leurs talens, ou formeroit-il un préjugé contre mes réflexions ? Je n'en crois rien ; j'aime mieux 1'attribuer a la crainte de déplaire aux Médecins, qu'ils croient auteurs de eet ouvrage. Ils redoutent la vengeance de quelques-uns d'eux qui ne verroient qu'a regret leur ignorance dévoilée ; ils ont peur que ces derniers ne leur enlèvent la confiance d'une partie de leurs malades. Peut-être penfent-ils qu'il fuffit fouvent de fe diftinguer par fes connoiffances pour avoir une partie des Médecins contre foi , & 1'exemple de quelques villes voifines eft bien fait pour les intimider. Mais qu'ils réfléchifient, & ils verront que le public inftruit, A a  (4) qui, a la vérité , ne fait pas la clafle Ia plus nombreufe, mais qui a coup fur forme Ia plus eftimable, tot ou tard fait leur rendre juftice malgté les criailleries de quelques Médecins affez audelfous du talent pour être jaloux de ceux qui en ont, & que loin de perdre leur jufte réputation , elle crott de jour en jour , & dcmafque enfin les calomniateurs qui éprouvent a leur tour la jufte peine due a leur orgueilleufe préiomption ; il en eft plus d'un qui après avoir brillé a 1'appui d'une réputation ufurpée, a fini par être mis a fa jufte place, & qui, obligé de vendre chevnux & voiture , ne cette de courir les rues a pied pour diflimuler fon oifiveté , & faire croire qu'il a beaucoup a faire. Le Médecin inftruit ne redoute pas ces triftes viciffitudes, mais auffi fa modcftie égale fes talens , il fe regarde comme heureux de pouvoir augmenter fes lumières par celles d'autrui, il fe fait un plaifir, un devoir même , de confulter les Pharmaciens-Cbimiftes; lorfque ces derniers lui ont fournis la preuve de leur mérite, il eft flatté de pouvoir méditer avec eux fur cette fcience qui a fait des progrès fi étonnans dans ce fiècle , mais malheureufement trop négligée dans ce pays , quoique la plupart des arts & manufaftures en dépcndent. Mon premier deffein , Meffieurs , étoit de vous adreffer mes réflexions fans les rendre publiques, & ma lettre du 3 1 Mars , adreffée fous enveloppe a Mr. Dubois, dit v. d. Bojfche, Secrétaire de votre ville', en eft la preuve. Mais maintenant que votre catalogue eft public , qu'il circule , qu'il eft dans les mains de tout le monde, jecrois devoir, pour le bien de 1'humanité & 1'honneur du pays,  (5) rendre mes obfervations auffi publiques que 1'ouvrage qui y a donnc lieu. Èntrons maintenant en matière,& paflbns a 1'examen de votre catalogue; j'ofe croire que la folidité de mes obfervations, vous convaincra de la pureté de mes intentions, & vous démontrera que 1'amour du bien public me les a feul di£tées. Vousdites que lesfleurs tels que celles de tilleuls, derofes, de muguet, &c. doivent être diftilées tout de fuite , afin de ne point perdre leur odeur, & vous voulez que les plantes aromatiques, balfamiques & huileulesfoient légèrement déflechée ^ 1'ombre.Maisjene vois paspourquoijvousétablilfez cette différence; par qu'elle raifon vous ordonnez de faire déflecher les plantes qui doivent être diftillées , craindriez vous que les eaux qu'on doit en extraire ne fufient trop aromatiques 1 Si cela étoit, il feroit donc inutile de les faire cohober; d'ailleurs, les plantes aromatiques , perdent une partie de leur odeur & encore plus a 1'ombre qu'en plein air (a), tout auffi bien que les rafes , &c. Le vin eft une boifibn agréable & fouvent falutaire, on peut 1'employer comme médicament pourvu qu'il ne foit pas fophiftiqué , mais on Vólt difficilement quel effet il peut produire fur de la limaille de fer qu'on fait rougir , & qu'on jette enfuite dans cette liqueur ; ce qu'on faifit facilement & ce dont le monde conviendra , c'cft qu'il eft extrèmement dangereux de piler de la limaille de fer dans un mortier de bronze comme vous 1'ordonnez, une partie du métail, en s'uniffant a ( a ) Élémens de Pharmacie théorique & pratique, &c. pac Mr. Beaumé, pag. 71 & fuiv. A 4  (6) la