L UCI E, o u LES PARENTS IMPRUDENTS D R A M E EN CINQ ACTES ET EN PROSE, Par Mr. COLLÓT D'HERBOIS. Reprcfentè au Thèhtre Frafifah, h la Hays h 17. Fevrisr 1781. A LA H A T E, Chez H. CONSTAPEL, Librair* dans le Houtftraat. M TJ C C L X X X %,  ACTE U R S. M. De Francevae. Mad. De Franceval. Lucie, fille.de M. & de Mad. de Franceval. FonTretjil, fous le nom de Germain , Amant de Lucie. Saimt-Fleurisse, ami de M. de Franceval. FraNCOeür, ancien Soldat, Valet-de-Chambre de M, de Franceval. Rosette, Femme-de-Chambre de Mad. de Franceval. Rene', Valet de S. Fleuriffe, Francois, Ferrpier, attaché k M. de Franceval. FrancoISE, Nourrice de Lucie. Mathurin, Payfan. Plufieurs Gens armés. La Scène ejl, pendant hs tfois premiers Actes, dans un Sallon du Chtlteau qu'habite M. de Franctva/. 11 ejl neuf heitres du maiin, lors qua le Dramt Commence.  LUCIE O u LES PARENTS IMPRUDENTS D R A M E. ACTE PREMIER. SCÈNE PREMIÈRE. FranCoeuRj feut, wie lettre a la main-, il 'ta regarde quelque tenvps, & dit avec rêflexion. Bonnes ou mauvaKes nouvelles pour Monfieur de i Fontreuil; fi elles font bonnes, tant mi«ux fi elles font manvaifes... tant pis. Récapitulons un peu ce qne nous avons fait, pour voir ce que nous avons a faire, Voyons... Monfieur de Fontreuil s'eft aireffé i moi, il n'en fera pas fiché; je 1'ai fait entrer ici corrjme domeftique; il aime Maiemoifelle Lucie, & Mademoü'elle Lucie ne le hait pas; cela ira bien. Monfieur de Franceval aura un peu de chagrin. Si fa fille s'éloignoit, cela ne lui ferbit pas trop de plaifir: cependant, Monfieur de Franceval eft irïon makre ; mais, Monfieur de Fontreuil a été men Capitaine; & après le Roi, Francoeur ne doit de fervices qu'a fes Officiers: d'ailleurs nous arrangerons les chofes de facon ... Au pis alier, je rentrerai au Régiment, Monf'eur de Fontreuil m'a promis que je ne le quitterois pas. Enfin, nous verrons. Cette lettre m'eit adreffée, c'eft fans doute pour lui; ce font des nouvelles, ce n'eft pas pour moi; mes patents, qui font dans 1'autre monde, ne s'avifent fürement pss de m'écrire dans celui-ci... Voyons, (11 Ut l'airrjfe dija Umt.\ a Monfieur, Monfieur, Ah, ah! Franccear... c'eft mon nom, ma qua» A 2 *K«»  4 LUCIE, lité, Francoeur, coear de foldat, morblen, ccenr de Roi. (II con'inut ) Francoear, Valer de chambre .. Eh bien, fambille, Va!et.' Francoeur, qni a lervi douze ans Grenadier, qui a fait les campagnes d'H.inovrè, qui a maagé" a la table de ion générale. Valst... je quitte demain ce maadit métier; une épée... morblen ... un bon chef... & vienne 1'ennerni... Valet! Francoeur Valet.' & j'ai quitté le meilleur Régiment, la meilleure compagnie , le plus bel uniforme! Ah , HÜlle diables! Enfin j'y fuis... Valet! moi qui a préfent .. fi j'étois refté dans mon Régiment... la guerrefe.feroit déclarée... Nons allons au feu, mon général eft brave, mon général s'expofe, mon général eft endanger, Francoeur le garamit, Francoeur fe fait tuer, & Francoeur eft fait Colonel... oui. Colonel. Je verrois fur une ïettre, a Monfieur, MoDÜeur, de Francoeur, Colonel, Sic. Mais, Valec-de-chambre... Enfin , il falloit bien s'y refoudre ; que faire, ayant accepté mon congé, planter des choox ? J'y fuis , j'enrage... patience, Monfieur Germain metcra fin a tout... II «ft chez Monfieur de Franceval; en fortant il palfera par ici, je lui donnerai fa lettre. Lifons en attendant: ( II tire un livre de Ja pocbt & Ut.) traité des évolutio.ns mtlitaires .. Voila qoi eft un livre cela... Têtebleu, fans ce livre-la, je crois que je ierois mart de chagrin. Oü en fuis-je?... ici. Chapitre six... huit, bes assauts, Port-Mahon. .. J'y étois .. Ah! Vive Dieu , bon chapitre. (li s'ajjied.) SCÈNE II. ROSETTE , FRANCOEUR ajjls occupê a Ure. Rosette a part. Voici notre valet de chambre, on plotót notre demon.... j'ai a coeur de m'éclaircir fur fon compte... & fur celui de Germain... je crois qu'ils ne font pas ici fans deffein... tachons de les dérr è*er... ( d Franiaur.) Monfieur Franrcceur... Monfieur Francoeur. Qo'eft£e donc qui vous occupe de fi intérelfant ? Francoeur, dans Peniboujiafme. Ce qai m'occupe ? J'écaisforla bréche, Mademoifelle «ofette. {II la eareffe.) R o-  D R A M E. b R O S e T T E. Finiffez donc. Francoeur. Le diable m'emporte voulez-vous voir ? Tenes j chapitre des aiïauts. R 0 S e T T e. Eh! que voulez-voos qne je f-fle de cela? Francoeur. Voulez-vous voir celui de la trancbée ? (11 lui prend les mains.) R o s e T t e. Encore rnoins .. l*iflez rooi donc. Francoeur. Eh! maïs, C on r.'ouvre pas la tranchée, voyezvous,' il faut prenëre d'aflaut, a mo:n3 qu'en fe gliffanc par le chemin couvert, & füii'ant jouer la mme ... R O s e t t £. Eh non, vous dU-je, je ne veux ni être prife d'affaut, niminée, ni tranchée... Allons, foyez donc fage. Francoeur. Eh bien, dans ce cas-U, je vous écoute; parlez. R o s e t T e. J'aurai bientót fait ; Madame m'a dit d'ordonner l Germain de 1'attendre ici, voila tout. {Fintmint.) Je croyoïs le trouver a\'ec vous. Francoeur. Non, Monfieur de Franceval 1'a demandé anffi; la pefte, tont le monde Ie recherche ce garcon-la; il «ent ca de la parenté. R o S e T t e. II eft donc de vos parents, Monfieur Francceui? Francoeur. Oui parent, parent du cöté des femmes; il• n y a rien de bien pofitif... Cependant, c'eft a peu ptès mon neven. R o S e T T e. Votre neven! Mais, vous m'avez dit que vous etieZ de Bretagne, & il eft de Picardie ? Francoeur, avec entboujlafme. Eh bien, quel miracle y a-t il ï cela? Eft-ce qu'un Breton & un Picard ne peuvent pas être oncle, neven, «•ufin? Ne font-ils pas tous deux Francais? MorbUu, Mademoifelle Rofette, ne favez-vous pa» que fans etre parents ni alliés, tous les Francais qui onc des ft-Kl* A 3 mens,  6 LUCIE, mens, font freres? Vive Dien, nons femmes tons de même familie, c'eft Iê Roi qni en eft le pere. R o s e T T e Ce tranfpert-li eft noble, Monfieur Francceur; votre neven ne doit pas vous faire rougir; il annonce des fentiments. Madame a beaucoop de bonne volonté pour lui, t'il vouloit en profiter. Francoeur. Mais, vous vous y intérefiez beaucoup aofll: écoutez, Mademoifelle Rofette, auriez-vons quelques vues fur ce garcon-la ? R o s e t t eNon, en vérité, il n'y a pas' ailez de temps que je le connois, & nous fommes trop prés de nous quitter. Francoeur. Nous quitter.' Comment donc? R o S e t T e. C'eft qu'on rmrie Mlle. Lucie. Francoeur, vivement. ■ Bientót... : R o S ï T T e. Peut-être aujonrd'huï, Francoeur. Ah cela eft prompt... Quel eft donc le mari? R o s e t t e. II n'eft pas loin. Francoeur. * Qaoi Mademoifelle Rofette... Seroit-ce eet efpece de Tartare qni vient on ne fait d'oü, qui a achetté ie cbireau voifin, & qui eft déja fi detefté du Canton... R o s e t T E. Fi donc M. Francceur Je n'en voudrois pas rnoi d'un pareil homme, malhonnête, dur, méchant, ■ & riche; il voulut en effet prétendre" a iMlle. Lucie, ' m-a;s Madame a fini par le prier de nous épargner fes vifites. Francoeur. Je 1'ai entendu d.ire. R o s e t t e. . Auffi a-t-il juré de fe venger, par tous les moyens ' poffibles. , ' Francoeur. Ah il peut venir.,. II pent venir..'. 'Nous fommes prêts i le recevoir, ';. * ' '' ■ ' R o-  D R A M E. I R o s e T t e. Celui qu'on deftine a Mlle. Lucie eft d'un genre bien différent. Francoeur, avet impatience. Mais enfin qu'eft-il donc. ? R o s e t t e. C'eft M. de St. Fleurifie... Ah 1'aimable homme il y a long temps qne ce mariage eft projetté: on vient de recevoir de fes nouvelles, il arrivé aujourd'hui, & partira après la nöce pour aller en Picardie: Germain, qu'on a arrêté pour lui fervir de Valet-de-chambre, ne manquera pas de le fuivre. Francoeur. Le fuivre... fans doute,.. Eft-il fur qu'il arrivé anjourd'hui, Monfieur de S. FfeurilTe? R o s e t t e' II 1'annonce par fa Lettre. Francoeur, avec emporttment. Tant pis, morbleu. R o s e t t e. Qa'y a-t-il donc 14 de facheux? Fr an co e u r , embarraffê Oh! non... non; c'eft que mon neven & moi ne fommes pas encore difpofés a le recevoir... Germain eft neuf; je veux dire... C'eft qu'il n'a jamais fervi. R o s e t t e. II a pourtant 1'air bien égrillard. Francoeur. II n'a jamais fem... Valet-de-chambre... D'ailleurs, 31 eft inteldgent... II fe formera... je lui donnerai de bons confeils. R o s e t t e. J'en fuis Nperfuadée.. Adieu, Monfieur Francceur, je crois que vous ferez de votre neveu un grand fujet... N'oubliez pas de lui dire que Madame... Mais le voici. SCÈNE III. FONTREUIL. Jour le nom de Germain pendant toute Ja 'piece; ROSETTE , FRANCOEUR. Ro se tte, d'un ton goguenard. GErmain , Madame vent que vous 1'attendiez ici; elle dsfiie vous parler... Monfieai votre oncle a quel-  V LUCIE, qnelqnes inftruct-ions i vous donner, je vons laifie en proficer.. Je voos recommande de la docilité.. le bui. de erop, je me recire. J s SCÈNE IV. GERMAIN, FRANCOEUR. Germain. (^Ue vent dire cela ? M'aurois-tn trahi ? Francoeur. . Non parolen, non ,- mais , ma foi, mon Capitaine, je commencois a déraifonner... Voyez voas, je n'aime pas qu'une femme me prenne par la langue... c'eft mon foible... & pnis, tenez, mon Officier, cette Rofette-la eft la plus fütée femeüe... Germain. Pair, ne m'appeile donc point ton Officier, ton Capitaine. Francoeur. Comment donc faut-il vous appeller? Monfieur de Fontreuil? Germain. Encore moins: nomme-moi ton camarade... ton neven... Germain... Francoeur. Eh bien. foit, Germain... j'ai de la peine a m'y accoutumer Que vouloit de vous Monfieur dë Franceval? German , avec beaucoup d'interét, & d'un dialoguz très-vif. II m'a fait efluyer la fcene du monde la plus cruelle... un Martyre... Je ne fcais qui peut lui avoir lnfci é des foupcons; mais il n'y a pas de qaeftion qu'il ne m'ait fait fur la facon dont je me fuis approché d'ici: j'ai toujonrs foujenu que je n'y avois pas d'autres connoiflances que toi, que tu étois mon oncle, Francoeur, d'un ton Jententieux. Vous avez bien fait, mon neveu. Germain, toujonrs très-vivement. II m'a demandé de qnel pays j'étois; j'ai répondu de Picardie; il faut qu'il foit de cette Province; il ronnoit mafamille comme s'il en étoit, il m'a ïépéte ringe fois  D R A H E. 3 fois 3e nom de Monfieur de Fontreuil mon pere, il m'a cité 1'hiftoire d'une de mes foenrs, qni fut enlevée il y a environ feize ans, par un Gentilhomme de la Province, nommé Vercelles, contre lequel mon pere fit de vives pourfuites, & dont nous n'avons eu depuis aucunes nouvelles; il eft entré dans des détails, des particularités étonnantes; autant il s'eft montré inftruit,'aü« tant j'ai paru ignorer totites les chofes dont il me parloit. Francoeur, du memt ton. Vous avez bien fait, mon Capic... mon camarade. , G e r m a I n. J'ai foutenu tous ces affauts avec une fermeté qui t'auroit étonné: mais je t'avouerai que j'ai penfé me trahir lorfqu'il m'a parlé de fa fille, aiïurémentil a des Indices de notre liaifon , cela n'eft pas poffible autrement; il cherchoit a.lire fur mon vifage ce qui fe pasfoit dans mon ame; J'ai craint mijle fois que mon agitation ne décellt ce fecret ft précieux k mon éceur; je fonffrois, j'ai été au point de me jetter a fes pieds, & de lni avouer..,. les forces, la parole me manquoient... Je me fuis tu, Francoeur. Vous avec bien fait. Germain. Monfieur de Franceval m'a quitté , il vouloic parler ï madame , je me luis retiré. Francoeur. Ah!... vous avez mal fait; ou je ne fuis qu'cn föt, ou il eüt.été eiïenciel de .connokre la fin de toutes ces interrogaüons... D'oa viennent ces.foupcons ? Mais,* commencons par nous expliquer. Germain. Comment donc? Francoeur. D'abord, Monfieur, je vous avertis que je ne veux plus fervir Monfieur de Franceval; je vais lui demander mon congé. Tenez , c'eft plus fort que moi, tant que je ferois fon Valet-de-chambre, je ne me prêterois pas a certains arrangernens de bon eeear. Germain. Eh! attends, mon camarade, attends, les chofes pee* vent changer de face;-tu fcais.que 4e dois recevoir des nouvelles, r % F t fi |P  fk LUCIE, Francoeur, avec emprejfemeni. A propos; tenez voila une Lettre.. c'eft pour vous, Germain, avant de lire, dit oui. (Après avoirluj Ah, Ciel!ah,mon amütout eft perdn , plus d'efpoir. Francoeur. Quoi donc! lifez, liles, je vous en prie. Germain. Écoute: cette Lettre eft de Courfon , eet ami auquel je t'ai dit avoir écrit il y a quinze jours, pour ni'inforïEer de ce qui fe paffoit chez moi. (II iit.-) » Mon cher Fontreuil, il eft temps, plus que jamais, i> de donner de tes nouvelles a ton pere; il n'en a pas „ en depuis quatre mois, il eft furieux. il eft infortné » que tu n'a pas rejoint ten Régiment; je 1'appelle tou„ jours tou pere, quoiqu'il précende qu'il ne 1'eft plus. }, On débite Ia-delTus un Roman fingnlier... Ce qu'il y „ a de pis c'eft qu'il ta déshérité, on a recu des nou- velles de ta foeur, dont on ignoroit Ie fort depuis fei2, ze ans. Vcrcelles , qui 1'avoit enievée , comme tu fais, a' envoyée , dit-ön , un Négociateur. Je ne te j> donne pas cela pour certain; mais il eft pofitif qnö rien ne pourroit venir 'plus a contre-temps pour tes „ affaires. J'ai obtenu une prolorigation ; je refterai ici v. eneore un moü; je defire pouvoir te fervir. Je t'eni„ b'raffe, & fuis tout k tol, ton ami, de Courfon* (Ilyaun moment deJiknce, & Germain dit) Ehbitn? Francoeur. Éh bien , Monfieur, voila une vilaine face qne prennent nos affaires. Mais il y a bien encor'e autre chofe. Germain. Ah! que puis-ie apprendre; jufte ciel! Francoeur. . Modérez-vous', je vais être aufll en colere que vous tout-a-l'heure. Germain. Apprends-moi donc... Francoeur. On marie Mlle. Lucie, peut-être aujourd'hm, peut» être demain. Germain. Comment? Fit a m»  D R A M E. n F- r A n C o e u n. On a reeu des nonvelles de ce Monfieur de S. Fleu, rifft en queftion; il arrivé aujourd'hui, dernain le.noces, ajrès-deraain le départ; il emmene fa femme dans votre pays, & 1'on vous met du voyage. Germain. Et qui t'a dit cela? Francoeur- Parbleu Rofette; elle a vu la lettre, le Meffagerla apportée avec celle que je vous ai rerrnle. Germain , avec étonnement. Ah' c'eft-la ce qui a donné lieu fans doute a tous ces di'fcours de M. de Franceval, que je ne conceyo* pas- ces queftions fur la Picirdie, le départ de fa fille, mon dévouementifon fervirelorfqu'elle I'auroitquné... lui être toujonrs fidele... Ah! fans doute ;e le ferai; mais malheur a celui qui me difputera le pnx que ] ofe en attendre : mon cher Francceur ^ fers-moi..s Lar ou commencer? Si je pouvois parler, eenre... Francoeur- Parler , écrire ? Rien de tout cela , Monfieur agir, morbleu, agir; c'eft le bras qni avance les affa^es, les belles paroles & les écmures les font topjours t.ainef en longueur. G e r m A i n. Mais enfin quel parti?... Francoeur. Tenez , il femble toujours que vous vous entêciez a prendre Ie plus mauvais; fi vous aviez fuivi mes confeils, depuis quatre mois que vous êtes enterre dans un village.vons auriez eu bien de 1'impauence, & moi bien des peines de moins: tous les jours des Lettres... Rendez-vousala promenade... entrevues... Queft ce que tout ce petit manege-la vous a avancé ? bien de 1 embarras, & voila tout... Je ne vous en fais pas de reproches; mais enfin, il y a deux mois que nous nous fommes annercus que Mademoifelle Lucie voos aimoit, Jl ialloit entrer ici tout de fuite. Sanbüle!