C 9 | Par l'impoflure il fut fouvent préocupé; Mais fon ccéur bienfaifant jamais ne Fa trompé. Le 3 Janvier 17S2. Le Mufée dontoaaparlé autorifé par le Gouvernement, fous Ia protecdon de Monfieur & de Madame, acquiert confiftance de plus en plus. Son fondateur, M. Pilatre de Rozier, encouragé par les fuffrages de MM. de 1'Académie Royale des Sciences, de 1'Académie Francoife, de 1'Obfervatoire, de la Société Royale de Medécine,de 1'EcoleRoyale vétérinaire, outre les cours annoncés en entreprend d'autres encore, favoir ceux de mathéma1tiques , d'aftronomie, d'électricité, d'aimant, &c. Outre eet avantage, pour s'initier k toutes les fciences & k tous (es arts, ce Mufée. offre ceux de l'afTemblée de M. de la Blaneherie, ce qui défole ce dernier. On y voit également les objets dignes de Ia curiofité des amateurs; on y montra hier un fufil avec lequel on peut tirer 24 coups fans être obligé de le recharger. M. de la Blaneherie, pour donner quelque véhicule a fon établiffement vient d'obtenir la liberté d'y raffembler des femmes aux - mêmes heures que les hommes, ce qui lui avoit été interdit jufque-la ; mais comme fon rival a la même faculté, le premier ne peut fe flateer de ramener la foule qui s'en écarté pour courir chez 1'autre, qui a fon tour lui porte le dernier coup en recevant aufflgratuitement les amateurs. A 5  C io 3 Le 4 Janvier 1782. Ce font aujourd'hui deux perfonnages de 1'efpece la plus chere & la plus précieufe qui concourent k avoir ou a conferver la confiance du Roi. Madame Adélaïde d'une part, tante de S. M. en qui elle a beaucoup de confiance, & qui dans le tems ne contribua paspeu au rappel & a la Faveur du Comte de Maurepas, defireroit garder le même crédit fur 1'esprit de fon neveu, & le diriger au bien qu'elle cherchc par dclïus tout. La Reine, qui, a tant de titres, mérite 1'oreille de fon augufte époux, a la délicateffe de ne vouloir partager avec perfonne une intimi té qu'elle fe fiatte de mériter exclufivement, &. par fon zele pour I'Etat, & par fon attachement pour le Roi, & par la pureté de fes vues. On croit que }e Monarque confultant 1'une & 1'autre, fuivant les circonftances , les écoutera féparément, & après les avoir entendues, fe dirigera par fa propre fagesfe, & choifira dans la droiture de fon cceur. Le 4 Janvier 1782. Ce font tous les jours de nouveües doléances des Auteurs contre les Co» rnédiens Frangois, plus infolens que jamais depuis qu'ils ont eu le delTus; depuis que le bureau de légiflation dramatique eil difperfé, & qu'ils ont vu le chef k leurs genoux fe foumettre au dernier réglement de 1'arrêt du Confeil du 0 Décembre 1780, & mendier leurs fuffra» ges. C'eft maintenant M. de la Place, qui» dans une nouvelle édition de fa Vtnijt ïauvée*  fe plaint que cette tragédie , repréfentée a Paris en 1746", après les traCafferies les plusnotoires, & cependant avec le plus grand fuccès; conflamment jouée jufqu'a ce jour fur tous les théatres de Provinces & fur ceux de 1'Europe ou nos Comédiens font accueillis; redemandée nombre de fois a Paris, toujours promife, jamais apprife,quoique les röles en euffent*été diflribués & accepcés deux fois par les Acteurs pendant un intervalle de 35 ans,foit reftée fur Ie répertoire inutilement. A cette piece 1'Auteur a joint JeanneGray qui parut en 1748 fous le titre de Jeanne d'Angktem & ne réuffit pas. II apprend au pub'ic qu'elle a été refondue, lue & agrééede nouveau a la comédie le Mars 1777; mais qu'après quatre ans d'attente, ayant écrit aux Comédiens, le 5 Mars 1781, une lettre reftée fansréponfe, il prend également le parti de renoncer a la voir jouer. , II promet de faire imprimer inceffammentune troifieme tragédie de fa facon , Adele.de Pontbüu, & d'expliquer alors plus au long & plus clairement fon grief contre les Hiflrions, de dévoiler les caufes de fa difgrace auprès d'eux. En attendant, il leur fait, pav.ua pqftcriptum , 1'adieu poëtique fuivant, qu'il merdans la bouche d'un Anglois. Sotte viftime des noirceurs De vous, de vos prédécefleurs, A 6  C ra ) Par leurs promefles & les vótres Depuis trente ans amadoué, Vous ne m'avez que trop joué; Adieu T Meffieurs, jouez en d'autres. Le 5 Janvier 1782. Les Comédiens Italiensannoncent pour demain la première repréfentation du Gdtgau des Rois, opéra comique nouveau,- en un aéte & en vaudevilles. Les amis des Auteurs, qui fentent vraifemblablement le foible de leur produótion , craignent qu'elle n'ait pas le fuccès ordinaire; furtout a caufè du ton infolent qu'a pris M. de Piis, trop irrité des critiques, & trop vain de fes triomphes précédens, Comme la piece eft déja imprimée,. en voici d'avance le eanevas-. Un Payfan, nommé Martin, invite tous les notables du village a faire les Rois avec luh L'alYemblée, après s'être bien chauffée, prend place h une très-grande table. Le Bailli coupe le gateau ; mais quand les parts font diftribuées-, irfe trouve deux feves,dónt 1'une tombe juftement a Martin & 1'autre au pere du prétenda de fa fille: ce qui occaGonne une querelle entre les deux Rois. On tache de les réconcilier, en les invitant de remettre chacun leur feve k leur enfant, qui unis par 1'amour, ne feront pas fusceptibks de rivaüté. Ce confeil eft fuivi & alors tous les convives crient en chorus: Le Roi boit Le 5 Janvier 1782. Tous nos Gluckiftes onc treffailli de joie ici en appvenant de Vienne que  c 13 y M. & Mad. Ia ComtelTe dü Nord ont honoré d'une vifite M. le Chevalier Gluck. Nos Poëtes ne font pas moins glorieux que M. 1'Abbé Métafiafe ait requ eet honneur. Ce dernier montoit a leur appartement lorfqu'ils en for. toient, ils lui dirent qu'ils iroient eux-mêmes lui faire vifite. La ComtelTe ajouta qu'elle devoit tout honneur a un Poëte dont les drames lui avoient fi fouvent caufé de 1'Admiration. Le 6 Janvier 1782. M. Gabriel, ancien controleur général des batimens, jardins, arts & manufattures du Roi, ancien Iufpefteur général des batimens de S. M. & fon premier Architecte ordinaire, Directeur de 1'Académie d'Architecïure, honoraire amateur de celle de Peinture & Sculpture, & Maftre de la garderobe de Madame, eft mort, Tous ces titres pompeux n'empêchent pas qu'il. ne paffe, bien apprécié, auprès de Ja poflérité, pour un Artifte médiocre & de 1'ëfpece la plus ordinaire. On en peut juger par fa colonade de la place de Louis XV, comparée a ceüe du Louvre. Le 6 Janvier 1782. Le Gdteau des Rois, joué aujourd'hui n'a point été mal accueilli d'abord: on a trouvé dans les premières fcenes de Vin'. génuité, de la gafté; mais on n'a bientöt plusremarqué qu'une farce miférable, ignoble, de Ja plus bafie efpece; & les ennemis des Auteurs fe font prévalus dü mécontentement générai' pour Ja fifler jufqu'au bout. IT eft inconcevaA 7  C .14 ) ble, au furplus, que ces Meffieurs fe foient imaginés pouvoir faire paffer quelque chofe d'auffi plat. Le 7 Janvier 1782. M. La«frfc?2?o70jy fetrouvant a un fouper oü 1'on ciroic le gateau des Rois, & une jeune- demoifelle qui diftribuoit les parts ayanc donné la feve a un homme de la compagnie, a faic fur4e champ'cet impromptu. Sur 1'Air: Nous Jammes précepteurs d'amour. Pourquoi nous avoir fait un Roi? Garde pour toi le rang fuprême; II vaut mieux vivre fous ta loi Que de poner le diadême. Le 8 Janvier 1782. On fait que M. Sedaineétit en général fort récalcitrant a la critique, qu'il n'aime point a corriger fes ouvrages, & préfere de leur lailTer leurs imperfeétions, leurs défauts, leurs abfurdités même, paree qu'il prétend qu'en les refondant, ou retouchant, il leac óteroit eet air original qui les diftingue, & dont jl fe fait gloire. II a donc eu beaucoup de peine a fe déterminer a revoir AucaJJin & Nico~ lette, & il a fallu les prieres des Comédiens & du Muficien, ajouteés a la disgrace du public,, pour 1'exciter a fe rendre. II n'a point lieu de s'en repen tir. Cette piece de quatre acles réduite k trois, & confidérablement élagüée dans plufleurs fceges, a eu hier un fuccés complet. De nouveaus  C 20 ) eer a ce que la Ninette de M. Favart préfentoit de meilleur, aux fituations, a 1'intérêt, au comique de ce drame, & il a cru fuppléer a tout cela par la rapidité du dialogue en faifant un opéra comique de trois actes,qui a 9-2 pages d'imprelTion , lorfqu'un opera en cinq aftes n'en a pas 80; par le mouvement de la fcene, c'eft- a-dire pas huit Danecs qui mppieenc a 1 auiuu dramatique & la remplacent, furtouttotalement au troifieme adte, puifqu'elle eft finie dès le fecond; & par la variété des tableaux, c'eft adire par des fêtes bizarres, incohérentes, postiches, qui peuvent s'ajouter, fe fouftraire a volonté, fans- nuire au fonds du fujet. Le 14 Janvier 1782. Le Sieur Duquesnoi, ISlotaire reeu depuis environ fix moix , s'eftfait éveiller ce matin a fix heures par fon laquai.'. Celui-ci retiré, il eft monté dans la goutiere de fa maifon avec un piftolet, & ayant manqué fon coup, il s'eft fervi d'un razoir pours'achever. Son troifieme moyen étoit fans doute de fe jeter enfuite fur la place des vi&oires oh il demeuroic. Le 14 Janvier 1782. Lesprincipaux gnefsarticulés dans le mémoire au Roi, de M. Garnier, font: iu. Qu'un Sieur de la Chaufiee, Chevalier de Saint-Louis & un Sieur Jaquet, ancien Magiflrat de Trévoux, fe rendant efpion de police auprès de lui, font venuslefurprendre, & s'étant chargés de négocier une portion des bilicts du  ( a8 ) Infpqfteur de police, eft venu lui déclarer devant témoins qu'il avoit ordre de 1'arrêter. Le Sieur Garnier -réclame en conféquence la juftice du Roi, & Bemande a être remis en justice réglée. II allure qu'il 1'a obtenu. Le 14 Janvier 1782. Au premier aóte du doublé Dégififement le théatre repréfente unpayfa. ge agréable dans le fond & des bois fur les cötés. Cvlinette, Julien fon amant & Juftine^Sc Bdjlien, leur coufin & coufine, font affis'Tur un ■banc de gazon & chantent leur doublé hymen oui va fe faire en ce jour, oh 1'on doit céLé- brer aufli la fète du Duc de Milan. Coliri'ene, au lieu de fe répandre en fentimens vifs & naturels fur fon union, ne parle guere que de fon defir de voi'r les réjouiffances qu'on doit faire a la Cour; ce qui alTez juftement excite la jaloufie de fon amant. A cette fcene de coquetteVie fuccede une chaffe a la pipée. Le fond du théatre change & repréfente un chateau avec une eour & desavenues d'arbres. Le Prince, fa maitreffe & leur fuite vont a la chaffe a 1'oifeau. Le Duc voit Colineite, & la croit propre au deffein fecret qu'il a congu. En conféqmnce, il fe propofe de 1'emmener a fa Cour , ce a quoi elle confent pour corriger la jaloufie de julien. Toutcelaeft entremêlé d'une fcene affez niaife, oh cette même jaloufie a éclaté vivement, a Poccafion d'un oifeau donné k Colinette par un Berger: Julien laifle envoler 1'oifeau, Sa brife la cage. Une autre fête, étrangere a  C 29 ) ■1'gjÊEion, pfolonge eet acte, & I'onplantele mai. • Une galerie eft le lieu de 1'adiion du commencement du fecond afte, dont la première fcene fe paffe entre le Duc & la Comteffe qu'il aime. Celle-ci eft calquée fur la Bergère de Fontenelle, qui ne veut avoir que de 1'amitié & point d'amour: c'eft alors que le Duc fait jsaroitre Colinette. Les louanges quë le Prince &. fa Cöur lui donnent, commencent a remuer lecceur de la Comteffe, qui croit le Duc amoureux de la payfanne. Cependant celle-ci ayant exigé a fon tour que Julien la vit dans fa gloire, pour qu'il connüt mieux enfuite le prix du faerifice qu'elle lui doit faire, le villageois eft décraffé & amené dans les atours d'un Seigneur. Quand la jaloufie de part & d'autre eft poufféc; au cqmble,le Prince & Golinette profittnt d'un bal & du mafque pour connoitre a fond lecceur qu'ils veulent féparément éprouver, & pour fe découvrir. Toutes ces fcenes font en outre mêlées de trois ballets ou fêtes, dont la première donnée par la Comteffe au Prince qu'elle couronne; la feconde eft une revanche qu'il prend. Le théatre change, & repréfente des bofquets deverdure, ornés de treillage & illuminés de toutes fortes de couteurs. Survient une troupe de Catalans, jouant des inftrumens, des ehars chargés de Bohémiens & de Bohémiennes avec des tambours de bafque. • Le fond. d'un char s'ouvre, cc il en fort un Amour r B 3  C 3° ) avec un are qu'il dépofe aux pieds de Ia Comteffe,, On fe retrouve a la campagne dans le troifieme acte. C'eiT une chambre ruftique oh Mathurine, tante de Colinette, gémit de Ia coquetterie de fa niece & de fa défertion. Cependant on procédé au mariage de Juftine, fille deMathurine, avec Baftien, lorfque Colinette arrivé avec fon cher Julien qu'elle époufe. Pour der» niere fête, le théatre change & repréfente la place du village éclairée en pétites lanternes, & le chateau du Seigneur dans le fond illuminé en tranfparent. On voit de tous cöcés des groupes de buveurs a table, qui boivent a la fanté de Monfeigneur. II arrivé & fa Cour fe mêle aux jeux des payfans pour célébrer encore mieux ce bon maftre... • Le 14 Janvier 1782. II y a eu appartement hier a Verfailles, jeu & banquet, ce qui a d'abord occafionné une difpute d'étiquette entre lesGardes du corps de Monfieur & ceux du Roi: ils ont accompagné cette Princefie jufque chez le Roi. Les Gardes du corps par refpect ne s'-y font pas oppofés; mais ils en ont renducompte- aux Officiers majors, cï le capitaine des garaes en ayant porté fes plaintes è- S. M., elle a décidé qu'ils ne pouvoient fe trouver en fonftion dans fon intérieur» Du refte,,. tout ce gala a été fort trilTe; on s'eft plaint que la galerie étoit mal éclairée, ce ; qui n" faifoit pas reflortir convenablement Ia 1 TichefTe des habillemens des Seigneurs & Dames-  C 3' 1 de la Cour, dönt plufieurs avoient fait des dépenfes exceüives & gênantes pour briller. On ei te, en ere autres Mad. de Matignon qui ne pouvant payer fa robe argent comptant, 1'a achetée pour une rente viagere de 600 livres. Le i's Janvier 1782. Le Duc de Chartres, qui aime fans doute a ne rien faire comme unautre, vient d'inftituer Gouverneur des Princes fes enfans Mad. la ComtelTe de Genlis; cette innovacion fans exemple a révolté M. !e Chevalier de Bonnard, qui étoit Sous-gouverneur, &ila donné fa démiffion On raconte que M. Le Duc de Chartres étant allé, fuivanc 1'ufage, prendre les ordres du Roi a cec égard, S M., k cecce nouvelle, avoit fait un moment de réflexion, puis lui avoit dit: j'ai un Dauphin ; Madame pourroit être groffe, M. le eomte d'Artois a plufieurs Princes... vous pouvez fairece que vous voudrez;& lui avoit tourné le dos. En conféquence, les jeunes Princeffes ayanc eu la rougeole, Madame la DuchelTe de Chartres s'eft enfermée avec elles,& Mad. de Gealis'eft reftée avec les Princes. On fait la plaifanterie de nommer dans le pu= blic M. de la Harpe pour Sous-Gouvernante, paree qu'il eft foupconné correcteur & auteur des comédies de cette Dame. Le 15 janvier, 1782. Les fétes de Paris font abfolument décidées pour le Lundi vingt-un, & le Mercredi. vingc-troi.s. En conféquence, on ne celTe de s'occuper des mefures néceffaires B4  C 3* ) pour y mettre 1'ordre, la décence & la circuïation convenable. Beaucoup de gens d'abord ont critiqué ces fêtes même, ils onc cru que la ville auroit faic plus fagement de mettre en ceuvres de charité les millions qu'elle doit dépenfer en fpeclacles frivoies. M. le Prévot des Marchands s'excufe en ce qu'ayant demandé au Roi fi S. M. vouloit que la ville donnat des fêtes al'occafion de 1'heureux événement de la Naiffance d'un Dauphin, 1'augufte pere, dans 1'excès de la joie, avoit répondu: fans doute & les plus brillantes; a qui devenoit un ordre. On fait bien que depuis le Monarque s'eft repend de eet acquiefcement; mais la Reine étant inftruite de ces fêtes, s'y attendant & les defirant avec ardeur, il a craint de lui donner le déplaifir de les voir fupprimer ou diminuer. On a critiqué encore 1'emplacement, la forme & le tems de ces fêtes. Quant a remplacement, 1'ufage étant que le Roi vmt dans la maiIbn cuuimune,il n'étcic guere poffible de le déplacer pour lui faire voir siiieurs le fpeclacle qu'on lui préparoit. Quant a la forme, il a fallu fe conformer au plan desArchitecles, qui, jaloux de briller, ont voulu faire quelque chof d'extraordinaire & de neuf. A 1'égard de la iaifon, il n'étoit guere poffible de reculer plus loin, connoifFant 1'impatience de Ia Reine qui, fur quelques repréfentadons faites a eet égard, avoit demaudé 11 lorfqu'on donnoit des 'fêtes en réjouilïance  C 33 ) réjouiflance de la naiffance d'un Dauphin, il falloit attendre que le nouveau-né püt les voir & y danfer. Du refte, depuis ce tems M. le Prévót des Marchands & les- Echevins ne dorment poinc, tanc leur inquiétude eft grande qu'il n'arrive quelque cataftrophe femblable a celle de 1770, tant leur activité eft infatigable a prendre toutes les précautions nécelTaires pour la préveuir. Le 15 Janvier 1782. Indépendamment de ré* difice en bois en face de l'eau,dont on a parlé, formant une vafte galerie, d'oh leRoi, la Reine & toute la Cour verront le feu d'artifice élevé au bord de la riviere, on a établi une charpente en retour formant une décoration paraüele a eelle de 1'hötel de ville, ce qui rétrécit encore la place de Greve, mais donne un coup d'ceil régulier & néceffaire. Cet inconvénient a fait prendre le parti de ne point lailTer le peuple y entrer le jour de la fëte, & il paroït que tout 1'efpace en fera occupé par les troupes, par les gens de fervice, indépendamment d'une route fpacieufe qu'on y a formée par deux baluftrades, afin que les caroffes de la Cour puisfent arriver librement a 1'hötel de ville. On croit qu'en conféquence ceux desparticuliersn'y entreront pas. Afin de faire diverlion, d'éparpiller le peuple & de le confoler de nepouvoir jouir du fpectacle du feu & de fes maitres, comme il 1'aurok deüré, on a imaginé de conltruire aux extréB J  c 34 y mités dë Paris plufieurs falies de bal, oh Ton lui foyrnira des rafraïchiffemens, & oh il danfera: il eft encore queftion de donner ce jour-la gratis tous les fpeclacles; enfin, les Princess les Grands-Seigneurs, les gens en place doivent de leur cöt'é 1'amufer par ce que le luxe & la décoration peuvent offrir pour fixer fes regards. Le 16 Janvier 1782. Les Philofophes, les membres de 1'Académie, les partifans de Voltaire furtout, font furieux de voir M. le Cardinal de Rohan ,. Philofophe , Académicien & ami de Voltaire, en fa qualité d'Evêque de Strasbourg,. publier un mandement pareil a celui de 1'Evêque d'Amiens & de 1'Archevêque de Vienne, 011 il. s'éleve avec force contre 1'audace facriléged'imprimer d^ns fon Diocèfe la colleclion complette: des ceuvres de eet Auteur, fi dangereufes pour Ia religion, les mceurs & même pour 1'autorité. Le 16 Janvier 1782. Meffieurs leMaréchal de. Biron, Colonel des Gardes-frangoifes, le Comte d'Affry, Colonel des Gardes-fuilTes, & le Chevalier Dubois, Commandant du Guet, fe font aflemblés & ont conféré enfemble fur la meilleure maniere de garder Paris durantles fêtes,. & d'y empêcher les défordres & les malheurs prefque inévitables dans ces jours de licence & ie tumulte. D'un autre coté,. la ville a confulté 1'Académie d'Architedture pour la prier d'examiner 1& conftrucTion du nouvel édifice élevé depuis peu en bois,, & décider s'il o'y avoit rien de coq-  C 3S > traïre pour la fureté de la familie royale qui doit y voir le feu, L'Académie a nommé des Commiffaires pour 1'examen, & du tout a été dreffé procés verbal, conforme aux intentions de la ville; il a été décidé que le batiment en bois étoit folidement fait & dans toutes les regies de Part;' mais d'abondance 1'Académie a donné quelques confeils dans ce même procés verbal. i° De ne faiffer perfonne fur le pont rouge, qui, n'étant qu'en bois , pourroit ne pas foutenir une trop grande foule & manquer par fes parapets. 20. D'élever de fortes barrières Ie long de Ia riviere depuis Ie pont de la Tournelle jufqu'au Port au bied, afin que les flots du peuple venant en foule des parties fupérieures ne puiffent nuire aux premiers rangs qui ne feroientgarantis par rien, & ne pouvant foutenir, feroient obligés de céder, & dont les plus prés de la riviere . y feroient précipités néceffairement. 3". D'élever le long du parapet du quai de Gevres des traverfes en bois, garnies de planches de facon a foutenir les indifcrets du peu* ple qui oferoient monter fur le mur d'appuL 4°. Enfin, comme la falie en bois,conftruite dans la cour de 1'hötel de ville pour le bal du Mercredi, n'eft couverte que d'un Cmple plafond en toile, 1'Académie a obfervé qu'il fau. droit 1'établir en planches pour que les pompiers pufl'ent aller fans rifque aux endroits oii B 6  C 3* ) leur préfence feroit néceffaire; mais vu les fois énormes de cette addition & Pimpoffibilité d'y réuffir en auffi peu de tems, elie a confeillé d'établir au moins des galeries de diftance en dis» tance avec des filets fur les cötés, de maniere. qu'un homme qui tomberoit put être reten'u dedans, ne fe fit aucun mal & furtout, par le poids de fon corps en faifant une trouée au plafond, n'occafionnat pas de plus grands malheurs,. M. Morat, le Direéteur général despompes& Pompiers, a donné auffi fon avis fur ce qui le concerne, & a raffuré beaucoup en certifiant qu'il ne craignoit pas le feu, qu'il redoutoic feulernent la moindre terreur panique réfultant des cris de quelque femmelette criant au feu pour peu qu'il y en etit, ou qu'elle crüt en voir. Quant k lui, il a donné 1'ordre a tous fes fubal. ternes de n'avertir de rien, que;que chofe qu'ils viffent & de fe contenter d'y porter un prompt fecours. Au furplus, M. Morat a confeillé de fon cóté, r°. de s'aiTurer des maifons fur lefquelles eft appuyée la portion de 1'édifice en boisdu cóté oppofé a 1'hótel de ville, d'en faire déménager tout le monde, afin de prévenir les mal-intentionnés, & de les faire garder par la garde du Roi.^ 2°. D'y ménager une ou plufieurs forties, de maniere a ce qu'encas d'accident, on püts'écouIer de droite ou de gauche fuivant que les ciccpaüances I'exigeroient.  C 37 ) Le 17 Janvier 1782. On a fait fur M. Lourdet de Santerre & fon opéra la plaifanterie fuivante, ou plutót on la renouvelée d'un ancien rebus. Elle porte fur fa qualité de membre de la chambre des comptes dónt il eftMaïtre; il faut favoir que dans cette compagnie il y a un autre ordre qu'on appelle les Correcleurs, paree qu'ils corrigent les comptes des comptables.. Pour ofer ainfi paroltre,. A 1'opéra, comme Auteur, Vous auriez, Monfienr le Maitre,. Grar.d befoin d'un Correfteur.. Le 17 Janvier 1782.Toutesnos Jeunesfemmes, qui varientcontinuellement de modes dans leurs ajuftemens, n'en pouvant inventer de nouvelIes, fontoblïgées derevenir aux anciennes; elles portent aujourd hui de grands tabliers & d'amples fichus fur leur gorge. Mad. la Maréchales de Luxembourg ne peut les fouffrir ainfi; elle* dit qu'elles ont l'air de CuifTnieres & de Tourieres. En conféquence, pour perfifler la jeune Ducheffe de Lauzun, fa petite-fllle, elle lui a cnvoyé pour étrenne cette année un tablier de toile a emballage, entouré d'une fuperbe dentelle, & une demi douzaine de mouchoirs de col d'un linon très-épais également garnis. M. Ié Chevalier de Bouflers s'eft égayé furcetenvol & a fait une chanfon charmante, comme lefont toutes lés produétions de eet aimable & fpirituel Seigneur.  