A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 7 „ C'eft-la que vous apprendrez de quelle ma„ niere glorieufe les Athéniens, dans les temps „ anciens, réprimerent une puifiance redouta„ ble qui s'étoit répandue dans 1'Europe & 1'A„ fie, par une irruption foudaine de guerriers „ fords du fein de la mer Atlantique. Cette mer „ environnoit un grand efpace de terre, fitué „ vis-a-vis de 1'embouchure du détroit, appel„ lé les colonnes d'Hercule. C'étoit une con„ trée plus vafte que 1'Afie & la Lybie enfem- ble. De cette contrée au détroit, il y avoic s, nombre d'autres ifles plus petites". „ Ce pays, dont je viens de vous parler, ou „ 1'ifle Atlantique, étoit gouverné par des Sou„ verains réunis. Dans une expédidon, ilss'em„ parerent d'un cöté de Ia Lybie jufqu'a 1'Egyp„ te, & de 1'autre cöté de toutes les contrées „ jufqu'a la Tirrhénie. Nous fümes tous efcla„ ves, & ce furent vos aïeux qui nous remi„ rent en liberté: ils conduifirent leurs flottes „ contre les Atlandfles, & les défirent. Mais un „ plus grand malheur les attendoit. Peu de temps „ après, leur ifle fut fubmergée ; & cette con„ trée, plus grande que 1'Europe & 1'Afie en* „ femble, difparut en un clin d'oeil". Quel fujet de méditation! L'homme s'endort ou s'agite fur un amas de fables mouvants: il s'élance, par fes projets, dans 1'éternité; & un concours de caufes fatales peut fe développer dans A 4  SUPPLÉMENTS rt. Découverte de Madere. Etat aftuel de cette ifle, un inftant, & 1'anéantir lui & fes fuperbes derneures. Ce qui acheve de fortifier les deux témoignages qui précédent, c'efl: que la mer, qui porte aujourd'hui le nom d'Atlantique , efl reflée baffe, & qu'on retrouve, a de grandes diflances de fes rives, le varec & les autres fubftances marines qui annoncent un ancien continent. Quoi qu'il en foit de cette contrée, réelle ou imaginaire, c'efl: une tradition fort accréditée, qu'a 1'arrivée des Portugais, Madere étoit couverte de forêts; qu'onymit le feu; que 1'incen* die dura fept ans entiers, & qu'enfuite la terre fe trouva d'une fertilité extraordinaire. Sur ce fol, qui a vingt - cinq milles de long & dix de large, les Portugais ont, felon le dénombrement de 1768 , formé une population de foixante t'rois mille neuf cents treize perfonnes, de tour age & de tout fexe, diftribuées dans quarante-trois paroifles, fept bourgades, & la ville de Funchal, Mtie, fans beaucoup de goüc, fur la cöte méridionale , dans un vallon fertile , au pied de quelques montagues dont la pente douce efl couverte de jardins & de maifons de campagne trèsagréables. Sept ou huit ruiflèaux, plusoumoins conüdérables , la traverfent. Sa rade, lafeuleou il foit permis de charger ou décharger les bariments, & la feule par conféquent oü 1'on ait écabli des douanes, efl: très-füre durant prefque  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 9 ïoute 1'année. Quand, ce qui efl infinimentrare, les vents viennent d'entre le Sud-Eft & l'OueftNord-Oueft, en paflant par le Sud, il fauc appareiller; mais heureufement on peut prévoir le mauvais temps vingt-quatre heures avant que de 1'éprouver. Les crevafles des montagnes, la couleur noiratre des pierres, la lave mêlée avec la terre : tout porte 1'empreinte des anciens volcans. Aufïï re récolte-t-cn que trcs-peu de grain ; & les habitants font réduits a tirer de 1'étranger les trois quarts de celui qu'ils confomment. Les vignes font toute leur reflburce. Elles occupent la croupe de plufieurs montagnes, dont le fommeteft couronné par des cMtaigniers. Des foayes de grenadiers, d'orangers, de citronniers, de myrthes, de rofiers fauvages, les féparent. Le raifin croit généralement fous des berceaux, & mürit a 1'ombre. Les feps qui le produifent font baignés par de nombreux ruiflèaux, qui, fortis des hauteurs, ne fe perdent dans la plaine, qu'après avoir fait cent & cent détours dans les plantations. Quelques propriétaires ont acquis. ou ufurpé le droit de tourner habituellemenc ces eaux a leur avantage j d'autres n'en ont la jouiflance, qu'une, deux, trois fois la femaine. Ceux même qui veulene fbrmer un nouveau vignoble, fous un climat ardent, dans un terrein fee, oü 1'arrofèmenc efl: indifpenfable, n'en peu» A 5  ïo SUPPLEMENTS vent partager le privilege qu'en 1'achetant fort cher. Le produit des vignes fe partage toujours en dix parts. II y en a une pour le Roi, une pour le Clergé, quatre pour le' propriétaire, autant pour le cultivateur. L'ifle produit plufieurs efpeces de vin. Le meilleur & le plus rare fort d'un plant tiré originairement de Candie. II a une douceur délicieufe, eft connu fous le nom de Malvoifie de Madere, & fe vend cent piftoles la pipe. Celui qui eft fee ne coüte que fix ou fept cents francs, & trouve fon principal débouché en Angleterre. Les qualités inférieures, & qui ne paflènc pas quatre ou cinq cents livres, font deftinées pour les Indes orientales, pour quelques ifles & le continent feptentrional de 1'Amérique. Les récoltes s'élevent communément a trente mille pipes. Treize ou quatorze des meilleures vont abreuver une grande partie du globe : le refte eft bu dans le pays même, ou converti en vinaigre& en eau-de-vie pour la confommation du Bréfil. Le revenu public eft formé par les dixmes généralement percues fur toutes les produdtions; par un impöt de dix pour cent fur ce qui entre dans l'ifle, & de douze pour cent fur ce qui en fort. Ces objets réunis rendent 2,700,000 livres. Tels font cependantles vices de 1'adminiftration,  A LTIIST. PHILOSOPHIQUE. iï que, d'une fomme fi confidérable, il ne revienc prefque rien a la Métropole. La colonie eft gouvernée par un chef qui do* mine auflï fur Porto-Santo, qui n'a que fept cents habitants & quelques vignes; fur les Salvages, encore moins utiles; fur quelques autres petites ifles entiérement défertes, hors le temps des pêches. On ne lui donne, pour la défenfe d'un fi bel établiflement, que cent hommes de troupes régulieres : mais il difpofe de trois mille hom!mes de milice, qu'on aflemble & qu'on exeree un mois chaque année. Officiers & foldats, tout, dans ce corps, fert fans folde, fans que les places en foient moins recherchées. Elles procurent quelques diftinftions, dont on eft plus avide dans cette ifle que dans aucun lieu du monde. Après la découverte de Madere, les Portugais tournerent leur pavillon vers les régions occidentales de 1'Afrique. On croit aflèz généralement que ce furent les premiers Européens qui aborderent a ces cötes barbares. Cependant il paroït prouvé que les Normands les avoient précédés d'un fiecle; & que ces navigateurs, trop peu connus, avoient formé quelques petits établiflements qui fubfifterent jufqu'en 1410. A cette époque, les calamités qui défoloient la France , ne permirent plus de s'occuper d'intérêts fi éloignés.  fa SUPPLÉMENTS Les premières expéditionsdes Portugais, dans la Guinée, nefurent que des pirateries. Ces hardis & féroces navigateurs, couverts de fer, armés de la foudre, arrachoient a des peuples étonnés, divifés & laches, ce que la nature ou le hafard leur avoient donné. Les brigandages, pouflès a ce monftrueux excès, eurent un terme; & ce fur. lorfqu'on put s'entendre. Alors le commerce pric la place de ia violence; & il fe fit quelques échanges, mais rarement fondés furuneliberté entiere & fur une juftice exaéte. Enfin, la Cour de Lifbonne crut qu'il convenoit a fes intéréts ou a fa gloire daflujettir a fa domination les parties de cette vafte contrée qu'on croyoit les plus ferriles, ou dont la pofition étoit laplus heureufe; & 1'exécution de ce projet, plus brillant peut-être que fage,n'éprouva que peu de contradiclions. Pour donner de la ftabilité a ces conquêtes, on crut devoir multiplier les forterefiès, répandre la religion de 1'Europe, & perpétuer les naturels du pays dans leur ignorance. Sous le regne de Jean II, &c. Page 41, après ces mots, qu'il tient perpétuellement en fes mains, tifez : Peut-être même eft ce dans 1'Inde, oü les deux empires du bien & du mal femblent n'être féparés que par un rempart de montagnes, qu'efl; né le dogme des deux principes, dogme dont 1'homme ne s'affranchira peut-être jamais entiérement, tant qu'on  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 13 ignorera les vues profondes de 1'Etre tout-puiffant qui créa 1'Univers. Pourquoi une éternicé s'étant écoulée, fans que fa gloire eüt befoin de fe manifefter par ce grand ouvrage, & fans que fa félicité en exigeat. 1'exiftence* fe déterinina-t-il a le produire dans le temps? Pourquoi fa fagefle y laifla-t-elle tanr. d'imperfeclions apparenr.es? Pourquoi fa bonté le peupla-t-elle d'êtres fenfibles, qui devoient fouffrir, fans 1'avoir mérité? Pourquoi le méchanc qu'il hait, profpere-t-il fous fes yeux; & le bon qu'il chérit y eft-il accablé d'affliétions ? Pourquoi les innombrables fléaux de la nature y frappent ils indiftinctement 1'innocent & le coupable ? Jufqu'a ce que ces obfcurités foient éclaircies, 1'homme deviendra, felon que 1'ordre des chofes lui fera favorable ou nuifible, adorateur d'Oromaze ou d'Arima s car la douleur & le plaifir font la fource de tous les cültes, comme 1'origine de toutes les idéés. Telle eft la liaifon, &c. Page 48 , après ces mots, fans héfiter, ttfezi Et vraifemblablement il tint parole. De temps immémorial, les Brames, feuls dépofitaires des livres, des connoifTances & des réglements, tant civils que religieux, en avoient fait un fecret que la préfence de la mort, au milieu des fupplices, ne leur avoit point arraché. II n'y avoit aucune forte de terreurs & de féduc-  i4 SÜPPLÉMENTS tions auxqüelles ils n'eufiènt réfifté, lorfque rout récemmenc M. Haflings, Gouverneur-général des établiflèments Anglois dans le Bengale, & le plus éclairé des Européens qui foient paiïh aux Indes, devintpoflèfieur du code des Indiens. II corrompit quelques Brames; il fit fentira d'autres le ridicule & les inconvénients de leur myf* térieufe réferve. Les vieillards, que leur expérience & leurs études avoient élevés au-deflus des préjugés de leur cafte, fe prêterent a fes vues, dans 1'efpérance d'obtenir un plus libre exercice de leur religion & de leurs loix. Ils étoient au nombre de onze, dont le plus agépaflbitquatrevingts ans, & le plus jeune n'en avoit pas moins de trente-cinq. Ils corapulferent dix huit Auteurs originauxSamskrets; & Je recueil des fentences qu'ils en tirerent, traduit en Perfan, fous lea yeux des Brames, le fut du Perfan en Anglois par M. Halhed, Les compilateurs du code rejetterent unanimement deux propofitions; 1'une, de fupprimer quelques paragraphes fcandaleux; 1'autre, d'infiruire M. Halhed dans le Dialefte facré. Tant il efl: vrai que 1'efprit facerdotal efl: par-tout le même, & qu*en tout temps le Prê* tre, par intérêt & par orgueil, s'occupe a rete* nir les peuples dans 1'ignorance. Pour donner a 1'ouvrage l'exaclitude & la fanélion qu'on pouvoit defirer, on appella des différentes contrées du Bengale, les plus habües d'entre les Pundits ou  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 15 Brames jurifcorifuIr.es. Voici l'Hiftoire abrégée de la création du monde, & de la première formation des caftes, telle que ces Religieux compilateurs 1'ont expofée a la tête du code civil. Brama aime, dans chaque pays, la forme du culte qu'on y obferve. II écoute dans la mofquée le dévot qui récite des prieres, en comptant des grains. II eft préfenc aux temples, a 1'adoration des idoles. II efl: 1'intime du Mufulman, & 1'ami de 1'Indien; le compagnon du Chrétien, & le confident du Juif. Les hommes qu'il a doués d'une ame élevée, ne voyent dans les contrariétés des fectes & la diverfité des cultes religieux, qu'un des effets de la richefle qu'il a déployée dans 1'ceuvre de Ia création. Le principe de la vérité, ou 1'Etre fuprême, avoit formé la terre & les cieux, 1'eau, 1'air & le feu, lorfqu'il engendra Brama. Brama eft 1'efprit de Dieu. II eft abforbé dans la contemplarion de lui-même. II eft préfent a chaque partie de 1'efpace. II eft un. Sa fcience eft infinie. Elle lui vient par infpiration. Son intelligence comprend tout ce qui eft poflible. II eft immuable. II n'y a pour lui, ni paflè, ni préfent, ni futur. II eft indépendant. II eft féparé de 1'Univers. II aime les opérations de Dieu. II anime les vingtquatre puifTances de la nature. L'ceil recoit fon cclion du foleil, le vafe du feu, le fer de 1'aimant, le feu des matieres combuftibles, 1'ombre  16 SUPPLÉMENT S du corps, la pouffiere du vent, le trait du ref-* fort de 1'arc, & 1'ombrage de 1'arbre. Ainfi, par eet efprit, 1'Univers efl: doué des puiflances de la volonté & des puiflances de Faction. Si cec efprit vient du coeur, par le canal de 1'oreille, il produit la perception des fons •, par le canal de la peau, la perception du toucher; par le canal de 1'oeil, la perception des objets vifibles; par le canal de la langue, la perception du goüc; par le canal du nez , la perception de 1'odorat. Cet efprit anime les cinq membres d'aétion, les cinq membres de perception , les cinqéléments, les cinq fens, les trois difpofitions de 1'ame; caufe la création ou 1'anéantiflèment des chofes, contemplant le tout en fpectateur indifférent. Telle efl la doélrine du Reig-Beda. Brama engendra de fa bouche la fageflè, ou leBrame, dont la fonclion efl de prier, de lire & d'inftruire; de fon bras, la force, ouleguerrier & le Souverain qui tirera de 1'arc, gouvernera & combattra ; de fon ventre, de fes cuifles, la nourriture, oul'agriculteur&lecommercant; de fes pieds, la fervitude, ou 1'artifan & 1'efclave, qui paflèra fa vie a obéir, a travailler & a voyager. La diflinétion des quatre premières caftes efl: donc aufïï vieille que le monde, & d'inftitution divine. Brama produifit enfuitc Ie refte de 1'efpece humaine,  A L'HIST. PHILOSOPIIIQUE. tf humaine, qui devoic remplir ces quatre caftes; lesanimaux,les végétaux, leschofesinanimées, fes vices & les vernis. II prefcrivita chaque cafte fes devoirs; & ces devoirs font a jamais confignés dans les livres facrés. Le premier Magiftrat ou Souverain du choix de Brama, eut un méchant fucceiïèur, qui pervertit 1'ordre focial, en autorifantle mélange des hommes & des femmes des quatre caftes qu'il avoit inftituées; confufion facrilege, de laquelie fortit une cinquieme cafte, & de celle-ci une multitude d'autres. Les Brames, irrités , Ie mirent a mort. En frottant la main droite de fon cadavre, il en naquit deux fils, 1'un Militaire ou Magiftrat, 1'autre Brame. En frottant Ia mairt gauche, il en naquit une. fille, que les Brames marierent a fon frere le guerrier, a qui ils accorderent la magiftrature. Celui-ci avoit médfté le maflacre de Ia cinquieme cafte, & de toutes fes branches. Les Brames 1'en diffuaderent. Leur avis fut de raffèmbler les individus qui la compofoient, & de leur afligner différentes fonclions dans les fciences, les arts & les métiers qu'ils exercerwt, eux & leurs defcendants a perpétuité. D'oü 1'on voit que le Brame fut tellement enorgueilli de fon origine, qu'il auroit cru fe dégrader en ambitionnant la magiftrature ou la fouveraineté, & qu'on parvient a rendre aux peu- SuppL lome I. B  A LTÏIST. PHILOSOPHIQUE. a3 s, nier de fes fujets. S'il eft vainqueur dans Ia „ guerre, il en rendra graces aux Dieux du pays, „ & combiera le Brame des dépouilles de 1'en5, nemi. II aura a fon fervice un nombre de bouf„ fons, ou parafites, de farceurs, de danfeurs „ &delutteurs. S'il ne peut faifir le malfaiteur , „ le méfait fera réparé a fes dépens. Si, perce„ vant le tribut, il ne protégé pas, il ira aux „ enfers. S'il ufurpe une portion des legs ou donadons pieufes, il fera chatié pendant mille ans aux enfers. Qu'il fache que par-tout oü „ les hommes, d'un certain rang, fréquentent „ les proftituées, & fe livrent a la débauche de ,, la table, 1'Etat marche a fa ruïne. Son auto„ rité durera pea, s'il confie fes projets a d'au„ tres qu'a fes Confeillers. Malheur a lui s'il „ confulte le vieillard imbécille, ou la femme „ légere. Qu'il tienne fon confeil au haut de „ la maifon , fur la montagne , au fond du „ défert , loin des perroquets & des oifeaux „ babillards ". II n'y auroit dans le code entier que la ligne fur les donations pieufes, qu'on y reconnoitroic le doigt du Prêtre. Mais quelle eft 1'utilicé des bouffons, des danfeurs, des farceurs a la cour du Magiftrat? Seroit-ce de le délaflèr de fes fonétions pénibles, de le récréer de fes devoirs férieux ? Combien la formation d'un code civil, furB 4  24 SUPPLÉMENTS tout pour une grande nation , ne fuppofe-t-e!Ie pas de qualités réunies ? Quelle connoiflance de 1'homme, du climat, de la religion, desmoeurs, des ufages, des préjugés, de la juftice naturelle, des droits, des rapports, des conditions, des chofes, des devoirs dans tous hs états, de la proportion des chatiments aux délits! Quel jugement! quelle impartialité! quelle expérience ! Le code des Indiens a-t-il été 1'ouvrage du génie , ou le réfultat de la fageflè des fiecles ? C'efl: une queflion que nous laiflèrons a décider a celui qui fe donnera la peine de la méditer profondément. On y traite d'abord du prêt, le premier Hen des hommes entre eux; de la propriété, le premier pas de 1'aflbciation; de la juftice, fans laquelle aucune fociété ne peut fubfifter; des formes de la juftice, fans lefquelles 1'exercice en devient arbitraire ; des impóts , des partages , des donations , des gages , des efclaves, des citoyens, des peres, des meres, des enfants, des époux, des femmes, des danfeufes, des chanteufes. A la fuite de ces objets, qui marquent une population nombreufe, des liaifons infinies, une expérience confommée de la méchanceté des hommes, on pafle aux loyers & aux baux, aux partages des terres & aux récoltes, aux villes & aux bourgs, aux amendes, a toutes fortes d'injures & de rixes, aux oharla-  A L'HÏST. PHFLOSOPHIQUE. 25 tans , aux filoux , aux vols, entre lefquels on compte le vol de la perfonne, a 1'incontinence & a 1'adultere; & chacune de ces macieres eft traitée dans un détail qui s'étend depuis les efpeces les plus communes jufqu'a des délits qui femblent chimériques. Prefque tout a été prévu avec jugement, diftingué avec fineflè, & prefcrit, défendu ou chatié avec juftice. De cette multitude de loix, nous n'expoferons que celles qui caraélérifent les premiers temps de la nation, & qui doivent nous frapper, ou par leur fageiïè, ou par leur fingularité. II eft défendu de prêter a la femme, a 1'enfant & a fon ferviteur. L'intérêt du pret s'accroit a mefure que la cafte de 1'emprunteur defcend : police inhumaine oü 1'on a plus confulté Ia fécurité du riche que le befoin du pauvre. Quelle que foit Ia durée du prêt, l'intérêt ne s'élevera jamais au doublé du capita!. Celui qui hypothéquera le même effet a deux créanciers, fera puni de mort: cela eft jufte, c'eft une efpece de vol. Le créancier faifira fon débiteur infolvable dans les caftes fubalternes , 1'enfermera chez lui, & le fera travailler a fon profit. Cela eft moins cruel que de 1'étendre fur de la paille dans une prifon. La femme de mauvaifes moeurs n'héritera point, ni la veuve fans enfants, ni la femme ftérile, ni 1'homme fans principes, ni 1'eunuB 5  26 SUPPLÉMENTS que, ni l'imbécille, ni le banni de fa cafte, ni 1'expulfé de fa familie, ni Paveugle ou fourd do naiflance, ni le muet, ni 1'impuiflant, ni le maléficié, ni le lépreux, ni celui qui aura frappé fon pere. Que ceux qui les remplacenc les revêcent & les nourrifTent. Les Indiens ne teftenc point. Les degrés d'affinité fixent les prétentions & les droits. La portion de 1'enfant qui aura profité de fon éducation, fera doublé de celle de 1'enfant ignorant. Prefque toutes les loix du code, fur les propriétés , les fucceffions & les partages, font conformes aux loix Romaines ; paree que la raifon & 1'équité font de tous les temps, & dictent les mêmes réglements, a moins qu'ils ne foient contrariés par des ufages bifarres ou despréjugés extravagants, dont 1'origine fe perd dans la nuit des temps; que leur antiquité foutient contre le fens commun, & qui font le défefpoir du légiflateur. S'il fe commet une injuftice au tribunal de Ja loi, Ie dommage fe répartira fur tous ceux qui y auront participé, fans en excepter le juge. II feroit a fouhaiter que par-tout le juge put être pris a partie. S'il a mal jugé par incapacité, il eft coupable; par iniquité, il 1'eft bien davantage. Après avoir condamné le faux témoin a Ia  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 27 peine du talion, on permet le faux témoignage contre une dépofition vraie qui conduiroit la coupable a la morr, Quelle étrange aflbciation de fageffè & de folie ! Dans la détreflè , le mari pourra livrer fit femme, fi elle y confent; le pere vendre fon fils, s'il en a plufieurs. De ces deux loix, 1'une efi infame, 1'autre inhumaine. La première réduit la mere de familie a la condition de proftituée; la feconde , 1'enfant de la maifon a 1'état d'efclave. Les différentes clafTes d'efclaves font énormément multipliées parmi les Indiens. La loi en permet 1'afFranchifiëment qui a fon cérémonial, L'efclave remplit une cruche d'eau, y met du riz qu'il a mondé avec quelques feuilles d'un légume; il fe tient debout devant fon maitre, la cruche fur fon épaule, le maitre 1'éleve fur fa tête, la cafle, & dis trois fois, tandis que le contenu de la cruche fe répand fur l'efclave ; Je te rends libre, & l'efclave efl: affranchi. Celui qui tuera un animal, un cbeval, un bceuf, une chevre, un chameau, aura la main ou le pied coupé; & voila 1'homme mis fur la ligne de la brute. S'il tue un tigre, un ours, un ferpent, la peine fera pécuniaire. Ces délits font des conféquences fuperftitieufes de la métempfycofe, qui faifant regarder le corps d'un animal comme le dornicile d'une ame humaine,  *8 SUPPLÉMENï'S montre la mort violente d'un reptile comme une efpece d'aflafllnat. Le Brame, avant que de s'afièoir a terre, balayoit la place avec un pan de fa robe, & difoit a Dieu : Si fai fait defcendre ma bienveillance jufqu'a la fourmi, fefpere que tu feras defcendre la tienne jufqu'a moi. La population efl un devoir primitif, un ordre de la nature fi facré, que la loi permet de tromper, de mentir, de fe parjurer pour favorifer un mariage. C'efl: une aétion malhonnête qui fe fait par-tout, mais qui ne fut licite que chez les Indiens. Ne feroit-il pas de la fagefle du légiflateur, dans plufieurs autres cas, d'au torifer ce qu'il ne peut ni empêcher, ni punir? La polygamie eft permife par toutes les religions de 1'Afie, & la pluralité des maris tolérée par quelques-unes. Dans les Royaumes de Boutan & du Thibet, une feule femme fert fouvent a toute une familie, fans jaloufie & fans trouble domerftique. La virginité eft une condition eflentielle a Ia validité de 1'union conjugale. La femme eft fous le defpotifme de fon mari. Le code des Indiens dit que la femme, maitreffe d"elle-même, fe conduira toujours mal, & qu'il ne faut jamats compter jur fa yertu. Si elle n'engendre que des filles, fon époux fera difpenfé d'habiter avec elle. Elle ne fortira point de la maifon  38 SUPPLÉMENTS leurs pas vers le marché, & pouflênt des rugïffements h quelque diftance. Les marchands approchenc: les Pouliats demandent ce qu'il leur faut. On le leur fournic, & on le dépofe dans le lieu même oü écoit compté d'avance Fargent deftinè au payement. Lorfque les acheteurs peuvent être aflurés que perfonne ne les verra, ils fortent de derrière la baie qui les déroboit a tous les regards, & enlevent précipitamment ce qu'ils ont acquis d'une maniere fi bizarre.. Cependant ces Pouliats, objet éternel du mépris des autres caftes, ont chafie ,dit-on , de leur fein, les Poulichis, plus avilis encore. L'ufage du feu leur eft interdit. On ne leur permet pas la conftruflion des cabanes, & ils font réduits ti occuper des efpeces de nids dans les forêts & fur les arbres. Lorfqu'ils ont faim, ils hurlens comme des bêtes, pour exciter la commifération des pafTants. Alors les plus charitables des Indiens vont dépofer du riz ou quelqu'autre aliment, & fe retirent au plus vite, pour que le malheureux afFamé vienne le prendre, fans rencontrer fon bienfaiteur, qui fe croiroit fouillé par fon approche. Cet excès d'aviliflèment oü Pon voit plongée une partie confidérable d'une nation nombreufe, a toujours paru une énigme inexplicable. Les efprits les plus clairvoyants n'ont jamais démêlé commentdespeupleshumains & fenfibles avoient  A L'HÏST. PHILOSOPHIQUE. §9 pu réduire leurs propres freres a une condition fi abjecle. Oferons-nous hafarder une conjeclure ? Des tourments horribles ou une mort honeeufe font dans nos gouvernements a demi-barbares, le partage des fcélérats, qui ont, plus ou moins, rroublé 1'ordre de la fociété. Ne fe pourroit-il pas que, dans le doux climat de 1'Inde, des loix modérées fe fuflènt bornées a exclure de leurs caftes tous les malfaiteurs? Ce chatiment devoit paroicre fuffifant pour arrêter les crimes; & il étoit certainement le plus convenable dans un pays oü 1'effufion du fang fut toujours proferite par les principes religieux & par les moeurs. C'eüt été fans doute un grand bien que les enfants n'eufïènt pas hérité de l'infamie de leurs peres : mais des préjugés indeftruftibles s'oppofoient a cette réhabilitation. II efl fans exemple qu'une familie chafTée de fa tribu y foit jamais rentrée. Les Européens, pour avoir vécu, &c. Page 56, après ces mots, efl chaffé de fa tribu qu'il a dégradée, lifez : On s'attendroita voir tomber ces barrières dans les temples. C'eft]a qu'on devroit fe fouvenir au moins que les diftinétions de la naifTance font de convention» & que tous les hommes, fans exception, font freres, enfants du même Dieu. II n'en efl: pas ainfi. Quelques tribus, il efl: vrai, fe rapprochent & fe confondent au pied des autels: mais les derC 4  4o SUPPLÉMENTS oieres éprouvenc les humiliationsdeleurétatjuf-.que dans les pagodes. La Religion qui confacre, &c. Page, 56, Ugne, 24, au-lieu de Faquirs, Ufez , Jogueys. Les hommes de toutes les, caftes honnêtes font admis k ce genre de vie. II fuffit de fe livrer, comme les Bramines, a la contemplation & a 1'oifiveté; mais il faut les furpaflèr en mortifications. Auffi les aufiérités que s'impofent nos plus enthoufiaftesCénobites» n'approchent-elles pas des tourments horribles auxquels fe condamne un Moine Indien. Courbés fous le poids de leurs chaines ; étendus fur leur fumier ; exténués de coups, de macérations, de veilles & de jeünes, les Jogueys deviennent un fpedacle intérefTant pour les peuples. La plupart parcourent les campagnes oü ils jouiflènt des hommages de la multitude , des, grands même, qui, par politique ou par conviaion, defcendent fouvent de leur éléphanr, pour fe profterner aux pieds de ces hommes dégoutants. De toutes parts, on leur offre des fruits 5 des fleurs & des parfums. Ils demandent avec hauteur ce qu'ils defirent, & recoivent comme un tribut ce qu'on leur préfente, fans que cette arrogance diminue jamais Ia vénération qu'on leur a vouée. L'objet de leur ambition eft de ramaflêr de quoi planter des arbres , de quoi.  # A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 4, creufer desétangs, de quoi réparer ou conftruire des pagodes. Ceux d'entre eux qui préferent Ie féjour des bois, voyenc accourirdans leur folitude lesperfonnes du fexe qui ne font pas d'un rang aflèz diftingué pour vivre enfermées, & principalenient celles qui n'ont point d'enfants. Souvent elles trouvent dans leur pélerinage la fin d'une ftérilité plus bonteufe aux Indes que par-touc ajlleurs, Les villes attirent & fixent les hommes de cec ordre, dont la renommee a le plus vanté les merveilles: mais ilsy vivent toujours fous des tentes ou a Pair libre. C'eft-la qu'ils recoivent les refpefts qui leur font prodigués, qu'ils accordenc des confeils dont on eft avide. Rarement daignent-ils fe tranfporter même dans les palais oü Pon fe tiendroit le plus honoré de leur préfence. Si quelquefois ils cedent aux fupplications de quelque femme très-confidérable, leurs fan«bles qu'ils laiflènt a fa porte, avertiflènc le mari qu il ne lui eft pas permis d'entrer. Lemerveilleux de la mythologie Indienneeft rooms agréable & moins féduifant que celui des Grecs. Ils ont un cheval émiflaire, le pendanc du bouc émiftaire des Juifs. IIS admettent comme nous de bons & de mauvais Anges, L'Eternel, dit le Shafter, &c. Vage 61, après ces mots, a la douleur & C 5  4-2 SUPPLÉMENTS a 1'infamie, lifez : II efl: évident, par Ie code civil, que les Indes étoient prefque auffi civilifées qu'elles le font aujourö'hui, lorfque Brama y donna des loix. Auffi tót qu'une fociété commence a prendre une forme, elle fe trouve naturellement divifée en plufieurs claffès, fuivant la variété & 1'étendue de fes arts & de fes befoins. Brama voulut, fans doute, &c. Page 62, après ces mots, un travail plus ou moins pénible, lifez : On les mariedèsleur enfance. L'ufage infenfé d'enfevelir des vivants avec des morts, s'efttrouvé établi dans l'ancien& le nouvel hémifphere; chez des nations barbares & des nations policées ; dans des déferts & dans les contrées les plus peuplées. Des régions qui n'avoient jamais eu de communication , ontégalement offert ce cruel fpeclacle. L'orgueil, 1'amour exclufif de foi, d'autres paflions ou d'autres vices, peuvent avoir entrainé 1'homme dans la même erreur en divers climats. Cependant on doit préfumer qu'une pratique fi vifiblement oppofée a la raifon, a principalement tiré fa fource du dogme de la réfurreétion des corps, & d'une vie a venir. L'efpoir d'être fervi dans un autre monde par les mêmes per» fonnes a qui on avoit commandé dans celui-ei, aura fait immoler l'efclave fur le tombeau de fon  44 SUPPLÉMENTS ment poufiees par la crainte de laiiïèr une mémoire odieufe, & de couvrir d'opprobre leurs enfants, qu'elles chériflènt avec une tendreflè que nos cceurs glacés n'ont jamais éprouvée. Heureufement ces horribles fcenes deviennent tous les jours plus rares. Jamais les Européens ne les fouffrent fur Ie territoire oü ils dominenr. Quelques Princes Maures les ont également profcritesdans leurs Provinces. Ceux d'entreeuX a qui la foif de Por les fait tolérer encore, en mettent la permiflion è un fi haut prix, qu'on y peut rarement atteindre. Mais cette difficulté-la même rend quelquefois les defirs plus vifs. On a vu des femmes fe vouer long-temps aux travaux les plus humiliants & les plus rudes, afin de gagner les fommes exigées pour eet extravagant fuicide. La veuve d'un Bramine, jeune, belle & intéreflante, vouloit renouveller ces tragédies aSurate. On fe refufoit a fes foilicitations. Cette femme indignée, &c. Page 64 , après ces mots, des flammes, lifez : La vérité, lemenfonge, Iahonte, toutes les fortes de préjugés civils ou religieux peuvent donc élever 1'homme jufqu'au mépris de la vie, le plus grand des biens, de la mort, la plus grande des terreurs, & de la douleur, le plus grand des maux. Légiflateurs imbécilles, pourquoi n'avez-vous pas fu démêler ce terrible ref-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 45 fort? ou fi vousl'avez connu, pourquoi n'en avez vous pas fu tirer parti, pour nous attacher « tous nos devoirs ? Quels peres , quels enfancs;, quels amis, quels citoyens n'euffiez-vous pas fait de nous, par la feule difpenfation de Ihonneur & de la honte? Si la crainte du mépris p.écipite au Malabar une jeune femme dans un brafier ardent, en quel endroit du monde ne réfoudroit-elle pas une mere a allaiter fon enfant, une époufe a garder la fidélité a fon époux? Hors ce genre de courage, qui rient plus aux prejugésqu'aucaraétere, les Indiens fonrfoib.es, doux & humains. Ils connoiffint h peine plufieurs des paffions qui nous agicenc. Quelle ambition pourroient avoir des hommes deftinés a refter toujours dans le même écat? Les pratiques réperées de la Religion font le feul plaifir de la plupart d'entre eux. Ce font les travaux paifibles & 1 oifiveté qu'ils aiment. On leur entend, &c. m Paêe 65, après ces mots, au-defius de tour, lifez : Leur tempérament & la chaleur exceffive du climat ne réprimentpas en eux lafougue des fens pour lesplaifirs de 1'amour, comme on ne cefle de le répéter. La multitudedescourtifares, & 1'attention des peres pour maner leurs enfants, avant que les deux fexes puiflènt fe rapprocher, atteftent la vivacité de ce penchant.Ils  5o SUPPLÉMENTS fluide, qui, purgée de fes parties groflieres, & épaiflie au foïeil, conftitue 1'aloës foccotrin , facile adiftinguer des autres par fa couleur fauve, fon briljant, fa tranfparence, fon odeur forte, fon gout amer & aromatique. Triftan d'Acunha, parti du Portugal, &c. Page 103, après ce mot, d'excommunicalion, lifez : Si les peuples connoiflbient leurs prérogatives, eet ancien ufage du Ceylan fubfifteroit dans toutes les contrées de la terre ; & tant que les loix ne feront faites que pour les fujets, eeux ci s'appellerönt comme ils voudront ; ils ne feront que des efclaves. La loi n'eft rien, fi ce n'efl: pas un glaive qui fe promene indiltinftement fur toutes les têtes, &qut abat ce qui s'éleve au-defius du plan horifontat fur lequel il fe meut. La loi ne commande hperfonne, ou commande a tous. Devant la loi, ainfi que devant Dieu, tous font égaux. Le chadment particulier ne venge que 1'infraétion de la loi: mais le chatiment du Souverain en venge le mépris. Qui ofera braver la loi, fi le Souverain même ne la brave pas impunément? La mémoiré de cette grande lecon dure des fiecles, & infpire un effroi plus falutaire que la mort de mille autres coupables. Lorfque les Portugais, &c. Page 113, après ces mots, en ont beaucoup moins, lifez: Cet archipel paroït avoir été vomi  A L'HIST. PHILOSOPHÏQUE. 5par la hier. On le croiroit avec fondement 1'ouvrage de quelque feu föuterrein. Des monts orgueilleux, dont Ia cime fe perd dans les nues • des rochers énormes, entafTés les uns fur les autres ; des cavernes hideufes & profondes j des torrents qui fe précipitent avec une violence extréme; des volcans, annoncant fans cefTe une deftruétion prochaine : un pareil cahos fait naitre cette idéé, ou lui prête de la force. On ignore comment, &c. Page i i4, après ces mots, fourmYToit Ie cocotier, lifez : Le cocoder, naturel dans prefque toutes les régions de 1'Inde, eft un arbre d'une très-belle forme, qui s'éleve k la hauteur de quarante, & plus communément de foixante pieds. II tient a la terre par un grand nombre de racines menues & fibreufes. Son tronc, légéremenc courbé vers la bafe, eft droit dans le refte de fa longueur, d'une forme cylindrique, d'une groffeur médiocre, marqué de plufieurs inégalités circulaires, formées par la bafe des feuilles qui font tombées. Son bois léger & fpongieux ne peut être employé, ni dans la conftruétion des navires, ni dans aucun édifice folide; & les bataux formés de ce bois, font fragiles & de peu de durée. La tête du cocoder fe couronne de dix ou douze feuilles ailées, rétrécies vers le fommet, fort larges a leur origine, & couvertes dans leurpremter age d'un réfeau particulier done D 2  52 SUPPLÉMENTS on fait des tamis. Leur cöte principale, longue de douze pieds, eft profondément fillonnée fur la furface intérieurs. On forme avec ces feuilles les toits des maifons; on en fait des parafols, des voiles , des filets pour la pêche; les plus jeunes même peuvent être fubftituées au papier, & recevoir 1'impreflïon des caraéteres tracés avec un ftylet. Du milieu de cette touffè, s'éleve un fpache ou enveloppe épaiflè, membraneufe, roulée fur ellemême, renflée dans fon milieu, & terminée en pointe. Lorfqu'elle eft parvenue h une grofTeur déterminée, elle s'ouvre d'un cöté, & laiflè appercevoir un panicule fort confidérable , dont chaque rameau porte deux fleurs femelles & un plus grand nombre de_ fleurs males. Celles-ci ont un calice a fix divifions profondes & autant d'étamines; dans celles-la, les étarriines font remplacées par un piftil, qui devient un fruit de forme ovale, légérement triangulaire, & de plus d'un demi-pied de diametre. L'aflèmblage de plufieurs fruits tenant a un même panicule, fe nomme régime. Le même arbre donne fucceffivement plufieurs régimes dans une feule année. Ce fruit a une écorce filandreufe, épaiflè de trois doigts, connue fous le nom de caire, dont on fabrique quelques étoffes groflieres, & des cordages pour les vaifleaux. Elle recouvre une noix fort dure, de la grofleur & de la forme d'un petit melon, percée de trois trous a 1'une de fes  A LUIST. PHILOSOPHIQUE. 53 extrémités, propre a faire de petits vafes 6c des Uftenfiles de ménage. La pulpe qui tapiflè 1'intérieur de cette noix, fournit une nourriture très-faine, dont on exprime au prefToir une huile qui efl: fort douce dans fa nouveauté, & d'un grand ufage aux Indes. Elle contraéte de 1'amertume en vieillifiant, & alors elle n'efl bonne qu'a brüler. Le mare qui refte dans le preflbir, fert a nourrir les beftiaux, la volaille, & même le bas peuple dans des temps de difette. Le centre de la noix efl: rempli d'une eau claire, rafraïchifTante, légérement fucrée, qui fert a défaltérer le cultivateur & Ie voyageur. Dans les fruits anciens, cette eau fe diflipe, & fait place a une amande qui remplit bientöt toute la cavité, & devient propre a la germination. On trouve quelquefois dans fon intérieur une concrétion pierreufe, a laquelle les Indiens attachent de grandes vertus: ils la regardent comme le gage d'un heureux fuccès, & ne manquent guere de s'en munir dans leurs entreprifes. Les avantages qui viennent d'être rapportés, ne font pas les feuls que procure le cocotier. Si 1'on coupe la pointe des bourgeons de fleurs avant leur parfait développement, il en découle une liqueur blanche, qui efl: recue dans un vafe attaché a leur extrémité. Bue dans fa nouveauté , elle eft douce. C'efl: la manne du défert. Qui fait même fi 1'idée, &c. D 3  XX, Etat de la Chine , felon fes panégyriftes. 54 SUPPLÉMENTS Page 111, après ces mots, au Roi, lifez: Si eet ufage a celfé, eft-ce la faute des fujets qui n'ont pas ofé dire la vérité aux Souverains, ou la faute des Souverains qui n'ont pas voulu 1'entendre ? Les guerres que les Portugais, &c. Page 124, après ces mots, ridicules de 1'Europe , lifez: Arrêtons-nous fur ce peuple, fi diverfement jugé par les Européens. Au tableau qu'en ont tracé fes panégyriftes, oppofons celui qui vient de fes détraéteurs. Peut-être fortirat-il de ce contrarie quelque lumiere propre a rapprocher les opinions, L'hifloire d'une nation, &c. Page 130, après ces mots , pays du monde, lifez ; La première fource de 1'économie rurale des Chinois, efl le caraélere de la nation la plus laborieufe que 1'on connoiflè, &c. Page 135, après ces. mots, la génération vivante, lifez : La maniere de lever lescontributions a la Chine, efl auffi paternelle que les contributions même, L'unique peine qu'on impofe aux contribuables, trop lents a s'acquitter des charges publiques de 1'impöt, eft qu'on envoye chez eux des vieillards, des infirmes &des pauvres, pour y vivre a leurs dépens, jufqu'a ce qu'ils ayent payéleur dette a 1'Etat. C'eft lacommifération, c'eft 1'humanité qu'on va folliciter dans le cceur du citoyen, par le fpeétacle; de la mi-  A LUIST. PHILOSOPHIQUE. 55 fere, par les cris & les pleurs de la faim; & non pas révolter fon ame, & foulever fon indignation par les recherches & les vifites importunes de la finance Européenne , par la violence des faifies, par les menaces d'une foldatefque infolente, qui vient s'écablir a difcrétion, dans une maifon ouverte aux cent bouches du fifc. Des Mandarins percoivent en nature, &c. Page 137, après ces mots, dans les temps d'abondance, lifez : Des peuples, qui jouiffbienc de tant d'avantages, ont dü fe multiplier prodigieufement dans une région oü les femmes font extrêmement fécondes; oü rien n'eft fi rare que la débauche; oü i'étendue des droits paternels infpire néceflairement Ia paffion d'une poftérité nombreufe ; oü il regne dans les fortunes une égalité que la différence des conditions rend ailieurs impoffible; oü le genre de vie efl: généralement fimple, peu difpendieux, & tend toujours a la plus auftere économie; oü les guerres ne font, ni fréquentes, ni meurtrieres; oü le célibat eft profcrit par les moeurs; oü la falubrité du climat repoufle les épidémies. Auffi n'y a-t-il pas dans FUnivers de contrée auffi peuplée. Elle 1'eft même trop, puifque les annales de 1'Empire atteftent qu'il y a peu de mauvaifes récoltes qui n'occafionnent des révoltes. II ne faut pas chercher ailleurs, &c. Paëe l53 > tyrès ces mots, par les armes, D 4  56: SÜPPLÉMENTS XXÏ. Etat de la Chine , felon fes détratleurs. lifez: Quel efl: 1'homme afTez indifférent au bonheur d'une portion confidérable de 1'efpeee humaine, pour ne pas defirer que 1'état de la Chine foit tel que nous venons de 1'expofer? Ecoutons cependant ceux qui croyent pouvoir en douter. Pourjuger, difent-ils, d'une nation également fermée aux étrangers qui n'ont pas la liberté d'y entrer, & aux indigenes qui n'ont pas celle d'en , fortir, il faut partir de quelques points d'appui,. peu folides peut-être, mais recus pour bons. Ces points d'appui, ce feront les faits même allégués par les admirateurs de la Chine. Nous les avouerons, fans les difcuter; & nous nous contenterons d'en tirer les conféquences qui en découlent néceflairement. i°. La Chine jouiflbit ou étoit afffigée d'une population immenfe, lorfqu'elle futconquife par les Tartares; & de ce que les loix de eet Empire furent adoptées par le vainqueur, on en conclut qu'elles devoient être bien fages. Cette foumiflion du Tartare au gouvernement Chinois ne nous paroit pas une preuve de fa bonté. La nature veut que les grandes maflès commandent aux petites; & cette loi s'exécute au moral comme au phyfique. Or, fi 1'on compare le nombre des conquérants de la Chine au nombre des peuples conquis, on trouvera que pour un Tartare, il y avoit cinquante mille Chi-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 57 nois. Un individu peut-il changerlesufages, les mceurs, Ia légiflation de cinquante mille hommes? & d'ailleurs, commenc ces Tarcares n'auroienc-ils pas adopté les loix de la Chine, bonnes ou mauvaifes, n'en ayant point a leur fubftituer? Ce que certe étrange révolution montre le plus évidemment, c'eft la lacheté de la nation; c'eft fon indifférence pour fes maïtres, un des principaux caracleres de l'efclave. PaiTons a la population de la Chine. 2°. L'agriculture a été de temps immémorial en honneur a la Chine. C'eft un fait fur lequei il n'y a pas deux fentiments. Or, toute région agricole, qui jouit d'une longue paix, qui n'éprouve point de révolutions fanglantes; qui n'eft ni opprimée par la tyrannie, ni dévaftée par des maladies de climat, & oü 1'on voit le laborieux citoyen ramaflèr dans la plaine un panier de terre, leporter au fommet des montagnes, en couvrir la pointe nue d'un rocher, & la retenir par de petites palifTades, doit abonder en habitants. En effet, ces habitants fe livreroient-ils a des travaux infenfés, fi la plaine oü ils ont ramaffé la poignée de terre étoit inculte, déferte & abandonnée au premier qui voudroit 1'occuper ? S'il leur étoit libre de s'étendre dans les campagnes, refteroient-ils entafles auxenvirons des villes?La Chine & toute la Chine eft donc très-peuplée. Le pays eft coupé par un grand nombre de I) 5  58 SUPPLÉMENTS canaux. Ces canaux feroient fuperflus, s'ils n'é~ tabliflbient pas une communication néceflaire & fréquente d'un lieu a un autre lieu. Qu'annoncentils, finon un grand mouvement intérieur, & conféquemment une population trés - confidérable ? Toute contrée agricole, oü les difettes font fréquentes, oü ces difettes foulevent des milliers d'hommes; oü dans ces foulevements il fe commet plus de forfaits, plus de meurtres, plus d'incendies, plus de pillage qu'il ne s'en commettroit dans 1'irruption d'une horde de fauvavages, & oü, le temps de la difette & de la révolte paffé, 1'adminiflration ne recherche pas le coupable, renferme certainement plus d'habitants qu'elle n'en peut nourrir. Ne feroit-ce pas le plus abfurde des peuples que le Chinois, fi le défaut accidentel des fubfiftances provenoit de fa négligence, foit a cultiver fes terres, foit a pourvoir a fes approvifionnements? Mais Ia Chine, pays immenfe, contrée fertile, fi bien cultivée, fi merveilleufement adminiftrée, n'en efl: pas moins expofée h cette forte de calamité. 11 faut donc qu'il y ait dix fois, vingt fois plus d'habitants que d'arpents de terre. Tout pays oü 1'on foule aux pieds un fentiment fi naturel, qu'il efl: commun a 1'homme & a la brute, la tendreflè des peres & des meres pour leurs petits, & oü 1'on fe réfout ales tuer, \ les étouffer, a les expofer, fans que la vin-  A L'HIST. PHILOSOPHIQÜE, 59 diéte publique s'y oppofe,a trop d'habitants, 011 eft habité par une race d'hommes, comme il n'y en a aucune autre fur Ia furface du globe. Or, c'eft ce qui fe paffe a la Chine; & nier ce faic ou 1'affoiblir, ce feroit jetter de 1'incertitude fur tous les autres. Mais un dernier phénomene qui acheve de confirmer 1'exceilive population de la Chine, c'eft le peu de progrès des fciences & des arts, depuis 1'époque trés - éloignée qu'on les y cultive. Les recherches s'y font arrêtées au point oü, ceffant d'être utiles , elles commencent a devenir curieufes. II y a plus de profit k faire a 1'invention du plus petit art pratique, qua la plus fublime découverte qui ne montreroit que du génie. On fait plus de cas. de celui qui, fait drer parti des recoupes de la gaze 9 que de celui quiréfoudroitle problême des trois corps, C'eftla fur-tout que fe fait la queftion qu'on n'entend que trop fouvent parmi nous ; A quoi cela fert-il? Je demande fi ce repos, contraire au penchant naturel de rhomme, qui veut toujours voir au-dela de ce qu'il a vu, peut s'expliquer autrement que par une population qui interdife 1'oifiveté, 1'efprit deméditation, &qui tienne la nation foucieufe, continuellement occupée de fes befoins. La Chine eft donc la contrée de la terre la plus peuplée. Cela fuppofé; ne s'enfuk-il pas qu'elle eft  7o SUPPLÉMENT S froids, & froidemenc prononcés: Cela fe peut, mais il faut payer, délia fa bourfe, & paya. Alors le Chinois prenant fon argent, lui die : Europeen, au-lieu de tempêter comme tu viens de faire, ne valoit-il pas mieux te taire, & commencer par oü tu as fini? car qu'y as-tu gagné? Le Chinois n'a donc pas même un refte de pudeur commune a tous les frippons qui veulent bien 1'être, mais qui ne foufFrent pas qu'on le leur dife. II efl donc parvenu au dernier degré de la dépravation. Et qu'on n'imagine pas que ce foit ici un exemple particulier. Ce flegme efl; 1'eflet naturel de cette réferve qu'infpire 1'éducation chinoife. Et qu'on ne m'objeéte pas que les Chinois obfervent entre eux une fidélité dont ils fe croyent difpenfés avec 1'étranger. Cela n'eft pas, paree que cela ne peut être. On n'eft pas alternativement honnête & malhonnête. Celui qui s'eft fait 1'habitude de tromper 1'étranger, eft trop fouvent expofé a la tentation de tromper fes concitoyens, pour y réfifter conftamment. ii°. Mais a vous entendre, me dira-t-on, la Chine eft prefque une contrée barbare.... C'eft pis encore. Le Chinois, a demi-civilifé, eft a nos yeux un barbare a prétentions, un peuple profondément corrompu, condition plus malheureufe que la barbarie pur & naturelle. Le germe de la vertu peut fe développer dans  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 71 Ie barbare, par un enchainement de circonftances favorables, nous n'en imaginons point qui puifTent rendre ce grand fervice au Chinois, en quice gerrae eft, non pas étouffé, mais totaleraent détruit. Ajoutez a Ia dépravation & a 1'ignorance de ce peuple la vanité la plus ridicule. Ne dit-il pas qu'/7 a deux yeux, que nous n'en avons qu'un, & que le refle de la terre efl aveugle ? Ce préjugé, 1'excefïïve population, 1'indifférence pour les Souverains, qui peut-être en eft une fuite, 1'attachement opiniatre a fes ufages, la loi qui lui défend de fortir de fon pays : toutes ces raifons doivent le fixer pendant une fuite indéfinie de fiecles dans fon état actuel. Apprendon quelque chofe a celui qui croit tout favoir, ou qui méprife ce qu'il ignore? Comment enfeigner la fageflè a celui qui s'eftime le feul fage? Comment perfeftionner celui qui fe tient pour parfait ? Nous ofons le prédire, le Chinois ne s'améliorera, ni par laguerre, ni paria pefte, ni par la famine, ni par la tyrannie plus infupportable, & par cette raifon même plus propre que tous les fléaux réunis a régénérer leur nation en 1'accablant. 12°. Nous ignorons fi les autres peuples de FUnivers fervent beaucoup aux Chinois; mais a quoi les Chinois font-ils bons pour le refte de la terre ? II femble que leurs panégyriftes ayent affeété de leur donnar une grandeur colof- E 4  72 SUPPLÉMENTS fale, & de nous réduire a la petite ftature du pygmée. Nous nous fommes occupés, nous, a les montrer tels qu'ils font; & jufqu'a ce qu'on nous apporte de Pékin des ouvrages de philofophie fupérieurs a ceux de Defcartes & de Locke ; des Traités de mathématiques a placer a cöté de ceux de Newton, de Leibnitz & de leurs fucceffeurs; des morceaux de poéTie, d'óloquence, de littérature , d'érudidon que nos grands Ecrivains daignent lire, & djont ils foient forcés d'avouer la profondeur, la grace, le goüt & la fineflè; des difcours fur la morale, la politique, la légiflation, la finance & le commerce , oü il y ait une ligne nouvelle pour nos bons efprits; des vafes, des ftatues, des tableaux, de la mufique, des plans d'architeclures quipuiflènt arrêter les regards de nos Ardftes ; des inftruments de phyfique, des machines oü notre infériorité foit bien démontrée : jufqu'alors nous rendrons au Chinois fon propos, & nous lui dirons qu'il a peut-être un ceil que nous en avons deux; & nous nous garderons bien d'infulter aux autres nations que nous avons laiffées en-arriere, & qui font peut.être deftinées a nous devancer un jour. Qu'eft-ce que ce Confucius dont on parle tant, fi on le compare a Sidney & a Montefquieu ? 130. La nation Chinoife eft la plus laborieufe que 1'on connoijfe.... Nous n'en doutons pas. II faut bien qu'elle travaille, & qu'après  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 73 avoir travaillé, elle cravaille encore. N'y eft-elte pas condamnée par la difproportion du produic de fes champs avec le nombre de fes habitants? d'oü 1'on voit que cette population tant vantée a des limites au-dela defquelles c'eft un fléau qui öte a 1'homme le temps du repos, 1'entraine a des aclions atroces, & détruit dans fon ame 1'honneur , la délicatefTe , la morale, & même le fentiment d'humanité. 140. Et 1'on ofe s'opiniatrer, après ce que 1'on vient d'entendre, a appeller la nation Chinoife un peuple de fages!... Un peuple de fages, chez lequel on expofe, on étouffe les enfants; oü la plus infême des débauches eft commune ; oü 1'on mutile 1'homme ; oü 1'on ne fait ni prévenir, ni charter les forfaits occafionnés par la difette ; oü le commercant trompe 1'étranger & le citoyen; oü la connoiffance de la langue eft le dernier terme de la fcience; oü 1'on garde depuis des fiecles un idiöme & une écriture a peine fuffifants au commerce de la vie; oü les infpecteurs des mceurs font fans honneurs & fans probité ; oü la juftice eft d'une vénalité fans exemple chez les peuples les plus dépravés; oü le légiflateur, au nom duquel les fronts s'inclinent, ne mériteroit pas detre lu, fi 1'on n'excufoit la pauvreté de fes écrits par 1'ignorance du temps oü il a vécu; oü, depuis 1'Empereur jufqu'au dernier de fes E 5  74 SUPPLEMENTS fujets, ce n'eft qu'une longue chaine d'êtres rapaces qui fe dévorent, & oü le Souverain ne laiftè engraifTer quelques -uns de ces intermédiaires que pour les fucer a fon tour, & pour obtenir, avec la dépouille du concuffionnaire, le titre de vengeur du peuple. 15°. S'il eft vrai, comme nous n'en doutons point, qu'a la Chine, ce qui ne peut être partagé, comme la mer, les fleuves, les canaux, la navigation, la pêche, la chaflè, eft a tous; c'eft un ordre de chofe fort raifonnable. Mais un peuple fi nombreux pouvoit-il patiemment abandonner fes moifibns a la pdture des animaux? Et fi leshautes conditions s'étoieat arrogé une jouifiance exclufive des forêts & des eaux, ne s'en feroit-il pas fuivi une prompte & kifte vengeance? Taehons de ne pas confondre les loix de la néceffité avec les inftitutions de la fagefiè. 160. Les Chinois n'ont-ils pas des moines plus intriguants, plus difiblus, plus oififs & plus nombreux que les nótres ? Des moines! des fangfues dans une contrée oü le travail le plus opiniatre fournit a peine la fubfiftance! Le gouvernement les méprife. Dites plutót qu'il les craint, & que le peuple les révere. i7°- II feroit peut-être trés - avantageux que dans toutes les régions, ainfi qu'on 1'affure de la Chine, 1'adminiftration ne fut attachée a aucun  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 75 dogme, a aucune feéte, a aucunculce religieux. Cependant cette tolérance ne s'étend qu'aux religions anciennement établies dans 1'Empire. Le Chriftianifme y a été profcrit, foit que le fond myftérieux de fa doétrine ait révolté des efprits bornés, foit que les intrigues de ceux qui la prêchoient ayent allarmé un gouvernement ombrageux. 180. A la Chine, le mérite d'un fils confere la nobleflè a fon pere, & cette prérogative finic avec lui. On ne peut qu'applaudir a cette inftitution. Cependant la nobleffe héréditaire a auffi fes avantages. Quel efl le defcendant aflèz vil pour ne pas fentir le fardeau d'un nom impofant, pour ne pas s'efforcer d'y répondre? Dégradons le noble indigne de fes ancêtres, & fur ce point nous ferons auffi fages que le Chinois. 19°. Nous ne demandons pas mieux que de louer. Auffi reconnoiflbns-nous volontiers de la prudence dans la maniere dont les Chinois puniffent la négligence a payer le tribut. Au-lieu d'inftaller dans les foyers du débiteur des fatellires qui fe jettent fur fon lit, fur fes uftenfiles, fur fes meubles, fur fes beftiaux, fur fa perfonne; au-lieu de le trainer dans une prifon, ou de le laiflêr fans pain étendu fur la paille dans fa chaumiere dépouillée, il vaut mieux, fans doute, le condamner a nourrir le pauvre. Mais celui qui concluroit de eet excellent ufage la fa-  ?6 SUPPLÉMENTS gefle de la Chine , ne feroit-il pas auffi mauvais logicien que celui qui T d'après le nötre, nous jugeroit barbares? On affbiblic, autant qu'on peut, les reproches que mérite la nation Chinoife; on releve cette contrée pour humilier les nötres. Onn'en vient pas jufqu'a dire que nous fommes foux; mais on prononce, fans héfiter, que c'eft a la Chine qu'habite la fageffie, & 1'on ajoute tout de fuite que, par le dernier dénombrement , il y avoit environ foixante millions d'hommes en état de porter les armes. Apologiftes infenfés de la Chine, vous écoutez-vous? Concevez vous bien ce que c'eft que deux cents millions d'individus entafles les uns fur les autres? Croyez-moi, ou diminuez de la moitié, des trois quarts cette épouvantable population ; oufivous perfiftez a y croire, convenez, d'après le bon fens qui eft en vous, d'après 1'expérience qui eft fous vos yeux , qu'il n'y a , qu'il ne peut y avoir, ni police, ni mceurs a la Chine. 20°. Le Chinois aime la gènération a naitre comme la gènération vivante... Cela eft impoffible. Enfants, amis du nserveilleux, jufques a quand vous bercera-t-on de pareils contes? Tout peuple obligé de lutter fansceflè con* tre les befoins, ne fauroitpenfer qu'au moment; & fans les honneurs rendus publiquement aux ancêtres, cérémonies qui doivent réveiller & entretenir dans les efprits quelque foible idéé qui  A L'HtST. PHILOSOPHÏQUE. 77 s'étende au-dela du tombeau , il faudroic tenir pour démontré que, s'il y a un coin de la terre oü le fentiment de l'immortalité & le refpect de la poftérité foient des mots vuides de fens, c'efl: kla Chine. On ne s'appercoit pas qu'on porte tout al'extrême, & qu'il réfulte de cesopinions outrées des contradictions palpables; qu'une exceflive population eft incompatible avec de bonnes mceurs, & qu'on décore une multitude dépravée des vertus de quelques rares perfonnages. Leéteur, on vient de foumettre a vos lumieres les arguments des partifans & des détracteurs de la Chine. C'eft a vous de prononcer. Et qui fommes nous, pour afpirer a 1'ambition de diriger vosarrêts? S'il nous étoit permis d'avoir une opinion, nous dirions que, quoique les deux fyftêmes foient appuyés fur des témoignages refpeélables, ces autorités n'ont pas le grand caraélere qu'exigeroit une foi entiere. Peut-être, pour fe décider, faudroit-il attendre qu'il füc permis a des hommes défintéreflës, judicieux, & profondément verfés dans 1'écriture & dans la langue, de faire un long féjoura la Cour dePékin, de parcourir les Provinces, d'habiter les campagnes, & de conférerlibrementavec les Chinois de toutes les conditions. Quel que fütl'état de la Chine lorfque les Por«ugais y aborderent, comme ils ne fe propofoient  Jtë SUPPLÉMENTS que d'en tirer des richeflès & d'y répandre leur religion , ils auroient vu dans cette contrée le meilleurdes gouvernements, qu'ils n'auroient pas profité de fa fageflè. Thomas Perès, leur Ambafladeur, &c. Page 171 , après ces mots, la protecliondu commerce, lifez : II feroit trifte d'arrêter les yeux fur le déclin d'une nation qui fe feroit fignalée par des exploits utiles au genre humain, qui auroit éclairé le monde, ou procuré la fplendeur &ia félicité de fa contrée, fans être le fléau de fes voifins ou des régions éloignées. Mais on doit mettre une grande différence entre le héros qui teint la terre de fon fang pour la défenfe de fapatrie, & des brigands intrépides qui trouvent la mort fur un fol étranger, ou qui la font fouffrir a fes innocents & malheureux habitants. Sers ou meurs, difoient infolemment les Portugais a chaque peuple qui fe trouvoit fur leurs pas rapides & enfanglantés. II efl doux d'entrevoir la chüte de cette tyrannie. II eft confolant d'efpérer le chatiment des trahifons, des meurtres, des cruautés qui la précédent ou qui la fuivent. Loin de m'affliger de la décadence de ces farouches conquérants, c'eft de la fage politique de Juan de Caftro quejem'affligerois, paree qu'elle femble promettre la renaiflance de ce que le vulgaire appelle 1'héroïfme des Portugais, & que peutêtre moi-même, entrainé par 1'habitude, je n'ai  8o SUPPLÉMENTS l XXVIII. Etat o ü tombe le Portugal , fubjugué par 1'Efpagne. :ionné afaperfidie? Si une femme étoit capable 3'infpirer de grandes chofes a fon Roi, elle au■oit adèz d'élévation dans 1'ame pour dédaigner 3e devenir fa courtifane; & lorfqu'elle fe réfou3ra a accepterce titreaviliflant, lorfque peut-être ;lle fera aflezlache pour s'en tenir honorée, que ?eut en attendre la nation? La corruption des mceurs de fon amant, la corruption des mceurs de fes favoris; la déprédation du fifc; 1'élévation des hommes les plus ineptes & les plus infames aux places les plus importantes; la honte du long regne. Souverains, un homme de mceurs aufteres vous interdiroit toute liaifon illicite : mais fi vos pénibles fonftions follicitent notre indulgence, du moins que votre vicefoit couvert par de grandes vertus.Ayez une maïtrellè, s'il faut que vous en ayez une: mais qu'étrangere aux affaires publiques, fon diftridt foit reftreint a la furintendance momentanée de vos amufements. Ataïde vole fur le champ, &c. Page 181, après ces mots, celle de fon adminiftration, lifez : Un gouvernement eft toujours une machine très-compliquée qui a fon commencement, fes progrès & fon moment de perfeétion, lorfqu'il eft bien concu ; fon commencement, fes progrès & fon moment d'extrême corruption, lorfqu'il eft vicieux a fon origine. Dans 1'un & 1'autre cas, il embrafle un fi grand nombre d'objets, tant au-dedans qu'au-dehors, que  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 8i que fa diflblution amenée, foit par 1'imbécillité du chef, foit par 1'impatience des fujets, ne peut avoir que les fuites les plus effi-ayances. Si J'impat.ence des fujets vient a brifer un joug fous Jequel ils font las de gémir, une nation seance plus ou moins rapidementa 1'anarchie, a travers des flots de fang. Si elle arrivé in/ènfiblement a ce terme fatal, par 1'indolence ou la foibk ffè du Souverain, incapable de tenirles rênes de 1'EmPire, le fang eft éparg. é; mais la nation tombe dans un état de mort. Ce n'eft plus qu'un cadavre dont toutes les parties entrent en putréfaction, fe féparent & fe transforment en un amas de vers qui pourriflènt eux-mêmes après avoir tout dévoré. Cependant les nations adjacentes tournent autour, comme on voit dans les campagnes les animaux voraces. Elles s'emparent fans effort d'une contrée fans défenfe. Alors les peuples pa/Tent fous un état pire qu'au fortir de la barbarie. Les loix du conquérant luttent contre les loix du peuple conquis; les ufages de 1'un contre les ufages de 1'autre; fes mceurs contre fes mceurs; fa religion contre fa religion; fa lat> gue fe confond avec un idióme étranger. C'efl: un cahos dont il eft difficile de préfager la fin un cahos qui ne fe débrouille qu'après Ie laps de plufieurs fiecles, & dont il refte des traces que les événements les plus heureux n'effacent jamais entiérement. Suppl, Tomé ƒ, p   livre II. TAT des fonds faits en iSoz par la Compagnie Hollandoife des Indes Orientahs ATn 1 a " I " -amons aepuis zjzj jufquen IJJ4-. C A P T t » , I ïh. Rt lo„„„ll„ I I I , I I CAPITAL Vit-t, ES SoMME pour laquelle ^ & Provinces chaque ville & province Nombre r, DIVIDENDES DISTRIBUFS -r , T r, .„ . r I _ '■ — I ,. 4Ut ont fait eit intéreffée. ' des L,e"r UhS ept"s '6o5 J"fq"'en 1777. . . . ^ Froduit tf lrtin„„ „ enflorins. .e" «".« les fonds de ^ _^ adtioL. valeur- Aani„ , Quotité ' En ^T777 — ■■ , ' es 'T^ ««« ces di- J™^I0NS ACTIONS depuis ,723 jufqn'en ,774. ceca.ita.. tTS.. «TTZ_: Annees' pour quelle We.. ^ * | duotite En ^'"V"* ' ^'"Tu^.Zrr^p"" ~~ ; . Cfnt" I een" j jtS ^ gel' ^ ™COm" Années. °Ur j A c t i o n s. «V /Wre dêTüütre " ~' ~ "—~ _ I en florins' en livres tournois. 9lc part ïï4q| ' ' —I ï*oj 4o „__. 7'9 40 tf**, 7-4 6°3 653 21090 22590 46398 49698 '6°8 20 «», ™g f idem_ J?» 40 tiem. |4 WO ?i4»o 22800 47I24 sol6o '«°9 25 Mem. Uil 33} «few. 7 _ °*8 563 2»740 i989o 50028 43758 '«ii ïrf* 3 ... 1723 I2ï Ï^Q lil \ 22650 2,3«° 49830 46992 5n W" 4 ü^r 724 '5 730 ? 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'75!> 15 Um "'6! 374 406 I42IO i$I8o "4"' I 1641 \\ ,6" *° aiTnt. lï,60 15 «£ 77 406 585 4«80 20550 3 6 1 25 ,c arfnt' 1761 15 y. 'J^° 593 546 20790 i938o 4",8 T;^^ '«» 50 argent. .700 ^ 1762 I , Z. 767 58oi so3 a4 g° 457 8 4-6,j '643 15 girofle. .701 'o 1^ ^3 15 768 5'« 455 iSS4o l66 0 T°U 66^ '644. 25 Uem. 1702 20 £• '7 4 «5, 4„». g9 4 2 17160 .5300 37752 33660 20 „gent. .703 2? 1765 17I idem. 4,2 ^*5 15360 12750 33792 28050 '645 .J i7o4 25 >d.el"; 1766 ao idem. 771 314 386 12420 I458o 273L 32076 I "46 22' >uiem. i I70* a £; W *o f*_, | fff 326 '4c7oI278o ags}.8u6 1 I 25 , idem. 1706 2S '768 20 idem. „1% 3,,3 363 126tJO ,„g fi fij ,647 .707 aj 't? '769 20 \iim. '"4 336 363 13080 ,389o 2^7l 3o 60 I 649 3o a_,; 1709 25 I71 '*l Urn. . I '65o 20 w ,7io ac '77* i*| Mn». I 1651 '5 fi 1711 * hfw" 1773 12' ««»• 1 1652 a< j 1 , "if'w' i;74 121 -j . ^' >t(fw. i7i2 15 ., l2ï u,eiH. m '653 i*| idem. I7I3 3o ff*. I '775 | ia? '654 15 idem. ,7,4 2,, . '776 ia| ?li£H/. '65S I8f idem. J71. irffw. 1777 ia> idtm_ . g '6S6 27 -ï ,d,m. J7l6 40 ii™. 1 j I 11 ; 1657 17.7 l i I  Livre II. ETAT des Navires expédiés aux Indes oriëntale* par la Compagnie de Hollande , depuis 1720 jufqn'en 1729, du dénombremeni des Équipages, des Navires qui font revenus, du Froduit général des Ventes, des Dividendes dijiribués aux Intérejfés , & de l'argent comptant envoyé tant au Cap qu'aux Indes. m. DÉNOMRKir , Aagent envoyé, tant aü Cap Années. navires MEN7de! NAVIEES PE0DUIT RAL »« Ventes. DlvIDEN. ^aux Indes. expedies. £ j s revenus. ^ ^ ^ DES_ ^ ^ ^ . En florins. En livres tournois. En florins. En livres tonrnois. , fior- f- d- Kv. f. d. prJ. Jior. f. liv. f. i. rilV" 11 1*°' * 19,597,874 12 4?,'I5,3H 2 4! 4° 4,125,000 9,ü75,ooo 1721... 40 8000 J4 1^985,072 Ij 32,967,159 16 7t 331 6,825,000 15,0.5,000 1722... 41 7400 26 19,494,365 l9 42,887,605 I 8} 30 7,075,000 15,565,000 ,0 I78? *? l6>247,?°5 17 35,744,512 17 4? 12'- 6,887,000 15,151,400 22*. ; 5fS '„ 2o>577,447 9 45,270,384 7 9f M 7,4i9,ooo i6,jai,8eo HVf M *J° 3 '9,385,44' 10 42,647,971 6 20 7,412,500 16,307,500 1720... 8 6850 32 2,,3.2,626 8 46,887,778 1 7r 25 7,675,000 16,885,000 ,1,1"' t! o 'o '8,?é4,986 17 40,842,971 1 4? ' 20 8,091,994 17,802,386 16 rlTt'" ,t 18°° 28 20,322,402 44,709,284 8 15 5,558,ioo 12,227,820 1729... __34_ 6390 25 '81^0'Il6^2_9 39,820,255129} 25 4,525,000 9,955,ooo ??t,-, ^ 69905 303 '88,587,839 17 9 414,893,246 15 9f 236 65,593,594 144,305,906 16 An n é E /de 37 commune \ a 38 6950 J0 '8,858,733 18 10 41,489,324 13 7 33} 6,559,359 8 14,430,590 ij 7 OB JET POUR LEOUEL LES ÉPlCERlES ENTRENT DANS LE PRO DUIT GÉNÉRAL DES VENTES , Année commune. 4500000 livres... Pnivre. i r 1 1 t- ^°r' lw' 400000 Snnelie •\" nU"\ 3 V™2,475,000 5,445,ooo 400000 r- fle a5 flor-* laL,vre 2,300,000 5,060,000 250009. ij1- ' r'* ^or< * 'a Livre 1,700,000 3,740,000 I 90000.."!'.MX 'ades ' a j flor. £ la Livre 937,500 2,062,500 I ""*'"-macis,a 6 flor. | la Livre 585,000 1,287,000 i 7,997,5oo 17,594,500  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 87 fortune. C'eft par ce moyen qu'ils introduifenc dans lepays, &l'écai!le de tortue dont les Japonois font leurs bijous les plus recherchés, & le camphre deSumatra, qui, fe trouvant afTezparfait pour n'avoir pas befoin de 1'opération du feu, eft cenfé digne des autels. En échange, ils recoivent un or très-pur,qui auffi-bien que la marchandife, palTe par les mains de leurs maitreiTes, dont 1'intelligence & la probité, dans la doublé négociation, font égaleHient atteftées. Les Chinois, Ie feul peuple, &c. Page 222, au-lieu de 140,000 liv., lifez: 154,000 liv. Elle fe dédommage bien de cette perte a Amboine, oü elle a concentré la culture du giroflier. L'arbrequidonnele girofle a Ie port du bouleau, 1'écorce fine & lifïè du hêtre. Son tronc, formé d'un bois très-dur, s'éleve peu, & fepartage en plufieurs branches principales, dont les rameaux fe couvrent, en Mars, de feuilles & de fleurs. Les feuilles font toujours oppofées, pointillées, liflès, entieres fur les bords prefque femblables pour la forme & la confiftance k celles du laurier. Les fleurs, difpofées en corymbe terminal, ontchacune uncaliceallongé, terminé par quatre dents, qui porte autant de pétales blancs, & un grand nombre d'étamines. Le piftil F 4  33 SUPPLÉMENTS renfermé dans le fond de ce calice, devient avec lui un fruit ovoïde, rempli d'un feul noyau, & connu fous Ie nom de matrice de girofle. Ce même calice cueilli avant le développement des pétales & la fécondation du pift.il, eft le clou propreprement dit, dont la récolte fait le principal objet de la culture du giroflier. Elle comraence en Oétobre, & finit en Février. Lorfque les clous ont acquis une couleur rouge&tre & une certaine fermeté, on les fait tomber avec de longs rofeaux, ou en fecouant fortement les branches de l'arbre, fur de grandes toiles, ou fur un terrein bien nettoyé. Ils font expofés enfuite pendant quelques jours a la fumée fur des claies re» couvertes de grandes feuilles. Cette fumigation » a laquelle on devroit peut-être fubftituerl'étuve, eft fuvie de la defficcation r.u foleil, qui eft cenfée parfaite, lorfqu'en enlevant avec 1'ongle une portion de 1'enveloppe du clou, on appercoii dans 1'intérieur une belle couleur rouge, Le giroflier veut un terrein gras & fertile. On favorife fon accroiflèment en lui donnant de 1'efpace, &enarrachant les herbes & les arbrifleaux de fon voifinage; ce qui a fait dire a quelques voyageurs, qu'il attiroit h lui tous les fucs nourriciers du fol qui le produit. Si on 1'abandonnoit a Iui-même , il s'éleveroit très-haut; mais on préfere, pour la facilité de la récolte, une tige baflè & ramifiée dès fon origine»  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 89 Les clous qui ont été oubliés fur 1'arbre, continuent a groffir jufqu'a 1'épaiflèur d'un demi-pouce. Ils font alors propres a la germination, pourvu qu'on les mette auffi-tót en terre, & ils produifent le giroflier qui ne donne des fleurs qu'au bout de huit ou neuf ans, Ces fruits ou matrices, &c. Page 226, après ces mots, ne s'y engendre point de vers, lifez : La mufcade eft plus ou moins parfaite, fuivant le terroir, 1'expofition, lage & la culture de 1'arbre. Bien différent du giroflier, le mufcadier aime un terrein humide, couvert deplantes, & méme ombragé par de grands arbres, pourvu qu'il n'en foit pas étouffé. Sous leur abri, il Jeve trés-bien, & fupporte les froids qui fe font quelquefois fentir fur le fommet des montagnes. La mufcade ronde eft plus recherchée que la longue, qui n'en eft qu'une variété. On eftime fur.tout cejle qui eft récente, grafie, pefante, de bonneodeur,d'une faveur agréable, quoique amere, & qui, étant piquée, rend un fuc huileux. Son ufage immodéré produit des accèsde folie, & quelquefois donne la mort. A petite dofe, elle facilite la digeftion, diffipe les vents, fortifie les vifceres, & arrête la dyfTenterie. L'huile figée que 1'on retire par expreffion des mufcades rebutées dans la vente, & celle que fournit Ie macis, font employées exténeuremenc dans les raaladies du genre nerveus F5  jo SUPPLÉMENT S On trouve a Amboine un giroflier fauvage^ qui differe de 1'autre par fon tronc plus élevé, fes feuilles beaucoup plus longues, fes matrices très-allongées, raboteufes a leur furface, & d'un goüt défagréable. Les ifles de Banda fourniflènc auffi cinq ou iix efpeces de mufcadiers iauvages , que les Hollandois ont négligé dedétruire, paree que leur fruit, peu aromatique & de nulle valeur dans le commerce, efl: fimplement un objet de curiofité. A 1'exception de cette précieufe épicerie, &c- Page 228, après ces mots, dans 1'état oü elles étoient, lifez : Pour s'afllirer le produit exclufif des Moluques, qu'on appelle avec raifon les mines d"or de la compagnie, les Hollandois ont employé tous les moyens que pouvoit leur fournir une avarice éclairée. La nature efl: venue a leur fecours. Les tremblements de terre qui font fréquents & terribles dans ces parages, en rendent la navigation périlleufe. Ils font difparoitre tous les ans des bancs de fable dans ces mers , tous les ans ils y en forment de nouveaux. Ces révolutions, dont la politique exagere encore le nombre & les effets, doivent écarter le navigateur étranger qui manque des fecours néceffaires pour fe bien conduire. Ce premier moyen d'un commerce exclufif efl fortifié par un autre peut-être encore plus  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 91 efficace. Durant une grande partie de 1'année, les vaiflèaux, repoufles par les vents & les courants contraires, ne peuvent aborder aux Moluques. II faut donc attendre la mouflbn favorable qui fuit ces temps orageux. Mais alors des gardes-cötes expérimentés & vigilants s'emparent de eet Océan devenu paifible, pour écarter ou pour faifir tous les Mtiments que 1'appat du gain y auroit pu conduire. Ce font ces temps calmes que les Gouverneurs d'Amboine & de Banda employent a parcourir les ifles, oü, dès les premiers jours de fa puiffance, la compagnie détruifit les épiceries. Leur odieux miniflere fe réduit a Jutter contre la libéralité de la nature, & a couper les arbres partout oüilsrepouffènt. Tous les ans, ils fontobligés de recommencer leurs courfes, paree que la terre, rebelle aux mains qui la dévaftent, femble s'obftiner contre la méchanceté des hommes ; & que la mufcade & legirofle, renaiiTant fous Ie fer qui lesextirpe, trompentune avidiré cruelle, ennemie de tout ce qui ne croït pas pour elle feule. Ces abominables expéditions commencenc & finiflêntpar des fêtes, dont les détails feroienc frémirl'ame la moins fenfible, fi la plume ne fe refufoit a les retracer. L'efprit de toutes les fêtes civiles & religieufes, depuis leur première origine jufqu'a nos jours, fous les cabanes du fauvage & dans les  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 93 bons Souverains qui ont gouverné dans les temps paffes, ou des honnêtes & braves aïeux dont on eft defcendu. II femble qu'aux Moluques, le buc des fêtes inftituées par les Hollandois, eft d'éter* nifer la mémoire des atrocités qu'ils ont commifes, & d'y entretenir au fond des coeursle fentiment de la vengeance. Ce n'eft que fous 1'empire des démons que les fêtes doivent être lugubres; mais telle eft 1'averfion de 1'homme pour le travail, que, triftes ou gaies, le peuple aime les fêtes. Pour s'affurer de plus en plus le commerce exclufifdes épiceries, les Hollandois ont formé deux établifféments è Timor & a Célebes. La première de ces deux ifles, &c. Page 231, ligne 6, après ces mots , de fe marier, lifez i Voila, certes, des efclaves bierf civilifés fur le point le plus important de Ia vie humaine. Quel eft le peuple civilifé de 1'Europe qui ait pouffë auffi loin les foins de 1'éducationf Qui de nous s'eft encore avifé de garantir fa poftérité de la féduétion paternelle & materaelle? Lesprécautionsprifesa Célebes, utiles dans toutes les conditions, feroient fur-tout néceffaires pour les enfants des Rois. La corruption s'échappe de tout ce qui les entoure. Elle attaque leur cceur & leur efprk par tous les fens a la fois. Comment feroientils fenfibles a la mifere, qu'ils ignorenc & qu'ils  A LUIST, PHILOSOPHIQUE. 103 ces foibles établiflèments, fe font évanouis prefque entiérement avec Ie temps. Le plus utile doit être celui de Palimban, fitué k 1'Eft. Pour 66,000 liv., la compagnie y entretient un fort & une garnifon de quatrevingcs- hommes. On lui livre tous les ans deux millions pefant de poivre k 23 liv. 2 fois le cent. Ce dernier article efl; tiré tout entier de l'ifle de Banka, qui n'eft éloignée du continent que d'un mille & demi, & qui donne fon nom au détroit fameux par oü paflènt communément les vaiflèaux qui fe rendent direftemenc des ports d'Europe k ceux de la Chine. Quoique les Hollandois ayent k trés-bon marché les denrées qu'ils prennent k Palimban, ce prix eft avantageux au Souverain du canton, qui force les fujets k les lui fournir a un möindre prix encore. Ce petit defpote tire de Batavia une partie de la nourriture & du vêtement de fes Etats; & cependant on eftobligé de folder avec lui en piaftres. De eet argent, de 1'or, &c. Page 242 après ces mots , d'épiceries & de toiles, lifez : Ils en tirent del'étain, k 77 livres le cent; de la gomme lacque, k 57 livres 4 fois; quelques dents d'éléphant, k trente livres 12 fois la livre; & de temps en temps un peu de poudre d'or. On peut aflurer qu'ils tiennent uniquement a cette liaifoh par le bois G 4  ïo4 SUPPLÉMENTS de fapan, qu'on ne leur vent que 5 livres 10 fois le cent, & qui leur efl: néceflaire pour 1'arrimage de leurs vaiflèaux. Sans ce befoin, ils auroient, &c. Page 244, au-lieu de 200,000, lifez , a20,000; & au-lieu de 40,000, lifez, 44,000. Page 245, après ces mots, feuls détroits connus, lifez : & en état d'intercepter les vaiffeaux de leurs ennemis dans des temps de trouble. On découvrit depuis les détroits de Lombock & de Baly; & Malaca perdit alors 1'u» nique avantage qui lui donndt de Fimportance. Heureufement pour les Hollandois, a cette époque , ils foumettoient Ceylan qui devoit leur donner la cannelle, comme les Moluques leur donnoient la mufcade & le girofle. Spilbergen, qui, le premier, &c. Page 246, après ces mots, dans les terres, lifez : C'eft uniquement kMaturé qu'on cultive, & même depuis aflez peu de temps, le poivre & le café. Le territoire de Negombo produit la meilleure cannelle. Columbo, connu par Ia bonté de fon areque, eft le chef-lieu de la colonie. Sans les dépenfes que les Portugais avoient faites a cette place, les vices de fa rade auroient vraifemblablement déterminé leur vainqueur a établir fon gouvernement & fes forces a Pointe de Gale, dont le port, quoique trop ferré & d'un accès difficile, eft fort fupérieur. On trou*  ioö SUPPLÉMÊNTS Ceylan. II croit fur une efpece de palmier, qui a, comme le cocoder, des racines fïbreufes, une dge cylindrique, marquée d'inégalicés circulaires; de grandes feuilles ailées, engainées a leur bafe, recouvertes d'un tiffu réticulaire lorfqu'elles font jeunes; des régimes de fleurs males & femelles mêlées enfemble , & renfermées avanc leur épanouiffëment dans des fpathes. On le diftingue, paree que fon tronc eft également droic dans toute fa longueur; les divifions des feuilles font plus larges ; celles qui terminent la cóte font ordinairement tronquées & dentelées a la pointe. La plus grande différence confifte dans le fruit qui a la forme d'un ceuf. Son écorce eft lifTe & affez épaiflè. Le noyau qu'elle environne eft blanchÉtre, d'une fubftance analogue a celle de la mufcade , & de même groffeur, mais plus dure, & veinée intérièurement. Ce fruit eft d'un grand ufage en Afie. Lorfqu'on le mange feul, comme font quelques Indiens, il appauvrit le fang, & deflèche les fibres. Cet inconvénient n'eft pas a craindre, lorfqu'il eft mêlé avec le bétel. Le.bétel eft une plante qui rampe ou grimpe eomme le lierre, le long des arbres ou des fuppores auxquels elle s'attache par de pedtes racines. De chaque nceud de fa dge farmenteufe, part une feuille prefqu'en cceur aflèz longue, & récrécie a fon extrêmité comme celle du liferon,  A L'HIST. PHILOSOPHIQTJE. 109 tirant fur le rouge, odorante, aromatique, d'un gout piquant & cependanc agréable. Celle dont les Mtons font longs & les morceaux petits, eft préférée par les connoiflêurs. Elle contribueaux délices de la table , & fournit d'abondants fecours a la médecine. A Ceylan, 1'art de dépouiller les cannelliers eft une occupation particuliere, & la pJus vile des occupations. Par cette raifon, elle eft abandonnée aux feulsChalias qui formentla derniere des caftes. Tout autre individu qui fe livreroit k ce métier, feroit ignominieufement chaffe de fa tribu. L'ifle entiere n'eft pas couverte de cannelliers, comme on le croit oommunément; & 1'on ne peut pas dépouiller tous ceux qui y croifiènt. Les montagnes ha'bitées par les Bedas, en font remplies : mais cette nation finguliere ne permec 1'entrée de fon pays, ni aux Européens, ni aux Chingulais; & pour y pénétrer, il faudroit livrer des combats fans nombre. Les Hollandois achetent la plus grande partie de la cannelle dont ils ont befoin, a leurs fujets de Negombo, de Coiumbo, de Pointe de Gale, les feuls diftriéts de leur domination qui en fourniffent. Le refte leur eft livré par la Cour de Candi, a un prix plus confidérable. L'une compenfée par 1'autre, elle «ne leur revient qu'a 13 fois 2 deniers la livre. Le revenu territoria!, les douanes & les pe-  iio SÜPPLEMENTS tites branches de commerce ne rendent pas annuellement a Ceylan plus de 2,200,000 liv. Son adminiftration & fa défenfe coütent 2,420,000 liv. Le vuide eft rempli par les bénéfïces qu'on fait fur la cannelle. Elle doit fournir encore aux guerres qui fe renouvellent trop fouvent. Dès les premiers combats, les peuples qui habitent les cöces, & qui déteftent le joug Europeen, fe retirent la plupart dans 1'intérieur des terres. Ils n'atcendent pas même toujours les hoftilités pour s'éloigner; & quelquefois ils prennent cette réfolutiona la moindre méfintelligence qu'ils remarquent entre leurs anciens & leurs nouveaux maitres. Privés des bras qui leur donnoient des richeffes, les ufurpaceurs font alors obligés de pénétrer, les armes a la main, dans un pays coupé de tous cötés par des rivieres, des bois, des ravins & des montagnes. Les Hollandois, qui prévoyoient ces calamités, chercherent, dès les premiers temps de leur établiffement, a féduire le Roi de Candi par les moyens qui réuffiflent généralement le mieux avec les defpotes de 1'Afie. Ils lui envoyoient des Ambaffadeurs; ils lui faifoient de riches préfents. Ils tranfportoient fur leurs vaiflèaux, &c. Page 256 au-lieu de 41 liv. 5 fois pour 18 livres, lifez, 2 liv. 7 fois 2 den. la livre. Page 258, après ces mots, eft chargée de  A L'HIST. PHILO50PHIQUE. m protéger, lifez : A peine les Hollandois avoient paru aux Indes, qu'ils defirerent d'avoir des comptoirs fur les cótes de Coromandel & d'Orixa. De 1'aveu des Souverains du pays, ils en formerent h des époques différentes, a la cöce de la Pêcherie , k Negapatnam , k Sadrafpatnam, a Paliacate, a Bimilipatnam. Ils tirent annuellement de ces divers établiflèments, pour les marchés d'Afie ou d'Europe, quatre ou cinq milles balles de toile qui font portées a Negapatnam, cheflieu de tant de loges. Cet entrepót étoit entiérement ouvert, lorfqu'en 1690, il y fut conftruit une citadelle aflêz réguliere, mais peu étendue. Les maifons qu'on permit de bkit tout autour, ayant rendu, avec le temps, les fortifications inutiles, on prit le parti, en 1742, d'entourer la ville de murailles. Son territoire, d'abord trèsborné, s'accrut fucceilivement de dix oudouze villages qui fe remplirent de manufactures. Enéchange des marchandifes qu'ils recoivent, les Hollandois donnent du fer, du plomb, du cuivre, de 1'étain, du fucre, de 1'araque, des bois de charpente, du poivre, des épiceries, de la toutenague, efpece de minéral qui participe du fer & de 1'étain. Ils gagnent fur ces objets réunis i,100,000 liv., auxquelles on peut ajouter 88,000 liv. que produifent les douanes. Les dépenfes a&uelles montent k 808,000 liv., & 1'on peut avancer, fans crainte d'êcre accufé d'exa- XVI. Commerce les Hollandois a Ia :öie de Coromandel.  ii2 SUPPLÉMENTS XVII. Commerce des Hollandois a la cöte de Malahar. gération , que Ie fret des navires abforbe Ie refte des bénéfices. Le produit net du commerce n'eft donc pour la compagnie, que le profit qu'elle peut faire fur la vente des toiles. Sa fituation eft encore moins bonne au Malabar. Les Portugais, dépouillés par-tout, fe maintenoient encore avec quelque éclat dans cette partie de 1'Inde, lorfqu'en 1663, ils s'y virent attaqués par les Hollandois, qui leur en* leverent Culan, Cananor, Grandganor & Cochin. Le Général victorieux avoit a peine invefti la derniere place , la feule importante, qu'il apprit la réconciliation de f3 patrie avec le Por* tugal» Cette nouvelle fut tenue fecrete, &c. Page 260, après ces mots, pour les befoins du port, lifez : La compagnie gagne, au plus, fur ces objets, 396,000 livres, qui, avec 154,000 liv. que lui produifent fes douanes, forment une maffe de 550,000 liv. Dans la plus profonde paix, 1'entretien de fes établiflèments lui coüte 510,400 livres; de forte qu'il ne lui refte que 39,600 liv. pour les fraix de fon armement: ce qüi eft évidemment infuffifant. La compagnie tire du Malabar, &c. Page 261, après ces mots, expédie pouf 1'Europe, lifez : II eft encore vrai que, par fes capitulations,elle ne payele cent du poivre que 38 liv. 8 fois, quoiqu'il coüte depuis 43 jufqu'a  iïB SUPPLÉMENT S paroiflbient préférables aux fiennes , on vous excuferoit. Mais vous êtes defcendus dans fon pays pour 1'en dépouiller. Vous ne vous êtes approchés de fa cabane que pour Fen chaiTer y que pour Ie fubftituer, fi vous le pouviez, k Fanimal qui laboure fous le fouet de Pagriculteur,, que pour achever de Fabrutir , que pour fatiffaire votre cupidité» Fuyez, malheureux Hottentots, fuyezf: en> foncez-vous dans vos forêts. Les bêtes féroces font moins redoutables que les monftres fous 1'empire defquels vous allez tomber. Le tigre vous déchirera peut-être; mais il ne vous ótera que la vie. L'autre vous ravira Finnocence & la liberté. Ou fi vous vous en fentez le courage , prenez vos haches, tendez vos arcs, faites pleuvoir fur ces étrangers vos fleches empoifonnées. Puifïè-t-il n'en refter aucun pour porter k leurs citoyens la nouvelle de leur défaftre! Mais hélas! vous êtes fans défiance, & vous ne les connoiflèz pas. Ils ont la douceur peinte fur leurs vifages. Leur main tien promet une affabilité qui vous en impofera. Et comment ne vous tromperoit-elle pas? c'eft un piege pour eux-mêmes. La vérité femble babiter fur leurs levres. En vous abordant, ils s'inclineront. Ils auront une main placée fur la poitrine. Ils tourneront l'autre vers le ciel, ou vous la préfenteront avec  4 A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. u? amitié. Leur geile fera celui de la bienfaifance ; leur regard celui de 1'humanicé : mais la cruauté,mais la trahifon font au fond de leurcceur. Ils difperferont vos cabanes; ils fe jetteront fur, vos troupeaux; ils corrompront vos femmes; ils féduiront vos filles. Ou vous vous plierez a leurs folies opinions, ou ils vous maffacreront fans pitié. Ils croyent que celui qui ne penfe pas comme eux efl; indigne de vivre. Hatez-vous donc, embufquez - vous; & lorfqu'ils fe courberont d'unemaniere fuppliante & perfide, percez-leur la poitrine. Ce ne font pas les repréfentations de la juftice qu'ils n'écoutent pas, ce font vos fleches qu'il faut leur adreffèr. II en eft temps; Riebeck approche. Celui-ci ne vous fera peut-être pas tout Ie mal que je vous annonce; mais cette feinte modération ne fera pas imitée par ceux qui le fuivront. Et vous, cruels Européens, ne vous irritez pas de ma harangue. Ni le Hottentot, ni 1'habitant des contrées qui vous reftent a dévafter ne 1'entendront. Si mon difcours vous offenfe, c'eft que vous n'êtes pas plus humains que vos prédéceflèurs; c'eft que vous voyez dans la haine que je leur ai vouée celle que j'ai pour vous. Riebeck, fe conformant aux idéés, &c. Page 265, après ces mots, furent fuivies de quelques hoftilités, lifez : Les Hollandois, qui étoient encore foibles, calmerent les efprits par H 4  ï2o SUPPLÉMENTS beaucoup depromefTes & quelques préfents. Tout fut pacifié , & ils continuerent depuis aflèz paifiblement leurs ufurpations. II eft prouvé que la compagnie dépenfa dans 1'efpace de vingtans, quarante-fix millions de livres pour élever la colonie a 1'état oü elle eft aujourd'hui. C'eft le plus bel établiftèment du monde, fi 1'on en croit la plupart des navigateurs, qui, fatigués d'une longue traverfée, font aifément féduits par les commodités qu'ils trouvent dans cette relache renommée. Voyons fi la réflexion confirmera ces éloges dicl;és par 1'en^ thoufiafme. Le cap de Bonne-Efpérance, dont les parages font fi orageux, termine la pointe la plus méridionale de 1'Afrique. A feize lieues de cette fameufe montagne eft une péninfule formée aa Nord par la baye de la Table, & au Sud par Falfe-Baie. C'eft a la première des deux bayes, qui ne font féparées que par une diftance de neuf mille toifes, qu'abordent tous les bdtiments durant la plus grande parde de 1'année : mais depuis le io Mai jufqu'au 20 Septembre, la rade eft fi dangereufe, 1'on y a éprouvé de fi grands malheurs, qu'il eft défêndu aux vaiflèaux Hollandois d'y mouiller. Ils fe rendent tous a 1'autre baye, oü, dans cette faifon, 1'on n'a rien k craindre. Le ciel du cap feroit très-agréable, li les vents  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 121 n'y étoienc prefque continuels & communément violents. On eft dédommagé de 1'efpece d'incommodité qu'ils caufent, par la délicieufe température dont ils font jouir un climat qui , par fa laticude, devroic être embrafé. L'airde ce fé* jour eft fi pur, qu'on le regarde comme un remede prefque fouverain pour Ia plupart des maladies apportées d'Europe, & qu'il n'eft pas fans utilité pour les maladies contracties aux IndesPeu d'infirmités affligent les colons. La petitevérole même n'y a pénétré que tard. Cette contagion apportée, dit-on, par un batiment Danois, y fit d'abord, & y fait encore, par intervalle, de trop grands ravages. Le fol de eet établiflèment ne répond pas k fa réputation. Les Hollandois n'y virent a leur arrivée que d'immenfes bruyeres,quelques arbuftes, une efpece d'oïgnon, qui, lorfqu'il eft cuit, a le goüt de la chataigne, & qu'on a nommé pain des Hottentots. Par-tout oü la chüte périodique de ces plantes n'avoit pas dépofé un fédiment gras, la terre n "étoit qu'un fable ftérile. On n'eft pas encore parvenu a la féconder, même dans le voifinage de la capitale, oü les encouragements n'ont pas manqué. A 1'exception de quelques valléesoü leseaux ont entrainé le peu de terre qui couvroic les montagnes, 1'intérieur du pays n'eft pas plus fèrtile, & il eft encore moins arrofé que les cótes , oü rien n'eft pourtant fi rare qu'un ruiffèau H 5  122 SUPPLÉMENTS ou une fontaine. De-la vient que quoique Ia colonie ne foit pas nombreufe, fes habitants font difperfés fur cent cinquante lieues le long des rivages de la mer, & fur prés de cinquante dans les terres. La ville du cap, Ia feule qui foit dans Ia colonie, eft compofée d'environ mille maifons, toutes bacies de brique; & a caufe de la violence des vents, couverces de chaume. Les rues font larges & coupées a angles droits. Dans la principale efl un canal bordé des deux cötés dun plant d'arbres. Dans un quarcier plus écarté, on voit encore un canal : mais la pente des eaux y eft fi rapide, que les éclufes fe touchent prefque les unes les autres. A l'extrêmicé de la ville, eft Ie jardin, fi renommé, de Ia compagnie. II a huit a neuf cents toifes de long. Un ruiffeau 1'arrofe. Pour en défendre les plantes contre la fureur des vents, on a entouré chaque quarré de chênes taillés en paliflades, excepté dans 1'allée du milieu, oü on les laiflè croïtre de toute leur hauteur. Ces arbres,quoique médiocrement élevés, forment un fpeótacle délicieux dans une contrée oü il n'y 3 que peu de bois, même taillis, & oü Ton eft réduit a tirer de Batavia tous ceux de charpence. Les légumes occupent la plus grande partie du terrein. Le petit efpace confacréa Ja botanique, n'a que peu de plantes. La ménagerie, qui joint  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 123 le jardin, efl; égalemenc déchue. Elle renferrnoit autrefois un plus grand nombre d'oifeaux & de quadrupedes , inconnus dans nos climats. Ce font les vignes qui couvrent principaleitfent les campagnes voifines de la capitale, Leur produit eft prefqu'afluré dansun climat oü lagrêle & la gelée ne font pas a craindre. II femble que fous un ciel fi pur, dans un terrein fablonneux, avec la facilité de choifir les meilleures expofitions , on devroit obtenir une boiflön exquife. Cependant, que ce foit le vice du climat, ou la négligence des cultivateurs, elle eft d'une qualité fort inférieure; a Pexception d'un vin fee, aigrelet, & aflèz agréable, qui tire fon origine de Madere , & que confomment les colons riches. Celui que 1'Europe connoit fous le nom de Conftance, & qui eft blanc en partie, & en partie rouge, n'eft cueilli que dans un territoire de quinze arpents, fur des feps apportés autrefois de Perfe. Pour en augmenter Ia quantité, on y mêle un vin mufcat aflèz bon que produifent des cöteaux voifins. Une partie eft livrée k la compagnie, au prix qu'elle-même a fixé ; le refte eft vendu , a raifon de douze cents francs la barique, a tous ceux qui fe préfentenc pour l'acbeter. Les grains fe cultivent k une plus grande diftance du cap. Ils font toujours abondants & h un prix modique, a caufe de la facilité des défriche-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 125' que les colons faflènt au monopole. Ils fe plaignent du bas prix qu'il mee aux denrées qu'il exige pour fes befoins. Ils fe plaignenc des entraves dont il embarrafïe Ie débic des producïions qu'il ne retient pas. Ils fe plaignent des droits accordés a différents Officiers fur couc ce qui eft vendu dans le pays ou même exporté. Ils fe plaignent de la défenfe qui leur eft faite d'expédier le moindre Mtiment pour communiquer entre eux, ou pour aller chercher fur les cótes voifines les bois que la nature leur a refufés. Ils fe plaignent de ce que, par des formalités auffi multipliées qu'inutiles, on les a réduits a emprunter a un intérêt exceffif un argent qui donneroit plus d'extenfion a leurs cultures. Ils fe plaignent de ce qu'étant la plupart Luthériens, il ne leur eft pas permis de fe procurer, a leurs dépens, les confoladoris de la Religion. Ils forment une infinité d'autres plain» tes, toutes graves, & qui la plupart paroiffènc fondées, On devroit fe hater d'autant plus de redreffer ces griefs, que les colons font plus intéreflants. Les mceurs font fimples, même dans la capitale, On n'y connoit aucun genre de fpeélacle 5 on n'y joue point; on n'y fait que très-rarement des vifites; on y parle peu. Les plaifirs des femmes fe bornent ï rendre heureux leurs époux, leurs enfants, leurs ferviteurs, leurs efclaves même, Tandis qu'elles fe livrent a ces foins touchants?  