limaille, peut lui communiquer les mauvais efFets qu'il peut produire ne feroit-il pas mieux & plus sur de piler non-feulement la limaille de fer, mais toute autre matière dans un mortier de fer, & d'exclure a jamais des boutiques les mortiers de cuivre , dont les effets dangereux ónt été tant de fois manifeftés5} L'exemple du Gouvernement francois , qui vient de profcrire 1'ufage du cuivre pour tous les vafes deftinés a recevoir des comeftibles eft b en fait pour vous déterminer k ajouter cette difpofjtion a vos nouvelles ordohnances (/>). La facon de compofer le fouffre doré d'antimoine que vous indiquez, eft>elle bien correcte 1 N'eft-il pas k craindre que deux Pharmaciens en luivant exactement votre procédé ne parviennent jamais a obtenir les mêmes rciultats; en efFet, en fuppofant qu'ils mettent tous deux la möme quantité de vinaigre fur une quantité donnée de matière propre k faire le fouffre doré , fi le vinaigre de 1'un eft plus acide que celui dë 1'autre , celui-ci ne donnera-t-'il pas plus de précipité a" la première ou feconde de ces précipitations , & peu ou riërï a la troiiième*} tandis que le vinaigre foible produira trés - peu aux premières précipitations. ÏNT'auroit-il pas été plus expédient de prefcrireles procédés indiqués dans tant dé Chimies; telles que celle de Dyon (c) , le Dictionnaire de Chimie par Mr. Macqner (d) , la methode indiquée par ( b ) On trouve des mortiers* de fer trés - bien faits chez Mr. Macault, marchand de fer, prés de St. Jean aBruxelles. (c ) Élément de Chimie théorique Sc prati'que, &c. tom.2. pag. 4^ &. iuiv. ( d ) Tom. j pag. 489.  (7) Mr. Fourcroy (e ) , & furtout celle que vient de donner Mr. Lunel (ƒ). Pour que la teinture acre d'antimoine fut toujours de la même force , pour qu'elle produisït toujoursles mêmes efFets, n'auroit-il paseté plus convenable d'indiquer la quantité d'efprit-de-vin qu'il falloit y mettre 1 Vous vous êtes contentés de renvoyer aux regies de 1'art, mais un fecuiidum artem entre les mains d'un apothicaire peu inftruit, n'eft-il pas capable d'envoyer le malade & Pautre monde. Je ne m'appéfentirai point fur le procédé que vous indiquez pour compofer le fel de Glauber, je ne me permettrai qu'une fimple réflexion afFéz importante pour mériter une réponfc ; vous demandez douze onces d'acide vitriolique & une livre de fel marin décrépité ; par ces termes, in diquez vous la livre poid médical qui eft de douze onces, ou celle poid marchand qui eft de feize onces5} Croyez vous Meffieurs qu'il n'eüt pas été prudent de s'expliquer fur eet objet 1 La manière dont vous prefcrives de faire 1'efprit de fel & de nïtre, eft abfolument contraire a celle indiquée par Gauber ; celui - ci prenoit Pacide vitriolique concentré pour en obtenir les acides les plus concentrés, vous au contraire, noyés vos acides dans Peau; vous ordonnez qu'on ajoute fuffi-Jante quantité d'eau pour difFoudre le nïtre ou le fel marin , qu'avant vous avez prefcrit inutilement de faire délFécher ; fuivant ( e ) Lecons élémentsures d'Hiftoire naturelle & de ChiSP.ie, &c. pag. 549, torn. i, ( ƒ) Journal de Médecine, Xbre.^Ss, pag.öi8.  (8) Mr. Fourcroy (g). II faut trois parties d'cau pour diffoudre une partie de fel marin, non déueché, fuivant Mr. Bergman (h) 2 y; pour diffoudre une partie du nitre ; il faut trois a quatre parties du mêmeliquide , felon Mr. Fourcroy (/) . & fept parties felon Mr. Bergman (k) , d'oü il fuit que 1'apothicaire qui fuivra les procédés de Mr. Fourcroy , aura Pacide marin plus aqueux, & 1'acide nïtreux plus fort que celui qui obfervera les procédés de Mr. Bergman. Ajoutez qu'il fera impoflible de fe procurer du bon acide marin 6? de nïtre dulcitié avec eet acide déja noyé dans 1'eau ; en effet les acides n'agiflent fur Fefprit de vin qu'a rajfón de ce qu'ils font concentrés , d'oü il fuit que loin d'avoir un médicament falutaire , agréable & uniforme , chaque apothicaire n'en produira que de