c 33 ; Le 17 Janvier 1782. On ne fauroit exprimer les terreurs qui fe répandent dans les fociétés a Poccafion des fêtes 5& que nefontqu'augmenter les précautions même exceffives, quoique trèsfages, prifes par 1'adminiftration. Une ordonnance de police a ordonné de ramoner dans le courant de cette femaine a peine d'amende, toutes les clieminées dansl'entourde la Greve S une certaine diftance. Tous les bateliers, nageurs, plongeurs de la riviere doivent être diftribués avec leurs bateaux le long de Peau & des ports adjacens ü laGreve, prêts a pêcher les malheureux que leur curioflté trop téméraire pourroit y précipiter. Une falie eft difpofée pour y recevoir les blefles; le Sieur Dumont, le grand rebouteur,. Les Médeeins j Chirurgiens «Sc autresgensdel'art font retenus pour s'y trouver en nombre compétent; des uftenciles & inftrumens font-prêts;. il n'eft pas jufqu'aux Prêtres de la paroiffe Saint-Jean en Greve qui ont ordre de ne pas défemparer, afin d'être a portée d'adminiftrer les fecours fpirituels h ceux qui en auront befoin. On n'auroit pas plus de prévoyance a la veille: d'une bataille. Les Prévöt des Marchands & Echevins font depuis quelques jours occupés a conférer avec les chefs des corps & de la garde fur la meilleure maniere de faire circuler les voitures, & il doit paroltre incelTamment a- ce fujet uq tres- graad reglemeüt»  ( 39 ) Comme Ia Greve ne défemplit point aujourd'hui de curieux & qu'il s'y tient des propos très-indifcrets eapables d'a&gnu nter les alarmes, des efpions rödent & arrétent ceux auxquels on fuppofe de mauvaifes intentions en parlant. Le 18 Janvier 1782. La chanfon de M. le Chevalier de Bouflers a Mad de Lauzun, fa coufine, aimable, charmante, pieine de graces &d'élegance, eft divifée en deux parties fur Vair de Joconde. Dans la première il parle a la Cuifiniere. J'appkudis a 1'emploi nouveau- Qu'on donne a ma couflne, Jamais auffi friand morceau N'entra dans ma cuifine;. Elle auroit tort de répugner A 1'état qu'elle embralfe, C'eft oü le bon goüt doit re'gner Qu'elle eft mieux a fa place. On fait^ue des goüts délicats Le iien eft le modele. Ceux même qui ne le font pas Le deviennent prés d'elle. Mais ma tante, on vous avertic Que votre Cuifiniere Ne fait qu'éveiller 1'appétit Et point le fadsfaire. ÏI apoftrophe enfuite Ia Touriere, Vous en qui mon ceil prévenu Vit une Cuifiniere  C 40 ) Paflez-moi d'avoir méconnu La plus digne Touriere. Pieux coftumd, doux maiurien, Prévénance difcrete, Oli! ma Touriere, 1'on voit biea Qu'au tour vous étes faite. Entre le clóitre &ies mondains-, Ma divine Touriere Semble habiter fur les confins Du ciel' & de la terre.. Tous deux a fon afpeft émus Doivent rendre les armes, Les immoreels a fes vernis, Las mortels a fes charmes. Le lü. Janvier 1782. Outre les troupes ordinaires concernant la garde de Paris, toutesles brigades des maréchauiïées voifinesont ordre de fe rapprocher; le Guet des Gardes du corps,, qui a celTé fon fervice le premier Janvier, areeu celui de ne point s'éloigner & a été diftribué as la Craye dans les environs;. enfin, on fait venir quelques régimens qui n'étoient pas loin. II faut ajouter aux précautions prifes pour donner fur le champ du fecours aux mourans & bleffés qui en auront befoin, que les hópi» taux & furtout laCharité ont regu ordre de conferver leurs lits a eet effet. Des conférences tenues entre les chefs pour fe concilier fur la meilleure maniere de faire le fervice & d'établir la circulation en confervant le bon ordre, il ea a réfulté. une longue ia.:  (41 ) ftruclion imprimée qu'on diftribue aujourd'hui gratis & en profufion; oh 1'on voit de quelle maniere les voitures s'y prendront pouraborder. Comrne il n'y a que trois portes & qu'il ne pourra arriver qu'un carofle a la fois, il eft calculé qu'a une minute pour que chaque maïtre defcênde & fe dégage dans 1'efpace de quacre heurés que durera 1'introduótion, il n'y aura que 720 caroffes qui feront admis, lefquels, en les fuppofant pleins, ne fourniront pas 3000 fpectatcurs, & il y a fix mille plac.es a donner. Le 18 Janvier 1722., M. de la Harpe, mécontent fans doute du public, a fait annoncer qu'il retiroit fa Jeanne de Naples après fix repréfentations. Le 10 Janvier 1782. On n'a pas manqué de faire un Vaudeville fur les fêtes que Ia ville doit donner, oh, fuivant 1'ufage, on tourne en ridicule Meffieurs de la ville & leur plan. Air: Montere étoit pot. Vous qui voulez fêter vos rois Comme ont fait vos ancêcres, Bons Parifisns, braves bourgeois, Qui tant aimez vos maltres, Venez lun'di foir, Vous pourrez les voir Tous en place de GrêVe,' Gardés comme il faut Sur un échaffaut Qu'un Prévót leur éleve. Mais n'alléz pas prétendre tous Pattager cette grace  (♦O Vous favez bien qu'e'tant chez v&us Vous n'aurez pas de place. L'ami Caumartin Fermant le chemin Au .peuple qui s'effraye, S'ernbarrafTe peu Qu'on voie le feu, Il fuffit que 1'on paye. Pour vous confoler du feftin- 1 Courez de place en place; On vous prodignera le pain Dont le pauvre-fe paffe.; . De vieux cervelas Dont on ne vent pas Et qu'on jette a la tête> Avec des milliers De bons fufiliers Pour avoir 1'air de fête. Caffez vous les jambes, les brasy Les reffources font prêtes: Vous en aurez'; mais n'allez pasAufïï perdre la tête. Monfieur le Prévöt, Dont c'eft ie défaut, Croit la tête inutile; Car il a prouvé Qu'on n'en a trouvé Aucune dans la ville. Sage brdonnateur de ces jetrx, Et vcus Monfieur le Maitre (i), (0 Le Sieur Moreau, ArcliitecTs de la ville.  C 44 ) cation & pou-r convaincre les incrédules; de répandre le calcul fuivant. io. Le feu peut étre vu a des croifées de maifons particulieres par un nombre de citoyens mon tan t h. .' . . 17,220. perf. 20. En appréciant la fuperfici des quais, ports, ponts, rues & plaees adjacentes' ou éloignées. • • - 241,3(50» idem. 3P. Dans la place de 1'hötel vil!e- • • i<5,ooo. idem. 4°. Enfin , dans 1'hötel de ville même 6,000. idem. 280580. . . Nombre qu'on peut regarder comme excédant le tiers de la popuiation de la capitale & fupérieur ineomparablement a celui que pouvoit contenir la circonfcription delaGr-eve&l'anciea emplacement des feux. Le 20 Janvier 1782. Hier a la comédie Francoife on devoit jouer Zaïre, & le Sieur Gramont s'étant préfenté pour faire le röle é'Qrosmane, le public n'a pas voulu le laiffer parler & a criét la Kive, la Rive; c'eit i'Acteur qu'il doubloit. Les clameurs ont été fi bruyantes & fi longues que le Sieur Gramont s'eft ennuyé & a quitté la fcene. Un moment après le Sieur Florence, en fa qualité de Semainier, a été • obligé de venir haranguer Ie parterre, & a dit  C 45 ) qu'on avoit envain cherché Ie Sieur ia Rive qui C'étoit pas chez lui, & il 1'a fupplié de vouloir bien ie contenter de fon doublé. Gramont a reparu & a re§u le même accueü, de faeon qu'il eft forti du théatre pour n'y plus rentrer. Sur ee les Comédiens ont tenu confeil, & ont fait demander quelle piece on vouloit ? on a répondu: leRoi de Cocagne: nouveau meffage pour annoncer .que les Aóteurs ne fe trouvoient pas en nombre compétent. Ces pourparlers avoient duré plus d'une heure, lorfque le Sieur Dorival, qui autrefois a tenu les premiers emplois en province , a propofé a fes camarades de remplacer le Sieur Gramont & de faire lire fon röle de CMtillon par un autre. Nouvelle députatioa au parterre afin de lui parler de eet arrangement, qu'il a enfin accepté ; ce qui a fait dégénérer en farce cette touchante tragédie. Cependant on a fu gré au Sieur Dorival de fon zele, & il .a été fort applaudi. II n'eft point mal que de tems en tems le public donne ainfi une lecon aux Comédiens & tempere leur infolence. II eft vrai qu'il en réfulte ordinairement quelq e détention & trois jeunes gens ont été ce jour-la arrêtés, & ont couché en piifon ; ce qui paroit d'autant plus jnjufte, que c'étoit le vceu général de laffemblée , & que les loges mêm'es s'étoient jointes au parterre. Ue 2,i Janvier 1782. Extrait d'une lettre de Bordeaux du ij Janvier.... Notre premier  C 47 ) taume lil au tróne, a été le grand & principal inftrument del'élévation du crédit public de eet Etat; c'eft avec ce fecours magiquequel'Angle•terre levant aujourd'hui fur fes fujets prés de treize millions de livres Sterlings tous les ans par la voie de 1'impofition, & a peu prés autant par la voie de 1'emprunt, fait ainfi paiTer plus de 2j millions dans les cofres du fifc public, quoique tout 1'argent monnoyé du Royaume ne s'éleve pas a plus de vingt millions de livres -fterlings. Mais cette illufion ne peut durer, & la banque d'Angleterre fiéchit déja fous fon propre poids. Au contraire, la France n'ayant befoin de fecours extraordinaires pour continuer la guerre que d'environ 150 a ifJo millions par an, ya pourvu fuffifamment par des emprunts peu onéreux. Les loteries a époque n'ont coütéal'Etat qu'environ fix pour cent; les rentesviageres n'ont guere coüté que neuf pour cent fur una tête & huit fur deux; &.par 1'impöt que vient de mettre M. de Fleury, rapportant environ vingt-cinq millions, il s'eft ménagé la facilitéde faire des emprunts pour les années fuivantes. Sous M. Necker la feule opinion de 1'économie a fuffi pour établir la confiance: fous M. de Fleury, fon apologifte prétend qu'elle fera encore mieux établie fur la réalité des richeffes par 1'augmentation des revenus du Roi. Ce feul trait prouve combien M. Panchault a a cceur d'élever 1'Adminiftration du dernier  •' C 49 ) i°. Les freres de S. M. vouloient veriir in fiocchi, & conféquemmentaccómpagnés de leurs gardes, ce qui étant contraire a la derniere décifion, on n'a trouvé d'autre tournure pour leur fauver ce défagrément que de faire conduire ces Princes par le Roi & dans fon carolTe. O.". M. le Duc d'Orléans a repréfente au Roi, au nom des autres Princes du fang, que n'ayant point été priés du repas, & feulement invités de fe trouver a 1'hótel de ville, ils fupplioient S. M. de trouver bon qu'ils n'y allaiTent pas. On alTure que le Roi les a laiffés maftres de faire ce qu'ils voudroient. Leur difficulté vient de ce que, dans ces cérémonies, ils prétendent devoir manger avec la Familie Royale, & qUe celle - ci n'admet que les Princes qui ia compofent. 3". Les Ducs fe font trouvés fcandalifës de n'avoir pas été invités différemment que la haute nobleffe, & la haute nobleffe-a dit que fi 1'on mettoit quelque différence entre elle & eu'x elle ne s'y trouveroit pas. II paroit que celle-ci Pa emporté. 4°. II n'eft pas enfin jufqu'a la Chambre qui a fait des conteüations, & exigé une décifion du Monarque. Celle dont les fonclions ont fini au premier janvier, a prétendu que la naillance du Dauphin, objet des fétes, ayant eu lieu durant leur fervice auprès du Roi, c'étoit n eux h accompagner leur Maftre en cette occafion • Cer xxVice aftuel n'onc pas voulu ceire"  C 50 ) leurs foncrions, & ils ont en effet gagné leur procés. Le 22 Janvier 1782. La fëte annoncée a.eu lieu hier,& malgré les apparences du plus mauvais tems, la journée a été beaucoup plus belle qu'on n'auroit ofé 1'efpérer. La Reine ei! venue avec un cortége peu nombreux, mais radieufe elle-même. Elle avoit dans fon caroffe Madame" Elifabeth, Madame Adelai'de, Madame la Ducheffede Bourbon, Mademoifelle de Condé, Madame la Princeffe de Conti, Madame laPrinceffe deLamballe. Après avoir étéaNotre-Dame & a Sainte Génevieve, elle s'eft rendue a 1'hötel de ville, oh étoient raffemblés pour la recevoir les Seigneurs & Dames qui ne 1'avoient point accompagnéé, & pour y attendre 1'arrivée du Roi- On leur a fervi une table de 78 couverts oh il n'y avoit que le Roi & fes deux freres en hommes, du refte la Reine, les Princeffes & femmes de la Cour. Les autres tables ont été fort mal fervies, non a défaut de vidtuailles-, mais par le peu d'iotelligence de ceux qui préfidoient auxdiftributions. Les Ducs & .Pairs, entre autres, ont diné avec du beurre & des raves, paree que S. M. ayant forti de table promptement, il a fallu lever toutes les tables: du refte, on,peut juger dé la profufion de ce jour par la viande de boucherie feule, dont il a été confommé io2>ooo milliers.  ( 5ï ) Le feu d'artifice, dont Ia décoration étoit fu. perbe & analogue a Ia fête,a été mal exécuté& d'ailleurs maigre; on en a été très-indigné contre le maitre Artificier, le Sieur de la Variniere. Du refte, des deffinateurs montés fur un échaffaut dreffé en face de 1'hótel de ville, ont dü lever le plan & deffin des diverfes parties de ce fpeftacle pour en perpétuer la mémoire aux yeux de la poftérité. Le 22 Janvier 1782. II paroft un arrêt du Confeil, daté d'hier par lequel S. M. ne pouvant faire participer tous les habitans de fa bonne ville de Paris a fes bienfaits, a cru devoir s'occuper de ceux moins en état de fupporter les charges publiques & ajouter aux différens fecours qui ont déja été diftribués par fes ordres, la remife de toute capitation pour la préfente année en faveur des bourgeois , marchands & artifans qui n'ont été impofés en 1781 qu'a; 9 livres de capitation & au deffous. Le 23 Janvier 1782. En vertu des fêtes & indépendamment des bénéfices que doivent faire les Officiers municipaux , ils ont obtenu quatre cordons noirs, deux aux premiers Echevins Richer Êf Bordenave, un au Sieur Moreau ArchitecTe, & le dernier au SieurBuffaut, le Receveur. On ne fait trop, par exemple, a quoi revient celui-ci. Quoi qu'il en foit, les calembouriftes ne manquent pas de dire que ce font des Corions de grêve. Le 23 Janvier 1782. M. Dutartre de BourC 2  ( 52 ) donné, Tréforier-payeur des rentes affignéesfur 1'ancien Clergé de Frarice, vient de mourir. C'étoit un des héros de rhéchanceté fur lefquels on prétendoit que Greffetavoit raodelé fon Cléon. Cuioi. qu'il en foit, incapable de rien produire par lui-même, M. de Bourdonné avoit Part' d'aprécier affez bien les ouvrages d'autrui, & furtout d'y répandre ce ridicule qui rendoit fes jugemens redoutables aux Auteurs. Les Poëtes iiramatiques le craignoient principalement; il tenoit fes affifes dans les foyers des différens' fpeétacles, & étoit écouté comme un oraele, des gens du monde. Le 24 Janvier 1782. Le bal qui a eu lieu cette nuit h la ville,étoit déteftable par la difficulté d'y aborder en voiture, malgré toutes les précautions prifes a eet effet; pour la cohue immenfe qui s'y eft trouvée en plus grand nombre que n'en pouvoit contenir la fuperficie* de 1'hótel, enfin, pour 1'efpece de monde, dont la; plus vile canaille de Paris faifoit une très-grande partie, Le Roi & la Reine ont d'abord foupé au temple très-gaiment & fe font enfuite rendus a la fête. La Reine s'eft habillée chez le Sieuri Buffaut, le Tréforier de la ville, & eft de la entrée au bal au milieu d'une quarantaine defetn-' mes de la Cour. Leurs Majeltés le font trouvées elles-mêmes fi preffées^que la Reine acrié un moment: j'étouffe, & que le Roi a étéobligé de fe faire place a coups de coude. Malgré ce-j la, ils ont paru s'amufer.  C 53 3 Le 24 Janvier 1782. Le fameux Olavides eft conftammeat ici depuis plufieurs mois, & il n'y a pas d'apparence qu'il retourne en Espagne. 11 s'eft tiré adroitement de 1'inquifition, fecondé de fon Médecin qui a déclaré que les eaux de bam'eres feroient néceffaires a fa fanté. II paroft qu'on a bien voulu adopter en quelque forte cette tournure & favorifer fon évafion indireclement, puifqu'on auroit pu prendre des précautions pour s'affurer de fon retour. Quoi .qu'il en foit, étant a Baniere il s'en eft bien trouvé, & a eu befoin d'aller a Touloufe;de la il a pris fon efior pour Parisou il eft. L'E'pagne » fait quelque réclamation a fon égard, & il a été obligé de fe retirer versM.de Vergennesqui ;l'a afluré de Ia proteftion du Roi. 11 eft ici fous le nom de Comte de Pillo. , Les humiliatior>s} les indignités, les mauvais traitemens qu'il a éprouvés, ont altéréfafigure, qui étoit très-bel!e; il paroft affaifle fous Je poids de la douleur. II vit de rentes qu'il s'étoit conftituées fur eet Etat. Nos Philofophes ne manquent pas de le voir & cberchent a adoucir fes chagrins. On fait qu'un de fes griefs étoit d'avoir traduit en Espagnol divers ouvrages de Voltaire & fur-tout fon Diüionnaire Philofopbique. Les partifans de ce grand homme ne peuvent que lui (avoir gré | d'avoir été ainfi le martyr de fon enthoufiafme pour lui. Le 25 Janvier 1782. Paris eft plein de gens c 3  C 54 ) de lettres eflimables & d'érudits modeftes, qui ^ fans avoir ni titres littéraires, ni penfions, n'en travaillent pas moins avec ardeur au progrès de nós connoiiTances. Tel étoit un favant trop peu connu, mort le vingt Novembre dernier. C'étoit M. Barbsau de la Bruyere, né a Paris en 3710 d'un marchand de bois. Pour fe fouftraire aux reproches de fa mere, qui vouloit en faire un Marchand & non un Littérateur, il fe réfu. gioit & fe cachoit avec fes livres fur les plus hautes piles du chantier. II avoit d'abord embralTé 1'état eccléfiaftique, & fait plufieurs ouvrages de théologie imprimés chez 1'étranger, ce qui doit le faire fufpecTer violemment de Janfénifme, d'autant qu'il avoit commencé a étudier h la doctrine chrétienne, congrégation très-renommée dans le parti. II changea de goüt en Hollande & fe Iivra k la géographie & a 1'hiff.oire. II en rapporta plufieurs cartes du pays fort favantes , peu connues alors en France, & très-utiles è M. Bouache de 1'Académie des Sciences, qui a de grandes obligations a M. Barbeau de Ia Bruyere, Auteur de toute la partie érudite de fes ouvrages. En 1759 il parut cependant fous le nom de fvl. Barbeau une Mappemonde hijlorique, carte ingénieufe & vraiment nouvelle, oh il a fu réufiiï en un feul fyftême la géographie, la chrorologie & 1'hiftoire: il eut la modeflie de ne fe donner que pour avoir exécuté 1'idée de M.  entré, c'efï r'Académie des Sciences & BellesLettres d'Auxerre. 11 defiroit fort qu'on créat pour lui un titre é'Antiquaire de France & il 1'a rempli fans 1'avöir. Dès Page de cinq ans 11 avoit annoncé une mémoire prodigieufe: il étoit une bibliotheque vivante, & fe connoiffoit parfaitement en bibliographie. Le 26 Janvier 1782. La piece de Jeanne de Naples étoit déja tornbée deux fois dans les regies aux termes du nouveau rég'ement, & a la troifieme fois elle auroit appartenu en propre aux Comédiens. L'Auteur a craint eet événement & a préféré en la retirant de fe ménager le moment favorable de la remettre avec des correcTions. Le 26 Janvier 1782. On compte déja trois perfonnages arrêtés & détenus prifonniers, relativement a I'ouvrage intitulé, dit-on aujourd'hui , Vie d'Antoinette; favoir cejaquet dont on a parlé , un Libraire nommé Cojlar, très-connu & ayant déja fait banqueroute, & un M. de Marcenay, homme du monde, mais libertin & mauvais fujet. Le 27 Janvier 1782. On a célébré, fuivant 1'ufage, la venue de leurs Majeflés dans Paris par une médaille repréfentant d'un cóté le Roi & la Reine avec cette légende. Lud. XVI, Fr. & Nav. Rex : Mar. Ant. Auft. Reg. F.; & de 1'autre la France tenant Ie Dauphin dans fes bras, .avec cette légende: Felicüas publica, & pour exergue: natalis Delphini die XXII Ocïu- bris  C 57 3 Iris 178-1. Ces médailles ont été diftribuées Ie Lundi aux perfonnes en place & jetéesaupeuple fur la route. Le 27 Janvier 1782. La tranfiation des prifonniers civils a 1'hótel de laForce,commencée le 10 Janvier, a été entierement achevéele 19 Ce nouvel établilTement eft diftingué des autres par Pétendue du local,& conféquemment paria falubnté qui en doit réfulter, par la commodité des logemens, la diminution des frais, & ]a fuppreffion de perceptions abufives, telles que les droits de bien-venue & autres eh ufage jusqu'a ce moment. Un des avantages de cette maifon Ie plus re. marquable confifte dans la féparation dechaque genre de prifonniers. II y a huit cours & fix départemens. Le premier eft uniquement deftiné au logement des employés, aux premiers guichets & a tous les acceffoires du fervice. Le fecond aux prifonniers détenus pour mois de nourrice. Le troifieme aux autres débiteurs civils de toute efpece. • Le quatrieme aux prifonniers de police. i Le cinquieme réunit toutes les femmes pri-: fonnieres. Et le fixieme fert de dépot aux mendians. Un des changemens les plus effentiels,'dont on s'appercoit déja dans la maifon , c'eft que les chefs en font infiniment plus honnêtes, &  C 58 ) qu'il n'eft pas jufqu'aux guichetiers qui , au lieu d'être repoulfans & barbares comme autrefois, femblent porter fur leur phyfionomiel'humanité,. la commiférarion , la bienfirifance.' Le 27 Janvier 1782. M. Mercier n'a point perdu de tems chez fon Imprimeur de Neufchatel, & il paröit déja une nouvelle édition de fon Tableau de Puris, augmentée de deux volumes, en forte qu'il eft en quatre aujourd'hui. Le 28 Janvier 1782 Extrait d'une lettre de Bezangon du 15 Janvier.,.. Nous ne fommes pas furpris du Sieur Jaquet. Un homme qui de Magiftrat, a fon aife, appartenant a plufieurs Confeillers de notre Parlement, fe transforme en efpion), en colporteur, ne peut être qu'un mauvais fujet, & 1'on ne fauroit le plaindre. Le bruit s'eft bien répandu ici qu'il avoit été expédié a la Baftille, Cependant nous croyons qu'on 1'eüt fupplicié plus légalement , fi 1'on cüt voulu en faire un exemple. Le 28 Janvier 1782. Tous ceux qui ont occafion d'aller voir les.nouvelles prifons, en fortent enchantés. Chacun des fix départemens a fes guichets particuliers, & ils ont entre eux les Communications qui peu vent être utiles au fervice fans nuire a la furetéil y a dans la plupart des chambres un, deux, trois & quatre lits &, fur* tout dans le département des débiteurs, plufieurs chambres ont des cheminées; il y a en outre de vaftes dortoirs dans lefquels lesprifon-  C 59 ) niers, hors d'étac de payer un Ioyer, font cependant couchés dans des hts a bafcule qui fe relevent pendant Ie jour, & qui font garnis d'un matelas de laine & erin, d'un traverfin & d'une couverture. Chaque département a fa cour, fa galerie couverte, & des fontaines qui fourniflent toute 1'eau néceflaire; il y a en outre un chauffoir commun pour les prifonniers qui n'ont pas lemoyen d'être en chambre particuliere, des reverberes illuminés toute Ia nuit, & un lieu deftiné pour les repas communs. On a placé dans cette prifon deux chapelles, oh chaque efpece de prifonniers affifte régulierement aux offices, fans qu'ils puifient fe voir, ni fe communiquer en aucune maniere. Une infirmerie trés - fakibre, & dans laquélle tous les malades feront couchés feuls, eft divifée en deux falies 1'une pour les hommes, & 1'autre pour les femmes; elle eft placée a la portée des différens départemens. On y a réuni tous les acceflbires néceffaires & principalement une pharmacie, oh fe trouve le dépót des drogues a fournir dans toutes les prifons de la ville. Enfin, tous les pauvres prifonniers qui n'ont aucune refiburce, y font non-feulement couchés feuls, comme on Pa déja dit, mais ils recoivent encore chaque jour une livre & demie de bon pain & une portion, foit de viande, foit de Iégumes; on leur donne des vêtemens quand ils C 6  C 60 j en manquent, & du linge blanc une fois la femaine Le 28 Janvier 1782. MM. Piis & Barre s'obftinent a vouloir être fiflés une feconde fois & demain 1'on reprend leur Gdteau des Rois. En attendant,voici une épigramme qu'on diftribue; elle eft adreffee au Sieur Piis. Pour ton gateau fait a Ia hstte, Te voila, cher Piis, rudement rembarré. Quoi diable auffi fais tu de ton Monfieur Barré? Car, entre nous, c'eft un vrai gate-pate. Veux-tu favoir Ie fin de 1'art ? Chafl'e-moi ce garcon, travaille davantage, Et chez le patiffier Favart Va faire encor deux ans d'aprentiflage. Le 29 Janvier 1782. Un plaifant a parodié 1'épigramme contre Mad. la comteffe de Genlis & fait h réponfe fuivante. Aujourd'hui prude, hier galante, Tour a tour folie & Dofteur, Genlis, douce Gouvernante Deviendra dur Gouverneur, Et toujours femme charmante Saura remplir fon deftin: On peut bien être pédante Sans cefiér d'être catin. La Reine répugnant a venir aux bals del'opéra dans la nouvelle falie des boulevards, ils ont été transférés au chat^au des Tuilleries, a celle ofi joue aujourd'hui la comédie Fran§oife. Le bruit  C öl ) fe répand même qu'après le départ de celle ci, 1'Académie Royale de Mufique y reprendra fes féances; mais M. le Co-mte d'Angiviller s'y oppofe fortement, & non fans raifon. Meffieurs Mique, Hazon, Brebion, Intendans & Infpefteurs des batimens du Roi, conjointement avec M. Morat, Commandant de la compagnie des Gardes-pompes, fe font tranfportés au .Louvre & aux Tuilleries & ont fait une vifite générale des deux palais Leur rapport a été des plus effrayans ; ils fe font accordés a déclarer qu'il n'y avoit point de palais plus combustibles, furtout dans la partie oh eft la falie de la comédie Francoife. C'eft ce qui détermine M. le Directeur général des batimens du Roi a rejeter tout établiffement de cette efpece; on regarde même le projet de batir 1'opéra futur dans le voifinage, comme très-incertain, & il en pourroit bien réfulter que le Duc de Chartres obtiendroit de nouveau la faveur d'avoir 1'opéra chez lui. L e 20 Janvier 1782. Quoique le feu ait été trés mefquin, la décoration en étoit fuperbe & frappoit le fpeftateur par un coup d'ceil impofant. Elle repréfentoit le temple de 1'Hymen, formé par un portique de colonnes furmonté d'un fronton & couronné d'un attique. Sur les degrés étoient des piédeftaux dans les angles, oh des enfans fe voyoient portant des toixhes öc des brandons enflammés. Du centre du temple s'élevoit un autel chargé des offrandes des Fra&C7  C 62 ) cois pour la profpérité de Ia familie royale. La France étoit fous 1'emblême d'une femme devant le portique du temple, recevant des mains de 1'Hymen, accompagné de la Paix & de 1'Abondance, 1'Enfant augufte & précieux qui vient de naitre. Le couronnement de 1'édifice étoit orné d'emblêmes & de bas reliëfs, furmonté par des enfans & des aigles, tenant des guirlandes & en décorant le temple. Le tout étoit pofé fur un doublé foubafle* ment en rochers, dont le premier orné furie devant d'un groupe de frgures repréfentant la. Seine & la Marne; leurs eaux mêlées fortant par une urne, couloient dans une grande conque, d'ob élles tomboient en nappe au milieu des Tritons & des Nayades, habitans de ces fleuves, raüemblés pour prendre part a la fête: du refte, des fontaines jailliffantes, des baffins. Le fecond foubaffement étoit formé par des roehers & des grotes agréables au deflous du temple, oh 1'on montoit par des efcaliers tournans, bordés de plantas & d'arbres fleuris. Des deux cótés le temple étoit accompagné de deux colonnes coloffales lurmontées d'un groupe de dauphins portant un globe aux armes de France, terminé par une couronne. Le 30 Janvier 1782. Le mandement du Cardinal de Rohan, Evêque-Prince de Strasbourg, a été icndu pour la folemnité de la fête féculaire du rétabiiflement du culte catholique daas  r 63 ; fa catbédrale & Ia ville de Strasbourg. A Ia fin il eft dit: donné a verfailles, oii nous fommes iixés par notre charge auprès du Roi , le 12 Oftobre 1781. . Le Prélat prend occafion de cette circonftance pour déclamer contre Ia nouvelle philofophie, qui oéclare une guerre ouverte a la croyance de dix-huit fiecles, qui écrit publiquement contre 1'évangile, qui lui fubftitue des écrits infidieux} reproduit des ouvrages qu'une fage génération avoit condamnés aux ténebres, & a'l'oubli. II vient enfuite a la nouvelle édition de Voltaire a laquelle on travaille au Fort de Keil prés de fa ville épifcopale & fous fa jurifdiétion fpirituelle; mais il n'ofe nommer ni 1'ouvrage, ni 1'auteur; il prend une circonlocution ct s'écrie: „ Eh! dans quel fiecle auroit-on vu établir „ une forge d'impiété, oh Pon frabriquat cons, tre la religion des armes nouvelles, que Part 5, y prépare avec foin & que 1'induftnë va ré3, pandre avec profufion. La cependant fe réuj, riront les produétions des Ecrivains les plus J5 licencieux, les paradoxes des Auteurs les plus „ téméraires,': ce n'étoit point affez de tous „ ceux qu'ils avoient hazardés dans les ouvrages qu'ils ont pu publier de leur vivant; on va 3, fouiller dans leurs cendres pour en extraire 33 ce qu'ils auroient rougi d'avouer Tel eft le paragraphe que les Académiciens & partifans de Voltaire reprochent a un Prélat4  i membre de 1'Académie Frangoife & confrère du défunt, & dont les dévots & les zélés lui font un crime auffi pour fa pufillanimité a n'ofer attaquer ouvertement & de front une entreprife fi dangereufe pour 1'autel & le tróne. Quoi qu'il en foit, les Grands-Vicaires du Cardinal de Rohan fe difculpent de leur cóté en cette occafion, & déclarent que c'eft lui-même qui a fait fon mandement. Le 30 Janvier 1782. C'eft aujourd'hui que doit enfin avoir lieu a Verfailles le bal des Gardes-du-corps, qui fera d'abord paré, & enfuite mafqué. II fe donnera dans la nouvelle falie d'opéra, décorée particulierement pour cette fête. On a fait hier la répétition de 1'illumination qui a produit le meilleur effet & enchanté tous les gens de goüt appelés a ce fpeftacle. . Le 31 Janvier 11782, Ce qu'on rapporte du bal des Gardes du corps en donne Ia.plus haute idéé; jamais fête n'a été fi brijlante ni fi bien ordonnée: tout s'y eft paffé avec la plus grande décence, avec une politeflë rare & foutenue depuis le commencement jufqu'a la fin. En voici les anecdotes principales. M. de Prefy un des Majors de cour, cc le plus ancien des Gardes du corps, devant avoir 1'honneur de danfer avec Ia Reine, fuivant un ancien ufage , S. M. lui a permis de faire Ia révérence du menuet avec elle; on en eft refté la, & Pon eft paffé aux contre-danfes. Entre les huit Gardes-du-corps nommés pour faire les  honneurs du bal, la Reine achoifi M. deMouret, qui, intimidé d'abord, a vu la Souveraine le raflurer avec bonté. A la fin il a reconduit S. M. a fa place, & elle lui a remis fur fon chapeau un paquet oh s'eft trouvé une boëte d'or dans laquelle étoit un brevet de Colonel. - Un particulier s'étant immiscé de danfer k une des trois contre-danfes oh étoit la Reine , le Roi, quoiqu'il ait Ia vue baffe, 1'a fort envifagé & ne le reconnoiiïant point pour lui avoir été préfenté, a chargé le Prince de Poix de vérifierle fait. Le quidam a répondu qu'il étoit le comte de Lugon, Capitaine a la fuite du régiment de Champagne, que n'étane point Colonel, il ne pouvoit encore étre préfenté; mais qu'il étoit fait pour 1'étre. S. M. a ordonné en conféquence a M. deSégur qu'il eüt k le faire partir inceffamment pour fon régiment. Par une impudence rare, ce même aventurier a eu celle de fe trouver auffi au bal mafqué fans 1'être, en forte que le Prince de Poix n'a pu s'empêcher de lui té-, moigner fa furprife de le rencontrer encore lè, malgré la liberté que tout le monde avoit d'y étre a eet inftant. M le Prévöt des Marchands étant venu badauder au bal mafqué, un mafque lui a dit qu'il faifoit bien de fe trouver en pareil lieu pour apprendre a donner des fêtes. Le premier Féurier 1782. Les calembours continuent: il eft queftion aujourd'hui d'un voyage que M. le Duc de Chartres doit faire en  C 66 ) Italië pendant qu'on batira fon palais; on dit qu'il pouffera jufqu'a Conftantinople pour y apprendre le röle de Grand-Seigneur. On dit que Mad. la ComtelTe de Genlis doit eommencer 1'éducation des Princes par Ie reverfi,afin de leur apprendre die mettre dia bonne. Le 2 Février 1782. MM. Piis & Barré avoient d'abord cru capter les fuffrages du public pour leur feconde repréfentation du Gdteau des Rois ou Gdteau a\deux feves, par une longue piece de vers inférée au journal de Paris fous le titre de Stances élégiaques dans lefquelles ils fembloient perfifler leurs critiques & rire de leur chuteprétendue; enfuite, par une précaution mieux imaginée, ils avoient répandu a peu prés deux eens battoirs dans le parterre, d'oü il eft réfulté une cacophonie confidérable, puifqu'une moitié applaudiffoit a tout rompre» lorfque 1'autre fifloit encore plus fort- Mais le parquet & les loges ne pouvant être gagnés ainfi, & piqués d'une note infolente desdites ftances élégiaques, ont malheureufement fait pancher la balance du cóté des frondeurs. Les Afteurs d'ailleurs, eux-roémes-indifpofés contre ces Auteurs des Boulevards, voulant leur faire Ia loi & les traiter despotiquement,. ont déclaré a ces Meffieurs que c'étoit beaucoup trop de s'être prêtés a une feconde repréfentation ; cependant, pour ménager 1'amour propre des Auteurs, ils font convenus qu'ils feroient cenfés la retirev de leur plein gré, & écriroient  C 67 ) aux Comédiens une lettre oftenfible pour le public, oh, en convenant que le laps de tems écoulé entre la première & la feconde repréfentation annulloit le feul mérite de cette bagatelle, ils fe défifteroient de leur droit, en fe réfervant la liberté de le faire valoir en tems & lieu. Tel a été le Mezzoterminó trouvé a cette grande & longue négociation. Le 2 Février 1782. Mad. Ia Comteffe de Beauharnois , qui tient aujourd'hui Ie bureau d'efprit le plus accrédité, qui d'ailleurs n'eft pas fans prétention encore h la beauté, doit nécesfairement être en bute a beaucoup defarcafmes. En voici un nouveau lancé contre elle; c'eft un diftique. Chloé, belle & poëte, a deux petits travers; Elle fait fon vifage & ne fait pas fes vers. Le 3 Février 1782. Le fleur Piis, d'une infolence qui n'a pas d'exemple , & fe manifefte dans une foule de vers contre fes critiques dont il inonde le public, rccoit de tems en tems des ripoftes trés-humiliantes. II en veut fur tout a M. Geoffroy, qui fait aujourd'hui en chef 1'année littéraire & le perfifle fouvent fur fes pieces. Dans fes diatribes il s'efforce quelquefois de finger Voltaire, qui, connoiflant le goüt du fiecle pour les calembours, s'y livroit fouvent afin de rendre fes ennemis plus ridicules, cc jouoit fur le mot. En paiiant du Journalifte & feignant de Ie regarder comme un nouveau venu  C 6s> 3 dramatrque & d'y jeter le plus grand intérét. Le Muficien étoit convenu de lui garder le feCfet'; malheureufement néceffité a montrer ce nouveau dénoüment au comité, Meffieurs en 1'approuvant ont jugé va propos d'y mettre du leur, & il n'eft pas jufqu'a un M. Morel, ami & confeil de M. de la Ferté, qui s'eft avifé d'y inférer de fes vers. M. Rochon , nepouvant tolé•rer un pareil accouplement, a été obligé de fe démafquer, de réclamer fa propriété & d'exiger ou que le dénoüment füt donné tel qu'il 1'avoit fait, ou lui füt reftitué. C'eft aujourd'hui la matiere d'une grande négociation qui retarde la repréfentation de 1'ouvrage. Le 3 Févrïer j 782. Le concert d'hier n'a pas pris, & nos petits-maitres s'écrioient fouvent & très-haut: C'eft déteftable. D'ailleurs, tous les morceaux qui Ie compofoient étoient connus du public , & entre les Virtuofes il n'y avoit de nouveau que MM. Wachires & Ech. La belle . exécution du premier a fait grand plaifiron a furtout admiré la netteté & la pureté des Pons qu'il a 1'art de tirer d'un inftrumént auffi ingrat que Ia clarinette. Le fecond- de qui 1'on devoit plutót attendre ce genre de mérite paree que Ie violon eft plus propre a rendre agreabWnt les difficultés, n'a pas produit Ia même fenfation: fon jeu a quelquefois paru maigre, il eft cependant en total affez briilantmais trop fouvent peut-être aux dépens de la iurete des.intonatipns- qualité efleutielle, qu'il  C ?o ) eft h préfumer que ce jeune Muficien acquerra par le travail. Du refte, il n'a que quatorze ans; il eft de la mufique de S. A S. Monfeigneur l'Eleóteur Palatin. * Le <$Février 1782. On a mis enchanfonlecalembour concernant Mad. la ComcefTe de Genlis. Sur 1'Air: Vous m'entendez bien. Aux Princes Genlis doit, dit-on, Du reverfi donner legon : C'eft de fa politique Eh bien! Une fine rubrique, Vous m'entendez bien. Ces éleves bientöt inftruits, S'amufant les jours & les nuits, Pour peu que le jeu donne, Eh bien! Le mettront a la bonne, Vous m'entendez bien. Le 4 Février 1782. On affure que le Roi a été fi content de la fête de Meffieurs les Gardes du corps, qu'il fe propofe d'en donner une pareille a M. le Comte & a Madame la Comtesfe du Nord lorfqu'ils viendront en France. En attendant, pour qu'il ne manquat rien a la première, on y a diftribué auffi descouplets, & voici un impromptu a la Reine qui doit la flatter infiniment. Le ciel de tous fes dons, aimable Souveraine,  t .71 ) Fut envers vous fi Iibéral, Que quand vous ne feriez pas Reine, On vous prociameroit par choix Reine du bal. 'On a fait auffi un Calembour fur M. Le Comte de Lugon. Comme ce qui le fit remarquer du Roi, c'eft qu'il n'étoit pas .dans le coftume brillant des autres danfeurs:on dit qu'il va avoir un procés avec fon Tailleur , paree qu'il lui avoit démandé un habit de bal, & qu'il ne lui a apporté qu'un habit de chaffe. Le 4 Février 1782. Les Comédiens Frangois ont remis depuis quelque tems,on ne fait pour.quoi, une tragédie de M.'le Blanc, intitulée Manco Capac, jouée pour la première fois en 1703 avec un fuccès tfès-équivoque: il n'avoit •pas été plus confidérable k cette reprife ; mais, aujourd'hui que c'étoit la troifieme repréfentation, le parti qui la foutient a fait un effort violent & 1'a emporté. Ou a demandé 1'Auteur avec acharnement, & celui - ci a cru devoir fe ïendre au defir du public, & a paru fur le théatre trainé par le Sieur la Rive. De grandes fentences philofophiques, de belles maximes philofophiques, & puis de la philofophie, & toujours de la philofophie, voila ce qui fait le fonds de cette piece. Du refte, ni mouvement, ni action, ni intérêt: mais c'eft un ouvrage de fecte , & il a été foutenu par toute la cabale philofophique. On ne doute pas que cette explofion ne pouffe incelTamment 1'Auteur a 1'Académie Francoife  C 72 ) dont les coriphées le foutiennent. Le 4 Février 1782! Les Comédiens Ttaliens f ne tariffent point: ils jouent demain une nouveauté, ayant pour titre la Soiree d'été, opéra comique en un acTe & en vaudevilles. II eft de M. Pari/au. Le 5. Février 1782. La nouveauté jouée aujourd'hui aux Italiens, n'a point d'intrigue; on n'y trouve pas même des couplets auffi agréables que dans la parodie de Richard III. Cependant on a eu de 1'indulgence pour 1'Auteur, & 1'bn a fait répéter le dernier couplet, confacré, fuivant le vieil ufage a fe concilier le public. C'eft une villageoife qui chante. Helas! du moins fi notre zele Fait tout pour réchauffer nosjeux, Sur les dtfauts de fte bagatelle, Mellieurs, daignez fermer les yeux. Le plaifir que prennent des payfans a jouer au gage touché & a fe faire des niches, forme tout ïe fonds de !a piece. • Ce léger moyen ne laiffe pas que d'amener des fituations, mais trop foibles fans doute pour foutenir 1'ouvrage. Le 5. Février 1782. La géographie vient de perdre un de fes plus grands coriphées en la perfonne de M. Bourguignond''Anville: comme il étoit membre des deux Académies des Sciences & des Belles-Lettres, fon éloge y ferafans doute traité amplement, Nous nous contenterons d'obferver ici que c'étoit un fayant dans le gen..... ... re  C 73 J re ancien, point petit-maitre, point bel efprit, point répandu. II ne connoiiToit guere que fon cabinet. Tant que fes forces le lui ont permis, il a travaillé quatorze ou quinzeheures par jour, & il trouvojt fort étransie oue fes Mpvpi puiient pas i imiter. Un de fes grands regrets, qu'il exprimoit bennement, fans orgueil & fans fe rendre ridicule, étoit que la fcience qu'il foutenoit, feroit enfevelie avec lui, & il avoit raifon a un certain point. II étoit frere de M Gravelot, un des plus habiles Deilinateurs de ce fiecle. Le 5 Février 1782. M. le Comte de Buffon ayant eu occafion d'envoyer fes ceuvres a la Czaune,cette magnifique Souveraine lui a fait donner en écbange la colleétion des médailles de fon regne en or.préfent d'environ 40, 000 liv Llle y a joint une lettre charmante, & le Philoiopne tres-galant a réoondn nar ,,n» H„.^„. ciment dans le genre de celle qu'on a vue il v a ■un an adreffée a Mad. la ComtelTe de Genlis, mais propornonnée toujoursv a 1'illuftre héroïne Le 6 Février 1782. MM. Piis & Rnrré Hnn„„-. note inféree au journal de Paris avec leurs fhn ces élégiaques fur la première repréfentation du* Oateau a deuxfeves. carafl-éri^nr o^a i„_ ^ yerfes claffes de fpeclateurs, leur jugement & Ueur facon de s'exprimer. LC "™s nre de Ja chute de cette piece pour & contre laquelle on avoit pa é • I Tom XX. d p * * voki ce  C 74 ) que nous entendfmes aux petites loges des troifiemes: D'honneur, Vicomte ,il faut que ces jeunes Auteurs voient bien mauvaife compagnie; car ils ne metttnt jamais que des payfans fur la fcene; aux fecondes loges: je ne leur confeillé plus de répondre d M. G., qui vient de prouver dans Vannée littéraire, N°. 30, que l'invention du pot dechcmbre de Jeannot, vaut mieux que celle de U balan* goire dans les vendangeurs; aux premières loges: déteftable, incroyable'. je ne voudrois pas que mon cheval l'eütfaite; au parquet: ce" font de paffables Oculiflei, mais de bien mauvais Pdtijfters; au parterre... on ne difoit rien... on faifoit mieux, ou pis; c'eft felon, 8" adhuc fub judice lis ejt. Le Vicomte de Choifeul, celui défigné dans cette note pleine d'humeur & d'impertinence, ami des lettres & qui les cultive, auteur de plufieurs chanfons agréables, avoit jugé a pro. pos de répondre a ces Meffieurs par une lettre envoyée au même journal; mais le comité de eet Aréopage, abfolument vendu au Sieur Piis, n'a pas jugé a propos de 1'inférer. Le 6 Février 1782.' On n'a pas manqué de chanfonner auffi M. de Charlut fur fa nouvelle; place de Major dans la Gendarmerie ;,on le plaifante fur fa hauteur principalement: les Officiers de ce corps ne font pas fichés de voir tourrer; en ridicule ce jeune Seigneur; mais le couplet eft affez p'at. I Le 7 Février 1782. Extrait d'une lettre dei Bruxelles du i«. Février.... U paue pour con  C 75 j flant en efret qu'il s'eft imprimé ici bien des choi fes par une fociété qui eft aujourd'hui prefque entierement détruite. Le Sieur Henry, Exempt de police, en a enlevé cinq vers le 8 Janvier Le Sieur Jaquet de la Douay, le chef de la bande, arrêté quelque tems avant, les a vraifemblablement dénoncés. II eft inconcevable que ce malheureux que nous voyions venirici rev^tu du titre refpectable d'Infpecteur de la librahie étrangere,eut abufé de la confiance qu'on avoit en lui au point de faire imprimer, colporter & compofer lui-même des libclles. . II paroït depuis quelque tems un petit volume intitulé Supplément d l'E/pion Anglois. On y parle furtout de la détention de M. Linguet & de la retraite de M. Necker. Ce pamphlet eft tresmal écrit, n'a nul rapport a fon titre, & ne peut fortir de la même main que 1'ouvrage auquel on veut 1'accoupler. II y a furtout deux pages de menfonges & d'horreurs fur la Reine de France qui ie rendent digne du feu. La police cherche fagement a en retirer tous les exemplaires. On dit qu'il y a déja chez vous plufieurs colporteurs a la Baftille, pour avoir vendu ce libel Ie. On parle d'un ouvrage rare fur la vie ou 1'adminiftration du comte de Maurepas; mais je ne le connois pas encore. Le 7 Février 1782. Le Sieur Grammont eft un bel exemple de 1'inconftance du pubüc & du peu de fond qu'un Artifte doit faire fur fa D 2  C 76 ) faveur. Le Kaïn venoit de mourir; il parut & tout le monde crioit au miracle. On vouloic que ce füt le défunt reffufcité; on lui trouvoit favoix, fesgeftes, une telle reffemblance qu'il paffoit pour le fils du. défunt. L'amour propre du nouvel Acteur s'eft tellement exalté, qu'il n'a plus étudié & eft refté dans fa médiocritë. Le parterre, également outré & dans fon amour & dans fa haine, a pris le Sieur Grammont en gripe, & enfin a manifefté fon dégoüt par 1'explofion dont on a rendu compte. Les fuites en ont été funeft.es pour lui au point que, comme il n'étoit recu qu'a la penfion , les Gentihhommes de la chambre ont donné ordre de le renvoyer abfolument. Le 8 Février 1782. On a parlé autrefois d'un Sieur de 1'Epine, neveu du Sieur de Beaumarcbais, que celui-ci avoit cnvoyé en 1777 chez les Infurgens avec un brevet d'Officier & une pacotille confidérable de fes mémoires, de fes pamphlets & de fes comédies. 'Ce jeune homme n'a pas fait fortune avec; il a été obligé de revenir; & fon oncie lui a fu mauvais gré de n'avoir pas tiré meilleur parti de fes ceuvres. 11 lui a fait fermer fa porte; d'un autre cóté, fes camarades fe font moqués de lui, & le Sieur PEpine a été fi fenfible a ces affronts, qu'il aeffayé de fe brüler la cervelle. Ayant manqué deux fois fon coup, il a mis le feu a fa chemife pour s'écouffer. Touché de remords & prévoyant les fuites funeftes que eet accident pourroit  C 77 j caufer a fa familie, aux voifins dcc. en mettant fé feu a Ia raai fon , il a appelé du fecours, mais trop tard pour lui: il eft mort des fuites de fon accident, 'f Le 8 Février 1782. On parle beaucoup d'un nouveau refcrit de 1'Ëmpereur, oh il at.aque le Clerge plus vivement que jamais & le renferme dans les bornes les plus étroitesdefon miniftere, en le réduifant aux fonctions des premiers Apó' tres. Ce refcrit envoyé a Bruxelles, a paru aux Magiftrats tellement propre a exciter les réclamations des Prêtres & le ftnatifme des peupies, qu'ils ont repréfenté a leur Souverain qu'ils n'ofoient 1'enregiftrer. Ce Monarque a eu. la modération de ne pas 1'exiger, mais a ordonné qu'on s'y conforroat dans toutes les occafions. On raoonte k 'ce fujet que lorfque 1'Emperenr eut eu avec le Roi de Pruffe les conférences dont on a parlé dans letems; ce dernier écrivoit k Voltaire : s, Je ne crois pas que 1'Empe„ reur m'ait pris pour fon conficent, mais è 3, en juger par fa converfation, c'eft un Philo„ phe qui nous effacera ; nous ne fommes vous „ & moi que de petits gargons auprès de lui " Le p Février 1782. Un de Meffieurs du CM-° telet a en effet dénoncé aux fervices afiemblés le mémoire contre M. de Brunville,comme un bbelle. Cetre dénonciation a tourné abfolument k la gloire du Procureur du Roi,dontila été fait Ie plus grand éloge, ainfi que de M. le U 3  f 78 ) Noir, le Lieutenant général de police, impliqué dans 1'affaire, & qu'on accufoit d'abus d'autorité. L'on a arrêté de laifler, du refte, prendre au procés la tournure qu'il plairoit a Ia fageffe du Monarque de lui donner. II paroft que 1'objet de Meffieurs étoit uniquernent de caufer quelque mortification au Lieutenant civil, qui avoit voulu empêcher le Chatelet de prendre connoiffance du mémoire. On croit de plus en plus que tout 1'esclandre eft une fuite des manoeuvres ténébreu-fes de M. Moreau , Tanden Procureur du Roi, cherchant a mettre fon fuccefleur in reatu, afin de fe faire donner des Lettres de conünuatttr, & en gardant le prix de Toffice, d'en conferver toujours les émolumens. Par bonheur Meffieurs du Chatelet ont éventé cette mine fourde Le 10 Février 1782. La maifon de Sorbonne, depuis la mort de M. de Beaumont, étoit fort occupée du choix du fuccefleur de ce Prélat a la dignité de Provifeur, dignité purement honorifique , mais poflédée d'ordinaire & toujours par les membres les plus diftingués du Clergé, foit du cóté de la naifiance, foit-du cóté du méri'e. Plufieurs Rohan Tonteue, & cette fois les grands perfonnages de cette maifon ont defiré la faire rentrer chcz eux. Cela regardoit naturellement TArchevêque de Cambray', paree qu'il eft de la maifon de Sorbonne, couöiuon requife pour la place; mais ce Prélat  C 79 ) étant peu confidéré, même affez déerié pour fes mceurs, le Cardinal de Rohan a cru devoir fe mettre en avant, & n'a eu pour compétiteur a craindre que le Cardinal de la Rochefoucault. T:tnt que la concurrence a duré, il yaeu beaucoup de brigues; les zélés ont gémi qu'on püt balancer en faveur du premier dont les fcandales dans fa jeuneffe n'ont pas été moins grands que ceux de fon frere, & qui d'ailleurs paffe pour n'être pas fort religieux, & même, malgré fon mandement, pour entiché de la philofophie moderne, c'eft-a-dire de matérialifme & même d'athéifme. On ne fauroit rendre toute la diffeation que cette qucrelle a mife entre les éleéteurs. M. le Cardinal de la Rochefoucault n'eft pas un génie, difoient fes partifans, mais il remplit trés bien toutes les fonftions de fon état; c'eft un Prélat exemplaire & d'un nom qui n'eft pas médiocre. Malgré ces réfiexions, comme Péleftion fe fait a haute voix & non par fcrutin, la faveur Pa emporté; bièn des Dodteurs timides n'ont ofé choifir, fuivant leur vceUjOnt craint le crédit du Grand Aumónier, & le Cardinal de Rohan a cu 48 voix contre 34 pour fon compétiteur. C'eü le jeudi 31 janvier que la chofe a été décidée: On a paffé même par deffus Pufage & la regie, puifque le Cardinal de Rohan n'eft pas de la maifon. Le 10 Février\-]^2. Extrait d'une lettre de Barle-Duc du 28 Janvier.... M. 1'abbé Merlet, maitre de niufique de 1'eglife noble & royale de St. D 4  C 80 j Max de cette ville, ayant atteint le 16 de ce mois fa centieme année, a donné ce jour-la un repas fplendide, auquet il avoit invité un grand nombre de perfonnes, & dont il a fait les honneurs avec un enjoument qui ne laiffoit aucunement appercevoir le poids de fes années. II y a eu enfuite un concert dans lequel on a chanté un motet en Phonneur de ce refpeclable vieiltard, qui a paru trés - fenfible a tous les témoi. gnages d'intérêt & de fatisfaftion qu'il aregus de toutes les perfonnes qui y ont affifté. M. 1'Abbé Merlet, né a Bezancon le 10" Janvier 1682 , a été pendant plufieurs années Me. deMufiquede Saint Germain 1'Auxerrois, a Paris. Lors de la réunion des canonicats de cette églife a ceux de Notre-Dame, il quitta & revint dans fa patrie pour y occuper la place qu'il a. Malgré fon grand age, il jouit d'une préfence d'efprit admirable, & il n'y a que trois ans qu'il ne fait plus exécuter par lui-même la mufique de cette églife. Le 11 Février 1782. Jufqu'a préfent Silius Jtulicus, Poëte latin, Auteur d'un poëme fur Ia feconde guerre punique, étoit peu eflimé & prefque ignoré. M. le Febvre de Villebrune a entrepris de le mettre en vogue. II ad'abordcorrigé le texte -fur quatre manufcrits & fur la précieufe édition de Pomponius donnée en 1471, inconnue de tous les éditeurs. II Ta completté enfuite d'un long fragment trouvé dans la bibliotheque du Roi. Enfin, il y a joint une traduciïon frangoife. II efpere avec ces foins mul- tipliés  C Si ) tipliés avoir rendu fon Auteur, fruitprécieux; de la plus faine critiqué, digne