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 129 lier & 1'épée que vous m'avez donnés. Trou„ vez bon que j'abandonne tout le refte ". II n'attendit point de réponfe, & fe dérobant par la fuite, on ne le revic jamais. Quoique le caraclere des Hottentots ne foit pas tel que 1'avarice Hollandoife le defireroit, Ia compagnie tire des avantages folides de la colonie. A la vérité, la dixme du bied & du vin qu'elle percoit, fes douanes & fes autres droits ne lui rendent pas au-delh de cent mille écus. Elle ne gagne pas cent mille livres fur les draps, les toiles, la clinquaillerie, le charbon de terre , quelques autres objets peu importants qu'elle y débite. Les fraix inféparables d'ün fi grand établiflèment, & ceux que la corruption y ajoure, abforbent au-dela de ces profits réunis. Auffi fon utiïité a-t-elle une autre bafe» Les vaiflèaux Hollandois qui vont aux Indes Ou qui en reviennent, trou vent au cap un afyle fur, un ciel agréable, pur & tempéré, les nouvelles importantes des deux mondes. Ils y prennent du beurre, du fromage, du vin, des farines, une grande abondance de légumes falés pour leur navigation & pour leurs établiflèments d'Afie, même, depuis quelque temps, deux ou trois cargaifons de bied pour 1'Europe. Ces commodités & ces reflburces augmenteroient encore, fi la compagnie abdiquoit enfin les funefles préjugés qui n'ont celle de 1'égarer. Suppl. Tome 1. 1  ï3o supplements Jufqu'k nos jours, les produclions du cap ont eu fi peu de valeur, que leurs cultivateurs ne pouvoient ni fe vêtir, ni fe procurer aucune des commodités que leur fol ne leur donnoit pas. La raifon de eet aviliflêment des denrées étoit qu'il étoit défendu aux colons de les vendre aux navigateurs écrangers, que la pofition, la guerre ou d'autres attiroient dans leurs ports. La jaloufie du commerce, 1'un des plus grands fléaux qui affligent 1'humanité , avoit infpiré cette interdiétion barbare. Le but d'un fi odieux fyftême étoit de dégoüter des Indes les autres nations commercantes. Elles ne pouvoient attendre des fecours que de 1'adminiftration, qui, pour ne pas s'écarter de fon plan, les mettoit toujours k un prix exceflif. Depuis même que 1'expérience d'un fiecle entier a fait abandonner des vues fi chimériques, & qu'on a perdu Fefpoir d'éloigner de 1'Afie les autres peuples, les habitants du cap n'ont pas été autorifés a un commerce libre de tqutes leurs denrées. A la vérité, Tulbagh & quelques autres chefs éclairés fe font montrés plus faciles, ce qui a répandu un peu d'aifance : mais on a toujours été réduit & endormir ou & corrompre le monopole. La compagnie ne verra-t-elle jamais que les richeflès des colons doivent tót ou tard devenir les fiennes? En adoptant les idéés que nous ofons lui propofer, elle fuivra 1'efprit de  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 131 fes fondateurs, qui ne faifoient rien au hafard, & qui n'avoient pas actendu les événements heureux dont nous avons rendu compte, pour s'occuper du foin de donner un centre h leur puiffance. Ils avoient jetté lesyeux fur Java dès 1609. Cette ifle, qui peut avoir deux cents lieues de long, fur une largeur de trente & quarante, paroiflbit avoir été conquife par les Malais a une époque aflèz reculée. Un mahométifme fort fuperftitieux, &c. Page 277, au-lieu de 100.000, lifez, 110,000,° ibid. au-lieu de 25 liv. 12 fois, lifez, 28 liv3 fois. Ibid. après ces mots, plus puiflant que lui, lifez : II leur livre annuellement trois millions trois cents mille livres pefant de riz, h 25 livres 12 fois le millier. Un million de fucre, dont le plus beau efl: payé 15 liv. 6 fois 8 deniers le cent; un million deux cents mille livres de café, \ 4 fois 4. den. la livre; cent quintaux de poivre, k 5 fois 2 den. la livre; trente mille livres de coton, dont le plus beau n'eft payé que 1 liv. 11 fois 4 den. la livre; fix cents mille livres d'areque, a 13 liv. 4 fois le cent. Quoique des prix fi bas, &c. Page 278 au-lieu de 41,000 livres, lifez, 45,100 livres. Page 279 au-lieu de 760,000 livres, lifez, 835)Ooc livres. I 2 XIX. Empire des Hollandois dans l'ifle de Java.  ï32 süppléments Page 279, après ces mots, h lui livrer, lifez: C'eft-a-dire, quinze millions pefant de riz, a 17 liv. 12 fois le millier; tout le fel qu'elle demande a 10 livres7 f°'s 10 deniers le millier; cent mille livres de poivre, a 21 liv. 2 fois 4 den. le cent; tout 1'indigo qu'on cueille a 3 liv. e fois la livre; le cadjang, dont fes vaiflèaux ontbefoin, k 28 liv. 3. fois 2 den. le millier; Je fil de coton, depuis 13 fois jufqu'k 1 liv. 3 3 fois, fuivant fa qualité; le peu qu'on y cultive de cardamome a un prix honreux. La compagnie dédaigna long-temps toute Iiaifon avec Balimbuam, ficuée a la pointe oriëntale de l'ifle. Sans doute qu'elle ne voyoit point de jour h tirer avantage de cette contrée. Quelqu'ait été le motif des Hollandois, ce pays a été attaqué dans les derniers temps. Après deux ans de combats opiniatres & de fuccès variés, les armes de 1'Europe ont prévalu en 1768. Le Prince Indien, vaincu & prifonnier, a fini fes jours dans la citadelle de Batavia; & fa familie a été embarquée pour le cap de Bonne Efpérance, oü elle terminera, dans l'ifle Roben, une carrière déplorable. Nous ignorons quel ufage les vainqueurs ont fait de leur conquête. Nous ne favons pas davantage quel proflc il leur reviendra d'avoir détröné le Roi de Madure, ifle fertile & voifine de Mataram, pour y placer fon fils comme Gou-  ï34 SUPPLÉMENT S- tie, aucun monument n'y a de 1'élégance ou de la grandeur. Les édifices publics font généralement lourds, fansgrace & fans proportions. Si les maifons ont des commodités & une diftribution convenable a la nature du climat, leurs fa 434 Commerce des Europééns avec la Chine, 438 Quelles font les connoijfances qüon a fur le thé que les Européens achetent a la Chine, 44° Les Européens achetent de la foie a la Chine. En quoi elle differe de la nótre, 445 Les Européens achetent des vernis & du pa-  DES INDICATIONS. w pier è la Chine. DigreJJton fur les arts de eet Empire, ibid. La Chine fournit aux Européens de la rhuharbe & quelques autres marebandifes, 452 LIVRE SIXIEME. Coiomb cingle d'abord vers les Canaries. Détails fur ces ifles, 459 Cruautés commifes par les conquérants a St. Domingue. Ce qu"elles produifent, 466 Navigations qui conduifent les Efpagnols a la connoiffance du Mexique, 473 Idéé qtion doit fe former du Mexique avant qu'il fut foumir a VEfpagne, 486 Troubles extérieurs ou intérieurs qui ontagité le Mexique, depuis qu'ilefl devenuunepoffeffion Efpagnole, 505 Qtfe/i devenu le Mexique fou; les loix de VEfpagne. 523 De la culture du jalap, 526 De la culture de la vanille, 528 De la culture de rindigo, 531 De la culture de la cochenille, 534 Par quelles raifons le Mexique ne s'eft ilpas élevé a de plus grandes profpérités? 546 Liaifons du Mexique avec les Philippines, 556 Defcription des ifles Marianes. Singularités qu'on y a obfervées, 560  xvj TABLE, &c. Communications du Mexique avec le Pérou & VEfpagne, par la voie de Guatimala, 583 Defcription de Honduras, dYucatan & de Campêche. Qtieft-ce quiy divife VEfpagne & VAngleterrty 589 Fin de la Table du Tome premier. HISTOIRE  HISTOIRE PHILOSOPHIQUE E T P O L I T I Q U E 'Des Établijfements & du Commerce des Européens dans les deux Indes. SUPPLÉMENT S. ADDITIONS AU LIVRE I. "PAge 3 , après ces mots, telle qu'elle eft aujourd'hui, lifez :Te\k eft la tÉche effrayante que je me fuis propofé de remplir. J'y ai confacré ma vie. J'ai appellé a mon fecours les hommes inflruits de coutes les nations. J'ai incerrogé les vivants & les mores: les vivants, dont la voix fe faic entendre a mes cötés; les morts, qui nous ont tranfmis leurs opinions & leurs connoiflances, en quelque langue qu'ils ayent écrit. J'ai pefé leur autorité; j'ai oppoféleurs témoignages; j'ai éclairci les faits. Si 1'on m'eüt nommé fous la ligne ou fous le pole un homme en étatde m'éclairer fur quelque poinc important, j'aurois été Suppl. Tome I, A  2 SUPPLÉMENTS fous le pole ou fous la ligne, le fommer de s'ou • vrir a raoi. L'image augufte de la vérité m'a tou~ jours été préfente. O vérité fainte! c'efl toi feule que j'ai refpeétée. SimonOuvrage trouve encore quelques Lecteurs dans les fiecles a venir, je veux qu'en voyant combien j'ai été dégagé de paflions & de préjugés, ils ignorent la contrée oü je pris naifiance; fous quel gouvernement je vivois ; quelles fonftions j'exergois dans mon pays; quei culte je profeflai: je veux qu'ils me croyent tous leur concitoyen & leur ami. Le premier foin, le premier devoir, quand on traite des matieres importantes au bonheur des hom. mes, ce doit être de purger fon ame de toute crainte, de toute efpérance. Elevé au-deflus de toutes les confidérations humaines , c'efl alors qu'on plane au-defïusdel'athmofphere,&qu'oa voit le globe au-deflbus de foi. C'efl de-la qu'on laifïè tomber des larmes fur le génie perfécuté, fur le talent oublié, fur la vertu malheureufe, C'efl de-la qu'on verfe 1'imprécation & 1'ignominie fur ceux qui trompent les hommes, & fur ceux qui les oppriment. C'efl de-la qu'on voit la ïête orgueilleufe du tyran s'abaifTer & fe couvrir de fange, tandis que le front modefle du jufle touche la voute des cieux. C'efl-la que j'ai pu véritablement m'écrier: je fuis libre, & me fentir au niveau de mon fujet. C'efl-la enfin que, voyant a mes pieds ces belles contrées ou feu-'  A L'HIST. PHILOSOPHIQ'UÈ. 3 riflènt les fciences & les arts, & que les ténebres de la barbarie avoienc fi Iong-temps occupées , je me fuis demandé \ qui efl - ce qui a creufé ces canaux? qui efl-ce qui a defleché ces plaines ? qui efl-ce qui a fondé ces villes? qui eflce quia raflèmblé, vêcu, civilifé ces peuples ?& qu'alors toutes les voix des hommes éclairés qui font parmi elles, m'ont répondu s c'efl le commerce ■, c'efl le commerce. En effet, les peuples, Sec, 1>clge 33 > fecond alinea, après ces mots, leur navigadon & leur empire , üfez : C'étoit une opinion généralement établie, que la mer Atlandque étoitimpradcable; que les cótes óccidentales de 1'Afrique ■, brulées par la Zone Torride, ne pouvoient pas être habicées. Ce préjugé auroic pu être difïïpé par quelques ouvrages de 1'andquité, qui avoient échappé aux injures du temps & de 1'ignorance ï mais onn'étoit pas afïèz familier avec ces favants écrits, pour y découvrir des vérités qui n'y étoient que confufément énoncées* II falloit que les Maures & les Arabes, de qui 1'Europe avoit déja recu tantde lumieres, nous éclairafTent fur ces grands objets, A travers un océan qui paflbit pour indomptable, ces peuples droient des richefTes immenfes d'un pays qu'on croyoit embrafé. Dans des expédidons, dont la Barbarie fut le théfitre, 1'on Fat inflruit des fources de leur fortune, & V0n A è i. Premières navigations des Portugais 4 dans les mers oii 1'on pré/urne qu'étoit inciennenent ï'Afr ancide.  4 SUPPLEMENTS réfolut d'y aller puifer. Des aventuriers de toutes les narions formerent ce projet. Henri, fils de Jean I, Roi de Portugal, fut le feul qui prit des mefures fages. Ce Prince mit a profil le peu d'altronomie que les Arabes avoient confervé. Un obfervatoire, oü furent inftruits les jeunes Gentilshommes qui compofoient fa Cour, s'éleva par fes ordres a Sa-* gres, ville des Algarves. II eut beaucoup de pan ï 1'invention de 1'aftrolabe, & fentit le premier 1'utilité qu'on pouvoit tirer de la bouflble, qui étoit déja connue en Europe , mais dont on n'avoit pas encore appliqué 1'ufage a la navigadon» Les pilotes qui fe formerent fous fes yeux, déeouvrirent en i4ioMadere, que quelques Savants ont voulu regarder comme un foible débris de FAtlantide. Mais y eut-il jamais une ifle Atlandde? Si elle exifta, quelle étoit fa fituadon, quelle étoit fon étendue ? Ce font deux queftions fur lefquelles on fe décidera, felon le degré de confiance qu'on accordera a Diodore de Sicile & a Platon, felon la maniere dont on les interprétera. „ Après avoir parcouru les ifles voifines des „ colonnes d'Hercule, nous allons parler, die „ le premier, de celles qui font plus avancées „ dans 1'Océan, en drant vers le couchant. Dans „ la merqui borde la Lybie, il en efl une trés-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. $ „ célebre éloignée du Continent de plufieurs „ jours de navigation ". Diodore s'étend enfuite fur la population, les Enoeurs, les loix, les monuments, la fécondité de cette ifle. Puis il ajoute; „ LesPhéniciens, dans les temps les plusre„ culés, enfirer.t la découverte. Ils franchirene „ les colonnes d'Hercule, & naviguerent dans „ 1'Océan. Proche les colonnes d'Hercule, ils „ fonderene Gadeïra ou Cadix. Ils avoient par„ couru les mers au-dela des colonnes, & ran„ gé celles de la Lybie, lorfqu'ils furent furpris „ d'une violente tempête, qui les jetta dans la „ haute mer en plein Océan. Après un rnauvais „ temps, qui dura plufieurs jours, ils toucherent „ a 1'ifle dont il efl queftion. Ils publierent la „ relation de ce voyage. Ils projetterentunéta„ bliflèment dans cette contrée nouvelle : mais „ les Carthaginois s'y oppoferent, dans la crainte „ que le pays ne fe dépeuplat ". Qu'eft-ce que cette ifle qu'on neretrouve plus? qu'efl-elle de venue ? Platon nous 1'apprendra peutêtre. Voicice que Critias dit a Socrate dans leDia* logue intitulé, Timée. „Solon étoit 1'ami intime „ de Dropidas notre aïeul. Dropidas regrettoit „ beaucoup que les affaires publiques euflènc „ détourné Solon du penchant qu'il avoit pour „ la Poéfie, & 1'euflènt empêché de finir fon A3  è, SUPPLÉMENTS „ Poëme fur les Atlantides. II en avoit apporté ^ le fujec de fon voyage d'Egypte. Solon difoic „ que les habitancs de Saïs, ville fituée a la tête „ du Delta, a 1'endroit oü le Nil fe divife en „ deux branches, fe croyoient iflus des Athéniens dont ils avoient confervé la lance, 1'épée, le „ bouclier, & les autres armes. II attribue a cette „ opinon les honneurs qu'il regut des Saltiques, „ Ce fut-la que ce Légiflateur, Poëte & Philo„ fophe, conférant avec les Prêtres, & les en„ tretenant de Prométhée, le premier deshom„ mes, de Niobé, du déluge de Deucalion, & „ d'autres traditionspareilles, un Prêtre s'écria i „ ö Solon, Solon! vous autres Grecs, vous „ êtes encore des enfants. II n'y a pas un feul „ vieillard parmi vous. Vous prenez des fables „ emblématiques pour des faits. Vous n'avez „ connoiflance que d'un feul déluge que beau„ coup d'autres ont précédé. II y a long-temps „ qu'Athenes fubfifte. II y a long-temps qu'elle „ efl civilifée. II y a long-temps que fon nom „ efl fameux en Egypte, par des exploits que „ vous ignorez, & dont 1'hifloire efl confignée „ dans nos archives. C'eft-la que vous pour„ rez vous inflruire des antiquités de votre „ ville ". Après une explication très-fenfée ék très-belle, des caufes de 1'ignorance des Grecs, le Prêtre a jou te:  ig SUPPLÉMENTS pies leurs chaities refpeclables, en les en chargeanc au nom de la Divinité. Jamais un Indien ne fut tenté de fortir de fa cafte. La diftribution des Indiens en caftes, qui s'élevent les unes audeflus des autres, caractérife la plus profonde corruption, & le plus ancien efclavage. Elle décele une injufte & révoltante prééminence des Prêtres fur les autres conditions de la fociété, & une ftupide indifférence du premier Légiflateur pour le bonheur général de la nation. Cet hiftorique de la naifïance du monde n'offre rien de plus raifonnable, ou de plus infenfé, que ce qu'on lit dans les autres mythologies. Par-tout 1'homme a voulu defcendre du ciel. Les Bedas, ou les Livres canoniques, ne font ni moins révérés, ni moins crus dans 1'Inde, que la Bible par le Juif ou par le Chrétien ; & la foi dans les révélations de Brama, de Raom & de Kishen, eft auffi robufte que la nötre. La Religion fut par-tout une invention d'hommes adroits & politiques, qui, ne trouvant pas en eux-mêmes les moyens de gouverner leurs femblables a leur gré, chercherent dans Ie ciel Ia forcequï leur manquoit, & en firent defcendre la terreur. Leurs rêveries furent généralement admifes dans toute leur abfurdité. Ce ne fut que par le progrès de la civilifation & des lumieres, qu'on s'enhardit a les examiner, & qu'on commenca k rougir de fa croyance. D'entre les raifonneurs,  A LTIIST. PHILOSOPHIQÜÉ. i$ les uns s'en moquerent, & formerent la claiïè abhorrée des efprits forts; les autres, par intérétou pufillanimicé, cherchant a concilier la folie avec la raifon, recoururent a des allégories dont les inflituteurs du dogme n'avoient pas eu la moindre idéé, & que le peuple ne comprk pas ou rejetta pour s'en tenir purement & firnplement a la foi de fes peres. Les annales facrées des Indiens datênt des Ge*cles les plus reculés , & fe font confervées juf'qu'aux derniers temps fans aucune interruption. Élles ne font aucune mention de 1'événementle plus mémorable & le plus terrible, le déluge. Les Brames prétendent que leurs livres facrés font antérieurs a cette époque, & que ce fléau ne s'étendit pas fur llndoftan. Ils diftinguent qua* tre ages. Lage de la pureté, dont la durée fuc de trois millions deux cents mille ans: alors 1'hom* me vivoit cent mille ans, & fa ftature étoit dé Vingt & une coudéesrl'agede réprobation ,fous lequel un tiers du genre humain étoit corrompu : fa durée fut de deux millions quatre cents mille ans, & la vie de 1'homme de dix mille iansi L age de la corruption de la moitié de 1'efpece , dont la durée fut d'un million fix cents mille ans, & la vie de 1'homme de mille ans* L'age de la corruption générale oü 1'Ere préfeh«e, dont la durée fera de quatre cents mille ans; II y en a prés de cinquante mille d'écoulés : aü B %  2o SUPPLÉMENTS commencement de ce période, la vie de 1'homme futbornée a cent ans. Par-tout lage préfent efl: le plus corrompu. Par-tout fon fiecle eft la lie des fiecles : comme fi le vice & la vertu n'étoient pas auffi vieux que 1'homme & le monde. Quelque fabuleufes que ces annales nous paroiflènt, par qui pourroient-elles être conteftées? Seroit-ce par le Philofophe, qui croit a leternité des chofes ? feroit-ce par le Juif, dont la chronologie, les mceurs, les loix ont tant de conformité avec le dernier age de 1'Indien ? II n'y a point d'obje&ions contre les époques des Indiens qu'on ne puifle rétorquer contre Iesnótres; & nous n'employons aucune preuve a conflater celles-ci, qu'on ne retrouve dans Ia bouche & les écrits du Brame. Les Pundits ou Brames Jurifconfultes parlenc aujourd'hui la langue originale des loix, langue ignorée du peuple. Les Brames parient & écrivent le Samskret. Le Samskret eft abondant & concis. La Grammaire en eft très-compliquée& trés-réguliere. L'alphabet a cinquante caractere?. Les déclinaifons, au nombre de dix-fept, ont chacune un fingulier, un duel & un plurier. II y a des fyllabes breves, plus breves & très-breves; des fyllabes longues, plus longues & trèsIongues; aiguës, plusaiguës & trés aiguë?; graves, plus graves & très-graves. C'efl: un idiöme  A L'HIST. PH1LOS0PHIQÜE. ti HOté & mufical. La derniere fyllabe du mot béaérso eft une efpece de point d'orgue qui dure prés d'une minute. La Poéfie a toutes fortes de vers; & Ia verfification toutes les fortes de pieds & de difficultés des autres langues, fans en excepter la rime. Les Auteurs compofent par ftances, dont le fujet eft communément moral. Un pere dijjipateur eft Vennemi de fon fils. — Une mere débauchée eft Cennemie de fes enfants. — Une belle femme eft Vennemie de fon mari. — Un enfant mal élevé eft Pennemi de fes parents... Voici un exemple de leurs pieces. — Par la foif de tor, ƒ'ai fouilléla terre , & je me fuis livré a la tranfmutation dei métaux. — J'ai traverfé les mers, & j'ai rampé fous les grands. — J'ai juilemonde; je me fuis occupé de Vart des enchantements; &faiveillé par mi les tombe aux. — // ne m'm eft pas revenu un cowri. Avarice, retire-toi; fai renoncé a tes chimériques promejfes. Quel laps de temps ne fuppofe pas une langue auffi difficile & auffi perfectionnée? Que les folies modernes font vieilles! II eft parlé dans le Samskret desjugements de Dieu par l'eau&par lefeurcombien les mêmes erreurs&Ies mêmes vérités ont fait de fois le tour du globe! Au temps oü le Samskret étoit écrit & parlé, les fept jours de la femaine portoient déja, & dans le même ordre, les noms des fept planetes; la culture de B 3  *2 SUPPLÉMENTS la canne a fucre étoit exercée; la chyinie étoit connue ; le feu Grégeois étoit inventé ; il y avoie des armes a feu; un javelot qui, lancé, fe divïfoit en fleches ou pointes ardentes qui ne s'éteignoient point; une machine qui lancoit un grand nombre de ces javelots, & qui pouvoit tuer jufqu'a cent hommes en un inftant. Mais c'efl: fur-tout dans le code civil des Indiens od nous allons entrer , qu'on trouve les attefta* tions les plus fortes de 1'incroyable antiquicé de la nation. Enfin, nous les pofledons ces loix d'un peu-* ple qui femble avoir inftruit tous les autres, & qui, depuis fa réunion, n'a fubi, dans fes mceurs & fes préjugés, d'autres altérations que celles qui font inféparables du caraétere de rhomme & de Finfluence des temps, Le code civil des Indiens s'ouvre par les devoirs du Souverain ou Magiftrat. On lit dans un paragraphe féparé : „ Qu'il foit aimé, refpefté , „ inftruit, ferme & redouté. Qu'il traite fes fu„ jets comme fes enfants. Qu'il protégé le mé' rite, & récompenfe la vertu. Qu'il fe mon„ tre a fes peuples. Qu'il s'abflienne du vin, „ Qu'il regne d'abord fur lui-même. Qu'il ne „ foit jamais ni joueur, ni chaflèur. Que dans „ toute occafion il épargne le Brame, & 1'excu„ fe. Qu'il encourage fur-tout la culture des ter* a, res. II n'envahira point la propriété du der-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 29 fans permifllon. Elle aura toujours le fein couvert. A la mort de fon mari, il convïent qu'eiie fe brüle fur le même bücher; a moins qu'elle ne foit enceinte, que fon mari ne foit abfent, qu'elle puifTe fe procurer fon turban , ou fa ceinture, ou qu'elle ne fe voue h la chafteté & au célibat. Si elle partage le bücher avec le cadavre de fon mari, le ciel le plus élevé fera fa demeure; & elle y fera placée a cóté de Fhon> me qui n'aura jamais menti. La légiflation des Indiens, qu'on trouvera trop ïndulgente fur certains crimes, tels que 1'aflaflïnat d'un efclave , la pédéraflie , la beftialité, dont on obtenoit la permifllon avec de 1'argent, paroicra fans douce atroce fur le commerce illicite des deux fexes. C'eit vraifemblablement une fuite de la lubricité des femmes & de la foiblefle des. hommes fous un climat brülant; de la jaloufie effrénée de ceux-ci; de la crainte du mélange des caftes; des idéés folies de continence, accréditées dans toutes les contrées, parmi des Prêtres incontinents, & une preuve de 1'ancienneté du code. A mefure que les fociétés s'accroiflènt & durent, la corruption s'étend, les délits, fur-tout ceux qui naiflènt de la nature du climat dont 1'influence ne ceflè point, fe multiplient, & les chatiments tombent en défuétude; a moins que le code ne foit fous Ia fanclion des Dieux. Nos loix ont prononcé mie  Só SÜPPLÊMENïS peine févere contre 1'adultere. Qui efl-ce qui s'en doute? Ce que nous appellons commerce galant, le code 1'appelle adultere. II y a 1'adultere de la coquetterie de 1'homme ou de la femme, dont le chatiment efl pécuniaire; 1'adultere des préfents, qui efl chatié dans 1'homme par la muti> lation; 1'adulcere confommé, qui efl puni de mort. La fille d'un Brame qui fe proftitue efl condamnée au feu. L'attouchement déshonnête, dont laloi fpécifie les différences, paree qu'elle efl fans pudeur, mais que la décence fupprime dans un Hiflorien, a fa peine effrayante. L'horrtme d'une cafle fupérieure, convaincu d'avoir habité avec une femme du peuple, fera marqué fur le front de la figure d'un homme fans tête* Le Brame adultere fera marqué fur le front des parties fexuelles de la femme : on les déchirera a fa complice, & elle fera mife a mort. Les chanteufes, danfeufes & femmes public ques, forment des communautés protégées par la Police. Elles font employées dans les folemnités : on les envoye a la rencontre des hommes publics. Cet état étoit moins méprifé dans les anciens temps. Avant les loix, la condition de 1'homme différoit peu de la condition animale; & aucun préjugé n'attachoit de la turpitude a une aclion naturelle. La courtifane qui aura manqué a fa parole 3  A L'HIST. PHILOSOPHIQÜE. 31 rendra le doublé de la fomme qu'elle aura recue. Celui qui 1'avilira par une jouifTance abufive, lui payera huk fois la même fomme, & autant au Magiftrat. Le chatiment fera le même, s'il Ta proftituée a un autre. On ne jouera point fans le confentement du Magiftrat. La dette du jeu clandeftin ne fera point exigible. Celui qui frappera un Brame de la main ou du pied, aura la main ou le pied coupé. On verfera de 1'huile bouillante dans la bouche du fooder, ou de 1'homme de la quatrieme cafte, convaincu d'avoir lu les livres facrés. S'il a entendu la leéture des Bedas, fes oreilles feront remplies d'huile chaude, & bouchées avec de la cire. Le fooder qui s'aflèoira fur le tapis du Brame, aura la felle percée d'un fer chaud, & fera banni. Quelque crime que Ie Brame ait commis, il ne fera point mis a mort. Tuer un Brame eft Ie plus grand crime qu'on puifïè commettre. La propriété d'un Brame eft facrée : elle ne paflèra point en des mains étrangeres, pas même dans celles du Souverain. Et voila, dans les premiers temps, des hommes de main-morte parmi les Indiens. La réprimande fuppléera au filence de la loL Le chatiment d'une faute accroitra par les récidives. L'inftrument de l'art ou du métier, mê-  32 SUPPLÉMENTS me celui de la femme publique, ne fera point confïfqué. Que diroic 1'Indien, s'il voyoit nos Huiffiers démeubler la chaumiere du payfan, & fes boeufs, fes autres inftruments de labour rais a 1'encan? Et pour terminer cette courte analyfe d'un code trop peu connu, par quelques grands traits, on lit au paragraphe du Souverain : „ S'il n'y „ a dans 1'Etat, ni voleurs, ni adulteres , ni af„ faflins, ni hommes de mauvais principes, le „ Ciel efl: afluré au Magiftrat. Son empire fleu„ rira; fa gloire s'étendra pendant fa vie; & fa „ récompenfe fera la même après la mort, fi „ les coupables ont été févérement punis ". Car, dit le code, avec autant d'énergie que de fimplicité : „ Le chatiment eft Ie magiftrat; Ie cha„ timent infpire la terreur a tous; le chatiment „ eft le défenfeur du peuple; le chfttiment eft „ fon proteéteur dans la calamité; le chatiment „ eftle gardien de celui qui dort; le chatiment, „ au vilage noir & a 1'ceil rouge, eft 1'efFroi du „ coupable". Malgré les vices de ce code , dont les plus frappants font trop de faveur pour les Prêtres, & trop de rigueur contre les femmes, il n'en juftifie pas moins la haute réputation de la fagefle des Brames, dans les fiecles les plus reculés.Dans le grand nombre des loix fenfées qu'on y remarque, s'il en efl; i75>°oo livres, même depuis 175a, qU8 ce commerce a cefle d'être fous Ie joüg du mo-» nopole, fi 1'on en excepte ie fucre, le tabac en poudre , le poivre, le falpêtre, les perles, les bois de fandal & d'aigle, que la Gouronne continue a acheter & a vendre exclufivement. Les batiments qui les portoient, relÉchoient autrefois au Bréfii ou en Afrique, & y vendoient une partie de leurs marchandifes : mais depuis quelque temps, ils font obligés de faire direétemenc leur retour darts la métropole. Tel eft 1'état de dégradation oü font tombés dans 1'Inde les hardis navigateurs qui Ia découvrirent, les intrépides guerriers qui Ia fubjugueïent. Le théatre de leur gloire, de leur opulence, eft devenu celui de leur ruine & de leur op» probre. Autrefois un Vice-Roi, & depuis 1774 s lm Gouverneur-Général, defpóte & cruel; une milice turbulente & indifciplinée, formée par 6,276 foldats noirs óü blancs % des Magiftrats d'une vénalité publique, une adminiftration avide & injufte: tous ces genres d'oppreflion qui anéart.droient le peuple le plus vertueux, peuvent-ils ïégénérer une nation pareflèufe, dégradée & corrompue? Que la Cour de Lisbonne ouvre enfin les yeux; & bientöt un pavillön, oublié de« puis löng-temps, reprendra quelque confidération, II ne figurera point parmi les grandes Puif- F %  84 SUPPLÉMENTS fances commercantes: mais il pourra, fans éclar7 enrichir fon pays. Nous allons voir dans 1'exemple des Hollandois , dont les entreprifes vont nous occuper, ce que peut un petic peuple, quand la patience, la réflexion & Féconomie dirigent fes fpéculations. Fin du premier Livrei  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 85 LIVRE l L Pjge 204, après ces mets, fe faire uneguem fanglance, lifez ;Qael dut êtreletonnement des Indiens, témoins de ces grands combats ? Com bien leur coeur devoit treflaillir de joie, en voyanj leurs tyrans s'acharner a leur deftruéïion mutuelle ? Avec quel tranfport ils devoient bénir une Providence vengereflè des maux qu'on leur avoit faics ? Jufqu'oü ne devoit pas monter leur efpérance, puifque de quelque cóté que le fang fut répandu, c'étoit celui d'un oppreflèur ou d'un ennemi ? Les Portugais, &c. Page 207, après ces mots, des projets de conquêtes ruineufes, lifez: Dès 1601, ils avoienc cherché, & en 1607 ils chercherent encore h s'ouvrir, &c. Page 213, après ces mots, au Japon, lifez: Cet Empire avoit fervi en 1600 de refuge a quelques Hollandois qui avoient fait naufrage a l'ifle de Bango: mais ce ne fut qu'en 1609 qu'il recut des navires de la compagnie. Depuis prés d'un fiecle, &c. Page 217, après ces mots, avoir flétri Ie caratfere, lifez : Des draps d'Europe, des foies, des toiles peintes, du fucre, des bois de teinture, quelques épiceries, principalement du poi- F 2 VIL Commerce rfes Hollandois avec le lapon.  $6 SUPPLÉMEN T S vre & du girofte: telles font les marchandifes qui font portées au Japon. Les retours ordinaires étoient très-confidérables- dans le temps d'une li' berté indéfinie. Après les gênes, il ne fut annuellement expédié de Batavia que trois batiments qu'il fallut bientót réduire a deux. De" puis douze ans même, on n'envoye alternativeroent qu'une & deux foibles cargaifons; foit que 1'acheteur art exigé cette réduétion, foit que ïe vendeur y ait été déterminé par la médiocrité des bénéfices. Suivant les réglements, tous les effets réunisne devroient produire que i,ioo,coo livres; mais, quoique vraifemblablement eet ordre ne fok pas exécuté a la rigueur, on efl: affuré que le gain ne pafle pas 50,000 liv. II fe=roit plus confldérable, fans 1'obligation impofée aux Hollandois, d'envoyer tous les ans a la eapitale de 1'Empire, un Ambafladeur chargé de préfents. Le payement fe fait avec le meilleurcuivre de 1'Univers qui ie confomme dans le Bengale, fur la cóce de Coromandel & a Sura-^ re; il fe fait aufli avec du camphre que 1'Europe employé, lorfqu'il a été purifié a Amfterdam. Lts agents de la compagnie font plus heureux que le corps qu'ils fervent. Par une hofpitalité qui eft particuliere au Japon, on leur donne* dès leur arrivée, des courtifanes qu'ils peuvent garder jufqu'a leur départ. Ces filles ne fervent pas feulement a leurs plaifirs, mais encore a leur  5a SUPPLÉMENTS villes policées, eft de rappeller quelque époque favorable, quelque événement heureux. Elles ont chacune leur caraétere. Le Prêtre fait retentir 1'air du fon de fes cloches; il ouvre les portes de fon temple, il appelle les citoyens au pied des autels; il fe revêt de fes ornements les plus fomptueux; il éieve fes mains vers le ciel; il en implore la bienfaifance pour 1'avenir, & lui témoigne fa reconnoiflancepour le paffe, par des chants d'allégreflè. Au fortir du temple, la fête civile commence, & la joie fe montre fous un autre afpecl. Les tribunaux de la juftice font fermés. Le bruit qui a ce j pêcher toute liaifon d'affaires avec les peuples I du continent voifin. Ces précautions ont mis dans les mains de la j compagnie toutes les produétions de l'ifle. Celles qui entrent dans le commerce, font: i°. Diver/ès pierres précieufes, la plupart d'une qualité très-inférieure. Ce font les Chou* liats de la cöte de Coromandel qui les achetent, Jes taillent, & les répandent dans les différentes contrées de 1'Inde. 2°. Le poivre, que la compagnie achete 8 1 fois 9 deniers la livre; le café, qu'elle ne paye que 4 fois 4 deniers, & le cardamome, qui n'a point de prix fixe. Les naturels du pays font trop indolents, &c. Page 249, après ces mots, & les maux de la guerre, lifez : 5°. L'areque que la compagnie achete a raifon de ji liv, 1'ammonan , forte de mefure qui eft cenfée contenir vingt mille areques. Elle le vend 36 ou 40 liv. fur les iieux même. L'areque eft un fruit aflèz commun dans ■ ja plupart des contrées de 1'Afie, & fur tout k G 5  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 107 marquée pour 1'ordinaire de fept nervures, plus ou moins apparentes. Les fleurs difpofées en épi ferré, viennent aux aiffelles des feuilles, & reflèmbient aux fleurs du poivrier, avec lequel cette plante a beaucoup d'afHnité. Le bétel croit partout & dans toute 1'Inde, mais il ne profpere véritablement que dans les lieux humides&glaifeux. On en fait des cultures particulieres, qui font très-avantageufes, a caufe de fon ufage habituel. A toutes les heures du jour, &c. Page 251 , après ces mots , le commerce en eftexclufif, lifez : Après tout,le grand objet de la compagnie, c'efl la cannelle, qui eflle produit d'une efpece de laurier. La racine de eet arbre efl; rameufe, couverte d'une écorce trèsodcyante, dont on retire un véritable camphre par la diftillation. Son tronc médiocrementhauc, fe partage en plufieurs branches. Ses feuilles, prefque toujours oppofées & fubfiflantes, font ovales, aiguës, marquées de trois nervures principales. Elles font d'un verd foncé, & ont l'odeur du girofle. C'eft dans leur aiffelle ou aux extrêmités des rameaux, que 1'on trouve des bouquets de fleurs blanches fort petites, compofées chacunede fix pétales, deneufétamines, & d'un piftil qui devient en muriflant une petite baie de la forme & de la confiftance d'une olive, remplie d'un noyau offeux. Selon quelques ob-  io8 SUPPLÉMENTS fervateurs, le piflil & les étamines font féparés & portés fur deux individus différents, 1'un male qui a les feuilles plus aiguës, & 1'autre femelle qui les a plus arrondies. La baie, bouillie dans 1'eau, rend une huile qui furnage & qui fe brüle. Si on la laiffe congeler, elle acquiert de lablancheur & de la confifhnce, & 1'on en fait des bougies d'une odeur agréable, mais dont 1'ufage eft réfervé au Roi de Ceylan. Lebois n'a point d'odeur. 11 n'ya deprécieux dans 1'arbre que 1'écorce, formée de trois couches, qui recouvre le tronc & les branches. Au mois de Février & de Septembre, c'eft-a-dire, lorfque la feve eft la plus abondante, on enleve les deux couches extérieures, ayant foin de ne point endommager celle qui touche immédiatement le bois, pour qu'il puiffe plus facilement recouvrer une nouvelle écorce que 1'on enleve comme Ia première au bout de dix-huitmois. Ces écorces, dépouillées de 1'épiderme grife & raboteufe, coupées par lames, & expofées au foleil, fe roulent en fe féchant. Les vieux cannelliers ne donnent qu'une cannelle groffiere, & prefque infipide : mais il fuffic, pour les rajeunir, d'en couper le tronc. La fouche produit alors beaucoup de nouvelles tiges qui ne laiflènt rien a defirer. La cannelle, pour être excellente, doit être fine, unie, facile a rompre, mince, d'un jaune  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. n3 qu'a 48 aux aflociations rivales, & plus cher encore aux négociancs particuliers; mais Ie bénéfice qu'elle peut faire fur eet article , eft plus qu'abforbé par les guerres fanglantes dont il eft Toccafion. Ces obfervations avoient fans doute, &c Page 16% , après ces mots, couché a fa porte, lifez: C'eft-la qu'auffi peu touché de Tavenir que du paffe, il dort, il fume, il s'énivre. La conduite des beftiaux, &c. f Page 264, après ces mets, en tre les bergers „ lifez: lis font, comme tous les peuples pafteurs * remplis de bienveillance, & ils tiennent quelque chofe de Ia mal-propreté, de la ftupidité des animaux qu'ils conduifent. Ils ont inftitué un ordre dont on honore ceux qui ont vaincu quelques» uns des monftres deftruéteurs de leurs bergeries. L'apochéofe d'Hercule n'eut pas une autre origine, On ne parviendroit que difficilement a décrire la^langue de ces fauvages avec nos caracleres* C'eft une efpece de ramage, compofé de fifflements & de fons bizarres qui n'ont prefque poinï de rapport avec les nötres. La fable, qui donnoit aux femmes de cette nation un tablier de chair, tombant du milieu du ventre jufqu'aüx parties naturelles, eft enfin décrédkée. On a vérifié que ces femmes font a« peu-près conformées comme on en voit beat*» Suppl. Tome L U  U4 SUPPLÉMENTS coup d'autres dans les climats chauds, oü les orgaties extérieurs de la volupté, tant fupérieurs qu'environnants, prennent plus de volume & d'étendue que dans les contrées tempérées. Mais il eft très-vrai que les Hottentots n'ont qu'un tefticule. On 1'a fouvent remarqué. Les mêmes vues d'utilité, la préiënce des mêmes périls, infpirent les mêmes moyens, & dans le fond des forêts, & dans la fociécé. Je ne fais même fi cette obfervation ne doit pas s'étendre jufqu'aux animaux. Les oifeaux ont un ramage qui leur eft propre. C'eneftun autre, lorfqu'ils ont k veiller & la confervation de leurs petits, ou a la leur. Ces fignes pailagers, comme le befoin, font-ils, ne font-ils pas réfléchis ? C'eft ce que nous ignorons. Mais il eft certain qu'ils font en eux, comme én nous, des effets de l'intérêt, de la crainte, de la colere, & que 1'habitude les rend conventionnels. C'eft ainfi que, dans les révolutions, les factieux ont des fignes £ 1'aide defquels ils fe reconnoiflênt, malgré le tumulte, & au milieu de la mêlée : c'eft une croix, une plurr-e, une écharpe, un ruban; c'eft un cri, c'eft un mot, c'eft le fon d'un inftrument qui réveille ceux auxquels il s'adreflè; tandis qu'il laiflè dans rafroupiffèment du fommeil ou dans la fécurité ceux qui n'en ont pas la clef. Tellefut, felon toute apparence, la première origine de la plupart de ces ufages ftnguliers que  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 115 ïious retrouvons chez les Sauvages, & même dans les fociétés policées. Ce furent des traits earaclériftiques de la horde k laquelle ils appartenoient, des marqués auxquelles ils fe reconnoiflbient. La circoncifion des Juifs & des Ma» hométans n'eut peut-être pas d'autre but que les nez écrafés, que les têtesapplaties ou allongées, que les oreilles pendantes & percées, que les figurèstracéesfurlapeau, les brülures,leschevelures longues ou courtes, & la mutilation de certains membres. Par 1'amputation du prépuce, un Juif dit I un autre, & moi je fuis Juif auffi. Par 1'ampucation d'un tefticule, un Hottentot dit a un autre Hottentot, & moi je fuis auffi Hottentot.. Et pourquoi ces diftinétions n'auroient-elles pas été deflinées a tranfmettre le fentiment, ou de la haine, ou de 1'amitié, la conformité d'un culte religieux; k éternifer le fouvenir d'un bienfaic ou d'une injure, & a en recommander h une clafle d'hommes la vengeance ou la reconnoiffance envers une autre claffe ? Plus la condition des hommes fera vagabonde, plus ces fortes de réclames feront unies» Deux individus, qui n'auront eu aucune forte de liaifon dans leur contrée, fe rencontrent dans une contrée éloignée. Auffi-töc ils fe reconnoiffent, ils s'approchent avec confiance, ils s'embraffent, ils fe confient leurs peines, leurs plaifirs, leurs befoins, & ils fe fecourent. Les Lé» H a  né SUPPLÉMENTS giflateurs, jaloux d'ifoler les peuples qu'ils avofenï civiüfés, des nations barbares qui les entouroient, & craignant encore qu'avec le temps ils ne fe fondiiTent dans la maffe générale, mirent ces fignes fous la fanélion des Dieux. Les Sauvages les ont rendus auffi permanents qu'il étoit poffible, par la confidération qu'ils y ont attachée, & par la violence qu'ils ont faite conftammenK a la nature. Et c'eft ainfi que le monde brut, n'ayant aucun fyftême fixe d'éducation, d'affbciation & de morale, il y fuppléa par des habitudes univerfelles. Le phyfique du climat fit le refte. Les enfants de la nature furent foumis, fans s'en douter, k une efpece finguliere d'autorité qui les domina fans les vexer; & c'eft ainfi que les Hottentots prirent les mreurs des patres. Mais font-ils heureux, me demanderez-vous? Et moi je vous demanderai , quel eft 1'homme fi entêté des avantages de nos fociétés, fi écranger a nos peines , qui ne foit quelquefois retoumé par la penfée au milieu des forêts, & qui n'ait du moins envié le bonheur, Finnocence & le repos de la vie patriarchale ? Eh bien! cette vie eft celle de I'Hottemot. Aimez-vous la liberté? il eft iibre. Aimez-vous la fanté? il ne eonnoit d'autre maladie que la vieilleffë.. Aimez-vous la vertu ? il a des penchants qu'il fatisfait fans remords, mais il n'a point de vices,  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 117 Je lais bien que vous vous éloignerez avec dégout d'un homme emmailloté, pour ainfi dire, dans les entrailles des animaux. Croyez-vous donc que la corruption dans laquelle vous êtes piongés, vos haines, vos perfidies, votre duplicité ne révoltent pas plus ma raifon, que la malpropreté de 1'Hottentotne révolte mes fens? Vous riez avec mépris des fuperftitions de 1'Hottentot. Mais vos Prêtres ne vous empoifonnent-ils pas en naiflant de préjugés qui fonc le fupplice de votre vie, qui Cement la divifion dans vos families, qui arment vos contrées les nnes contre les autres ? Vos peres fe font cenc fois égorgés pour des queflïons incompréhenfibles. Ces temps de frénéfie renaitront, & vous vous maflacrerez encore. Vous étes fiers de vos lumieres; mais \ quoi vous fervent-elles ? de quelle utilité feroient-elles a 1'Hoctentot? eft-il donc fi important de favoir parler de la vercu fans la pratiquer? Quelle obligation vous aura le Sauvage, lorfque vous lui aurez porté des arts fans lefquelsil efl: fatisfait, des induftriês qui ne fe* roient que multiplier fes befoins & fes travaux, des loix dont il ne peut fe promettre plus de fécuricé que vous n'en avez? Encore fi, lorfque vous avez abordé fur fes rivages, vous vous étiez propofé de 1'amener \ une vie plus policée, a des mceurs qui vous H,3  i24 S.UPPLÉMENTS ments, de 1'abondance des engrais, de Ia faculcé de laifTer repofer les terres. A quarante ou cinquance lieues du port, s'arrêtent les cultures. Dans un plus grand éloignement, il ne feroit pas poffible de voiturer les denrées avec avantage Les campagnes ne font plus couvertes que de nombreux troupeaux, qui deux ou trois fois 1'année , font conduits au chef-lieu de Ia colonie. I!s y font échangés contre quelques marchandifes apportées d'Europe & des Indes, ou abfoiument nécefïïsires, ou feulement agréables. Les paifibles habitants de ces lieuxécartés, connoiflènt peu le pain, & fe nourriffent aftèz généralement de viandes fraiches ou tfalées, mêlées avec des légumes qui n'ont pas moins de goüt h cette extrémité de 1'A'frique que dans nos contrées. Nos fruits, qui la plupart n'ont pas dégénéré, font une autre de leurs reffources. Ils tirent moins d'utilité des végétaux d'Afie , qui viennent mal , dont quelques-uns même, tels que Ie fucre & le café, n'ont jamais pu être naturalifés. Lorfque la compagnie forma fon établifièment du cap, elle affigna gratuitement k chacun des premiers colons un terrein d'une lieue en quarré. Ces conceflions & celfes qui les fuivirent, ont été depuis grevées d'un impöc a chaque mutation. Cette innovation n'eft pas le feul reproche  126 SUPPLÉMENTS les hommes s'occupenc tout entiers des affaires extérieures. Sur le foir, lorfque les vents font tombés, chaque familie réunie va jouir de 1'exercice de la promenade, de la douceur de 1'air* La vie d'un jour eft celle de toute 1'année; & 1'on ne s'appercoit pas que cette uniformité nuife au bonheur. Un trait a remarquer dans les mceurs de cette colonie, c'eft qu'on y retrouve 1'ufage le plus précieux de la candeur des premiers dges. Une jeune perfonne devient-elle fenfible, un aveu naïf fuit de prés cette impreffion délicieufe. L'amour, dit-elle, eft une paffion naturelle qui dok faire le charme de fa vie, & la dédommager du danger d'être mere. Celui qui a eu le bonheur de lui plaire eft auffi-töt chéri publiquement, s'il éprouve le goüt qu'il infpire. Dans des Hens libres & facrés, que 1'ambkion, 1'avarice & la vanité n'ont point formés, la confiance fe joint a la tendrefïè; & ces deux fentiments produifent dans des ames fimples, tranquilles & conftantes, une union que les années & les événement n'alterent que très-rarement. La colonie, qui n'a que fept cents hommes de troupes régulieres pour fa défenfe, compte quinzemille Européens, Hollandois, Allemands & Francois, dont la quatrieme partie eft en état de porter les armes. Ce nombre fe feroit accru, fi de funeftes préjugés de religion n'euffènt re-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 127 poufTé une infinicé de malheureux, difpofés h aller chercher 1'abondance fous ces heureux climats. On ne comprend pas comment une République qui admet avec tant de fuccès tous les cultes dans fes Provinces, a pu fouffrir qu'une compagnie formée dans fon fein, portlt une odieufe intolérance au-dela des mers. Si le Gouvernement a jamais la force de réprimer un abus fi oppofé a fes principes, la colonie fe peuplera en raifon de fes fubfiflances; & alors on pourra fans inconvénient abolir la fervitude, qui, quoique moins pefante que par-tout ailleurs, efl toujours une dégradation de 1'efpece humaine. Les efclaves font au nombre de quarante ou • cinquante mille. Les uns ont été achetés aux i cótes d'Afrique ou k Madagafcar; les autres viennent des ifles Malaifes. Ils font nourris comme leurs maitres, & ne font condamnés qu'aux mêmes travaux. De tous les établiflèments que 1'Europe a formés dans les autres parties du monde, c'eft le feul peut-être oü les blancs ayent daigné partager avec les noirs les occupations heureufes, nobles & vertueufes de la paifir ble agriculture. Si les Hottentots avoient pu adopter ce goüt, c'eüt été un grand avantage pour la colonie: mais les foibles hordes de ces Africains qui étoient reflés dans les limites des établiflèments Hollandois, périrent touces dans une épidémie  ia8 SLTPPLÉMEN T S cn 1713* II n'échappa aux horreurs de cette contagion qu'un trés petic nombre de families, qui font de quelque utilité pour la garde des troupeaux, & pour le fervice domeftique. Les tribus plus puiffantes , & qui occupoient les bords des rivieres, le voifinage des bois, les terres abondances en paturages, obligées d'abandonner fucceffivement les tombeaux & Ia demeure de leurs peres, fe font toutes éloignée3 des frontieres de leur oppreflèur, L'injuftice qu'elles éprouvoient a beaucoup ajouté k 1'éloignement qu'elles avoient naturellement pour tous nos travaux. La vie oifive & indépendante que ces Sauvages menent dans leurs déferts, a pour eux des charmes inexprimables. Rien ne peut les en détacher. Un d'entre eux fut pris au berceau. On I'éleva dans nos mceurs & dans notre croyance. II fut envoyé aux Indes, & utilement employé dans le commerce. Les cir» conftances 1'ayant ramené dans fa patrie , il alla vifiter fes paren ts dans leur cabane. La finguJarité de ce qu'il vit le frappa. II fe couvric d'une peau de brebis, & alla rapporter au fon fes habits Européens. „ Je viens, dic-il au Gous, verneur, je viens renoncer pour toujours au „ genre de vie que vous m'aviez fait embraf„ fer. Ma réfolution efl: de fuivre jufqu'a Ia >, mort Ia religion & les ufages de mes ancê„ tres. Je garderai pour 1'araour de vous le col- „ lier  A L'HIST. PHILOSOPIHQUE. 133 verneur. Ce qui nous eft malheureufement trop connu, c'eft qu'indépendamment du jougtyrannique de la compagnie, tous les peuples dejaya out a fupporter les vexations plus odieufes, s'il eft poflible, de fes trop nombreux agents. Ces hommes avides & injuftes fe fervent habituellement de faux poids & de fauffes mefures pour groffir la quantité de denrées ou de marchandifes qu'on doit leur livrer. Cette infidélité, donc ils profkent feuls, n'a jamais été punie, &rien ne fait efpérer qu'elle puiffè 1'être un jour. Du refte, la compagnie, contente, &c. Page 282, après ces mots, facile & avantageux, lifez : L'induftrie fe feroit tournée yers des objets plus importants, fi la compagnien'eüt pas exigé qu'on lui livrat toutes les produéïions au même prix que dans le refte de l'ifle. Lemonopole a réduit les cultures a dix mille livres pe« fant d'indigo, a vingt-cinq mille livres de coton, a cent cinquante mille livres de poivre, a dix millions de fucre, a quelques autres articles peu importants. Ces produits, ainfi que tous ceux de Java, font portésaBatavia, bati fur les ruines de 1'ancienne capitale de Jacatra, au fixieme degré de latitude méridionale. Une rille, qui donnoit un entrepot fi confidérable , a dü s'embellir fucceffivement. Cependant, a 1'exception d'une Eglife récemment ba- 1 2  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 137 porté des loix atroces, & ces loix font maintenues avec une févérité impitoyable. Elles ne fonc impuiflantes que contre les Européens, qui fonc rarenient punis, & qui ne le font prefque jamais des peines capitales. Entre ces nations, les Chinois méritent une attentioa particuliere. Depuis long-temps, ilsfe portoient en foule a Batavia, oü ils avoient arnaiïe des tréfors immenfes. En 1740, ils furent foupconnés ou accufés de wéditer des projets funeftes. On en fit un maffacre horrible, foit pour les punir, foit pour s'enrichir de leurs dépouilles. Comme ce font les fujets les plus abjects de cette célebre contrée qui s'expatrient, ce traitement injulle & jamais mérité ,ne les a pas éloignés d'un établilTemenc oü il y a de gros gains a faire, & 1'cn en compte environ deux cents mille dans la colonie. Ils exercent prefque exclufivement tous les genres d'induftrie. fls y font les feuls bons cultivateurs; ils y conduifent toutes les manu.. faétures. Cette utilité, fi publique&fi étendue, ö'empêche pas qu'ils ne foient aflèrvisa une forte capitation & a d'autres tributs plus humiliants encore. Un pavillon arboré fur un lieu élevé, les avertit tous les mois de leurs obligations. S'ils manquent a quelqu'une, une amende confidérable ell la moindre des peines qu'on leur inflige. II peut y avoir dix mille blancs dans la ville. I 5  i4® SUPPLÉMENTS couverts de maifons propres & riantes; de potagers remplis de légumes fort fupérieurs & ceux de nos climats; de vergers, dont les fruits variés ont un goüt exquis; de bofquets qui donnent un otnbrage délicieux; dejardinsfortornés, même avec goöt. II eft du bon air d'y vivre habituellement; & les gens en place ne vont guere a la ville que pour les affaires du Gouvernement. On arrivé h ces retraites charmantes par des chemins larges, unis, faciles, bordés d'arbres plantés au cordeau, & taillés avec fymmétrie. Batavia eft fitué dans 1'enfoncement, &c. Vage 287, après ces mots, elle eft la plus confidérable de 1'Inde, lifez: On y voit aborder tous les vaiflèaux que la compagnie expédie d'Europe pour 1'Afie, k 1'exception de ceux qui doivent fe rendre a Ceylan, dans le Bengale & a la Chine. Ils s'y chargent en retour des productions & des marchandifes que fournit Java; de toutes celles qui y ont été portées des différents comptoirs, des différents marchés, répandus fur ces riches cótes, dans ces vaftes mers. Les établiflèments Hollandois de 1'Eft font les lieux qui, a raifon de leur fituation, de leurs denrées & de leurs befoins, entretiennent avec Batavia les liaifons les plus vives & les plus fuivies. Indépendamment des navires que le Gouvernement y avoit envoyés, on en voit arriver beaucoup de batiments paniculiers. II leur faut  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 141 des paflèporcs. Ceux qui auroient négligé cette précaution, imaginée pour prévenir les verfements frauduleux, feroient faifis par des chaloupes qui croifent concinuellement dans ces parages. Parvenus & leur deftination, ils livrent a la compagnie les objets de leur chargement dont elle s'eft réfervé le privilege exclufif, & vendent les autres k qui bon leur femble. La traite des efclaves forme une des principales branches du commerce libre. Elle s'éleve annuellement a fix mille des deux fexes. C'eft dans ce vil & malheureux troupeau que les Chinois prennent des femmes, qui ne leur eft permis, ni d'amener, ni de faire venir de leur patrie. Ces importations font groffies par celle d'une douzaine de jonques, parties d'Emuy, de Limpo & de Canton, avec environ deux mille Chinois, conduits tous les ans k Java dans 1'efpérance d'y acquérirdes richeflès. Lethé, les porcelaines, les foies écrues, les étoffes de foie, & les toiles de coton qu'elles y portent, peuvent valoir 3,000,000 livres. On leur donne en échange de 1'étain & du poivre; mais fecrecement, paree que le commerce en eft interdit aux particuliers. On leur donne du tripan, cueilli fur les bords de la mer aux Moluques. On leur donne des ndgeoires de requin & des nerfs de cerfs, dont les vertus réelles ou imaginaires font inconnues dans nos con-  142 SUPPLÉMENTS trées. On leur donne ces nids fi renommés dans touc 1'Orient, qui fe trouvent en plufieurs endroits, & principalement fur les cótes de la Cochinchine. Ces nids, de figure ovale, d'un pouce de Irauteur, de trois pouces de tour, & du poids de demi-once, font 1'ouvrage d'une efpece d'hirondelle, qui a la tête, la poitrine, les ailes d'un beau bleu, & le corps d'un blanc de lait. Elle les compofé de frai de poifibn, ou d'une écume gluante, que 1'agitation de la mer forme autour des rochers, auxquels elles les attaché par le bas & par lecóté.Leur goüt'eft naturellement fade : mais comme on les croit favorables a la pafllon pour les femmes, qui efl: générale dans ces régions, 1'arc a cherché & peut-être réufli a les rendre agréables par divers aflTaifonnements. Avec ces produclions, les Chinois recoivent k Batavia une folde en argent. Elle eft toujours groflïe par les fecours que leurs concitoyens établis k Java font pafièr k des families qui leur font cheres, & par les fommes plus confidérables qu'emportent tót ou tard ceux d'entre eux, qui, contents de la fortune qu'ils ont faite, s'en retournent dans leur pays, qu'ils perdent rarement de vue. Les Efpagnols des Philippines fréquentent auffi Batavia. Anciennement, ils y achetoient des toiles. Ils n'y prennent plus que la cannelle dont ils  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 143 ont befoin pour leur conforamation & pour 1'approvifionnement d'une partie du Mexique. C'eft avec 1'or, qui eft une produétion de leurs ifles même; c'eft avec la cochenille & les piaftres venues d'Acapulco, qu'ils payent eet important objet. Rarement les Francois vont-ils a Batavia pendant la paix. Le befoin des fubiiftances les y a fouvent attirés dans les deux dernieres guerres. On les y verra moins, lorfque l'ifle de France & Madagafcar fe feront mis en état de nourrir leurs efcadres & leurs troupes. Quelques-uns des vaiflèaux Anglois qui vont direclement d'Europe k Ia Chine, relachent a cette rade. C'eft pour y vendre de la clinquaillerie, des armes, des vins, des huiles, d'autresarticles moins confidérables qui appartiennent tous aux' équipages. On y voyoit auffi arriver autrefois de loin en loin les navigateurs de cette nation , qui font Ie commerce d'Inde en Inde. Ils y viennent en bien plus grand nombre, depuis que leurs armements fe font multipliés, depuis que leurs affaires fe font étendues. Leurs ventes fe réduifent k peu de chofe; mais leurs achats font confidérables. Ils y chargent, en particulier, beaucoup d'araque, boiflbn exquife, faite avec du riz, du fyrop de fucre, du vin de cocoder, qu'on laiffe fermenter enfemble, & qu'enfuite on diftile.  XX. Maniere dont iont conduites les affaires dons dans tous les marchés. Elle-même tirera plus de profit des droits percus dans fes comptoirs, qu'elle n'en pouvoit actendre des opérations compliquées & languiflantes qui s'y faifoient fi rarement. A cette époque tomberont ces trop ruineux armements qu'on ne ceflè de reprocher k la , compagnie. Un peu après le commencement du l iïecJe, elle adopta dans fes chantiers une confI truétion vicieufe qui lui fit perdre beaucoup de ( navires & de trés-riches cargaifons. Ces expéj> riences funeftes la ramenerent aux méthodes généralement recues : mais par des confidérations blamables, elle continua d employer dans fa naij vigation un tiers de Mtiments de plus qu'il ne |Ie falloit. Cette corruption , qui n'auroit du trouver d'excufe dans aucun temps, efl: deve|nue fur-tout intolérable, depuis que les matéijriaux qui fervent aux opérations navales font montés k de très-hauts prix; depuis qu'il a fallu donner aux navigateurs une folde plus confidérable. Ces réformes ameneront 1'extention du commerce. Relativement aux mceurs & aux circonf-  156 SUPPLÉMENTS tances, il fut autrefois très-confidérable : mais il s'arrêta, malgré le grand accroiffement que prenoit, en Europe, la confommation; malgré les nouveaux débouchés qu'offroient 1'Afrique & le Nouveau-Monde. On le vit même rétrograder, puifque fon produit n'augmenta pas, quoique les marchandifes eufiênt prefque doublé de valeur. Aétuellement les ventes ne s'élevent pas au deffus de quarante k quarante-cinq millions, fommes qu'elles donnoient il y a foixante ans, & même plus long-temps. 0° y trouve des toiles, du thé, de Ia foie, des porcelaines, du borax, de 1'étain, du camphre, de la toutenague , du falpêtre, ducoton, de 1'indigo, du poivre, du café, du fucre, des bois de teinture, quelques autres objets plus ou moins confidérables achetés dans les différents marchés de 1'Afie, ou produits par le territoire de la compagnie. Ces produétions, ces marchandifes font auffi la plupart fournies par celles des nations Européennes qui ont formé des liaifons aux Indes. II n'y a guere que la cannelle, le girofle, la mufcade, le macis, dont Ia confommation s'éleve annuellement k douze millions, qui appartiennent exclufivement aux ventes Hollandoifes. Après les améliorations que nous nous fommes permis de propofer, 1'ordre fe trouveroit rétabli pour quelque temps. Nous difons pour  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 157 quelque temps, paree que toute colonie, fup-1 jpofant 1'autorité dans une contrée, & 1'obéiflïance dans une autre contrée éloignée, eft un létabliflèment vicieux dans fon principe. C'eft une Jmachine dont les relforts fe reMchent, fe brifent j fans ceilè, & qu'il faut réparer continuellement. |. Quand même il feroit poflible que la compajgnie trouv&t un remede efficace & durable, aux Imaux qui la fatiguent depuis fi long-temps, elle an'en feroit pas moins menacée de perdre le commerce exclufif des épiceries. 1. On a foupconné long-temps que ces riches Iproduftions croifibient dans des régions incon'nues. II fe répandoit obfeurément de tous cöItés que les Malais, qui feuls avoient des relations avec ces contrées, avoient porté du girofle & de la mufcade dans plufieurs marchés. i Ce bruit vague n'a jamais été confirmé par des i faits certains; & il a fini par tomber dans 1'oufbli, comme toutes les erreurs vulgaires. En 1774, le navigateur Anglois Forreft parIjtit de Balambangan, dans la vue d'éclaircir enj fin, fi les épiceries croifibient dans la nouvelle i Guinée, comme le bruit en étoit répandu depuis fort long-temps. A peu de diftlmce de cette (contrée fauvage, il trouva dans l'ifle de Manafjlwary, un mufcadier, dont le fruit ne différoit 1 que par une forme oblongue de celui qui a tant ijde célébrité, Cet homme entreprenant arracha XXV. Malheurs qui menacentla com? pagnie.  158 SUPPLÉMENTS cent pieds de eet arbre ucile, & les planta en 1776 a Bunwoot, ifle faine, fertile, couverte des plus beaux arbres, inhabitée, de dix-huic hiilles de circonférence feulement, & que la Grande-Bretagne tient de la libéralicé du Roi de Mindanao. C'eft-lk qu'eft certainement cultivé le mufcadier, & vraifemblablement auffi le giroflier , puifqu'il eft prouvé que Forreft a abordé k plufieurs des Moluques. Un fait certain, & aujourd'hui généralement connu, c'eft que lesFrancois ont réufli en 1771 & en 1772, k tirer des Moluques des mufcadiers & des girofliers qu'ils ont tranfplantés fur leur territoire. Si ces plants, qui ont commencé k donner quelques fruics, en procurent un jour beaucoup & de bonne qualité, voilk une révolution dans cette branche importante de commerce. II ne tenoit qu'k la France de partager avec les feuls Hollandois cette fource féconde de richeffès. On n'auroit eu, pour jouir de eet avantage, qu'k concentrer, dans un feul point facile a garder, les acquifitions qu'on venoit de faire. Soit générofité , foit imprudence , le Gouvernement a voulu que cette culture fut établie dans plufieurs de fes poflèffions. Des arbres multipliés en tant de lieux ouverts, pafferont néceffairement dans les colonies des autres nations; & en peu de temps, des produétionsaiTujetties,  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 159 durant des fiecles, k un monopole odieux, deviendronc un bien commun k la plupart des peuples. Peut-être n'y aura-t-il guere que les anciens poflèflèurs de ces produétions précieufes, qui en foient déformais privés. Les feules ifles oü elles ayent cru jufqu'ici n'ont & ne peuvent avoir que ce genre d'utilité; la garde en efl: très-difpendieufe, & le climat meurtrier. Quel motif pourroient avoir leurs maicres pour conferver des établiflèments qui auront perdu tous leurs avantages ? Ils les abandonneront donc; & alors que deviendra un corps qui, depuis cinquante ans, n'avoit que cette reflburce, contre les infidélités de fes agents, la multiplicité de fes comptoirs, les vices de fon adminiftration ? Indépendamment de cette guerre d'induftrie, les Hollandois en doivent craindre une moins lente & plus deftruétive. Tout, mais finguliérement la maniere dont ils compofent leurs for-ces de mer & de terre, dok encourager leurs ennemis k les attaquer. La compagnie a un fonds d'environ cent navires, &c. Page 330, après ces mots, & des circonftances, lifez : La füreté de la compagnie exigeroit des troupes compofées de citoyens: maiö eet ordre de chofe n'elt point praticable. La dépopulation de la Hollande en feroit une fuite  i6o SUPPLÉMENT» néceffaire. Le Gouvernement s'y oppoferoit, & diroit a ce corps déja trop favorifé: „ La défenfe & la confervacion de notre pays „ nous eft tout autrement a cceur que le bon ,, ordre de vos affaires. A quoi nous ferviroit „ 1'or dont vos flottes reviendroient chargées, „ fi nos Provinces devenoient défertes? Si nous „ renonc, ons jamais au fervice des étrangers, ce „ fera dans nos armées, & non fur nos vaif„ feaux que nous les remplacerons. N'expa„ trions, n'expofons a la mort que le moins de „ nos concitoyens qu'il fera poffible. Les chefs „ de nos comptoirs font aflez opulents pour fe „ garantir, par tous lesmoyens connus, desfu„ neftes influences d'un climat empefté. Et que „ nous importe que des Allemands, auxquels „ d'autres Allemands fuccéderont, périffent ou „ ne périffent pas, s'il s'en trouve toujours af- < „ fez que la mifere chaffèra de leur patrie, & „ qui felaifferont bercer d'une fortune qu'ils ne „ feront point! Leur paye ceffè au moment ou „ ils expirent; nos coffres continuenc a fe rem„ plir, & nos Provinces ne fe vuident point. „ La compagnie n'a de füreté que celle de la „ république; & oü fera celle de la république, „ fi, par une dépopulation confiante, nous ré„ duifons notre contrée a la miférable condition de nos colonies"? La compagnie ne fera jamais donc fervie que par  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. i6t i par des troupes étrangeres; & jamais elle ne parviendra a leur infpirer eet efprit public, eet enthoufiafme pour la gloire qu'elle n'a pas ellemême. Un corps efl: toujours h eet égard, &c. Pa&e 333 > <*près ces mots, h. bout de cette I entreprife, lifez } A la vérité, il ne feroit pas I poffible de former par mer le fiege de la place. I Sous fes murs, 1'eau efl: généralement fi baffè, 1 que les vaiflèaux ne pourroient jamais aflèz approcher des fortifications pour les battre. II faudroic | donc avoir recours au débarquement. Peut-être jj 1'a-t-on rendu impraticable en plufieurs endroits, ij fur-tout k 1'embouchure de la riviere qui embel* | lit la ville. Mais fur des cótes piates, par-touc ! acceflibles pour des chaloupes, il faut s'accou» j turner a regarder la defcente comme exécutée. L'aflaillant une fois établi h terre, ne trouveji rok qu'une cité d'une lieuede circonférence,déB fendue par un doublé foflë plus ou moins proi fond; par un rempart peu élevé, & qui tombe '\ enruine; par une ckadelle irréguliere & mal en» ! tretenue; par quelques Indiens, fans valeur & fans ! expérience, ramaffés de divers pays; par unpe! tit nombre de troupes blanches, mécontentes de ! leur fort, & commandées par des Officiers quï j n'ont ni élévation, ni expérience. Doit-on pré: fumer que de pareils obftacles arrêteroient des ■ guerriersentreprenants & animés par 1'efpok d'un SuppL Tomé I, L  i6% SUPPLÉMENTS butin immenfe? Non, fans doute. Auffi 1'efpoif des Hollandois a-t-il une autre bafe. Le climat de Batavia efl fi meurtrier, qu'une partie confidérable des foldats qu'on y porte de nos contrées périffent dans 1'année. Un grand nombre de ceux qui échappent k la mort, languiflent dans les höpitaux. A peine en refte-t-il le quart qui puiffe faire réguliérement le fervice de la place. Les Hollandois fe flattent qu'en ajoutanc aux caufes ordinaires de deflruétion le fecours d'une inondation générale, qui eft toujours aifée, ils creuferoient un tombeau aux aflaillants, ou les forceroient a fe rembarquer. Les aveugles! qui ne voyent pas que tous ces moyens de ruine ont befoin du fecours du temps; & que 1% prife de la place ne feroit qu'un coup de main, pour une nation aguerrie & entreprenante. Le plan deconquête que pourroit former, &c. Page 335, après ces mots, leur navigation aux Indes, lifez : Les deux cötés de la baie qui conduit a la capitale de cette fameufe colonie, font défendus par des redoutes multipliées & judicieufement placées: mais leurs batteries feroient aifément démontées par les vaiflèaux qui peuvent mouiller aflèz prés de la terre pour les battre. Le fort, placé prèsdurivage, auroit lemême fort. II réfifteroit encore moins au plus foible ennemi qui 1'attaqueroit par terre. Conftruit fans art, dominé, ne pouvant contenir que cinq ou  A LUIST. PHILOSOPHIQUE. 163 Ox cents défenfeürs, il feroit néceffairemetit réduit en moins d'un jour avec quelques bombes,, Les colons, difperfés dans une efpaceimmenfe, & féparés les uns des autres par des déferts, «'auroient pas le temps de venir au fecours. Peutêtre ne le voudroient-ils pas., quand ils le pour^ roient. II doitêtre permis de foupconner que 1'oppreffion dans laquelle ils gémiflènt, leur fait de* firer un changement de domination. Si la République ne regarde pas cómme ima^ginaire les dangers que 1'amour du bien général des nations nous fait prefientir pour fon commerce & fes poflèflions des Indes, elle ne doit rien oublier pour les prévenir. C'efl: un des foins les plus importants qui puiflènt Poccuper. Quels avantages 1'Etat n'a-t-il pas tiré, depuis deux fieclesi, de ces régions lointaines? quels avantages n'en tire-t-il pas encore? D'abord, 1'affociation marchaftde qui régït les divers établiflèments qu'elie-même y a formés » fans aucun fecours du gouvernement, a füccefïivement achecé le renouvellement de fon privilege. Elle obtint,en 1602, fon premier oétroi pour 55,000 liv. Vingt ans après, il fut gratuitementrenouvellé. Depuis 1643, jufqu'en 1646, on ne fit que le prolonger de fix en fix mois, pour des raifons qui ne nous font pas eonnues* A cette époque, un don de 3,300,000 livres Is fit accorder de nouveau pour vingt-einq ans. Ca L a XVH. Motifs que peur avoir la République pour ne pas laiffer périr la compagnie»  164 SUPPLÉMENTS terme n'étoit pas encore expiré, lorfqu'en 1665 le monopole fut autorifé jufqu'en 1700, ï condition qu'il entretiendroit k 1'Etat vingt batiments de guerre tout le temps que dureroient les hoftilités commencées entre la République & 1'Angleterre. 6,600,000 liv. mériterent au corps privilégié la continuation de fes opérations jufqu'en 1740. Les deux années fuivantes, fon fort fut précaire. Puis il acquit de la confiftance pour douze ans, en payant trois pour cent de fes répartitions, & enfuite pour vingt ans, moyennant une fomme de 2,640,000 livres en argent ou en falpêtre. En 1774, fes prérogatives furent bornées k deux ans, & bientót écendues k vingt, fous la condition qu'il facrifieroit trois pour cent de fon dividende. Dans des temps de crife, la compagnie a donné des fecours au tréfor public, déja épuifé, ou prêt a Pêtre. On 1'a, il eft vrai, rembourfée un peu plutöt, un peu plus tard de fes avances: mais une conduite fi noble foulageoit & encourageoit les citoyens. Les befoins des flottes & des armées éxigeoient beaucoup de falpêtre. La compagnie s'eft obligée a le foumir a un prix modique, & a de cette maniere foulagé le fifc. Les manufaétures de Harlem & de Leyde voyoient diminuer tous les jours leur aclivité. La compagnie a retardé leur décadence, & prévenu  A LUIST. PHILOSOPHIQUE. 165 peut-être leur ruine entiere en s'engageant a exporter pour 440,000 livres des étoffes forties de ces atteliers. Elle s'eft auffi foumife a les pourvoir de foies k des conditions qui lui font certainement onéreufes. Le revenu perpétuel de trente-trois aétions & un tiers a été accordé au Stadhouder. II efl: k defirer que ce facrifice, fait par la compagnie au premier Magiftrat de 1'Etat, tourne au profit de la République. Les marchandifes qui étoient envoyées aux Indes; celles qui en arrivoient, étoient autrefois foumifesk des droits aflèz confidérables. C'étoienc des formalités très-embarraffantes. On vit, il ya trente ans, que ces impöts rendoient réguliérement 850,000 liv.; & depuis cette époque, la compagnie paye cette fomme au fifc chaque année. Indépendamment des charges que doit porter le corps en général, les intéreffés ont encore a remplir des obligations particulieres. Depuis plus d'un fiecle, ils payoient annuellement k 1'Etat fix pour cent de la valeur primitive de chaque action. En 1777, ce droit a été réduit k quatre & demi pour cent; & il ne pourra être augmenté de nouveau que lorfque le dividende fera remonté au-deflus de douze & demi pour cent. Les intéreffés devoient encore pour chaque action un impöt, nommé Ampt-Geld, & qui de L 3  féë SUPPLÉMENTS 39 liv. i a fois efl; tombé depuis peu a 4 liv,. 8 fois. Qu'on ajoute h toutes ces taxations le profk que donnent k 1'Etat des ventes de quarante-cinq millions, obtenues avec quatre ou cinq millions de numéraire, & dont la quatrieme partie ne fe confomme pas fur le territoire dela République.. Qu'on y ajoute les gros bénéSces que la revente de ces roarchandifes procure h fes négociants, & les valles fpéculations dont elle efl: la fource.. Qu'on y ajoute la multiplicité & Pétendue des fortunes particulieres , faites anciennement ou de nos jours dans Pinde. Qu'on y ajoute 1'expé-, rience que cette navigation donne a fes matelots » Paélivité qu'elle donne k fa marine. Alors on aura une idéé jufte des reflburces que le Gouvernement a trouvées dans fes pofleflions d'Afie. Le privilege exclufif qui les exploite devroit même procurer de plus grands avantages aux Provinces-* Unies; 6e le motif en eft fenfible. Aucune nation, quel quefdtfon régime, &e,. Page 340, c'eft aux dépens, lifez : C'étoit,, & ainfi de fuite , lifez au paffé ce qui efl mis au préfent, jufqu'a la page 343,. Mais combien ces moeurs, &c, Page 346, après ces mots, de la démocratie, lifez : Induftrieux Bataves, autrefois fi pauvres , fi braves & fi redoutés. aujourd'bui fi opulents öc fi foibles, craignqz de retomber fous le joug  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 167 1 d'un pouvoir arbitraire que vous avez brifé, & I qui vous menace encore. Ce n'eft pas moi qui I vous le dis; ce font vos généreux ancêtres qui vous crient du fond de leurs tombeaux: „ N'eft-ce donc que pour cette ignominie „ que nous avons rougi les mers de notre fang, „ que nous en avons abreuvé cecte terre? La „ mifere que nous n'avons pu fupporter, eft „ celle que vous vous préparez. Cet or que „ vous accumulez, & qui vous eft fi cher, c'eft „ lui qui vous a mis fous la dépendance d'un. „ de vos ennemis. Vous tremblez devant lui, „ par la crainte de perdre les richefies que vous „ lui avez confiées. II vous commande, & vous „ obéilïèz. Eh! perdez-les, s'il le faut, ces per„ fides richefies, & recouvrez votre dignité. „ C'eft alors que, plutöt que de fubir un joug, „ quel qu'il foit, vous préférerez de renverfer „ de vos mains les barrières que vous avez don„ nées k la mer, & de vous enfevelir fous les „ eaux, vous & vos ennemis avec vous. „ Mais fi , dans 1'état d'abjeétion & de pufil„ lanimité oü vous êtes, fi demain il arrivoit que „ 1'ambition ramenat une armée ennemie au „ centre de vos Provinces, ou fous les murs de „ votre Capitale; parlez, que feriez vous? On „ vous annonce qu'il faut, dans un moment, „ ou fe réfoudre a ouvrir les portes de votre „ ville, ou a crever vos digues; vous écrieriez- L 4 *  if58 SUPPLÉMENTS „ VOUS : LES DIGUES ! LES DIGUES ! VoUS „ pÉlifiez. Ah! nous ne le voyons que trop: il „ ne refte h nos malheureux defcendants aucune „ étincelle de la vertu de leurs peres. „ Par quel étrangeaveuglement fe font-ils don„ nés un maitre? Par quel aveuglement, plus „ étrange encore, ont-ils éternifé fon autorité, „ en la rendant héréditaire ? Nous dirions: mal„ heur k ceux qui fe promettoient de dominer „ le Prince par la reconnoiffance, & la Répu„ blique par 1'appui du Prince, s'ils n'avoient „ été les premières viéïimes de leur baffe politi„ que, & piongés dans la retraite & 1'obfcuri„ té, les plus cruels des chatiments pour des „ hommes intriguants & ambideux. Un peuple „ libre, un peuple commercant qui fe donne un „ maitre! Lui, k qui la liberté doit paroicre d'au„ tant plus précieufe, qu'il eft a craindre que „ fes projets ne foient connus, fes fpécularions „ fufpendues, fes entreprifes traverfées, les pla„ ces de 1'Etat remplies par des traitres, & cel„ les de fes coloniesprocurées a d'indignes étran„ gers. Vous vous confiez dans la juftice & les ,, fentiments du Chef que vous avez aujourd'hui, & peut-être avez-vous raifon. Mais qui vous „ a garanti que fes vertus feront tranfmifes a „ fon fucceffeur, de celui-ci au fien, & ainfi „ d'^ge en age a tous ceux qui naitront de lui. „ O nos concitoyens! ö nos enfants! puiflè  A LUIST. PHILOSOPHIQUE. 169 „ Pavenir démentir un funefte predèntiment S „ Mais fi vous y réfléchifliez un moment, Sc fi „ vous preniez le moindre intérêt au fort de vos „ neveux, dès-k-préfent vous verriez fe forger ,, fous vos yeux, les fers qui leur font deftinés. „ Ce font des étrangers qui couvrent les ponts „ de vos vaiflèaux. Ce font des étrangers qui „ compofent & commandent vos armées. Ou„ vrez les annales des nations; lifez & frémiflez „ des fuites néceflaires de cette imprudence. „ Cette opulence qui vous tient aflbupis & fous „ les pieds d'une Puiflance rivale de Ia votre; „ c'eft cette opulence même qui allumera la cu„ pidité de la puiflance que vous avez créée au „ milieu de vous. Vous en ferez dépouillés, & „ en même-temps de votre liberté. Vous ne fe„ rez plus rien: car vous chercherez en vous „ votre courage, & vous ne 1'y trouverez „ point. „ Ne vous y trompez point. Votre condition „ préfente eft plus facheufè que la notre ne le fut „ jamais. L'avantage d'un peuple indigent qu'on „ opprime, eft de n'avoir k perdre qu'une vie „ qui lui eft a charge. Le malheur d'un peuple „ énervé par la richeflè, c'eft de tout perdre, „ faute de courage pour fe défendre. Réveillez„ vous donc. Regardez les progrès fucceflifs „ de votre dégradation. Voyez combien vous „ êtes defcendus de 1'état de fplendeur oü nous L 5  i7o SUPPLÉMENT S „ nous écions élevés, & tachez d'y remonter, „ fi toutefois il en eft temps encore ". Voilk ce que vos illuftres & braves aïeux vous difent par ma bouche. Et que vous importe, me répondrez-vous, notre décadence aétuelle & nos malheurs & venir. Etes-vous notre concitoyen? Avez-vous une habitation, une femme, des enfants dans nos villes? Et que vous importe h. vous-même oü je fois né, qui je fuis, oü j'habite, fi ce que je vous dis eft la vérité ? Les anciens demanderent-ils jamais k Paugure, dans quelle contrée il avoit recu le jour, fur quel chêne repofoit 1'oifeau fatidique qui leur annoncoitune vicloireou une défaite? Bataves, ladeftinée de toute nation commercante eft d'être riche, Mche, corrompue & fubjuguée. Demandez-vous oü vous en êtes? Fin du Livre fecond»  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 171 LIVRE HL - P Age 348, après ces mots, fur-tout contre de : Pécain, lifez .* L'utilité étoit la mefure des cho! fes échangées. On portoit h. ces peuples fauva- ges des chofes auxquelles ils mettoient avec raiI fon, plus d'importance qu'a celles qu'ils offroienr. i II ne faut accufer, ni les uns d'ignorance, ni I les autres de mauvaife foi. En quelque contrée ; de Punivers que vous alliez , vous y trouve1 rez 1'homme auffi fin que vous; & il ne vous donnera jamais que ce qu'il eftime le moins pour ': ce qu'il eftime le plus. A ne confulter qu'une fpéculation vague, &c. Page 348, après ces mots, des loix & des conventions, lifez : On voit cependant leurs : mceurs & leur gouvernement formés plus tard 6t plus imparfaitement. C'eft dans leur fein que i font nées cette foule d'inftitutions bizarres, qui mettent des obftacles a la population. L'antro| pophagie , la caftration des males, 1'infibulatron j des femelles, les mariages tardifs, la confécra! tion de Ia virginité, 1'eftimedu célibat, lescM- timents exereés contre les filles qui fe hatoienc ] d'être meres, les facrifices humains; peut-être 1 lesjeünes, les macérations, toutes les extrava- gances qui naïtroienc dans les couvents, s'il y  i72 SUPPLÉMENTS avoit un monaftere d'hommes & de femmes furabondanc en moines , fans aucune poffibilité d'émigration. Lorfque ces hommes eurent découvert Ie moyen de s'échapper de Penceince étroice oü des caufes phyfiquesles avoient tenus renfermés pendant des fiecles, ils porterent leurs ufages fur le continent oü ils fe font perpétués d'slge en Ége, & oü encore aujourd'hui ils mettent quelquefois a la torture les Philofophes qui en cherchent la raifon. La furabondance de la population dans les ifles, fut celle de la lenteur de la civilifation dans leurs habitants. II fallut y remédier continuellement par des moyens violents. Le lieu oü les membres d'une même familie font contraints de s'exterminer les uns les autres, efl: le féjour de 1'extrême barbarie. C'efl: le commerce des peuples entre eux qui diminue leur férocité. C'efl: leur féparation qui 1'a fait durer. Les Infulaires de nos jours n'ont pas entiérement perdu leur caraétere primitif; & peut-être qu'un obfervateur attentif en trouveroit quelques veftiges dans la Grande-Bretagne même. La domination Romaine, &c. Page 352, ligne 23 , après ces mots, propres a introduire 1'ufure, lifez : On ignoroit que 1'argent, repréfentant de tout, eft réciproquement repréfenté par toutes les chofes vénales; que c'eft une denrée qu'il faut abandonner a elle-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 173 même comme les autres; qu'k chaque inflatie elle doit hauflèr & baiflèr de prix par mille incidents divers; que toute police fur ce point ne peut qu'êtreabfurde&nuifible; qu'un desmoyens de multiplier les ufuriers, c'efl: de défendre 1'ufure, cette défenfe devenant un privilege exclufif pour quiconque ofe braver 1'ignominie; qu'une ordonnance eft ridicule toutes les fois qu'il y a des voies certaines pour Péluder; que la concurrence générale qui naitroit d'une liberté illimitée de commercer 1'argent, en réduiroit néceflairement l'intérêt; que les emprunts ruineux auxquels on veuc remédier, feroient moins fréquents , 1'emprunteur n'ayant qu'k payer le prix de 1'argent emprunté : au-lieu que dans Pétac aétuel il faut y ajouter le prix que 1'ufurier met a fa confeience, a fon honneur, & au péril d'une [action illicite; prix d'autant plus fort que le nombre des ufuriers eft plus rare, & la loi prohibitive plus rigoureufement obfervée. Par le même efprit d'aveuglement, il fut défendu a- la même époque , d'exporter 1'argent, &c. Page 358, après ces mots, tout voir par euxmêmes, lifez : D'après ce fage difcours, on feroit tenté de croire qu'un defpote jufte, ferme, éclairé, feroit le meilleur des Souverains : mais on ne penfe pas que, fous fon regne, s'il duroit, les peuples s'aflbupiroient fur, des droits  i74 SUPPLÉMENTS donc ils n'auroient aucune occafion de fe pré va* loir, & que rien ne leur feroit plus funefte que cefommeil fous unregne femblable au premier > fi ce n'eft fa continuité fous un troifieme. Les nations font quelquefois des tentatives pour fe délivrer de 1'oppreffion de la force, mais jamais pour fortir d'un efclavage auquel ils ont été con* duits par la douceur. Tót ou tard, le defpote* oufoible, ouféroce, ou imbécille, fuccede h. une toute-puiflance qui n'a point fouffert d'op* pofition. Les peuples qu'elle écrafe fe croyent faits pour être écrafés. Ils ont perdu le fentiment de la liberté, qui ne s'entretient que par Pexercice. Peut-être n'a-t-il manqué aux Anglois que trois Elifabeth pour être les derniers des efclaves. Les fonds de la compaghie, Page 360, après ces mots, imiter leur con* duite, lifez .'C'étoit une erreur qui les jetta dans de faufies routes. Avec des maximes plus faines, ils auroient fenti que fi la bonté, la douceur, la bienfaifance, 1'humanicé ne conduifent pas aufll rapidement a la profpérité que la violence : affife fur ces refpeftables bafes, la puifTance en eft plus folide & plus durable. On n'obtient de la tyrannie qu'une autorité précaire, qu'une poffeflïon troublée. Celle qui émane de la juftice finit par tout envahir. L'empire de la force eft regardé eomme un fléau, l'empire de la vertu  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 175 comme.une bénédiclion; &je neme perfuaderai jamais qu'il foit indifférent de s'annoncer aux nations étrangeres, ou comme des efprits infernaux, ou comme des intelligences céleftes. Le projet de faire des établiffements, &c. Page 36a, après ces mots, des femaines entieres, lifez : D'oü vient ce bizarre raffinement de coquetterie, qui n'eft ni dans la nature de 1'homme, ni dans celle de 1'animal ? La Javanoife fe propoferoit-elle d'infpirer k fon ipoux de la confiance fur fes mceurs, avant & après le mariage ; d'irriter la paffion toujours plus violente dans un raviffeur que dans un amant; oü d'accroïtre le prix qu'elle met h fes charmes, a fes faveurs, & au facrifice de fa liberté ? Le Roi de Bantam venoit de vaincre, &c. Page 375, après ces mots, fut ftipulée /ifez : Mais les arbres k épiceries y furent tous arrachés, avant qu'elle repafffo fous les loix de fes anciens maitres. Comme fon fol lui reftoic cependant toujours , & qu'avec le temps, il pouvoit mettre obftacle au monopole que la Hollande vouloit exercer , on la conquit de nouveau en 1666; & les inftances de la France ne réuffirent pas a en arracher le facrifice a la République. Malgré ces mégligences, &c. Page 381, après ces mots> au-defliïs de tous  i-6 SUPPLÉMÊNTS les calculs, lifez : & donc les deux Child auroienc dü payer la pene de leur ccce. En changeanc de maximes & de conduite, &e. Page 387, après ces mots, qu'elle avoic concues, lifez : D'aucres nuages s'éleverenc fur plufieurs de fes comptoirs. C'étoic 1'inquiécude, c'étoit 1'avarice de fes agencs, qui les avoient affemblés. Une policique plus modérée fit abandonner d'odieufes prétentions; & la tranquillité fe trouva bientöt rétablie. De plus grands intéréts ne tarderent pas a fixer fon attention. L'Angleterre & la France encrerenc, &c. Page 390, après ces mots, qui la fépare de 1'Afrique, lifez : Au Nord, une ligne tirée h 1'extrêmité des deux golfes lui fervoit vraifemblablement de borne dans les temps anciens. L'Irak-Arabi, le défert de Syrië & la Paleftïne, femblent aujourd'hui en faire partie. La prefqu'ifle eft féparée du Nord au Sud par une chaine de montagnes, moins ftériles & plus tempérées que le refte du pays. Sur la plupart, il pleut deux ou trois mois au plus chaque année; mais a des époques différentes, fuivanc leur expofition. Les eaux qui en tombent fe perdent dans les fables des vallées, ou vont fe jetter en torrents dans la mer, felon la pence & les diftances. II eft une faifon oü les chaleurs font fi vives, que perfonne ne voyage, que les efclaves même ne paroiflênt pas, fans une  A L'HIST. PHILOSÖPHIQUE. 177 une extreme néceffité, dans les rues. Tout tra* vail efl: alors fufpendu au milieu du jour. La plus grande partie du temps fe palïè a dormir dans fes fouterreins, dont 1'air ne fe renouvelle que par un tuyau. On divife communément cette région en trois parties. L'Arabie pétrée, 1'Arabie déferte, &c Page 401, après ces mots, d'une afperflon d'eau-rofe, lifez: Ces plaifirs font fouvent fuivis ou précédés de vers galants ou amoureux. Leurs compofitions font d'une grace, d'une ; molleflè, d'un raffinement, foit d'expreffion, ''; foit de fentiment, dont n'approche aucun peu.j ple ancien ou moderne. La langue qu'il parient / dans ce monde k leur maitreflè, femble être i celle qu'ils parleront dans 1'autre a leurs houris. | C'efl: une efpece de mufique fi touchante & fi | fine; c'efl: un murmure fi doux ; ce font des ; comparaifons fi riantes & fi fraïches ; je dirois ; prefque que leur poéfie eft parfumée comme leur contrée. Cequ'eft 1'honneur dans les mceurs de nos Paladins, les imitarions de la nature le !; font dans les poëmes Arabes. La , c'eft une jquinteflènce de vertu; ici, c'eft une quinteffence de volupté. On les voit abattus fous les 73i 7 n| 661,033 12 6\ 2,850,699 16 io± 17,723,956 8 7| 14,873,256 11 8| i7°i 122,048 1 ff 762,188 7 3 640,140 5 91 2,746,081 12 9! 17,149,238 3 i| 14,403,156 10 3! 1702 87,484 12 2 247,014 16 £ if973° 3 I0i 1,968,403 13 9 f,ff7,833 •••• ff 3789,429 6 8| 1703 13f.077 9 3f f96,3°9 11 i°ï 461,232 2 7 3,039,242 18 7| 13,416,965 16 8| 10,377,722 18 i| 1704 193427 12 8 757,814 17 3 f64,387 4 7 4,352,121 15 .... 17,050,834 8 i± 12,698,712 13 i| 1705 27,004 14 5! 39^974 17 fi i 364,970 2 n| 607,606 5 9§ 8,819,434 " 9i 8,211,828 7 | 1706 27,234 1 8 646,652 n io| 619,418 10 %l 612,766 17 6 14,549,683 7 2| 13,936,916 9 8| I7°7 ff,974 T4 11 3^,838 ij 6 299,864 .... 7 1,259,431 15 7| 8,006.372 8 9? 6,746,940 13 if 1708 60,915 ^ n 493^57 11 I j 452,341 11 i| 1,570,609 18 i| 11,098,2.94 18 iog 9,727,685 .... 9| 1709 168,357 6 8 327,383 I iof 159,025 if i\ 3,788,040 % 7,366,119 12 25 3,578,079 12 2± 1710 126,310 5 3! 248,266 5 i± 121,955 19 10 2,841,980 19 | 5,585,990 15 yl „ 2,744,009 16 3 1711 151,874 .... \ 636,914 14 i°! 485,040 14 io| 3,417,165 .... ui 14,330,581 15 i| 10,913,416 14 2§ 1712 142,329 13 . a| 4f6,933 f 7| 314,603 12 4 3,202,417 8 7| 10,280,998 16 i§ 7,078,581 7 6 1713 94,!79 12. 4 9f3>OI3 7 "| ,• 858,833 if 7i 2,119,041 7 6 21,442,801 8 7| 19,323,760 1 i| 1714 76,595 17 nf 1,045,963 18 9| 969,368.... 95 1,723.407 14 6| 23,534,188 12 4§ 21,810,780 17 oa 1715 36,997 12 6 57^,94+ 4 2 f42,946 11 8 832,446 11 3 13,048,744 !3 9 12,216,298 2 6 1716 106,198 3 .... 402,5f4 1 8 296,355 18 8 2,389,458 7 6 9,057,466 17 6^ 6,668,008 10 .... 1717 82,646 16 10 494,861 5 11 412,214 9 1 1,859,553 18 9, n,i34,379 3 i| 9,274,825 4 4| 1718 73,922 f 11 1,332,901 14 1 1,258,979 8 2 i,663,2fi 13 1* 29,99°-288 6 lOj 28,327,036 13 9 1719 88,365 18 5 547,311 8 4f8,94f 9 7 1,988,233 4 4f 12,314,^6 10 .... 10,326.273 5 7| 1720 83,811 19 9 931,441 10 11 847,629 11 2 1,885,769 14 4f 20,957,434 M 7a 19,071,665 1 3 1721 127,509 9 1 1,020,763 12 10 893,2f4 3 9 2,868,962 14 4f 22,967,181 18 9t 20,098,219 4 4| 1722 125,477 9 f 764,053 10 5 638,576 1 .... 2,823,243 1 i°f 17,19!,z°4 4 4a 14,367,961 2 6 1723 115,241 10 5 968,57° H 6 853,529 4 1 2,592,934 4 4f 21,792,841 6 3 19,199,907 1 iof 1724 100,5-85 14. 3 1,165,203 1 4 1,064,617 7 1 2,263,178 10 75 26,217,069 - 23,953,890 9 41 1725 93,795- "12 I . 759,778 12 3 665,983 .... 2 2,110,401 1 ie*» 17,095,018 if 7| 14,984,617 13 9' 1726 74,802 3 9 914,122 13 7 839,320 9 10 1,683,049 4 4| 20,567,760 5 75 18,884,711 1 3 1727 97,808 11 11 1,125,829 14 4 1,028,021 2 5 2,^00,693 8 i| 25,331,168 12 b 23,130,475 4 4| 1728 115,784 2 6 869,474 16 9 753,690 14 3 2,607,142 16 3 19,563,183 ife i-| 16,958,041 .... 7f 1729 138,287 10 7 972,033 16 11 833,746 6 4 3,111,469 8 i| 21,870,761 io 7| 18,759,292 2 6 1730 135,484 11 1,059,759 18 11 924,275 17 10 3,048,391 4 4ï 23,844,598 ]f 7| 20,796,207 11 3' 1731 159,132 4 8 825,573 8 5 666,241 3 9 3,580,475 5 .... i8,f7°,9°i 19 4a 14,990,426 14 4! 1732 If9,099 2 6 981,332 11 1* 822,235 8 7 3779,73° 6 3 22,079,982 9 4ï 18,500,252 3 if 1753 132,435 .... io 1,106,884 l8 ii .., 974,449 18 i 2,979,788 8 9 24,904,911 f 7| >. 2I,92f,122 16 io| 1754 135,204 13 10 767,531 16 7 632,527 2 9 3,042,105 11 3 17,269,466 3 »| 14,227,360 n lof I73f 186,375 4 5 1,297,400 7 5 1,111,025 3 .... 4,193,442 9 4ï 29,191,508 6 10- 24,998,065 17 6 1736 261,176 7 1 928,881 17 4 , 667,705 10 5 5,376,467 19 4i 20,899,842 15,025,574 .... 7! 1757 578,089 14 6 915,881 17 8 f37,792 3 2 8,507,018 16 3 20,607,342 7 6 12,100,325 11 3 1738 169,138 6 .... 742,844 17 f73,706 11 5,805,611 15 .... 16,714,009 2 6 12,908,397 7 6 1739 2i7,39f 6.... 1,278,859 11 1 1,061,464 f 1 4,891,394 f •••• 28,774,339 19 4| 23,882,945 14 4| 1740 281,751 4 9 870,476 12 7l 588,725 7 10 6,359,402 16 io| 19,585,724 5 i| 15,246,521 6 3 1741 486,928 .... 11 1,150,014 13 7 643,086 12 8 i 10,955,881 .... 7\ 25,425,350 5 7| 14,4,69,449 f .... 1742 375=797 16 5 1,213,878 15 8 840,080 17 3 8,410,450 19 4l 27,312,270 7 6 18,901,819 8 \\ 1743 645,547 1 2 906,422 n 5 260,87? 10 3 14,524,808 16 3 20,394,507 16 101 f,869,699 .... 71 1744 476,274 8 9 743,508 10 6 267,254 1 9 10,716,174 16 io| 16,728,941 16 3 6,012,766 19 4.I 1745 2193,113 12 10 975,705 13 6 680,591 .... 8 6,595,056 18 9 21,908,577 ij 9 15,515,520 15 .... 1746 893,540 8 4 646,697 7 .... 246,847 1 4 20,104,659 7 6 i4,ff°'é90 7 6 f,ff3,969 •• 1747 Hf,fÏ6 9-- 8ii,733 w f 476,207 1 f 7,774,34f * 6 18,489,004 4 4j YïVï*19 1 l°} 1748 306,3f7 1,098,712 2 4 79*,3ff % 4 6,893,05210.... 24,721,02212 6 7,827,990 2 6 1749 Jj-7.o86 4 3 1,124,128 2 567,041 17 9 12,554,439 if 75 25,292,882 f .... 