- vous auriez trouve un bon moment; enfin tout le monde fait des fottifei. cela vous eft permis plus qu'a un au autre: li je n avois pas quitté mon Régiment, moi... Germain,- rêveur. Lucie doit étre informée de ce qui fe paffe... II faut B 2 lQ1  si LUCIE, lui Écrire... In! deraander un rendezrVous; je te chargerui de la lettre , tu la lui remettras tout de fuite ... Francoeur. Sitót qu'elle fera écrite; mais taifons-noas, j'entends . venir Madame. Germain. Quel contre temps! je te joindral dès que nous feïons libres; il n'y a pas de temps a perdre. SCÈNE V. Mde De FRANCEVAL ; GERMAIN & FRANCOEUR vont au-devant ff elk, & la faluent. Mde. de Franceval. AH vous voila Germain, M. de Franceval voos a'vu , ainfi j'aurai pen de chofes k vous dire,- vous fejez feuleraent attention... (Elle dit d Francceur.) je n'ai pas befoin de toi, Francceur; (Ette continue d Germain.) que M de S. Fieurille, pour lequel nous vous avens retenu, arrivé aujourd'hui. Francoeur, qui chcrcbe a écouter, en balancdnt pour s'en all.r. Oh! je lni ai déjn dit, Madame, nous fommes convenus en partie, Germain & moi , de cë qu'il avoit a faire: on dit qne m ce S Fleu-ifle partira après fon £nari=ge; m:>ïs il n'efl pas néceffaire d'inftruire mon neven de fon devoir; moi & lui, voyez-vous... deux bons Cceurs, Madame, difpofez a tont. Tènez, fi, M. de S. FleuriiTe époufe votre fille.. . Germain eft hornme a le fuivre après cela au bout du monde... Et puis, Madame... je fuis votre ferviteur. (11 Jort.) SCÈNE VI. Madame De FRANCEVAL, GERMAIN. Mde. De Franceval. VOtre oncle a d'excellentes qualités; il efi: aflez bon domgftique, un pen biufque... c'eft on défaut qu'U  D R A M E. öb'ïI faat éviter. M. de Franceval. eft fort content de vous, vous êïes de Picarare , tous' les gens de cette provïnce nous fofit chers. GtRMAiN, avec beaucoup de timiditê pendant teuts la Scène. Madame eft peut être nee... Mde. De Franceval. Oui> mon nwri & moi, nous fommes de francs Picards; nous efpérons revoir avant peu cette chere pa-« trie: mon gendre ira avant nous, & vous emmenera} cela ne vous fera pas de peine. Germain, embarragé. Madame ... Mde. De Franceval. Je vous recomrnande des foins, de 1'attention; mon gendre efl homrae d'humeur fort aifée, il aura pour voos tous les égards que vous mériterez. Germain, avec intêrêt. Madame, ce manage doit donc fe terminer inceflamment? Mde. De Franceval. Mais fouj huit jours... ah! te voila, ma fille? SCÈNE VII. Mde. De FRANCEVAL, LUCIE, GERMAIN. Lucie, d'un air trifle. BOnjour, ma chere mere, Rofette vïent de me dire» qde M. de S' Fleuriffe arrivoit aujourd'hui. Mde. De Franceval, d'un air content. Oui, & tu n'en eft pa» fachée, n'eft-ce pas? L u c i e , avec ingenuitê. Fachée; pardonnez-moi; mais il devoit être abfent bien plus long-temps, Mde. De Franceval. Cela eft vrai: il a trouvé dans fes affaires beaucoup moins d'embarras qu'il n'en avoit prévu. Germain, dpart. II y a des gens 4 qui tout réuiïït. ,Mde. De Franceval. H fembloit qu'», fon arrivée... (eilt /t rttient is vóyam 5 3 Gtrt  ï4 LUCIE, Gtrmafa.) Germain , laiflez-nons; (d Gifmain qui fort.) tl faut déformais regarder ma fille comme votre maitrefle. Germain, avec beaucoup d'émotion. Ah! Madame., je ne 1'ai j'auiais regardée antremeot: Je ferois trop flatté que mon zele, ma fidélité. Madamp... depuis huit jours que je fuis ici, aucune occafion ne m'a mis è portée de vous faire connoitre mes fentijpents; mais dès le premier inftant, j'ai voué a Madelboil'elle, & a fa familie, une obéiflance... & un attachement... qu'elle pourra mettre a 1'épreuve dans tontes les circonftances. SCÈNE VIII. Madame DE FRANCEVAL, LUCIE, Mde. De Franceval. CE garcon me paroit avoir 1'ame fenfible: mon roari avoit formé des foupcons. Lucie , avec trouble. Des foupcons. Mde. De Franceval. Oui» ma chere enfant,ton pere a quelques ennerais; 31 craignoit que Germain ne fut un émiffaire fecret envoyé pour nous nuire ; Rofette avait d'antres idéés; elle voulait qu'il fut lié h.ce mauvais voifin, ce Lourbel, dont les menaces nous inqnietent fi fort... Lucie. Oh Maman cela n'eft pas poffible, Germain n'eft pas nn traitre. Mde. De Franceval. Je 1'ai dit... un fentiment fecret m'a porté i le défen3re... J'en fuis fure; un fujet comme cela, eft un vral cadeau a faire a ton époux. Lucie. A mon époux? Mde. De Franceval. Oui, a Monfieur de S. Fleuriffe. Lucie. Mais il ne 1'eft pas encore. Mde.  D R A M E. ££ Mde. De Fkamcevad. Te le regarde déja comme tel;tu fais que depuis longteoips ce manage eft arrêté; il fauc t'inftruire des raifons qui nous preffent de le conclure: ma chere enfant, je vais te dévoilerdes myfteres étonnants, puiffes-tu fans ceffe te les retracer pour te garantir des foiblelTes de' notre fexe: puiife mon exemple te fervir de lecon; ce n'eft point une mere, c'eft une amie qui va te faire partager tous les chagrins qu'elle a, effuyés; Aflëyonsnous. i Tu crois te connoitre, mon enfant , Sc cependant tu ignores le fecret de ton exiftence. Le nom que ta portes, le mien, celui de ton pere, font'des voiles artificieux employés par le crime, pour nous dérobcr^ aux juftes pourfaites des loix & de la nature. Lucie, avec candeur. Par le crime, maman, vous en êtes iucapable. .Mde. De Franceval , fait tous les détails fuivants, avec beaucoup d'attendrijfemene Eco.ute-moi, je teprie, avec attention. Le vrai nom de ton pere eft Vorcelles; il étoit an fervice il y a dix huit ans ; il vient en femeftre dans notre Province , chez un de fes oncles. Le chaceau qu'il habitoit, & celui de mon pere, étoient voifins. La chat fe, les amufements, rendirent bientöt Vorcelles & mon pere inleparables; il ne quittoit pas notre maifon; pluiïeurs petites fêtes, des cadeaux de peu de valeur, établirent d'abord entre lui & moi une liaifon de galanterie, qni avoit 1'air d'un badinage: le cceur y prit infen» fiblement inrérêt; ce qui n'étoit qu'un jeu, devint uns habitude, que nous n'aurions pu rompre qu'avec douleur. Tv'on pere s'amufoit de 1'inclination que nous prenions 1'un pour 1'autre:' il m'ordonnoit d'aimer Vorcelles , je ne lui obéis que trop facilement. Une maladie légere qui furvint a Vorcelles 1'avoit éloigné plufïeurs jours; fa fanté rétablie , il parut. Un doux ravifTemenc s'rempara de tous mes fens, Sorfque je le revis: les efforts que je faifois pour lui cacher tout le plaifir que me cauloit fon rétabliilement, lui décéloient un trouble qu'il fembloit partager...- Nos regards , animés Par la volupté, fe rencontroient pour fe confondre; nos ames tremblantes laiffoient échapper des foupirs qui fe concertoient pour ma défaite... Le délire de i'amonr nous faifit... Vorcelles s'égara,. Je devies foible,,, & ma fen£bilité me coüta ma vertu.  !2$ LÜ C I Ë, 'Lucie, avec douleur. Ah 2 ma mere.... Mde. De Franceval. Les regrets , les remords, auxquels nous futnes eti proie, ne peuvent fe dépeindre; je t'épargnerai les détails da défefpoïr qai faivic notre impradence; la honte fembloit artachée aux pas de Vorcelles & anx miens ; nous n'ofions noas rencontrtr. Mon malheur n'étoit pas aa comble; deux mois pafles dam -ha douleur n'avoient pas expié ma faute; je m'appercus avec effroi, des furtes crUelies qu'èlle devoit avoir: Tinftant fatal de notre égarement -m'avoit rendu ta mere. Epuifée de larmes, accablée de defefpoir, j'invoquai mille fois la mort, j'étors Téfervée a des tourmens plus cruels , Tonele de Vorcelles réveilla un procés que mon pere avoit mal terminé; Feil tree de notre maifon fut défendue k fon neven; mon pere crur. le punïr en difpofanc de ma main; ce mariage de vengeance alloit fe conclaïe; ma fituation étoit affrenfe; Vorcelles étoit inltruit de mon état; fob honneur, fon anaour, lui infpirerent nn deiTein que ia néceflké me fit appronvër- II vendit fa Compagnie, & me-propofa fecrettetnent d'aller dans nn climat étranger, unir notre defünée & nos malheurs: touchée de fon procédé, forcée par les circonftances, j'abandonnai mon pere , pour fuivre mon amant... Nous voulïons pifTer en Angleterre ou en Hollande; mais det obflacles que nous prévimes, nous firent déeider pour 1'Efpagne ; nous y arrivimes heureufement. Pendant tes deux dernieres pbrafes, Francceur efl entrê avec une Lettre a lamain;il a fait beaucoup de p.gnes a Lucie, qai ne Va pas vu. Mde. de Franceval 'Vappercoit, &'lui dit avec humeur: Que voulez-vous -Francceur ? SCÈNE IX. FRANCOEUR, Mde. De FRANCEVAL, LUCIE. Francoeur, avec contrainte. -j^ÏAiame ri'a-pas-appellé? Mde?  D R A MÉ. n Mde. DïFi*NCEVAi,«w humeur. Non, laiflez-nous. Francoeur. Madame eft-elle contente de mon neveu ? Mde. De Franceval. Oni, il eft docile, il faut 1'être; obéir eft le premie* talent d'un domeftique. Francoeur. Ah.' Madame il profite de tout ce qu'on lui dit... II ëft bien élevé d'ailleurs... il lit... il écrit... Ah ! II écrht (II montre la Iture qui ejl dans fon cbapeaa ct Lw.it,) comme un ange. Mde. De Franceval. Va-oen donc. Francoeur. J'obéis, Madame , j'obéis. SCÈNE X. Mde. De FRANCEVAL, LUC IÉ. L u c 1 e. AH! ma mere, je vous ai caafé bien des chagtins cès ma naifiance. Mde. De Franceval. _ Tu penx toat réparer, ma chere fille: je t'si dit, je Crois, que nous fümes en Elpagne; notre premier foin fut de rendré légicime une union jufqu'aiors criminelle ; ton pere prit lenom de Franceval; nous écions a Cadix; un Négociantxechtrcba notre connoiffance, (c'étoit le frere de ■ S. Fleuriiïe.) L'amitié & les foins de eet honnête horome, nous fotwnirent des moyens avantageux de faire valoïr les fonds qui nons étoient reftés-. Le Ciel parat enfin touché de nos peines; tout nous devint profpere; mais 1'idée de.rnon pere, fi cruellement abandonné, me perfecutoit. II ne mettait pas de relache a fes pourfuitter. Nos précautions continuelle* nous conferverent ignorés. Lucie, avec candeur & un certain irnéret qui fait déviner fa firuation. Mais marrran. mon pere ne ceffa donc pas nfl-foftant* i9 vous ainrer... fes fentiments furent toujours les mê£ aas*?  IS LUCIE, mes; ne voris a-t-il jamais donné les chagrins que doiï caufer 1'inconftance ? Vous a-t-il toujours chérie autsnt que vous méritez de 1'êtTe ? Mde. De Franceval. ^S'ileüt changé, riia fille, je n'aurois pu foutenir la vie ; nous ignorons encore 1'amertume & Tembarras d'un rèproche; Depuis feize ans, la conftance de notre; union n'a point été altérée. Tu fijais qu'il y a un an que nous avons quitté Cadix; S. Fieuriile étoit venu voir fon frere; ton pere fe confia i lui, & il nons a frronvé qu'il en étoit digne: il nous a acheté le Chateau oü nous fommes, il s'eft chargé d'allér Ini-même chez mon pere, il s*y eft annoncé corame notre gendre, nos intéréts font devenus les Hens. Il a follicité nne réconciliation dont tu dcis être Je prix, il vient ïéclamer un bien dont il a déji pris le titre; oui, ma chere fille, c'eft toi qui dois cimenter une paix d'e laquelle dépsnd ma tranquillité-; mon pere, jufqu'a pre'• fent inexorable, ne pourra réfifter 3 tes carefles* c'eft toi qui va decides ie deftin d'un pere & d'une mere qui t'adorent. 4 'Lucie', avec attendrijfement. Ah, ma mere.' PuuTe-je être digne Mde. D e—F r A' n c e v a l. "Adieu, ma fille, je fuis trop émue ponr t'en dire dsvantage, & 'tu dois avoir befoin de réfiexions embrafiemoi, ma chere enfant; fi Pamour a eau ie nos malheurs, fonge que c'eft toi qui dois nous les faire oublier. SCÈNE XL LUCIE, fcule.. ;i^T je PÓrifWt^ifr ü tendreffe, je pourrofs réfu„JL/ ter a des follicirations auffi touchantesf... Ah' GermSa.~ Germain... pit quel enchanteraent as tu pa me " condnire k douter de' mon obéiflance? ces charmes que tu émploies pour me féduire, pourroient-iis me faire oflblier des devoirs fi chers , fi refpectables *.. 1 Quei deftin t'a conduit lei, pour perfécuter qne fille'infortunée qui n'a pas eu, ia force de t'éloigner? S C E-  D R A M E. n.rJL^ —--.fi - - -■ * ,,, SCÈNE XII. LUCIE, FRANCOEUR. Francoeur. JVJlAdemoifelle, Mademoifelle, voici une, Lettre. L u c 1 e , fuyant. Je ne la recevrai point, lailfez-moi, laiffez-moi. Francoeur Mademoifelle , je vous en prie... il eft défefpéré... Si vons le voyez. Lucie, avec vivacitê. Si je le voyois!... Ah! .je ne le verrai plas. Francoeur. Voila bien autre chofe a préfent... Eh bieo, Maciersoifelle, je vais loi dire... mais s'il fait des fottifes, je n'y fuis pour rien, d'abord. Lucie, toujours du même ton. Qu'il forte, qu'il me lailfe... Francceur, dites lui de ne point faire des folies. Mais, il eft donc bien fiché? Francoeur. 11 extravague, il perd la tête. Lucie, avec chagrin. Mais, que veut-il que j'y fafle? (avec inquiétude) que peat-il m'écrire ? Francoeur, fuppJiant. Eh! lifez , lifez cela ne gitera rien. Lucie, héfitant. Voyons donc. (elle Ut.-) » Mademoifelle, C 1'on mouroit de défefpoir, je ne n ferois déja plus : tout eft conjuré contre moi; Mon„ fieur de S. Fleurifie arrivé, Vous feriez a lui poar „ jamais!... Ma chere Lucie, il fant que je vous parle avant fon anivée, choififiez le moment... Je ne i'cais pas fi j'aurai la force de 1 attendre... Je meurs d'impatience; je cefferois de vivre, s'il ne falloit pas en » même temps, cefTer de vous aimer." Q avec douleur. ~) Ah, Dieux!... Eh voila comme ils nous aveuglent! C 2 F R A N*  *» lucie; Francoeur, Eh bien, Mademoifelle? tv. , • Lucie, molkment. ^iïrr&zï*verrai point- au F e a n c o e u R, d'un ton larmoyant. donc ' IMademoifelle qoe dkes-vons / mais fongez ne flVo Z-TT*" «. r°n mOBroit de <^PoirT ii «mer... Lifez do.c, hfez encore une fois, MademoiLucie, d'un ton compofê. ne rZToiVt?^ 'kaV\C te"ireI'-) Mais' d3sJu5 qnll Je - non ! P Qael ach»™ement! qn'il s'en all- 4e, non, je ne veux pas entendre parler de lui. Mo f„: ^ A ^ c o e u r, vivement. V ^roit de^a r01^16' je ne lni dirai P°int « pe?cer le ™ S?té - de la bafba^--- °e feroit lui Sr i ?, ; Sl Ve°!,?onvez ce!Ter ««" de fuite de rrn-i / ne„,vous opbhera pa, fitöt, faj. Ah' c'eft ie 1. trom'' ifelle«}e vons le franfhement, l li voir. Peralpl°tÓC' i8 luidirfii«i^ vous confentez redGuh??Z E°hn.S"en-b?e"- 5 donc tasje toprudent^?1 ^ Pea£ des déffia«^ «* r, , A * c 0 E ü » . d'un air towbant. De la pitie, Mademoifelle, de la compaflion; tenez .1 fe rendra dans une heure au Jardin .dans óne heu re... il fera Plas tranquille... vous pourriez vous l ren cpntrer... vous lui direz de s'en aller, vous ferez 1 lui tout ce que vous voudrez. dG rerfdei vS' «'« auroit 1'air d'un rendez-yous... Non, je V0Us dis, je ne veux na, la "en'^ufp^fffrne ^ P°" di~ bonneqhenrPe comP^eure; en paflant... a la Oni F»n A ï? ° ° E U R * précipitomment. une hUre /ou?