d'être rangé par les Univerfités au rang des Auteurs claffiqueSjj & lui procurer une célébrité qu'il mérite. Mal» h'ureufement, fa traduclion eft fans éléganca & d'une féchereffe extréme. Le ii Février 1582. La Société Royale de Médecine, pour enlever de plus en plus a la Faculté toute la confidération qu'elle pourroit avoir & lui óter les divers moyens de faire connoitre & d'exalter les ouvrages de fes membres, pour mieux répandre au contraire ceux des membres de la nouvelle Compagnie par un prgane tiré de fon fein & toujours prêt a les pröner, è imaginé d'avoir un odvrage périodique a elle. II fera intitulé Journal de Médecine militaire: il eft imprimé au louvre, publié par ordre du Roi, & n'elt point deftiné a être expofé en vente: il paroitra tous les trois mois. La rédaclion en eft confiée a M. de Horne, Médecin de Mad. la comteffe d'Artois & confrère de la Société Royale; c'eft la Société qui eft chargée par le Roi de 1'examen du Journal. Tout cela prouve combien il eft favorifé. Le 11 Février 1782. Hier on jouoit a 1'opéra Iphigenie en Aulide. M. le Marquis de la Fayette y étoit en loge. Le public 1'a découvert.dans le'fond, 011 fa modeflie 1'obligeoit de fe tapir, & a faifl le moment oh le chceur chante: Achille eft couronné des mains de la viüoire, pour Papplaudir. Ce fignal a encouragé 1'Adlrice, qui, Dj  C 82 ; de fon propre mouvement, a dirigé vers lui une couroune de laurier qu'elle tcnoit en main, El.'e n'a pu en faire d'avantage, n'y étant point' autorifée par fes fupérieurs. Le parterre a admiré la préfence d'efprit de MlleTorlay, qui * avoit fi bien faifi fon vceu, & a redoublé de battemens de mains. Tous les talons rouges, préfens au triomphe du jeune héros, n'ont pas également approuvé 1'aclion de MlleTorlay; ils font furieuxqueM. de la Fayette, è 24 ans, foit défigné Maréchal de camp, fans avoir paffé par le grade de Brigadier; ils difent qu'il n'a rien fait d'extraordinaire, & qu'ils en auroient bien fait autant,s'ils avoient eu les mêmes occafions. Au furplus, cette récompenfe eft accordée par S. M. avec tous les ménagemens poffibles. M. de la Fayette n'a qu'unc lettre du Roi oh S. M. lui déclare qu'étant au fervice de I'étrangér, il n'eft point fufceptible d'aucun grade en France, mais cependant qu'elle le fait Maréchal de camp fans aucune fonélion, & a prendre rang de la date du jour de cette lettre , lorfqu'il plaira a S. M. de le faire rèntrer dans fes armées. Le 12 Février J7S2. Les amateurs des arts & des fpeét des s'empreffent de fe pourvoir d'une colleftion précieufe de buftes que vient de rnertre en vente le Sieur Merchi, Sculpteur. .lis, font au nombre de quioze & repréfentert MM. Piccird, Sacchini, le Gros, Fainé; Ml lef Beawnejnil, Girardin} Cadette iGuimardy Heinel s  c §3 y Thêodore, Mard, Peflin, MM. Fejlris pere; Nivelon, Carlin & Mad. Todi. Le 12 Février 1782. Un des grands inconvé» niens de Parrêt du confeil du 9 Déeembre 1780 ordonnant la relute des pieces déja recues a la comédie Francoife, c'eft que les meilleurs Auteurs ou ne veulent pas s'y foumettre, fous prétexte qu'ils ne peuvent le reconnoïtre, n'ayant pas la fanftion légale, qui eft 1'enregiftre» ment, ou reculent paree qu'ils craignent le resfentiment des Comédiens,dont 1'animofitépourroit les porter k refufer leurs ouvrages. Au contraire, les médiocres profitent de la circonftance pour paffer fur ie corps des anciens, ou pour jouir d'une indulgence fur laquelle ils comptent de la part des Hiftrions flattës de leur foumiffion. Voila pourquoi depuis plus d'un an on n"a vu k ce théatre prefque que des chutes. Quoi qu'il en foit, c'eft a cette conjonólure heureufe pour lui, que nous devons la Comédie du Flatteury de M. Lantier, connu encore feulement pzrYImpatient, petite piece trés médiocre. On affure que le Sieur Préville, chargé d'un röle affez étendu, puifqu'il étoit d'environ trois eens vers, paroiffant fe peu foucier d'y jouer , 1'Auteur, pour fatisfaire eet Aéteur ,a fupprimé tout-a fait de fa piece le perfonnage qu'il devoit repréfenter. On peut juger par cette anecdote du refte de 1'ouvrage. Le 13 Février 1782. Une caufe de dol Sc d'ufure compliquée» jugée le 7 de ce mois au  Chatelet a fait grand bruit & attiré" beaucoupde fpeclateurs, moins a raifon du fonds que des perfonnages acteurs dans cette fcene judiciaire. D'une part, c'étoit un Chevaiier de Ruilidge, Irlandois d'origine, homme de condiu'on, Capitaine de Cavalerie, Auteur de la Comédie du Bureau d'efprit, du joli Roman de Ia Quinzaine angloife, & d'un ouvrage périodique, intitulé Le Babillard; & de 1'autre, M. Deherain notaire, accufé d'avoir profité de la candeur & del'inex* périence du jeune cliënt qu'on lui avoit adreffé, pour, avec Ie fecours de confrères & intrigans auffi peu délicats que lui, dépouiller eet étranger &, Ie conduifant a travers un labyrintbe de manoeuvres incroyables, le plonger dans unprécipice dont il ne püt fe retirer. Celui-ci traïnoit a fa fuite fon Corps, intéreffé a conferver rhonneur d'un de fes membres, & une foule d'agioteurs, d'ufuriers , d'efcrocs, avides d'ap-prendre comment on élude les loix, jufqu'a quel point on peut les enfraindre & compter fur leur indulgence: 1'autre avoit en fa faveur tous les gens de lettres, tous les fils de familie perdus de débauche, tous les Militaires fans conduite defirant voir le glaive de Ia jufh'ce frapper fur quelqu'un decescorrupteurspublics, leur fournifiant de funefles facilités deferuiner, afin d'acquérir leurs biens è bon compte enfuite5 & de s'enrichir h leurs dépens. Le fujet du procés étoit une terre vendue 120, o'. o liv. par le Chevaiier de Rutlidge, h peine  C 85 ) majeur, fans expérience, ignorant Ia valeur de ce bien, efh'méaujourd'hui400,000 liv., acquife pal- le Sieur Deherain fous un nom fiftif, quoique fon Notaire & fon confeil ; enfin , une ufure énorme de eet Officier Dublic. nm_ fnn. prétexte de lui acheter fa créance fur Je débiteur piétendu acquéreur de Ja terre, ne lui avoit donné qu'une très-petite valeur réelle. M. Deherain récriminoit contre Jes infultes les menaces du Chevaiier, que, pour en arra! cher quelque argent, il a fait un JibeJle contre lui, &, fur fon refus d'acheter fon filence, le répand, Ie fait colporter dans les maifons, dans les caffés, Ie fait vendre chez un Libraire pour trente fois & chez tous les Marchands de nou- veautes, enrin fait afficher un placard en ces termes: du quatorze Février j774, acquifition clandefime & d vil prix par un Notaire au Chatelet de Paris, de la terre que fon cliënt l'avoit chargé de vendre. II produit en fa faveur le jugement de ce procés criminel, qui, après fix féances de rapport & 1'examen le plus fcrupuleux, Je décharge de toute accufation, lui permet de faire nnpnmer & afficher le jugement, fauf a fe pourvoir ainfi qu'il avifera. L'afl-aire reprife au civil, M. Deherain a puPhé une confultadon en date du 3 Février 1762 figcée de neuf des plus fameux Jurifconfultes' tous regardant comme inique & fans fondement l attaque du Chevaiier: & en Pft-W ;i „r, . ious Ia fentence définitive,  C 88 ) fon nom Vèroneze , & étoit de cette familie, fort connue dans la troupe. Elle étoit fceur de feu Camille ,1'nfiniment plus eflimable qu'elle par fes talens & par fa conduite. Coraline avoit eu plufieurs amans diftingués, entre autres le Prince de Monaco, qui un jour 1'ayant furprife coucbée avec un guerluchon obfcur, fe contenta de cette vengeance: il fit fifnplement emporter de chez elle tout ce qui, étant k fes armes, pouvoit fervir de monument de fa paffion honreufe, & la quitta. Le 15 Février 1782. On ne tarit point fur le compte de Mad. de Genlis. Voici encore unc caricature fur elle en forme d'énigme. En phyfique je fuis du genre femininj Dans le moral je fuis du mafculin: Mon exiftence hermaphrodite Exerce maint efprumalin; Mafs" la-'faryre & fon venin Ne fauroient ternir mon mérite. Je poifede tous les talens, Sans excepter celui de plaire : Voyez les falies de Citherre, £t la lifte de mes amans; Et je pardonne aux mécontens Qui feroient d'un avis contraire. Je fais atfez paffablement L'ortographe, Farithmétique; Je déchifre nn peu la mufique, Et la Harpe eft mon inftrument. A tous les jeux je fuis favante,  ( 89 1 Au trictrac, au trente & quarante.y Aux échecs, comme au biribi,^ Au vingt & un, au reverii; Et, par les leeons que je donne Aux enfans fur le quiuola, J'efpere bien qu'un jour viendra Qu'ils fauront le mettre a la bonne. C'eft le plaifir & le devoir Qui font 1'emploi de ma journée: Le matin ma tête eft lenfée, Elle devient foible le foir; Je fuis Monfieur dans le lycée1, Et Madame dans le boudoir. Le 16 Février 1782. Mademoifelle d'Orléans» morte le fix au Palais Royal, des fuir.es de fa rougeole,a été ouverte le huit fous lapréfidence du Docteur Petit. Cette opération étoit importante pour la réputation du Docleur Barthes, qui avoit prétendu que la jeune Princeffe avoit un abcès dans la tête. M. Petit, par 1'ouverture de cette partie noble, lui a démontré qu'il s'ëtoit trompé. Cependant, comme il y a un épanchement féreux, M. Bartbes prétend fe fauver par la. Quoi qu'il en foit, voici le deffous de cartes de cette querelle : Mad. de Genlis y entre encore pour quelque chofe. Soit rivalité d'efprit, foit mécontement perfonnel, foit hauteur, on a prétendu que Mad. de Genlis dans fon nouvel ouvrage avoit auffi tracé le portrait de Mad. de Monteflbn, & chefché a la traduire en ridicule. On veut que celle-  C po 3 ci, pour fe venger, ait engagé le Dodteur Barthes a profiter de la circonftance de 1'état défespéré de MU-e d'Orléans, pour fuppofer qu'elle étoit tombée & qu'elle mouroit de cette chute, caufe d'un abcès qu'on n'avoit pas prévu a tems. C'étoit inculper ainfi indiredtement la gouvernante de négligence en vers la jeune Princeffe, . ou d'une réticence non moins funefte; elle espéroit par la lui aliéner au moins Mad. la Ducheffe de Chartres, ce qui pouvoit conduite h ^ lui faire perdre fa place de Gouverneur. ]usqu'a préfent tout ce complot, s'il a exiflé, n'a tourné que contre le Médecin. Le 16 Février 1782. La comédie du Flatteur, jouée hier,n'a pas eu le fuccès que 1'Auteurs'en promettoit; mais n'eft pas auffi mauvaife qu'on s'attendoit a la trouver. On 1'a jugée en général beaucoup trop longue, chargée de perfonnages épifodiques & n'étant point afiez liée dans fon intrigue, foible d'ailleurs, mal combinée & fans vraifemblance. On s'eft appergu de la future oh devoit fe joindre le röle fupprimé de Préyille, qui ne laiffe en effet aueun vuide, & il ne feroit pas difficile d'en faire dii'paroitre ainfi 'plufieurs autres. Cette piece devroit être réduite en trois adtes, élaguée d'une foule de chofes acceffoires fuperflües, & le caradtere principal pourroit alors devenir plus faillant & avoir plus de jeu. II faut voir, au furplus, comment le Poëte 1'aura arrangée pour Ia feconde repréfentation, & quel effet elle produira.  C 91 ) Le iö Février 1782. M. de la Live d'Epimy vient de mourir; c'étoit un n'che amateur des arts, jouant Ia comédie, & en faifant exécuter a fa terre avec beaucoup de goüt & de magnifieence; fa femme eft une virtuofe, furtout célebre par la paffion de Jean Jacques Rouffeau,que le mari avoit recueilli chez lui, & qu'il appeloic fon Ours. Le 17 Février 1782. Le mufée de M. Pilatre de Rozier, infiniment préférable k 1'affemblée de M. de la Blaneherie, acquiert de plus en plus confiftance. C'eft une fource d'inftruclions continuelles, d'expériences rares & hardies, tres'capables d'attirer les curieux & de foutenir leur attention beaucoup plus qu'un fpeftacle muet, ne parlant qu'aux yeux, fouvent ftérile, ou la répétition des mémes chofes. II eft queftion aujourd'hui d'éprouver des machines propres a garantir les citoyens des dangers des eaux. On plongera dans un très-grand cuvier d'eau m homme revêtu d'une robe impén'étrable h Cet élément, & il en reflbrtira fec, & les fpeclateurs en le touchant pourront s'affurer de la vérité du fait. Le même homme fera plongé encore, après avoir fucceffivement revêtu plufieurs fcaphandres, & on lui mettra plufieurs poids fur le corps pour prouverqu'uneperfonne qui ne fait pas même nager, peut en fauver une autre qui feroit dans le cas de périr. On fera voir auffi une autre robe de foie qui concentre teHemcnt la chaleur du corps qu'une  C 92 ) perfonne qui en feroit revêtue en voyageant, ner Penei roi c pas les froids les plus rigoureux qu'on cprouve dans les régions du Nord. On parle encore d'un bonnet pourvu d'une torche propre a éclairer ceux qui dans la nuit vont fauver des eaux les hommes & les ballots. Le même Auteur doit faire la démonftration de plufieurs autres machines pour garantir des dangers de Peau-, & même des chutes mortelles auxquelles font expofés ceux qui fecourent dans les incendies & ceux qui par état font obligésde travailler dans des endroits périlleux & fort élevés; enfin,il eft queftion de 1'Echelle en fu~ Jée qui fauve 180 hommes en moins d'une heure, avec leurs meubles les plus précieux &c. Tout cela reffemble beaucoup a de la charlatannerie, & il faut voir comment 1'inventeur opérera tant de merveilles. Le 17 Février 1782. Chaque faifon a fes fpeftacles périodiques, qui varient de lieu &de forme fuivant les convenances. Celui du carnaval eft raffemblage des mafques qui r . mplisfent, foit k pied, foit en caroffe, toute la rue Saint-Antoine, tout le faubourg, & prennent leurs ébats jufqu'au tróne. II y a quarante ans & peut-être un demi-fiecle, que cette cohue très briüante, formée des plus grands Seigneurs de ia Cour, des Princes & même des Princesfes du fang, accompagnée d'équipages & de voitures magnifiques, de chars nouveaux & bizarres, k 1'image d'un vafte bal public joi-  C 93 ) gnok celle des promenades de I'été. La trifteiTe des dernieres années du regne de Louis XV avoit abfolument fait tomber ce genre de divertiffement, qui n'étoit plus foutenu que par la police, foudoyant quelques gens de la canaille pour amufer le refte. il paroït reprendre fous le regne de Louis XVI, oh le peuple refpirant eft plus libre de fe livrer k fa gaké naturelle. Son carnétere, porté a la joie & aux folies, s'eft furtout manifeftécette année, & Ie concours nombreux d'aóteurs, de fpeftateurs & de carofles, favorifé par la beauté du cie!, a ramené ces fpeftacles des anciennes orgies qu'on regrettoit: mais en même tems, i'ordre le mieux étabü a prévenu les excès & les malheurs trop ordinaires a de femblables fêtes. Le guet, répandu depuis Ia Greve hifqu'au terme de la courfe, prefcrivoitaux voitures leur marche & empêchoit toute confufion, ce qui en rendoit le coup d'csil encore plus enchauteur. La foule des mafques a été telle qu'ils fe font répartis en une autre promenade, & ont occupé auffi la rue Saint-f Jonoré, moins propre par fa 'largeur a cette proceifion, mais plus riche & plus décoréé- On ne doute pas que ce goüt ramené, on n'enchériffe encore a 1'avcnir fur Ia magnificence de nos anciens en ce genre. Le 17 Février 1782. Les Comédiens Italiens fe difpofent a donner inceflamment au public encore une nouveauté. Cette fois c'eft une co-  C 94 ) médie en un a&e, en profe, ayanc pour titre Les deux Fourhes, Le 18 Février 1782. M. le Préfident de Chateaugiron vient de mourir. Son norn, déja en exécration en Breragne, n'eft pas moins détefté ici de ceux qui n'aiment ni les fourbes , ni les traftres. Avocat général au Parlement de Bretagne, il defiroit paiTer a la place de Procu. reur général & fut un des plus ardens perfécuteurs de Meffieurs de Caradeuc; obligé defortir de fa Compagnie , il eft refté tout dévoué a M. de Maupeou, a été Préfident de fon Parlement & grand coopérateur.de Ia révoiution. Repouffé au Grand-Confeil lors du rétabliffement, il a eu la douleur de ne pouvoir même obtenir la première place de cette Compagnie & de fe voir paffer fur le corps, le plus jeune, le Préfident de Nicolaï; il avoit pris le parti de ne plus affifter au tribünal; & , bourreléderemords, humilié de toutes les manieres, perduderéputation, il y a grande apparence que 'le chagrin aura accéléré fa fin. Le 18 Février 1782. Quoique la comédie du Flaneur de Jean Baptifte RouiTeau ait été repréfentée dix fois de fuite en iöoö & fept fois en 1717, qu'il Pa reproduifit en vers, car d'abord elle étoit en profe, on la regarde généralement comme n'ayant point eu de fuccès. ün blamoit cc grand lyrique d'avoir fait de fon Flatteur un intrigant,un fourbe & même ur efcroc;enforte qu'il devenoit odieux & rebutant. L'Auteur de  ( 95 ) la piece moderne Tous 1c même titre, en profitant de quelques fituations de 1'ancienne, a tel. lement modifié lecaraclere de fon Flatteur, qu'on ne peut guere lui reprocher de 1'avoir calqué fur 1'autre; mais auffi il 1'a fingulierement affoibli; il 1'a privé de fes traits énergiques, & ledénoüment: reffemble trop k celui du Mifantrope, k ceiui du Méchant, a celui des Philofophes & a plufieurs encore Quoique PAuteur n'ait pas fuivi les confeils qu'on lui.avoit donnés, d'élaguer prodigieufement fon ouvrage & de le réduire même k trois actes, de le purger du moins d'une quantité de plaifanteries de mauvais goüt; il a eu recours a un moyen plus prompt & plus für pour le moment: il a rempli le parterre de vigoureux battoirs, & fes partifans prétendent qu'a cette feconde repréfentation il a eu un fuccès décidé. Le io Février 1782. C'eft au Jeu-j vingt-un qu'eft fixé Ie jour de la réception de M. IeMarquis de Condorcet a 1'Académie Francoife. Le 20 Février 1782. M. Ie Baron de Bagge trés connu par un procès-fameux que fa femme lui a intenté, il y a déja quelques années, 1'eft encore plus par des conceits qu'il donne depuis long-tems, les plus brillans de Paris. II eft fol de mufique; il ne parle que de mufique; il ne ïêve que mufique; il ne vit qu'avec des Mufi. ciens, & il confacre k cette pafïïon les trois quarts de fa' fortune confidérable. II ne vient point de Virtuofe k Paris qu'il ne veuille voir  C 96 ) & entendre, a quelque prix que ce foit. r C'eft 'ordinairement chez lui qu'on débute avant de paroitre au concert ipirituel. Malheureufement, M- le Baron de Bagge a la manie de jouer du violon, & quoique plein de goüt & de connoiffances, quoiqu'ayant le tact excellent pour apprécier le talent d'autrui, il eft aveugle pour fon propre compte; il croit ne pas jouer fimplement comme un amateur; mais comme un Profeffeur confommé. En conféquence, il n'eft aucun de fes concerts oh il ne veuilie régaler 1'affemblée de quelque fok de fafacon, & il faut, pour lui plaire, 1'entendre avec la plus grande attention, le combler de bravo, de braviffimo. Cette farce dépare un peu la magnificence de fon fpeótacle, plus renommé encore pour la mufique inltrumentale que pour la vocale. Quoi qu'il en foit, tout ce peuple d'Harmoniphiles, qui ne vit qu'a fes dépens, 1'entretient dans fa folie ék. 1'encenfe du foir au matin fur fon fuperbe jeu ,fur fon archet divin. Enfin, il vient tout récemment de fe faire peindre, un violon a la main comme un Ivleneürier, regardant eet inftrument pour fon plus digne attribut. Un plaifant lui a offert très-férieufement le quatrain fuivant a inferire au bas, & fon amour-propre le lui a fait adopter, quoi-, qu'il foit facile de juger que ce n'eft qu'un perfiflage complet. Du  C 91 ) Du Dieu de riiarmonie adorateur fidele, Son zele impdtueux ne pouvok s'arrêter: Dans Tart du violon il n'eut point de modele, Et perfoune jamais n'ofera 1'imicer. Le'20 Février 1782. L'hyver qui jufqu'ici avoit été très-doux, eft devenu dans ce mois feulement très-rigoureux. Le thermometre ayant baiffé dans-la nuit du 14 au 15 jufqu'a 7 degrés, terme du froid oh la Seine commence ordinairement a charier,ce phenomene a eu lieu, &dans la nuit du 16" en 17 le thermometre defcendant encore jufqu'a plus dedix degrés,froid de 1740, la riviere s'eft trouvée abfolument prife. Dans cette faifon un froid auffi exceffif ne peut être de dürée; le 19 le dégel étant venu fubitement', la débacle des glagons a occafionné de grands dégèts,a renverfé i'eftacade conftruite entre 1'lfle-Louvier & la pointe de 1'Ille-SaintLouis, & entralné pêle-mêle une quantité de bateaux chargés de grains, bois, charbon &c. dont les marchandifes ont été fubmergées totalement ou avariées. La grande patache a démaré cc caufé le défordre le plus coniidérable. Deux moulms & la pompe des puifoirs ont été brifés; enfin, fi 1'impétuofiié de Ja débacle e fit continué, il étoit h craindre que les premiers ponts n'euffent eiTuyé des ébranlemens funeftes. Auffi 'la ville s'eft-el!eaflémbléeextraordinairement,cc aordonné a tous les habitans des ponts dedéménager fur le champ.- Les craintes fe font diffi- ■Tome XX. iï  C 98 ) pées bientót, & il n'y a point eu d'autres fuftes. On eftime a' plus d'un million la perte des batimens cc denrées cc effets; mais on croit que c'eft exagéré de beaucoup- Le 20 Février 1782. L'édition complecte des ceuvres de M. 1'Abbé de Voifenon paroit enfin. On y lit quelques notices fur des gens de lettres morts & vivans, dans le genre de celles de Voltaire a la fin du fiecle de Louis XIV, mais beaucoup plus gaies, plus'piquantes & plus fatyriques. Meffieurs Marmontel cc Diderot, tre autres,s'y font trouvés tellemcntmaltraités, qu'ils ont obtenu la fufpenfion de la diftribution de 1'ouvrage cc un carton a leur article. Le défunt peignoit le premier comme une efpeced'étalon, qui s'étoit fait bien venir de quelques riches Financieres, cc avoit accru la tortune confidérablement plutöt par fes talens phyfiques que par fes talens littéraires. Le fecond êtoit repréfenté comme un char¬ latan ne croyant pas h fa drogue; comme un en- thoufiafte faélice, cherchant a elettriler les ad- mirateurs, comme une fourbe, propre a raire des dupes; en un mot, 1'Abbé de Voifenon fembloit a eet égard s'accorder affez avec ce qu'en dit RouJJeau dans fes confeffions. Le 22 Février 1782. M. le Marquis de Menars étant mort fans enfans cc fans avoir fait de teftament, du moins fans qu'on ait jamais pu trouver .celui qu'il avoit dcclaré avoir fait, il s'éleve un proeès au fujet de fa fucceffion entre  C 99 ) M. PoilTon de Malvoifin & les héritiers plus proches & la veuve de M. de Menars. C'eft ce qui a donné lieu a 1'impreffion des ceflamens & codiciles de Madame la Marquife de Pompadour, dont le frere avoit fait caflér quelques difpofitions, que M. de Malvoifin veut faire valoir aujourd'hui,& fur lefquelles il revient au Parlement par requête civile. II en eft d'autres dans cette piece a conferver & qui font vraimenc curieufes. Après un préambule religieux oh Mad. da Pompadour fe recommande a Dieu,a la Vierge & a tous les Saints & Saintes du paradis, elle defiré que fon corps foit enterré aux- Capucines fans cérémonie, dans le cavèau qui Jui a été concédé dans leur églife. Elle donne au Roi fon hótel de Paris, étant fufceptible de faire le palais d'un de fes petits enfans, & elle defiré que ce foit Monfeigneur le Comte de Provence. Elle dcnne également a S.M. toutes fes pierres gravées par Guay, foit bracelets, bagues, cachet?, pour augmenter le cabinet de pierres fines gravées du Roi. Elle infiitue, au furplus, fon légataire univerfel, Abel ■ Francois Poiffon, Marquis de Marigny, fon frere, & en cas de mort fans enfans, lui fubftitue M. Poiffon dc Malvoifin, chef de brigade des Carabiniers & fes enfans. Elle nomme pour fon exécuteur teftamentaire le Prince de Soubife avec les pouvoirs les plus E 2 '  amples; elle en parle ayec une véritable affection, & lui legue une gravure de Guay , reprélentant l'amitié. C'eft fon portrait & le mien, ajoute -1 - elle; depuis vingt ans que je le connois; elle fe flatte qu'il ne s'en défera jamais, & qu'elle lui rappellera Ia perfonne du monde qui a eu pour lui l'amitié la plus tendre, Elle donne des marqués d'amitié auffi a Mad. la Maréchale de Mirepoix, a Mad. de CkdteauRegnault, a la Ducheffe de Choifeul, h la Ducheffe de Grammont, au Duc de Gontault, au Duc de Choifeul, a Mad. d'Amblimont. A 1'égard de Mad. du Rouve, elle lui légue le portrait de fa fille en boëtegarnie de diamans , quoique fa fille, dit-elle, n'ait pas 1'honneur de lui appartenir. On croit que toutes ces Dames & ces Meffieurs fe feroient bien paffés d'une telle publicité. Le premier teftament elT daté de Verfailles Je :j Novembre 1757. II y a de nouvelles difpofitions du 30 Mars 1761, entre autres la fubftitution indéfinie du Marquifat & Pairie de Menars au Marquis de Marigny & a fes enfans & petits enfans males, & toujours a l'aïné,& en cas de mort de fon frere lans pofiérité, a M. Poiffon de Malvoifin, . Le codicile dernier eft daté du 15 Avril 1764, & n'a été que dicté par la teftatrice au Sieur Colin, fon Intendant. Le 21 Février 1782. On vient d'imprimer par ordre du CowQimtacntl'Jnti-méphitique,  C ioi 3 ou moyens de détruire les exhalaifons pernicieusfes & mortelles des foffes d'aifance , 1'odeur infefte des égoüts, celle des hópitaux, des prifons, des vaiffeaux de guerre &c. avec 1'emploi des vuidanges neutralifées cc leur produit étonnant. - C'eft un M. Janin de Lyon, Médecin ocnlifte, de la Société Royale de Médecine de Paris, qui a fait cette découverte, plus fimple encore dans fon genre, s'il eft poffible, que celle du Sieur Vera, plus facile du moins,puisqu'elle ne confifte que dans une fimple afperfiou de gros vinaigre renouvelée par intervalle. M. le Comte de vergennes, ayant le Lyonnois dans fon département,*a en conféquence très-accueilli ce précieux citoyen, 1'a préfenté au Roi qui lui a témoigné beaucoup de bonté, & a voulu qu'après avoir conftaté par des expériences réitérées la vertu de fon ipécifique, le Sieur Janin inftruifit toute la France de fon fecret. II ne demande pour récompenfe que le cordon de Saint Michel, & 1'on ne doute pas qu'il n'obtienne bientót une grace auffi bien méritée» Le 22 Février 1782. M. le Comte de Thélis n'ayant pu tirer du Gouvernement les fecours qu'il en efpéroit, & les premiers bienfaiteurs s'étant lalTés vraifemblablement, les écoles nationales militaires font fufpendues dans leurs travaux, & il fe reftreint a maintenir 1'école des Gentilshommes , attendu que c'eft luivre le E3  C 102 } vceu de Ia Familie Royale, defirant que les fonds de fa bienfaifance fuffent fpécialement confacrés a cette claffe d'éleves. II parólt que l'Inftituteur craignant même encore que eet établiffement ne puiflê fe foutenir par la dJfecTion des bienfaiteurs, voudroit les lier par une forte d'abonnement & de correspondance dont un journal feroit 1'échange & 1'alimenr. 