12,758,442 9 45 1750 508,654 6 2 1,104,180 11 11 f9f,f26 5 9 11,444,721 18 9 24,844,063 8 11 M,399,34i 9 4f 1751 798,077 8 8 1,096,837 16 1 , 298,760 7 5 17,956,742 f 24,678,850 11 ic| 6,722,108 6 icf 1752 627,688 6 2 1,068,366 7 8 , 440,678 1 6 14,122,986 18 9 24,038,243 12 6 9,9if.2f6 13 9 I7f3 788,574 19 8 1,007,662 15 5 219,287 13 7 17,738=437 2 6 22,672,409 18 i| 4,933,972 15 7| 1754 844,24714 8 1,186,15913 4 341,91118 8 i8,99f,f74 26,688,59210-^ 7,693,01810.... 1755 874,579 12 6 1,246,776 11 3 , 372,196 18 9 19,678,041 11 3 28,052,472 13 H 8,374,431 1 1.O5 1756 488,880 3 4 796,472 9 7 307,592 6 3 10,999,803 15 I7,920,630 !f 7a 6,920,827 .... 7ï 1757 845,466 19 7 1,111,908 266,441 .... 5 19,023,007 .... 7l 25,017,930 f,994,922 19 42 1758 922,142 7 f 222,94615 4 699,,95 12 1 20,748,203 6 io| f,016,302 f .... 15,731,901 1 io| 1759 665,445 18 11 973,805 2 2 308,359 3 3 H,972,f33 if 7a 21,910,614 18 9^ 6,938,081 3 i| 1760 1,161,670 6 .... 1,785,679 11 1 S 624,009 5 1 i 26,137,581 if 4°'177,789 x9 4a ■• 14,040,208 4 41 1761 845,797.... 4 840,98711 4 4,809 9 , 19,030,43217 6 18,922,220 f .... 108,21212 6 1762 1,067,353 13 .... 972,838 11 7 94,fif 1 f 24,015,457 2 6 21,888,868 .... 7» 2,126,589 1 io5 1763 887,083 7 .... i,o59,33f 18 7 172,252 11 7 19,959,375 7 6 23,835,058 8 15 ?'8^f,68l, "" 7ï 1764 1,165,600 12 4 1,182,844 18 6 17,244 6 2 26,226,013 17 6 26,614,010 16 3 387,996' 18 9^ 1765 914,278 14 1 1,455,589 1 2 f41,310 7 1 20,571,270 16 ióf 32,7f°,7)>3 16 3j 12,179.482 19 4| 1766 783,961 17 10 1,975,981 7 9 1,192,019 9 11 17,639,142 11 3 44,4f9,f8i 4 45 26,820,438 13 i2 1767 1,272,654 13 3 1,981,175 .... 1 708,518 6 10 28,634,729 18 15 44,f76,392 11 iOa 15,941,662 13 9 1768 1,156,082 16 8 1,507,965 .... 2 3fi,88o 3 6 26,011,863 15 .... 35,929,167 15 9 7,917,303 18 9 1769 1,205,588 18 4 1,865,233 14 10 657,844 16 6 27,121,250 12 6 41,922,759 3 9 14,801,508 11 3 1770 1,082,030 8 10 1,941,627 .... 4 859,596 11 6 24,345,684 '18 9 45,686,607 17 6 19,340,922 18 9 1771 1,184,82413 11 1,882,159 5 9 1 697,31411 10 26,658,f>-f 13 1! 42,348,133 19 4a If,689,f78 6 3 1772 941,361 4 5 2,473,192 8 2 1,531,831 3 9 21,180,627 9 4i 55,646,829 3 9 •' 34,466,201 14 4| 1773 845,7°7 16 6 1,933,096 18 5 1,087,389 1 11 19,028,426 1 3 43,494,680 14 4I 24,466,254 13 ii 32,202,752 11 6 74,99 ,971 19 3? 1,140,049 12 5 43'93f,269 .... %\ 1724,561,952 18 9 1,687,454,369 4.... 2f,6fi»n6 9 41998743,552 14 7  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. igi lelies, obéijfez a votre Monarque. On crie de 1'autre: Sacrileges, impies, obéijfez a Dieu, le maitre de votre Roi, ou mourez. Je m'adreflèrai donc k tous les Souverains de la terre, & j'oferai leur révéler la penfée fecrete du facerdoce. Qu'ils fachent que fi le Prêtre s'expliquoit franchement, il diroit: Si le Souverain n'eft pas mon licteur, il eft mon ennemi. Je lui ai mis la hache k la main; mais c'eft a condition que je lui défignerois les têtes qu'il faudroit abattre. Les Brames dépofitaires de la Religion, &c. Page 437, après ces mots, n'a éprouvé aucun malheur, lifez : Cette derniere, qui a une population de quinze k feize mille ames, avoit pour défenfeurs trois cents blancs & cinq cents noirs. Ils ont été rappellés depuis que la nation a acquis fur ces mers un afcendant qui ne leur laiflè plus craindre de voir fes loges infultées. Aéluellement elle retire tous les ans, avec trèspeu de fraix, de celle-lk, quinze cents mille livres pefant de poivre, & quelques autres denrées du peu d'importance. A la réferve de quelques Principautés, &c. Page 4%%, après ces mots, cannelle &lepoivre , lifez : Le fandal eft un arbre de la grandeur du noyer. Ses feuilles font entieres, ovales & oppofées. Sa fleur eft d'une feule piece, chargée de huit étamines, & portée fur le piftil, qui XVI. Produétions particulieresauMalabar.  m SUPPLÉMENTS devient une baie infipide, femblable pour k forme a celle du laurier. Son bois efl blanc a Ia circonférence, & jaune dans Ie centre, lorfque 1 arbre efl ancien. Cette différence dans Ia couleur, conflitue deux variétés de fandal, employées aux mêmes ufages, & douéeségalement d une faveur amere, & d'une odeur aromarique. On prepare avec la pouffiere de ce bois une pate dont on fe frotte le corps a Ia Chine, aux Indes, en Perfe, dans 1'Arabie & dans la Turqu.e On le brule auffi dans les appartements, ou il répand une odeur douce & falutaire La plus grande quantité de ce bois , auquel on attnbue une vertu incifive & atrénuante , refte dans Inde. On tranfporte de préférence en Eu» rope le fandal rouge, quoique moins eflinié & d un ufage moins général. Celui-ci efl le próduit d'unarbre différent, commun fur la cöte de Coromandel. Quelques voyageurs le confondent avec le bois de Caliatour employé dans la teinture. Le fafran d'Inde, que les Médecins, &c. P^4S8, après ces mots, tous leurs méts, hfez : On trouve dans les diverfes contrées de Inde plufieurs efpeces de cardamome , donc les caracïeres diflindlifs n'ont pas été fuffifamment obfervés. Celle qui croit dans les territoires .de Cochin, de Calicut & de Cananor, efl laplus petice & la plus eflimée. Elle a, ainfi que  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 193 que les autres beaucoup d'analogie avec le fafrari ti'Inde, donc elle differe par fes feuilles beaucoup plus nombreufes; par fa cige plus éleVée; par fon épi de fleurs plus tèche, provenant immédiacemenc de la racine; par fon fruit plus petit. Ses graines douées d'un aromate agréable * fonc employées dans la plupart des ragouts Indiens. Souvent on les mêle avec l'areque & Ie li bétel; quelquefois on les mache après. La médecine s'en ferc principalemenc pour aider la di- geftion, & pour fortifier 1'eftomac. Le cardamome vient fans culture , & croic naturellemenc dans les lieux couverts de la cendre des plan; tes qu'on a brülées. Le gingembre reflèmble aflèz au cardamomè par la difpofition & la rtruéïure de fes fleurs^ L'épi part du même point. La racine, qui efl: noueufe & tracante, pouflè plufieurs tiges de trois pieds de haut, dont les feuilles font plus I étroites. Elle efl: blanche, tendre & d'un gout : prefqu'auffi piqüanc que Ie poivrei. Les Indiens ' en meccenc dans le riz qui fait leur nourriture ordinaire, pour en corriger 1'infipidité nacurelle& Cecte épicerie, mêlée avec d'autres, &Cö Page 439, après ces mots, maniere de Vis i vre, lifez: Lemeilleur gingembre efl celui qu'on i cultive dans le Malabar. La feconde qualité fe lire du Bengale. On eftime moins celui qui croïê [ au Décan & dans cout 1'Archipel Indien; fi Port Suppl. Tomé L JSf  194 SUPPLÉMENTS en excepte pourtant Ie gingembre rouge des Moluques, efpece différente de Pordinaire, par Ia couleur de fa racine, & fa faveur moins acre. La faufïè cannelle, connue fous le nom de CaJJïa lignea, fe trouve a Timor, a Java , k Mindanao; mais elle efl fupérieure fur Ia cöte de Malabar. L'arbre dont on la tire eft, comme celui de Ceylan, une efpece de laurier; il donne les mêmes produits, & lui reffemble par Je plus grand nombre de fes caracleres. Ses feuilles font plus longues. Son écorce plus épaiflè & plus rouge, a moins de faveur, & fe diftingue fur-tout par une glutinofité que l'on fent en la mdchant. Ces fignes fervent k découvrir la fraude des marchands, qui la vendent avec Ia vraie cannelle, dont la vertu eft infiniment fupérieure, & le prix quatre fois plus confidérable. Les Hollandois, défefpérant de pouvoir, &c. Page 440, après ces mots, celui du poivre, lifez : Le poivrier eft un arbriffeau dont la racine eft fibreufe & noiratre. Sa dge, farmenteufe & flexible comme celle de la vigne, a befoin pour s'élever d'un arbre ou d'un échalas. Elle eft rameufe, garnie de nceuds, de chacun defquels part une feuille ovale, aiguë, très-lifïè, & marquée de cinq nervures, dont 1'odeur eft forte, & le gout piquant. Vers le milieu des rameaux, & plus fouvent aux extrêmités, l'on  < A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. ï95 voit de petites grappes femblables si celles du grofeiller, qui portent environ trente fleurs, com» pofées de deux étamines & d'un piftil. Le fruit qui fuccede eft d'abord vert, puis rouge, de la groffeur d'un pois. On le cueille communément en Oétobre, quatre mois après la floraifon, & on 1'expofe pendant fept ou huit jours au foleil. La couleur noire qu'il acquiert alors, lui a fait donner le nom de poivre noir. On le rend blanc en le dépouillant de fa pellicule extérieure. Le plus gros, le plus pefant & le moins ridé , eft le meilieur. Le poivrier fe plaitdans les ifles de Java , &c. Page 442, après ces mots, ou peu de chofe, lifez : Le Canara, contrée limitrophe du Malabar proprement dit, s'eft fucceffivement accru des Provinces d'Onor, de Baticala, de Bandel & de Cananor; ce qui lui a donné une affez grande étendue. II eft très-fertile, & furtout en riz. C'étoit autrefois 1'Etat le plus florifTant de ces contrées : mais il déclina, lorfque fon Souverain fe vit forcé de donner tous les ans douze a treize cents mille francs aux Marattes fes voifins, pour garantir le Royaume de leurs brigandages. Sa décadence a augmenté encore, depuis qu'Ayder-Alikan en eft devenu Ie maitre. Mangalor, qui lui fert de port, a déchu dans les mêmes proportions. Les navigateurs étrangers Pont moins fréqutnté; & paree N %  XVIII. Hiftoire des pirates Angria, 196 SUPPLÉMENTS que les denrées n'y étoient plus auffi nbondantes, & paree que la multiplicicé des droits en augmentoit exceffivement le prix. Cependant les mceurs font reftées auffi corrompues qu'elles 1'avoient été de temps immémorial. Le Canara eft toujours en pofleffion de fournir les courtifanes les plus voluptueufes, & les plus belles danfeufes de tout 1'Indoftan. Le commerce qui fit fortir Venife, &c. Page 443, après ces mots, qui forment fon port, lifez : Au Nord de Goa, les Marattes, maïtres de quelques poftes fur les rivages de la mer, infeftoient eet océan de leurs brigandages. Cette piraterie offenfa vivement le Mogol qui venoit d'aflèrvir les parties feptentrionales de la cöte. Pour protéger la navigation de fes fujets, il créa une flotte, principalement deftinées a réprimer eet efprit de rapine. A cette époque, les deux Puiflances fe heurterent. Dans ces combats journaliers & fanglants, le Maratte Conagy Angria montra des talents fi diftingués, qu'on lui déféra la direélion des forces maritimes de fa nation , & bientöt après le gouvernement de 1'importante fortereflè de Swerndroog, bdtie fur une petite ifle, a peu de diftance du continent. Cet homme extraordinaire n'avoit vaincu que pour lui. II fit adopter fon plan d'indépendance par les compagnons de fes victoires, & avec leurs fecours s'empara des navires qu'il avoit fi long-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 197, temps & fi heureufement commandés. Les efforts qu'on fit pour le faire rentrer dans la foumiflion furent impuiflants. L'attrait du pillage & la réputation de fa générofité attirerent même un fi grand nombre d'intrépides aventuriers autour de lui, qu'il lui fut facile de devenir conquérant. Son empire s'étendit fur la cöte, depuis Tamana jufqu'a Rajapour ou quarante lieues; & dans les terres, vingt ou trente milles, felon la difpofition des lieux & la facilité de la défenfe. Cependant il dut fes plus grands fuccès & toute fa renommée a des opérations navales, qui furent continuées avec la même activité, la même bravoure & la même intelligence par les hériciers de fon nom & de fes Etats. Ces corfaires n'attaquoient d'abord que les navires Indiens, Maures ou Arabes qui n'avoient pas acheté d'eux un paflê-port. Avec le temps, ils infulterent le pavillon des Européens, qui fe virent réduits a ne plus naviguer que fous convoi. Cette précaution étoit très-difpendieufe, & fe trouva infuffifante. Les vaiflèaux d'efcorce furent fouvent aflaillis eux:mêmes, & plufieurs fois enlevés a 1'abordage. Ces déprédations avoient duré cinquante ans, lorfqu'en 1722 les Anglois joignirent leurs forces a celles des Portugais, contre ces pirates. On réfolut, de concert, de détruire, &c. Page 446, après ces mots, les Provinces qu'il N 3  i*>8 SUPPLÉMENTS a conquifes, lifez : Déja s'eft amélioré le fort des lieux qui furent fi long-temps écrafés par la tyrannie des Portugais, & qui ont fucceflivement groffi fon domaine. Sa conduite efl: bien différente fur les mers voifines. Non - feulement il y pille les batiments trop foibles pour lui réfifler; mais il .accorde encore des afyles aux pirates étrangers qui confentent a partager avec lui leurs prifes. Surate fut long-temps le feul port, &c. Page 447, après ces mots, en force des inurailles , lifez : Des négociants qui fe voyoient tous les jours a la veille d'être dépouillés de leur fortune, appellerent les Anglois a leurs fecours en 1759, & les aiderent a s'emparer de la citadelle. L'avantage de Ia tenir fous leur garde, ainfi que 1'exercice de 1'amirauté, furent aflurés aux conquérants par la Cour de Delhy, avec le revenu attaché aux deux poftes. Cette révolution rendit quelque calme k Surate & a fon Nabab, mais en les mettant dans une dépendance abfolue de la force qu'on avoit invoquée. Ce fuccès étendit 1'ambition des 8gents de la compagnie Angloife. Ceux d'entre eux qui conduifoient les affaires au Malabar étoient rongés d'un dépit fecret de n'avoir eu aucune part aux fortunes immenfes qui s'étoient faites au Covomandel & dans le Bengale. Leurs avides re-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 199 gards, qui, depuis long-temps, fe portoient de tous les cötés, s'arrêterent enfin en 1771 fur Barokia, grande ville fituée k trente-cinq milles de 1'embouchure de la riviere de Nerbedals, qui fe jecte dans le golfe de Cambaie, & trésanciennement célebre par la richefle de fon fol, & par 1'abondance de fes manufactures. Les navires, même marchands, n'y peuvent monter, qu'avec le fecours de la marée, ni en defcendre qu'au temps du reflux. Cinq cents blancs & mille noirs partirent de Bombay, pour s'emparer de la place, fous les prétextes les plus frivoles. L'expédition échoua par 1'incapacité du chef qui en étoit chargé, Elle fut reprife 1'année fuivante. Les afliégés, enhardis par un premier fuccès, & peut-être encore plus par une ancienne tradition qui leur promettoit que leur ville ne feroit jamais prife, fe défendirent aflez long-temps; mais a la fin leurs murailles furent emportées d'aflaut. Durant tout le fiege, la mere du Nabab n'avoit pas quitté fon fils, bravant comme lui le ravage du canon & des bombes. Ils fortirent enfemble de la place, lorfqu'elle ne fut plus tenable. On les pourfuivoit. Allez, dit cette héroïque femme au compagnon de fa fuite, alkz chercher un afyle & des fecours chez vos alliés; je retarderai la marche de nos ennemis, <£? leur échapperai peut-être. Se voyant ferrée de N 4  3oo SUPPLÉMENT S trop prés, on lui vit prendre le parti fi ordinaire dans 1'Indoftan aux perfonnes de fon fexe qui ont confervé leur poignard : elle fe perca le cceur pour éviter de porter des fers, Son fils ne lui f irvécut que peu. Avant fondéfaftre, ce Prince étoit obligé de donner aux Marattes les dixiemes de fon revenu qui ; e paflbit pas 1,680,000 liv. C'étoit comme poifefleursd'Amed-Abad, capitale du Guzurate; que ces barbares exigeoient un fi grand tribur. Les Anglois ne fe refuferent pas feulement a cette humiliation :ils voulurent aufli exercer des droits fur la Province entiere. Des prétentiona fi oppofées furent une femence de difcorde. Tout fut pacifié en 1776 par un traité qui régla que les anciens ufurpateurs conferveroient leurs con-* quêtes; mais que les nouveaux auroient la jouik fancelibre de Barokia, & qu'on ajouteroit h fon territoire un territoire dont les impofitions rendroient 720,000 livres. Les Marattes paroifioient alors dans une fitua* tion qui ne leür permettoit pas d'efpérer un arrangement fi favorable. L'union de ces brigands n'avoit jamais été altérée. Cette concorde leur avoit sfiuré une fupériorité décidée fur les autres Puiflances del'Indoftan, perpétuellement agitées par des troub'es domeftiques. Leurs premières divifions éclaterert en 1773. Le frere & le fils de leur dernier chef fe difputerent 1'Empire, &  A L'HIST. PH1L0SÖPHIQUE. 201 les fujets divifés prirent tous parti, fuivant leurs inclinations ou leurs intéréts. Durant le cours de cette guerre civile, le Souba du Décan fe remit en poflèflion des Provinces que le malheur des temps l'avoit forcé d'abandonner a ces barbares. Hayder-Alikan s'appropria la partie de leur territoire qui étoit le plus a fa bienféance. Les Anglois jugeient la circonftance favorable pour s'emparer de Salfete, dont les Marattes avoit chafle les Portugais en 1740. La conquête de cette ifle fe trouva moins aifée qu'on ne l'avoit efpéré. La citadelle de Tanah, qui en faifoit toute la force, fut défendue avec une intelligence, une opiniatreté inconnue dans ces contrées. Sommé de fe rendre, le Gouverneur, agé de quatre-vingt-douze ans, répondit fiérement : Je tiai pas été envoyé pour cela; & il redoubla d'aétivité & de courage. Ce ne fut qu'après qu'il eut été tué; qu'après que fes braves compagnons eurent foutenu un aflaut très-meurtrier depuis fa mort, que les troupes Britanniques entrerent dans la place le 28 Décembre 1774. Alors feulement le vainqueur fe trouva le maitre d'un territoire, qui, a la vérité, n'a que vingt milles de long fur quinze milles de large; mais qui eft un des plus peuplés, des plus fertiles de lAfie. Au centre eft la montagne de Keneri, N 5 XXI. Defcription Je l'ifle de ïalfete.  202 SUPPLÉMENTS XXTI. Defcription «le l'ifle de Bombay. Son état actuel 9c fon iraportance. remplie d'excavations vaftes & profondes, toutes pratiquées dans le roe vif. Ce font des pagodes, rangées ordinairement de fuite, mais quelquefois placées les unes au-deffus des autres. Des figures & des inferiptions taillées ou gravées fur la pierre les ornent le plus fouvenc. On retrouve les mêmes fingularités dans l'ifle d'Elephante, voifine de Salfete. Des ouvrages fi étonnants ont été 1'origine de beaucoup de fables. Le vulgaire croit qu'ils furent exécutés, il y a cinq cents mille ans, par des divinités d'un ordre inférieur. Quelques Bra« mes en font 1'honneur au grand Alexandre, qu'ils fe plaifent a décorer de tout ce qui leur paroit au-deflus des forces naturelles de 1'homme. II eft raifonnable d'efpérer que les Anglois, auxquels nous devons déja tant de lumieres fur 1'Afie, n'oublieront rien pour arriver k 1'intelligence de ces monuments qui peuvent jetter un fi grand jour fur 1'hiftoire & fur la religion des Indes. Ces foins leur feront d'autant plus faciles, que Salfete n'eft féparée de Bombay que par un canal très-érroit. Cette ifle, qui n'a guere que vingt ou vingtcinq milles decirconférence, fut aflèz long-temps un objet d'horreur. Perfonne ne vouloit fe fixer fur un terrein fi mal-fain, qu'il étoit palfé en proverbe, que deux moujjbns a Bombay étoient la vie d'un homme. Les campagnes étoient alors  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 203 remplies de bambous & de cocociers; c'étoic sivec du poiflbn pourri qu'on fumoit les arbres; des marais infecls corrompoienc les cótes. Ces principes de deftruétion auroient fans doute dégoüté les Anglois de leurs colonies, s'üs n'y avoient été retenus par le meilleur port de 1'Indoftan, & le feul qui, avec celui de Goa, puiffè recevoir des vaiflèaux de ligne. Un avantage fi particulier leur fit defirer de pouvoir donner de la falubrité a 1'air, & l'on y réuflït affez aifément, en ouvrant le pays, & en procurant de 1'écoulement aux eaux. Alors fe porterent en foule dans eet établiffèment, les habitants des contrées voifines, atcirésparla douceur du gouvernement. Jettez un coup d'ceil fur le globe depuis 1'origine des temps hifloriques, & vous verrez; les hommes pourfuivis par le malheur, s'arrêtant oü il leur eft permis de refpirer. N'eft-il pas furprenant que la généralité & la conftance de ce phénomene n'ayant pas encore appris aux maïcres de la terre, que 1'unique moyen ide prévenir les émigrations, c'eft de faire jouir •leurs fujets d'une fituation affez douce pour les fixer dans la région qui les a vu naïtre? On compte aétuellement a Bombay prés de cent mille habitants, dont fept k huit mille font matelots. Quelques manufaclures de foie & de coton en occupent un petit nombre. Comme les grandes produétions ne pouvoient pas prof-  £o4 SUPPLÉMENTS pérer fur un roe vif, oü le fol a peu de profondeur, la multitude a tourné fes foins vers la culture d'un excellent oignon, qui, avec le poilfon qu'on fait fécher, efl: avantageufement vendu dans les marchés les plus éloignés. Ces travaux ne s'exécutent pas avec 1'indolence fi générale fous un ciel ardent. L'Indien s'eft montré fufceptible d'émulation; & fon caraétere a été changé, en quelque forte, par 1'exemple des infatigables Parfis. Ces derniers ne font pas uniquement pêcheurs & agriculteurs. La conftruclion, 1'équipement, 1'expédition des navires : tout ce qui concerne la rade ou la navigation , efl: confié a leur aftivité, a leur in» duftrie. Avant 1759 , les batiments expédiés d'Europe pour la mer Rouge, le golfe Perfique & le Malabar , abordoient généralement aux cótes oü ils devoient dépofer leur argent & leurs marchandifes, oü ils devoienc trouver leur chargement. A cette époque, tous fe font rendus, tout fe font arrêtés a Bombay, oü l'on réunit, fans fraix, les produétions des contrées voifines, depuis que la compagnie Angloife, revêtue de la dignité d'Amiral du Grand-Mogol, eft obligée d'avoir une marine, & une marine aflèz nombreufè dans ces parages. C'étoit une néceffité que, dans un pareil entrepot , les chanders, les navires & les négo-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 205 ciants fe multipliaflènt. Auffi l'ifle s'eft-elle affez rapidement emparée de touce la navigation & d'une grande partie du commerce que Surate, que les autres marchés voifins avoient fait jufqu'alors dans les mers d'Afie. U falloit donner de la ftabilicé ï ces avanta» ges. Pour y parvenir, ona entouré de fortifications le port qui efl le mobile de tant d'opérations, & oü doivent fe radouber les efcadres envoyées par la Grande-Bretagne, fur 1'Océan Indien. Ces ouvrages font folidement conflruits, & n'ont, dit-on, d'autre défaut que d'être trop étendus. Ils ont pour défenfeurs douze cents Européens & un beaucoup plus grand nombre de troupes Afiatiques. En 1773 , le revenu de toutes les dépendances de Bombay montoit a 13,607,212 liv; 10 f., & leurs dépenfes k 12,711,150 liv. La fituation de ces trop nombreufes colonies a été fürement améliorée depuis cette époque; mais nous ne faurions affigner le terme de ces économies. Les pofTeffions des Anglois &' des Marattes dans le Malabar, font trop mêlées; leurs intéréts trop oppofés, & leurs prétentions trop vaftes, pour qu'un peu plutöt, un peu plus tard, les deux nations ne mefurent leurs forces. On ne peut pas dire a laquelle des deux Puiflances la vi&oire reftera. Cet événement dé-  200* SUPPLÉMENTS xxni. Etat de la cöte de Coromandel a 1'arrivée des Européens. pendra des circonftances oü elles fe trouveront, des alliances qu'elles auronc formées, & principalement des hommes d'Etat qui dirigeronc leur politique , des Généraux qui commanderont leurs armées. Voyons fi la tranquillicé efl: mieux établies fur les cöres de Coromandel & d'Orixa , qui s'étendenc depuis le cap Comorin, jufqu'au Gange. Les Géographes & les Hiftoriens diflinguenc toujours ces deux contrées limitrophes, occupées par des peuples dont les habitudes & les monnoies ne fe reflèmblent point. Ils different auffi par le langage. Ceux d'Orixa ont un idiöme particulier, tandis que leurs voifins parient généralement le Malabare. Cependant, comme le commerce qui fe fait dans ces régions, efl: kpeu-près le même, & qu'il s'y fait de la même maniere, nous le défignerons fous 1'unique nom de Coromandel. Les deux cótes ont d'autres traits de reflêmblance. Sur 1'une & 1'autre, les chaleurs font très-vives: mais, depuis le commencement de Juin jufqu'au milieu d'Oélobre, les vents de mer qui s'élevent h dix heures du matin, & qui foufflent jufque vers dix heures du foir, rendent le climat fupportable. II efl: encore plus rafraichi dans les mois de Juillet, & fur-tout de Novembre, par des pluies qu'on peut dire continuelles. Cette immenfe plage efl: couverte, dans 1'ef-  A LTIIST. PHILOSOPHIQUE. 207 pace d'environ un mille, d'un fable touc-k-faic ftérile, oü viennent fe brifer avec violence les vagues de 1'Océan Indien. II n'y abordoit autrefois que des canots formés de planches légeres jointes, &, pour ainfi dire, coufues avec du kaire. Les premiers Européens qui aborderent a ces rivages, voulurent employer des tö> timents plus grands & plus folides. Des malheurs répétés les guérirent de leur préfomption. Ils comprirenc, avec le temps, que rien n'étoit plus raifonnable que de fe conformer k une pratique, qui ne leur avoit d'abord paru digne que d'un peuple fans lumieres & fans expérience. Plufieurs raifons firent d'abord négliger, &c. Page 461, après ces mots, des avances aux ouvriers, lifez : De les furveiller pour Ia füreté de ces fonds, & d'en diminuer fucceffivemenc la maffe, en retirant des atteliers tout ce qui efl fini. Sans ces précautions, 1'Europe ne recevroit jamais ce qu'elle demande. Les tifïèrands fabriquent, a la vérité, pour leur compte ce qui fert k la confommation intérieure. Ces entreprifes qui n'exigent qu'un foible capital, & un capital qui rentre toutes les femaines, font rarement au deffus des facultés du plus grand nombre : mais peu d'entre eux ont des moyens fuffifants pour exécuter fans fecours les toiles fines deftinées k 1'exportation; & ceux qui le pourroient ne fe  êö8 SUPPLÉMENTS le permettroient pas, dans la crainte bienfon* dée des exaclions erop ordinaires fous un Gouvernement fi oppreffeur. Les compagnies qui ont de la fortune, &c. Page \66 , après ces mots, plufieurs établife fements, lifez : Divicoté fe préfente le premier. Ce fut le Colonel Lawence qui s'en empara en 1749. Des confidérations politiques déterminerenc le Roi de Tanjaor a céder ce qu'on lui avoit pris, & a y ajouter un territoire de trois milles de circonférence. La place paffa en 1758 fous la domination Frarcoife; mais pour rentrer bientót après, fans fortifications, fous le joug des premiers conquérants. Ils fe flattoient d'en faire un pofte important. C'étoit une opinion affez généralement recue que le Colram, qui baigne fes murs, pouvoit être mis en état de recevoir de grands vaiflèaux. La cöte de Coromandel rt'auroit plus été fans port; & la puiflance en poffeffion de la feule rade qui s'y feroit trouvée, auroit eu un puiffant moyen de guerre & de commerce dont auroient été privées les nations ri* vales. II faut que des obftacles imprévus ayent rendu le projet impraticable, puifque ce pofte a été abandonné & remis a un fermier pour une re* devancedequarante-cinq a cinquante mille livres. Les Anglois acheterent, en 1686, &c. Page 468, après ces mots, d'un autre gén* fe, lifez ; Cette ville, fituée a 1'embouchtire du Krifna,  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 209 Krifna,fertde port aux Provinces qui formoienc autrefois le Royaume de Golconde, & k d'autres contrées avec qui elle entretient un commerce facile par de très-beaux chemins & par la riviere. C'étoit anciennement le marché le plus actif, le plus peuplé, le plus riche de 1'Indoftan. Les grands établiflèments que formerent fucceffivement les Européens fur la cöte de Coromandel , lui firent beaucoup perdre de fon importance. II parut poflible aux Francois de lui re. donner quelque chofe de fon premier éclat, & ils s'en rendirent les maitres en 1750. Neuf ans après, elle palTa de leurs mains dans celle de 1'Angleterre, qui en eft encore en poflèflion. Ces derniers Souverains n'ont pas réuffi,& ne réufliront jamais a rendre Mazulipatuam ce qu'il étoit très-anciennement: mais leurs efforts n'ont pas été tout-a-fak perdus. Comme les plantes qui fervent a la teinture des toiles font plus abondantes & de meilleure qualité fur fon territoite que par-tout ailleurs, on eft parvenu k reffufciter quelques manufaclures, & h. en étendre d'autres. Cependant cette acquifition fera toujours moins utile aux Anglois par les marchandifes qu'ils y acheteront, que par celles qu'ils y pourront vendre. De temps immémorial, les peuples de 1'intérieur venoient en caravanes fe pourvoir de fel fur cette cöte. Ils y accourent aujourd'bui de plus loin & en plus grand nombre que- ja Suppl. Tornt L O  «io SUPPLÉMENTS mais, & emportent, avec cette denree d'abfoiue néceffité, beaucoup de lainages, beaucoup d'autres ouvrages de 1'induilrie Européenne. Ce mouvement , qui a procuré aux douanes une augmentation confidérable , croitra néceflairement, a moins qu'il re foit arrêcé par quelqu'une de ces révolutions qui changent fi fouvent & fi cruellement la face de cette riche partie du globe. La Grande-Bretagney potTede encore les Provinces de Condavk, de Moutafanagar, d'Elour, de Ragimendri & de Chicakol, qui setendent fix cents milles fur la cöte, & qui s'enfoncent depuis trente jufqu'hquatre-vingt-dix milles dans; les terres. Les Francois, qui fe les étoient fait céder durant leur courte profpérité, les perdirent a 1'époque de leurs imprudences & de leurs malr heurs. Elles redevinrent, mais pour peu de temps , une portion de la Soubabie du Décan, dont on les avoit comme arrachées. En 1766, il fallut les céder aux Anglois, dontl'infatiable ambitioa étok foutenue par des intrigues adrokementcon>duites , 6c par des forces redoutables. On refpecls les colonies que les nations rivales avoient formées dans ce grand efpace :. mais Vizagapatnara & les autres comptoirs du peuple dominateur, recurent une activité nouvelle,. & on enaugmenta le nombre. Le pays fortit un peu de 1'état d'anarchie oü une foule de petits tyrans le tenoient plongé. II donne 9,000,000 livres de revenu ,  A L'ffiST. PHÏLOSOPI-IIQÜE. m donton ne rend que 2,025,000 livres au Princ® fndien qui en a écé dépouillé. Ses exportations font aétuellement cinq fois plus Confidérables qu'elles ne 1'étoient il y a dix années. La mafte du travail augmente k mefure que les Zémindars, qui n'étoient originairement que des fermiers, font dépouillés de 1'autorité abfolue qu'ils avoienc ufurpée durant les troublesde leur patrie; h mefure qu'on les réduit a 1'impoffibilité de fe faire mutuellement la guerre; a mefure que les difixiéts foumis a leur jurifdiétion fouffrent moins de leurs vexations. Les profpérités feroient plus rapides & plus éclatantes, fi le Gouvernement Anglois vouloit préferver des inondacions du Krifna & du Guadavery un territoire immenfe qu'ils couvrent fix mois de 1'année; fi ces eaux étoient fagement diftribuées pour 1'arrofement des campagnes; fi ces deux fieuves étoient joints par un canal de navigation. Les anciens Indiens eurent 1'idée de ces travaux. Peutêtre même furent-ilscommencés. Les genséclairés les jugent au moins peu difpendieux & tréspraticables. Mais combien feroit vainPefpoir de cette amé* lioration! on ne craindra pas d'être accufé d'in* juftice en foupconnant que la compagnie s'oO cupe bien davantage de Pacquifition de 1'Orixa, Province qui s'étend, fur les bords de la mer, depuis fes pofieffions de Golconde jufqu'aux riO 3  sis SUPPLÉMENTS ves du Gange, qui lui font également foumifes. Avant 1736, cette contrée faifoit partie du Bengale. A cette époque, les Marattes s'en emparerent, & en font encore les maïtres. Ils refpeclerent les comptoirs Européens, & s'établirent dans 1'intérieur des terres. C'efl: Naagapour qui efl: leur capitale. Quarante mille chevaux compofent leurs forces militaires. Leurs peuples s'occupent fpécialement a filer du coton qu'ils* vont vendre fur la cöte. Un fi grand démembrement du riche Empire qu'ils ont conquis dans cette partie du globe, déplait aux Anglois, & leur ambition eft de 1'y rejoindre. Quoi qu'il en foit, les marchandifes achetées ou fabriquées dans les établiflèments formés par cette nation entre le cap Comorin & le Gange, font toutes réunies h Madras. Cette ville fut batie il y a plus d'unfiecle, par Guillaume Langhorne, dans le pays d'Arcate& fur le bord de la mer. Comme il la pla§a dans un terrein fablonneux, tout-a-fait aride, & entiérement privé d'eau potable, qu'il faut aller puifer a plus d'un mille, on chercha les raifons qui pouvoient 1'avoir déterminé a ce mauvais choix. Ses amis prétendirent qu'il avoit efpéré, ce qui eft en effet arrivé, d'attirer a lui tout le commerce de Saint-Thomé; & fes ennemis 1'accuferent de n'avoir pas voulu s'éloigner d'une  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 213 maitreflè qu'il avoit dans cette colonie Portugaife. Madras efl: divifé en ville blanche & en ville noire. La première, plus connue en Europe fous le nom de Fort Saint-George, n'eft habitée que par les Anglois. Elle n'eut pendant longtemps que peu & de mauvaifes fortifications : mais on y a ajouté depuis peu des ouvrages confidérables. La ville noire, autrefois entiérement ouverte, a été, après 1767, entourée d'une bonne muraille & d'un large fofie rempli d'eau. Cette précaution & la ruine de Pondichery y ont réuni trois cents mille hommes, Juifs, Arméniens, Maures ou Indiens. A un mille dece grand établiflement eftChepauk, oü la Cour du Nabab d'Arcate eft fixée depuis 1769. Le territoire de Madras n'étoit rien anciennement. II s'étend actuellement cinquante milles a 1'Oueft, cinquante milles au Nord, & cinquante milles au Sud. On voit fur ce vafte efpace des manufactures confidérables qui augmentent chaque jour, des cultures aflèz variées qui deviennent de jour en jour plus floriflantes. Ces travaux occupent cent mille ames. Ces conceflions furent le prix dü plan que les Anglois avoient formé de donner le Carnate a Mamet-Alikan, descombats qu'ils avoient livrés pour le maintenir dans le pofte oü ils Pavoient O 3  514 SUPPLÉMENTS élevé, du bonheur qu'ils avoient eu de détruire la puitTance Francoife, toujours difpolee a renverfer leur ouvrage. L'heureux Nabab ne tarda pas h recueillir Ie fruit de fa reconnoiffance. Pour leur intérêc & pour le fien, fes proteéteurs entreprirent de reculer les bornes de fon autorité & de fes Etats. Avant que le Gouvernement Mogol eüt dégénéré en anarchie, plufieurs PrincesIndiens,plufieurs Princes Maures devoient faire paffèr leurs tributs au Carnate, qui lui-même devoit les verfer dans le tréfor de 1'Empire. Depuis que tous les reflbrts s'étoient relachés, cette doublé obligacion n'étoit plus remplie. Les Anglois affermirent 1'indépendance du pays qu'ils regardoient comme leur apanage : mais ils voulurent que les Provinces qui lui avoient été fubordonnées rentrafiènt dans leurs premiers liens. Les plus foibles obéirent. D'autres plus puiffantes oferenc réfifter. Elles furent aflèrvies. Ces moyens réunisont formék Mamet-Alikan une domination très-étendue & un revenu de 31,500,000 livres. II ne cede de cette fomme que 9,000,000 livres aux Anglois, chargés de la défenfe de fes forterefles & de fes Etats; de forte qu'il lui refte 22,500,000 livres pour fes dépenfes perfonnelles & pour fon gouvernement civil. La compagnie Angloife avoit fur la cöte de  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 215 Coromandel des polTeffions précieufes, dix-huit mille Cipayes bien difciplinés, & trois milie cinq cents hommes de troupes blanches. Elle difpofoit librement de toutes les forces du Carnate. La feule nation Européenne qui auroit pu lui donner de 1'ombrage, étoit écrafée. La jouiffance paifible de tant d'avantages lui paroiflbit affurée, lorfqu'en 1767, elle fe vit attaquée par Ayder-Alikan, foldat de fortune, qui, après avoir appris de nous Part militaire, avoit fait de grandes conquêtes, & s'étoit rendu maitre du Mayffor. Cet aventurier, hardi & actif, a la tête de la meilleure armée qu'eüt jamais commandée un Général Indien, entra frérement dans les contrées que la valeur Britannique étoit chnrgée de défendre. La guerre fe tourna en rufes, comme Ie vouloic ce génie artificieux. L'expérience lui ayant appris a -redouter 1'infanterie & Partillerie deftinées a Ie combattre, il fe refufa le plus qu'il lui fut pofllble a des aéiions régulieres , & fe contenta de röder autour de fon ennemi, de Ie harceler, d'enlever fes fourrageurs, de lui couper les vivres; tandis que fa cavalerie ravageoit les campagnes , pilloitles Provinces, portoit la défolation jufqu'aux portes de Madras. Ces calamités firent defirer aux Anglois un accommodement, & ils réuffirent a 1'obtenir après deux ans d'une guerre deftruétive & peu honorable. Depuis cette époque, la compagnie aeu pour O 4  ai6 SUPPLÉMENTS XXVI. Etabliffemerit Anglois dans l'ifle de Sumatra. i t . J 3 principe d'empêcher qu'Ayder-Aliknn, les Marattes, & le Souba du Décan, les trois principales Puiflances de la péninfule, ne fiflènt des conquêtes , ou ne formaflènt entre elles une union étroite. Tant que cette politique luiréuflira, elle confervera fa prépondérance fur la cöte de Coromandel : mais il lui faudra augmenter fon revenu, qui, en 1773, ne s'élevoit pas au-deflus de 24,196,680 livres, ou diminuer fes dépenfes, qui, k la même époque, étoient de 26,397,585 livres. Ce ne fera qu'après ce changement qu'elle fera en état de protégerefficacement fes établiflèments de Sumatra. Quoique cette ifle très-étendue eüt vu fes rades fréquentées par les Anglois depuis leur arrivée aux Indes, ce ne fut qu'en 1688 qu'elle regut une colonie de cette nation. Les navigateurs, expédiés de Madras, avoient ordre de placer Ie comptoir k Indapoura, la partie du pays la plus abondante en or; mais le deflin en décida autrement. Les vents ayant poufle les navires k Bencouli, on jugea devoir s'y fixer. Les deux peuples firent d'abord leurs échan*es avec beaucoup de franchife & de confiance. Zette harmonie ne dura pas long-temps. Bienöt les agents de la compagnie fe livrerent a :et efprit de rapine & de tyrannie que les Luropéens portent fi généralement en Afie. )es nuages s'óleverent entre eux & les naturels  A LTIIST. PHILOSOPHIQUB. 217 du pays. Ils groffirent peu-h-peu. L'animofité étoit déja extréme,lorfqu'on vit fortir comme de deffous terre, ï deux lieues de la ville, les fondements d'une fortereffe. A eet afpeft, les habitants de Bencouli prennent les armes. Toute la contrée fe joint a eux. Les magafins font brulés, & les Anglois réduits a s'embarquer précipicamment. Leur profcription ne fut pas longue. On les rappella; & ils tirerent de leur défaflxe 1'avantage d'achever fans contradiclion le fort Marlborough. Leur tranquillité n'y fut plus troublée jufqu'en 1759. A cette époque, les Francois le prirent & le détruifirent avec tous les batiments civils & militaires. Le butin fut trés-peu de chofe, paree que tout ce qui pouvoit être de quelque valeur avoit été détourné h temps. Avant même la fin des hoftilités, les Anglois rentrerent dans cette pofleflïon; mais ils n'en releverent pas les ouvrages. Alors le fort Marlborough fortit de la dépendance oü il avoit été jufqu'alors de Madras, & forma une direction particuliere. Les Chinois, les Malais & les efclaves amenés du Mozambique, forment la population de 1'établiffement Anglois. Quatre cents Européens & quelques Cipayes ledéfendent. Tout le commerce qui s'y fait, apparcient aux négociants libres , k 1'exception de celui du poivre. La compagnie en tire annuellement quinze cents tonO 5  ai6 SUPPLÉMENT S XXVII. Vues des Anglois fur Balambangan. Leur expulfionde cette ifle. neaux, qu'elle obtient h un prix exceflivement borné. La moitié de ce produic eft porté dans la Grande-Bretagne par un feul batiment; le refte s'embarque fur deux navires expédiés d'Europe qui le portent a la Chine, oü on le vend avec avantage. En 1773, le revenu de ce comptoir s'élevoit a 4,982,895 liv., & fes dépenfes h 3,165,480 livres. Cette colonie n'eft pas jugée affez utile. Auffi devoit-elle être abandonnée, mais feulement après le fuccès d'un grand projet qu'on méditoit. Depuis long-temps, les Anglois defiroient une poffèflion qui put devenir un entrepot, oü les marchandifes, les denrées de la Chine & des ifles Orientales feroient échangées contre les denrées , les marchandifes de 1'Indoftan & de 1'Europe. Leur plan écoit d'en faire le marché le plus confidérable de 1'Afie. L'ifle de Balambangan, fituée k la pointe feptentrionale de Bornéo , leur parut propre a remplir leurs vues; & le Roi de Solon la leur abandonna en 1766. lis yarborerent leur pavillon 1'année fuivante; mais ce ne tut qu'en 1772 qu'ils formerent leur établiffement. Quelques commis, trois cents foldats blancs ou noirs, un vaifleau & deux petits batiments: tels furent les premiers matériaux d'un édifice qui devoit, avec le temps, s'élever k une hauteur immenfe. Malheureufement les chefs fe brouil-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. aio krent; le peu de troupes qui avoit échappé a des maladies deftruétives fut trop difperfé; les navires allerent ouvrir le commerce avec les Etats voifins. Dans ces circonftances facheufes, le nouveau comptoir fut attaqué, pris & détruit. Les Anglois ignorent encore, ou feignenc d'ignorer d'oü vint un acte de violence qui leur coüta 9,000,000 livres. Leurs foupcons ontparu fe porter fucceffivement furies Hollandois, toujours allarmés pour les Moluques ; fur les Efpagnols, qui pouvoient craindre pour les Philippines; fur les Barbares des parages voifins, dont la liberté fembloit menacée : quelquefois même fur une confpiration de tous ces ennemis, qui avoient uni leurs haines & leurs intéréts. De quelque main que foit parti un trait inattendu, le mal n'eft pas fans remede. La nation Britannique pourra retrouver h Queda, fur une autre partie du continent de Malaca, ou dans quelqu'une des nombreufes ifles rópandues dans ce détroit, ce qu'elle a perdu a Balambangan. Si des obftacles trop puiflants rendoient encore une fois fes efforts inutiles, elle trsuveroit cent motifs de confolation dans le Bengale. ' Le Bengale eft une vafte contrée de 1'Afie, &c. Page 480, après ces mots, lorfqu'il le juge a propos, lifez : Leéteurs, dont les ames fenfibles viennent de s'épanouir de joie au récit des moeurs fimples & de la fageflè du Gouverne-  «o SUPPLÉMENTS ment de Bifhapore : vous qui, fadgués des vices & des défordres de votre contrée, vous êtes, fans doute, expatriés plus d'une fois par la penfée, pour devenir les cémoins de la vertu, & partager le bonheur de ce recoin du Bengale, c'elt avec regret que je vais peut-être détruire la plus douce des illufions, & répandre de 1'amertume dans vos cceurs. Mais la vérité m'y contraint. Hélas! ce Bifnapore & tout ce que je vous en ai raconté, pourroit bien n'être qu'une fable. Je vous entends. Vous vous écriez avec douleur: Une fable ? quoi! il n'y a donc que le mal qu'on dit de 1'homme qui foit vrai? II n'y a que fa mifere & fa méchanceté qui ne puiflènt être conteftées? Cet être, né pour la vertu, dont il s'efforceroit inutilement d'étouffer le germe qu'il en a recu, qu'il ne bleflè jamais fans remords, & qu'il efl: forcé de refpeéter lors même qu'elle 1'afflige ou 1'humilie, efl donc méchant par-tout? Cet être qui foupire fans ceflè après le bonheur, la bafe de fes vrais devoirs & de fa félicité, efl: donc malheureux par-tout? Par-tout il gémit fous des maitres impitoyables. Par-tout il tourmente fes égaux, & il en efl: tourmenté. Partout 1'éducation le corrompt, & le préjugél'empoifonne en naiflant. Par-tout il efl: livré a 1'ambition, a 1'amour de la gloire, a la paffion de Por, aux mêmes bourreaux qui fe relaient pour  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 2,21 nous déchirer; nous, leurs triftes viclimes, qu'elles n'abandonnent qu'au bord du tombeau. Quoi! le crime s'eft emparé de toute la terre. Ah! laiffez du moins h 1'innocence cette étroite enceinte fur laquelle vous avez attaché nos regards, & que notre imagination, franchiüant 1'intervalle immenfe qui nous en fépare, fe plaifoit k parcourir. La peine que vous avez éprouvée, je Pai renende, Lecteur. Vos réflexions, je les ai faites, lorfque je me fuis trouvé entre deux autotorités prefque d'un poids égal, 1'une pour, 1'auïre contre Pexiftence du Bifnapore. Nous avons en notre faveur le témoignage d'un voyageur Anglois, qui a demeuré trente ans dans le Bengale. Le témoignage oppofé eft d'un voyageur de la même nation, qui a fait auffi un féjour aflèz long dans cette contrée. Voyez, choififlèz. Quoique le refte du Bengale foit bien éloigné de la félicité réelle ou fabuleufe du Bifnapore, il ne laifle pas d'être la Province la plus riche & la plus peuplée de 1'Empire Mogol. Indépendamment de fes confommations, &c. Page 485, après ces mots, aux naturels du pays, lifez: Les Bengalis fe font vus ravir toutes les autres par les Européens, & il étoit impoffible que ce fut autrement. Comment un peu'ple foible, circonfped, opprimé, ne voguant que lentement, le long des cótes, avec de trés- xxx. Produftion j manufaftures, exportations du Bengale.  iaa SUPPLÉMENT S- petits batiments, auroic-il pu lutter avec fuccès contre ces étrangers, d'un caraftere entreprenant, jouiffant des prérogatives particulieres dans le Gange même & fur toutes les autres plages, bravant 1'élément des tempêtes fur de grands vaiflèaux? Mais dans une région qui refufe généralement ce qu'exige la conftruclion des navires, quelles reffources a-t-on imaginées? les chantiers du Pégu. Le Pégu efl fitué fur le golfe, &c. Page 485, après ces mots, la dépendance d'Ava, lifez : Oü les Arméniens feuls achetent touc ce que le Pégu fournit de topazes, de faphirs, d'amétiftes & de rubis. Le feul port du Pégu oü il foit permis d'aborder, s'appelle Syriam. Les Portugais en furent aflèz long-temps les maitres. II avoit alors ün éclat qui difparut avec.les profpérités de cette nation brillante. On le vit fe ranimer, lorfque les Européens établis dans le Bengale imaginerenc d'y faire conftruire les nombreux batiments qu'exigeoit 1'étendue de leurs liaifons maritimes: mais les matériaux qui y étoient employés s'étant trouvés de mauvaife qualité, il fallut y renoncer, & la rade retomba encore dans 1'obfcurité. Tout s'y réduit aujourd'hui h Péchange de quelques toiles communes des rives du Gange ou de la cöte de Coromandel, contre de la cire, du bois, de 1'étain & de 1'ivoire.  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. A23 Une branche plus confidérable de commerce que les Européens de Bengale fonc avec le refte de 1'Inde, c'eft celui de 1'opium. L'opium eft le produic du pavoc blanc des jardins, dont touces les parcies rendenc un fuc laiceux. Cecce plance qui péric tous les ans, a des feuilles oblongues, finuées, de couleur de verd de mer, difpofées alternativement fur une dge liffe, peu rameufe, & de trois pieds de hauteur. Chaque rameau eft prefque nud, terminé par une feule fleur aflèz grande, compofée d'un calice k deux feuilles, quacre pétales blancs ou rofes, & beaucoup d'étamines atcachées fous le piftil qu'elles encourent. Celui-ci devient une coque ou tête fphérique, garnie d'un chapiteau rayonné, & rempli d'un nombre prodigieux de femences arrondies, blanches & huileufes. Lorfque le pavot eft dans la force de fa feve, &c. Page 287, après ces mots, ou il rend fisrieux, lifez ; Le méconium, ou opium corrrmun, fe prépare en exprimant les têces déja incifées. Le fuc qui en fort, mêlé avec les Jarmes les moins belles, eft pêtri, arrofé d'eau & figuré en pain que l'on apporte en Europe. Comme il eft fouvent mêlangé, on le purifie avant de 1'employer. La Province de Bahar eft le paj's de 1'uni-ters »ü le pavet eft le plus culdvé. Ses c«n?.pa-  224 SÜPPLÉMENTS gnes en font couvertes. Indépendamment de ï'opium qui va dans les terres, il en fort tous les ans par mer, fix cents mille livres pefant. Cet opium n'eft pas raffiné comme celui de Syrië & de Perfe, dont nous nous fervons en Europe. Ce n'eft qu'une pSte fans préparation , qui fait dix fois moins d'effet que 1'autre. Les peuples qui font a 1'Eft de 1'Inde, ont tous le gout le plus vif pour Ï'opium. Vainement les loix de la Chine ont condamné au feu, les vaiflèaux qui en porteroient dans 1'Empire , les maifons qui le recevroient; la confommation n'en a pas été moins forte. Elle eft encore plus confidérable a Malaca, a Bornéo, dans les Moluques, a Java, a Macaffar, a Sumatra, dans toutes les ifles de cet archipel immenfe. Ces Infulaires le fument avec le tabac. Ceux d'entre eux qui veulent tenter quelque aftion défefpérée , s'enivrent de cette fumée. Dans leur ivreffè, ils fe jettent fur le premier objec qui fe préfente, fur un homme qu'ils n'ont jamais vu, comme fur 1'ennemi le plus implacable. Ces atrocités n'ont pas convaincu les Hollandois , maïtres des lieux oü Ï'opium a de plus dangereufes influences, de 1'obligation d'en arrêter, ou même d'en borner 1'ufage. Plutóc que de fe priver du bénéfice très-confidérable que fa vente leur procuroit, ils ont autorifé tous les citoyens a maflacrer ceux de ces furieux qui  A L'HIST. FHILOSOPHIQUE. s»5 qui courróienc les mes avec des armes. Ainfi eertaines légiflations introduifent ou nourriflènt des paflions ou des opinions dangereufes; & quand on a donné ces maladies aux peuples, on ne fait d'autre remede que la mort ou les fupplices. Les Anglois, qui prennent k cet odieux commerce autant de part qu'il leur efl: poffible , ont d'autres branches qui leur font plus particulieres. Ils portent a la cóte de Coromandel du riz & du fucre, qui leur font payés avec des métaux. Ils portent au Malabar des toiles qu'ils échangent contre des épiceries, & a Surate des foies qu'ils échangent contre du coton. Ils portent du riz, de la gomme-lacque, des toileries dans le golfe Perfique, d'oü ils retirent des fruits fecs, de 1'eau-rofe, & fur-tout de 1'or. Ils portent des cargaifons riches & variées a la mer Rouge qui ne fournit guere que de 1'argent. Toutes ces liaifons avec les différente» échelles de 1'Inde font entrer chaque année vingt-Cinq a trente millions dans le Bengale. Quoique ce commerce paffe par les mains, &c Pape 492, après ces mots, les intrigues de cette familie, lifez : Ajoutons que fes membres, fes tréfors étant difperfés, il n'a jamais été poffible de lui faire qu'un demi-mal, qui lui auroit laiffé plus de reflburces qu'il n'en falloit pour pouflèr fa vengeance aux derniers exces. Suppl. Tome I. p  226 SUPPLÉMENTS Son defpotifme s'étendit jufque fur les Européens qui avoient formé des comptoirs dans cette région. Ils fe préfenterent d'eux-mêmes au joug, en empruntant de ces avides financiers des fommes immenfes k un intérêt apparent de dix pour cent, mais en effet de plus de douze, par la différence des monnoies qu'on en recevoit, & de celles qu'il leur falloit rendre. Les Portugais qui aborderent au Bengale long-temps avant les autres navigateurs de 1'Europe, s'établirent a Chatigan, port fitué fur la frontiere d'Aracan, non loin de la branche la plus oriëntale du Gange. Les Hollandois, qui, fansfe commettre, &c. Page 493 , après ces mots , les bords de cette riviere, lifez : En la remontant, on trouva d'abord Pétabliffèment Anglois de Calcutta, oü 1'air eftmal-fain, &l'ancrage très-peu fur. Malgré ces inconvénients, cette ville oü la liberté & la füreté avoient fucceffivement attiré beaucoup de riches négociants, Arméniens, Maures & Indiens, a vu fa population s'élever k fix cents mille ames dans les derniers temps. Du cöté de terre, elle feroit abfolument ouverte aux ennemis, s'il en exifloit, ou s'ils étoient a craindre : mais le fort Williams, qui n'en eft éloigné que d'un demi-miile, la défendroit contre des forces arrivées d'Europe pour Fattaquer ou pour la bombarder. C'eft un octogone ré-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 227 gulier, avec huit baftions, plufieurs contre-gardes & quelques demi-lunes, fans glacis ni chemin couvert. Le fofle de cette place, dont la conftruétion acoüté plus de vingt millions, peut avoir cent foixante pieds de large fur dix-huk de profondeur. Six lieues au-deffus, fe voit Fréderic, &c. Page 494, après ces mots, a trois ou quatre pieds, lifez : On voit fur fon territoire, qui n'a guere qu'une lieue de circonférence, quelques manufa&ures, que la perfécucion y a poufi'ées comme dans les autres comptoirs Européens. A un mille de Chandernagor, &c. Page 497, après ces mots , fervent a cet ufage, lifez .-Jufqu'a ces derniers temps, on y placoit des foldats, &c. Page 499, après ces mots, tous les mois de 1'année, lifez: On y fabrique une grande quantité d'étoflès de foie pure, de coton & de foie. Les premières fe confomment la plupart a Delhy, ou dans nos régions feptentrionales; les autres habillent plufieurs contrées de 1'Afie. A 1'égard de la foie en nature, on pouvoit évaluer autrefois & trois ou quatre cents milliers ce que 1'Europe en employoit dans fes manufaétures : mais depuis quelques années, les Anglois en portent une grande quantité pour leur ufage & pour celui des autres nations. En général, elle eft tréscommune, mal filée, & ne prend nul éclat dans P s  223 SUPPLÉMENTS la teinture. On ne peut guere 1'employer que pour la trame, dans les étoffes brochées. Le cocon a plus de perfeélion. II eft propre a tout. On 1'employe utilement dans cent efpeces de toiles, qui foncconfommées furie globe entier. Celle qui eft d'un ufage plus univerfel, & qui eft plus parciculiere au Bengale, c'eft la mouflèline unie, rayée ou brodée. La fabricacion en eft facile dans la faifon pluvieufe, paree qu'alors les macieres prêcenc plus & caffent moins. Durant le refte de 1'année, les tifferands remplacent, autant qu'il eft poffible, cette humidité de 1'air, par des vafes d'eau qu'ils ne manquent jamais de mettre fous leurs métiers. Quoique les atteliers d'oü fortent les toiles foient répandus dans la majeure partie du Bengale , Daca peut en être regardé comme le marché général. Jufqu'a ces derniers temps, Delhy & Moxudabad en tiroient les toiles néceffaires a leur confommation. Chacune des deux Cours y entretenoit un agent, chargé de les faire fabriquer. II avoit une autorité indépendante du Magiftrat fur tous les ouvriers dont 1'induftrie avoit quelque rapport k 1'objet de fa commiffion. C'étoit un malheur pour eux de paroicre trop habiles, paree qu'on les forcoit a ne travaillerque pour le Gouvernement, qui les payoit mal, & les tenoit dans une force de captivité, Lorfque les caprices de la tyrannie étoient fa-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 229 tisfaits, il étoit permis aux Européens, aux autres étrangers, aux regnicoles, de commencer leurs achats: encore étoient-ils obligés d'employer des courtiers établis par le Miniftere, & auffi corrompus que lui. Ces gênes & ces rigueurs étoufföient Pinduftrie, rille de la néceffité, mais compagne de la liberté. Les révolutions qui ont donné de nouveaux Souverains au Bengale, ont dü introduire d'autres maximes. Cependant nous ne voyons pas que les ouvrages qui en arrivent, foient moins imparfaits qu'ils 1'étoienc avant cette époque. Ne fe pourroic-il pas que ceux qui les fabriquent n'euffent pas réellement changé de condition ? En ceffant d'être les efclaves de leurs Nababs, peutêtre ont-ils recu des chaines tout auffi pefantes. Vingt millions payoient, &c. Page 504, après ces mots, relSche a SainteHélene, lifez: Cette ifle, qui n'a qu'environ vingthuit milles de circonférence, eft fftuée au milieu de 1'Océan Atlantique, k quatre cents lieues des cótes d'Afrique, & k fix cents de celles d'Amérique. C'eft un amas informe de rochers & de montagnes, oü l'on trouve a chaque pas les traces évidentes d'un volcan éteint. II fut découvert en 1602 par les Portugais, qui le dédaignerent. Les Hollandois y formerent, dans la fuite, un petit établiflèment: mais ils en furent chafiés par les Anglois qui y font fixés depuis 1673. P 3  23o SUPPLÉMENTS Sur ce fol, ftérile & fauvage, s'eft formée fucceffivement une population de vingc mille hommes , libres ou efclaves. II y nait, ainfi qu'cu cap de Bonne-Efpérance, un beaucoup plus grand nombre de filles que de males. S'il étoic prouvé, par des calculs exacls, que la nature fuit la même marche dans tous les pays chauds , cette connoilTance donneroit la raifon des mceurs publiques & des ufages domeftiques des peuples qui les habitent. A 1'exception du pêcher, aucun des arbres fruitiers, portés de nos contrées k Sainte-Hélene, n'a profpéré. La vigne n'a pas eu une deftinée plus heureufe. Les légumes ont été conftamment la proie des infectes. Peu de grains échappent aux fouris. II a fallu fe borner k 1'éducation des bêtes k corne ; & ce n'eft même qu'après en avoir vu périr un grand nombre, qu'on eft parvenu a les multiplier. Le climat dévoroit les diverfes efpeces de gramen que femoit le cultivateur. On imagina de planter des arbuftes, qui ne craignoient ni la chaleur,ni la féchereffè; & bientöt naquit, h leur ombre, un gazon frais & fain. Cette herbe, cependant, n'a jamais pu nourrir a la fois plus de trois mille bceufs, nombre infuffi'ant pour les befoins de 1'habitant & des navigateurs. Pour obtenir ce qui manque, il fuffiroit peut-être de recourir aux prairies artificielles, que des voyageurs  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 231 intelligents trouvent praticables dans 1'état aétuel des chofes : mais ce moyen fera difficilemenr, employé, a moins que le monopole ne fe détache des meilleurs terreins qu'on a réfervés en apparence pour fon fervice, & réellement pouc Futpité ou les fantaifies de fes employés. Les maifons qui entourenc le port, jettées comme au hafard , donnent plutöt Pidée d'un camp que d'une ville. Les fortifications qui les entourentfont peu confidérables; & la garnifon, chargée de le défendre, n'eft que de cinq cents foldats, tous mécontents de leur fituation. La colonie n'a que peu de rafraichiffements & quelques bceufs a donner aux navires, en échange des denrées & des marchandifes qu'ils lui portent d'Europe & d'Afie. Auffi le poiffon eft-il la nourriture ordinaire des noirs, & entre-t-il pour beaucoup dans celle des blancs. Telle eft, dans la plus exacte vérité, Pétat de Sainte-Hélene oü relachent tous les batiments qui reviennent des Indes en Angleterre, & oü en temps de guerre ils trouvent des vaiffeaux d'efcorte. Les vents & les courants en écartent même ceux qui vont d'Angleterre aux Indes. Plufieurs d'entre eux, pour éviter, &c. Page 508, après ces mots, éloigné de nos parages, lifez : Un pareil inconvénient ne pouvoit pas empêcher la compagnie Angloife de donner une grande extenfion a fon commerce. P 4 xxxin; La compagnie Angloife a abondonné aux négociants  *3* SUPPLÉMENTS psrticiiliers le commerce d'lnde en Inde. 1 j t < 3 I f I < 1 I c t 1 r Celui qu'on peut faire au-deladu capdeBonneEfpérance & d'un port de 1'Inde a 1'autre, ne l'occupa pas long-temps. Elle fut de bonne heure aiTez éclairée pour comprendre que cette navigation ne lui convenoit pas. Ses agents 1'encreprirent, de fonaveu, pour leur propre compte, & tous les Anglois furent invités a le partager, fous la condition qu'ils fourniroient une caution de 45,000 livres, qui garantiroit leur fagefiè. Pour faciliter & accélérer des fuccès qui devoient un [our augmenter lesfiens, la compagnie encoura?ea ces négociants, en prenant parta leurs ex?éditions, en leur cédant des intéréts dans fes 5ropres armements, fouvent même en fe charmant de leurs marchandifes pour un fret modijue. Cette conduite généreufe, infpirée par uit ifprit national fi oppofé en tout au caraétere du nonopole, donna promptement de 1'aétivité le la force, de la confidération aux colom'esAn;loifes. Le commerce particulier a augmenté avec les jrofpérités de la puiflance qui lui fert d'appui, k a contribué k fon toura lui donner plus de foidité. II employé aétuellement de très-grands caitaux, & occupe environ deux cents batiments, epuis cinquante jufqu'a deux cents tonneaux, dus montés par des matelots Indiens. Le nomire s'en feroit accru davantage, fi la compagnie 'avoit exigé dans tous fes comptoirs undroitde  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 233 cinq pour cent fur toutes les marchandifes du commerce libre, 6c un droit de huit 6c demi pour cent fur toutes les remifes que les agents de ce trafic voudroient faire paflèr dans la métropole. Lorfque fes befoins ne la forcerent pas a fe relacher de ce dernier arrangement, ces fonds particuliers furent livrés aux autres négociants Européens ou aux Officiers Anglois, qui n'écant pas proprement attachés k la compagnie, pouvoient travailler pour eux en naviguant pour elle. Si le monopole vexoit les particuliers, il étoit gêné h fon tour par des loix fifcales. Ses navires ont dü faire toujours leur retour dans une rade, Angloife, 6c ceux qui portoient des marchandi- ] fes prohibées, dans le port de Londres. Par un < réglement bifarre, indigne d'un peuple commer-| cant, & dont il falloit s'écarter fans ceffè, il ne: lui étoit permis d'envoyer en argent aux Indes' que 6,750,000 livres. On Pobligeoit a exporter en marchandifes du pays le dixieme de ce qu'elle faifoit partir en métaux. Tous les produits de 1'Afie qui étoient confommés par la nation, devoientau tréfor public vingt-cinq pour cent, öc quelques-uns beaucoup davantage. Quoique 1'ignorance 6c la capacité des adminiftrateurs, la paix 6c la guerre, les fuccès 6c les malheurs de la métropole, Pindifférence 6c la paffion de 1'Europe pour les manufaclures des Indes, le plus & le moins de concurrence des au- P 5 XXXIV. Gênes que a compa;nie a éirouvceslans fon :ommeree.' ronds qu'ele y a mis. ïtendue [u'elle lui a lonné.  234 SUPPLÉMENTS tres nations, ayent beaucoup influé dans le nombre & 1'utilité des expéditions de la compagnie, on peut dire que fon commerce s'eft* étendu, & a profpéré a mefure que fescapitaux ontaugmenté. Ils ne furent d'abord que de 1,620,000 livres. Ce foible fonds s'accrut avec le temps, & par la partie des bénéfices qu'on ne partageoit pas, & par les fommes plus ou moins confidérables qu'y ajoutoient fucceflivement de nouveaux aflbciés. II étoit monté k 8,322,647 livres 10 fois, lorfqu'en 1676, les intéreffés jugerent plus fage de le doubler que d'ordonner une immenfe répartition que leurs profpérités permettoient de faire. Ce capital augmenta encore, lorfque les deux compagnies, qui s'étoient fait une guerre fi deftruétive, unirent leurs richefies, leurs projets & leurs efpérances. II fut depuis porté a 67,500,000 livres. Avec ces fonds étoient achetées les denrées & les marchandifes que fourniffènt fi abondamment les Indes. La confommation s'en faifoit dans la Grande-Bretagne, dans fes comptoirs d'Afrique, dans fescolonies du nouveau-monde, & dans plufieurs contrées de 1'Europe. Le thé devint avec le temps un des grands objets de ce commerce. Les Lords Arlington & Offbri, &C Page 515, après ces mots, être de douze millions, lifez: On comptoit a cette époque deux  A L'WST. PHILOSOPHIQUE. 235 millions d'hommes dans la métropole, & un million dans les colonics qui faifoient un ufage habituel du thé. Chacun en confommoit environ quatre livres par an , & la livre, en y comprenant les droits, étoit vendue Pune dans 1'autre fix livres dix fois. Suivant ce calcul, le prix de cette ' denrée fe feroit élevé a foixante-douze millions; mais il n'en étoit pas tout-a-fait ainfi , paree que la moitié entroit en fraude, & coütoit beaucoup ♦moins è la nation. La guerre de laGrande-Bretagne avecle Nord de 1'Amérique, a forcé la compagnie de diminuer fes importations de thé. Son commerce n'en a pas cependant fouffert. Le vuide a été rempli par une plus grande quantité de foie que la Chine & le Bengale lui ont fournie, & par 1'extenfion qu'elle a donnée aux ventes qu'elle faifoit ordinairement des produétions, des manufactures du Coromandel & du Malabar. Après tout, fa principale reffource a été la conquête aflèz récente du Bengale. Cette révolutionprodigieufe, qui a influé, &c. Vage 521, après ces mots, de fommeil au tyran, lifez : Qu'eft-ce donc qu'un tyran ? ou plutöt qu'eft-ce qu'un peuple accoutumé au joug de la tyrannie? Eft-ce le refpeét, efl-ce kt crainte qui le tient courbé? Si c'efl la crainte, le tyran efl donc plus redoutable que les Bieux, a qui 1'homme adreffe fa priere ou fa plainte  236" SUPPLÉMENTS dans les temps de la nuit, ou dans les heures du jour. Si c'efl: le refpect, on peut donc amener 1'homme jufqu'a refpeéter les auteurs de fa mifere, prodige que la fuperftition feule peut opérer. Qu'eft ce qui vous étonne le plus, ou de la férocité du Nabab qui dort, ou de la haffelle de celui qui n'ofe le réveiller? L'Amiral Watfon, qui étoit arrivé, &c. Page 526, après ces mots, fous le même joug , lifez : Etrange indignité , de vouloir exercer des vexations, fans paroitre injufte; de vouloir retirer le fruit de fes rapines, & d'en rejetter 1'odieux fur un autre; de ne pas rougir de la tyrannie, & de rougir du nom de tyran. Oh! combien 1'homme eft méchant, & combien 1'homme le feroit davantage, s'il pouvoit avoir la conviction que fes forfaits feront ignorés, & qu'un innocent en fubira 1'ignominie & le chatiment. La conquête du Bengale, dont les bornes ont été encore depuis reculées jufqu'aux monts entaflés qui féparent le Thibet & la Tartarie de 1'Indoftan, fans apporter aucun changement fenfible h la forme extérieure de la compagnie Angloife, en a cbangé eflèntiellement 1'objet. Ce n'eft plus une fociété commercante, &c. Page 530, après ces mots, les revenus du Bengale, lifez : qui, en 1773, s'élevoient a 71,004,465 liv.; mais dont le brigandageou les  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 237 dépenfes néceffaires en abforboient, 61,379,437 liv. 10 fois, puiflènt refter toujours les mêmes? II doit être permis d'en douter, ckc. Page 560 , après ces mots , la propriété, le bonheur , lifez : Ces efpérances , fondées fur la haute opinion que devoit infpirer la légiflation Britannique, furent-elles enfin réalifées? On en jugera. D'abord, pour prévenir une banqueroute inévitable, & dont le contre-coup fe feroit étendu au loin, le Gouvernement permit que la compagnie empruntat 31,500,000 livres, a un intérêt de quatre pour cent. Cette fomme a été fucceffivement rembourfée, & le dernier payemenc a été fait au mois de Décembre 1776. Le Parlement déchargea enfuice la compagnie du tribut annuel de 9,000,000 liv., que, depuis 1769, elle payoit au fifc. L'époque du renouvellement de cette contribution ne fut pas fixée. On arrêta feulement que les intéreffés ne pourroient pas toucher un dividende de plus de huit pour cent, fans partager le furplus avec le Gouvernement. Le fort des intéreffés occupa auffi Pautorité. Le commerce des Indes étoit mal connu, & conduit fur des principes trés-variables dans le dernier fiecle. II arrivoit de-lk que, dans quelques circonftances, on y faifoit d'énormes bénéfices, & d'autres fois d'afièz grandes perces. xxxix. Mefures prlfes par le Gouvernement & par la compagnie ellemême,pourfaire finir les déprédationsde tous les genres.  238 SUPPLÉMENTS Les répartitions que recevoient les aclionnaires, fuivoient le cours de ces irrégularités. Avec le temps, elles fe rapprocherent davantage, mais fans être jamais égales. En 1708 , le dividende n'étoit que de cinq pour cent. On le porta a huit en 1709, & h neuf en 1710. II fut de dix les onze années fuivantes, & de huit feulement depuis 17 a 1 jufqu'en 1731. De 1731 h 1743, il re paffa pas fept pour cent. De 1743 a 1756, il s'éleva h huit, mais pour retomber a fix depuis 1756 jufqu'en 1766. En 1767, il monta h dix, & augmenta de deux fucceflivement les années fuivantes. En 1771, on le pouiïa jufqu'a douze & demi: mais dix-huit mois après, le Parlement Ie réduifit k fix, pied fur lequel il devoit refter jufqu'au payement de 1'emprunt de 31,500,000 livres. La compagnie ayant rempli cet engagement, haufta fon dividende a fept; & enfuite a huic, lorfqu'elle eut éteint la moicié de fa dette, connue fous le titre de billets d'engagement, & qui étoit de 67,500,000 livres. Depuis 1'origine de la compagnie, les intérelTés avoient toujours choifi chaque année vingt-quatre d'entre eux , pour conduire leurs affaires. Quoique ces agents puflènt être réélus jufqu'a trois fois de fuite, & que les plus accrédités réuffiffent aflèz fouvent k fe procurer cet avantage, ils étoient dans une trop grande dépendance de leurs commettants, pour formerdes plans bien fuivis,  A LTIIST. PHILOSOPHIQUE. 239 & avoir une conduite courageufe. Le Parlement ordonna que, dans la fuite, tout direfteur le feroit quatre ans, & que le quart de la direétion fe» roic renouvellé chaque année. La coufufion qui régnoit dans les délibérations, donna Pidée d'un autre réglement. Jufqu'alors les alTemblées publiques avoient été tumultueufes, paree que le droit d'opiner appartenoic a tout polïèffeur de 11,250 liv. On arrêta que, dans la fuite, le fuffrage ne feroit accordé qu'a ceux qui auroient le doublé de cette fomme. Ils furent même aftreints h affirmer, fous ferment , qu'ils étoient véritablement propriétaires de ce capital, & qu'ils 1'étoient depuis un an entier. Le Gouvernement avoit, difoit-on, des vues ultérieures. II fe propofoit de réduire le nombre des direéteurs a quinze, de porter leurs appointements de 22,500 liv. a 45,000 liv., & de les affranchir de la furveillance des actionnaires. Si ce plan, qui devoit donner une fi grande influence au miniftere, a été réellement formé, il faut que des circonftances imprévues en ayent empêché Pexécution. Indépendamment des changements ordonnés par le Parlement, la compagnie fic elle-même un arrangement d'une utilité fenfible. Ce grand corps concut, dès fon origine, Pambition d'avoir une marine. Elle n'exiftoit plus,  Ho SUPPLÉMENTS lorfqu'il reprit fon commerce, au temps du Proteétorat. Preffé alors de jouir, il fe détermina k fe fervir des batiments particuliers; & ce qu'il avoit fait par néceffité, il le continua depuis par économie. Des négociants lui frétoient des vaiffeaux, tout équipés, tout avitaillés, pour porter dans 1'Inde & pour en reporter le nombre de tonneaux dont on écoit convenu. Le temps qu'ils devoient s'arrêter dans le lieu de leur deftination, étoit toujours fixé. Ceux auxquels on n'y pouvoit pas donner de cargaifon, étoient communément occupés par quelque marchand libre, q"i.fe,chargeoil; volomiers d" dédommagement dü a 1'armateur. Ils devoient être expédiés, les premiers, 1'année fuivante, afin que leurs agrès ne s'ufaffent pas trop. Dans un cas de néceffité , la compagnie leur en fourniffbit de fes magafins; mais elle fe les faifoit payer au prix itipulé, de cinquante pour cent de bénéfice. Les batiments, employés a cette navigation, portoient depuis fix cents jufqu'a huit cents tonneaux. La compagnie n'y prenoic, a leur départ, que la place dont elle avoit befoin pour fon fer, fon plomb, fon cuivre, fes étoffes de laine & des vins de Madere, les feules marchandifes qu'elle envoyat aux Indes. Les propriétaires pouvoient remplir ce qui reftoit d'efpace dans le navire des vivres néceffaires pour un fi grand voyage, & de tous les objets dont le corps qu'ils fervoienc ne  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 241 ne faifoit pas commerce. Au retour, ils avoient auffi le droit de difpofer de 1'efpace de trente tonneaux que, par leur contrat, ils n'avoient pas cédé. Ils étoient même autorifés a y placer les mêmes chofes que recevoit la compagnie : mais avec 1'obligation de lui payer trente pour cent de la valeur de ces marchandifes. Ce droit, en 1773, fut réduic a la moitié, dans 1'efpérance que cette faveur engageroit les armateurs & leurs agents a mieux remplir leurs obligations, & qu'elle feroit ceffier les importations frauduleufes. Le nouvel arrangement n'ayant pas produit 1'effet qu'on en attendoit, la compagnie a pris enfin le parti de s'approprier toute la capacité des Mciments. Depuis cette réfolution, elle importe la même quantité de marchandifes fur un plus petit nombre de vaiflèaux, & fait annuellement une économie de 2,250,000 liv. En 1777, elle n'a expédié que quarantecinq navires, formant trente-troismille cent foixante & un tonneau, & montés par quatre mille cinq cents hommes d'équipage. Le Chirurgien de chaque batiment arrivé des Indes, recoit, outre fes appointements, vingtquatre livres de gratification pour chacun des individus qu'il ramene en Europe. On a penfé avec raifon que ce Chirurgien, mieux récompenfé, prendroit plus de foin de ceux qu'on lui confioit, & que la vie d'un matelot valoit mieux Suppl. Toms L O  • ,p SUPPLÉMENT S qu'une guinée. Si le même ufage ne s'eft pas étabü ailleurs, c'eft qu'on y eftime plus le Chirurgien , ou qu'on y fait moins de cas de 1'homme. La réforme introduite en Europe dans le régime de la compagnie, étoit fage & néceffaire : mais c'étoit fur-tout aux Indes que 1'humanité, que la juftice, que la politique étoienc outragées. Ces terribles vérités n'échapperent pas au gouvernement; & l'on va voir quels moyens il imagina pour rétablir 1'ordre. Les membres les plus hardis ou les plus ambitieux de 1'adminiftration, penfoient qu'il falloit ergnger le corps légiflatif k décider que les acquifuions territoriales faites en Afie n'appartenoient pas a la compagnie, mais k la nation qui s'en mettroic en poffeffion fans retardement. Ce fyftême, de quelques raifonnements qu'on 1'eüt étayé, auroit été fürement rejetté. Les citoyens les moins éclairés auroient vu que cet ordre de chofes devoit donner trop d'influence k Ia Couronne; il auroit allarmé jufqu'a ces ames vénales, qui jufqu'alors avoient été les plus favorables k 1'autorité royale. Le Parlement crut donc devoir fe bomer a établir pour le Bengale un Confeil fuprême compofé de cinq membres dont les places, k mefure qu'elles deviendront vacantes, feront remplies par la compagnie, mais avec 1'approbation du Monarque. L'adminiftration abfolue de tou-  A VUIST. PHILOSOPHIQÜE. 243 tes les Provinces conquifes dans cette région» Fut déférée k ce Confeil. Sa jurifdicliori s etend même fur toutes les autres contrées de 1'Inde ou les Anglois ont des polTefTions. Ceux qui y exercent Pautorité ne peuvent faire, fans fon aveu, ni la guerre * ni la paix, ni aucun traité avec les Princes du pays. II doit obéir aux ordres qui lui viennent de la direcïion, qui, de fon cöté, eft obligée de remettre au Miniftere toutes les informations qu'elle recoit. Quoique les opérations du commerce ne foient pas affujetties k fon infpeftion, il en eft réellement 1'arbitre; paree qu'ayant feul la difpofuion des revenus publics, il peut, k fon gré , accorder ou refufer des avances. Après avoir mis les rives du Gange fous uné forme de gouvernement plus fupportable, il fabJut s'occuper du foin de punir ou même de prévenir les atrócités qui fouilloient dë plus en plus cette riche partie de 1'Alie. On permit que dans les autres établiflèments; la juftice civile & criminelle continué k être rendue par les princp paux agents de la compagnie : mais il fut créé par le Parlement, pour le Bengale, un tribunal compofé de quatre Magiftrats, dont la nomina* tion appartient au Tröne, & dont les arrêts ne peuvent être cafles que par le Roi en fon Con^ feiPPrivé. Tout commerce eft interdit a ces Juges, ainfi qu'aux membres du Confeil fuprêmej Q »  ï44 SUPPLÉMENTS Pour les confoler de cette privation, on leur a affigné des honoraires trop confidérables, au gré des actionnaires obligés de les payer, fans les avoir, ni réglés, ni accordés. Un abus & un grand abus s'étoit introduit aux Indes. On y élevoit de tous cótés des fortifications fans néceffité, quelquefois même fans une utilité apparente. C'étoit la cupidité feule des agents de la compagnie qui décidoit de ces conflructions. Elles avoient coüté plus de cent millions en très-peu d'années. Ladireclion arrêta ce défordre affreux, en réglant fagement la fomme qu'on pourroit employer dans la fuite a ce genre de défenfe. L'efprit d'ordre s'étendit au recouvrement des revenus public, k la folde des troupes, k la marine militaire, aux opérations du commerce, Si tous les objets d'adminiftration. Le Grand-Mogol s'étoit refugié dans le Bengale. On lui avoit affigné une penfion de 6,240,000 livres pour fa fubfiftance. II fut replacé fur le tróne par les Marattes, & les Anglois fe virent déchargés d'une efpece de tribut qu'ils ne fupportoient pas fans impatience, depuis qu'ils n'avoient plus befoin de ce foible appui. Le hafard ne les fervit pas fi heureufement pour dépouiller le Souba de cette contrée; & cependant ils réduifirent a 7,680,000 livres le revenu de 12,720,000 livres, que par le traité de 1765,  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 245 ils s'étoient obligés de lui faire. Son fucceflèur fuc même borné, en 1771, h 3,840,000 livres, fous précexce qu'il écoic mineur. II doic s'attendre encore a une nouvelle diminucion , paree qu'on n'employe plus fon nom, donc, jufqu'en 1772 , on avoic cru devoir fe fervir dans cous les actes de fouveraineté. II écoic impoiïible que couces ces réformes ne comblaflènt le précipice que la préfomption, Ia négligence, les factions, le brigandage, les délires de tous les genres avoienc creufé k la compagnie. On jugera a quel poinc fa ficuation s'efl: améliorée. Au 31 Janvier 1774, ce corps, dont les profpérités apparentes éconnoienc Punivers entier, n'avoit que 255,240,742 liv. 10 fois. II devoit 250,847,842, livres 10 fois. La balance n'étoit donc en fa faveur que de 4,392.900 liv. Son capital , au 31 Janvier 1776 , étoit de 256,518,067 liv. 10 fois, & fa dette de 195,248,655 liv. Sa richeffè étoit par conféquent augmentée, en deux ans, de 56,876,512 liv. 10 fois. II a depuis rembourfé 11,506,680 livres qui Feftoient dues de Pemprunt de 31,500,000 livres. II a retiré pour 11,250,000 livres de fes billets d'engagement. II a éteinc plufieurs decces anciennemenc contraélées aux Indes; de forte qu'au 31 Janvier 1778, la compagnie avoit la Q 3 XL. Situation aöuelle de la compagnie»  946* SUPPLÉMENTS difpofltion entiérement librede 120,708,11a livres 10 fois, fans compterfes magafins, fes fortifications, touc ce qui fervoit k 1'exploitation de fes divers établiflèments. Cette profpérité augmentera k mefure que 1'immenfe territoire acquis par les Anglois aux Indes fera mieux régi. En 1773, ces poffeffions rendoient 113,791,25a livrss 10 fois : mais les fraix de perception en abforboient 81,153,652 liv. 10 fois. A cette époque, le produit net fe réduifoit k 32,660,100 liv. II s'eft acc&u graduellement, paree que quelques défordres ont été attaqués avec fuccès ; il augmentera encore, paree qu'il refte beaucoup de défordres a détruire. L'extenfion qu'a pris le commerce fera une nouvelle fource de fortune. La vente de 1772 fut de 79,214,872 livres 10 fois. Celle de 1773, de 71,992,552 livres 10 fois. Celle de 1774, de 82,665,405 livres. Celle de 1775 , de 78,627,712 liv. 10 fois. Celle de 1776, de 74,400,457 livres iq fois. Ajoucez a ces grandes opérations de la compagnie , la fomme de 11,250,000 liv,, & laquelle on évalue les marchandifes qui arrivent clandeftinement des Indes. Ajoutez-y 4,500,000 livres pour les diamants. Ajoutez-y les fonds plus ou moins étendus, mais toujours trés-confidérables dont les Anglois, répandus dans les différents  A LT1IST. PHILOSOPHIQUE. 247 comptoirs d'Afie, ont fourni la valeur aux nations étrangeres. Ajoutez-y les richefies que ces négociants portent eux-mêmes a la fin de leur carrière, pour en jouir dans le fein de leur patrie. Obfervez que ces valles fpéculations, qui rendent tributaires de la Grande-Bretagne tous les peuples d'Afrique, de 1'Europe & de FAmérique, ne font fortir annuellement de cet Empire pour les Indes, que 2,250,000 livres, tout au plus 3,375 coo livres, & vous aurez une idéé des avantages immenfes que ces colonies , fi éloignées, procurent a ces heureux poffeffeurs. En 1780 , doit expirer le privilege exclufif de la compagnie. Sera-t-il renouvellé? Toutparoit Pannoncer. Après s'être afluré de la majeure partie du produit des conquêtes, le Gouverneur livrera de nouveau ces régions au génie oppreffeur du monople. „ Malheureux Indiens! tachez de vous ac„ coutumer k vos fers. En vain on avoit porté „ vos fupplications au Miniftere, au Sénat, au „ peuple. Le Miniftre ne penfe qu'a lui; le „ Sénat efl en délire; la portion fage du peuple „ eft muette, ou parle en vain. L'avide & féroce „ affociation de commercants, qui a caufé vos „ malheurs, les aggrave & en jouit tranquille„ ment. Brigands privilégiés , vous qui tenez „ depuis fi long-temps une grande partie du globe Q 4 XLT. Le privilege de la compagnie fera-t-il renouvellé?  a48 SUPPLÉMENTS „ fous les chaines de la prohibicion, & qui 1'avez „ condamné k une éternelle pauvreté , cette „ tyrannie ne vous fuffifoit-elle pas ? Falloit-il „ 1'aggraver par des forfaits qui rendiffent exé„ crable le nom de votre patrie ? „ Qu'ai-je dit, votre patrie! Efl-ce que vous „ en avez une ? Mais fi ia voix de l'intérêt par„ ticulier eft la feule a laquelle votre oreille puif„ fe s'ouvrir, écoutez-la donc. C'efl elle qui „ vous crie par ma bouche: Vous vousperdez, „ vous vous perdez, vous dis-je. Votre tyran„ nie touche a fa fin. Après 1'ufage monflrueux „ que vous avez fait de votre autorité, renou„ vellée ou non, elle finira. Croyez-vous que „ la nation, dont il faudra que la démence & „ Fivrefïè finiflènt, ne vous demandera pas comp„ te de vos vexations? que la perte de vos cri„ minelles richefTes, & peut-être 1'effufion de „ votre fang impur, n'expieront pas vos for„ faits? Si vous vous en promettez 1'oubli, vous „ vous trompez. Le fpeétacle de tant de vafles ,, contrées pillées, ravagées, réduites h la plus „ cruelle fervitude, reparoitra. La terre couvre „ les cadavres de trois millions d'hommes que „ vous avez laifTé ou fait périr : mais ils feront .„ exhumés; ils demanderont vengeance au Ciel „ & a la terre; & ils 1'obtiendronr. Le temps „ & les circonflances n'auront que fufpendu vo„ tre chatiment. Oui, je vois arriver le temps  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. z¥J „ de votre rappel & de votre terreur. Je vous „ vois trainer dans les cachots que vous méri„ tez. Je vous en vois fortir. Je vous vois paS „ les & tremblancs devant vos Juges. J'entends „ les cris d'un peuple furieux raflèmblé autour „ de leurs tribunaux. Le difcours de 1'Orateur „ intimidé eft interrompu. La pudeur & Ia crainte „ Pont faifi, il a abandonné votre défenfe; la con„ fifcation de vos biens, 1'arrêt de votre more „ font prononcés. Peut être vous fouriez de mé„ pris k ma menace. Vous vous êtes perfuadés „ que celui qui peut jetter des maffes d'or dans „ la balance de la juftice, la fait pencher a fon „ gré. Peut-être même vous promettez-vous que „ la nation corrompue, en prorogeant votre oc,, troi, s'avouera coupable des crimes que vous „ avez commis, & complice de ceux que vous „ commettriez encore". Non, non; il faut que, tot ou tard, la juftice foit faite. S'il en arrivoit autrement, je m'adrefïèrois a la populace. Je lui dirois: Peuples, dont les rugiftèments ont fait trembler tant de fois vos maitres, qu'attendez-vous ? pour quel moment réfervez-vous vosflambeaux & les pierres qui pavent vos rues? Arrachez-les... Mais les citoyens honnêtes, s'il en refte quelques-uns, s'éleveront enfin. On verra que 1'efprit du monopole eft petit & cruel. On verra qu'il eft infenfible au bien public. On verra qu'il n'eft contenu, ni par le Q 5  i5o SUPPLÉMENTS btème préfent, ni par le btème k venir. Ost verra qu'il n'appercoit rien au-dela du moment. On verra que, dans fon délire, il aprononcécet arrêt, & qu'il 1'a prononcé dans tous les temps & chez toutes les nations. „ Périflè mon pays, périiTe la contrée oü je „ commande. Périffe le cttoyen & 1'étranger. „ PériiTe mon aflbcié, pourvu que je m'enri„ chifie de fa dépouille. Tous les lieux de 1'u„ nivers me font égaux. Lorfque j'aurai dévafté, „ fucé, exténué une région, il en reflera tou„ jours une autre, oü je pourrai porter mon „ or & en jouir en paix". Sin du Livre troifieme & du Tomepremier.  A L'IIIST. PHILOSOPHIQUE. 151 LIVRE IV. JL Ome II,page 1, lifez: En commengant cet Ouvrage, je fis le ferment d'être vrai;&jufqu'ici j'ai la confcience de ne 1'avoir pas oublié. Puiffe ma main fe delTécher, s'il arrivoit que, par une prédileélion qui n'eft que trop commune, je m'en impofaflè a moi-même & aux autres fur les fautes de ma nation. Je n'atténuerai ni le bien, ni le mal que nos ancêtres ont fait; & ce font les Portugais, les Hollandois, les Anglois même que j'attefterai de mon impartialité. Qu'ils me lifent, & me jugent. S'ils découvrent que je me fois relaché avec les Francois de la févérité avec laquelle je les ai traités, je confens qu'ils me rangent au nombre des flatteurs, qui, depuis deux mille ans, ont empoifonné les peuples & leurs Souverains; qu'ils ajoutent mes volumes k la multitude des monuments de la baffefie dans le même genre; qu'ils me foupconnent d'avoir ouvert 1'entrée de mon ame a la terreur ou aux efpérances. Je m'abandonne a tout leur mépris. Les anciens Gaulois, prefque toujours, &c. Vage 4, après ces mots, de troubler la tranquillité, lifez :Qaznd ces folitaires n'auroientemployé aucune des voies iniques qui les ont con-  s52 SUPPLÉMENTS duits au degré d'opulence que nous leur voyons & qui nous indigne, il falloit qu'ils y arrivafïènt avec le temps. C'étoit une des fuites néceflaires de leur régime. Les fondateurs des Monafteres ne penferent point a une des conféquences aflèz fimple de 1'auftérité qu'ils impofoient aux Moines : je veux dire k un accroiflèment de richefïè, dont il eft impoffible de fixer la limite, du moment oü Ie revenu excede la dépenfe d'une année commune. Cette dépenfe reftant toujours la même, & ne fubiffant de variation que celle des circonftances qui font hauffer ou baiffer le prix des denrées, ce furplus du revenu s'entaffant continuellement, quelque foible qu'on le fuppofe , doit, h la longue, former une grande maffe. Les loix prohibitives, publiées contre les gens de main-morte, peuvent donc rallentir, mais ne peuvent jamais arrê;er les progrès de 1'opulence monaftique. II n'en eft pas ainfi des families des citoyens, qui ne font aflujettis a aucune regie. Un fils diffipateur fuccede ï un pere avare. Les dépenfes ne font jamais les mêmes. Ou la fortune s'éboule, ou elle fe refait. Ceux qui diéterent les conftitutions religieufes, ne fe propoferentque de faire des Saints; & ils tendirent, & plus direétement & plus fürement a faire des riches. Dagobert réveilla un peu les efprits, &c. Page 6, après ces mots, des maitres barba-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. S53 res, lifez : Aucun des Rois de France ne foupconna cette importante vérité : mais la jaloufie d'une autorité fans ceflè gênée fuppléa au défaut de lumieres. Ils travaillerent a donner un frein k ces tyrans fubalternes, qui, en ruinant leurs malheureux vaflaux, perpétuoient les calamités de la Monarchie. Saint Louis fut le premier qui fit, &c. Page 11, après ces mots, opinion de Madagafcar, lifez: méprifé jufqu'alors par les Portugais , par les Hollandois & par les Anglois qui n'y avoient trouvé aucun des objets qui les attiroient dans 1'Orient. L'idée avantageufe que les Francois avoient prife de cette ifle, donna, en 1642, naiflance a une compagnie qui vouloit y former un grand établiflement pour aflurer k fes vaiflèaux la facilité d'aller plus loin. Son oclroi devoit durer vingt ans; mais les cruautés, les perfidies, les infidélicés de fes agenrs ne lui permirent pas de fournir fa carrière entiere. Ses capitaux étoient confommés; & elle n'avoit pour prix de fes dépenfes que quatre ou cinq bourgades, fi-uées fur la cöie, conftruites de planches, couvenes de feuilles, entourées de pieux, & décorées du nt>m impofant de forts, paree au'on y voyoit quelques batteries. Les défenfeurs de ces miférables habitations étoient réduits k une centaine de brigands,qui, par leur tyrannie, ajou-  1.11, On établit en France ure compagnie pour les Indes. 1 Encouragements accordés a cette fociété. 254 SUPPLÉMENT^ toienc tous les jours k la haine qu'on avoit ju* rée k leur nation. Quelques diftriéts abandonnés par les naturels du pays, quelques cantons plus étendus, dont la violence arrachoit un tri* but en denrées : c'étoient tous ks avantages qu'on avoit obtenus. Le Maréchal de Ia Meilleraie, &e. Page 18, après ces mots , qu'elle potivoit valoir, lifez:Enfin, Colbert entreprit, en 1664, de donner le commerce des Indes a la France* Cette liaifon avec 1'Afie préfentoit de grands inconvénients. Elle ne pouvoit guere procurerque des objets de luxe; elle retardoic Ie progrès des arts qu'on travailloit a établir fi heureufement; elle ne procuroit que peu de débouchés aux denrées, aux manufaélures nationales; elle devoit occafionner une grande exportation de métaux. Des confidérations de cette importance étoient bien propres a faire balancer un adminiffrateur dont les travaux n'avoient pour buc que d'étendre Finduftrie, que de multiplier les richefies du Royaume. Mais a 1'exemple des au* tres peuples de 1'Europe, les Francois montroient un gout décidé pour les fuperfluités de FOrient. On penfa qu'il feroit plus utile, plus honorable même de les aller chercher, a travers un océan immenfe, que de les recevoir de fes rivaux, peut-être de fes ennemis. La maniere de fournir cette carrière étoit  Liv. IV. No. i. ETAT des Finances de la France en 1774 , année de la mort de Louis X F. N O M S LVcEiTe Le »venu net Les charges Le reftaat net 7~ ; . ' des Revenus du R01. Leur P^uit. des parties au du au Les demandes des Départemens. Le-deficit eft charge'e. Tre'for Royal. Trêïor Royal. Tre'for Royal. anmiel. IZI t pt* ^f^7 w^t-^n ^ srsr^ Oörois munidpanx, , Q7g 6oo JOO on„ ' ' ci.... 30,000,000 nie, granas 1 > «W*-Wu», |^_^- „ .-^e^»^»,™- ^ P.,k *A««_» V£NTES BÉNËFICE G * * ^, Contnts CoMPAGNIE" En En payees Par la } dei (les En Matiee.es Vai(Tea«x des Mardlanilifes dïl'Acha" M , !.r ^ue _u»e. desEmprunts. La Ferme du ^ s *n Compagnie. I Vaiffeaux Homm-s *™ __»^. , deretour. «nFhance. a la V e n t e. ^chandifes Tabac. 'ie Rentes Vaiffeaux. Argent. | vameaux Homm.s ^ Je retour. N vendues. fur lc Rol. lexpedies. d'Equipage. d'Or. | d'Argent. liv. Hv. f. d. liv. ƒ. d. liv. liv. ƒ. d. Vaijfeaux. liv. f. d. Uv. f. d. ^aifeaux. Hommes. Uv. f. d. nmrcs.onc.gros. gr. marcs. onc. gros. Vaifemx. liv. ƒ. d. Uv. f. d. liv. f. d. ï liv. f. d. Uv. ƒ. FONDS CAPITAL au ier Fe'vrier 1735., 139,385,000 De 1725 a 1716 9,124,65918 7,898,50414 8 300,000 192,200 7 4 - •• •• 1 33 2,073 2,597,016 1 .. 174... 35,267 44 22 5,4*2,187 13 1 9,643,344 7 5 4,*2l4$ö 14 4 25,000 8,264,992 10 En oontrats fur leRoi... 100,000,000liv. 1?26 1727 7,014,648 7 7 300,000 186,251 711 643,05212 ..I 15 894 1,658,77811 1 7°>i*9 6 •• 24 5,9*4,945 2 6 13,153,231 3 10 7,228,286 i 4 25,000 8,263,965 En Batimens de terre & IJa- 1?J8 7,338,238 19 n 300,000 411,569 5 10 759,ooo ... ..1 20 1,243 i,555>*66 3 S 106,523 3 %\ 19 4,874,486 10 2 11,433,80712 5 6,559,321 * 3 25,000 8,263,96? de mer, dettes adtives & efFets a 1'ufage du 1728 1719 7,502,979 2 5 300,000 371,071 9 * 1 1,107,172 10 .. | 19 1,211 2,193,97015 1 105,29$ 5 5 12 5,213,629 1 3 9,722,611 13 5 4,508,982 is 2 25,000 8,320,582 10 Commerpe,., 39,385,ooo . — 1729 1730 7,079,862 9 2 300,000 345,112 1,281,25410 .. 17 1,126 i,S4i,936 19 1 ■ 111,809.7 .. 19 5,273,576 11 9 10,661,272 16 8 5,387,696 4 "1 25,000 8,199,247 10 i39,o85,ocoUv. ,-jo I73, „ 10,730,150 3 5 300,000 186,417 4 3 CW7.<*8 16 .. 30 I)887 *,«4»«s77 *4 8 178,737 •• 51 i 16 4,93o,i86 ... 11 9,401,304 iï 3 4,471,118 11 4 25,000 7,533,626 ïo 1731 1732 7,653,808 15 11 300,000 170,909 11 3 I j I>:"7,344 25 -,126 1,714,703 16 7 i97,H9 •• 4 1 26 7,994,803 2 9 15,146,824 15 4 7,152,021 12 7 25,000 7,533,626 173S 1733 ••■ 7,538,074 5 4 300,000 132,15717 3 1,300,345 8 23 J)I9I 2,257,079 S 4 203,163 6 6 22 7,498,194 7 2 14,501,689 4 3 7,003,494 17 .. 