différens fur lefquels le Médecin ne pourra jamais compter; il i'era plus ou moins aqueux, ou acide , & fouvent fans force & fans qualité, Je plains bien le malade réduit a prendre la liqueur minérale d'Hofman , faite felon votre catalogue , 1'odeur fulphureuië feule eft capablc de le fuftbquer , remarqués d'ailieurs qu'au lieu d'un calmant pour lequel on 1'ordonne ordinairement, vous en faites un irritant des plus aelifs, Permettez enfin , Meffieurs , que je laffe quelques obfervations fur vos ordonnances ; on ne peut qu'approuver les motifs qui vous les ont fuggérés & rien faqs doutc n'eft plus nécefl'aire ( S ) Lecons élémentaires d'Hiftoire naturelle. &c. pae 42 tom. I. roti ( h ) ÜpufculesChimiques êcFbyfiques,5cc.pag.i^jtoirj.I. ( i ) Ibid. pag. 219. ( * ) lUd. pag,  ( 9 ) (ainfs que vous lc dites dans votre introdu&ion)que de veiller au bien être de la fanté de fes eoncitoyens. Cette vérité eft innée dans le cceur de tout homme honnête , c'eft elle qui vous a infpirés vos nouveaux régiemens, & qui a diclé ceux rendus dans plufieurs pays fur la même nature , il eft même a défirer, pour le bien del'humanité , que tous fuivent ce bon exemple. Le premier pas a faire dans cette carrière devoit tendre , i examiner les talens des apothicaires, a n'en recevoir des nouveaux qu'a prés s'être alfuré de leur capacité & avoir conftacé leur fuffifance, c'étoit le feul moyen de faire fleurir la Pharmacie, la Chimie ,1a Botanie, la Phyfique & 1'Hiftoire Naturelle , li négligée dans ces provinces. Vous avez pris la vraie route pour y parvenir en ordonnant qu'il n'cn fera a 1'avenir recu aucun que lorfque une place viendra a vaquer, §£ qu'elle ne iëra accordée qu'au concours. Mais je ne vois pas le moiif qui vous a déterminé a excepter de cetre régie les fils des Apothicaires; pourquo'i ne concoureroient - ils pas co mmele s autres 1 Auriez-vous penfés qu'élevés, dans les laboratoires , ils eulfent, pour ainfi dire, des talens innés & fupérieurs a ceux qui ne lont livrés a eet art , que lorfque 1'age & la raiibn leur a permis d'en faire le choix : mais ce préjugé, en leur faveur, n'efi pas toujours une preuvede leur mérite; il ne fuffit pas d'étudicr la Pharmacie pour y réuffir, il faut encore avoir 1'efprit & rintelligence , PacYivité, & le zèle, le goüt & 1'aptitude , pour y faire des progrès ; fans toutes ces qualiiés on fera toujours un manipulateur fubalterne, un manoeuvrier plutöt qu'un artifte; & ces qualités paroilfent devoir être plutöt 1'apa-  ( io ) nage de celui qui a par goüt & par choix erabrafie eet état, que de celui qui y a été jettc par hazard; d'ailleurs, cette idéé de perfedtion ou d'aptitude attachée au filsde rnaïtre n'eft toujours qu'un préjugé & un préjugé n'eft pas un tïtre d'admiffion dans un état auffi férieux & auffi important. Puis en fuppofant qu'il fut auffi probant qu'il paroit incertain, quel danger y auroit-il de les foumettre au concours"] S'ils ont du talent le concours n'aura rien d'effrayant pour eux, difons plus; il fera une occafion de faire briller leurs talens; fi au contraire ils font incapables leur exemple fera une preuve bien fatisfaifante pour vous de la fagefie duréglement qui exige qu'ilsconcourent. La défenfe que vous faites de ne recevoir a Tavenir aucun Apothicaire, avec reftriftion , c'efta-dire avec prohibition de faire telle ou telle préparation dont on le juge incapable, eft de toute fagefie ; 1'expérience 1'a prouvé; tout le monde fait qu'il n'en eft pas un qui, auffitót qu'il eft recu , n'ou.blie la défenfe & ne fafle comme les autres, ne fufle que par amour propre, & cette claffe d'hommes ne peut en manquer ; 1'araour propre eft chez les fots 1'indemnité des talens, mais quelques-uns ont pu être recus avec reftriétion antérieurement aux régiemens qui prefcri vent cette forme , n'auroit-il pas été prudent d'ajouter un petit article qui exigeat un nou vel examen de< ces Apothicaires imparfaits *} II auroit