11 en propofe un qu'il enverra en forme de mémoire chaque mois, dont le principal objet fera de rendre compte de tout ce qui aura rapport aux écoles; on y lira les discours prononcés aux éleves, fur tous les objets de leurs devoirs & de leurs études. On n'y diffimulera point les objeétions qui auront été faites; on fera valoir les réfutations, les inftruétions qu'on follicite avec empreffement; enfin, on y fera 1'analyfe des livres nouveaux qui paroitront fur Part militaire. Le 22 Férrier 1782. L'Académie Francoife a tenu hier fa féance publique pour la réception de M. le MarquiVde Condorcet. Son difcours, trop long &peu applaudi, avoit pour objetprin. cipal de développer les progrès que lesconnoisfances phyfiques & morales ont faits de nos jours , Pinfluence qu'ont les fciences fur le caraöere d'une nation & fur fon gouvernement. B a prétendu que fans Ia philofophie furtout, d'oh elles dérivent toutes, il n'y a point de faine poiitique, point de vraie fageffe: que Pesprit d'érdre fic de juflice fera toujours étracger  'C 103 ) h 1'horame. Malgré Ie peu de fenfation qu'a produit 1'Orateur, fes partifans affurent qu'a la ledture on fera émerveillé de fon ouvrage, de fon éloquence douce, naturelle & perfuafive; qu'en un mot, les graces du ftyle y fontalliées a la profondeur & a 1'étendue des idéé". Quoi qu'il en foit, M. de Condorcet, après des vues générales, a paffé fuivant 1'ufage h I'éloge direct de fon prédécelïeur, ce qui lui a fourni matiere k une digreiïion fur les drames dont il a fait 1'apologie. On n'a pas été peufurpris de cette opinion fi contraire a celle des gens du goüt le plus exquis en matiere de théatre, furtout de Voltaire, 1'idole du parti dont M. de Condorcet efl: aujourd'hui un des coriphées. Au furplus, ce genre efi dans le génie du récipientiaire, naturellement mélaneolique & noir. .; M. Le Duc de Nivernois, qui, par une réupion de circonftances afléz extraordinaires, étoit Directeur de 1'Académie a la réception de Saurin, s'efi trouvé la préfidér encore è fa mort, & cn cette qualité a répondu au récipiendaire. On a trouvé fon difcours trop court, & les applaudilTemens n'ont pas difcontinué: il efl; compofé avec la clarté, la précifion, l'aimable fimplicité qui caraétérife toutes les productions de ce disciple de la Fontaine; il y a amené un éloge du Comte de Maurepas, tribut qu'il devoit ü la parenté & a l'amitié. M. 1'Abbé de Lille a lu enfuite le premier chant de fon poëme fur les jardins: on 1'a juE 4  c 104 ; gé digne des autres, dont il avoit déja réealé fon aud.ton-e ; il y a amené un élogede Chantilly .& de Madame la Ducheffe de Bourbon Les morceaux principalement admirés ont étélapeinture du cheval & la defcription des jardins de Verfailles & de Marly. La féance a été terminée par le bouquet accoutumé de M. d'AIembert, c'eft a dire par un éloge- Lette fois il avoit clioifi pour fon héros le Marquis de St. Auiaire. 11 y a mis un petit preambule dont le but étoit d'établir une.esiemblance entre le récipiendaire & le défunt confrère. On n'a pu qu'admirer 1'art de 1'Histonen fachant ainfi rapprocher les extrêmes. On a beaucoup ri a eet éloge, & peu applaudi. On a trouvé que M. d'AIembert baifibit. Le i2 Février 1782. La Comédie des deux Fourbes, dont on a doPné bier la première repréfentation , eft prife mot a mot de Gilblas: SMintngue eft pour le fonds, 4 peu pres la même que celle de Crispin rival de fon maïtre; mais les details en font malheureufement moins agréables. Auffi cette piece, par la difficulté, lans doute, de foutenir la comparailon, n'a pas eu un fuccès brillant. ' Le dialogue furtout quoique prefque toujours formé de la profe dè 'e Sage, a paru quelquefois languifiant & dépourvu de génie: une des fituations qui ont fait r-- ^ fiuiui , eu ceue oü les deux fourbes ne fe connoifiant pas, tachent réciproquement dire dans une arene toute différente, ou les pieces qu'il fait, ne lui fpi-vit-nnr nlne Hp> vif»n Rr r\ii U fint- n-nr,%.anA,.n autre théatre. Malgré ces difficultés & ces dégoüts, la fupériorité du Sieur Granger s'eft manifertée dès qu'il a paru, & le parterre enthoufiafmé 1'a vivement applaudi & traité avec une diftinction méritée. Le 7 Mars 1782. L'Académie Francoife , dans fon affemblée d'aujourd'hui , a adjugé le legs annuel de 1200 liv., fondé par feu M. le Comte de Valbelle, a M. de la Cretelle, Avocat au Parlement, Auteur de VEloge du Duc de Montauzier, dont on a parlé. Le 7 Mars 1782. On raconte que le Sieur Thierry, premier Valet-de-chambre duRoi,un jour s'étant rendu trop tard a fon fervice, en avoit recu des reproches de S M; qu'en convenant de fa faute, il avoit obfervé a fon Maftre que, s'il en favoit le motif, il le trouveroit moins coupable, & lui pardonneroit. Le Monarque a voulu qu'il s'expliquat: alors il lui a appris qu'il avoit été occupé a confoler un de fes amis prêt a faire banqueroute, paree qu'on ne le payoit pas lui-même, & qu'a 1'inftant il  C 131 > I étoit dans un fi grand défefpoir qu'il fe feroic brülé la cervelle, s'il ne 1'en avoit empêché en _ | lui fournifiant quelques fecours. Tout cela n'étoit que plus propre a augmenter la curiofité 1 de S. M. Bref, par les éclaircifiemens, il s'eft 3 trouvé que le principal débiteur de ce malheuI reux étoit le Grand-Aumónier qui avec 500,000 livres de rentes, le faifoit languir pour 8o,OwG I livres, qu'il lui devoit. Le Roi, bien inftruit du fait, a donné fur 1 le champ un bon au Sieur Tbierry pour aller | toucher cette fomme au tréfor royal, & dès que V ]e' Cardinal de Rohan a paru devant lui il lui la dit en plaifantant, mais avec fermeté: Vous | me devez bien de Vargent, que cela ne tarde pas d £ étre remplacê; Thierry vous 1'expliquera. Tout le monde eft enchanté de ce trait qui I caraétérife a la fois 1'humanité, la bonté, la jusI tice du Roi, fon amour de 1'ordre & de la regie. Le 8 Mars 1782. L'EclipJe totale, quant a I la moralité & au dénoüment, efl: la fable de la Fontaine,intitulée l'Aftrologue au fond d'un puits. L'Auteur y a joint une petite intrigue d'amour d'oh nait une fuite d'allufions & de qui pro quo | ailez ingénieux, qui ont réjoui le parterre. II | faut convenir cependant que ce feroit peu de chofe fans la mufique. Elle eft de M. d'Aleyrac, jeune militaire, donnant comme amateur les plus grandes efpérances, s'il cultive ce talent. Les paroles font de M. de la Chaboiffiere. Le 9 Mars Ï782. Les Comédiens Italiens oni F 6  Cf 132 ) donné hier la nouveauté attendue depuis quelque tems: c'eft V Arwur & la Folie, opéra comique en tmis actes & en vaudevilles, dont les paroles font de M. Desfontaines; il eft en effet dans fon genre & rempli de gaïtés qui paderoient pour des ordures de boulevards. De jolis couplets, des tableaux agréables & le choix heureux des airs ont fait la fortune de cette policonnerie, qui a eu un fuccès complet. Le fonds, car nos Auteurs ont peine a produire aujourd'hui rien de leur imagination, eft tiré d'un apologue charmant, ayant le même titre de la Fontaine, qui, lui-même, 1'avoit pris dans un dialogue ingénieux de Louife Labé, virtuofe du feizieme fiecle. Le 9 Mars 1782. II paroït décidé que les Comédiens Francois iront jouer a Paques dans ]a nouvelle falie. Quoique les' batimens qui 1'entourent ne foient point finis, ni même commencés, on a toujours tracé fur ce vafte emplacement les rues qui doivent fervir de communication & de débouchés; on a figuré les édifices en planches; & la circulation des voitures peut ainfi devenir libre; refte a favoir ce qui arrivera lorfqu'on voudra batir. Quoi qu'il en foit, on s'empreffe d'aller voir en attendant eet édifice fur lequel on raifonne différemment. Tout le monde eft affez d'accord que, quant h réxtériéür, il ne s'annonce pas comme devroit fe caractécifer un parei! monument, & que fl 1'on ne lifpft en lettres d'or au fronton du  C 133 ) pcïiftile, Théatre Francais, on ne fe douteroit pas que ce fut fon inftitution. Quant a Pintérieur, on n'eft pas d'accord: les Badauts, qui fe laiffent facilement prendre par les yeux , par des murs nouvellement badigeonnés, par des dorures brillantes, des peintures fraiches, un local impofant, trouvent la falie fuperbe. Les gens de Part, les connoifTeurs, ou même ceux qui jugent par le bon fens, qui favent que Ia première qualité d'une falie de fpectacle eft qu'on y voie & y entende, doutent que celleci ait ces avantages au fuprême degré. II paroit que les Architecles ont eux-mêmes cette inqüiétude,puifque 1'eflai qu'on devoit faire n'a pas eu lieu:ils ont craint que les mécontensn'excitaffent une fermentation dangereufe qui Ie de* viendra beaucoup moins, quand une fois Ia falie fera iivrée entierement, & qu'ayant commencé d'y jouer, on ne pourra plus reculer, fauf a attendre la première vacance pour réparer les fujets de plainte. Une des innovations de cette falie , c'eft qu'on fera affis au parterre, prétexte d'augmenter les places; & il eft agité de les élever jusqu'a 48 fois; ce qui donne lieu a d autres confidérations de la part de ceux qui en examinant 1'innovation en elle-même, la regardoient déja comme funefte pour Part. Les Comédiens eux-mêmes ne font pas fans alarmes. L e titre leur annonce que ce n'eft plus leur hotel, qu'il appartieni a la nation, & F 7  C 134 ) cette dépofïefiion, pour ainfi dire, eft d'un fanefte augure pour leur état, qu'ils craignent de voir changer: jufqu'a ce que leurs intérétsfoient réglés , ils n'ofent prendre un parti fur leur ancien hötel. Le 9 Mars 1782. Les Curé & Marguilliers de la paroifiè de Saint-Sulpice, fur laquelle eft 1'hötel de Maurepas, fe propofent de faire célébrer demain üans cette egme un ïervice folemnel pour le repos de 1 ame de ce Mmntre. M. 1'Ëvêque d'Autunofficiera pontificalement, & Poraifon funebre fera prononcée par M. 1'Abbé Melon de Pradon , Chanoine de PEglife de Paris. Le 10 Mars 1782. Le Mufée par excellence, puifque c'eft lui plus fpécialement confacré aux Mufes, fe foutient fous la préfidence de M. le Court de Gebelin, & par Paclivité infatigable de PA'obé Cordier de Saint-Firmin, toujours occupé a recruter des membres & des fpectateurs. Les leclures publiques fe continuent les premiers Jeudis de chaque mois, & 1'affluence eft telle qu'on ne peut y aborder qu'en arrivant de trèsbonne heure. Un mprceau lu par le Préfident, & de fa compofition, eft remarquable entre tous les autres. Un Profefleur de langues orientales k Cambridge en Amérique, a envoyé en 178I k M.' de Gebelin, trois infcriptions puniques,-qu'on a trouvées fur des rochers a 1'embouchure d'u« ne riviere, qui coule a cinquante mille au Sud  C T35 ) de Boflon: elles ont été gravées par les Carthaginois qui aborderent fur cette plage méconnue; elles ont pour objet leur arrivée & les traités qu'ils firent avec les habitans du pays. C'eft fur cette importante découverte quelVT. de Gebelin a fait un mémoire très intéreiTant. L'Auteur efl pour 1'affirmative. II ne doute nullement de 1'authenticité du monument Sc confirme les connoiffances nautiques du peuple rival de Rome. II faut voir , quand cette disfertation fera plus publique, ce que les favans y répondront de contradictoire. Le 10 Mars 1782. Ce n'eft pas fans raifon que le Sieur Molé s'eft montré jaloux des talens du Sieur Granger. Les connoifTeurs le trouvent plus noble, plus naturel que lui, & non moins lefte & fémillant.En outre, il a un organe bien fupérieur,fonore & intéreflant & la foison le court avec fureur, & il recoit des applaudiffemens univerfels. Les Comédiens Francois ont autrefois poffédé ce fujet non encore formé, Sc n'avoient pas fu i'apprécier. II a développé dans la Coquette fixée Sc V Apparence trompeufe, deux pieces dans lefquelles il a joué de fuite, deux röles oppofés, toutes les nuances de la Comédie, une connoiffance profonde du ihéatre, enfin Pintelligence la plus confommée. Le 10 Mars 1782. Le Doéleur Lorry, eet Efculape moderne le plus a la mode parmi les femmes & les beaux efprits, tombé depuis quelque tems en apoplexie, offre a 1'humanité le  ( I3 barbare de ce lieu de calfeutrer avecdel'étoupe & du chanvre la bouche de ce malheureux & les conduits par lefquels peut fe faire toute espece d'écoulement & de déjeclion, il en füt peur-être revenu,& eüt rempli une longue carrière. M. Francois de Neufchateau , a cette occafion, dans une lettre qu'on lit dans le Nu. 70 du même Journal, obferve que dans la Lorraine oh il reilde, il y a un réglement très-fage, introduit dans un canton de cette province par un M. Huet, doyen de RouiTeaux, qui en fa qualfté de Curé-Doyen fit arrêter dans un finc.de 'que les Curés n'enterreroient aucun de leurs paroiffkns, qu'il n'eüt demeurédeuxnuitsentieres fur un lit, le vifage découvert, les mains & le refte du corps libres, qu'on ne mettroit le mort dans fon cercueil, que le matin du troifieme jour, en préfence de quelques examinateurs & certificateurs de la vérité de fa mort; que ce cercueil ne feroit jamais fermé par-deflus; & qu'il feroit jeté fur le vifage du mort & fur fon corps, beaucoup de éhaux vive. M. de Neufchateau nous apprend, par occafion, que eet excellent homme a laifle quantité de manufcrits, de mémoires & de projets utiles; qu'il a entre les mains ces papiers qu'il fe pr£pofe de vifiter & d'extraire. II apprend encore que c'eft a M. Huet que la province eft redevable des ordres donnés en 1740 pour la plantation des arbres fur les grandes routes.  C 140 ) Le 13 Mars 1782. Suivant ce qu'on écrit de Londres, M. Noverre y a le plus brillant fuccès. Son grand ballet de Renaud êf Armide , repréfente" depuis fur le théatre de 1'opéra, en ; réfence du Prince de Galles & de 1'aiTemblée la plus brillante & la plus nombreufe, y a furtout ravi les Anglois. On y a admiré le génie créateur de eet habile homrne, qui fait revivre parmi nous a un fi haut degré la pantomime, art fi célebre dans les beaux jours de la Grece, & de Rome. Les fpeélateurs furent tellement enchantés, qu'imitant un ufage- des théatres de Paris, jusqu'alors inconnu a Londres, on fit retentir le nom de Noverre dans toute la falie, & on Pap. pela pour recevoir en perfonne les éloges de la nation; fa modeftie lui fit conflamment refu« fer de fe montrer. Les Sieurs Gardel & Nivelon ont parfaitement fecondé le compofiteur, mais Mlle Théodore principalement. El.'e triomphe ici , & 1'on aime autant fon caraclere que fon talent fansexemple. Le 13 Mars 1782. M. Fiotti, violon étranger, qui n'a point encore paru ici, qui s'eft fait connottre par hazard pour la première fois dans un petit concert particulier avec une modeftie rare, & fit tomber 1'archet des mains de tous nos grands maitres,doit débuter au concert fpirituel durant la quinzaine: il eft des amateurs qui le mettent au deflus de tout ce que nous avons entendu jufqu'a préfent. Le 13 Mars 1782. Un Miniflre Anglois,  C mi ) •HÖmmé Bereford, ayant pronté de I'accès qu'il avoit chez Müady Hamihon pour rendre la fille de cette Dame amoureufe de lui, & la déterminer a 1'époufer, efl: allé en Ecoffe avec elle afin d'y remplir la cérémonie de la loi. Deretour, la mere a trouvé eet hymen trèsmauvais, & ayant fait rougir fa fille d'une alliance auffi disproportionnée, 1'a engagée a fon tour a fe foustraire par la fuite a fon ravifiéur; toutes deux en conféquence font paffées dans une ville de la Flandre Francoife oh le Miniftre les a bien tót fuivies. II s'y efl: engagé une contefiation par devant la juftice du lieu. La Mere afaitdécréter le Sieur Bereford de prife de corps comme ra< vifieur; & celui-ei au contraire a rendu plainte contre Milady Ham il ton comme cherchant a fouftraire une femme è 1'autoritéde fon Epoux. I e procés eft venu par appel au Parlement de Paris, & y a forme une affaire d'éclat qui a attiië un monde prodigieux au Barreau. Me. Target a défendu le Miniftre avec cette chaleur, eet intérêt qu'il met dans fes caufes; il a enchanté tout 1'auditoire ; il a même tellement prévenu tout ce que PAvocat adverfe, Me. Gerbier, avoit a plaider, que celui-ci n'a pu s'empêcher de convenir après 1'audience que fon confrère lui avoit joué le tour le plus fanglant, ne lui laiffoit plus rien a dire. Quoi qu'il en foit, en effet, lorfqu'il a fallu descendredans Parene, foit que le hazard eüt occafionné ce contre-tems, foit que ce ne füt qu'un prétexte,  C 142 ) Me. Gerbier n'a point paru & a fait demander ia remife de fa caufe, comme étant malade: enfin hier, oh il étoit queftion de la reprendre, n'étant point encore en état, un particuliernornmé Geofroy de Liman, très-connu dans le monde comme un homme d'efprit & un beau parleur, qui a été attaché a Monfieur, & dont on peut fe rappelerla facheufe avanture, n'ayant d'Avocat que le titre, s'eft préfenté, &la Cour lui a permis de parler -, il a plaidé pour Mad. Hamilton , affez bien pour un homme qui n'eft point habitué a eet exercice; mais trop mal pour la circonftance ou il auroit fallu des prodiges d'éloquence: au furplus, il y a apparence qu'il n'a fait que débiter le plaidoyer de M.Gerbier; & comme 1'élocution eft la grande partie de de eet Orateur, on fait combien il a du perdre. C'eft Vendredi prochain que 1'Avocat général doit porter la parole. Le 14 Mars 1782. Les Comédiens Francois ■ ont enfin commencé hier k effayer leur nouvelle falie,illuminée d'une maniere particuliere. IIparoït 'que cette répétition n'a pas eu grand fuccès. On confirme que la voix dans la comédie parlée, s'y fera difficilement entendre, ou.pour mieux dire, qu'elle fera perdue pour le grand nombre des fpeftatcurs. On fe plaint des loges ou 1'on ne peut entrer pour peu qu'on ait du ventre: dans un certain nombre il y a une portion des fpeétateurs qui n'y pourra rien voir; enfin, la méthode imagince d'éclairer mieux ne  C 143 ) Tépond pas a 1'idée qu'on s'en étoit formée, & piéfente des inconvéniens qu'il faudracorriger. Le 14 Mars J782. Le Sieur Bordenave, ProfelTeur royal de chirurgie, deftiné fpécialement a la phyfiologie, étant tombé ces joursei en apolexie, en eft mort II étoit Echevin en charge , Chevaiier de 1'ordre de faint Miehei & membre de 1'Académie Royale des Sciences de Paris. Le 14 Mars 1782. II paffe pour conftant que le Pape, après avoir tènu conüftoire le 25, eft; parti pour Vienne, fuivantla réfolution qu'il en avoit annoncée a PEmpereur. Son objet eft de difcuter avec fa Majefté Impériale les difiérens points de fes édits concernant les maifons refi. gieufes & autres objets qui intéreftént 1'Eglife. En vain tout le Sacré-College a cherché a détourner le Souverain - Pontife d'une parcille démarche, d'autant plus hazardée que I Empereuf lui a déja fait favoir qu'elle feroit inutile. M. le Cardinal de Bernis a furtout fait 1'impos. fi-ble a eet égard. On ajoute que Ie Pape ne mene aucun Cardinal avec lui, qu'il n'a qu'une très-petite fuite, & qu'il fe propofe de loger fur la route de convent en couvent. Le 14 Mars 1782. Les Almanacs étant devenus une fource d'inftruétion dans ce pays frivo. le, oh 1'on ne veut rien favoir que par fuperficie & fans étude, ils fe multiplient tous les jours. On vient tout récemment d'en publier  C 144 ) un pour les colonies; c'eft le pendant de celui de la marine. Jufqu'a préfent le Miniftre s'étoit oppofé a fa publication, & leMarquisdeCo/in'ef eft le premier qui n'y ait pas trouvé d'inconvénient. Entre tous ces almanacs, le plus utüe & le plus néceflaireeft, fans contredit,l'almanac roy al, qui s'améliore chaque année & va faire de plus grands progrès entre les mains du moderne Editeur. Cet almanac fut imaginé en 1684 par Laurent d'Houry: Louis XIV 1'ayant defiré, il eutl'honneur de le lui préfenter en 1699. C'eft de la qu'il a pris fon épithete de Royal. 11 étoit d'abord trés-peu de chofe; mais par les amélioradons de 1'inventeur & de fon fils, Charles Maurice,cet ouvrage devint bientöt recommandable. A la mort de Laurent en 1725, la veuve employa tous fes foins pour fuivre les erremens du défunt"jufqu'en 174 !, que fon petit-fils fut chargé de la direction, & pen fa fe faire une affaire grave3 ainfi qu'on 1'a vu précédemment. Par le decès de celui ci,arrivé en 1779, Laurent.Charles d'Houry , petit-fils de 1'Auteur, eft devenu Editeur de cet almanac & il annonce avoir a cceur de conferver en ce genre un nom dis* tingué que lui a laifle fon aycul. Le 15 Mars 1782. L'Abbé Canaye , membre de 1'Académic des Infcriptjons & Belles Let* tres, vient de mourir; il avoit une amitié tendre pour M. Dalembert, qui fans doute honorera la cendre de fon bienfaiteur de qutlque éloge. 