25,000 7,652,100 1733 1734 7,500,000 300,000 50,890 1,277,78615 6 1 16 2,122 2,0:5,1461; 3 133,040 3 5 13 9,850,488 19 7 19,421,547 9 11 9,571,058 10 4 25,000 7,658,850 1734 1735 7,750,000 300,000 157,006 11 6 1,587-058 9 7] 16 1,922 2,016,716 6 11 100,335 36 21 10,974,136 18 11 18,884,448 3 8 7,910,311 4 9 28,000 7,661,743 10 1735 1736 8,000,000 300,000 57,700 ' 1,347,821 15 \ 17 2,062 2,309,615 is 3 200,140 5 •• 14 11,400,671 1 10 is,384,79i 8 7 6,984,120 6 9 28,000 7,657,887 1736 1737 8,000,000 300,000 132,815 18 9 •• 1,262,370 11 .. j 20 | 2,230 ï,8oï,f87 9 2 190,004 1 2M 13 6,917,658 14 7 12,861,899 1 " 5,944,240 7 4 3,000 7,658,158 10 1737 1738 8,000,000 300,000 187,165 15 ...... 1,255,457 16 ... 21 2,312 2,244,935 19 2 264,654 6 7| 18 9,235,538 13 5 17,230,625 7 7 7,995,086 14 2 3,000 7,657,530 1738 1739 8,000,000 3oo,oeo 185,890 i 10 • 1,276,280 i 10 22 2,521 2,86o^y8 • t 267,839 " 6 I 21 M*t6rnat* — 10 ni.wwi» ï " 10,110,273 ; 1 3,000 7.6Ï7.J30 1739 1740 8,000,000 300,000 294,94812 6 1,217,67710 .. ! 24 2,275 3,264,45418 4I 247,791 2 5 jj 13 8,877-966 18 11 17,339,259 1 3 8,461,292 1 4 3,ooo 7,651,245 1740 1741 8,000,000 300,000 334,178 1,219,03918 6| 26 3,595 4,225,23219 4! 224,558 4 •• 20 13 9 25,761,345 1 4 12,327,203 7 7 3,ooo 7,657,530 1741 1742 8,000,000 300,000 369,411 ... 7 1,428,734 12 10 16 1,721 3,665,668 ... 3! 60 5 88,964 5 2 19 10,281,468 18 3 21.JS9.901 6 9 11,608,432 8 6 3,000 7,657,53© 1742 1743 8,000,000 300,000 332,962 1,593,707 12 .. 17 1,710 3,975,530 19 11 740 3 7 21 113,620 6 15 12,408,189 13 4 21,418,275 5 10 9,010,085 is 6 3 000 1 7,658,787 1743 1744 8,000,000 300,000 361,626 8 9 ; M5i,539 i8 .. 26 2,628 3,291,54614 7 200,000 .. .. 16 11^.34,310 1 11 21,801,869 12 .. 10,367,559 ïo 1 3,000 7,641,804 1744 1745 8,000,000 300,000 ' 153,643 1,473,264 8 .. 24 3.4ii 1,400,954 8 5 352 .. 5 18 101,041 7 3 18 9,o3i>l6S 9 8 17,498,846 3 ii 8,467,680 14 3 3,ooo 3,835,05o 1745 1746 25,061,900 8,000,000 300,000 260,077 - 1,508,802 12 11 17 2,533 1,692,390 - - 77 3 3 - 52,649 4 6 5 4,957>29i 2 10 8,580,310 11 2 3,623,019 8 4 3,000 ... .. 15,000,000 1746 1747 8,000,000 300,000 146,27515 3 2,839,77210 .. 13 1,896 2,297,592 3 201,579 1 7 14 3,5i4>8i9 3 5 6,423,601 18 7 2,908,782 15 2 3,000 1,767,164 < i 1747 1748 9,000,000 453,78413 4 1 2,858,240 3 .. 14 2,014 2,703,511 ... II 9,500 .. .. 5 1,509,465 7 7 972,38o 10 9 3>ooo ,. .■ 3,534,3-28 FONDS CAPITAL au ga Juin 1748 219,081,000 1748 1749 9,000,000 717,219 8 9 3,033,739 1 ■■ 20 2,315 2,938,592 1 ij 272,730 1 ..|| 11 3,454,454 12 5 5,721,239 10 .. 2,266,784 17 7 3,000 3,534,328 Les Contrats des cent I749 j.750 12,387,655 168 9000000 48' o"? 17 6 3,602,291 78 16 1,684 ! 3,054,030 9 41 300,321 2 .. I 5 2,910,094 8,351,824 7 4 5,441,730 7 4 3,000 ... •• 3,534,328 millions ci-deflus ont ' ' *»»»>/ , , étéporte',; a iSomil- 1750 1751 9,000,000 932,870 3,967,25918 .. 20 1,736 4.0:5,988 611 1,039 •• 4 ... 284,674 2 7 1 7 9,oi5,5i3 18 11 17,636,5-9 9 2 8,621,065 Io 3 3)0oo 3,786,78o l'^ra'caufeÏla «75» 1752 9,000,000 1,164,539 3,891,41717 3j "S 1,803 5,458,387 9 3 706 1 4 6 273,467 2 .. 22 13,046,805 15 6 26,766,159 12 »T 13,719,353 16 8 3,000... ■• 4,039,23* fe^du^Tabac ó^des" I7S* 1753 9,000,000 834,456 3 4 4,546,897 i? i| 24 2,677 6,6i8,4S4 12 2 3,383 3 5 21 131,819 6 5§ 14 io,S36,352 9 21,637,763 17 1 10,800,911 $ 1 3,000 4,039,232 indemnités, demandes I75;3 1? ig,ooo,ooo 9,000,000 963,313 10 . j 4,678,104 10 11 | 19 2,494 5,947,128 15 ■• 2,927 4 6 33 188.7*7 7 6 16 11,897,855 10 20,745,752 3 ii 8,847,896 13 ii 3,000 4,039,23* & pre'tentions de la I 1 Compagnie,liquidées 1754 1755 9,000,000 1,098,063 7 6 4,475,418 11 6 | 24 2,821 5,978,3=4 8 9 4.153 1 7 ••• 299,982 76 15 15,295,963 6 11 28,081,408 7 7 12,785,445 ... 8 3,000 4,039,232 par ledit édit; ei.,.,. 180,000,000 liv. T.755 ,7,6 12,000,000 | 9,000,000 540,35315 .. 4,533,904 2 61 10 1,538 2,170,09210 2 60,000 .. .. 10 9,845,391 n 7 18,406,904 9 .. 8,561,512 17 5 3,ooo 4,039,232 Batiraens,clettesaaives, " 17 ,ü ' j J 3 5 , — 39,o8i.ooo 1756 1757 j 9,000,000 ï2g,388 * 9,000,000 4,861,6ri 1; s| is 4,»» 3,?**4gB 1 -\ 121,152 44 3 3,692,690 ^ II 6,336,688 15 3 2,643,998 1 4 3,000 .. 4,039,231 $19,0 1,000 iv, I7?7 I7?g 9,000,000 1,016,613 •■» .. 3 12,000,000 4,738,566 14 6 1 13 2,357 1,862,535 19 1 ... 107,871 *4 7 9,?94,429 1 8 14,260,111 1 .. 4,465,681 '9 4 3,ooo ... ,. 4,021,472 1758 1759 9,000,00b 239,073 15 12,000,000 4,741,1:9 8 81 15 1,864 2,742,110 1 4 8,440,789 14 7 io,534,8i7 4 6 2,094,027 9 ii 3,000 4,921,473 1759 1760 9,000,000 351.025 6,385,612 16 8 4,526,42513 6 3 8 944 1,846,553 3 4 4 2,244,987 4 4 2,598,188 ... 4 353,200 A6 .. 3,000 3,016,104 1760 1761 9,000,000 686,162 13 5 7,000,000 4,547,464 4 6 3 ii 1,893 3,°64,264 8 9 • 2,400 .. .. 4 2,419,107 10 7 5,030,013 9 1 2,610,905 r8 6 128,838 13 5 2,010,736 1761 1762 9,000,000 414,867 7 5 7,000,000 4,487,14* 18 :j 8 1,115 1,886,603 4 6' 13,640 •• •• 3 i,973,6o9 11 8 4,805,321 11 9 2,831,71* 1 3,ooo .. 2,010,736 1762 1763 9,000,000 375,896 18 5,100,000 4,412,050 14 5 I 6 636 i,348,:oi 10 sj I2,84S •• •• 6 410,061 17 n 675,388 18 .. 265,327 i 3,000 2,010,736 1763 1764 9,000,000 361,222 3 1 1 7,000,000 ... .. 4,625,430 4 4 ? 730 611,565 3 .. 82,762 16 8 591,4*3 18 9 1,200,163 5 .. 608,739 6 3 3,000 3,016,104 1764 176? 13,760,600 9,000,000 563,001 ... 6 4,061,463 11 1 7 1,018 2,322,133 7 2} 188,804 ■• ■■ 9 3,579,467 1 9 6,857,939 10 .. 3,278,472 8 3 3,777 12 U 766,656 1765 1766 4,769,333 84 9,000,000 792,18011 4,901,145 911 io 1,448 3>4*ii*79 15 8 213,138 5 41 i 7 2,54^,081 1 4 4,746,587 3 •• 2,197,506 1 8 213,241 16 1 *,953,66o 1766 1767 •, [ 9,000,000 1,649,68216 9 5,53i,i54i3 i| 13 2,0:3 3/»42,oo3 is 7 « 113,331 6 2 5 7 7,657,134 4 9 14,179,386 11 .. 6,522,252 6 3 381,862 11 4 *>953,66o 1767 I768 12,000,000 9,000,000 1,084,905 11 1' 5,705,436 13 11 10 1,691 4.396,053 4 5 109,578 I3| 15 10,024,419 13 11 16,411,001 4 ■• 6,386,581 10 i 538,417 8 6 *,953,66o 1768 1769 11,100,000 9,000,000 897,829 1 2! 5,731,279 i3 2 15 2,192 7,793,372 19 s .' 20,460 .. .. J 8 12,600,388 12 3 23,691,55* 3 .. 11,091,163 10 9 297,44r 8 8 2,953,66o 1769 177° 12,000,000 9,000,000 983,269 ... gj 5,943,53* 25 3 471 1,5^,269 7 4 , I 6 9,510,945 3 2 15,904,844 7 «• 6,393,899 3 10 312,834 3 .. 2,953,660 1770 I771 13,351,550 , S8,i8ii6 5 • - ■•'I f 9 9,604,997 ... s 17,863,43,8 8,258,43° 19 7 126,29013 s Contratspoiuliquidatiotis, de'livrés de 1764a 1770 , 25,037,800 I | j I68,593,499 3 .,1174,006,266 18 5213,600,00021,307,9231610 9 lésd**)61? ** *jI33»*305»7i9 * 3 j 761 17,2:3 |iss,«32»3I3 »7 413,442 .. 6 276,206,477 3 slj 585 344,032,818 17 9636,363,557 13 10292,867,8*31211 2,364,704 74243,120,386  JK. JtL JU JtL !l/ M & JE W JE J&. X Du produit net, efcompte a dix pour cent de'duif , des Marchandifes des Indes, de la Chine & des ifles de trance & de Bourbon provenant du commerce particulier, depuis la fufpenfion du Privilege excluPif de la Compagnu des Indes de France, & dont la vente s'efi faUe pubUauement au port de§VOriënt dans les années a-aprês; r vnenr, S A V O I R, ANNÉES ^ MARCHANDISES T O T A L des Ventes. ™~"™mmmB'™""™—""j gén ér a l des Indes. de la Chine. des isles db France du produit net , _ et de Bourbon. liv. fois. den. liv. fois. den Ü7, r~I T ' 7- , " . < 1771 , A„„ "V. fois. den. liv. lols. den. .^L rz™:.:;: ïïèX z \ ïiiii1* x\ t i'906'171 8 11 io^°* ♦ « 1773 871,7,4 9 1 ?SS'S? 18 7 ''f8'17! 16 10 'S»"8'1*6 16 8 *774 8 47569* H 4 Sl^SS 5 < r"8 ° ^'l8''911 ' * 1776 10,402 422 t r„ f A9J t ï07,769 11 6 22,126,582 7 1778.. Jrr.of i°>iio>?«7 4 782,475 14 37,509,764 ,2 6 ~ 778 -•9,56-,,869 ,9 4,?oo,3°? 5 6 [6f*ïl ,J i£*6%l ig « T°TAL86,„,,648 16 4 56,008,903 15 4 7,06,,^ 1, 8 "^9^72,588 J 4 récapi tulation. année commune. Marchandifes des lades Uv' foU' den- ' liv- {o]s- den« De la Chine *86,111,648 16 4 ,0,763,956 2 Des isles de*F«nc'rTd7BÖÜrbons<5'°f'96? J' * 7,012,370 9 ï UrDon-" 7,o6i,975 11 8 882,746 ,8 11 Tot al..., , 149,272,588 j. 4 I ,8,659,073 ,o 4 iwg»m™*^^ ^ w^m^__J^__. -- —   A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 255 toute tracée. II étoic alors fi généralemem recu qu'un privilege exclufif pouvoit feul conduire des opérations fi délicaces & fi compliquées, que le fpéculateur le plus hardi ne fe feroit pas permis un doute. II fuc donc créé une compagnie avec tous les privileges dont jouifibient celles de Hollande & d'Angleterre. On alla même plus loin. Colbert, &c. Page 10, après ces mots, un empreflèment extréme, lifez : Madagafcar fut encore deftiné h être le berceau de la nouvelle aflbeiation. Les malheurs répétés qu'on y avoit éprouvés n'empêcherent pas de penfer que c'étoit la meilleure bafe pour le vafte édifice qu'on travailloit a élever. Pour juger fainement de ces vues, il fauc prendre de cette ifle célebre la connoifTance la plus approfondie qu'il fera poffible. Madagafcar, féparé du continent de TAfrique, par le canal de Mozambique, efl: fitué a 1'entrée de 1'Océan Indien, entre le douzieme & le vingt-cinquieme degrés de latitude, entre le foixante-deuxieme & le foixante-dixieme dè longitude. II a trois cents trente-fix lieues de long, cent vingt dans fa plus grande largeur, & environ huit cents de circonférence. Les cótes de cette grande ifle font généralement mal-faines. Ce malheur tient a des caufes phyfiques qu'on pourroit changer. La terre que nous habitons n'efl: devenue falubre que par les IV. Les Francois forment des colonies k Madagafcar. Defcription de cette ifle.  256 SUPPLÉMENTS travaux de 1'homme. Dans fon origine , elle étoit couvertede forêcs & de marécagesqui corrompoient 1'air. C'eft 1'état afluel de Madagafcar. Les pluies, comme dans les autres pays fitués entre les Tropiques, y ont des temps marqués. Elles forment des rivieres, qui, cherchant a fe dégorger dans 1'Océan, trouvent leur embouchure fermée par des fables que le mouvement de la mer y a pouflës durant la faifon feche : c'eft-a-dire, lorfque les eaux n'avoient pas aflèz de volume & de viteiïè pour fe faire jour. Arrêtées par cette bardere, elles refluent dans la plaine, y font quelque temps ftagnantes, & rempliflènt Phorifon d'exhalaifons meurtrieres, jufqu'a ce que furmontant 1'obftacle qui les retenoit, elles fe ménagent enfin une iflue. Ce fyftême paroitra d'une vérité fenfible, fi l'on fait attention que les cótes ne font mal-faines que dans la mouflbn pluvieufe; que la colonne d'air corrompu ne s'étend jamais bien loin; que le ciel eft toujours pur dans 1'intérieur des terres; & que le rivage eft conftamment falubre dans tous les lieux, oü, par des circonftanceslocales, le cours des rivieres eft libre fans interruption. Par quelque vent que le navigateur arrivé a Madagafcar, iln'appercoit qu'un fable aride. Cette ftérilité finit a une ou deux lieues. Dans Ie refte de l'ifle, la nature, toujours en végétation,produit  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 25- duit feule dans les forêcs ou fur les terres découverces, le cocon, 1'indigo, le chanvre, lemlel, le poivre blanc, Ie fagou, les bananes, le chou caraïbe, Ie ravenfera, épicerie trop peu connue, mille plantes nutritives étrangeres a nos climats. Tout eft rempli de palmiers, de cocotiers, d'orangers, d'arbres gommiers, de bois propres h la conftruétion &a tous les arts. II n'ya proprement de culture a Madagafcar que celle du riz. On arrache Ie jonc qui croit dans les marais. La femence y eft jettée a la volée. Des troupeaux les traverfent enfuite, & par leur piétinement, enfoncent le grain dans la terre. Le refte eft abandonné au hafard. Une autre efpece de riz eft cultivée dans la faifon des pluies fur les montagnes avec la même négligence. Ces contrées ne font pas fécondées par les fueurs de 1'homme. La fertilité du fol & des eaux bienfaifantes y doivenc tenir lieu de tous les travaux. Des boeufs, des moutons, des porcs, des chevres paiflênt jour & nuit dans les prairies fans ceflè renaifiantes que la nature a formées a Madagafcar. On n'y voit ni chevaux, ni buffles, ni chameaux, ni aucune efpece de bêtes de charge ou de monture, quoique tout annonce qu'elles y duflènt profpérer. On a cru trop légérement que 1'or & 1'argent étoient des produ&ions de l'ifle. Mais il eft prou» vé que non loin de la baie d'Antongil, il fe Suppl. Tome I. R  o58 SUPPLÉMENTS trouve des mines de cuivre affez abondantes, & des mines d'un fer très-pur dans 1'intérieur des terres. L'originedesMadecaflèsfe perd, comme celles de la plupart des peuples, dans des fables extravagantes. Sont-ils indigenes? ont-ils ététranfplantés? C'efl: vraifemblablement ce qui ne fera jamais éclairci. Cependant on ne peut s'empêcher de penfer qu'ils ne font pas tous fortis d'une fouche commune, quand on réfléchit aux différentes formes qui les diftinguent. Cette variété tient fans doute a la formation générale des ifles. Toutes ont.été liées a quelque continent dans des temps antérieurs a 1'origine de la navigacion, & en ont été féparées par ces bouleverfements qui nefe renouvellent que trop fouvent. Si la rupture a été fubite, l'ifle ne vous offrira qu'une feule race d'hommes. Si les contrées adjacentes ont été menacées long-temps avant le déchirement, alors le péril mit les différents peuples en mouvement. Chacun courut en tumultevers le lieu oü il fe promettoit quelque fécurité. Cependant le terrible phénomene s'exécuta; & 1'efpace entouré d'eaux renferma des races qui n'avoient, ni la même couleur, ni la même ftature, ni la même langue. Tout porte a croire qu'il en a été ainfi h Madagafcar. A 1'Ouefi: de l'ifle, on trouve un peuple appellé Quimofie, qui n'a communément que  A LTIIST. PH1L0S0PHIQUE. 259 quatre pieds, & qui ne s'éleve jamais a plus de quatre pieds quatre pouces. On le croit réduita quinze mille ames. II devoit être plus nombreux, avant la guerre meurtriere & malheureufe qui lui fit quitcer fes premiers foyers. Forcé de s'expatrier, il fe réfugia dans une vallée très-fertile & entourée de hauteurs efcarpées, oü il vit fans communication avec fes voifins. Lorfque fes anciens vainqueurs fe réunifTent pour 1'attaquer dans cette pofition heureufe, il lache un grand nombre de boeufs fur la croupe de fes montagnes. Les aflaillants, qui n'avoient que ce butin en vue, s'emparent des troupeaux, & quittent les armes pour les reprendre, lorfqu'ils peuvent encore réufiir a former une confédération aflèz puiffante pour déterminer les Quimoflès a acneter de nouveau la paix. % Cet expédient, qui convient aux foibles & timides QuimofTes, ne conviendroit nullement h une nation puiflante. Le Souverain ou le Miniftre pufillanime qui achete la paix invite fon ennemi a la guerre, & le fortifie de tout 1'argenr. qu'il lui accorde, & dont il s'affbiblit. C'eft un mauvais politique, qui fe conduit comme s'ilne lui reftoir. que quelques années a vivre, & qui fe foucie fort peu dece que 1'Empire deviendra après fa mort. Madagafcar eft divifé en plufieurs peuplades, plus ou moins nombreufes, mais indépendantes R 2  a6o SUPPLÉMENTS les unes des autres. Chacune de ces foiblesaflbciations habite un canton qui lui efl: propre, & fe gouverne elle-même par fes ufages. Un chef, tantön éleétif, tantöc héréditaire, & quelquefois ufurpateur, y jouit d'une affez grande autorité. Cependant, il ne peut entreprendre la guerre que de 1'aveu des principaux membres de 1'Etat, ni la foutenir qu'avec les contributions & les efforts volontaires de fes peuples. Le dépouillement des champs enfemencés,le vol des troupeaux, 1'enlevement des femmes & des enfants : telles font les fources ordinaires de leurs divifions. Ces peuples agreftes font tourmentés de la rage de jouir par 1'injuflïce & la Violence, auffi vivement que les nations les plus policées. Leurs hoftilités ne font pas meurtrieres; mais les prifonniers deviennent toujours efclaves. On n'a pas a Madagafcar une idéé fort étendue de ce droit de propriété, d'oü dérive le gout du travail, le motif de la défenfe, & la foumiffion au Gouvernement. Auffi les peuples y montrent-üs peu d'attachement pour leslieux qui les ont vu naicre. Des raifons de mécontentement, de convenance ou de néceffité, leur font aifémenc quitter leur demeure pour une autre contrée plus abondante ou plus éloignée de leurs ennemis. Souvent même, par pure inconftance, un Madecaflë fe choiflt une autre patrie, pour en  A L'HIST. THILOSOPHIQUE. 261 changer encore, lorfqu'il aura un nouveau caprice, ou qu'il craindra quelque chatiment pour un aéte de fureur ou pour un larcin. II eft affuré de trouver par-tout des terres a cultiver. Jamais elles ne font partagées. C'eft ordinairement la commune qui les enfemence, & qui en partage enfuite les produétions. Ainfi le droit civil eft peu de chofe dans ces régions; mais le droit politiquey eft encore moins étendu. Quoique les Madecaffès admettent confufé» ment Ia doctrine, fi répandue, des deux principes, ils n'ont point deculte. Usne foupconnenc pas 1'exiftence d'une autre vie, & cependant ils croient aux revenants: mais doit-on chercher des idéés mieux liées parmi des barbares qu'on n'en trouve chez les nations les plus éclairées? Le plus funefte de leurs préjugés eft celui qui a établi des jours heureux & malheureux. On fait inhumainement mourir les enfants nés fous des aufpices peu favorables. C'eft une erreur cruelle qui empêche ou détruit la population. Peu de nations fupportent la douleur & les événements föcheux avec autant de patience que les Madecaffès. La vue même de Ia mort, donc 1'éducation ne les a pas accoutumés a redouter les fuites, ne les trouble pas. Ils attendent avec une réfignation qu'on a peine a comprendre, le moment de leur deftruétion , li défefpérant pour nous. C'eft, peut-être, une confolation pour R3  &Ó2. SUPPLÉMENTS eux d'avoir la cercitude qu'ils ne feront pas oubliés, lorfqu'ils auront cefle d'exifter. Lerefpeóï pour les ancêcres eft pouftë très-loin dans ces régions fauvages. II eft ordinaire d'y voir des hommes de tous les %es aller pleurer fur Ie tombeau de leurs peres, & leur demander des confeils dans les aclions les plus intéreffantes de la vie. Ces Infulaires robuftes & aflèz bien faitsn'onc pas la même indifférence pour Ie préfent que pour 1'avenir. Comme ils ne font jamais gênés dans leurs goüts par le frein de la morale ou de la Religion, ni par cette police éclairée qui arrête les penchants de 1'homme pour établir 1'ordre de la fociété, ils font tout entiers a leurs paffions. Ils aiment, avec tranfport, les fêtes, Ie chant, la danfe, les liqueurs fortes, & fur-tout les femmes. Tous les inflants d'une vie oifive, fédentaire & abondante s'écoulent dans les plaifirs des fens, refufés par la nature aux fauvages du Nord, qui épuifent leurs facultés phyfiques dans la recherche des aliments néceflaires a leur rniférable & précaire exiftence. Outre la compagne qu'ils époufent en cérémonie, les Madecaffès prennent autant de concubines qu'ils peuvent en avoir. Le divorce eft commun chez eux, quoique rien n'y foit plus rare que la jaloufie. La plupart fe tiennent même honorés d'avoir des enfants adultérins, quand ils font de race  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 263 blanche. L'iliuftration de 1'origine fait paflèr fur 1'irrégularité de Ia naifTance. On appercoit un commencement de lumiere & d'induftrie chez ces peuples. Avec de la foie, du coton, du fi] d'écorce d'arbre, ils fabriquent quelques étoffes. L'art de fondre & de forger le fer ne leur eft pas enrjérement inconnu. Leurs poteries font affez agréables. Dans plufieurs cancans , ils pratiquent la maniere de peindre la parole par Ie moven de 1'écriture. Ils ont même des livres d'Hiftoire, de Médecine, d'Aflrologie, fous la garde de leurs Ombis, qu'on a pris mal-a-propos pour des Prêtres, & qui ne font réellement que des impofteurs, qui fe difent & peut-être fe croyent forciers. Ces connoiffances, plus répandues a 1'Oueft que dans le refte de l'ifle, y ont été portées par des Arabes, qui, de temps immémorial, y viennent trafiquer. On a calomnié les Madecaffès, lorfque fur un petit nombre d'ades ifolés d'emportement & de rage, commis dans 1'excès de quelque paflion violente, on n'a pas craint d'accufer la nation entiere de férocité. Ils font naturellement fociables, vifs, gais, vains, & même reconnoiffants. Tous les voyageurs qui ont pénétré dans fintérieur de l'ifle, y ont été accueillis, fecourus dans leurs befoins, traités comme des hommes, comme des freres. Sur les cótes, oü la défiance eft eommunémenc plus grande, les navigateurs n'ont R 4  V. Conduitf des Fran«oisaMada'gafcar. Ce qu'ils pouvoient & dfr voient y faire. *64 SUPPLÉMENT S que rarement éprouvé des violences & des perfidies. Vingt-quatre families Arabes, qui très-anciennement avoient ufurpé 1'Empire dans la Province d'Anofll, en ont long-temps joui fans trouble, & 1'ont perdu en 1771, fans être ni chaffées, nimafTacrées, ni opprimées. Enfin, la langue de ces Infulaires fe prête aifément a 1'exprelfion des fentiments les plus tendres; & c'efl: un préjugé très-favorable de la douceur de leurs moeurs, de leur fociabilité. Tel étoit Madagafcar, lorfqu'en 1665, il y arriva quatre vaiflèaux Francois. Le corps qui les avoit expédiés étoit réfolu a former un établiflèment folide dans cette ifle. Ce projet étoit fage, & 1'exécution n'en devoit pas être fort coüteufe. Toutes les colonies que les Européens ont établies en Amérique pour en obtenir des produétions, ou au cap de Bonne-Efpérance, dans les ifles de France, de Bourbon, de Sainte Hélene pour 1'exploitation de leur commerce aux Indes, ontexigédes dépenfes énormes, un treslong temps, & des travaux confidérables. Plufieurs de ces régions étoient entiérement défertes, & l'on ne voyoit dans les autres que des habitants qu'il n'étoit pas pofiible de rendre utiles. Madagafcar offroit au contraire un fol natureilement fertile, & un peuple nombreux, docile, intelligent, qui n'avoic befoin que d'inf-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 265 trudtfon pour feconder efficacement les vues qu'on fe propofoit. Ces Infulaires étoient fatigués de 1'état de guerre & d'anarchie oü ils vivoient continuellement. Ils foupiroient après une police qui püc les faire jouir de la paix, de la liberté. Des difpofitions fi favorables ne permettoienc pas de douter qu'ils ne fe prêtaflènt facilernent aux efforts qu'on voudroit faire pour leur civilifation. Rien n'étoit plus aifé que de la rendre très-avantageufe. Avec des foins fuivis, Madagafcar devoit produire beaucoup de denrées convenables pour les Indes, pour la Perfe, pour 1'Arabie & pour le continent de 1'Afrique. En y attirant quelques Indiens & quelques Chinois, on y auroit naturalifé tous les arts, toutes les cultures de 1'Afie. II étoit facile d'y conftruire des navires, paree que les matériaux s'y trouvoïent de bonne qualité & en abondance ; de les armer même, paree que les hommes s'y montroient propres a la navigation. Toutes ces innovations auroient eu une folidité que les conquêtes des Européens n'auront pas aux Indes, oü les naturels du pays ne prendront jamais nos loix, nos mceurs, notre culte, ni par conféquent cette difpofition favorable qui attaché les peuples a une domination nouvelle. Une fi heureufe révolution ne devoit pas être 1'ouvrage de la violence. Un peuple brute, nomR 5  z65 SUPPLÉMENTS breux & brave, n'auroit pas préfenté fes mains aux fers dont une poignée de féroces étrangers auroient voulu le charger. C'étoit par la voie douce de la perfuafion ; c'étoit par 1'appat fi féduifant du bonheur; c'étoit par 1'attrait d'une vie tranquille; c'étoit par les avantages de notre police, par les jouifTances de notre induftrie, par la fupériorité de notre génie, qu'il falloit amener l'ifle entiere a un but également utile aux deux nations. La légiflation qu'il convenoit de donner a ces peuples devoit être aflbrtie a leurs mceurs, a leur caraftere, a leur climat. Elle devoit s'éloigner en tout de celle de 1'Europe, corrompue & compliquée par la barbarie des coutumes féodales. Quelque fimple qu'elle fut, les points divers n'en pouvoient être propofés que fucceflivement, & a mefure que 1'efprit de la nation fe feroit éclairé, qu'il fe feroit étendu. Peut-être même n'auroit-il pas fallu fonger a y amener les hommes dont 1'age auroit fortifié les habitudes; peutêtre auroit-il fallu s'attacher uniquement aux jeunes gens, qui, formés par nos inftitutions, feroient devenus, avec le temps, des miffionnaires politiques qui auroient multiplié les profélytes du Gouvernement. Le mariage des filles Madecaffès avec les colons Francois, auroit encore plus avancé le grand fyftême de la civilifation. Ce Hen, fi cher & &  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 267 fenfible, auroit éteint ces diftinétions odieufes qui nourrifiènt des haines éternelles, & qui féparent a jamais des peuples , habitant la même région, vivant fous les mêmes loix. Ileüt été contre toute juftice, contre toute politique de prendre arbitrairement des terres pour y placer les nouvelles families. On auroic demandé a la nation aflèmblée celles qui n'auroient pas été occupées; & pour aflurer plus de confiftance a 1'acquifition, le Gouvernement en auroit donné un prix qui put plaire a ces Infulaires. Ces champs, légitimement acquis, auroient eu pour la première fois des maïtres. Le droit de propriécé fe feroit établi de proche en proche. Avec le temps, toutes les peuplades de Madagafcar auroient librement adopté une innovation, dont aucun préjugé ne peut obfcurcir les avantages. Plus les colonies qu'il s'agiflbit de fonder a Madagafcar pouvoient réunir des genres d'utilité, mieux il falloit choilir les infinuations propres k les faire éclore, a les multiplier, a les vivifier, a les conferver. Indépendamment d'un établiflement qu'il étoit peut-êcre convenable de placer dans 1'intérieur de l'ifle, pour obtenir de bonne heure la confiance des Madecaflès, il étoit jndifpenfable d'en former quatre fur les cótes. L'un a la baie de Saint-Auguftin, qui auroit ouvert une communication facile au continent d'A-  _8 SUPPLÉMENTS frique; Ie fecond, k Louquez, oü une chaleur vive & continue devoit faire profpérer toutes les plantes de 1'Inde; le troifieme, au fort Dauphin, qu'une température douce & faine rendoit propre au bied & a la plupart des produétions de 1'Europe; le quatrieme enfin, a Tametave, la contrée la plus fertile, la plus peuplée, la plus cultivée du pays. Cette derniere pofition méritoit même d'être choifie pour être le cheflieu de la colonie; & voici pourquoi. 11 n'y a point de port connu a Madagafcar. C'eft une erreur de croire qu'il feroit poffible d'en former un au fort Dauphin , en élevant un mole fur des récifs qui s'avancent dans la mer. Les travaux d'une fi grande entreprife ne feroient pas feulement immenfes, la dépenfe en feroit encore inutile. Jamais un mole ne mettroit a 1'abri des ouragans des vaiffeaux que les montagnes ellesmêmes n'en garantiffènt pas. D'ailleurs, ce port faétice, ouvert en partie a la fureur des V3gues, auroit néceflairement peu d'étendue. Les navires n'y auroient point de chaffè. Un feul démarré les feroit tous échouer; & ils périroient fans reffburce fur une cöte oü la mer eft toujours agitée, oü les fables font mouvants par-tout. II n'en eft pas ainfi a Tametave. La baie débarraffëe de cette incommode barre qui s'étend fur toute la cöte de 1'Eft de Madagafcar, eft très-fpacieufe. Le mouillage y eft bon. Les vaif-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. s5q feaux y font a Pabri des plus fortes brifes. Le débarquement y efl: facile. II fuffiroit de faire creufer 1'efpace d'une lieue & demie la grande riviere qui s'y jette, pour faire arriver les plus gros batiment a 1'étang de Node-Bé, oü la nature a formé un excellent port. Au milieu efl; une ifle, dont 1'air eft très-pur,& dont la défenfeferoit aifée. Cette pofition a cela d'heureux, qu'avec quelques précautions, on en pourroit fermer 1'entrée aux efcadres ennemies. Tels étoient les avantages que la compagnie de France pouvoit retirer de Madagafcar. La conduite de fes agents ruina malheureufement ces brillanresefpérances. Ils détournerent fans pudeur une partie des fonds dont ils avoient 1'adminiftration; ils confumerent en dépenfes folies ou inutiles des fommes plus confidérables5; ils fe rendirent également odieux, & aux Européens dont ils devoient encourager les travaux, & aux naturels du pays qu'il falloit gagner par la douceur & par des bienfaits. Les crimes & les malheurs fe multiplierent a un tel excès, qu'en 1670, les aflbciéscrurent devoir remettre au Gouvernement une poflèflïon qu'ils tenoient de lui. Le changement de domination n'amena pasun meilleur efprit. La plupart des Francois qui étoient reftés dans l'ifle furent maflacrés deux ans après. Ceux qui avoient échappé a cette mémorable boucherie, s'éloignerenc pour toujours d'une terre qui  270 SUPPLÉMENT S écoic moins fcuillée par leur fang que par leurs forfaits. La Cour de Verfailles a jetté de loin en loin quelques regards fur Madagafcar, mais fans en fentir jamais vivement leprix. II falloitque cette Puiflance perdit tout fon commerce, toute fa confidération dans 1'Inde, pour fe pénétrer de 1'importance d'une ifle dont la poffeflion lui auroit vraifemblablement épargnéces calamités. Depuis cette funefte époque, on 1'a vue occupée du defir de s'y établir. Les deux tentatives de 1770 & 1773, ne doivent pas 1'avoir découragée, paree qu'elles ont été faites fans plan, fans moyens; & qu'au-lieu d'y employer le fuperflu des habitants de Bourbon, hommes pacifiques, fages & acclimatés, on n'y a envoyé que des vagabonds ramafles dans les boues de 1'Europe. Des mefures plus fages & mieux combinées la conduiront fürement au but qu'elle fe propofeCe n'eft pas feulementla politique qui veut qu'on fe roidiflè contre les difficultés inféparables de cette entreprife. L'humanité doit parler plus haut, plus énergiquement encore que l'intérêt. Quelle gloire ce feroit pour la France de retirer un peuple nombreux des horreurs de la barbarie; de lui donner des mceurs honnêtes, une police exaéte, des loix fages, une Religion bienfaifante, des arts utiles & agréables; del'élever au rang des nations inftruites & civilifées ï  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. i7t Hommes d'Etac, puiflènc les vceux de la phïlofophie, puiflènc les vceux d'un citoyen aller jufqu'a vous! S'il eft beau de changer la face du monde pour faire des heureux; fi 1'honneur qui en revient appartient a ceux qui ciennent les rênes des Empires, fachez qu'ils fonc compcatables a leur fiecle & aux généracions futures, non-feulement de tout le mal qu'ils font, mais de tout Ie bien qu'ils pourroient faire & qu'ils ne fonc pas. Vous êtes jaloux d'une véritable gloire parmi vos contemporains; & quelle plus grande gloire que celle que je vous propofe J Vous defirezque votre nom s'immortalife : fongez que les monuments élevés en bronze font plus ou moins rapidement détruits par Ie temps. Confiez Ie foin de votre réputation k des êtres qui fe perpétueront, en fe régénérant. Le marbre eft muet; 1'homme parle. Faites-Ie donc parler de vous avec éloge. Si Ia corruption s'introduit dans la légiflation fage que vous aurez inftituée, c'eft alors que vous ferez véritablemenc révérés. C'eft alors qu'on reviendra fur le fiecle oü vousexiflites, & qu'on donnera des larmes & votre mémoire. Je vous promets Iespleursde 1'admiration pendant votre vie, & les pleurs du regrec, de longs fiecles après votre mort. La compagnie des Indes n'avoit pas des deffeins fi élevés, lorfqu'elle jugea en 1670 qu'il lui convenoit d'abandonner Madagafcar. A cette épo-  272 SUPPLÉMENTS que, fes vaiflèaux prirent direétement la route des Indes. Par les intrigues de Marcara, né a Ifpahan, mais attaché au fervice de France, on obtint la liberté d'établir des comptoirs fur diverfes cótes de la péninfule. On tenta même d'avoir part au commerce du Japon. Colbert offroit de n'y envoyer que des Proteftants: mais les artifices des Hollandois firent refufer aux Francois 1'entrée de cet Empire, comme ils 1'avoient fait refufer aux Anglois. Surate avoit étéchoifie pour être le centre, &c. Page 21, après ces mots, deflinées pour 1'Europe , lifez : Le Guzurate forme une prefqu'ifle entre 1'Indus & le Malabar. II a foixante milles de long fur une largeur prefque égale. Les montagnes d'Arva le féparent du Royaume d'Agra. L'Indoftan n'a pas de Province oü le fol foit auffi fertile, mieux arrofé, & coupé parun plus grand nombre de rivieres. On defireroit qu'un vent du Sud, des plus violents, n'en embrafat pas le climat trois mois chaque année. Cette contrée jouiflbit déja de grands avantages, lorfqu'une colonie étrangere vint encore augmenter fes profpérités. Dans fe feptieme fiecle, le dernier Roi de Perfe, de la dynaftie des Sanafides, fut détröné par les Mahométans. Plufieurs de fes fujets, mécontents du peuple vainqueur, fe réfugierentdans le Koheftan, d'oü, cent ans après, ils defcen- dirent  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 273 direm a l'ifle d'Ormuz. Bientöt ils firent voile pour 1'Inde', & aborderent heureufement a Diu. Peu fatisfaits encore de cet afyle, ils fe rembarquerent; & les flots les pouffèrent fur une plage riante, entre Daman & Bacaïm. Le Prince qui donnoit des loix a ce canton, ne confentit h les recevoir qu'a condition qu'ils dévoileroient les myfteres de leur croyance, qu'ils quicteroienc leurs armes, qu'ils parleroient 1'idiömedu pays, qu'ils feroient paroitre leurs femmes en public fans voile, & qu'ils célébreroient leurs mariages a 1'entrée de la nuit, felon la pratique généra-' lement recue. Comme ces ftupilations n'avoient rien de contraire au culte qu'ils profeflbient, les réfugiés les accepterent fans difficulté. 'L'habitude du travail, contraétée, &c. Page 23 , après ces mots, 1'avidité des Prêtres, lifez: L'induftrie, l'aétivitéde ces nouveaux habitants, fe communiquerent a la nation hofpitaliere qui les avoit fi fagement accueillis. Le fucre, le bied, 1'indigo, d'autres produétions furent naturalifés fur un fol que des rizieres avoient jufqu'alors principalement couvert. On multiplia, on varia, on perfeéhbnna les fruits & les troupeaux. Les campagnes de 1'Inde ofFrirent, pour la première fois, ces haies, ces enclos, ces autres agréments utites & champêtres qui embelliflènt ou enrichiflènt quelques-unes de nos contrées. Les atteliers firent les mêmes progrès que Suppl. Tome 1. S  VII. Commencement Pc progrès de Surare. .74 SUPPLÉMENTS es cultures. Le coton prit de plus belles for* mes, & la foie fut enfin mife en ceuvre dans a Province. L'accroifïèment des fubfifiances, les travaux & de la population, étendit,avec le emps, les relations extérieure?. L'éclat que jettoit le Guzurate excita lambition de deux Puiflances redoutables. Tandis que les Portugais le preflbient, &c. Page 24, après ces mots, envahir tout 1'Indoltan, lifez : Le Gouvernement Mogol, qui étoit alors dans fa force, fit jouir le Guzurate de plus de tranquillité qu'il n'en avoit eu. Cette fécuricé donna une nouvelle impulfion a tous les efprits. Toutes les facultés fe développerent; & l'on vit tous les genres d'induiïrie acquérir une perfcclion jufqualors inconnue. II falloic un entrepot oü fe réunifient tant de richefies, & ce fut Surate qui fe mie en poflèflïon de cette utiie prérogative. Au commencement du trezieme fiecle, ce n'étoit encore qu'un vil hameau, formé par des cabanes de pêcheur, fur la riviere de Tapti, & quelques milles de 1'Océan. L'avantage de fa pofition y attira quelques ouvriers & quelques marchands. Ils furent pillés trois ou quatre fois par des pirates; & ce fut pour arrêter ces incurfionsdeftruaives,que fut conflruite, en 1524, une forterefïè. La place acquit, a cette époque, une importance qui avoit beaucoup augmenté,  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 27, lorfque les Mogols s'en rendirenc maitre: Comme c'étoit la feule ville maritime qui ei alors fubi leur joug, ils contraéterent 1'habitud de s'y pourvoir de toutes leurs confommation de luxe, De leur cöté, les Européens qui n'avoien aucun, &c. Page 26, après ces mots, perdu leurs équi pages, lifez : Nous foupconnions a peine qui le commerce püt avoir des principes; & il étoient connus, pratiqués dans cette partie d< FAfie. On y trouvoit de 1'argent a bas prix ck des lettres de change pour tous les marchéi des Indes. Les affurances pour les navigationi les plus éloignées , y étoient d'une refföurct trés ufitée. II régnoit tant de bonne foi, que les facs, étiquetés & cachetés par les banquiers, circuloient des années entieres, fans être ni comptés, ni pefés. Les fortunes étoient proportionnées a cette facilité de s'enrichir par 1'induftrie. Celles de cinq a fix millions n'étoient pas rares, & il y en avoit de plus confidérables. Elles étoient la plupart entre les mains des Banians. Ces négociants étoient renommés pour leur franchife. Quelques moments leur fuffifoierit pour terminer les affaires les plus importantes. Elles fe traitoient généralement. dans les bazards, Celui qui vouloit vendre annoncoit, en peu peu de mots & h voix baffè, la valeur S 2 s t s t i Vilt. MoEurs des habitants de Surate.  £?6 SUPPLÉMENTS de fa marchandife. On lui répondoic en mettant une main dans la fienne, fous quelque voile. L'acheteur marquoic par le nombre des doigts qu'il plioit ou qu'il étendoic, ce qu'il prétendoit diminuer du prix demande; & le plus fouvent le marché fe trouvoit conclu, fans qu'on eüc proféré une parole. Pour le ratifier, les contraftants fe prenoient une feconde fois la main; & un accord fait avec cette fimplicité étoit toujours inviolable. Si, ce qui étoit infiniment rare , il furvenoit des difficultés, ces hommes fages confervoient, dans les difcuffions les plus compliquées, une égalité & une politefTe dont nous ne nous formerions pas aifément 1'idée. Leurs enfants qui affifloient a tous les marchés, &c. Page 29, après ces mots, 1'empêcher de fondre, lifez : Les Parfis avec d'autres ufages, avoient un cara&ere encore plus refpeftable. C'étoient des hommes robuftes, bien faits & infatigables. Ils étoient propres a tous les travaux; mais ils excelloient fur-tout dans la conftruétion des vaiffeaux & dans 1'agriculture. Telles étoient leur douceur & leur droiture, qu'on ne les cita jamais devant le Magiftrat pour aucun aéte de violence ou quelque engagement de mauvaife foi. La férénité de leur ame fe peignoit fur tous leurs traics, dans tous  A LTIIST. PHILOSOPHIQUE. 277 leurs regards; &une gayeté douce animoit toujours leur converfation. La poéfie rimée les charmoit; & rarement parloientils même dans les affaires les plus férieufes, autrement qu'en vers. Ils n'avoient point de temple : mais tous les matins & tous les foirs, il s'afïèmbloient fur le grand chemin ou auprès d'une fontaine pour adorer le foleil levant, le.foleil couchant. La vue même du plus petit feu incerrompoit toutes leurs occupations, & élevoit leur ame tendre a la contemplation de cet aftre bienfaifant. Au-lieu de bruler les cadavres de leurs morts, comme les Indiens, ils les dépofoient dans des tours extrêmemenf élevées, oü ils fervoient de pacure aux oifeaux de proie. Leur prédileétion pour les feéhteurs de leur Religion, ne les empéchoit pas d'être fenfibles au malheur de tous les hommes: ils les fecouroient avecgénérofité, & leur pitié s'étendoit jufqu'auk animaux. Une de leurs plus grandes paffions étoit d'acheter des efclaves, de leur donner une éducation foignée, & de les rendre enfuite a la liberté. Leur nombre, leur union & leurs richefies, les rendirent quelquefois fufpecls au Gouvernement: mais ces préjugés ne tinrent jamais long-temps contre la conduite paifible & mefurée de ce bon peuple. On ne pouvoit le blamer que d'une faleté dégoütante , fous les apparences d'une propreté recherchée, & de 1'ufage trop fréquent d'une S 3  27tf SUPPLÉMENTS boiflbn enivrante, qui lui étoic particuliere. Teb étoit les Parfis, a leur arrivée aux Indes. Teb ils fe conferverent au milieu des révolutions qui bouleverferent fi fouvent 1'afyle qu'ils avoient choifi; & tels ils font encore. Combien les Mogols s'éloignoient de ces mceurs pures & aufteres! Ces IVlahométans ne fe virent pas plutót en poiïèffion de Surate, qu'ils s'y embarquerent en foule pour aller vifiter la Mecque. Beaucoup de ces pélerins s'arrêtoienc au port avant le voyage; un plus grand nombre a leur retour. Les commodités, qui étoient plus multipliées dans cette fameufe cité que dans le refte de 1'Empire, y fixerent même plufieurs des plus opulents. Leurs jours s'écouloient dans 1'inadionou dans les plaifirs. Le foin d'arquer leurs fourcils, d'arranger leur barbe, de peindre leurs ongle's & 1'intérieur de leurs mains, emportoic une partie de la matinée. Le refte du temps étoit employé a monter b cheval, a fumer, a boire du café, a fe parfumer, a fe coucher fur deslits de rofe, a entendre des hiftoires fabuleufes, & a cultiverle pavot, efpece d'exercice qui avoit pour eux de puifiants attraits. Les fêtes que ces hommes voluptueux fe donnoient fouvent, pour prévenir 1'ennui d'une vie trop monotone, commencoient par une profufion étonnante derafrakhifièments, defucreries, de parfums les plus exquis. Des tours de force  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 279 1 ou d'adrefïè, exécutés ordinairement par des Bengalis , fuivoient ces amufements tranquilles. Ils étoient remplacés par une mufique , que des oreilles délicates auroient peut-être réprouvée, mais qui étoit du gout de ces Orientaux. La nuit, qu'ouvroient des feux d'artifice d'une lumiere plus |pndre que les nötres, étoit occupée par desdanfenfes, dont lesbandesfe fuccédoient plus ou moins fouvent, fuivant le rang ou la riehedè de ceux qui les appelloient. Lorfque la fatiété des plaifirs invitoit au repos, on failbit entrer une efpece de violon, qui, par des fons doux, uniformes & fouvent répétés, provoquoic au fommeil. Les plus corrompus alloient fejetter dans les bras d'un jeune efclave Abyflin, & employoient des moyens connus dans ces contrées, pour prolonger cette jouiffhnce infame. Jamais les femmes n'étoient admifes a ces divertiflèments: mais elles appelloient auffi des danfeufes, & feprocuroient d'autres diftraótions. La préférence que leurs rcaris donnoient généralement a des courtifannes, étouffoient dans leur cceur tout fentimentd'affection pour eux, & par conféquent de jalouiie entre elles. Auffi vivoientellesdans uneunion aflèz étroite. C'étoit au point de fe réjouir, lorfqu'on leurannoncoit une nouvelle compagne, paree que c'étoit une augmentation de fociété. Cependant elles avoient une grande influence dans les affaires imporcantes; & S 4  .30 SUPPLÉMENTS un Mogol fe décidoit prefcme toujours par le confeil de fon harem. Celles de fes époufes qui n'avoient point d'enfants, fortoient aflez fouvent pour vifiter les parents de leur fexe. Les autres auroient pu jouir de la même liberté, fi elles n'avoient préféré 1'honneur de leurs fils, finguliérement attaché a 1'opinion qu'on a d§ la fageffè de leurs meres. Elles les élevoient elles-mêmesavec beaucoup de foin & de tendrefle , &ne s'en féparoient jamais, pas même lorfqu'ils quittoient la maifon paternelle. Si la magnificence & les commodités pouvoient remplacer 1'amour, les harems auroient été les demeures les plus délicieufes. Tout ce qui pouvoit procurer des fenfations agréables, étoit prodigué dans ces retraites impénétrables pour des hommes. L'orgueil des Mogols avoit même réglé que les femmes qui y feroient admifes en vifice, recevroient la première fois des préfents très-riches, & toujours un accueil accompagné des voluptés propres a ces climats. Les Européennes, dont la familiarité avec 1'autre fexe choquoitlespréjugés Afiatiques, &que, pour cette raifon, on croyoit- d'une tribu trèsinférieure , eurent rarement la liberté de pénétrerdans cette efpece de fanétuaire. Une d'elles, fort tonnue en Angleterre par fes talents, par fes graces & par fon efprit d'obfervation, fut diftinguée des autres. Les préférences qu'on ac-  A E'HIST. PHILOSOPHrQUE. 281 cordoit a Madame Draper, la mirent a portée de tout voir, de tout examiner. Eile ne trouva pas h ces malheureufes créatures, qui vivoient emprifonnées, cet air dédaigneux ou embarraflë, que le peu de développement de leurs facultés auroit pu leur donner. Leurs manieres lui parurent franches;,.& aifées. Quelque chofe de naïf & de touchant diftinguoit leur converfation. Quoique les autres nations établies a Surate, n'oucraflènt pas, comme les Mogols, tous les genres de volupté, elles ne laiflbient pas d'avoir des jouiflances dans une ville oü les édifices publiés manquoient généralement de goüt.& de fymmétrie. Les maifons particulieres n'avoient, a la vérité, aucune apparence : mais on vöyok dans toutes celles des hommes riches, des jardins remplis des plus belles fleurs; des fouterreins pratiqués contre les chaleurs étouffantes d'une partie de 1'année; des fallons oü jailliffoient, dans des baffins de marbre, des fon tailles , dont la fraicheur & le murmure invicoient a un doux fommeil. Une des pratiqués les plus univerfelles, étoit de fe baigner; & après le bain, de fe faire maflèr ou pétrir, fi l'on peut s'exprimer ainfi. Cette opération donnoic du reflbrt aux différentesparties du corps, & une circulation facile a fesfluides. On fe croyoit prefque un nou vel être, après, J'avoir éprouvée. L'efpêce d'harmonie qu'elle ré- S 5  IX. Portrait des Balliaderes, plus voluptueufes a Surate que dans le refte de 1'Inde. üiü SUPPLÉMENT S tabliftbit dans toute la machine, étoit une forte d'ivreflè, fource féconde des fenfations les plus délicieufes. Cet ufage étoit, dit-on, pafle de la Chine, &c. Page 30, après ces mots, tous les fupplices, lifez: Surate offroit un autre plaifir plus piquant peut-être. C'étoit celui que procuroient fes danfeules ou Balliaderes, nom que les Européens leur ont donné toujours d'après les Portugais. Elles étoient réunies en troupes, &c. Page 48 après ces mots, premièresdignités de 1'Etat, lifez : Ces horreurs nous révoltent: mais avons-nous le droic de ne pas y ajouter foi, nous qui nous vantons de quelque philofophie, & d'un gouvernement plus doux, & qui cependant vivons dans un Empire, oü le malheureux habitant de la campagne eft jetté dans les fers s'il ofe faucher fon pré, ou traverfer fon champ pendant 1'appariade ou la ponte des perdrix; oü il eft obligé de lattier ronger le bois de fa vigne par des lapins, & ravager fa moiffon par des biches, des cerfs, des fangiiers; & oü la loi 1'enverroit aux galeres, s'il avoit eu la témérité de frapper du fouet ou du bacon un de ces animaux voraces ? Tant d'efpeces de tyrannie font que les Siamois, &c. Page 72, après ces mots, joui un demi-fiecle, lifez: Quoiqu'elle n'eüt plus rien de fon capital,  A L'HIST. PHILOSOPHIQUË. 283 & que fes dettes s'élevaiïènt a dix millions ,-il lu fut accordé une prorogation de dix ans par ur Miniftere quine favoicpas,ou ne vouloicpas voii qu'il y avoit a prendnc des mefures plus raifonnables. Ce nouvel arrangement fut traverfé pai la plus incroyable révolution qui foit jamais arrivée dans les finances du Royaume. La caufe & les efFets en feront mieux (aifis par ceux qui remonteront avec nous aux époques les plus reculées de la monarchie. On ignore abfolument de quelle maniere les premiers Gaulois fourniffbient aux différents befoins des confédéracions dont ils étoienc membres. Sous Ia domination Romaine, leurs defcendants donnerent pour toute contribution le cinquieme du fruit de leurs arbres, la dixme du produit de leurs raoiffons en nature. L'invafion des Francs fit difpsroitrecetimpöt, fans le remplacer par d'autres. Pour fournir a les dépenfes particulieres & même aux befoins publiés , le Souverain n'avoit de revenu que celui de fes terres, qui étoient vaftes & riombreufès.' On y voyoit des bois, des étangs, des haras, des troupeaux, des efclaves fous la direétion d'un adminiltrateur aérif, chargé de maintenir 1'ordre, d'animer les travaux, de faire naitre 1'abondance. La Cour alloit vivre fucceflivement dans ces domaines, uniquement employés en produétions utiles; & ce qu'elle ne confommoit pas écoic XVII. Révolutions arrivées dans les finances de la France depuis les premiers temps de la monarchie,  284 SUPPLÉMENTS vendu pour d'autres ufages. C'étoit le peuple qui fournifloit les charriots néceffaires pour les voyages du Prince, & les Grands qui le logeoient & le nourrifïoient. On lui faifoit, a fon départ, un préfent plus ou moins confidérable, & ce témoignage d'amour devint une impofition, fous le nom de droit de gke, lorfque les chefs de 1'Etar. fe dégoüterent d'une vie fi errante. Avec ces foibles refiburces, & quelques fecours toujours très-légers, que les affèmblées de la nation accordoient rarement dans le champ de Mars, les Rois ne laiffèrent pas de bacir de magnifiques Eglifes, de fonder de riches Evêchés, de repoufièr des ennemis puiflants, de faire des conquêtes importantes. Au commencement du huitieme fiecle , le Maire du palais , Charles Martel , jugea ces fonds infuffifants, pour la défenfe du Royaume violemment attaqué par les Sarrafins, redouta* bles par leur nombre , par leur valeur & par leurs viétoires. II parut a ce fameux dépofitaire de 1'autorité royale, qu'une guerre contre les infideles devoit être foutenue par des biens facrés; & fans aucun de ces ménagements auxquels il a fallu recourir depuis, qui même ont été fouvent employés fans fuccès, il s'empara des richefies eccléfiaftiques qui étoient immenfes. Si le Clergé fe flatta que la paix le rétabliroit dans fes poflèflïons, les événements trahirenc fes ef-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 285 pérances. Les Monarques refterent les maitres des plus riches Evêchés, les Grands des meilleures Abbayes, & les fimples Gencilshommes des bénéfices moins confidérables. Ce furent des fiefs qui obligeoient leurs poftèffèurs, ou fi l'on veuc, leurs ufurpateurs, a un fervice militaire proportionné a leur importance. On ne les tint d'abord qua vie; mais ils devinrent héréditaires dans la décadence de la familie de Charlemagne. Alors ils entrerent dans la circulation, comme toutes les autres propriétés. On les donna, on les vendit, on les partagea. Une cure fervoit fouvent de dot a une jeune perfonne qui en af* fermoit la dixme & le cafuel. Les premiers Rois de la troifieme race fe laiiïèrent perfuader qu'il étoit de leur religion & de leur juftice de rendre au fancluaire ce qu'on leur avoit ravi. Le facrifice étoit d'autanc plus grand, que ces Princes ne pouvoient attendre aucun fecours d'une nation morcelée qui ne s'aftèmbloit plus; qu'il ne leur reftoit de leur ancien domaine que ce qui s'étoit 'trouvé fitué dans 1'enceinte du territoire borné qui étoit refié immédiatement foumis a leurs ordres, lorfque le Gouvernement étoit devenu totalement féodal. Ce furent les Juifs qui, le plus fouvent, remplirent le vuide que ces révolutions avoient occafionné dans les caiflès royales. Trente-fept ans après la mort du Meflie, Ti-  Ê36 SUPPLÉMENTS rus attaqua & prit Jérufalem. II péric, durant }e fiege, des milliers de Juifs; un grand nombre furent fairs efclaves, & le refte de la nation fe difperfa. Une partie paffa dans les Gaules, oü elle éprouva des traitements divers, fuivant le temps & les circonftances. Quelquefois les Juifs acheterent le droit de former dans 1'Etat un peuple ifolé. lis avoient alors des tribunaux particuliers, un fceau qui leur étoit propre, des cimetieres hors des murs des villes, des fynagogues oü il ne leur étoit permis de prier qua voix bafTe, un figne fur leurs habits qui ne permettoient pas de les méconnoitre. Si de temps en temps on vouloit les forcer de fe faire Chrétiens, plus fouvent encore il leur étoit défendu de 1'être. Un Juif qui changeoit de religion , tomboit en forfaiture. Ses biens étoient confifqués. On le dépouilloit de tout, paree qu'on perdoit pour 1'avenir le droit de 1'accabler de taxes. Ordinairement, on livroit la nation aux ufures de ces hommes pervers : mais dans quelques occaiions, toute liaifon avec eux étoit interdite. La loi défendoit de prendre des Juifs pour domeftiques, de tenir deüx aucune ferme, d'accorder fa confiance a leurs Médecins, de nourrir ou même d'elever leurs enfants. On les accufa fouvent d'avoir empoifonné les  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 287 puits, d'avoir égorgédes enfants, d'avoir crucifie un homme le jour remarquable du faint vendredi. L'or, For feul pouvoit les jultifier de tant d'atrocités, égalemenc deftituées de vérité & de vraifemblance. La tyrannie leur donna fouvent des fers. Leurs perfonnes, leurs biens, leurs meubles: tout appartenoit au Seigneur du lieu oü ils habitoient. II pouvoit les pourfuivre, s'ils changeoient de domicile; & le Souverain lui-même n'avoit pas le droit de les retenir, lorfqu'ils étoient réclamés. C'étoit un effet dans le commerce; on vendoit ces fortes d'efclaves avec la terre, ou même féparément, plus ou moins, felon qu'ils avoient des talents & de l'induftrie. II arriva qu'on les obligeoit de fe racheter. Ces ames baflês auroient préféré une fervitude qui ne les empêchoit pas de s'enrichir a une indépendance qui devoit les dépouiller de leurs richefies : mais on ne Jeur laifïbit pas la liberté du choix. II falloit expirer dans les fupplices, ou tirer des entrailles de la terre les tréfors qu'ils y avoient cachés. Lorfque ces fangfues infatiables avoient dévoré la fubftance de 1'Etat encier, on leur faifoit regorger leurs rapines, & on les chafïbit. Pour obtenir la permiffion de recommencer leurs brigandages, elles facrifioient une partie de l'or qu'elles avoient fauvé de leur naufrage, & fe  288 ,S U P P L É M E N T S fervoicnt de 1'autre, pour gagner plus encóre qu'on ne leur avoit öté. - Quoique les Barons euflènt tous plus ou moins de part aux vexations dont on accabloit les Juifs, les Rois, dont cette natoon perverfe dépendoic plus fpécialement, en tiroient toujours le principal avantage. C'eft avec cette funefle & odieufe refTource qu'ils foutinrent quelque temps une autorité foible & conteftée. Dans la fuite, Pabos des monnoies leur fournit de nouveaux fecours. Les gouvernements anciens étoient bien éloïgnés de faire un profit fur les monnoies. C'étoit toujours 1'Etat qui faifoit la dépenfe de leur fabrication. On ignore quelle efl la nation qui percut la première un droit fur cet inflrumenc univerfel d'échanges. Si la France donna ce funefle exemple, les Rois de la première & de la feconde race durent tirerpeu davantage de cette pernicieufe innovation; paree que les payements fe faifoient, comme chez les Romains, avec des métaux qu'on donnoit au poids, & que les efpeces n'étoient connues que dans les détails du commerce. Cet ufage diminua beaucoup dans la fuite; & les Rois n'en furent que plus portés a augmenter un impöc qui leur devenoit de jour en jour plus avantageux. Ils allerent bientöt plus loin, & ils fe permirent la plus grande des infidélités, celle d'altérer les monnoies au gré de leur  A mm PHILOSOPHIQUÉ. 289 leur caprice ou felon leurs befoins. C'écoient des refontes continuelles, c'écoient des alliages toujours impurs. Ce fut avec ces odieux fecours; avec le reve* üu d'un territoire exceffivement borné; avec quelques fiefs, qui devenoient vacants ou qu'on confifquoit; avec des offrandes volontaires, & que f>our cette raifon on appelloit dons de bénév* lence; avec quelques droits qu'on exercoic fur les Barons, mais qui étoient plutót des marqués de fupenonté que de vrais impócs : ce fut avec ces moyensque la Couronne fe fout/nt, qu'elle s'agrandit même tout le temps qu'elle n'euc pour «nnemis que des vafTaux plus foibles qu'elle. Alors les guerres ne duroient que des femaines; les armées n'écoient pas nombreufes ; le fervice fe faifoit gratuitement; les dépenfes de la Cour 'étoient fi bornées, que, jufqu'au funefte regne de Charles VI, elles nepafièrent jamais 94,000 liv. Mals auffi-rót que 1'épidémie des croifades eut entrainé les Francois loin de leurs froncie* res, auflÏHÓt que des ennemis étrangers fe porte* rent en force fur la France, il fallur des fonds reguliers & confidérables. Les Rois auroient bien voulu ordonner eux-mêmes ces contributions. Plus d'une fois, ils le tenterenr. La réclamation ' des gens éclairés les avercit de leurs ufurpations & les révoltes des peuples les forcerent d'y renoncer. II faüuc reconnoitre que cette autoricé Suppl. Tome L X  soo SUPPLÉMENTS appartenoit a Ia nation aflemblée, & n'appartenoit qu'a elle. Ils jurerent même, a leur facre, que ce droit facré, inaliénable feroit a jamais refpefté; & ce ferment eut quelque force durant plufieurs fiecles. Tout le temps que la Couronne n'avoit eu d'autre revenu que ie produit de fon domaine, c'étoient fes Sénéchaux, fes Baillis, qui, chacun dans leur département, étoient chargés du recouvrement des deniers publics; en forte que 1'autórité, la juftice & la finance fe trouvoient réunies dans Ia même main. Il fallut établir un nouvel ordre de chofes, lorfque les impofitions devinrent générales dans le Royaume. Soit que les taxes portafTent fur la perfonne ou fur les maifons des citoyens; foit qu'on leur demandat le cinquieme ou 1 dixieme de leurs récoltes, le cinquantieme de leurs biens meubles & immeubles; foit qu'on fit d'autres combinaifons plus ou moins heureufes: c'étoit une néceffité d'avoir desagents, pour recueillir ces différents tributs; & le malheur de 1'Etat voulut qu'on les allat chercheren Italië, oü 1'arc de prefTurer les peuples avoit déja fait des progrès immenfes. Ces financiers, connus fous le nom de Lonv bards, ne tarderent pas a montrer un génie fertile en inventions frauduleufes. On efTaya cent fois inutilement de mettre quelque frein a leur infatiable cupidicé. Un abus réprimé fe trou-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. aovoit a Pinftant remplacé par un abus d'un autre genre. Si 1'autorité pourfuivoit quelquefois avec rigueur ces odieux brigands, ils trouvoient un appui certain dans des hommes puifiants dont ils avoient acheté le crédit. A la fin cependant, Je défordrefut poufle fi loin, qu'aucuneprotection ne les put fauver. On confifqua les avances ruineufes que ces pernicieux étrangers avoient faites au Gouvernement & aux particuliers; on les dépouilla des immenfes tréfors qu'ils avoient entaifés, & ils furent bannis du Royaume, oü jamais ils n'auroient du être admis. Après leur expulfion, les Ecats généraux, qui ordonnoient les fubfides, fe chargerent d'en faire Ja levée; & cet arrangement continua jufqu'a Charles VII, qui, le premier, fe permit d'établir un impöt fans le confentement de la nation, & qui s'appropria le droit de les faire tous percevoirpar fes délégués. Sous le regne de Louis XII, le revenu public, qui s'étoit accru par degrés, fut porté a 7,650,000 livres. Le mare d'argent valoit alors onze hvres, & le mare d'or cent trente. Cette fomme repréfentoit trente-fix de nos millions actuels. A la mort de Francois I, le fifc recevoit ï5,73o,ooo livres. A quinze francs le mare d'argent , & a cent foixante-cinq Ie mare d'or : c'ésoit cinquante-fix de nos millions. Sur cetce fomT 3  z9i SUPPLÉMENTS me, il falloic prélever 60,416 livres 3 fois4 den. pour les rentes perpétuelles créées par ce Prince, & qui, au denier douze, repréfentoient un capital de 725,000 livres. C'étoit une innovation. Ce n'elt pas que quelques-uns de fes prédéceffèurs n'eufTent connu la funefte reflburce des emprunts : mais c'étoit toujours fous la caution de leurs agents , & 1'Etat n'étoit jamais engagé. Quarante ans de guerres civiles, de fanatifme, de déprédations, de crimes & d'anarchie, piongerent les finances du Royaume dans un défordre dont il n'y avoit qu'un Sully qui put les tirer. Ce Miniftre économe, éclairé, vertueux, appliqué, courageux, éteignit pour fept millions de rentes, diminua les impofitions de trois millions, & lailTa a 1'Etat vingt-fix millions, grevés feulement de 6,025,666 livres 2 fois 6 deniers de rente. Toutes charges déduites, il entroit donc vingt millions dans le tréfor royal. 15,500,000 livres fuffifoient pour les dépenfes publiques, & les réferves étoient de 4,500,000 livres. L'argent valoit alors 22 livres le mare. La retraite forcée de ce grand homme, après la fin tragique du meilleur des Rois, fut une calamité qu'il faut déplorer encore. La Cour s'abandonna d'abord a des profufions qui n'avoient point d'exemple dans la Monarchie; & les Miniftres formerent dans la fuite, des entreprifes que les forces de la nation ne comportoient pas,  A LUIST. PHILOSOPHIQUE. 293 Ce doublé principe d'une confufion certaine ruina de nouveau le fifc. En 1661, les impofitions monterenta 84,222,0961^.: mais lesdettesabforboient 52,377,172. liv.Ilnereftoitparconféquent pour les dépenf'es publiques que 31,844,924 liv., fomme évidemmenc infuffifante pour les befoins de 1'Etat. Telle étoit la fituation des finances, lorfque 1'adminiftration en fut confiée a Colbert. CeMiniftre, dontlenom eftdevenu fi fameux chez toutes les nations, porta en 1683, 1ui fuc la derniere année de fa vie, les revenus du Monarque qu'il fervoit h 116,873,476 livres. Les charges ne montoient qu'a 23,375,274 livres. II entroit par conféquent dans les coffres du Roi 93>498>£°2 livres. L'argent valoit alors 28 livres io fois 10 den. le mare. On eft réduit a regretter que la funefte paflion de Louis XIV pour la guerre, que fou goüt défordonné pour toutes les dépenfes qui avoient de 1'éclat, ayenc privé la France d'une partie des avantages qu'elle pouvoit fe promettre d'un fi grand adminiftrateur. Après la mort de Colbert, les affaires retoraberent dans le cahos, d'oü fonapplication & fes talents les avoient fait fortir. La France jetca encore quelque éclat au-dehors: mais le dépériffement de fon intérieur devenoit tous les jours plus grand. Les finances, adminiftrées fans ordre & fans principes, furent la proied'une foute T3  S94 SUPPLÉMENTS de traitancs avides. Ils fe rendirent néceflaires pap leurs brigandages même, & parvinrent a donner la loi au Gouvernement. Laconfufion, 1'ufure, les mutations continuelles dans les monnoies, les réduclions forcées d'intérêt, les aliénations du domaine & des impofitions, des engagements impoflibles a tenir, la création des rentes & des charges, les privileges, les exemptions de toute efpece : cent maux plus ruineux les uns que les autres, furent la fuite déplorable & inévitable des mauvaifes adminiftrations qui fe fuccéderent prefque fans interruptions. Le difcrédit devint bientöt univerfel. Les, &c. Page 73, après ces mots, quatre cents pour cent, lifez: Une ufure fi criante ne révoltoit pas. L'Etat avoit, il efl: vrai, 115,389,074 livres de revenu : mais les charges en emportoient 82.859,504 livres; & il ne reftoit pour les dé* penfes du Gouvernement, que 32,529,570 livres a 30 livres 10 fois 6 deniers le mare. Encore tous ces fonds étoient-ils confommés d'avance pour plus de trois années. Tel étoit le défordre des affaires, lorfque le premier Septembre 1715 , le Duc d'Orléans prit les rênes du gouvernement. Les vrais amis de ce grand Prince defiroient qu'il aflèmblat les Etats généraux. C'étoit un moyen infaillible de conferver, d'augmenter même la faveur publique, alors puyertement déclarée pour lui. Quel-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 295 ques mefures qu'eüt prifes Ia nation pour fortir de Pétat de crife oü les diflïpations du regne précédent 1'avoient précipitée, on rPauroit pu lui rien imputer. Philippe fe prêcoit fans effort atet expédient. Maiheureufement, les perfides confidents qui avoient ufurpé trop d'empire fur fes penfées , réprouverent un projet oü leurs intéréts particuliere ne fe trouvoient pas. II fut abandonné. Alors, quelques Grands, révoltés du defpotifme fous lequel gémifibit la France , & ne voyant point de jour a Pébranler, eurent Pidée d'une banqueroute entiere, qu'ils croyoient propre a tempérer 1'excès du pouvoir abfolu. La maniere dont ils la concevoient étoit finguliere. Dans leur plan, Ia Courorme n'eft pas éleélive. elle n'eft pas héréditaire. C'eft un fidéicommis fait par la nation entiere a une maifon , pour en jouir de male en male , d'aïné en ainé, tant que la familie exiftera» D'après ce principe, un Roi de France ne tient rien de celui auquel il fuccede. II arrivé, a fon tour, au tröne, en vertu du droit que lui donne fa naiflance, & nullement par repréfentation. Dès-lors, les engagements de fes prédécefièurs ne le lient pas. La loi primordiale qui lui dönne le fceptre, veut que la fubftitution foit pure, franche, libre de toute obligation. Ces hommes hardis vouloient qu'un édit des plus folemnels confacrêt aux yeux de i'Europe T4  296 SÜPPLÉMENTS des maximes qui leurparoiiïbientincoriteilables^ & les conféquences décifives qu'ils en tiroienc. Ils penfoienc que la connoiflance de ces vérités détourneroit les étrangers & les citoyens de prêter leurs capitaux. a un Gouvernement qui ne pourroit donner aucune folidité a Jeurs créances. La Cour devoit dès-lors être réduite a fes revenus. Quelque confidérables qu'ils fuflènt, c'étoit une néceflité que les caprices des Souverains s'arrêtaflènt; que les entreprifes difpendieufes des Miniftres devinflènt moins longues & plus raresj que ies favoris & les maitrefles mifient quelques bornes a leur infatiable cupidité. Sans adopter une politique qui leur paroifibit devoir mener les Princes h la tyrannie, quelques adminiftrateurs opinoient a décharger la Couronne de fes dettes, quelle que fut leur origine. Leur cceur ne foutenoit pas le cruel fpeclacle d'une nation aimable, aigrie par les vexations de tous les genres qu'elle avoit éprouvées pendant quarance ans; qui fuccomboit fous 1 enorme fardeau de fa mifere acluelle; qui étoit défefpérée de prévoir que 1'avenir, cette grande reflburce des infortunés, ne porteroit aucun foulagement a fes maux, & les aggraveroit peut-être. Les créanciers de 1'Etat, qui ne faifoient pas la millieme partie des citoyens, qui n'étoient connus la plupart que par leurs rapines, dont les plus aonnêtes devoient une partie de leur aifance au.  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 207 fifc, intérefibient moins ces adminiftrateurs.Dans la facheufe néceffité d'imrnoler une partie de Ia nation k 1'autre, c'étoit les prêteurs qu'ils opinoient a facrifier. Le Régent, après quelques irréfolutions, fe refufa a une violence qu'il jugeoit devoir imprimer une tache ineffacable fur fon adminiftration, II préféra un examen févere des engagements publics a une banqueroute flétrifTance dont il croyoit pouvoir éviter 1'éclat, On bureau de révifion, établi le f Décembre 1715, réduifit fix cents millions d'effets au porteur k deux cents cinquante millions de biljets d'Etat; & cependant après cette opération, la dette nationale s'élevoit a 2,062,138,001 liv. L'énormité de ces engagements, &c. Page 75, après ces mots, débauchés & diffipateurs, lifez: Tous les reflbrts de 1'Etat étoient ruinés avant qu'on eüt effayé d'une reflburce qui portoit vifiblement 1'empreinte des paffions & du préjugé. La fituation du Corps politique devint encore plus défefpérée, après ce mouvement convulfif. Les membres de la République perdirent le peu qui leur reftoit d'aétion & de vie. II falloit ranimer le cadavre. Cette réfurreclion n'étoit pas impoffible, paree qu'on étoit généralement difpofé a fe prêter a tous les remedes. La difficulté étoit de n'en trouver que de bons. Le célebre Law le centa. T5  2o8 SUPPLÉMENTS XVIII. Moyens imaginés par Law , pour tirer les finances de France du défordre oü elles font tombées. Parr qu'a Ia compagnie a 1'exécution de fes projets. Cet Ecoflbis étoit un de ces hommes a projets, de ces empiriques d'Ecat, qui promenent en Europe leurs talents & leur inquiétude. II étoit grand calculateurs; & ce quiparoit prefque incompatible, doué en même-temps d'une imagination vive & ardente. Ces rapports d'efprit & de caraétere plurent au Régent, & bientót le fubjuguerent. Law promit de rétablir les finances, & fitaifément goüterkce Prince, diflipateur & ingénieux, un plan qui lui faifoit efpérer de 1'argent & de la gloire. Voici quelles furent 1'enchainement & le réfultat de fes opérations. D'abord il obtint d'établir a Paris, dans le cours de Mai 1716, une banque, dont le fonds de fix millions fut formé par douze cents ac:ions, de mille écus chacune. II n'étoit pas permis a cette banque de faire le moindre emprunt. Tout commerce lui fut interdit, & fes engagements devoient être a vue. Chaque citoyen, chaque étranger y pouvoient dépofer leur argent, & elle s'obligeoit a faire tous leurs payements, moyennant cinq fois par trois mille livres. Ses billets, qu'elle livroit pour un gain modique, étoient acquittés dans toutes les Provinces par les Directeurs des Monnoies qui étoient fes correfpondants, & qui, de leur :óté, tiroient fur fa caiflê. Son papier étoit :galement recu dans les principales places de  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 299 1'Europe, au cours oü fe trouvoit le change, aux époques de 1'échéance. Les fuccès du nouvel établifTement confondirenc les ennemis de fon fondateur, furpaflèrent peut-être fes efpérances. Son influence fe fit fentir dès les premiers jours. Une circulation rapide de 1'argent, qu'une défiance univerfelle retenoit dans l'inaction depuis fi long-temps, redonna du mouvement b tout. Les arts, la culture, les atteliers furent ranimés. Les confommamations reprirent leur ancien cours. Les négociants , trouvant a cinq pour cent 1'avance de leurs lettres de change en effets qui valoient des métaux, recommencerent leurs fpéculations. Le cours de 1'ufure fut arrêcé, paree que les capitalifles fe virent obligés de confentir au même intérêt que prenoit la banque. Lorfque les étrangers purent compter fur la nature des payements qu'ils auroient a faire, ils redemanderent des produétions dont ils fe privoient a regret. Au grand étonnement de toutes les nations, le change remonta a 1'avantage de la France. C'étoit beaucoup, mais ce n'écoit pas tout le bien poffible & nécefTaire. Au mots de Mars 1717 , il fut arrêté que les billets de banque feroient recus en payement des impofitions dans tous les bureaux, & qu'ils feroient acquittés a vue & fans efcompte par ceux qui étoient chargés du maniement des deniers publics. Par  3oo SUPPLÉMENTS ce réglement important, on retenoit Ie produit des tributs dans les Provinces, on épargnoit au Prince & a la nation la voiture de 1'argent, & les circuits auffi multipliés qulnutiles, qu'il faifoit entre les mains de divers tréforiers. Cette opération, qui porta Ie crédit de la banque au plus haut période, ne fut pas moins utile au Gouvernement. Ses recouvrements ne fe firent pas feulement fans ces violences, qui, depuis fi longtemps, décrioientl'adminiftration, &défefpéroienc les peuples, il vit encore dans fes revenus une augmentation continuelle & rapide, qui ne pouvoit pas manquer de changer unjour fa ficuation. Le fpeéhcle inefpéré de tant d'avantages, fit regarder Law comme un génie jufle, étendu, élevé, qui dédaignoit la fortune, qui aimoit la gloire, qui vonloit aller a la pofiérité par de grandes chofes.. La reconnoiffance le jugeoit digne des monuments publics les plus honorables. Cet étranger hardi & entreprenant, profita d'une difpofition fi favorable des efprics, pour accélérer 1'exécution d'un projet qui 1'occupoit depuis très-long-temps. II obtint au mois d'Aoüt 1717, Ia permiffion d'établir la compagnie d'Occident, dont les droits fe bornerent d'abord au commerce exclufif de la Louyfiane, & des caftors du Canada. Les privileges, anciennement accordés pour le commerce d'Afrique, des Indes & de la Chine, fe  A L'HIST. PHILOSOPHÏQÜE. 30E fondirent bientót dans Ia nouvelle fociétê. Son ambition étoit de rembourfer les dettes de 1'Etat. Pour la mettre en état de fuivre un fi grand projet, le Gouvernement lui accorda Ia vente du tabac, les monnoies, les recettes & les fermes générales. Afin d'accélérer la révolution, Law voulut, le 4 Décembre 1718, que la banque qu'il avoit établie deux ans auparavant, & qui, ne confondantpas fes intéréts avec ceux de 1'Etat, avoit été d'une fi grande utilité, fut convertie en banque royale. Ses billets cinrent lieu de monnoie entre les particuliers, & on les recut en payement dans toutes les caiflès royales. Les premières opérations du nouveau fyftême fubjuguerent toutes les imaginations. Les actions de la compagnie, achetées la plupart avec des billets d'Etat, & qui 1'une dans 1'autre ne coücoient pas réellement cinq cents livres, valurent jufqu'a dix mille francs, payables en billets de banque. Le Francois, 1'étranger, les gens les plus fenfés vendoient leurs contrats, leurs terres, leurs bijoux, pour jouer un jeu fi extraordinaire. L'or & 1'argent tomberent dans le plus grand avilifïèment. On ne vouloit que du papier. II n'étoit peut-être pas impoflible que cet enthoufiafme fe foudnt aflèz long-temps pour être de quelque utilité, fi les vues de Law avoient été fuivies. Ce calculaceur, malgré la hardieflè  302 SUPPLÉMENTS de fes principes, vouloir. borner le nombre des afbons, quoiqu'il ne put être jamais forcé de les rembourfer : mais il étoit fur-tout déterminé a ne pas répandre pour plus d'un milliard ou douze cents millions de billets de banque. On fuppofoit que c'étoit la maffe du numéraire qui circuloit dans le Royaume; & il fe flattoit d'en attirer, par fes opérations, une affez grande quantité dans les coffres du Roi, pour pouvoir faire face a ceux qui voudroient changer en métaux leur papier-monncie. Un plan , dont le fuccès étoit fi peu vraifemblable, fut encore dérangé par Ia conduite du Régent. Ce Prince avoit regu de la nature une pénétration vive, une memoire rare, un fens droit & jufïe. II dut au travail une éloquence noble, un difcernement exquis, le gout & la pratique des arts. A Ia guerre , il montra une valeur brillante,& dans les affaires unedextérité pleine de franchife. Son caraélere & les circonftances le placerent dans des fituations délicates, oü il acquit une grande connoiffance des hommes & une expérience prématurée. L'efpece de difgrace oü il vécut long-temps, lui donna des mceurs fociales. II étoit d'un accès facile. On n'avoitni humeur, ni hauteur a craindre dans fon commerce. Sa converfation étoit infinuante, & fes manieres remplies de grace. II eut de la bonté, ou du moins il en prenoit le mafque.  A L'HIST. PHILOSOPHIQÜE. 303 Tant de qualités aimables, tant de qualités efiïmables, ne produifirent pas les grands effets qu'on en pouvoit attendre. La foibleflè de Philippe rendit inutiles a la nation tous, ces avantages. Jamais il ne put prendre fur lui de rien refufer a fes amis, a fes ennemis, a fes maitreffes, fur-tout a Dubois, le plus corrompu, le plus corrupteur des hommes. Cette impuifiance éclata finguliérement a 1'époque du fyftême. Pour aflbuvir la cupidité de tous ceux qui avoient 1'audace de fe dire ou de fe croire nécefiaires, il créa fix cents vingt quatre mille aétions, dont la valeur s'éleva au-defius de fix milliards, & en billets de banque pour la fomme de 2,696,400,000 livres. Une difproportion .fi énorme entre le papier & 1'argent, feroit peut-être tolérable chez un peuple libre oü elle fe feroit formée par degrés. Les citoyens accoutumés a regarder la nation, &c. PaSe 77 ■> aPrès ces mots, 1'appui de cette vérité, lifez : Le defir d'écarter ceux qui, revenus les premiers de la folie générale, cherchoient a convertir leur papier en métaux, fit recourir a des expédients, tels que les auroit propofés 1'ennemi le plus acharné de 1'opération. L'or fut profcrit dans le commerce. II fut défendu a tous les citoyens de garder chez eux plus de cinq cents livres en efpeces. Un édic  3©4 SUPPLÊMËNTS annonca plufieurs diminutions fucceflives dans les monnoies. Ces cyranniques moyens n'arrête^ renr pas feukmenc les demandes; ils réduifirenc encore quelques hommes timides & la cruelle néceffir.é de porter a la banq ie de nouveaux fonds. Mais ce fuccès paffhger ne cachoit pas même 1'abyme creufé fi imprudemment. Pour étayer un édifice qui crouloit de toutes parts, il fut arrêté que 1'argent feroit porté a 82 livres 10 fois le mare, que le billet de banque feroit réduit a la moitié de fa valeur, & 1'ac. tion a cinq neuviemes. Ce rapprochement du papier & de 1'argent étoit peut-être 1'idée la moins déraifonnable qu'il füt poffible de fuivre dans la fituation défefpérée oü étoient les affaires. Elle acheva cependant de tout confondre. La confternation fut univerfelle. Chacun penfa avoir perdu la moitié de fon bien , & s'empreffa de retirer le refte. Les caiflès étoient vuides, & il fe trouva que les agioteurs n'avoient embraffé que des chimères. Alors difparut Law, & avec lui 1'efpoir, aveuglément concu, d'obtenir le rétabliffement de la fortune publique par fes lumieres. Tout tomba dans la confufion. II ne paroifibit pas poffible de débrouiller Ie cahos. Pour y parvenir, on créa le 26 Janvier 1721, un tribunal oü les contrats de rente viagere & perpétuelle, les aétions, les billets de banque, tous les papiers royaux, de quelque nature  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE 305 mcure qu'ils fuflènt, devoient être dépofés dans deux mois, & leur validité difcutée enfuite. On reconnut par cet examen, fi célebre fous le nom de vifa, qu'il avoit été livré a la circulacion pour 2,696,400,000 livres de billets de banque. II en fuc brülé pour 707,327,460 livres, qui ne furent pas admis a Ia 'liquidation. Les agioteurs furent condamnés a une reftitution de 187,893,661 liv. D'autres opérations diminuerent encore Ia decte nationale. La machine politique commencji a marcher: mais fes mouvements ne furent jamais faciles, ni même réguliers. De quelque maniere que fufiènt depuis adminiftrées les finances du Royaume, elles ne fe rrouverent jamais fuffifantes pour les dépenfes qu'on fe permettoit. C'eft une vérité facheufe dont nous avons Ia démonftration fous les yeux. Inutilement, on multiplioic les impöts : les befoins, les fantaifies, les déprédations augmentoient encore davantage; le fifc s'obéroit toujours. A Ia mort de Louis XV, le revenu public s'élevoit a 375,331,874 livres. Mais les engagements, malgré cette foule de banquerouces qu'on s'étoit permifes, montoient a 19°^5^53^ livres. II ne reftoic donc de libre que 184,473,343 livres. Les dépenfes de 1'Etat exigeoient 210,000,000 livres. C'étoit par conSuppl. Tome I. V  306 SUPPLÉMENT» féquenc un vuide de 25,526,657 livres dans le tréfor de 1'Etat. La nation compte fur un meilleur ufage du revenu public dans le nouveau regne. Ses efpérances ont pour bafe 1'amour de 1'ordre, le dédain du fafte, 1'efprit de juftice, ces autres vertus fimples & modeftes qui parurent fe raiTèmbler autour du tröne, lorfque Louis XVI y monta. Jeune Prince, toi qui aspu conferver 1'horreur du vice & de la diffipation, au milieu de la Cour la plus diflblue, & fous le plus inepte des inftituteurs, daigne m'écouter avec indulgence; paree que je fuis un homme de bien & un de tes meilleurs fujets; paree que je n'ai aucune prétention a tes graces, & que, le matin & le foir, je leve des mains pures vers le Ciel, pour le bonheur de 1'efpece humaine & pour la profpérité & la gloire de ton regne. La hardiefiè avec laquelle je te dirai des vérités que ton prédéceflêur n'entendit jamais de la bouche de fes fhtteurs, & que tu n'entendras pas davantage de ceux qui t'entourent, eft le plus grand élogeque je puiiïè faire de ton caractere. Tu regnes fur le plus bel Empire de 1'univers. Malgré la décadence oü il eft tombé, il n'y a aucun endroit de la terre oü les arts & les fciences fe foutiennent avec autant de fplendeur. Les nations voifines out befoin de toi, & tu peux te  a mm: philosöphique. 3&? pafTer d'elles. Si ces Provinces jouiflbiehc de Ia fécondicé dont elles fonc fufceptibles; fi ces croupes, fans être beaucoup plus nombreufes, étoient auffi-bien difciplinées qu'elles peuvent 1'êcre; fi tes revenus, fans s'accroitre, étoient mieux ldminiftrés; fi 1'efprit d'économie dirigeoit fes dépenfes de tes Minilïres & celles de ton palais ; il tes dettes étoient acquittées : quelle Puiflance' feroit auffi formidable que Ia tienne? Dis-moi, quel eft Monarque qui commande a des fujets auffi patients, auffi fideles, auffi affeétionnés? Eft-il une nation plus franche, plus aftive, plus induflrieufe? L'Europe entiere n'y a-t-eile pas pris cet efprit focial qui diftingue ft heureufement notre age des fiecfes qui 1'ont précédé? Les hommes d'Etat de tous les pays n'ontilspasjugé ton Empire inépuifable? Toi-même, tu connoïtras toute 1'étendue de fes reflburces* fi tu te dis fans délai: Je fuis jeune, mais je veux le bien. La fermeté triomphe de tous les obflacles. Qu'on me préfente un tableau fidele de ma fituation : quel qu'il foie, je n'en ferai point eflrayé. Tu as ordonné; je vais obéir. Ah ! fi, randis que je parlerai, deux larmes s'échappenq de tes yeux, nous fommes fauvés. Lorfqu'un événement inattendu fit paflèr Ie fceptre dans tes mains inexpérimentées, la marine Franc;oife, un moment, un feul moment redoutable, avoit cefTé d'exifter. La foiblefle, le déV &  3o8 SUPPLÉMÉNTS fordre & la corruption 1'avoient replongée dans le néant, d'oü elle étoit fortie & 1'époque la plus brillante de la monarchie. Elle n'avoit pu, ni défendre nos poflèffions éloignées, ni préferver ros cótes de 1'invafion & du pillage. Sur toutes les plages du globe, nos navigateurs, nos commercants étoient expofésades avanies ruineufes, & a des humiliations cent fois plus intolérables. Les forces & les tréfors de la nation avoient été prodigués pour des intéréts étrangers, & peutêtre oppofés aux nötres. IVJais qu'eft-ce que l'or, qu'eft-ce que le fang en comparaifon de 1'honneur ! Nos armes, autrefois fi redoutées, n'infpiroient plus aucun efftoi. A peine nous accordoit-on du courage. Nos envoyés, qui, fi long-temps, allerent moins négocier dans les autres Cours, qu'y maniftfter les intentions, j'ai prefque dit les volontés de leur maitre, nos envoyés étoient dédaignés. Les tranfaétions les plus importantes y étoient conclues, fans qu'on s'en fut expliqué avec eux. Des Puiflances alliées partageoient entre elles des Empires a notre infu: a notre infu ! A-t-on jamais annoncé d'une maniere plus outrageante & moins équivoque, le peu de poids dont on nous comptoit dans la balance générale des affaires politiques de 1'Europe? O fplendeur, ó refpeft du nom Francois, qu'étois-tu devenu ? Voila, jeune Souverain, ta pofition hors des  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 309 Jimites de ton Empire. Tu baifTes les yeux, tu n'ofes Ia regarder. Au-dedans , elle n'eft pas meilleure. J'en attefie cette continuité de banqueroutes exécutées d'année an année, de mois en mois, fous le regne de tes prédéceflèurs. C'eft ainfi qu'on a conduit infenfiblement a la derniere indigence, une multitude de fujets, a qui l'on n'eut d'autre reproche a faire que d'avoir indifcretement confié leur fortune a leurs Souverains, & d'avoir ignoré la valeur de leur promefie facrée. On rougiroit de manquer a fon ennemi, & les Rois, les peres de la patrie, ne rougifiènt point de manquer auffi cruellement, auffi bafièment a leurs enfants! O proftitution abominable de leurs ferments! Encore fi ces malheureufes viftimes pouvoient fe confoler par la néceffité des circonftances, par 1'urgence toujours renaifiante des befoins 'publics: mais c'eft après des années d'une longue paix, que ces perfidies ont été confenties, fans qu'on en vit d'autre motif que le pillage des finances abandonnées a une foule de mains auffi viles que rapaces. Vois-en la chaine defcendre du tröne vers fes premières marches» & de-la s'étendre vers les derniers confins de Ia fociété. Vois ce qui arrivé lorfque le Monarque fépare fes intéréts des intéréts de fes peuples. Jette les yeux fur Ia Capitale de ton Empire, & tu y trouveras deux claflès de citoyens. Les V 3  3io SUPPLÉMENTS uns, regorgeantde richefies, étalentun luxe qus indigne ceux qu'il ne corrompt pas; les autres, piongés dans 1'Jndigence, raccroiiïènt encore par Je mafque d'une aifance qui leur manque : car telle eft la puiflance de l'or, lorfqu'il eft devenu Je dieu d'une nation, qu'il fupplée h tout talent, qu'il remplace toute vertu, qu'il faut avoir des richeflès , ou faire croire qu'on en a. Au milieu de ce ramas d'hommes diffblus, tu verr*s quelques citoyens laborieux, bonnêtes, induftrieux, a demi-profcrits par des loix vicieufes que i'intolérance a dicties, éloignés de toutes les fonctions publiques, toujours prêts a s'expatrier, paree qu'il ne leur eft pas permis de s'enraciner par d - propriétés, dans un Etat oü ils exiftent fans honneur civil & fan? fécuricé.- Fixe tes regards fur les Provinces oü s'éteignent tous les genres d'induftrie.Tu les verras fuccombant fous le fardeau des impofitions & fous les vexations auffi variées que crudles de la nuée des fatelütes du traitant. Abaiffè-les enfuite fur les campagnes, & confidere d'un ceil fee, fi tu le peux, celui qui nous enrichit condamné a mourir de mifere, 1'infortuné laboureur auquel il refte a peine des terres qu'il a cultivées, affèz de paille pour couvrir fa chaumiere & fe faire un lit. Vois le concuffionnaire protégé tourner auprès de fa pauvre demeure, pour trouver dans 1'apparence de quelque  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 3n smélioration a fon trifte fort le prétexce de redoubler fes extorfions. Vois des troupes d'hommes, qui n'ont rien, quicter dès 1'aurore leur habitation , & s'acheminer, eux, leurs femmes, leurs enfants, leurs beftiaux, fans nourriture, a la confeétion des routes, dont 1'avantage n'eft que pour ceux qui pofTedent tour. Je le vois. Ton ame fenfible eft accablée de douleur; & tu demandes, en foupirant, quel eft le remede a tant de maux. On te le dira ; tu te le diras a toi-même. Mais auparavant fache que le Monarque qui n'a que des vertus pacifiques peut fe faire aimer de fes fujets; mais qu'il n'y a que la force qui Ie faffè refpefter de fes' voifins; que les Rois n'ont point de parents, & que les paftes de familie ne durent qu'autanc que les contraaants y trouvent leur intérêt ; qu'il y a encore moins de fond a faire fur ton alliance avec une maifon artifkieufe, qui exige rigoureufement 1'obfervation des traités faits avec elle, fans jamais manquer de prétextes pour en éluder les conditions, lorfqu'elles traverfent fon agrandiffèment; qu'un Roi, le feul homme qui ignore s'il a a fes cötés un véritable ami, n'en a point hors de fes Etats, & ne doit compter que fur lui-méme; qu'un Empire ne peut pas plus fubfifter fans mceurs & fans vertu, qu'une familie particuliere; qu'il s'avance comme elle a fa ruine par les diffipations, & ne fe peut reV 4  |1& SUPPLÉMENTS lever comme elle que par 1'économie; que Ie fafte n'ajoute rien a la majefté du tröne; qu'un de tes aïeux ne fe montra jamais plus grand que lorfque accompagné de quelques. gardes qui lui étoient inutiles , plus fimplement vêtu qu'un de fes fujets, le dos appuyé contre un chêne, il écoutoit les plaintes & décidoit les différends ; & que ton Etat fortira de 1'abyme creufé par tes aïeux, fi tu te réfous a conformer ta conduite a celle d'un particulier riche, mais obéré, & cependant aflèz honnête pour vouloir fatisfaire aux engagements inconfidérés de fes peres, & aflèz jufte pour s'indigner de tous les moyens tyranniques, & les rejetter. Demande - toi pendant le jour , pendant Ia nuit, au milieu du tumulte de ta Cour, dans le filence de ton cabinet, lorfque tu méditeras, & quel efl: 1'inftant oü tu ne dufles pas méditer fur le bonheur de vingt-deux millions d'hommes que tu chéris, qui t'aiment, ékquipreflènt par leurs vceux le moment de t'adorer : demande-toi fi ton intention eft de perpécuer les profufions infenfées de ton palais. De garder cette multitude d'Officiers grands fubal ternes qui te dévorent, D'éternifer le difpendieux entretien de tant de chateaux inutiles , 6c les énormes falaires de ceux qui les gouvernent. D,e doubler, tripier les dépenfes de ta mai-  A L'HÏST. PHILOSOPHIQUE. 313 fon par des voyages non moins coüteux qu'inuïiles. De difïïper en fêtes fcandaleufes la fubfiftance de ton peuple. De permettre qu'on éleve fous tes yeux des tables d'un jeu ruineux, fource d'aviliflèment & de corruption. D'épuifer ton tréfor pour fournir au fafte des tiens, & leur continuer un état dont la magnificence foit 1'émule de la tienne. De fouffrir que 1'exemple d'un luxe perfide dérange la tête de nos femmes, & fafTe le défefpoir de leurs époux. De facrifier chaque jour h la nourriture de tes chevaux des fubfiftances dont 1'équivaient nourriroit plufieurs milliers de tes fujets qui meurent de faim & de mifere. D'accorder a des membres qui ne font déja que trop gratifiés, & a des militaires largement ftipendiés pendant de longues années d'oifiveté, des fommes extraordinaires pour des opérations qui font de leur devoir, & que dans tout autre Gouvernement que le tien, ils exécuteroient k leurs dépens. De perfifter dans 1'infruaueufe poffeffion de domaines immenfes qui ne te rendent rien, & dont 1'aliénation, en acquittant une partie de ta dette, accroitroit & ton revenu & la richeffe de la nation. Celui ^ qui tout appartient comme VS  314 SUPPLÉMENTS Souverain, ne dok rien avoir comme particulier. De te prêter a 1'infatiable avidité de tes courtifans, & des courtifans de tes proches. De permettre que les Grands, les Magiftrats, tous les hommes puiftants ou protégés de ton Empire, continuent d'écarter loin d'eux le fardeau de 1'impöt pour le faire retomber fur le peuple : efpece de concuffion contre laquelle le gémiflèment des opprimés & les remontrances des hommes éclairés réclament inutilement & depuis fi long-temps. De confirmer dans un corps qui poflède le quart des biens du Royaume, le privilege abfurde de s'impofer a fa difcrétion, & par 1'épithete de gratuits qu'il ne rougit pas de donner a fes fubfides, de te fignifier qu'il ne te doit rien; qu'il n'en a pas moins droit a ta protection & a tous les avantages de la fociété, fans en acquitter aucune des charges, & que tu n'en as aucun a fa reconnoifiance. Lorfqu'a ces queftions, tu auras fait toi-même les réponfes juftes & vraies que ton ame fenfible & royale t'infpirera, agis en conféquence. Sois ferme. Ne te laiftè ébranler par aucune de ces repréfentations que la duplicité & l'intérêt perfonnel imagineront pour t'arrêter, peut-être même pour t'infpirer de 1'effroi ; & fois fur d'être bientöt le plus honoré, & le plus redoutable des Potentats de la terre.  A L'HIST. PHILOSOPHÏQUE. 