E S S A I SUR LES ACCUSATIONS JNTENTÊESAUX TEMPLIERS, ET SUR LE SEC RET DE CET ORDRE* AVEC UNE D1SSER TA TION SUR L'ORIGINE DE LA FRANC-MA CONNERI Er s F AR FRÈDÉRIC NICOLAI. Ottyrage traduit de l'AUemand,. * A AMSTERDAM, Cha D. J. CHANGUIO N. MDCCLXXXUI.   A VER TI SS E MENT. CV'offre ici aüx amateurs des Recherches' J Hifioriques , celles que j'ai faites fur une époque de 1'HiJloire des Templiers > qui jufqu'a pré/ent 'ejt reftée enfévélie dans une profonde obfcurité; non que l'on ait manqué des matériaux néceffairts pour V éclair cir^ mais paree que les préjugés, ou laparijje des hiftoriens , les ont empêchés d'en faire un ujage convenable. Ceci ejt une nouvelle preuve des travaux que l'hijloire exige en~ core,&f combien elle changeroit de forme, fi les documens qu'elle nous fournit, étoient txaminés avec foin & mis dans tout Uur jour. Je meflatte d'avoir éclairci cette mattere^ jufqu'a préfent fi obfeure ,d'une fagon propre ü faire paroitre diftindtement la véritê. Je fais que l'on pourroit poujfer ces recherches encore plus loin, £? je crois que la manier e dont j'ai traité cepoint d'hijtoire, feroit fufceptiblede plufieurs réfultats Men intéreffans. J'abandonne cefoin d des Savans, qui auront plus de connoijfances fcf de loijïr, £? autant d'amour pour la :trité que moi, Quelque  X V E K T I S S E M E ft T. favant membre de V'Académie des Science? d laquelle je' dédie eet EJJai, prendra peutUre plaijïr d continuer Vexamen de cette matiere ; on a d'autant plus lieu de l'efpértr, que cette Académie s'eft particulierement confacrée d l'hiJtoire}& que nous avons déja de beaux monumens de fes travaux. La matiere que je traite d la fin de eet euvrage, nra qu'un rapport bien éloigné avec mon principal objet ; j'ai cependant veulü profiter de cette occafion, pour faire connoitre, afin qu'ellts ne fe perdent pas, des dé V» eft 1'ordi. *.cdm de ftcre Jeaa de. Stoie, p, 33 glois,que nous avons rapportée. ci-deffus, & dans laquelle il décrit fort au long les détails de la Pnfejfion fecrete qu'il dit avoir faite entre les mains du Grande maitre? Bien plus, cedernieren convint lui-même devant les Cardinaux. de Chinon en 1308, & fon aveu (1) ne fut qu'une confirmation (2) de celui qu'il avoit fait 1'année précédente dans, (1) Voyez du Puy, y>. a©8. Dans eet inter» rogatoire le Grand-maitre fe contente de dire: que fon intention étoit de leur faire ce qui „ Jui avoit écé fait." La plupart des ChevaFiers attachoient peu d'importance aux myfteres de HOrdre, dont ils. n'avoiént examiné ni 1 origine ni la nature. Peut-être. faifoient ils peu de difficufié de les ré\eler-dans lescommencemens puifqu'iis efpéroient en être quittes pour una fimpie pénitence. Nous reprendrons ce fujet ailleurs. (2) C'eft ce que le Pepe Clément V dit expreffémënt dans la buile: Faciens imjerkordiavn. Voyez du Puy, p. 2.54,  42 ESSAI SUR LES ACCUSATIOKS un interrogatoire qu'il fubit a Paris avec 140 Chevaliers du Temple en préfence du Frere Guillaume de Paris. Ces deux dépofitions uniformes pouvoientelles être entierement annullées par urt fimple défaveut II fuffit de parcourir avec attention les interrogatoires de Tannée 1309 , dans lefquels le Grand-maitre entreprit la défenfe de 1'Ordre. Rien de plus erabrouiilé & de plus foible que les argumens; il fe perd en propos inutiles qui n'ont rien de folide & qui ne font rien a 1'affaire. Le lefteur en jugera d'après 1'extrait que je vais faire de ees deux enquêtes. Dans la première, 1'accufé dit „ qu'il n paroiffoit étonnant que 1'Eglife mon„ trat tant d'empreffement a hater la w deftruélion d'un ordre religieux con„ firmé par le Saint Siege, tandis qu'on „ avoit différé la dépolition de 1'Em„ pereur Frédéric, trente-deux ans après la fentence. Qu'il ne fe fen„ toit ni alTez prudent ni aflez avifé » (fapiens nee tanti confilii) pour entre- prendre la défenfe de fon Ordre; „ mais qu'il s'en chargeroit cependant 9 „ orainte de paffer pour un homme  INTENTÉES AtTX TEMPLIERS. 45. méprifable , {nam alias fe vilem 6f miferabilem reputaret &p pqffet ah aliis reputari) quelque difficile qu'en foit „ la tache pour un prifonnier qui n'a „ d'autre argent en main que ce qu'il lui faut pour fa fubfifiance." II s'eiï rapporte enfuite au témoignage de tous les Rois, Princes, Prélats, Ducs, Cent' tes Barons de toutes les parties de l& tem; déclamation d'autant plus finguliere, qu'il s'agiffoit de chofes qui s'é.* toient pafféesdans 1'intérieurde 1'Ordrej, qui étoient un myftere même pour une partie des Templiers, & que les Rois & Princes ignoroient a bien plus forte raifon. Les Juges lui confeillerent „de „ pefer mürement les moyens qu'il „ prétendoit employer, pour défendre „ un Ordre qui fe trouvoit fi griévement chargé par fes. dépofitions pré„ cédentes. Ils confentirent cependant „ d'écouter fa juftification , & ils lui „ offrirent même un délai pour s'y „ préparer." La-defliis on lui fit ledlure des brefs du Pape, ainfi que de la lettre des trois Cardinaux, & il finit par fe rétraéter. Un Chevalier féculier de fes amis (quem ficut afferebat , diligebat £f dilexerat, quia uterque miles era-t) nommé  4?4' E'SsAT SUR LES A C CÜS AT Guillnume de Plafiano,. qui fe trouvoit» Ia par hafard, le prit en particulier & l'avertit d'être fur fes gardes pour ne pas fe couvrir d'opprobre & fe perdre fans néceffité. (habeat previdere ne fe vituperaret vel perdent fine caufa.) On voit bien que eet étranger lui rappella fes dépofitions précédentes r- fans cette confidération , une fimple apologie de fOrdre, erureprife par celui qui en étcit le chef, auroit-elle jamais pu tourner a fa honte, fuppofé même qu'eiie n'eüt point paru iüffifante aux juges? Auffi' le Grand-maltre commenca dès-!ors a-vaciller. II avoua „ qu:a „ rnoirj3 de prendre les plus grandes „ précautions, il rifquoit de gater fa. „ caufe. Qjie, par cette raifon il prioir. s, les Commifiaires de remettre i'affaire „ jufqu'au vendredi fuivant, afin qu'il „ eüt le temps d'y réfléchir." Ce délai ftitagréé & on confentit mêmed'avance a le prolonger en cas de befoin. Dans le fecond interrogatoire il débute „ par remercier. les Commifiaires-, „ éi du délai qu'ils lui avoient efrecl-i„ vement accordé., & de celui qu'ils „ lui avoient propofé ultérieurement. u.- Quant a* la juitification de. 1'Ordre. %  I NT E NT É;E S AUX TEMPLIERS. 45 „ il dit qu'il n'étoit qu'un pauvre Che„ valier ignorant (1). Qu'ayant apprw „ par 1'un des brefs dont 011 lui avoit „ fait le&ure , que le Pape s'étoit ré„ fervé de 1'interroger, lui & lesprincipaux de 1'Ordre, il n'entreroit pour „ te moment dans aucun détail; mais „ qu'il étoit prêt de comparoitre ,-, devant le Saint Pere , dés qu'on le „ lui ordonneroit, •& qu'alors il tache„ roit d'alléguer ce qui pourroit tendre .,, a la gloire de Dieu .& de 1'Egüfe." •Ceci n'étoit qu'une pure défaite. La bulle Faciens miferkordiam, dont il fi'agit, eft datéedu 2 des Ides d'Aoüt, •c'efx-a-dire du 12 Aoüt 1308 (2). Le (.1) Mies üliteratus £? pauper. On a dit quêl.•qtie part que Ie Grand-maitre ne favoit ni lire ni érnïe; mais cette affertion ne fe retrouve dans atictm des auteurs contemporains. CO U y a.unuuaLenfëndu au fu/et de Ia date de 1'interrogatoire de Chinorj; mais je ne m'y arr.êterai point, puifque cette difcuffion n'appnrlient pas a mon fujet. Je remarquerai feulement que Saluzius in vita Paparum Avenottiin. fium, T. II. p. 76", (ouvrage dont les da-es font fouvent fauffésj place en 1306 le Bief du Pape , qui annonce au Roi 1'arrivée des Cardinaux. Du Puy adopte auffi cette citation .erronnée. Mais le Bref eft daté nonis Novembris mat Pmificatuï nojtri fecundt ; donc il eft d«  4(5 ESSAI SUR LES ACCUSATIONS Pape y dit a la vérité, que fon intention avoit été d'abord d'interroger luimême le Grand - maitre & quelques-uns des autres Chevaliers; mais il ajouta auffi que leurs maladies les ayant empêché de faire le voyage , il avoit député trois Cardinaux pour les examiïier. (i) C'eft devant ces Commifiaires 1'anriée 1307. II y eft dit que Jes Cardinaux feroient rendus dans trois femaines a leur deftination; ce qui fait préfumer que l'ir-terrogatoire a eu lieu au comrrrencement de 1308. Baluzius , p- 122. met *"ous la rubrique de 1'année 1308, Ie rapport que les Cardinaux ont fait au Roi. D'après cette piece, qui eft fans date , 1'ioterrögatoire s'eft tenu die fabbati poft alTumpüonem Maria. Cette fête eft ordinairernent célébrée le 15 d'Aoüt, & cependant il en eft fait inention dans cette bulle , qui eft datée du 12 Aoüt 1308. Leibnitz, dans fa Mantilfa Cod. Jur. Gent. p. 76, rapporte cette même bulle a 1'année 1307; mais il fe trompe , car elle eft datée de la troifieme année du pontificat. Pilgram,dans fon Calendarium Cbronol. med. avi, p. 205, prétend que jufqu'aux temps de Charle'magne 1'affomption de la Vierge étoit célébrée en France le 18 Janvier, & qu'au douzieme fiecle même cette fête n'étoit pas encore transférée dans tout le royaume au 15 d'Aoüt. S^il ;étoit conftaté qu'au i4fiecle on la célébroit en France le 15 Janvier, la difficulté feroit levée. (1) Les termes de cette bu'le & des deux interrogatoires fuffifent pour refuter ce que du Puy rapporte,p. 62, favoir, qu'après la première  INTENTIES AUX TEMPLIERS. que Ie Grand-maitre avoit faita Chinon, en 1308, la dépofition qu'il révoquoic a préfent. Ceux qui compofoient le nouveau tribunal, avoient été également nommés par le Pape pour i'inftruction du procés. Pourquoi donc en appelloit-il au Pape? Interrogé par les Commifiaires „ s'il avoit quelque excep5, tion a faire contre la légalité de leurs enquête de Paris, Ie Grand-ffiaitre fut conduit devant le Pape,.d'abord a Lyon & enfuite a Poitiers, & qu'il y corfirma fa dépofition fur peine de vie, lui & plufieurs autres Chevaliers. L'auteur de l'hiftoire de 1'abolition de 1'Or* dre des Templiers & M. Anton auffi racontent ce fait tres • différemment. Ils difent que 1'entrevtie de Poitiers précéda Ia détention des Pemphers; que le Grand • maitre & les Chevaliers, informés des accufations qu'on leur fufcitoit, les avoient rej'ettées comme autant de calomnies, en demandant au Pape de les approfondir. II y a encore de l'inexaftitude dans ce recit; c'eft. le Roi, & non le Grand-maitre,eui vit le Pape a Lyon .& a Poitiers , comme'il mrolt par le Bref cité par Baluzius, in Vitis Paparum Aumonimt. T. II. p. 7Ö. Quand on écnt lhiftoire, on ne devroit fe permettre la moindre petke afiertion, fans avoir confulté les fources. C'eft pour avoir négligé cette précauuon, que tous les Hiftoriens de 1'Ordre des Templiers ont laiffé échapper une foule de méprifes, que j'ai découvertes en remontant aux fources, mais que je ne faurois redreffer ici  48 ESSAI SUR LES ACCUSATIONJ „ enquêtes?" il réponciït „que non,& " qu'ils n'avoient qua contmuer.(i)." II ne récufoit donc pas fes juges , & fuppofé qu'il eüt fufpe&é leur impartiaJité, ce reproche feroit tombé auffi fur ie Pape, qui les avoit nommés. D'ailleur>s ,qu'auroit-il dit au -Saint Pere, qu'il n'eut pu dire tout auffi bien a fes dépu» ,tés? La démarche du Grand- maitre n'étoit donc qu'une fuite de fes réflexions; il avoit eu le temps de fe perfuader, par fes dépofitions précédentes, qu'il ne pouvoit jamais fe charger hono"rablement de la défenfe de 1'Ordre, & qu'ainfi il ne lui reftoit d'autre expédient que d'en appelier au Pape. En attendant, & quoique le Grandmaïtre ne voulüt point fe charger de la défenfe de 1'Ordre devant les Commifiaires, il leur déclara pourtant les trois points fuivans-powr 1'acquit de fa confcicnce (ad exonerationem confcientice fuce) „ i , v Qu il (ï) Reqwfitusfi vellet aliud dicere quart Domini Vommiffariinon debet ent hen? fif fiitliur prccedeu in neiiotio inquifitionis contra Ordinem pradiüum, ter Dominum Papam ammijj* asim: refpadtt guod non requirens eos, ut bene &ƒ fiithter proctdereut in negttk fupradiSt».  ÏNTENTÉES AÜX TEMPLIERS. 49 .,, ■Qu'il ne connoifibit aucun Ordre „ dont les églifes & chapelles fuiTenc -„ mieux entretenues, plus enrichies „ d'ornemens & de reliques, & oü ie „ fervice divin fe fit avec plus d'exac„ titude. 2. Qu'aucun Ordre ne faifoit des aumönes auffi abondantes „ que celui des Templiers, qui en dis„ tribuoit trois fois par femaine. 3. „ Qu'aucun Ordre 'n'avoit combattu „ avec autant de zele contre les Infide-„ les". Ces foibles argumens ne valoient pas la peine d'être allégués, & le bon Grand-maitre ne risquoit rien de les garder fur fa confcience, puifqu'ila n'appartenoient en rien a 1'inftruction du procés, & n'excluoient pas d'ailleurs •les autres accufations, comme les juges Tont auffi trés bien obfervé. U furvint •encore une légere conteftation entre Je Chancelier Guillaume de Nogaret & le Grand - maitre j après quoi celui defira d'entendre la meffe, en demandant qu'elle füt célébrée dans fa propre chapelle & par fes propres chapelains j ce qu'on lui accorda. Telle eft la fubftance des deux enquêtes. Maintenant je demande fi l'on n'y sppercoit pas a chaque mot l'embarras C  50 ESSAI SUR EES ACCUSATIONS d'un homme qui cherche des défaites, & fi une fimple rétra&ation fake après coup poüvok détruire deux aveux préeédens, parfaitement volontaires & conformes ; auxquels fe joignoient d'ailleurs les témoignages de nombre d'-autres Chevaliers, & furtout ceux de plufieurs Chevaliers étrangers. Suppofé que les interrogatoires de Paris & de Chinon aieht été faux , la découverte d'une impofture auffi fcandaleufe auroit dü vivement affeéter un homme d'honneurj le Grand- maitre auroit néceffairement fongé aux moyens de la refuter, & il en auroit fürement fait mention dans le fecond interrogatoire, au lieu de s'arrêter aux futilités que nous avons xapportées. II fe feroic empreffé a fauver fon honneur outragé, au lieu de ,£aire célébrer une mtfle par fes chapelains. 11 auroit infiiié fur la faufieté de Tenquête précédente; il auroit nié 1'interrogatoire de Chinon: ou, fuppofé qu'il 1'eut fubi , il auroit répét-é fa :Vérkable dépofition. Les Cardinaux vivoient eucóre; quelques - uns fe trouvoient même en France (i); il pouvoit (1) Le Catdin.-' ficrcngar venoit d'être éleyj i 1'Evêchc de ïouloufe.  INTENTÉES AUX TEMPLIERS. 5E les prendre a. partie, demander leur confrontation. C'eft ainfi qu'auroit agi un homme d'honneur injuftement accufé, s'il avoit été für de fon fait. Mais le iGrand-maitre garde un filence abfolu tfur toutes ces circonftances, & fon filence prouve affez ce que nous favons aujourd'hui par d'autres témoignages, c'eft-a-dire, qu'il étoit coupable. Son désaveu après la publication de la fentence ne fauroit non plus infirmer les faits dont 1'hiftoire a démontré 1'évidence. D'ailleurs, la plupart des auteurs modernes racontent fort inexacte ment fa derniere confrontation avec trois autres Supérieurs de 1'Ordre. Par exemple, Pauteur de YHiftoire de ÏAbolition de 1'Ordre des Templiers , la rapporte en ftyle fleuri & pour y jeter du merveilleux , il donne a entendre quavant la publication de la fentence , le Grand-maitre & le Dauphin d'Auvergne, faifis d'une fainte èmotiony avoient rétra6té leurs dépofitions comme par une infpiration foudaine. II avance, qu'on leur avoit promis la liberté, a condition qu'ils fe défijiajfent de cette rétraclation. II met dans Ia bouche du Grand-maitre «ne longue & belle harangue. Voila C z  £2 .ESSAI S-UR LES A CCÜSA TIO-NS mn récitbien chargé d'ornemensi Mais rde tous ces détails il ne fe trouve rien ,dans .le .Continuateur de la Chronique de tGuillaume de Nangis (i), auteur contemporain , qu'on doit envifager comme la feule fource authentique de .ce récic. Jl y eft dit feulement: „ qu'on avoit lu „aux deux accufés la fentence , qui les ccondamnoit h une prifon ferpétuelle ([2)» ■Que ce n'eft qu'après (3) cette leóture -.qu'ils nierent tout a coup & fort inopimèment leurs dépofitions. {lnopinèment\ II faut donc que le Grand • maitre ■n'ait point perfifté dans fa rétraétation .précédente , fans quüi on auroit du •ss'attendre a celle-ci.) Qu'en attendant ils furent conduits en prifon. (Point ,de liberté offerte.) Qu'ils furent. brulés •vifs le méme jour par ordre du Roi. Qu'ils approcherent du bucher avec rbeaucoup de courage,; (point de haran- {1) Voyez-Dacberii Specilegium, Tome III, p. ■/57, de 1'édition in folio —• & du Puy, p. 459. (2) La même .peine fut infligée de nos jours au üénéral des' Jéfuites Ricci & aux autres -.Supérieurs de 1'Ordïe. (3) Sed ecce duin Cardinales finem negotio im■pofuiflb credidijènt, confefiim £f ex infperato '-duo ex ipfis — centra Cardinakm qui fermottcm ieceat,  1'ntentées aux templiers. gi/e) & que leur fermeté , autant-qiie leur rétraélation , exciterent 1'étcnne • ment des affiftans". Cet expofé eft fimple & vrai; il préfente Je fait tour; autrement-, fi je ne metrompe, que le premier récit, dont les ornemens affeétésne font qu'obfcurcir la vérité,. Nous plaignons volontiers le fort de-* cet infortuné & de fes confrères; mais nous n'en ferons pas moins féveres dans nos recherches hiftoriques, II eft très.probable que le Grand■ maitre, voyantqu'il ne pouvoit plus recouvrer fa liberté, préféra la mort a une prifon perpé-tuelle, & qu'il fe flatta peut - être quefon défaveu tourneroit encore ai'avantage de 1'Ordre. Et en effet la corn-paffion qu'il a excité jusqu'ici, eftcaufe que les hiftoriens n'ont pas examiné: avec affez de foin les pieces du procés.. Ilsauroient du fe rappeler que le premier devoir de 1'hiftorien eft la recherche de la vérité ; devoir auquel toute autre confidération doit céder. 3°. Les aveux, volontaires ne fauyoienU faire preuye dans des chofes incroyables*. Xhomasius. explique ceci par - les.-»  54 ESSAI SUR LES ACCUSATIONS procés de forcellerie; ce grand homme fut le premier en Allemagne qui en démontiat 1'abfurdité, & il employaplusd'une fois cet argument de 1'aveu des chofes incroyables pour rétablir les droits de 1'humanité outragée. Quel eft 1'homme raifonnable & fenfible qui ne foit de fon fentiment! Que les Templiers dépofent donc des faits , qui dans le cours ordinaire des chofes font impoffibles, & par cette raifon incroyables y qu'ils racontent des avantures qui ne font que 1'effet d'une imagination échauffée & dérangée; leurs aveux volontaires ne nous féduiront & ne nous perfuaderont pas. Qtiand ils difent, parexemple , qu'a 1'iffue de leurs Chapitres généraux il manquoit toujours un des Chevaliers qui y étoient entrés, nous n'en croirons pas fur leur parole que le diable venoit emporter dans chacune de ces affemblées un des alliftans. Mais il s'agit d'examiner fi toutes les imputations qu'on fait aux Templiers, nous fourniftent des motifs üincrédibilité fuffifans pour difculper les accufés ? Ou bien les accufations efi'entielles étoient-elles croyables? & jufqu'a quel point 1'étoient-elles? Perfonne, que je  fNTENTÉES AUX TEMPLIERS. 55 fache, ne s'eft encore donné la peine d'approfondir ces queftions , quoiqie plufieurs auteurs aient voulu juftifier les Templiers par Yincrédibilité des faits qu'on met a leur charge. Je vais discuter la matiere avec toute l'impartialité & toute 1'exaclitude dont je ferai capable. Je m'en tiendrai toujours aux dépofitions mêmes des Templiers; & fans me borner uniquement a celles des Chevaliers Frangois , je confulterai furtout les témoignages des Chevaliers étrangers, qui ne faüroient être fufpeclf en aucune maniere. S E C T I O N III. Examen des prïncipaux point! iïaccufa-' tion, & d quel degré les Templiers m ont confejje la réalité. Nous trouvons ces accufations con» fignées en fix endroits différens? I. Onze Articles dans la chronique de St. Denis. (i) II. Six Articles trouvéspar Abraham Bzovius dans un manufcrk Ci) Du Puy, p. 22. C $  5<5' essai sur les accusations du Vatkan. (i) III. Quatorze Ardcles< dans la Bulle Regnans in Coslo. (2) IV. Cent vingt-trois Articles dans la Bulle Faciens Mifsric&rdiam. (3) V. Trenteun Articles que le Pape envoya a fes.. CommiiTaires. £4) VI. Vingt - quatre Articles, fur lefquels on dreffa 1'interrogatoire des Chevaliers Anglois. (5) Tous- ces Articles difent les mêmes chofes quant a 1'effentiel, & les cent vingt-trois font les plus complets. Je tirerai de tout ce nombre les accufations les plus ccnfidérables pour m'attacher a chacune en particulier, & pour nepastomber dans des longueurs je négligerai. routes les inculpations qui m'ont paru frivoles qu futiles,, dans Ie goüt de celles-ci: que dans leurs affemblées générales, il leur app3roiffoit un chat; qu'ils 1 adorojqnt : qu'ils ne baptifoient (1) Du Puy, p. 25. On les trouve encore,. dans Campomanes Hiftorïa dos Tempiarios, p. 78, (2) Idem, p. 28 & Campomanes, p. .80. ^3) Leibnitz.eft, de mon feu, le premier qui les a fait connoitre. Voyez MantiJJa, Cod. Jtir.. Gent. p. 82, d'oii du Puy les a tir.es pour fes Pfeces juftificatives, p. 262. (4) Du Puy, p. 30. Is) Idem, p. 326,  i.nten'tée's aüx tempeie'ks, Jf'" fóient point leurs enfants-j qu'ils les* rötiffoient, pour oindre de leur graiffeleur grande idole : toutes circonftances f qu'aucun accufé n'a- avouées. Au furplus, j'ai befóin de toute la patience du* kcleur , pour qu'il veuille me fuivre ■ dans les détails de mes raifonnemensj; 1'obfcurité de la matiere m'a impofécette marche également pénible &: poncluelle, & j'ai trouvé que c'étoifr fat feule maniere de mettre la vérité. dans» tout fon jour. première accusatioh. Qu'ils ne s'imputoient point a pêché, (fufer ' d'injujlice pour pojféder Ie bien d'autrui: (i); qui plus ejt,. qu ils s'engagement* de procurer le bien de 1'Ordre par tous r les moyens po-jjibles, a.tort ou a droit%, qu'ils en faifoient un ferment particulier^, £ff que dans ce but ils ne fe faifoient: aücun fcrUpule de fdujjer touL les; hurs (2.),. Ie eft vrai qu'aucun aveu dés crim^ • nels ne fuffit pour prouver la réalké de,- (1) Dans !es r23 Articles,. N»s. s4,r;5>c6V Du Puy, p %6$. (2) On trouve, il eft vrai, dans du Puy G 5:  58 ESSAI SUR LES ACCÜSATI0N5 ce ferment, ou qu'un principe pareil ait fait partie de leur doctrine fecrete. Mais il n'eft point incroyable, qu'a 1'exemple de tous les ordres religieus & de toutes les parties de la hiërarchie eccléfiaftique, ils aient été peu fcrupuleux fur les moyens d'augmenter leurs richeffes & d'étendre leurs poffeffions. Comment fe faiföit-il donc qu'cn 1240, ils poffédaffent 7050 chapelles, (1) fans compter une grande quantité de terreins confacrés oü ils n'avoient point bati? Et fuppofé même (ce qui n'eft point) (2) qu'ils duffent a leur épée toutes leurs poffeflions dans la terre-fainte, d'oü venoient donc ces immenfes poffeflions qu'ils acquirent en Occident en fi peu de tems ? II eft bien difficile que tous leurs moyens fuffent honnêtes. (3). Et quel befoin avoit un Ordre inftitué pour protéger les pélérinages a la terre-fainte, de lant de poffeffions fuperflues en France, Leibnitz, Ie mot ihjerare; mais je etois que ce ctevroit être dejurare, dans le même fens que Ton difoit dans ie mcyen-age dejejunare, pour jejunwn infringere. (1) Voyez Anton, p. 199. (2) Voyez plus baut, p. 5, Ieftémoignage de ï.éon, R.01 d'Arménie. (3) Voyez ci-deflus les difcours dit Roi d'Aa» fleterre, Henri III, p, 6.  TNTENTÉES AUX TEMPLIERS. 