11  C i« ) II avoit une fupevbe bibliotheque, donton igoore encore la deftination. Le 15 Mars 1782. Ext'rait d'une lettre de Bordeaux du 8 Mars.... Voici en fubftance ce qui s'eft paffé dans notre Parlement: Le 22 Décembre le garde des feeaux lui avoit écrit une lettre oh il lui annoncoit le retour du premier Préfident; il avoit en même tems adreffé au Procureur général un paquet cacheté, nedevant s'ouvrir qu'aux chambres affemblées. Le premier Préfident el: arrivé en effet en Janvier, après avoir recu des ordres réitérés du Roi trèsféveres, & avoir promis de s'y conformer. Malgré cela, la fermentation a tellement régné dans la Compagnie, qu'elle a refté jufqu'au 20 Février fans s'affembler & dans la plus parfaite inaftion; ce n'eft que fur des menaces de la colere du Roi & de juger la forfaiture, recues vraifemblablement du département de M. de Vergennes, que 1'affemblée a eu lieu, & 1'ouverture du paquet oh ils ont trouvé une lettre du Roi dans laquelle on le faitparler avec une moleffe indigne de Sa Majefté, quiarévolté les partifans de 1'autorité royale. Cependant le Souverain s'y expliquoit, &, fans prétendre gêner la confcience ou la volontédesMagiftrats , avertifoit ceux qui ne voudroient ou croiroient ne pouvoir pas fraternifer avec M. Dupaty, qu'ils étoient maïtres de donner leurs démiffions & de recevoir leur rembourfement. Cette alternative les a tellement intimidcs, Tome XX. G  C 140 j qu'ils ont enregiftré les lettres patentes reftées fur le bureau depuis fi longtems , avec un arrêté très-pathétique & très-foumis, & enfin ils commencent a adminiftrer la juftice. Le 16 Mars 1782. Les arts viennent de perdre une des premières flütes de 1'Europe en la perfonne du Sieur Taillard 1'ainé, décédé a Paris le 3 de ce Mois. Son talent pour cet inftrument s'eft manifefté dès fa plus tendre jeuneffe: a lage de douze ans, il eut 1'honneur d'être entendu de plufieurs têtes couronnées. II donna auifi de lui des fonates, des duo, des trio, & il a compofé une méthode pour guider les compofiteurs dans leurs effais. La mort 1'a enlevé au moment oh il commencoit fon 14°. recueil d'arietes. Cet Artifte, qui a loDgtems joué au concert fpirituel, joignoit a une des plus belles embouchures, use exécution vive, brillante & pleine de fentiment, & fes talens étoient relevés par une modeftie rare. Le 16 Mars 1782. Le Général Washington a prié M. de la Fayette partant poür la France, de lui rapporter les portaits de toute fa familie. Ce Sei gneur a en effet fait compofer un tableau hiftorié qui remplit parfaitement cet objet. Mad. de la Fayette y eft repréfentée dans fon appartement entourée de fes trois enfans; elle tienta famain un uniforme américain:le garcon,bouillant de marcher fur les traces de fcn illuftre pere, eftrepréfenté déja un bras paffé dans une manche & s'effor-  ■ C 147 ) cant de mettre 1'autre, ce qui jette du mouve\ ment dans la fcene. Le Marquis de la Fayette eft préfent, & 1'on voit a fon étonnement fuccéder la joie qui brille dans fes yeux. Cette -compofition , fage, ingénieufe & trés convenable aux circonftances, fait beaucoup d'honneur au jeune Artifte qui en eft 1'auteur, & dont c'eft en quelque forte le coup d'effai. Le 17 Mars 1782. Les clötures des fpectacles fe font fakes hier: le compliment des Comédiens Francais a été moins Keu commun I que de coutume, par la digreffion fur la nou| veile falie qu'ils doivent occuper a la rentrée: I ils ont affuré le public par 1'organe du Sieur Doi rival, leur Orateur, qu'ils redoubleroient d'ef{ forts & de foins, tant pour mériter les fuffrages du public par leurs talens, que pour augmenter la pompe des repréfentations dans le i magnifique local que leur a deftiné la munificence de nos Princes. M. Imbert eft chargé, au furplus, de faire j une petite piece relative a cet événement, qui i doit fe jouer k 1'ouverture. Les Italiens, plus adroits a 'retourner les fadeurs qu'on débite au parterre ce jour-la , ont eu recours au Sieur Parifau. Cet Auteur a imaginé de coudre une petite fcene affez agréable è la fuite de la piece intitulée VAmour & la Folie, exécutée la derniere. Iris vient de la part de Jupiter ordonner a 1'Amour de retourner dans 1'Olympe: ce Dieu obéit, quoiqu'è regret; G 2  C 143 ) mais Ia Folie fe trouvant bien fur la terre, chante ce couplet, qui a été redemandé deux fois. Qu'amour retourae au Ciel, qu'il fuie: Je refte ici pour ma fanté. Point de gaïté fans la folie; Point de bonheur fans la gaïté. On prétend qu'a la gent humaine Je fers de guide, & pour toujours; Meffieurs, fi c'eft moi qui vous mene, Vous vieudrez ici tous les jours. Le 18 Mars 1782. Extrait d'une lettre de Chtilons du 15 Mars 1782.... II y a ici depuis quelque tems une écolede deffin, formée a 1'iuftar de celle de Paris. De jeunes gens efpiégles en voulant a quelques fuppóts du Palais, ont affecté d'y mettre leurs portraits en caricatures; mais de facon a ce que les fpeélateurs ne pus.] fent fe méprendre a lareffemblance: lesoffenfés ont porté plainte contre cette infulteprétendue. ] Le Bailliage a ordonné une information & que les defiüns, objet du délit, feroient apporté^ au| greffe; il faut obferver que 1'expofition fefairj a 1'hötel de ville; les Officiers municipaux ont] regardé cette fentence comme injurieufe a leun dignité, comme violant 1'afile de leur hotel, enforte qu'ils ont fouftrait ces morceaux, f| n'ont pas voulu en permettre le dépót; Paffairej alloit devenir grave, lorfqu'ils ont recu unj ordre du Roi d'aller au Bailliage faire des é» cufes aux Magiurats, & dc ne faire aucune dif»j  *49 ) ficulté de IahTer enlever les pieces juridicjuement. Meffieurs les Maire & Echevins ont été bien humiliés de cette démarche, & il en refte une animofité vive entre les deux corps, qui partagetous les citoyens pour ou contre, fur vant leurs affeétions. Le 18 Mars 1782. On va commencer incesfamment la vente des tableaux & autres objets de curiofité dans les fciences & arts compofant le cabinet du feu Marquis de Menars. Comme la plus grande partie des morceaux précieux de cette colleétion provenoit de la fucceffion de Mad. la Marquife de Pompadour, très-connue par fon difcernement & fon goüt pour les arts, la foule des amateurs s'emprefle d'aller voir ces merveilles. Entre les tableaux il n'y en a pas du grand genre, mais beaucoup de chofes aimables & principalement tirées de 1'école Francoife. Le 18 Mars 1782. 'Le Catalogue des différent 'objets de curiofité dans les fciences & arts qui compofoient le cabinet de feu M. le Marquis de Menars, dreffé par les Sieurs Bafan t\Joullain, eft détaillé avec foin & exaétitude; ce fera une fuite précieufe pour les amateurs d'une collection de cette efpece, très-utile & tres inftructive; on y a joint quelques eftampes qui 1'ornent merveilleufement. La première offre dans le haut, le bufte du Marquis de Menars, fupporté par deux génies en pleurs,tenant descouronnescommedeftinées a ce Directeur & ami des arts & manufaclures. G3  On voit au bas la Peinture&IaSculptureaveq leurs attributs debout & dans une triftefle pro fonde; la Sculpture, plus particulierement attachée au défunt, eft renverfée & caraciérife! 1'excès de fa douleur par le défordre de fesj vêtemens & de fa perfonne; on lit au 'jas ces! deux vers. Les arts ont en pleurant honoré fa mémoire, Et fon amour pour eux vivra dans leur hiltoire. La compofition fimple & naturelle de ce desfin eft de M. Cochin, fort ami du Marquis de Menars, qui a compofé auffi fon éioge hiftorique inféré a la tête du catalogue. II y a 220 morceaux en tableaux, peintures en émail, miniatures, fculptures en marbre, bronze ccc. Dans ces derniers on diftingue un charmant fujet exécuté avec beaucoup de délicatefie en ivoire, & compofé de neuf figures de femmes, fatyres «Sc enfans affis cc folatrant aux pieds de deux arbres autour defquels ferpen.tent des ceps de vigne. On y a joint la gravure que Mad. de Pompadour en avoit exécutée en 1758, bien capable de faire honneur au talent' de cette virtuoze. II eft encore plus confirmé par une fuite de foixante-trois planches de fon exécution en 1752, d'après différentes pierres gravées par M. Guay, fur ies deffins de MM. Boucher, s  C 151 ) Vïen & autres. On y a joint 1'eflampe du fron* tifpice, pleine de gentilleffe & de goüt. Le 19 Mars 178?-. II paroft que 1'adrainistration de 1'opéra va changer encore une fois. Les Acteurs cabaltnt fortement pour fe régir eux-mêmes, & 1'on efl: bien tenté d'en effayer, pour voir fi ce gouvernement démocratique fera plus heureux & meilleur que les autres. II n'y a n'en encore de bien décidé. Le 19 Mars 1782 On peut fe rappeler un I mémoire des Curés de Daunhiné aui Darut au commencement de 1'année 1780, qui déplut tellement au Clergé, c'eft-a-dire aux Evêques, qu'ils firent expulfer de Paris les Députés de ces Curés: il s'agifibit d'une augmentation de portion congrue qu'ils demandoient. Cette affaire refiée en fufpens, ils ont vrai. femblablement cherché k obtenir juftice d'une autre maniere, & peut-être les Curés des autres provinces dans le même cas ont-ils voulu faire caufe commune , ce qui a alarmé de nouveau le Clergé; enforte que fes Agens ont follicité une déclaration du 9 Mars, enregifirée en Parlement le 12, qui renouvelle les défenfes aux Curés du Royaume de s'afiembler fans permiffion. Le 20 Mars 1782. Extrait d'une lettre de Malesherbes du 17 Mars.... On exagere toujours: la montagne de grès, a deux portées de fufil d'ici , de laquelle on tire beaucoup de fable, offre en effet depuis le commencement de ce mois un phénomene ifolé dans 1'ordre des G4  X 152 ) phénomenes fouterrains , très-fingulier, mais qui n'eftaccompagnéd'aucun fymptóme efFrayant. On nous avoit dit qu'on y entendoitde minute en minute un bruit épouvantable & femblable a celui d'un coup de canon ;qu'étant fur la hauteuron reffentoit une commotion confidérable, & que le bruit augmentoit d'intenfité de jour en jour. • Voici ce que nous en rapporte M. 1'Abbé de Soulavie, phyficien, qui a écrit fur les volcans éteints, qui eft allé fur le lieu. 11 dit que le bruit qu'il a entendu fous fes pieds eft bien femblable a celui d'un coupdecanon, maiséloigné; que la montagne a éprouvé dans lemêmeinflant un peu de commotion & qu'il a été légerement foulevé. II ajoute que le lieu qui renferme la caufe de ce phénomene n'eft pas profond ; car un fon éloigné refte quelque tems a parvenir k 1'oreille, & fi a éprouvé dans le même moment & le bruit & la pulfation Le peuple d'ici & de Fontainebleau n'en eft point effrayé; il appelle tout fimplement cette montagne, la montagne qui cogne. Le 20 Mars 1782. 11 y a déja eu deux concerts fpirituels depuis la clöture des grands fpeftacles & Paffluence a élé confidérable; il paroït que le Sieur le Gros, qui en a toujours la direction, a redoublé d'efibrts pour les rendre brillans en ouvrages nouveaux& en virtuofes. M. Goffec s'étant préfenté au premier, pour eonduire fon Oratorio de l'arche d'alliance, la falie retentie d'acclainations, & le public faifit avec  C 153 3 empreflement 1'occafion de prodiguer al'Auteur de Thé/ie les applaudiflemens les plus vifs. Au concert duMardi ayant paru, Penthoufiasme fe ralluma, & ce furent de nouveaux claquemens de mains bien flatteurs pour fes oreilles. On recut trés-favorablement deux ouvrages nouveaux, une Ode facrée de Roufleau par M. Mekul, fók le Beatus Vir de M. 1'Abbé le Sueur. La jeuneffe du premier furtout donne les plus grandes efpérances. M. Viotti a foutenu Dimanche dans fon concerto de violon, la haute réputation qu'il s'étoit déja fi promptement acquife dans ce pays-ci. Une exécution vraie,un fini précieux & une qualité de fon admirable dans Yadagio font placer cet Artifte au rang des plus grands-maitres. On prétend que depuis le fameux Lulli il n'a pas paru de Violon de fa force. Madame Mara efl: une étrangere qui a 1'expreifion de Mad. Todi, joint tout Part de Mlle Danbzi, aujourd'hui Mad. le Brun, & par la réunion des qualités les plus rares & les plus précieufes, paffe pour la première Cantatrice de PEurope. Rien n'eft comparable au fanatifme qu'elle a excité, & feule elle auroit fait le fuccès des concerts du S. le Gros, qui lui donne dix Louis chaque fois qu'elle chantera. Elle a commencé Mardi pour la première fois. Le 21 Mars 1782. M. Chenard, très-be!Ie bafle-taille, jeune artifte qui remplit un des principaux emplois au théatre de Bruxelles a  plu beaucoup auffi au concert fpirituel par fa voix très-étendue & d'une égalité bien rare dans une de ce genre. Son timbre eft fonore, fa prononciation diltindte, & il eft en outre excellent Muficien; on regretta feulement qu'il n'eüt pas choiii un meilleur morceau pour fon début. 11 parolt que fur cet effai on voudroit le fixer a Paris. Le 21 Mars 1782. On vante beaucoup un quatrieme Mufieum, inftitué a Paris, qui doit être un Mufceum politique; quand on en aura mieux connu 1'objet , 1'origine, les progrès & les jnventeurs, on en pourra parler plus amplement. Le 22 Mars 1782. M. Tellès d'Acofla, GrandMaïtre des domaines & bois de Champagne , voulant fans doute réfuter efficacement par fon exemple les détrafteurs de fon corps, qui le regardent comme inutile, & ont fouvent répandu le bruit de fa fuppreffion, vient de publier un ouvrage, le fruit de vingt-fept ans de pratitique & d'expérience. C'eft une InJlruSiion oh il a raffemblé tout ce qui peut diriger les Officiers des eaux & forêts de fon département, pour Ia confervation, 1'augmentation, la perfection des bois en général, & de ceux propres furtout a la marine. Ce qu'on y remarque de plus curieux, c'eft ce qu'il y dit pour diffiper les alarmes données fur la confommation qui fe fait du boisdechauffage en France. File a confidérablement augmenté dans Paris. En 1730, on n'y con-  c rss y fommoit encore qtJe 366, 6oS voies de bois: on en confomme a préfent 040, 920, & 1 augmentation dans les provinces eft en proportion; cependant, M. Tellès prétend qu'il n'v a rien a craindre. Jl réfulte de fes calculs que dans les coupes annuelles,il fe trouve un million 200,000 voies de bois plus qu'il n'en faut pour Ia confommation du Royame. Le 22 Man 1782. M. de Beaumont avoit fi long-tems occupé le fiége arcbiépifcopal de Paris , que peu de gens fe rappeloient la cérémonie de 1 inftallation ; ce qui a attiré beaucoup de cuneux h celle du nouveau Prélat: elle s'eft faite Mercredi vingt. Les Bourdons dès Ia veille & Ie matin Pont annoncée au peuple. Ces Bourdons s'appeJlent Emmanuel & Marie. Le chceur étoit orné des plus beaux tapis, paiUel & jes lampadaires garnis de eierges, comme aux fêtes annuelles. Aprés la mefTe canoniale, les Chai&ines fe font rendus au chapitre, vêtus de lems robes rouges & violettes: on y a lu les bufies de M de Juigné, & quatre de Meffieurs ont été députés vers lui. Leur miffioneft de lui annoncer que le Chapitre eft prêt è le recevoir, de le diricer dans fa marche, de 1'accompagner depuis Parcne< êché jufqu'au chapitre ;car tout eft prefcrit lutérallement jufqu'è Ia porte par oh il doit pasfer, jufqu'a fon habillement qui doit être le rochet & la mozette violette Cpetit camail) Le Prélat entré au chapitre, le Doyen lui fait G t venir devant une autre Cour, quand la pre, miere eft encore légalement faifie de la con- tefhrtion, & la qualifier de crime devant les „ Juges Fran^ois le manage qu'elle n'a ofé „ attaquer devant fes juges nationaux, qualifier M de continuation de crime en France, la de- mande en reftitution de fa femme, après que „ celle • ci a procédé volontairement fur cette „ même demande devant nos tribunaux, devant „ lefquels elle fe contentoit d'oppofer faufle„ ment que fon mariage étoit attaqué par elle „ dans fa patrie?" C'eft une caufe d'une efpece fi rare, fi non au fonds, du moins quant a la forme & aux circonftances, que c'eft peut être la première de cette nature agitée au Parlement. Le 27 Mars 1782. Extrait d'une lettre de  C 10-7 3 Vffle d'OIeron du 28 Février.,.. Notre Gouverneur, M. de Vertenil, Maréchal de camp, .* été en effet très-fêté par M. de Meuron, Colonel du régiment Suifle de fon nom, au fervice de Ia Compagnie des Indes Hollandoifes, & il y a eu entre autres un proverbe analogue aux circonftances.de la compofition de M.Dau- ' phin, Lieutenant.ïréforier du régiment. II 1'avoit intitulé: Vaut mieux tard que jamais, annonce relativeaux contre-tems qu'avoit éprouvé ce divertifTement, pour vaquer aux foncfions plus effentielles du fervice. La piece fentoit un peu le terroir; mais tout cela eft bon en fociété, II y avoit cependant dans ce petit drame des couplets heureux fur plufieurs belles aüions de M. de Verteuil, qu'on y a dignement célebrées. La féte a commencé par un diner de 200 couverts,& a été terminée par un bal quia duré toute Ia nuit: tout cela eft bien galant pour des SuifTes, & nos Olonois n'avoient de leur vie vu rien de fi beau. Le 28 Mars 1782. Extrait d'une lettre de Bezancon du ij Mars.... Vous ne croiriez pas qu'un Curé a portion congrue de cette province vient de fonder un établiflement digne de la munificence d'un Prélat k cent mille écus derentes; mais qu'il n'auroit jamais imaginé. M. Félix, Curé de Champagnol, depuis 14 ans & ' plus qu'il eft dans cette paroiffe, s'eft occupé fans relache a en bannir la mendicité, en encou- * Mgeanc Ia culture des ten-es, & a réufti; & ce  C 168 } a'étoit pas une petite befogne, puifque Champagnol comptoit plus de 2000 ames. Encouragé par cet eiTai, il vient d'obtenir des lettres patentes données au mois d'Octobre 17815 & enregiftrées en notre Parlement; car il faut être autorifé même pour pratiquer le bien, par lesquelles il lui eft permis de conftruire une maifon pour loger trois ou quatre maitrefiesd'école ou fcours de charité, qui apprendront gratuitement aux pauvres filles leur réligion & le genre de travail propre a leur fexe; & aux autres plus aifées, moyenuant une légere rétribution: pour exciter leur émuladon, il fera chaque annéeaccordé une récompenfe a celle qui fe fera le plus diftinguée par fon travail & fa conduite. II y fera en outre établi un grenier d'abondance,foit pour fournir aux pauvres incapables de s'occuper, leur fubfiftance; foit pour avancer aux autres les femences, les inftrumens, les vêtemens, Pargent dont ils auroient befoin & qu'ils remplaceront. Les malades y trouveront auffi des remedes, & des fecours. Les ouvrages provenant du travail des enfans feront couvertis en étoffes ou en toiles a vendre au profit de 1'établiffement. Les pauvres fans afilc, & même les voyageurs en détreiTe, y aurontl'hofpitalité. La maifon fera dirigée fous i'infpeclion de 1'Archevêque de Bezancon, du Procureur général, du Curé, des Echevins & de quatre des principaux habitans. Le Curé eftime qu'un revenu annuel de 3000 liv, feroit fuffiiant pour tout, &il commence  ( I6p ) commence par y confacrer 20,000 livres, qui font toute fa fortune; il efpere recueillir le furplus des dons & charités que S. M. lui permet de recevoir & de placer. Le 28 Mars 1782. II faut redtifier un peu les faits concemant 1'étrange procés qu'on a annoncé. Le Sieur Beresford avoit fait célébrer une feconde fois fon mariage k Londres. II y avoit eu une procédure commencée dans cette capitale fuivane laquelle Ia Dame Hamilton avoit été condamnée a repréfenter fa fille a fon époux, & ce ne fut que lorfqu'elle vit une impoffibilité abfolue de'réufllr en Angleterre, qu'elle fe détermina a pafler en France. Ce fut k Lille, le 27 Juin dernier, que le Sieur Beresford découvrit fa femme & fa belle - mere: il y fut trés-bien accueilli des Juges, & fi bien que la Dame Hamilfon interjeta appel au Parlement de Douay, oh la jeune femme accoucha d'une fille, remife par arrét aux mains de fon pere. Mad. Hamilton n'étant pas encore fatisfaite de cette Cour, obtient un ordre du Roi qui enleve 1'afFairé au Parlement de Douay, & elle intrigue fi bien que, fans autre forme de procés, le Procureur du Roi du Chatelet dé» crete le Miniftre Anglois le fept Février dernier. Enfin, le dix-neuf il eft élargi & 1'on permet a la Dame Hamilton & k fa fille de fe libérer des gardes qu'on leur avoit donnés en préfentant caution. C'eft Ie Sieur Géoffroy de Li mon qui avoit offert de 1'être, mais qui n'a Tomé XX. H  ( i7o ) pas rempli les conditions exigées; on a vu cc pendant qu'il prenoit un intérèt vif a ces étrangeres par le facrifice qu'il leur a fait de fon amour-propre en fe fubftituant a 1'Avocat Gerbier pour leur défenfeur, & en fe faifant ainfi auer du public. Le 09 Man 1782. La Dame Hamilton ne pouvant gagner fon procés en Angleterre, a remué ici ciel & terre pour y faire juger le fond;,; mais heureufement le Roi lui-même avoit déclaré, il y a quelques jours, a fon lever, que le Parlement de Paris ne pouvoit connoïtre que des incidens & des queftions qui en réfultoient. Elles font du plus grand intérêt; favoir: Quiels font les droits & les devoirs refpec tifs des peuples, relativement au jugement des délit< commis hors de leur territoire; comment & jufqu'a quel degré il leur appartient de qualifier les adtions humaines, de donner a celles, qui blelfent leurs loix le com de crime & de les pourfuivre; comment lorfqu'un homme réclame fa propriété la plus précieufe & la plus facrée, lorfqu'il réclame la réprocité de jufiice & de bons offices, qui eff le plus puifiant lien des nations, c'eft un devoir envers lui de venir a fon fecours & de le venger ? Du jugement du fonds en faveur de la Dame Hamilton il rcfulteroit, au contraire, qu'une mere fugitive de fes propres tribunaux, feroit ordonncr par les nötres le déshonneur de fa fille; ne lé ferviroit de 1'obéiflance aveugie de  ( i7i ) fa' malheureufe fille, que pour Ia voüer h l'ignominie du concubinage, porter fa fureur óc 1'opprobre fur fon propre fang, & condamner un enfant innocent, 1'enfant de fa fille, le fien a la honte de la batardife. Auifi 1'arrét a - t-il été entiereraent conforme aux demandes du Sieur Beresford. Les principales difpofitions font en gros que les parties feront conduites fous bonne cc fftre jr.nrd^ ™ Angleterre pour être remifes aux mains d'un Juge de paix, cc que la Dame Hamilton payera provifoirement jo.oqo livres de dommages cc intéréts en vers fa fille, nouvelie-née du Sieur Beresford. Le 29 Af ars 1782. La falie du concert fpirituel n'a point défempli depuis fon ouverture par les vacances des autres fpeclacles; mais aujourd'hui, Vendredi-faint, la foule a redoubié avec plus de fureur. Les amateurs les plus affidus a ce pieux exercice, les plus anciens & les plus inllruits de toutes fes anecdotes, aflurent qu'il n'a jamais fait autant de fenfation, ni attiré autant de monde. Mad. Mara continue d'en faire les délices & 1'admiration croït J mefure qu'on 1'entend • elle n'excelle pas moins dans les airs de bravoure & dans le cantabile, ce qui eft bien extraordinaire On eft furpris de la précifion qu'elle met dans fon chant, de lanetteté, delaflexibilité de fa ,;r,,v :de 1'aifance avec laquelle elle fe ioue & n-;om! jphe au milieu des plus granjes difficultés; mais a 2  on eft érau, attendri, Iorfqu'eJle defire aller a 1'ame, & 1'on éprouvé, fans s'en défendre, & même malgré qu'on en ait, toutes les fortes de fentimens qu'elle veut infpirer. M. Solere a débuté cette femaine dans la clarinette par un concerto de la compofition de M. de Saint-George, ce qui a rendu ce morceau doublement précieux aux amateurs. Le Stabat de M. Hayden, qu'on avoit reproché a M. le Gros, le Directeur du concert, d'avoir ofé mettre, il y a un an, en comparaifon avec celui de Pergoleze, dans une brochure très-cauftique, a foutenu cependant encore une fois cette dangereufe épreuve : mais la richeflé de fes accompagnemens, la variété de fes choeurs & le beau chant dont il eft rempli n'ont pas empêché que 1'expreffion touchante & fublime, qui regne dans celui de 1'ltalien, n'ait produit fon effet ordinaire, & que les connoilfeurs ne trouvent plus de génie dans la fimplicicé des moyens du dernier. Le 3o Mars 1782. II y a h 1'Académie royale de Mufique une Demoifelle Aurore, agée de 17 ans, qui chante dans les chceurs & fe piqué de poéfie. Son début a été d'adreifer des vers a Mlle Raucour a 1'occafion de fon drame. Cette Actrice, qui a peut-être cru que cette jeune perfonne cherchoit par la occafion de fe produire auprès d'elle & de lui plaire, a engagé le Prince de Henin a la faire venir. On lui a donné des fecours pour fe mettre cn état ie  t 173 > paroitre d'une facon brillante devant Phéroïne dramatique; 'mais ni fon minois, ni fon jargon n'ont pu ia féduire. On n'a vu aueun parti a en tirer,& 1'on prétend aujourd'hui que c'eft le Sieur Gaillard, Poëte attaché au théatre lyrique, qui fait fes vers. Le 30 Mars 1782. Entre plufieurs beaux morceaux du mémoirede M. EKe deBeaumont, il faut diftinguer celui concernant la différence du génie des légiflations Angloife & Frangoife, provcnant de celle du caraétere des deux nations. En France la nation eft aimante naturellement; loin d'être en garde contre 1'autorité, elle fe jette dans fes bras, comme un enfant dans les bras de fon pere. Ici 1'Orateur, par un retour adroit, pour faire fa Cour au Parlement, 6t ne pas fe trouver en contradiftion avec fa propre conduite,en excepte les grands évenemens dans lefquels 1'homme de bien doit a fa Patrie, a fes Enfans, a fon Souverain lui-même d'ufer de cette force d'inertie, qui eft 1'avertiflement le plus filial & le plus refpe&ueux. Du refte, cette nation ne calcule feulement pas fi elle a une liberté politique, & jufqu'oh elle doit s'étendre; elle dépofe tous fes droits dans le cceur de fon Roi: la nation Angloife, au contraire, ayant reconquis par des flots de fang, une conftitution originelle, puifque, fuivant Tacite, c'étoit celle des anciens Germains , les peres de tous les peuples d e 1'Europe, ce bien lui a coüté trop cher, pour rifquer de le perdre en le laisH3  C 174 ) fant entatner Toujours en garde contre Iemoindre accroiffement de la prérogative royale, elle lui préfere des inconvéniens, & même desmaux qui nous paroitroient intolérables. De ce préambule nait un développement favant, dans lequel il feroit trop long de fuivre le dilfertateur; mais qui annonce une grande érudition, une étude profonde des mceurs, des coutumes, des ufages, des loix de nos rivaux, & rend ce mémoire un petit traité très-propre a en donner les premières notions a ceux qui n'en auroient aucune: il eft a con'erver par cette raifon. Le 31 Mars 1782. L''Inöépmdant convient cependant que, pour mieux connoïtre la difcipline, les principes de 1'ordre des Avocats en Fi ance, il s'eft revêtu du barnois gothique du barreau, & il prétend qu'on doit favoir gré h ceux qui ont ainfi le courage