31 Oui, Louis XVi, cel eft le fort qui t'atcend & c'eft dans la confiance que cu l'obciendras,qu je fuis attaché a la vie. II ne me refte plus qu'ui mot a te dire, mais il eft important. C'eft de re garder comme le plus dangereux des jmpofteurs comme 1'ennemi le plus cruel de notre bonheui & de ta gloire, le flatteur impudenc qui ne ba lancera pas a t'aflbupir dans une tranquillité funefte; foit en affoibliflanc a tes yeux la peinture affligeante de ta ficuation; foit en t'exagérantl'indécence, le danger, la difficulcé de 1'emploi des reflburces qui fe préfenteront & ton efprit. Tu entendras murmurerautour de roi. Cela ne fe peut; & quand cela fe pour roti, ce font des innovations. Des innovations! Soit. Mais tant de découvertes dans les fciences & dans les arts n'en ont-elles pas été? L'art de bien gouverner eft-il donc le feul qu'on ne puiflèperfeclionner? L'aflèmblée des Etats d'une grande nation; le retour h la liberté primitive; 1'exercice refpeétable des premiers aftes de la juftice naturelle, feroient-ce donc des innovations? A la chüte du fyftême, le Gouvernement abandonna h la compagnie des Indes le monopole du tabac, en payement des quatre-vingt-dix millions qu'elle lui avoit prêtés: il lui accorda le privilege exclufif de toutes les loteries du Royaume; . il lui permic de convertir en rentes viageres ou ■tontines une partie de fes aétions. Ce qui en refta 5 1 XIX. Situation ie la compagnie de« ndes, a Ia :hüte du yftême,  316 SUPPLÉMENTS re pafla pas le nombre de cinquante-fix mille qui furent réduites par des événements poftérieurs a cinquante mille deux cents foixante-huit quatre dixiemes. Malheureufement cette fociété conferva, &c. Page 83, après ces mots, aucun établiflèment, lifez : La plus occidentale de ces ifles, qu'ils avoient nommée Mafcarenhas, eut, vers 1'an 1660, pour premiers habitants, fept a huit Francois. Cinq ans après, vingt-deux de leurs concitoyens les joignirent. Le défaftre qui détruifit la colonie de Madagafcar, augmenta bientöc leur nombre. L'éducation des troupeaux fut la première reflburce de ces aventuriers, tranfplantés fous un nouveau ciel. Ils cultiverent enfuite les grains de 1'Europe, les fruits de 1'Afie & de 1'Afrique, quelques végétaux propres 5 ce doux climat. La fanté, 1'aifance, la liberté dont ils jouiflbient, fixerent fur leur territoire plufieurs desnavigateursqui ailoienty demander des rafraichiflèments & des fubfiftances. La population étendit l'induftrie. En 1718, la découverte de de quelques cafiers fauvages fit imaginer de tirer d'Arabie plufieurs pieds de café qui multiplierent trés-heureufement. La culture de cetarbre précieux, & tous les autres travaux pénibles, occuperent les efclaves qu'on tiroit des cótes d'Afrique ou de Madagafcar. Alors l'ifle Mafcarenhas , qui avoit quitté fon nom pour prendre ce-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 317 lui de Bourbon, devinc un objec important pour la compagnie. Malheureufemenc Ja colonie n'avoit point de port. Cet inconvénient tourna les yeux, &c. Page 85, après ces mots, pas fes vues, lifez : Les difficultés n'étonnoient jamais fon ame; & il avoit le rare talent d'élever a fa hauteur les hommes foumis a les ordres. Ses ennemis lui reprocherent une paflion, &c. Page 85, après ces mots, lui en procurer, lifez : Dès que la Bourdonais fut arrivé a fifle de France, il chercha a la connoitre. Son heureufe pénécration, foninfatigable atfivité, abrégerent le travail. Dans peu on le vit occupé, &c. Page 96, après ces mots, régner dans ce beau pays, lifez : C'étoit des hommes agreftes & féroces, qui, fortis par bandes des montagnes du Kandahar, fe répandirent dans les plus belles Provinces de rindoftan, & y formerent fucceffïvement plufieurs dominations indépendantes les un.es des autres. Les Indiens avoient eu a peine, &c. Page 98, après ces mots, conquérante & barbare, lifez : Si l'on peut s'en rapporter a 1'autorité d'un des hommes le plusprofondément verfés dans les traditions de 1'Inde, Ranguildas fut long-temps le témoin de la puiflance du nouveau Souverain. II s'applaudilTüit de fon ou-  3i8 SUPPLÊMËNTS vrage. Le fouvenir de ce qu'il avoit fait pour placer fur le tróne le fils de fon maitre, rempiifioit fon ame d'une fatisfaétion vraie & fans trouble. Unjour qu'il faifoit fa priere dans le temple, il entendit a cöté de lui un Banian qui s'écrioit: „ O Dieu! tu vois les malheurs de mes freres, „ Nous fommes la proie d'un jeune homme qui „ nous regarde comme un bien qu'il peut dif„ fiper & confumer a fon gré. Parmi les nom„ breux enfants qui t'implorent dans ces vaftes„ contrées, un feul les opprime tous : venges, nous du tyran; venges-nous des traïrres qui „ 1'ontportéfurie tröne, fansexaminers'ilétoic „ jufte". Ranguildas étotiné, s'approchadu Banian, &c. Page ioa, après ces mots, vers la ville, lifez : Pour voir, difoit-il, arriver fon fucceffeur, Cependant, la forme, &c. Page 138, après ces mots, 14,108,912 liv. lifez: Cependant cette apparente profpérité couvroit des abymes. Lorfqu'on enfoupconna 1'exiftence, & qu'on voulut les approfondir, i! fe trouva que la compagnie, h la reprife de fon commerce, étoic plus endettée qu'on ne l'avoit cru. C'eft un événement ordinaire a tous les corps marchands qui ont des affaires compliquées, étendues, éloignées. Prefque jamais ils n'ont une idee jufte de leur fituation. On attribuera, fi l'on veur,  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 5i9 ce vice a 1'infidélité, a la négligence, a 1'incapacité de fes agents: toujours fera-t-il vrai qu'il exifïe prefque généralement. Le malheur des guerres augmente encore la confufion. Celle que les Francois venoient de foutenir dans 1'Inde, avoit été longue & malheureufe. Les dépenfes & les déprédations n'en étoient qu'imparfaicemene connues; & la compagnie recommenca fes opérations en co mp tant fur un plus grand capital qu'elle ne l'avoit. Cette erreur, ruineufe en elle-même, futfuivie d'autres erreurs funeftes, oü l'on tomba peutêtre pour n'avoir pas affèz réfléchi fur les révolutions arrivées depuis peu dans 1'Inde. On efpéra que les ventes de la compagnie s'éleveroienc a 25,000,000 livres, & elles refterent au-deflbus de 18,000,00c livres. On efpéra que les marchandiles d'Europe feroient vendues cinquante pour cent de plus qu'elles n'avoient coüté,&a peine rendirent-elles leur prix originaire. On efpéra un bénéfice de cent pour cent fur les produétions qu'on rapportoit dans nos climats, & il ne fuc pas de foixante-douze. Tous ces mécomptes avoient leur fource dans laruine de laconfidération francoife dans 1'Inde, & dans le pouvoir exorbitant de Ja nation conquérante, qui venoit d'afTervir ces régions éloignées: dans la néceffité oü l'on étoit réduit de recevoir fouvent» crédit de mauvaifes marchau-  320 SÜPPLÉMENTS difes des négociants Anglois, qui cherchoient a faire palfer en Europe les fortunes immenfes qu'ils avoient faites en Afie : dans 1'irapolfibilité de fe procurer les fonds nécelfaires au commerce , fans en donner un intérêt exorbitant : dans l'obligation d'approvifionner les ifles de France & de Bourbon, avances dont la compagnie fut tard & mal payée par le Gouvernement, ainfi que de la gratification qu'on lui avoit accordée pour fes exportations & fes importations. Enfin, dans le plan des adminiftrateurs, les dépenfes néceflaires pour 1'exploitation du commerce & celles de fouveraineté, ne devoient pas excéder, chaque année, 4,000,000 liv.; & elles en couterent plus de huit. Les dernieres même pouvoient aller plus loin dans la fuite, étant fufceptibles par leur nature de s'étendre & de s'accroitre fuivant les vues politiques du Monarque, unique juge de leur importance & de leur néceflicé. 11 étoit impoflible que, dans cet état de chofes, la compagnie ne dérange&t de plus en plus fes affaires. Sa ruine & celle de fes créanciers alloit être confommée , lorfque le Gouvernement , averti par des emprunts qui fe renouvelloient fans ceflè, voulut être inftruit de fa fituation. II ne 1'eut pas plutöt connue, qu'il jugea devoir fufpendre le privilege exclufif du commerce  A L'HIST. PHILOSOFHIQUE. 321 merce des Indes. II faut voirquel écoic alors 1'écat de Ia compagnie. Avanc 1764, il exiftoit, &c Vage 142, Ugne 8 , au-lieu de lui avoir fourni, lifez ; avoic prêté au fifc. Vage 147, après ces mots, 70,733,000 liv» lifez : On conviendra qu'indépendammenc de la différence dans les valeurs, il y en avoic dans les füretés. En effet, le Gouvernement devoit s'actendre a remplir tous les engagements de Ia compagnie. Cependant il a fauvé 10,000,000 liv, dont les titres de créance ou les créanciers ont malheureufement péri dans les révolutions fi multipliées de 1'Afie. Les pertes qu'on a faites fur ce qui étoit dü a la compagnie en Europe, en Amérique & dans les Indes, n'ont pas été beaucoup plus confidérables; & files ifles de France & de Bourbon étoient jamais en état de payer les 7,106,000 liv. qu'elles doivent, la léfionfur ce point n'auroit pas été fort confidérable. L'unique fortune de la compagnie confiftoic donc, &c. Vage 149, après ces mots, Ia moindre atteinte, lifez: Avec tant de moyens apparentsde profpérité, la compagnie s'endettoit tous les jours. Elle n'auroit pu fe foutenir que par le fecours du Gouvernement. Mais depuis quelque temps, Ie Confeil, &c. Vage 154, après ces mots, du Gouvems- Suppl. Tomé I. X  322 SUPPLÉMENTS ment, lifez : Cependant la navigation de 1'Inde a été fuivie , quoique la politique n'eütpas préparé d'avance Paélion du commerce libre qui devoit remplacer le privilege exclufif. Dans les bons principes, avant d'eflayer du nouveau régime, il auroit fallu fubftituer infenfiblement, & par degrés, les négociants particuliere a la compagnie. II auroit fallu les mettre a portée d'acquérir des connoiflTances pofitives fur les diffé. rentes branches d'un commerce jufqu'alors inconnu pour eux. II auroit fallu leur laiflèr le temps de former desliaifons dansles comptoirs. II auroit fallu les favorifer, &, pour ainfi dire, les conduire dans les premières expéditions. Ce défaut de prévoyance doit être une des principales caufes qui ont retardé les progrès du commerce libre, & qui peut-être Pont empêché d'être lucratif, lorfqu'il efl; devenu plus étendu. Ses opérations ont été faites dans les comptoirs qu'occupoit auparavant le monopole. Parcourons rapidement ces poflèflions, &c. Page 155, après ces mots, de Tallichery, lifez: oü les Anglois achetent annuellement quinze cents mille livres pefant de poivre ; & le comptoir de Cananor, que les Hollandois ont vendu, depuis peu,environ 250,000 liv., paree qu'il leur étoit a charge. C'eft dans la feconde Province, &c. Page 168, après ces mts,ü utile a nourrir,  A L'HIST. PHIL0S0PH1QUË. 323 ti/èz : ne perraettoic pas de douter qu'ils ne revinflènc tous, auffi-tót que la ville feroic fermée. Le projet en fut concu quelques années après la reprife de poflèffion. On n'avoit alors d'autre idéé fur la confrruftion dans un terrein fablonneux, & oü les fondations doivent être néceffairement dans 1'eau, que 1'établiïlèment fur puits, ouvrage très-difpendieux, &, pour ainfi dire , interminable, M. Bourcet préféra un établiflèmentfurbermes, avec un revêtement fans épaiffeur, taluant de deux cinquiemes, & appuyanc fur un rempart de terres mouillées, battues & comprimées. Ces bermes avoient été mifes en ufage dans la conftruétion del'ancienne enceinte de la place : mais les murs qui les foutenoient, étoient fondés afièz bas pour empêcher les affaiflèments qu'auroit produits 1'écoulement des fables qui auroient pu s'échapper de defibus les fondations; avantage dont la nouvelle méthode étoit bien éloignée. C'efl: dans ce mauvais fyftême que furent élevées mille toifes de revêtement. On ne fut pas plutöt inflruic en Europe du vice de ces travaux, que le Miniflere fit partir M. Defclaifons, diftingué dans le corps du génie par fa probité ck par fes talents. Cet habile homme n'adopta ni 1'établiflèment fur puits, ni 1'établiflèment fur bermes avec des revêtements X %  324 SUPPLÉMENTS inclinés aux deux cinquiemes de talus fur Ia hau» teur. II commenca a travailler en Février 1770, & fit en fept mois un développement de fix cents trente-fix toifes, avec dix pieds réduits de nette maconnerie au-defius de la fondation portée au point le plus bas, oü l'on eüt pu épuifer les eaux. Sa maconnerie étoit folide, & fon revêtement conftruit fuivant la pratique des plus grands maitres. L'intrigue qui bouleverfoit tout alors a la Cour de Verfailles, fit rappeller M. Defclaifons, qui fut remplacé par le même ingénieur dont le travail avoit été fi jultement blamé. Celui-ci reprit fa méthode, quoique ce qu'il avoit fait fut déja tout lézardé; & il exécuta un nouveau développement de huit cents toifes, quiefiuyale même dépérifièment. La raifon qui fe fait quelquefois entendre, fit encore recourir a M. Defclaifons en 1775. On defira qu'il fe chargeat d'achever 1'enveloppe de Pondichery ; mais en confervant les fortifications qui étoient fur pied. Cet arrangement s'éloignoit trop des bons principes pour qu'il s'y prêtat. Le facrifice de tout ce qui avoit été entrepris contre les regies de Part, lui parut indifpenfable. II démontra que le travail fur bermes étoit infoutenable, & pour la défenfe & pour la durée; que les revêcements inclinés ne pouvoient manquer de fe brifer ou horizontale-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 32 ment, ou verticalement; qu'un mur au-devar des bermes devoit les faire périr , & pouvo entraïnér 1'affaiflèment & la ruine des revêtemeni eux-mêmes. Son opinion étoit qu'il convenoi de fermer Pondichery , fuivant les méthodes ufi tées en Europe, & qu'une enceinte a baftionne ment fimple, avec quelques dehors, étoit fuffi fante. Cette dépenfe devoit s'élever a 5,000,00c liv. Sans contredire ces raifonnements, on n< s'y rendit pas; & la place refta fans défenfe ou dans un état de foiblelle & de ruine qu; augmente tous les jours. Dans la (ituation aauelle, les comptoirs Francois dans 1'Inde ne rendent pas au-dela de 200,000 liv., & coütent plus de 2,000,000 liv. chaque année. C'eft beaucoup, & c'eft moins encore qu'il ne faut facrifier a la confervation des ifles de France & de Bourbon, qui ne font pas arrivées au degré de profpérité qu'on s'en étoit promis. Bourbon a foixame milles de long fur quarante-cinq de large ï mais la nature a rendu inutile la plus grande partie de ce vafte efpace. Trois pies inacceflibles qui ont feize cents toifes d'élévation; un affreux volcan, dont les environs font toujours brülés; d'innombrables ravins d'une pente fi rapide qu'il n'eft pas poffible de les défricher; des montagnes dont le fommet eft conftamment aride; des cótes généralemenc couvertes de cailloux : cette organifation oppofe x 3 5 t c s c > XXXI. Etat aöuel de l'ifle de Bourbon,  326 SUPPLÉM fiNTS des obftacles infurmontables h une culture un peu étendue. La plupart des terres qui peuvent être mifes en valeur font même en pente; & il n'eft pas rare que les torrents y détruifent les efpérances les mieux fondées. Cependant un beau ciel, un air pur, un climat délicieux, des eaux falubres, ont raffemblé dans l'ifle une population de fix mille trois cents quarante blancs bien faits, robuftes, courageux, répartis dans neuf paroiflès, dont Saint-Denis eft la principale. C'étoienc, il n'y a que peu d'années, des hommes d'une candeur, d'une équité, d'une modération dignes des premiers ages. La guerre de 1756 altéra un peu leur caraétere, mais fans beaucoup changer leurs mceurs» Ces vertus font d'autant plus remarquables, qu'elles font nées, qu'elles fe font maintenues au milieu de vingt-fix mille cent foixante-quinze efclaves, felon le dénombrement de 1776', A la même époque, Ia colonie comptort cinquante-fept mille huit cents cinquante-huit animaux, dont aucun n'étoit confacré a 1'agriculture. APexceptioii de deux mille huit cents quatre-vingt-onze chevaux qui fervoient a différents ufages, tout étoit deftiné a la fubfiftance. Dans cette année, les récoltes s'éleverent a cinq millions quatre cents quarante-un mille vingtcinq quintaux de bied; a trois millions centquatre-vingt-onze mille quatre cents quarante ton-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 32 neaux de riz; a vingt-deux millions quatre een foixante-un mille huit cents tonneaux de maïs; deux millions cinq cents quinze mille cent qm tre vingt-dix tonneaux de légumes. La plus grand partie de ces produits fuc confommée k Boui bon même. Le refte alla alimenter l'ifle de Francf Pour lamécropole, la colonie exploicoit hu millions quacre cents quatre-vingt-treize mille cin cents quatre-vingt-trois cafiers, dont le fruit el un des meilleurs après celui d'Arabie. Chacu; de ces arbres donnoit ordinairement prés de deu: livres de café. Ses produits font diminués de trois quarts , depuis qu'il eft cultivé dans ui pays découvert; qu'on eft réduit a le place dans un terrein ufé, & que les infe&es l'on attaqué. La Cour de Verfailïes ne s'occupera jamais des progrès d'un établiflèment, oü des rivages efcarpés & une mer violemment agicée rendeni lanavigation toujours dangereufe, & fouvent mv praticable. On defireroit plutöt pouvoir 1'abandonner,.paree qu'il attire puiflamment une partie des hommes & des moyens qu'on voudroit tous concentrer dans l'ifle de France, qui n'en eft éloignée que de trente cinq lieues. Cette autre poflèffion a, fuivant les obfervations del'Abbéde la Caille, trente-un mille huit cents quatre-vingt-dix toifes dans fon plus grand diamecrej vingt-deux mille cent vingc-quacre dans X 4 7 cs a e t 1 1 1 i 1 XXXïL Etat acluei de l'ifle de France. Importance de cet établiffe-  328 SUPPLÉMENTS ment.' Ce qu'on y a fait , & ce qui refte a faire. j ] ] < 1 fa plus grande largeur, & quatre cents trentedeux mille fix cents quatre-vingts arpents de fuperficie. On y voit un grand nombre de montagnes, mais dont aucune n'a plus de quatre cents vingt-quatre toifes d'élévation. Les campagnes font arrofées par une foixantaine de ruiflèaux, la plupart trop encaifles, & dont plufieurs n'ont de 1'eau que dans la faifon des pluies. Quoique le fol foit par-tout couvert de pierres plus ou moins groflès, qu'il fe refufe au foc, & qu'il faille le travailler avec la houe, il ne laiflè pas d'être propre a beaucoup de chofes. Moins profond 6c moins fertile que celui de Bourbon, il efl: plus généralement fufceptible de culture. Cette ifle occupa long-temps 1'imagination de fes poflèflèurs beaucoup plus que leur induflrie. Ils s'épuiferent en conjeclures, 6cc. Page 168, après ces mots, vaiflèaux Franiois, lifez : On trouvoit dans cet arrangement me économie manifefte, puifque la folde 6c la lourriture des navigateurs Indiens ne coütentque oeu; on y trouvoit la confervation des équipages Européens, quelquefois détruits paria feule ongueur desvoyages, plus fouvent par 1'intem)érie du climat, fur-tout dans 1'Arabie 6c dans e Bengale. Ce fyflême n'eut aucune fuite. Ort raignit que la compagnie ne tombac dans le mé»ris, fi elle ne montroit, dans ces parages éloi-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 329 gnés, des forces navales propres a lui actirer de la confidération. Une nouvelle combinaifon, &c. ^ Page 170, après ces mots, avec fes efclaves, lifez: Sous un tel régime, toute efpece de bien étoit impoffible. Le découragement jettoitla plupart des colons dans 1'inaétion. Ceux auxquels il reftoic quelque aétivité, ou n'avoient pas les moyens qui conduifent a la profpérité, ou n'étoient pas foutenus par cette force de 1'ame qui fait furmonter les difficultés inféparables des nouveaux établilfements. Les obfervateurs, qui voyoient 1'agriculture de l'ifle de France, ne la trouvoient guere différente de celle qu'ils avoient appercue parmi les fauvages. En 1764., le Gouvernement prit la colonie fous fa domination immédiate. Depuis cette époque jufqu'en 1776, il s'y efl fucceflivementformé une population de fix mille trois cents quatre-vingt-fix blancs, en y comprenant deux mille neuf cents cinquante-cinq foldats; de onze cents quatre-vingt-dix neuf noirs libres; de vingc cinq mille cent cinquante-quatre efclaves, & de vingtcinq mille trois cents foixante-fept têtes de bésa-iL Le cafier a occupé un affez grand nombre de bras : mais des ouragans, qui fe font fuccédés avec une extréme rapidité, n'ont pas permis de tirer le moindre avantage de ces plantations. X 5  33° SUPPLÉMENTS Le fol même, généralement ferrugineux & peu profond, paroit s'y refufer. Auflipeut-on raifonnablement douter fi cette culture réufiiroit, quand même le Gouvernement n'auroit pas cherché a 1'arrêter par les impofitions qu'il a mifes fur le café , a la fortie de l'ifle, a fon entrée en France. Trois fucreries ont été établies, & elles fuffifent aux befoins de la colonie. On ne recueille encore que quarante milliers de coton. Cette produétion efl: de bonne qualité, & tout annonce qu'elle fe multipliera. Le camphrier, 1'aloës, le cocoder, le bois d'aigle, le fagou, le cardamome, le cannellier* plufieurs autres végétaux propres a 1'Afie, qui ont été naturalifés dans l'ifle, refteront vraifemblablement toujours des objets de curiofité. Des mines de fer avoient été ouvertes aflèz anciennement. II a fallu les abandonner, paree qu'elles ne pouvoient pas foutenir la concurrence de celles d'Europe. Perfonne n'ignore que les Hollandois, &c. Page 172, après ces mots, obtenu fa confiance, lifez : Le 27 Juin 1770, il arriva a l'ifle de France quatre cents cinquante plants de mufcadier, & foixante-dix pieds de giroflier; dix mille mufcades, ou germées ou propres a germer, & une caiflè de baies de girofle, dont plufieurs étoient hors de terre. Deux ans après il fut fait une nou-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 331 veile importation beaucoup plus confidérable que la première. Quelques-unes de ces précieufes plantes furent envoyées aux ifles de Seychelles, de Bourbon & de Cayenne. Le plus grand nombre reiïa a l'ifle de France. Celles qu'on y diflribua aux , particuliers périrent. Les foins des plus habiles botaniltes, les attentions les plus fuivies, les dépenfes les plus confidérables ne purent même fauver dans le jardin du Roi, que cinquante-huit mufcadiers , & trente-huit girofliers. Au mois d'Oclobre 1775, deux de ces derniers arbresporterent des fleurs, qui fe converdrent en fruits 1'annëe fuivante. Ceux que nous avons fous les yeux font petits, fecs & maigres. Si une longue naturalifation ne les améliore pas, les Hollan. dois n'auront eu qu'une fauflè allarme, & ils refteront incommutablement les maïtres du commerce des épiceries. La faine polidque a prefcrit une autre deftination a l'ifle de France. C'eft la quantité de bied qu'il y faut augmenter; c'eft la récolte du riz qu'il conviendroit d'y accroïtre par une meilleure diftribution des eaux; ce font les troupeaux dont il eft important d'y multiplier Ie nombre, d'y perfeélionner 1'efpece. Ces objets de première néceflké furent longtemps peu de chofe, quoiqu'il füt aifé de former des paturages, quoique le fol rendit vingt  83* SUPPLEMENTS pour un. On a imaginé, il n'y a que peu d'années , de faire acheter a un bon prix par le Gouvernement, tous les grains que les cultivataurs auroient a vendre ; & a cette époque, les fubfiftances fe font accrues. Si ce fyftême efl: fuivi fans interruption, la colonie fournira biemót des vivres a fes habitants, aux navigateurs qui fréquenteront fes rades, aux armées & aux flottes que les circonftances y ameneront un peu plutót, un peu plus tard. Alors l'ifle fera ce qu'elle doit être, le boulevard de tous les établiflèments que la France poflëde, oupeutun jour obtenir aux Indes; le centre des opérations de guerre offenfive ou défenfive, que fes intéréts lui feront entreprendre ou foutenir dans ces régions lointaines. Elle eft fituée dans les mers d'Afrique, rnajs a 1'entrée de 1'Océan Indien. Quoiqu'a la hauteur de cótes arides & brülantes, elle eft tempérée & faine. Un peu écartée de la route ordinaire, &c. ^ Page 173, après ces mots, aucun port dans 1'Inde, lifez:La Grande-Bretagne, &c. Page 173, après ces mots, d'année en année, Ufez : La Cour de Verfailles a attendu, pour prendre un parti, les dépêches des adminiftrateurs, comme on attendle retour d'un courier de la frontiere; qua 1'époque même ou nous écrivons, les efprits font partagés peut-être  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 333 fur le genre de proteétion qu'il convient d'accorder a une poflèffion de cette importance? ^ Les gens de mer penfent généralement que c'eft aux forces navales feules a procurer la füreté de l'ifle de France : mais, de leur aveu, elles ne pourront remplir leur deftination que lorfqu'on les aura rnifes a fabri des ouragans fi fréquents & fi terribles dans ces parages, depuis le mois de Décembre jufqu'a celui d'Avril. II a péri, en effet, un fi grand nombre de navires marchands, & des efcadres entieres ont eu fi fort a fouffrir, même dans le Port-Louis, le feul oü abordent maintenant ies navigateurs, qu'on ne fauroit trop tót travailler h fe garantir de ces effroyables cacaftrophes. Le Gouvernement s'occupa peu pendant long-temps d'un objet fi intéreflant. II s'eft enfin déterminé a faire creufer dans cette rade un aflèz grand baffin, avec lefpoir confolant que les batiments de toute grandeur y trouveront quelque jour un afyle für. ^ Cette opération ne fauroit être pouflëe trop vivement; mais en la fuppofant exécutée avec tout le bonheur poffible, les forces maritimes ne fuffiront pas encore a la défenfe de la cololonie. L'Etat ne fera jamais la dépenfe d'une efcadre toujours en ftation dans ces parages. II eft poffible que l'ifle foit affaillie durant fon abfence. La tempête ou les maladies peuvent la ruiner. Force ou foible, elle eft expofée a être  334 SUPPLÉMENTS battue. Fut-elle viétorieufe, on pourroit avoir mis durant le combac, des troupes a terre. Elles marcheroient au port, s'en empareroient ainfi que des vaiflèaux vainqueurs qui s'y feroient réfugiés pour fe radouber. Par cette combinaifon, qui efl très-fimple, un établiflèment précieux tomberoit, fans coup férir, au pouvoit d'un ennemi hardi & intelligent. De ces inquiétudes bien fondées dérive la néceflité des fortifications. Quelques ingénieurs avoient penfé que des batteries judicieufement placées fur les cótes, feroient fuffifafites pourempêcher 1'aflaillant d'aborder. Mais depuis qu'il a été conftaté que l'ifle étoit accelfible pour des bateaux dans la plus grande partie de fa circonférence, que même en beaucoup d'endroits la defcente pouvoit être exécutée de vive force fous la proteétion des vaiflèaux de guerre, ce fyflême a été profcrit. On a compris qu'il y auroit une infinité de pofitions a fortifier; que les dépenfes feroient fans bornes, qu'il faudroit de trop nombreufes troupes , & que leur difperfion laiflèroit chaque point expofé a 1'événement d'un débarquemenc furpris ou brufqué. L'idée d'une guerre de chicane n'a pas été jugée plus heureufe. Jamais l'ifle de France ne réunira aflèz de troupes pour réfifter, malgré 1'avantage des poftes, a celles que 1'ennemi y  A L'HIST. PHILOSOPHIQTJE. 335 pourra porter. Les défenfeurs de cette opinion ont voulu faire valoir 1'afflftance des colons & des efclaves : mais on les a réduits enfin a convemr que ce concours qui pouvoit être de quelque utilité derrière de bons remparts, devoit être compté pour rien ou pour peu de chofe en rafe campagne. Le projet d'une ville batie & fortifïée dans I intérieur des terres a eu long-temps des partifans. Cet établiflèment leur paroiflbit propre k éloigner 1'afTaillant du centre de. la colonie & a le forcer, avec le temps, de renoncer a'fes premiers avantages. Ils refufoient de voir que fans aucun mouvement de la part d'un ennemi' devenu maitre des ports & des cótes, la garnifon, pnvée de toute relation extérieure, feroit bientöt réduite a fe rendre k difcrétion, ou a mounr de faim. Et quand cet ennemi fe borneroït k combler les rades, a détruire les arfenaux, les magafins, tous les édifices publics, n'auroit-ii pas rempli Con principal objet? Que lui importeroic alors qu'il y eüt une fortereffe & une garnifon au milieu d'une ifle incapable de lui caufer a 1'avenir de 1'inquiétude & de la jaloufie? Après tant de variations & d'incertitudes, on commence h voir que le feul moyen de défendre la colonie eft de mettre fes deux ports en furete; d'établir entre eux une communication qui leur procure des relations intérieures; qui  336* SUPPLÉMEttTS facilité une libre répartition des forces fuivatit les deffèins de 1'ennemi, & qui rende communes les reffources qui pourroient arriver du dehors par 1'une ou 1'autre de ces rades. Jufqu'ici le Port-Bourbon, oü les Hollandois avoient formé leur établiflèment, & le PortLouis, le feul oü les Francois abordent, n'avoient point paru fufceptibles de fortification; le premier pour fa vafte étendue, le fecond a caufe des hauteurs irrégulieres dont il eft entouré. M. le Chevalier d'Arcon a propofé un plan qui a fait difparoïtre les difficultés, & qui, après la plus profonde difcuffion, a obtenu le fuffrage des hommes les plus verfés dans cet art important. Les dépenfes qu entraïneroit 1'exécution de ce grand projet ont été févérement calculées, & l'on affure qu'elles ne font pas confidérables. Mais quelle quantité de troupes exigeroient ces fortifications ? L'habile ingénieur n'en veut que peu habituellement. II ne fe difïïmule pas que fi l'on en envoyoit beaucoup, elles feroient bientöt amollies par la chaleur du climat, corrompues par le defir & 1'efpoir du gain, ruinées par la débauche, & énervées par 1'oifiveté. Auffi les réduit-il en temps de paix a deux mille hommes qu'il fera facile de contenir, d'exercer, de difcipliner. Ce nombre lui paroit fuffifant pour réfifter aux attaques fubites & imprévues qui pourroient  A LUIST. PHILOSOPHIQUE. 337 pourroient fondre fur la colonie. Si de grands préparatifs Ia menacoient d'un péril extraordinaire, un Miniflere attentif aux orages qui fe forrnent, auroit Ie temps d'y faire palier les forces néceflaires pour Ia défendre ou pour agir dans 1'Indoftan fuivant les circonftances. Ces vues trouveront des cenfeurs. L'ifle de France coüte annuellement a 1'Etat 8,000,000 livres. Cette dépenfe, qu'il n'eft guere poffible de réduire, indigne beaucoup de bons citoyens. Ils voudroient qu'on fe décachat de cet établiffement ainfi que de Bourbon qui en eft une onéreufe dépendance. Ce feroit en effet le parti qu'il conviendroic de prendre, a n'envifager que le commerce languiflant que les Frangois font aétuellement dans 1'Inde. Mais Ia politique étend plus loin fes fpéculations. Elle prévoit que fi l'on s'arrêtoit a cette réfolution, les Anglois chaflèroient des mers d'Afie toutes les nations étrangeres; qu'ils s'empareroient de toutes les richeflès de ces vaftes contrées; & que de fi puiffants moyens réunis dans leurs mains leur donneroient en Europe une influence dangereufe. Ces confidérations doivent convaincre de plus en plus la Cour de Verfailles de la néceffité de fortifier fans délai l'ifle de France; mais en prenant des mefures efficaces pour n'être pas trompée par les agents qu'elle aura choifis. Suppl, Toms L Y  33§ SUPPLÉMENTS Cependant il y a un rapport fi nécefiaïre , &c. Page 177, après ces mots, felon les circonftances , lifez : D'après ces principes, rien de il preffé, après avoir fortifié l'ifle de France, que de mettre Pondichery en érac de défenfe. Cette place deviendra le dépot néceflaire du commerce qu'on fera dans 1'Inde, ainfi que des hommes & des munitions qu'on y enverra. Elle fervira aufli a faire refpeéter un petit nombre de troupes , lorfqu'on fuivra des projets offenfifs. Lorfque l'ifle de France & Pondichery feront arrivés au point de force oü il convient de les porter, la Cour de Verfailles ne craindra plus d'accorder k fes négociants la proteétion que le Souverain doit a fes fujets, dans toute 1'étendue de fa domination. De fon cöté, le Miniflere Britannique fera plus convaincu qu'il ne Pa paru de la néceflité de contenir les flens dans les bornes de la modération & de la juftice. Mais fera-t-on renoncer la compagnie Angloife aux abus de puiflance, aux principes relachés que lui a infpirés fon étonnante profpérité ? On ne fauroit 1'efpérer. Sa réfiftance aigrira les efprits. Les intéréts des deux nations rivales fe heurteront; & de ce choc fortira la guerre. Loin, & a jamais loin de nous toute idéé, &c. Page 182, après ces mots, a ravager, a op-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 339 primer, lifez „'Ils auroient a leur tour Ie fort des infenfés, des cruels rivaux qu'ils auroient abaiffés, Conquérir ou fpolier avec violence, c'eft Ia même chofe. Le fpoliateur & 1'homme violent font toujours odieux. Peut-être eft-il vrai qu'on n'acquiert pas rapidement de grandes richefles, fans commettre de. grandes injuftices: mais il ne 1'eft pas moins que 1'homme injufte fe fait haïr; mais il eft incertain que Ia richeflè qu'il acquiert le dédommage de la haine qu'il encourt. II n'y a pas une feulc nation qui ne foit jaloufe de la profpérité d'une aurre nation. Pourquoi faut-il que cette jaloulie fc perpétue, malgré 1'expérience de fes funelles fuices? II n'y a qu'un moyen légitime de lemportec fur fes concurrents: c'eft Ia douceur dans le régime ; la fidélité dans les engagements; la qualité fupérieure dans les marchandifes, & Ia modération dans le gain. A quoi bon en employee d'autres qui nuifent plus a la longue qu'ils ne fervent dans le moment? Que Ie commercant foit humain, qu'il foit jufte; & s'il a des poffefllons, qu'elles ne foient point ufurpées. L'ufürpation ne fe concilie point avec une jouidance tranquille. Ufer de politique, ou tromper adroitement, c'eft la même chofe. Qu'en réfulte-t-il ? Une Y %  ■ 34o SUPPLÉMENTS méfiance qui naic au moment oü la duplicité fe manifefte, & qui ne finit plus. S'il importe au citoyen de fe faire un caractere dans la fociécé, il importe tout autrement encore a une nation de s'en faire un chez les nations au milieu defquelles fon projet eft de s'établir & de profpérer. Un peuple fage ne fe permettra aucun attentat, ni fur la propriété, ni fur la liberté. II refpetfera le Hen conjugal; il fe conformera aux ulages; il attendra du temps le changement dans les mceurs. S'il ne fléchit pas le genou devant les dieux du pays, il fe gardera bien d'en brifer les autels. II faut qu'ils tombent de vétufté. C'eft ainfi qu'il fe naturalifera. A quoi le maflacre de tant de Portugais, de tant de Hollandois, de tant d'Anglois, de tant de Francois, nous aura-t-il fervi, s'il ne nous apprend pas a ménager les indigenes? Si vous en u'ez avec eux comme vos prédéceflèurs ont fait, n'en doutez pas, vous ferez maflacrés comme eux. Cefièz donc d'être fourbes, quand vous vous préfenterez ; rampants, quand vous ferez re9us ; infolents , lorfque vous vous croirez en force; & cruels, quand vous ferez devenus toutpuifTants. II n'y a que 1'amour des habitants d'une contrée qui puiflè rendre folides vos établiflèments. 1  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 34i Faites que ces habitants vous défendent, s'il arrivé qu'on vous attaque. Si vous n'en êtes pas défendus, vous en ferez trahis. Les nations fubjuguées foupirent après un libérateur; les nations vexées foupirent après un vengeur; & ce vengeur elles ne tarderont pas a le trou ver. Serez-vous toujours aflèz infenfés pour prè% férer des efclaves a des hommes libres; des fujets mécontents a des fujets afR-cïionnés ; des ennemis k des amis; des ennemis a des freres? S'il vous arrivé de prendre parti entre des Princes divifés, n'écoutez pas légérement la voix de l'intérêt contre Ie cri de la juftice. Quel peut être 1'équivalent de la perte du nom de jufte? Soyez plutöc médiateurs qu'auxiliaires. Le röle de médiateur eft toujours honoré; celui d'auxiliaire toujours périlleux. Continuerez-vous a maflacrer, emprifonner, dépouiller ceux qui fe font mis fous votre proteétion ? Fiers Européens, vous n'avez pas toujours vaincu par les armes. Ne rougirez-vous pas enfin de vous être tant de fois abaiflës au röle de corrupteurs des braves chefs de vos ennemis? Qu'atteftent ces forts dont vous avez hériffé toutes les plages? Votre terreur & la haine profonde de ceux qui vous entourent. Vous , %'t.pahs J748 jujïaio'en , I T ^BXiM^LTJ %è en, J753 7 J^ar1 ie, (ooiiUne,nt<3oe, £ jtmlriqtit od £ GJpa^nej) ; leur1 Watten" ^ans iej) M | tyaitur courantt %aiz* ie, 8\fwveaa- - MondeS) / xf'raii fit dit* ont Jupportls ; itur jtrodait net | ilca ot teuf> Qripinejp; Ze**/- (potit^ana ia MltrcpoieS> ; 0Hrai* 6^ £8roha acyaittts ; /ear |f | jpo^ /«ö SréltrrpoieS). j courant en Guroptl II $ DROIT S O.UI S'ACaUITTENT FRAISpour leTkansport pEOr)TJIT EN ESPAGNE. a ïentrée & au débit en net(tefaites , N o M S VA LEUR , , * ■ , , v,. __ VA L EUR A m É x i q. ü e. fSSa„ENVOlS;r-S Q.UANTITËS ET ESPECES d9S Mar- aWe *o„< *™ £££ P^- ft** Continent D£ M A R , H A N , , s E s. fh ufes JMjt , ^ M , ^ d , 0 4(1 Ame- neaux. cfpasrno- , .„ , lcs J»iar- nnllrp4. . . diles en , „ .. dentree |" , étrangeres. Marchan- chandiiès po ta,res a bord . -■ de Cadix de vente, dn csm- ? B.IQVE. les- difcs efpagno- mirauté. des Vaif. . Amenque. ^ rAmé. & "& ltes re- tnerce étrange- les qu'é- feai]X_ r vala en toursd-A- d.Elirope. res. trangeres. ^ Amériqne! mérique. | Uv_ liv_ liv. iiv. liv liv. liv. liv, Uv. liv. Uv. liv. P^E) 9000 qniotanx. ViF-argent 3,«oo,ooo 3,6oo,ooo 3,600,000 3,600,000 ï £ f282|.... 4694? palmoscuWques/sfoiS^kS ^39,4^ «9,4o4 3.8om85 6,337,64* *7*v6,9| «33,763 483,»8 4,948,io» P 5 I 847 140816 'idem }fi^m^!Z~. 10,074,4»? 684,46? 4i8-284 ".407,754- tfcoi»,9»7 817 978 i,9oT,29r.i,449,3?6 14,844,3" S « Ko Qtüntaux Safraa ... ÜIS.3I4 2,376 116 I'l8i «15,998 2S9,2oo 4.646 »5.9*o 2°>oo9 So«,6«5 2 I co"" 80 T Iff ts dïv'e'r'; 4,784 ^ z ^ ^0,479 *'7.468 9,351 «,746 16,577 i69,794 ï 5 fo:::: ";2^; ïfe«vE ! 308,37* v>mi 388,798 «f>°°° 64,8oo 64,800 47,976 4-0,4*4 \ I 5 u3.. 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BÉNÉFlCE. d'Amérique Prodn(ftions Benefice. dues a borJ. chandifes en reiniiies a - ■ .„ i-r,,™. en Europe. Amenqiie, cn r.lpa^n.. * T a at „, Un ' Uv. iiv. liv. if LA NOUVELLE.ESPAGNE. 27,219,1,7 . , e Q c/POUR LE Roi 40^,67; 529,200 124,527 Sur les Envois. i8,J94,8»7 CA R THA GENE «5,698,39, o,479,^5c< pqur le Commerce.... 15,741,249 17,956,219 4,194,970 , CA RA QUE.. IO,o?o,2i7 Q ?,2c,5g?; , jdem 805,957 851,765 45,808 Sur les Retours. 5,895,2*° ï LIMA ?>T97,327 4,566,590, 1,509,065 Idem 6,057,465 6,592,590 555,i«5 f " f ULmA - 15,454,804 t6.OAo -A /P0UTtI.ER0! 1,548,580 .,381,569 52,9S9 TOTAL 24,290,087 I BUENOS-AIRES. °,9o><,i6i 3,45 5,557< PouR LE Commerce ... 5,658,560 6,059,199 420,659 __jl»S4,584 JS,o6,,90O Ii8o9,5i6| Idem 2,706,158 5,247,160 ( 54i,2o2 | l*''S6,o69 76^^' 18,394,827 I Jm°P^l} 597,902 I 5,895,26o été imrortées en or & en argent pot, le cotnpte du commerce; j ;> f c ours en produétions , '—1 : ■ ■ —~ F PARTAïJT,le bénéfice net du Commerce eft de •■ i?,5lf5,1.66 I Pro- | ^ |w Val eur Pro-Pjo- Pro-Comp- Valeur . IS I Jrj- d „ DUIT Pro« Co ut *fi A n tt » vt m t rr, o 17 t, r-on-r-^t-o ) deldltes pro- duit duit duit tage Courante * g H Q.UANTITES ET ESPECES du Droit duit defdités * I. O _ „ i'rodnftions duit ...... du Droit du Droit! du Droit de 1'Or deidites nTlVF'rït'dTTnTiTV \m deProductions. d Indult du Droit . Produftions UJJÖHK^AIIUJVö. &| en du ïret. ^ de de Con- , d'Ami- & de Produöions \\9 i & Garde- d,Eglife j Cadi M y Amenque. ■ [Douane, fulat. I raute. 1'Argent. en Europe. 9 13 Uv. | liv. Uv. Uv. Uv. | liv. liv. j liv. liv. liv. | % § » § ( 5634 quintaux Cuivré 259,200 97,*oo 17,010! 3,402 850 54° '. 378.002 453 6001 J O, ° " { 200 Cacao Soconuico >«,96o 7,603 ^7551 4.018 «37 ° '8! «6,67i 7j,6oo j |_ E Produit net des Marchandifes hï ■ • Or &, Argent 6,480,000 i«8,547 583,5 i 3| • ••• 64,800 38,880 6,480 ( 32,173 5,625,607 5,625,6o7| envoyces dans la Nouvelle-ëspagne jtf C 4000 quintaux Cochenille fine 6,426,000 82,620 8*6,200! 69.120 45,9oo «,475 8032 7.469,34?! 8,262 000 \ ^00^ 55,69^,595 livrei, «: les Re- jj] ( 200... Graniite «4,75° 4,131 4,500 2,956 573 144 73 1*7.217 137 000] 'ou«» 1m en prov.ennent, ne devroient 1 1 s 100 Poufflere de Cochenille. 344*5 *oh? 2,295 1,478 286 72 S» 40,657 5«,785 1 prdenter que le rembourfement de ce j? 1 300 Cochenille Silveltre 103.275 6,196 6.885 4,434 859 116 i'° 1*1,975 158,355 1 Produit. Cependant 1'objet de ces Re- ,Jf 0 f 6000 Indigo Góathimala 4160,160 221-875 208008: 88505 17,334 4 333 3,3*8] 4703543 7626.9-o| tours s'éleve a une lomme de 56 216 5 ? J ff o t»| 75oo Jalap 648,000 162,000 60,750, 34,305 4-05° ï,oi* 97*j 9! 1.0*9 97*-°°o | livres & (brpaOe de beaucoup celle du % I sol 50 Vanille «6,640 933 9,331 8,748 1,1-6 «9* 1491 '37-59 43«-S^| produit net Poor rendre raifnn h * c I 10350 Bois de Campecue 2S.io7 :*485 21080.15,87* S6« 140 169 88.415 «* 4*s J ' _r r°ur «nore railon de Ia » V 310 Bois de Brélillcï 853 1,365 1,066 48: 34 8 6 3,8.3 4,2061 ^.™ite des Retours fur les hnvois, p " \ 47..... Carmi'n 54 000 864 5,062 810 54I 13 8i| 60,884 8i,eoo 5 on a torme au pied de ce Tableau un °° r j 6 Ecaillc 20.250 648 1,215! ' 162, 40 24! 22,339 «4 3001 état de leur diftribution, par lequel on * | 2 ™, 47 Rocou 10.800 1,728 1,350 203 135 33 25 14 *74 21.600} voit la caufe de cette différence. »■ I • 30 Salf'epareille 2,770 1,105 259 29,. 28 6 4 4,468 4,1471 R% 4° Baüme *7,54° 1-468 2,8681 «,211 229 57 46 34,4«9 4S,9*o| ]1 en efl de niéme pour C &RTHAGENE ¥ 100:::::;::::: SstS'.:::.:::: S 4r« 5ó?|^ \v\::::::::::: ^ tZ\ Cara(1üe >LlMA & *********** m \. jOr & Argent. 37.7l6,Q47 748,192 3^65,402; 374,2881 «»6,«96 37,7i6j 188 X07 3S 775,345 3* 775-345 1 ^ |L 56,216,533 i,49i,543 5,«8.753! 213,589 5H-107 «83,9*8 57,630, 22o 9:,o! 5*-546,874'5:|'h I g g< 5216 Cuivre 179,746 179,746 15,676 1 3,145 787 3'5 379,415, 389,458 , ~£ 1^ £ 1ï $ % ^ 1 \k 2 „1 470 Laine de Vieocne 270000) 3*,4oo «43001 8 131 2.7001 675 3H8 538.594 3*4,ooo= S = «S • m " " \\ ifl I " 28 440,673 3,6^-3,747:2,424,398 '612.350 274688; 162.851 33,«9; 126,339 28,78l,8i3|*7,29i,44i g'3 s |.j .g ^ § % §, ^ | O fi» j 6V.i fe"». liv. liv. Kt*, i /i». //ï>. I {fo. S^^i1^ ^«i^^^l ° 300 quintanxlLaine dcVigogne 172,800 11059/ 15,552! 5 204 1,728 432 =48' «07.023 207.3601 a<'5'9 c~ ! « .7 | AiÈ X e . , 1 . c/3 ' bi : °=! 1 Ij» « 6,287,S05;i,43S-7o6 568,6i5i233,909 55,251 34,283 7,983l 26,523 7,371,949 8,113,151 -2 || — 1——'—■ oi si^si pi DISTRIBUTION DES RETOURS, g^^^^S 1^1 a < O Cj s tq 8^51 | Pour valeur des Mar- ?mn ]e Uour ™' Ta"\l\ Po„P , Montant Montant chandifes dont le pro- "™Ljf U«« d" ,m,(,ntatlt i0"r ,e jff HOM DES COLONIES ^Retour des Tqtal - 'tlr;, ^^ f en produc-l Retours . „ eit etabli dans ce rféduftionlpar leRoi, déduftioii Ce"Ro1 de la j K d'Ameziciue. t;on, irA-!enOr&enl1esKet0lU'S- raWca"- Faite de la|& Ie mon-jfaite de 1, & des au- diftribution! P ménque. j Argent. dépenfe takjes dépenfe „, offi. Jf En En Or & feaux non em- teurs en 'ers' 7 ft Denrées. ATgent. ' ployés. Amérique pfe /fo. /fo. #»•! f*»< fi»- fi». />». fi»- fe'»- fe'»-' ^ H NOUVELLE-BSP AGNE... i2,o2o,486l44,i96,o47 56,216,533 «,748,326 20,350,069-2,824,200 6,752, i6oj2,474,77l|iJ'ö67,oo7 56,2i6,533! \ | CARTHAGENE. 465,s62ji4,o8'7,304^14,553,166 465,86:2 12,848,188 483,116 756,000 14,553,166. CARAgUE. 3,229,740! 239,14^ 3,468,884 *,958,i96 239,144 • 271,544 3,46S,SS4j I lima • 1 3,i72i824 25,267,849 28,440,673 2,463,226 14,444,935 2,283,606 2,323,728 2,7oo,ooo 4,225,178 28,440,673^ ^ | B U È2f 0s-AIRE S. J 982,800 5,304,705 6,287,505 982,800 5,081,100 56,205 167,400 6,287,505! W I Ji9,S7i.7i2 89 095,049 10S 966,761 18,618,410 52,963,43615,647,127 9,075,888 6,369,715116,292,185^08,966,761] | ^  Lh. vi, vu & viii. Na. t; ÊTATde la PopulaUon i'Efp^, inffê m ^ par ^ & M & ^ Prêfident du Confeil de Cafiille. ArchevÊches. ÊvéchÉs peksonnes non mariÉes. Personnes mariees. |C l E » 0 J Privilegies 1 *"s ^ .,, TOTAL féculier TOTALITE j ^ ~ — ——1 '— —_ , totalei Se0viLc \ 8 Hw) 6?4'm »8>sfo »9,8oo:,o7;,If8^^;-^7 s.j^«:,::;tzt Tl 160,6,7 ^ * Esempt, /" ff'' »7,1» «8,080 ,,84o,,37 04^)1,8^397 8WJ0 Grcnade....: ,'7W74 IIf,75? "7>I°7 f^'1" ,7i,9of 306,378 ' B.w , ""."Mf* US,87S WJ8 378.HO f„„ 3%>3f9 7+J4 Tarragoffi, , "",3I0'M- »°.4o8 ,97,064 I8f,9<,7 ^034 .8,330 ,,040,364 304,66, Saragoffe rl5IJ>078 -90,763 ,,o,6,oos ^„ I>0?0,2+4 kalence , "' H7'3'5 HM49 "M°< «,,66 -«,948 ~- 0.°,^; ^4^608 ,4o,4f4 704,087 I2,79S 7l6i886 IOi,OJ -^=£±±=^2*? o.9,..8f8 ,,7,4,^7 ,.7,4, w ~ villes & Villages I r ; \ Couvens de Religieux ' °6 JhjpdBn. & BeneWs . . <024Ó Dans le Département deg ' * > Cou.ens de Religies J „4« Dans le Département de Ia Croifad 4 lSetheS 3 diffirenS 0rd^ ^. ? 4* T O x a , Dans la Nobldfc " Synt\&efi^ 26294 - "  Lm. VI. VU. & VUL N9. %. ÊT AT des Chargemem faits dans les huit dernier es Flottes expédiées d'Efpagne pour la Vera-Crux. A N N E E S'. 1735. 1735. 1757. 1760. 1765. 1768. 1772- COMMANDANS. TORREZ. PlNTADO. VlLLENA. ReGGIO. IdIAQüÈS. TlLLY. CORDOVA. ULLOA. Marchandifes diverfes Palmes cubiques. 618,595' 620,000 6i8,557 84i,7!7 486,94, 452,282 914,807 934,366 ^an.nelle 47,026 paPier Rames 172,368 85,993 250,372 423,450 642,896 148,563 479,282 i84,i72i pir479 23,696 30,403 21,583 C?óm Quintaux... 2,584 M47 •••• 42,857, 893 78* i' '," VQuintaux . . . 129 460 1,240 24 , 42 210 1,135 617 Fild'archT ' &CQuintaux 460 881 360 677" 45? Acier Quintaux 91 595 158 i?4 «45 7l Fer bla'nc ' ' ' 'Quintaux ... 10,092 2,134 4,059 10,672 225! 4,010 5,995 6,674 F.au-deviéBarrils f 26 ' 81 719 2'724* 26 ,5 Vin Barrils i8,935 ''iiM «7,440 io,544 66 «4,496 6916 20,082 Vinaiere• • • • Barrils 8,610 8,250 13,684 «7,«22 17,03? «5,843 2,502 5,473 Huile Barrils «2,700^ ............. Amandes Quintaux.... 6,844? 4,635! 4,031 2,636,: 113 0 2,434* 5S5ïs 4,5.10 Paffes. . " Quintaux. . . . 1,268 1,14° 2,071 9 15,560^ Albayadé . Quintaux. • - . . 188 77? • Toiles a voilesQuintaux . 44 4" Ficelle . ' " Pieces 820 50 284 Plumes Quintaux 209 30 323 118 5? 166 275 475 f Verd,de.gr'is' '.Milliers . . . . jod 587 1 224^ Rubans , Fil Quintaux. . . . 69* • . 6^ Caiffons de Fa\,'„ Pieces 1,000 'Épées a monter"; ' 42 Caiffons groflïers 1,000 Pierres a fufil 2,061 . .» . . . Caiffons de SafranMiUiers • • ■ï '6$° 3 Drogues pour ]a Pein'tu're' ] ' ' ' bulnt'aux**'• '.57 Ca,cnllcs, ou groffesToiles [ [ [ . \ \ \ [ [ \ \ \ '. [ [ [ \ '. '. \ \ '. '. '. \ . . . . . . \ \ . . . \l 88,808 Quintaux 22{   A LWST. PHlLQSOmiQUE. m ©üvertes a tous les citoven* & va vondra s'intéreflèr te navres conflruits dans quelquta d« ' ° * Royale; OTbarquer ^^«ÏÏ Pour .,)Soo hv. au moins de marchandfeï manufaaures nationales: Dav-r h u la valeur de la eargaifou mdépJ * cent au retour. Les particuliers peuvent 27 mem négoeier d'Inde en Inde m„ droit „We de » Ï*S? ** de"X """-"'PO rcél" LnZ k C°nVamcre • été La compagnie étoit autrefois exemnte a, tas établis fur ce auf fert * Ia coSSfa, T lapprovifionnement des vaiffeaux On ll des oe fonnl ' r13 ^ ï0 fo,s Pour lacune hL„ 1 ? gC' d UnaUtrs córé' * "Pon*  354 SUPPLÉMENT^ Royaume, & 18,000 liv. furchacundes navires deftinés pour la Chine. Les droits anciennement différents pour les produftions de 1'Afie qui fe confomraoient en Danemarck, ou qui paffoiem a 1'étranger, font aftuellement les mêmes. Toutes, fans égard pour leur deftination, doivent deux pour cent. Le Gouvernement a voulu auffi refter 1'arbitre des fraix de douane que les foieries & les cafés, deftinés pour 1'Etat, feroient obligés de fupporter. Cette réferve a pour but l'intérêt des ifles de 1'Amérique & des manufaftures nationales. Le Roi a renoncé a 1'ufage oü il étoit de placer tous les ans, dans le commerce de la compagnie, la fomme d'environ 100,000 liv., dont il lui revenoit communément un profit de vingt pour cent. Pour ledédommager de ce facrifice, il fera verfé dans fa cailTe particuliere 22,500 liv lorfque ce corps n'expédiera qu'un vailTeau; 36,000 liv. lorfqu'il en fera partir deux ; & 45,000 liv. lorfqu'il y en aura trois ou un plus ■grand nombre. Sous 1'ancien régime, il fuffifoit detre propriétaire d'une adion, pour avoir droit de fuffrage dans les alTemblées générales. Pour trois atos , on avoit deux voix; trois pour cinq, & ainfi dans la même proportion jufqu'a douze voix, nombre qu'on ne pouvoit jamais pafler, quel que fut l'intérêt qu'on eüt dans les fonds de la com-  a L'hïst. PHILOSOPHTQüe. 355 mme. Mais il étoic permis de voter pour fe, •bfentsou les étrangers, pourvu qu'ou por leur procurator). II amVnir ix . P uuve oetroi de ceux qui 1'avoient précédi! L exemple du Miniftere ■ inSué fur h «as inrerefe, ,oi 0K &, a^ La dulmaon du f„„ds coullau. & du Ld, A rexpTOion du dernier oclroi, la comMmfe avo,tn„ fonds de „,506,059 li ., pZfen fo-een^fflonsd'environ^^ £££ Z 2  S56 SUPPLÉMENTS Le prix de 1'aftion étoic évidemment erop fort dans une région oü les fommes fonc fi bornées. On a remédié h cec inconvénienc, en divifant une aftion en trois; de forte qu'il y en a maintenant quatre mille huit cents, dont le prix, pour plus de füreté, n'a été porté fur les livres, qua 2,250 livres. Ce changemenc en doic rendre IV chac & la vente plus faciles, en augmenter la circulacion & la valeur. Le projec d'élever les érablhTemencs Danois, dans linde, a plus de profpéricé qu'ils n'en avoient eu, a occupé enfuite les efprits. Pour réuffir, il a été réglé qu'on y laifleroit conftamment 2,250,000 livres, en y comprenanc leur valeur eftïmée 900,000 liv. Les bénéfices qu'on pourra faire avec ces fonds, pendanc dix ans, refteroncen augmencacion de capital, fans qu'on puifle en faire des réparcicions. Jufqu'Ji ces derniers cemps, les navires, expédiés d'Europe pour la Chine, porcoient toujours les fafteurs chargés de former leur cargaifon. Ön a judicieufemenc penfé que des agents, établis chez cette nation célebre , en faifiroienc mieux 1'efprit, & feroient leurs ventes, leurs achats avec plus de facilité & de fuccès. Dans cecte vue, quacre fafteurs ont été fixés a Cancon, pour y conduire les incérêts du corps qui les a choifis. Les Danois avoient autrefois formé un peut  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 35? établitfèment aux ifles de Nicobar. II ne coütoit pas beaucoup, mais il ne rendoic rien. Son inunlité la fait fagement profcrire. La compagnie avoit contrafté 1'habitude d'accorder, fur hypotheque , aux acheteurs un crédit de plufieurs années. Cette facilité 1'obligeoic elle-meme d'emprunter fouvent des fommes confidérables a Amfterdam ou h Copenhague. On seft vivement élevé contre une pratique incon- • nue aux nations rivales. II eüt été peut-être dangereux d'y renoncer entiérement: mais on f'a renfermée dans des bornes aflèz étroites pour prévenir toute défiance. A ces principes de commerce, fort fupérieurs è ceux qui étoient fuivis, ia compagnie a ajouté les avantages d'une direébon mieux ordonnée, plus éclairée, & mieux furveillée. Auffi, une confiance univerfelle a-t-elle été" le fruit de ces fages combinaifons. Quoique le dividende n'ait étéque de huit pour cent en 1779 & de dix pour cent en 1774 & en 1775, on a vu les adlions s'élever a vingt-cinq & trente pour cent de bénéfice. Leur prix auroit vraifemblabletnent augmenté encore, fi Ja paix intérieure de Ja fociété n'avoit été, depuis peu, fi fcandaleufement troubiée. L'ancienne compagnie bornoit prefque fes opérations au commerce de la Chine. De tous ceux dont elle avoit le choix, c'étoit celui oü il Z 3  358 SUPPLÉMENTS y avoit le moins de rifques a courir, & plus de bénéficesk efpérer. Sans abandonner cette fource de richefies, on eft entré dans quelques autres long-temps négligées. Le Malabar, il eft vrai, a peu fixé 1'attention. Autrefois on ne tiroit annuellement des loges de Colefchey & de Calicut qu'une foixantaine de milliers de poivre. Ces achats n'ont guere augmenté : mais on a eu raifon d'efpérer que les affaires prendroient plus de confiftance dans le Bengale. A peine les Danois avoient paru aux Indes , qu'ils s'étoient placésa Chinchurat, furlesbords du Gange. Leurs malheurs les écarterent de cette opulente région pendant plus d'un fiecle. Ils s'y montrerent de nouveau en 1755, & voulurent occuper Bankibafar , qui avoit appartenu a la compagnie d'Oftende. La jaloufie du commerce , qui eft devenue la palfion dominante de notre fiecle, traverfa leurs vues, & ils fe virent réduits a fonder Fréderic-Nagor, dans le voifinage. Ce comptoir coüta tous les ans 122,500 livres plus que fon territoire & fes douanes ne rendirent. Cette dépenfe, quoique foible, étoit plus confidérable que les opérations ne le comportoient. L'attention qu'on eut, après le renouvellement du privilege, d'envoyer de 1'argent a cet établiffement trop négligé, lui donna un commencementde vie, maisilrentra bientöt danslenéant.  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 359 Son malheur eft venu d'avoir été mis dans une dépendance abfolue de Trinquebar. Cette première des colonies Danoifes polTede un-excellent territoire, qui, quoique de deux lieues de circonférence feulement, avoit autrefois une population de trente mille ames. Dix mille habitoient la ville méme. On en voyoitun peu plus dans une grande aldée , remplie de manufaéluresgroffieres. Le refte travailloit utilement dans quelques autres lieux moins confidérables. Trois cents ouvriers, faéteurs, marchands ou foldats: c'étoit tout ce qu'il y avoit d'Eurcpéens dans rétabliflèment. Son revenu étoit d'environ 100,000 liv., &cerevenu fuffifoita toutes fes dépenfes. Avec le temps, Ie défordre fe mit dans Ia colonie. Elle rendit moins ,& coüta le doublé. Les entrepreneurs s'éloignerent, lesfabriques languirent, les achats diminuerent, & l'on n'obtinc qu'un bénéfice très-borné fur ceux qu'onordonnoit de loin en loin. Dans 1'impuillance oü l'on; étoit de faire des avances aux atteliers, il fallur. payer les marchandifes vint-cinq & trente pour cent plus cher, que fi l'on fe fut conformé aux ufages recus dans ces contrées. Depuis 1772, Trinquebar a changé de face. Un peu de liberté, quelques fonds, une meilleure adminiftration, une augmentation de territoire, d'autres caufes encore ont amélioré fon Z.4  3óo SUPPLÉMENTS fort. Mais jamais fa defiinée, jamais la deftinèe du corps qui lui donne des loix ne feront brillantes. Lapofition locale du Danemarck,Iégéniede fes peuples, fon degré de puiflance relative % tout 1'éloigne d'un grand commerce aux Indes. Ses Provinces font-elles aflèz riches pour fournir les fommes néceflaires aux grandes fpéculations „ ou les étrangers livreront-ils leurs capitaux a une aflbciation foumife aux caprices, expofée aux vexations d'une autorité illimitée ? II eft dans la nature du gouvernement defpotique de rompre les liens qui doivent unir les nations; & quand il a brifé ce reflbrt, il ne peut plus le rétablir. C'eft la confiance qui rapproche les hommes, qui unit les intéréts; & le pouvoir arbitraire eft incompatible avec la confiance, paree qu'il détruit toute füreté. Le projet formé en 1728 de transférer de Copenhague a Altena le fiegedu commerce avec 1'Afie, pouvoit bien procurer quelques avantages : mais il ne levoit aucun des obftacles qu'on vient d'expofer. Ainfi, nous ne craindrons pas de dire que 1'Angleterre & la Hollande firent un aéte de tyrannie inutile, en s'oppofanc a cet arrangement dorneftique d'une Puiflance libre & indépendante. Celui qui prend quelque intérêc au genre humain ; celui qui ne porte pas au-dedans de lui-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 361 même 1'ame étroite d'un Moine, pour qui 1'enceinte de fa prifon clauftraleeft tout, & ]erefte de 1'univers n'eft rien, peut-il concevoir quelque chofe de plus abfurde & de plus cruel que cette mfême jaloufie des grandes Puiflances; que cec hornble abus de leurs forces, pour empêcher les Etats foibles d'améliorer leur condition? Le particulier qui fe propoferoit au milieu de fa nation le röle qu'elles font au milieu des autres nations, feroit le plus exécrable des malfaiteurs. Anglois, Francois, Hollandois,Efpagnols, Allemands : voici le motif honnête pour Iequel vous prenez les armes les uns contre les autres Pour Iequel vous vous entr'égorgez : c'eft pour' favoir a qui d entre vous refte le privilege exclufif de a tyrannie, & le monopo]e * heur. Je n ignore pas que vous Coiorez ce pro. jet atroce du prétexte de pourvoir a votre fécunté : ma1S comment peut-on vous en croire lorfqu on ne vous voit mettre aucun termeavo-' tre ambition; & que pius vous ltes m Plus vous etes impérieux? Vous n'exigez pas feulement tout ce qu'il eft de votre intérêt par- Si? ■ V°tre °rgUei! Va ^quefofa jufqui k demander ce qu'il feroit honteux d'accorcer. Vous ne penfez pas qu'on n'avilit point un peuple fans de faclieufes conféquences. Son honneur peut s'endormir pendant quelque temps rcais tót ou tart, il fe réveille & fe ven^e ■ & 7- *  S6a SUPPLÉMENTS comme de toutes les injures 1'humiliation eft Is plus offenfante, c'eft auffi la plus vivement fentie & la plus cruellement vengée. Les lumieres fur le commerce, &c. Page 101, après ces mots, de leur ancien éclat, lifez : Le voyageur, qui palïbic a Anvers, regardoit avec étonnement les ruines d'une ville autrefois fi fioriflante. II en comparoit la bourfe avec les fuperbes édifices du paganifme après la deftruclion du culte des idoles. C'étoit la même folitude; c'étoit la même majefté. On y voyoit les citoyens indigents & triftes fe promener, comme on vit fous Conftantin les Prêtres déguenillés errer autour de leurs temples déferts, ou accroupis aux pieds de ces autels ou l'on immoloit des hécatombes, dire labonne aventurepour une petite piece de cuivre. Anvers, qui avoic été, duranc deux fiecles, le magafin du Nord, ne voyoit pas un feul vaiflèau dans fon port. Bien-loin de fournir aux nations, &c. Page 203, après ces mots , jamais été accordé, lifez : Seulement, il ftipula qu'on lui payeroit, jufqu'a la fin de 1724, trois pour cent pour tout ce qui feroit exporté, pour tout ce qui feroit importé, & fix pour cent dans la fuite. La rapacité des gouvernements eft inconcevable. Dans toute cette hirtoire, on ne trouvera pas peut - être un feul exemple ou Timpofition n'aic été concomitante de 1'entreprife; pas un  A LUIST. PHILOSOPHIQUE. 36 Souverain qui n'aic voulu s'afTurer une partie d la moiflbn avant que la récolte fut faite, fan s'appercevoir que ces exaétions prématurée étoient des moyens fürs de la détruire. D'oi naït cette efpece de vertige? Eft-ce de 1'igno rance'? eft-ce de Pindigence? feroit-ce une féparation fecrete de l'intérêt propre de 1'adminilïration de l'intérêt général de 1'Etat? Quoi qu'il en foit, la nouvelle compagnie, qui avoit un fonds de fix millions de florins, ou de 10,800,000 livres, parut avecdiftinclion dans les marchés des Indes. Elle forma deux établifièments, &c. t ?age 2°7» après ces mots, vers la Suede, lifez : L'étude des nations efl: de toutes les études la plus intéreflance. L'obfervateur fe plaïr a faifir ie trait particulier qui cararftérife chaque peuple, & a le démêler de la foule des traics généraux qui 1'accompagnenr. Inutilement il a pris la teinte des événements. Inutilement les caufes phyGques ou morales en ont changé les nuances. Un oeil pénétrant le fuit k travers fes déguifements, & le fixe malgré fes variations. Plus même le champ de 1'obfcrvation eft étendu, plus il préfente de fiecles a mefurer, d'époques a parcourir; plus auffi leproblême eftaifé k déteraiiner. Chaque fiecle, chaque époque donne, SJl eft permis de parler ainfi , fon équation ; & I on ne peut les réfoudre toutes, fans décou- 3 3 i vir. Compagnie de Suede. Révolutions arrivées dans le Gouvernement de cec« :e nation.  364 SUPPLÉMENTS vrir la vérité qui y étoit comme enveloppée. Mais le defir de connoitre une nation doit augmenter a proportion du röle qu'elle a joué fur le thédtre de 1'univers, de 1'influence qu'elle a eue dans les majeftueufes ou terribles fcenes qui ont agité le globe. Le principe & les effets de ce grand éclat attirent également les regards des gens éclairés, de lamultitude; & il eft trèsrare qu'on fe laflè de s'en occuper. Les Suédois doivent-ils être mis au rang des peuples qui ont acquis un nom fameux? On en jugera. La Suede étoit peu connue avant que fes féroces habitants euflènt concouru avec les autres barbares du Nord au renverfement de 1'Empire Romain. Après avoir fait le bruit & les ravages d'un torrent, elle retomba dans 1'obfcurité. Une contrée inculte &déferte,fans mceurs, fanspolice, fans gouvernement, ne pouvoit guerefixer 1'attencion de 1'Europe, alors peu éclairée, & qui ne faifoit point d'effbrts pour fortir de fon ignorance. Les brigandages & les aflaflinats étoient trés - multipliés, s'il faut s'en rapporter a quelques vieilles chroniques d'une foi douteufe. Un feul chef dominoit de temps en temps fur le pays entier, d'autres fois il étoit partagé entre plufieurs maitres. Ces rivaux, avides de puiflance, avoient recours aux moyens les plus honteux ou les plus violents pour fe fupplanter ; & les révolutions étoient journalieres. C'étoit fur- 1 I  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 365 tout entre les peres & les enfants que ces guerres étoient fanglantes. Le chriflïanifme que recue cette région a la fin du huitieme fiecle ou au commencement du neuvierne, ne changea rien a la condition des peuples. Ce furent toujours les mêmes haines, les mêmes combats, les mêmes caJamités. On n'avoit que peu amé' lioré une fi affreufe deffinée, lorfque des événement* malheureux firent paflèr la Suede fous la dominationDanoife, ou dans une alliance qui tenoit de la fervitude. Ces liens honteux furent briféspar Guftave-Vaza, élu adminiftrateur de 1'Etat en 1521, & deux ans après fon Monarque. L'Empire étoit alors dans I'anarchie. LesPrêtres exercoient la principale autorité; & Je fifc ne recevoit annuellement que vingt-quatre mille rnares d'argent, quoique Jes dépenfes publiques selevafiènt a foixante mille. En concentrancdans fes mains des pouvoirs épars, en rendant Ja couronne héréditaire dans fa familie, en dépouillant Je Clergé d'une partie de fes ufurpations en fubffltuant le Luthéranifme au culte établi * en réglanc fagement Je genre & 1'emploi des impofitions, le nouveau Roi fe montra digne du rang ouil étoit monté : mais, pour avoir voulu poufTertrop loin les réformes, il précipica fes fujets dans des malheurs qu'on auroic pu, qu'on auroit dü prévoir. La Suede, que Ia nature de fes produétions,  -ó66 SUPPLÉMENTS fes befoins & 1'étendue de fes cótes appelloiene a la navigation, l'avoit abandonnée, depuis qu'elle s'étoit dégoütée de la piraterie. Lubeck étoit en polTeffion d'enlever, &c. Page 210, après ces mots, fondements d'une colonie, lifez : Le pavillon Suédois fe montra dans tous les parages de 1'Europe. Ce nouvel efprit ne dura qu'un moment. Les fuccès du grand Guflave a la guerre, tournerent entiérement le génie de la nation du cóté des armes. Tout s'enflamma du defir de s'illuftrer fur les traces de ce héros & de fes éleves. L'efpoir du butin fe joignit a 1'amour de la gloire. Chacun vouloit vaincre 1'ennemi & s'enrichir de fes dépouilles. L'éducation nationale étoic toute militaire, & les foyers paroifToienc convertis en camps. Des trophées innombrables ornoient les temples, les chateaux, les tous les plus fimples. Une gènération de foldats étoic remplacée par une gènération femblable , ou plus audacieufe. Cet enthoufiafme avoit gagné les dernieres claffes, comme les claffès plus élevées. Les travaux nobles, les travaux obfcurs étoient également dédaignés; & un Suédois ne fe croyoit né que pour vaincre & pour faire la deftinée des Empires. Cette fureur martiale avoic paffe toutes les hornes fous Charles XII: mais elle s'éceignit après la mort tragique de cet homme extraordinaire.  s • A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 3ó> Ce fut un autre peuple. L'épuifemenc de FE«at, la perte des conquêtes anciennes, 1'élévation de la Ruffie : tout dégoücoit les plus confiants d'une carrière qu'il n'étoit plus poffible de fuivre avec quelque efpoir de fuccès, fans même achever la ruine d'un édifice ébranlé par des fecoufïès violentes & réitérées. La paix écoic le voeu, & de ceux qui avoient vieilli fous des tentes, & de ceux auxquels leur age n'avoit pas permis de porter les armes. Le cri de la nation enciere étoic pour fa liberté, attaquée fuc. ceffivement avec précaution, détruite par Charles XI, & dont 1'ombre même avoic été ravie par 1'infortuné Monarque qui venoitde defcendre au tombeau fans poftérité. Tous les ordres de 1'Etat s'aflèmblerent; &, fans abolir la royauté, ils rétablirent le gouvernement républicain, lui donnerenc même plus d'excenfion qu'il n'en avoit eu. Aucune convulfion ne précéda, aucune difcorde ne fuivit cette grande révolution. Tous les changements furent faits avec maturité. Les profeffions les plus nécefTaires, ignorées ou avilies jufqu'alors, fixerent les premiers regards. On ne tarda pas a connoitre les arts de commodité ou d'agrément. La jeune nobleffe alla fe former dans tous les Etats de 1'Europe qui offroient quelque genre d'inftruétion. Ceux des citoyens qui s'étoient éloignés d'un pavs, depuis Jong-  36*8 SUPPLÉMENT S" temps ruiné & dévaflé, y apponerent les talents qu'ils avoient acquis. L'ordre, 1'économie politique, les dilférentes branches d'adminiftration devinrent le fujet de tous les entretiens. Tout ce qui intérefloit Ia République fut müremenc difcuté dans les aflèmblées générales, & librement approuvé, librement cenfuré par des écrits publics. II parut fur les fciences exaétes des ouvrages lumineux, qui mériterent d'être adoptés paf les nations les plus éclairées. Une langue, jufqu'alors barbare, eut enfin des regies, & acquit, avec le temps, de la précifion & de 1'élégance. Les manieres & les mceurs des peuples éprouverent des variations encore plus néceffaires & plus heureufes. La politeflè, 1'afFabilité, 1'efprit de communication remplacerent cette humeur farouche, & cette rudeffe de caraélere qu'avoit laiflees Ia continuité des guerres. On appella des lumieres de tous les cötés, &c. Page 212, ligne 16, au-lieu de 2250 liv., lifez, 1500 daelers d'argent, 3390 liv. Page 212, après ces mots, porteroit chaque Mtiment, lifez: Cette condition n'empêcha pa3 la fociécé d'expédier, durant la durée de ion oétroi, vingt-cinq navires; trois pour le Bengale, & vingt-deux pour Ia Chine. Un de ces vaiflèaux fic naufrage avec fa cargaifon entiere, & trois périrent fans chargement. Malgré ces malheurs, les incérefles retirerent, outre leur capital,  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 369 «pital, huk cents dix-fepc & demi pour centce qut.montoit, année commune, k cinquante- ITa m P°Ur CenC : bé»éfice infiniment confiderable quoique, for ce produit, chacun Eti I74f5 , Ja compagniö obt.nt un pnvilege pour vingt ans. Elle fit partir fucceffi! vement tr01S vaiflèaux pour Surate, & trÊn e«o» pour Canton, dont un fit naufrage avec tous fes fonds prés du lieu de f. deftinatL. Le profit des mtéreflès fut de huit cents foixante- f°"Ze?Un *** P°Ur cent' °u ^ quarantetrois chaque année. Un événement remarquable dft.nga. oe fecond oftroi du premier. Dès ]?J les afloaés renoncerent , Ja liberté dont Is foient toujours joui, de retirer a volonté Jeu capuaux, & fe déterminerent a former un corp permanent. L'Etat les fit confentir a ce n u e ordrede chofes, en fe contentant d'un droTde jmgc pour cent fur toutes les marchandifes qui fe confommeroient dans le Royaume, au-lieu de 75,000 livres qu'il recevoit depuis fept ans pour chaque yoyage. Ce facrifice avoit pour bat de mettre la compagnie Suédoife en état de foutenir la concurrence de la compagnie qüi pubhcs le firent rétraéter en 1765. On poufla aeme 1 mfidéüté jufqu'aexigef tousles arrérages. Suppl, Tome L Aa  370 SUPPLÉMENT S Le monopole fut renouvellé, en 1766, pour vingt ans encore. II prêta a la nation 1,250,000 livres fans intérêt, & une fomme doublé pour un intérêt de fix pour cent. La fociécé qui faifoit ces avances, devoit être fucceflivement rembourfée de la première, par la retenue des 03,750 livres qu'elle s'engageoit a payer pour chaque navire qui feroit expédié, & de la feconde a quatre époques convenues. Avant le premierjanvier 1778, il étoit parti vingt & un vaiffeaux, tous pour la Chine, dont quatre étoient encore attendus. Les dix-fept arrivés, fans avoir éprouvé d'événement facheux, avoient rapporté vingt-deux millions fix cents livres pefant de thé» & quelques autres objets d'une importance beaucoup moindre. On ne peut pas dire précifément quel bénéfice ont produit ces expéditions: mais on doit préfumer qu'il-aété confidérable, puif.que les aétions ont gagné jufqu'a quarante-deux pour cent. Ce qui eft généralement connu, c'eft que le dividende fut de douze pour cent en 1770 , qu'il a été de fix toutes les autres années, & què la compagnie eft chargée des aflurances depuis 1753. Ce corps a établi le fiege de fes affaires h Gothenbourg, dont la poficion offroit pour 1'expédition des batiments, pour la vente des marchandifes, des facilités que refufoient les autres ports du Royaume. Une préférence fi utile a beau-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 371 coup augmenté le mouvement de cette rade, & le travail de fon territoire. Dans 1'origine de la compagnie, fes fonds varioient d'un voyage a 1'autre. Ils furent, dit-on, fïxésh fix millions en 1753, & a cinq feulement, & la derniere convention. Les gens les mieux inftruics font réduits a de fimples conjectures fur ce point important. Jamais il ne fut mis fous les yeux du public. Comme les Suédois avoient d'abord beaucoup moins de part a ce capital, qu'ils n'en ont eu depuis, le Gouvernement jugea convenable de 1'envelopper d'un nuageépais. Pour y parvenir, il fut ftatué que tout directeur qui révéleroit le nom des aflociés ou les fommes qu'ils auroient foufcrites, feroit fufpendu, dépo* fé même, & qu'il perdroic, fans retour, tout 1'argent qu'il auroit mis dans cette entreprife. Cet efprit de myftere, inconcevable dans un pays libre, continua trente-cinq ans. Douze aétionnaires devoient, il eft vrai, recevoir tous les quatre ans les comptes des amniniftrateurs: mais c'étoit 1'adminiftration qui nommoit ces cenfeurs. Depuis 1767, ce font les intéreffés eux-mêmes qui choififiènt les CommhTaires, &qui écoutent leur rapporc dans une affèmblée générale. Ce nouvel arrangement aura fans douce diminué la corruption. Le Tecret dans la politique eft comme le menfonge : il peut fauver pour un moment les Etats, & doit les perdre avec Ie Aa a  372 SUPPLÉMENT § temps. L'un & 1'autre ne font utiles qu'aux méchants. Le produit des ventes n'a pas été toujours le même. On 1'a vu plus ou moins confidérable, felon le nombre & la grandeur des vaiffeaux employés dans ce commerce, felon la cherté des marchandifes au lieu de leur fabrication & leur rareté en Europe. Cependant, on peut affurer qu'il efl rarement reflé au-deffous de 2,000,000 livres, &ne s'ell jamais élevé au-deffus de cinq. Le thé a toujours formé plus des quatre cinquiemes de ces valeurs. C'eft avec des piaftres, achetées ft Cadix, que ces opérations ont été conduités. Le peu qu'on y a fait entrer d'ailleurs mérite ft peine qu'on s'en fouvienne. Les confommations de la Suede furent d'abord un peu plus' confidérables qu'elles ne 1'onr été dans la fuite, paree qu'originairement les produétions de 1'Afie ne devoient rien au fifc. La plupart furent depuis afTujetpes ft une impofition de vingt ou vingt-cinq pour cent, quelques-unes même, telles que les foieries, paflagérement profcrites. Ces droics ont réduic la confommation annuelle du Royaume a 300,000 livres. Tout le refte eft exporté, en payant ft 1'Etat un huitieme pour cent du prix de fa vente. La Suede, vu la foibleflè de fon numéraire & la médiocrité de fes relïöurces intrin'feques, ne peut fe per-  A LUIST. PHILOSOPHIQUE. 373 mettre un plus grand luxe. On en va voir la preuve. La Suede, en y comprenant Ia partie de Ia Finlande & de la Laponie qui font de fon domaine, a une étendue prodigieufe. Ses cótes, d'un accès aflèz généralemenr difficile, font embarraffées d'une infinité de rochers & de beaucoup de petices ifles, ou quelques hommes prefque fauvages vivent de leur pêche. L'intérieur du pays efl: très-montueux. On y trouve cependant des plaines dont le fol , quoique fablonneux, quoique marécageux, quoique rempli de matieres ferrugineufes, n'eft pas ftérile, principalement dans les Provinces les plus méridionales. Au Nord de 1'Empire, le befoin a appris aux peuples qu'on pouvoit vivre d'un pain compofé d'écorce de bouleau, de quelques racines, & d'un peu de feigle. Pour fe procurer une nourriture plus faine & plus agréable, ils ont tenté d'enfemencer deshauteurs, après en avoir abattu & brülé les arbres. Les plus fages d'entreeux ont renoncé a cet ufage, après avoir obfervé que le bois & le gazon ne croifibient plus fur un terrein pierreux & maigre, épuifé par deux ou trois récol tes aflèz abondances. Des lacs, plus ou moins étendus, couvrenc de très-grands efpaces. On s'eft habilemenc fervi de ces amas inutiles d'eau, pour établir, avec le fecours de plufieurs rivieres, de plufieurs canaux, de plufieurs éclufes, une Aa 3 IX. Situation aöuelle de Ia Suede.  s74 SUPPLÉMENTS navigation non interrompue, depuis Stockholm jufqu'a Gothenbourg. Cette efquifle du phyfique de la Suede, porteroit a penfer que cette région ne fut jamais bien peuplée, quoiqu'on 1'ait appellée quelquefois la fabrique du genre humain. II efl: vraifemblable que les nombreufes bandes, &c. Page 216, après ces mots, que nous les voyons,: Selon toutes les probabilités, elle avoit plus d'habitants, il y a trois fiecles, quoique la Religion Catholique, qu'on y profeflbit alors, autoriilt les cloïtres, & prefcrivic auClergé le célibat. Le dénombrement de 1751 ne porta le nombre des ames qu'a deux millions deux cents vingc-neuf mille fix cents foixante & un. II étoit augmenté de trois cents quarante-trois mille en 1769. On penfe généralemenc que, depuis cette époque, la population, dont la treizieme partie feulement habite les villes , ne s'elt pas accrue, qu'elle a même rétrogradé; & c'efl: la mifere, ce font les maladies épidémiques qu'il faut accufer de ce malheur. Le nombre des habitants feroit plus grand en Suede, fi elle n'étoit continuellement abandon, née, & fouvent fans retour, par un grand nombre de ceux qui y ont pris naiflance. On voit dans tous les pays des hommes qui, &c. Page 218, après ces mots, tenir a fon pays,  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 5?s lifez : Cependant on en forcoit beaucoup, & il ne faJJoit pas s'en étonner. Les terres en culture étoient autrefois parcagées en quatre-vingts mille cinquante-deux hemmans ou fermes, qu'il n-étoit . d norceler. Par une erreur plusgroffiere encore, les tont avo.ent fixé le nombre des perfonnes qu pourro.ent hab.ter chacune de ces propriétk Lorfqu, éto.c complet, un pere de familfe étoit obhgé d expulfer lui-même de la maifon fes enfints pumés, quelque befoin qu'il püt en avoir pour augmenter la rnalTe de fes produétions On avoitefpéréd'opérerparce4emen^^ chementdeterreinsincultes,&,aformationde nouveaux hemmans. II eüt fallu prévoir que des hommes amfi opprimés, n'auroient ni la volonté, ni les moyens de s'occuper d'établifTements, & que la plupart iroient chercher, dans des conrees étrangeres, une tranquillité dont leur patrie les pnvoit fi injuftement. Ce ne fut qu'en ,748 que le Gouvernement ouvrit les yeux. A cette époque, on comprit enfin que le bien public vouloit que les laboureurs n'euflènt que 1'étendue du fol qu'ils pourroient exploiter convenab ement; & Ja Diete les autorifa a divifer leur Wntage en autant de portions qu'ils Ie voudroienr Ce nouvel ordre de chofes a déja diminué les' émIgratK>ns, & doit amener, avec le temps, 1 améhorauon de l'agriculcure. Aa 4  3-6 'SUPPLÉMENT S Elle étoit, dit-on, aflèz floriflante, lorfque Guftave-Vaza monta fur le tröne. Cette opinion manque vifiblement de vraifemblance, puifqu'avant cette époque , 1'Empire n'étoit forti des horreurs de 1'anarchie, que pour paffèr fous le joug d'une tyrannie étrangere. Au moins eft-il certain que depuis, ce premier des arts a toujours été languiflant. La nation s'eft vue continuellement réduiteft drer de fes voifins une grande partie de fes fubfiftances, & quelquefois pour fix ou fept millions de livres. Plufieurs caufes ont contribué ft cette infortune. On pourroit placer parmi les plus confidérables, la difperfion d'un pedt nombre d'hommes fur un trop grand efpace. L'éloignement oü ils étoient les uns des antres, contraignoit chacun d'eux de pourvoir lui-même ft la plupart de fes befoins, & les a tous empêchés de fe livrer férieufement ft aucune profeffion, pas même ft 1'exploitation des terres. L'infuffifance des récoltes jettoit 1'Etat dans des embarras continuels. Les arrangements économiques, imaginés de loin en loin pour en fortir, ne produifoient pas 1'effet defiré. On eut enfin, en 1772, le courage de remonter ft la principale caufe du défordre, & la diftilladon des grains fuc prohibée. Malheureufement les loix fe trouverent impuiflantes contre la pafllon qu'avoient les peuples pour cette eau-de-vie , & il  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 377 fallut en tempérer la févérité. La condefcendance ne fut pas portée, a Ia vérité, jufqu'a autorifer les citoyens a préparer eux-mêmes cette boiiTon, comme ils avoient été dans 1'ufage de le faire : mais le Gouvernement s'engagea a leur en fournir pour environ trois cents mille tonneaux de grain, au-lieu d'un million de tonneaux qu'on y einployoic auparavant. Depuis cette époque, la Suede a tiré, des marchés étrangers, beaucoup moins de grains. Quelques-uns de fes Ecrivains économiques ont, même prétendu qu'elle pourroit fe pafTer de ce fecours, fi la nation revenoit de fon égarement. Cette opinion trouvera peu de partifans. II eft prouvé, que ce foit le vice du fol, du climac ou de Pinduftrie, que la même quantité d'hommes, de jours de travail & de capitaux, ne donne dans cette région que le tiers des produétions qu'on obuent dans des contrées plus forcunées. Les mines doivent compenfer ces défavantages de 1'agriculture. La plupart appartenoit autrefois aux Prêtres. Des mains du Clergé elles paffèrent, en 1480, dans celles du Gouvernement. Une révolucion encore plus heureufe en a fait depuis I'apanage des particuliers. II n'y a que celle d'or, découverte en 17-8 qui foit reftée au fifc. Comme elle ne «nd an! nuellement que fept ou huit cents ducats & que ce produit eft infuffifanc pour les fraix de Aa 5  S;8 SUPPLÉMENT S fon exploitation, aucun citoyen, aucun étranger n'a offert jufqu'ici de s'en cbarger. La mine d'argent de Sala étoit connue dès le onzieme fiecle. Durant le cours du quatorzieme, elle donna vingt-quatre mille mares, & feulement vingt-un mille deux cents quatre-vingts mares dans Ie quinzieme. On la vit tomber de plus en plus jufqu'au commencement de celui oü nous vivons. Aétuellement, elle rend dix-fept ft dixhuit cents mares chaque année. C'eft quinze ou feize fois plus que toutes les autres réunies. L'alun, le foufre, le cobalt, le vitriol, font plus abondants. Cependant ce n'eft rien, ou prefque rien auprès du cuivre, & fur-tout du fer. Depuis 1744 jufqu'ft 1768, il fut exporté, chaque année, neuf cents quatre-vingt-quinze mille fix cents fept quintaux de ce dernier métal. Alors il commenca ft être moins recherché, paree que la Ruffie en offroit de la même qualité ft vingt pour cent meilleur marché. Les Suédois fe virent réduits ft diminuer leur prix ; & il faudra bien qu'ils le baifienc encore pour ne pas perdre enciérement la branche Ia plus importante de leur commerce. Les plus intelligents d'entre eux ont pris le parti de travailler leur fer euxmêmes, & de le convertir en acier, en fil d'archal, en clous, en canons, en ancres, en d'autres ufages de néc'effité première pour les autres peuples; & le Gouvernement a fagement excité  A L'HIST. PÏIILOSOPHIQUE. 379 cette induftriepardes gratifications. Ces faveurs ont été généralement approuvées. On s'eft partagé fur les graces accordées a d'autres manufaéiures. . II n'y en avoic proprement aucune dans le Royaume a 1'époque mémorable qui lui rendit la liberté. Deux parcis ne tarderent pas a la divifer. Une faétion montra une paflion démefurée pour les fabriques; & fans diftinguer celles qui pouvoient convenir a 1'Etat de celles qui devoient lui nuire, il leur prodigua a toutes les encouragements les plus exceffifs. C'étoit un grand défordre. On n'en fortic que pour comber dans un excès auffi révolcant. La faétion oppofée ayanc prévalu, elle montra autant d'éloignement Potir les manufaélures de nécefficé que pour celles qm étoient uniquement de luxe, & les pnva les unes & ies autres des privileges & des récompenfes dont on les avoit comme accablées. Elles n avoient pris aucune confiftance, maleré es prodigalités du fifc. Leur chüte totale fufvit la fuppreffion de ces dons énormes. Les arcffies étrangers, les nationaux même difparurent On vit sévanouir le beau rêve d'une grande induftne; & la nation fe trouva prefqu'au même point ou elle étoic avant 1720. Les pêcheries n'ont pas eu Ia même deftinée que les arts. La feule, &c. Page 221, après ces mots,p&s retiré depuis,  380 SUPPLÉMENTS lifez : La nation en confomme annuellemenr quarante mille barils, & l'on en exporte cent foixante mille, qui, ft raifon de 13 liv. 15 fois chacun, formenc ft 1'Etat un revenu de 2,200,000 livres. On ne jouiiToit pas encore de cet avantage, lorfque le Gouvernement décida que les navigateurs étrangers ne pourroient introduire dans fes ports que les denrées de leur pays; qu'ils ne pourroient pas même porter ces marchandifes d'une rade du Royaume ft 1'autre. Cette loi célebre, connue fous Ie nom, &c° Page 222, après ces mots, plus grande aétivité, lifez: A juger du commerce de la Suede par le nombre des navires qu'il occupe, on le croiroic très-important. Cependant, fi l'on veut confidérer que cette région ne vend que du bray, du goudron, de la potaflë, des planches, du poiflbn & des métaux groffiers, on apprendra fans étonnement que fes exportations annuelles ne pafient pas 15,000,000 livres. Les retours feroient encore d'un quart plus foibles, s'il falloic s'en rapporter ft l'autorité des douanes. Mais il eft connu que fi elles font trompées de cinq pour cent fur ce qui fort, elles le font de vingtcinq pour cent fur ce qui entre. Dans cette fuppofition, il y auroit un équilibre prefque parfait entre ce qui eft vendu, ce qui eft acheté; & le Royaume ne gagneroic ni ne perdroit dans fes  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 381 Jiaifons extérieures. Des perfonnes infiniment verfées dans ces matieres, prétendent même que Ja balance lui eft défavorable, & qu'il n'a rempü jufqu'ici Ie vuide que cette inférioricé devoit mettre dans fon numéraire, qu'avec le fecours des fubfides qui lui ont été accordés par des Fuifiances étrangeres. C'eft k Ia nation a redoubler fes efforts pour fortir d'un état fi ftcheux. Voyons 11 fes troupes fonc mieux ordonnées. Avant Guftave-Vaza, tout Suédois étoit militaire Au cri du befoin public, le laboureur quittoit fa charrue, & prenoic un are. La nation entiere fe trouvoit aguerrie par des troubles civil, qui malheureufementnedifcontinuoientpas L'Etac ne foudoyoic alors que cinq cents foldats En 1542, ce foible corps fuc porté a fix mille hommes. Pour être déchargée de leur entretien, la nation defiroit qu'on leur affigDat une portion des domaines de Ja couronne. Ce projec, Jongtemps concrarié par des intéréts particulier*, fut enfin exécuté. Charles XI reprit les terres royales que fes prédécelTeurs, principalemenc Ia Reine Chnft.ne , avoienc prodiguées a leurs favons, & il y pla?a la partie la plus précieufe de 1 armée. Elle eft aéluelJement compofée d'un corps de douze mihe vingt-huit hommes, toujours nfiemblé, indifFéremment formé d'étrangers & regni-  382 SUPPLÉMENTS coles, ayant une folde réguliere, & fervant de garnifon a toutes les forterefTes du Royaume. Un autre corps plus diftingué & regardé par les peuples comme le boulevard de 1'Empire, c'eft celui qui efl connu fous le nom de troupes nationales. II efl: de trente-quatre mille deux cents foixante-fix hommes, qui ne s'aflèmblent que vingt & un jours chaque année. On ne leur donne point de paye : mais ils ont recu du Gouvernement, fous le nom de Boftel, des poflèffions qui doivent fuffire a leur fubfiftance. Depuis le foldat jufqu'au Général, tous ont une habitation, tous ont des champs qu'ils doivent cultiver. Les commodités du logement, l'étendue& la valeur du fol font proportionnés au grade de milice. Cette inftitution a recu des éloges dans 1'Europe entiere. Ceux qui en ont vu les effets de plus prés, Pont moins approuvée. Ils ont obfervé que ces terres, qui paflbient rapidement d'une main dans 1'autre, étoient toujours dans le plus grand défordre : que le caraélere agriculteur étoit diamétralement oppofé au caraélere militaire : que 1'homme qui cultivoit la terre s'actachoit k Ia glebeparles foins qu'il lui donnoit, & s'en éloignoit avec défefpoir, tandis que le foldat ronduit par fon état d'une Province d'un Royaume dans une autre Province, d'un Royaume au fond d'un Royaume éloigné, devoit toujours être prêt a partir gayement au premier coup  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 383 du tambour, au premier fon de la trompette • que les travaux de la campagne languüToient, lorfqu,is n étoient pas fecondés par une nombreufe familie; & qu'il falloit par conféquent que le laboureur fe mariat, tandis que le féjour fous des tentes, I'habitation des camps, les hafards du métier de la guerre, demandoient un céhbataire dont aucune liaifon douce n'amollit Ie courage, & qui put vivre par-tout fans aucune prédileéHon locale, & expofer è tout moment fa vie fans regret: que Ia perfeétion de Ia difcipline militaire fe perdoit fans des exercices continuels, tandis que les champs ne laiflant de repos & ne fouffrant d'intermiffion que dans la faifon rigoureufe qui féparoit les armées & qui endurcifTok le fol, les mêmes mams étoient peu Propres a manier 1'épée & k pouflèr le foc de la charme : que les deux états fuppofoient 1'un & 1 autre une grande expérience, & qu'en les réuniflanc dans une même perfonne, c'étoit un moyen für de n'avoir que de médiocres agriculteurs & de mauvais foldats: que ces terres qu'on leur d.ftribuoit deviendroient héréditaires, ou reviendroient a 1'Etat; qu'héréditaires, bientöt il nen refteroit plus a d'autres propriétaires • & que rendues a 1'Etat, c'étoit d'un moment a 1'autre précipirer dans Ia mendicité une multitude denfants de 1'un & de 1'autre fexe, & peupler un Royaume au bout de cinq ou fix campagnes  384 SUPPLÉMENTS de malheureux orphelins. En un mot, que ia pratique des Boftels leur paroifloit fi pernicieufe, qu'ils ne balancoient pas a la placer au nombre des caufes qui rendoient les difettes de grain fi fréquentes en Suede. Sa fituation 1'a déterminéeft former deuxcorps très^difterents de marine : 1'un d'un grand nombre de galeres & de quelques prames pour la défenfe de fes cótes remplies d'écueils : 1'autre de vingt - quatre vaiflèaux de ligne & de vingctrois frégates pour des parages plus éloignés. Tous deux étoient dans un délabrement inexprimable, en 1772. Depuis cette époque, on s'efi: occupé de la réparation de ces batiments , la plupart conftruits de fapin, paree que le pays n'a que peu de chêne, &qui tomboient prefque tous de vétufté. II fe peut que la Suede aic un befoin abfolu de toutes fes galeres: mais pour fes vaiflèaux, il faudra bien qu'elle fe détermine a en diminuer le nombre. Ses facultés ne lui permettront jamais d'en armer même la moitié. Le revenu public de cette Puiflance ne paflè pas feize ou dix-fept millions de livres. II eft formé par un impót fur les terres, &c. Page 225, après ces mots, les avoit tirées, lifez : Le défordre a été toujoursen augmentant, malgré les fubfides prodigués par la France & quelques autres fecours moins confidérables. En 1772, 1'Etat devoit fix cents trois tonnes d'or, ou  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 38* ou 90,450,000 liv., qui, pour un intérêt de quatre & dem- pour cent, payoient aux nationaux ou aux étrangers, 4,070,250 livres. A cette époque, il n'y avoit pas plus de deux millions d'argent en circulation dans le Royaume. Les affaires publiques & particulieres fe traitoient avec le papier d'une banque appartenant a 1'Etat , & garantie par les trois premiers ordres de la République. Cet établiffèment a eu des cenleurs , il a eu des panégyriftes. A-t-il étéutile, a-t-il été funefle a la nation ? Le problême n'eft pas réfolu. La pauvreté n'étoit pas toutefois Ia plus dangereufe maladie qui travaillat la Suede. De plus grandes calamités la bouleverfoient. L'efprit de difcorde mettoit tout en fermentation. La haine & la vengeance étoient les principaux reflbrts des événements. Chacun regardoit 1'Etat comme la proie de fon ambition ou de fon avarice. Ce n'étoit plus pourle fervice public que les places avoient été créées: c'étoit pour 1'avantage particulier de ceux qui y étoient montés. La vertu & les talents étoient plutöt un obftacle a la fortune qu'un moyen d'élévarion. Les affèmblées nationales ne préfentoient que des fcenes honteufes ou violentes. Le crime étoic impuni * & fe montroit avec audace. La Cour, le Sénat, tous les ordres de la République, étoient remplis d'une défiance univerfelle. On cherchoic a Suppl Tornt I. Bb  386* SUPPLÉMENTS fe détruire réciproquement avec la plus opini&tre fureur. Lorfque l'on manquoic de moyens prompts-& voifins, on les alloit chercher au loin; & l'on ne rougifloic pas de confpirer avec des étrangers contre fa patrie. Ces défordres avoient leur fource danslaconftitution arrêtée en 1720. A un defpotifme révoltant, on avoit fubftitué une liberté mal combinée. Les pouvoirs, deftinés ft fe balancer, a fe contenir, n'étoient ni clairement énoncés, ni fagement diltribués. Auffi commencerent - ils h fe beurter fix ans après leur formation. Rien n'en pouvoit empêcher le choc. Ce fut une lutte continuelle entre le chef de 1'Etat qui tendoic fans ceiïè ft acquérir de Imfluence dans la confeétion des loix, & la nation jaloufe d'en conferver toute Texécution. Les différents ordres de la République difputoient, avec le même acharnement, fur 1'écendue de leurs prérogatives. Ces combats oü alternativement on triomphoiï & l'on fuccomboit, jetterent une grande inftabilité dans les réfolutions publiques. Ce qui avoit été arrêté dans une Diete étoit prohibé dans la fuivante, pour être rétabli de nouveau & de nouveau réformé. Dans le tumulte des paffions, le bien général étoit oublié, méconnu ou trahh Les fources de la félicité des citoyens tariflbienc de plus en plus; & toutes les branches d'adminiftration portoient lempreince de 1'ignorance 9  a L'HIST. philosophique. 