59? en Angleterre, en Allemagne, en Efpagne ? Vouloient-ils en Europe même pro» téger les Croifés dans leur marche vers le lieu d'affemblée ? C'eüt été leur devoir; ou plutöt ils auroient dü protéger 1'Europe contre les Croifés* L'hiftoire eft pieine des brigandages & des vio~ lences de toute elpece que ces fanatï» ques exercerent fur leur dismin-. En Brandebourg, pays dont les Sou-» verains fe font oppofés dès les tems les plus reculés, autant a la tyrannie de la religion dominante, qu'a celle des prêtres en général; en Brandebourg, dis • je, ces mêmes Croifés furent profcrits dans un traité de paix avec les Ducs de Mecklenbourg & de Pöméranie en 1382. Cependant, quoiqu'il foit impoffible de juftifier les Templiers fur cet article, il n'y avoit pas la non plus de quoi lescondamner; car d'après un pareil principe, il auroit fallu condamner de même. non feulement tous les les Ordres, tant. militaires que purement religieux, mais encore tous les Abbés, les Evêques , lesPrélats & le Pape lui-même. Car ?.exiftet-il une feule communauté religieufe, dont on puilfe dire, que jamais elle C 6  <5o ESSAI SUR EES ACCUSATIOffS- n'a étendu fon pouvoir & fes rfcheffes-, per fas & nefas, j'en appelle au témoignage de cette époque toute entiero. SECONDE ACCUSATION; lis croyoient que le Grand - mat'(re , les Vifiteurs les Précepteurs qui foU' yent étoient laïques, avoient fe droit de> les abfoudre de leurs péchès ; ce qui fai fit qu'ils ne fe confeffoient quauxFreres: ils croyoknt même que le Grand-matire pouvoit leur donner l'abfolutien fans cmfeffion préalable. (i) Autant, qu'il m'en fouvrent, i! n'y a qu'un ou deux Chevaliers qui aient cherché a donner Je change fur cet article; (■2) tous les'autres l'ont dircftement avoué. Frere Robert de Saint Juft, entr'autres, dit pofitivement que les Templiers-laïques 'donncient 1'abfolution a leurs confrères & les relevoient même de.l'excommunication. (3) Le Frere (i> Dans les 123, Articles, N0. 20 — 25 & 104. (2) Par exemple, Frere Guillamne de la For° ie: du Puy, p. 301; & Frere de Tocci, p. 310. (3) Item, §utxt a fententia txcemmunicutimis.  INTENTÉES AUX TEMPLIERS. 6l' Guillaume deVernage ajoute, que lorfqu'un Frere divulguoit la confeffion d'urr au re, on lui infligeoit le même chatiment qu'au coupable. (i) On trouve,. il eft vrai, desexemples, que les Chefs de 1'Ordre ont employé un Prêtre pour 1'abfolution mais ce n'étoit que pour ' ia forme, caHe Grand-maitre entendort" la confeffion, après quoi il envoyoit le pénitent au Chapeïain qui devoit lui donner 1'abfolution, fans exiger de confeffion ; de maniere que tout cela revenoit au fond au-même. Plufieurs Chevaliers avancent la même chofe; Frere Guillaume Kilros, Irlandois, lurmême Prêtre & Chapelain , le dit en propres termes. (2) Frere Thomas de Walkington, Chevalier Anglois, allure, quele Grand-maitre accorde la remiflion des péchés & renvoye le penitent au&oritote ordinaria delegata in fuos bomines lata Temphrii laïci fuos bomines abfolvebant. Du Puy» p- 3:6. (1) Idem, p. 208. N. 23. (2) Quando Magnus Magifler aud-t confeffionem. Fratris alicujus uiüi Ordinis , pracipit Fratri Capellano eum abfolvere a fuis peccatis : quamixis Capellams cqnfejjionem Fratris non audier&l, Ideau P- 372. c?  62 ESSAI SUR' LES A CCITSATIO NS au Chapelain pour l'abfolution. (i) Et le Frere de Tocci, dont la feconde confeffion eft fi détaillée, dit auffi, qu'en Chapitre-général le Prêtre étoit immobile (ficut beftia) & n'y faifoit autre chofe que de réciter un pfeaume. (2) Que le Grand-makre abfolvoit en' général tous les péchés , dont la honte empêchoit la confeffion (propter erubescentiam carnis;) (3) & c'eft ce dont convient entr'autres, Frere Guillaume de la More, Grand-Prieur d'Angleterre, quoique d'ailleurs il foit, commetous les Chefs de 1'Ordre, très-réfervé dans fes aveux. (4) (1) Magifter dixit: Deus remittnt tilt ut nes remütimus, £? vadas ad Fratrcm Sacerdotem qui alfolvat. Du Puy, p 310. (2) Et dicit quod Frater Presbyter in Capitulo Jlabat ficut- befiia,- £ƒ de nullis fe intrtmifit, 1 ifi quod dicebat pfahnwn: Deus mifereatur nojlri, in fine Capituli. Idem, p. 397. (3) idem'; p. 369- (4) On lui demanda, s'il prononcoit ces mots: Abjolvo vel remitto tibi, in nomir.e Patri, Filii ' Spiritus Santïi; & il répondit qu'il re les prcnoncoit point : c'étoit vraifemblablement une leftriccion mentale,car i! parolt par des autorités fuffifantes, que Ie Grand-maitre des Templiers ne pardonnoit point les péchés au nom du Pere,  INTENTÉES AUX TEMPLIERS. 6$ Les Chefs de 1'Ordre, il eft vrai,, prétextent fouvent, qu'ils ont recu ce pouvoir des Papes mêmes; & par exemple, Frere Guillaume de Midleton,, EcoiTois, affure que le Grand-Prieur d'Anglecerre les a abfous de leurspéchés, au nom de Dieu, de St. Pierre & du Pape. (i) Cependant, d'un cöté,. il n'eft pas croyable que le Pape ait donné a des laïques le pouvoir fi confidérable de pardonner les péchés ; & de 1'autre , fi en eflet il leur avoit accordé ce pouvoir,comment fon ufage auroit-il été le fujet d'une accufation des plus graves dans ce procés ? On voit donc que cette affertion des Templiers eft fans fondement, & qu'eux - mêmes s'étoient donné fautorite de fe pardonner mutuellement tous leurs péchés. Je m'adrefiè pour un moment a ceux du Fils & du Saint Efprit, mais feulement au nom de Dieu : il répondoit donc direcl:ement a Ia demande , & penfoit autie chofe. Du Pay. P- 369- (1) Dixit quod vidit £? audivit, Magnum Magifirum Ordinis fui Anglia , foïcum , dbfoU ventem Fratres fui Ordinis per hese verba; airtoritate Dei, fcf B. Fetri,^ D. Papas nohis cmmiiTa abfolvimus vos a quocunque psccato: £f committebat Juper boe viees fuos Fratri Sacerdoti ejusdem Ordinis  öij.' EÏSAI SUR EES ACCTJS ATIONS»: qui font dans le préjugé que la condamnation des Templiers n'a point eu de; fondement réel, & que ce grand événement n'a été caufé que par la cupidité du Roi Philippe, excitée par les1 g-rands de 1'Ordre & paria fervüe complaifance du Pape envers ce Prince. Srnotre derniere accufation étoit feule fondée, les Templiers étoient déja trés coupables felon les■ principes de la cour deRome, qui attachent la remiffion des péchés uniquement a 1'abfolution du • prêtre , & en excluent tout féculier. Les Chevaliers , qui n'avoient jamaisété ni confeffés ni abfous légalement, étoient excommuniés par eela même, & ceux-ci avoient encore la téméritéde fe fouftraire a cette fentence de leur ■ propre autorité. Quiconque a mürementréiiéchi a 1'influence étonnante de la confeffion auriculaire fur le fyftême de Ja hiërarchie eccléfiaftique,conviendra>. que fi le Pape trouva jamais un motif preffant pour anéantir 1'Ordre, ce devoit. être qu'il adoptoit & mettoit en pratiqueun principe qui le rendoit indépendant de toutepuiffance eccléfiaftique,& q.ui en s'étendant pouvoit un jour anéantir tout le pouvoir de 1'églife mime. De  in ten té es aux templiers. nos jours on a pu prouver aux Jéfuites, qui de même ont eu 1'art de tirer grandparti de leurs confeiTeurs, qu'efFeclivement 1'Ordre approuvoit des-maximes dangereufes pour-les Souverains & que, dans les tems paffes, quelques-uns de fes membres y ont conforme leur-conduite; mais pour ce qui eft de 1'autorité de 1'églife, ils ne font jamais attaquée, & cependant la cour de Rome a jugé qu'il étoit utile & néceiTaire de les abolin A combien plus forte raifon' ne doit-elle pas, d'après ce que nousvenons de dire,avoir été excitée a détruire 1'Ordre du Temple. Que 1'extinriïion de cet. Ordre ait été effeótuée par les tourmens & les Hammes, c.'eiï ce dont nous devons fentir toute 1'horreur, fans cependant nous en étonner» Cela étoit conforme aux loix dé 1'églife • & a 1'efprit de ces. tems-la. On brüla en 1212 cent perfonnes a Strasbourg, pour avoir au mépris de 1'églife mangé de la viande en carêm.e, & pour-avoirdéfapprouvé le célibat des prêtres. En 1235 on fit pér-ir dans les fiammes les habitans de Steding, paree qu'ils refüfoient les dixmes. Dans le quatorzieme fiecle oh vit profcrire les Albigeois-j  66 ESSAI SUR LES ACCUSATIONS' parcequ'ils avoient des principes contraires a ceux de 1'églife. Pourquoi donc s'étonner de ce que dans ce même quatorzieme fiecle on ait condamné auxflammes des gens qui, en ötant aux eccléfiaftiques le privilege de la confesfion , minoient fourdement toute leur autorité ? Mais en voila affez fur les droits, ou les convenances eccléfiaftiques , & je ne faurois m'arrêter plus longtems aux buchers allumés par le fanatisme; le coeur fe révolte au fpectacle de cette fureur univerfelle contre. des_ malheureux, dont tout le crime étoit une erreur,oü peut-être ils étoient tombés en cherchant la vérité. Je veuxfeulement fixer 1'attention de mes le&eurs fur lè phénomene étonnant que préfente' dans ce liecle , un Ordre entier qui admet le principe de fe fouftraire a la pénitence eccléfiaftiques On fait que de tout tems il s'eft trouve des individus,dont les notions ont anticipé fur des fiedes de lumiere, en laiUant bien loin au deffous d'eux le fatras des opinions foidifant orthodoxes du leur; on concoit même, que cette raifón précoce ait été le cara£tere de feftes plus ou moins étendues. Mais, lorfqu'on fe repréfente di-  int en TÉ ES AUX temtliers. 6j' flinólement toute la conftitution de ce treizieme fiecle, & qu'on s'en fait Ie tableau, on eft frappé de tröuver un principe il odieux a 1'églife dominante 9non feulement avoué, mais pratiqué,, dans le plus grand fecret par un Ordre militaire,puifiant & nombreux en Occident, comme en Oriënt. Comme rien ne fe fait dans le mojjde fans préparation , il faut que plufieurs caufes fe foient réunies pour amenerles Templiers a des pratiques qui paroiffent au premier abord fi peu vraifemblables. Je ferai de 1'examen de ces caufes" robjet de la feclion quatrieme, & j'efpere d'y indiquer d'une maniere fatisfaifante pour ceux de mes leófceurs qui aiment a penfer, les fources oü 1'Ordre a puifé des principes, dont fes coutumes- ont été la fuite naturelle. troisieme ACCUSATION. (t) Qiiiïs s'ètoient adonnès a des voluptésinfantes. J e voudrois que cette accüfation füt affez incroyable pour être r jetée a ce (i) Dansles I2j Articles, N^a, 30 —41.  63 ESSAI SVSt LES' ACCTJ'S A T I ON 3; trtre feul. Mais l'hiftoire de ce fiecle & celle des croifades eft pleine de tous les vices, & furtout de ceux de 1'impureté; vices que ces hommes, qui fe difoient Ghrétienspratiquoient fans-honte. Que le vice entr autres dont il eft ici queftion, füt commun depuis longtems, c'eft ce dom il feroit facile de produire ■ cent témoignages. Mais pour ne pas m'appéfantir fur un objet de cette1 nature, je n'en rapporterai qu'un exemple , qui, a ce que j'efpere , tiendra > lieu de tous les autres. Dans le huitieme fiecle, au rapport d'Alcuin, témoin qu'on ne fauroit recufer , & probablement dans • les fiecles fuivans, tout Evêque élu devoit, avant tfetre confacré , fe juftifier fur cesquatre Demandes Canoniques.; (r) (r) 'Cum Episcopus Clvitatis fuerit defuniïüs , novus eligiinr a Clero feu Populo, fitque decretum cbAllir, & veuiunt ad.dpoftolicum cum fuo eleSo;-. d'eferentes fecum J'ugge/Iionem , boe eft , rogatoriar litteras, ut eis amfècret Ep'fcopum. Tan Pontifex jubel eum inquiri de quatuor Capitulis Canonicis, beseft: i°. De-arfenoquita (uprevaxoiTii) ; 2°. pro ancilla Deofactata; 3°. pro quadrupedibus; 4°. aut Ji coiijugem babuit ex alio vin, q-tod Grcece diciturmtif_«y*nt». Ec Ji de bis inculpubilis inventuz-:  .ÏNTENTÉ'ES AUX TEMPLIERS. -6$ i°. S'il avoit été ,Pédérafte; 2°. s'il -avoit été en commerce crimïnel avec •une religieufe ; 30. s'il avoit eu a faire ■avec une bete a quatre pieds; 4°. s'il • avoit été deux fois marié, ou s'il avoit -époufé une veuve? (1) Et lorfque fes ■réponfes 1'avoient fait déclarer innocent & pur , il devoit jurer fur 1'Evangile & par le corps de Monfieur St. Pierre, -qu'a 1'avenir il continueroit de s'abftenir de ces quatre . chofes. Maintenant ja prie tout lecleur impartial & obfervateur, d'imaginer quel devoit être 1'état des mceurs dans une églife, oü l'on trouva néceffaire d'exiger de chaque :-Evêque, qu'il n'eüt été ni pédérafte, ni féduéfeur de religieufes , ni & qu'il jurat folemnellement de ne pas le fuerit, jurat Arcbidiaco'io fuper quatuor EvcngeV.a, deinde confirmat Juper corpus S. Petri , de bis incuipabilem fe före. Alcuinus de divinis rffiüis , Cap. XXXVII, dans fes Opera, ftudio- Frobensi Principis & Abb. ad S. Emeram. Tom. 11. v. 2. P> 492-1 (1) C'étoit du moins ainfi qu'on expliquoit •ces mots de 1'Apötre : ,, Un Evêque ne fera le „ marique d'une femme." Mais l'Apó'.re ajoite: .„ II doit être irréprochable, fobre, modéré, de „ bonnes mceurs, charitable, iludieux." —«. Et que ne fallut »il pas eneore ajouter dans le Jiuitieme fiecle?  ~70 ESSAI SUJR LES ACCÜSATIONS f devenir! Si ces vices n'avoient pas été fingulierement communs, ( i) tout honnête homme eüt dü dire avec mépris y.Nolo episcopari! — Que du hui, tieme au treizieme fiecle les mosurs des „foi-difant .Chrétiens ne foient poinc ,devenues meilleures, c'eft .ce qui eft .affez connu de tous ceux qui font un peu verfés dans 1'hiftoire du moyenage, pour qu'il ne foit pas nécefiaire d'en donner ici la preuve ; & les Templiers auroient été probablement fondés a répondre a leurs perfécuteurs : Que celui d'entre vous qui nejt pas coupable de ce pêché, nous jette la première pierre. II n'eft donc point incroyable que ce ■vice ait exifté parmi les Templiers. Ils avouent eux-mêmes dans tant de pays différens & fi fréquemment qu'il eft permis dans leur Ordre, (2) qu'on ne fauroit en douter £ & il eft probable O) Frere R. de Peronne dans fon Dixieme Siècle dit: Quam perdita tonfuratorum imiverfitgs tota, fi nemo in eis, qui non aut adulter, aut fit arfenoquita. Du Cange, Glojf. Med, Lat. Voyez Arfenoquïta. (2) L'hiftoire de l'abolition affure , que feu* lement trois d'entr'eux avouerent qu'ils avoient pratiqué ce vice. II y en eüt cependant dans chaque confrontation un bien plus grand nombre.  ENTENTËES AUX TEMPLIERS. 7$ qu'il étoit du nombre de ceux qu'ils ne confeffoient point popter erubejcent'iam carnis, & que le Grand-maitre Jeur pardonnoit en maffe. Ils donnent pour raifon de cette permiffion: Ut melius caliditatem terra ultramarlnce valeant tolerare, £? ne diffavientur popter muller es. (i) Je comprends que, lorfque les impullions de la nature fe trouvent en oppofition avec des loix humaines & avec un zele ardent pour 1'honneur d'un corps, on parvient par de pareils fophismes a faire taire fa confcience, & que la fréquence de ces fituations produit une connivence fotmelle. Mais je vois quelque chofe de plus fort encore chez les Templiers; car un grand nombre de Chevaliers, tant en France qu'ailleurs, avouerent qu'a leur feconde réception ils en avoient recu la permiffion expreffe du Grandmaïtrej il eft vrai qu'ils affurerent tous qu'ils nejs'en étoient point prévalus. Une permiffion pareille, expreffe, générale, continuée fi longtems, & fans exemplè dans 1'hiftoire, eft trop finguliere pour ne pas attirer nos regards. Je crois le (i) Du Puy, p. 216,  ;72 ESSAI.SUR LES ACCUSATIONS Jentiment du' bien & du mal tellement empreint dans le coeur de l'homme, jqu'aucun légiflateur, quelque borné qu'il puiiTe être, ne fauroit faire Une loi évidemment criminelle, nniquement .pour 1'amour du vice; une loi pareille ne fauroit du moins refter longtems en vigueur. Lors • donc qu'on la trouve établie dans une fociété quelconque, il eft néceffaire d'en chercher le principe .plus loin. On le trouvera fürement dans Jes préjugés ou les convoitifes des hommes, ou bien l'on verra que 1'abus n'a été introduit & toléré que pour éviter une choïe,que l'on regardoit,a tort ou a droit, comme pire. Les prétextes en queftion peuvent avoir fait naïtre la connivence, mais ils font infuffifans pour expliquer la permiffion.; ils peuvent avoir été employés (& ils 1'ont été) par des membres de tous les Ordres poffibles ; mais une permiffion légale ■pour un corps entier, c'eft ce qu'on ne trouvera nulle part. Je crois être tombé fur une des raiTons qui peuvent avoir engagé les Supérieurs de 1'Ordre a accorder cette finguliere permiffion. Dans les premiers tems ;il y avoit des Chevaliers mariél. L'ar- ticle  ÏNTENTÉES AUX TEMPLIERS. 7g connues fous le nom de Soeurs; (2) mais cela eft défenda par 1'article LVI. On ne trouve plus de Chevaliers mariés dans les tems poftérieurs: ils devoient, au contraire, faire ferment qu'ils étoient célibataires. Comme le <;é!ibat étoit tenu dans ces tems-la pour une grande perfeétion, il •eft probable que les chefs ourent que 1'Ordre perdoit de fa dignité par 1'admiffion de Chevaliers mariés j peut-être que 1'entretien des veuves trouva des difficultés. Quoi qu'il en foit, il faut que la chofe ie foit paffée ainfi, & que -de plus on ait fait obferver a la rigueur le reglement contre les concubines; ce qui ayant occafionué de grands murmures, aura produk la permiffion finguliere dont nous avons parlé. La claufe 3 * (O Dn Puy, p. 99. (2) Du Cange, Dia. Lat. Mei. /Jevi. Voyefc Strores extrawee, D  74 ESSAI SÜR. LES ACCUSATIOKi ne Qrdo diffametur popter muiier es s paroït 1'ind.iquer aflez. Une autre chofe qui me conduit encore a "cette conjefture, c'eft la confeffion fi remarquable en tout point de Frere Jean de Caffanhas a Carcaffone. (r) II fut obligé, en faifant profeffion, de jurer qu'il n'avoit aucun empêehement en fa perfonne, comme Dettes, Manage, Efclavage, &c.; & de plus, qu'il fe foumettoit a vivre fans propriété & chaflement: après quoi cependant il rejut la permiffion en queftion. Ceci montre clairement que par le motChafteté on n'entendoit que la privation du mariage &, en général, celle d,u commerce des femmes. Après cela, il eft permis a un ami de 1'humanité de croire que 1'origine de cet amour a été pure, & que fon abus feul fut criminel; on ne vouloit probablement dans cet Ördre militaire que refferrer tous les liens de 1'amitié & du devoir dans des périls éminens & continuels. On fait que dans le moyen-age chaque Chevalier avoit fon Frere-d'armes: on n'a point oublié la fainte (i) Du Tuy, p. 215, 216.  ÏNTENTÉES AUX TEMPL.ïERS. cohorte de Sparte: tous exemples quï font trés-bien ici, fans qu'on puiffc être accufé d'employer des reffernblajaces forcées. QUATRIEME ACCÜSATION.' Qiïaux rêceptions ils fe donnoisnt des bal* fers indécens. (r) C'est ce qui a été confeffe' par le plus grand nombre, & défavoué par un trés petit, de ceux du moins qui avoient fait la feconde profefiion. (2) Mais ils different beaucoup entr'eux, quant a la partie du corps qu'il falloit baifer; cependant la plupart de ceux qui ont eu tous leurs degrés , conviennent que le Récipiendaire baifoit celui qui le recevoit, in fine fpinee dorji, in umbilico & in ore; quelques-uns ne parient que des deux derniers baifers. (3) Je crois qu'a (1) Voyez les 123 Articles, N<». 26 — 29. (2) Trois Chevaliers Anglois, les Freres Etienne de Stapelbruge, Thomas de Tocci cc Jean de Stoke , qui tous trois font une defcription fort détaillée de leur feconde réception, ne difent rien de ceci. (3) On voit ici & ailleurs, que les coutumes  ■7<5 ESSAI SUR EES ACCUSATIONS Toccafion d'une coutume fi bifarre au premier afpeét, il eft a propos de faire les obfervations fuivantes. II eft trés - poflible que quelques indïvidus aient favorifé des abus de 1'efpece de ceux que 1'accufation précédente fait •foupcpnner. Mais dans ce cas il ne faudra point rejeter fur 1'Ordre entier la turpitude de quelques membres ifolés; malheureux fruit de la corruption totale des moeurs dans ce fiecle de ténebres; corruption dont 1'hiftoire nous fourniroit des traits frappans, s'il étoit néceffaire ou convenable de les rapporter ici. Cependant, les différens aveux des accufés prouvent, que ces baifers qui nous paroiffent indécens , étoient fort communs dans les profefiions fecretes, de fajon qu'il ne faut pas les attribuer uniquement a quelques individus. Voici mes conjeftures fur cette matiere. Le leéteur fe fouviendra, que 1'Ordre du Temple avoit plufieurs profefiions différentes; a commencer par la feconde elles devenoient toutes fort fecrete?: des Templiers étant au fond les mêmes , va. rioient cependant dans quelquespetits acceiToires, qui dépendoient peut-être .de la volouté da perfonnes intéreffées , fur une fimple comparaifbn, fouvent peu exa£ie, des anciennes mceurs avec les nötres, &. jefuis perfuadé que fi, dans ces temsJa, d'autres corps avoient effuyé une pareille inquifition , nous aurions appercu bien des' coutumes fingulieres, dont nous n'avons aucune idee aujourd'hui. cinquieme accusation. Leurs Chapitres £? Réceptions fe faifoienp a huis-clos & de nuit, ou du moins, avant le lever du foleil. (r) Tout le monde favoit que leurs aflemblées avoient lieu la nuit (2). Un. feul Templier,Frere Robert de Sautre, dit- O) Parmi les 123 stticles, No. 97 —102. (e) Et in vetert tempt» (Parijiis) edificia Juni. midam numerojo exercitui Jujfrcientia & competeit... tia. Quia cum Templarii omnes cismontani temporibus oc terminis Juis ad generale eorum Capitulum, ctmveniunt; hospitia ibidem inveniunt competentia.. X)pcrtet enim quod in una Curia quiescant, quia de. tioBe Jua ccntra&ant in Capituk negefia. Maith. ïarif. Hift. Mag. p. 773.  Ï-NTENTÉES AÜX TEMPLIERS. $? dit qu'il a été rega dans Ia chambre duGrand-maitre, circa medium diei (i)... Ceci eft certainement une exception a* 1'ufage général, car il exifte une infinité* de confeflions des Templiers, oü ils aiTurent tous qu'ils ont été recus de nuic ou _ plutöt de fort bonne heure le matin, immédiatement avant ou aprèsle lever du foleil (2), tems auquel on tenoit Chapitre ; que leur réceptiona été fecrete (3); qu'il n'y a eaque des Templiers préfens (4), &, (O Du Puy, p. 304.' (2) Super fecundareceptionefua, qua hora fuerit K rêpetitus, dixit: quoi tri aurora inter diem {«ftfrcocttem, ty quod ealem horacelebrantw chniejline Ca,' pitula eorum. Du Puy, p. 393. Quiji bora prima ,. p. 300. hora tertia, p. 304. intra primam rjp tertiamBoram, p. 306, N. 41. item poft ortum fans. ib, N°. 36. aliqnantulum poft ortum ftlis, v.ïn ', & in prima dormitione, p. 524. Jurgebant Fiatres circa, tntdiam noiïm & punt Capituk ante aunram Da Puy. P- 577- (3) Fiere Patrice de Rippon: Quod imreffu fua duiïiïsfuit induiusNU.cam'fia ffbracciis tantum per longum adi um usqus ai fecretiorem domuml Du Puy, p. 519. De même auffi FrereAdartTde Walincourt, qui avoit quitté 1'Ordre & y étoit' rentré: Nuius cum fcmóralïbus 'tantum , a porta sxteriori usqu*. ai Capitulum veïiit, p. 342/ (4) FrereHugues de Tadecaffre dit, qiioiqu'iji n'eüt fait qu'une profeflfon, que: nullus fecularii1 /tót prafens quando fuerit' receptuil net efi'sm*-  §2 ESSAZ SUR llS ACCÜSATIOKS que les portes étoient fermées & gardes, (i) Les Juges des Templiers ne paroiffent pas s'être beaucoup occupés des différens degrés de 1'Ordre, & cela nous empêche de favoir au jufte fi cette différence des portes fermées aux portes gardées,. tenoit effe&ivement acelle du fecret qu'exigeoient les circonftances", comme on feroit tenté de le. croire d'après quelques paroles des confeffions qui fe trouvent en note; la première de ces deux précautions n'aura été imaginée que. pour accoutumer le peuple a.voir traïter toutes les affaires de 1'Ordre a huis-clos, & afin qu'il ne fit pas attention aux Chapitres du feconddegré.. ïia feconde aura eu pour but d'empécher les Chevaliers du premier degré de remario4 Magnus Prseceptor Templi qui erat in pradiBi loco, non veniret al collationem, quia parabat Reliquias quas portaverat e terra JanHa £? volebat- eai ofteniere Fratribus fuis. Ei poftea deprofunda mltt audivit cenfufum clamorem intra capellam ö1 furrexit deponent £? per foramtn elavis vidit magnum lumen ignis vel candeke in capella. Et in craftinum cum quereret a quodam Fratre Templit • de quoSanBofecerant ita magnumfeftüm ijia noBe; pradiBus Frater in palorem mutatus , quafi jlupefaBus & timens quod vidiffet aliquid de aBis per' eos; dixit Frater ftbi: Fade viam tmm; &f fime diligis & vitam tuam, nunquam Magiftris loquarii < ie materia ifta. Du Puy, p. 520. (2) .Ouplutót de la coilation. Du Puy, p. 92r D &  34 ESSAI; SÜR EES ACCÜSATIONS; quoi cet homme s'effraya , palit & lui dit, que s'il aimoit fa propre vie, il ne, devoit jamais parler de. cela a fes Supérieurs. Ces affemblées clandeftines avoient dés ce tems-li infpiré a plufieurs perfonnes des préjugés désavantageux k 1'Ordre (i), & cela étoit bien naturel, puisque de pareils myfteres n'étoient. • ni en ufage dans les autres corps, ni. jüftifiés par la regie mêmedes Templiers; d'ailleurs il étoit fort apparent qa'on ne, les avoit pas introduits fans raifon; cc l'on peut iürement conclure de-la, que 1'ufage de tenir Chapitre a huis - clos ne, s'eft introduit que par quelque raifon. cachée qui n'exiftoit point au commencement. Plufieurs confeilions uniformes des accufés, qui feront examinées dans. (i) En Ecoflè quinze perfonnes témoignent: Quod contra perfonas diBorum Fratrum diBi Ordinis* rubil fciunt dicere,nec de- receptione aut profeffione, quia nunquam videtunt aliquem in Scotia vel alibi ," in Fratrem- recipi vel etiam profiteri: quia femper ijiud clandefline faciebant. Fropter quod tam ipfi\ quam progenitores fui contra praiatum Ordinetn ö* Fratres ejusdem malam prafumtivnem babuerant.. Et. maxime cum viderint ceteros Religiojos publice , recipi ac etiam profiteri,' fcf infuis recepticnibut., üprofejponibus amices, parentes £p vicinos vocatk jPttTuy, p. 532..  