de dévoiler au public les vérités fecretes. Avant de venir a, cette relation, il nous apprend beaucoup de chofes connues de tout le monde. II trouve par exemple,que les écoles de droit font tout-è-la fois Pabus le plus déplorable, la farce la plus ridicule; que les examens, les thèfes y font de vraies parades, & il n'eft perfonne y ayant pallé qui n'en facbc autant. II gémit fur le défordre & la contrariété qui regnent, foit dans les coutumes, foit dans les ordonnances, foit dans les arrêts: hé.'qui ncl'a fait avec lui ? II admire le Roi de Prufle d'avoir profcrit de fes Fiats & le droit rom'ain & les  ( 175 ) Avocats. Eft- il quelqu'un qui n'y applaudiiïe ? Mais ce que bien des gens ignorent, c'eft que, fuivant lui, nos Avocats n'ont jamais étudié les principes de leur langue, fe bornent alaparler, a 1'écrire, guidés uniquement par cet inftindt machinal que donnent 1'éducation &l'habitude; c'eft qu'ils ne font pas au fait de la morale, de la phyfique; enfin, qu'ils ne font pas philofophes. II prétend que 1'ordre efi férieufemcnt ligué contre les fciences, & les avocats qui les cultivent: de la leur ftyle gothique, hérifle de termes barbares; de la le mauvais gout qui regne partout dans leurs Fa£lum\ de la cette fureur dcdivifions, fubdivifions, citations interminables. Une raifon qui empêche furtout nos Avocats d'etre éloquens, c'eft .le défaut de fujets, en ce que la Ioi interdit aux accufés de fe fervir de leur miniftere, & que c'eft prefque dans les matieres criminelles feules qu'ils peuvent développer de grands moyens, intérefier le cceur glacé de nos contemporains. II eft vrai que 1'Orateur peut auffi féconder des caufes arides. L'Auteur cite a cette occa-' fion le Sieur de Béaumarchais; fes mémoires font des chef - d'ceuvres, 'caraftérifés furtout par la finefie des plaifanteries, par ladélicatefie des penfées, la vivacité des images, le fel du ridicule; on y voit des morceaux d'une éloquence neuve. Bien des gens lui refufent la gloire de les avoir compofés. On les attribue a M. Falconnet, & 1'on feroit tenté delecroked'après les H 4  Ohfervations fur le Manifefie d'Angleterre du même Beaumarchais. Pourquoi, dans la fameufe affaire de Ia caifle de Poiffy, le plus vanté des Avocats de Paris, Gerbier, parut-il fi inférieur a 1'Abbé Beaudeau, qui cependant n'étoit jamais monté dans la tribune aux barangues ? C'eft qu'a 1'intérêt naturel de fa caufe, ce derniér joignoit Pefprit philofophique & ces grandes vues furl'adminiftration propres a réveiller les efprits les plus engourdis qu'elles font fouvenir de Ia grandeur de leur être. Son adverfaire, fuivant la coutume du Palais, fe renferma dans le cercle étroit des jdées jurifprudentielles. On craint en France de donner trop de liberté aux Avocats & aux Ecrivains. On a tort: cette permifïïon eft peut-être 1'unique frein qui refte pour arrêter la corruption des mceurs, 1'oppresfion de cent tyrans fubalternes, & furtout pour punir une foule de mauvaifes actions qui, par leur nature, doivent échapper a la vengeance des loix. Ce qui contribue beaucoup a la dégradation du barreau, c'eft 1'ordre, c'eft 1'aggrégation de: fes membres; c'eft 1'empire abfolu que le corps a fur eux. Onne peut parler de cedefpotifme fans faire mention de M. Linguet, de 1'incroyable oftracifme exercé contre lui. Son grand & principal grief étoit d'être homme de lettres. È'ranpis de JSIeufchdteau a efluyé le même reproche ; des jeunes gens ont été exclus du ftage, les unsj Darce  C ï77 ) . paree qu'ils faifoient des vers, les autres paree qu'ils avoient cultivé les mathématiques; eertains,paree qu'ils n'avoient pas de bibliotheque. Formalités minutieufes pour la réception de PAvocae; examen rigoureux fur des détails infignifians; refus fur des prétextes ridicules; espionnage encouragé, ordonné, exercé publiquement par les vétérans de 1'ordre; noviciatlong, pénible & mauflade; aïïervifiement h des ufages barbares; foi aveugle exigée de tous les adeptes: voila ce qui öte au génie fon refTort, aux efprits leur a&ivité, & fait de tous les membres de 1'ordre un troupeau d'efclaves. Le remede a tant de maux, c'eft d'anéantir 1'ordre. Les Avocats exifteront feuls & n'en feront que meilleurs. Leur réception fera précédée d'études & d'examens qui ne feront pas un jeu comme aujourd'hui. II faut enfin, pour épurer cette profeffion, & Panoblir, fubftituer a Pappas d'un gainfordide, des récompenfes honorifiques que Ie Gouvernement peut multiplier a fon gré. On ne peut difconvenir que s'il y a un pen d'amercume dans cette brochure, fi 1'ordre y eft trop dégradé, il y a des reproches très-fondés, des chofes bien vues, & trés praticables. Du refte, 1'ouvrage eft écrit avec élégance, & il y a des morceaux de vigueur & de fentiment qui le font lire avec intérêt & avec un grand plaifir. Le premier Avril 1782. C'eft lè Sieur Boyer qui, depuis qu'il a perdu la correfpondance du H 5  t 178 ) Courrier de PEurope, plus embamfle que jamais de faire rellource, en a imaginé une en établiJTant un Mufceum politique, ou Club, h la maniere des Anglois. II a propofé fon plan a MM. de Noli, Chevaiier de Lambert/ Magon de la Balue & autres richards ne voulant pas fe retirer dans un caffé, cc gênés dans leur promenade du Palais royal par le défordre & Pèihbarras oh eft aujourd'hui le jardin. II leur a offert, s'ils vouloient lui confier chacun trois louis par an ,de louer un appartement rueSaintNicaife, de les fournir de bois, de bougies, de gazettes, journaux & autres papiers publics ; ils ont accepté avec plufieurs autres, & la fociécé efl: commencée. Le 2 Avril 1782, Suivant des lettres de Eouen, le Perruquier n'eft pas mort; mais le Sieur de Neuville n'en a-pas été moins condamné par le Parlement k être roué vif, ce qui a été exécuté par contumace. Le 2 Avril 1782. M. Is Prêtre, Avocat ayant beaucoup d'efprit, mais mauvais fujet,affez mal famé au barreau cc dénué d'occupation de ce genre, s'eft retourné vers les belles - lettres. II s'eft effayé dernierement avec peu defuccèsaux fpeétacles des boulevards; il cherche aujourd'hui un théatre plus digne de lui, cc c'eft a la comédie ' Itahenne qu'il doit faire jouer pour 1'ouverture une piece analogue aux circonftances. Ceux qui en ont eü connoiffance, prétendent qu'elle eft horriblement méchante, ce  ( 179 3 qui eft affez dans le cavaöere de 1'Auteur. Le 3 Avril 1782. Extrait d'une lettre de Bordeaux du 30 Mars 1782.... Un M. de Lomenie, jeune Confeillcr au Parlement des Requêtes, eft aujourd'hui la fable de la ville. II a été dernierement trouvé la nuit en flagrant délit fub jove frigido, avec une fille hideufe 6c dégoutante, un vrai plaftron de corps de garde, bonne tout au plus pour les foldats cc matelots: on 1'a arrêté; en vain s'eft-il nommé cc a-t-il offert de 1'argent, on 1'a conduit devant M. Duhamel le Vice - Maire, qui, affectant de ne pas croire qu'il füt ce qu'il s'annoncoit, 1'a fait conduite chez un Jurat, le Marquis de Mans, ancien Confeiller au Parlement auffi, qui 1'a vertement reprimandé & fait relacher enfuite. Comme le Parlement, depuis 1'affaire de M. Dupaty & le défordre qui s'en eft fuivi, eft peu aimé & eftimé dans la ville, on a donné le plus grand éclat h 1'aventure, CC M. de Lomonie a mis le comble a fa fottife cc h fon infamie en préfentant a fa Compagnie un mémoire juftificatif. On croit qu'il fera obligé de quitter. Le 3 Avril 1782. Les Officiers revenus de 1'armée de Rochambeau, annoncent que M. le Chevaiier de Chatelux, malgré les nombreufes cc continuelles occupations que lui donne fon pofte de Major-général de 1'armée, trouve en-, core le tems de commercer avec les Mufes, & qu'il a fait imprimer fur les lieux un gros volume d'obfervations hiftoriques, politiques, phy-  C 180 ) fiques & morales fur 1'Amérique & les Américains de ces contrée'. On ne connoit pas encore beaucoup ici Pouvrage de 1'Académicien, qui n'en a fait paffer que quelques exemplaires k fes amis. Le 4 Avril 1782. Le Club politique, commencé fous les aufpices du Sieur Boyer,fe foutient & a même recu 1'approbadon du Miniftere, a condicion qu'il n'y feroit queftion ni du gouvernement ,ni de la religion & qu'on n'y admettroit point de femmes. On fe doute bien qu'il y a néceffairement quelque émiffaire avoué ou non avoué de la police qui veille fur ces affemblées. Pour être admis , il faut être balloté. Le Récipiendaire doit donner fon nom cc 1'on va au fcrutin- On ne fait s'il s'y rédige déja un bulletin de nouvelles pour les affociés & leurs amis: alors ces comités rentreroient dans ceux fi célebresde Ma-i. Doublet, 011 a pris naifTance lejournalque nous rédigeons. Le 4 Avril 1782. La Dame Hamilton & fa fille ne fe fougiant pas de retournera Londres, ou, fuivant leur avceu même fait al'audience, le mariage du fieur Bereford eft bon & valable, ont intrigué le plus qu'elles ont pupouréluderl'exécution de 1'arrêtdu Parlemént; enfin, elles ont eu affez de crédit pour obtenir encore un ordre du Roi; qui en annulant lesdifpofitionsdecetarrêt,ordonne que les gardes, fous la protection defquels elies étoient par ordre de cette Cour,  C 181 ) jufqu'a ce quelles fuffent en Angleterre & 1'arrêt exécuté dans toutes fes parties, feroient retirés, pour en recevoir d'autres a ladifpofition du Miniftere; enforte qu'elles deviennent ainfi maitrefles de refter dans cette capitale tant qu'elles voudront. Cette grande & finguliere affaire a rendu carieux le public de voir la jeune perfonne, qui a feize ans h peine, eft très-bien faite, fans être jolie, a l'air d'une Agnès; mais a tellement été retournée par fa mere, qu'elle devient furieufe quand elle parle de fon affaire, & y met une véhémence, une chaleur dont a fon air tranquile, a fa figure inanimée, on ce 1'auroit jamais crue fufceptible. Le 4 Avril 1782. On profite de Ia vacance pour aller voir Ia nouvelle falie de Ia comédie Frangoife, qui ne défemplit pas de fpectatcurs, & 1'on continue k 1'admirer dans fon enfemble & dans fa riehefte. Les connoiffeurs feulement perfiftent a la regarder comme défecfucufe pour les deux parties principales de Poptique & de 1'acouftique ,ce qui fe vérifieradécidémentlorsqu'on y jouera. En attendant, comme Ie Roi nra cédé h Monfieur 1'hötel de Condé qu'a la charge d'y batir une falie fuivant les plans & devis préfentés, les Directeurs & Ordonnateurs des batimens ont été ces jours ci la vifiter & recevoir au nom de "S. M.; ils en ont dreffé procés verbal & ils ont trouvé les conditions remplies.  ( i8a ) En conféquence , conformément au droit qu'ils ont dans tous les fpcctacles dont les fal' les appartiennent au Roi, il leur a été donné une loge qui confirme parfaitement ce qu'on a ^sdit,püifque de douze places qu'on y peut occuper, il n'y en aura guere que deux de bonnes. Le 4 Avril 1782. C'eft pour la première fois qu'il paroït cette année, & fort tard encore,un Almanac d'une efpece particuliere , preuve bien fenfible que nous ne craignons plus nos ennemis maritimes, nous regardant comme bien fupérieurs a eux, même dans la Marine. 11 porte: Etctt des Colonies pour 1782, imprimé par ordre de M. le marquis de Cajlries, Miniftre & Secrétaire au département de la Marine. Le 5 Avril 1782. Le Sieur Cleynmann efl: étranger, pere de familie, agé de foixante-trois ans, & créancier de la France pour 1,800,000 livres a raifon de fournitures de fourages par lui faites durant la derniere guerre. En 1768, ♦ il vint folliciter k Paris fon payement; il a perfiflé pendant tout ce tems-la, & il croyoie toucher au moment de fon rembourfement, lorfqu'il a été enlevé la nuit du 13 au 14 Avril I779> & transféré a la Baftille, II y efl: refté trois années &, a Pexception de deux interrogatoires qu'il a fubis cc par lefquels il n'a rien appris des caufes de fa détention, il n'a entcndu parler ni de fes affaires, ni de celles des autres. Le 5 Janvier 1782, on lui apprend qu'il eft  C 183 > libre en vertu d'un ordre du Roi, qui, quoique daté du 28 Décembre 1782, ne Jui eft notifié & ne recoit fon effet que ce jour-la. Dans le mcme moment le porteur de cet ordre lui redemande une fomme de 24,800. liv. due a une Demoifelle Clerville, & lui déclare dans ]a falie du Confeil en préfence des Officiers, que, faute de payement,il le conftitue prifonnier. Un fiacre étoit dans la cour;il y fait monter le Sieur Cleynmann, & il le transfere a Ia conciergerie. II a fu depuis que le quidam étoit le Sieur Archier, Officier garde du commerce, qui, fuivant le procés verbal-de capture, Pauroie arrété feulement hors de la Baftille en lui montrant fa baguette, & en vertu d'un arrêt du Parlement qui condamne par corps ce négociant pour le payement de la fomme fufdite, le 20 Septembre 1779, c'eft-a-dire 8 mois après fa détention a la Baftille. Suivant une confultation de M, Prévöt de S. Lucien qu'on lit a la fin du mémoire, en date du 20 Février, qui eftime que 1'emprifonement du Sieur Cleynmann doit être déelaré nul, les vices de la procédure, la faifie de fa perfonne faite dans 1'inté.ieur de Ia Baftille au préjudice de 1'ordre du Roi, qui lui accordoit fa liberté, & la circonftance de fon emprifonnement au même jour, au même inftant, au même lieu, font trois moyens qui femblent devoir lui afl'urer fon élargifiement. Le jurisconfuite finic par cette apoftrophe oratoire.  ( ï24 ) O vous! chargés de veiller au maintien de "ordre public, vous dépofitaircs des loix, " qui croyez devoir élever vos voix courageu\l fes, mais foumifes,lorfque des ordres furpris " a la religion de nos Rois, viennenc femer ' parmi leurs fujets, la terreur & 1'effroi; vous " qui, ainfi que les plus puiffimtes cêres de " l'Etat, avez dans les tems,donnéa la nation, " 1'exemple de la plus prompte obéiflance aux: " yolontés du Maitre! Magiitrats; apprenez au" iourd'hui a la Demoifelle Clerville,&a ceux " qui, comme elle,fe croient permis de fe jouer " impunément des ordres du Souverain, en ar" rêtant le cours de fabienfaifance, &cherchant " par toutes fortes de moyens a en rendre les " ;u„r«;vpc i ïinnrpnp7. - leur aue le mieux obéi des Monarques, Iers meme qu il deploie 5> fa févérité, doit en être le plus ahfolu, lors ' „,-,>;i evprep fa clémence!" " Le 5 Avril 1782. L'ufage étant d'accorder aux naiffances des Daupnins cies graees puur „„„;„. ««iiwinftls- S. M. a fait expédier une ; 188. 6 Hv. 1128 liv. Pour les hommes & femmes. ' Galerie tournante pour hommes & femmes 120. 4 liv. 480 liv. Deuxiemes loges pour hommes & femmes 64. 3 nv. ,y2 |jv. Parquet a la fuite de 1'orcheftre pour hommes ■ . . 500. 2 liv. 8f. raco liv. Troifiemès loges pour hommes & femmes 4g. 2 liv. 56 liv. AmphithéAtre des 3e. loges pour hommes & femmes. .... 300. 1 liv. iof. 450, liv. 1400. 4626. Non compris les petites loges donnant 513 places. 513. 3 500. Hv. laplaceparan. 1913 places. Ön voit par ce relevé combien la nouvelle falie doit être avantageufe aux Comédiens, & par Ie nombre des places, puifque dans la derniere falie d'opéra brülée, la plus vafle de toutes, il ne tenoit que 1800 perfonnes, & par Paugmentation énorme du prix du parterre porté aujourd hui a 48 fois. Ce qui ne doit pas peu contribuer a les rendre encore plus infolens. II eft vrai que cet accroilTement d'opulence eft un peu compenfé par 1'état précaire o!i ils fe trouvent, la falie appartenant décidément au Roi. Le 7 Avril 1782. Le Philofophe du Port au bied. 1781. II paroic que cette facétie orginai-  C 189 ) rement compofée pour Ie jouraal de Paris, y a été refufée, ce qui donne un peu d'humeur a 1'Auteur; il épanche fa bile dans un avertiffenient contre les Rédacteurs de cette feuille. Le fujet efl: la naiffance du Dauphin.. Le moderne Diogeneprendoccafion de Ik, par une tournure affez originale, de faire fentir que la condition du jeune enfant n'eft pas auffi heureufe qu'on le croiroit bien; il entre en conféquence dans un détail des devoirs & des malheurs des Rois dont la vérité eft trop fenfible pour en difconvenir. Si le fonds n'eft pas neuf, la forme eft ingénieufe & piquante. On attribue cette bagatelle philofophique a M. Diderot. Le 8 Avril 1782. C'eft par un arrêt du Confeil du 16 Février dernier que le Roi manifefte fes difpofitions a 1'égard de la nouvelle falie de comédie Fran^oife & des Comédiens, afin d'asfurer invariablement k la capitale un fpcttacle qui contribue autant a Ja gloire littéraire de la nation qu'a fes amufemens. i°. La falie, confidérée quant au fol & aux édifices principaux & acceffoires dont il eft couvert, fera toujours au Roi & k fes fucceftéurs. 20. Elle fera confervée & furveillée, fous 1'autorité & par les foins des Direéteurs ci Or-, donnateurs généraux des Batimens, comme édifice royal, & avec tous & tels pouvoirs attribués d'ailleurs fpécialementfur toutes falies royales de fpeéhcle, aux Direéteurs généraux des  batimens par le reglement de 1745 pour fixer fon autorité concurremment avec celles des premiers Gentilshommes de la chambre cc des Gouverneurs des maifons royales. 30. L'édifice, dont la propriété aura été transmife a. S. M. par Monfieur, fera livré aux Comédiens Francois ordinaires du Roi», pouryfuivre leurs exercices cc en jouiracertainesconditions. 40. Les Acteurs n'en aur&nt abfolument que l'ufufruit, cc quant au mobilier dont les Comédiens auront garni & décoré le théatre, les loges d'Adteurs, les foyers, les falies d'aflemblées & les magallns, S. M. fe réferve encore le droit dans le cas oh la fociété des Comédiens fediffolveroit, de 1'acquérir, avec préférence exclufive, afin de prévenir, par cette reffoarce, 1'interruption de ce fpeétacle- 50. S. M. fe réferve la jouiflance de certains batimens cc boutiques accefibires, pour en faire des récompenfes en faveur des Comédiens qui auront bien mérité d'elie cc du public par leurs talens & leurs fervices. Ces difpofitions principalesréglées&connues, ainfi que plufieurs autr s plus minucieufes concernant la fureté & police intérieure, le Roi a commis le Sieur d'Angiviller pour infialler les Comédiens dans cette falie. • Outre la loge qui a été réfervée par ordre du Roi pour être occupée fans rétribution par les Officiers du département des batimens, il y en a une fpécialement affeétée pour le Directeur &  ( IQI ) Ordonnateur général des batimens. Ce font les deux feules que S. M. ait exceptécs. Le 8 Avril 1782. On a parlé de Commiffaires nommés par la Société royale de Médecine pour vérifier les expériences du Sieur Janin. Ceux de 1'Académie des Sciences, favoir Mesfieurs le Duc de la Rocbefoucault, Macquer, le Roi, Fovgeroux & Lavoijier fe font réunis aux premiers, afin d'éviter la répétition des mêmes expériences. Elles ont eu lieu les 18 & 23 Mars, & non - feulement fans fuccès fuivant le bruit général, mais avec perte d'un homme. On attend le réfultat qui doit être imprimé par ordre du Roi. Le 8 Avril 1782. Le Théatre Francois, c'eft ainfi que s'intituleront déformais les affiches, d'après le frontifpice du fpectacle, s'ouvrirademain k la nouvelle falie, afin que ce jour tant attendu ne foit pas retardé; on travaille même aujourd'hui, fête de la Vierge,& ilparoitquele nouvel Archevêque eft auffi tolérant a cet égard que 1'ancien. Comme on fe doutedu concours immenfe des fpectateurs qu'attirera cette nouveauté; on a inftruit fort au long le public par des avertiffemens imprimés de la maniere dont les voitures arriveront, fe rangeront, reprendront leurs maitres & déboucherent., Trois rues percées a cet effet, s'appelleront de Crebillon, de Regnard, de Racine, on en. doit formerjunfc quatrieme de Voltaire. M. Imbert a compofé une petite piece k ti-  C 192 ) roir, ïntitulée l'Inauguration du Théatre Frangois; elle efl: en un acte & en vers: elle doit être jouée demain: ceux qui en ont vu les répétitions n'en donnent pas une idéé favorable; on dit même qu'il y a des plaifanteries qu'on aconfeillé aux Comédiens de retrancher, comme pouvant fournir occafion d'allufions défagréables pour 1'Auteur & pour eux. Le 9 Avril 1782. Dans ce moment oh 1'on s'occupe beaucoup des Comédiens & des fpectacles, on publie une déclaration du Roi du 28 Février, enregiftrée au Grand-Confeil le 20 Mars, dont le préambule porte ce qui fuit: „ Les conteftations qui s'élevent fur ladiftribu„ tion des gages & appointemens qui ont été 5, faifis fur les Comédiens & autres gens atta- , chés aux fpectacles de la fuite denotre Cour, 11 donnant lieu a des inftances de préférence, \, ou de contribution dont les procédures abfor„ bent bientöt les fommes a diftribuer, fans „ aucune utilité pour les parties; nous avons ,;, penfé que nous remédieriöns è cet inconvé'j, nient, en ajoutant a notre déclaration du 18 „ Aofit 1779, déja donnée dans la même inten,', tion, quelques difpofitions qui, en fubftituant de nouvelles formes plus fimples & moins , coüteufes que les anciennes, nous ont paru l, plus propres a faire jouir les gens attachés „ auxdits fpectacles, des avantages qui en„ troient dans notre premier objet; fans néan„ moins préjudicier en aucune maniere aux ,, droits dé leurs créanciers." Le  C 193 ) , Le 9 Avril 17S2. Relation de la féance publique de 1'Académie Royale des Inscriptions Belles-Lettres pour fa rentree d'après Pdques, tenue le 9 Avril 1782. Cette féance a été fort maigre & plus folitaire i encore que de coutume, paree que c'étoit le r jour de la rentrée des trois fpectacles, & que la f foule des gens de lettres s'étoit portée furtout | vers la nouvelle falie de comédie Francoife. M. Dupuy , Secrétaire perpétuel, annonca [ d'abord que le prix avoit été remporté par M. I Pigeon de faint Paterne, fecond Bibljothécaire f a 1'abbaye de Saint-Viftor. II s'agiffoit d'exami' ner l'état des lettres, fciences & artsen Oriënt I fous les califats de Haroun- Arrafchid de Jon II fils Al-mamoun, comparé avec celui oü ils étoient alors dans l Occident. Après cette annonce, il publia Ie programme | fuivant. ,, L'Académie s'étant trouvée réduite p „ par la difette de mémoires répondant a fes „ vues, a renoncer au prix doublé qu'elle deI voit diftribuer a Paques 1781, & qui con|f „ fiftoit u déterminer ce que les mommens hijlorif ques nous apprennent des changemens arrivés I „ fur la face du globe, par le déplacewent deseaux de la mer,propofe pour fujet du prix extraor„ dinaire qu'elle proclamcra a Paques 1784, de „ comparer enfemble la ligue des Achéens, 180 Tomé XX, 1  C 194 ) 3, ans avant Jefus- Chrift; celle des SuiiTes en 5> *3°7 de 1'Ere chrétienne; la ligue des Pro- j „ vinces Unies en 1579, dVdévelopper les caufes, i „ 1'origine, la nature & 1'objet de ces afle-cia- ! tions politiques. On juge au feul énoncé combien ce fujet doit I être intéreffant, & que-pour le traiter,iln'exige I pas feulement une vafte érudition, une profon- 1 de connoiffance du cceur humain, mais une,] grande fagacité, un jugement exquis & des vues trës étendues dans Part des gouvernemens. On , ne fait pourquoi 1'Académie n'a pas tout del fuite réuni a ces évenemens célebres, celui objet de la guerre adluelle & qu'elle a principale-j ment eu fans doute en vue, lorfqu'elle a fongé a propofer fon fujet & a le rédigcr. Les mémoires lus enfuite étoient peucurieuxM. de Vauvilliers, le dernier recü, a fuivant 1'üfage, fait preuve de fon favoir par la traduction de la quatrieme IJlhmienne de Pindare, adresfée a Meliffe, précédée d'une analyfe du Poëme, & d'un extrait d'un mémoire oh 1'Auteut étabïït que dans les pieces lyriques des Grecs il n'eft pas néceffaire, pour opérer 1'égalité de; mefures, que les metres foient compofé* du mêmej nombre de tems, & qu'au contraire, 1'égalité danj le nombre de tems ne fuffit pas pour produirJ celle des mefures, a moins qu'on n'obferve uif] ordre régulier dans la diftribution des longue^ & des breves. . Certes, voila des décails d'une secbereüe,<-  ( I?5 ) d'une infipidité, d'un ennui rare, & qu'on pourroit regarder comme une tournure imaginée par le candidat pour fairedéferter de 1'Académie Ie petit nombre de curieux qui en fuivent encore les séances. La differtation de M. de Keraüo n'étoit pas propre a les rameuer, & ne pouvoit qu'entretenir les baillemenscaufésparlaprécédente. Elle confiftoit dans Panalyfe de la première partie d'un Mémoire dont l'objet ejb de prouver que li peuple Suédois a été Cimbre; que les Cimbres étoient une branche de Cimmeriens, & ceux - ci une portion de la grande nation Tudefque, connue par les Romains & les Grecs fous Ie nom de Germains, qui fe répandit dans tout le Nord de 1'Europe, & qui 1'occupe encore. II étoit impoffible fans doute de jeter de 1'agrément fur une femblable matiere, & Fontenelle Iui-même n'y eht fait ceuvre. La lefture d'un cinquieme Mémoire fur Dê~ mofihene par M. de Rochefort réveilla un moment les auditeurs. II continue d'y montrer quels furent les principes conftans & les maximes d'admininration de ce grand Orateur dans fes harangues politiques, comment il fut éclairer les Athéniens fur leurs vrais intéréts, & avec quel ménagement il connut Part de leur dire les vérités les plus dures. L'Auteur préfente ce tableau abrégé de Pame & de Pefprit de fon héros, comme une introduclion utile a ceux qui voudront en étudier avec fruit les harangt es. I 2  C 196 ) Ce mémoire intéreflant, rempü de vues faines en policique, en morale, en littérature, joint aux autres ouvrages de PAcadémicien, tous dans un genre commun a 1'Académie Francoife, pourroit lui en ouvrir les portes, s'il étoit plus intrigant, & fi celle des Belles-Lettres n'avoit arrêté d'exclure de fon fein tous ceux qui pafferoient a 1'autre compagnie. II y a longcems qu'on a dit que celle-ci étoit Faritichambre de 1'Académie Frangoife, & elle veut arrêtër cette émigration humiliante. Le morceau qui auroit pu intéreffer vraiment toute 1'affemblée & par le fonds & par la forme , c'étoit l'Eloge de M. Turgot, s'il eüt tombé dans d'autres mains. Le Secrétaire en a fait la lecLure avant celle des trois memoires a n a nullement rempli fon fujet & Pattente du public. II y a n"°is eP°ques dans la vie de f*on héros qu'il a trés bien diftinguées, mais non détaillées également. 