^ Mademoifelle, dans ici i7a„r!: C"eZ foavent dan« c«te falie; il fera ILronfm0ll V0QS "averferez, nous vous ar! ff toon», fi vpas voolez, malgré vow... Qu'il va être COD-  D R A M E. fc* coatent... Je vais loi dire. Ma foï, Mademoifelle.., jl va revenir de loin. SCÈNE XIII. LUCIE, Jeuk. TE confens i le voir... Malhenreofe i... Et je n'ai pra J m'en défendre! Je le verrai... poar lai dire de S éloignez. Amonr.' areoür! fi tu pen* maitnfer un ccear pur, arni de 1'honnêteté; fi tes dtolts »'étendent lor 1'innocence... qut-1 fera donc 1'emplre de la vertul Fin du premier Acle. A C T E I I. SCÈNE PREMIÈRE. GERMAIN, FRANCOEUR. Germain, avec beaucoup de véhemence pendant toutt la Scène. ELle n'a pas voula recevoir ma lettre.' Que Je fote malheareux! Frahcoeur. Eh! mais, MonGeur, donnez-vous donc le temps de fcavoir les chofes; elle s fait des facons d'abord; eft-ce que ce n'eft pas la regie?... mais a la fin... G ï » M i i s. „ , KU A la fin elle 1'a recoe. Ah, mon cher Franccent! Eft bien , qu'a-t-elle réponda ? Francoeur. Répondn? Ma foi, cela n'eft trop aifé 1 vous faire entendre; toot ee que je fcais, c'eft qu'elle m'a répon-. 4a oui, en me difant non.  *? LUCIE, Germain." A-t-elle confemi de m'accorder un rendez-vous? Francoeur. - Confenti... non. Germain. Elle a refnfé? Francoeur. Kon plas. Germain.. Maïs, qu'a-t-elle dit? Francoeur. Rien de pofitif. Germain. Ah! de grace, tire-moi d'inquiétude, ta me fais mourir, Francoeur. Eh ! Monfieur, ne fcavez-vous pas que les'femmes ne fe font jamais mieux entendre que lorfqu'elles Veutent pas s'expliquer? Germain. Enfin, fur quoi puis-je cómpter?.. (Francwur rit) Finis donc de plaifanter. Francoeur. ' Eft ce que je ferois auffi gai, li je voulois vous annoncer une mauvaife nouvelle ? vous pouvez compter qu'elle fera ici avant une demi-heure. Germain. Elle te 1'a affuré ? Francoeur. Non vraiment; mais elle fe trouvera ici & deflein, fans y penfer... pendant que nous nous occnperons d'elle, en parlant d'autre chofe & nous la retiendrons, mal- gré elle, de bonne volonté... c'eft clair, c'eft arrangé comme cela. Enfin vous la verrez, vous lui parlerez; c'eft a vous a mettre le temps a proSt. . G e r m a i n. Hélas! comnsent lui faire fentir toutes mes peines? Francoeur. r Mais vous êtes tout-a-fait fingülier, Monfieur: comment? comment ? ehdéterminez:-la d'abord k nè pas fe roarier a Monfieur de S. Fleurifie; il *'aut lui dire les chöfes comme vous les penfez ; il faut fe déclarer; • sous êtes de. bonne foi, & on diroit que vous voulez la troraper. Pourquoi ne lui avoir pas encore appris votre vrai nom? peut-être cela 1'auroit-il décidée. »* j I 9 Eh!  li RA ME, ,-8$ Germain. Eh.' raon ami, que fait le nom? Elle fcaifc que Je fuis Gentilhomme , qae je fuis au fervice ; lui ai-je montré d'autres fentiments que ceux de Phonneur? Ne m'as tu pas confeillé le premier d'attendre les nouvelles que je devois recevoir de ma familie, avant de la lui faire connoitre? Elles font vennes ces nouvelles; croistu qu'il faitle 1'en tnftruire?Eft-ceen ltiidifant que mon pere me défavoue, que je fuis abandonné de tous ceux qui me touchent, que je pourrai 1'intérefTer en ma faveur ? ■Francoeur. Francceur vous refte , Monfieur; Mademoifelle Lucie voos aime, que voulez-vous de plus ? Je ne fcais pas fi vous avesstort, fi vous avez raifon : mais, viveDieu! je vous fuis attaché ;, que mademoifelle Lucie nous feconde: tenez, quand il faudroit 1'enleTer a Monfieur de S. Flenrifle, 4 dix, 4 vingt, 4 trënte , a 1'universi au diable , vous 1'épouferez , Monfienr ; mon -cceur eft 4 vous, vous m'avez gagné; ce n'eft pas' par intérêt, ain■ fi cela ne doit pas vous être fufpecl. Germain, avec bonté. Je connois tes fentiments'; va, fi jé doute de quelqrïe chole, c'eft de pouvoir te récompenlër autant que je le vbndrois. Francoeur. Récompenfé! je ne venx point 1'être; je croirols Vons avoir vendu mes fervices; c'eft le cceur, Monfieur, c'eft 1'attachement: cela ne s'achete pas. Vous voir heureux, voila mon fslaire ; que Mademoifelle Lucie foit contente auffi, car je 1'aime antant qne vous; fi je ne fcavois - pas que vos intëntions font bonnes.., mais je vous crois trop honnéte homme pour la tromper.... c'eft que ce n'eft pas-U un gibier de garnifon , voyez-vous , mon v ' Officier... c'eft une brave fille; c'eft 1'honnêteté , la bonne foi... La bonne fot! en vérité il y en a fi peu a£tuellè« ment parmi les femmes, qu'il y auroit «onfeience de travai.ller 4 détruiré ée qu'il leur rëftë. Germain, avec feu. ' Tes foupeons nae font injnre , mon cher camaradèo renc's-moi plus dejuftice;va crois que je n'ai jamais reffemblé 4 ces monftres , qui devenus les tyrans d'une femme qu'ils ont rendtt foible,ne trouvent d'autre plaifir dans fa défaite, que celui de la divulguer ; qui ne femblent jouir ce leur triomphe, qu'en jectant fur la vic«  g* LUCIE; viclime qa'ils ont immolée 4 leur èéréglernent, Je désfconneur &le mépris qoi devroient les couvrir enx-mêmes. Le plaiür pur & chafte d'nffrir a la verta qui chartcelle > les reflources d'un refpeft inviolable, eftignoré de ces ames bruiales; & tu crois que je pourrois partager leur infkmie? Non ; j'ai voué a Lucie un hommage ;mffi tendre, auffi vrai que fon cceur; fes charmes ont fubjugé le mien j fa beauté m'a feduit; je lui dois de 1'admiration. Mais chérir fa modeftie & fa douceur., conferver a ma délicatefle la pureté & 1'éelac de fon innocence, adorer fa verta, lui facrifier, s'il le faut, jufqu'aux intéréts de ma flamrne , voila la gloire d'un honnête homrne, &• «e ft>nt la mes trophées. Francoeur. Vous avez raifon; avec de pareil fentiments, on ne fera jamais fiché de vous aimer: cependint je prévois bien de 1'embawas dans toute cette affaire. Mademoifelle Lucie paroit décidée k époufer M. de S Fleuriffe: on voit bien que cela lui fait de la peine; mais... Germain, fort èmu. Epoufer M. de S. FleurüTe! mais pourq.noi ce mariage ell-il devenu ft néeeflaire? Depuis que tu es ici, n'astu pu pénétrer les raifons.' Francoeur. 3 Ma foi, Monfieur, je ne fcais qu'en penfer; je me fuis bien apperc-u qu'elle avoit eu avec fa mere un entretien, oü il s'étoit paffe qnelque chofe d'extraordinaiie; Madame eft fortie finguliérement agitée, au point qu'elle ne m'a pas appercu fur fon pafTage, & j'ai trouvé Mademoifelle d'nne humeur... Ahi tenez, ce n'eft pas pour me vanter; mais il falloit que ce fut moi pour lui faire lire votre Lettre n'entendez - vous pas da bruit?.... C'eft le pere & la mere. Germain. Guette bien ie moment oü nous nous rejoindrons, pour «tendre Lucie... Je vais rêver aux moyens de faire réuf£r un projet qui m'occupe... Francoeur. Chut... chut... Paix donc. {Jls vont ö» devcmt comme pour prendres des ordres') S C  DRA M E. 2S SCÈNE II. M. & Mde. DE FRANCEVAL , GERMAIN FRANCOEUR. Mde. De Franceval. T aiffez , laiflez; nous voalons être feuls; Francceur, JL.' ero.uene ton neveu; eh bien, cornmence-t il a s'enhardir i (Germain la fatue.~) Francoeur. Oui, Madsme., oui; je crois que nous en ferons qnelque chofé. Mde. De Franceval. Bon, tant mieux. ( Germain la falut encore. ) Ah, c'efi: fo« bien , laiflez-nous... < Elle rappelte Frarjceur qui fort, ) Francoeur , va chez ma fille lui demander... Francoeur. Oui, Madame , j'y vais, moi,j ou Germain , cela le dégourdira. Mde. De Franceval. Ecoate donc , vas«y tol même-; demandes-lui fi elle veut venir au devant de fon fu.?ur époux: cela pourroic lui faire plaifir; qu'elle vienne noas trouver, nous partirons bientót. Francoïur. J'y vais, Madame. j'y cours. (II dit en fcrtant c Germain qai eft réviur, ) Eh bien , & qaci iêves-tu;... Monfieur... allons donc, allons donc. SCÈNE III. Monfieur & Madame DE FRANCEVAL. M, De Franceval. C^E Francceur eft plaifant. M le. De F ranceval. S'il étoit plus poli , dl .feroit parfait; je crois que JD 1'hon*  *5 LUCIE; l'honnêteté dn neven, ne feroic pas de tort a la francbife de Tonele. M. De Franceval Cette franchife ne pent trop s'efbimer; fon caraclere n'eft point aimable, mais il eft folide, il attaché, j'aime fon humeur; c'eft la tournure du vieux Solaat, brufque, téméraire, mais vrai , dévoué; fes manieres qni refpirent la rndeffe, infpirent la confiance. Si ies avis qu'on nous a donnés des mauvais deffeins de eet humroe du voifinage, fe confirmoient, il noas feroit d'un 'grand fecours. Mde. De Franceval. Eh! Mais ,on eft encore venn avertir de cher, !e bori homme Francois, ce matin il a appercu quelques maBeeuvres fu species. M. D e Franceval. Cela ne me paroit guere vrailëmblable, SCÈNE IV. M. & Mde. DE FRANCEVAL, FRANCOEUR Francoeur. "A iTonfieur , Madémoifeüe Lucie dit qu'elle ne s'amn1V1 fera pss a ail'ér au jevart de fon fucnr époux, elle eft même un peu .ir.dilpofée. Mde. De Franceval. vivement. Indifpofée ! qu'a-t elle donc? Francoeur. Oh rien, ce n'eft rien, Madame; elle dit fenlement queile as befoin de repos. Mde De "Franceval. Tu m'avois efFrayé, il faut la laiffer bien tranqnille. Francoeur, avec une impatience qu'il veut diflimuler. Monfieur & Madame iront donc tous feuls au-devant de Monfieur de S. Fleuriiïe ? Mde. De Franceval. Ouï, peut-être. Francoeur. Vous allez partir tout-i-l'heure, n'eft-ce pas, Monfieur ?  Z> R A M E. 2? fieur? II fandra faire apprêter ia ehaife i denx places; je crois qae voüs feriez bien de vous dépêcher. M. De Franceval. Eh! oui, oui... Va-t-en . nous ferons avertir. Francoeur. Bon... c'eft bon , Mcnfiear... Je dis c'eft l'affaire d.e deux rninutes; c'eft que d'aiilenrs, vous voyez bien que fi ee Monfièur étoit une fois arrivé , vons ne pourriez plus aller au devant de lüi. Vous farez dire quand vous voudrez parcif. (II fort.) SCÈNE V. M. & Mde. DE FRANCEVAL. Mde. De Franceval. tjE devois prétöir cette révolution , je crains d'avoir f revelé i Lucis notre fecret, Sc ces vérités cruelles avt-i tropp'eu 'de ^récaurions , cela ro'inquiete vivement... Leb menaces Je ce Lourhel, me troublent aofil... cec hom ne ell E corrornpo... M, De Franceval. Sois tranquille de ce cóté... il ne peut exercer une violence ouverte fans danger.. les méchants craigneat le j>ur.,. & nous fommes a i'abri des furprifes nocturnes, je ne concois pas qu'un homme pareil, ait pu fonger a Lucie, il eft donc vrai que ie 'viee même fait troiiver des charmes 4 la vertu. Mde. De Franceval. C'eft pourtant a un homme auffi dur, d'un caraclere auffi violent, auffi peu 1'emblabie a toi, que mon pere vouiat autrefois me faerifier; 11 notre foite que nous avons tant expié ne pouvoit trouver g'-ce devant lui. M. De Franceval. Oh ma tendre amie.. tachede furmonter tes craintes, vois plutöt ce pere vénérable, renakre dans tes bras,ne fe rapelier notre imprudence , que pour en répéter le pardon. Ce moment lëra doux pour lui je le fens... chere époufe... je fuis pere auffi: y a-t-il quelque chofe au monde que je ne puifle pardonner a Lucie, Da i' Mde,  .*8f LUCIE, Mde._ De Franceval. Ah mon ami, jamais elle ne mettra notre indulgence a 1'épreuve.. Elle eftime faint Fleurifie, elle ne tardera pas a 1'aimer. M. De Franceval, vivement. Et dans une heure il arrivé. Ce digne bienfaiteur va partager le bonheur dont il a été 1'ihftrument; notre chere Lude , en couronnant fon amour, va payer fa générofité. Que tes inquiétudes cedent au fentimencqui m'mfpire. Ah, ma tendre époufe! 1'inftant oü je te ver«i croire a notre félicité, eft celui oü je commencerai den jouir. Mde. De Franceval. J'y crois, mo» cher ami; va, je me reprocherois d'avon retardé ton bonheur; une femme chétie d'un mali qu'elle adore, peut-elle connoicre des peines que 1'amour ne rende fupportables. SCÈNE VI. M. & Mder DE FRANCEVAL , ROSETTE. Rosette, accourant avec gaietê. MArPAM£» Monfie<"> W Valet de Monfieur de S. Fleunfle.. il arnve... il eft dans la cour... il fait claquer fon fouet. Ah.' 31 eft bien joyeux. M De Franceval. Et tu n'es pas fichée de le vsir non plus, n'eft-ce pas ? r Rosette. Mais, Madame fcait bien que nous ne nous haïQons point. Si les choles réuffiilent... Monfieur nous a proaüs.. AhJ tenez le voila. SCÈNE VII. M. & Mds. De FRANCEVAL , RENE'. Mr. & Mde> De Franceval, enfcmble. X^HJ te voila, René? Bonjour. M.  D R A M E. M. De Francevaü. Et ton Maitre, oü elt il i R e n e'. Dans l'inftant il eft ics, Monfieur; je 1'ai laifle l la demiere pofte. Monfieur & Madame fe font toujours bien portés? Mon Maitre eft bien impatient d'arriver; nous n'avons point ménagé nos montures... a propos, & Mademoifelle Rofette, comment vont les plaifirs? Rosette Fort bien, fort bien, Monfieur le Poftiüon, & vous, la fatigue ? R e N e'. Ah! comme cela.. la, la. M. De Francevai,, cl fa femme. Allons au devant de notre bon ami... nous pourrons 1'attendre au bout ie 1'avenue. (11 bai/e la main de Madame de Franceval> (f lui dit.) Venez vous convaincre que vos craintes ne font que des chimères... René, tu fcajs le chemin de 1'office, n'oublie pas de te rafraichir. QIls fortent.') R e n e\ Ma foi, Monfieur, poar ne pas 1'onblier, j'y vais tout de fuite; j'aime k ne pas négliger mes commiflïons„ Q 11 paffe brufquement d cöté de Rofette fans lui rien dire } SCÈNE VIII. Rosette, feute. NE pas négliger fes commiffions... C'eft fort bien fait. Mais, Monfieur René, fans vous déplaire , Vous n'êtts pas trop galant. On Pattend, on croit qu'il n'arrivera jamais; il arrivé... on ne peut pas lui déguifer le plaifir qu'on refient de le voir... & fon premier foin eft d'aller fe rafraichir: en vérité, les filles qui ont du penchant pour certains hommes, font bien, malheureufes; il mériteroit que Francceur devint amouxeux de moi... s'il ne l'eft pas dé ja. C'eft dommage qu'il foit fi brufque, il pourroit... Oui, oui, Monfieur René, il me plaira... pour vous faire enrager: il eft brufque, eh bien, le talent d'une joüe femme eft d'apD 3 pri=  3 'LUCIE, privoifer nn homme fauvage; & puis il ne 1'eft pas 4 nn point... Je crois qne je commence a 1'aimer... Le voila... Je crois què je ne 1'aime plus. SCÈNE IX. ROSETTE, FRANCOEUR. Francoeur. MAdemoifelle Rofette, qnel eft eet original qne je viens de rencontrer dans 1'ofSce? botté... crotté... Rosette, très-gaiement. C'eft nn homme qui vient de del .endre de eheval. Francoeur. Je Ie fcais bien ... Mais, qui eft-U > Rosette, mahcieufement. II fe rafraicait, paree qu'il a couru la pofte; c'eft mon amoureux. Francoeur. C'eft votre amoureux; il a couru la pofte ; cela m'avance beaucoup... Ditesmoi donc qui c'eft? Rosette. C'eft Monfieur René. Francoeur. Monfieur René; & qu'eft-ce que ce Monfieur René ? Rosette. C'eft le Valet de Monfieur de S. Fleurifïe. Francoeur, vivement. Ah! je m'en fuis douté... Et le Maitre oü eft-il? Rosette. Monfieur & Madame font allés jufqu'au bout de 11avenue au devant de lui. Francoeur. ' II fera donc ici décidément aujourd'hui ? Rosette. Dans une heure. Francoeur. Ah! ventrebleu... Dites-moi, Mademoifelle Rofette, quel homme eft-ce que ce Monfieur de S. Fleurifle l eft-il aimable? R o-  D RAM E. 3* Rosette. Qn'eft que cela vous fait? (ironiquemtnt) A quel chapitre en *ua voas aftuellemerit de vos méditations gaerrieres? Francoeur, a part.. J'en fuis i battre en retraite, (d Kofette.) Mais parions férieulëment. Tenez , en confcifeoce, je ïërols fiché que Mademoifelle Lucie époufat un homme qui ne feroit pas a fa fantaifie. Rosette. Ehbien , il 1'eft, Monfieur, confolez-vous.