tNTENTÉES AUX" TEMPLIERS.' Sj( la feclion quatrieme, deftinée a traiter de • 1'accufation qui va fuivre, feront voir •melle étoit cette raifon , & que les Templiers faifoient bien de la teniï fecrete. Les hiftoriens, révoltés de la dureté fi commune au quatorzieme fiecle chez les Rois & les Eccléfiaftiques, avec laquelle les Templiers furent traités ^ fe font laifles entrainer a trouver les Templiers entierement innocens & leurs Juges entiérement injuftes. Mais n'auroient - ils pas dü penfer, que le voile épais dont ils couvroient leurs affemblées, doit infpirer de grands foupcons contre eux; que ce myftere ne fauroit êtreTeffet du hafard, & qu'il eft par conféquent doublement néceffaire d'exa-> miner de prés ces fecrets, bien loin de glifler fur cette matiere, comme 1'onc fait tous les hiftoriens. f>7  $'6 ESSAI SUR LES ACCUSATIONS stxieme ACCtfSATION. X'. Ils étoient ebligês, h la réception fecrete, de renoncer a 'Jefus- Chrifi de marcher fur la Croix (i). a*. Ils ne fè fervoient pas de la formule de la Confécration (2), lorfqu ils communioient. 3'. Ils expofoient en Chapitre général une certaine effigie £f Tadoroient (3). 4?. On leur donnoit a- cette occafion une' ceinture, que l'on difoit avoir touché ïldole (4). Je raffemble ces' quatre accufationsen une, paree qu'eües fe rapportent les unes aux autres, & qu'en les examinant a fond dans la fection fuivante , ellesferviront a s'expliquer mutuellement. Nous avons vu plus haut, que ces accufations n'ont été avouées que par un certain nombre de Chevaliers, & nous en avons montré la raifon, ces coutumes étant proprement]aD?/c/p//«<3* (1) Voyez les 123 articles, No. i-i*., (2) No. 16.18. (3) No. 14.53. (4) No. 54-57.  ÏNTMJTÉES AïTX TEMPLIERS. Hf Arctrni de 1'Ordre , dont on ne faifoit part qu'a quelques Chevaliers d'élite , dans une ou plufieurs réceptions fecretes. Ces accufations font graves & j'avoue qu'au- premier abord elles paroifiënt étranges: cependant, la réalité eneft confirmée en tant d'endroits différens, par tant de-témoignages volontaires & confonnans, qu'aprés les avoir mürement examinées & comparées , on doit être perfuadé qu'ellesn'ont été ni controuvées ni forcées (i). Elles méritent donc certainement uit (5) C'eft ce dont plufieurs hiftoriens ont aimé i fe perfuader fans ia moindre- vraifemblance; 6: cela leur eüt été impoffible , s'ils avoient comparé les rapports des Templiers de différens • pays.' L'auteur de 1'hiftoire des Templiers, écrite en francois, n'a jeté lè-deffusqu'un coup-d'oeil en paiTant, & cependant il dit, du moins quans aux Chevaliers Francois : „ Qu'il eft hors de „ toute vraifemblance que, pour plaire au Roi, . „ ils euflent votfki deshonorer leur Ordre & „. imaginer des crimes; qu'il ne faut donc aucu„ nem'ent douter de la vérité de leurs confes,, fions". Mais fon tradu&eur Alletnand , qui n'a fait aucunes recherches la-deffus, comme on le voit évidemment, contredit fortnellemene fon auteur dans fes remarques peu inftruftives; il dit fans facon que tous les aveux des criminels font faux ou forcés, & que leurs grands biens ont été leur plus grand crime.  tS ESSAI SÜR LES A'CCÜSATIONÏ examen réfiechi; mais avantd'en venirla, il faut que je voie en détail ce qui a été dit par les accufés fur chacun de ces points, afin d'éviter la confufion des difcours-vagues qui fe détruifent mutuelleraent, Jl eft d'autant plus néceffaire de mettre de Texaéèitude dans cette opération, que les hiftoriens ont été la-deffus d'une négligence inconcevable & qu'aucun-d'eux n'a penfé a enchaïner ou a comparer tant de témoignages différens. La plupart de. ceux des Francois font incomplets, de fapn qu'il faut chercher dans 1'un ce qui manque dans 1'autre; mais, quoiqu'ils s'éloignent dans les acceffoires , ils s'accorden* quant au fond. Pour évi'ter' les longueurs,je nem'arrêterai point amontrer en quoi ces témoignages s'accordent 5 mais je ferai voir en quoi ils' different, & je promets autant qu'il fera en moi, de ne laiffer échapper aucune - circonftance propre a faire connortre le véritable état de la chofe. i°. Que dans les réceptions particulieres, les Chevaliers aient été oblige'3' de marcher fur la Croix & de renoncer" a Jefus - Chrift; c'eft ce que trop de témoins ont dit en différens pays pour,  I.K-TENTÉES AUX TEMPLIERS. 8& qu'on puiffe en douter, fans rejeter abiblument toute authenticité hiftorique. Mais ce qui rend la chofe encore plusextraordinaire, c'eft que la plupart en parlent avec indifférence, comme d'une mauvaife coutume a la vérité, mais qui une fois introduite n'avoit plus de mauvaifes fuites (i). Le Grand maitre de Molay dit tranquillement, que fon intention étoit de leur faire ce qui lui avoit été fait (2). Frere Nicolas de Compendio voulut d'abord s'y refufer, mais il s'y fournit lcrsqu'on 1'eüt affuré que tous les autres le faifoient (3). Quelque.uns croyoient que c'étoit en mémoire de St. Pierre, qui renia Jefus paa trois fois (4). On voit par - la combiences guerriers ignorans étoient peu accou^ tumés a réflécher fur. lei dogmes les plus. (1) Comme le Frere Godefroy de GonavilLt balancoit fur le parti qull avoit a prendre, le Grand - maitre lui dit; „ Je te jure que cela ne „ te peut nuire , c'eft la coutume de notre „ Ordre". Et le Frerö de Gonavilla recut lui-même dans la fuite plufieurs Cn'svaliers avec la même cérémonie, cedont, dit-il, ilpenfaêtreen peine. Du Puy, p. air. (2) Ibid. p. 208, No. 26. (3) Ibid. p. 212, No. 139,. (4) Ibid. p. 212 & 315,  £0 ESSAI SUR LÉS ACCUSATI0tf?S; facrés de leur créance, & comment cela' eüt-il puêtre autrement,- puisqu'il étoit défendu aux laïques de s'entretenir des matieres qui concernent lafoi (i); cela prouve auffi que cet ufage n'a pas été dans fon origine auffi-criminel qu'on 1'a fait paroïtre au procés, Si que les Templiers ne crurent point que cela les empêchat d'être honnêtes gens. Quelquesuns fe tirerent d'affaire par une reftriétion mentale Jéfuïtique , comme le Frere Jeart de Fullejo, qui adreffoit ces paroles Nego te au Grand-maitre lui-même, & non a Jefus - Chriffc (2). Quelques-uns, il eft vrai, ont été forcés a cette abjuration, paree qu'il eft fort naturel nnf* le? Supérieurs s'étant une fois avancés jusques- la, ne puiTenr gueres en revenir. On a employé contre d'autres la prifon, (3) ou la pointe de 1'épée (4) ; quelquefois 1'une & 1'au- (1) Par une Bulle do Pape Grégoire IX, en 1231. (ï) Du Puy, p. 207. Ce Cfievalfer démanda' confeil la-deiTus a un Avocat.quilui confeillade protefterdevant 1'Officialde Paris, quecet Ordre ne lui plaifoic pas; mais le Chevalier n'en fit rien. (3) Du Puy, p. 209, No. 64, & p. 210, No. 68 & No. 81. (4) Ibid. p. 208, No. 18, & p. 39ÓY  FNTENTÉES AUX TEMPLIERS. Qï tre (r); mais on ne voit pas que dans la fuite aucun fe foit plaint. Frere Thomas de Tocci de Thoroldeby fe laiffa, a la vérité, engager a renoncer a Jefus-Chrift & a cracher fur la Croix, cu du moins a cöté; (per refervationem mentalem) mais ce Chevalier confcientieux ne put confentir (2) a renier la Sainte Vierge, & il baifa les pieds de- fon image. Quelques-uns avoient formé le projet d'entrer dans un autre Ordre, mais ils ne 1'exécuterent point (3). Un feul Chevalier, Jean de Donyngflon, Anglois de nation, dit qu'il a quitté 1'Ordre a caufe de cela (4). D'autres en avoient d'abord fait pénitence,. mais n'y avoient plus penfé(5). (O Du Puy, p. 211, Nó. 112. (2) Ibid. p. 396. (3) Voyez p. 209, N°. 37; p. 210, N°. 8f5. Ge dernier dit qu'il auroit quitté 1'Ordre , fi Ia crainte de fes parens ne Ten eüt empêché; comme ils tenoient cet Ordre pour faint & qu'ils avoient facrifié. des fommes-confidérables pour fes voyages en O.-ient, il craignoit qu'on n'attribuüt fa renonciation au inanque de courage. Cet aveu eft remarquable, car affurement plufieurs Templiers-auront penfé de même. (4) Du Puy, p. 525. (S ) Le même Frere s'érc étoit confeffé al'Evêque de Poitiers, Gaulthier , de même que le Frere Goncerand de Montpefat, p. 216, &c.  9'2 ES'SAï SÜR LES A'CCÜSATIONS Frere Roberc de Supervülarri de Ifis' envoya fon neveu a Rome, 1'an du Ju-1 bile, pour en avoir 1'abfolutïori; mais celui-ci étant mort en chemin , il ne fit plus aucune démarche pour 1'obtenir (r). Frere Jean du Pont I'Evêque s'en confeffa a un Franciscain, qui ne lui impofa point d'autre pénitence que de jeüner tous les vendredis & de ne point mettre de chemife uri an durant (2). II eft bien étonnant que ce fut la feule pénitence d'un pêché auffi grave. 2°. La circonftance de 1'omiffion de Ia Confécration a la meffe par les Pretres des Templiers, étoit connue dés le commencement du procés des Commiffaires, qui firent les premières informarions contre 1'Ordre fous la dire6tion de Frere Guillaume de Paris en 1307. (■3) II y avoit peu de Prêtres parmi eux & par conféquent leurs témcignages doivent être en petit nombre ; il y en a cependant afTcz pour conftater le fait; je ne fache pas même qu'aucun (1) Du Pny, p. 208, No. 14. (2) Page 2ï 1, N°. 100. (3) Derechef li Preftre de 1'Ordre ne< facrent pas, a 1'autel 1c Cors de noftre Seigneur.  £-N-T2'NTÉ-ES AUX -TE MP L I E RS. .93 Frere-prêtre Fait nié , quoique plufieurs laïques ,difent qu'ils ne le croient pas; ,ce qui ne prouve rien , puisqu'ils devoient abiblumect 1'ignorer. Celui qui ell le plus détaillé ia-defius, efi; un Prêtre de Beauca;re , dont le témoignage prouve encore que les Chevaliers favoient fort bien qu'ils communioient avec des hollies non-confacrées (1). Qu'ils aient eu une tête ou une (1) Quant, a ce qui regarde ia conféention de la Sainte Hoftie, un feul Prêtre en a confeffé toutes les erreurs: difant, que celui qui le -receut-a 1'Ordre, lui coramanda de ne la confacrer a 1'autel, ny moins dire les paroles requifes & Sacramentale? a la. Con(éci;ation, fur 1'fJoftie qu'il éievoit & monftroit au peuple, ny a celles qu'il donnoit aux Tempbers, quand i!s fnifoient la communion. Ce mêine Prêtre a dit & confefle 1'avoir ex-iclement obfervé, fdon qu'il lui avoit été très-eftroitement enjoint, touchant les Hofties qu'il diftribuoit aux Frere? quand ils fe préfentoient a la Sainte Table: mais que-pour eelle de fon élévation a 1'Autel, qu'il tnontroit au peupie, quelle étroite & rlgoureufe défenfe qu'on lui eüt faicl:. il la confacróit toujours daus fon cceur, avec la même intention & les paroles Sacramentales a ce requifes. — II y en a jiéanmoins quelques-uns (peu toutefois) qui ont dépofé, que lorfqu'ils faifoient (e Commu. nion.ils croyoient,& fcavoient fort bien ne recevoir que feuilles blanches & des Hofties non confacrées. Du f uy, p. 220 & p. 392. In re.  54 ESSAI Süfl LES ACCUSAT10NS figure dans leurs Chapitres généraux.; qu'ils 1'aient adorée; que cette adoration ait été marquée par le mépris exprès de la croix, (i) c'eft ce que tant de témoignages uniformes & volontaires ont attefté en tout pays, qu'on ne fauroit en douter. Plufieurs difent que cette tête eft gardée a Montpellier. (2) Un Frere mineur, Jean Wolby de Buft, allure qu'un ancien Templier , Frere lean de Dingefton, lui a confié qu'on ' en avoit deux en Angleterre, ( 3 ) & eeptims extitit diBum ei quoi non crederet in Satramentum Altaris. (1) Le Frere Jean de Caffanhas raconte: Ie Précepteur apiès tira d'une boite une Idole de Aurichalco, en figure d'homme, Ia mit fur un coffre & dit ces mots: Domini, ecce, &c. —— Cela dit, ils 1'adorerent, fe mettant a genoux par trois fois, & a toutes fois qu'ils adorerent cette Idole, ils montrerent le Crucifix, infigmm «t ipfum penitus abnegarsni, & crachoient deffus. Du Puy, p. 215—ïi/6. Frere Jean Ducis de Taverniaco dit: & pour la tête , qu'il la vue en fix Chapitres & 1'a adorée , p. 209, N°. 36. Frere Rodolphe de Gyfi dit, de Capite, qu'il Pa vu in feptem Capilulit;— qu'ils 1'adorerent ainfi quand on le mon tra: Onvies ptoflernunt Je ai terram è? amotis caputiis aderant illué.p. 210, No. 88. (2) Page 210, No. 87. O) ^age 523: O?01* ^iStm fnneifflW»  ,1-NTENTÉES AUX TEMPLIERS. un autre Frere, dont le nom reffemble beaucoup a celui -ci, favoir Jean de Donyngfton, affirme qu'il s'en trouve quatre en Angletere & nomme les lieux. D'autres affurent qu'ils ont vu cette Idole en Oriënt & en Chypre; d'autres encore, qu'ils 1'ont vu tirer d'une .chaffe & pofer fur un piedeftal. (2) Un témoin affirme , quod aliqui Templarii portarent talia Idola in coffris fuis (3). Par oü l'on peut voir que cette Idole devoit être fortpetite, par conféquent facile a cacher, dans un tems furtout ou les images étoient fi multipliées dans 1'églife. Plufieurs difent .que cette effigie étoit de raétal.; d'autres, qu'elle étoit de bois argenté ou doré (4). Cela eft dans le fond trésindifférent. Quelquefois on la trouve füus le nom d'Idole, (Idohm') mais le fmant in Anglia; mum, videlicet Londonice in fempl» in Sacriftario ; aliud apud Hypcksbams tertium npud liruerem citra Lincolnicm, & quartum ultra Humbram ; wfcit tarnen 'iuratus in qu» loco. CO Bu Puy, p. 215. (2) Psge 526. (3) Page 208, No. 22. (4J Page 88.  9fj ESSAI SUR XES ACCUSATIONS plus fouvent fous celui de Tête (Caput).; une feule fois fous celui d'Idole en figure d'homme. (i) Comme iljeft plus fouvent parlé d'une Tête, il eft très-apparent que c'étoit un Bufte. Tous ne parient que d'une tête fimple , un feul excepté, qui dit qu'en Oriënt ils avoient une figure a deux têtes. (2) Beaucoup difent qu'elle eft barbue. (3) On trouve dans les fix Articles d'Abraham Bzovius, qu'elle a les cheveux noirs & crépus. Mais je ne trouve pas qu'aucun témoin ait dit quelque chofe de fix e fur cette cheve. lure. Un d'entr'eux dit a la vérité, que cette tête avoit un air affreux, comme celui d'un efprit malin;(+) & un autre, qu'elle a quatre pieds, deux du cöté de la tête & deux de derrière, (j) Peut- etre fO Du Puy, p. 9°- ' .... (2) Frere Henri Tanet: Caput anem Ufrons. lh\ïyibil%. 2»8, N"s. 2, 22. (4) Ibid. p. 25, & «° . N°: 9°-,.9ff eft de figure terrible, qui reffemble a un diable: dieendê Gailice d'un Maufe. Cela ne «flèmble Kueres I la figure d'ot; mais il eft poffible que la mal - adreffe du fculpteur en ait fait un diable , au lieu d'un homme., . fO Ibid. p. 250 ,N°. 87. Aucun témoin ne parle d'une figure d'animal; ces quatre pieds  INT-ENTÉES AI5X TEMPLIERS. ©7 •être que ces deux témoignages écïair■ciffent le difcours naïf d'un troifieme témoin, qui dit avoir vu deux fois cette tête en Chapitre , oü il ne faifoit pas fort clair (1). On fe reffouviendra que Jes Chapitres fe tenoient de nuit.; lors donc que la falie n'étoit pas bien éclairée , il fe peut que tous nauront pas également bien appercu 1'Idole, & que •ceux-la auront fuppléé le défaut de leurs yeux par la force de leur imagination: ce que nous voyons arriver fi fouvent dans toutes les chofes qui manquent de clarté. Cette tête. avoit un nom; c'eft ce que deux témoins ont confirmé, quoiqu'ils .manquent d'exactitude fur une circonftance acceffoire. Le Frere Gaucerand de Montepefato (2) dit; que le Supérieur lui fit voir une Idole barbue, faite in •figurant Baffometi; & le Frere Raimond ■Hubey (3): .„ Idem, que les autres, Jie fauroient donc être des pieds de béte, & comme il n'eft parlë que d-' la tête & des pieds, il eft plus naturel que c'ait été un bufte pofé fur un piedeftal, foutenu par quatre pieds, coaw> ■me l'on en voit encore aujoard'hui. (ij Du Puy, p. 2to, No. 90. (2) Page 216. (3) La-même. E  98 ESSAI SUR LES ACCUSAT20N* „ pour 1'adoration de 1'Idole , ubi erat „ depifta figura Baffometi" II n'y a donc d'incertitude que dans .cette petite circonftance, favoir, fi c'étoit une figure queiconque tailiée, ou feulement u ie peinture. Du Puy dit que cette Idole s'appelloit Baffometum. Je ne vois pas pourquoi c'eft Baffometum4 ce mot étant -chaque fois mis au génitif, il peut être tout auffi bien Baffometus, ou plutot Bttphemetus, comme je voudrois 1'écrire pour des raifons que je dédnirai dans la Seétion fuivante. 4°. Enfin la Ceinture étoit la marqué de la Chevalerie. Les Templiers ea recevoient une a leur réception publique. Le Frere Tiiomas de Touloufe, qui ne veut point reconnoitre de réception fecrete , dit: qu'ils portent une ceinture, non a 1'honneur d'une Idole, mais felon la regie de St. Bernard, (i) & plufieurs 1'appellent la ceinture de chalteté: (2) mais il n'en eft pas moins vrai qu'ils recevoient dans la profeffion fecrete une autre ceinture de lin, qu'ils devoient toujours porter fur leur ehemife. Cette ceinture étoit la marqué (1) Du Puy, p. 3°i- (2) Ibid. p 304, 374'  INTENTÉES AUX TEMP LI E R 5. 99 fecrete d'une nouvelle Chevalerie & devoit fervir a leur rappelier continuellement leufs nouveaux engagemens. Certains Chevaliers de Beaucaire le difent pofitivement: (i) ceux-ci étoient du fecond degré & avoient refu la ceinture , fans avoir jamais vu 1'Idole: c'elt auffi le cas de plufieurs autres & cette circonftance prouve, que ces ceintures ne devoient pas avoir été approehées de 1'Idole , comme on 1'a prétendu. (2) On a voulu conclure de-la, que cette cérémonie fuppofoit des idéés O) Que certain cofdeau ou ceinture étroïte leur étoit donnée en leur réception, qu'ils ceignent fur leur chemife & font tenus de porter toute leur vie, en figne qu'ils font inviolablement aftreints aux chofes par eux promifes a leur enrrée. Du Puy, p. 210. (2) Et ceint 1'en chascun quant il eft. recefl 8'unecordelette fur fa chemife , cela doit toujours li Frere porter fur foi tant comme il vivra. Et entent l'on que ces cordoles font touchiées & mifes entour une.Idole , qui eft en la forme d'une tête d'homme en grande barbe. Du Puy, p. 2C2. Frere R. de Hamilton dit , p. 300: 'Ufum Cinguli fatetur propter boneftaiem, c? nominatur eum , Cingulum de Nazaretb , tiBum ai ■quandam Columnam. Ce Chevalier , dont on ne fait pas pour certain s'il a été recu du fecond degré, entend probablement par Columna, un Bufte pofé fur quatre pieds. £ 2  100 ESSAI SUR LES ACCUSATLONS Se magie; mais on a vu que plufieurs Freres avoient recu la ceinture fans avoir vu 1'Idole. On trouve, il eft vrai., que ceux a qui on montra ce fimuT fa.cre lors ^de leur réception fecrete , eurent en même tems la ceinture ; mais cela fe faifoit a caufe de la réception fecrete , & point pour 1'amour de riJo'le. Je crois que nous trouvons 1'explication la jjIus naturelle de ce bruit populaire dans les aveux du Frere Gaucerand de Montepefato, oü il dit: que le Supérieur qui le recut, tira cette ceinture de lin, de la même caiffe qui renfermoit la figure. ( i) II étoit fimple qu'on raffemblat .dans .-un même lieu tous les inftrumens fecrets de 1'Ordre, fans qu'il y eut-la aucun deffein. Qu'on ait voulu s'en fervir pour des opérations magiques, c'eft ce dont on ne trouvera pas une ombre de probabilité dans tous les témoignages réunis; Et, fuppofé que quelques Chevaliers aient fait de pareils efl'ais, cela ne fuppofe pas une jnftitution formélle de Ja part de 1'Or- (i) Et lui fut baillé une .ceinture, qu'il tira d.e la caiffe oü roit cette Idole, & lui commanda de la garJer & de la porter perpétuellement. Du Puy, p. 2ió.  VNTE N TÉ E S AUX TEMPLIERS. IOI- dre 'r combien de fois n'a -t- on pas voulu employer a cet eftet, alors comme de nos jours, des chofes véritablement faintes, qui n'ont certainement pas été. inftituées dans ce but!' En Angleterre, une perfonne quf prétendoit avoir été dans un lieu caché, témoin d'une affemblée fecrete dè 1'Ordre, affirme, (i) qu'ils. dépoferent tous leurs ceïntures dans un même endroit. Ce rapport fufpecl a plufieurségards 1'eff furtout, en ce qu'il fe fondè fur des ouï-dire de perfonnes- qui n'exiftoient plus: cependant, fi cette circonftance eft. vraie, il doit être queftion de^ la ceinture qu'ils recevoient a leur prémière profeffion ; cela voulok dire qu'ils alloient s'oceuperr non de ce que leur regie pubüque contenoif, mais de ce qui avoit rapport avec leur profeffion fecrete, dont auffi ils ne quitj. toient jamais la ceigture. Je viens de rapporter auffi clairement & auffi fidellement qu'il m'a été poffible toutes les circonftances qui fönt venues jüsqu'a nous par 1'organe de témoins irréprochables. Pour expliquer com- (i.) Du Puy, p, 517.  102 ESSAI SUR LES ACCUSATI0NS* ment 1'Ordre a été induit a adopter ces chofes, & pour indiquer leur véritable fens , nous avons befoin ■ d'une exaótitude & d'un détail qui demandenfc une fecüon a part, S E C T I O N IV. Examen dètaillè de Fufage adoptè dans F Ordre du Temfle de renoneer a Jefus- ChrtJI , 8> da nom de Bapbemetus, avec tout cequi appartient a ce fujet.. f~\ u E les Inquifiteurs , dès qu'ils; avoient obtenu 1'apparence d'unaveu fur toutes ces accufations r fe preffaffent de condamner les maiheureux Templiers fan* autre examen, foit a Tarnende honorable, foit a la prifon perpétuelle , foit même aux fiammes, c'eft ce qui eft trés-conforme a 1'elprit de ces tems, oü l'on s'occupoit beaueoup plus de condamner & de punir 1'Héréfie, que d'en rechercher les principes; a quoi. en effet auroient- elles-  ÏNTENTÉES AUX TZMPLTERS. 103. pu f.rvir, puisqu'on attachoit la peine de mort a toute opinion qui s'écartoit le moins du monde des chofes que 1'Eglife ordonnoit de croire, & qu'on ne pardonnoir aux Hérétiques que par une grace toute fpéciale & après leur avoir feit figner une profeflion de foi? Ces profefiions & les buchers font de grands empechemens a toute recherche; les uns& les autres font caufes de robfcurité qui enveloppe 1'hidoire des Béréfies, & furtout les myfteres de nos Templiers. Dés'qu'on appercevoit de 1'Hëréfie, on ne raifonnoit plus; car pour condamner aux- fiammes on ne regardoitpas a une erreur de plus ou de moins. Mais on a lieu de s'étonner de ce qu'après tout ce qui a été écrit fur les Templiers, perfonne n'ait entrepris a débrouiller leur hiffcoire. Une horreur trés - jutte & trés-frappante a fervi de prétexte a tout le monde pour éviter une difcuffion aiTurement embarraffante;: on-s'eft contenté de crier a 1 'horreur , i Yimpojjibilité, fans rélléchir que fi des térnoignages inconteftables prouvent la rèalité d'un fait peu probable, il doit exifter un pointr de vue fous lequel on Fappercevra raieux. Suppofé que les & 4  104 ESSAI StTR LES h C C TJS A TIO'NS erreurs frappent; que l'on aille a la; recherche de leur caufe ! II y a tant d'exemples que les dogmes les plus abfurdes ont dü leur origine a la meilleure volonté & au meilieur caraélerel II eüt été queftion de chercher dans 1'hiftoire, les mceurs, les dogmes, les opinions de ce fiecle & des tems antérieurs, ce qui avoit pü induire en erreur 1'Ordre des Templiers. II y a quelques mois que, lifant pour la première fois avec attention les confelfons de ces religieux, je fus frappe de plufieurs circonftances propres a expliquer-cette matiere, & je fus trèsétonné de voir que . perfonne n'en eüt fait ufage: en pouüant mes recherches, j'ai taché de répandre le plus de lumiere poffible fur des faits auffi obfeurs. Les Templiers nous difint que la tradition de leur Ordre porte, que la coutume de renier Jéfus y a été introduite par un Chevalier, (i) qui avoit été (i) Du Puy, p. ai2. JI dit a Ia vérité que c'eft uu Grand-maitre; mais 1'hiftoire ne nomme aucun Grand-maitre qui ait é;é prifonnier des Sarrafins ; elle ne dit rien non plus du Grand-maitre Iloncelin (p. 213) ou .Proccli» (P. 3i5,'.  