387 ^ l'intérêt ou de 1'anarchie. Une corruption ia plus ignominieufe peut-être dontj.mai.au une focet a,t été infeétée , vint mettre le comb 1 tant dmfortunes. • ea Deux faélions, dans lefquelles toutes les autres set01ent fondues, divifoient 1'Etat. CelL te Chyvaux fembloit occupée du proiet Z rendre a fa Suede fes anciennes forces",Z\t «ouvrant les riches poflèffions que le 'm heur des guerres en avoit féparées. Elle s'étoit livrée * la France qui pouvoit avoir quelque in éré a éro,t déclarée pour Ia tnmquillicé. Sa moSon Wojt rendue agréable a Ia Ruffie, q^i ne Vou Io,t point être traverfée dans fes entrepnYelLs deux Cours, principalement celle de VefaiIeT avoient ouvert leurs tréfors a ces vil Set' Leurs chefs s'appliquoienta eux-mêmes anS leure part.e de ces profulions aveugles AvZ t refte, flsachetoient des voix. ElJétoien to jours a bas prix : mais auffi n'avoient-elles Z rarement quelque confiftance. Rien ü>£* Z commun que de voir un membre de fa dVk vendre fon fuffrage, après 1'avoir vendu ifnï to-t pas meme extraordinaire qu'il fe fit payer en meme-temps des deux cötés J* malheureufe ntuacion.oü fe trouvoit ré- p*g' ülfc après ces mots, permis de les Bb 2  388 SUPPLÉMENTS dépouiller, lifez: Nous ne fommes pas placé* a la diftance convenable, pour occuper nos Lecteurs de cette révolution. C'eft au temps ft révéler ce qu'il importeroit ft 1'hiftorien de favoir, pour en parler avec exaétitude. Comment difcerner ceux qui ont fecondé les vues du Souverain par des motifs généreux, de ceux qui s'y font prêtés par des vues abjeétes? II les connoit, lui: mais le cceur des Rois eft un fanctuaire impénétrable d'oü 1'eftime & le mépris s'échappent rarement pendant leur vie, & dont la clef ne fe perd que trop fouvent ft leur mort. D'ailleurs, ne font-ils pas expofés comme nous aux preftiges de la paffion, & font-ils des meilleurs difpenfateurs de 1'éloge & du blame? Les jugements de leurs fujets font également fufpefts. Entre des voix confufes & contradiétoires qui s'élevent en même-temps, qui démêlera le cri de la vérité, du murmure fourd & fecret de Ia calomnie, ou le murmure fourd & iècret de la vérité du cri de la calomnie ? II faut attendre que l'intérêt & la flatterie ayent cefle de s'expliquer, & la terreur d'impofer filence. C'eft alors qu'il fera permis de prendre la plume, fans s'expofer au foupcon de capter baffemenc la bienveillance de 1'homme puiflant, ou de braver infolemment fon autorité vengereffe. Si nous nous taifons, la poftérité pariera. II le fait. Heureux, s'il peut jouir d'avancede fon approbation! Mal-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 389 Èeur a lui, malheur a fes peuples, s'il dédaif noit ce tribunal! PalTons maintenant aux liaifons formées aux Indes par le Roi de Pruflè. Ce Prince, dans 1'age des plaifirs, &c. Page 230, après ces mots, qu'elle alt eentées, lifez : Les' premières hoftilicés de 1756' fufpendirenc les opérations de 1'un & 1'aucre corps• mais leur dilTolucion ne fut prononcée qu'en 1763. C'eft le feul échec qu'ait elïuyé, &c. Page 234, après ces mots, de tous les peuples, lifez : Tel étoic le difcours que je c'adreffois, au fein du repos oü cu ce flattois d'achever une carrière hónorée : femblable, s'il elï permis de le dire, a 1'Ecernel vers Iequel 1'hymnc s'éleve de toutes les contrées de la terre, lorfqu'un grand événement ce fit reprendre ton tonnerre. Une puiflance qui ne confulta jamais que fon agrandifièmentiurlesmotifsde faire la guerre ou la paix; fans égard pour la conftitution germanique, ni pour les traités qui Ja garanciflenc; fans refpeét pour le droit des gens & des families; au mépris des loixufuelles & générale* de 1'hérédité : cette Puiflances forme des prélencions, raflèmble des armées, envahir dans fa penfée la dépouille des Princes erop foibles pour lui réfifter, & menace Ja liberté de 1'Empire. Tu 1'as prévenue. Le vieux lion a fecoué la cris Bb 3  s9o SUPPLÉMENT S niere. II eft forti de fa demenre en rugiflant; & fon jeune rival en a frérai. Fréderic, jufqu'a ce moment, s'étoit montré fort. L'occafion de fe montrer jufte s'eft préfentée, & il 1'a faifie. L'Europe a retenti des vceux qu'on faifoit jjour fes efforts : c'eft qu'il n'étoit alors, ni un conquérant ambitieux, ni un commercant avide, ni un ufurpateur politique. On l'avoit admiré, & il fera béni. J'avois gravé au pied de fa ftatue : Les Puissances les plus for- midables de l'EuROPE se réunirent contre lui, et d i SP a r uren t devant lui. J'en graverai une moins faftueufe, mais plus inftruéttve & plus noble. Peuples, il brisa les chaines qu'on vous préparoit. Princes de l'Empire Germanique, il ne sera pas toujours. Songez a vous. Rien n'eft grand , rien n'eft heureux , &c. Page 235, après ces mots, fans doute être corigés, lifez : Mais la révolution fe fait fouvent long-temps attendre; & elle n'eft pas encore arrivée pour les Philippines. Les Philippines, anciennement connues fous le nom de Manilles, forment un Archipel immenfe a l'Eft de 1'Afie. Elles s'étendent depuis, le fixiemejufqu'au vingt-cinquieme degré Nord, fur une largeur inégale de quarante a deux cents lieues. Dans leur nombre, qui eft prodigieux,  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. on en diflingue treize ou quatorze plus confidérables que les autres. Ces ifles offrent aux yeux attentifs un fpfaacle terrible & majeftueux. Elles font couvertes de bafalte, de Iave, de fcories, de verre noir de fer fondu, de pierres grifes & friables remphes des débris du regne animal & végétal, de foufre tenu en fufion pour 1'adion continuelle des feux fouterreins, d'eaux brülantes qui communiquent avec des flammes cachées. Tous ces grands accidents de la nature font 1'ouvrage des volcans étemts, des volcans qui brülent encore, & de ceux qui fe forment dans ces atteliers profonds, oü des matieres combuftibles font toujours en fermentarion. H n'y a point de hardieflè k cot> jefturer que ces contrées, qu'on peut compter entre les plus anciennes du globe, approchent plus pres que les autres de leur deftruclion. Les cendres dont ces fourneaux immenfes couvrent depuis des fiecles, la furface d'un fol profond; le remuement des campagnes, fans ceflè renouvellé par des tremblements de terre ; les chaleurs ordinaires a tous les pavsfituées fous la Zone Torride; 1'humidité que le voifinage de i Océan, les hautes montagnes, desforêts aufli anciennes que le monde, entretiennent habituellement dans ces régions: telles font vraifemblablement les caufes de Ia fécondité prefque incroyable des Philippines. La plupart des oifeaux, Bb 4  39* SUPPLÉMENTS des quadrupedes, des plantes, des fruits, deé arbres qu'on voit dans le refte de 1'AGe, fe retrouvent dans cet Archipel, & prefque tout y eft de meilleure qualité. On y découvre même quelques végécaux qui ne font pas appercus ailleurs. Si ün naturalifte intelligent parcouroit ces ifles avec la liberté & les fecours convenables, il enrichiroit fürement les fciences d'une multitude de connoiflances curieufes, uciles & intéreflantes. Malheureufemertt, lé climat n'eft pas aulü agréable aux Philippines que le fol y eft fertile. Si les vents de terre & de mer y entretiennenc duranc fix mois une plus grande température que leur pofidon ne le promettroit; pendant le refte de 1'année, les cieux font embrafés des feux du tonnerre, les campagnes font inondées par des pluies condnuelles. Cependant 1'air n'eft pas malfain. A Ia vérité, le tempérament des étrangers eft un peu afFoibli par une tranfpiration trop abondante : mais les naturels du pays pouflent trèsloin la carrière de leur vie, fans éprouver d'autres infirmités que celles auxquelles 1'homme eft aiïujetti par-tout. Le centre de ces ifles montueufes eft occupé par des fauvages, qui en paroiflènt les plus anciens habitants. Quelle que foit leur origine, ils font noirs, & ont la plupart les chev'eux crê. pus. Leur taille n'eft pas élevée, mais ils font  A L'HIST. PHILOSOPMIQUË. 39» tobuftes & nerveux. Quelquefois une familie entiere forme une pecice fociécé; le plus fouvent chaque individu vit feul avec fa compagne. Jamais ils ne quittent leurs arcs & leurs fleches' Accoutumés au filence des forêcs, le moindre" bruit paroit les allarmer. Leur vie eft toute animale. Les fruits, les racines qu'ils trouvent dans les bois, fonc leur unique nourriture; ik lorfqu'ils ont épuifé un canton, ils en vont habicer un autre. Les efforcs qu'on a faits pour le, fubjuguer, ont coujours été vains, paree qu'il n'y a rien de fi difficile que de dompter des peuples errants dans des lieux inacceffibies. Les plaines, donc on les a chafTés, &c. Page 237, après ces mots, démonc'ra cette vérité, lifez : La Cour de Lisbonne ne diffimula par les inquiétudes que lui caufoic cet événement. On la voyoit décerminée a couc hafarder plutot qu'a fouffrir qu'un rival, déja trop favonle paria fortune, vïnt lui difputer l'empire des mers d'Afie. Toutefois, avant de fe commettre avec fe feul peuple dont les forces matitimes ftflent alors redoucables, elle crue devoir center les voies de la conciliation. Ce moyen réuflic plus facilemenc qu'il n'écoic naturel de 1'efpérer Charles-Quinc, que des encreprifes trop vaftes öc erop mulcipliées réduifoient a des befoins frequents, abandonna irrévocablement, en i5o0 pour 350,000 ducats oupour 2,598,750 livres Bb 5  394 SUPPLÉMENTS XIII. L'Efpagne forme des établiffements aux Philippines. Raifons qui en ont empêchélefuccès. toutes les prétentions qu'il pouvoit avoir fur les pays reconnus en fon nom dans 1'Océan Indien; il étendit même la ligne de la démarcation Portugaife jufqu'aux ifles des Larrons. C'efl: du moins ce que difent les hiftoriens Portugais. Car les écrivains Caftillans veulent que leur Monarque fe foit réfervé Ia faculté de reprendre la difcuffion de fes droits, & de les faire valoir fi la décifion lui étoit favorable : mais feulemenc après avoir rembourfé 1'argent qu'il touchoit. Le traité de Sarragoflè eut le fort ordinaire aux conventions politiques. Philippe II reprit, en 1564, le projet de foumettre les Manilles. L'Efpagne étoit trop affoibliepar fes conquêtes d'Amérique, pour imaginer de fonder a 1'extrémité des Indes Orientales, un nouvel Empire par la violence. Les voies douces de la perfuafion entrerent pour la première fois dans fon plan d'agrandiflèment. Elle chargea quelques milfionnaires de lui acquérir des fujets, & ils ne tromperent pas entiérement fon attente. Les hommes autrefois idoldtres ou Mahométans, que la Religion chrétienne foumit a l'Efpagne, fur les cótes, n'étoient pas tout-a-fait fauvages, comme ceux de 1'intérieur des terres. Ils avoient des chefs, des loix , des maifons, quelques arts imparfaits. Plufieurs connoiflöient un peu de culture. La propriété des champs qu'ils  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. S95 avoient femés leur fuc afTurée; & le bonheur dont ils jouiflbient fit defirer des poffeffions a d'autres. Les Moines, chargés d'en faire la diftribution , réferverenc pour eux les porcions les plus étendues , les mieux fituées, les plus fertiles de ce fol immenfe, & le Gouvernemenc leur en fic une ceflion formelle. On fe promeccoic beaucoup de ces arrangements , tout imparfaics qu'ils étoient. Plufieurs caufes fe font réunies pour en empêcher le fuccès. D'abord, la plupart des miffionnaires élevés dans 1'ignorance & 1'oifiveté des cloitres , n'ont pas, comme il le falloit, excité au travail les Indiens qu'ils avoient fous leur direétion. On peucmême dire qu'fls les en onc détournés, pour les occuper fans cefle de cérémonies, d'aflèmblées,de folemnicésreligieufes. Un fyftêmeauffi contraire a tout culce raifonnable qu'a la faine politique, a laifle dans le néant les terres diftribuées aux peuples affiijeccis. Celles même de leurs aveugles conducteurs onc écé peu & mal culcivées, peuc-être paree que le Gouvernement fait diftribuer tous les ans a ces Religieux 525,000 livres. La conduice des Efpagnols a coujours encouragé cecte inaétion funefte. Le penchant a 1'oifiveté , que ces hommes orgueilleux avoienc apporcé de leur patrie, fuc encore fortifié par la  596 SUPPLÉMENT S permifllon que leur accorda la Cour, d'envoyer tous les ans en Amérique un vaiflèau chargé des produétions, des manufactures de 1'Afie. Les tré* fors que rapportoic cet immenfe batiment, leur fit envifager comme honteufes & incolérables, même les occupations les plus honnêtes & les moins pénibles. Jamais leur molleflè ne connut d'autres refiburces pour vivre dans les délices. Aufli, dès que les malheurs de la guerre fufpendóienc pour un an ou deux Pexpédition du gaHon, ces conquérants tomboient- ils la plupart dans une mifere affreufe. lis devenoient mendiants, voleurs ou aflaflins. Les troupes partageoient ces forfaits; & les tribunaux étoient impuiflants contre tant de crimes. Les Chinois s'offroient naturellement pour donner aux arts & ft la culture 1'aétivité que 1'indolence des Indiens & la fierté des Efpagnols leur refufoient. Les navigateurs de cette nation célebre alloient, de temps immémorial, chercher aux Manilles les produétions naturelles ft ces ifles. Ils continuerent ft les fréquenter après qu'elles eurent fubi un joug étranger. Leur nombre s'accrut encore, lorfque les richefies du Mexique & da Pérou, qui y circuloient, donnerent lieu ft. des fpéculations plus valles. Sur leurs navires arriveren! bientöt un grand nombre d'ouvriers, un plus grand de cultivateurs , trop multipliés dans cee Empire floriflant. Ces hommes laborieux, éco-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. S9 nomes & intelligents, vouloient défrichef h campagnes, établir des manufactures, créertot les genres d'induftrie, pourvu qu'on leur doe tik la propriété de quelques parties d'un im menfe terrein qui n'avoit point de maitre, pour vu que les tributs qu'on exigeroit d'eux fuflèn modérés. C'étoit un moyen infaillible d'établi a 1'extrémité de 1'Afie, fans pene d'hommes fans facrifice d'argent, une colonie florilïante, Le malheur des Philippines a voulu qu'on n'ait pas aflèz fenti cette vérité; & cependant le peu de bien qui s'eft fait dans les ifles, a été principalement Pouvrage des Chinois. L'Efpagne a foumis a fa domination, dans cet Archipel, quelques parties de neuf grandes ifles. Celle de Lucon, qui efl la plus confidé- i rable , a cent vingt-cinq lieues de long, fur trente & quarante de large. Les ufurpateurs y abordentpar une grande baiecirculaire, formée par deux caps, a deux Jieues de diftance 1'un de 1'autre. Dans ce court efpace fe trouve la petite ifle de Marivelles. Elle laiflè deux paflages. Celui de 1'Efl eft le,plus étroit & Ie plus für. Au Sud-Eft de la baie eft Cavite. Ce port, défendu par un petit fort & une garnifon de trois cents hommes , a Ia forme d'un fer k cheval. Douze vaiffeaux y font en füreté fur un fond de vafe. C'eft-la qu'on conftruic les baci- ? s E xrv; Etat afluel les Philip» lines.  39§ SUPPLÉMENTS ments néceflaires pour le fervice de la colonie. Dans la même baie, a trois lieues de Cavite, & prés de 1'embouchure d'un fleuve navigable, s'éleve la fameufe viile de Manille. L'Egafpe, qui 1'enleva aux Indiens en 1571, la jugea propre a devenir le centre de 1'Etat qu'on voulok fonder, & y fixa le gouvernement & le commerce. Gomez Perez de Las Marignas 1'entoura de murs en 1590, & Mtit la citadelle de SaintJacques. Elle s'eft depuis agrandie & embellie. La riviere qui la traverfe defcend d'un lac qui a vingt lieues de tour. II eft formé par quarante ruiflèaux, fur chacun defquels eft établie une peuplade d'Indiens cultivateurs. C'eft de-la que la capitale de 1'Empire recoic fes fubfiftances» Son malheur eft d'être fituée entre deux volcans qui fe communiquent, & dont les foyers, toujours en aflion, femblent préparer fa ruine. Dans tout 1'ArchipeI, on ne compte, fuivane le dénombrement de 1752, qu'un million trois cents cinquante mille Indiens qui ayent fubi le joug Efpagnol. La plupart font Chrétiens, & tous, depuis feize jufqu'a cinquante ans, payenc une capitation de quatre réaux ou de deux livres quatorze fois. On les a partagés en vingtdeux Provinces, dont la feule ifle de Lucon eri contient douze, quoiqu'elle ne foit pas entiérement aflujettie. La colonie a pour chef un Gouverneur, &c.  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 399 Page 241 après ces mots, des peines rigoureus, /^:Peu-a-peu eec appareil formidableseftréduitarien. Le ehef de la colonie donne k fon fuecefTeur de quoi payer fa place; dteVéurre?u ,a ,nême fomme de *» ?ré- Cette collufion a formé un fyftême, &c Gange Ufr: Un établifiement, qui n'a pas une bafe plus fohde, peuc être aifément renverfé Auffi ne cramc-on pas de prédire que les Philippines echapperont un peu plutót, un peu plus tard a fes poffielTeur, I,füffira d'un'pecitnoVb e deréflex.ons, pour donner la force del 'évidence a ces conjeétures. 4UCUW \e?2*TgnT édairés n0üs ont aPP"'s que l spoffieffionsEfpagnoIes,qui,dansces contrée! 0o.ff.ees, avoient toujours été languiffiante e fontdevenuesfenfiblementdavantagedepuSs queles jéfuites en ont été bannl Ou™7' immenfe dotnaine de ces miffionnaires eft to'ut! -fa,t déchu de Ja fertiJité oü iJs l'avoient Porté. les rerres des Indiens qu'ils gouvernont l\ feules qu, fuffient paflablemenl cultivées & S aTfenf qU;^"eS f' ^ ^ntrelt dans le néant d ou on les avoit tirées. II eft mT me rnv ces f . mo eft „e- "^^^«HelaieS mal fondée V* Pourfuivoit leurs guides xv. A quels dangersfonte*pofées les Philippines.  4oo SUPPLÉMENTS Une plus grand calamité fondic fur cet Archipel , 1 année fuivante. Tous les Chinois, fans excepcion, en furent chafTés; & cette profcription forma une plaie, qui, vraifemblablement, «e guérira jamais. Ces hommes, dont la paffion dominante eft 1'avarice, arrivoient tous les ans aux Philippines avec vingt-cinq ou trente petits batiments, & y encourageoient quelques travaux par le prix qu'eux feuls y pouvoient mettre. Ce n'étoit pas tout. Un affez grand nombre de leurs compatriotes, fixés dans ces ifles, y donnoient habituellement 1'exemple d'une vie toujours occupées. Plufieurs même parcouroient les peuplades Indiennes, & par des avances bien roénagées, leur infpiroient le defir, & leur donnoient la faculté de rendre leur fituation meilleure. II eft facheux que ces moyens de profpérité ayent été anéantis par 1'impoffibilité oü fe trouvoient peut-être les Efpagnolsde contenir un peuple fi enclin aux foulevements. Antérieurement ft ces événements deflruéteurs, les peuples montroient un éloignement marqué pour leurs tyrans. L'oppreflion les avoit fouvent fait fortir des bornes de 1'obéifTance; & fans 1'intervention de leurs pafteurs, les efforts impuiffants d'une milice dégénérée ne les. auroient pas remis dans les fers. Depuis que 1'expulfion des mifTionnaires, qui avoient le plus d'empire fur les efprits, a privé le Gouvernement Efpagnol de  A L'HIST. PHÏLOSOPHIQUE. 401 de fa plus grande force, les Indiens, moins contenus , doivent avoir la volonté de recouvrer leur indépendance, & peut-être aflèz d'énergïe pour rentrer dans leurs premiers droits. A ces dangers, qu'on peut appeller domeftiques, fe joignent des périls étrangers plus a craindre encore. Des barbares, fords des ifles Malaiies , fondent habituellement fur les cótes de< Philippines, y portent Ja deftruétion, & en arrachent des milliers de Chrédens qu'ils réduifenc en fervltude. Cette piraterie eft rarement punieparee quelesEfpagnols, partagés en quatre factions, connues fous le nom de CaftiUans, de Gahciens , de Montagnards & de Bilcayens uniquement occupés de Ja haine qui les tourmente, voyent d'un ceij indifférent tout ce qui eft étranger a leurs divifions. Un fi mauvais efFit a toujours de plus en plus enhardi les Malais. Déja ils ont chaflë 1'ennemi commun depluiïeurs ifles. Tous les jours, ils Ie reflèrrenc davantóge; & bientót ils fe verront maïcres de fa Poffeflion, s'ils ne fonc prévenus par quelque nation Européenne plus puiffante ou plus aétive que celle qu'ils combattent. En 1762, les Anglois s'emparerenc des Philippines avec une facilité qu'ils n'avoient pas efpéré. Si les traités leur arracherent leur proie, ce fut fans étouffer peut-être 1'ambicion de la refaifir, lorfque 1'occafion s'en préfenteroit. D'auSuppl. Tomé ƒ, Cc  4o2 SUPPLEMENTS tres peuples peuvent également afpirer a cette conquête pour en faire le centre de leur Empire dans les mers & fur le continent de» Indes. Les Efpagnols feront donc probablement chaffés des Philippines. II y a des politiques qui penfent, &c. Page 245, après ces mots, part a fes divifions , lifez : Cette diftance n'empêcheroit pas que la fubfiftance de 1'Archipel ne flic aflurée. II n'y a pas dans 1'Afie de contrée plus abondante en fruics, en fagou, en cocoders.en plantes nourriflantes de toutes les efpeces. Le riz, que dans la plus grande partie des Indes, il faut, a force de bras, arrofer deux fois par jour jufqu'k ce que le grain en foit bien for* mé, eft d'une culture plus facile aux Philippines. Semé fur le bord des rivieres, ou dans des plaines qu'on couvre d'eau lorfqu'on le veut, il donne par an deux récoltes abondantes, fans qu'on foit obligé de s'en occuper, jufqu'a ce que le moment de le cueillir foit arrivé. Tous les grains de 1'Europe réfiftent dans ces ifles. Elles en fourniroienc aux navigateurs, quelque multfptiés qu'ils fuflènt, fi la négligence & la tyrannie du Gouvernement n'avoient condamné la plupart des terres h une honteufe ftérilité. Le nombre des troupeaux eft un fujet d'étonnement pour tous les voyageurs. Chaque cotn*  A LUIST. PHILOSOPHIQUE. 403 nmnauté religieufe a des prairies de vingt-cina * trente heues, couvertes de quarante, de cin quante; mille bceufs. Quoiqu'ils ne foient pas g " dés, flsfranchiflent rarement les rivieres & es montagnesquiferventdelimitesacespolTeffions. <^eux qui ségarent, font facilement reconnus la marqué des différents ordres imprimée aveC un fer chaud & Vm ne manque ^ vec refticaera lears légitimes maitres. Depuis Pinv mais elles font toujours très-multipiiées Avant 1744, les Philippines ne voyoient croïdans leur fein fécond aucun de nos légume desTai^ T' ^ Vi,lebagUe y P ofSr ? P,anteS U£i,es avoi<™ Prolpere Iorfqu après huit mois, Je cultivateur que les intéréts de fon commerce appelS •J leur., légua fon jardin a un autre^rancïï fixé dans ces ifles. Les Efpagnols, qui n'avoien la route ou fls auroient dü entrer depuis deux hecles . éleverent avec tant de violence contre me !ieMe 'a «**> «M' ?™ ^ «Ime, le Mmiftere public fe crut obligé de faire arracher ces racines falutaires. Heureufement les Ch.nois, occupés fans relache de ce qui peuc contn uer a leur fortune, les avoient JnfervS a 1 écart. Peu-a-peu on s'eft familiarifé avec une Cc 2  4o4 SUPPLÉMENT S ïnnovation fi avantageufe; & c'eft aujourd'hul une des meilleures reflburces de la colonie. Tel eft donc un des effets de la haine nationale. On aime mieux fe priver d'un bien que de le devoir ft des étrangers; mais particuliéremenc aux Francois , plus haïs que tous les autres, malgré la liaifon des deux Gouvernements. D'oit naic cette antipathie? Voyagez beaucoup, &vous netrouverez pas de peuple auffi doux, auffi affable, auffi franc, auffi poli, auffi fpirituel, auffi galant que le Francois. II reft quelquefois trop : mais ce défaut eft-il donc fi grand? II s'affeéte avec vivacité & promptitude, & quelquefois pour des chofes très-frivoles, tandis que des objers importants, ou le touchent peu, ou n'excitent que fa plaifanterie. Le ridicule eft fon arme favorite & la plus redoutable pour les autres & pour lui-même. 11 paffe rapidement du plaifir ft la peine, & de la peine au plaifir. Le même bonheur le fatigue. U n'éprouve guere de fenfations profondes. II s'engoue, mais il n'eft ni fantafque,ni intolérant, ni enthoufiafte. II fe foucie fort peu de la Religion. I! refpeéte le facerdoce fans 1'eftimer, ni le révérer. 11 ne fe mêle jamais d'affaires d'Ecat que pour chanfonner ou dire fon épigramme fur les Miniftrés. Cette légéreté eft la fource d'une efpece d'égalité dont il n'exifte aucune tracé ailleurs. Elle met de temps en  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 405temps 1'homme du commun qui a de 1'efprit au niveau du grand Seigneur. C'eft en quelque forse, un peuple de femmes: car c'eft parmi les femmes qu'on découvre, qu'on entend, qu'on appercoit a cöté de 1'inconféquence, de la folie &du caprice, un mouvement, un mot, une action forte & fublime. II a le taft exquis, le goüt très-fin; ce qui tient au fentiment de 1'honneur dont la nuance fe répand fur toutes les conditions & fur tous les objets. II eft brave. II eft plutöc indifcret queconfiant, & pluslibertin que voluptueux. La fociabilicé qui le raffemble en cercles nombreux, & qui le promene en un jour en vingt cercles différents, ufe tout pour lui en un chn d'ceil, ouvrages, nouvelles, modes, vices, vertus. Chaque femaine a fon héros, en bien comme en mal. C'eft fa contrée oü il eft Ie plus faale de faire parler de foi, & le plus dif. hcde d en faire parler long-temps. II aime les talents en tout genre; & c'eft moins par les récompenfes du Gouvernement que par la confidération populaire, qu'ils fe foutiennent dans ion pays. II honore le génie. II fe familiarife trop aifément, ce qui n'eft pas fans inconvénienc pour lui-même & pour ceux qui veulent fe faire refpeéler. Le Francois eft avec vous ce que vous defirez qu'il foit, mais il faut fe tenir avec lui fur fes gardes. II perfecïionne tout ce que les autres inventent. Tels font les traits donc il Cc 3  4o6 SUPPLÉMENT S porte 1'empreince plus ou moins marquée dans Jes contrées qu'il vifite plu tóe pour fatisfaire fa curiofité que pour ajoutera fon inftruétion. Auffi n'en rapporte-t-il que des prétentions. II efl plus fait pour 1'amufement que pour Famitié. II a des connohTances fans nombre, & fouvent il meurt feul. C'eft 1'être de la terre qui a le plus de jouiffances & le moins de regrets. Comme il ne s'attache a rien fortement, il a bientót oublié ce qu'il a perdu. II ponede fupérieuremenc 1'arc de remplacer, & il eft fecondé dans cet art par tout ce qui 1'environne. Si vous en exceptez cette prédileélion offènfante qu'il a pour fa nation, & qu'il n'eft pas en lui de diffimuler, il me femble que le jeune Francois, gai, léger, plaifant & frivole, eft 1'homme aimable de fa nation; & que le Francois, mür, inftruit & fage, qui a confervé les agréments de fa jeuneffe, eft 1'homme aimable & eftimable de tous les pays. Cependant, la plupart des peuples ont de 1'éloignement pour le Francois : mais il eft infupportable aux Efpagnols, a ceux principalement qui ne font pas fortis des bornes de leur domination, par des vertus, des vices, un caractere, des manieres qui contraftent parfaitemenc avec leurs vertus, avec leurs vices, avec leur caraélere, avec leurs manieres. Cette averfion paroit même avoir plus d'énergie depuis le commenceraent du fiecle. On feroit porté a foup-  A L'HLST. PHILOSOPHIQUE. 40? conner que la France eft regardée par la nation ft laquelle elle a donné un Roi, avec ce dédain qu'a pour la familie de fa femme un homme de qualité qui s'eft méfallié. S'il en eft ainfi, le préjugé ne fera détruit que lorfque les Bourbons auront été naturalifés enEfpagne par une longue fuite de regnes floriflancs. Revenons aux Philippines. Indépendamment de ce qui fert ft la nourriture des naturels du pays & des conquérants, ces ifles offrent un grand nombre d'objets propres au commerce d'Inde en Inde : le tabac, le riz, le rottin, la cire, les huiles,les cauris, 1'ébene, le poiflbn féché, les réfines, les bois de fapan : mais plus particuliérement ces nids d'oifeau, cesnerfs de cerf deflèchés, ces biches de mer que tous les peuples de 1'Afie, fur-tout les Chinois, recherchenc fi avidement. Jufqu'ici, l'on n'a cultivé Ie fucre que pour la confomraation de la colonie. La crainte de Ie voir un peu renchérir en a fait défendre 1'exportation fous des peines graves. Cet aveuglemenc ne fauroit durer. Bientöt il fera permis de fournir ft la plus grande partie de 1'Afie une production ft laquelle le fol des Philippines eft très-favorable. On y joindra Ie fer. Heft abondant, & d'une qualité fupérieure dans tout 1'Archipel. Cependant on n'en avoic jamais ouverc aucune mine, lorfque, vers 1'an Cc 4  4o8 SUPPLÉMENTS 1768, Simon de Auda s'avifa heureufement d'établir des forges. Le fuccès en eüt été plusaiïuré, fi ce Gouverneur aélif eüt commencé moins d'ouvrages a la fois; s'il eüt laiffé mürir un peu plus fes projefs; s'il eüt employé, pour faire réuffir fes entreprifes, des moyens plus conformes a 1'humanité & ft la juftice. L'excellent cuivre répandu dans plufieurs des Philippines ne mérite pas moins 1'attention du Gouvernement. Ce métal fert, dans les Indes, aux vafes du culte public, a des uftenfiles d'un ufage journalier, a des monnoies qu'il faut renouveller fans ceflè, paree que le peuple ne montre pas moins d'empreflement & les enterrer qu'en ont les hommes riches pour enfouir des tréfors plus précieux. Les Hollandois tirent du japon de quoi fournir a tous ces befoins.Ilsperdront néceflairemenc cette branche de leur commerce, fi 1'EfpagnoI, forti de fa léthargie, ofe entreprendre de lutter contre eux. Les Philippines ont fur les autres colonies Européennes 1'avantage de pofleder de l'or. Les Indiens en trouvent quelques parties dans le fable ou dans la vafe des rivieres qui le charient. Ce qu'ils en amaflènt peut monter a cinq ou fix cents mille livres par an. Ils lelivrent en feeree aux navigaceurs étrangers, qui, de leur cöté, leur fourniflent quelques marchandifes. Autrefois, on 1'envoyoitenAmérique ,puifque Cawen-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 409 dish en trouva pour 658,800 livres fur ie galion qui voguoit vers le Mexique. Si 1'Efpagne , abjurant fes anciennes maximes, encourageoitce genre de travail, en laiffant a ceux qui s'y confacreroient 1'ufage entiérement libre des richefïès qu'il leur procureroit, ne fe ménageroit-elle pas un moyen de plus, pourcommercer, avec utilité dans les mers des Indes? Elle ne feroit pas réduite adefirer que les navigateurs étrangers vinffent chercher fes produétions. Comme les Philippines fournifTent en abondance les matériaux d'une marine bien ordonnée fes fujets pourroient fréquenter tous les marchés' & ajouter le bénéfice du fret a fes autres avantage*. Cette acïivité prépareroit les liaifons de la colonie avec fa métropole. Dans le cahos oü fonc plongées les Philippines, il n'eft pas aifé de voir ce qu elles pourroient fournir un jour a 1'Efpagne. Aétuellement, elles lui ofFrent de 1'alun des peaux de buffle, de la cafTe, des bois de temture, du falpêtre, de 1'écaUIe de tortue, de la nacre de perle que le Chinois a achetée jufqu'ici pour la revendre dans Canton aux Européens le tnple de ce qu'elle lui coütoic; du cacao, qui, quoique venu du Mexique, n'a pas dégénéré; de 1 indigo, que la nature brute produit libéraIemenc. Un homme éclairé voulut elTayer en 1750 de. donner * cecce riche plante tout ce qu'elle pouvourecevoir deperfeétion par la culture. On Cc 5  4io SUPPLÉMENTS s'éleva généralement & avec fureur contre cette nouveauté» II fallut que le Marquis d'Obando, alors Gouverneur,prit ce citoyen fous fa fauvegarde, & lui afllgn&t un terrein fermé oü il püc continuer avec f üreté fes opérations. Les expériences furent toutes trés - heureufes; & depuis cette époque, l'on s'occupe, mais avec trop peu de vivacité, d'une teinture fi précieufe. Si une inertie particuliere a 1'Efpagne n'avoit arrêté fes progrès en tout, il y a deux fiecles qu'elle auroit naturalifé fur fon territoire, fi voifin des Moluques, les épiceries. Peut-être l'auroiton vue partager avec les Hollandois cette fource de richeifes. Ce feroit une nouvelle faute que de différer plus long-temps une expérience dont le plus grand inconvénient eft d'être inutile. Cette Couronne pourroit être excitée par 1'excellente qualité du coton qu'on cultive dans les Philippines, a y élever, avec Ie fecours des habitants du continent, de belles & nombreufes manufaétures. En attendant le fuccès toujours lent des nouvolles entreprifes, même le mieux combinées, 1'Efpagnol acheteroit dans les marchés étrangers les foieries, les toiles, les autres produétions de 1'Afie convenables pour fa patrie , & il les obtiendroit a meilleur marché que fes concurrents. C'eft avec 1'argent tiré d'Amérique que tous les peuples de 1'Europe négocient aux Indes. Avant que ce précieux métal  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 4„ foie arrivé a fa deiKoadon, il a du payer des droits confidérables, faire des détours prodigieux, courir de grands rifques. En 1'envoyant direétement du Nouveau-Monde aux Philippines, les Efpagnols gagneronc fur 1'impofition, fur le temps, fur les aflurances; de forte qu'en donnant, en apparence, la même fomme que les nations rivales, ils payeronc réellement moins cher qu'elles. Si le plan, tout fimple, qu'on s'eft permis de tracer s'exécutoit jamais, les Efpagnols fixés en Afie fortiroient néceffairemenc & pour toujours de 1'indolente diflblution oü ils crouphTenc depuis deux fiecles. Les peuples aftujettis béniniroient un Gouvernement devenu jufte; & ceux qui combattent encore pour leur indépendance, fe rangeroient en foule fous des loix fages. Les peuples voifins, que 1'orgueil & 1'injuftice onc repouffés des ports que leurs peres avoient fréquentés, tourneroient leurs voiles vers les rades oü fe réuniroienc 1'induftrie & la concorde. Les marchands Européens, qui gémiffènt dans les liens du monopole fur les mers des Indes, porteroient leur aétivité, leurs lumieres & leurs capitaux dans un afyle heureux & libre. La colonie, dont les revenus moment a 2,728,000 hv., cefferoit de coüter annuellemenc ft 1'Efpagne 5*7>5°° liv., & deviendroic un des plus beaux établilTements du monde.  4i2 SUPPLÉMENTS Cette révolution ne fauroit être Pouvrage, &c. Page 251, après ces mots, écarter leurs ennemis, lifez : prirent, en 1750, le parti de la peupler. Malheureufement on placa la nouvelle colonie dans un terrein trop bas; & des cent foixante-onze perfonnes de tout dge & de tout fexe qui la formoient, trente-cinq furent englouties, fix ans après, par les vagues de l'Océan irrité qui avoit franchi fes bornes. Ceux qui avoient échappé au flots furent placés fur une hauteur qui domine le port, & pour leur füreté on éleva une petite fortification défendue par une garnifon de foixante-fix hommes. II s'agifibit de pourvoir a leurs befoins. Tous les batiments employés au commerce du Pérou avec le Chily, fe virent d'abord contraints de refêcher a Juan Fernandez. Cette tyrannie ne pouvoit pas durer; & le Gouvernement fe détermina a y envoyer lui-même deux navires chaque année. Ce pofte deviendra un entrepot important, fi la Cour de Madrid ouvre enfin les yeux a la lumiere. De plus grands détails feroient fuperflus, &c. Page 255, après ces mots, du grand Lama, lifez: C'eft un effet réfervé aux progrès de 1'efprit humain. Eclairez le Tartare, & bientöt il examinera fon fymbole, il difputera, il s'égorgera : mais la fuperftition ne fortira qu'a demiétoufFée des flots de fang qu'elle aura verfés.  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 4r3 Pour ne pas tout perdre, Ie Prêtre fe détachera des points de fon fyftême évidemment incompatibles avec le fens commun, & il défendra le refte contre les attaques des incrédules. Cependant, la révolution fe fera plus lentement que dans les Empires qui n'ont pas une hiërarchie eccléfiaftique bien ordonnée, & oü un chef fo. prême n'eft pas chargé de maintenir les dogmes dans leur état primitif. Les Lamas avouent eux-mêmes, &c. Page 356, après ces mots, énervé leur valeur, lifez : Endurcis par les frimats du Nord par les fatigues d'une vie errante ; fans celle fous les armes, fans ceftè dans les combats ces peuples n'ont jamais difcontinué d'être belliqueux. Une inquiétude ardente & faUv3ge les a toujours dégoütés de leurs déferts pauvres & incultes. L'ambition a continuellement tourné leurs regards avides vers les contrées de 1'Afie renommées pour leur opulence. Des nations amolhes par les arts & par le climat n'ont pu Toutenir les attaques de ces hommes agrefte* & fé roces. L'habitude de faire la guerre fans folde • & fans magafins a pouflë leur paffion pour Ie pillage au-dela de tous les excès. Hors d'état d'affermir leurs conquêtes par des loix juftes & une police exaéte, ils ont par-tout fondé leur ; puiffance fur la terreur & la deftruélion. C'eft pour arrêter les irruptions que ces bri-  4i4 SUPPLÉMENTS gands faifoient ft la Chine, que fuc élevée, environ, &c. Page 258, Ugne 4, au-lieu de révolution, lifez, invafion. Page 258, après ces mots, 1'Indoftan en particulier , lifez : Une révolution fi extraordinaire étoic ft peine finie, que 1'Empire vic s'élever un nou vel ennemi, qui pouvoic devenir dangereux. Les Ruflès, qui, vers la fin , &c. Page 260, après ces mots, fur la fronciere, lifez : Avanc ce nouvel arrangemenc, il partoic tous les ans de Pécersbourg, &c. pag. 261. Page 262, après ces mots, ft cent mille écus, lifez : Depuis la ceflation des caravanes, on a établi ft Kiatcha deux grands magafins, 1'un Ruflè , & 1'autre Chinois , oü font dépofées toutes les chofes qu'on fe propofe d'échanger. Des Commiffaires des deux nations préfident ft ce commerce, oü il'entre rarement des métaux. Si les Ruffes, qui n'en donnent jamais, font réduicsquelquefoisftrecevoir de l'or, ils fonc obligés de le *livrer ft la Couronne ft des conditions qui la dédommagenc des droics qu'elle auroic percus fur les marchandifes. La plus confidérable de celles que les Chinois apportent dans cet entrepöc, c'eft le thé verd. II eft infinimenc fupérieur ft celui que 1'Europe recoic ft cravers des mers immenfes. Auffi les Ruffes font-ils forcés de le payer jufqu'ft vingc  A L'HIST. PHILOSOPHIDUE. 415 francs Ia livre, quoiqu'ils Ie revendenc raremenc plus de quinze ou feize. Pour fe dédommager de cecce pene, ils ne manquent jamais.de hauffer le prix de leurs pelleteries: mais cette rufe eft moins a leur avantage qu'au pront du Gouvernement, qui percoic une impofition de vingtcinq pour cent fur tout ce qui fe vend, fur tout ce qui s'achete. La douane de Kiatcha produit quelquefois a 1'Etat jufqu'a deux millions de livres. Alors le commerce de la Ruflie avec la Chine doit s'élever a fix millions. II n'étoit pas fi confidérable, lorfque Pierre I" eflaya d'établir, par la Tartarie indépendante" une communication entre la Sibérie & 1'Inde Ce grand Prince, toujours occupé de projets* vouloit former cette liaifon par le Sirth, qui arrofe le Turkeftan; & il envoya en 1719 deux mille cinq cents hommes pour s'emparer de 1 embouchure de cette riviere. Elle n'exiftoit plus. Ses eaux avoient été détournées & conduites par différents canaux dans le lac Arall. C'étoit 1'ouvrage des Tartares Ufbecks, qui avoient pris ombrage des obfervations répétées qu'ils avoient vu faire. Un incident fi fingulier détermina les RufTes a reptendre la route d'Aftracan, d'oü ils étoient partis. On avoic perdu cet objec de vue, lorfque vers ' 1 an 1738, leshabitancs des deux Bucharies, connus fous Ie nom de Bucharfis, fouhaiterent eux-  4i6 SUPPLÉMENTS mêmes de négocier avec la Ruffie. Pour encou* rager ce defir inattendu, le file fe relacha d'une partie des droits énormes qu'il exige généralement. Orenbourg devint le théacre de ce nouveau commerce. Les Tartares y portent de leur propre territoire ces belles touloupes de petits agneaux, dont onéventre les meres, pour avoir des peaux moirées, blanches & fines. Ils y portent dilférentes marchandifes qu'ils ont tirées de 1 Indoftan, & en particulier une affez grande quantité de diamants bruts. Ils y portent environ quatre cents quintaux d'excellente rhubarbe. Chaque quincal coüte 500 livres, & le college du commerce le vend a-peu-près le doublé. II faut fe former une idéé moins avantageufe des liaifons de la Ruflie avec les Indes, par Ia mer Cafpienne. Ce fuc pourtant, dans les fiecles les plus reculés, la voiepar oü 1'Europe & 1'Afie communiquoient enfemble. Les régions voifines de ce lac immenfe, aujourd'hui crès-pauvres, très-dépeuplées, très-barbares , offrent a des yeux favants des traces d'une ancienne fplendeur, qu'il n'eft pas poffible de contefter. On y découvre encore tous les jours des monnoies frappées au coin des premiers Califes. Ces monuments & d'autres auffi authentiques, donnent de la vraifemblance au naufrage de quelques Indiens fur les cótes de 1'Elbe du temps d'Augufte, qu'on a toujours regardé comme fabuleux, malgré  A LUIST. PH1L0S0PHIQUE. 4,? malgré Pautoricé des Ecrivains contemporains m Ie rapportoient. On n'a jamais eompds cZ ment des habitants de 1'Inde auroienTpu 2 guer fur les mers Germanioues mJlZ' Plus étrange de voir un Indien trafilf dans les pays fepcentrionaux, que de voir un RoZ n pafier dans 1'Inde par 1'Arabie ? Les Ind en a came remontoientle Volga, pénécroient ™ k grant Per*™ Par Ie Kama, & ^ ™ meme une énergie naturelle qui le'tourn en^e &quelcgoftt,Ie capriee ou 1'ennui to n „c' «eux, ,1 defire de voir & de s'inftruire. La foif eft p us impeneufe que celle de l'or. On va reIer^10" * 1 r de fo, dans fon pays. Ce que le defir del. gloire produit dans 1'un, 1'impatience de la J PJus faale dans les contrées éloignées que Z che de f0, 0n marche ^ S q P o  4i8 SUPPLÉMENTS heureux qui fe promettent de tromper le deftin en fuyant devant lui. II y en a d'intrépides qui courent après les dangers. Quelques-uns, fans courage & fans vertus, ne peuvent fupporter une pauvreté qui les rabailfe dans la fociété au-deflbus de leur condition ou de leur naiflance. Les ruines amenées fubitement, ou par le jeu, ou par la diffipation, ou par des entreprifes mal calculées, en réduifent d'autres ft une indigence ft laquelle ils font étrangers, & qu'ils vont cacher au pole ou fous la ligne. A ces caufes, ajoutez toutes celles des émigrations conftantes, les vexaiions des mauvais gouvernements , 1'into* lérance religieufe, & la fréquence des peines jnfamantes qui pouffenr le coupable d'une région oü il feroit obligé de marcher la tête baiffée, dans une région oü il puifle effrontément fe donner pour un homme de bien, & regarder fes femblables en face. Les Anglois n'eurent pas plutót, &c. Page 264. Page 265, après ces mots, envoya des Ambaffadeurs, lifez : dont il n'eft refté que la relation de leur voyage. Lorfque la France fe fut appercue, &c. Page 267, après ces mots, ne 1'efpéra pas, lifez : Auffi chercha-t-elle ft grofïïr le nombre de ces habiles négociants, très-anciennement établis ft Aftracan. Le fuccès n'a pas couronné fes vues. On travaille ft furmonter les obftacles qua  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 419 Pont empêché; & il faut beaucoup attendre du nouvel efprit qui paroit animer toute la Ruflle. Cet Empire , qui, comme tous les autres, &c. Page 268, après ces mots, du Sud au Nord, lifez : A 1'exception des Provinces conquifes au commencement du fiecle fur les bords de la mer Baltique, qui ont confervé tous les droics donc elles jouiiïöient; de 1'Ukraine, qui a été maintenue dans quelques-uns des fiens; de ces hordes errantes qu'il n'étoit pas poffible d'aflujetcir a une police réguliere : couces les aucres parties de 1'Empire fonc aflèrvies a la même forme de gouvernemenc. Sous fes loix arbicraires, vic dans 1'ignorance un Clergé aucrefois redoucable; mais devenu docile depuis qu'on Pa dépouillé des poflêffions que la fuperftition lui avoic prodiguées, & du million d'efclaves qui les exploicoic. Vient enfuite un corps de noblefiè qui tienc dans fes mains la plupart des cerres, & dans fa dépendance cous les malheureux qui les arrofenc de leurs fueurs. Après eux, marche la claffe des hommes libres. Elle eft fi obfcure, que 1'Europe en a longtemps ignoré 1'exiftence. On fait aujourd'hui qu'elle eft compofée de quelques étrangers, la plupart Allemands, que 1'inquiétude a déterminés, ou le befoin réduics a chercher une nouvelle Dd 2  420 SUPPLÉMENTS patrie; de plufieurs nationaux heureux ou intelligents , dont on a fucceffivement brifé les chaines, & qui exercent dans les villes les arts & le commerce; d'un petic nombre de cultivateurs, qui ont la difpofition abfoluedes foibles héritages que leur onc tranfmis leurs peres. La propriété de ces laboureurs devient peu-h-peu la proie de quelque homme riche, qui, par des avances intéreflèes, a favorifé leur pareffe ou leurs profufions. Enfin, la derniere claflè de 1'Etat, fi l'on peuc lui donner ce nom, ce fonc les efclaves. Au commencemenc du feizieme fiecle, on n'en voyoit que peu, tous pris a la guerre. Les Seigneurs pofTédoient alors des fiefs, & le peuple culcivoit des terres qui lui appartenoient. Un nouvel ordre de chofes s'établit après la conquête de Cazan & d'Aftracan. Ces belles & fertiles Provinces attiroienc 13 puifiammenc les payfans Ruffès, que, pour arrêcer une émigracion qui devenoit générale, on publia en 1556, la loi rigoureufe qui les attachoic tous a la glebe. A cette funefte époque , ils ceflèrent d'avoir la propriété de leurs biens & de leur perfonne. Le joug s'eft appefanti depuis, & 1'efpece humaine a été de plus en plus dégradée. C'eft fans doute la raifon qui a retardé ou anéanti la population dans toute 1'étendue de 1'Empire. En 1755 , il n'avoit que huit millions neuf cents foixame-cinq mille trois cents feize  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 421 mSles. En fuppofant le nombre des femmes égal k celui des hommes, c'étoit dix- fept millions neuf cents trente mille fix cents trente-deux ames. On ajoutoit a ce nombre les douze cents mille habitants des Provinces arrachées a la Suede, au commencement du fiecle; & il fe trouvoit que la Pvuffie avoit alors fous fa domination dixneuf millions cent trente mille fix cents trentedeux fujets; fans compter leClergé, laNobleflè & 1'armée. Si les guerres contre la Pruflè, contre la Pologne, contre la Turquie; fi les maladies épidémiques; fi les rébellions ont occafionné depuis une diminution fenfible dans la population ancienne, les grandes acquifitions faites récemment dans la Lithuanie doivent avoir rempli le vuide formé par ces fléaux terribles. Dans les Etats oü les hommes ne font pas multipliés, le revenu public ne fauroit être confidérable. En argent, il n'étoit prefque rien, lorfque Pierre I". arriva au tröne. Ce Prince le fit monter h trente-cinq millions. Anne le porta a foixante, & Elifabeth a cent vingt. II fut pouffé plus loin durant la guerre contre les Turcs; mais pour redevenir, a la paix, ce qu'il avoit été avant les troubles. A cette époque, le fifc devoit aux Génois & aux Hollandois d'aiïèz grandes fommes qui depuis ont été acquittées. II devoit a la nation prés de deux cents millions en billet de banque , pour Iefquels il avoit hypothéqué une afDd 3  4a2 SUPPLÉMENTS fez grande quantité de cuivre diftribuée dans les difFérentes cailfes de 1'Empire. C'eft une opinion généralement re9ue que les peuples fuccombent fous le poids des taxes. Après même que le fardeau aura été beaucoup allégé, il le faudraalléger encore, 11 les arts ne fe multiplient pas, fi 1'agriculture, en particulier, ne prend pas des accroiflèments remarquables. On feroit des effbrts inutiles pour 1'encourager dans les contrées les plus feptentrionales. Rien ne peut profpérer dans ces climats glacés. Ce fera toujours avec des oifeaux, &c. Page 270, après ces mots, en hommes & | en produétions, lifez: Dans la plupart des Provincés, il ne manque au laboureur que des ou- j tils moins imparfaits, de meilleures méthodes, & de plus grands moyens d'exploitation. Le j progrès des lumieres doit faire efpérer que ces ï vices feront enfin corrigés. On portera une atten- | tion particuliere fur 1'Ukraine, 1'une des plus fertiles contrées du monde connu. La Ruflie en tire la plupart de fes confommations, la plupart ! des objets de fon commerce; & elle n'en ob- 1 tient pas la vingtieme partie de ce qu'on pourroit lui demander. On réuffira d'autant plus facilement a exciter I les travaux champêtres, que les Ruffes n'aimenc 1 pas le féjour des villes, qu'ils ont fous la main j le fer, ce grand & ineftimable mobile de 1'agri-1  A UHIST. PHILOSOPHIQUE. 42 culture. La nature Pa prodigué a la plupart de contrées de 1'Empire , & l'a donné a la SibérL auffi parfait qu'a la Suede même. A 1'extraétioi du fer, on ajoutera celle de ces précieux mé taux, qui ont enllammé la cupidité de toutes les nations & de tous les fiecles. Les mines d'argent, prés d'Argun, font connues très-anciennement; & l'on a découvert depuis peu des mines d'argent & d'or dans le pays des Baskirs. II eft des peuples auxquels il conviendroit de condamner a 1'oubli ces fources de richeffe. II n'en eft pas ainfi de la Ruffie, oü toutes les Provinces antérieures font dans un tel état de pauvreté, qu'on y connoit a peine ces fignes de conven«on qui repréfentent toutes chofes dans le commerce. Celui que les Rulles ont ouvert avec la Chine, avec la Perfe, avec la Pologne, a princi palement pour bafe les fourrures d'hermine, de zibeline, de loup blanc, derenard noirquefournit Ia Siberië. Quoique le caprice des confommateursait portéla valeur de cesprécieufes pelleteries au-dela de ce qu'on pouvoit efpérer, le prix en augmente encore. On devroit étendreles liaifons a de nouveaux objets. Les échanges de 1'Empire avec les Etats du Grand-Seigneur étoient comptés pour rien ou pour peu de chofe. Ils ne tarderont pas a deveoir confidérables, 11 l'on fait profiter du droit Dd 4 t XXL Commerce de la Rufïe.  424 SUPPLÉMENTS acquis, par les derniers traités, de paffer de la mer Noire dans la mer Médirerranée, & de la mer Méditerranée dans la mer Noire. Ce privilege qu'aucune nation n'avoit encore obtenu, qu'aucune nation n'a pu obtenir 'depuis, dok donner au commerce & ft la navigation des Ruffes une extenfion, dont il feroit téméraire de fixer le terme. Cependant, ce feroit toujours fur les cótes de la mer Baltique que fe feroient les plus grands enlevements des produétions du pays, puifqu'il eft prouvé qu'il fort habituellement un neuvieme de plus en marchandifes, par le feul port de Pétersbourg, que par les autres quarante - deux douanes de 1'Empire. En 1773, les exportations de la Rulïïe, en compcant le droit de vingt-cinq pour cent que prend le Souverain , s'éleverent ft 106,401,735 livres. Les importations, y compris le même droit, ne pafferent pas 66,544,005 livres. Par conféquent, la balance apparente fut de 39,557,^30 livres. Nous avons dit la balance apparente. II efl: connu de tous ceux ft qui ces matieres font familieres, que les objets qui entrent dans le pays étant générale-ment d'un moindre volume que ce qui en fort, ils font une oceafion plus ordinaire de fraude. IIn'eft point d'Etat aufli heureufement, &c. Pa°e 272, après ces mots, du Tanaïs au Volga, lifez : Malheureufement, ces moyens, qui  A LUIST. PHILOSOPHIQUE. 405 rendem fi facüe Ia circulation des denrées dans tout 1 Empire, & qui ouvrent une communicanon aifée avec toutes les parties du globe Jont devenus inutiles par des obftacles multiplié/ Le Gouvernement a levé une partie des gênes qu oppofoient des infiitucions vicieufes. Les entravesqui tiennent aux mceurs feront plus de réfiftance. r Pierre I«. voulut que les ferfs, qui auroient en leurpofieffion 2,500 livres, eufiènt Ie droit de rornpre leurs fers; a condition qu'eux & leurs delcendants payeroient annuellement aux héritiers f ,e"r a"cLieu maïtre> ce qu'il exigeoit d'eux éducat,on & lans principes, devinrent Ia plupart marchands, porterent dans leur nouvel état les vices qu ils avoient contraélés dans la fervitude, aéluelle fe fent encore de fon origine Lesloixnepermettentpasauxnégociantsétrangers d'acheterles produétions de'l'Empire aïleurs que dans les ports; & par Ja Jure ^ gouvernement, les nationaux n'ont pas ou ne peuventpasparoitreavoirdes capitaux afiezconfiderablespour y former de grands magafins. C'eft donc une néceffité qu'on charge des achats quel que agent RufTe, qui, a r!poque du *g «>ge toujours Ia moitié duprixconvenu; lerefte devant etre payé a Ia livraifon des marchandife' Dd 5  4*6 SUPPLÉMENTS Elles font rarement ce qu'elles devroient être ; & cependant le commettanc fe difpenfe rarement de les recevoir, ou paree qu'il a des ordres a remplir, ou paree qu'il craint, avec raifon, de perdre toutes fes avances. L'étranger a-t-il des objets ft vendre? II ne trouve des acheteurs qu'en leur accordanc un an ou dix-huit mois de crédit. Au terme du payement, ils demandent ordinairement un nouveau délai. Leur eft-il refufé ? on les condamne ft un intérêt de dix-huit pour cent. Plusla dettes'accroic, plus la volonté ou la poflibilité d'y fatiffaire s'éloignent. L'atrocité même des réglements imaginés pour empêcher ou pour punir les banqueroutes, eft favorable aux débiteurs infolvables ou de mauvaife foi. II eft rare que la pitié des Juges, ou la corruption des courtifans ne les garantiffent des peines décernées par la loi contre eux. Des proteétions puifiantes affouviront bien, s'il le faut, lesvengeances d'un créancier trompé : mais après ces arrêts, achetés ft très-haut prix, il n'en fera que plus fürement déchu de 1'efpoir de rien fauver de ce qui lui étoit da. Cesinfidélités, ces déprédations n'ont pas empêché que le commerce de 1'Empire ne fitd'affez grands progrès. Ils auroient été plus rapides, plus confidérables, fi les avantages phyfiques & naturels n'eiiflent été opiniatrément combattus par des caulès morales ou politiques; fi un Mi-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 427 «iftere féduit ou corrompu n'eüt arrêté la concurrence, en favorifant PAngleterreaupréjudice des autres nations. Un meilleur efprit, danscecte partie intéreffante d'adminiftracion, contribueroic beaucoup a la félicité publique. Voyons Pinfluence que peut y avoir Parmée. A 1'élévation de Pierre premier au tröne, &c. Page 273, après ces mots, du refte de 1'Europe, lifez : Depuis la mort du réformateur de i Empire, les troupes ont été encore perfeétionnées, & fur-tout multipliées. On les a vues s'élever fucceffivement jufqu'a trois cents foixantequinze mille quatre cents cinquante-fept hommes. Malgré la valeur, le nombre , la difcipline , &c. Page 274, après ces mots, la fépare de Ia RulTie UfeZ : Au Midij les mim^ , rance& 1 indifcipline, tous les genres de corruption qui dégradent un peuple, ébranloient depuis un fiecle 1'Empire Ottoman. La Ruffie iurpns les Turcs dans cet état de dégradation, & les a affoiblis encore. Elle a rompu les liensqui attachoient les Tartares ft cette domination; & en fe faifant céder quelquesforts, quelques rades dans Ia Crimée, s'eft afTurée ft elle-même Ia faculte de mouvoir, au gré de fa poütique, cette cavalerie infatigable, deftruétive & féroce Que peut craindre, a 1'Occident, Ia Ruf. ne, «c.  4*8 SUPPLÉMENTS Page 274 , après ces mots, de territoire, lifez : La Suede perdit, au commencement du fiecle, celles de fes conquêtes qui lui donnoienc des forces & de la richelTe. Ce que fa nouvelle conftitution pourra lui rendre d'énergie, n'en fera jamais une puilfance redoutable. Loin d'être en état de s'agrandiraux dépens des Ruffes,elle aura toujours ft craindre de fe voir dépouiller par eux de ce qui lui refte de la Finlande. II feroit poffible que la faute qu'a faite la Cour de Pétersbourg, en rapprochant le territoire Pruffien de fes polfeffions, occafionnac un jour des hoftilités. Des circonftances favorables détermineront peut-être ce nouveau voifin ft faire valoir les prétentions des Chevaliers Teutons fur la Livonie; & alors le fang des Ruffes & des Pruffiens teindroit les eaux de la Baltique, & fe mêleroit fous les murs de Riga. Cependant 1'ambition du Brandebourg fera habituellement trop concrariée du cöté de 1'Allemagne, pour qu'elle puiftè beaucoup allarmerle Nord. . On voit, par ces obfervations, que 1 bmpire pourroit beaucoup diminuer fes forces de terre, fi leur deftination unique étoit de garantir fes Provinces de 1'invaGon : mais comme leur principal emploi eft de retenir fous le joug des peuples toujours mécontents d'un gouvernement oppreffeur, il n'eft pas aifé de déterminer ft quel  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 42y point elles devroient être rédukes. La marine dou être envifagée fous un autre point de vue Les foibles relations de cet Empire, &c. Page 176, après ces mots, une puiflance maritime, lifez : Cependant fes premiers foins fe bornerenc k faire conflruire des barimems propres k la défenfe de fes cótes, k i'attaque des cotes voifines. Ce font des galeres de différentes grandeurs, dont quelques-unes font difpofées pour la cavalerie, & un plus grand nombre pour 1 infanterie. Comme ce font des foldats, tous mftruits k manier la rame, qui fornient eux-mêraes les équipages, il n'y a ni retardement, ni dépenfe a craindre. On jette 1'ancre toutes les nuits, & le débarquement fe fait oü l'on eft le moins attendu. La defcente exécutée, les troupes tirent les galeres a terre, & en forment un camp retrancne Une partie de 1'armée eft chargée de fa garde ; Ie refte fe répand dans le pays qu'il fauc raettre acontribution. L'expédition fake, on fe rembarque pour recommencer ailleurs le ravaee &la deftruétion. Combien d'expériences ont démontre 1 efficacicé de ces armements' AeCU*T"X enhardk ,e réfo™ateur «e Ja Ruffie a vouloir de grands vaiflèaux: Ec ce fut a Cronftadt, qui fert de port, &c. lage 277, après ces mots, importante defti nation, lifez : Peut-être même des réflexionsplus  430 SUPPLÉMENTS profondes Pauroient elles convaincu qu'il n'écoiÉ pas encore temps d'afpirer ft ce genre de puiffance, II eft démontré par la raifon & par 1'expérience, qu'une marine militaire doir avoir pour bafe une marine marchande. La RulTie eft de toutes les nations de 1'Europe, celle que 1'abondancode fes munitions navales, que le volume & la quantité de fes produétions appelleroient ft une navigation plus vive & plus étendue. Cet Empire n'avoit p3s pourtant un feul baciment ft 1'époque oü l'on voulut lui donner des flott.es. Urs inftituteur qui auroit connu la marche naturelle des chofes, auroit donc tourné fes premiers regardsvers une navigation commercante. Cetordre politique fut interverti; & les fucceffeurs de Pierre Icr. ne fe font jamais écartés de ce mauvais fyftême. Nul d'entre eux n'a penfé ft furmonter les obftaclesque des inftitutions vicieufesoppofoient ft des expéditions mercantilles, qui auroient formé de bons équipages. Tous fe fonc bornés ft maintenir, ft multiplier des efcadres, qui ne peuvent avoir, ni inflruétion, ni expérience. Au temps oü nous écrivons, cette marine, inutilement ruineufe, efl: formée fur la Baltique par trente vaiflèaux de ligne & vingt-une frégates; dans les mers d'Azoph, par onze batiments de guerre tirant ft peine onze pieds d'eau; & aux embouchures du Danube , par fept ft huit  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 43x grandes barques armées d'aflèz gros canons II conviendroit de réformer la plus grande partie de ces forces, jufqu'a ce qu'on eüt préparé les moyens de les rendre utiles. Leschangements que nous nous fommes permis d'mdiquer, font indifpenfables, &c. Page 279, après ces mois, la forme du gouvernement, lifez : L'efclavage , quelque fens qu on veuille donner a cette expreflion, eftl'état dans Iequel eft tombée toute la nation. Parmi les fujets, qu'on regarde comme libres dans cet Empire, il n'en eft aucun qui ait la füreté morale de fa perfonne, la propriété conftante de fes biens, une liberté qu'il ne puiffe per- hïoT WS PréVUS & déterminés Par Sous un tel gouvernement, il ne fauroit, &c ^ 281, après ces mots, le Souverain eft tout, hfeZ : Depuis fa mort, ce mauvais efprit s eft perpétué. On n'a pas voulu voir que ia liberté eft Je premier droit, &c. Page 281, après ces mots, avantage naturel, hfez: Ainfi l'a penfé Catherine II. A peine cette celebre PrincefTe avoit pris Jes rênes du gouvernement, qu'il fe répandit de tous cötés qu'elle voulo.t régner fur des hommes libres. Au moment oü fes intentions commencoient a tranfpirer, plus de cent mille ferfs fe difpoferent ft la :evolte contre leurs maitres. Plufieurs des Sei-  432 SUPPLÉMËNTS gneurs, qui habitoient leurs terres, furent maffacrés. Cette agitation, dont les fuites pouvoient bouleverfer 1'Etat, fit comprendre qu'il falloit apprivoifer les ours avant de brifer leurs chaïnes, & que de bonnes loix & des lumieres devoient précéder la liberté. Aufli-töc eft concu un projet de légiflation; & l'on veuc que ce code foit approuvé par les peuples eux-mêmes, pour qu'ils le refpeétent & Ie chériffènt comme leur ouvrage. Mes enfants, dit Ia Souveraine aux députés de fesvaftes Etats: Mes enfants, pefez avec moi fintérét de la nation ; formons enfemble un corps de loix qui établijfe folidement la félicité publique. Catherine penfa enfuite ft former des hommes; & ce fut un mot hardi & d'une vérité frappante, adrefTé ft Pierre Ier., qui dirigea fon plan. Ce Prince fe promettoic le plus grand fuccès du retour des jeunes gens qu'il avoit envoyés puifer des lumieres dans les contrées de 1'Europe. Son bouffon, qui 1'écoutoit, plia, le plus fortement qu'il put, Une feuille de papier, la lui préfenta, & Ie défia d'effacer ce pli. Mais s'il n'étoit pas poffible d'amender le Rufle barbare, comment efpérer d'amender le Ruffe corrompu ? S'il n'étoit pas poffible de donner des mceurs ft un peuple qui n'en avoit point, comment efpérer d'en donner ft un peuple qui n'en a que de mauvaifes? Ces conCdérations déterminerenc Catherine ft abandon- ner  A L'HÏST. PHILOSOPHIQUE. 433 tier aelle-même la gènération aétuelle, pour ne s occuper que des races futures. Par fes foins fe fonc élevées des écoles oö Ia jeune nobleflè des deux fexes eft inftruite dans les fciences utiles, dans les arts agréables. Les fages , qui ont vu de prés ces infticutions' y onc blamé trop de frivolicé ou erop de fafte : mais la réflexion & Pexpérience corrigeronc, un peu plutöc, un peu plus tard, ce qu'elles peuvent avoir de défeélueux. D'autres établiflèments, peut-être encore plus néceflaires, ont été formés en faveur du peuple. C'eft-la que de jeunes garcons, que de jeunes Wies recoivent féparément, pendant quinze ans, tous les genres d'inftruélion convenables aux emplois & aux métiers qu'ils doivent exercer. Lorfque les vercus fociales auronc jetté de profondes racines dans leur cceur; lorfqu'on y aura gravé que 1'honneur eft la plusnoble récompenfe d'une ame honnête, que la honceen eft le plus redourable chatimenc, ces éleves, nés dans 1'efclavage, n'auronc plus de maitre, & feront citoyens dans toute 1'étendue du terme. Les bons principes, dont on les aura nourris, fe répandront, avec le' temps, du centre de 1'Empire aux Provinces les plus réculées; & avec les mceurs, qui en découlent néceflairement, s'étendra une liberté bien ordonnée, d'oü doitréfulter le bonheur de la nation, fous le joug facile des loix. Suppl, Tmnc ƒ. £c  434 SUPPLÉMENT S XXIV. Commerce 'de la Chine avec les régions voifines. Pour accélérer les progrès, toujours trop lents, d'une fage légiflation, d'une bonne éducation, il faudroit peut-être choifir, &c. ( Mettez il faudroit par-touc oü il y a il faut, jufqu'au mot, Jetté, &c.) Page 283, après ces mots, les avantages, ü~ fez: Ce plan eft a peu de chofe prés, celui qu'adopta Catherine , a fon avénement au cróne. Quarante mille Allemands, féduits par les avantages immenfes qu'on leur offroit, prirent en 1764 & en 1765 la route de la Ruflie, oü ils ne trouverent que 1'efclavage, la mifere, la mort; & oü le peu qui a échappé ti ces calamités languit dans 1'attente d'une fin prochaine. Le bien qu'on fe propofoit a été beaucoup retardé par ce crime de 1'humanité, par ce crime de la politique : mais il y faut encore tendre par tous les moyens poflibles. Dans ce nouvel ordre de perfonne, &c. Page 286, après ces mots, avec la Chine, lifez : La Chine eft le pays de la terre oü il y a le moins de gens oififs. Dans une région trop peuplée, malgré 1'abondance de fes produétions, 1'attente de la difette qui s'avance , remplit tous ïes citoyens d'aétivité, de mouvement & d'inquiétude. Ils doivent être intéreffés, bas, faux & trompeurs. Cet efprit d'avidité réduifit les Chinois, &c. P^tge 290, après ces mots, fur-tout du gin-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 4*5 de Ja Tarrane pres de la grande muraille. On la rerrouve auffi dans le Canada. Sa raeine ei navet tantöcfirnple, tantótdivifé en deuf Alors elle a quelque reffemblance avee les p ^ f inférTeS de rhomme^'oü lui v ennen les non» de ginfeng è Ja Chine , & de Tre J oguen chez les Iroquois. g nt" La dge, qui fe «nouvelle tous les ans, Jaiflè Ziu?1mf ^^-^lecollerde a' racine, de forte qu'on connoïtl'age de la pJante P- le nombre des impreffions, & foB 2»ente le prix. Cette tige baflè, fimplef ga ° rne feulemem de deux ou trois feuilles di ifées encinq foholes, fe termine en une petite om! Mie de fleurs. Les fleurs font compofées de Zlmï S& auMt d,étamines P--s fur «n pffil qui, «couvert de fon calice, devienï «n petit fruit charnu, rempli de deux ou 0 pemes femences. II avorte dans quelques fleurT La racine du ginfeng a plufieurs vertus, dont ies plus «connues font de fortifier Feftomac & de punfier le fang. On lui donne de la tranfnarence par un procédé a-peu-près pareil a celui que les Onentaux employent pour le falep. Ce ginfeng preparé eft fi précieux aux yeux des Ch.no», qu'ils ne le trouvent jamais trop cher LegouvernementfaitcueilIirtousIesans,&c rage 201, après ces mots, avec les Ruftès," Ee 2  436" SUPPLÉMENTS lifez: II deviendra confidérable, fi les deux gouvernemencs cefiènt d'opprimer un jour leurs négociants. Celui que 1'Empire a ouvertavec les habitants de la petite Bucharie fe réduit ft leur donner du thé, du tabac, des draps en échange des grains d'or qu'ils trouvent dans leurs torrtnts ou dans leurs rivieres. Ces liaifons, aétuellement languiffantes, ne prendront un grand accroiffement que lorfqu'on aura inftruit ces barbares dans 1'arc d'exploiter les mines, dont leurs montagnes font remplies. La Chine eft féparée des Etats du Mogol & des autres contrées de 1'Inde par des fables mouvants, ou par des rochers entaffés qui rendent impraticable toute communication avec ces régions 11 riches. Aufli n'ajoutent-elles rien au foible commerce que cette nation fait annuellement par terre. Celui que la mer lui ouvre eft plus confidérable. L'Empire ne confie guere ft 1'Océan que du. thé, des foieries & des porcelaines. Au Japon, ces objets font payés avec de l'or & du cuivre; aux Philippines, avec des piaftres; ft Batavia, avec des épiceries; ft Siam, avec des bois de teinture & des vernis; au Tonquin, avec des foies groflieres; ft la Cochinchine, avec de l'or & du fucre. Les retours ne paflènt pas trentecinq ou quarante millions, quoique les Chinois  A LUIST. PHILOSOPHIQUE. 437 doublent leurs capitaux dansce commerce. Dans Ja plupart des marcbés qu'ils fréquentent ils ont pour agent» ou pour alTociés les defcendante de ceux de leurs concitoyens qui fe refuferenc au joug des Tartares. Ces liaifons qui d'un cóté fe termi„ent au Japon & de 1 autre aux détroits de Malaca & de Ja Sonde, auroient acquis vraifemblablemenc plus dextenfion, fi Jes conftrucleurs Chinois momsaflèrvisaux anciens ufages, avoient daigné sinftruire a 1'écoJe des navigateurs Européens. On imagineroit fans peine que ce dédain d'un peuple pour les connoiffances d'un autre peuple eft un des principaux caraéteres de la barbarie, ou peut-être même de 1'état fauvage. Cependant il eft auffi le vice d'une nation policée. Un fot orgueil lui perfuade qu'elle fait tout, ou que la chofe qu'elle ig„0re ne vaut pas la peine d'être apprife. Elle ne fait aucun progrès dans les fciences; & fes arts perfiftent dans une jnéd.ocnté dont ils ne fe tireront que par un halard que le temps peut amener ou ne pas amener. II en eft alors d'une contrée comme d'un cloitre; & c'eft une image très-jufte de la Chine que la lumiere environne, fans pouvoir y percer : comme s'ü n'y avoit aucun moyen d'en banmr l'.gnorance, fans y laiflèr entrer la corruption. Oü en feroient Jes nations de FEuLe 3  438 SUPPLÉMENTS XXV. Commerce des Européens avec la Chine. rope, fi, infeélées d'une vanité mafquée de quelque préjugé, elles ne s'étoienc éclairées réciproquement ? Celle-ci doit a celle-la le germe de la liberté; 1'une & 1'autre a une troifieme, les vrais principes du commerce, & cette efpece d'échange efl: bien d'une autre importance pour leur bonheur que celui de leurs denrées. Les premiers Européens , que leur inquiétude pouffa vers les cótes de la Chine, furent admis indiftinétement dans toutes les rades de 1'Empire. Leur extréme familiarité avec les femmes ; leurs violences avec les hommes; des acces répétés de hauteur & d'indifcrétion,lesfirenc concentrer depuis a Canton, le portie plus méridional de ces cóces écendues. Leurs navires remoncerenc d'abord jufqu'aux murs de cette cité célebre, fituée a quinze lieues de 1'embouchure du Tygre. Peu-a-peu, le porc fe combla , au point de n'offrir que douze a treize pieds d'eau. Alors nos batiments, qui de jour en jour avoient acquis plus de grandeur, furent forcés de s'arrêter a Hoang-pou, a trois milles de la place. C'efl: une aflèz bonne rade, formée par deux petites ifles. Des circonftances particulieres firent accorder, en 1745, aux Francois la liberté d'établir leurs magafins dans celle de Wampou , qui efl: falubre & peuplée; mais les nations rivales font toujours réduites a faire leurs opérations dans 1'autre abfo-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. m lamenc déferfe, & finguliéremenc mal-faine apres que le riz y a été coupé. Pendant les cinq ou fix mois que les équipages des navires Européens fe morfondent ou pénflent a Hoang-pou, les agents du commerce font leurs ventes & leurs achats a Canton. Lorfque ces étrangers commencerent a fréquenter ce grand marcbé, on les fit jouir de toute la liberté que comportoit le maintien des loix. Bientoc ijs fe lalTerent de la circonfpeétion néceffaire dans un gouvernement rempli de formalités. En pumtion de leurs imprudences, tout accès direct chez le dépofitaire de Pautorité publique leur fut fermé, & iJs furent tous réunis dans un leul quartier. Le Magiftrat ne permit une autre aeraeurequa ceux dont un höte accrédité garantifibit les mceurs & la conduite. Ces liens furent encore refferrés en i?6o.La Cour avertie par les Anglois, &c. Page 294, ügne H . au.lku de Qq pole vient de ceffer, lifez : Ce monopole a depuis un peu diminué. Page 294, après ces mots, toujours les mêmes, lifez : Ces humiliations ne nous ont pas dégoutés de nos liaifons avec la Chine. Nous continuons d'y aller chercherdu thé, desporcelaines, des foies, des foieries, du vernis, du papier, de la rhubarbe, & quelques autres objecs moins importants. Ee 4  440 SUPPLÉMENTS xxyi. Quellesfont les connoifiances qu'on a fur le thé que les Européens achetent a la Chine. Lethé eft un arbriffeau d'une forme agrefte, haut de cinq ou fix pieds, commun k la Chine & au Japon. II fe plak dans les lieux efcarpés. On le trouve plus fouvent fur le penchant des collines & le long des rivieres. Les Chinois en fement des chatnps entiers; les Japonois fe contentent d'en garnir les lifieres de leurs campagnes, ïl ne parvient qu'au bout de fept ans a fa plus. grande hauteur. On coupe alors la tige, pour obtenir de nouveaux rejectons, donc chacun donne k-peu-près autanc de feuilles qu'un arbriffeau encier. Ces feuilles, Ia feule parcie que l'on eftime dans le ché, fonc alcernes, ovales, aiguës, liffes, dencelées dans leur concour & d'un verd foncé. Les plus jeunes fonc tendres & mlnces. Elles deviennenc plus fermes & plus épaiflès en vieilliflant. A leur bafe, fe crouvenc des fleurs ifolées,qui onc un calice a cinq ou fixdivifions, autanc de pétales blancs, fouvenc réunis par le bas, un grand nombre d'étamines placées autour d'un piltil. Celui-ci fe change en une capfule ligneufe , arrondie, a trois cótes & trois loges remplies chacune d'une femence fphérique ou de plufieurs femences anguleufès. Outre ce thé, connu fous le nom de thé bouy, on peut diftinguer deux autres efpeces bien caraétérifées. L'une efl le thé verd, dont la fleur efl; coropofée de neuf pétales; 1'autre le thé  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 441 rouge, qui a une grande fleur a fix pétales rouges, & garnie dans fon centre d'une houppe d'étamines réunies a leur bafe. On ignore s'il exifte' un plus grand nombre d'efpeces. Des trois, donc ii a été fait mencion, la première eft la plus commune. On culcive le ché bouy dans la plupart des Provinces de la Chine : mais il n'a pas le même degré de bonté par-tout, quoique partouc on aic 1'accencion de le placer au Midi & dans les vallées. Celui qui croit fur un fol pierreux eft forc fupérieur a celui qui forc des terres légeres, & plus fupérieur encore a celui qu'on trouve fur les cerres jaunes. De-la les variétés que l'on qualifie improprernenc du nom d'efpeces. La différence des rerreins n'eft pas, &c. _ Paêe 295> après ces mots, encore davantage, lifez : La première récolte fe fait fur la fin de' Février. Les feuilles, alors petites, tendres & délicates, forment ce qu'on appelle le ficki-hjaa ou thé impérial, paree qu'il fert principalement h 1'ufage de la Cour & des gens en place. Les feuilles de la feconde récolte qui eft au commencement d'Avril, (bnt plus grandes & plus développée, mais de moindre qualité que les premières. Elles donnent le toots-jaa, ou le thé Chinois que les marchands diftinguent en plufieurs fortes. Enfin, les feuilles cueillies au mois de Juin, & parvenues a leur entiere croifTance, Ee 5  442 SUPPLÉMENTS donnent Ie bants-jaa, ou le thé groffier, réfervé pour le peuple. Un troifieme moyen de multiplier les variétés du thé confifte dans la différente maniere de le préparer. Les Japonois, au rapport de Kcempfer, ont des batiments particuliers qui contiennent une fuite de petits fourneaux couverts chacun d'une platine de fer ou de cuivre. Lorfqu'elle efl: échauffée, on Ia charge de feuilles qui auparavant, ont été plongées dans Peau chaude ou expofées a fa vapeur. On les remue avec vivacicé jufqu'a ce qu'elles ayent acquis un degré de chaleur fijffifant. On les verfe enfuite fur des nattes, & on les roule entre Jes mains. Ces procédés répécés deux ou trois fois, abforbent toute 1'humidité. Au bout de deux ou trois mois, ils font réitérés, fur-tout pour le théimpérial, qui devant être employé en poudre, demande une defllcation plus complete. Ce thé précieux fe conferve dans des vafes de porcelaine; celui de moindre qualité dans des pots de terre; le plus groflier dans des corbeilles de paille. La préparation de ce denier n'exige pas tant de précautions. On le defleche, a moins de fraix, a Pair libre. Outre ces thés, il en efl: d'autres que l'on apporte en gateaux, en boules, en petits paquets liés avec de la foie. On en fait aufli des extraits. La pratique des Chinois fur la culture, Ia ré-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 443 coke & Ia préparacion du thé eft moins connue • mais il ne parok pas qu'elle s'éloigne de celle des Japonois. On a prétendu qu'ils ajoutent a leur thé quelque teinture végétale. On a encore attribué, mais fans raifon, fa couleur verte a un mélange de couperofe ou a 1'aétion de laplaune de cuivre fur laquelle la feuille a été defléchee. Le thé eft Ia boiflön ordinaire des Chinois, &c. Page 297, après ces mots, qu'avec des graines, lifez : qui étant d'une nature très-huileufefont fujettes h rancir. M. Linné, le plus célebre botanifte de 1'Europe, re?ut enfin cet arbnlTeau germant, &il parvint aleconferver hors des ferres, en Suede même. Quelques pieds ont eté depuis portés dans la Grande-Bretagne ou ils vivenc, fleurilfent & fe multiplient en plein' air. La France s'en eft auffi procuré; & ils réuffiroient vraifemblablement dans les Provinces méndionales de ce Royaume. Ce fera un trés-grand avantage, &c. f^3ia, après ces mots, porcelaine de Ia Chme> kfez : Tandis que des obftacles, qui ne nous font pas connus , réduifoient la découverte de M. de Lauraguais a de fimples efTais, Ia manufadure de Sevre abandonnoit peu-a-peu fa pate de fritte, pour lui en fubftitucr une autre faite avec une terre d'une extréme blancheur,  444 SUPPLÉMENTS trouvée dans le Limoufin. La nouvelle eft beaucoup plus folide que 1'ancienne, la mie en eft plus belle, le grain plus agréable, la tranfparence moins vitreufe. On lui applique une couverte d'une plus grande beauté. En changeant ainfi fa compoficion, cette manufaéture s'eft rapprochée de la nature de la vraie porcelaine, & a fimplifié fes procédés. Cependant, comme la terre dont on fe fert a Sevre eft fort cource, & que la partie argilleufe qui peut feule donner du liant, de la facilité pour le travail, de la folidité dans la cuiflbn, entre peu dans la compofition de cette terre, les ouvrages qui fortiront de cette manufaéture feronc toujours néceflairement très-chers. II n'en feroit pas ainfi de la pke de M. le Comte de Lauraguais, a la vérité moins blanche, mais qui eft fous la main de 1'artifte comme de la cire qui fe prête a tout ce qu'on lui demande. La terre du Limoufin a fubjugué tous les efprits par fon éclat. Auffi - tót Paris & fon territoire fe font remplis de fours a porcelaine. Tous ont tiré de cette Province leurs matériaux, qui fe font trouvés de la même nature : mais plus ou moins blancs, plus ou moins fufibles, felon la partie de la couche très-étendue oü on les a pris. Lorfque M. Turgot étoit Intendant de Limoges, il y forma une manufaéture de porcelaine  A LUKT. PHILOSOPHIQUE. 44: fur des principes crès-bien combinés. Si cet éta bliflement, qui eft furies lieux mêmes, &qui fur tous les autres le choix des matieres, leboi marché de la rmün-d'ceuvre, eft conduit ave< zele & intelligence, il doit finir toute concur rence. On ne verra plus fubfifter que Sevre, que Ia beauté de fes tormes, que le bon goütdefe< ornements mettront toujours hors de toute comparaifon. Mais en voila aflèz & tr0p peut-être furie fujetqui vient de nous occuper. II eft temps de parler de la foie de la Chine. Les annales de la Chine attribuent la découverte de la foie h Punedes femmes de 1'Empereur Hoangti. Ces Princeflès fe firent depuis une agréable occupation de nourrir des vers d'en tirer Ja foie, & de Ia mettre en ceuvre ' , On prétend même qu'il y avoit dans I'incéneur, &c. Paëe 3H , après ces mots, que celles de Bergame, lifez : La diverficé des foies que recueille, &c. pag. 315. Page $x%, après ces mots, levernis Chinois, lifez : Le vernis eft une réfine particuliere, qui découle d'un arbre nommé au Japon , fuz-dfu & t/i-ckuk la Chine. II eft peu rameux & de la hauteur du faule. Son écorce eft blancMtre & raboteufe, fon bois caflant & rempli de " moelle. Ses feuilles, difpofées alternativement! fur lextrémité des rameaux, reflèmblenta celles > 1 t xxvm. Les Européens achetent de la foie a la Chine. En quoi elle differe de la nêtre. XXIX. Les Européens achetent des verlis & du >apier a Ia -hine. Di;reffion fur es arts de et Empire,  44-6 SUPPLÉMENTS d'un frêne, 6c laiflent échapper de leur aiflêlle des grappes de fleurs qui fonc mÉles fur un individu, 6c femelles fur un aucre. Les premières onc un calice a cinq divifions, cinq pétales 6c autanc d'étamines. On trouve dans les fecondes, au-lieu d'étamines, un piftil couronné de crois ftyles, qui devient un petit fruit jaunatre, gros comme un pois, légérement comprimé fur les cötés, 6c rempli d'un noyau oflèux. Cet arbre vient fort bien de graine, mais on préfére de le multiplier de marcotte. Pour cet eftec, on choifit en automne les branches dont on veut faire de nouveaux plants. On entoure leur bafe d'une boule de terre détrempée, contenue avec de la filafle, jufqu'au temps des gelées, 6c entretenue fraïche par des arrofements. Au printemps, lorfque la branche a poulfé des racines dans cecte terre, on la fcie au-deflbus de la boule, 6c on la tranfplante. Cet arbre ne croit que dans quelques Provinces tempérées de la Chine 6c du Japon. On le retrouve aufli dans les régions de 1'Amérique, fituées fous la même latitude, telles que la Louyfiane 6c la Caroline. II profpere dans tous les terreins 6c a toutes les expofitions: mais fon produit n'eft pas égal par-couc en qualité 6c en quantité. Sa culture exige peu de foin. II fufiic de remuer un peu la terre au pied des arbres, & d'y raflèmbler des feuilles mortes qui fervent de  A VUIST. PHILOSOPHIQUE. 447 ttf L^,tr0DC de CCUX qU'" Croifrenc fans col, ture, dans les montagnes, a quelquefois unpied de diamet j eft beaucoup moLre dans es ^bres culcivés qui ne durent pas p,US de * jns. IJ faut attribuer cette différence aux incï tes le?o Jrfr C°ntenue dans ™- e foL f t6' déC°U,e Par les™«' Jes fous Ja ibrme d'une -r , fee a Ia,r, eJJe prend une couleur roulTe^e qm fe change bientöt en un noir brilJan Des' coquilles placées a chaque fente, recoivent Ja rtf J ?'ft Ch6Z J£S marchands qui Ia mei aa. . garantie de ia malign té en Jes ouvr.ers fe frottent les mains & Je vifL -ec de Phuüe avant & après le travai , qf| toutes les autres par'tieTit La récolte du vernis fe fair en été, & fe ré. pete jufqu'a trois fois dans Ia même f ifon, Z Je meilleur. Lorfque 1'arbre paroit épuifé, on coupe fon tronc, &Ja racine pouiTe de Ueaux  448 SUPPLÉMENTJf rejettons, propres a donner du vernis au bout de trois ans. Le vernis Ie plus eftimé fe tire du Japon. II n'a pas befoin de beaucoup de préparation. On fe conrente de le paffer i travers un linge, pour en féparer les parties étrangeres. On en fait encore évaporer au foleil 1'eau furabondante, & on ajoute au vernis du fiel de porc, pour lui donner du corps. II ne faut pas confondre avec ce vernis, un vernis très-inférieur qu'on y mêle en fraude. Celui-ci, connu foüs le nom de vernis de Siam, découle de 1'arbre qui donne 1'anacarde. II n'eft employé qu'a enduire les uftenfiles les plus communes. On le recueille & Siam, a Camboge & au Tonquin, oü les Chinois I'achetent, paree que celui qu'ils tirent du tfi-chu ne fuffit pas & leur confommation. Le vrai vernis dont on diftingue h la Chine trois qualités différentes, s'employe de deux manieres. Dans la première, l'on frotte le bois, &c. Page 321, après ces mots, il y a feize fiecles, lifez : Le papier de la Chine eft de deux fortes. Celui dont on fe fert pour 1'écriture & pour 1'impreflïon, eft fabriqué avec des chiffons de coton & de chanvre, par des procédés aflèz femblables a ceux qui font en ufage dans les manufaftures de 1'Europe. II eft comparable, &, a quelques  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. m quelqueségards, fupérieura celui dont nous nous fervons. Sa fineflè & fa tranfparence ont fa nC ont donne cours a cette opinion ignoroient que s ne' T°T fédUite e" ttèi^s ™olécu! u rhubarbe de Mofcovie, dont Jes feuilles font ondulées a pafTé, quelque temps, pourêtre la vraie rhubarbe: mais fa racine trop compaéte & moins purgative paroit décider contre elle. Une autre efpece, qui efi ie reumpalmatum des botaniftes, & dont M. de Juffieu a recu depuis peu des graines, par la Ruffie, fembleroit être Ia plante cherchée. Sa racine a la même texcure, les mêmes fignes diftinétifs, les mêmes propriétés que celle de nos pharmacies. Elle eft oblongue tubéreufe, & pouffe plufieurs feuilles, grandes palmées, a lobes aigus, du milieu defquelles' séleve a la hauteur de fix pieds, un pédicule de fleurs blanches aflèz petites, dont chacune eft compofée d'un calice coloré a fix divifions de neuf étamines & d'un piftil furmonté de trois ftyles qui devient, en murifiant, une femence triangulaire. On ignore le lieu précis dont cette efpece eft onginaire : mais il eft bien connu que Ia vraie rhubarbe croit fans culture, entre Je trentieme & le trente-neuvieme des;ré de latitude boréale Les Provinces de Chenfi & de Setfchuen, au Ff.3  454 SUPPLÉMENT S nord-oueft de la Chine, la petite Bucharie & le Royaume de Tangut, occupent une grande partie de ce vafte efpace. La racine de rhubarbe efl tirée de la terre fur la fin de 1'hyver, avant le développement des feuilles. On la coupe en morceaux , qui font placés fur de longues tables, &remués plufieurs fois par jour, jufqu'a ce que le fuc qu'ils contiennenc foit épailfi & concret. Sans cette précaution, la partie la plus aétive fe difliperoic, & il en réfulteroit une diminution dans leur poids & dans leur vertu. On les enfile enfuite, dans de petites cordes, pour les deffécher, foit h 1'air libre, dans un lieu ombragé, foit au cou des beftiaux, comme plufieurs voyageurs 1'affurent. Ces racine* font enfuite enveloppées de coton, & envoyées a leurs différentes deftinations. Ce font les Tartares Calmouks & les habitants de la grande Bucharie qui portent la rhubarbe ïl Orembourg. Le gouvernement Ruffe 1'y fait acheter. Les bonnes racines font féparées des mauvaifes avec attention. On brüle ce qui ne mérite pas d'être confervé; & l'on fait éprouver une nouvelle deflication au refte. La partie qui n'elt pas confommée dans 1'intérieur de 1'Empire, eft livrée a des négociants Anglois, a un prix convenu, & qui ne varie point. C'eft la meilleure de toutes les rhubarbes. Après celle-la, vient celle que les peuples de  A L'HIST. PHILOSOPHIQTJE. 45s ïa grande Bucharie portent en Perfe, & qui apres avoit traverfé par terre une partie de 1'Afie arrivé fur les bords de la Méditerranée, ou «He eft achetée par les Vénitiens. Avant d'être revendue, cette rhubarbe recoit a-peu-près les niemes foins que belle qui a paiTé par les mains des Ruflès. Ce qui vient de rhubarbe par ces deux voies ne fuffifant pas a nos befoins, l'on a été réduic & employer celle que nos navigateurs nous portent de la Chine. Elle eft tres-inférieure aux autres, foit qu'elle n'aic été defièchée qu'au four comme onleconjeéture, paree qu'elle n'eft pas percee, foit que le voifinage des autres marchandifes lui ait communiqué un gout particulier, foit enfin qu'un long féjour fur 1'Océau 1'aic dé/naturée, L'Europe a defiré de s'approprier cette plante falutaire. Le pied qu'on en voit au jardin Royal de Paris a déja fourni desgraines & des reiettons qui ont profpéré, en pleine terre, dans plufieurs Provinces du Royaume. La Société formée h Londres pour 1'encouragement des arts & du commerce, diftribua en !774 des médailles è deux cultivateurs Anglois qui avoient recueilli de la rhubarbe d'une qualité fupérieure. Ces premiers elTais durent avoir des fuites favorables. Outre les objets dont on a parlé, les Européens achetent a la Chine de 1'encre, du camFf4  45<5 SUPPLÉMENTS phre, du borax, durorcin, de la gomme-lacque, & ils y achetoient autrefois de l'or. En Europe, un mare d'or vaut, &c. Page 325, après ces mots, elle s'eft anéantie, lifez: A peine fe fouviendroic-on de ce lieu, autrefois renommé, fi, pendant une partie de 1'année, il ne fervoit d'afyle aux facteurs Européens, qui, après le départ de leurs navires, fonc obiigés de quitter Canton, oü ils ne peuvenc rentrer qu'a leur arrivée. Cependanc ces foibles reftes d'une colonie autrefois fi floriffante jouirent d'une efpece d'indépendance jufqu'en 1744. A cette époque, 1'affaffinat d'un Chinois, &c. Page 332 , après ces mots, celui du genre bumain, lifez : L'ignorance ou la mauvaife foi corrompent tous les récits. La politique ne juge que d'après fes vues; le commerce que d'après fes intéréts. II n'y a que le Philofophe qui fache douter; qui fe taife, quand il manque de lumieres; & qui dife la vérité, quand il fe détermine a parler. Eneffet, quelle récompenfe, affez importante a fes yeux, pourroit le déterminer a tromper les hommes, & a renoncer a fon caraétere? La fortune? il eft affez riche, s'il a de quoi fatisfaire k fes befoins finguliérement bornés. L'ambition? s'il a le bonheur d'être fage, on peut lui porter envie; mais il n'y a rien fous le ciel qu'il puiffe envier. Les dignités ? on ne les lui offrira pas, il le faic; & on les lui oifriroic, qu'il  A L'HIST. PHILOSOPHIQIJE. 457 ne les accepteroit pas, fans Ja certitude de faire &ilen deda.gnelesméprifablesavantages. La ré' putauon ? en peut-il obrenir autrement que par la franeh.fe? La erainte? il ne craint rien, pa neme de mounr. S'il eft jetté dans le fonddL cachot, ,1 fa» bien que ce ne fera pas la première fois que des tyrans ou des fanatiques y ont conduit la vertu, & qu'elle n'en eft fortie, que pour aller fur un échafaud. C'eft lui qu échappea la main du deftin qui nefaic paroze Prendre, paree qu'il abri», comme dit le Stoïcien, les anfes par lefquelles le fort fiifit le foiWe, pour en difpofer a fon gré. Ceux qui voudront confidérer 1'Europe, &c lité nrJ^\après ces moti> de ,a fbciabinté, hfez: c efttransformerruni & tnfte anachoretes. Suppofons ce projet remPU, & jectant un coup d'oeil fur Je globe, denandons-nous a nous-mêmes, fi nous 1' ime- Comment réduire 1'homme, &c. Fm du Livre cinquieme & du Tome fecond. Ff 5  458 SÜPPLÉMËNTS LIVRE VI. Tome III, page 5, après ces mots, des éloges publiés , lifez : Voila donc le fexe le plus foible livré aux travaux les plus durs de la vie, foit fauvage, foit civilifée; la jeune fille tenant dans fes mains délicates les inftruments du labour; fa mere, peut-être enceinte d'unfecond, d'un troifieme enfant, le corps penché fur la charrue, & enfoncant le foc ou la bêche dans le fein de la terre pendant des chaleurs brülantes. Ou je me trompe fort, ou ce phénomene eft pour celui qui réfléchit un des plus furprenants qui fe préfentent dans les annales bizarres de notre efpece. II feroit difficile de trouver un exemple plus frappant de ce que 1'hommage national peut obtenir : car il y a moins d'héroïfme b expofer fa vie qu'k la confacrer a de longues fatigues. Mais fi tel eft le pouvoir des hommes raffemblés fur 1'efprit de la femme, quel ne feroic point celui des femmes rafièmblées fur le cceur de 1'homme ? Telle étoit la fituation de 1'Efpagne, &c. Page 11, après ces mots, des terres qu'il découvriroit, lifez : & arriva aux Canaries oü il s'étoit propofé de relacher. Ces ifles, fituées a cinq cents milles des cótes  A L'HIST. PHILOSOPHIQÜE. 