été a défirer que les Apothicaires eufient compofés un corps è part comme dans plufieurs villes, & cette légère diftinction paroltroit due aux talens qu'on exige d'eux. Mais s'ils devoient être uni a quelques autres corps pourquoi leurs a-t-on préféré les Merciers, dont le commerce  («) n'a aucune ana1 -gie avec la Pharmacie 1 Pourquon a-t-'on aftreint les Apothicaires a payer a ces derniers une iomme pour fe fervir de balances & de poids, abfolument érrangers a ceux employés dans le commerce 1 D'abordil paroit éton' nant qu'on exige d'un artiftc (car on peut fans injufticc mettre les Apothicaires dans la clafle des artiftes) qu'il paye pour exercer fon art avec précifion, puis s'il suffifoit de fe fervir de balances pour être regardé comme membre du cörps des Merciers , oü pour leur devoir payer une taxe , quel eft le marchand , le négociant qui ne feroit pas Mercier i depuis le banquier qui pèfe fon or , jufqu'au marchand de houille , ou d'allumettes, tous feroient contraints d'entrer dans ce corps. J'ai cberché fans fuccès la raifon pour laquelle vous exemptés les Apothicaires de compoier les médic. mens marqués avec un aftérique dans le catalogue ; j'ai remarqué que ce font prefque tous ceux qui ont cette marqué, qu'on eft dans 1'ufagë de fophifiiquer le plus dans le commerce , tels que les huiles de canelle , les cloux de géroffle, & furtout le fublimé corrofif; cette réflexion feüle auroit du fuffire pour qu'on exigeat que les Apothicaires fiffent eux-mêmes ces coupolitioris. Mais chaque Apothicaire ayant la liberté de fe pourvoir du fublimé corrofif ou bon lui femble; il en refulte qu'aucun d'eux ne 1'aura de la même force ; 1'un achettera a bon compte du fublimé fophiftiqué, 1'autre préférera fe procurer du meilleur quoi qu'il coüte, alors le Médecin ignorera le mérite de ce qu'il aura ordonné , ne pourra déterminer 1'effet de fon remède , & le choix de PApothicairc fufEra pour  (12) le rendre utile , ou pernicieux. Si au contraire vous aviez ordonné aux Apothicaires de compofer eux-mêmes le fublimé , & fi vous leur aviez fixé le procédé , vous auriez d'abord évité le danger de la fophiftication trop commune dans le ccunmerce, vous auriez d'ailleurs afluré la qualitó de ce remède, qui, compofé fur le même procédé , feroit toujours d'une force égale ; car felon la facon de le faire, comme a très-bien obfervé Mr. Crell, il eft plus ou moins corrofif (Z). Vouliezvous faire mieux encore, c'étoit de choifir des comrniflaires hors le corps des Apothicaires qui, en préfence de ces derniers , auroient compofés ce remède, ainfi que les antres remèdes Chimiques, fi précieux lorfqu'ils font faits fuivant les régies de Part, & fi pernicieux pour peu qu'on s'en cloigne ,• les Apothicaires s'en feroient pourvus dans ce dépot & le public n'auroit plus été expofé au péril trop fréquent que lui font courir 1'ignorance ou laléfine de ceux qui le compofent. C'eft avec le fublimé corrofif qu'on compolë la panacee mercurielle, le mercure doux, &c. rémède que Pon fait prendre aux enfans même, elle donne fouvent, comme nous Pavons fait obferver dans notrc traité fur la falfification des médicamens (772) , des coliques 6z autres accidens plus graves, Iefquels nous croyons provenir de la furabondance du fublimé corrofif qui s'y trouve, puifque chaque difpeniaire détermine la quantité du fublimé corrofif, & Je mercure pour faire la panacee & Ie mercure doux, fans faire attention ( / )ObfervationsfurlaPliyfique,furrHiftoircnaturelIc,8cc. 1780 Févriet, pag. 129. ( m ) Pag. jiö.  (13) a la facon que le fublimé corrofif a été préparé. II eft difficile de faifir pourquoi tous les médicamens qui lë trouvent dans la boutique des Apothicaires, ne doivent pas être également vilités. Pourquoi vous en exceptez plufieurs , quelquës - uns même dont la compofition fe trouvedans le catalogue, tels que le fel fédative , la fautive teinture acre d'antimoine, &c. Si ces rémèdes font utiles & employés dans la pratique , pourquoi ne feroientils pas examinés4] Pourquoi les vifitateurs n'obferveroient-ils pas s'ils font fophiftiques , ou détériorés *• fi au contraire ils font inutiles, pourquoi exiger que 1'Apothicaire les compolë & les ait dans fa boutique 1 II auroit été a défirer qu'on eüt défendu dans tous Jes tems aux religieufes, chargées de defiervir les höpitaux , de vendre ou diftribuer des médicamens ; le public n'auroit pas fi fouvent couru des rifques auxquels la préfomption & 1'ignorance de ces filles confacrées a Dieu 1'ont expofé. Vous êtes les premiers qui avez rendus ce fervice a 1'humanité foufTrante , & c'eft un hommage que je rends avec plailir a votre zèle, mais votre ordonnance , toute fage qu'elle eft , ne laiffe-t-elle rien a défirer 1 N'auroit-il pas été a fouhaiter que vous leur euffiez même défendu de compofer les remedes propres a ceux qui font dans leurs höpitaux , & que vous euffiez exigé qu'elles ne puiflent en préfenter aucuns aux malades qui leur font confiés , qu'après qu'ils auxoient été compofés par un Apothicaire attaché a la maifon,& fur les lumières duquel on put fe repofer; car enfin les malheureux que 1'indigencc force a entrer dans ces maifons de charité ne font-ils pas des hommes comme les au-  ( H ) tres , n'ont-ils pas les mêmes droits a notre fenfibilité; diibns plus : s'il étoit poffible d'établif des dégrés d'importance entre la vie d'un homme , & celle d'un autre , le pauvre ne fembleroit-il pas mériter la préférence 1 De fon exiftence & de fa fanté dópend celle de tous ceux qui 1'entourent; la maladie du malheureux journalier eft une playe qui' s'étend fur toute fa familie, de fon travail dópend la fubfiftance de fa femme & de fes enfans ; fes bras font-ils engourdis par la douleur , la fource de leur fubfiftance eft tarie, ils font fans pain qu n'en recoivent qu'a titre de charité. J'ignore , Meffieurs, fi a Anvers, comme ici, les Merciers peuvent vendre des drogues, & fi toute perfonne, moyennant une certaine fomme qu'elle paye a ce corps, a le même droit s'il en eft ainfi, quels inconvéniens peuvent réfulter de cette permiffion commife entre les mains de tant de perfonnes fans expérience & qui n'ont aucune connoiffance des drogues. Combien cette idéé deviendra effrayante, fi on réfiéchit que Tarfenic & les autres poifons ne fon pas exceptés. Les régleniens rendus en France limitent aux Apothicaires la faculté de vendre les poifons , par la raifon que ces derniers, pénétrés de toute 1'importance du dépot qui leur eft confié , font moins faitspour.en abufer. Cette loi , dont la fagefie eft démontrée , en devenoit une pour vous, c'eft un article qui manque a votre réglement, & qu'il sufHt de vous avoir indiqué pour vous faire regretter de ne 1'y avoir pas infcré. Par votre article onze vous avez évité toutes les fupercheries qui pourroient naïtre des conventions qu'un Médecin pourroit avoir avec un  Cis) Apothicaire, la faufle dénomination d'un, medicament dans 1'ordonnance d'un Médecin n'annonce que trop qu'il a quelque motif peu délicat pour employer ce ftyle barbare,il en eft de même de celui quifindique un Apothicaire par préférence, fous prétexte qu'il vend a meilleur compte; lorfque d'ailleurs celui qui fournit la maifon a une réputation faite & méritée, alors il eft a craindre que 1'Apothicaire défigné ne paie la protection du Médecin , foit en partageant le prix de 1'argent de la vente , foit en ne fournilfant que la moitié du médicament principal porté en 1'ordonnance. Vous auriez obvié a une partie de ces inconvéniens, en forcant les Apothicaires a vendre au prix de votre taxe. Mais alors il eut convenu , de taxer non-feulement les remèdes compofés , mais auffi les médicamens fimples, ce que vous avez oublié de faire. L'article 12 de votre réglemcnt a pour but d'unir les Médecins entre eux , de détruire les cabales que quelques-uns ne fe permettent que trop fouvent, de