MTTENTÉES AUX T-EM PEI-E-R-S. SCf, été pris par les Sarrafins, lesquels 1'avoient relaché fous la condition qu'il introduiroit cette coutume parmi fesFreres. Mais cela ne fauroit être abio» lument vrai, car en fuppofant-que ce: Chevalier eut voulu par cette promelTe. lauverfkvie, ou fa liberté,il n'eft.pas croyable que le danger étant paffe, il! fut refté attaché a une croyance qui lui! avoit été impofée par la. force,& qu'au, contraire il ne s'en fut décharge par la-, pénitence & 1'abfolution. Et comment. auroit-il été pollible que , fans le con*cours d'aucune circonftance favorable,. il eüt pu, appuyé fur fa.feule promeffe au Soudan, faire confentir 1'Ordre entier a un pareil changement & celafous le voile du plus profond myftfere ; & quelle n'eüt pas dü être la fottife du. Soudan, s'il fe promït le moindre fuccès d'une promeffe obtenue par un pareil moyen?/ Je crois cependant qu'il ne faut pas. entierement négliger cette induótioiv (P- 3iS) «l11© l'on donne auffi pour raüteur dccette coutume. II n'eft, au refté, pas néccffaire que c'ait été précifément un Grand • rnaicre; il ne falloitpcur cela qu'un Chevalier, qui eut ducrédit dans 1'Ordre,  I06 essai suk les accusat i O üSï Nous voyons par le témoignage circonftancié de plufieurs, que cecommandement du reniement de Jefus - Ghrifb étoit accompagné de celui de croire un Dieu Tout-puiffant, Créateur du Ciel & de la Terre (i). Ori vok donc qu'il n'étoit queftiom ni de moquerie ni de méchanceté, mais^ qu'on vouloit nier la Divinité de Tems* Chrift & établirl'Unité de Dieu. (2),. (1) Frere Jean deStoke: hüerrogam W teftis, in quem dixerit fiI i Magijier quod credere deltret, turn Je/urn-Cbrijlum abnegajfet, rejpondti, quod in Magnum Deum Omnipotentem quicreavit Cozlum. Ö3 Tenant, £? ««n in Crucifixum. Du Puy, p. 399. Freje Thomas de Toccy de Thoroldeby: quod diiïus Guido Magnus Magijier dogmatizavit. turn, quodcrederet in magnum Deum:. & injunxiteidem , quod floret in Jocietate bonorum, Firorum. Ordinis, p. 396. Frere Jean de Gaflanhas: Ie: Précepteurlui-dit.il faut que vous promettiez i Dieu & a nous— quecroyez en Dieu Créa"eur, qui n'eft mort & ne mourra point,p. 215. Queiques-uns D'avoient a la vérité pas trop bien eompris cela, comme on peut ie voir par Ie témoignage de Frere Etienne de Stapelbrugge, qui dit: (Voyez du Puy, p. 395) Nefcio in quem credere deberent, nifi in malignum Jpiritum., Mais il eft Ie feul qui parle ainfi , & il trahit fa fimplicité en ajoutant, que dans chaque Cha=pitre on perdoit un Chevalier (c'eft - a - diie, que fe Diable emportoit.). (ft) Oportet ie negare Jejum-Cbrijlum ejjt verum  mtntnnsÊM» a-ux tempiiers. iot Mais nous- favons que 1'Unité de Dieu eft le grand dogme de la Reiigion Mahométane. Les Sarrafins,. pour quile myftere de la Trinité étoit incom*préhenfible & 1'adoration* des^ Images fcandaleufe, reprochoient aux Chrétien»' qu'ils avoient plufieurs- Dieux, & ne. balancoient point a les nommer Idolatres, (i)-efclaves de la Croix, tandisqu'eux - mêmes fe donnoient ie titred'Unitaires ( 2 ). Ces idéés enflam*moient le zele des Mahométans, tout comme celui- des Chrétiens ; les? deux. nations appelloient la guerre , qu'ellesfe faifoient, une guerre fainte. Les Mahométans difoient, que la créance de 1'Unité s'étoit mife en campagne Deum {ƒ hominem. —* Dogmitizavii, turn, quod J', C. non erat verus Deus £p verus homo. Da ?uy, p. 39?: erat enim filius cujusdam mutieris £f quia dixie [efilium Dei^fuit Crucifixus. p;soo. (1) Vita res geftce Sultani Almalichi, Alna. Jiri, Saladini, auiï. Bobadino F.Sje.ldaii ex edit. Alb. Scbultens'. Lugd. Bat. 1731. in fol. Confcri. here dggredior de Rege viSmqfo, Domitore Servorma Crucis - Saladino ■ Ereptore Sancla Dei Domus e manibus Idohlatrartm, p. 1. (2) Ibi quum Franci untm coitfonum tollerem tlamorem, gravis Mufulmanos opprejjst calamitas , Vnitariisqut infandus creatus dolor eft.. Ibidem,. P. 180. £ 6-  108 ESSAI SUR LES ACCUSATION* contre celle de la Trinite'; que le fidele s'étoit élevé pour détruire 1'impie (1). La fureur monta de part & d'autre au plus haut degré. Au eommencement, Saladin fit périr tous les prifonniers & furtout les Templiers; mais lorsque cette première rage fut calmée, lorsque les deux partis fe furent réciproquement envoyé des hérauts, qu'ils eurent confenti a des armiftices & a donner ia vie aux prifonniers, ils fe connurenD mitux, & dès-lors leur haine dftt s'af* foiblir. Danslafuite, lorsqu'un Templier étoit pris, il eft poffible que fon. vainqueur le traitat avec humanité; mais il devoit fupporter fans doute le reproche d'Idolatrie. Un guerrier qui avoit fuivi la carrière des armes dés fa première jeunefle, qui fouvent ne favoit ni lire. ni écrire , qui peut-être • Francis allata famet exercitas alundantis, af». que adeo mafii maris undantis, Unitatisque fidem adverjus fidem Trinitatis exiijje , prolumque ad sondemnandum imprelum confurrexijje , metuunt, &c. Ibidem, dans 1'addition : Excerpta ex libro Eloquentie KuJJiticee, fcr. a Amadeddino Muhamï mede JJpabansnfit, p. 22. Veyez auffi une Lettre du Sultan d'Egypte au'Pape Innocent IV, oü il montre .fon averfion pour le Dogme de la Trinité. Voyez Raynakii Contin. Baronii, ai 1247»  IN TENT ÉE g AlTX T EM PLIEB.S, XOC*" n'avoit jamais réfléchi fur ies dogmes de fa propre religion, a qui, comme laïque , les Papes interdifoient même de penfer , de parler , de s'occupers des matieres de la foi, devoit avoir de la peine a les défendre contre les Mahométans, pour qui le grand principe ,. je crois ce que l'Eglife croit, qui termi* noit alors toutes les difputes, étoit fans autorité;. Pendant le moyen-age les Chrétien3 &même beaucoup d'EccIéfiaftiques n'avoient fur la Trinité que des idéés bien vagues (i). Le Dogme de la Divinité & des deux Natures de Jefus- Chrift,. fi_ étroitement lié avec celui de la Trinité, avoit produit depuis 1'introduction du Symbole d'Athanafe une foule d'opinions, de controverfes & de fee* tes. Chacun vouloit expliquer a fa maniere les myfteres des deuxNatures Divine & Humaine; c'eft ainfi que naquirent. (i) Lorsque Abelard fut accufé au ConcilfS de SoilTons pour le principe contenu dans fo» Ouvrage de trinitate : que'Dieu le tere eft Jeul Tout-puijfant , le Légat du Pape s'écria : q»& tous- les enfans favoient qu'il y a trois Tout> puijjants. Voyez PHifloirede 1'Univerfité de Paris par Crévier. Tom. I, p.. 241; ou bien Eulsai Hifi. Univ. Par. Tom. II , r* 71. E7  JPIO', ES S A I ' SUR L' E 3: A C C U S ATI O NS: lesfect.es des Monophyfiens, dés Adop* tiens, &c. II s'y joignit bientot des Gnoftiques- & des Manichéens-, qui« jnodifiant & changeant leur fyftêmede génération en générationi vouloient a toute force éclaircir les idéés groffieres • que l'on avoit fur lés deux natures de notre Seigneur-, par je ne fais quelsprincipes mal entendus du Platonisme moderne tous fe&aires- qui rejettoient la Divinité de Jéfus. L'églife regnante excommunia a la vérité ces héréfiesj^ mais de pareils procédés ne détruifent point les opinions, ils font feulement qu'on les difiimulè ;. elles fubfiflent en= fecret & s'étendent confidérablement,, dès qu'elles. trouvent dans l'efpnt humain un principe qui les favorife. L'histoire eccléfiaftique de tous les fiecles nous en fournit des preuves convaincantes. On trouve particulierement dans celle du douzieme & treizieme fiecle , plufieurs tentatives pour éclairer & fixer le Myftere de la-Trim té, & il eft remarquable que ces efforts fe terminerent presque toujours a des idéés d'unité, qui ne tarderent pas a être anathématifées. On connoït les héréfies des  :WT2NÏKES AL'X' TEMPLJESSi «RB Cathares, qui ne reconnoifibient Jéfusque comme une créature, & des Albigeois, qui füremenc ne Je croyoient pas Dieu, II eft remarquable que 1'origine de la feèle Philofophique des Nominaliftes, qui s'éleva au onzieme fiecle dans l-'Uhiverfité de Paris-, fut en même tems= celle des principes d'Unké, qui.fe reV pandirent en Eürope 3 cette époque. Rofcelin, chef de ces Philofophes,. foutenoit qu'én admettant Ja Trinité iï falloit admettre trois Dieux , puisque fans cela Dieu le Pere & le Saint Efprit auroient dü s'incarner avec le Fils. Ui fut „condamné. Mais fon difciple.Abeilard s'expliqua beaucoup plus clairement. encore dans fon livre de Trinitate^ &: foutint: ,, Que Dieu ie Pere elk feul; ,,, Tout-puiffant." On Jarefuta feloni la mode de ce fiecle, c'eft -a-dire que le Concile: de Soiffons 1'obligea dejeter lui-même fon livre au feu, de.réciter lefymbole d'Athanafe (1) & de.faire une. retraite dans 1'abbaye de St. Médard.. L'Evêque de Chartres voulut enfin le défendre. SéS violens adverfaires, Albéric & Lodulphe , foibles difciples du très- (1) Hiftoire de 1'Univeifité de paris par Cré«•wer,,T.oae I, p, 138,  802 ESSAI SUR I/ES AC C VS AT I O.IJS? fbibiè A-nfelme, le condamnerent, eir criant qu'il étoit déja coupable par cola feul , qu'il avoit enfeigné fans la permiffion de 1'Eglife; & plufieurs Peres du Concile , furehargés d'un bon-, repas,. approuverent cette condamnationpar un figne de tête,qui ne troubk point leur fommeil (i). Je crois que l'on peut mettre au. nombre des caufes de ces nouveautés dans les opinions , non - feulement lesufurpations monftrueufes des Papes fur les droits de tous les peuples, mais encore le commerce des Européens avec les Mahométans , fuite naturelle de» Groifades & des conquêtes des Mauresen Efpagne.. Tandis qu'il ne reiloit plus une étincelle de favoir parmi les; Chrétiens, plufieurs branches des Sciences fipriffoient chez les Mahométans; ils avoient en Oriënt des Bibliotheques (:) Berenger raconte., que ce jour-Ia lesPeres du. Concile avoient tant mangé 6c tant b"u, que plufieurs's'endormirent pendant les débats, quoique trés-bruyans, qu'élevoit ia doctrine d'Abeilard; & qu'ils ne purent prononcer. du fameux damnamus, que le namus. Ita, dit-il, qui vgilarat in Lege Domini, die &f noUe, damnatur a Sacerdotibus Baechi, Semler,Ouvragq. Aliemand, Tom. I, p. 49$,  INTENTÉES AUX TEM'PLIEKS. 1IJ & des Académies fameufes, & ils éta* blirent en Efpagne des écoles-, a Cordoue , a Séville, (i) & leurs médecins étoient, avec ceux des Juifs, les meilleurs que l'on connüt; encore les Juifs tenoient - ils cet art des Arabes,, Les principes de la Chymie nous viennent d'eux; ils favoient les Mathématiques> & ils s'étoient formés pour la. Philofo» phie d'après les Grecs, dont ils avoient traduit les ouvrages. Plufieurs Savans. voyagerent en Efpagne pour 1'amour de ces Sciences , & ils s'appliquerent a la langue Arabe , par la méme raifon. En étudiant les fciences des Infideies,. on connut leur religion , & l'on Vit que 1'Unité de Dien étoit leur premies commandement. On chercha a la refuter cette religion, mais en y travail» lant on fe rapprocha très-fouvent de fes dogmes, en s'éloignant. en. même (i) Le Hoi de France, Sr. Louis, &■ fon retoui de fa captivyé forma une bibliotheque dans !a chapelle de fon palais , pour laquelle il iiï tranfcrire plufieurs livres. 11 avoit vu de ces bibliotheques chez des Princes Mahométans, & il les imitoit en cela: „ Car, difoit-il, les„ Enfans du Siècle ont plus d'efprit que les ,, Enfans de Lumiere." Crévier T.ome IJ».  ESSAT SÜR LES ACCUSATION3 lems des décifions des Concilesi Cela alla fi loin , que les chefs de 1'églife commencerent a en prendre ombrage,. car ils fentoient combien la créance & avec elle leur autorité auroient a fouffrir, dés qu'il feroit permis aux hom> mes de penter & de ne plus croire aveuglement. Puur montrer que ce que je dis ici, ne fout pas de vaines hypothefes , je me contenterai de ralTembler quelquesexemples-, de 1'influence des fciences & de la religion des Mahomécans fur Hefprit dogmatique des Chreüens de e&: fiecle;. Frédéric 11', 1'un des Prihces lés plus-" éclairés- que TAllem^gne ait- eus , qui s^óppofa avec tant de courage & de conftance aux. ufurpations- de 1'Egüfe Ó£' qui par - la; s'attira une fi terrible perfécution du Pape Grégoire IX (i); cePrince, dis-je, fit traduire en Latin les écrits des Arabes (2.). Lui- (r) Jl vaut bien la psine de lire dans Tbistorien impartial Matthieu Paris, comment la fureur dti Pape & la fermeté de 1'Empereur parvinrent également a leur comble. Hilt. Ma. jpr. 1239, p. 416 & fuivantes-. (2) Cette ordonnance fe trouve dans- PetH.  BNTENTÉKS AUX TEMÏtIERS. IfJjj même, dans fes croifadss, avoit fait connoiffance avec eux; on dit même qu'il entendoit leur langue: & tout comme la traducüon de 1'Ariftote Arabe öt d'autres ouvrages Orientaux , donna les premiers rayons de la lumiere qui devoit éclairer 1'Europe , & fut en effet la. caufe de cette feóte de Philofophes. Nominaliftes ; de même auffi le goüt décidé de cet Empereur pour les- Auteurs Grecs-,. traduits, par les Arabes,, contribua beaucoup a répandre la PhiIpfophie d'Ariftote,. qu'Othon de Freï*. fingen avoit tranfplantée en Allemagne,,, dés le tems de 1'Empereur Frcdéric Barberouffe. II eft très-décidë que ce commercede 1'Empereur avee- les Arabes & iow gpüt pour leurs écrits,. déplut cxtrernement au Pape & porta le Pontife kx accufer ce Prince d'avoir de mauvais-. deffeins contre la Religion Chretienne (i), öi d'être 1'auteur de 1'ouvrage ieVineis Epifiü. Lib,. III, No. 67 , p. 480. Celfius- en parle encore dans fon Hifi. Erud, Ara.bu.nu dans la Ëibliotb. Brem. Nov. CLIV. (1) Voyez une Lettre de ce Pape a tous fes. Souverains, qui coinraence ainfi : Aftendit ds mari beflia, &c. Fidei occultos olim paravit arietes, c5* nunc apertas macbinai. infimit i. hrmel-i»  tV3& essai sur les a'ccïïsatiw oonnu föus le ticre , des trois Impos-tmrs, Moïfe, Jefus ■ Chriji Makomen (-i)r ce que j1'Empereur nia. Ce Pritir ce, au refte-, n'étoit pas Orthodoxe fur tous les points& l'on attribuoit fon? hétérodoxie a fes liaifons avec les Arabes (2).- Le fameux Raymond Lulley qui avoit formé le chimérique projet de oonvenir les Mahométans , obtint du,. tarum-gymnafia onimas evertentia conjlruit, & iriübtijium confurgit,. Matth. Paris, Hifi maj. p» 4SS:> & Coietit Loticüia , Tom. xiii, p. ii4e preccijus -eecle/ïos ajjumit facrUegus ore palluto protejlans , nullan figandi filvendi datam Cbrijli Vicario potefiutem. Hoe quidem ipfe de Grcecorum fjf Arabum cmverüüenefujiepit. Harena, p. 60.  TNTENTÉES AUX TEMPLIERS. Tlf Pape Honerins IV, en 12.90, 1'établis* fement des Profeffeurs en langue Arabe dans 1'Univerfité de Paris , & dans le même Concile qui abolit les 1'empliers a Vienne en Dauphiné, 1'an 131 r, il «btint deréchef du Pape Clément V, qu'on en établiroit de -même a Rome.„ Gxford, Bologne & Salamanque, afin qu'on put lire les ouvrages originaux des Infideles, & les refucer avec con* noiffance de ,caufe. Cependant, dés 1'an 1325 le Pape Jean XXII écëivoit a fon Légat en France (1), qu'il eüt a avoir 1'ceil fur les Profeffeurs des langues favantes, afin qu'ils n'introduififlent pas des dogmes étrangers, pris dans les livres que leur ■vocation les obligeoit de lire. II paroit •même que cette crainte a fait réformer dans la fui te ces Profeffeurs en langue Arabe, puisque 1'hiftoire de 1'Univerlité de Paris n'en parle plus, jusqu'au regne •de Henri III, qui, au feizieme fiecle^ £n rétablit.une chaire. Lorsque Renaud, Prince de Sydon\, fe rendit en 1189 auprès de Saladin, fous un prétexte honnête, mais dans (1) Crévier., Hiftoire de 1'üniverfiié de Paris, Tomé II, p. 212 & p. 227.  rfl8 ESSAI SUR L E S ACCU S A T T O N'S l'intention de le tromper., il fit ufage de fes connoiflances en langue Arabe, pour faire pendant le repas un parallele des Religions Chrétienne & Mahométane (i). L'extrême dureté du Pape Grégoire IX fut caufe que les laïques commencerent a porter leurs regards fur les abus qui défiguroient le Chriftianifme; quelques - uns même pouflerent le mécontentement jufqu'a embrafler la religion de Mahomet (2). Avant ce tems • la TEvêque Jean de Séville en avoit donné 1'exemple f3): plus anciennement encore Atton, Evêque de Verceil , avoit été obligé de défendre a fon troupeau de fêter le vendredi (4), ufage qu'ils tenoient des Mahométans 4 & Jorsqu'en 1250 Saint Louis fut pris par les Sarrafins,plufieurs perfonnes de fa fuite renoncerent a la religion Chrétienne. Cela pouvoit venir ■a la vérité de 1'affreufe diflblution des croifés, qui feule devoit infpirer de (1) Marin.Hift. de Sa'ladin.Tome II,p, 27, (2) Raynaldi Cont. Baron, ad 1231, No, 39. (3) Baronius ad 1136. (4) Dacberii Spkdegium , Toine 1, p. 443. Voyez aufll les Canmez jduonis, p. 402.  i NT EN TÉ ES AUX TEMPLIERS. Hp 1'horreur aux honnêtes gens, tandis que d'un autre ,cö té les Mahométans avoient des mceurs & de la retenue. On eft faifi d'étonnementjlorsqu'on lit la peinture qu'un témoin oculaire, Jaques de Vitriaco (i), fait des mceurs, non feulement des Laïques, mais encore de celles des Prélats, des Prêtres &des Moines. Enfin les Croifades firent que les Chrétiens & les Sarrafins trouverent mille occafions de fe connoitre plus particulierement ; ceux- ci établirent un corps de troupes légeres qu'ils nommerent Turcopoles 4 compofés de jeunes gens iffus d'un pere Sarrafin & d'une mere Chrétienne (2): les Chrétiens,de leur cóté, avoient dans leur armée uné jeuneffe nombreufe,iffue de peres Chrétiens & de meres Syriennes , qu'ils appellerent Pullanit& qui, par rapport aux mceurs & a Ja créance , étoient Sarrafins plus qu'a demi (3). (1) InHift. Hierofol. Tome I, Ch. 69. & *i geftts Dei per Francos, TomeJ.p 1087 & 1088. (2) Voyez du Cange . mot Fwcopoli. ( 0 Ipftus quoque terra noui indigenm , gaos Pullanos vocaHnt Saracenorum inftrti vicinia,non multum abeisftdevel neribus difcrepabant, atgus  ESSAI SUR LES ACCUSATIONt Ces nations fe familiariferent au point qu'elles donnerent des tournois en commun , que les Chrétiens danfoient au fon des inftrumens des Sarrafins, & que ceux-ci prenoient .plaifir aux chants des Chrétiens ( i). L'orgueilleux & colérique Pape Grégoire IX entra en correfpondance avec le Soudan d'Egypte, dans la vue de perdre 1'Empereur Frédéric II. Le Pape Innocent IV, au contraire., défendit aux Chrétiens par une Bulle de .1253 , de battre de la monnoie avec 1'empreinte de Mahomet, ufage qui, par conféquent,devoit être devenu fort commun. Les Templiers accordoient aux Sarrafins la liberté de leur culte ( 2 ). L'Ordre, autant que 1'Empereur Frédéric II, & le Roi d'Angleterre Richard , conclurent en différens temps des alliances avec eux: les prifonniers étoient bien traités de part & d'autre; quelquefois on les ran- connoit inter Cbriftianos £5? Saracmes tanquam qu'dem neutri ejje videbantur, dit du Cange, au mo; Pul4ani. Jacob de Vitriaco en rend un compte inoins -favorable encore. (1) Marin , Hiftoire de Saladin, .Tome II, f. H6. (a) Voyez Mittbieu «Paris, p. 547.  ÏNTENTÉES AUX TEM^LIE-RS. 12.1 # gonnoit & fouvent on les renvoyok fans rancon. Les Chrétiens fe perfua* derent enfirj que les Sarrafins, qu'ils avoient d'abord mis au niveau de la brute, étoient un peuple généreux & même éclairé. Saladin s'acquit 1'eftime générale. On dit qu'il fe fit initier luimême par un Chevalier prifonnier 5 Hugues de Tibériade, dans toutes les coutumes de 1'Ordre , a la profeffion prés, & cette anecdote (i), vraie ou fauffe, prouve au moins que les deux nations s'obfervoient avec beaucoup d'attention. Toutes ces coniidérations prifes enfemble, il ne paroit ni étrange ni improbable, qu'un Templier , au retour de fa captivité, ait coniié a fes freres que les Sarrafins ne croyoient qu'zm feul Dieu; découverte qui aura nécerfairement excité leur attention. En attendant, & je Pai déja remarqué, il falloit d'autres caufes concourantes pour faire recevoir cette doétrine com- (i) On en trouve un récit fort naïf en vers Gaulois, a la fin du fecond volume de 1'Hiftoire de Saladin par Marin, & dans les Contes & Fabliaux du XII & XIII Siècle ; édition de Paris 1779. Svo. Tomé I, p. 133. F  :S 22 E.SSAI SUa LES ACCUSATIONü me regie fecrete de l'Ordre.-j il n'efl pas apparent que pour 1'amóur des Sarrafins les Templiers fe foient décidés ■a renier Jéfus, le Sauveur de tous les Chrétiens, & a introduire dans leur Qrdre une nouvelle .profejjion fecrete. .L'hiftoire nous laiffe encore des tracés qui expliquent les véritables circonftances de ce fait fingulier. Les Templiers confervoient une image, .qui avoit la forme d'une tête humaine, qu'ils ne montroient & n'adoroient que dans leurs aifemblées les plus fecretes. Eft-il croyable que 1'adoration de cette idole leur ait été tranfmife par des Mahométans, par un peuple qui avoit en horreur & les images (i) & leur culte ? II faut donc chercher une autre origine a celui qu'on rendoit a cette tête. Le nom feul qu'elle portoit, peut nous fournir quelques indices. On 3'appelloit: une idole barbuë, faite in fguramBaffometi; ou,ce qui eft encore plus clair, une idole % ubi erat depiSta figura Baffometi. (i) Dans le XIII Siècle on défendit a tous les fculpteurs de Valence de travailler publiquement a des images, a cnnfe des Maures qui :3'en fcandalifoient. Voyez 1'HiftoireEcciéfiaflique de Semler, d'aptès les Annales de Waddingius.  ÏNTENTÉES AUX TEMPLIERS. 12$ Ce mot a même ëchappé aux recherches favantes de du Cange. 11 ne 1'a point expliqué , & parmi le_ grand nombre des auteurs qui ont écrit l'histoire des Templiers, pas un feul ne s'eft appliqué a connoïtre 1'origine d'une dénomination, qui doit pourtant contribuer a expliquer une coutume inexplicable par elle-même. Quoique je fuffe perfuadé d'avance que cette Idole ne pouvoit jamais être venue des Sarrafins, j'ai confulté cependant pour plus de füreté M. le Profefleur Eichhorn de Jena , un de nos connoifleurs en langues Orientales, & il m'a confirmé que le mot de Baphomet ' ne pouvoit paflër pour Arabe dans aucune acception naturelle. II fe préfente une autre étymologie, qui d'abord paroit affez fimple: Mahomet peut être prononcé auffi Bahomet, puifque dans les langues orientales la lettre m fe change fouvent en b CO- M- ^e Profeffeur Eichhorn affure a la vérité que dans les livres (i) Mecca fe prononce auffi comme Becca, {Golius ad Alfrag. Voyez Mecca) Dibon comme Dimon, Mechrdb (le lieu faint oii fe faifoit la piïerej comme Mechram. F 3  ; J4 E33AI SÜR LES ACCÜSATiaNÜ Arabes le nom du Prophete ne s'écrit nulle part ni Bahomet ni Bahumet; mais les hiftoriens Latins des croifades l'ont quelquefois crthographié ainfi (i). £)'un autre cöté, le génie de la langue •Arabe permet encore moins de changer ie ch ou h en ƒ ou ph , c'eft-a-dire Bahomet-en Baphomet; mais il fe trouve par hafard un hiftorien Latin, qui s'eft iervi une feule fois du nom de Baphomet pour défigner le Prophete (2); & cette feule autorité pourroit faire naitre 1'idée que la figure de BafFomec adorée par les Templiers étoit 1'image de Mahomet. (ij Par e-xemple, dans Raimond de Agiles Hls:tnria Hietujalem : Si veniret contia nos in prcel um0 colorent Alim, quem ipfe colit, qui eft de geilere Bahumeth. Voyez auffi Gefta Dei per francos, p. 164 & T65. (2) Voyez Epiftela Anfelmi de Ribodimonte cd Manajfem Arcbiepiscopum Remenfem ,de 1'année •1099. Elle eft inférée dans Dacberii Specikgium3 Tome II, fol. p. 431. Nos autem contra Mos egrejji vibVi fumus atque fugati. Ipfi vero nobiscum mum ingreffi Mum diem no&em fequentem injimtd fuimus deftantss, ab invicem quqfiuno lupidis i&io. Sequenti die, aurora apparente aids vocitus Baphomet invocaverunt ; £f nos Deum fïcflrum in cordib'us noftris deprecantes impetum feci:wus in eos, de miiTis civitatis omnes expviimur.  $N TEN TÉ ES AUX TEMT ET ER 5. Ï'CJ' Quoi qu'il en foit, je ne faurois me' le perfuader. Que fait - on fi ce mot de Baphomet, qui ne paroït qu'une feule fois dans ce fens, n'eft pas une faute d'impreffion, au lieu de Bahomet ? Je doute d'ailleurs que dans le moyen-age on ait entendu par le mot latin figura une image; il fignifioit proprement ua Jlgne. Mais furtout.que de difficultësn'auroit pas rencontré un Chevalier Religieux qui auroit voulu. introduire dans fon Ordre le culte fecret de Ma-homet? Qu'eft-ce qui auroit pu engager les Templiers a embraffer en fecret: la religion de leurs ennemis, • Maisv quand même on adopteroit toutes ces '■ fuppofitions, la confufion- ne fera qu'augmenter. Les Mahométans ont le culte des images en horreur, & osi prétendroit que les Templiers avoient une image de Mahomet, qu'ils ado» roient en fecret? Dira-t-on peutêtre que dans Texercice public de leur religion, les images étoient regardées comme des fymboles de leur culte, {&. que felon le même principe ils s'étoient fait auffi une image de Mahomet pour 1'adorer en fecret ? Mais on n'a qua fe-rappeller que dans leurs réceptions  .126 ESSAI SUR LES ACCUSATIONS fecreces on leur ordonnoit, ,, de croire un Dieu Tout ■ puiffant, qui a crèé le „. Ciel & la Terre," fans qu'il fut jamais queftion de Mahomet. Ils auroient manqué de fymbole extérieur pour le culte du vrai Dieu, & ils en auroient érigé a 1'adoration de Mahomet , qui n'étoit pas même adoré par ceux qui profeffoient fa religion ? D'ailleurs, fi cette adoration fecrete des Templiers devoit indiquer un culte rendu a Mahomet, n'eft-il pas a croire qu'ils auroient également pratiqué quelques-unes des cérémonies religieufes des Mahométans , telles que les ablutions , la direétion du vifage vers laMecque pendant la priere, la célébration du vendredi, &c. ? II ne s'en trouve pourtant nulle part la moindre tracé. je ne crois donc pas que Baphemetus ait le moindre rapport avec Mahomet. II me paroït décidé plutöt que le mot eft Grec, & qu'il fignifie littéraleinent fixtfa ^toih; (m), (i) le baptême (i) üxpr, veut dire proprement une immerfion qui laiiTe une couleur, ou, en un mot, couleur, teintu-e. Dans le moyen-age on fe lervoit auffi de citte expreffion pour déiigner le Lap.ême. ( Voyta du Cange, hexkm Graritatü.,  ÏNTENTÉES AUX TEMPLIERS. 127 ou la teinture de la fagejje. Ce terme & le fens que j'y attaché, s'accordent auffi pirfaitement avec Yadoration de Dien, avec les myfieres , & , comme je le' montrerai plus bas,. avec toutes les* coutumes qui étoient recnes dans 1'Ordre des Templiers.- On fait que dans les anciens myfterès on enfeignoit des dogmes que la religion dominante ne permettoit point de profeffer en publicVunité de Dieu étoit de ce nombre. II feroit ridicule de nous appuyer ici desmyfteres des anciens Grecs. Mais les différentes fecvtes des Gnoltiques avoientfauffi dés le commeneement léurdifcï* pline fecrete , & une' dénomination-' Grecque nous autorife d'en; chercheri" 1'origine' chez les Chrétiens d'Orient, qui conferverent encore quelques relations avec la langue Grecque , tant qus~ 1'Empire Grec fubfifta. Pour mieuxétablir nos preuves , reprenons de plusloin. Nous favons par l'Hiffoire Ecclëfiastique que la doctrine des Gnoftiques- aumot BeKpn.) ftur/ii ou /*>>tU fïgnifb prudénce-, fagejje. Tout le monde connoit le Ttt^v^ri^- *4  I2f? ESSAI SUR LES A C CU SA T ÏO'K't prit naiffance presqu'en même temps que ]e Chriftianifme. Le PJatonifme moderne étoit déja en vogue parmi Jes Juifs dans ie premier fiecle après JefusChrift, & il produific bientöt Jes dogmes de Ja Cabale , qui auroient pucon-> duire a une bonne & faine philofophie, fans Je Jangage énigmatique qui les couvroit, & auquel.on a donné dans Ja fuite Jes interpr-étations les plus injuftes & les plus abfurdes. II en eft réfuké une multitude de rêveries, qui fe font confervéesjusqu'a nos jours parmi les Juifs dans différens pays , & qui trompent fouvent encore la. crédaliw des Chrétiens. La philcfophie cabaJiflique étoit fage & refpe&able dans fon origine, Elle enfeignoit, par exemple, que YEn/epk ou le Dieu infini, eft un être incompréhenfibJe a 1'efprio humain, & que par cette raifon fon nom ne doit pas être prononcé (i). Les Cabaliftes entendoient par-la que chaque attribut de Dieu que nous pouvons comprendre- &, exprimer, ne fauroit être Dieu , ni même (i) De-la vient que les Juifs n'ofent point gfonoucer le, nom de Jebovab.  ÏNTENTÉES AÜX TEMPLIERS; T2fj même faire partie da fon effence, puiV qu'elle eft indivilible. Mais Dieu ne pouvant être connu que par fes attributs, ils difoient que le monde avoit été créé par ces mêmes attributs de Dieu. Ils les appelloient Nombres^ ou Séphirots, &, a mefure que les diffésentes fecf.es des- Gnofiiques ont réformé cette doólrine , on en a fait des Puijfances intcLeclives ,($uvg(it!n) des Pn';z»ces, {aenovTSt;) & a la fin des Anges. C'eft ainfi que les Gnofiiques furent accufés de diftinguer entre Dieu & les Créa» ibrtis de la fecte des Gnofiiquesd'ad» mettre deux Divinités: preuve évidente des erreurs dangereufes que peut entrai- ■ ner lë langage figuré en philofophie. Les premiers Cabaliftes avoient eer* tainement pour principe que Dieu eon-fidéré en lui-même étant un êtreim-muable,., fe fuïfifant a lui - même , &connu a lui feul dans toute 1'étendue de fa Divinité infinie & inef-' fable, ne pouvoit être compris par des ■ êtres fin is; que ce Dieu infini n'étoit connu aux hommes que par la création' & par les attpibuts divins qui fe mani.— feftent dans la création. Les Gabaliftes  1^0 ESSAI SUR LES ACCUSATIONS avoient auffi une figure allégorique, qui explique ces -mêmes idéés : elle repréfentoit Dieu, pris dans un fens abflrait, fous la forme d'une tête Jam barbe; & le Dieu Créateur föus la forme d'unetête barbue (1). L'une étoit le fymbole de 1'immutabilité ; 1'autre devoit être 1'image d'une Création, qui fe renouvelle fans ceffe dans toute la nature. Des Cabaliftes fortirent enfuite les Gnofiiques. Le nom Chrétien ne leur convient pas trop dans leur origine , car leur doctrine tenoit en qdelque forte le milieu entre le Judaïfme & le Cbristianifme(2),a peu prés dans le goüt de (1) Les Cabaliftes perdant de vue 1'origine de cet:e allégorie , s'égarerent bientöt dans des fubtiiités & des diftinciions fur les attributs de cette tête, & en particulier fur la barbe & fes treize formes, Leurs coiismentaires font un mélange de fageffe& de folie, qu'il feroit difficile de débrouilier. Voyez Kabbala denudat®; Tome II, Liber Sohar reftitutus,. ff. 1684.. 4to. p. 392. (2) Semler a adnpié la même opinion dans fon Hijioire des DoBiines Cbrétiennes. qui eft a la tête du premier volume des Difputes tbèolo. giques de Baumgarten, p. 139. Les principes des Gnoftiques n'ont jamais été mieux difcutés que dans cet excellei t traité. Mais ce Savant (& Moshejm auffi) femblent avoir oubüé que lesGnoftiques defcendent immédlatement des Cafcaliftes. Par exemple, les trente ions inales &  ÏNTENTÉES AUX TEMPLIERS. 1% l la fecle encore fubfiftante des Chrétiens de St* Jean, on Sabéens, qui croient a Saint-Jean-Baptifte & non a JefusChrift (i). Encouragés par l'exemple des premiers Chrétiens, les Gnoftiques déferterent la Loi Juïve, mais en confervant la philofophie cabaüftique, par laquelle ils vouloient expliquer le peu qu'ils favoient ou adoptoient de la vie de Jefus-Chrift. - Dans la fuite ils ie rapprocherent davantage du Chriftianifme, ils en recnrent plufieurs dogmes; & les mêlerent a leur croyance. Aprèsles premiers fiecles le nom de ces fecSlalres difparut, mais leurs principes des éons, de Témanation & de ce qui en femelles -des Valentiniens, que M. Semler (p. 146) prend pour un fimple verbias,e en Vair, dérivent véritahle ment de la C'abale , o.ti ers donne auffi l'explication. Ce qu'on lit des Qusjïions de Mdrie dans 1'ouvraüe A' Epipbaniuzcontra ba re fes, Tom, I, p. 89, eft auui )>urement Ca*ialiftique, & fufceptibïe d'un fens trés» naturel, fondé peut être fur la pbyfique. (1) M. Norberg nous a donné récerrnrrent quelques notions fur cette fefte fi ancienne & fi peu connue. Voyez les Commentaires de ia So-ciété de Gottingue, Tom. III. M. 1e Profeffeur Walch a lu aufli dans une féance de ['Académiedes Sciences de cette ville, une duTertadoa lu te même fujet. F 6  1$2 ESSAT SUR LES ACClfSATIONS dépend, n'en furent pas moins pendant plufieurs fiecles ia fource de différens dogmes particuliers, qu'on. ■ retrouve menie encore de nos jours dans la théologie myftique, quoique fous une autre forme. Je rapporterai de leur doctrine- ce qui me paroïtra effentiellement nécesfaire pour 1'intelligence du fujet. Ils appe'oient le Créateur de 1'univers, (ï).Dieu & Pere, image du vrat Dieu & fon Prophete (2). Ils difoient qu'ils n'etoient plus Juifs, mais qu'ils n'appartenoient pas encore décidemmenta la claffe ces Chrétiens (3j. Ils enfeignoient que Chrift n'avois été homme qu'en apparence, & que fon corps n'étoit qu'un phantême (4) , corps eèlefle. Ils croyoient auffi que (1) Prcprement ^fimtvn» (2) Clem. Al x. Stremat. Lib. IV, p. 507-. Stem, Beaufobre tiiftoire du Manichéifme,p. 15. (3) Voyez S. berm adv. Vakminiani bare/es^. Luttt. 1675, fo!. Lib. I, C 23, p. 120. (4) Voyez IreriEeus 3 1'endroit cité , Cbap. 23. P- Hf- Marcion, pour foutenir cette opinion, traduit ainfi !e paffage de St. Luc, Chap, 24. v. 30 : „ Un efprit n'a ni cbair ni os, ,., comme vous voyez que je n'ai pas." Beauiohre, Hift. du Manichéiïnie, Tomé 1, p. ui»  INTENTÉ ES AÜX TEMPLIERS. IS^' Jëfus n'avoit pas véritablement fquffert, mais que Simon- le Cyrénéen.qui porca la croix, avoit été crucifié en fa place (i). Ces opinions étoient auffi celles des Docetes (2) & des- Manichéens (g\ 11 leur-- paroifioit iir.poiiible d'après la doctrine des Gnofiiques , que le w?*, qu'une émanation immédiate de la Divinité eüt connu les befuins de ïhommc-, qu'il' eüt pu fauffrir Scmourir. Ils faifoient dépendre la rédemption de l'avpnemetit du MeJJle, mais non de fa mort fur la croix; par cette raifon ils n'admettoient point de.Sauveur. crucifié, mais ils (1) Ce dogme de la forme apparentea valu ai.x Gnoftiques de terribles accufations d'héréfie. On en concluoit que Jéfus n'étoit ni mort, ni reffuf. cité, & que par conféqusnt il n'avoit p.is confommé 1'ouvrage de la rédemption. Voici cependant comme Si. Augufb'n s'exprime a cet égard: Eft fpeculum in aliqua domo, intrat aliqw.s in Mam ■ umdea ejus opparensinfpecu'o, quando ingreditur Ê? egteditur, non frangit Hlui fpeculum: fimilker in Domino, in eundo & re.ieundo, uterus virgi. nalis integer permanfit. Voyez Alcuini Opera. Ed. Frobenii S. Principis, Tom. I, p. 509. (2) Beaufobre , Hift. des Manieh, Tom. I, p. 544, & fuiv. (3) Voyez Epipb. Opera, Colon. 1682. Tom. Il adv. Harefes, p. 83. F 1  134ESSAI S UK.' LE S ACCUSATÏOHS reconnoifloient Jefus- Chrift (i). Celui qui avouoit le myftae de la Croix, étoit felon eux Tesclave des èuns; celui quïj reroioit ce myftere ,, étoit délivré des éons & connoilToit !e Pere incréé Les Opinies, fecie célebre, ifluê'des Gnoftiques , ne recevoient perfonne dans ' leurs affemblées qui n'eut renié JefusChrift (2). Les Bafilidiens honoroient une (3) image fous la forme de Jupiter, & une autre fous la forme de Minerve. (1) D'cunt non opporttre confiteri turn qui fit Crucifixus, fed eum qui in bominis forma venerit, £? putatus fit Crucinxus, rjf vocatus fit Jefus. — Ui quis igitur ait, confitetur Crucifixum , adbuc bic jetvus eft, & fub poteftate eorum qui corpora fecèrunt; qui autem negaverit, liberatus e/l quidem ab iw.cognofck autem difpofitionem innati Patris. Jrenteus, l. fit. C 23. P- 119 {2'j £«» a.p»i ïtirat Kctra ra Ijjs-b. Origenes, l, c., p. 652-. (3) Imaginem Simonis bahent, faüam ad figurant 'Jovis, & Seienae in figuram Minerva, & las adorant. Irensüs , l. c. , C. 20 , p. 116. Pour peu qu'on connoiffe !e fyftême des éma« nations , on ne croira pas que les Bafilidiens rendoient des honneurs aivms a Simon. Le pasfage d'Irénée prouve feulement qu'ils adoroient une image ma'e & une femelie, - l'une apparemment barbue , & l'autre fans barbe.) Irenceus, h c., C. Ja., p- 122- Item, Epipban, i. c., cjf a4v.bsr.XKFH, C 6,p. 108.  ÏNTENTÉES AUX TEMPLIERS, 2[J Les Carpocratiens rendoient en fecret une efpece de culte payen a des images de Jefus - Chrift , auxquelles»ils , allocioient celles de Pythagore, de Platon i & d'Ariftote.. Tout ce qui n'e'toit pas Chrétien ou Juif. paffoit pour Payen chez les Peres de 1'Eglife. Comme il eft presque impoffible qu'ils aient eu une connoiffance exacte de ces images fecret es, le plus für eft de croire en général, que les Carpocratiens , les bafilidiens & d'autres Gnoftiques, avoient effectivement des images, fans qu'on puiffe dire au jufte ce qu'elles repréfentoient. Pour mieux cömprendre ceci , il faut fe fouvenir qu'il étoit défendu aux Cabaliftes, qui fuivoient la Loi Judaïque,. de faire & d'adorer des images mais ils fe permettoient les ailegories & les expresfions figurées dans leur langage , & ils en empruntoient plufieurs du corps humain, du vifage , de la barbè , de la difFérence des fexes, de la génération. Les Gnoftiques, leurs fucceffeu^ immédiats,ayant abandonné la Loijudaïque, étendirent cette liberté jusqu'a fe faire des images, en réalifant lés allégories qui étoient recues dans leur philofophie.  I36* ; ES S A ï SU R' LES A CC US A'TÏÖ'N?" Bafilide impofoit a-fes difciples un filence de plufieurs années (1). Lors5qu'ils étoient entierement initiés dans fa yjuisc, il leur attribuoit une éle&ion (Juhoyvi') , qu'il mettoit en oppofitica avec le, teraporel (ret xarpixx) ( 2 ). Mardon & d'autres Gnoftiques élevoient fierement leurs partifans (wvsw(utTiKot) au-defius de la nature humaine (4*jc»«<)> & Bafilide, appuyé de fa yvuTis, ne mettoit au rang des hommes que ceux de fa fect.e , & il rejetoit tout le refte dans la clafle des animaux (3) . II compofa de 1'effence de fa yvwx; une difcipline fecrete , qui ne devok être connue que ó'un■ feul entre mille \ & de deux entre dix mille. II donnoit pour précepte a fes difciples: tu do's tout conncitrs-, maïs perfonne ne te connoitra (4) . Priscillien avoit auffi fes myfteres. Jurez, difoit-il a fes difciples , jurez faux , mais ne trahijfez pas nos fecrets (5) . Les Carpocratiens ofoient même (1) Eufeb. Hijï. Eccl. Cap. 7. (2) Clem. Akx. Strom. Lib. V, p. 509 cïf 540J C3) Epii'batüus adv. Har. p. 72. (4) Irenceus, l. c. Cap. 23 , p. 120. Epiph,. I. c. p. 11. (5) Walch, Hiftoires desHéréfies, Tom. III,' p. 4.45 & 460.  lNTENTi.ES AUX TEMPLIERS, IJ?/ foutenir que Jefus - Chrift avoit laiffié une doctrine fecrete a fes Apötres, & qu'il leur avoit ordonné de n'en faire part qu'a ceux qui en étoient digneo. lis fe donnerent la main en figne da falut, & en touchant doucement du bout des doigts le dedans de la main;. on reconnoifïbit a ce ligne les Gnoftiques- étrangers ,. & ils recevoient en. conféquence 1'hofpitalité (1). Quant aux images de Bafilide en particulier, il eft connu qu'il y employoit le mot d'A&asag , qui par la valeur numérale des - lettres fournit le nombre 365 , & faifoit probablement allufion a la révolution annuelle du foleil & au biên qui en réfuife pour 1'humanité. C'eft ce qui a fait naïtre 1'idée a Jean 1'Heureux de raffembler dans un ouvrage féparé les Antiques qui portent Pinfcription d'Aft^g, & de les attribuer avec plufieurs autres a Bafilide. L'ouvrage a été publié avec un commentaire de Jean Ghifkt (2) ; mais> (j) Epipb. I. c. p. 86. (2) Voici Ie titre de cet ouvrage: Jo: MacatiiAbraxas, feu Ariftopiflus; Ace: Abraxas Proteus, exhibita & Commentario illuflrata a Jo. Cbijletio» 4% Amcrp. 1657.  I38 ESSAI SUR LES A-CCUSATIONS M. de Beaufobre öbferve (1) avec raïfon , que cette collecfcion a été fake fans le moindre choix. II va trop loin cependant, en foutenant qu'il n'y a pas une feule de ces pierres qui foit de Bafilide. Quelques-unes font évidernment d'origine Gnoftique ; & cette origine doit fuffire, qu'elles touchent aux temps de Bafilide, ou non. II y en a deux qui m'ont paru particulierement remarquables (2), & je les ai fait copier dans 1'eftampe qui eft a la tête de ce Traité , (fig. 1, 2.) Griflet prétend, & je crois fa conjedlure fondée, qu'elles repréfentent lePere fuprême des Gnoftiques (1) L'exemple fuivant prouvera que M. de Beaufobre. n'a pas fait aflez d'attention a ces Antiques , qui a la vérité ne font qu'un acceffoire de fon grand & excellent ouvrage. Après avoir avancé qu'aucune de ces pierres gravées ne pouvoit être.-de Bafilide , il excepte pourtant le N°. 96. de la page 60, & il tombe en même temps dans une méprife des plus • fingulieres. 11 croit ce morceau authentique , paree qu'il repréfente un bomms qui veut charger une brebit fur fes épaules, D'abord la confé'quence ne feroit pas jufte; mais ce qui eit bien plus étonnant, c'eft que M. de Beaufobre s'eft trompé fur les figures; il n'y a point de brebis fur 1'antique en queftion; mais on y voit un homme qui fait des efforts pour étrangler un lion. . (2) Dans Macuire elles font cotées 77 & 78.  SNTENTÉES AUX TEMPLIERS. 139 (le Créateur du monde , vaxw *w è*Wi0« On le reconnoït aux quatre Séphirots ou Anges , qui dans la figure 2. fe profternent devant lui pour recevoir fon émanation.'. Sa qualité de Créatctir eft indiquée par- la barbe , & encore plus par les fymboles du revers, la fphere célefte, le cercle & 1'équerre , qui fe rapportent a 1'ordre admirable que Dieu! a mis dans 1'univers. Le pentagone de janté & de bien ■ être de Pythagors convient aux bienfaits que procurent la création & la confervation du monde; le nombre fept, que fourniflent les nom- • bres 4 öc 3, marqué ie repos au ïepucme jour; enfin les huitr étoiles, dont j'une eft placée féparément au haut de 1'antique, font lè type de la fameufe Ogdoade Gnqflique, compofée du Créateur du monde éf de fes fept èmanations.. L'image que les Templiers adoroïent dans leurs Chapitres généraux fous la figure de Baphemetus, devoit certainement repréfenter le Pere de toutes chofes, Créateur du Ciel de la Terre;d\e étoit, finon la même , du moins pareille a ce 00e nous retrouvons fur nos antiques. Tout s'accorde a le faire croire. La  140 ESSAI SUR LES'ACCU3AT ION? forme de 1'image eft celle d'un bufte ou d'une tête barbue-, a Jongs cheveux plats (r). On ordonnoit aux Templiers dans la réception fecrete , de croire au grand Dieu Créateur du- del 6? de la Terre; & c'eft lui qui étoit repréfenté par cette image. Le Supérieur en la montrant , prononcoit le mot Arabe lalla (2), qui fignifie Dieu ou Lumiere de Dieu- Le Profès étoit appel ié l'/Jm ie Dieu (3). Enfin il fe trouve dans les derniers interrogatoires , fon dés vraifemblablement fur le propre avea des Templiers, une accufation qui concourt encore avec nos preuves: ils croyoient, difoit-on, que cette image (1) Eh fuppo(ant'cet attribut a 1'image des Templiers, il-indiquoit , felon 1'ufage de ces temps , la Souverainetê. Francorum Reges & tegia Jlirpe oriundi Criniti femper erant, reliqni ■ vero tonfi - Cce/aries tota- deeenter eis in bumeros propeniet, anterior coma e fronte difcriminata, in utrwnque latus deflèxi. — Subditi orbiculatkn tonduntur. Voyez Spelmanni GloJ. Sar. a i'article Crinicus. II étoit même ordoirné aux Temp'iers par le 1$. 28- de leur regie , de fe faire , raier la tête en figne d'humilité. Voyez. du Puy. P- 95- (2) Ibid. p. 216. (3) Ibid. p. 21 s.  INTENTÉES AUX TEMPLIERS. 141 fai/oh ver Air Ia terre fl&urir les arbres (i). Ajoutez a cela que dans une certaïne contrée de TAliemagne, on a trouvé dans Ie tombeau d'un ancien Templier, une efpece de talisman qui porte les fymboles du revers de la figure i. Je ne puis a la vérité divulguer les circonftances particulieres de cette découverte intéreftante , mais la fource d'oü j'ai tïré cette anecdote, m'en garantit 1'authenticité. En expliquant de cette maniere 1'image que les Templiers adoroient, la chofe paroit dans un nouveau jour , 8c les circonftances les plus contradicloircs en apparence , s'enchaïnent naturellement d'elles - mêmes. II fe peut qu'un Chevalier, au retour de la captivité des Sarrafins, en ait rapporté leur doctrine de 1'Unité de Dieu & leurs doutes contre la Trinité. Peut-être même y avoit-il pris les principes des Gnoftiques,, puisqu'il eft probable qu'ils étoient connus des Arabes (2). II en aura fait une confi- (1) Voyez les 123 Articles aux Nos. 52,53, & du Puy, p. 264. (a) Ad Gnofticos etiam refero Araiem Motioi*  142 ESSAI SUR LES ACC-USA T I ONS ,dence fecrete k fes amis, il aura excité leur attenticn. :jufqu'alors les opinions des Chrétiens fur les deux natures de Tefus-Chrift étoient encore fort divifées. Les Manichéens, :les Monophyfiftes, les Adoptiens , les Cathares, les Bogomiles -nous prouvent affez , combien ,ona médité fur cette matiere, & fous combien de formes elle a été reproduite par la philofophie alors dominante. Les principes des Gnoftiques étoient plus ou moins répandus partout. Les Templiers devoient donc rencontrer bientöt des gens, qui a la maniere des Gnoftiques admettoient 1'Unité de Dieu, & dont les idéés fur la Divinité de Jefus-Chrift & le myftere de la Trinité différoient des dogmes de 1'Eglife dominante. Cette doctrine avoit toujours été difcipline fecrete chez les Gnoftiques; elle devoit 1'être plus que jamais dans un temps oü au moindre foupgon elle étoit punie par la queftion & le bucher; par conféquent elle devenoit auffi difcipline fecrete pour les Templiers , lorsqu'ils 1'adopterent. Les Supérieurs de 1'pr- nrnrh de quo Theodoretus, qui ai numeronm ■mtem defcripfn doStrince modum, Seffller , de JÏQtti Chr, ïom. I, p. 108.  INTENTÉES AUX TEMPLIERS. I43 dre, qui fe croyoient plus éclaire's & plus circonfpecis que le refte, le gardoient pour eux , & peut-être fe répandit-elle d'autant plus parmi eux, qu'ils y attachoient des vues politiques, comme je fai déja infinué plus haut. 11 eft trés-vraifemblable que cette doctrine fecrete portoit déja précédemment le nom de @x 1'ouvrage confommé „ du Fils & du Pere (c'eft-a-dire, la „ Création)." Enfuite elle s'adreiTe au Jao : „ Je i'apporte cette même mir„ que que j'ai déja montrée au Tribu„ nal du voue" (1). Arrivée prés du Sabaot, elle lui dit: „ Archonte de la „ cinquieme permiffion , Seigneur Sa„ baot , Annonciateur' des loix de ta „ Création affranchie par la bienveil- étoient réunies dans le Jaldebaot , nuquel on attribuoit par cette raifon aeux nombres. (1) La traduftion que je donne de ces prieres s'écarte beaucoup de celle de Mosheim , qui s'en eft presque toujours tenu a la verfion latine, Celle-ci porte dans cet endroit : porrigens eg» proprium.loco fymboli barham, & cette barbe couduit le Savan: Allemand a toutes fortes de coujeftures inutiles. De la Rue a jugé a propos, comme il 1'avoue lui-même, fine ulla mvmj'crip* lorum auïloritate, dc lire: rr,t ihcti wïi?