459 d'Efpagne, & h cent milles du continent d'Afrique, font au nombre de fept. L'antiquité les connut fous le nom d'ifles Fortunées. Ce fut a la partie la plus occidentale de ce petit archipel que le célebre Ptolomée, qui vivoit dans le fecond fiecle de Pere chrétienne, établic un premier méridien, d'oü il compta les longitudes de tous les lieux, dont il détermina la pofition géographique. II auroit pu, felon la remarque judicieufe des trois aftronomes Francois qui ont publié en 1778 la relation fi curieufe & fi jnftruétive d'un voyage fait en ïffi & en 1772, il auroit pu choifir Alexandrie: mais il craignit, fans doute, que cette prédileétion pour fon pays ne fut imitée par d'autres, & qu'il ne réfultat quelque emharras de ces variations. Le parti auquel s'arrêta ce Philofophe, de prendre pour premier méridien celui qui paroiffoit laiffer a fon oriënt toute la partie alors connue de la terre, fut généralement approuvé, généralement fuivi pendant plufieurs fiecles. Ce n'eft que dans les temps modernes que plufieurs nations lui ont mal-a-propos fubfticué la capitale de leur Empire. L'habitude qu'on avoit contraétée d'employer Ie nom des ifles Fortunées n'empêchoit pas qu'on ne les eüt perdues entiérement de vue. Quelque navigateur avoit fans doute reconnu de nouveau ces terres infidelles, puifqu'en 1344, Ia Cour de Rome en donna la propriété a Louis de la Cer- IV. Colorab cingle d'abord yers les Calaries. Déaüs fur ces ües. ,  460 SUPPLÉMENTS da, un des Infants de Caftille. Obftinément traverlé par le chef de fa familie, ce Prince n'avoit encore pu rien tencer pour mectre a profit cette étrange libéralité, lorfque Béthencourt partit de la Rochelle le 6 Mai 1402, & s'empara deux mois après de Lancerote. Dans 1'impolfibilité de rien opérer de plus avec les moyens qui lui reftoient, cet aventurier fe détermina a rendre hommage au Roi de Caftille de toutes les conquêtes qu'il pourroit faire. Avec les fecours que lui donna ce Souverain, il envahit Fortaventureen 1404, Gomere en 1405, l'ifle de Fer en 1406. Canarie, Palme & Teneriff ne fubirent le joug qu'en 1483, en 1492 & en 1496. Cet archipel, fous le nom d'ifles Canaries, a fait toujours depuis partie de la domination Efpagnole, & a été conduic par les loix de Caftille- ... Les Canaries jouiflènc d'un ciel communémene ferein. Les chaleurs font vives fur les cótes: mais Pair eft agréablemenc tempéré fur les lieux un peu élevés, & trop froid fur quelques montagnes couvertes de neige la plus grande partie de 1'année. Les fruits & les animaux de Pancien , du Nouveau-Monde, profperent tous ou prefque tous fur le fol varié de ces ifles. On y récolte des huiles, quelque foie, beaucoup d'orfeille, & une aflèz grande quantité de fucre inférieur k celui que donne 1'Amérique. Les grains qu'il  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 46i fournit fuffifent Ie plus fouvent a h confommanon du pays ; & fans compter les boiflbns de momdre qualité, fes exportations en vin s'éle En 176S, les Canaries comptoient cent cinqname-cinq mille cent foixante-fix habitants, mdépendamment de cinq cents huit Eccléfiaftiques, de neuf cents vingt-deux Moines, & de fept cents quarante-fix Religieufes. Vingt-neuf mille huit cents de ces citoyens étoienf enrégimentes. Ces milices n'étoient rien alors: mais depuis on les a un peu exercées, comme toutes celles des autres colonies Efpagnoles. Quoique 1'audience ou le tribunal fupérieur de juft.ce foit dans l'ifle fpécialement appellée Canane, on regarde comme la capitale de 1'Archipel celle de Teneriff, connuepar fes volcans & par une montagne qui, fefon les dernieres & les meilleures obfervations, s'éleve mille neuf cents quatre toifes au-deflus de la mer C'eft la plus étendue, la plus riche & la plus peuplée Elle eft le féjour du Commandant général & le flege de 1'adminiftration. Les navigateurs, pref. que tous Anglois ou Américains, font leurs ventes dans fon port de Sainre-Croix, & y prennent leur chargement. L'argent que ces négociants y verfent, circule rarement dans les ifles. Ce ne font pas les im.  45a SUPPLÉMENTS pots qui Ten font fortir, puifqu'ils fe réduifent au monopole du tabac, & a une taxe de fix pour cent fur ce qui fort, fur ce qui entre : foibles reffources que doivent abforber les dépenfes de fouveraineté. Si les Canaries envoyent annuellement quinze ou feize cents mille francs a la métropole, c'efl: pour la fuperftition de la croifade: c'eft pour la moitié de leurs appointements que doivent la première année a la Couronne ceux des citoyens qui en ont obtenu quelque place : c'eft pour le droit des lances fubftitué fur toute 1'étendue de 1'Empire a 1'obligation anciennement impofée a tous les gens titrés de fuivre le Roi a la guerre: c'eft pour le tiers du revenu des Evêchés, qui, dans quelque partie du monde quece puiffè être, appartient au gouvernement: c'eft pour le produic des terres acquifes ou confervées par quelques families fixées en Efpagne: c'eft enfin pour payer les dépenfes de ceux que 1'inquiétude, 1'ambition ou le defir d'acquérir quelques connoifiances font fortir de leur Archipel. Une exportation fi confidérable de métaux a tenu les Canaries dans un épuifement continuel. Elles en feroient forties, fi on les eüt laifle paifiblementjouirde la liberté, qui, en 1657, leur fut accordée d'expédier tous les ans pour 1'autre hémifphere cinq Mtiments chargés de mille tonneaux de denrées ou de marchandifes. Malheureufement, les entraves que mit Cadix a ce com-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 463 merce, le réduifit peu-a-peu a Penvoi d'un crèspetit navire a Caraque. Cette tyrannie expireer nous parierons de fa chüte, après que nous aurons fuivi Colomb fur le grand théatre oü fon génie & fon courage vont fe développer. Ce fut le 6 Sepcembre qu'il quitta Gomere, oü fes trop frêles bÉcimencs avoient été radoubés & fes vivres renouvellés; qu'il abandonna les routes fuivies par les navigateurs qui I'avoient pré. céde; qu'il fit voile a 1'Oueiï pour fe jetter dans un océan inconnu. Bientöt, fes équipages épouvantés de 1'immenfe étendue des mers qui les féparoient de Jeur patrie, commencerenc a s'effrayer. Ils murmuroient, & les plus intraitables des mucinspro* poferent a plufieurs reprifes de jetter 1'auteur de leurs dangers dans les flots. Ses plus zélés partifans même étoient fans efpoir; & il ne pouvoit plus rien fe promettre, ni de la févérité ni de la douceur. Si la terre ne paroit dans trois jours, je me livre a votre vengeance, dit alors 1 Amiral. Le difcours étoic hardi, fans être témeraire. Depuis quelque cemps, il crouvoic, &c. Page 13, après ces mots, lefquels ils coucho.enc, lifez : Leéteur, dites-moi font-ce des peuples civilifés qui font defcendus chez des fauvages ou des fauvages chez des peuples civililés i Et qu importe qu'ils foiencnuds; qu'ils ha-  464 SUPPLÉMENTS bitenc le fond des forêts; qu'ils vivent fous des hutes; qu'il n'y ait parmi eux ni code de loix, ni juftice civile , ni juftice criminelle, s'ils font doux, humains, bienfaifants, s'ils ont les vertus qui caraétérifent 1'homme. Hélas! par-touc on auroit obtenu le même accueil avec les mêmes procédés. Oublions, s'il fe peut, ou plutótrappellons-nous ce moment de la découverte, cette première entrevue des deux mondes pour bien détefter le nótre. C'étoient de l'or que cherchoient les Efpagnols, &c. Page 15, après ces mots, jamais été bons, lifez : Et qu'importoient leurs Dieux & leur culte? Firent-ils aux nouveaux venus quelque queftion fur leur religion? Leur croyance futelle un motif de curiofité, de haine ou de mépris pour eux? C'eft 1'Européen qui fe conduific comme s'il eut été confeillé par les démons de 1'infulaire; c'ell 1'infulaire qui fe conduiflt comme s'il eut obéi a la divinité de 1'Européen. Aucune loi ne régloit chez eux, &c. Page 18, après ces mots, fonder des colonies, lifez : A fon arrivée a Saint-Domingue , avec quinze cents hommes, foldats, ouvriers, miflïonnaires; avec des vivres pour leur fubfiftance; avec les femences de toutes les plantes qu'on croyoit pouvoir réuffir fous ce climat humide & chaud; avec les animaux domeftiques de  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 46S de Panden hémifphere dont le nouveau n'avoit pas un feul, Colomb ne trouva que des ruines & des cadavres, oü il avoit laiffé des fortifica«ons & des Efpagnols. Ces brigands avoient provoqué leur ruine par leur orgueil, par leur Iicence & leur tyrannie. L'Amiral n'en douta pas apres les éclairciffements qu'il fe fit donner; & il fut perfuader a ceux qui avoient moins de modération que lui, qu'il étoit de la bonne poImque de renvoyer la vengeance a un autre temps. ünfort, honoré du nom d'Ifabelie, futconftruit aux bords de 1'Océan, & celui de Saint-Thomas fur les montagnes de Cibao, oü les infulaires ramaffoient, dans des torrents, la plus grande partie de l'or qu'ils faifoient fervir a leur parure, & oü les conquérants fe propofoient d ouvrir des mines. Pendanc qu'on étoit occupé de ces travaux, les vivres apportés d'Europe avoient été confommés ou s'étoient corrompus. La colonie n'en avoit pas affez recu de nouveaux pour remplir le vuide; & des foldats, des matelots n'avoienc eu ni Ie temps, ni le talent, ni la volonté de créer des fubfiftances. II fallut recourir aux naturels du pays qui ne cultivant que peu, étoient hors d'état de nourrir des étrangers, qui, quoique les plus fobres de Panden hémifphere, confommoient chacun cequi auroit fuffi aux befoins de plufieurs Indiens. Ces malheureux livroienc Suppl. Tome I. Gg  466 SUPPLÉMENTS VIT. Cruautés commifes par les con(juérants a S. Domingue. Ce qu'elles produifent. tout ce qu'ils avoient, 6c Pon exigeoit davantage. Ces exaétions continuelles les firent fortir de leur caraélere naturellement timide; 6c tous les Caeiques, a 1'exception de Guacanahari, qui le premier avoit recu les Efpagnols dans fes Etats , réfolurenc d'unir leurs forces pour brifer un joug qui devenoic chaque jour plus intolérable. Colomb interrompit Ie cours de fes découvertes pour prévenir ou pour diffiper ce danger inattendu. Quoique la mifere, le climat 6c la débauche euflent précipité au tombeau les deux tiers de fes compagnons; quoique la maladie empêchat plufieurs de ceux qui avoient échappé k ces fléaux terribles, de fe joindre a lui; quoiqu-'il ne put mener a 1'ennemi que deux cents fantalfins 6c vingt cavaliers, cet homme extraordinaire ne craignit pas d'attaquer en 14951 dans les plaines de Vega-Real, une armée que les hiftoriens ont généralement portée a cent mille combattatits. La principale précaution qu'on prit fut de fondre fur elle durant la nuit. Les infulaires étoient vaincus avant que, ócc. Page 21, après ces mots, de tous cötés, lifez : Pour les punir de ce qu'on appelloit leur rébellion, chaque Indien au-deffus de quatorze ans fut afiervi a un tribut en or ou en coton, felon Ia contrée qu'il habicoit. Cet ordre de chofes, qui exigeoit un travaii  A L'HIST* PHILOSOPHIQUE. 467 'affidu, parut 3e plus grand des maux a un peuple qui n'avoit pas 1'habitude de I'occupation. Le defir de fe débarraflèr de fes opprefieurs devinc fa paffion unique. Comme 1'efpoir de les ren» voyer au-dela des mers par la force ne lui étoit plus permis, il imagina, en 1496, de Iesycontramdreparla famine. Dans cette vue, il ne fema plus de maïs, il arracha les racines de manioc qui étoient plantées, & il fe refugia dans les montagnes les plus arides, les plus efcarpées. Rarement les réfolutions défefpérées font-elles heureufes. Celles que venoient de prendre les Indiens leur fuc infiniment funefte. Les dons d'une nature bruce & ingrace ne purenc les nourrir, comme ils 1'avoienc inconfidérémenc efpéré • & leur afyle, quelque difficile qu'en füc Paccè^ ne put les fouftraire aux pourfuites d'un tyran irmé, qui, dans cette privation abfolue de couces les reflburces locales, recut, par hafard, quelques fubfiftances de fa métropole. La rage fut porcée au poinc de former des chiens a découvrir, a dévorer ces malheureux. On a mêmeprétendu que quelques Caftillans avoiencfaic vceu den maffacrer douze, chaque jour, en 1'honneur des douze Apöcres. II eft recu qu'avanc cec événemenc, l'ifle comptoic un million d'habitants. Le tiers d'une fi grande populacion péric en cetce occafion, par Ja fatigue, par Ia faim & par le glaive. Gg 2  468 SUPPLÉMENTS A peine ceux de ces infortunés qöi avoienc échappé k tant de défaltres étoient rentrés dans leurs foyers, oü des calamicés d'un autre genre feÜr étoient préparées, que leurs perfécuteurs fe i diviferent. La tranflation du chef-lieu de la colo- I nie, du Nord au Sud , d'Ifabelle k San-Domingo, put bien fervir deprétexte è quelques plaintes: mais les difcordes tiroient principalement leur fource des paffions mifes en fermentation par un ciel ardent, & trop peu réprimées par une autorité mal affermie. On obéifToit au frere, au repréfentant de Colomb, lorfqu'il y avoit quelque Caciquea détröner, un canton a piller, des bourgades a exterminer. Après Ie partage du burin , 1'efprit d'indépendance redevenoic 1'efpric dominant : les haines & les jaloufies étoient feules écoutées. Les faélions finirent par tourner leurs armes les unes contre les autres : elles fe firent ouvertement la guerre. Durant le cours de ces divifions, PAmiral étoit en Efpagne. II y avoit paffé pour dilfiper les accufations qu'on ne ceflbit de renouveller contre lui. Le récit de ce qu'il avoit fait de grand, 1'expofé de ce qu'il fe propofoit d'exécuter d'utile, lui regagnerent afièz aifément la confiance d'Ifabelle. Ferdinand lui-même fe réconcilia un peu avec les navigations lointaines. L'on traca le plan d'un gouvernement régulier qui feroit d'abord eflayé a Saint-Domingue, & enfuite fuivi,  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 469 avec les changements dont Pexpérience auroit démontré la néceflité, dans les divers établifiements que la fucceflion des ternps devoit élever fur 1'autre hémifphere. Des hommes habiles dans 1'exploitation des mines furent choifis avec beaucoup de foin; & le fifc fe chargea de leur folde, de leur entretien pour plufieurs années. La nation penfa autrement que fes Souverains. Le temps, qui amene la réflexion a la fuite de Penthoufiafme, avoit fait tomber le defir, originairementfi vif, d'allerdans le Nouveau-Monde. Son or ne tentoit plus perfonne. La couleur livide de tous ceux qui en étoient, &c. Page 24, après ces mots, permis d'y paffer, ajoutez jufqu'en 1593. Page 25, après ces mots, idéé gata tout, lifez : Les malfaiteurs qui fuivoient Colomb , joints aux brigands qui infetfoient Saint-Domingue, formerent un des peuples les plus dénaturés que le globe eut jamais portés. Leur aiïbciation lesmit en état de braver audacieufementl'autorité; & 1'impoffibilité de les réduire fit recourir aux moyens de les gagner. Plufieurs furent inutilement tentés. Enfin, on imagina, en 1499, d'attacher aux terres que recevoit chaque Efpagnol, un nombre plus ou moins confidérable d'infulaires qui devroienc tout leur temps, touGg 3  47® SUPPLÉMENT S tes leurs fueurs a des maicres fans humanité & fans prévoyance. Cet adte de foiblefïè rendie une tranquillité apparente a Ia colonie, mais fens concilier a 1'Amiral 1'affeétion de ceux qui en profitoient. Les plaintes formées contre lui furent même plusfuivies, plus ardentes, plus appuyées, & plus accueillies qu'elles ne 1'avoiene encore été. Cet homme extraordinaire achetoic bien cher , &c. M Page 26, après ces mots, en Amérique, arrivé, lifez : en 1500, a Saint-Domingue, dépouille 1'Amiral de fes biens, de fes honneurs, de fon autorité, & 1'envoye en Europe chargé de fers. L'indignation publique avertit les Souverains que 1'univers attend, fans délai, lapunition d'un forfait fi audacieux, la réparation d'un fi grand outrage. Pour concilier fes bienféances avec leurs préjugés, Ifabelle & Ferdinand rappellent, avec une indignation vraie ou fimulée, 1'agent qui avoit fi cruellement abufé du pouvoir qu'ils lui avoient commis: mais ils ne renvoyent pas a fon pofte la déplorable viftime de fon incompréhenfible fcélératefle. Plutöt que de languir dans 1'oifiveté, plutöt que de vivre dans 1'humiliation, Colomb fe détermine a faire, comme aventurier, un quatrieme voyage dans des régions qu'on pouvoit prefque dire de fa création. Après ce nouvel efforc, que ta malice des  A L'HIST. PHILÖSOPHIQTJÈ. m hommes, que le caprice des éléments ne réufllrent pas a rendre inutile, il termina, en 1506, a Valladolid une carrière brillante, que la more récente d'Ifabelle lui avoit öté toute efpérance de voir jamais heureufe. Quoiqu'il n'eüt que cinquante-neuf ans, fes forces phyfiques étoient trés-affoiblies: mais fes facultés morales n'avoient rien perdu de leur énergie. Tel fut la fin de cet homme fingulier, &c. Jfage 27, après ces mots, devoit êtrelethéStre,lifez: Ses malheurs avoient commencéavec la découverte. Malgré fon humanité & fes lumieres, Colomb les multiplia lui - même , en attachant des Américains aux champs qu'il diftribuoit a fes foldats. Ce qu'il s'étoit permis pour fortir des embarras oü le jettoit une infubordination rarement interrompue, Bovadilla le concinua & 1'étendit dans la vue de fe rendre agréable. Ovando, qui le remplaca , rompit tous ces liens, felon Pordre qu'il en avoit recu. Le repos fuc la première jouiffance des êtres foibles que la violence avoic condamnés a des travaux que leur nourricure, leur confticucion & leurs habitudes ne comportoient pas. Ils erroient au hafard, ou reftoient accroupis fans rien faire. La fuite de cette inaftion fut une famine qui leur fuc funefte, & qui le fut k leurs opprefieurs. Avec de la douceur, des réglements fages & beaucoup de patience, il étoit poffible d'opérer d'heureux Gg 4  472 SUPPLÉMENTS changements. Ces voies lentes & tempérées ne convenoient pas a des conquérants prefTés d'acquérir, prefTés de jouir. Ils demanderent, avec la chaleur inféparable d'un grand intérêt, que tous les Indiens leur fuflènt répartis pour être employés a 1'exploitation des mines, a la culture des grains, aux differentes occupations dont on les jugeroit capables. La religion 6c Ia politique furent les deux voiles dont fe couvrit cet affreux fyftême. Tout le temps , difoit-on, que ces fauvages auront le libre exercice de leurs fuperftitions, ils n'embrafferont pas le chriftianifme; 6c ils nourriront toujours un efprit de révolte, a moins que leur difperfion ne les mette hors d'état de rien entreprendre. La Cour, après bien des difcuffions, fe décida pour un ordre de chofes, li contraire a tous les bons principes. L'ifle entiere fut divifée en un grand nombre de diftriéts que Jes Efpagnols obtinrent plus ou moins étendus , felon leur grade, leur crédic ou leur naiffance. Les Indiens, attachés è ces poffeffions précaires, furent des efclaves que la loi vouluc toujours protéger, 6c qu'elle ne protégea jamais efficacement, ni a Saint-Domingue, ni dans Jes autres parties du Nouveau - Monde, oü cette horrible difpofition s'établit depuis généralement. Quelques commotions fuivirent cet arrangement : mais elles furent arrêtées par des perfidies,  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 47; ou étouffées dans le fang. Lorfque la fervitud fut imperturbablement établie, les mines don nerent un produit plusfixe. La Couronne enavdi d'abord la moitié; elle fe réduifit dans la fuit< au tiers , & fut enfin obligée de fe borner ai cinquieme. Les tréfors qui venoienc de Saint -Domin gue, &c. Page 28, ligne 23, au-lieu de fans travail, lifez, fans foins, fans avances, «Sc fans inquiétude. Ils, &c. ; PaSe 20> après ces mots, leur race n'eft plus. lifez : JJ faut que je m'arrête ici un moment. Mes yeux fe rempliffenc delarmes, & je ne vois plus ce que j'écris. Avant que ces fcenes d'horreur euiTent confommé la ruine des premières plages reconnues par les Efpagnols dans le Nouveau-Monde, quelques aventuriers de cette nation avoient formé des établiflèments moins confidérables a la Jamaïque, hPorto-Rico, è Cuba. Velafquès, fondateur de ce dernier, defiroitque fa colonie partageac, avec celle de Saint-Domingue, 1'avantage de faire des découvertes dans le continent& il trouva très-difpofés a feconder fes vues la' plupart de ceux qu'une avidité aclive & infat'iable avoit conduits dans fon ifle. Cent dix s'embarquerent, le 8 Février iSl?, fur trois petit. batiments aSaint-Iago, cinglerent al'Oueft;déGg 5 I c 1 VIII. Navigations qui conduifent les Efpagnols a la connoiflance du Mexique.  474 SUPPLÉMENTS barquerent fucceflivement a Yucatan, a Campêche; furent recus en ennemis fur les deux cótes ; périrent en grand nombre des coups qu'on leur porta, & regagnerent dans le plus grand défordre le port d'oü, quelques mois auparavant, ils étoient partis avec de fi flatteufes efpérances. Leur retour fut marqué par la fin du chef de 1'expédicion, Cordova, qui mouruc de fes bleffures. Jufqu'a cette époque, 1'autre hémifphere n'avoit offert aux Efpagnols que des fauvages nuds, errants, fans induftrie, fans gouvernement. Pour la première fois, on venoit de voir des peuples logés, vêtus, formés en corps de nation, aflèz avancés dans les arts pour convertir en vafes des métaux précieux. Cette découverte pouvoit faire craindre des dangers nouveaux: mais elle préfentoit auffi Pappat d'un butin plus riche; & deux cents quarante Efpagnols fe précipiterent dans quatre navires qu'armoit, & fes dépens, le chef de la colonie. Ils commencerent par vérifier ce qu'avoient publié les aventuriers qui les avoient précédés, pouflèrent enfuite leur navigation jufqu'k la riviere de Panuco, & crurent appercevoir partout des traces encore plus décifives de civilifation. Souvent ils débarquerent. Quelquefois on les atcaqua très-vivement, & quelquefois on les recuc avec un refpecl qui tenoic de PaJoration.  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 475 Dans une ou deux occafions, ils purenc échanger contre l'or du nouvel hémifphere quelques bagatelles de Panden. Les plus entreprenants d'entr'eux , opinoient k former un établiflèment fur ces belles plages; leur Commandant, Gnjalva,qui, quoique aétif, quoiqueintrépide, n'avoit pas 1'ame d'un héros, ne trouva pas fes forces fuffifantes pour une entreprife de cette irnportance. II reprit la route de Cuba , oü il rendit un compte, plus ou moins exagéré, de tout ce qu'il avoit vu, de tout ce qu'il avoic pu apprendre de 1'Empire du Mexique. La conquête de cecce vafte & opulence région eft aufli-töc arrêtéepar Velafquès. Le choix de 1'inftrumenc qu'il y employera Poccupe plus long-temps. II craint également de la confier a un homme qui manquera des qualités indiTpenfables pour la faire réuffir, ou qui aura tropd'am. bition pour lui en rendre hommage. Ses conti, dencs le décidenc enfin pour Ferdinand Corcès, celui de fes Lieutenants que fes calencs appellenc le plus impërieufemenc a Pexécucion du projec, mais le moins propre a remplir fes vues perfonnelles. L'aétivicé , 1'élévation , 1'audace que montre Ie nouveau chef dans les préparatifs d'une expédicion donc il prévoic & veuc écarcer lesdifficulcés, réveillenc couces les inquiécudes d'un Gouverneur nacurellemenc trop foupconneux. On Ie voit occupé, d'abord en feeree & publj.  4?6 SUPPLÉMENTS quement enfuite, du projet de retirer une commifTion importante qu'il fe reproche d'avoir inconfidérément donnée. Repentir tardif. Avant que foient achevés les arrangements imaginés pour retenir la flotte compofée de onze petits batiments, elle a mis a la voile, le io Février 1519, avec cent neuf matelots, cinq cents huit foldats,feizechevaux, treize moufquets, trentedeux arbaletes, un grand nombre d'épées & de piqués, quatre fauconneaux & dix pieces de campagne. Ces moyens d'invafion, tout infuffifants qu'ils pourront paroitre, n'avoient pas même étéfournis par la Couronne, qui ne contribuoit alors que de fon nom aux découvertes, aux établiflèments. C'étoient les particuliers qui formoienc des plans d'agrandiflèment, qui les dirigeoient par des combinaifons bien ou mal réfléchies, qui le* exécutoient a leurs dépens. La foif de l'or & 1'efprit de chevalerie qui régnoit encore , excitoient principalement la fermentation. Ces deux aiguillons faifoient a la fois courir dans le NouveauMonde, des hommes de la première & de la derniere claflè de la fociété; des brigands qui ne refpiroient que le pillage, &des efprits exaltés qui croyoient aller a la gloire. C'efl: pourquoi la tracé de ces premiers conquérants fut marquée par tant de forfaits & par tant d'actions extraordinaires; c'efl pourquoi leur cu-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 4?7 ftt fi & te„ fi ^ La doublé paffion des richefies & de ia re nomméeparoitanimer Conès. En fe rendant i fa deftination, il attaque les Indiens de Tabafco, bat plufieurs fois leurs troupes, les ré duit a demander la paix, recoit leur hommage, coton ^ ViVrgS' qUd^es toi,e* <*è coton & vmgt femmes qui le fuivent avec joie. Cetemprefièment avoit une caufe trop légitime. H ,e En Amérique, les hommes, &c. Page 37, après ces mots, développer les caufes lifez .-D'anciennes révolutions, dont 1'époque eftmconnue, ontbouleverfé la terre; & faf tronomie nous montre la poffibilitéde cescataf trophes dont Phiftoire phyfique & morale du monde offre une infinité de preuves inconteftables. Un grand nombre de cometes fe meuvent dans tous les fens autour du foleil. Loin que les mouvements de leurs orbites foient invarlbles, ils font fenfiblement altérés par 1'aclion des pla netes Plufieurs de ces grands corps ont paflé pres de la terre, & peuvent Pavoir rencontrée Cet événement eft peu vraifemblable dans le cours d une année ou même d'un fiecle : mais fa probabilité augmente tellement par le nombre des révolutions de la terre, qu'on peut prefque aflurer que cette planete n'a pas toujours échap-  478 SUPPLÉMENTS pé au choc des différences cometes qui traverfoient fon orbite. Cette rencontre a dü occafionner, fur Ia furface du globe, des ravages inexprimables. L'axe de rotation changé; les mers abandonnant leur ancienne pofition pour fe précipiter vers le nouvel équateur; la plus grande partie des animaux noyée par le déluge, ou détruite par la violente fecoulfe imprimée a Ia terre par la comete; des efpeces entieres anéanties : tels font les défaftres qu'une comete a du produire. Indépendamment de cette caufe générale de dévaftation, les tremblements de terre, les volcans, mille autres caufes inconnues, qui agiffenc dans 1'intérieur du globe & a fa furface, doivent changer la pofition refpeétive de fes parties, & par une fuite néceflaire la fituation de fes poles de rotation. Leseaux de la mer, déplacées par ces changements, doivent quitter un pays pour couvrir 1'autre, & caufer ainfi ces inondations, &c. Page \<ï , après ces mots, rallentiflbit les attaques, lifez: Une conftitution politique, qu'on ne fe feroit pas attendu a trouver dans le Nouveau-Monde, s'étoit formée dans cette contrée. Le pays étoit partagé, &c. , Page 43, après ces mots, pêché contre nature lifez : Le larcin, 1'adultere & 1'ivrognerie étoient en horreur: ceux qui étoient coupables de ces crimes étoient bannis.  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 479 Les loix permetcoient, &c. Page 43, après ces mots, honoroienr les vieillards, lifez : Leur pays, quoiqu'inégal, quoique peu écendu, quoique médiocrement fercile, écoic forc peuplé, aiTez bien culcivé, & Pon y vivoic heureux. Voila les hommes que les Efpagnols, &c. Page 47, après ces mots, au Roi d'Efpagne, lifez : Au milieu de ces fuccès, on apprendque Narvaès vienc d'arriver de Cuba avec huic cencs fancalfins, avec quacre-vingtschevaux, avec douze pieces de canon, pour prendre le commandemenc de Parmée, & pour exercer des vengeances. Ces forces écoienc envoyées par Velafquès, mécontenc que des avencuriers parcis fous fes aufpices euffenc renoncé k touce liaifon avec lui, qu'ils fe fulfenc déclarés indépendancs de fon autoricé, & qu'ils euflènc envoyés des dépucés en Europe, pour obcenir la confirmation des pouvoirs qu'ils s'écoienc arrogés eux-mêmes. Quoique Corcès n'aic que deux cencs cinquance hommes , il marche a fon rival; il le combac, le fait prifonnier, oblige les vaincus k mectre bas les armes, puis les leur rend en leur propofanc de le fuivre. II gagne leur cceur par fa confiance & fa magnanimité. Ces foldacs fe rangenc fous fes drapeaux; & avec eux, il reprend, fans perdre un momenc, la route de Mexico oü il n'avoic pu laifferque cent cinquante Efpagnols, qui, avec  480 SÜPPLÉMENTS les Tlafcakeques gardoient écroitement 1'Empereur. II y avoit des mouvements, &c. Page 50 , après ces mots, pour les dépouiller, lifez: Cortès, a fon retour a Mexico, trouva les fiens affiégés dans le quartier oü il les avoit laiffés. C'étoit un efpace affez vafte pour contenir les Efpagnols & leurs alliés, & entouré d'un mur épais, avec des tours placées de difhnce en diilance. On y avoit difpofé 1'artillerie le i mieux qu'il avoit été poffible; & le fervice s'y étoit toujours fait avec autant de régularité & de vigilance que dans une place afliégéc ou dans le camp le plus expofé. Le Général he pénétra dans cette efpece de forterelfe qu'après avoir | furmonté beaucoup de difficultés; & quand il y fut enfin parvenu, les dangers continuoient encore. L'acharnement des naturels du pays étoic tel, qu'ils hafardoienc de pénétrer par les embra1fnres du canon, dans 1'afyle qu'ils vouloienc forcer. Pour fe cirer d'une fituation fi défefpérée, les Efpagnols onc recours a des forcies. Elles fonc heureufes, fans être décifives. Les Mexicains montrenc un courage excraordinaire. Ils fe dévouenc gayement a une mort certaine. On les voit fe précipiter nuds & fans défenfe dans les rangs de leurs ennemis pour rendre leurs armes inutiles ou pour les leur arracher. Tous veulent pé- rir  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 481 rir pour délivrer leur patrie de ces étrangers qui précendoient y régner. Le combat le plus fanglant fe donne fur une élévation dont les Américains s'étoient emparés, & d'oü .ls accabloient de traits plus ou moins nwunrien tout ce qui fe préfentoit. La troupe chargee de les déloger eft trois fois repouflee. Cortes s indigne de cette réfiftance; & quoi. quaflez griévement bleiTé, veut fe chargerluirneme de 1'attaque. A peine eft-il en poffeffion de ce pofte important, que deux jeunes Mexicamsjettent leurs armes, & viennent a lui comme déferteurs. Ils mettent un genou a terre, dans la pcfture de fuppliants, le faififlènt & s'élancent avec une extréme vivacité dans Pefpérance de le faire périr, en Pentrainant avec eux Sa force ou fon adrefTe le débarraflènt de leurs mams, & üs meurent viclimes d'une entreprife généreufe & inutile. Cette aétion, mille autres d'une vigueur pareille, font defirer aux Efpagnols qu'on pui/Te trouver des moyens de conciliatiom Montezuma, toujours prifonnier, confent a devenir 1'inftrument de 1'efclavage de fon peuple, & i] fe montre, avec tout 1'appareil du tröne, fur la muraille pour engager fes fujets a celTer les hoftilites Leur indignation lui apprend que fon regne eft fin.; & les traits qu'ils lui lancent le percent d un coup mortel. * Suppl. Tomé ƒ.  482 SUPPLÉMENTS Un nouvel ordre de chofes fuit de prés ces événement tragique. Les Mexicains voyent a la fin que leur plan de défenlè , que leur plan d'atcaque font égalemenc mauvais; & ils fe bornent a couper les vivres a un ennemi que la fupériorité de fa difcipline & fes armes rend invincible. Cortès ne s'appercoit pas plutöt, &c. Page 56, après ces mots, auprès de leurs maitres, lifez : Depuis fix mois, Cortès müriffoit, en filence, fes grands projets, lorfqu'on le vit fortir de fa retraite, fuivi de cinq cents quatre-vingt-dix Efpagnols, de dix mille Tlalcalteques, de quelques autres Indiens, amenant quarante chevaux, & trainant huit ou neuf pieces de campagne. Sa marche vers le centre des Mexicains fuc facile & rapide. Les petites nations, qui auroient pu la retarder 011 1'embarralfer, furent toutes aifément fubjuguées, ou fe donnerent librement a lui. Plufieurs des peuplades qui occupoient les environs de la capitale de 1'Empire, furent aufli forcées de fubir fes loix, ou s'y foumirent d'elles mêmes. Des fuccès propres a étonner, même les plus préfomptueux, auroient dü naturellement livrer tous les cceurs au chef intrépide & prévoyant dont ils étoient Pouvrage. II n'en fut pas ainfi. Parmi fes foldats Efpagnols, il s'en trouvoit un aflez grand nombre qui avoient trop bien  A L'HÏST. PHILOSOPHIQUE. 4$3 confervé Ie fouvenir des dangers auxquels ife avoient fi dffficilement échappé. La crainte de ceux quil falloic courir encore les rendit prrfi. des. Ils convinrenc entre eux'de mafTacrer kur Général, & de faire paffer le commandemenc k un Officier, qui, abandonnant des projets qui leur paroifioient extravagants, prendroitdes mefures fages pour leur confervation. La crahifon alloit s exécuter, quand le remords conduific un des conjurés aux pieds de Cortès. Aufficöt ce geme hardi, dont les événemenrs inattendu* développoient de plus en plus Jes refiource*, faic arreter , juger ex punir Villafagna, moteur prin«pal d Bn fi „oir complot; mais après lui avoir arracbe une lifte exaéie de tous fes complice. II sagffiöit de diffiper Jes inquiétudes oue cette deconverre pouvoit caufer. On y réuffi;, en pubbant que le fcélérat a déchiré un papier qui concenoit, fans doute, le plan de la confpiL tion ou Ie nom des aflbeiés, & qu'il a emporté «on fecret au tombeau, malgré la rigueur des lupphees employés pour le lui arracher. Cependant, pour ne pas donner aux troupes le temps de trop réfléchir fur ce qui vient de fe paffer, Je Général fe haca d'actaquer Mexico, le grand objet de fon ambition & le terme des efpérances de Parmée. Ce projet préfentoit de grandes difficulrés. Des montagnes, qui Ia plüpart avoient mille Hb a  484 SUPPLÉMENTS pieds d'élévation, entouroient une plaine d'environ quarante lieues. La majeure partie de ce vafle efpace étoit occupée par des lacs qui communiquoient enfemble. A 1'extrémité feptentrionale du plus grand, avoit été batie, dans quelques petites ifles, la plus confidérable cité qui exifldt dans le Nouveau-Monde, avant que les Européens l'eufTent découvert. On y arrivoic par trois chauflees plus ou moins longues, mais toutes larges & folidement conilruites. Les habitants des rivages trop éloignés de ces grandes voies, s'y rendoient fur leurs canots. Cortès fe rendit maitre de la navigation par le moyen des petits navires dont on avoit préparé les matériaux a Tlafcala; & il fit attaquer les digues par Sandoval, par Alvarado & par Olid, ïi chacun defquels il avoit donné un nombre égal de canons, d'Efpagnols & d'Indiens auxi liaires. Tout étoit difpofé de longue main pour une réfiftance opiniatre. Les moyensde défenfe avoient été préparés par Quetlavaca, qui avoit remplacé Montezuma fon frere : mais la petite-vérole, portée dans ces contrées par un efclave de Narvaès, l'avoit fait périr; & lorfque le fiege commenca, c'étoit Guatiraofin qui tenoit les rênes de 1'Empire. Les aétions de ce jeune Prince furent toutes héroïques & toutes prudentes. Le feu de fes re-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 485 gards, 1'élévation de fes difcours, Péclat de fon courage faifoienc fur fes peuples 1'impreffion qu'il defiroic. II difputa le terrein pied a pied; & jamais il n'en abandonna un pouce qui ne fut jonché des cadavres de fes foldacs, & teint du fang de fes ennemis. Cinquante mille hommes, accourus de toutes les parties de 1'Empire a la défenfe de leur maitre & de leurs Dieux, avoient péri par le fer ou par Je feu; la famine faiföfc tous les jours des ravages inexprimables; des maladies contagieufes s'étoient jointes a tant de calamités, fans que fon ame eüt été un maant, un feul inftant ébranlée. Les affaillancs, après cent combats meurtriers & de grandes pertes, étoient parvenus au centre de Ia place, qu'il ne fongeoit pas encore a céder. On le fit enfin confentir a s'éloigner des décombres qui ne pouvoient plus être défendus, pour aller continuerla guerre dans les Provinces. Dans la vue de faciliter cette retraite, quelques ouvertures de paix furent falies a Cortès: mais cette noble rufe n'eut pas le fuccès qu'elle méritoit; & un brigantin s'empara du canot oü étoit le généreux & infortuné Monarque. Un financier Efpagnol imagina que Guatimofin avoit des tréfors cachés; & pour ie forcer & les déclarer, il le fit étendre fur des charbons ardents. Son favori, expoféè la même torture, lui adreflbit de triftes plaintes :Et moi, lui dit 1'Empereur, fuis-je fur des rofes? Moi Hh 3  486 SUPPLÉMENTS XII. Idee qu'on floit fe for mer du Mexique avant qu'il für foumis a 1'Efpagne. comparable a tous ceux que Phiftoire a tranfmis a Padmiration des hommes. Les Mexicains le rediroient a leurs enfancs, fi quelque jour ils pouvoient rendre aux Efpagnols fupplice pour fupplice, noyer cecce race d'exterminateurs dans la mer ou dans le fang. Ce peuple auroit peutêtre les aétes de fes martyrs, les annales de fes perfécutions. On y liroit, fans doure, que Guatimofin fut tiré demi-mort d'un gril ardent, & que, trois ans après, il fur pcndu publiquement, fous prétexte d'avoir confpiré contre fes tyrans & fes bourreaux. Si l'on en croit les Efpagnols, Mexico, dont après deux mois cc demi d'une attaque vive & réguliere, ils s'étoient enfin emparés avec le fecours de foixante ou de cent mille Indiens alliés, & par la fupériorité de leur difcipline, de leurs armes & de leurs navires: ce Mexico étoit une ville fuperbe. Ses murs renfermoient trente mille maifons, un peuple immenfe, de beaux édifices. Le palais du chef de 1'Etat, bad de marbre & de jafpe, avoit une étendue prodigieufe. Des bains', des fontaines, des flatues le décoroient. II étoit rempli de tableaux, qui, quoique faitsavec des plumes feulement, avoient de la couleur, de 1'éclat, de la vérité. La plupart des Grands avoient, ainfi que PEmpereur, des ménageries oü étoient raffemblés tous les animaux du nouveau continent. Des plantes de toute ef-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 487 pece couvroient leurs jardins. Ce que le fol & le climat avoient de rare & de brillant, étoit, &c. Page 58, après ces mots, bourgs & hameaux, lifez : Le refte de 1'Empire, autant que le permettoient les fites, préfentoit le même fpectacle : mais avec la différence qu'on trouve partout entre la capitale & les Provinces. . Ce peuple, qui n'étoit pas , &c. Page 58 , après ces mots, éveillés par fes befoms, lifez : Ce peuple, nous dit-on, s'étoit éievé k cette hauteur par fon feul génie. La fauffeté de cette defcription pompeufe, tracée dans des moments de vanité par un vainqueur naturellement porté a Pexagération, ou trompé par la grande fupériorité qu'avoit un' état réguliérement ordonné fur les contrées fauvages , devaftées jufqu'alors dans Pautre hémifphere : cette fauffeté peut être mife aifément a la portée de tous les efprits. Pour y parvenir, il ne fuffiroit pas d'oppofer 1'état aftuel du Mexique a 1'état oü les conquérants prétendent 1'avoir trouvé. Qui ne connoit les déplorables effets d'une tyrannie deftruélive, d'une longue oppreffion? Mais qu'on fe rappelle les ravages que les barbares, fortis du Nord, exercerent autrefois dans -les Gaules & en Italië. Lorfque ce torrent fut écoulé, ne refta-t-il pas fur la terre de grandes maffes qui atteftoient, qui atteftenc encore la puiffance des peuples fubjugués. La Hh 4  488 SUPPLÉMENT S région qui nous occupe, offre-t-elle de ces magnifiques ruines? II doic donc pafTer pour démontré que les édifices publics & particuliers, fi orgueilleufemenc décrits, n'étoienc que des amas informes de pierres entafiées les unes fur les autres; que la célebre Mexico n'étoit qu'une bourgade formée d'une multitude de cabanes ruftiques répandues irréguliérement fur un grand efpace; & que les autres lieux dont on a voulu exalter la grandeur ou la beauté, étoient encore inférieurs a cette première des cités. Les travaux des hommes ont toujours été proportionnés a leur force & aux inftruments dont ils fe fervoient. Sans la fcience de la méchanique & 1'invention de fes machines, point de grands monuments. Sans quartsde cercle & fans rélefcope, point de progrès merveilleux en aftronomie, nulle précifion dans les obfervations. Sans fer, point demarteaux, point de tenailles, point d'enclumes, point de forges, point defcies, point de haches, point de coignées, aucun ouvrage en métaux qui mérite d'être regardé, nulle maconnerie, nulle charpente, nulle menuiferie, nulle architeéture, nulle gravure, nulle fculpture. Avec ces moyens, quel temps ne faut-il pas k nos ouvriers pour féparer de la carrière, enlever & tranfporter un bloc de pierre? Quel temps pour 1'équarrir ? Sans nos relfources, comment en viendroit-on a bout? C'auroit été un  A LUIST. PHILOSOPHiQUE. 489 -homme d'un grand fens que Ie fauvage, qui, voyant pour la première fois un de nos grands édifices, 1'auroit admiré, non comme fceuvre de notre force & de notre indulïrie, mais comme un phénomene extraordinaire de la nature, qui auroit élevéd'elle-même ces colonnes, percé ces fenêtres, pofé ces entablements, & préparé unefi merveilieufe retraite. C'eütétéla plus belle des cavernes que les montagnes lui euffent encore offertes. Dépouillons Ie Mexique de tout ce que des récits fabuleux lui ont prêté, & nous trouverons que ce pays, fort fupérieur aux contrées fauvages que les Efpagnols avoient jufqu'alors parcouruesdansleNouveau-Monde, n'étoit rien en comparaifon des peuples civilifés de 1'ancien continent. L'Empire étoit foumis a un defpotifme auffi cruel que mal combiné. La crainte, cette grande roue des gouvernements arbitraires, y tenoit lieu de morale & de principes. Le chef de 1'Etat étoit devenu peu-a-peu une efpece de divinité fur laquelle les plus téméraires n'ofoient porter un regard, & dont les plus imprudents ne fe feroient pas permis de juger les acïions. On con50Ucomment des citoyens achetent cousles jours, par le facrifice de leur liberté, les douceurs & les commodités de la vie auxquelles ils font accoutumés dès 1'enfance : mais que des peuples Hh 5  4oo SUPPLÉMENTS a qui la nature brute offroit plus de bonheur que lachaine fociale qui les uniffoit, reitaflènt tranquillement dans la fervitude, fans penfer qu'il n'y avoit qu'une montagne ou une riviere a traverfer pour être libres : voila ce qui feroit incompréhenfible , fi l'on ne favoit combien 1'habitude & la fuperftition dénaturent par-tout 1'efpece humaine. Plufieurs des Provinces qu'on pouvoit regarder comme faifant partie de cette valïe domination fe gouvernoient par leurs premières loix & felon leurs maximes anciennes. Tributaires feulement de 1'Empire, elles continuoient aêtre régies par leurs Caciques. Les obligacions de ces grands vaffaux fe réduifoient a couvrir ou a reculer les frontieres de 1'Etat lorfqu'ils en recevoient 1'ordre ; a contribuer fans celfe aux charges publiques, originairement d'après un tarif réglé, & dans les derniers temps fuivant les befoins, 1'avidité ou les caprices du defpote. L'adminiftration des contrées plus immédiatement dépeudantes du tröne étoit confiée a des Grands, qui, dans leurs fonélions, étoient foulagés par des Nobles d'un rang inférieur. Ces Officiers eurent d'abord de la dignité & de 1'importance : mais ils n'étoient plus que les inftruments de la tyrannie, depuis que le pouvoir arbitraire s'étoit élevé fur les ruines d'un régime qu'on eüt pu appelier féodal.  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 401 A chacune de ces places étoit attachée une portion de terre, plus ou moins étendue. Ceux qui dirigeoient les Confeils, qui conduifoient les armées, que leurs poftes fixoient a la Cour, jouiflbient du même avantage. On changeoit de domaine en changeant d'occupadon, & l'on le perdoit dès qu'on rentroit dans la vie privée. II exiftoit des pofTelTions plus entieres , & qu'on pouvoit aliéner ou tranfmettre a fes defcendants. Elles étoient en petit nombre, & devoient être occupées par les citoyens des claffes les plus diftinguées. Le peuple n'avoic que des communes. Leur étendue étoit réglée fur le nombre des habitants. Dans quelques-unes, les travaux fe faifoient en fociété , & les récoltes étoient dépofées dans des greniers publics, pour être diftribuées felon les befoins. Dans d'autres, les culdvateurs fe partageoienc les champs, & les exploitoient pour leur utilité particuliere. Dans aucune, il n'étoit permis de difpofer du territoire. Plufieurs difïrias , plus ou moins étendus, étoient couverts d'efpeces de ferfs attachés a la glebe , paffant d'un propriétaire a 1'autre , & ne pouvanr prétendre qu'a la fubfiftance la plus groffiere & la plus étroite. Des hommes plusavilis encore; c'étoient les efclaves domefiiques. Leur vie étoit cenlée fi  49a SUPPLÊMENTS méprifable, qu'au rapport d'Herrera, on pouvoit les en priver, lans craindre d'être jamais recherché par la loi. Tous les ordres de 1'Etat contribuoient au maintien du gouvernement. Dans les fociétés un peu avancées, les tributs fe payentavec des métaux. Cette mefure commune de toutes les var leurs étoit ignorée des Mexicains, quoique l'or & 1'argent fuflènt fous leurs mains. Ils avoient, a la vérité, commencé a foupconner Putilité d'un moyen univerfel d'échange , &) déja ils employoient les grains de cacao dans quelques menus détails de commerce: mais leur emploi étoit très-borné, & ne pouvoit s'étendre jufqu'a 1'acquittement de l'impót. Les redevances dues au fifc étoient donc toutes foldées en nature. Comme tous les agents du fervice public recevoient leur falaire en denrées,on retenoit pour leur contribution une partie de ce qui leur étoit affigné. Les terres attachées a des offices, & celles qu'on poffédoic en toute propriété, donnoient a 1'Etat une partie de leurs produétions. Outre 1'obligation impofée k toutes les communautés, de cultiver une certaine étendue de fol pour la Couronne, elles lui devoient encore le tiers de leurs récoltes. Les chaffeurs, les pêcheurs, les potiers, les peintres, tous les ouvriers fans diftinétion ren-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 493 doient chaque mois la même ponion de leur induftrie. Les mendiants même étoient taxés k des contributions fixes que des travaux ou des aumónes devoient les mettre en état d'acquitter. Au Mexique, 1'agriculture étoit très-bornée, quoique le plus grand nombre de fes habitants en fiffent leur occupation unique. Ses foins fe bornoient au maïs & au cacao, & encore récoltoiton fort peu de ces produétions. S'il en eüt été autrement, les premiers Efpagnols n'auroient pas manqué fi fouvent de fubfifhmces. L'imperfeétion de ce premier des arts pouvoic avoir plufieurs caufes. Ces peuples avoient un grand penchant a 1'oifiveté. Les inftruments dont ils fe fervoient étoient défeétueux. Ils n'avoient dompté aucun animal qui put les foulager dans leurs travaux. Des peuples errants ou des bêtes fauves ravageoient leurs champs. Le Gouvernerment lesopprimoit fans relache. Enfin, leur conftitution phyfique étoit finguliérement foible, ce qui venoic en partie d'une nourriture mauvaife & infuffifante. Celle des hommes riches, des nobles & des gens en place avoit pour bafe, outre le produit des chalTes & des pêches, les poules d'inde, les canards & les lapins, les feuls animaux, avec de petits chiens, qu'on eüt fu apprivoifèr dans ces contrées. Mais les vivres de la mulcitude fe ré-  494 SUPPLEMENTS duifoient a du maïs, préparé de diverfes manieres ; a du cacao délayé dans 1'eau chaude , & aflaifonné avec du miel & du pimant; aux herbes des champsqui n'étoient pas trop dures, ou qui n'avoient pas de mauvaife odeur. Elle faifoic ufage de quelques boiff >ns qui ne pouvoient pas enivrer. Pour les liquenrs fortes, elles étoient 11 rigoureufement défendues, que pour en ufer, il falloit la permifllon du Gouvernemenr. On ne Paccordoit qu'aux vieillards & aux malades. Seulement, dans quelques folemnités & dans les travaux publics, chacun en avoit une mefure proportionnée a Page. L'ivrognerie étoit regardée comme le plus odieux des vices. On rafoit publiquement ceux qui en étoient convaincus, & leur maifon étoit abattue. S'ils exercoienc quelque office public, ils en éroient dépouillés, & déclarés incapables de jamais polTéder des charges. Les Mexicains étoient prefque généralemenc nuds. Leur corps étoic peint. Des plumes ombrageoient leur tête. Quelques oflements ou de petits ouvrages d'or , felon les rangs, pendoient h leur nez & a leurs oreilles. Les femmes n'a- J voient pour tout vêtement qu'une efpece de chemifequi defcendoit jufqu'aux genoux,& qui étoic ouverte fur la poitrine. C'étoit dans 1'arrangement de leurs cheveux que confiftoit leur parure principale. Les perfonnes d'un ordre fupérieur,  A LTIIST. PHILOSOPHIQUE. 495 PEmpereur lui-même, nétoient difiingués du peuple que par une efpece de manteau, compofé d'une piece de coton quarrée, nouéefur 1'épaule droite. Le palais du Prince & ceux des Grands, quoiqu'afièz étendus & confiruits de pierre, n'avoient ni commodités, ni élégance, ni même des fenêtres. La multitude occupoit des cabanes Mties avec de la terre & couvertes de branches d'arbre. II lui étoit défendu de les élever au - deffus du rez de-chauffée. Plufieurs families étoient fouvent entafiëes fous le même tolt. L'ameublement étoit digne des habitations. Dans la plupart, on ne trouvoit pour tapifferie que des nattes, pour lit que de la paille, pour fiegequ'un tiffu de feuilles depalmier, pour uilenfiles que des vafes de terre. Des toiles & des tapis de coton, travaillés avec plus ou moins de foin, & employés a divers ufages: c'étoit ce qui diflinguoit principalement les maifons riches de celles des gens du commun. Si les arts de néceffité première étoient fi imparfaits au Mexique, il en faut conclure que ceux d'agrément 1'étoient encore plus. La forme & 1'exécution du peu de vafes & de bijoux d'or ou d'argent qui font venus jufqu'a nous : tout efl également barbare. C'efl Ia même groffiéreté dans ces tableaux dont les premiers Efpagnols parierent avec tant d'admiration, & qu'on com.  49^ SUPPLÉMENTS pofoit avec des plumes de toutes les couleurs. Ces peintures n'exiftent plus, ou font du moins trés - rares: mais elles ont été gravées. L'artifte eft infiniment au-deflbus de fon fujet, foit qu'il repréfente des plantes, desanimauxou des hommes. II n'y a ni lumiere, ni ombre, ni deffin, ni vérité dans fon ouvrage. L'architeéture n'avoit pas fait de plus grands progrès. On ne retrouve dans toute 1'étendue de 1'Empire aucun ancien monument qui ait de la majefté, ni même des ruines qui rappellent le fouvenir d'une grandeur paffée. Jamais le Mexique ne put fe glorifier que des chaulfées qui conduifoient k fa capitale , que des acqueducs qui y amenoient de 1'eau potable d'une diftance fort confidérable. On étoit encore plus reculé dans les fciences que dans les arts; & c'étoit une fuite naturelle de la marche ordinaire de 1'efprit humain. II n'étoit guere poffible qu'un peuple dont la civilifation n'étoit pasancienne, & qui n'avoit pu recevoir aucune inftruéhon de fes voifins, eüt des connoifiances un peu étendues. Tout ce qu'on pourroit conclure de fes inftitutions religieufes & politiques, c'eft qu'il avoit fait quelques pas dans 1'aftronomie. Combien même il lui auroit fallu de fiecles pour s'éclairer, puifqu'il étoit privé du fecours de 1'écriture, puifqu'il étoit encore très-éloigné de ce moyen puiflant, & peutêtre  A L'HISÏ. PHILOSOPHIQÜE. A9? être unique de lumiere, par 1'imperfeétion de ce» hiéroglyphes! C'étoient des tableaux tracés fur des écorces d'arbre, fur des peaux de béte fauve, fur des toiles de coton, & deftinés a conferver Ie fouvenir des loix, des dogmes, des révolutions de 1'Empire. Le nombre, Ia couleur, 1'atdtude des figures: tout varioic felon les objets qu'il s'agiffoit d'exprimer. Quoique ces fignes imparfaicsne duffent pas avoir ce grand caraétere qui exclut tout doute raifonnable, on peut penfer qu'aidés par des traditions de corps & de familie, ils donnoient quelque connoilfance des événements paffés. L'indifférence des conquérants pour tout ce qui n'avoit pas trait a une avidité infatiable leur fit négliger la clef de ces dépots importants. Bientöt leurs moines les regarderent comme des monuments d'idoMtrie; & le premier Evêque de Mexico, Zummaraga, condamna aux Hammes tout ce qu'on en put raflèmbler. Le peu qui échappa de ce fanatique incendie & qui s'eft confervé fous Pun & 1'autre hémifphere, n'a pas diflipé depuis les ténebres oü la négligence des premiers Efpagnols nous avoit piongés. ^ On ignore jufqu'a 1'époque de la fondationde 1'Empire. A la vérité, les Hiftoriens Caftillans nous difent qu'avant le dixieme fiecle, ce vafte efpace n'étoit habité que par des hordes errantes & tout-a-fait fauvages. Ils nous difent que vers Suppl. Tome I. li  4p3 SUPPLÉMENTS cette époque, des tribus venues du Nord & da Nord-Oueft, occuperent quelques parties du territoire, & y porterent des rnceurs plus douces. Ils nous difent que trois cents ans après, un peuple encore plus avancé dans la civilifation, & forti du voifinage de la Californie, s'établit fur les bords des lacs, & y Mcit Mexico. Ils nous difent que cette derniere nation , fi fupérieure aux autres, n'eut durant un aflèz long période, que des chefs plus ou moins habiles, qu'elle élevoit, qu'elle deftituoit felon qu'elle le jugeoit convenable a fes intéréts. Ils nous difent que 1'autorité, jufqu'alors partagée & révocable, fut concentrée dans une feulemain, & devinc inamovible , cent trente ou cent quatre-vingt-dix-fept ans avant 1'arrivée des Efpagnols. Ils nous diiènt que les neuf Monarques qui porterent fuccefilvement la couronne, donnerent au domaine de 1'Etat une extenfion qu'il n'avoit pas eue fous 1'ancien gouvernement. Mais quelle foi peuton raifonnablement accorder & des annales confufes, contradictoires & remplies des plus abfurdes fables qu'on ait jamais expofées a la crédulité humaine ? Pour croire qu'une fociété dont la domination étoit fi étendue , dont les inftitutions étoient fi multipliées, dont le rit étoit fi régulier, avoit une origine auffi moderne qu'on Pa publié, il faudroic d'autres témoignagesque ceux des féroces foldats qui n'avoient ni le talent, ni  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. m 'h volönté de rien examiner; ü faudroit d'autres ftarants que des Prêtres fcaatiques, qui ne fon geotent qu'a élever Jeur culte fur Ja ruine des fuperft.tions qu'ils trouvoient établies. Que fau- Ie Bréfi/?"p . . r**er ou Ia détruire comme Ie Bréfil? Par erort-on au ourd'hui de J'antiquité de fes hvres, de fes loix & de fes mceurs* Q„L Jofophes pour y déterrer, pour y déchiffre 1 rumes de fon hiftoire, que ces favam '* * 2f TT' " dCS EC^oK mais des A : g!o.s des Francois qui auront toute Ja liberté tous les moyens de découvrir Ja véri é oe / être^ alors Ja faura-,on,fi Ja barbarij p^ Ces recherches ne pourroient pas cependant condmre a une connoiffance exacle de PaSne populanon de J'Empire. Elle étoit immen fe d"! fentles conquérants. Des habitants couvroiet es campagnes; les citoyens fourmilloien d n les villes; les armées étoient crès-nombreufes Stup.des relateurs, n'eft-ce pas vous qui nou alTurezquec'étoitunEtatnaifirant; que des güef res opimatres 1'agitoient fans cefTe; qu'on mal cronfurle champde bataiJJe,ou quln facriS aux D.eux dans les temples tous Jes prifonn ers. qua la mort de chaque Empereur'de chTque' li 3  5oo SUPPLÉMENTS Cacique, de chaque Grand, un nombre de victimes proportiormé k leur dignité' étoic immolé fur leur tombe; qu'un gout dépravé faifoit généralement négliger les femmes; que les meres nourriffoient de leur propre lait leurs enfants duranc quacre ou cinq années, & ceifoienc de bonne heure d'êcre fécondes; que les peuples gémiffoienc par-cout & fans relache fous les vexations du fifc; que des eaux corrompues, que de vaftes forêts couvroient les Provinces; que les aventuriers Efpagnols eurenc plus a fouffrir de la difette que de la longueur des marches, que des traits de 1'ennemi. Comment concilier des faics, certifiés par cant de cémoins, avec cecte excefïïve populacion fi folemnellemenc atteftée dans vos orgueilleufes annales? Avant que la faine philofophie eut fixé un regard accencif fur vos écranges contradiétions; lorfque la haine qu'on vous portoit faifoic ajouter une foi entiere k vos folies exagérations, 1'univers, qui ne voyoit plus qu'un défert dans le Mexique, étoit convaincu que vous aviez précipité au tombeau des générations innombrables. Sans doute, vos farouches foldats fe fouillerent trop fouvent d'un fang innocent; fans doute, vos fanatiques miffionnaires ne s'oppoferent pas k ces barbaries comme ils le devoient; fans doute, une tyrannie inquiete, une avarice infatiable enleverent k cette in-  A L'HIST. PHILÓSOPHIQUE. 501 Fortunée partie du Nouveau-Monde beaucoup de fes foibles enfants : mais vos cruautés furent moindres que les hiftoriens de vos ravages n'ont autorifé les nations ale penfer. Et c'eft moi, moi que vous regardez comme le décracteur de votre caraélere, qui même en vous accufant d'ignorance & d'impofture, deviens, autant qu'il fe peut, votre apologifte. Aimeriez-vous mieux qu'on furfic le nombre de vos aflaffinacs, que de dévoiler votre ftupidité & vos contradiétions ? Ici, j'en attefte le Ciel, je ne me fuis occupé qu'k vous laver du fang dont vous paroilfez glorieux d'être couverts; & par-tout ailleurs oüj'ai parlé de vous, que des moyens de rendre a votre nation fa première fplendeur, & d'adoucirle fort des peuples malheureux qui vous fonc foumis. Si vous me découvrez quelque haine fecrete ou quelque vue d'intérêt, je m'abandonne a votre mépris. Ai-je traité les autres dévaftateurs du Nouveau-Monde , les Francois même mes compatriotes, avec plus de ménagement? Pourquoi donc êces-vous les feuls que j'aie offenfés ? C'efl: qu'il ne vous refte que de 1'orgueil. Devenez puiflants, vous deviendrez moins ombrageux; & la vérité, qui vous fera rougir, ceflèra de vous irriter. Quelle que fut la population du Mexique , la prife de la capitale entraïpa la foumiflion de ü 3  Soa SUPPLÉMENTS 1'Etat entier. II n'étoit pas auffi étendu qu'on le croit communément. Sur la mer du Sud» 1'Empire ne commengoic qu'a Nicaragua, & fe terminoit a Acapulco : encore une partie des cótes qui baignent cet océan n'avoit-elle jamais été fubjuguée. Sur la mer du Nord, rien prefque ne le coupoit depuis la riviere de Tabafco jufqu'a celle de Panuco : mais dans Pintérieur des terres, Tlafcala , Tepeaca , Mechoacan, Chiapa , quelques autres diftriéts moins confidérables , avoient confervé leur indépendance* La liberté leur futravie en moins d'une année, par le conquérant auquel il fuffifoit d'envoyer dix, quinze, vingt chevaux pour n'éprouver aucune réfiftance; & avant la fin de 1522, les Provinces qui avoient repoufTé les loix des Mexicains & rendu la communication de leurs poffeffions difficile ou impradcable, firent toutes partie de la domination Efpagnole. Avec le temps, elle recut encore des accroifièments immenfes du cóté du Nord. Ils auroient même été plus confidérables, fur-tout plus utiles, fans les barbaries incroyables qui les accompagnoient ou qui les fuivoient. A peine les Caftillans fe virent-ils les maitres du Mexique, qu'ils s'en partagerent les meilleures terres, qu'ils réduifirent en fervitude le peuple qui les avoit défrichées, qu'ils le condamnerent a des travaux que fa conftitution phyfique,  A L'HIST. PHILOSOPJHIQUE. 503 que fes habitudes ne comporcoienc pas. Cette opprellion générale excita de grands foulevements. II n'y eut point de concert, il n'y eut point de chef, il n'y eut point de plan; & ce fut le défefpoir feul quiproduifit cette grande explofion. Le fort voulut qu'elle tournet contre les trop malheureux Indiens. Un conquérant irrité, le fer & la flamme a la main, fe porta avec la rapidité de 1'éclair d'une extrémité de 1'Empire a 1'autre, & laifla par-tout des traces d'une vengeance éclatante dont les détails feroient frémir les ames les plus fanguinaires. II y eut une barbare émulation entre 1'Officier & le foldat a qui immoleroic le plus de viétimes; &le Général lui-même furpalfa peut-être en férocicé fes troupes & fes Lieutenants. Cependant, Cortès ne recueillit pas de tant d'inhumanités le fruit qu'il s'en pouvoit promectre. II commencoic a entrer dans la politique de la Cour de Madrid de ne pas laiffer a ceux de fes fujets qui s'étoient fignalés par quelque importante découverte, le temps de s'affermir dans leur domination, dans la crainte bien ou mal fondée qu'ils ne fongeaiTent a fe rendre indépendants de la Couronne. Si le conquérant du Mexi. que ne donna pas lieu a ce fyftême, du moins en fut-il une des premières viétimes. On diminuoit chaque jour les pouvoirs illimités donc il avoit joui d'abord; & avec le temps on les réli 4  504 SUPPLÉMENTS duifit a fi peu de chofe, qu'il crue devoir préférer une condition privée aux vaines apparences d'une autorité qu'accompagnoient les plus grands dégoüts. Cet Efpagnol fut defpote & cruel. Ses fuccès font flétris par 1'injuftice de fes projets. C'eft un affaffin couvert de fang innocent: mais fes vices font de fon temps ou de fa nation, & fes vertus font a lui. Placez cet homme chez les peuples anciens. Donnez-lui une autre éducadon, un autre efprit, d'autres mceurs, une autre religion. Mettez-le a la tête de la flotte qui s'avanca contre Xerxès. Comptez-le parmi les Spartiates qui fe préfenterent au détroit des Thermopiles, ou fuppofez-le parmi ces généreux Bataves qui s'affranchirent de la tyrannie de fes compatriotes, & Cortès fera un grand homme. Ses qualités feront héroïques, fa mémoire fera fans repro<:he. Céfar, né dans le quinzieme fiecle, & Général au Mexique, eut été plus méchant que Cortès. Pour excufer les fautes qui lui ont été reprochées, il fauc fe demander a föi-même ce qu'on peut attendre de mieux d'un homme qui fait les premiers pas dans des régions inconnues, & qui efl- prelfé de pourvoir a fa füreté. II feroit bien injufte de le confondre avec le fondateur paifible qui connoit la contrée, & qui difpofe k fon gré des moyens, de 1'efpace & du temps. Depuis que le Mexique eut fubi le joug des  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 505 Caftillans, cetce vafte contrée ne fuc plus expofée a 1'invafion. Aucun ennemi voifin ou éloigné ne ravagea fes Provinces. La paix donc elle jouilfoic ne fuc excérieuremenc croublée que par des piraces. Dans la mer du Sud, les entreprifes de ces brigands fe bornerenc h la prife d'un petic nombre de vaiffeaux : mais au Nord, ils pillerenc une fois Campeche, deux fois VeraCrux, & fouvénc ils porcerenc la défolation fur des cótes moins connues, moins riches & moins défendues. Pendanc que la navigation & les rivages de cette opulente région fonc en proie aux corfaires & aux efcadres des nations révolcées de 1'ambicion de 1'Efpagne, ou feulemenc jaloufes de fa fupérioricé, les Chichemecas croublenc 1'intérieur de 1'Empire. C'étoienc, fi l'on en croic Herrera & Torquemada, les peuples qui occupoienc les meilleures plaines de la contrée avanc 1'arrivée des Mexicains. Pour évicer les fers que leur préparoic le conquéranc, ils fe réfugierenc dans des eavernes & dans des moncagnes oü s'accruc leur férocité naturelle, &oüilsmenoient une vie enciéremenc animale. La nouvelle révolucion qui venoic de changer 1'état de leur ancienne patrie ne les difpofa pas & des mceurs plus douces; & ce qu'ils virenc ou qu'ils apprirenc du caraélere Efpagnol leur infpira une haine implacable consre une nation fi fiere & fi oppreffive. Cetce paf- xnr. Troubles extérieurs ou intérieurs qui ont agité le Mexique , depuis qu'il eft devenu une pofiefiïon Efpagnole.  506 SUPPLÉMENTS fion, toujours terrible dans des fauvages, fe manifefta par les ravages qu'ils porterent dans tous les établiflèments qu'on formoit a leur voifinage, par les cruautés qu'ils exercoient fur ceux qui entreprenoient d'y ouvrir des mines. Inutilement, pour les contenir ou les réprimer, il fut établi des forts & des garnifons fur la frontiere, leur rage ne difcontinua pas jufqu'en 1592. A cette époque, le Capitaine Caldena leur perfuada de mettre fin aux hoflilités. Dans la vue de rendre durables ces fentiments pacifiques, le Gouvernement leur fit batir des habitations, les raffembla dans plufieurs bourgades, & envoya au milieu d'eux quatre cents families TIafcalteques, dont 1'emploi devoit être de former a quelques arts, h quelques cultures un peuple qui jufqu'alors n'avoit été couvert que de peaux, n'avoit vécu que de chaffe ou des produétions fpontanées de la nature. Ces mefures, quoique fages, ne réuflirent que tardf Les Chichemecas fe refuferent long-temps h 1'inftruétion qu'on avoit entrepris de leur donner, repouflèrent même toute liaifon avec des inflituteurs bienfaifants & Américains. Ce ne fut qu'en 1608 que 1'Efpagne fut déchargée du foin de les habiller & de les nourrir. Dix-huit ans après, Mexico voit fe heurter avec le plus grand éclat la puiflance civile & la puiflance eccléfiaftique. Un homme convaincu  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 5o7 de mille crimes cherche au pied desaucels Pimpunné de tous fes forfaits. Le Vice-Roi Gelves Pen fait arracher. Cet aéïe d'une juftice néceflaire paffe pour un attentat contre la divinité meme. La foudre de 1'excommunication eft lancée. Le peuple fe fouleve. Le Clergé féculier & régulier prend les armes. On brule le palais du Commandant; on enfonce le poignard dans le fein defcs gardes, de fes amis, de fes partifans. Lui-meme il eft mis aux fers & embarqué pour 1 Europe avec foixante-dix Gentilshommes qui n om pas craint d'embraiTer fes intéréts. L'Areheveque, auteur de tant de calamités, & donc Ia vengeance n'eft pas encore aflbuvie, fuit fa viébme avec le defir & 1'efpoir de Pimmoler. Apres avoir quelque temps balancé, la Cour fe decide enfin pour le fanatifme. Le défenfeur des droits du tróne & de Pordre eft condamné h un oubh entier; & fon fucceffeur autorifé a confacrer folemnellement toutes les entreprifes de la foperfticion, & plus particuliéremenc la fuperftition des afyles, Le moe afyle, pris dans coute fon étendue, pourroit fignifier tout lieu, tout privilege, toute diftinéhon qui garantit uncoupable del'exercice impartial de Ia juftice. Car qu'eft-ce qu'un titre qui affoibht ou fufpend Pautorité de la loi? un afyle Qu eft-ce que la prifon qui dérobe le criminel a la prifon commune de cous les malfai-  5o8 SUPPLÉMËNTS teors? un afyle. Qu'eft-ce qu'une retraite ou lé créancier ne peut aller faifir le débiteur fraudu. leux? un afyle. Qu'eft-ce que 1'enceinte, ou l'on peut exercer fans titre toutesies fonétions de la fociété, & cela dans une contrée oü le refte des citoyens n'en obtient le droit qu'a prix d'argent? un afyle. Qu'eft-ce qu'un tribunal auquel on peut appelier d'une fentence définitive prononcée par un autre tribunal cenfé le dernier de la loi? un afyle. Qu'eft-ce qu'un privilege exclufif, pour quelque motif qu'il ait été follicité & obtenu ? un afyle. Dans un Empire oü les citoyens partageant inégalement les avantages de la fociété n'en partagent par les fardeauxproportionnellementa ces avantages, qu'eftce que les diverfes diftinctions qui foulagenc les uns aux dépens des autres? des afyles. On connoit 1'afyle du Tyran, 1'afyle du Prêtre, 1'afyle du Miniftre, 1'afyle du Noble, 1'afyle du traitant, 1'afyle du commercant. Je nommerois prefque toutes les conditions de la fociété. Quelle eft en effet celle qui n'a pas un abri en faveur d'un certain nombre de malverfations qu'elle peut commeccre avec impunité ? Cependant les plus dangereux des afyles ne font pas ceux oü l'on fe fauve, mais ceux que l'on porte avec foi, qui fuivent le coupable & qui 1'entourent, qui lui fervent debouclier, & qui forment entre lui & moi une enceince au  A L'HÏST. PHILOSOPHIQUE. 500 centre de laquelle il eft placé, & d'oü il peur. m'infulcer fans que le chatiment puiflè Patceindre. Tels font 1'habit & le caraélere eccléfiaftiques. L'un & 1'autre étoient autrefois une forte d'afyle oü 1'impunité des forfaits les plus criants étoicprefqu'affurée. Ce privilege eft-il bien éteint ? J'ai vu fouvent conduire des Moines &des Prêcres dans les prifons : mais je n'en ai prefque jamais vu fortir pour aller au lieu public des exécucions. Eh quoi! paree qu'un homme par fon état eft obligé a des mceurs plus faintes, il obtiendra des ménagements, une commiféracion qu'on refufera au coupable qui n'eft pas Iié par la même obligacion... Mais le refpeél dü h fes fonétions, a fon vêtemenc, a fon caraélere ?... Mais la juftice due égalemenc & fans diftinétions a tous les •citoyens.... Si le glaive de la loi ne fe promene pas indifféremmencpar-tout; s'il vacille ; s'il s'éleve ou s'abaiflè felon la cêce qu'il rencontre fur fon paffage, la fociété eft mal ordonnée. Alors il exifte, fous un autre nom, fous une autre forme , un privilege déceftable , un abri incerdit aux uns & réfervé aux autres. Mais ces afyles, quoique généralement contraires a la profpérité des fociétés, ne fixeronc pas ici nocre accention. II s'agira uniquemenc de ceuxqu'onc offert, qu'offrent encore aujourd'hui les temples dans plufieurs parties du globe.  510 SUPPLÉMENT^ Ces refuges furent eonnus des anciens. Dans* la Grece encore a demi-barbare, on penfa que la tyrannie ne pouvoit être réfrénée que par la Religion. Lesftatues d'Hercule, de Théfée, de Pirithoüsparurent propres a infpirer de la terreur aux fcélérats, lorfqu'ils n'eurent plus k redouter leurs mafTues. Mais aulfi-töt que 1'afyle inftitué en faveur de 1'inhocence ne fervit plus qu'au falut'du coupable, aux intéréts & a la vanité des confervateurs du privilege, ces retraites furent abolies. D'autres peuples, k Pimitatioh des Grecs> établirent des afyles. Mais le citoyen ne fe jet* toit dans le fein des Dieux que pour fe fouftraire k la main armée qui le pourfuivoit. Lk, il invoquoit la loi; il appelloit le peuple a fon fecours. Ses concitoyens accouroient. Le Magiftrat ap* prochoit. II étoit interrogé. S'il avoit abufé de 1'afyle, il étoit doublement puni. II recevoit le chÉkiment & du forfait qu'il avoit commis, & de Ja profanation du lieu oü il s'étoit fauvé. Romulus voulut peupler fa ville, & il en fit tm afyle. Quelques temples devinrenc des afyles fous la République. Après la monde Céfar, les . Triumvirs voulurent que fa chapelle fut un afyle. Dans les fiecles fuivants, la balTeffe des peuples érigea fouvent les ftatues des tyrans en afyles. Ceft de-la que l'efclave infultoit fon maitre. C'eft de-Ik que Ie perfécuteur du repos public  A L'HIST. PHILOSOPHIQÜE. $tt ■ (boleroic la canaille contre les gens de bien. Cette horrible infticution de la barbarie & du paganifme caufoit des maux inexprimables, lorfque ie chriftianifme, montéfur le tröne de 1'Empire , ne rougit pas de Padopter, & même de 1'étendre. Bientöt les fuites de cette politique eccléfiaftique fe firent cruelleroent fentir. Les loix perdirent leur autorité. L'ordre focial étoit interverti. Alors le Magiftrat attaqua les afyles avec • courage; le Prêtre les défendit avec opiniatreté, Ce fut durant plufieurs fiecles une guerre vive & pleine d'animofité. Le parti qui prévaloit fous un regne ferme fuccomboit fous un Prince fuperftitieux. Quelquefois cet afyle étoic général, & quelquefois il étoit reftreint. Anéanci dans un temps, réintégré dans un autre. Ce qui doic furprendre dans une infticucion fi vifiblemenc contraire a 1'équité naturelle k la loi civile, a la fainteté de la Religion, a 1'efpnt de l'Evangile, au bon ordre de la fociété c'eft fa durée; c'eft la diverfité desédics des Era' pereurs, la contradiétion des canons, 1'entêtemenc de plufieurs Evêques; c'eft fur-couc 1'excravagance des jurifconfultes, fur 1'étendue de 1'afyle felon le titre des Eglifes. Si c'eft une grande Eghfe, 1'afyle aura tant de pieds de franchife hors de fon enceinte; fi c'eft une moindreEglife, la franchife de 1'enceince fera moins écendue; moins encore, fi c'eft une chapelle; la même,  5ia SUPPLÉMENTS que PEglife foit confacrée ou ne le foit pas. II eft bien étrange que dans une longue fuite de génërations, pas un Monarque, pas un Eccléfiaftique, pas un Magiftrat, pas un feul homme n'ait rappellé a fes contemporains les beaux jours du Chriftianifme. Autrefois, auroit-il pu leur dfre, autrefois le pécheur étoit arrêté pendant des années a la porte du temple oü il expioic fa faute expofé aux injures de Pair, en préfence de tous les fideles, de tous les citoyens. L'entrée de PEglife ne lui étoit accordée que pas a pas. II n'approchoic du fanétuaire qu'a mefure que fa pénitence s'avancoit. Et aujourd'hui un fcélérat, un concufllonnaire, un voleur, un aflaflln couvert de fang ne trouve pas feulemenc les portes de nos temples ouvertes; il y trouve encore proteétion, impunité , aliment & fécurité. Mais fi Paflaflin avoit plongé le poignard dans le fein d'un citoyen fur les marches même de 1'autel, que feriez-vous? Le lieu de la fcene fanglante deviendra-t-il fon afyle? Voila certes un privilege bien commode pour les fcélérats. Pourquoi tueront-ils dansles rues,dans les maifons, fur les grands chemins oü ils peuvent êtrefaifis? Que ne tuent-ils dans les Eglifes? Jamais il n'y eut un exemple plus révoltant du mépris des loix & de 1'ambition eccléfiaflique que cette immunité des temples. II étoit réfervé a la fuperitition de  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 513 de rendre dans ce monde PEtre fuprême protec teur des mêmes crimes qu'il punk dans une autre vie par des peines éternelles. On dok efpérer que Pexcès du mal fera fentir la néceüué du remede. Cette heureufe révolution arrivera plus tard ailleurs qu'au Mexique , oü les peuples fonc piongés dans une ignorance plus profonde encore que dans les autres régions foumifes a la Caftille. En 1732, les élémencs conjurés englouurenc une des plus riches floctes qui fuffenc jamais forties de cette opulente partie du Nouveau-Monde. Le défefpoir fut univerfel dans les deux hémifphere-, Chez un peuPle plongé dans Ia fuperftidon, tous les événements fonc miraculeux; & le courroux du Ciel fut généralemenc regardé comme la caufe unique d'un grand defaftre, que 1'inexpériënce du pilote & d'autres caufes tout auffi naturelles pouvoienc forc bien avoir amené. Un auto-da-fé paruc Ie plus für moyen de recouvrer les boncés divines; & trentehmc malheureux périrenc dans les flammeS viétimes d'un aveuglement fi déplorable. _ II me femble que j'affifle h cette horrible expiation. Je la vois, je m'écrie : „ Monflres exé„ crables, arrêtez. Quelle iiaifon y a-t-il entre ,, le malheur que vous avez éprouvé &le crime „ imaginaire ou réel de ceux que vous détenez " TnS ;°l,Prif0^? S'ils ont des opinions qui ouppl. Tomé I. Kk  514 SUPPLÉMENTS , les rendent odieux aux yeux de TEtemel , „ c'eft a lui a lancer la foudre fur leurs têtes? II „ les a foufferts pendant un grand nombre d'an» „ nées; il les fouffre, & vous les tourmentez. „ Quand il auroit a les condamner h des peines „ fans fin au jour terrible de fa vengeance, eft„ ce k vous d'accélérer leurs fupplices ? Pour„ quoi leur ravir le moment d'une réfipifcence „ qui lesattend peut-être dans la caducité, dans „ le danger, dans la maladie? Mais, infatnes „ que vous êtes, Prêtres diffolus, Moines im„ pudiques, vos crimes ne fuffifoient - ils pas „ pour exciterle courroux du Ciel? Corrigez„ vous, profternez - vous aux pieds des autels; „ couvrez vous de facs & de cendres; implorez „ la miféricorde d'en-haut, au-lieu de trainer „ fur un bücher des innocents dont la mort, „ loin d'effacervos forfaits, enaccroitra lenom„ bre de trente - huit autres qui ne vous feront „ jamais remis. Pour appaifer Dieu, vous bru„ lez des hommes! Etes - vous des adorateurs „ de Moloch " ? Mais ils ne m'entendent pas h & les malheureufes vicYtmes de leur fuperftitieufe barbarie ont été précipitées dans les flammes. Une calamité d'un autre genre affligea peu après le nouveau Mexique, limitrophe & dépendant de Tanden. Cette vaftecontrée, fituéepour la plus grande partie dans la Zone tempérée, fut  A L'HIST. PHILOSOPHIQOE. 515 #z long- temps inconnue aux dévaftateurs de PAmérique, Le miffionnaire Ruys y pénécra le premieren 1580. Il fuc bientöt ftüvi par le Capitaine Efpajo, & enfin par jean d'Onace , qui, par une fuicede cravaux commencés en 1599, & terminés en 16ii, parvinc a ouvrir des mines, a multiplier les troupeaux & les fubfiflances, i établir folidemenrla dominacion Efpagnole. Des troubles civils dérangent,en 1652,1'ordre qu'il a étabh. Dans le cours de ces animofités, le Commandant Rofas eft afTaffiné, & ceux de fes arms qui tentenc de venger fa mort, périffent après lui. Les atrocités continuent jufqu'a 1'arrivée tardive de Pagnaloffe. Ce chef intrépide & féve* re, avoic prefque étouffé la rébellion, lorfque, dans 1'accès d'une jufte indignacion, il donne un iouffleca un moine curbulent qui lui parloic avec infolence, qui ofoic même le menacer. Auffi-cöc les Cordeliers, maitres du pays, Parrêcenc. II eft excommunié, livré a PInquificion, & con* damné a des amendesconfidérables. Inutilement, il preffe la Cour de venger 1'aucorité royale violée en fa perfonne , le crédic de fes ennemis Pemporce fur fes follicicacions. Leur rage & leur influencelui fonc même craindre un forc plus funefte; & pour fe dérober a leurs poignards, pour fe fouftraire a leurs intrigues, il lë réfugié en Angleterre, abandonnant les rênes du gouvernement a qui voudra ou pourra s'en faifir. Cetce Kk 2  5i6 SUPPLÉMENTS retraite plonge encore la Province dans de nouveaux malheurs; & ce n'eft qu'après dix ans d'anarchie & decarnage, que tout ren tre enfin dans 1'ordre & la foumiffion. Eft-il rien de plus abfurde que cette autorité des moines en Amérique ? Ils y font fans lumieres & fans mceurs; leur indépendance y foule aux pieds leurs conftitutions & leurs vceux; leur conduite eft fcandaleufe; leurs maifons font autanc de mauvais lieux, & leurs tribunaux de pénitence autant de boutiques de commerce. C'eftla que, pour une piece d'argent, ils tranquillifenc la confcience du fcélérat; c'eft-la qu'ils inilnuent la corruption au fond des ames innocencences, & qu'ils entrainent les femmes & les iïlles dans la débauche; ce fonc autant de fimoniaques qui trafiquent publiquement des chofes faintes. Le chriftianifme qu'ils enfeignent eft fouillé de toutes fortes d'abfurdités. Captateurs d'héritages, ils trompent, ils voient, ils fe parjurent. Ils aviliffent les magiftrats; ils les croifent dans leurs opérations. II n'y a point de forfaits qu'ils ne puiffent commettre impunément. Ils infpirenc aux peuples 1'efpric de la révolte. Ce font autant de fauteurs de la fuperftition , la caufe de tous les troubles qui ont agité ces contrées lointaines. Tanc qu'ils y fubfifteronc, ils y entretiendronc Panarchie, par la confiance auffi aveugle qu'illimicée qu'ils  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 517 ont obtenue des peuples , & par la pufillanimité qu'ils ont infpirée aux dépofitaires de Pautorité dont ils difpofent par leurs incrigues. De quelle fi grande utilité font-ils donc ? Seroient-ils délateurs ? Une fage adminiftracion n'a pas befoin de ce moyen. Les ménageroiton comme un contrepoids a la puiflance des Vices-Rois? C'efl; une terreur panique. Seroient-ils tributaires des Grands? C'eft un vice qu'il fauc faire ceflèr. Sous quelque face qu'on confidere les chofes, les moines font des miférables qui fcandalifent & qui fatiguent trop le Mexique pour les y laiflèr fubfifter plus long-temps. La foumiflion, 1'ordre y furent de nouveau & plus généralement troublés en 1693, par une loi qui interdifoit aux Indiens 1'ufage des liqueurs fortes. La défenfe ne pouvoit pas avoir pour obj'et celles de 1'Europe, d'un prix néceflairement trop haut, pour que des hommes conftamment opprimés, conftamment dépouillés, enfiffent jamais ufage. C'étoit uniquement du pulque que le Gouvernement cherchoit a les détacher. On tire cette boiflön d'une plante connue au Mexique fous le nom de maguey, & femblable k un aloës pour la forme. Ses feuilles, raflèmblées autour du collet de la racine, font épaiffes, charnues, prefque droites, longues de plufieurs pieds, creufées en gouttieres, épineufes fur le dos, & terminées par une pointe trèsKk 3  518 SUPPLEMENTS acérée. La tige qui forc dy milieu de cette touffe s'éleve deux fois plus hauc, & porte a fon fommec ramifié des fleurs jaunatres. Leur calice a fix divifions eft chargé d'autanc d'étamines. II adhere par le bas au piflil qui devient avec lui une capfule a trois loges remplie de femences. Le maguey croit par-tout dans le Mexique, é% fe multiplie facilement de bouture. On en fait des haies. Ses diverfes parties ont chacune leur utilité. Les racines font employées pour faire des cordes, les tiges donnent du bois; les pointes des feuilles fervent de clous ou d'aiguilles; les feuilles elles-mêmes font bonnes pour couvrir les toits, on les fait auffi rouir, & l'on en retire un fil propre a fabriquer divers tiflus. Mais le produic le plus eftimé du maguey eft une eau douce & tranfparente qui fe ramaffe dans un trou creufé avec un inffrumentdans le milieu de la touffe, après qu'on en a arraché les bourgeons & les feuilles intérieures. Tous les jours, ce trou profond de trois ou quatre pouces fe remplit, tous les jours on le vuide; & cette abondance dure une année entiere, quelquefois même dix-huit mois. Cette liqueur épaiflie forme un véritable fucre: mais mêlée avec de Peau de fontaine & dépofée dans de grands vafes, elle acquiert au bout de quatre ou cinq jours de fermentation , le piquant & prefque le gout du cidre. Si l'on y ajoute des écorces d'orange & de ne, un ceil réfineux. Leur goüt eftun peu acre, & caufe des naufées. Le meilleur jalap eft con> paft, réfineux, brun, difficile a rornpre & in» flamniable. On ne le donne qu'a une dofe trèspedte, paree qu'il eft très-aftif, & purge violeminent. Son extraic réfineux faic par 1'efprit-de-vin eft employé aux mêmes ufages, mais avec plus de précaution. L'Europe en confomme annuellement fepc mille cinq cents quintaux qu'elle paye 972,000 livres. La vanille eft une plante qui, comme le lierre, s'accroche aux arbres qu'elle rencontre, les couvre prefqu'entiérement, & s'éleve par leur fecours. Sa dge, de la grofïèur du petit doigt, eft verdêtre, charnue , prefque cylindrique, noueufe par intervalle, & farmenteufe comm» celle de la vigne. Chaque nceud eft garni d'une feuille alterne, aflèz épaiflè, de forme ovale, longue de huit pouces, & large de trois. II pouflè aufli des racines qui pénétranc 1 ecorce des arbres, en tirent une nourriture fuffifante pour foutenir quelque temps la plante en vigueur, lorfque par accident le bas de la tige eftendommagé ou même féparé de la racine principale. Cette tige, parvenue a une certaine hauteur, fe ramifie, s'étend fur les cótés, & fe couvre de bouquets 3e fleurs aflèz grandes, blanches en-dedans, ver;tètres en-dehors. Cinq des divifions de leur calice  A L'HIST. PHILOSOPHIQÜE. 529 ïtcé fonc longues, écroices & ondulées. La fixieme,plus inférieure, préfence Ja forme d'un corvee. Le piftil qu'elles couronnenc fupporce une feule écamine. Ildevienc, en mftriffint, un fruit charnu, compofé comme une gouffe de fepc a huit pouces de longueur, qui s'ouvre en trois valves chargées de menues femences. Cecce plance croit naeurellemenc dans les terreins inculces, toujours humides, fouvenc inondéscSt couverts de grands arbres; d'oü l'on peut mférer que ces cerreins fonc les plus propres a fa culture. Pour la mulciplier, il fuffic de piquer au pied des arbres quelques rameaux ou farments qui prennenc racine & s'élevenc en peu de cemps. Quelques cultivareurs, pour préferver leurs planrs de la pourricure, préfërenc de les accacher aux arbres m'êraea un pied de cerre. Ces plancs ne cardenc pas a poulfer des filêcs qui, defcendanc en ligne droice, vonc s'enfoneer dans la cerre & y former des racines. La récolte des goufTes commence vers Ia fin de Sepcembre, & dure environ crois mois. L'aromate qui leur eft parciculier ne s'acquierc que par la préparacion. Elle confifte k enfiler plufieurs gouffes, h les tremper un moment dans une chaudiere d'eau bouillante pour les blanchir. On les fufpend enfuite dans, un lieu expofé a 1'air libre & aux rayons du foleil. II découle alors de leur excrêmité une liqueur vifqueufe", Suppl. Tome 1. LI  53o SUPPLÉMENTS furabondante, donc on facilité la fortie par une preffion légere, réicérée deux ou crois fois le jour. Pour recarder la defficacion qui.doic fe faire lentemenc, on les enduic a plufieurs reprifes d'huile, qui conferve leur mollefïè, & les préferve des infeétes. Ön les encoure auffi d'un fil de cocon pour erhpêcher qu'elles ne s'ouvrent. Lorfqu'elles font fuffifamment deflechées, on les paffe dans des mains ointes d'huile, & on les met dans un poe vernifTé pour les conferver fraichement. Voila couc ce qu'on faic fur la vanille particuliéremenc deftinée a parfumer le chocolat donc 1'ufage a paffe des Mexicains aux Efpagnols, & des Efpagnols aux aucres peuples; & encore ces nocions, couc-a-faic modernes, fönc-elks dues a un naturalifte Francois. II n'eft pas poffible que, malgré 1'indifférence qu'ils ont montrée jufqu'ici pour l'hiftoire de la nature, les maitres de cette partie du Nouveau-Monde n'ayent des connoiffancesplus approfondies. S'ils ne les ont pas communiquées, c'eft fans doute qu'ils ont voulu fe réferver exclufivement cette produétion, quoiqu'il n'en vienne annuellement en Europe que cinquante quintaux, & qu'elle n'y foit pas vendue au-deflus de 431,568 livres. Le temps de la révélacion des lumieres arrivera un jour, & alors la vanille fera auffi généralemenc connue que 1'eft maintenanc 1'indigo.  A L'HIST. PHILOSOPHIQÜE. S3i L'indigotier eft une plante droite & aflez touffue. De fa racine s'éleve une tige li^ük cafTante , haute de deux pieds, ramifiée dès fon origine, blanche a 1'intérieur, ex couverte d'une écorce grifdtre. Les feuilles font alternes, compofées de plufieurs folioles, difpofées fur deux rangs le long d'une cöte commune, terminéeparune foliole impaire, &garnie a fa bafe de deux petites membranes que l'on nomme ftipules. A 1'extrêmité de chaque rameau fe trouvent des épis de fleurs rougeütres papillionacées, affez petites, & compofées de quantité de pétales. Les étamines au nombre de dix, & le piftil furmonté d'un feul ftyle, font difpofés comme dans,la plupart des fleurs légumineufes. Le piftil fe change en une petite gouflè arondie" légérementcourbe, d'un pouce .de Iongueur &' d une hgne de largeur, remplie de femencescyimdnques, luifantes & rembrunies. Cetre plante veut une terre légere, bien hbourée,&quine foie jamais inondée. L'on pré-' fere pour cette raifon des lieux qui ont de h pente, paree que cette pofirion préferve les' champs du féjour des pluies qui flétriroient l'indigotier, & des inondations qui le couvriroienc, d'un limon nuifible. Les terreins bas & plats peuvent être encore employés pour cette culture, fi l'on pratique des rigoles & des foffés pour 1 ecoulement des eaux, & fi l'on a la préLis xvir; De Ia culture de 1'indigo.  fó* SUPPLÉMENTS caution de ne planter qu'après la faifon des pluies qui occafionnent fouvent des débordements. On jette la graine dans de petites folies fakes avec la houe, de deux ou trois pouces de profondeur, éloignées d'un pied les unes des autres, & en ligne droite le plus qu'il efl: poffible. II faut avoir une attention continuelle a arracher les mauvaifes herbes qui étoufferoienr. aifément Pindigotier. Quoiqu'on le puiflè femer en toutes, &c. Page 88, après ces mots, la fertilité, lifez : On diflingue plufieurs efpeces d'indigo , mais on n'en cultive que deux. Le franc dont nous venons de parler, & Ie batard qui en differe par fa tige beaucoup plus élevée, plus ligneufe & plus durable; par fes folioles plus longues & plus étroites; par fes gouflès plus courbes; par fes femences noircltres. Quoique 1'un obtienne un plus haut prix, il efl: communément avantageux de cultiver 1'autre, paree qu'on le renouvelle moins fouvent, qu'il efl: plus pefant» qu'il donne plus de feuilles dont le produic efl: cependant moindre, a volume égal. On trouve un plus grand nombre de terres propres au premier ; le fecond réuflit mieux dans celles qui font plus expofées h la pluie. Tous deux font fujets a de grands accidents dans le premier age. Ils font quelquefois' brülés par Pardeur du folëil? ou étouffés fous une toile donc un ver par-  A LUIST. PHILOSOPHIQUE. 533 riculier a ces régions les entoure. On en volt donc le pied feche & combe par la piquure d'un aucre ver forc commun, ou donc les feuilles qui fonc leur prix fonc dévorées en vingc-quatre heures par les chenilles. Ce dernier accidenc, erop ordinaire, &c. Page 91, après ces mots, & au Mexique„ lifez: Ce dernier, le plus recherché de cous, eft connu fous le nom de Guacimala, paree qu'il croïc fur le cerricoire de cecce cicé fameufe. On fe 1'y procure d'une maniere qui mérice d'êcre remarquée. Dans ces belles contrées oü chaque propriécé a quinze ou vingt lieues d'étendue, une porcion de ce vafte efpace eft employé tous les ans a la culcure de 1'indigo. Pour 1'obcenir, les cravaux fe réduifenc k brülerles arbuftes quicouvrendes campagnes, a donner aux cerres un feul labour faic avec négligence. Ces opéracions onc lieu dans le mois de Mars, faifon oü il nepleuc que crèsraremenc dans cedélicieux climac. Un homme a cheval jecce enfuice la graine de cetce plancede la même maniere qu'on feme le bied en Europe. Perfonne ne s'occupe plus de cecce riche produétion jufqu'a la récolce. II arrivé de-lk que 1'indigo leve dans un endroic, & qu'il ne leve poinc dans d'aucres; que celui qui eft levé eft fouvenc écouffé par les plantes parafices donc desfarclages faitsapropos 1 'auLI 1  534 SUPPLÉMENT S XVIII. De la culture de la cochenille. 1 1 1 ( roient débarralfé. Auffi les Efpagnols recueillentils moins d'indigo fur 3 ou 4 lieues de terrein que les nations rivales dans quelques arpents bien travaillés. Auffi leur indigo, quoique fort fupérieur a tous les autres, n'a-t-il pas toute la perfeétion dont il feroit fufceprible. L'Europe en regoit annuellement fix mille quintaux, qu'elle paye 7,626,960 liv. Cette profpérité augmenteroit infailliblement, fi la Cour de Madrid mettoit les naturels du pays en état de cultiver 1'indigo pour leur propre compte. Cet intérêt perfonnel, fubftitué a un intérêt étranger, les rendroit plus aétifs, plus intelligents; & il efl vraifemblable que 1'abondance & la bonté de 1'indigo du Mexique banniroient, avec le temps, celui des autres colonies de tous les marchés. La cochenille, a laquelle nous devons nos belles couleurs de pourpre & d'écarlate , n'a exifté jufqu'ici qu'au Mexique. J'avois avancé d'après les meilleursAuteurs, même Efpagnols, que la nature de cette couleur étoit inconnue avant le commencement du fiecle. En remonrant ïux originaux, j'ai trouvé qu'Acofta, en 1530, Sc Herrera, en 160.1, 1'avoient auffi-bien dé:rite que nos modernes naturaliftes. Je me reraéle donc, & je fuis bien fiché de ne m'être >as trompé plus fouvent dans ce que j'ai écrit les Efpagnols. Grace a 1'ignorance des voya-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 535 genrs & a Ia légérecé avec laquelle i!s confiderenc les produétions de la nacure dans tons les regnes, fon hiftoire fe remplic de fauffecés qui paffent d'un ouvrage dans un aucre, & que des Auteurs qui fe copientfucceflivement, tranfmeccenc d'dge en dge. On n'examine guere ce qu'on croit bien favoir; & c'eft ainfi qu'après avoir propagé les erreurs, les témoignages qui retardent Pobfervation en prolongent encore la durée. Un autre inconvénient, c'eft que les Philofophes perdenc un temps précieux h élever des fyftêmes qui nous en impofenc jufqu'a ce que les préténdus fairs qui leur fervoienc de bafe ayenc été démenti's. La cochenille eft un infeéte de la groflèur & de la forme d'une punaife. Les deux fexes y font diftinéts, comme dans la plupart des autres animaux. La femelle , fixée fur un point de la plante prefqu'au moment de fa nailfance, y refte toujours attachée par une efpece de trompe, & nepréfente qu'une croüte prefque hémifphérique qui recouvre toutes les autres parties. Cette enveloppe change deux fois en vingt-cinq jours, & eft enduite d'une pouffiere blanche, graffe , impénétrable a Peau. A ce terme, qui eft 1'époque de la puberté, le male, beaucoup plus petit & dont la forme eft plus dégagée, forc d'un tuyau farineux, a 1'aide d'ailes dont il eft pourvu. II voltige au-deffus des femelles immobiles, & s'arrêce fur chacune d'elles. La même femelle eft LI 4  536* SÜPPLEMENTS ainfi vifitée par plufieurs males qui périffent bientóe après la fécondation. Son volume augmente fenfiblement jufqu'a ce qu'une goutte de üqueur, séchappée de-deflbus elle, annonce la fortie prochaine des ceufs qui font en grand nombre. Les petits rompent leur enveloppe en naiffant, & fe répandent bientót fur la plante pour choifir une place favorable, & pour s'y fixer. Ils cherchent fur-tout k fe mettre k 1'abri du vent d'Eft. Auffi Parbriffeau fur Iequel ils vivent, vu de cecóté-lk, paroit-il tout verd; tandis qu'il eft blanc du cóté oppofé fur Iequel les infeftes fe font portés de préférence. Cet arbriffeau, connu fous Ie nom de nopal, deraquette & de figue d'Inde, a environ cinq pieds de haut. Sa tige eft charnue, large, applatie, veloutée, un peu apre, couverte de houppesd'épine répandues fymmétriquement furfafurface. Elle fe ramifie beaucoup & fe retrécit, ainfi que les rameaux, dans chacun de fes points de divifion : ce qui donne aux diverfes portions de la plante, ainfi étranglée, la forme d'unefeuille ovale, épaiflè & épineufe. Cette plante n'a poinc d'autres feuilles. Ses fleurs éparfesfur les jeunes tiges font compofées d'un calice écailleux qui fupporte beaucoup de pétales & d'étamines. Le piftil, furmonté d'un feul ftyle & caché dans le fond du calice, devient avec lui un fruit bon a manger, femblable k une figue, rempli de  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 537 femences nichées dans une pulpe rougedtre, II y a plufieurs efpeces de nopal. Ceux qui ont Ja tige liflè, les épines nombreufes & erop rapprochées, ne font point propres al'éducation de la cochenille. Elle ne réuflic bien que fur celui qui a peu d'épines&une furface veloutée, propre a lui donner uneaffiette plus aflurée. II crainc les vents, les pluies froides & la trop grande humidité. La méthode de Ie réceper n'eft pas avantageufe. On gagne plus a le replanter tous les fix ans en mettant plufieurs portions de tiges dans des foflès afTez profondes, difpofées en quinconce ou en quarré, a fix ou huit pieds de diftance. Un terrein ainfi planté , connu fous Ie nom de nopalene, n'a ordinairement qu'un ou deux arpents d'étendue, rarement trois. Chaque arpent produit jufqu'a deux quintaux de cochenille, & un homme fuffit pour le culciver, II doit farcler fouvent, mais avec précaution, pour ne pas déranger 1'infeéte qui ne furvitpas a fon déplacement II détruira encore avec foin les animaux deftrucleurs, dont le plus redoutable eft une chenille qui fait des tramées dans 1'intérieur mème de Ia plante, & attaque 1'infeéte en-deffous. Dix-huit mois après la plantation, on couvre le nopal de cochenilles: mais pour les diftribuer plus réguliérement fur toute Ia plante, & empêcher qu'elles ne fe nuifent par leur rapproche«ent, on attaché aux épines, de diftance en difLI 5  53« SUPPLÉMENTS tance, de petits nids faits avec la bourre de coco, ouvercs du cöté de 1'Oueit, remplis de douze k quinze meres prêtes k pondre. Les petits qui en forcent s'attachenc au nopal, & parviennent a leur plus grande confiftance en deux mois qui fonc la durée de leur vie. On en fait alors la récolte qui fe renouvelle tous les deux mois depuis Oftobre jufqu'en Mai. Elle peur êcre moins avantageufe s'il y a' un mélange d'une autre cochenille de moindre prix, ou s'il y a abondance de males donc on faic peu de cas, paree qu'ils fonc plus pecits, & qu'ils tombenc avanc le cemps. Cette récolte doit précéder de quelques jours le moment de la ponce, foie pour prévenir la perce desteufs qui fonc riches en couleur, fiait pour empêcher les pecics de fe répandre fur une plance déja épuifée, qui a befoin de quelques mois de repos. En commencanc par le bas, on décache fucceffivemenc les cochenilles avec un couteau on les faic comber dans un baflin placé audeffous, donc un des bords applaci s'applique exaétemenc concre la plance que l'on nectoye enfuite avec le même couteau ou avec un linge. Immédiatemenc avanc la faifon des pluies, pour prévenir la deflxuécion totale des cochenilles qui pourroit être occafionnée par 1'intempérie de 1'air, on coupe les branches de nopal chargées d'infeétes encore jeunes. On les ferre dans les habicacions, oü elles confervenc leur fraicheur  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 539 comme toutes les plantes qu'on nomme graflès. Les cochenilles y croiffent pendant la mauvaife faifon. Dès qu'elle eft paffée, on les met fur des arbres extérieurs oü la fraïcheur vivifiante de Pair leur fait bientóc faire leurs petits. La cochenille fylveftre, efpece différente de la cochenille fine ou mefteque dont on vient de parler, mais cultivée dans les mêmes lieux & fur la même plante, n'exige pas les mêmes foins & les mêmes précautions. Elle a la vie moins délicate, réfifte mieux aux injures de Pair. Sa récolte eft conféquemment moins variable pourle produit, & peut fe faire toute Pannée. Elle differe de 1'autre en ce qu'elle eft plus petite, plus vorace, moins chargée en couleur, enveloppée .d'un coton qu'elle étend a deux lignes autour d'elle. Elle fe multiplie plus facilement, fe répand plus loin & plus vite fans aucun fecours étranger; de forte qu'une nopalerie en eft bientöt couverte. Gomme fon produit eft plus für, que fon prix équivaut aux deux tiers de celui de la mefteque, & qu'elle fe propage fur toutes les efpeces de nopal, on peut la cultiver avec fuccès, mais féparément, paree que fon voifinage affameroit Pautre qui feroit auffi étouffée fous fon duvet. On retrouve cette efpece au Pérou fur un nopal très-épineux qui y eft fort commun. Les cochenilles n'ont pas été, &e. Page 95, après ces mots, avec touce fa vertu,  54» SUPPLÉMENT S lifez : Cette riche produétion réuffiroit vraifemblablement dans différentes parties du Mexique: mais jufqu'a nos jours, il n'y a eu guere que la Province d'Oaxaca qui s'en foit férieufement occupée. Les récoltes ont été plus abondantes fur un terrein aride, oü le nopal fe plait, que fur un fol naturellement fécond; elles ont éprouvé moins d'accidents dans les expofitions agréablement tempérées, que dans celles oü le froid & le chaud fe faifoient fentir davantage. Les Mexicains connoiflbient la cochenille avant la deftruétion de leur Empire. Ils s'en fervoient pour peindre leurs maifons & pour teindre leur coton. On voit dans Herrera, que, dès 1523, le Miniftere ordonnoit a Cortès de la multiplier. Les conquérants repouflèrent ce travail comme ils méprifoient tous les autres; & il relta tout entier aux Indiens. Eux feuls s'y livrent encore : mais trop fouvent avec les fonds avancés par les Efpagnols, h des conditions plusou moins ufuraires. Le fruit de leur induftrie eft tout porté dans la capitale de la Province, qui fe nomme auffi Oaxaca. Cette ville oü l'on arrivé par de beaux chemins, & oü l'on jouit d'un printemps continuel, s'éleve au milieu d'une plaine fpacieufe, couverte dejolis hameaux & bien cultivée. Ses rues font larges, tirées au cordeau, & formées par des maifons unpeu baflès, mais agréablement M-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUË. 541 ties.Sesplaces, fon aqueduc, fes édifices publics font d'aflèz boft goüt. Elle a quelques manufactures de foie & de coton. Les marchandifes d'Afie & celles d'Europe y font d'un ufage général. Nous avons eu occafion de voir plufieurs voyageurs que les circonftances avoient conduits k Oaxaca. Tous nous ont afTuré que de tous les établiflèments formés par les Efpagnols dans le Nouveau-Monde, c'étoit celui oü 1'efprit de fociété avoit fait le plus de progrès. Tant d'avantages paroiflènt une fuite du commerce de la cochenille. 