reftreindre leur avidité en empêchant qu'ils s'appellent 1'un 1'autre en confulté fans néceffité ; de réprimer les haines trop familieres entre des rivaux , en les forcant de confulter cnlëmble ; de faire plier leur amour-propre & leurs petites paffions au délir & a la confiance du malade; c'eft beaucoup faire, & eet article eft un des plus précieux du réglement, s'il remplit vos efpérances ; mais il feroit audefius de tout éloge, fi en commandant aux afbons des Médecins, il eüt pu influer fur leurs efprits, faire cefler le cruel entêtement de quelques-uns , que les meilleures raifons ne peuvent  C 16 ) détourner d'une opinion fouvent erronée, ou le ridicule enfantillage de celui qui croiroit fon amour propre bleffé ; s'il n'avoit ajouté ou fupprimé quelque choie au traitement de fon confrère, & fouvent ne varie que dans les expreffions , ou ne fubftitue que des remèdes homogênes ; fi le Médecin traitant a ordonné , par exemple , les feuilles de ferme, il les remplace par des follicules ; fi 1'on a prefent du fel végétal, il exigera du fel de feignette , & n'en demordra p?.s t & fi on lui réfifte tl le voudra ert gros criftaux, comme fi ceux-ci avoient des eftets diftcrens des petits. Vous mettez des entraves a 1'ouverture des corps morts a 1'hópital; cette difpofition a bien 1'air d'une trop foible condefcendance pour un préjugé auffi ridicule qu'ancien, Car enfin, vous le favez, Meffieurs , ce n'efl; qn'en ouvrant , qu'en examinant les cadavres, que la Médecine , la Chirurgie peuvent faire des découvertes intéreflantes. Combien de maladies regardées autrefois comme incurables le feroient encore , fi, le fcapel a la main , 1'anatom'ifte, guidé par un oeil obiërvateur , n'avoit, pour ainfi dire , pris la nature fur le fait, & ne 1'avoit forcé de dévoiier fa marche obfeure, & fes procédés fecrets \ puis n'eft-ce pas fur les cadavres que doivent être effayées les nouvelles opérations chirurgicales 1 n'eft-ce pas fur eux que les élèves doivent apprendre a opérer & travailIer a obtemr la dexténté fi néceffaire a leur état '*t toutes ces raifons ont parues fi preflarttes au Gouvernement francois, que non-feulement il a permis , mais il a ordonné 1'ouverture des corps morts dans  (*) dans les höpitaux; toutes les fois qu'elle pourroit être utile aux progrès de Tart. Notre dernièr mot fera pour applaudir a rinftitntion que vous avezfaite deslecons de Chirurgie , & s'il nous refte quelque regret a ce iuiet, c'eft que vous n'en ayez pas formes de pareilles pour la Pharmacie , la Chimie, la Botanique , &c. La fanté , la vie même de 1 homme nedépend pas moins de 1'étude de ces iciences, que de la Chirurgie, ou plutöt elles marchent d'un pas égal, & fe prêtent un mutuel fecours. Ce n'eft pas alfez de découvrir le mal , ü taut favoir y appliquer un remède falutaire ; ajoutez que les découvertes de Chimie peuvent éclairer nos fabriquans, améliorer leurs opérations, rendre leurs procédés & plus fimples & plus parfaits , peuvent même donner lieu a de nouveaux établiffemens, qui en occupant un grand norabre d'ouvricrs , empêchent 1'exportation de notre argent en pays étrangers; ce point de vue feul eft digne de 1'attention des Magiftrats aulh animés du bien public & du bonheur de leur patrie que vous 1'êtes. _ , Voici, Meffieurs, les réOexions que j ü crus pouvoir me permettre de vous faire , j'ofe croire que vous rendrez hommage au fentiment qui les a diaées & que vous ne les trouverez pas indignes de vous être prélëntées. Peut-etre remarqucrez vous que n'étant pas de votre ville, votre catalogue & vos ordonnances m'étoient étrangères & ne me regardoient pas. Voici ma réponfe en deux mots; 1'humanité ne connoït pas de bornes, & quand il s'agitdu bien public ,je me régardc comme cofmopolite. Je croirois manquer  ( 18 ) amoncoeur, fijene contribuois pas autant qu'il eft en moi au bonheur de mes femblables, & furtout en ce qui eft relatif a mon état. Je fuis, &c. FIN.