ï m c-v^oXii, le texte recu préfente un fens fort clair. li'i général, de la Rue a eoaipris qu'il s'agillbit dï produire une marqué particuliere a chaque Archonte, & cette opinion 1'a induit en eneür. G z  148 ESSAI SUR LES ACCUSATIONS „ lance, par la vertu du puilTant nom„ bre de cinq, qu'il me foit permis de „ pafler. Vois ce figne juftificatif „ (c'eft-a-dire , agréé par tous les ,, Archontes précédens)de tonArt(i)> „ (c'eft-a-dire de la Création),- recon,, nois-le dans ia forme de cette image „ d'un corps affranchi par le nombre ', cinq." (II me femble qu'il n'eft guere poffible de défigner plus diftinctement le pentagone de Pythagore, 1'image de la création , de l'accroifTement & du bien - être.) L'ame ayant produit trois fois fa marqué, eft difpenfée de la montrer a 1'Archonte, fuivant Aftophée , elle 1'apoftrophe hardiment en ces mots: „ laifle- moi paffer; je fuis „ initiée (f*wra)'" On voit par-la que les Initiés des Gnoftiques, les Elus de leur fameufe £«ao^ avoient un pentagone pour fymbole de leur perfcclion, ik que l'ame étoit obligée de produire trois fois ce figne pour preuve de fon initiation. Ce n'eft pas ici le lieu de difcuter plus au long cette matiere, (i) Les Gnoftiques croyoient, comme en fait, que le Dieu des juifs étoit proprement Ie Gréattur du moi.de.  INTENTÉES AUX TE,M PE T ERS. I49 qui certainement mériteroit d'être approfondie. Ma-intenant je crois avoir fuffifamment dévéloppé tout ce qui appartitnt a mon fujet. II me femble que d'après mes idéés on peut aifémenc accorder toutes les partipularités connues de 1'Ordre des Templiers ; & que, loin d'être incroyables , elles s'expliquent afkz naturellement , quelqu'étranges qu'elles paruffent. L'idée d'une philoföphie fecrete fubfiftoit chez les Sectes des Gnoftiques; nous la retrouvons chez les Templiers. Le baptême du vovs & du 3>£uf*« reffemble beaucoup a celui du mtos, & même Ja coutume des Templiers d'introduire leurs profès déshabillés jufqu'a Ia chemife, femble répondre a l'idée d'un baptême. La ceinture qu'ils recevoient a la profeffion fecrete & qu'ils portoient fur la chemife , étoit le figne d'une Chevalerie nouvelle, mais fecrete (i). L'image du Créateur, ufitée chez les Gnoftiques , fut adoptée par les Templiers (1) Voyez du Cange Glqjjarium Lat. au mot Cingulum. G 3  %S0 ESSAI SUR LES ACCUSATIONS avec d'autant moins de difficulté, que ]e culte des images étoit même en vogue parmi les Chrétiens. Le reniement de Jefus • Chrift, quelqu'étonnant qu'il paroiiïè, étoit également un ufage emprunté des Gnoftiques, de même que le mépris de la Croix. Les Gnoftiques ne croyoient point a une Rédemption opérée par le fang ; ils ne croyoient pas que Jefus-Chrift avoit pris un corps: donc ils ne pouvoient pas croire qu'ils recevoient fon corps dans l'Euchariftie; & ce dogme fut auffi celui des Templiers,' qui par cette raifon oraettoient les paroles de la confécration & ne croyoient recevoir qu'une limple hoftie. Mais, afin qu'on ne s'imagine pas que ces fortes de dogmes n'ont été en vogue que dans les premiers tems des Gnoftiques, je citerai quelques autorités qui prouvent que les mêmes opinions fubfiltoient encore ailleurs du temps des Templiers. A la même époque oü les Templiers étoient a l'Inquifition.Etienne de Proaudo (i), de la Seéte des fi) Voyez Fueffli, Hiftoiae des héréfies da moyen-age, Tom. III, p, 433, d'après Liraboren, WJi. Inquijïtionis,  INTENTÉES AUX TEMPLIERS. 151 Albigeois, fut traduit, en 1307, devant (1) 1'Inquifiteur de Touloufe, qui lui dit en propres termes : „ Tu mé„ prifes les fept Sacremens de notre „ Salut — le Sacrement du corps & „ du fang de Jefus-Chrift dans 1'Euchariftie^ — Tu prétends que la „ fainte Croix adorée par 1'églife uni„ verfelle comme un figne de Salut, effc „ un figne diaboiique éf maudit, &c." Benoit Moliners avoua également en 1301 (2): „ que la Tranfubffcantiation „ dans l'Euchariftie étoit une impolli- (1) On n'a qu'a confulter les 219 própofltions condamnées en 1277 par 1'Evêque de ParLs, Etienne II. 11 s'en trouve plufieurs qui dérivent imuiéJiatement des dogmes des Gnoftiques, & elles montrent affez la fcrmentatiori qui regnoit alors dans lés efprits; par exemp'e , N°. 1. Qjioi Deus non eft trinus & unus, quoniam Trir.itas non (lat cum fumma finplicitate. N°. 2. Quod Deus non potefl geneiare fibi fimilem , quod enim generatur ab aliquo , habet principium ; & la propofition hardie, N°. 37, non eft credendum niji per fe notum fit, vel ex per fe notis poffit declarari. Toutes ces propofiuors ont été recueitlies par Schneider, dans fa Bibliotheque de 1'Hiftoire Eccléfiaftique, I. Cahier. Weimar 1781. gr. 8vo. (2; Fueifli i 1'endroit cité, Tom. I, p. 417. G4  t$2 ESSAÏ SUR LES ACCUSATIONS bilité; qu'on pouvoit arriver au falut fans confeffion & fans mortification , par la feule impofition des mains," (autrement appellée le baptême de l'efprit). II eft néceffaire de fe fouvenir, jci que les Templiers ne fe confeffoient pas non plus aux Prétres,, mais aux Supérieurs de leur Ordre, qui avoient participé au baptême de la Sagejfe; circonftance qui feroit inexplicable, fi elle ne s'expliquoit pas d'elle-même par 1'accord parfait de la doclrinc fecrete des Templiers avec celle des Gnoftiques. Telles étoient les coutumes fecretes des Templiers, les feules qui nous foient connues. Le Doóteur Anton prétend a la vérité fjp. 259) que ie Roi Philippe s'éroit imaginé qu'ils entendoient Y/llchymie; mais il ne s'en trouve pas une feule preuve aux aétes, & on ne voit nulle part qu'ils aient été foupconnés ou interrogés fur ce fujet. 11 ne paroït pas non plus par les dépofitions des Templiers qu'ils aient été accufés de magie', mais en tout cas ils auroient partagé cette imputation avec Jes Gnoftiques. L'abus des hiéroglyphes a fait croire dans les anciens temps que  ÏNTENTÉES AUX TEMPLIERS. 153 que le rapport des fignes & des objets étoit fondé dans 1'eiTence des chofes; & la-deffus on a établi unethéurgie, une communication réciproque entre le monde vifible & le monde invifible : mais cette prétendue fcience a été rejettée comme une chimère, dés que la philofophie & la phyfique fe font répandues davantage. L'envie de faire des chofes extraordinaires favorifoit ces erreurs & 1'églife orthodoxe elle-méme n'en a pas été exempte. La faute n'en doit pas être attribuée aux préeeptes qu'elle enfeignoit , mais uniquement a 1'ignorance du fiecle; & cette confidération n'auroit pas du échapper aux écrivains qui fe font mélés de juger les opinions des hommes, & qui fouvenc n'ont été que trop prompts a prononcer condamnation contre ceux de leurs freres qu'ils appelloient hérétiques (i). (1) M. de Beaulbbre , après avoir prouvé que !e Pere d'Eglife Origene a fait 1'apologie de la magie, & attribué des propriétés au nom de Jefus , a ceux de Sabaot , Adonni & autres, ajoute avec une modération bien digne d'dloges: ,, n'ayons pas deux poids, ni deux mefures: „ 1'une pour nos amis, & Pautre pour nos en- G 5  154 ESSAI SUR LES ACCUSATIONS En effet, on ne fauroit fe faire une idee des excès révoltans que les auteurs de 1'Hiftoire Eccléfiaftique, que les Peres de 1'Eglife eux-mêmes fe font permis de tout temps contre les Hérétiques. Le coeur m'a faigné quand j'ai lu les héréfies d'Epiphanius. Toujours le tort eft du cöté des hérétiques; en tout on les condamne; on fait tourner a leur défavantage les chofes les plus innocentes; dans les accufations même les plus graves il n'eft jamais queftion d'ecouter la partie adverfe; perfonne ne penfe a alléguer les circonftances qui pourroient paroitre excufables; perfonne ne fe donne la peine d'examiner fi les faits qu'on donne pour ridicules, font fufceptibles d'une explication raifonnable; fi telle démarche jugée impie ne provient pas d'un principe de dévotion mal-entendue; fi dans des accufations tout-a-fait incroyables il ne ., netnis. Si le Catholique a penfé comme 1'Hé„ rétique , le dernier iera-t-il diffamé comme j, un magicien , comme un homme digne du „ feu, pendant que l'on juflifiei a, ou que l'on ,, excufera le premier?" Hift. du Manich. Tomé II, p. 43.  JNTENTÉES AUX TEMPLIERS. 155. convient pas de faire un retour fur foi-méme & de fe demander: fi de telles horreurs , de telles atrocités peuvent entrer dans le cosur de rhomrne ? — De 1'homme! — a la bonne heurej mais il s'agit de 1'hérétique. Je ferai plus tolérant & quoique j'aie été dans la néceffité d'établir la conformité de la doctrine fecrete des Templiers avec celle des Gnoftiques qu'on a tant décriés, je ne veux pourtant condamner ni les uns ni les autres. Le Gnoftique qui croyoït qu'avec un cosur pur il retournoit dans le fein de la Divinité; le Templier qui mettoit fa foi en Dieu & croyoit être Yami de Dieu en vertu du baptême fecret de la fageffe; 1'un & 1'autre pafferont pour hérétiques, & même pour hérétiques dangereux, felon lesfyftêmes de 1'orthodoxie. Mais qu'un orthodoxe impitoyable les condamne , je ne faurois m'y réfoudre. Si j'avois des anathêmes a lancer, j'en frapperois celui qui défendit aux laïques de méditer fur des matieres de religion; celui qui^arma le bras de tant de milliers d'hommes contre les Sarrafins, leurs prochains; celui qui G 6  I56 ESSAI SUR LES ACCUSAT., &C, par des de'crets & des défenfes ëgaleïnenï injuftes fufcita des opinions erron» nées , & qui écouffa tant qu'il püt 1'efprit de recherche, le feul moyen d'éclairer les hommes öi de redrefler leur$ idees.  D £ L'ORIGINE DE LA SOCIÉTÊ DES FRANC-M AC ONS. s O 7   D E L'ORIGINE DE LA SOCIÉTÉ DES FRANC-MACONS. Püisciue les Chevaliers du Temple étoient unis par des liens multipliés , tels que 1'inftitution de 1'Ordre en elle-même, les vues de la politique & leur culte myftérieux , il n'eft pas probable que leur abolition ait fait ceffer tout d'un coup toute efpece de commerce entr'eux. Nous voyons que les Ex-Jéfuites ont encore un efprit dê corps, qui leur fert de point de réunion; il eft néceffaire que la même chofe ait eu lieu chez les Templiers dans une fituation toute femblable, car un commandement,ou une défenfe, ne fuffifent pas pour déraciner a point nommé les penchans ou les opinions des hommes. II fuffifoit donc aux Templiers, tout comme aux Jéfuites, de 1'efpérance, quoiqne trés- chimérique,de voir quel-  IÓO ORIGINE DE Ï,A SOCIÈTÉ que jour le rétabliffement de leur Ordre , pour qu'ils évitaffent: pendant longtems une difperfion totale qui les eüt kiffes fans efpoir. II eft vrai que rien ne prouve ces liaifons ultérieures , & quoique nous voyions dans 1'hiftoire qu'il a été plus d'une fois queftion dans ces tems & dans des lieux différens, du rétabliffement des Templiers, cependant la liaifon d'un Ordre quelconque de Chevalerie actnellement exiftant, avec celui dont nous parions , eft une chofe fi difficile a établir fur une bafe vraiment hiftorique, & ce point d'histoire a toujours été manié avec tant de mal-adreffe par le grand nombre des écrivains, qu'en ceci , comme dans toutes les chofes qui dépendent de la foi, il convient de laiffer a chacun fa propre croyance. Comme je réfféchifTois fur cette matiere, je me rappellai plufieurs paffages d'un ouvrage de mon ancien & fidele ami Leffing, & je penfois a lui demander 1'explication de certaines chofes incompréhenfibles pour moi qu'ils renferment, lorfque j'appris la trifte nouvelle de fa mort prématurée, que les générations préfentes & futures ne fau-  »ES FRANC-MAJONSi IÖI roient affez déplorer. II avance, dans fa Continuation de Vouvrage d'ErnJl de Falk, page 53 (1), que lesMaeonneries des Templiers étoient en grande réputation aux douze & treizieme fiecles; & que c'étoit d'une de ces Majonneries des Templiers toujours exiftante a Londres , que Chriftophe Wren avoit vers la fin du dernier fiecle tiré & l'idée & le fond de la Société de Franc-mafons dont il eft l'inftituteur. Leffing n'étoit aflurément pas homme a rien écrire au hafard. II faut abfolument que l'hiftoire lui ait fourni du moins quelque indice , de cet état de gloire qu'il attribue Qi) aux Maconne- (1) Cet ouvrage , quoiqu'imprimé fans fo» aveu, eft inconteftablement de lui, (2) 11 eft très-vraifemblable qu'il a en vue les différens degrés des Templiers; cependant on ne fauroit dire qu'ils fuflënt en grande réputation , puifque c'eft la corïdamnation de 1'Ordre qui les a divulgués; js trouve d'ailleurs peu probable , qu'une communauté fecrete, formée d'un refte de Templiers, ait.pu exiller pendant quatre eens ans, fans aucun motif important. S'il s'en eft trouvé une pareille a Londres au dix - feptieme fiecle, elle peut avoir une fource plus anciennc, fans remonter abfolument au coramencement du quatorïieme lleele.  Irj2 ORIGINE DE IA SOCIÊTÊ ries des Templiers dans les douze & treizieme fiecles. C'eft une chofe que je fuppofe encore d'après une autre raifon. II y a fix ans que mon défunt ami s'arrêtant a Berlin a fon retour d'italie, m'entretint fort en détail fur fon hypothefe de 1'origine des Franc-magons; il 1'attribuoit a Chriftophe Wren, a 1'époque de la confiruction de l'Eglife de St. Paul a Londres, & il ajoutoit que le germe de cette affociation exiftoit depuis des fiecles, fans que cependant ilparlat alors de cette Magonnerie fecrete des Templiers, que Chriftophe Wren ne devoit avoir fait que modifier pour établir la fienne (i). Mon ami difoit encore en faifant allufion a 1'orthographe Angloife, qu'ils étoient MaJJbns & non Mafons. 11 faut donc que depuis ce tems-la il ait trouvé des autorités fuffifantes pour le faire changer d'opinion. J'avoue que dés ce tems-la je ne croyois pas plus qu'aujourd'hui que 1'inftitution des Franc-magons fut auffi moderne que la fin du fiecle paffé; je répondis a mon ami que cecte aflbcia- Ci) Continuatton d'Ernfi & de Falk, p. 57.  DES FRANC-MACO NS. 163 tion exiftoit déja en Angleterre vers le milieu du dix-feptieme fiecle,& que je me fouvenois très-bien d'avoir lu autrefois dans des ouvrages Anglois, qu'elle avoit joué un róle dans les guerres civiles qui défoloient alors ce royaume; mais comme j'avois'perdu la note que j'ert avois faite, mon ami crut que par un défaut de mémoire je confondois la Révolution avec la Reftauration, & il perfifta a foutenir que le mot Franc-mapon ne fe crouvoit dans aucun ouvrage imprimé, ni dans aucun document écrit, qui fuffent plus anciens que le commencement de notre fiecle. C'eft ce qu'il affure encore a la page 38 de fa Continuation d'Ernft & de Falk. Mais quelle que fftt l'exaclitude de fes citations, & malgré 1'immenfité & 1'excellente application de fes lectures, pour cette fois il s'eft trompé. Le fameux Antiquaire Elie Ashmole fut reen Franc-majon dès 1646. II fe trouva en 1682 le 11 Mars dans^ une loge a Londres a Mafons-Hall; il en nomme les Supérieurs & les perfonnes qui furent regues ce jour-la (1). Quoi- (1) Voyez Mtmirs •/ tbat karned Antigua]  IÖ4 ORIGINE DE LA SOCIETE que fon Journal n'aic été imprimé qu'en 1717, il eft certain qu'il a été écric dans le fiecle paffé, & il prouve inconteftablement 1'exiftence des Franc-magons en 164.6, Chriftophe Wrqn ne peut donc les avoir inftitués en 1690 ( 1) , & l'on fait d'ailleurs qu'il étoit Grand - furveillant en 16Ö3 (2). Elias /Ishmele Esq. written ly bimjdf, in ftm ofaDiary, £pc. London 1717. 12°, & 1'ex'rait de ce même Journal dans la Bïographia Btüannica, art. A>bmok. Voyez encore le Diciionnaire de Chaufepied, Tom. I, p. 513. (1) Voyez Free- Mnfon's Cal'endar for 1775. (2) L'un de mes plus dignes amis.le ConfeilIer Mofer a Osnabtuck , a expliqué d'une autre maniere encore l'idée de M. Leffing- II dit dans un ouvrage Allemand, intitulé, Fantaifies patriotiques, Tom. I, p. 209, de 1'édition en grand 8vo: que la conftruclion de 1'églife de St. Paul de Londres , pour laquelle une fociété fit des avances d'argent, fut la caufe que cette fociété prlt le nom de Franc-macons, & que les inftrumens de ce métier devirtrent la décoration de cet Ordre. Mais nous avons déja montré qu'il eft beaucoup plus ancien , & fes décorations & inftrumens ne le font pas moins : de plus , 1'églife de St. Paul ne doit rien a la générofité des Fran:-magons. On trouve le devis de cet édifïce dms 1'biftoirc de Londres par Maitland, p. 492; on y voit que la fommc de 736,752 livres fterlings , avec les 49,38+ qu'il fallut y ajouter, ont été recouvrées par  DES F R A NC-MA C 0 N 5. l6$ Cet auteur dit encore, page iS, qu'il ne faut que lire, avec attention, 1'histoire des Templiers, pour trouver le tems & la maniere dont ils étoient les vrais Franc-magons de leur fiecle. J'ai certainement étudié cette hifloire avec beaucoup d'attention & je crois avoir trouvé le point dont il s'agit; je trouve qu'il 1'a fuffifamment indiqué a la page 21; cependant je ne vois point la néceffité de ce rapport entre les Francmaeons & les Templiers, & je ne puis 1'adrnettre fur une fimple hypothefe. La chofe feroit bien différente, fi ce fyftëme étoit appuyé de quelque prcuve hiftorique. Je fouhaite qu'elle fe trouve parmi les manufcrits de 1'auteur ( i), Ck même j'efpere qu'en ce cas-la elle les bienfaits du Roi, Fes dons gratuits, Ia vente des décotnbres, & furtout par un impót fur le charbon accordé par le Parlement depuis 1670 jufqu'en 1716. Les dons gratuit; ïurent peu de chofe, & il n'y eft point parlé des Franc-maqoas. .Dans Notlhoucks nevn lijlory of Lonion, p. 135, on trouve la même fomme, mais fans détail. (1) Je fuis du moins affuré qu'on a trouvé parmi fes papiers un paquet avec cette fufciiption:,, Papiers concernant laconiinuationd'Eririt „ & de Falk."  16*6* ORIGINE DE LA SOCIÉTÊ ne tardera pas d'être bientöt rendue publique; en attendant je ferai part au public du réfukat de mes réflexions fur cette matiere. Que fignifie le mot Maconnene, en Anglois Mafoniy? Leffing dit page 47 que Ma/a fignifie en Anglo-Saxon, une table, & Mafoneyi par conféquent, une fociété de table privée. Je ne fais point fi Maja fignifie une table, mais ie fais qu'en Anglo- Saxon Maga fignifie un compagnon (1) ; & je n'ai-point trouvé que dans les écrits du moyenage, Mafonia ait fignifié une fociété de table: des favans très-verfés dans cette branche de la littérature, n'ont pas été plus heureux que moi; il fe peut qu'ici encore les papiers du défunt nous donneront les éclairciflemens néceflaires, quoiqu'il faille avouer que le paffage d'Agricola, (2) auquel il fait allufion & que j'ai trouvé, n'eft rien moins qu'une ' (O Afflfa, parjocius, confors, ccrnjux,a peer, an equal, a companion, a mats. Voyez Somneri DiÜiofiarium Sixonico ■ Latino - Ar.glkum, tn fol Oxon. 1689. Ihre , dans fon Glüffaire, fait venir le mot connu Mat epi, de Male. (2) L'aiTemblée des Chevaliers de la table ronde s'appelloit en Allemand MefTeney. Ycyez jcfeph Agncola, Folio 323.  DES F R A N C-M A C O N S. %6f fource ancienne ; d'ailleurs Meffèney, comme 1'écrit Agricola , n'eft' point encore Mafoney. Je crois trouver une origine touce différente pour ce terme. MaJJonya eft dans le Latin du moyen-age la même chofe que Clava, une maffüe (i) ; mais Clava fe prend auffi pour Clavis, une clef, & de-la vient le mot Clavare (2), qui dénote le droit d'entrer dans une maifon & d'en refufer 1'entrée a un autre. Mais nous voyons que ce que nous nommons en Allemand une fociété fermée, particuliere, exclufive, comme fi l'on difoit focietas clavata, eft exprimé en Anglois par le même mot Maflue, {Club). Cela ne revient - il pas a notre MaJJonya (3) , qui a les mêmes rap- (1) Carpentier GlvJJarium Latin. Meel. JEvi, Tom. II, MaJJonya. (2) Ls même Tom. I, Clava, Clavare. Item quod Dom. Abbas pnjjit clavare £f clatdert domus diEfomm bominum (3) Si l'on ne veut pas adopter une origine au Ui naturelle, je ne fais d'oü l'on fera venir le mot Club , entmt qu'il' fignifie une fociété particuliere; car Pétyrnologie que Skinner & ap-ès 'lui Johnfon en donnent, eft prodiin'eufement forcée, en le faifant venir de I'AngloSax on, Cleoban , fendre , paree q ie I'écot écoit parugé & répard fur tous les membres.  J6"8 ORIGINE DE LA SOCIÉTÉ ports avec le mot maffue? II s'enfuivroit donc que Mafoney, ou plutöt Masfoney , ne fignifie pas feulement une fociété de table, mais plus particulierement une fociété fermée , un Club, telle que la Table ronde en étoit une, & 1'étymologie que je donne ici, ne contredit nullement celle de Lening. Voici encore une circonftance remarquable ; il exifte en Italië des églifes qui ont appartenu aux Templiers , & qui jufqu'a ce jour ont confervé le nom d'églifes de la Mafon (i). Paciaudi dit que c'eft della Maggione , paree qu'elles étoient attenantes a la demeure des Templiers; mais cette circonftance n'eft-elle pas commune a tous les Ordres, & pourquoi les églifes des Templiers feules auroient-elles été dites de la Mafon? Ne feroit-ce point la marqué d'une Magonnerie dé Templiers, d'une Societas clayata , d'une fociété fermée, compofée des freres inftruits (i) Par exempls, 1'églife de Notre Dame i Bolcgne , comme "auffi 1'a^cienne églife des Teaipüers a Milarj. Voyez Paciaudii de Cul.u S. Jobannis Baptijla /Miquitates Cbrijlu .ce , Ramce, 1755. 410.  DES F R A N C-M A C O N "S. l6$ inftruics des myfïeres donc nous avons tant parlé, qui croyoient un Dieu toutpuiffant Créateur du ciel & de la terre? Leffing auroit-il peut-être eu lien de croire que fon digne ami, Leu de Filneck, avoit été de ia maconnerie? Cette idéé me fait battre le coeur. — Quoiqu'il en foit, c'eft encore une chofe fur laquelle nous devons efpérer de trouver quelques lumieres dans les papiers de mon défunt ami. Au refte , que les Franc - macons tirent leur origine de cette magonneriela, ou non, c'eft ce que je n'examine point a préfent. II faut, pour prouver un fait de cette importance, des documens inconteftables & non des fuppofitions & des traditions; cependant, puifqueje fuis fur ce fujet, je rapporterai ici ce qui m'eft connu des commencemens de cette fociété, mais je ne puis communiquer au public que quelques réfultats de mes pénibles recherches, & quand même la prudence me permettroit de lui offrir tout moü travail, je craindrois de tomber dans des longueurs fatiguantes, auxquelles fa pacience ne réfifteroit pas. Dans les Ü  170 ORIGINE DE LA SOCTÉTÉ recherches de cette nature il faut trouver dans un fatras infupportable de vieux & .de rnauvais livres, le peu de vérité qu'ils contiennent; il y a-la de quoi ennuyer bien des lecleurs, fans qu'on puilïe efpérer d'en intéreffer un auffi grand nombre. Si je ne puis établir tout ce que j'avance fur des preuves tirées de 1'hiftoire, du moins ne diraije rien qu'elle contredife. ■ Si je traite de 1'origine de cette fameufe affociation, c'eft dans 1'efpérance que perfonne ne m'interprêtera d'une maniere peu favorable. Je ne cherche ni a décrire fes établiffemens, ni a pénétrer fes fecrets; ce n'eft point la 1'objet de mon travail, car on ne peut ranger au nombre de fes fecrets, aucun de fes fymboles externes, puisqu'on les trouve dans des ouvrages approuvés par le plus grand nombre de fes membres. . • Mon but, en écrivant ceci, me permet de perdre entierement de vue le fecret d'une fociété, que j'envifage comme un phénomene dans 1'hifloire du genre humain. Un ouvrage intitulé 1'Etoile flamboyante, fait monter a dix millions le nombre des Franc-macons  DES FRANC-KifONS. 