- Francoeur. Eft-ce un Militaire? Rosette. Non, vraiement. Francoeur. Ce n'eft: pas un homme de Robe ? Rosette. Non, c'eft un Abbé. Francoeur. ; Ne plaifantez donc pas ... Dites moi donc, je vous ' en prie, comment ce mariage s'eft-il arrangé? Rosette* Ce quoi vous mêlez-vous ? Tenez, ne faut-il-pas rendre compte 4 Monfieur, Quand vous fcaures répohdje aax queftions qu'on vous fait, on fcaura fatisfaire snx ' ötres. Et pub; fi vous êtes fi curieux; te.iez, le voili eet original; vous pouvez,J'inteToger, il fobs inftruira mieux que moi, car il en fcuit davaiit-ge ; actóodez voas.' S C E N E X. . . . FRANCOEUR, ROSETTE, RE NE'. Ren e'. A H! ma belle Rofette, nous pouvons a pré/ent nous _r\. expliquer. Commencons par t'embrafler; ii ne me manque plus que cela pour me remettre. , R o-  32 LUCIE, Rosette, tnalignement. Voos êtes trop honnête, Monfieur, je n'aï pas le temps, j'ai affaire aillenrs; pour ne pas onblier de vous qnitter, je m'en vais tont de faite... J'aitne k ne pas négiiger mes commiffions... Adien, Monfieur Francceur. SCÈNE x r. FRANCOEUR, REN E'. (//ƒ fe regardent beaucoup.') Francoeur, riant. ElLE eft dróle cette fille ,11. R 36 facljê. Mais; oui; elle eft finguliere. Francoeur, è part. Je'ne fcais pas, ce Monfieur René commence déji a me déplaire. R e n e', d part. Ce Monfieur ,Francceur auroit-il. fait chtnger les inclinations de Rofette.' Francoeur, d part Il pourroit poartant m'inftruire de bien des chofes, faifons-le jafer. Re n e', d part. II faut que je fcache a qeoi m'en tènïr. (d Francceur, cbapeau bas, d'un ton tres cérémonieux.) Monfieur eft apparemment attaché a la maifon ? Francoeur, du mfmt ton fjf avec tes mêmes manieres. Oui, Monfieur, mes occupations me fixeat ici. R e n e' , toujours du même ton Monfieur n'eft pas celui qu'on a retenu pour être Valet-de-Chambre de mon Maitre, lorfque je vais avoir 1'honneur d'être fon Intendant ? Francoeur, du même ton Non, Monfieur, je fuis k Monfieur de Franceval. Rene', avec fimplicité. Eh! c'eft Monfieur qui a remplacé Bertrand, qui eft mort en revenant d'Efpagne. F R A N-  D R A M E. 33 F r a.N'c o E o'E , fe couvrant. Monfieur, je ne fcais pas fi Bemand eft mort; maïs je luis a Monfieur de Franceval, comme vous êtes a Monfieur de S. Fleuriffe. R e n e'. Mffdemoifelle Rofette 1'aimoit bien ce Bertrand : ( d Francceur.) Ne 1'auriez vous pas remplacé auffi auprés d'elle? Francoeur, Eft ce qu'elle aime les remplaceraents comme cela; Mademoifelle Rofette? Vous la connoiffez bien avant moi! R e n e', Depuis qu'elle eft avec Madame de Franceval. Francoeur. Et votre Maitre, depuis quand le fervez-vous.' REN e'. II y a vingt ans. Francoeur. Et combien le fervirez vous encor^? Re n e', bonnement. Mais, tant qu'il vourlra ne pas me renvoyer. Jelui fuis attaché; il va fe marier, j'en ferois volontiers autant. Me confeüleriez vous?... Francoeur. II va fe marier. C'eft done une affaire conclue? R e n e'. Ah! c'eft comme fi cela étoit fait: c'eft décidé depuis fi !ong-temps; i! n'aura pas de repos que cela ne foit fini, ni moi non plns. Francoeur. Mais ón ne vous attendoit pas fitót. Ren e'. II eft vrai ; m.iis nous nous fommes hatls... Nous avions un bon guidö. Francoeur. Eh! qui donc, s'il vous plait; R e n e'. L'amoar. Francoeur. L'amoar... Vous êtes donc le Serviteur de l'amoar? R e n e'. Oui, c'eft lui qui... E Fr an«  34 LU Cl E, Francoeur. ISh bien » le diable m'emporte fi Ton prend jamais le Serviteur pour le Maitre. Et, dites-moi, quelles raifons vous avoient éloigné d'ici! R e n e'. Comment 1 vous ne fcavez donc pas, voU3 n'êtes paf Inftruitï.., Francoeur. Non , dites-moi, dites-moi ? R e n e'. Monfieur de. Franceval ne voos a rien confié ? Cela étant, je ne vous en apprendrai pas davantage. (apart.) Rofette ne 1'aime pas; elle lui auroit déja tout conté... Au revoir, Monfieur. Francoeur. Monfieur toi-méme .. Je fuis un grand fot»il allai me dire tout... Ecoutez donc écoutez donc? R e n e'. Non Bonjour. Francoeur, fe fdchant. Veus-tu bian refter.» Eh! ne méchauffe pas , je t'ea prie. R e n e. Qu'eft ce que vons voulez? Francoeur , très-hrufquement. Tu te moques de moi, je crois. Prends garde que je ne t'apprenne a vivre. (René lui rit au ntz.) Veux-tra bien ne pas rire? eft-ce que je fuis plaifant. R e n e'. Non: mais il m'eft permis de n'être pas trifte. Francoeur. Je veux que tu le fois: refte-donc... Allons, parle; R b n e*i Parlez vous-mêrce. Francoeur. Qn'eft-ce que fait ton Maitre » R e n e'. II ne fait rien , il fe repofe. Francoeur. II fe repofe; il n'eft donc pas Officier? R e n e'. Officier... Ah! vous ne fcavez ce que vous dkes* Francoeur. Ta n'en a jamais feivi, d'Officxer $ R »*-  t> R. A M E. %& R e n e' Non 9 car on m'a toujours bien payê mes gages. Francoeur. Tu n'as pas été au fervice non plus? R e n E'. Non plus: mais j'ai un frere qui y eft encore. Francoeur. Eh biea, ton frere eft un brave gareon; & tói, tu ei un butor. R e n e'. Bien obligé. Francoeur. Et tu dis que ton Maicre va fe marier. R e n e'. » Saus doute. Francoeur. Tu en as menti. R e n e'. Vous avez tort; la preuve que je ne meuts pas; c'eft que je dis la vérité. F r a n c o e u.r. Et tu fonges peut-être a époufer Rofette? Ren e'. Comme vous voudrez. Francoeuh. Tu en as encore menti. R e n e'. Cela fe peut bien; en tout cas, je vais m'en informer a elle-même ; je vais auffi lui demander fi elle s'eft appercue que vous êtes devenu fou. (iï t'enftOt.) Francoeur. Attends , attends, mon camarade Ren e' , j'en allant. Vous êtes trop poli. Adieu, adieu,... Ne vous dérangez pas. SCÈNE XII. FRANCOEU R,feul, avec humeur. IL y a de bonnes gens dans le monde On n'a pas ton de caarger ces efpèces-U ö'apporter de E 2  g£ LU C I E;; roauvaifes nonvelles. Il n'y a pas moyen de fe fiches avec un homme comme cela; on lui donne des dém_rntis, c'eft doux , c'eft tranquille; j'enrage.... Ah, doublé firmament! je ne fuis pas plus avancé qu'avant de.lui parler. M. de Fontreuil mourra de Chagrin, li le 'Maitre de ce butor.-la nous enleve Mlle. Lucie. Nqus 1'enleverJe ne le fonffrirai pas... il ne 1'époufeVa pas.... non; c'eft dans ma tête; quand le diable s'en uiêleroit, elle nous reftera; Ah ! vous voila, Monfieur? SCÈNE XIII. GERMAIN, FRANCOEUR. Germain.' AS-tu vu le Valet de Mr. de S. FleariiTe ? on dit qu'il eft arrivé. FraNcoeu-R Oui, je 1'ai vu, je lui ai parlé, gut plus eft. Germain. Eh bien. F R a 'N "c 'o. E u r. Eh bien, il ne m'a pas dit un met de ce que je voulois favoir. C'eft nu anlmal; il eft .vrai qne je ni'y fuis mal pris; je 1'ai srrangA autï....'*;if jë !*r.i vpoufle comme il faut; mais ion , cela n'eft pa* lërfóle 11 n'y a rien i faire avec ces gcns-la. G b n m a i .m; Ah! qu'a-tu feit.'je trernbJe ga* ar. zcle mal entendd ne t'ait fait tout gixr. Franc o k vj-. Ne craigncr. r:cn. Eh bien,. ]ea' idéés en queftioh? avez-vous combine tout eek? G e r m a 't n. Toot eft prévu ;il faut que je meure, ou que j'épnuTe' Lucie ; il faut que S. FleuriÜe..m£ la..céde , ou'qu'iL m'óte la vie. F R a N c 0 e, u r. II fe'i ici dans une heure, vous pouvez vous arranger lirrielfns d'a-bord.- ; LJ 3 O O H .'. 8 Germain, avec beaucoup d'exprejfion. Touc eft arrangé. Lucie d'ok ne pas tarder a fe rendre ^ ici; 1  DR'4M^r lt: lei; je vais lui offiir un afyle contre les periecutions de fes parents, & la néceflité d'épourerTra- homröe qvTêllé n'aimepas. Un Convent qui n'eft qu'4 deux lieues d'ici, la préfervera des«interprétation's méchantes qu'on pourioit donner a fa démarche , fi elle confent a. s'éloigner... F r a n«c oé u'r,' vivement. Votre chaife eft encore dans le vjllage; les deux fils de votre höte nóus font dévoüés;"il ne fera pas diffif cile de la faire partir. G e r M A i n.. C'eft ce qui'm*inquiéte le moins; mais après fon départ, écoute bien ceci , tu ne' t'ëlpignera pas.... vöici une lettre pour Mde. de Franceval., je lui, décpuyre mon nom, mon afnour, & més intemions. F r a n c o E ü r. Je vous entends. G E r M A T.N.. Tu la lui feras remettre par quëlqu'u'n adroit, qui. puifle te'rendre compté de Teffe't qu'elle* aurVproduit. F.ran, c qe u r. Ne vous «mbarratlez pas. ■ G e r M A I N. * Je fais erifuite appe'1" S Fleurille, ,ce foir, a neuf heures, au bout dn pare; s'il eft brave, s'il aime Lucie autant que moi, 1'un de nous deux n'en, fprtira. plus. Francoeur, 'avec" chaleur. Bien ,.Monfieur , bien,.. je fuis...yjOJtre..garant,. la victoire ne fera pas doutenfe... Mais moi, Monfieur, il faudra que je refte a vous regarder.... Ah.' fi ce maudit René vouloit fuivre le bon exê"rop1e....Mais il eft fonrd, il n'entend rien; c'eft cela (tl montre fon casur.) qui lui manque,..ü-pour?u que fon Maitre ne lui reiterable pas. Germain. Non , Lucie 1'eftime'; il rie p'ërir, pas être lache.... Mais elle tarde bien; il y a plus d'une heure qu'elle eft renfermée.... Si quelque accident ..^ Je crois Tentendre;mon cceur ne me trompa pas^ c'ëft-elle. Songe qu'en la quittant il faut être prêt a tout entrepreDdre.^iElle vient, je tremble je n'en pais plus. ( Lucie veut trav.rfer Je. Thédtre; Francceur .va au devant d'elle.) i u J ! . E 3 S C E-  LUCIE, scène xiv. LUCIE, FRANCOEUR, GERMAIN. Francoeur. MAdemoifelle , nous fommes ici. Lucie, d'un ton contraint. Que m'importe, laiflez-moi. Francoeur. Venez, veDez, Mademoifelle; il eft dans le fecret il étoit trop chagrin, je n'ai pu lui cacher que vous m'aViez promis de venir ici, Lucie, avec embarras. Mais je ne vous 1'ai point promis; qu'eft-ce que cela v«ut dire? .... Jecherche mon pere , ma mere5oüfontils dont > Francoeur. Ils viennent de fortir; ils font allés jufqu'au bout de ï'avenue au devant de votre prétendu.. vous avez le tems... Je fuis la..,. II a bien des chofes a vous dire. Ayez de la patience, Mademoifelle, j'aurai 1'ceil a tout; je vous avertirai quand nos gens feront de retour. scène xv. LUCIE, GERMAIN. Germain. Ah , Mademoifelle.' Lucie. Que voulez-vous dire? G e r M a i n. Mademoifelle il voos fcaviez... Lucie. Eh bien, que faut-il que je fcache? Croyez-voui que f aurai la foibleffe de vous écouter? Germain. Mais c'eft de la pitié qne Je vous demande.  D RAMK 5$ Lucie. De la pit'é? vous êtes donc bien malheuren». Germain, avec beaucoup d'aüion pendant teute ta Scène. Malheureux! .... Mademoifelle, je fois défefpéré. S. FleurilTe arrivé, il fera ici dans un heure, vous 1'épouferez dans trois jours, & vous doutez que je fois a plaindre: votre cruauté fe fait un jeu de m'afBiger , vous n'avez repondu a 1'amour le plus ardent que par des eomplaifances froides, que par une compaffion fterile; qui rend mon efclavage encor plus infupportable. Lucie. Cet efclavage eft volontaire, Monfieur; c'eft un jong auquel vous me ferez beaucoup de plaifir de vous fou- » ftraire. Ces foins que vous faites valoir, font des outrages dont je dois me plaindre, vous avez négligé votre état, votre familie doit être irritée contre vous; vous en attendiez des nouvelles, que vous m'avez fan» doute cachées, vous avez eu 1'audace de vous introduire ici, roalgré ma défenfe; je fuis afiez peu courageufe, pour ne pas réfifter 4 des follicitations oftenfante», aflez foible pour vous écouter, lorfque je devrois voua fuir: croyez-vous qu'il y ait dans tout cela quelque chofe qui puifie tourner 4 ma gloire ? Ajoutez le danger, Germain. Le danger.' Ah.' Lucie.' fuis-je devenuméprifable 4 vos yeux? J'aimerois mieux que vous me haïffiez. Lucie. Monfieur; je ne hais jamais perfonne pas même ceux qui troublent mon repos. Germain. Si vous vouliez autant de mal que moi, 4 ceux qnï troublent le nötre... Ce M. de S.Fleurifle,par exemple. Lucie. Soyez circonfpe£b; menagez-le, je vous prie, c'efï un homme eftirnable. Germain, avec dépit. Je le fcais; oui, il faut, pour mon malheur, que ceC homrae-14 ait des qualités, des vertus, qu'il fe faffe eftimer? Mais il ne fufHt pas d'eftlmer fon mari pour être heureufe ; il faut un autre fentiment ; il faut que deux époux , aflurés mutuellement de leur tendrefe , laiflent 4 leur pafllon le foin de changer en plailirs des devoirs fébutans, lorfqu'un penchant doux & naturel» n'invite pas è les remplir. Pardonnez>moi i! j'ofe  4* . LU'C'IÊ, j'ofe reclamer les droits qüe vous m'avez donnés fnr vótre cceur; mais je cónnois votre ame> la vérité y ha» bite, vous avez paru brüler des feux dont vous m'avez enflammé... Oui, fi Ja pudeur & la modeftie ne vous en euflent empêché, vous m'auriez dit cent fbis que je ne vous étois pas indifférent. Lucie, avec attendrijjement. rSi-vons me 1'eufliez été, je n'aurois pas a me reprocher tant d'imprudence... Mais eft-ce en me rendant ingrate envers mes parents, que vous voulez connoitre les impcefEons que vous avez faites fur mon cceur,Germain, vous feriez un hommeodieux & vil, li vousabufiez de ma bonne foi. II n'y a qu'a rougir d'uneviQoire qu'on obtient par la perfidie. Germain, avec douleur. Moi perfide! Quels feront donc les indices d'un cceur vertueux , fi le langage de la vérité n'eft pas diflingué de celui de la fédudlion, fi Lucie peut m'accufer d'artifice ? . Lucie, avec candeur. Non, Germain, non, je vous crois incapable d'en nfer, je vais vous en convaincre. J'approuve tout ce que la prudence vous permettra de tenter, pour me fouftraire a un malheur que je crois inévitable; fi vous changez les difpofitions de mes parents, j'en ferai reconnoifTante, antant qne vous en ferez fatisfait. Mais fongez, s'ils perfiftent, que leur refus eft un décret auquel il ne m'eft pas permis de défobéir. Que la fageffe conduife vos démarches. . SCÈNE XVI. LUCIE, FRANCOEUR, GERMAIN. Francoeur. ÏVIonfieur, tont le monde arrivé, tout le monde eft arrivé, M. de S. FleurifTe auffi; il lui eft furvenu quelque accident; je ne fsais ce que c'eft; mais on s'informoit s'il étoit bleffé. Lucie. Bleffé! ah ciel! que feroit-ce donc? Germain, outri. Cela n'eft-il pas fait pour moi? U faut que eet homme fe rende toujours intéreffant, L v-  D k A M E. ft Lucie. II y a de la folie .. FnANCOEua, gaietnent. De 1'amour , Mademoifelle, je vais rejoindre notre monde... Si 1'on voas deruande, je me charüerai d'aller vous avertir. SCÈNE XVII. LUCIE, GERMAIN.. C Cette fcêne eft du debit le plus rapide.) Germain. Il n'eft donc plus d'efpoir pour moi que dans vos bontés. Lucie. Séparons-nous... Germain. Chere amante!... tout va fe réunir contre moi; que puis-je oppolër aux forces qui vont m'accabler? Lucie. Les aflurances que je vous ai données. Germain. Mais vous allez voir eet homme qu'on vous defline; il va s'élever au delTus de lui-même pour vous plaire. Lucie , avec beaucoup d'émotion ($ de trouble. Ah, Germain.' n'abafez pas de mon trouble... Je rou« gis des reproches que eet homme dont vous parlez auroit a me faire, s'il devenoit mon époux; ma fituation me fait frémir... Soyez prudent; ... je hazarderai touc ce qui ne me rendra pas coupable. Que la confiance vous falfe entreprendre; mais fi vousne pouvez réuflir, que le courage nous refte, pour nous aider s foutenis notre infortune. Fin du Jecond Afle. acte  42 LU C 1 L, ACTE III. SCÈNE PREMIÈRE. LUCIE, Jeuk. Oa me condnit ma douleur! oü pourrai-je dépofer le fardeau qui m'accable... Comment si-jepu me c.