'Indépendamment de ce que confomment PAmérique&les Philippines, 1'Europerecoit tous les ans quatre mille quintaux de cochenille fine, deux cents quintaux de granille, cent quintaux de poufliere de cochenille, & trois cents quintaux de cochenille fylveftre, qui, rendus dans fes ports, font vendus 8,610,140 livres. Cette riche production n'a crü jufqu'ici qu'au profit de 1'Efpagne. M.Thiery, Botanifte Francois , bravant plus de dangers qu'on n'en fauroit imaginer, Pa enlevée k Oaxaca même, & Pa tranlplantée a Saint-Domingue, oü il la cultive avec une perfévérance digne de fon premier courage. Ses premiers fuccès ont furpafle fon attente , & tout porte a efpérer que la fuite répondra a de fi heureux commencements. Puifie ce genre de culture, puiflènt les autres s'étendre  542 SUPPLÉMENTS plus loin encore & occuper de nouvelles nations. Eh! ne fommes-nous pas tous freres? enfants du même pere, ne fommes-nous pas appellés h une deftinée commune ? Faut-il que je traverfe la profpérité de mon femblable, paree que la nature a placé une riviere ou une montagne entre lui & moi ? Cette barrière m'autorife-t-elle a le haïr, h le perfécuter? O combien cette prédileclion exclufive pour des fociétés particulieres, acoüté de calamités au globe, combien il lui en coütera dans la fuite, fi la faine philofophie n'éclaire enfin des efprits trop long-temps égarés par des fentiments faétices! Ma voix eft trop foible, fans doute, pour diffiper le preftige. Mais il naitra, n'en doucons point, il naitra des Ecrivains, dont ]e raifonnement & 1'éloquence perfuaderont tót ou tard aux générations futures, que le genre humain eft plus que la patrie, ou plutöt que le bonheur de 1'une eft étroitement lié a la félicité de 1'autre. Aux grandes exportations dont on a parlé, il faut ajouter 1'envoi que fait le Mexique de dix mille trois cents cinquante quintaux de bois de Campêche, qui produifent 112,428 livres; de trois cents dix quintaux debréfillet, qui produifent 4,266 livres; de quarante-fept quintaux de carmin, qui produifent 81,000 livres; de fix quintaux d'écaille , qui produifent 24,300 livres; de quarante-fept quintaux de rocou, qui produi-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 543 feut 21,600 livres; de trente quintaux de falfepareille, qui produifent 4,147 livres; de quarante quintaux de baume, qui produifent 45.920 livres; de cinq quintaux de fang de dragon, qui produifent 270 livres; de cent cuirs en poil,qui produifent 1,620 livres. Mais, comme fi la nature n'avoit pas fait aCfez pour 1'Efpagne, en lui accordant prefque gratuitement tous les tréfors de la terre que les autres nations ne doivent qu'aux travaux les plus rudes, elle lui a encore prodigué, fur-tout au Mexique, l'or & 1'argent qui font le véhicule ou le figne de toutes les produétions. Tel eft fur nous l'empire de ces brillants. Page 101, après ces mots, qu'elles exigeoient, lifez : Avant 1'arrivée des Caftillans, les Mexicains n'avoient d'er que ce que les torrents en détachoient des montagnes; ils avoient moins d'argent encore , paree que les hafards qui pouvoient en faire tomber dans leurs mains, étoient infiniment plus rares. Ces métaux n'étoient pas pour eux un moyen d'échange, mais de pur ornement & de fimple curiofité. Ils y étoient peu attachés. Auffi prodiguerent-ils d'abord le peu qu'ils en avoient a une nation étrangere qui en faifoient fon idole; auffi en jettoient-ils aux pieds de fes chevaux , qui, en mdchant leurs mords, devoient paroitre s'en nourrir. Mais lorfque les hoftilités encre les deux peuples eurent com-  54+ SUPPLÉMENTS mencé, & h mefure que 1'animoficé augmentolt* ces perfides tréfors furent jetcés en partie dans les lacs & dans les rivieres, pour en priver un ennemi implacable, qui fembloit n'avoir paffé tant de mers que pour en obtenir la polTeffion. Ce fut fur-tout dans la capitale & a fon voifinage qu'on prit ce parti. Après la foumiffion, le conquérant parcourut 1'Empire pour fatisfaire fa paffion dominante. Les temples, les palais, les maifons des particuliers, les moindres cabanes: tout fut vifité, tout fut dépouillé. Cette fource épuifée, il fallut recourir aux mines. Celles qui pouvoient donner des plus grandes efpérances fe trouvoient dans des contrées qui n'avoient jamais fubi le joug Mexicain. Nuno de Gufman fut chargé en 1530, de les afièrvir. Ce que ce Capitaine devoit a un nom illuftre ne 1'empêcha pas de furpaflèr en férocité tous les aventuriers, qui jufqu'alors avoient inondé de fang les infortunées campagnes du NouveauMonde. Sur des milliers de cadavres, il vint a bout, en moins de deux ans, d'établir une domination très-étendue, dont on forma 1'audience de Guadalaxara. Ce fut toujours la partie de la Nouvelle-Efpagne la plus abondante en métaux. Ces richefies font fur-tout communes dans la Nouvelle-Galice, dans la Nouvelle-Bifcaye, & principalement dans le pays de Zacatecas. Du fein de ces arides montagnes fort la plus grande partie  A L'HIST. PHtLOSOPHIQUE. 545 partie des 80,000,000 liv. qu'on fabrique annuellement dans les monnoies du Mexique. La circulation incérieure, les Indes Oriencales, les ifles nationales & la concrebande, abforbent prés de la moitié de ce numéraire. On en porte dans la métropole44,196,047 liv.; aquoiilfauc ajouter cinq mille fix cents trente-quatre quintaux de cuivre qui fonc vendus en Europe 453,600 liv. Dans les premières années qui fuivirent la conquêce, cous les payements fe faifoienc avec des lingots d'argenc, avec des morceaux d'or, dont le poids & la valeUr avoienc recu la fanccion du Gouvernement. Le befoin d'une monnoie réguliere ne tarda pas a fe faire fentir, & vers 154a ces premiers métaux furent convertis en efpeces de différences grandeurs. On en fabriqua même de cuivre; mais les Indiens les dédaignerenc. Forcés d'en recevoir, ils les jeccoienc avec mépris dans les lacs & dans les rivieres. En moins d'un an, il en difparuc pour plus d'un million; & ce fuc une nécefficé de renoneer a-un moyen d'échange qui révolcoic les derrrieres claiTes du peuple. Quoique 1'éducation des troupeaux, les cultures & 1'exploitation des mines foienc reftées, au Mexique, forc loin du cerme oü une nation aétive n'eüc pas manqué de les porrer, les manufaétures y font dans un plus grand défordre encore. Celles de laine & de coton font affez Suppl. Tome I. Mm  XX. Par quelles raifons le Mexique ne s' ft - il pas élevé a de plus grandes profpélités i 546 SUPPLEMENTS 2;énéralement répandues: mais comme elles font entre les mains des Indiens, des métis, des muiacres , & qu'elles ne fervent qu'aux vêcemencs les gens peu riches, leur imperfeétion furpaflè ïouc ce qu'on peuc dire. II ne s'en efl: formé de moins défectueufes qu'a Quexecaco, oü l'on fabrique d'aflèz beaux draps. Mais c'efl: fur-cout 3ans la Province de Tlafcala que les travaux fonc mimés. Sa pofition entre Vera-Crux & Mexico, la douceur du climat, la beauté du pays, la fertilité des terres y ont fixé la plupart des ouvriers qui paflbient de 1'ancien dans le Nouveau-Monde. On en a vu forcir fucceflivemenc des étoffes de foie, des rubans, des galons, des dentélles, des chapeaux qu'ont confommés ceux des métis , ceux des Efpagnols qui n'écoienc pas en écac de payer les marchandifes apportées d'Europe. C'eft ios-Angeles, ville étendue, riche & peuplée qui efl: le centre de cette induflrie. Touce la faïance, la pluparc des verres & des cryftaux qui fe vendenc dans 1'Empire, forcenc de fes atteliers. Le Gouvernemenc y faic même fabriquer des armes h feu. L'indolenee des peuples qui habicenc la Nouvelle-Efpagne, doic êcre une des principales caufes qui onc recardé les profpéricés de certe région fameufe, mais elle n'eft pas la feule; & la difficulcé des communicacions doit avoir beaucoup ajouté h cetce inertie. La circulation eft conti-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 547 nuellemenc arrêcée par toutes les entraves qu'a pu imaginer une adminiftration injufte & flfcale. II y a au plus deux rivieres qui puiflènt porter de foibles canots, & aucune n'a même ce genre d'utilité dans toutes les faifons. On ne voit quelques traces de chemin qu'auprès des grandes villes: par-tout ailleurs, il faut voiturer les denrées ou les marchandifes a dos de mulet, & fur la tête des Indiens tout ce qui eft fragile. Dans la plupart des Provinces, la police fixe au voyageur ce qu'il doit payer pour le logement, les chevaux, les guides, pour la nourriture; & cec ufage, tout barbare qu'on le trouvera, eft encore préférable a ce qui fe pratique dans les lieux oü la liberté paroit plus refpeécée. Ces obftacles k la profpérité publique ont été fortifiés par le joug rigoureux fous Iequel des maicres opprefleurs cenoient les Indiens chargés de tous les travaux pénibles. Le mal eft devenu plus grand par la diminution des bras employés au fervice de la cupidité Européenne. Les premiers pas des Caftillans au Mexique furent fanglants. Le carnage s'étendit durant le mémorable (lege de Mexico; & il fut poufTé audela de tous les excès dans les expéditions entreprifes pour remettre dans les fers des peuples défefpérés qui avoient tenté de brifer leurs chaines. L'incroduétion de la petice-vérole accrut la dépopulation, qui fuc encore bientöt après augmen» Mm a  548 SUPPLÉMENTS tée par les épidémies de 1545 & de 1576, dons la première coüta huit cents mille habitants a 1'Empire, & la feconde deux millions, fi l'on veut adopter les calculs du crédule, de 1'exagérateur Torquemada. II efl: même démonrré que fans aucune caufe accidentelle, le nombre des indigenes s'eft infenfiblementréduit k très-peu de chofe. Selon les regiftres de 1600, il y avoit cinq cents mille Indiens tributaires dans le Diocefe de Mexico ; & il n'y en reftoit plus que cent dix-neuf mille fix cents onze, en 1741. II y en avoit deux cents cinquante cinq mille dans le Diocefe de losAngeles; & il n'en reftoit que quatre-vingt-huit mille deux cents quarante. II y en avoit cent cinquante mille dans le Diocefe de Oaxaca; & il n'en reftoit plus que quarante-quatre mille deux cents vingt-deux. Nous ignorons les révolutions arrivées dans les fix autres Eglifes: mais il eft vraifemblable qu'elles ont été par-tout les mêmes. L'ufage oü étoient, oü font .encore les Efpcgnols, les métis, les mulatres, les negres, de prendre fouvent lenrs femmes parmi les Indiennes, tandis qu'aucune de ces races n'y a jamais on prefque jamais choifi des maris, a contribué fans doute a l'affoibliflèment de cette nation : mais cette influence a dü être aflèz bornée; & fi nous ne nous trompons, une tyrannie permanente a produit des effets beaucoup plus étendus. On ne diffimulera pas qu'a mefure que lepeu-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 549 ple origene voyoit diminuer fa population, celle des races étrangeres augmentoit dans une progreffion très-remarquable. En irjoo , le Diocefe de Mexico ne comptoit que fept mille de ces families; & leur nombre s'éleva en 1741 k cent dix-neuf mille cinq cents onze. Le Dio*cefe de los-Angeles n'en comptoit que quatre mille; & il s'éteva k trente mille fix cents. Le Diocefe de Oaxaca n'en comptoit que mille; & il s'éleva k fept mille deux cents quacre-vingcfeize. Cependant les anciens habitants n'ont été qu'imparfaitement remplacés par les nouveaux. La culture des terres & 1'exploitation des mines étoient 1'occupation ordinaire des Indiens. Les Efpagnols , les méds, les muiacres, les noirs même ont dédaigné, la plupart, ces grands objets. Plufieurs vivent dans Poifiveté. Un plus grand nombre donnent quelques moments aux arts & au commerce. Le refte eft employé au fervice des gens riches. C'eft fur-tout dans la capitale de 1'Empire qu'on eft révolcé de ce dernier fpeécacle. Mexico, qui put, quelque temps, douter fi les Caftillans étoient un eflaim de brigands ou un peuple conquérant, fe vit prefque totalemenc détruit par les cruelles guerres dont il fut le théatre. Cortès ne tarda pas a Ie rebatir d'une maniere forc fupérieure k ce qu'il étoic avanc fon défaftre. Mm 3  55o SUPPLÉMENTS La ville s'éleve au milieu d'un grand lac dont les rives offrent des fites heureux qui feroient charmants, fi Part y fecondoit un peu la nature. Sur le lac même 1'ceil contemple avec furprife & fatisfaétion des ifles flottantes. Ce font des radeaux formés avec des rolèaux entrelacés, & affez folides pour porter de fortes couches de terre, & même des habitations légérement conftruit.esQuelques Indiens font-la leur demeure, & y cultivent une aflez grande abondance de légumes. Ces jardins finguüers n'occupent pas toujours le même efpace. Ils changenc de fituation, lorfque ce changement convient a leurs poflèffèurs. Des levées fort larges, & Mcies fur pilotis, conduifent a la cité. Cinq ou fix canaux portent & fon centre & dans fes plus beaux quartiers toutes les produétions de la campagne. Une eau falubre qu'on tire d'une montagne éloignée feulement de cinq a fix mille toifes, eft diftribuée dans toutes les maifons, & même a leurs différents étages par des aqueducs très-bien entendus. L'air qu'on refpire dans cette ville eft, &c. Page no, après ces mots, du foleil a 1'ombre, lifez : L'avantage qu'a cette cité d'être le chef-lieu de la nouvelle-Efpagne, en a fucceffivement multiplié les habitants. En 1777, le nombre des naiffances s'y éleva a cinq mille neuf cents quinze, & celui des morts & cinq mille onze; d'oü l'on peut conclure que fa popula-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 551 tion nes'éloigne guere de deux cents mille ames. Tous les citoyens ne font pas opulents; mais plufieurs Ie font plus peut-être qu'en aucun lieu du globe. Ces richefies accumulées très-rapidement eurent bientöt une influence remarquable. La plupart des chofes qui font ailleurs de fer ou de cuivre, furent d'argent ou dor. On fit fervir ces brillants métaux a 1'ornement des valets, des chevaux, des meubles les plus communs, aux plus vils offices. Les mceurs qui fuivenc toujours le cours du luxe, fe monterent au ton de cette magnificence romanefque. Les femmes, dans leur intérieur, furent fervies par des milliers d'efclaves, & ne parurent en public, qu'avec un cortege réfervé parmi nous a la majefté du iróne. Les hommes ajoutoientii cesprofufions des profufions encore plus grandes pour des négreffes qu'ils élevoient publiquement au rang de leurs maitrelfes. Ce luxe fi effréné dans les aétions ordinaires de la vie, paflbit toutes les bornes a 1'occafion de la moindre fête. L'orgueil général étoit alors en mouvement, & chacun prodiguoit les millions pour juftifier le fien. Les crimes nécelTaires pour foutenir ces extravagances étoient effacés d'avance : la fuperfti» tion déclaroic faint & jufte tout homme qui donneroit beaucoup aux Eglifes. Tout prit 1'empreinte d'une oftentacion, inconnue jufqu'alors dans les deux hémifpheres. Mm 4  552 SUPPLÉMENTS Les citoyens ne fe contenterenc plus d'une habitation modefte placée fur des rues larges & bien alignées. II fallut, a la plupart, des hotels qui eurentplus d'étendue que de commoditésou d'élégance. Onmultipliales édificespublics, fans que prefqu'aucun rappellat a 1'efprit les beaux jours de 1'archtteéture, pas même les bons temps gothiques. Les places principales eurent toutes la même forme, la même régularité, une fontaine femblable avec des ornements de mauvais goüt. Des arbres mal choifis & d'un vilain feuillage öterent aux promenades ce que les allées bien diftribuées & des eaux jaillilfantes auroient pu leur donner d'agrément. Dans les cinquantecinq couvents qu'une crédulité digne de pitié avoic fondés, on en voyoit fort peu qui ne révolcaffenc par les vices de leur conftruétion. Les innombrables temples oü les tréfors du globe entier étoient entaflës, manquoient généralement de majefté, & n'infpiroienc pas h ceux qui les fréquencoienc des idéés & des fencimencs dignes de PËcre fuprême qu'on y venoic adorer. Dans cette multitude d'immenfes conftruétions, il n'y a que deux monumencs dignes de fixer 1'accention d'un voyageur. L'uneftle palais du Vice-Roi,oüs'affemblenc auffi les cribunaux, oü l'on fabrique la monnoie, oü eft le dépóc du vif-argenc. Un peuple, que la famine pouflbic au défefpoir, le brüla en 1692. On Pa rabaci depuis fur un  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 553 meilleur plan. C'eft un quarré qui a quatre tours & fepc cents cinquante pieds de long fur fix cents quatre-vingt-dix de large. La Cathédrale, commencéeen 1573, & finie en 1667 > feroit également honneur aux meilleurs artiftes. Sa longueur elt de quatre cents pieds, fa largeur de cent quatrevingt-quinze ; & elle a coüté 9,460,800 liv. Malheureufement ces édifices n'ont pas la folidité qu'on leur defireroit. On a vu que Mexico eft fitué dans un lac con- " fidérable qu'une langue de terre fort étroite divife en deux parties, 1'une remplie d'eaux douces, & 1'autre d'eaux falées. Ceseaux paroiffent également fortir d'une haute montagne fituée a peu de diftance de la ville, avec cette différence que les dernieres doivent traverfer des mines qui leur communiquent leur qualité. Mais indépendamment de ces fources régulieres, il exifte un peu plus loin quatre petits lacs, qui, dans le temps des orages, fe déchargent quelquefois dans Je grand avec une violence deftructive. Les anciens habitants avoient été toujours expofés a des inondations qui leur faifoient payer fort cher les avantages que leur procuroit 1'emplacement qu'ils avoient choifi pour en faire le centre de leur puiffance. Aux caiamités inféparables de ces débordements trop répétés fe joignic pour leur vainqueur le chagrin de voir fes badments plus pefants s'enfoncer, quoiqu'élevés fur Mm 5  554 SUPPLÉMENTS pilotis, en fort peu de temps, de quatre, de cinq, de fix pieds dans un terrein qui n'avoit pas aflèz de folidité pour les porter. On eflaya a plufieurs reprifes de détourner des torrencs fi terribles : mais les directeurs de ces grands ouvrages n'avoient pas des connoiffances fuffifonces pour employer les méthodes les plus efficaces, ni les agents fubalternes aflèz de zele pour fuppléer par leurs efforts a 1'incapacité des chefs. L'Ingénieur Martinès eut, en 1607 , 1'idée d'un grand canal qui parut généralement préférable a tous les moyens mis en ufage jufqu'h cette époque. Pour fournir a cette dépenfe, on exigea le centieme du prix des maifons, des terres, des marchandifes : impót inconnu dans le Nouveau-Monde. Quatre cents foixante-onze mille cent cinquante-quatre Indiens furent occupés pendant fix mois a ce travail, & 1'entreprife fut jugée enfuite impraticable. La Cour, fatiguée de la diverfité des opinions & des troubles qu'elle occafionnoit, arrêta en 1631 que Mexico feroic abandonné, & qu'on conltruiroit ailleurs une nouvelle capitale. L'avarice qui ne vouloic rien facrifier; la volupté qui craignoit d'interrompre fes plaifirs; la parefle qui redoutoit fes foins : toutes les paflions fe réunirent pour faire changer les réfolutions du Miniftere, & leur efpérance ne fuc pas trompée,  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 555 II fe paffa un fiecle & plus, fans que Ie Gouvernement s'occupdt de Pobligation de prévenir des malheurs dont les peuples avoient a gémir fans cefiè. A la fin, les efprits fe font réveillés. On s'eft déterminé en 1763 a couper une montagne oü l'on s'étoit contenté jufqu'alors de faire quelques excavations; & depuis les eaux onteu tout 1'écoulement que la füreté publique pouvoit exiger. C'eft le commerce qui s'eft chargé de ce grand ouvrage pour 4,520,000 liv. Luimême il a voulu fupporter tout ce que cette entreprife coüteroit de plus, & que fi on faifoic des économies, elles tournaflènt au profit du fifc. Cette générofité n'a pas été une vertu d'oCtentation. II en a coüté 1,890,000 livres aux négociants pour avoir fervi leur patrie. On médite d'autres travaux. Le projet de deffécher le grand lac qui entoure Mexico paroit arrêté; & les gens de Part demandent 8,100,000 liv. pour conduire le nouveau plan a un heureux terme. C'eft beaucoup. Mais qu'eft-ce que 1'argent , quand il s'agit de la falubrité de Pair, de la confervation des hommes, de la multiplication des denrées? O que les maitres du monde feront de biens, qu'ils feront honorés lorfque l'or qu'ils prodiguent a un luxe gigantefque, a d'avides favoris, a'de vains caprices, fera confacré k Pamélioration de leur Empire ! Un hópital fain, conftruic avec intelligence & bien adminiftré; la  XXI. Liaifons du Mexique avec les Phi lippines. 556 SÜPPLÉMENTS ceflation de la mendicité ou 1'emploi de 1'indïgenee; 1'extinclion de la dette de 1'Etat; une impofition modérée & équitabletnent répartie; la réforme des loix par la confedion d'un code fimple & clair: ces inftitutions feroient plus pour leur gloire que des palais magnifiques; que la conquête d'une Province , après des batailles gagnées; que tous les bronzes, tous les marbres & toutes les infcriptions de la flatterie. m Si la Cour de Madrid, a qui cet efpoirefl; fpécialement permis, fait pour Mexico ce qu'elle s'efl propofé, elle verra bientöt cette cité fameufe, le fiege du gouvernement, le lieu de la fabrication des monnoies, le féjour des plus grands propriétaires, le centre de toutes les affaires importantes; elle la verra prendre un plus grand eflbr encore , communiquer aux Provinces de fa dépendance 1'impulfion qu'elle aura recue, donner de 1'aéb'vité a 1'induftrie, k la circulation intérieure, & par une fuite néceflaire étendre ou multiplier les liaifons étrangeres. La plus connue de celles que le Mexique entretient par la mer du Sud a été formée avec les ifles Philippines. Lorfque la Cour de Madrid, dont le fuccès étendoientde plus en plus 1'ambition, eut concu le plan d'un grand établiflèment en Afie, efle s'occupa férieufement des moyens de le faire  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 557 réuffir. Ce projec devoit rencontrer de grandes difficultés. Les richefies de PAmérique attiroient fi puiffamment les Efpagnols qui confentoient a s'expacrier, qu'il ne paroifloic pas poffible d'engager même les plus miférables h s'aller fixeraux Philippines, a moins qu'on ne confentit h leur faire partager ces tréfors. On fe détermina k ce facrifice. La colonie naiffante fut autorifée k envoyer tous Jes ans dans le Nouveau-Monde des marchandifes de 1'Inde pour y être échangées contre des métaux. ;Cetce liberté illimitée eut des fuites fi confidérables, qu'elle excita la jaloufie de la métropole. On parvintk ealmer un peu Jes efprits, en bornant un commerce qu'on croyoit, & qui étoit en effet immenfe. Ce qu'il devoit être permis d'en faire dans la fuite fut partagé en douze mille aétions égales. Chaque chef de familie en avoit une, & les gens en place un nombre proportionné a leur élévation. Les communautés religieufes furent comprifes dans 1'arrangement, fuivant 1'étendue de leur crédit ou 1'opinion qu'on avoit de leur utilité. Les vaiffeaux qui partoient d'abord de l'ifle dë Cebu, & enfuite de celle de Lucon, pri* rent, dans les premiers temps, la route du Pérou. La longueur de cette navigation étoit exceffive. On découvrit des vents alifés qui ou^roient au Mexique un chemin plus co.urt; &  55» SÜPPLÉMENTS cette branche de commerce fe porta fur ces cótes oü il s'eft fixé. On expédie tous les ans du port de Manille un vaifïèau d'environ deux mille tonneaux. Selon les loixaéhiellement arrêtées, & qui ont fouvent varié, ce bdtiment ne devroit porter que quatre mille balles de marchandifes, & on le charge au moins du doublé. Les fraix de con£ truétion, d'armement, de navigation, toujours üifiniment plus confidérables qu'ils ne devroient 1'être, font fupportéspar le Gouvernement, qui ne recoit pour tout dédommagement que 75,000 piaftres ou 405 000 liv. par navire. Le départ eft fixé au mois de Juillet. Après s'être débarraffé d'une foule d'iftes & de rochers, toujours incommodes, quelquefois dangereux, le galion fait route au Nord jufqu'au trentieme degré de latitude. Lk coinmencent a régner des vents alifés qui le menent a fa deftination. On penfe aflez généralement que s'il avancoit plus loin, il trouveroit des vents plus forts & plus réguliers qui précipiteroient fa marche: mais il eft défendu fous les peines les plus graves hceux qui le commandent, de s'écarter de la ligne qu'on leur a tracée. Telle eft fans doute la raifon, qui, pendant deux fiecles, a empêché les Efpagnols de faire la moindre découverte fur un océan qui auroit offert tant d'objets d'inftruétion & d'utilité h des  AL'HIST. PHILOSOPHIQUE. 559 nations plus éclairées ou moins circonfpeétes. Le voyage dure fix mois; paree que le vaiffeau eft furchargé d'équipages & de marchandifes, & que ceux qui le montent, navigateurs timides, font toujours très-peu de voile pendant la nuit, & fouvent, quoique fans nécelïïté, n'en font point du tout. Le port d'Acapulco, oü le vaiflèau aborde, a deux embouchures, dont une petite ifle forme la féparation. On y entre de jour par un vent de mer, & Pon en fort de nuit par un vent de terre. Unmauvais fort, cinquante foldats, quarante-deux pieces de canon, & trente-deux hommes du corps de Partillerie, le défendent. II eft également étendu, für & commode. Le baflin qui forme cette belle rade eft entouré de hautes montagnes fi arides, qu'elles manquent même d'eau. Son air embrafé, lourd& mal-fain, n'eft habituellement refpiré que par quatre cents families de Chinois, de multtres & de negres, qui forment trois compagnies de milice. Cette foible & malheureufe population eft groflie a 1'arrivée du galion par les négociants de toutes les Provinces du Mexique, qui viennent échanger leur argent & leur cochenille contre les épiceries, les mouflèlines, les porcelaines, les toiles peintes, les foieries, les aromates, les ouvrages d'orfévrerie de 1'Afie. A ce marché eft audacieufement confómmée  XXII. Defcription des ifles Marianes. Singularitésqu'on y a ©bfervées. 560 SUPPLÉMENT S- dans le Nouveau-Monde, la fraude audacieufement commencée dans l'ancien. Les ftatuts ont borné la vente a 2,700,000 liv., & elle paffe 10,800,000 livres. Tout 1'argent provenant de ces échanges devroit dix pour cent au Gouvernement; & les fauflès déclarations le privent des trois quarts du revenu que devroient lui former fes douanes. Après un féjour d'environ trois mois, le galion reprend la route des Philippines avec quelques compagnies d'infanterie defb'nées a recruter la garnifon de Manille. II a été intercepté trois fois par les Anglois dans fa traverfée. Ce fut Cawendish qui s'en empara en 1587, Rogers en 1709, & Anfon en 1742. La moindre partie des richeflès dont il eft chargé s'arrête dans la colonie. Le refte eft diftribué aux nations qui avoient contribué a former fa cargaifön. L'efpace immenfe que les galions avoient h parcourir, fit defirer un port oü ils puflènt fe radouber & fe rafraichir. On le trouva fur la route d'Acapulco aux Philippines, dans un archipel connu fous le nom d'ifles Marianes. Ces ifles forment une chaine qui s'étend depuis le treizieme degré jufqu'au vingt-deuxieme. Plufieurs ne font que des rochers: mais on en compte neuf qui ont de 1'étendue. C'eft-la que la nature riche & belle offre une verdure éternelle, des fleurs d'un parfum exquis, des eaux ' de  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 56t decryfla! tombant en cafcade, des arbres chargés de fleurs & de fruits en même-temps, des fituacions pitcorefques que l'art n'imitera jamais Dans cet archipel, fitué fous la Zone Torride, 1'air eftpur, le ciel ferein , & le climat aflèz tempéré. On y voyoit autrefois des peuples nombreux. Kien n indique d'oü ils étoient fords. Sans doute, qu'ils avoient été jet-és par quelque tempête fur ces cótes, mais depuis fi long-temps, qu'ils avoient oublié leur origine, qu'ils fe croyoient les feuls habitants du monde. Quelques habitudes, la plupart femblables a celles des autres fauvages de la mer du Sud leur tenoient lieu de culte, de loix, de gouvernement. Ils couloient leurs jours dans une indolence perpétuelle; & c'étoit aux bananes, aux noix de coco, fur-tout au rima, qu'ils devoient ce malheur ou cet avantage. Le rima, célébré par quelques voyageurs fous le nom d'arbre a pain, n'eft pas encore bien connu des botaniftes. C'eft un arbre dont la tiee élevée & droite fe divife vers la cime en plufieurs branches. Ses feuilles font alternes, grandes, fermes, épaiffes , finuées profondément vers les bords latéraux. Les plus jeunes, avant leur développement, font enfermées dans une membrane qui fe deflèche & laiflè en tombant une impreffion circulaire autour de la tige. Elles renSuppl. Tomé I. Nn  5óa SUPFLEMENT'S' dent, ainfi que les autres parties de 1'arbre, une liqueur laiteufe très-tenace. De 1'aiffèlle de# feuilles fupérieures fort un corps fpongieux, long de fix pouces, tout couvert de petites fleurs males très-ferrées. Plus bas, on trouve d'autres corps chargés de fleurs femelles, dont le piftil devientune baieallongée remplie d'une amande. Ces baies, portées fur un axe commun, font fi rapprochées, qu'elles fe confondent, & forment, par leur aflemblage, un fruit très-gros & haut de dix pouces de longueur, hériflè de pointes groflès, courtes & émoulfées. II paroit qu'il exifte deux efpeces ou variétés du rima. L'un a le fruit intérieurement pulqueux, rempli d'amandes bonnes a manger, qui ont la forme & le gout de la cMtaigne. Le fruit de 1'autre eft plus petit: il n'a point d'amandes, paree qu'elles avortent lorfqu'il eft parfaitement mur. Sa chair eft molle, doucereufe & mal-faine. Mais quand on Ie cueille un peu avant fa maturité, il a Ie gout d'artichaut, & on le mange comme du pain, ce qui lui a fait donner le nom de fruit a pain. Ceux qui veulent le conferver une ou plufieurs années, le coupent par tranches, & le font fécher au four ou au foleil. On trouve dans 1'hiftoire des Marianes trois chofes qui paroiffent dignes d'être remarquées, L'ufage du feu y étoit totalement ignoré. Aucun de ces volcans terribles, dont les veftiges  A mm. PMÏLOSOPHIQUE. S63 Mrmears fontine%abtemem*raves fur h fi* qu, allument fouvent des flammes dévora„teS dans ** ^s clhnats; aucun de ce hafardsheureux, qui, par frotternenc Qu tan d? ' °rtir ^ bdI,antes Ceelles'de tant de corps : rien n'avoit donné aux paifibles Aemenc fi fam.l.er aux autres nations. Pour te leur fa.reconnoïtre, ilfalloic que ,e reffentiment vtesTur EfT°,S ' 3rriVéS f—otes fL vages, brulat quelques centaines de cabanes Cet ufage du feu n'étoit guere propre a leur &er de e reproduire. Auffi le prirent-ils pour nflbit. Ceux que 1'ignorance d'un objet fi nou» veau avoit porté a en approcher s'étant brülés t2Cnsit?ent de ,a -reurauxautr s W éhenderentla morfurede cette béte féroce qu tlscroyoienrcapabiede les Heffer par la feule v.olence de a refpiration. Cependan ' ils r vn> éte frappés; leur erreur fe diffipa peu-a-peu & on les vK s'accoutumer enfin a un bien pLêux Un autre fpeétacledigne d'attention, c'étofl Nn s  564 SUPPLÉMENTS la fupériorité que le fexe le plus délicat avoit prife fur le plus fort dans les Marianes. L'afcendant y étoit tel, que les femmes jouiffoient d'une puiflance illimitée dans leur intérieur; qu'on ne pouvoit difpofer de rien fans leur aveu, & qu'elles avoient la libre difpofition de tout; que dans aucun cas, même celui d'une infidélité publiquement connue, on n'étoit pas autorifé a manquer aux égards qui leur étoient dus; que pour peu qu'elles jugeaflènt elles-mêmes qu'un époux n'avoit pas aflèz de douceur, de complaifance & de foumiflion, un nouveau choix leur étoit permis; que fi elles fe croyoient trahies , elles pouvoient piller la cabane, couper les arbres du parjure, ou faire commettre ces dégats par leurs parents ou par leurs compagnes. Mais, comment des coutumes fi bizarres avoient-elles pu s'établir & s'enraciner? Si l'on en croit les relations anciennes ou modernes, les hommes de cet archipel étoient noirs, laids, mal faits; ils avoient la plupart une maladie hideufe de la peau, malgré 1'ufage journalier du bain. Les femmes, au contraire, avoient un teint aflez clair, des traits réguliers, un airaifé, quelques graces, le gout du chant & de Ia danfe. Eft-il étonnant qu'avec tant de moyens de plaire, elles ayent acquis un empire abfolu & inébranlable? Ce qui eft vraiment extraordinaire, c'eft qu'il y aic eu des contrées, & fur-tout des con-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 56f trées fauvages, oü Pon aic trouvéune différence fi marquée entre les deux fexes. L'unanimité des Hiftoriens pourra-t-elle jamais étoufferles doutes que doit faire naitre une narration li peu vraifemblable? Les témoignages réunis de tant d'Ecrivains qu'on voudra, ne fauroient prévaloir contre une loi bien connue, générale & conftante de la nature. Or, par-tout, excepté aux ifles Marianes, on a trouvé & l'on a dü trouver la femme foumife a 1'homme. Si l'on veut que je me prête a cette exception, ilfaut 1'appuyer d'une autre: c'eft que dans cette contrée, les femmes 1'emportoient fur les hommes, non-feulement en intelligence, mais en force de corps. Si Pon ne m'aflure pas 1'un de ces faits, je nie 1'autre; k moins toutefois que quelque dogme fuperftitieux n'ait rendu leurs perfonnes facrées. Car il n'y a rien que la fuperftition ne dénature, point d'ufage fi monftrueux qu'elle n'établiflè, point de forfaits auxquels elle ne détermine, point de facrifices qu'elle n'obtienne. Si elle dit a 1'homme, Dieu veut que tu te mutiles, il fe mutilera. Si elle lui dit, Dieu veut que tu aflafllneston fils, il 1'aflaflinera. Si elle lui a dit, aux ifles Marianes, Dieu veut que tu rampes devant la femme , il rampera devant la femme. La beauté, les talents & 1'efprit, dans toutes les contrées du monde fauvages ou policées, profterneront unv Nn 3  566 SÜPPLÉMENTS homme aux pieds d'une femme : mais ces avantages particuliers a quelques femmes, n'ctabiiront nulle part la tyrannie générale du fexe foible fur le fexe robufte. L'homme commande a la femme, même dans les pays oü la femme commande a la nation. Le phénomene des ifles Marianes feroit dans 1'ordre moral, ce que 1'équilibre de deux poids inégaux, fufpendus a des bras égaux de levier, feroit dans 1'ordre phyfique. Aucune forte d'autorité ne doit nous amener a la croyance d'une abfurdité. Mais, dira-t-ón, files femmes ont mérité la cette autorité par quelques fervices importants dont la mémoire s'eft perdue? eh bien, l'homme reconnoiflant le premier jour, aura été ingrat le fecond. La troifieme chofe remarquable dans les Marianes , c'étoit un profs ou canot, dont la forme finguliere a toujours fixé 1'attention des navigateurs les plus éclairés. Ces peuples occupoient des ifles féparées par des intervalles confidérables. Quoique fans moyens & fans defir d'échanges, ils vouloient communiquer entre eux. Us y réuffirent avec le fecours d'un Mtiment d'une füreté entiere, quoi-, que très-petit; propre & toutes les évoltitions navales, malgré la fimplicité de fa conftruétion; fi facile a manier, que trois hommes fuffifoient pour toutes les manceuvres; recevant le vent de cöté, mérite abfolument néceflaire dans ces pa-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 567 rages; ayanc Pavancage unique d'aller & de venir , fans jamais virer de bord, & en changeant feulement Ia voile; d'une telle marche qu'il faifoit douze ou quinze milles en moins d'une heure, & qu'il alloit quelquefois plus vïce que le vent. De 1'aveu de tous les connoiffeurs, ce profs appellé volant a caufe de fa légéreté, eft le plus parfait bateau qui ait jamais été imaginé; & 1'invention n'en fauroit être difputée aux habitants des Marianes, puifqu'on n'en a trouvé le modele dans aucune mer du monde. S'il étoit raifonnable de prononcer fur le génie d'une nation par un art ifolé, on ne pourroit s'empêcher d'avoir la plus grande opinion de ces fauvages, qui, avec des outils groffiers & fans Ie fecours du fer, ont obtenu a la mer des effets que des moyens multipliés n'ont pu procurer aux peuples les plus éclairés. Mais pour afièoir un jugement folide, il faudroit d'autres preuves qu'un talent que le hafard peut avoir donné; & ces preuves ne font confignées dans aucune hiftoire. Les ifles Marianes furent découvertes, en 1521, par Magellan. Ce célebre navigateur les nomina ifles des Larrons, paree que leurs fauvages habitants, qui n'avoient pas la moindre notion du droit de propriété, inconnu dans 1'état de nature , enleverent fur fes vaiflèaux quelques bagatelles qui tenterent leur curiofité. On négiigea. Nn 4  568 SUPPLÉMENTS long-temps de s'établir dans cet archipel oü il n'y avoit aucune de ces riches mines qui enflammoient alors les Efpagnols. Ce futen 1668 feulement que les vaiffeaux qui y relachoient de temps en temps, en allant du Mexique aux Indes Orientales, ydépoferentquelques miffionnaires. Dix ans après, la Cour de Madrid jugea que les voies de la perfuafion ne lui donnoient pas aflez de fujets, & elle appuya par des foldats les prédications de fes Apótres. Des fauvages ifolés, que guidolt un farouche toftmét, auxquels 1'arc & la fleche étoient même inconnus, qui n'avoient pour toute défenfe que de gros Mtons : ces fauvages ne pouvoient pas réfifler aux armes & aux troupes de 1'Europe. Cependant la plupart d'entre eux fe firent maffacrer plutöt que de fe foumettre. Un grand nombre furent la viélime des maladies honteufes que leurs inhumains vainqueurs leur avoient portées. Ceux qui avoient échappé a tous ces défaftres, prirent le parti défefpéré de faire avorter leurs femmes, pour ne pas laiffer après eux des enfants efclaves. La population diminua dans tout 1'archipel, au point qu'il fallut, il y a vingt-cinq ou trente ans, en réunir les foibles redes dans la feule ifle de Guam. Elle a quarante lieues de circonférence. Son port, fitué dans la partie occidentale, & défendu par une batterie de huit canons, eft for-  A*L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 569 mé d'un cöté par une langue de terre qui s'avance deux lieues dans la mer, & de 1'autre par un récif de même étendue qui Pembraflè prefque circulairement. Quatre vaiflèaux peuvent y mouiller a 1'abri de tous les vents, excepté de celui d'Oueft qui ne fouffle jamais violemment dans ces parages. A quatre lieues de la rade, fur les bords de la mer, dans une fituation heureufe, s'éleve Pagréable bourgade d'Agana. C'eft dans ce cheflieu de la colonie & dans vingt-un petits hameaux, diftribués autour de l'ifle, que font répartis quinze cents habitants, reftes infortunés d'un peuple autrefois nombreux. L'intérieur de Guam fert d'afyle & de pature aux chevres, aux porcs, aux bceufs, aux volailles qu'au temps de la conquête y porterent les Efpagnols, & qui depuis font devenus fauvages. Ces animaux, qu'il faut tuer a coup de fufil ou prendre au piege, formoient la principale nourriture des Indiens & de leurs oppreffeurs, lorfque tout-a-coup les chofes ont changé de face. Un homme aftif, humain, éclairé, a compris enfin que la population ne fe rétabliroit pas, qu elle s'affbibliroit même encore, a moins qu'il ne réuffn a rendre fon ifle agricole. Cette idéé é evee Pa fait cultivateur lui-même. A fonexemPie, les naturels du pays ont défriché les terres Nn s  570 SUPPLÉMENT* dont il leur avoit afïiiré la propriété. LeurS ehamps fe font couverts de riz, de cacao, de maïs, de fucre, d'indigo, de coton, de fruits, de légumes, dont, depuis un fiecle ou deux „ on leur laiffoit ignorer 1'ufage. Le fuccès a augmenté leur docilité. Ces enfants d'une nature brute, dans qui la tyrannie & la fuperftidon avoient achevé de dégrader l'homme, ont exercé, dans des atteliers, quelques arts de néceffité première, ékfréquenté, fans une répugnance trop marquée , les écoles ouvertes pour leur inftruétion. Leurs jouiflances fe font multipliées avec leurs occupations; & ils ont été enfin heureux dans un des meilleurs pays du monde: tant il eft vrai qu'il n'y a rien dont on ne vienne k bout avec de la douceur & par la bienfaifance, puifque ces vertus peuvent éteindre le reflèntiment dans 1'ame même du fauvage. Cette révolution inefpérée a été 1'ouvrage de M. Tobias, qui, en 1772, gouvernoit encore les Marianes. Puiflè ce vertueux & refpeétable Efpagnol obtenir un jour ce qui combleroit fa félicité, la confolation de voir diminuer la palfion de fes enfants chéris pour le vin de cocoder, & de voir augmenter leur gout pour le travail! Si, dès 1'origine, les Efpagnols avoient eu les vues raifonnables du fage Tobias, les Marianes auroient été civilifées & cultivées. Ce  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 5^1 doublé avantage auroit procuré h cet archipel une füreté qu'il ne fauroit fe promettre d'une garnifon de cent cinquante hommes concentrée dans Guam. Tranquilles pour leurs poflèflions, les conquérants fe feroient livrés a 1'amour des découvertes qui étoient alors le génie dominant de la nation. Secondés par le talent de leurs nouveaux fujets pour la navigation, leur aétivité auroit porté les arts utiles & 1'efprit de fociété dans les nombreufes ifles qui couvrent Pocéan Pacifique, & plus loin encore. L'univers eüt été, pour ainfi dire, agrandi par de fi glorieux travaux. Sans doute que toutes les nations commereantes auroient tiré, avec le temps, quelque utilité des relations formées avec ces régions, jufqu'alors inconnues, puifqu'il eft impoflible qu'un peuple s'enrichiffe fans que les autres participent a fes profpérités : mais la Cour de Madrid auroit toujours joui plutöt & plus conftamment des produétions de fes nouveaux établiflèments. Si nous ne nous trompons, cet ordre de chofesvaloit mieux pour 1'Efpagne qu'une combinaifon qui réduit les Marianes a fournir des rafraichiflèments aux galions qui retournent du Mexique aux Philippines, comme la Californie ï ceux qui vont des Philippines au Mexique. La Californie efl proprement, Sic. page 120.  5.7a SUPPLÉMENTS Page 121, après ces mots, nourriture des Californiens, lifez : C'eft une efpece de cierge qui, comme les autres, n'a point de feuilles. Ses tlges droites & cannelées ont les cótes chargées d'épines, & fupportent immédiatement des fleurs blanchatres, femblables a celles du nopal fur Iequel vit la cochenille, mais beaucoup plus allongées. Les fruits qui fuccedent & fes fleurs, ont k leur furface des inégalitésproduites par la bafe fubfiflante des écailles du calice. Ils font de la grotfèurd'un ceuf de poule, rouges en-dehors, & remplis intérieurement d'une pulpe blanche bonne a manger, plus douce & plus délicate que celle de la figue ordinaire. On trouve dans cette pulpe des petites femences noires & luifantes. La mer, plus riche que la terre, &c. Page 121, après ces mots, Ia faifon favorable, lifez: y attirent de diverfes Provinces du Mexique des hommes avides auxquels on a impofé la loi de donner au gouvernement le quint de leur pêche. Les Californiens font bien faits, &c. Page 122, après ces mots, pas même connue, lifez: quoique ce fentiment foit, finon plus vif, du moins plus pur dans 1'état de nature que dans celui de fociété. En effet, les fecours qu'une police réguliere aflure k tous les individus chez les nations civilifées, les jeunes fauvages ne les attendent que de leur pere. C'eft lui qui pourvoit a leur fub-  A L'HISÏ. PHILOSOPHIQUE. 573 fiftance , quand ils fonc enfants; c'eft lui qui veille k leur füreté. Comment ne rechercheroienc - ils pas fa bienveillance? comment n'éviteroient-ils pas avec foin ce qui pourroit les priver de fon appui ? Un refpeft qui n'eft point exigé, ne fauroit guere s'nffoiblir dans des enfants qu'une habitude animale plus encore que le befoin ramene toujours dans la cabane qui les a vu naitre, & dont ils ne s'éloignent jamais k de grandes diftances. Les féparations que 1'éducation, 1'induftrie, le commerce occafionnent fi fréquemment parmi nous, & qui ne peuvent que retëcher les liens de la parenté, les fauvages ne lesconnöiffent point. Ils reftent h cöté de celui qui leur a donné 1'exiftence, tant qu'il vit. Comment s'écarteroient-ils de 1'obéiiTance ? Riep ne leur eft impérieufemenc ordonné. Point d'être plus libre que le petit fauvage. II nait émancipé. II va, il vient, il fort, il rentre, il découche fans qu'on lui demande ce qu'il a fait, ce qu'il eft devenu. Jamais on ne s'aviferoic d'employer 1'autorité de la familie pour le ramener, s'il lui plaifoit de difparoitre. Rien de fi commun dans les villes que les mauvais peres. II n'y en a point au fond des forêts. Plus les fociétés font opulentes, & plus il y a de luxe, moins la voix du fang s'y fait entendre. Le dirai-je ? La févérité de notre éducation, fa variété, fa durée, fesfatigues alienent  574 SUPPLÉMENT S' Ja tendreflè de nos enfants, II n'y a que l'expe> rience qui les réconcilie avec nous. Nous fom* mes obligés d'attendre long-temps la reconnoif* fance de nos foins & 1'oubli de nos réprimandes» Le fauvage n'en entendit jamais dans Ia bouche de fes parents. Jamais il n'en fut cMtié. Lorfqu'il fut frapper 1'animal dont il avoit a fe nour* rir, il n'eut prefque plus rien a apprendre. Ses paffions étant naturelles, il les fatisfait fans redouter 1'ceil des fiens. Mille motifs contraignenc nos parents a s'oppoferaux nótres. Croit-on qu'il n'y ait point d'enfant parmi nous a qui le defir d© jouir promptement d'une grande forrune ne falie trouver la vie de leurs peres trop longue? J'aimerois a me Ie perfuader. Le cceur du fauvage h qui fon pere n'a rien a laiflèr, eft étranger a cette efpece de parricide. Dans nos foyers, les peres agés radotent fouvent au jugement de leurs enfants. II n'en eft pas ainfi dans Ia cabane du fauvage. On y parle peu, & l'on y a une haute opinion de Ia pru» dence des peres. Ce font leurs lecons qui fup-. pléent au défaut d'obfervations fur les rufes des animaux, fur les forêtsgiboyeufes, furies cótes poiffonneufes, fur les faifons & fur les temps pro* pres a la chafle & h Ia pêche. Le vieillard raconte-t-il quelques particularités de fes guerres ou de fes voyages? rappelle-t-il les combats qu'il a livrés, les périls qu'il a courus, les embüches  A VUIST. PHILOSOPHIQUE. 575 qu'il aévitées? s'éleve-t-il a Pexplication des phénomenes les plus fimples de la nature? Je foir, dans une nuit étoilée, h Pentrée de la cabane, leur trace-t-il du doigt le cours des aftres qui brillenc au-defius de leur tête, d'après les connoiflances bornées qu'il en a ? il efl; admiré. S'il furvientunetempête, quelque révolution fur la terre, dans les airs, fur les eaux, quelque événement agréable ou faeheux: tout s'écrient, notre pere nous l'avoit prédit; & la foumiflion 'pour fes confeils, la vénération pour fa perfonne en font augmentés. Lorfqu'il approche de fes derniers moments, Pinquiétude & la douleur fe peignent fur les vifages, les larmes coulent a fa mort, & un long filence regne autour de fa couche. On le dépofe dans la terre, & Pendrok de fa fépulture eft facrë. On lui rend des honneurs annuels; & dans les circonflances importantesou douteufes, on va quelquefois interroger fa cendre. Hélas! les enfants ('ont livrés a tant de diftractions parmi nous, que les peres en font promptement oubliés. Ce n'eft pas toutefois que je préférafle 1'état fauvage a 1'état civilifé. C'eft une proteftarion que j'ai déja faite plus d'une fois. Mais plus j'y réfléchis , plus il me femble que depuis la condition de la nature la plus brute jufqu'a'1'état Ie plus civilifé, tout fe compenfe a-peu-près, vices & vertus, biens & maux phyfiques. Dans la forêt, ainfi que dans la fociété, le  576* SUPPLÉMENTS bonheur d'un individu peut être moins ou plus grand que celui d'un autre individu : mais je foupconne que la nature a pofé des limites k celui de toute portion confidérable de 1'efpece humaine» au-dela defquelles il y a a-peu-près autant a perdre qu'k gagner. Le Mexique n'eut pas été plutöt réduit & pacifié, que Cortès forma le projet d'ajouter £t fa conquête la Californie. Lui-même, il fe chargea, en 1526, de Pexpédition; mais elle ne fuc pas heureufe. Celles qui fe fuceéderent rapidement, pendant deuxfiecles, eurentle même forc, foie que les parciculiers en fupporcaflênc les fraix, foie qu'elles fe fiflènc aux dépens du gouvernemenc; & cecce concinuicé de revers n'eft pas inexplicable. L'ufage de lever les vues, les plans, les cartes des lieux qu'on parcouroit, n'écoic pas alors forc commun. Si quelque avencurier plus intelligenc ou plus laborieux que fes compagnons écrivoic une relacion de fon voyage, cec écric écoic raremenc placé dans les dépöts publics. L'y mettoic-on? Enfeveli dans la poulfiere, il étoic oublié. L'impreffion auroic remédié a cec inconvénienc; mais la craince que les écrangers ne fuffenc inftruics de ce qu'on croyoic importanc de leur cacher, faifoic rejetcer ce moyen de communicacion. De cecce maniere, les peuples n'acquéroienc aucune expérience. Les abfurdi- tés  A LUIST. PHILOSOPHIQUE. 577 ïésfe perpécuoienc, &Iesderniers entrepreneurs échouerenc par les mêmes fauces qui avoienc empêché le fuccès des premiers. On avoic enciéremenc renoncé k Pacquifition de la Californie, lorfque les Jéfuices demanderenc en 1607, qu'il leur fuc permis de 1'enereprendre. Dès qu'ils eurenc obcenu le confentemencdu gouvernemenc, ils commencerend'exécucion du plan de légiflation qu'ils avoienc formé, d'après des nocions exaétes de la nacure du fol, du caraélere des habitancs, de Pinfluence du climat. Le fanacifme ne guidoic poinc leurs pas. Ils arriverenc chez les fauvages qu'ils vouloienc civiiifer, avec des curioficés qui puffenc les amufer, des grains deftinés a les nourrir, des vêcemencs propres a leur plaire. La haine de ces peuples pour le nom Efpagnol, ne cinc pas concre ces démonftrations de bienveillance. Ils y répondirenc aucanc que leur peu de fenfibilicé & leur inconftance le pouvoienc permeccre. Ces vices furenc vaincus en parcie, par les religieux infticuceurs qui fuivoient leur projer avec Ia chaleur & 1'opinidcreté parciculieres a leur corps. Ils fe firent charpenciers, macons, riftèrands., cultivateurs, & réuffirenc par ces moyens a donner la connoiflance, & jufqu'a un cercain poinc, le goüc des premiers arcs a ces peuples fa-uvages. On les a cous réunis fucceflivemenc. En 1745, ds formoienc quarante - crois viliages, féparés Suppl. Tome L Oo  578 SUPPLÉMENTS par la ftérilité du terrein & la difette d'eatü La fubfiftance de ces bourgades, &c. Page 125 , après ces mots, que l'on connoifTe , lifez : Trop de fcenes cruelles & deftruétives ont jufqu'ici affligé nos regards, pour qu'il ne nous foit pas permis de les arrêter un moment fur des travaux infpirés par l'humanité & dirigés par la bienfaifance. Toutes les autres conquêtes ont été faites par les armes. Nous n'avons vu que des hommes qui égorgeoient des hommes, ou qui les chargeoient de chaines. Les contrées que nous avons parcourues ont été fuccelïïvement autant de théatres de la perfidie, de Ia férocité, de la trahifon, de 1'avarice & de tous les crimes auxquels on eft porté par la réunion & la violence des paflïons effrénées. Notre plume, fans ceftè trempée dans le fang, n'a tracé que des lignes fanglantes. La contrée oü nous fommes entrés eft la feule que la raifon ait conquife. Aflèyons-nous, & refpirons. Que le fpeétacle de 1'innocence & de la paix diffipe les idéés lugubres dont nous avons été jufqu'a préfent obfédés, & foulage un moment notre ame des fentiments douloureux qui Pont fi conftamment oppreffée, flétrie, déchirée. Hélas! la jouiffance nouvelle que j'éprouve durera trop peu pour qu'elle me foit enviée. Leéleurs, bientöt ces grandes cataftrophes qui bouleverfent ce globe, & donc k peinture vous plait, par les  A L'HÏST. PHILOSOPHIQUE. s79 fecoufTes violentes que voüs en recevez, &' par les^ larmes, moitié délicieufes, moitié ameres qu'elles arrachent de vos yeux, fouilleront la fuite de ces déplorables annales. Etes-vous mé* chants? étes-vous bons? Si vous étiez bons? 'vous vous refuferiez, ce me femble, au récit des Calamités; fi vous étiez méchants, vous Pentendriez fans pleuren Cependant vous pleurez. Vous voulez étre heureux, & c'eft du malheur qu'il faut vous entretenir pour vous intéreffèr. Je crois en entrevoir la raifon. Les peines des autres vous confoJent des vótres, & 1'eftime de vousmême s'accroïc par la compaflion que vous leur accordez. II n'y a dans toute Ja Californie, &c. Page 125, après ces mots. le gouvernement, lifez: La Cour de Madrid n'avoit pas vu d'inconvénienc a laiflèr ces foibles moyens a des Prêtres qui avoient acquis fa confiance, & on l'avoit bien convaincue que c'étoit le feul expédient qui püt préferver fes nouvelles conquêtes d'une oppreffion entiérement deftructive. Tel étoit Pétat des chofe, lorfqu'en 1767 Ia Cour de Madrid chaffa de la Californie les Jéfuites, comme elle les expulfoit de fes autres Provinces. Ces miffionnaires avoient formé le projet de pouflêr leurs travaux fur les deux rives de Ia mer jufqu'a la chaine de montagnes Oo 2  580 SUPPLÉMENT'S qui lie la Californie a la Nouvelle-Efpagne. tb vouloient élever PErapire dont ils multiplioicnt les fujets a un degré de puiflance qui lui permïc de voir d'un oeil tranquille la navigation des Ruffes & la découverte du paflage que les Anglois cherchent depuis fi long-temps au Nord-Ouefl. Loin d'avoir abandonné ces grands projets, le Miriiftere Efpagnol leur a donné, dit-on, plus d'étendue. Les deux mondes ne doivent pas même tarder a les voir exécutés, k moins que des événements imprévus n'y oppofent des obftacles infurmontables. En attendant que 1'Efpagne, &c. Page 127, après ces mots, Mexique avec 1'Afie, lifez : Loin de penfer comme eux, Alberoni vouloit donner a cette liberté une extenfion illimitée. 11 lui paroiffoit très-fage de faire habiller les deux Amériques par les Indes. Les colons, difoit-il, feroient vêtus plus agréablement, a meilleur marché, d'une maniere plus analogue au climat. Les guerres de 1'Europe ne les expoferoienc pas a manquer fouvent des chofes les plus nécelfaires. Ils feroient plus riches? plus affeétionnés a la patrie principale, plus en état de fe défendre contre les ennemis qu'elle leur attire. Ces ennemis eux-mêmes feroient moins redoutables; paree qu'ils perdroienc peua-peu les forces que 1'approvifionnement du Mexique £c du Pérou leur procure. Enfin, 1'Ef-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 581 pagne, en percevant fur les marchandifes des Indes les mêmes droits qu'elle percoit fur celles que fourniflènt fes rivaux, ne perdroit aucune branche de fes revenus. Elle pourroit même, fi fes befoins 1'exigeoient, obtenir de fes colonies des fecours qu'elles n'ont adtuellement ni la volonté, ni le pouvoir de lui fournir. Les vues du Miniftxe hardi & entreprenant s'étendoient plus loin encore. II vouloit que la métropole elle-même formdc des liaifons immenfes avec 1'Orient par la voie de fes colónies d'Amérique. Selon lui, les Philippines, qui jufqu'alors avoient payé un tribut énorme a l'aétivité des nations Européennes ou Afiatiques qui leur portoient des manufaétures ou des produétions, pouvoient les aller chercher fur leurs propres vaiffeaux, & les obtenir de la première main. En livrant la même quantité de métaux que leurs concurrents, les habitants de ces ifles acheteroient a meilleur marché, paree que ces métaux venant direétement d'Amérique, auroient moins fupporté de fraix que ceux qu'il faut voiturer dans nos régions, avant de les faire paffer aux Indes. Les marchandifes embarquées k Manille arriveroient a Panama fur une mer conftamment tranquille, par une ligne très-droite & avec les mêmes vents. Au moyen d'un canal très-court, follicité depuis long-temps par le commerce, on feroit enfuite arriver aifément les cargaifons a Oo 3  582 SUPPLÉMÊNTS Pembouchure du Chagre, oü elles feroient chargées pour 1'Europe. Alberoni s'attendoit bien que les Puiflances, dont cec arrangement blefferoit les intéréts & ruineroit 1'induflrie, chercheroient a le traverfer: mais il fe croyoit en état de braver leur courroux dans les mers d'Europe , & il avoic déja donné fes ordres, pour qu'on mie les cótes & les pores de la mer du Sud en état de ne rien craindre des efcadres fatiguées qui pourroienc les actaquer, Ces combinaifons trouverenc des approbateurs. Aux yeux des enthoufiaftes d'Alberoni, & il y en avoic beaucoup, c'écoienc les efforts fublimes d'un puiflanc génie pour la profpérité & pour la gloire de la monarchie qu'il reffufcitoit. D'autres, en plus grand nombre, ne virent dans ces projets fi grands en apparence, que les délires d'une imagination déréglée, qui s'exagéroic les reffources d'un Etat ruiné, & qui fe promettoic de donner le commerce du monde entier a une nation réduite depuis deux fiecles a 1'impoflibilité de faire le fien. La difgrace de cet homme extraordinaire calma la fermentation qu'il avoit excitée dans les deux mondes. Les liaifons des Philippines avec le Mexique continuerenc fur Panden pied, ainfi que celle que cecte grande Province entretenoic avec le Pérou par la mer du Sud,  A L'HÏST. PHILOSOPHIQUE. 583 Les cótes du Mexique ne reflèmblent pas k celles du Pérou, oü le voifinage & la hauteur des Cordelieres font régner un printemps éternel, des vents réguliers & doux. Auffi-tót qu'on a palTé la ligne a la hauteur de Panama, la libre communication de 1'ath mofphere de 1'Eft a 1'Oueft n'étant plus interrompue par cette prodigieufe chaine de montagnes, le climat devient différent. A la vérité, la navigation eft facile & füre dans ces parages depuis le milieu d'Oélobre jufqu'k la fin de Mai: mais durant le refte de Pannée» les calmes & les orages y rendent alternacivement la mer facheufe & dangereufe. La cóte qui borde cet océan a fix cents lieues. Autrefois il ne fortoit des rades que la nature y a formées, ni un batiment pour le commerce, ni un canot pour la pêche. Cette inaétion étoit bien en partie la fuite de 1'indolence des peuples : mais les funeftes difpofitions faites par la Cour de Madrid y avoient plus de part encore," La communication entre les Empires des Incas & de Montezuma devenus Provinces Efpagnoles , fut libre dans les premiers temps par la mer du Sud. On la borna quelque temps après a deux navires. Elle fut abfolument prohibée en 1636. Des repréfentations prefiantes & réitérées déterminerent a la rouvrir au bout d'un demi-fiecle, mais avec des reftriélions qui la rendoient nulle. Ce n'eft qu'en 1774 qu'il a été permis k 1'AOo 4 xxiv: Communications du Mexique avec le Pérou & avec 1'Efpagne , par la voie de Guatimzla.  584 SUPPLÉMENTS mérique Méridionale & Septentrionale de faire tous les échanges que leur intérêt inutuel pourroit comporter. Les différentes contrées de ces deux régions tireront, fans doute, de grands avantages de ce nouvel ordre de chofes. On peut prédire cependant qu'il fera plus utile au pays de Guatimala qu'a tous les autres. Cette audience domine fur douze lieues k POuefl, foixante a 1'Eft, cent au Nord, & trois cents au Sud. Sept ou huit Provinces forment cette grande jurifdiélion. Celle de Cofla-Ricca efl très-peu peuplée, très-peu cultivée, & n'offre guere que des troupeaux. Une grande partie des anciens habitants s'y font jufqu'ici refufés au joug. Six mois d'une pluie qui tombe en torrents, & fix mois d'une féchereflè dévorante, affligenc Nicaragua réguliérement chaque année. Ce font les hommes les plus efféminés de la Nouvelle-Efpagne , quoique des moins riches. Les Caflillans n'exercerent nulle part plus de cruautés qu'a Honduras. Ils en firent un déferr. Auffi n'en tire-t-on qu'un peu de caflè & quelque falfe-pareille. Vera-Paz étoit en poflèfïion de fournir k Panden Mexique les plumages éclatants dont on compofoit ces tableaux fi long-temps vantés. La Province a perdu toute fon importance, depuis que ce genre d'induflrie a été abandonné.  'A L'HIST. PHILOSOPHIQÜE. 585 Soconufco n'eft connu que par Ia perfeétion de fon cacao. La plus grande partie de ce fruit fert a 1'Amérique même. Les deux cents quintaux qu'on en porce en Europe appartiennenc au Gouvernement. S'il y en a plus que Ia Cour ne peut confommer, on le vend au public le doublé de ce que coüte celui de Caraque. Quoiqu'au centre du Mexique, Chiapa forrnoit un Etat indépendant de cet Empire a Parrivée des Efpagnols: mais ce canton plia auffi devant des armes que rien n'arrêtoit. II y eut la peu de fang répandu, & les Indiens y font encore plus nombreux qu'ailleurs. Comme la Province n'eft abondante qu'en grains, en fruits, en paturages, peu des conquérants s'y fixerent; & c'eft peut-être pour cela que l'homme y eft moins dégradé, moins abruti que dans les contrées remplies de mines ou avantageufement fituées pour le commerce. Les origenes montrent de 1'intelligence, ont quelque aptitude pour les arts, & parient une langue qui a de Ia douceur, même une forte d'élégance. Ces qualités fonc fur-tout remarquables a Chiapa de los-Indios, ville aflèz importante oü leurs families les plus confidérables fe font réfugiées, qu'ils occupent feuls, & oü ils jouiflènt de grands "privileges. Sur la riviere qui baigne fes murs s'exercent habituellemenc 1'adreflè & Ie courage de ces homOo 5  58f5 SUPPLÊMENTS roes moins opprimés que leurs voifins. Avec des bateaux, ils formenc des armées navales. Ils combactent entre eux, ils s'attaquent & ils fe défendent avec une agilité furprenante. Ils Mtiiïènt des chateaux de bois, qu'ils couvrent de toile peinte & qu'ils affiegent. Ils n'excellent pas moins & la courfè des taureaux, au jeu des cannes, k la danfe, h tous les exercices de corps. Combien ces détails feront regretter que les Indiens foient tombés au pouvoir d'un vainqueur qui a refferré les liens de leur fervitude au-lieu de les relacher. La Province de Guatimala a, comme les autres Provinces de fa dépendance, des troupeaux, des mines, du bied, du maïs, du fucre, du coton : mais aucune ne partage avec elle Pavantage de cultiver 1'indigo. C'eft fur fon territoire qu'eft placée une ville de fon nom , oü font réunis les adminiftrateurs & les tribunaux néceflaires au gouvernement d'un fi grand pays. Cette cité célebre fut, bien ou mal-k-propos, Mtie dans une vallée large d'environ , &c page 129. Page 130, après ces mets, le paradis & 1'enfer, lifez : Les objets que demande le Pérou font expédiés de cette capitale par Ia mer du Sud. L'or, 1'argent, 1'indigo deftinés pour notre continent, font porcés, Jt dos de mulet, au bourg Saint-Thomas, fitué a foixante lieues de  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 587 la ville dans le fond d'un lac très-profond qui fe perd dans le golfe de Honduras. Tanc de richeffes font échangées dans cet entrepot contre les marchandifes arrivées d'Europe dans les mois de Juillet ou d'Aoüt. Ce marché eft entiéremenc ouverc, quoiqu'il eüt été facile de le mettre a 1'abri de toute infulte. On le pouvoit d'autant plus aifément, &c. Page *33> après ces mots, la tranquillitéde leur retraite, lifez: Le danger n'eft plus malheureufement le même. Un affreux tremblement a détruit Guatimala de fond en combieen 1772. Cette ville, une des plus riches de 1'Amérique, n'offre plus que des ruines. Elle renaïtroit bientót dans d'autres contrées: car, que ne peuvent point les nations aétives & induftrieufes ? Par elles des régions qu'on croyoit inhabitables font peuplées. Les terres les plus ingrates font fécondées. Les eaux fonc repouffées^& la fèrtilité s'éleve fur le limon. Les marais porcenc des maifons. A cravers des moncsentr'ouverts, l'homme fe faic des chemins. II fépare a fon gré ou lie les rochers par des ponts qui reftenr comme fufpendus fur la profondeur obfcure de 1'abyme, au fond duquelle torrent courroucé femble murmurer de fon audace. II oppofe des digues a la mer, & dort tram. quillemenc dans le domicile qu'il a fondé au-deffous des flots. II affemble quelques planches fur  588 SÜPPLÉMENTS lefquelles il s'alfied; il dit aux vents de le porter k 1'extrêmité du globe, & les vents lui obéiffent. Homme,quelquefois fi pufillanime & fipetit, que tu te montres grand, & dans tes projets, & dans tes ceuvres! Avec deux foibles leviers de chair, aidés de ton intelligence, tu attaques la nature entiere & tu la fubjugues. Tu affrontesles éléments conjurés, & tu les aflèrvis. Rien ne te réfifle, fi ton ame eft tourmentée par 1'amour ou le defir de polféder une belle femme que tu haïras un jour; par l'intérêt ou la fureur de remplir tes coffres d'une richeflè qui te promette des jouiflances que tu te refuferas; par la gloire ou 1'ambition d'être loué par tes contemporains que tu méprifes, ou d'une poflérité que tu ne dois pas ertimer davantage. Si tu fais de grandes chofes par paffion, tu n'en fais pas de moindres par ennui. Tu ne connoiffois qu'un monde. Tu foupconnas qu'il en étoit un autre. Tu 1'allas chercher, & tu le trouvas. Je te fuis pas h pas dans ce monde nouveau. Si la hardiefle de tes entreprifes m'en dérobe quelquefois 1'atrocité, je fuis toujours également confondu, foit que tes forfaits me glacent d'horreur, foit que tes vertus me tranfportent d'admiration. Tels étoient ces fiers Efpagnols qui conquirent 1'Amérique : mais le climat, une mauvaife adminiftration, 1'abondance de toutes chofes énerverent leurs defcendants. Tout ce qui portoit  A L'HIST. PHILOSOPHIQÜE. g| fempreinte de la difficulté fe trouva au-deflus < ïeurs ames corrompues; & leurs bras amollis refuferenchcous les travaux. Durant ce longp riode, ce fut un engourdiffemenc dont on vo peu d'exemples dans Phiftoire. Comment une c té, engloutie par des volcans, feroit-elle aio: forcie de ces décombres? Mais, depuis quelque années, la nation fe régénere. Déja l'on a trac leplan d'une autre ville, plus vafte, plus coir mode, plus belle que celle qui exiftoit : & ell fera élevée k huit lieues de Pancienne fur un bafe plus folide. Déja la Cour de Madrid, s'é cartant de fes mefures ordinairement trop len tes, a affigné les fonds néceflaires pour la coni truftion des édifices publics. Déja les citoyen déchargés'des tributs qui pouvoient fervir de rai fon ou de prétexte a leur inaétion, fe 'prêten aux vues du Gouvernement. Un nouveau Gua timala embellira bientót la nouvelle-Efpagne Si cette aétivité fe foutient, fi elle augmente les Anglois feront vraifemblablemenc chaflés de; établiffements qu'ils onc commencés entre le lac de Nicaragua & Ie cap Honduras. Cette contrée occupe cent quatre-vingts lieues de cöces, & s'enfonce dans 1'intérieur des terres jufqu'a des montagnes forc hauces, plus ou moins éloignées de POcéan. Le climac de cecce région eft fain & aflèz tempéré. Le fol en eft communémenc uni, crès-bien le fe k i* •s s 2 3 3 e XXV. Defcriptioa de Honduras, d'Yucatan & de; Campêche. Qu'eft - ce qui y divifs 1'Efpagne & l'Angleterre.  590 SUPPLÉMENT S arrofé, & paroic propre a couces les produétions cultivées entre les Tropiques. On n'y eft pas expofé k ces fréquentes féchereflès, a ces terribles ouragans qui détruifenc fi fouvenr, dans les ifles du Nouveau-Monde, les efpérances les mieux fondées. Le pays eft principalement habité par les Mofquices. Ces Indiens furent autrefois nombreux : mais la petite-vérole a confidérablementdiminué leur population. On ne penfe pas qu'aétuellement leurs diverfes tribus puffènt mettre plus de neuf ou dix mille hommes fous les armes. Une nation,encore moins multipliée, eft fixée aux environs du cap Gracias-a-Dios. Ce font les Samboes, defcendus, dit-on, d'un navire de Guinée qui fit autrefois naufrage fur ces parages. Leur teint, leurs traits, leurs cheveux, leurs inclinations ne permettent guere de leur donner une autre origine. Les Anglois font les feuls Européens que leur cupidité ait fixés dans ces lieux fauvages. Leur premier établiflèment fuc formé vers 1730, vingt-fix lieues a 1'Eft du cap Honduras. Sa pofition a 1'extrêmité de la cöte & fur la riviere Black, qui n'a que fix pieds d'eau k fon embouchure, retardera & empêchera peut-être toujours fes progrès. A cinquante-quacre lieues de cette colonie eft Gracias-a-Dios, dont la rade, formée par un  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 591 bras de mer, eft immenfe & affez füre. C'eft tout prés de ce cap fameux que fe font placés les Anglois fur une riviere navigable, & dont les bords font très-fertiles. Soixante-dix lieues plus loin, cette nation entreprenante a trouvé a Blew-Field des plaines vaftes & fécondes, un fleuve acceftible, unporc commode, & un rocher qu'on rendroic aifémenc inexpugnable. Les trois comptoirs n'occupoient, en 1769, que deux cents fix blancs, autant de mutètres & neuf cents efclaves. Sans compter les muiets & quelques autres objets envoyés a la Jamaïque, ils expédierent cette année, pour 1'Europe, huic cents mille pieds de bois de Mahagoni, deux cents mille livres pefant de falfe-pareille, &dix mille livres d'écailles de tortue. Les bras ont été multipliés depuis. On a commencé a planter des eannes, dont le premier fucre s'eft trouvé d'une qualité fupérieure. De bonsobfervateurs affirment qu'une poffeflion tranquille du pays des Mofquites, vaudroit mieux un jour pour la Grande-Bretagne, que toutes les ifles qu'elle occupe aéruellement dans les Indes Occidentales. La nation ne paroit former aucun doute fur fon droit de propriété. Jamais, difent fes Ecrivains, 1'Efpagne ne fubjuguaces peuples., & jamais ces peuples ne fe foumirent a 1'Efpagne. Ils étoient indépendants de droit & de faic, lorf-  592 SUPPLÉMENTS qu'en 1670 leurs chefs fejetterent d'eux-mêmes dans les bras de 1'Angleterre, & reconnurent fa fouveraineté. Cette foumifïïon étoit fi peu forcée, qu'elle fuc renouvellée & plufieurs reprifes. A Jeurfollicitation, la Cour de Londres envoya fur leur cerritoire, en 1741, un corps de troupes, que fuivit bientöt une adminiflration civile. Si, après la pacification de 1763, on retira la milice & lemagirtrac, fi l'on ruina les fortifications élevées pour la fürecé des fauvages & de leurs défenfeurs, cefuc par 1'ignorance du Miniftere, qui fe laiffa perfuader que le pays des Mofquices faifoic parcie de la baie de Honduras. Cette erreur ayanc été diflipée, il a été formé de nouveau, dans ces contrées, un gouvernement régulier au commencement de 1776. On ne balancerok pas h s'occuper de la difcuffion de ces grands intéréts, fi les Puiflances fe conduifoient par Ia raifon ou la juftice : mais c'eft la force & Ia convenance qui décident tout entre elles, bien qu'aucune d'elles n'ait eu jufqu'a préfent le front d'en convenir. Souverains, qu'eft-ce que cette mauvaife honte qui vous arrête? Puifque 1'équité n'eft pour vous qu'un vain nom, déelarez-le. A quoi fervent ces traités qui ne garantiflènt point de paix, auxquels le plus foible eft contraint d'accéder; qui ne marquenc dans 1'un & dans 1'autre des contraétantsque 1'épuifement des moyens de continuer la guerre, & qui  A L'HÏST. PHïLOSOPHlöÜE. 593 qui font toujours enfreints? Ne fignez que des fufpeniionsd'armes, &n'enfixeZ point b durée & vous avez réfolu d'être injuftes, ceiïez au moins detre perfides. Laperfidie eftfi Jache,fiodieu fe. Ce v,ce rre convient pas a des potentats. Le renard fous la peau du lion, Ie lion fous la peau du renord.fonc deuxanimaux également ridicules. Ma« «u-heu de parler a des fourds qu'on ne convamedenen&qu'onpeutirriter,diionsquelque chofe des baies de Honduras, de Campê^ che , & de la péninfule d'Yucatan qui . les fé- Cette péninfule a cent lieues de long fur vinot & vmgt-anq de large. Le pays eft entiérement un,. On n y vo,t, ni riviere, ni ruiffeau : mais par-tout 1'eau eft fi prèsde Ia terre, par-tout les coqmllages fouten fi grande abondance, que ce grand efpaceadü faire autrefois partie de la mer Lespremiers Efpagnols qui parurent fur ces cótes y trouverent établi, au rapport d'Herreraun ufage très-pardculier. Les hommes y portoiént géneralement des miroirs d'une pierre brillante , dans lefquels ils fe contemploient fanscefiè,tan' dis que les femmes nefe fervoientpas de cet inftrument fi cher a la beauté. Si 1'ufage continu que les femmes font du mi ro,r dans nos contrée*, „e montre que le defir de pla,re aux hommes, en ajoutant aux attraits ^ tt/°nre?US ? k natUre> ce ^ ra" ï>™ buppl Tome L Pp  594 SUPPLÉMENTS leur donner de piquant; les hommes feroient h Yucatan les mêmes fraix pour plaireaux femmes. Mais c'eft un fait fi bizarre qu'on peut le rejetter en doute, h moins qu'on ne 1'étaie d'un fait plus bizarre encore, c'eft que les hommes fe livrenc al'oifiveté, tandis que les femmes font condamnées aux travaux. Lorfque les fonélions propres aux deux fexes feront perveities , je ne ferai point étonné de trouver a 1'un la frivolité de 1'autre. Yucatan , Honduras, Campêche n'otTrirent pas aux dévaftateurs du nouvel hémifphere ces riches métaux qui leur faifoient traverfer tant de mers. Auffi négligerent-ils, mépriferent-ils ces contrées. Peu d'entre eux s'y fixerent; & ceux que le forc y jetta ne tarderent pas a comraéter Pindolence Indienne. Aucun ne s'occupa du foin de faire naitre des produétions dignes d'être exporcées. Ainfi que les peuplades qu'on avoic décruices ou aflèrvies , ils vivoienc de cacao, de maïs, auxquels ils avoienc ajoucé lareffource facile & commode des troupeaux tirés de Panden monde. Pour payer leur vêtemenc qu'ils ne vouloienc pas ou ne favoienc pas fabriquer euxmêmes & quelques autres objets de médiocre valeur que leur fourniflbic 1'Europe, ils n'avoient propremenc de reflburce qu'un bois de cdncure connu dans cous les marchés fous le nom de bois de Campêche.  A L'HlST. PHILOSOPHIQUË, S95 L'arbfe qui le fournit, afTez élevé, a des feuilles alternes, compofées de huit folioles caillées en cceur, & difpofées fur deux rangs le long d'une cöte commune. Ses fleurs petites & rougejkres fonc raffèmblées en épis aux extrémités des rameaux. Elles ont chacune un calice d'une feule piece, du fond duquel s'élevent cinq pétales & dix étamines diftinétes. Le piftil placé dans le centre devient une petite gouflè ovale applatie, partagée dans fa longueur en deux ovales, & remplies de deux ou trois femences. La partie la plus intérieure du bois, d'abord rouge, devient noire quelque temps après que Ie bois a été abatcu. II n'y a que Ie ceeur de 1'arbre qui donne le noir & le violet. Le gout de ces couleurs qui écoic plus répandu, il y a deux fiecles, qu'il ne 1'eft peuc-êcre aujourd'hui, procura un débouché confidérable * ce bois précieux. Ce fuc au profic des Efpagnols feuls jufqu'a 1'écabliffemenc des Anglois a Ia Jamaïque. Dans la foule des corfaires qui forcoienc cous les jours de cecce ifle devenüe célebre , plufieurs allerenc croifer dans les deux baies & fur les cótes de Ia péninfule, pour incercepter les vaiflèaux qui y naviguoienc. Ces brigands connoiflbienc fi peu la valeur'de leur chargemenc, que lorfqu'ils en crouvoient des barques remplies, ils n'emportoient que les ferrements. Un d'entre eux ayanc Pp 2  596" SUPPLËMENTS enlevé un gros Mtiment qui ne portoit pas autre cholè, le conduifit dans la Tamife avec le feul projet de 1'armer en courfe; & contre fon attente , il vendit fort cher un bois dont i! faifoit ü peu de cas, qu'il n'avoit celfé d'en brüler pendant fon voyage. Depuis cette découverte, les corfaires, qui n'étoient pas heureux a la mer, ne manquoient jamais de fe rendre a la riviere de Champeton, oü ils embarquoient les piles de bois qui fe trouvoient toujours formées fur le rivage. La paix de leur nation avec 1'Efpagne ayanc mis des entraves a leurs violences, plufieurs d'entre eux fe livrerent k la coupe du bois d'Inde. Le cap Catoche leur en fournit d'abord en abondance. Dès qu'ils le virent diminuer, ils allerent s'établir entre Tabafco & la riviere de Champeton , autour du lac Trifte , & dans l'ifle aux Bceufs qui en eft fort proche. En 1675, ils y étoient deux cents foixante. Leur ardeur, d'abord extréme , ne tarda pas a fe ralentir. L'habitude de 1'oiliveté reprit le deflüs. Comme ils étoient la plupart excellents tireurs, la chafle devint leurpaffion la plus forte; & leur ancien gout pour le brigandage , fut réveillé par cet exercice. Bientöf ils commencerent a faire des courfes dans les bourgs Indiens, dont ils enlevoient les habitants. Les femmes étoient deftinées a les fervir, & on vendoit les hommes a la Jamaïque, ou dans d'au-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 507 tres ifles. L'EfpagnoI, ciré de fa Iéchargie par ces excès, les furpric au milieu de leurs débauches & les enleva Ia plupart dans leurs cabanes. Ils furent conduits prifonniers a Mexico, oü ils finirent leurs jours dans les travaux des mines. Ceux qui avoienc échappé, fe réfugierent dans legolfe de Honduras, oü ils furent joints par des vagabondsde PAmérique Septentrionale. I/s parvinrenc, avec Ie cemps, a former un corps de quinze cencs hommes. L'indépendance, le liber.rinage, Pabondance oü ils vivoienc, leur rendoic agréablelepaysmarécageux qu'ils habicoienc. De bons recranchemenrs afluroienc leur forc & leurs fubfiftances, & ils fe bornoient aux occupations que leurs malheureux compagnons gémiflbient d'avoir négligées. Seulemenc 7ls avoienc la précaucion de ne jamais encrer dans Pincérieur du pays pour couperdu bois, fans êcre bien armés. Leur cravail fuc fuivi du plus grand fuccès. A la vérité, la conne qui s'écoic vendue jufqu'a neuf cencs livres, écoic combée infenfiblemenc h une valeur médiocre : mais on fe dédommageoic par la quancicé de ce qu'on perdoic fur le prix. Les coupeurs livroienc le fruic de leurs peines, foie aux Jamaïcains qui leur porcoienc du vin de Madere, desliqueursforces, des coiles, deshabits; foie aux colonies Angloifes du nord de PAmérique , qui leur fourniflbienc leur nourricure. Ce commerce, coujours incerlope, & quifud'objec PP 3  53 SUPPLÉMENTS de tant de déclamations, devint licite en 1763. On affura a la Grande-Bretagne la liberté de couper du bois, mais fans pouvoir élever des forcifications, avec 1'obligation même de détruire celles qui avoient été conftruites. La Cour de Madrid fit rarement des facrifices aufl] difficiles que celui d'établir au milieu de fes polfeffioos une nation aétive, puiffante, ambitieufe. Aufli cherchat-elle immédiatemenc après la paix, a rendre inutile une conceflïon que des circonltances facheufes lui avoient arrachée. Le bois qui croit fur Ie terrein fee de Campêche eft fort fupérieur a celui qu'on coupe dans les marais de Honduras. Cependant le dernier étoic d'un ufage beaucoup plus commun, paree que le prix du premier avoic depuis long-temps paffe toutes les bornes. Ce défaut de vente étoit une punition de 1'aveuglement, de 1'avidité du fifc. Le Miniflere Efpagnol comprit a la fin cette grande vérité. II déchargea fa marchandife de tous les droits dont on l'avoit accablée, il la débarrafla de toutes les entraves qui gênoienc fa circulation; & alors elle eut un grand débit dans tous les marchés. Bientót les Anglois ne trouveront plus de débouché. Sans avoir manqué a fes engagements, la Cour de Madrid fe verra délivrée d'une concurrence qui lui rendoic inutile la poffeffion de deux grandes Provinces. Quelquefois Cadix tire le bois direétement du lieu de fon origine; plus fouvent  A LUIST. PHILOSOPHIQUE. 599 sl efl: envoyé a la Vera-Crux, qui eft le vrai point d'union du Mexique avec 1'Efpagne. Vieja Vera-Crux fervic d'abord, tkc.page 138. Page 138, après ces mots, infeéïs a 1'Oueft, lifez 1 Tous les édifices y fonc en bois. Elle n'a pour habicants qu'une garnifon médiocre, quelques agencs du Gouvernemenc, les navigaceurs arrivés d'Europe, & ce qu'il faux de commiffionnaires pour recevoir & pour expédier les cargaifons. Son porc eft formé par la petice ifle de Sainc-Jean d'Ulua. II a 1'inconvénienc de ne pouvoir concenir que crence ou crence-cinq bacimencs, encore ne les mec-il pas enciéremenc a 1'abri des vencs du Nord. On n'y encre que par deux canaux, &c. Page 139 , après ces mots, h la fürecé commune, lifez: C'eft dans cecce mauvaife rade, la feule propremenc qui foie dans le golfe, qu'arrivenc les objecs deftinés pour 1'approvifionnemenc du Mexique. Les navires qui les y portenc n'abordenc pas fucceflivemenc. On les expédie de Cadix, en flocce, cous les deux, crois ou quatre ans, felon les befoins & les circonftances. Ce fonc communémenc douze a quatorze gros batiments marchands, efcortés par deux vaiffeaux de ligne, ou par un grand nombre, fi la tranquillitépublique eft troublée ou menacée. Pour prévenir les dangers que les oura. gans leur feroient courira 1'atcerrage, ils partent Pp 4  6oo SUPPLÉMENT S d'Efpagne dans les mois de Février ou de Mat & de Juin, prennenc dans leur marche des rafraichifïèments a Porto-Rico, & arrivent, après foixante-dix ou quatre -vingts jours de navigation , a Vera-Crux, d'oü leur chargement entier eft porté a dos de mulec a Xalapa. Dans cette ville, iicuée a douze lieues du port, adoffée a une montagne, & commodément béde, fe tient une foire que les anciens réglements bornoient a fix femaines, mais qui aétuellement dure quatre mois, &que quelquefois on prolonge encore, a la priere des marehands Efpagnols ou Mexicains. Lorfque les opérations de commerce font terminées, les métaux & Jes autres objets donnés par le Mexique en échange des produétions & des marchandifes de 1'Europe, font envoyés a Vera-Crux, oü ils font embarqués pour notre hémifphere. Les faifons pour les faire partir ne font pas toutes également favorables. II feroit dangereux de mettre a la voile dans les mois d'Aoüt & de Septerabre, & impoffible de le faire en Oétobre & en Novembre. La flotte prend toujours Ia route de la Havane, oü elle eft jointe par les batiments qui reviennent de Honduras, de Carthagene, d'autres deftinations. Elle s'y arrête dix ou douze jours pour renouveller fes vivres, pour donner aux navires le temps de charger k fret les fu-  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 601 vn'IV^ ks aUtres obJ'ets 9ue fournk 1 ifle de Cuba. Le canal de Bahama eft débouqué. On remonte jufqu'a Ia hauteur de la Nouvelle-Angleterre; & après avoir navigué longtemps par cette latitude de quarante degrés, on «re enfin vers Ie Sud-Eft pour reconnoitre Ie cap Saint-Vincenc, & aboutira Cadix a ^I?trervaIled'«^ flotte al'autre,IaCour de Madrid fait partir un ou deux vaiflèaux de guerre qu'on appelle^^, pour er au Mexique le vif-argent néceflaire a 1'exploitation des mines. Le Pérou Ie fourniflbit originairement: mais les envois étoient fi lents, fi incertains, fi fouvent accompagnés de fraude, qu'en 1734, fl fut jugé plus convenable de les faire d Europe même. Les mines de Guadalcanal en fourmrenc d'abord les moyens. On les a depuis neghgees pour les mines plus abondantes d'AImaden en Eftramadoure. Les azogues fe chargent a eur retour du produic des ventes fakes depuis Ie départ de la flotte, des fommes rentrées pour Jes crédits accordés, &des fonds que es négociants Mexicains veulent employer pour leur compte dans 1'expédition prochaine. Le Crouvernement permet habituellement que trois 011 quatre navires marchands fuivent fes vaiflèaux. Leur cargaifon entiere devroic être en fruits ou en boiflbns : mais il s'y gliflè frauduleufemenr des objets plus importants. Ces batiments revien» PP 5  6o2 SUPPLEMENTS nent toujours fur leur left, a moins que, par une faveur fpéciale, on ne leur permette de prendre quelque cochenille. Si des raifons de convenance ou de politique retardent le déparc d'une nouvelle flotte, la Cour fait paflèr de la Havane a la Vera-Crux un de fes vaiffeaux. II s'y charge de tout ce qui appardent au fifc, & des métaux que les débiteurs ou les fpéculateurs veuient faire paflèr du* nouvel hémifphere dans Tanden. La Nouvelle-Efpagne envoyah fa métropole, année commune, depuis 1748 jufqu'en 1753, par la voie de la Vera-Crux & de Honduras, 62,661,466 livres; dont 574,550 en or; 43,621,497 en argent; 18,465,419 en produétions, prix d'Europe. Dans les produétions, il y avoit 529,200 livres pour la couronne; 17,936,219 pour les négociants. Dans l'or & 1'argent, il y avoit 25,649,040 livres pour Ie commerce ; 12,067,007 livres pour les agents du Gouvernement, ou pour les particuliers qui vouloient faire paflèr leur fortune en Europe; 6,480,000 livres pour le fifc. La Cour de Madrid ne doit pas tarder a voir augmenter ce tribut; & voici fur quels fondements efl; appuyée cette conjeclure. Le Mexique • étoit anciennement fans défenfe : car qu'attendre de quelques bourgeois que  A LTIIST. PHILOSOPHIQUE. 603 chaque ville devoit mettre fous les armes, lorfqu'un péril, plusou moins grand, menacoitl'Etat ? On ne tarda pas a former des milices difperfées, fix régiments d'infanterie & deux de cavalerie, auxquek on a depuis fait donner des inftruétions par des Officiers envoyés d'Europe. Le temps étendit les idéés. Des hommes, babituellemenc occupés des arts & du commerce, parurent un trop foible appui h 1'autorité; & elle fe décida a lever, dans le pays même, deux bataillons d'infanterie , deux régiments de dragons, qui n'eurent d'autre profeffion que la profeffion militaire. Après la paix de 1763, le Gouvernement jugea que des peuples amollispaH'oiiTveté & par Ie climat, étoient peu propres a la guerre, & des troupes régulieres furent envoyées de la métropole dans la eolonie. Ce fyftême eft fuivi encore ; & il y a toujours au Mexique trois ou quatre bataillons de notre continent, qui ne font relevés qu'après un féjour de quaire années. A ces moyens de confervation , il en a été ajouté d'autres non moins efficaces. L'ifle de Saint-Jean d'Ulua, qui forme le port de VeraCrux , & qui doit le défendre, n'avoit que peu & de mauvaifes fortifications, On les a rafées. Sur leurs ruines & dans un roe vif ont été élevés naguere des ouvrages étendus, folïdes, capables de laplus opintëtre réfiftance. Si, contre  6o4 SUPPLÉMENTS toute apparence, cette def du Mexique étdit forcée, le pays, après ce revers, ne feroit pas encore fans défenfe. A vingt-quatre lieues de la mer, au débouché des montagnes, dans une plaine que rien ne domine , furent jettés, en 1770, les fondements de lamagnifique citadelle dePérote. Les arfenaux, les cafernes, les magafins, tout y eft a Pabri des bombes. Selon les apparences, la Cour de Madrid ne diminuera jamais le nombre des troupes qu'elle entredentdans la Nouvelle-Efpagne: mais la partie du revenu public qu'abforboient les fortifications, ne doit pas tarder a groffir fes tréfors, a moins qu'elle ne 1'employe, dans la colonie même, k former des établiflèments udles. Déja fur les bords de la riviere d'Alvarado, oü les bois de conftruétion abondent, s'ouvrent de grands chantiers. Cette nouveauté eft d'un heureux préfage. D'autres la fuivront fans doute. Peut-être, après trois fiecles d'oppreflion ou de léthargie, le Mexique va-t-il remplir les hautes defdnées auxquelles la nature 1'appelle vainemenc depuis fi long-temps. Dans cette douce efpérance, nous quitterons 1'Amérique Septentrionale pour paflèr dans la Méridionale, oü nous verrons, par un ordre de la Providence qui ne changera jamais, les mêmes elfets produits par les mêmes caufes; les mêmes haines fufcitées par la même férocité; les mêmes précautions  A L'HIST. PHILOSOPHIQUE. 605 fuggérées par les mêmes allarmes; les mêmes obftacles oppofés par les mêmes jaloufles; le brigandage engendré par le brigandage; le malheur vengé parle malheur; une perfévérance ftupide dans le mal, & Ia lecon de 1'expérience inucile. Fin du Tornt premier.