171 a&uellement exitlans (i). En fuppofant qu'il exagere de la. moitié, il en refte affez pour intérefler 1'obfervateur philofophe. S'ils n'ont aucun fecret, c'eft une nouvelle & forte preuve du pencbint que la nature a donné aux hommes pour fe réunir en fociété, puisque de fimples coutumes & quelques fymboles ont fuffi pour maintenir celleci, du moins pendant un fiecle; ce quï fuppofe une force qui jufqu'a préfent n'a été attribuée qu'aux idéés religieufes, a la politique & au befoin. Que fi ce fameux fecret exifte, on n'a pas moins lieu de s'étonner, qu'une fociété fi nombreufe foit fufceptible d'un pareil enfemble & furtout d'une auffi merveilleufe difcrétion ; deux chofes dont les profanes ne fauroient fe faire une jufte idée. Ce n'eft point lui faire tort, que de ne pas admettre la prodigieufe antiquité que quelques écrivains lui ont attribuée; il a été un tems oü la bonne critique n'exiftant point encore, chaque hiftotien fe croyoit obligé de faire remonter 1'origine de 1'hiftoire qu'il écrivoit, (1) Première partie, p. 230. H a  T72 ORIGINE DE LA SOCIJÊTÉ jufques dans 1'antiquité la plus reculéej il raffembloit alors fans choix ni réflexion les rapports les plus éloignés & les plus frivofes. On en a fait de même a 1'égard des Franc - magons. Leffing dit quelque part: ,, le Frere Orateur }, eft un bavard": pour moi je crains bien qu'il ne faille fouvent dire Ja même chofe du frere hiftorien , furtout iorfqu'on le voit, comme 1'auteur de 1'Effai fur les N. N., enrichir 1'hiftoire -de fes propres idéés (i) ; raffembler toutes les fociétés myftérieufes en une, quelque différentes qu'elles aient été; en imaginer qui n'ont point exifté; (i) Cet écrivain parle, comme on peut croire, des Templiers, & nous apprend entr'autres (p. in.) qu'a leur réception ils pofoient Ie pied fur Ia croix & fur le triangle , & qu'ils adoroient une figure a trois têtes, entourée de .cercles & de têtes de mort. II n'y a rien de controuvé ici que les trois têtes, les cercles, & les têtes de mort. Cet auteur fait da favant & hérifle fon livre d'une foule de citations par malheur inutiles, puifqu'elles ne font pas prifes aux fources originales; il cire encore a la page 30 , la differtation de Cbifflet, de Gemmis Bafiiidianis; mais il ne Pa pas mieux lue que les autres ouvrages qu'il eite, car s>'il 'en avoit feulement parcouru les planches, auroit-il négligé les deux pierres importantes qut j'ai fait graver fur le frontifpice de ce traité.  D2S FRANC -JfAfONS. I?; croire, comme lui , qu'Horace étoit Franc • magon (i), paree qu'il dit quelque part: Hora quota eft? & ailleurs: poft mediam noStem; —— &: cogit dentram porrigere. De cette fagon-la on prouve tout & l'on ne mérite feulement pas d'être réfuté, Lorfqu'on veut écrire une Hiftoire véritable,, on ne doit rien avancer comme certain que ce qu'on eft en état de prouver par des documens- inconteftables, tirés des fources originales & des; auteurs contemporains, & encore faut> il ufer de précautiom II faut penfer que les chofes femblabies ne font pas les mêmes , & que poft hoe n'eft pastoujours propter hoe. La t-radition e£t bonne pour ceux qui font perluadés-, ou qui veulent l'êtrer & je-leur laiffeleur perfuafion de tout mon cceur. Jamais- les fuppofitions ou les hypothefes ne tiendront lieu de preuves; ce n'eft pas qu'elles n'aient leur mérite: mais il faut pour qu'elles paffent, qu'elles aient un rapport bien direct avec des faits certains, & que le concours de toutes les circonftances leur donne le plus haut Cr) EfTai fur les N. N.. p. 95.  174 ORIGINE DE LA SOCICTÊ degré de probabilité. Maïs réunir parforce des faits qui n'ont rien de comjnun, fauter des époques entieres, & ne point s'inquiéter des contradiclions les plus manifeftes avec les notions les plus généralement regues, dés qu'il eft queftion d'établir un fyftême favori, ce n'eft plus écrire 1'hiftoire, c'eft rêver, & les talens réunis a la fcience n'empêcheront point que ce ne foit toujours rêver. Je ne vois pas qu'une haute antiquité rendït la fociété des Franc-majons plus jlluftre; c'eft dans la conftitution acluelfe d'un corps, &_ non dans fon origine, qu'il faut chercher fon utilité. Eft-il vraiment refpeótable ? Qji'a-t-on a faire rechercher ce qu'il étoit a fon inftitution; ce font les membres aélueis qui le rendent & le maintiennent tel, & ce doit être 1'objet & le but de tous leurs efforts. Cecifufiira, ace que j'efpere, pour convaincre tout le monde, qu'en écrivant je n'ai eu aucune vuè cachée, & bien moins encore 1'intention d'offenfer qui que ce foit. —Pour remonter a'l'origine des Franc-macons, je dois néceffairement m'arrêter a celle d'un autre éta-  BES FRANC-MACONS. 175 bHffernent égalernent illuftre, celui de la Rofe- croix. Ici , comme dans le refte de 1'ouvrage , je ne ferai attentïon qu'aux faits, évitant avec foin les chofes qui ne font fonde'es que fur la tradition & qui font fi propres a égarer le jugement & 1'imagination. On a beaucoup difputé fur 1'origine de cette fociété & même fur fa réalité. Dès les commencemens on en a attribué 1'inftitution au célebre Théologien Wirtembergeois Jean Valentin Andréa, 1'un des favans les plus profonds, les plus pénétrans, les plus fages de fon fiecle;. c'eft furtout ce qua avancé avec beaucoup. de fondement l'hillorien Arnold,dans fon Hiftoire del'Eglife & des Hérétiques (i). D'autres ont repouilé cette imputation, alléguant qu'un tel homme n'étoit pas capable d'un pareil ridicule; mais il y a Rofe-croix & Rofe-croix, Parmi tous ceux qui ont traité fort'au long de cette fociété, je n'en connois pas un qui ait 1'air d'avoïr Ju avec attention les meiileurs ouvrages fur 'cette matiere , & je ne vois qu'écrivains qui fe copient les uns les (i) Première partie, pi 245. H 4  Xfö ORIGINE PE LA. SOCrÉTÖ autres (i). Ils font Ia caufe de la Jen* teur qu'on a mife a en découvrir levéritable principe. J'ai lu Ja plus grande partie des ouvrages d'Andre'a , & des autres membres de la Rofe - croix : les perfonnes qui auront la facilité & le courage d'en faire autant, verront, comme moi, qu'Andréa fuppofa cette fociété, pour répandre comme par une fiétion poétique fes vues morales & politiques. Mais fa fiction fut prife a la Jettre par bien des gens-, qui la comprirent, chacun 'd'une maniere analogue a fon caractere, & cela produifit des opinions fort bifarres. Au refte, il y adeforts indices, qu'Andréa (2), qui étoit. (O II faut en excepter Ie célebre Brucker. Après avoir varié dans Ie jugernent qu'il porte de cette fociété dans fes premiers ouvrages philofopbiques, il dit dans le Supplément, p. 794: Certe qua poft boe triennium (1615 —1617) pro;, dierunt fcriptiuncula F. R. C. nemen mentientes,, bomines^ produnt, qui longe aliam fententiam de freaernitate foverunt, eamque ad feriam artium jeereiatum difciplir.am traxerunt. 11 ne fe trompe qu'en ce qu'il ne cite que cet efpace de trois ans; d'ailleurs il confond plufieurs ouvrages fur la Rofe-croix, dont 1'effence eft bien différente. (2) II avoit vingt-huit ans, lorfque la Famay. fraternitatls paru'.  £U> S • E R A N G • M A 5 O N S, 177 étoit alors' un-jeune.homme plein de feu, voyoit les defauts des iciences, de la théologie & des mceurs de fon tems; qu'il cherchoit a-les en purger, & que pour y parvenir il -avoit imaginé de réunir en corps tous ceux qui, comme lui-, étoient zélés admirateurs du bon & du beau moral. On reconnort a cette noble entreprife le jeune hom. me plein d'ame & peu expérimenté,. qui ie berce encore de 1'efpoir enchan* teur, de pouvoir aifément communi* quer aux autres le courage, la chaleur & la bienveillance de fon-propreMeur,. Mais Thonnète Andréa ne tarda pas i abandonner fon projet, il apprit a con-noitre les hommes par les cruelles perfécutions qu'il effuya, perfécutions-qui attendent immanquablement le: témé* raire qui ofe découvrir les vices de fes contemporains. A ce chagrin fe joignit Tabus que, les enthoufiaftes firent de fes principes, abus que fes ennemis , en confondant toutes les idéés,ne manquerent pas de lui reprocher étérnellement; de forte. que pour trouver un peu de repos, il s'arrêta dans fa carrière, donnant a entendre en plufieurs endroirs dé fes écrits, que la Rofe-croix étoitH *  I78 ORIGINE DE LA SOCIRTÉ imaginaire, ou du moins qu'il n'y avoit aucune part ( 1). C'eft ce qu'on voit particulierement dans fon Menippus, & fa Mythologia Chrijliana, deux ouvrages remplis de vie , d'efprit, d'excellentes idees & fort propres a faire connoitre 1'écat des mceurs, de la théologie & des fciences de fon tems; & malgré Je peu d'encouragement qu'on accorda a fes premiers projets, il ne s'en défifta jamais entierement, cherchant toujours a tourner au bien, 1'efprifde fociabi- (.1) On ne peilt lire fans attendriffement fes plaintes fur Ia rage de fes adverfaires, dans la préface de Ia troifieme partie de fa Mythologia Chrilliana. (p. 220). Je vais prouver par fes propres expreffions , qu'il eft convenu dès l a'-, bord (malgré fes défaveux poftérieurs} d'avoir eu quelque part a 1'invention de la Rofe-croix. Voyez fa Mythologia Chrijliana, p. 329, oü il fait dire a Alethée : PlaniJJime nihil cum hac Fraternitate habso commune. Nam cum paulo ante lufum quendtm ingeniojorem, perjbnatus aliquis in litterurio Joro.agere vellet, creiid'JJem . bacjmprimis atate, qua ad infolita quaqae je arrigit, nihil mota fum libellis inter je conflitlc.ntibus jed veluü in Jcena , prodeuntes Jubbvie alios hijlriones non fine voluptate Jpeiïavi. At nunc cum Thenrum omne variis opinionum jurgiis i npleaiur , & conje&uris fuffiicionibus, maledicentia ptpjfimum pug. r.etw , Jubduxi ego me , ne impudentius me ulfi rei incerta £ƒ lubtiece immij'eerem.  DES FRANC-MAgÖNS. 179 lité fi naturel a 1'homme. Je ne ferois même furpris que l'on put encore aujourd'hui diftinguer dans fa patrie les effets immédiats de fes généreux efforts. Je me contenterai dc faïre ici quelques réiiexions fur les écrits de la Rofe-croix. L'an 1614. parut: (1) la • Réformation Univerfelle dit' Monde entier ; avec la Fama fraternitatis d ï Ordre refpciïable de la Rofe-croix, On vit de même paroïtre en iöiö: ( 2 ) la nóce chymique de Chriflian Rofe:-croix (3). Ce font les premiers ouvrages oü l'on trouve le nom de cette fociété .3 ils fe diftinguent fi prodigieufement par le ftyle & les idéés, de tous les ouvrages femblables écrits poftérieurement, & d'un autre cöté ils ont tant de rapport avec ceux de .Valentin Ar> ■ dréa, que leur reffemblance avec les uns & leur diifemblance avec les au- (1) Quelques-uns difenten 1613; pour moi, je ne connois que 1'édition de 1611. (2) Quelques auteurs parient d'une édition de 1715, mais je n'ai vu qué celle de 1716. (3) Ces deux ouvrages , qui étoient fort rares, ont été réimprimés a Katisbonne en H 6  180 ORIGINE DE LA SOCIÉTÉ tres, font également frappantes. Celui qui eft intitulé : Fama &c. annonce une réformation générale & exhorte les gens fages, de fe réunir en une fociété inconnue au monde, pour s'y dépouiller de toute fa corruption & revêtir la fageffe. Cette exhortation eft accompagnée du récit allégorique de la décour verte du tombeau du Pere Rofe-croix (i), allégorie fous Je voile de laquelle on préfente Jes deffeins & les bons ef> fets de la fociété projettée. La nke chymique eft attribuée au Pere Rofecroix, qui doit l'avoir écrite en 1459; mais on y reconnoit le ton du commencement du dix ■ feptieme fiecle & furtout la maniere de J. V. Andréa; c'eft une vifion charmante, remplie de ppéfie & d'imagination , mais d'une bifarrerie fingujiere & fort commune (i) Ce nom de Rofe-croix eft lui-mêm* allégorique. La croix repréfente la fainteté de 1'union , & la rofe eft 1'image de la difciétion. Ces deux mots réunis fignifient une fainte dif-. crétion: Ia rofe en fut toujours le fymbole, témoin 1'ancien proverbe Jub rofo; de-la viennent les trois rofes fur le tablier des Franc inacons & celles. qu'ils fe diftribuent mutuel. leinent.  DES FRANC-MAgO N S. r8ï dans les écrits d'Andréa (r). Les pieces*de vers qui s'y trouvent ,. reiTemblent fort aux poéfies de cet auteur ellesfont pleines d'élégance , telles entr'autres» que 1'Hymne a 1'amour. On y rencontre $a ik la quelques obfcurités , mais-on voit qu'elles y ont été mifes a des. fein, de même que les allufions chymiques, dont le but eft d'attirer 1'attention'. des alchymiftes fur les railleries dont- (i) Je r,e donnerai d'autre échantillon de fonefpritpoétique, que \'Apap(Papa)proditus, in Opus,culis aliquot de Rejlitutiane Rtïpubluce CbriJlLneein Germania. On y voit, dit-ii, un grand Chrift de papier couleur de rofe (une imEge du fauxChriftianifme)porté en grande pompe par fit. hommes robuftes. Mais il furvient une. pluie.d'oiage; le Chrift de papierfe mouille & s'amollit;; fes membres tombent, fa couleur, de rofe s'ér coule en gouttes, & un petit garcon empone !e. fimuiacre, pour lequel il avoit fallu fix bom.- mes. C'eft a peu prés ainfi que dans fa Fama, p. 64, il fait porter le fiecle par les quatre faifons de 1'anrée : il étoit beau de vifage, dit - il, mais il étoit tout bale:ant & parloit d'une voix rauque; il fe tronva que le pauvie miférable avoit fur tout fon corps une.gale .épaiffe de quatre doïgts, qui le mangeoit jufqu'au vif: pour emporter cette gale, les phiiofophes fe firenx donner une quantité de rafoirs, mais ils troui'e? rent qu'elle pénétroit jufqu'aux os, au point qu'il n'y a\oit pas moyen de trouver dans torn. le. colwTs une 'feule once de cbair faine. H ?  Ig3 ORIGINE DE LA 'SOCTÉTÉ il:les aecabb avec un grand air de gravité ; il ne faut que voir la comédie ridicule qu'il fait jouer aux alchymiftes Paracelfiftes., fous le nom de Mercurialiftes (i), avec fes intermedes pleins ■de finelTe.(2), pour être étonné que -les; foi - difants .adeptes aient pü y chercher ü longtems les fecrets de la chymie , fans être frappés de la fatvre qu'elle contient. . Ces deux ouvrages. furtout Ja Fama, firent beaucoup de bruit en Europe & plus encore en Angleterre (3). L'AIlemagne étoit dans ce tems-la toute pleine d'amateurs des fciences fecretes j (1) Page 99, de la nouvelle édition. (2) Par esemple, a la page 106: — Arrivé un chceur de fous munis chacun d"un baton, ils en font en moins de rien un immenfe globe, mais qu'ils défont auffitöt; c'étoit une trés» plaifmte fantaifie. -7— On fera bien de lire encore les endroits oü il s'adreiTe aux chercheiirs de fecrets, on fera frappé de Ia bonne plaifanterie & de 1'excellente morale qu'il leur prodigue; voyez fes Injl. mag. pro curiojïs, ajou. tées a fon Menippus-: Après que Chriftianus a fait monter au comble la cuiiofité deCuriofus, il lui ouvre enfin le temple magique, & 1'explication qu'il lui donne des chofes qu'ilsy trouvent, eft, a mon gré. un cbef-d'o3uvfe. (3) La Fama parut auffi en Latin»  DES FR A N C M A C O N S. c'étoit le regne de la Chymie & de 1'A'lrologie; "on honoroit fouvent celleci du beau nom de Mathémaciques. On i fait le cas que 1'Empereur Rodolphe faifoit de 1'Alchymie; & quant a 1'An-gleterre il ne faut que lire la vie de fes favans dans la Biographh Brüannique,. ou dans WoocCs Athence Oxonienfes (1), pour voir a quel point ces deux fauffes fciences y étoient cultivées, & com» bkn on cherchoit dans 1'aftrologie la t découverte des chofes les plus cacliée?,, Tous les amateurs des fciences occultes croyoient donc trouver leur fait dans cette fociété de la Rofe - croix; ils vouloient s'en faire recevoir i ou du moins entrer en correfpondance avec eile; aucun n'y réufiit, & cela par une très-bonne raifon; alors plufieurs perfonnes fe donnerent pour en être; mais en confidérant leurs écrits avec auentiön, on voit qu'ils different en tout des deux premiers dont nous avons parlé , qui annoncoient 1'exiftence de la confrairie, & que des idéés toutes Ci) Voyez ce que Wood raconte des Aftrologue-s, Jean Evans, Guillaume Lilly , Jean Humphrey, &c»  I&4-; O K I Gï N E L A S O CUÉ T'é" nouvelles avoient" pris ia- piace des premières; pour en étre convaincu, il ne faut que comparer la Fama fratemitatk & la Noee chymique ,avec le Clypeum Veri* tatis de Michel Mayer, &. la Défenfe des freres de la Rofe;-croix par Robert Fludcl.. Andréa lui-mêmo; a dit affez clairement, que-cette comédie cefferoit bientót (i) , qu'il vouloic quitter ia eonfrairiede la Rofe-croix pour ne s'aclacher qu'a la fociété des Chrétiens,&c. II exifte un grand nombre d'ouvrages fur la Rofe-croix, trés-différens entr'eux felon 1'efprit de leurs auteurs; je croispouvoir cependant les ranger fous quatre ou cinq claffes principales. i°. Les Myfliques ou ■ Théofophes. Ceux-ci virent lemal que faifoit au Chriftianifme 1'intolérante dogmatique de ces tems - la ; ils mirent a profit quelques idéés faines de réforme qu'ils trouverent dans la Fama il y avoit. (i) Dans fa Turris Babel, Argent. iffro, oü il fait dire a la Renoraraée : Satis Juperque homimbus ithifum epJ. — Ebsu mortales! nihil eft quod FraUrnitaUm exfpeiïetis : fabula peratla eft,, Fama aftruxit : Fama deftruxit. Fama ajebat r Fama negat, &c. Voyez encore Menippus, edih Colon. 1676, & la Mythologie Cbtélienne , 'Home IIL  DES F R A N C- M AC O NS. T%f parmi eux, comme de coutume, quelques enthoufiaftes obfcurs ,• mais leur Appel de la théologie de la letire au Chnft qui eft en nous, c'eft-a-dire a la raifon qui eft en nous & a notre lens rm> ral, étoit un grand acheminement a la, vérité, & la chaleur avec laquelle ils fubftituoient a la féchéreffé du^ dogme w le commandement divhvde la chante ,, ne peut que mériter les applaudiliemens, des gens de bien (i). 2° Robert Fludd en Angleterre, ik: fes partifans. Gelui-ci fit entendre: qu'il étoit frere , & il eut un grand nombre de difciples. Son fyfteme elfc un mélange de philofophie, de mede?cine & de théologie. La partie medieale fuit évidemment la doctrine ae Paracelfe. La philofophie y eft toute Gnoftique,pour ne pas direManichéenr ne, au point que je me fais fort de montrer chez les Gnoftiques tous- les principes philofophiques de Fludd ; principes que celui-ci n'a fait qu'étendre & qu'appliquer. affez fouvent a la. (i"r Vöyez le Discours de Gratianus Amir.- dus di Stellis , ajouié a I'édition de la Pm* f781.  186 ORIGINE DE LA SOCIÉTÉ pJiyfique. II explique lé mot Rofe-croix t d'une maniere tout-a-fait figurative, par la croix teinte du fang vermeil du i Sauveur, étendard facré que tous les Chrétiens doivent fuivre; allufion ridrcule, a laquelle 1'auteur de te Fama n'apoint penfé, 3°. MichelMayer & fes difciples. Cet homme avoit été médecin & alchymiue de 1'Empereur Rodolphe, & fes écrits roulent entierement fur 1'alchymie/(u); quoique. dans le deffein de; comprendre & de. traduire 1'Ordinal du Frere Norbert, il fut allé en Angleterre pour y apprendre la langue du pays (2) y. quoiqu'il fut fort lié avec Fludd & qu'il êiit: fous Je nom d'Ötreb publié fon ouvrage üëVita i Mórte ^RefamSiione; cependant: ili'explique tout autrement le mot Rofecroix que Fludd & 1'auteur de la Fama;.: ou plutöt il nie que Ja fociété tire fon nom! d'un perfonnage appellé Rofecroix: „ mais dit-il, le fondateur de ■ „ Ia fociété ayant donné a fes difci„ pies pour figne de confraternité les (1) Biographia Britmnica, vie d'AshmoIe. . (2") II I'a f.iit imprimer a I'r.mcfort fur Ie Meyn en 1Ó1S , fous le titre de Tripus auretn., in-4to..  DES FRANC-MA-S O NS. ïS?' lettres R. C. , on vint dans la iui* e a en faire tres-mal apropos "lemotde Rofe - croix"(iV Afin de donner un air de myftere a fa doetrine , il inventa une nouvelle figure. ou'il appelloit Anagramme & que J <«' ?epréfe5&e au. N°. 5- Cela prouve bien que chacun fit de ce fyfteme cc Wil voulut, d'autant plus que le mot Rofe-croix eft pofitivement exprime dans le titre de la Fama fratermtatts, ïforemier ouvrage de ce genre, est.re* Edansla-A'L chymiq^. on ne uou< Se aucune des belles invention^ de. May er dans aucun des deux, &1 un os- tuza^imis . ■& a primo auBm pff f^ fZf%& 4 C, pro al!jf aparte Mu?; «' PZitri auvn fit in Rofece Crucis vocalulu. Krès Sta on a prétendu que ces de««* fien fioient Fra'.res Rons CoÜw Mais cea e bfen plus moderne & l'on ne tro« £ Rmblable a cette exphcation dans les écrits Mayer.  l8& ORIGINE DE IA SÖCT£t£ l?autre avertiffent que Ia pierre philofophale n'eft point Ie principal objet des travaux du fage , mais feulement un acceffoire (i). Andréa^ crut que le meilleur moyen de modérer 1'ardeur de fon fiecle pour Ja découverte du grand oeuvre, étoit de prouver, qu'en fuppofant même 1'exiftence de 1'art, celui de rendre les hommes meilleurs lèroit encore infiniment préférable. 4°. Un auteur qui déilgne fon nom par les- mitiales- B. M. J; ,, parle déjaen.iöió, ayant Mayer, d'une fociété R. C. II décrit la maniere de vivre öc les occupations de fes- membres -r. il ajpute que plufieurs aventuriérs abufent: de fon nom qui, felon lui , ne vient point: d'un perfonnage nommé Rofecroix. La maniere de cet anonyme fediftingue au- premier coup-d'ceil de celle de Mayer; mais elle approche beaucoup plus du ftyle & des idéés, d'Andréa*. CO On trouve dans Ia Fama , p. oy, & danste Nóce cbymique, p. 151, Une déclaration violente fur ce point; cela prouve combien 1'inventeur de Ia Rofe . croix étoit éloigné des idéés de ceux qui, dans la fuite,.ont fait im fi-mauvaisiiilage des fiennes.  BES FR A:N C~M ACONS, jjg 50. Enfin, Tan 1622 ilexiftoit effeetivement a la Haye , une fociété de foi-difans Alchymiftes, & quoiqu'e» cüfe Mayer , ils la faifoient appeller Rofe-croix. lis nommoient leur fondateur Chriftian Rofe, & affuroient qu'ils tenoient leurs affemblées a Amfterdam, Nuremberg, Hambourg, Dant2*ic, Mantoue , Venife & Erfort.; ils portoient publiquement un petit cordon noir, qu'ils recevoient lorsqu'ils avoient eu quelques extafes; mais dans leurs affemblées ils étoient revètus d'un grand cordon bleu, auquel étoit fafpendue une croix d'or furmontée d'une rofe. On trouve ce détail & plufieurs autres dans la préface de L. C. Orvius,' pour i'ouvrage de Montani, intitulé: Principes de la fcience hermétique (t). L'hon- (1) Cette préface n'eft pas entiere dans la nouvelle édition publiée en 1757» a Francfort & Leipzig, par Jean Rodolphe ab Indagine, qui dans un ouvrage de fa facon dit, que les ftatuts de la fociété .en queftion fe trouvent dans Sincere Renati (dont Ie vrai nQm eft' uit'on» Samuel Richter) TbeopbUqfopbia tbeorico-prac. tica. Je n'ai point pu trouver ce livre. 11 dit encore que cette Société a ceffé d'exifter au commeircement de ce fiecle ; ce que je lui laiffe i prouver.  '100 ORIGINE DE LA SOCIÉÏÉ :nête Orvius raconte avec une fimpiicité bien propre a donner du poids a fon récit: qu'il a fait force voyages pour 1'araour de ces gens-la.; qu'ils lui ont fait difliper un patrimoine confidérable , fans parler du bien de fa ifemme, qui alloic a onze mille écus; que .cependant il vivoit miférablement ;tandis qu'eux menoient a la Haye une vie fomptueufe dans des palais magnifiques. II dit encore que lui Orvius : ayant découvert un livre oü l'on trouvoit leurs prétendus fecrets & fort audela, dans leur indignation ils brülerent 1'ouvrage , & que pour lui il eüt une forte réprimande : enfin le pauvre Or-_ vius s'étant avifé de donner a un ami malade un remede contre 1'hydropifie , les adeptes en prirent prétexte de le chaffer de leur fociété, ou, comme il s'exprime , de le mettre au ban , fans grace ni merci (attendu qu'il étoit ruiné) & en lui enjoignant le fecret fur fa vie. — Je leur ai tenu parole, dit - il, mais a la facon des femmes, qui gardent religieufement le fecret fur tout jee qu'elles ignorent. Quoiqu'Andréa n'eót pas réuffi dans le beau deffein de réformer le monde,  D E S F R A N C-M A 5 ON S. ICJCÏ il ne laiffa pas d'influer confidérabiement fur les mceurs de fon fiecle; on examina avec les yeux d'une faine critique bien- des chofes que fans lui on auroit laiflees dans la profonde obfcurité oü il les trouva; il fe fit une fermentation dans les efprits, dont 1'effet fut un amour ardent pour la vérité; fentiment qu'un ami des hommes déeouvre avec fatisfaction dans tous les écrits de la confrairie. Robert Fludd caufa la même révolution en Angleterre; quelque chimérique & vague que foit le fyflême de fa philofophie, il a cela de bon que cet auteur cherche a 1'établir fur les phénomenes de la nature, & ce fut une idéé heureufe que celle d'appliquer le principe des Gnoftiques de la création. par attraclion , aux viciffitudes journalieres du tems, pour en faire une efpece de thermometre , qu'il appelloit fon calendrier de terre (i). Cela confirme la vérité d'une obfervation que 1'histoire des inventions des hommes donne Jouvent lieu de faire; c'eft que Terreur (i) Brucktri Hijl. Pbilof. Tom. JV, p. f5p2i  Ïp2 ORIGINE DE LA SOCIÉTÉ nous mee fouvenc fur le chemin de la vérité. Le grand Bacon de Verulam brilloit dans ce méme tems, .