-oite aflez de force pour foutenir la contrainte que je me fuis impofée? Mon pere... ma mere... Tous leurs vceux fembloient rempiis, & je ne m'occupois quedesmoyens de renverfer leur bonheur. Qui pourra calmer cette agitation furieufe qui m'eraporte!... qui pourra dompter la violence d'une paffion qui m'égare! Malheureufe! 1'obJet que je devrois fuir, eft celui que je fouhaite .. Cet homme qui m'a rendue étrangere a tous ceux qni me touchent... me paroic feul capable de m'éckirer fur mon fort. (elle s'offied , & pleure.) O ma refpeöable mere!.. venez fournir a votre fille des armes pour fe défendre.. venez lui montrer la route qui ramene nn cceur foible 4 la vertu. Ce :#ceur eft le vótre... c'eft un efclave impuiflant contre 1'amour... Ah, Dieu! SCÈNE II. LUCIE, GERMAIN. Germain, timidement. AH! ma chere Lucie, j'étois inquiet; le dJner n'étoit pas fini... on m'a dit que vous étiez fortie... Votre mere vous croit dans votre chambre... ils font tous au jardin... Mais que vois-je! vous pleurez... qui peut vous affliger? Lucie, avec beaucoup d'aSion. Vous, homme, cruel, homme dangereux; vous ne connoiffez pas le fupplice oü j'étois pendant tout le repas ?  D R AM E. 43 pas; vous ne m'avez pas vu k cöté de ma mere... baiffer les yeux devant mon pere... u'ofer regarder en face eet époux prétendu que vous me forcez de haïr. Concevez-vous qu'elle étoit 1'horreur de ma fituation? & croyez-vous que je puiiTe la foutenir long-temps? Germain, avec chaleur. Quoi! vous êtes aflez injufte pour me reprocher vos tourments! Celui qui vous adore peut-il être accufé de faire couler vos pleurs! Lucie. Mais enfin, Monfieur, que voulez-vous que je devienne? Abuferai-je plus long-tems de la confiance d'un homme généreux, qui facrifie tout al'amitié qu'il a pour mes parents?... Infenfée que je fuis, me voili donc réduite arievenir faufie, artificieufe... Ne 1'efpérez pas... jamais je ne pourrai m'y réfoudre, Germain: 1'honnêteté excufe une erreur, mais elle ne pardonne pas un menfonge. Germain. Il m'eft aufil en horreur qu'a vous même... il eft des voies plus nobles pour nous conduire au terme qui uoic nous unir. Lucie.. Nous unir! notre fituation peut-elle nous permettre de nous en flatter?... Germain, il y a de Timpoffibilité; quels moyens pourroient terminer nos peines? Germain, d'un ton le plus féduifant, & avec un redoublement d'intêrét. Du courage, de 1'amour & de la hardielTe; le fuccès peut feul nous juftifier. Armez vous de toute la fermeté qui vous eft nécelfaire; la moindre foibleffe nous cauferoit des maux irréparables: vous allez voir Mde. de Franceval, ouvrez-lui toute votre ame; ne craignez pas de lui en dire trop, fi vous voulez 1'inftruire aflez. Si elle étoit inexorable... li la crainte vous ötoit les fccultés de la perfuader... écoutez-moj, Lucie, mais, fur-tout, écoutez-moifans fcrupule ; avec moins de probité & d'honneur, je n'oferois vous propofer la feule reflburce qui nous refte; il eft; un Couvenc a denxlieues d'ici; la Supérieure vousconnok; vous y avez été quelquefois... Ma chaife fera prête; j'aurai des gens pour vous conduire, vous vous y refugierez ; eet afyle vous dérobera k la néceffité de confentir k un hymen qui vous révolte... Vous n'ofez me regarder, Lucie... Vous ne répondez rien. Craindriez^vous celui que vous aiF 2 mez?...  44 LUCIE, «ntionV?POn"ie2'VOaS d0tUCr de k dr0itUfe de mes inLuciè , commence avec réflexion, rjf s'êchauffe c. ., Par óegrés. bi j en doutois, je n'aurois pn entendre qu'avec indignation la propofition qQe voos me fakes. J'ai rappelle, pendant qne vons m'avez parlé, tontes les lumieres que la fagefle peut encor me fournir... Te croi. ;°lC;IDlte la «ifon ; je crains bien de n'avoir e'cou! téquelamour: cependant le danger eft preffant, les rnoments font precieus; ce cruel aveu de ma f tuation ne peut plus fe différer, je vais trouver ma mere "je ne vous promets pas d'ofer combattre les raifons qui dant de fes bienfaiu m'öte le courage de lui accuter ™-! T" "«"ti^i Germain, je ne pourrois fupferver 5 ï""' * Uvre 4 Votre vertu 'B conP-Jr/n«! • : V0US conn°iff« ^ demeure d'une Payfanne qui ttent une ferme au bout du pare. ni j. g e r m a i n , vivement. irès dune lieue d'ici, A I'entrée du bois, oü vous alhez promener fonvent, oü j'ai eu le bonheur de vous rencontrer quelquefois? oevous T, ' .« Lucie, avec tmible. Jinn r*ZM:r L>«achement de cette femme m'eft connu ; c'eft-elle qm m a nourrie; nous 1'avons amenée dEfpagne & etablie ici ; elle a toute ma confiance? Vous me ferez accompagner chez elle ; vous ne me Se pt-V V0U' ki ' VODS difpoferez du cr mi'nVil. t üepar8ner nn "lat qui me rendroit cnm nelle: Je ne vous reverrai q„e pour apprendre Je fuccesde vo. drom... PuilTe-t^J ét»TSr Jv' c°ntralrre 3 "os vceux, le Convent dont vous avez parle me fauvera Ja honte de parokre aux yeux te ceux qui connoitront ma faute. Germain, trés ajfefiueufement. foludon6?"1316 am*nte' ne changerez vous point de réLucie. Non> Germain. Je fu!'» P'ête a entrér, s'il le faut, tont a lheure, dans la retraite oü je dois enfévelir mes erreurs. S C E-  D R AM & SCÈNE III. LUCIE, GERMAIN, FRANCOEUR. Francoeur. AH! vous voila, Monfieur ; fortez, fortez; on s quitté le jardin , tout le monde rentre ici, (bat d Germain.) Tout eft prêt. Cornment vont les iffaires? Germain, a Francceur. Suis-moi... Ma chere Lucie, fongez que je ne pnïs être heureux fans vous. Lucie, d'un ton décidé. Soyez tranquilie... vous avez maparole... elle eft fure. 3'éprouve même du foulagement depuis que je fuis dé-< cidée: c'eft une confolation dans fes maux, que de ne plus dépendre de 1'incertitade... éloignez-vous. Germain. Ah, ma chere Lucie .' Lucie. Eloignez-vous donc... attendez le moment oü je fortirai, lur-tout, point d'imprudence. Adieu... adieu. SCÈNE IV. LUCIE, avec crainte. j\Ïe voila donc expofée ï renoncer pour toujours 1 ceux qui me font chers .. Et cependant 1'honneur m'oblige è cefler de feindre... lis approchent... Commenr, foutenir leur afpeö?... Ah!... Celle qui craint les regards des autres, ne cefle-t-elle pas déj» d'être innocente aux fiens? J 3 s C e-  %6 LUCIE, SCÈNE V. LUCIE, Mde. DE FRANCEVAL, S. FLEURISSE, M. DE FRANCEVAL. M. & Mde. De Franceval, enfemble. Eh.» voila Lucie. Mde. de Franceval. Que fais-cu donc ici? Lucie, inquiete. Je vous cherchois... je vous defirois. Mde. De Franceval. Ma chéxe enfant, nous te croyions occupée a t'ajuf' ter; tu te plais bien en négligé depuis quelques jours... S. Fleurisse, très-gracieufement. Mademoifelle n'a pas befoin de parure. M. De Franceval, gaietnent. Ah! fans doute, mais les femmes... Mde. De Franceval. Les femmes font' erichantées de plaire , c'eft leur jouiffance. Pour les hommes, c'eft un travail. S. Fleurisse, avec beaucoup d'bonnetetê, C'eft qu'ils ont plus de frais a faire pour y rénffir... Mais, favez-vous que je ne reconnois plus votre Cha> teau. Depuis fix.'mois que je 1'ai quitté', il eft embeüi... il eft charmant.,., comme les maitres. vous devez être •fichés de l'abahdohnerV (Mde. J)e Franceval. Effeclivement, nous n'avons rien négligé pour le rendre agréüble; nous nous étiöhs réfignés a y refter longtëms .. Il falie it un ze!e comme le votre, rnon cher nsgociateur pour nous faire fortir de notre exil. S. Fleurisse. Ne parlez pas, je vous prie , des obligations que vous croyez m'avoir. Ne faites valoir que Ie prix que vous m'en accordez. Ne fcavéz-vous pss combien votre beaupere aimoit votre époufe, fa tendre Julie ? Il ne pouvoit en parler fans verfer des pleurs. Il eft fi prévenu d'ailleurs en faveur de notre adorable Lucie, fa chere petite-fille. Il m'envioit le bonheur d'être fon époux: en  p RAM 4? en la voyant-, 51 va devenir auffi jeune qu'elle , j'ai peut-être réuffi & lui faire connoitre , la probité & les vertus de vout mari, j'ai exalté 1'attachement inviolable que ce cher ami conferve pour vous, j'ai pénétré votre digne pere, du fentiment délicieux qui vous unit 1'nn a 1'autre; mais je ne me flatte pas d'avoir été auffi heureux, en lui peignant le mérite & les charmes de Tvlsdemoifelle Lucie.... Quoique j'aie dit, je fuis fincérement perfuadé que je n'ai donné qu'une idee très-imparfaite de fes graces & de fes talents. Lucie, agitée. Monfieur,pardonnez-moi; vous m'honorezbeaucoup, Mde. De Franceval. Vous la faites rougir. M. De Franceval. Allons, ne fois donc pas honteul'e; vous ferez plus libres enfemble dans quelqués jours: mais brifons-la. Mon ami, tenez, laiffez les éloges de cóté, finon , je vous avertis que nous allons tous nous occuper a faire le vötre. Vous favez que la matiere ne nous manque pis.... Revenons a notre pere; je ne puis aflez en parler.... il eft donc content. ■S. Fleurisse. Oui a£bael!ement; il ne 1'étoit pas autaut lorfque je fuis arrivé, il eft fi impatient de vous voir.... J'ai été forcé de lui avouer que vous étiez en France.... Je 1'ai trouvé fort trifte. 11 étoit affligé de 1'abfénce d'un de vos parents, auquel il eft finguliérement attaché; il n'en i avoit pas eu de nouvelles depuis quatre mois: cela lui caufoit un chagrin très-vif; quelque étourderie mettoit fans doute cè jeune homme dansle cas de ne pasinftruiie Monfieur de Fontreuil de fon fort. Mde. De Franceval. Mais, c'eft mon frere, fans doute , dont vous parlez? II étoit bien jeune quand nous avons quitté mon S. Fleurisse , avec héfuaiicn & d'un air géne. Oui. C'étoit ci-devant 1'héritier de Monfieur de Fontreuil , du moins il pafloit pour tel; mais actuellement fes prétentions font bien différentes. Mde. De Franceval. Ah! Monfieur, nous ne fouffrirons pas qu'il foit plus a plaindre que nons , notre reconciliation ne doit paa être pour lui un fujet de nous haïr.,., Ce cher frere, qu'il  LUCIE; qu'il partage tous nos biens; 1'aruitié de mon pere e/t le lëul que nous voulons iui difputer. S. Fleurisse , tonjours avec gêne. " Sa condition ne fera pas malheureufe; au contraire, vous, aurez une raiion de plus pour exercer votre généxofué.... II y a un petit myftere ladeffous qu'il n'eft pas encore tems de vous expliqoer.... Si vous 1'exigiez cependant,... mars M. votre pere m'a demandé le fe"créc M. De Franceval. N'en parions plus; & mon oncle, vous n'avez pas eu occaüon üe le rencontrer? S Fleurisse. Un procés 1'avoit appeilé i Paris...".. II n'en étoit pas revenu. M. De Franceval. L'iaclination qu'il a k plaider, le rendra toujours malhenreux. S. Fleurisse, avec aifance. II n'eft pas d'age a s'en corriger; c'eft fa pafllon , comme la chaile eft celle de Monfieur de Fontreuil. M. De Franceval. L'aime-t'il toujours avec fureurfS'il vouloit fe réfouiré è venir ici, il auroit beau jeu dans notre pare, ce ïieu feroit vraiment un pays enchanté, fans le mauvais génie qui nous avoifine... S. Fleurisse. Son entreprife ne lui a pas trop réofïï, on le dit bieffé dangereufement.... M. De Franceval. Mais comment vous a-t-il donc furpris? S. Fleurisse. Je le crus envoyépar vous i ma rencontre, il m'aparlé de vos affaires en homme inftruit, j'y avols la plus grande confiance, lorfque je tombai dans fon embufcade.. il y avoit fix hommes armés, ma foi, je m'en ferois fort mal tiré fans le fecours des payfans, conduits par un Fermier, qui m'a paru vous être extraordinairexnent attaché... M. De Franceval. C'eft le mari de la bonne Frangoife, Mais qu'as-tu, Lucie i Es tu incommodée? Mde. De Fr-ancevAL, . Ma cbere fille, qu'as-tu?,,, L v«  D R A M E. 4f Lucie, troublée. Ma mere, ce n'eft rien; je voudrois... Si nons étions feules. M. D e F s anc e val. Elle eft toute ehangée. Mde. 1JE FraNCEVAL. yeux tu que je t'accompagne dans ta chambre?.,. Nous y lérens plus a notre aife. S. Fleurisse. N lus nous retirons : fortons, mon ami. ( d Lucie.) La première quaiité d'un bon mari, eft de ïï'être pas incommode , & je vous prie de croire, Mademoifelle , qae je> me ferai toujours une loi de ne pas vous déplaire. (// hi bai/e la moin, & dit d monfieur de Franceval en fortant.) Vous me rendez trop heureax. SCÈNE VI. Madame. De FRANCEVAL, LUCIE. Mde. De Franceval. QUe fe pafte t-il donc dans ton ame. rca chere Lucie? Que préftge 1'agitation oü je te vois ? L u c i e , avec crainte. Ah , ma mere ! commencez par m'affurer de votr« indulgence. Mde. De Franceval. Qae veux-ta donc m'apprendre! Tu pleures , tu paros, dans un état violent. Fais-moi partager tes peines, tout fernhVe nous prumettre un avenir tranquille; ton mariage une fois accompli... Lucie, avec fenfibilité. II ne fera pas... C'eft ce mariage , c'eft eet événement qui doit ramener la paix dans votre familie, qui potte la confternation dans mon cceur. Mde. DE Franceval , Jeverement. Comment, Lucie... Lucie, avec force. Ah? ma tendre mere, ne m'effrayez point par noe févérké qui me forceroit a me taire ; sttendez, paar m'accabier de votre counoux, que vous puiffiez conn. iG 6 »r«  s& LUCIE; tre combien je fois criminelle. Vons m'avez confié tous vos intéréts, vons n'avez pent-être pas donté nn inftant de ma foumiffion. Vos bienfaits, les circonitances, touc me prefcrit de ne pas vous défobéir; & cependant, votre fille fe refufe aux arrangemerns qui doivent affurer la oonftance de votre bonheur... Üne répugnance invincible.... Mde. De FraiTCeval, furprife. " Quoüma fille, feroit il poffibie!... Mais, S. Flenrifle eft fait pour être aimé; tu ne coonois pas encore toimê.üe, les imprelïions qu'il a faites fur ton efprit. Ltjcie, avec- énergie. II mérite, fans doute, une époufe plus accomplie; mais» ma mere,j'embrafie vos genoux, pour vons prier de ne pas 1'entretenir dans nne iilufion que je fens ne pouvoir jamais fe réalifer ; vous ne voudriez pas vous féliciter d'avoir fait mon malheur. Mde. De Franceval , d'un ton ferme. Quel changement s'eft-il donc fait en vous? Lucie? Eft-ce la le moment que vous attendiez pour nous dévoiler nn caractere & des idéés perfides ?Poar nous m ,ntrer dans une fille cherie, la plus crnelle de nos énnemies ? La raifon vous rappellera, fans doute, a votre devoir, S. Flenrifle fera votre époux , c'eft une choie déterminée; vous devez avoir aflez de vertu pour fijavofa que vous ne pouvez vous difpeufer de 1'dimer. Lucie, défolée. Il faudra donc que je fois facrifiée. Quoi! mes 1'armes, ne peuvent vous fléchir ? Vous me reprochez de de^enir votre ennemie, & la plus airr.ée de toutes les meres devient mon tyran. Mde. De Franceval, avec bonté. Non, mon enfant, je ne veux pas te perfécuter; mais pourqaoi me forces tu de cefler de te parler en arr.ie? Rappelle-toi toutes les confidences que je t*ai fakes ce matin Figore-toi que depuis le moment oü tu es venue au monde, nous te regardons comme 1'arbittrfe de notre deftinc-e... Ta naifiance eft la fource de toute les calamités de notre vie ii y a dix-fept ans que nous expions la- fante de t'avoir fait naitre... Le moment oü tu dois nous délivrer de toutes les craintes , lëroit-il 1'époque d'nn nouveau fiècle d'infortunes; ma Lucie, je ne t'aurois jamais foupconnée d'être fi peu f»nfible... qae peu:-tu me répendre ? Le  Z> R A M E. 5? Lucie, avec fermetê & modeflie. Oue ma confcieflee me dér'end de vous obéir; qne v«uS avez réfifté a votre pere, lorfqu'il a voulu forcer votre i clination pour vous féparer de 1'epoux que le Ciel vous avoit réfervé ; que je ne ceffcrai jamais de vous aimer & de vous refpefter, & que rien ne pourroic égaler le défefpoir qui fuivroit votre vengeance, & la privatioo des bontés dont vous m'avez comblee julqu a PreMde. De Franceval, fe faifant yiolence Fille ingrate vous n'en avez jam:>is été digne; vous avez medité de faug froid, les moyens de nous immoler a votre fatisfaftion perfonnelle. Je ne puis plus vous womettre que de 1'averfion , c'eft le fentiment que 1 on dok a" méchants; voas avez réflechi fur le coup que vous nous portez, & vous voulez ex uier votre cruancé , en me -appellant un inftant affreuxquine me Uiffe plus que le regret d'ètre votre mere. . Eloignez-vous, & ne me forcez pas a vous défavouer. Lucie, êploree. Mon, ma mere, écoutez-moi... Difpofez de ma vie, de tout ce que je fuis. Confentez du moins 4 eloigner le moment fatal du facrifice. Mde Ue Franceval. N'exigez rien a ce fujet; fi vous aimiez votre pere, fi vous nous aimiez. vous feriez la première 4 en preffer l'exécution. Si c'eft un facrifice, ayez aflez de force pour nous 1'offrir. AUez , faites que je puifle trouver encore quelque douceur 4 vous nommer ma fille; j elpere tout de vos réflexions. _ Lucie, avec défefpoir. Elles font faites... Dieux! quel fupplice... Mon cceur fe brife... ie ne puis plus me foutenir; tout eft donc dit, ma mere... Je vous quitte irritée contre moi... Ah! ie mourrai de douleur de vous avoir rehfle... que je fuis malheureufe; (ellefort difcffêrie.) SCÈNE VII. Mde. De Franceval, avec douleur. ET ma fille me préparoit auffi des peines; oü trouyerai-je des fujus de confolation?... Quand ferai-je G 2  52 LUCIE, a 1'abri de tous les revers ? Voila le feul qae j'aurois cru ne devoir pas redouter. SCÈNE VIII. M. & Mde. DE FRANCEVAL. M. De Franceval,, avec trauble & inquiètude. /"^U'eft-il donc arrivé? Lucie eft éplorée; elle vient V de m'embrafier avec «n tranfport, une agitation.. Tous mes fens font glacés... Elle s'eft retirée ... Mais'i" que s'eft il donc pafle entre vous? Mde. De Franceval. avec dêfordre. Ah! mon ami, tout eft évanoui... M. De Franceval. Comment elle refuferoit... Mde. De Franceval. Oui.. nous devons renoncer a jamais gourer le reoos, ou acheter notre tranquillité aux dépens de la lienne. M. De Franceval, tcndrement. Elle fcait bien que noes ne le ferons p?s... Mde. De Franceval, avec fentiment. Qne réfoudre ? toute ingrate qu'eft Lucie , je ne pourrai jamais confentir 4fi rendre malheureufe... Ne feroit-il pas honteux , d'ailleurs, de tromper SaintFleuriffe? r M. De Franceval, avec fermeté. Dut toute notre fortune changer de"f-ce, nous ne pouvons refnfer 4 notre ami ce trifte éclairciiTement... Je veux parler moi même 4 Lucie: fi elle me réfifte, il faudra bien fe décider,... Ciei.' c'eft lui-même. SCÈNE XI. Mde DE FRANCEVAL. S. FLEURISSE-, M. DE FRANCEVAL, ROSETTE. _ Rosette, d S. Fleurige. X Enez, Monfieur, les voila. S.  D R A M E. 53 S. Fleurisse. Ah! je vons cherchois. Eh bien , qu'eft donc devenue Mademoiielie Lncie? Son état m'a fait de la peine, ce ne fera rien, fans donte. Mde. De Franceval, avec contrainte. Non, Monfieur; ce font de réflexions, des inquiétudes... une fille qui va fe marier.'.. M. De Franceval, bas h Rofette. Vois fi Lucie eft dans fa chambre; reviens me le dire J'ai a lui parler. 'Rofette fort.) S Fleurisse, a Mde. de Franceval. Elle eft inquiete? M. De Franceval, agitê. Je le crois.... Ah! il n'y a rien d'anfli rude k foutenir que le déguifement. S. Fleurisse , avec intêrêt. Sans doute; mais qu'avez-vous, vous me paroiiTez trifte; Madamede Voreelies l*eftauffi. Allons, nn peude gaieté; nous irons bientót voir le cher Pere; je brule déja d'y être. Quelle fcene touchante .' Je vous vois tous & moi, avec ma petite femme, avec la charmante Lucie, croyez vous que je faffe difparate, dans le tableau? M. De Franceval. Ah.' mon cher ami.•. on fe croit heureux, on s'en flatte quelquefois; il arrivé des chofes fi bizarres. S. De Fleurisse. Ma foi, je ne vois rien qui pnilTe nous traverfer. SCÈNE X. RENE', Mde. DE FRANCEVAL, S. FLEURISSE, M. DE FRANCEVAL. R e n e'. "Mfonfienr, on vient de vous avertir qu'il y a des gens i. cheval qui rodent autour du pare; on ne pent pas douter que ce ne foient les fripons qui Vous ont attaqué; que voulez-vous qu'on faffe ? G 3 S.  54 LUCIE, S. Fleurisse, très-froidemmt. Rien. Laiflbns a leur effronttrie le foin de lesperdre, Ie crime ne refte jamais impuni. Ren e'. Mais, Monfieur, fi vons vouliez, on prendroit des précautions; on feroic armer les Payfans. S. Fleurisse. Ne crains rien. Je refte ici; fi noas fortons, nons prendrons les mefnres que nous croirons néceiTaires, {d M. de Franceval.) n'eft-il pas vrai, mon ami? M. De Franceval. Oui... oui... S. Fleurisse. Mais vous êtes diftrait. M. De Franceval. C'eft que tout cela ne me laifle pas a moi. S. Fleurisse. Soyez en repos, vous dis-je. M. De Franceval. M'eft-il permis d'y être ? Ren e'. Voila donc tout ce qu'il y a a faire, Monfieur? S. Fleurisse. Oui. Cependant, comme les avis utiles ne doivent pas être négligés. Donne ces deux louis a ceux quj font venus avertir. R e n e'. Oui, Monfieur. (11 va pour fortir.) S. Fleurisse. Ah/... écouttes... Fais venir ce jeune homme quidoit entrer 4 mon fervice? R e n e'. C'eft le neven de Francceur... (11 fort.) M. De Franceval, avec réflexion. A propos... II eft étonnant qu'il ne fe foit pas encore montré. SC E-  D RAME. SS. SCÈNE XI. Mde DE FRANCEVAL, S. FLEURISSE. M. DE FRANCEVAL, ROSETTE. Rosette, tremblante. (Bas a Monfieur de Franceval.) jVlonfieur, Mademoifelle Lncie n'eft nulle part, nl dans fa chambre, ni aillenrs; on a été par-tont. On crolt 1'avoir vne fortir par la petite porte du jardin... On dit qu'il y avoit une chaife de pofte, on «royoit que c'étoit vous.. Monfieur, vous paliflez! cju'eft-ce que cela vent dire ? M. De Franceval, vivement. Ah, Ciel.'..- Mais cela ne fe pent pas. S. Fleurisse, avec intérêt. Mon ami, qu'avez-vous? ... Comment!vous trouvezvous mal ? Mde. De Franceval, vivement. Qu'eft ce donc, Rofette?... Qu'es-tn venue lui dire? Rosette, avec effroi. Ah, Madamei Mde. De Franceval^ Eh bien , parle donc , explique-toi. Rosette , avec beaucoup de trouble. Ah, Madame! Mademoii'el'e Lucie eft fortie par la petite porte du jardin ; ii y avoit une chaife attelée, on ne fait pas pourquoi.. c'eft ce qui a frappé Monfieur C'eft peut-être pour aller fe promener. Enfin , fi c'eft pour autre chofe... Madame... ce n'eft pas ma faute. Mde. De Franceval. Dieux, que de coups 4 la fois. S. Fleurisse, allarme Que fignifie donc ce trouble... ce défefpoir?... Eb. bien, mon cher Vorcelles... Madame... mon ami... expli^uez-moi donc... N'avez vous plus de «onfiance en moi. S C E-  5^ ■LUCIE, SCÈNE X ï £ RENE', Mde. De FRANCEVAL, S. FLEURISSE, M. DE FRANCEVAL, ROSETTE. R e n e'. MOnfieur, le neven & Tonele font fortis k cheval, ils alloient ventre a terre: c'eft , fans doute, pour donner la chaife k nos coquins. Mde. De Fkanceval, avec êtonnement. Comment! Germain & Francceur font fortis a cheval! Y a-t-il long-temps? Ren e'. Non, Madame, il n'y a pas nn quart-d'heure. Cela ne lera pas malheureux pour une chaife dè pofte qui courroit devant eux: car, fans cela, ces Meffieurs du bois.... Mde. De Franceval, avec impétuojlti. Ciel / quel foupcon! quel coup de lumiere! Ah, Dieux.' Ah! Monfieur, feroit-il poflible... Germain, Francceur... Ma fille m'eft-elle enlevée... C'eft un complot déteftable... Lucie... votre époufe... Ah! qu'eftelle devenue ? M. De Franceval, doutoureufement. Elle eft perdue... S. Fleurisse, avec beaucoup de francbife. Je commence a vous comprendre, Madame. René. feis feller promptement de» chevaux. (d M. de Franceval.) Faites moi la grace de ne point me fuivre: reftes auprès de Mde. de Vorcelles, elle peut avoir befoin de vos fecours. Remettez tout k ma prudence, calmezvous. Lucie eft vertueufe, les chofes ne pèuvent êcre pouflees k tant d'excès. Vorcelles, vous n'auriez pas •dü avoir de réferve pour mol; mais le temps eft précieux. Je cours après vos ravilleurs: vous ne me reverrez qu'avec votre fille. Si mon amour k pu 1'éloigner de vous, c'eft mon amitlé, que vous avez offenfée, qui doit vous la rendre. S C E-  2) & A M E. 5? SCÈNE XIII. Madame & Monfieur De FRANCEVAL. Mde. De Franceval, avec douleur. VOila donc la récompenfe qn'elle réfervoit ï nctre tendreffe ! Qael charme a pu la fédoire / M. De Franceval , avec défefpoir. Je ne puis m'anêcer fur aucun objet... Je ne vois dans eette aventure qu'un cahos d'horreurs... Je n'ofe m'interroger, pour connoitre ceux qui les ont tiflues. Mde. De Franceval, avec trejfaillement & défefpoir. II n'en faut pas douter, c'eft Germain, c'eft Francceur. . Rofette avoit bien raifon... Germain!..._ ce fourbe.' je m'intérefTois a lui... Ils ont arraché Lucie de 1'afyle de la paix... La voila flétrie .. livrée a )'opp.-obre, plongée dans raviliffement... Elle nous adrefle peut ètre inutifement fes plaintes; fes cris ne parviennent point a un pere, a une mere, qu'elle a laifles en proie a la douleur.,. Que veut-on? SCÈNE XIV. Mde. De FRANCEVAL, ROSETTE, M. Dfi FRANCEVAL. Rosette, accourant. MAdame, Madame, des nouvelles, des nouvelle$v. Voili une lettre, lifez vice... Elle vous eft adref- fée. M. De Franceval, vivement. Et qui vous 1'a donnée ? Rosette. Un homme du Village. Suivant ce qu'il nous a dit il dojt l'avoir recue de Francceur. H M.  $S LU C 1 E, M. De Franceval. Qn'on z e laifle point fordr eet homme, qu'on le retienne. Rosette. On 1'a déja fait, Monfieur... D'ailleurs, ils attend. M Oe Franceval. Qu'allons nous apprendre ! (Elle dieachnte la leurt, S Ut.) Madame, » Cette lettre vous trouvera, fans doute, dans des » alarmes qu'eüe doit diffiper. Lucie eft avec des per» fonne* * qui vous n'amiez pa# héfité de la confier tf vous-même Sa vertu »'a rer;u aucune atteinte: fa » faute eft de ne pouvoir fe lier a un hotDme qae fon sr cceur n'a pas choifi pour époux ; j'oie croire qu'elle » n'auroit pas pour moi la même répugnance. Vous » 1'aimez , & il leroit barbare de la contraindre. Un t, infta 't fuffira pour lui potter ion pardon... S'il n'en s, eft plus pour elle, e!le a fait vceu de reooncer au » monde, & nous la perdrons tous Je ne fuis pas in- digne de votre a'liance. Vous favez que nous fora„ mes de la même province : mon pere eft aflez connu; „ il ne faut que vous le nommsr. Je fouhaite que vous „ vonliez ne pas dédaigner pour gendre, le malheua, reux Gekmain de Fontkeuil. e Mon frere.'... quelle horreur.'... le malhsureux... Lucie... jefuccorr.be... Ah! Monfieur, laiflez. laifiez moi mourir. (Elle tombe dans un Fauteuil, anéamie par ie défefpoir.) M. De Franceval, avec trttrailhs. Qu'avons nous fait, Dieu puiffant, pour nous attirer tant de malheurs! Rosette, avec compajjïon. Madame... Madame... Mde. De Franceval, violemment. Eloignez-vous,.. je ne veux perfonne, je ne veux que la mort. M 17 e F r a n c e v a l. Chere énoufe, ne te laiffe point abattre... S. Fleuïifle les a fuivis, j'ofe me flatter que nous n'aurons a leur reprocher que de i'imprudence. Mde. De Franceval. Quelle imprudence, jufte Ciel.'... Vorcelles... le Ciel nous punit; je fus auffi coupable que ma fille , il la nunira quelque jour. ' ' M.  D R AME. s# M. De Franceval, d'un ton cmfolant Efpérons encore en lui. Mde. De Franceval, avec fanglots. Noos 1'avons trop offenfé , fa colere n'eft pas encoré fatisiaire; fa proviaence ne nous réferve qne des chatiments.