& je -trouve des indices que cet ouvrage, la Fama & fldée d'une réformation générale, peuvent avoir fait naïtre, ou du moins fortifié celle de fon Injlauratio magna. II eft vrai qu'il fuivit une autre route, car le deffein des membres de la Rofecroix n'avoit jamais été de rendre la vérité publique & lumineufe aux yeux de la foule ; ils 1'enveloppoient d'un voile qu'ils ne levoient que pour les adeptes; au lieu que le grand Bacon, cet homme fi fupérieur a fon fiecle, vouloit dans l'inftruótion faire difparoitre la différence qu'affeótoit le pédantisme de fon tems entre la méthode éxotérique , & Véfotérique, afin que les fciences mifes a la portée de tous les bons efprits devinffent généralement utiles, fans rifquer de dégénerer en un vain babil (i). Ce fut dans cette vue que, (i) H dit clans I'annonce de fon Injlauratio mqgna: Ut vero trrorts ctrrigerent nulla prorfus füberat  BES F R A N C--M A C G N S. 193 que , non content de compofer pour jes Savans fon ouvrage _ immortel de Jugmentis Scientiarum , il revêüit ces mêmes idéés de la forme du roman dans celui qu'il intitula la nouvelle Atalantis, & qu'il écrivit dans fa langue mater nelIe , pour que toutes les elaffes de la fociété puffent le lire.- II fuppofe dans cette liet ion, qu'un vaiffeau aberde a une ifle inconnue nommée Benfalem , dans laquelle un certain Roi Salomon avoit jadis regné ; ce Roi y avoit fait un grand établiflement, qu'on appellok la maifon de Salomon , ou le college des ceuvres de fix jours ( c'eft-a-dire de la création). II décrit enfuite 1'im- fuberat fpes; proptirea quod notiones remn primu, ou, comme on dit en Angleterre, d'une Corporation. II eft toujours facile a un Homme de qualité ou de lettresde dement gravée dans quelque ouvrage améiieur au Macarii Abraxas, &, en général, toutes ets aüegones étoient affez gé-éralement connues; s'affembler danr la maifondes macons {Mafon''s Hall, in Mafon s AHey Bafing - haü fireet) (i ). Ils entrerent tous dans la confraine, oc fe firent appelier Free and-accepted Ma-' fbns "prenant d'ailleurs toutes fes marqués extérieures (2). Free, en fran-' ™is, Ubre , franc , eft le titre fard fit naitre cette dénomination de Franc -mae;on, qui dans Ia fuite devint fi fameufe ; il eft cependant poffible qu'on ait fait quelque alluöon a 1'édiücation de la maifon de Salomon; allegorie favorite, a laquelle on étoit accoutumé (2)» Deux corps bien illufires chacun dans fon genre, la Société des Franc -magons, & la Société Royale des Sciences, du- (1) Encore aujórtrd'hui tout magon jouit en Anpleterre & en Ecoffs d'un droit de préférencetpour être rccu Franc.magon, & ii ne paye que la moitié du prix de réception; ce qui prouve qu'on la regarde ici comme réciproque. (2) Aslimole étoit antiquaire & a la fagon defon tems, oü l'on raffembluit fans choix ni goüt & oü l'on refpeéboit tout ce qui étoit antique. II rechsrcba donc dans les Antiquités Angloifes tout ce qui pouvoit concerner les taacjons, & comme les Franc-macons faifoient corps avec eux,, il étendit aux nouveaux-venus ce qui ne concernoit que les premiers. II eft remarquable qu'Ashmole, I'un des premiers membres de la fociété, ait déja combattu la tradition qui les faifoit defcendre d'une troupe de Conftru&eurs Italiens f Camentariorwn Soc etas,) & autres, en faveur de qui le Pape avoit accordé une Bulle fous le regne deHenri III. II difoit quec'étoient de véritables magons-artifans. Voyez. fa vie dans ia Rkgtapbie Britannique,  BES FRANC-MACONS. 20g rent donc leur exiftence a la même caufe & dans le même tems. Mes avoienc un but commun,-& la ditterence de leurs procédés ne venoit que de celle qui ie trouvoit dans quelquesunes de leurs opinions; 1'une avoit pour maxime que la connoiffance de la nature devoit être répandue dans tous les ordres de la fociété, tandis que felon 1 autre la nature même de cette fcience exigeoit que fes fecrets fuffent le partage d'un petit nombre d'hommes choifis: c'eft d'après ce principe que cette derniere enveloppa du myftere ik les affemblées & fes tranfaftions; quoique cependant on ne fauroit prouver que dés ce tems-la-elle ait fait oftentation de fon fecret, elle avoit un myftere, eu Anglois myjlery. Mais on a finguherement pris le change, en rendant le mot myjlery, par fecret. Chaque Corporation om' corps de métier sappeiie en Anglois myjlery (i). On trouve (i) ïohnfon b refid dans fon Diftionnairo par trale, ealiing & croit avec tVarhurton qua ee mot vient de 1'Italien MJiiere, cc que dans cette acc,-ption il faudroit 1'écrire Mijlery:r pour rrioi je fuis tenté de croire qu'il vient de Myjte. rium. Chaque métier a fon fecret, qui n et» I 6  S04 ORIGINE DE LA SOCIÉTÉ dans 1'hiftoire de Londres par Markland, un grand nombre de corps fous, cette dcnominacion: le myftere des. épiciers, des poiffonniers, des marehands de fer, öcc (i). La fociété des franc-macons avcut alors d'autant moins fujet aafKcler le myftere, qu'elle: fut bien tot dans fobligauon de pofféder & de cacher un fecret très-réel,. & le meilleur moyen d'y parvenir étoit laas doute de paroïtre s'occuper unicjuePient des fciences & furtout de Ja phyiique. En Angleterre, tous ceux qui. compofent une fociété particuliere v font aulii du même parti politique, & la concorde 1'exige.ainfi; or nos Francmajons étoient entierement dévoues au» Roi (2) & par conféquent grands enne- tonnn que- des confrères, ou des maltres de la jjiofeffioHi (j) Tbe myjlery ef the grocery, the myjlery of the fish - mongers, the myjhry of the bathers, the viyffeiy of cooks , the- miftery of cutlets , tóemyjlery of bul and -makers, &c. (2) Ashmole psrdit en 1648 une terre qui lui appartenoit.a caufe de fon aitacbement au Roi. Voyez Ie Diélionnaire de C hsufeiué & Woods Alben* Oxon. — Liliy étoit l'Mroloj^ue favori de Charles J, qui n'entreprenoit tien fans fes wis, Ce priiice le confulia avanc fon évaiïoa  BES FR A-NC-MA CÖN S.- 205 mis du Parlement , ils s'occuperenr bientöt dans leurs affemblées des moyens de foutenir la caufe qu'ils- avoient embraffee. Après la mort tragique du Roi en iC'49, les Royaüftes s'etant unis plus étroitement tneore, &. craignant que la politique foupconneufe de Cromwel ne \ int a troublcr leurs affemblées , ils choifirent celles des Franc» macons pour couvrir les leurs, & les bons ientirntns de la fociété étant connus, plufieurs perfonnes de qualité s'err firent recevoir (i). Mais comme it de Hampion-Court & de 1'ffle de Wight. Err i in 8vo, oü l'on trouve nommément tous les membres de ce comité fecret des ferviteurs,dü Roi, quoiqua la dénomination de Franc-macons y manque..  206* ORIGINE DE EA SOCIÉTÉ ne s'agifioit de rien moins , que de diminuer ie nombre des • partifans du Parlement, & de frayer au Prince de Galles le chemin du trone, en rendant li République odieufe, & en ramenant les efprits a la caufe du Roi, il eüt été fort imprudent de communiquer a tous les Fr^nc mijons fans eNception, les mefures que l'on jugeoit convenables qui ordinairement demandoient un fecret inviolable; on trouva donc le. moyen de faire un choix de quelques membres qui s'affernbloient en particulier: ce comité, qui ne s'occupoit point du tout de la maifon de Salomon, fit choix d'allégories qui n'avoient aucun rapport avec les premières, mais qui répondoient trés-bien a fes projets. Ces nouveaux macons prirent pour figne, la mort; ils pleuroient celle de leur maitre (Charles I); (i) ifs nourrisfoient 1'efpoir de le venger de fes meur- - (O Qu'on fe fouvienne que Charles I avoit formé le deflêin de batir une maifon de Sa!o« mon. A en jugtr par le goüt de ce Prince pour lus fciences occultes , elle auroit été entlerement fewolable a celle de fes fideles partifans.-  BES FHANC-MACONS. 20? triers; ils cherchoient a rétablir le Verbe,, fSlk-dire.--le.fil8 du Roi5 (i)*,U Reine étant déformais chef;dir parti , ils ft qualifioient Enfans de la Veuve (2). Jb convinrent auffi de fignes^particuuers afin que les partifans da Roi pufknt fe difiiiuruer fürement de leurs ennerms. Cette>écaution étoit également utile pour kurs voyages dans les provinces Spour ceux qu'ils faifoient en Hollande oü la cour s'étoit retireej.comme elle étoit pleine d'efpions on devoit redoubler de vigilance pour derober fon fecret k fes ennemis. Après la mort d'Ohvier Cromwel & fabdication de fon fils , le gouvernement tomba entre les mams d un petit nombre de chefs de partis divifes enS?L, furieux & foibles a la fois. Les bons patriotes virent que cette adminiftration illegale & tyrannique etoit pernicieufe, & qu'elle ne fauroit fubfifter longtems; ils compnrent bientot rx> Aov^, qui fignine verbe & fi's, felon Ia ^Tvï^^^^^ SS 4Ms}S$t* GaUic and Englisb DOmmy. Lond. 17S0.  20c? 0RIGÏNÊ DE U.K. S'0CliT£~ que le remede a tant de maux étoit le rétabliflement de Paütorité royale. Mais ce deffém falutaire trouvoit de gwndes difficultés , lurtout de la part des Géneraux, qui oublioient leurs dif* férends des qu il s^giSbit de fe réunireontre le parti de-Ja cour. On ne pouvoit compter que fur: le Général1 Monit, qui commandoit J'armée d'Ecbfle; ij étoit fecrétement attaché a Ja caufe royale & ce fut lui qui eüt la gloire de faire réuffir le grind projet de Ja reftauration. On eft frappé d'étonnement en lifant dans Skinner Ja prudence , 1'activité & Je courage que fit paroitre cet officier, auffi grand hommé d'éiat que grand capitaine , & des difficultés prodigieufes qu'iJ eüt a furmom ter: rien de plus admirable que Je pn> fond fecret qu'il fut garder même envers fon frere fur 1'ouverture que Je Roi lui; fit en 1659- (1) , tandis qu'il faifoit déja marcher fon armée du cêté de J'Anglettrre. Tous les yeux étoient ouverts fur cette armée Ecofibife, & 2 mefure que les amis fecrets du Roi (r) Voyez Ia vie du .Général Monk pas Skinner, en Anglois. 1  g j 5 FRANC-MA CO NS. S<& fentoient renaitre leur efpoir ils comprenoient que des .tems auffi entigue» ïvieeoient une circonfpecïion toute m SU ajoatez a cela qu'un memS leur fociété, SirRichard Wallis fiV devint.fafpea, au,point qu k toute leur connance Ato* iiirerent qu'il étoit neceifaire de res Ser encore plus leur comité fecret Suf Ster dSs affaires Eco^fes ?eft-a-dire des intéréts- du Roi. Ita firent choix de nouvelles allegories qui Sokut 1'état extrêmement cntique Lne & dans leurs entrevues ils s afetiffoient allégoriquement de prend^e. ïarde dans cet état chancelant de tornS pour ne pas fecaffer lebras. C'eft a 1'hiftoire authentique de. Origine de la fociété des Francmacons. (I) Voyez la vie du Général Monk pu Skin.  210 ORIGINE DE LA SOCIÉTÉ & des premiers changemens qu'elle eprouva; changemens qui d'une fociété efocenque de phyficiens en firent un ■ corps de bons patriotes & de fujets fideles; c'eft auffi de-la qu'elle prit dans IaJutte Ia denormnation d'art royal.appliquée a la maconnerie. Un anonyme a inféré dans le Mer-cure de M. Wieland (r), une Difierta- ■ tion fur cefujet; dans laquelle il attribue le mérite de cette conduite patriotiquea 1'autre fociété, connue fous le nom de Société Royale des Sciences. Voiace qu'il en dit: „ Jean Wilkins, „ 1 homme le plus favant de fon fiecle „ & beau-frere d'Olivier Cromwel, ,', étant _ mécontent du gouvernement „ de Richard , penfa aux moyens de „ retablir 1'autorité royale. Dans cette ir vue il donna l'idée de 1'établiffement „ d'une Société, {Club) oü, fous pré„ texte de Sciences, les partifans du „ Roi pourroient fe réunir en toute „ hberté. Le Général Monk.& plufieurs autres militaires, qui n'avoient „ guere plus de Jittérature qu'il ne „ leur en falloit pour figner leurs nomsa, (O Mois d'Aoüt 1781. .  BES FRANC-K AS ONS. 211 „ étoient membres ^^^ffi " Oncommencok toujours 1 afiam.iee " par quelque ktnre favante pour la " foWé; enfuite la converfation fe " tournoit fur la politique & les inte" ê s du Roi." Je défirerois fort que FaSurde cette Wtion nous eü indiaué les fources de fon étrange réck oü je trouve autant d'erreurs ^Sïbiendifficileque^ fe fÜt dégoüté du gouvernement de w ehardCrSmwel.puisque celui;du fils Ju étoit auffi avantageux que «lui du pere. H étoit très-oppofé a la cou r &: Pumain,avant & après la rebelhon (xl, Fn Si" fut fait Direfteur du Colfege deWadham, a la place d'un RoyaItfe qui avoit perduce pofte En 1649 , après la mort du Roi , il frjtfg ,ntierem,nt dans le parti des R#p*fc cains & préta le ferment de fidelite Chambre Haute. En 1656 d epoufa Ji foeur de Cromwel, deja Protecteur. SousRichardilobtintlemefileur pofte (i) Voyez Wtfi 0xm' Toine "' p. 506' .  212 ORIGINE DE LA SOCIÉTÉ de 1'univerfité d'Oxford (.1) , fous Ie. titre de Head of Trinity College , place qu'il perdit fannée fuivante a la reftauratipn._ Eft - il c-royable que cet homma ait inftitué une fociété pour avancer lerétabliffement du Roi? une fociété dont tous les autres membres étoienc précifément du parti oppofé ? Le fameux Docieur Goddard ,qui y jouoit urr des principaux röles, étoit médecin & favori de Cromwel, qu'il Mvk après la mort du Roi dans la campagne d'E* coffe & d'Mande (2). C'eft une bien étrange affertion que de dire , que le mécontentement de 1'adminiftration de Richard-avoit donné, naiffance en 1658 a une Société inftituée en 1646. JI n'eft pas moins étrange que cette Société s'affembloir dans un caffé. 11 eft trés- certain que dans ces tems, oü regnoit un fombre Puritanifme , le peu de caffés qui exiftoient a Londres ne pouvoient fervir de lieu de rendez - vous a des affemblées compofées d'hommes de tous états, de k maniere dont cela fe fait aujourd'hui. II y auroit eu bien (1) Wood dit' cela pofitivement. (a) Wood, Tome II, p. 533.  DES FR AN C-M A $ O NS. Sqj de rimpwdence 3 s'expofer ainfi dans Un caffti aux regards de tous les efpions„ lorfqu'il étoit queftion de deliberations fecretes fur une affaire également daflsereufe & importante. En effet, cette fameufe fociété n'a jamais tenu fes as■femblées dans un caffé , mais chez le Dotleur Goddard , ou dans fon voifinaee, chez un Mécamcien qui faifou: deslunettes& des télescopes & enfin a Cheap-fide & dans le College de Gresham. L'illuftre Dodeur Jean Wallis CO, de qui nous tenons ces pamcularités, nous apprend encore que ce n'eft point Jean Wilkins, mais un ia:vant Allemand,originaire du Palatinat., nommé Théodore Hank (O, qui donna la première idéé de cet etabliflement» 'üont les effets ont été fi avantageux pour les fciences. Quant au General fi) Voyez la vie de Jean Wallis dans Ia Bio'Lphie BHtannique & le Diaionnaire de ^gPÉ'fÊ Set Allemand norn.é Oldenboi-K , qui dans la fuite joua le vóle pnpS da" 1'établiffement folide & légal de a Société Royale des Sciences , ;& qut fut le Ser a publier les célebreS? Mlefiphcd Trans, SSS" qui n'étoient dans ce tems-la que lol» oucrage & celui de quelques anus.  214 origine de la société Monk, il ne pouvoit être dans ce tems* la ni de cette fociété ni d'aucune autre. F^n Janvier 1647 il fortit de la Tour, oïi il avoit été détenu depuis 164%; il fit, il eft vrai, une apparition a Londres dans le mois d'Avril de la même année; mais depuis ce moment il en fut toujours abfent jufqu'en 1659, qu'il y revint a la tête d'une armée, & pourlors il avoit des chofes fi délicates a traiter, il affeftoit une fi profonde réferve (1), & il étoit d'ailleurs obfervé de fi prés , qu'on ne fauroit croire qu'il ait pu ou voulu affiller a une aflemblée politique quelconque. L'auteur de fa vie n'en dit pas un mot, & oü eft donc la probabilité qu'avec la prudence qu'on lui connoit, il fe foit livré aveuglement aux propres parens & amis de Cromwel? D'ailleurs, une fociété politique, qui masquoit fon véritable objet fous le prétexte de la littérature , auroit agi d'une maniere inconfidérée & bien propre a donner des foupgons, en recevant des militaires qui favoient a peine écrire, & cela dans un tems oü la déiiance étoit parvenue a fon comble. (ï) Skitmifs Life of General Monk,  BES ÏSANC-MACONS. 2T5 Enfin, la fuite a démontré que c'étoic bkn férieufement que ce corps s'occupoit des Sciences, & fi le témoignage du Dofteur Wallis, qui allure que la politique étoit banniede fes conférences, ne fuffifoit pas , on pourroit prouver que fes principes en rnatiere de gouvernement étoient totalement oppofés a la reilauration (i). II n'y a donc rien de vrai dans tout ce qu'avance 1'anonyme, finon que cette révolution fut appuyée en fecret par une certaine fociété ; mais c'étoit par celle des Franc-macons qui, excepté 1'époque de fa fondation, n'avoit rien de commun avec 1'autre &qui, en littérature, comme en politique , avoit même des principes entierement oppofés. Elle continua a s'affembler après la grande époque de 16Ó0 & fit même en 1663 plufieurs régiemens qui tendoient a fa confervation (2) ; mais fon zele devoit naturellement aller en décroiffant, par une fuite des changemens conildérables ,que les mosurs & les fciences éprouverent fous le regne de Charles l. (1) Voyez Ie Dittionnnire de Chaufepié. (*) Voyez the Free-mafon's Calemlar, 1775-'  $t6 origine rjE ia société Ses oceupations politiques cefTererït -par 1'avenement du Roi a la Couronne, & quant a fon premier objet, qui étoit de cultiver les fciences éfotériquement-, ■il devoit s'être formé de grands vuides dans fon fyftême, depuis 164Ö jufqu'a 1680. La Société royale qui fuivoit •un plan tout oppofé, avoit fait depuis •1660 de grands efforts, fuivis de grands •fuccès, pour faire difparoïtre en philofophie la différence des deux méthodes, •fexotérique öc 1'éfotérique. Plufieurs Franc-macons des plus décidés en faveur de la derniere, étoient morts; d'autres avoient fuivi dans leurs opinions ies progrès de leur fiecle. Le fameux Elie Ashmole les quitta bientöt, &, comme s'exprime fon hiftorien , prit civilement congé de fes camarades. U avoit été cependant grand partifan de la méthode éfotérique , & après avoir donné des ouvrages confidérables fur 1'alchymie (1), après avoir pour (1) Fafc'culus Cbymicus, or Chymical Cullections, exprtjjïng the Ingtefs, Progrefs and Egrejs cf the Secret Uermetic Science, •written by Artb. Dee, and made English by James Hajotte (Efias Ashmole)  j) E 5 t R AS-C-MACO NS. 2Ï? pour 1'amour de cette prétendue fcience appris la langue Hébraïque , & era recevoir le fecret du grand-oeuvre, d un Frere de la Rofe-croix, nomme Vv> liam Bakhoufe , qu'il appelloit a caule de cela fon pere (i); ü changea neanmoins d'opinions & entra dans laSociete Royale, qui fuivoit, comme Ion iait, des principes tout différens en fait de phvfique. D'un autre cote , ChrütopheWren, qui étoit ennerm de 1 antenne méthode, parvint en 1663 au pofte de Grand-furveillant des Franc macons: toutes circonftances qui Iervent a expliquer la langueur qui fe nut dans les affemblées de la Société & dont 1'hiftoire fait foi. Pour prévenir fors entiere diffolution, il fallut donc operer plufieurs changemens dans fa confti- Ashmole) Efq. Lond. 1650.8/0. TheatrumChy. micum Britannkum, contaimng■ ftveral poetical pkees of our famous English Phüojopbers , <•>*» have Jutten the Hetmetic Myfleries m tbetr ovjn Lannuage, illuflrated nvitb figures and annotations ÈV Mercuriopbilus Anglicus. Lond 1652.» 4*»-. (i) Vovei la Préface d'un Ouvrage Alcbymique,; intitulé the way to bUfs, London 1650, 8vo. dont il eft 1'éditeur & qu'il avoitjreai de fon pere Wiliiara Bakhoufe.; & la V\t d'Aibrwtk dans U Siographie Britmriique. K  £18 OU! G INE DE LA SOCIÉTÉ tution primitive & lui donner un objec déterminé. C'eft a quoi l'on travailla, & il fut en même tems jugé convenable de changer les fymboles de la Société; au lieu donc de la Maifon de Salomon , on prit le Temple de Salomon comme étant une allegorie plus propre a es primer les nou vel les inftitutions. 11 fe peut que la conftruaion de 1'églife de St. Paul a Londres & les perfécutions qu'elle attira a 1'architecte Chriftophe Wren, aient contribué au choix de ces nouveaux fymboles (i). Si, comme le prétend mon défunt ami Leffing, il exilloit alors a Londres une maconnerie qui defcendoit des anciens Templiers, le choix du Temple de Salomon devient encore bien plus naturel. Mais nous attendons encore des éclairciffemens, ou du moins des probabilités hiftoriques fur ce point. II n'eft pas facile de déterminer le tems précis de ces changemens. Mais il eft apparent que ce fut en 1685, lorsque Chriftophe Wren devint Grand - maitre ; il étoit Député Grand-maitre depuis 1666, & (0 Voyez fa vie dans le DMnhnaUt de Cbaufepié, Tome IV  BES FRANC-MACONS. ftï'0 wobaWement il attendoit depuis ronglems le moment oü, fe trouvant a la tete des affaires , il pourroit exécuter une réforme, dont il fentoit la neceffite & donc il étoit convenu avec les pnncipaux membres. 11 n'entre point dans mon plan cl exar« miner queues peuvent avoir éte, les raifons fecretes & intimes de ces changemens; mais je prie le lefteur de fe rappeller ici la violente fermentation, que caufa en Angleterre le penchant da Roi Taques II pour le Defpotifme & le Papilme. II et trés-vrai qu un des grands motifs, qui pbrta les chefs de cette fociété alamaintenir, fut le defirde modérer leshaines religieufes fi ternblea & fi inutiles, & les effets pernicieux (i) des caufes qui tendent continuellemenc a ifoler les hommes dans la fociete, telles que la différence des rehgions, des rangs, des connoiffances, des intéréts & même des nations. Au lieu de tant de maux.ils vouloient étabhr une concorde fraternelle, réeonciher 1 homme avec 1'homme & faire d'une fociete (i) Voyez la Contlnuation d'Ernjï £ƒ de Fa&r &uvrage Allemand. K 2  220 ORIGINE DE BA SOCIÉTÉ toute pleine de bienveillance & de charité, un point de réunion pour Je genre humain (i). C'étoit une noble entreprife , & comme nous fommes a la veille de 1'année féculaire de ce renouvellement de la Société, j'ofe me flatter que parmi tous ceux de fes membres qui fe piquent d'humanité , il ne s'en trouve aucun qui regarde ce beau projet comme petit & peu digne d'elle. Je ne fache pas qu'il foit fait mention des Franc-macrons dans aucun ouvrage imprimé avant la fin du fiecle dernier. Au commencement de celui-ci il parut (0 Je rappelle ici'en palTant Ia Société "de Ia truelle (Compagnia de'la cafuola,) ?. iaqnelle une plaifanterie donna lieu s Florence en 1512, & qui dans la Ome compta parmi fes membres des gens de nom, des favans & des artifies. Sa marqué étoit Ia truelle & le mnrteau, & St. André fon patron. Ils donnerent plufieurs fêtes, dans l'une defqueües tous les confrères parurent en habits de macons. Cette Société n'avoit d'autre but que Ie plaifir, tout comme celle de lachaudiere , qui exiftoit 2 Florence dans Ie même tems (Cent. pagnia del fajuolo). Cette Société, & celle de nos Franc-macons, n'ont abfolument rien de commun. Voyez Vafari , Fite di Pittori, Roma i7óo, dans la Fie du Sculpteur j, F,  DES FRANC-M