- puilfe-t il. après avoir lancé fur nous ies traits de fa julcice, ne pas nous trouver indignes de fa clérnence. Mde. de Franceval quitte la Scène, en s appuyant fur fon époux; Ufait des ejforts pour dégnifer une partie dé fa douleur. Rofeite les fuif avec emprejfement, & lts larmes aux yeux. Fin du trpifieme Ac~ie. 600Ö9990SS8$ÖJS0 S®O0S@ÖO ACTE IV. Le Tbédtre repréfente un bois; on voit a dro:te,è travers les arbres, la maifon de Franfois, dans le fond. II ejl Jix beures du foir. SCÈNE PREMIÈRE. FRANCOLS, feut. ( H fort de fa maifon, avec beaucoup deprécaution ) NE voila-t-il pas bien de quoi nous amufer ? Econtez les gens de la Vüle , les Philofophes: Qae \eS habitants de la Campagne font heureux, difent-iis, ils vivent pacifiquement, fans foucis, fans inquiétudes. A. les entendre, on prendroit les Payfans pour des Moines... Et cependant, voila t il aflez d'embarras dans urt feul jour? Ce matin, des gens qui veulent affaffiner na honnête-homme, j& le fecourons, je le fauvons, paree qu'il ne faut jamais être da narti des malfaiteurs; ot U fe tronve juftement que ce Monfieur la va époufer, art Chateau, Ia fille de notre Maitre, qui ne vent pasdö lei; & cette fille la que j'aimons, paree que ma femtn* H 2 ***  «> LUCIE, 1'avons nonrri, & que j'aimons ma femme... & cette fille-la vient ie défoler , fe lamenter ici ce foir , paree qn eHe ne vent pas dire a fes parents qu'elle vent d'un autre homme que fti-la... & pais la mere qui... Enfin, queu diabie pourroit arrange/ tout ca! fauroit être pis qu un Magifter. Ces filles des gens comm'il faut font droles auffi, les époux que leux parents leux choififlenc ne lont jamais de leux goüt v vivent les fiiles de Village, elles aimont toujours le mari que je leux propofons; tredame , ce qu'ils ne les éponfons jamais fans s'être bien connus auparavant. Ah! je fommes pus matois quon ne simagine. SCÈNE II. FRANgOlS, MATHURIN. Francois. Eh bien, qu'y a t il, Mathurin? Mathurin, d'un ton fimpk. Rien de nouveau depuis que je vous avons quittemais vous ne m'avez pas dit de quel cöté dok venir ié cheval de ce Monfieur. F r a n 9 o i s. Du cóté du chateau ; mais ta as mal fait de quitter ton pofte. Mathurin. Pardi, faut bien que je f?ache de quel cöté regarder; allez, perlonne ne paifera devant moi fans que je le voyons... Faura toajours dire a ce Monfieur dont vous m'avez fait la reffemblance, qu'elle eft ici fte Demoifel3e , n'eft ce pas? Francots. Oui, prend bien garde de te tromper. iVlATHURIN. Fanra-t-il vous avertir avant que vous le voyez, ou après qu'il fera venu? Francois. _ Eh avant , benêt. Prend»" garde de te troroper: un toIi jeune homme , en uniforme militaire d'Officier.... öcais-ta ce que c'eft qu'un uniforme' M a-  D R A M E. tfi; Mathurist Pardi, eft-ce que je n'avons pas vu 1'habit que le Ról envoie a Nicolas qui fert dans les Invalides ? Je crois que vous me prenez pour un lot. SCÈNE III. FRANCOIS , FRANgOISE, Francois. IS^Ous voila d'abord en füreté de ce cóté-lL fran901se, d la porte de la Maifon. Francois, n'y a-t-il rien a craindre? FRAN90IS. Non , je ne voyons que moi ici..,. EcoUte-donc..,. coinment va Mademoifelle Lucie? FraNcoise, avec triflejfe. Ah! mon pauvre Francois, elle pleuie toujours; c'eft fans fin,elle ne peut pas fe confoler. Vois-tu, cela fend Ie cceur.... Ah! j'ai pieuré la moité autant qu'elle. fran90is, avec dépit. La pauvre petite!... C'étoit bien la peine d'aller fecourir, ce matin, ce Monfieur, pour qu'il aille li ballier tant de chagrin. Sarpegué, fi on pouvoit fe iepentir d'une bonne a&ion, je crois que ... Francois e. Elle eft fi aimable! fi j'avois une fille, je ne 1'aimerois pas davantage, pas autant... Quand on a courri un enfant, vois-tu, c'eft comme fi on Tavoit mis au monde... Je fommes queuquefois pu la Mere des enfants que je nourrilTons, que leur mere véritable ; & puis, Ivlade» moifelle Lucie m'a fait tant de bien... fi tu fcavois.... F r a n g o 1 s. Si tu fcavois... oui. Mais le pere & la mere pourrions bien ne pas être contents de toute cette manigance-la. }e dépendons d'eux, une fois; tu fcais bien que ce fonc euxquim'ont itabliici, qui m'avont faitt'épouler, pat aiqfi je leur ons de 1'obligation: ils feront fichés contre nous, C'eft vrai, Mademoifelle Lucie eft bien gentille, mais.,» H * Frak»  e* LUCIE, Francois e. S-n deflein eft bien de retourner an Chlteau • elle eft venue ici tant feuJerruru ,poar que tont eet emhr'ouillewent s'édaircifie; c'eft ponr éviter le gemier moment .Lcnque des enfant anffi joüs qoe Mademoifelle Locie" Plearent; les Pere» t\ Meres nniCr-nt mujours pst Vóuïoir comme eux. A-.nfi , M. ce Franceval , qui vouera hientót la voionté de la Me , ve nous voufaTrePaS dC ml d'aVoir vonIa ce qae fa filie non» a f«t Francois. . Ah! voüi qu'eft expliqué... Je donne ma voionté auffi a ces volontés ia moi. Francois e. Il fait prefque nnit, perfonne ne la verra, je vais tiener de la faire fortir un peu... Ne t'éioigne pas. Franqois. Pargnenne, vaaroit mieux,.. SCÈNE IV. FRANCOIS, feut. JLL eft fur que d'one certaine facon, eet enfant-lè n'a pa^ torc... ni nous non plus... Et puis, après tout, je ne ponvions pas refufer de la recevoir... La voilé ;jsrni^ il fauroit êtie bien rigoureux pour lui faire de la 'peine. SCÈNE V. FRANgOISE, LUCIE, FRANQ OIS. Francois e. v Ortez fortez; Mademoifelle, cela vens diffipera, ü n'y a que Francois. Lucie eft dans un défordre qui annonce fa triftcffe. Ah , Dieu/.,, perfonne n'eft venu, vous n'avez point de noaveiles.,. Fk & w-  DRAM E. 4i Francois. Non, Maroerdle... in»>s U P« encore tari,nous eu anions bientót. l u c i e. Malheureufe que je luis! Francois e. Ne vou? chssrinais donc pa* comme cel», vons vous rendrez malaie; c'eft pour Ie co^p que Madame, de Franceval nous en voudroit. SCÈNE VI. FRANCOISE, LUCIE, FRANCOIS, MATHURIN. Mathurin. Eh vlte ce M> rfieur dont vous m'avez parlé, U vieot comme le diabïe... il eft fut mes pas. Francois. Et qui? Mathurin. Pp--fi M l'I-.ifcrme, celui donc nous fommes couverts! Je ne 1'ai j^rr-aU vu, mais je 1'ai bien reronou. je ne me fuis pas «ompé, car il a un ü*uu veit; & tenez, le v'la. SCÈNE VII. franco ise, lucie, germain, FRANCOIS 3 mathurin. Germain tombe aux peis de Lucie, en arrivant. Lücie! ah, ma chere Lucie.' l u c i e Ah ' Germain,qu'avons-nous fait ? Que s'eft-il paffe? Mathurin. II n'avoit, morgué, pas tort de le dépêchei... US s'aimont bien. Ah! bon, tant mieux. FiUNt  *« L U C ÏE, Francois. Laiffez-nous... laiffe-nons... Retourne U-bas: Manos tonjours bien garde. r " • Mathurin avec une malke rullicjue Oh! que laiflez faire: allez, j'ai de bons yeux. SCÈNE VIII. FRANCOISE, LUCIE, GERMAIN, FRANCOIS. Lucie. -Eh bien, Germain, notre fort eft-il décidé? Germain» embaraffê. Lucie, il eft décidé que je ne ceflerai jamais de vons aimer; ie ne pourrois vivre fans cela. Lucie, vivement, Mais, qu'avez-vous fait? Germain, d'un air indécis. Ma chere Lucie, depuis qne vons m'avez forcé i «nis fquitter a len„ée du bois, j'ai retonrné joindre Francceur, il avoit déja envoyé ma lettre au Chateau. Lucie, fêvêrement. i Votre lettre! vous m'aviez promis d'y aller vous même. Oermain, vivement II eft vraii; mais j'ai cru qu'il valfait mieux ne point paroitre. J ai penfe que ma lettre le» trouveroit tons affemblés, que S, FleuriiTey feroit, qu'il Z"rol\Zdre fon parti Une lettre étoit bien mieux; car fi on m avoit refnfe... uu Lucie, impatitnte. Mate rnfin - nnUa :i „„S , fcii 11 dllivc f Germain. J'ai donc envoyé cette lettre; elle fignifioit tout ce que jauroispu dire: je vous alTure qu'il. m'aurontcompns. Le Payfan qui 1'a portee, & qni devoit venir nous rendre reponfe au Village, n'eft pas encore re- jl.ucie, fdcbée. '\r- \ ."I rP°int, en,core reveno> & ™us paroiflez? Jufte •Ciel! & fi quelqu'un arrivoit... Nous ignorons la déciJ-nde mes parents, & voes ofez..! Ah/ Monfieur, sus venoient k prefent, conduits par la vengeance... s'ils  BR. AU E. s'ils me rencontroient avec vous... s'üs nous trouvoient. enfemble.. Francois, brufquement. Eft ce que je n'y fommes pas, Mamefelle? Ah! ne craignez rien, je fcaurons bien rendre témoignage.». L rj c i e. Fayez, Monfieur, éloignez-vous; que votrepréfence n'augn-ente pas mes remords. Avant que vous vinjïiez, j'olois encore me croire excnfabie. Germain. Qne je m'élcigne, cruelle... vous pouvez 1'exiger.'... vous m'ordonnez de vous fair! Lucie. Retournez, vous dis je , vous reviendrez, fi les chofes réuffiflenc, je vous verrai avec plaifir. Mais partez dans le moment. Germain. Ah de grace, fouffrez qne j'attende ici Francceur , il ne t'ircera pas; il s'eft chargé de tout, ü fera iet dansune heure. Lucie, avtc doukur. Dans une heure! Germain, cette heure-la me coutera peut être nn jnor bien de larmes. Germain, toujours plus vivement. Non , dans tin quart d'heure , dans un inftant, un inftant. . Lucie, je vous en ccnjure; que je fois avec vons lorfqu'il nous annoncera nocre fort. LailTez-vous toucher... Francoife, ma bonne, je vous prie, interceder pour moi... qu'elle ne me defende pas de refter auprès d'clle. : Francois, bcnnement. Allons, Mameielie,tenez, 9a lui feroit trop depeme de s'en aller. Lucie. ■ . Nori, non, vous ne fongez pss a ce que vous de- mandez. FHAN90IS. Mamefelle, ftapendant, faites comme vous voudrez , au moins. Francois e. Ma chefe enfant, je le crois bien ftncere... Maisqu y a-t'il de nouveau? S C E-  LUCIE; S C E N E IX. FRANCOISE, LUCIE, GERMAIN FRANCOIS, MATHURJN. Mathurin. Eh'M. Francois... M. Francois .. v'Ial'autre, il n'eft pasloin, Francois. L'antre! & qni 1'autre? Mathurin- Et l'antre .. fti-la qne javons vu quelque fois ici, qni m avoit mis une fois cette cocarde... qui me difoit toujours qu'on avoit befoin d'un homme comme moi a 1 armee. Franqois. Ah/ parbleu, c'eft Francceur, Mathurin. Oui, Francceur, juftement. Germain, avec fatisfaclion, Eh bien, ne vous le difois-je pas: il s'eft haté, il a de bonnes nouvelles. Mathurin. Il vient grand train.il fera bientót ici. Tatigué, c'eft an Monfieur bien dróle fti-lè, nous allons bien rire. Franc-ois. Oui, nous en avons grande envie.. Allons, va toujours te mettre au même en'droit... Va.donc vite. Mathurin, ..JV va. j'y va. Tenez, tenez, levla; je fcavais men qtje c'eft lui.  n R A M E. ti S C % N E X. FRANCOISE, LUCIE, GERMAIN, FRANCOEUR , FRANCOIS. Germain. AH! te voila, mon ami... Eh. bien; Eh bien, moa cher Francceur? Francoeur, efoufflé. Eh bien, M nfieur; je n'en puis plus, je fuis abimé. Francois. Je vas vous faire boire un coup, laiflez. Francoeur. Volontiers; car ï peinepuis-je parler... Mademoifelle, tout a-t-il bien été ici? N'eft-il rien arrivé de facheux? Francois , apportant d boire. Tenez > Monfieur Francceur. Francoeur. Bien obligé. Germain , rêpondant d Francceur. Non, Dieu merci, il n'y a que la crainte qui nous tourtnente. Francoeur. Ma foi, Monfieur, il faut da courage; ce que je vaia vous dire n'eft pas bien confolant. Lucie, avec imotion. Dieux! que va-t-il nous apprendre! Francoeur. Un inftant, Mademoifelle; d'abord, notre émifiair» ïi'eft pas encore revenu. Germain. Ciel! & pourquoi as-tu quitté.» Comment veux-tu que nous fcacliions... Francoeur. Que nous fcachions? Nous ne f?avons que trop, de par tous les diables; vous fcavez bien, Monfieur, que aotte homme a été chez M. de Franceval. ja Git*  Cs L U C I E , Germain. Oui; que nons 1'avons attendu, & que je t'ai quitté apiés. Francoeur, avec beaucoup de trouble. Auffi-tótque vous avez été parti, je me fuis appsoché du Qhateau, le long des murs du pare; mon Payfan n'eft point forti , on 1'a fürement retenu. Öeureufement qae je 1'ayois bien endoöriné. Mais, écoutez ceci: voila bien le diable; a une portee de fufil du Villsge, j'ai appercu Monfieur de S. Fleuriire a cheval, avec fon Valet-de-chambre; ils prenoient des informations a des gens qui n'ont pu 1'inftruire, carils ne nous avoient pas vus... II eft entré dans le ViJlage; j'ai cru qu'il n'y avoit lien de mieux i faire que de vous avertir. II faut vous tenir fur vos gardes. Lucie. Ah, grand Dieu!. quelles fuites affrenfes doit avoir tont ceci!.. 11 n'y a plus de reméde. Ah!... je me fuis trop. aveuglée. Francoeur, bas d Germain. Tichez de refter feul avec moi. Germain. Mais enfin. F r A n C o e u r. Mais enfin, vous voyez bien... Monfieur S. Flenrifle eft forti ; c'eft pour vous chercher,.. pour chercher Mademoifelle, pour vous 1'enlever , on a retenu le Payfan; les parents n'encendent pas raifon; il n'y a pas de.milieu, tout eft perdu. Germain. Tout eft perdu, Lucie! Ma chere Lucie, je vous aurois perdue. L u C ie, avec regret. II eft trop vrai. Vous m'avez trompée , Gsrmain ; vous avez rbufé de ma crédolité... Vous m'avez rendue indigne de 1'tftiiüe de tpus ceux qui favent honorer la fageffe. Germain, douloureufenient. Et vous au!*l, Lucie vous m'abandonnez! Ëft-ce la ce que vous me promettiez l L u c i e. Laiflez... Je vous tiendrai tout ce que je vous ai promis,.. Bientót nne retraite auftere va me fouftraire au -:; 3 2 ... dan* V  DRAM E, ft. aanger de vous, voir.'.. a vos féduttibns, ik aux pourfuites des autres. : Gekmain , avec urie afiion qui augmente peu-a-peu. Oui... vous vous éloignerez d'un monde que je détefte» vous renoncerez 1 moi, mais js ne reriohcerai jamais a. vous , vous ne chercherez eet afyïe, vous ne vous yeflfévèlire'z, que pour y pleuter ma perte; vous m'ac- -. cufez d'auifice... Je dóis vous donner de ma foi un témoignage irrépröchabie, je veux öter a 'vos perfécu- ' teurs, jut'qo'au pouv'óir de vous forcer k m'oublier. Vous êtes a moi, rien que la mort ne peut me féparet de vous; je n'aurai jamais d'autre époufe, j'en atteflè rh.^nneur... Le Ciel... il eft témoin de mes promefles, qu'il en foit le-garant, qu'il me punifte, fi je ruanque a mes ferments '; la préferice de 1'Etre fuprême qui m'entend, fufik pour les rendre facrés: c'eft devant lui, c'eft en préfence de Ces göns vertueux, amis de la vérité, que je jure de mourir votre époux; ils font les témoins d'nne union que notre voionté & notre confcknee doivent rendre indiffoluble. Qu'on vienne aftueï- * lement vous arracher de mes bras; que eet homme qui fait valoir fes fervices pour vous mériter , fe préfente; que vos parents viennent réclamér leurs droits tyjanniques; je leur obéirai , votre pere eft desyenu le reien, mon refpect, ira jufqu'a ne pas lui réfifter; mais je m'immole k fa vue... A vos pieds... Mon fang fera le fceau de notre hymen , j'expirerai en vous embraffant, en vous nommant mon époufe... Lucie... vous ne refaferez pas des larmes au fouvenir du facrifice que vous aura fait 1'ainour. L ü C I E. Je n'y furvivrai pas, Germain. Francoise , pteuraiU Comme il vous aime , Mademoifelle. Francois , aujjïpïewant. -Si Monfieur & Madame pouvoieut voir cela. G e r m a i n. Puis je efpérer, Lneie ? Lucie , tendrement. Vous ne devez^ pas craindre, Germain... viveZ pour as jamais changer de fentiments. Francois. Ma foi, tenez , MamefePe, j'en ai pleuré, tenez Monfieur , ie voudrois què ce foit ma fille, mais rentrons, I 3 vous  7© LUCIE, vous vons repoferez; Monfiear pent venir auffi • aprês ce q« aeft pafle, je ne vous regarde ni pUis ni moins que man & femme Alles, alles, la Provldence conduira tout cela a bonne fin. Francoeur, agitê & embarraiïé. Monfieur, avant de rentrer... nous devrions examiner aci antoor... Nous qneftionnerons le Paylari i os? nou avons laillé nos chevanx. (bas.) Reftez fenl. Gekmain avec inquiêtude, regardam Francceur. coSpte dDe°°touyt °0Ï' ma ChCïe Lude?je V0US Iendrai Lucie. Revenes bientöt, revenez, votre abfence qne j'autois lefirée il n'y a qu'on inftant, feroit a préfent la plus cruelle de toutes mes peines. Francois , rtntrant avec Lucie & Franpife. SCÈNE XI. GERMAIN, FRANCOEUR. Germain. Eh bien! qu'as-tu donc a me dire? Francoeur, avec emportement. Comment! Morbleu, Monfieur, eft-ee que vous aves oublié?... Germain. Quoi donc? Francoeur. Et, Monfieur de S. Flenrifle, ce que vous m'aveis donné pour lai remettre ? Germain, avec Jenteur (f rêflexion. Ah!... Eh bien, viendra-t-il? Francoeur; Zl n'y manquera fürement pas. Germain. Sl viendra... Comment as-tu fait? Frak-  D R A M E. Francoeur, vivement. Bien* a ravir! Dans le moment qu'il entfoit au Village, comme je vous ai dit, vous favez bien... Germain. Oui, après? Francoeur. Un homme que j'avois inftruit en le payant, & qni rh'a rapporté tout mot pour mot, lui a remig votre billet. Germain. Enfuite. Francoeur. Enfuite... Savez-vous bien, qu'il n'eft pas fait comme lés autres, eet homme-la? 11 a été d'abord étonné, & puis il a envoyé fon Valet-de-chambre au Chateau... A la fin il a promis d'un air de pitié, qu'il viendroit au rendez-vous. Germain. II viendra? Francoeur. Il ne faudroit pas, morbleu, qu'il arrivat le premier3 fi vous voulez , je vais prendre le devant. Germain. Nous avons encore une heure... une heure... Ah , LucieJ comment la quitter? Je lui perfuaderai que je vais chez fon pere, faire un dernier effort... Eft-ce que S. F'-eurilie ne fera pas feul ? Francoeur. Paidonnez-moi, Ü 1'a promis. Germain, Eh bien, je n'aur^'! pjs befoin de toi. Francoeur, avtc emfortebtent. Vous n'aurez paa befoin de rooi ? pouvez-voos me faire un tel affront?,.. Ah.' Monfieur.... Francceur ne vous fuivroit pas.' Germain. Mais, s'il eft feul? X RAN CüEiU•»< i i ijKCÖljfatU. S'il er; feul: i> eft vrai qu'il ne faut pas aller dems pour en tuer an.... S?il . hiamenet fon René... Ah/ bon ce'a"n'a pas fervi... II le bütroit de gré oü de force. Ah, rage.' ah tonnerre.' Tenez, Monfieur, vous avez beau dire, je ne ïèfterai pas li.,,. Je me battrai avec  'fi LUCIE, avec Ie premier venu.... Et s'il alloit vons tuer... Ah/.„ yoüs verriéz pour lors. Germain , d'tm ton entrecoupê. S'il me tne, mon ami.,.. je ne ferai plas malheureux. J'exige de toi nn fervice d'un antre nature; il faut déiober a Lucie, la conoiffance de notre combat; il faut qu'eiie n'en ait p3s le moindre foupcon .. Si je péris.... tu jeparoitras ici.... avec un air tranquiile.... Francoeur ,. avec emporicment. Avec un air tranquiile.' Germain. Ecoute moi donc; tu remettras a Lucie mon portrait, le voila... Tu la prieras de le garder... tu diras qne j'ai été chez fon pere... que je me fuis éloigné pour qoelqüe temps; que je compte fur fa conftance... Tu iras enfuite trouwer S FleurilTe. Francoeur Ah.' a la bonne heure. G e r m a i n. Tu 1'alTureras que je ne le haïflbis point; que je n'étois ennemi que de fon bonheur. Francoeur. Je ne "me chargerai point de cela.... Monfieur, j« ne vous le promets point.... Ne m'en parler pas. Si vous êtes mort, qu'ai-je befoin de vivre? ... Moi... je vous aime, S. Fieuriffe me tuera auffi, ou je ,vous vengerai: voila tout ce que je peux faire pour vous... Mais cela n'arrivera pas.., j'ai un prefientiment... ne prévoyons pas les chofes d'avance : tenez, rentrez , peut-être Mademoifelle Lucie eft: inquiete .... vous n'avez qu'une heure... Germain. . Eh bien, foit... Je ne te dis qu'un mot.<.. Songe qae j'adore Lucie; que je lui adrefterai mon dernier foupir. Ah.' je vais peut. être la voir pour la derniere fois... Francoeur, les larmes aux yeux. Je veux auparavant, faire ma ronde Ici autonr... On ne fcait pas ce qni peut arriver.... Mon cher Capitaine.... mon frere.... mon Maitre.... mon pere, accordezmoi une grace... ne me la refufez 'pas.... Je ferai con-tent, fouffrez que je vous embrafle. Germain, attendri. Ah, mon ami.' ... Mon cher Francceur, tu m'ö^eroi&, un plsifir, fi tu ne le faifoispas,,, Pourquoi héfitois tu? fuis»  D R AMÈ. it fuis-ie plas que toi ? ... la fortune & les dangers de notre état, ne font-ils p;s les merr.es pour tous les deux* ..■ Mon ami, nous fommes deux homnies li .... rigoorance & la vanité ont établi entre: nous quelques d.ilances, lé zele qui t'aitache a ma deftinée, urn defintéreirement, & la bonté de ton cceur , me renderont toujauri glorieux de t'appeller mon egal. Gc
fa*"*0" ne *1JJ  74 LUCIE, tez point Lucie. Si mon abfence 1'ioquiete...: dïtez-lui qne je cours me jetter snx pieds de fon pere... Au nom du Ciel , ne la quittez pas. Francoeur. Nous ferons bieritöt de retour... Allez, rentrez. (Franfoii rentre dans la Ferme.) SCÈNE III. GERMAIN, FRANCOEUR. Francoeur. /^VtTi oui... nous reviendrons bientöt... c'eft 1'affaire d'un inftant... Oh, vous revisndrez .. j'en fuis lür... Partons... On n'arrive jarnaii trop tót. Germain, comme êgaré. Je 1'ai quittée... Je 1'ai trompée.. Que fa vertu me fendoit honteax de moi même.'... Que de fois mon cceur afrémi! (dois'oureu/lment.) Quel que foit le fuccès, je ne Ja verrai plus. Francoeur, avec impatience.. Eh bien, Monfieur... on croiroit qne c'eft votre coup o'effai.... allons. Germain, revenu d lui. Ah.' món cher Francceur, je brüle autant que toi de Cette ardeut meurtriere qui t'embrafe; ce courage deftrufteur, la première vertu de notre état, ne tourmente que trop mon ame.... Si je balance, ce n'eft pas la crainte... Tu me connois , nous avons moiftonné fous les mêmes drapeaux dans les champs de la gloire... C'eft alors que la valeor eft belle... Mais aujourd'hui, qu'entrainé par ma palïïon, je vais percer Ie cceur d'un homme de bien.... L'humanité fe révolte... Hélas! bientót pourfuivi de fon orobre, après avoir fait tomber ma victime, il me faudra combattre encore, St vaincre mes remord. Franco|eur, brufquement. Qu'il fe défende.... qu'il fe défende.... la partie eft égale. Germain. Non, je fuis aimé de Lucie; je combats avecavantage. Francoeur, touché. Qu'il vous la céde donc a 1'amiable. G e e*  D R A M E. 75 Germain. S'il 1'aime, y cpiifentira-t ii? &h •' pou'roit il ne pas 1'airoer. Francoeur. Qae voulez voas donc faire? Germain. Te rougis de mes terreurs, c'eft mon rival.... ce mot feul le conda'-voe, 1'araour 1'emporce... & la comcience fe taït... Allons le joindre... (d'un ton •kfotu ).Si je ne puis vivre pour elle... que fonc a mes yeux, 1'innocence ou la more! ,-■ Partons, Francceur. , ^ Dans toutes les Scènes qui fuivent , jujqu a larrtvêe de S Fleurige , il doit y avoir beaucoup de dejordre fif de confufwn dans le jeu des Afieurs. SCÈNE IV. Les Précédens MATHURIN. SMathurin, effrayê. Auvez-vous.... iauvez vous les voiii... Francoeur. Et qui... Mathurin. Te ne fcais pas,., mais ils font defcendus de cheval... & puis ils fe font poftés derrière les arbres... je crois oue ce font ces garniments de ce matin... car ils parient d'sttendre quelqu'un du chateau... ah je ne fis pas un bênet. _ Francoeur. Leur as-tu parlé* Mathurin. Ouida qneuque fot, ils ont paffé a cöté de moi.... je me fuis tenu bien droit & je leur ai öté mon chapeau. Germain , impêtueufemcnt Ah Francceur! c'eft un guet a pens contre S. FleurifTe, s'il alloit crofce que c'eft nous, je vole a fon fe- cours... „ Francoeur, larretant. Reftez reftez... il fufüt de rooi feul, je vais voir... je le défendrai de bon cceur.... c'eft que c'a derangeroit votre partie au moins,... je vous ferai avertir fi 3 ai befoin de vous. Ka "Ma-  j6 LUCIE, Mathurin. Pourquoi ne pas avertir Monfieur de tout de fuite. Francoeur , d Mathurin. Allons marche. (d Germain.) Remettez-vous, fongez qu'il y a de 1'avantage a être de fang froid. (II fort ) SCÈNE V. Germain, feul. (II ejl nuit.) T"%E fang froH.... j'en fuis bien éloigné, je vais com1 J battre pour Lucie.. Eh.'... qu'il m'en acoüté pour me féparer d'elle .. ilfalloit la tromper Aurois je pu lui confier mon deffein ? elle 1'auroit regardé comme un complot abominable... elle auroic eu raifon, ma paffion m'arendu injufle, féroce; je re fuis plus un amant , ^e fuis un forcéné; qui voudroit irnmoler a fa fureur , tous ceux qui ne peuvent pas la partager. SCÈNE VI. GERMAIN, FRANCOEUR derrière le Thêdtre. Cn entend un Cliquetis d'annes derrière le Thêdtre, a travers ce tumulte. Francoeur, crie. TTJourfnivez-les par ici.,.. A moi... a moi... Mcnfieur... Ce font des liches, ne craignez rien. Germain. Qu'enten^s je? On fe bat.... C'eft un sttentat contre S. Fleuriiïe.. .. Courons le défendre... Ah.' c'eft Francceur.... Sans donte rr.oti rival eft avec lui. SCÈNE VII. S. FLEURISSE, GERMAIN , FRANCOEUR. Francoeur , d'un ton dudacieux. C-^E font des coquins, c'ef> de la canaille. S. Fleurisse , févée a la main. Mon ami , vons êtes bien témsraire ; mais vous m'ayez rendu un grand fetvice ( jtpcercetant Germa:n,) Vpi/j encore queiqu'un. {II fe met fur fes gardes.) F r a i|-  Francoeur. Ah' c'eft un homme de cceur, celui-ci: vous avez quelque chofe a vous dire : c'eft précifement M. de FS° Fleurisse, tris-froidement, remettant fon épée. Vous voila donc a la fin, Monfieur, embiaffez-mox. Francoeur, étonné. Ah! ah! Germain. Mais, Monfieur, fongezvous? Francoeur , brufquement. Embraffez, embraffez-le toujours, qu'eft-ce que cela fait? cela n'empêchera tien. Germain. Ne favez-vous pas, Monfieur, pourquoi vous venez.?, Elöisnons-'nous. S. Fleurisse. Non, non, reftons ici, nous fommes fort bien. Germain. Mais, Monfieur.... . S. Fleurisse , d'un ton impofant. Mais, jeune homme, écoutezmoi; je vous parle au nom de ceux dont 1'autorité doit impofer un frein 4 vos déréolements. M'avez-vous cru auffi étourdi que vous? penfez-vous que jevienne ici, pour attenter-vos jours? Vous avez befoin de vivre, pour vous connoitre, & nour vous repentir. Germain. Mais vous me parlez d'un ton. Francoeur , brufquement. II vous infulte. Germain. Monfieur, voulez-vous ajouter des afFronts.... S. Fleurisse, avec énergie. Puiffiez vous rougir de tous ceux dont vous vous êtes couvert' . Puiffiez-vous conncure vos torts envers M. de Fontreuil, pour les réparer.'... Puifle la vou gérniffante d'un vieiüard qui vous a éléjé .parvenu julqu a votre cceur! Vous rappellez vous fes bienfans? Entendez-vous 'es acceots douloureux de fon aéfefpoir.. Utesvous pénétré de fes plaintes & d, votre mgratuude? Ne vous fentez-vous pas indigne de jouu dun titre ou'il vous a laiflé afuTper ? * Geb^aiN' Quel titre ai je donc ufm>é t S. Flbü.  ?|. LUCIE, S, Fleurisse. C'eft le fecret qui me refte a vous apprendre; il n'eft point votre pere, c'eft ta bo té de Ion cceur, c'eft 1'amitié qu'il confervpit pour un frere maiheureux , & plein d'honneur, donr vous êtes le Sis/, qui i'a porté a vous adopter, pour remplacer celui qu'il venoit de perdre. Le pere qui vous a donné 1'être, moumc fans fixer votre fort; il feroit déplorab'e, fi la main bienfaifante de votre oncle n'eüt porté, a votre inrijgen e, des fecours dont vous 1'avez indignement ïécon p;.nlé ; c'eft a vous qu'il facrifioit la fortune de deux. enfants qai 1'aiment & le chérifient. Germain. Ah, qne m'apprenez-vous!... M. de Fontreuil n'eft pas mon pere?.... Voila ce qu'on m'avoit écrit, & que je ne pouvois comprendre.... Quels font donc fes enfants ? S. Fleurisse. FrémilTez de les connoitre, tremblez a 1'afpect du précioice d'oü je viens vous tirer: la mere d'nneamante auffi tmprndente que vons, eft fa fille; Madame de Franceval eft cette Julie dont vous avez tant entendu parler; fon mari eft Vorcelles, l'auteur de la malheureufe hiftoire qui a coüté tant de larmes a Monfieur de Fontreuil. Germain, accablè. Qu'entends-je!.... Eft-il poffible.' Ah, Monfieur, que je fuis coupable! S. Fleurisse , d'un ton trèt-pathêtique ö" trés nobk. Voyez 1'abime oü vous ehtrrüniez une jeune innocente que vous avec féduite. Ils vont paroitre, ces gens h qui vous avez caufé tant d'allarmes; oferez-vous-iontenir leur préfence?.... Ofez-vous foutenir la m enne?-.. Armez donc, apréfent, votre bras conire moi, jeune infenfé? avez-vous fongé, en venant vons b-ttre, que la mort pouvoit être la punition de vos erreurs ? Defcendez au fond de votre ame, reconnoilTezvous, ingrat & barbare envers un bienfaiteur que vous deviez adorer, infidéle a des devoirs facrés que vous devies remplir, féducleur d'une innocence que voas deviez refpefler, 'cherchant i öter la vie a nn homme qui vous aime & vous plaint, malgré la foif qne vous aviez de fon fang; malheureux ! eft ce dans eet état que vous pouviez vous expofer a mourir? Criminel & méprifa- ble  B R AMB. ? b1e aux yenx des hommes, comment auriez-vöus fty». porcé l'examen rigoureux & les regards féveres de la Divinité ? Germain. Puis-je merker de vivre? Monfieur , quelle lumiere portez-vons dans mon cceur ? je fuis indigne de vos bontés, de celles d'un oncle tendre que j ai offenlé: nn fiecle de rigueurs ne fuifiroit pas pour mé faire expier mes fautes. Francoeur. Ma foi... je n'en reviens point.... il ne fe bat pas,... mais c'eft un brave homme... S Fleurisse. Conduifez-moi vers Lucie. Francoeur. Monfieur, je vais la faire fortir, fi vous fouhaitez. . S. Fleurisse. Si elle le vent, allez toujours la prévenir. Francoeur, frappe a la porte de la maifon. Ouvrez, ouvrez, c'eft moi. Germain. M?is » Monfieur, je n'aurai jamais aflez de hardieffe pour reparoitre aux yeux de fon pere, je n'oferai jat mais me dire fon parent. S. Fleurisse , avec bonte. Laiffez-moi ménager tout cela. Vous penfez-bien> mon ami; cette confufion ajoute a la bonne opinion que j'avois de votre caraaere. SCÈNE VIII. FRANCOEUR, LUCIE, S. FLEURISSE, GERMAIN, FRANCOIS et FRANgOISE. Francoeur, d Lucie. Eh f venez ; venez , Mademoifelle ; il faut bien S'v refoudre tót ou tard; ce n'eft point votre pere... allons... bon... Monfieur je vais aauellement au-devant de M. de Franceval. (II fort.) L 0-  }o LUC I Ê, Lucie. Dieux! qu'il faut que je fois coupable pour être auffi timide. Moufieur, oü font mes parents? S. Fleurisse'. lis vous' attendent, Mademoifelle.. Lucie, avec le plus grand embarras. je dois leur être bien odieule. Monüeür, vóus avez bien des reproches è me faire. S. Fleurisse. ' Aucun , Mademoifelle. J'ai été faché dé ne pas vous avoir infpiré afTez de confiance, pour vous éviter lei détours dont vous vous êtes fervie. Je ne vous etois pas aflez connu. Si 1'on connoiffbit tous ceux que 1'on a intérêt de connokre , votre coufin auroit été moins imprudent. L u c i Ei Mon coufin ? S Fleurisse. Demandez-lui plutót s'il ne 1'eft pas. Germain, trijlement. Hélas! Monfieur, chargez-vous, s'il vous plalt,' de le lui apprendre. S. Fleurisse. Oui, c'eft le coufin de votre mere; il pafibit pour le frere dont elle m'a demandé des nouvelles devant vous; mais , par bonheür, il n'eft pas votre oncle. Lucie. Ah, Ciel! Je n'aurois jamais cru que mes peines puflent encore s'accroitre. S. Fleurisse. Vous n'êtes pas taifónnable. Il eft votre coufin, eh bien, r'ift'un nouveau titre pour 1'aimer. Seriez-voos fachée de me ttcuver aflez généreux, pour lui céder, des droits plus ptécieux ? L u c i E. Ah! Munfieur, vous vous venge» bien cruellement! S. Fleurisse. Lucie , vous ne rne rendez pas juftice, croyez que mon deflein n'eft pas de vous chagriner. Allons, oltz regarder votre coufin... La f.;tbfaction de vous fgavoir heureufe, me confolera du malheur de n/avoir puvous mériter. Germain. Mais Monfieur.,,. il „ S. Flsu=  D R. A M Bi S Fleuris se, gaiement, les mijfant. Mais*, Monfieur; il eft permis d'aimer ; d'embraüfr* & d'époufer fa petite coufine. Germain & Lucie. Ah! mon cber Monfieur... Germain, avec tranfport. Que nous étions inlenfés l M. de Franceval Iponrfa^ t-il Jsmais me pardonner? Je voudro» yerfer tout mon fane, pour me nunir de 1'avoir chagnné. _ S Fleurisse, avec amemtê. Homme. extréme, toujours des projets violents! Vott êtes continnellement dans 1'ivrefTe! Vous allez voir M. de Franceval, que votre foumifïion lui prouve votre repentir. Vous lui devez de fincercs excufes; mais, je connois aflez vos cceurs, pont être perfuade que voua n'avez point i lui faire de réparation. Lucie. Ah! Monfienr, volons audevant de lui... Je voudroia être a fes pieds... G e r m a i n, Seait-il que nous fommes ici. S. F l e u r i s s e. Oui, oui, il le fcait. 11 devroit déja etre arrivé,, U connoit bien 1'endroit: d'ailleurs, Francceur 1 aura IV rement rencontré. , . Francois & Franqoise, fupphants. Monfieur.,.. 'g# fleurisse. . Francois, votre complaifance pouvoit