11 s'eft trop appefanti fur 1'époque de fa jeuneffe. Elu Prieur de Sorbonne a Page devingtdeux ans, M- Turgot prononga en cette qualité deux difcours latins. Dans le premier il s'agiffoit de montrer les avantages que la religion chrétiemie a procurés au genre humain: dans le fe • cond , il tragoit le tableau des progrès de Vefprit humain depuis les premiers dges jufqu'a nos jours. On a obfervé que par une profondcur de vues annoncant déja 1'homme d'Etat, il y prévoyoit dés lors la iéparation des colonies Angloifes de  C 197 > leur métropole. A vingt-quatre ans, M. Turgot avoit tracé de fa main une lifte de cinquante deux ouvrages a compofer fur les fujets les plus difparates,enforte qu'on auroit pu lui appliquer juftement 1'épigramme de Roufleau : Chryfologue eft tout £f n'eft rien. De ces cinquante-deux ouvrages quinze ont été achevés ou ébauchés par 1'Auteur. On y trouve des fragmens d'un traité fur l'exiftence de Dieu; des traductions de PHébreux, du Grec , du Latin ,des odes d'Horace en vefs Francois. Jl avoit commencé dans notre langue une traduclion des Géorgiques en vers métriques, comme les vers Grecs ou Lati'ns, tentative déja faite une vingtaine de fois au moins fans fuccès. Après cette époque du Théologien & de 1'homme de lettres vient celle du Magiftrat & de 1'Intendant: on en a déja remarqué les principaux traits qui ne font pas tous a fa gloire. Obligé de paiTer au Confeil, il s'appliqua aux études concernant 1'Adminiftration; il fe livraaux principes du Doéleur Quefnay, & devinc un ardent Economifle. II fit des tournées avec M. de Gournay, Intendant du commerce, qui contribuerent auffi beaucoup a fon inftruclion. Commifiaire départi a Limoges, il y inftituales atteliers de charité, dont il eft 1'inventeur; il y foulagea les malheureux pendant deux années de difette, non-feulement en tirant du Gouvernement des fecours abondans, mais de fes propres deniers & par un emprunt de 20, 000. liv.  ■ qu'il fit en fon nom. Au refte, fidele au fystême de fa fecle, il ne fouffrit jamais que la liberté du tranfport des grains, ni celui des ma' gazins recufïent aucune atteinte, ni la moindre taxation de prix. 11 fit même imprimer dans fon département & diftribuer 1'ouvrage de M. le Trofne fur cette matiere; il y joignit une lettre circulaire a tous les officiers de police. C'eft ce rigide attachement a fes principes, fi contraires aux préjugés yulgaires, qui vraifemblablement lui fit des ennemis dans fon intendance, oii, malgré tous les biens qu'il faifoit, il n'étoit pas aimé. II avoit une forte de defpotifme en ce genre-la, prefque auffi déteftable que 1'autre. Ennemi des procés, il envoyoit chercher ceux qui en avoient & les forgoit de s'accommoder ; ce qui déplaifoit quelquefois autant aux parties qu'aux gens de juftice. La derniere époque de la vie de M. Turgot, c'eft fon miniftere. M. Dupuy faute h pieds joints deffusjfous prétexte qu'il ne lui conviendroft pas d'en bazarder VEloge ou la Cenfure, & c'étoit la partie Ia plus a defirer. II faut cependant convenir qu'elle devoit le moins entrer dans un ouvrage ou il faut plus confidérer 1'Académicien & le Savant que 1'Homme d'Kcat. Cet éloge eft écrit dans la maniere du Panégyrifte, fans enthoufiafme & fans chaleur, & 1'on jugeroit qu'il ne loue point pour êtreloué, s'il ne couroit fréquemment après 1'efprit qu'il n'attrape pas toujours. De la.fon ftyle eft auffi  C *99 J queïquefois alambiqué & préeieux , quoiquc fans élegance: il manque même d'une certaine corredtion qui doit fe trouver partout & principalement chez un Académicien. Le 9 Avril 1782. Un M. Robinet, très-favant homme, mais très-dépourvu de goüt, très-ennuyeux conféquemment, a imaginé depuis quelques années de compofer un Diclionnaire univerJel des fciences, morale, économique, politique, &? diplomatique, ou Bibliotheque de l'Homme d'Etat du Citoyen avec cette épigraphe faftueufe : Ait tems & d la vérité. 11 y a déja vingt-un volumes de cette monflrueufe compilation, quoique le rédadttur ait tout au plus parcouru le tiers des lettres de 1'alphabet. Chaque volume a prés de fept cent pages en caractcre très-ferré; & cependant a une vente publique ■ derniercment ce livre a été vendu fur le pied de vingt fois Ie volume. Quel défaut de lumieres dans lesacquéreurs! Quelle humiliation pour 1'amour propre du Philofophe! Les Bibliographes n'ont pas manqué de configner fur leur calepin cette anecdote remarquable. Le 10 Avril 1782. L'Avocat Ie Prêtre n'a pas ofé rifquer les titres des deux ouvrages dont il a enrichi hier la fcene Italienne pour fon ouverture. Sur 1'affliche on a lu feulement le *** Comédie vaudeville en unaéte, précédé du *** prologue. Le 10 Avril 1782. On ne fauroit rendre le tumulte caufé hier a la comédie Frangoife parle I 4  C 20O ) concours de monde furvènu pour voir Ia nouvelle falie & par le défaut d'ordre pour la distribution des billets, furtout de ceux du parquet dont les Comédiens avoient jugé a propos de diftribuer fur 500 environ 400 a leurs amis , camarades, valets &c. La garde avoit auffi trésmal pris fes mefures; enfone qu'elle a été forcée & n'a pu arrêter les efforts de Ia foule. Le guichet même étoit fi gauchement placé, qu'il a iallu le changér pour aujourd'hui. L'intérieur n'a guere été moins orageux, paree qu'on y a laiflé entrer fans difficulté tous ceux qui ont voulu donner leur écu de6livres, fauf k refler dans les corridors qui regorgeoient de monde comme a 1'opéra. II n'a pu qu'en réPulter plufieurs querelles; 1'évenement le plus facheux, c'efl une infulte faitè a un Procureur de la part de M. le Comte Moreton de Chabrillant, fils du Capitaine des Gardes du corps de Monfieur, & en furvivance. Ce Seigneur, peu eftimé, a eu 1'audace de faire en outre arrêter ce Procureur & conduire de fon autorité au corps de garde, d'oh il n'a voulu fortir qu'après avoir confiaté par un procés verbal le procédé abominable & defpotique de fon adverfaire. On allure qu'il a entamé une procédure qui commence déja a affligcr M. de Chabrillant le perequi exige que fon fils fafie des excufes a 1'offenfé. Les gens qui trouvent tout bien, difent que la falie eft uès-belle, qu'elle a plu générale ment pour  C 201 ) pour Ia nobleiTe de fa conftruftion, pour 1'élégance de fes omemens, & pour 1'inteIIigence avec laquelle les places y font diftribuées. Touc Ie monde ne penfe pas de même, & furtout les femmes pour .qui les loges font fort incommodes , indépendamment ds beaucoup d'autres défauts. La piece nouvelle s'eft reflentie du mécontentement général. Elle a recu un fi mauvais accueil, que, malgré la préfence de la Reine, venue avec Madame Elifabeth, !e tumulte croisfant confidérablement, il a fallu 1'abréger, de crainte qu'il ne devint plus fatigant & plus infupportable. Le 10 Avril 1782. Relation de la féance puhlique de l'Académie des Sciences pour la rentrée de Paques, tenue aujourd'hui. On a d'abord annoncé que le Prix au fujet de Ia Comete de 1532 & de 1661, qu'on attend pour 1790 avoit été adjugé par la Compagnie -a M. Mechain, aftronome de la marine, des Académies de Harlem & de Fleflingue, & qui depuis ce tems-la avoit été élu de 1'Académie. On a enfuite propofé pour 1780 un prix de 4000 livres, dont le fujet eft d'examiner files attraclions de Jupiter êf de Saturne ont dü caufer des difèrences dans l'orbite de cette comete entre 1532 & 16Ö1. Le Secrétaire a encore déclaré qu'aucun des ij  ( 202 ) mémoires envoyés pour le concours du prix au Jujtt des vatjfeaux lymphatiques n'ayant fatisfait les vues de 1'Académie plus que la première fois, il feroit remis & propofé une troifieme, a caufe de 1'importance des queflions a réfoudre. 11 a ajouté que les candidats n'ayant pas été plus heureux fur le fujet annoncé concernantles diverfes efpeces de coton, le prix étoit auffi remis pour la feconde fois. 11 a cependant donné des éloges au nom de la Compagnie a la piece N°. I. ayant pour devife, Deus bone, dans laquelle elle a trouvé des détails intéreffans. Elle invite 1'Auteur a continuer fon travail, en infiftant davantage fur la diftindlion précife des différentes efpeces de cotons cultivés, fur les procédés qu'on emploie pour la filature des divers cotons dans les différens pays, fur la comparaifon de ces procédés, relativement aux différensclimats,fur les moyens qu'on emploie pour le tiffage de ces filatures. Elle 1'exhorte furtout a tourner fes vues vers les moyens d'améliorer les cotons de nos colonies, foit en perfeétionnant par la culture, ou par le choix;des plans, le coton qu'elles produifent, foit en adoptant de meilleures méthodes de les préparer pour les ufages des arts. Les mémoires lus ont roulé fur des matieres fi fcientifiques & fi arides, qu'ils ne méritent qu'une fimple annonce. 40. M. de la Lande, Directeur de 1'Académie, a rendu cornpte dans le fien de la Planets de  C 203, > Herfchel, qui continue de paroftre, dont Ia révolution eft de 82.ans, & la diftance de 6jo milr lions de lieues. 20. M. Daubenton a donné I'explication de trois fortes de pierres herborifêes. 3°. M. De/marets, celle de la formation des pierres calcaires a coquilles. 4°. M. de Lavoifier a lu un mémoire fur les moyens d'augmcnter Pintenfité du feu par fair déphlogiftiqué. 50. M. Brijfon, fur la peranteur fpécifique des diamans & autres pierres précieufes. 6°. M. de Vandermonde n'a eu que le tems d'annoncer un mémoire fur la quantité de chaleur propre d différens corps. M. de Fougeroux de Bondaroy devoit rendre compte des expériences qui ont été faites pour examiner les effets du vinaigre contre le méphitifme, & 1'on ne fait pourquoi cette matiere, la plus curieufe par 1'è-propos, & laplus intéreffante par fa nature, n'a pas été agitée. Les deux morceaux qui avoient attiré la foule, étoient les éloges que M. le Marquis de Condorcet devoit prononcer du Marquis de Cour'tanvaux & du comte de Maurepas. On a déja parlé du premier héros, dont on a " donné une norice; il fuffira d'y joindre quelques traits obmis. II paroit, fuivant fon Panégyrifte, que M. de Courtanvaux fe livra aux études des fciences plus par défceuvrement que par atrrait véritable; ce qui le faifoit palier trop fouvent I 6"  C 204 ) d'un genre a 1'autre, fans rien approfondir. II avoit cependant 1'ambition d'être Honoraire de 1'Académie des Sciences, & c'étoit la feule qui lui füt reftée. Pere de M. de Montmirail, qui avoit le même defir & plus de titres pour le fatisfaire, il lui fit ce facrifice, & a fa mort fe trouva foiblement dédommagé de fa perte en lui fuccédant dans la Compagnie. M. de Courtanvaux a fait des découvertes heureufes en chymie. II aimoit la méchanique & avoit le talent de la main. II préfenta un jour a 1'Académie un inftrument inventé par M. Jaurat; il 1'avoit exécuté lui-même & y avoit gravé cette infcription: Jaurat invenit, Courtanvaux fecit. Tels font Ie peu de faits qu'on trouve dans cet éloge , plus fee que ne le font d'ordinaire ceux de M. de Condorcet, on ne fait pourquoi; car le fujet en valoit bien un autre. On voit qu'il fe jette même a cóté & fait desdigreffions qui caraótérifent la ftérilité; fans douteempresfé de paiTer k 1'éloge du Comte de Maurepas &: tout rempli de cet autre fujet, il aura négligé le premier. £n effet, quand 1'éloge de M. de Courtanvaux eüt été intéreffant autant qu'il pouvoit 1'être, il 1'auroit paru moins ce jour-la par 1'avidité du public pour celui du Comte de Maurepas mort après lui, qui,fuivant 1'ordre académique, avoit en conféquence été réfervé pour le dernier a lire. Le Panégyrjfte a parfaitemenc ré-  C -°5 ) pondu au defir des auditeurs, & Pon efl convenu que parmi le nombre des Orateurs qui s'étoienc difputé la gloire de céiébrer le Miniftre défunt, aucun ne Pavoit fait plus dignemenü que M. le Marquis de Condorcet. Quelle belle matiere auffi! M. de Maurepas, né dans une familie oh Ia place de Secrétaire d'Etat étoit, pour ainfi dire, héréditaire depuis deux fiecles, pourvu de cette place lui-même è PAge de quatorze ans, exercant le Miniftere a 24, offre une carrière brillante & variée dont il eft peu d'exemples. Le département de la marine, dont il étoit chargé, étoit, il eft vrai, dans un état de foibleffe dont il ne put le tirer. Obligé de fe conformer a la politique , mal vue fans doute du Cardinal de Fleury, il fut rendre encore fon miniftere glorieux en faijant fervir la marine aux progrës des fciences, & les fciences aux progrès de la marine. Cette partie de fon hiftoire étant la plus relative au lieu, au fujet, k Pinftitution de ces fortesd'éloges,adéterrninélePanégyrifte a s'en occuper plus au long. II a fait voir comment le Comte de Maurepas fit exécuter fous Louis XV, & avec une magnificence vraiment royale, 1'entreprife de mefurer en même tems deux degrés du méridien, 1'un fous PEquateur, 1'autre prés du póle boréal de notre continent, opération néceflaire pour confirmer l'aplatiffemcnt de la terre, découvert par Newton, cc devant fervir de bafe a une déterI 7  C 206 ) mination plus exacte de la figure du globe. Avant ce JVliniltre Tart de la conftrudion des vailTeaux fe bornoit en France a Ia fimple routine; il vouloit qu'il devïnt une fcience; il envoya en Angleterre un ho;nme plein de talent pour y étudier cet art, qui alors y étoit plus avancé que parmi nous , & il etablit a Paris une école publique pour les conftruéteurs : ainfi 1'on lui eft redevable de tous les progrès que nous avons faits depuis dans la conftrudtion des vaisfeaux,& de la fupériorité que nous avons acquife en ce genre fur les autres nations & même fur nos maitres. La difgrace de M. de Maurepas n'eft pas une époque de fa vie la moins intérefiante: 1'égalité d'ame avec laquelle il lafoutint, prouve qu'il ne fe fentoit coupable d'ancune faute grave. Lui-même en parlant de cet événement difoit: X,e premier jour j'ai été piqué\ le fecond j'ai été confolé. II plaifantoit a fon arrivée dans fa retraite fur les épftres dédicatoires qu'il alloit perdre, fur le chagrin des Auteurs qui lui en avoient préparées. Obligé de vivre dans les fociétés d'une ville de province, il s'en amufa comme de celles de Paris & de Verfailles; il y trouvoit les mêmes intrigues & les mêmes ridrcules; les formes, les noms feuls étoient changés. Mais ce qui mie le comble a fa gloire, c'eft que, durant fon exil même, il fut fe conferver des amis. Rappelé dans le miniftere au bout de vingt-  C 207 ) cinq ans, le Comte de Maurepas vit revenir vers lui le grand nombre de courtifans qui 1'a* voient oublié pendant tout ce tems , & il ne leur montra ni indignation, ni dédain. M. de Condorcet, non moins prudent que M. Dupuy, 's'arrête peu fur cette dernierc partie de la vie de fon héros; mais y fupplée par une digreflion philofophique fur la difficulté d'apprécier, de connoïtre même les actions d'un homme d'Etat dont on eft contemporain. Du refte, il loue celui-ci de fon efprit de modération, d'indulgence rare, qui a conflamment caraétérifé fon adminiftration. Aucun des Miniflres déplacés fous fon influence n'a été exilé; dans aucune autre époque de notre hiftoire, les ennemis des Miniftres, leurs critiques, leurs détrafteurs n'ont été plus en fureté. M. de Maurepas étoit devenu en 1725 un des Honoraires de 1'Académie des Sciences. II fut de bonne heure Doyen, & prenoit plaifir a fe parer de ce titre aux yeux de cette compagnie, lorfqu'elle avoit occafion de le voir. Sa place y a été remplie par M. Le Duc de la Rocbefoucault. Tel eft le précis rapide de 1'éloge du Comte de Maurepas,auffi bien penfé que bien écrit,& d'autant plus généreux de la part du Marquis de Condorcet, qu'il avoit perfonnellement a fe plaindre dé ce Miniftre. Le 11. Avril 1782. Le vrai titre du prologue de la nouvelle piece des Italiens eft le Pois-  C 208 ) fon d''avril, & celui de Ia piece le Public vengê. C'eft froid ; mais il y a beaucoup d'efprit, furtout de celui de PAvocat le Prêtre;c'eft-a-dire du cauftique & du méchant. Les couplets font ce qu'il y a de mieux-. Eh général, quoique dans cette critiqué plaifante des ridicules & des travers de la capitale, I'Auteur dife des chofes peu honnêtes pour le public, dont il fe moque paiTablement, le public a applaudi & a ri luimême. On y a trouvé cependant beaucoup de longueurs, entre autres, une fcene entre le caprice & 1'opinion, qui eft abfolument inutile. On voudroit auffi que les airs fuiTent moins anciens & plus gais. Quant au prologue, il a fervi de compliment de rentrée. Le 11 Avril 1782. Les Comédiens Francois aononcent pour demain une autre nouveauté dont ils difent beaucoup de bien & fur laquelle ils comptent plus que fur la première C'eft Molière d la nouvelle Jalle , piece en un acte & en vers. Le 12 Avril 1782. La piece jouée aujourd'hui au théatre Francois a en effet un fuccès décidé. On Pa trouvée pétillante d'efprit, quoique pleine de défauts, quoique trop longue, quoiqu'exigeant bien des fuppreffions & des changemens. On Pavoit attribuée d'abord a M. Paliffot, mais on veut aujourd'hui qu'elle foit de M. de la Harpe. Le 12 Avril 1782. Mad. Mara qui a fait les  C 200 ) beaux jours du concert fpirituel, efl une femme qui n'eft plus jeune; fans être jolie, elle a quelque chofe de gracieux dans la figure qui plaüt, & en chantant montre cet air animé contribuant beaucoup a émouvoir 1'auditeur; malheureufement elle a de vilaines dents, défaut naturel très-facheux dans une cantatrice. Elle eft attachée au Roi de PruiTe, qui lui donne de gros appointemens. Son mari eft auffi Muficien, mais médiocre & ne fe tolere que par rapport a elle. Le réfaltat des jugemens des divers connoisfeurs fur Mad. Mara, c'eft qu'il eft rare de trouver une voix auffi étendue, auffi fonore, auffi fléxible que la fienne, jointe a un art auffi confommé , k une pareille perfcclion de chant. Cependant on ne peut diffimuler que beaucoup de gens étonnés d'elle dans fes airs de bravoure, reftent froids k fon Cantabile & ne lui trouvent pas 1'onétion de quelques - unes de nos Cantatrices, telles que Mlle Arnoux. ■ Le 12 Avril 1782. On eft fi mécontent de la nouvelle falie, quant k la diftribution des loges, qu'il faut abfolument changer, qu'il a été queftion de renvoyer les Comédiens aux Tuilleries, vu la longueur du tems qui doit s'c'couler encore jufqu'a la vacance. 11 paroït que les Architecles, trop doei les k écouter les confeils des Comédiens dont la cupidité fordide voudroit multiplier les loges k 1'infini, les 'ont racourcies de la facon la  C 210 ) plus gênante pour le Public. Les femmes fe plaignent auffi que 1'éclar da blanc qui regne généralement dans la falie, affadit leurs traits & les éclipfe tout-a-fait; comme ce font elles qui attirent les hommes partout, il eft efientiel d'empêcher qu'elles ne défertent, ce qui rendroit bientót le fpeótacle vuide. Le 13 Avril 1782. C'eft le quinze que s'oU" vrent a Vincennes les courfes pour la diftribution des prix, dont chacun de cent louis. On ne peut qu'applaudir h cet encouragement dans ce pays,oh il eft efientiel de donner le plus grand foin aux haras, & a perfeftionner nos races dechevaux, dont, d'ailleurs, il fe fait uneconfommation prodigieufe. 11 eft calculé qu'année commune,, il en meurt a Paris 6000 On a fait venir vingt-trois chevaux barbes cette année pour couvrir nos jumens & provigner une efpece de ce genre amélioré. Le 14 Avril 1782. On croit qu'un mémoire de M. Rochon de Chabannes,en formedeLertres fur 1'opéra, qu'il a préfenté au Miniftre de Paris, concernant la réforme & 1'amélioration de ce fpectacle, a beaucoup contribué a ouvrir les yeux fur les abus, & aux arrangemens pris a cet égard & qui fe prennent encore. M. Amelot a renvoyé la connojfiance de ce mémoire a M. de.la Ferté, Intendant des'menus & Commifiaire du Roi en cette partie, & celuici nouvellement marié,trés-rangé aujourd'hui,  C 211 ) difpofé même k donner dans la dévotion, s'en eft rapporté a un Sieur Morel, fon ancien caisfier, qui, foufflé par un certain Abbé le Beau dc Schofne, s'eft avifé de devenir töut-a-coup bel efpric, de faire des vers, & pourroit dire, comme Je Métromane de Pïron: ö5 j'avois tin* quante ans quand cela m'arriva. Quoi qu'il en foit, Morel, peu en état de prendre par lui-même un parti bien éclairé fur cette matiere, a eu le bon efprit de fentir que M. de Rochon, homme de lettres, impartial, & ayant réfléchi longtems fur la matiere, avoit les qualités propres a Ie bien guider , en forte qu'il a adopté beaucoup de chofes de fon mémoire. En outre, comme par fon honnêteté, fa circonfpeétion pleine d'égards pour tout le monde, cn tenant les Acteurs, Chanteurs, Danfeurs, 'j Muficiens, en un mot tout le peuple de ce tripot dans la diftance convenable , M. Rochon s'en eft fait aimer & refpedter; comme d'ailleurs, il veille a leurs intéréts, ils n'ont pas eu de peine k approuver fon plan quant a 1'effentiel. Ce plan confifte k remettre 1'adminiftration de 1'opéra aux fujets principaux, formant un comité fubfiftant, dont chaque membre aura Ie détail de quelque partie, & fera obligé d'en rendre compte k 1'afïemblée. En outre, il y aura deux femainiers toujours en aétivité pour les affaires courantes, pour la manutention journaliere de la machine & fon régime, a 1'inftar,  C 312 ) en un mot, de ceux de Ia comédie Francoife'. M. Roclïon imagine avec raifon que perfonne ne peut mieux travailler avec zele a Ia profpérité du théatre lyrique que ceux qui y feront intéreffés, puifque leurs revenus augmenterons en proportion. On afl'ure que dans Ie furplus de fon mémoire, il jette des vues plus étendues pour augmenter les revenus de 1'opéra, foit direétement, foit indrreélement, en fupprimanf les petits fpectacles des Boulevards, qui, malgré Ie tribut qu'ils I lui payent, ne Ie dédommagent pas du tort qu'ils lui font, & en joignant a fon adminiftration tous les Wauxhalls poffibles, après avoir indemnifé tous les propriétaires. II eft faclieux que M. Rochon ait Ia modefh'e de ne pas vouloir répandre fon mémoire, qu'on afTure^être imprimé, & qui, par fa difiribution, feroit fermenter les amateurs,&ouvriroitcarrière a une difcuffion dont il pourroit fortir enfin un plan plus parfait, auquel on fe tiendroit irré- j vocablement. Le 15 Avril 1782. MM. les ComédiensFran- j cois ont jugé a propos, depuis qu'ils jouent a J la nouvelle falie, de faire un arrangement entre 1 eux,fuivant lequel, a toutes les repréfentations & furtout aux premières, ils fe répartiflent h 1 chacun deux billets de parterre , aujourd'hui parquet, qu'ils donnent a qui bon leur femble. Meffieurs les Auteurs fe récrient contre cette délibération du comique Aréopage, & la regar- :  C 213 ) dent comme contraire a leurs intéréts. Ils préi tendent que c'eft ainfi aller contre le fage régie* ment qui force les Auteurs d'acheter, même k leurs pieces, les billets de parterre, afin de ■ prévenir toute cabale cn leur faveur. Au contraire, ici les Hiftrions deviennent maftres de faire tomber une piece quand ils voudront. Les Auteurs, en conféquence, fe difpofent a en parler au Maréchal de Duras; mais il n'y a pas d'apparence qu ils-aient plus de crédit fur ce point que fur d'autres plus effentiels & plus juftes, oh ils ont fuccombé. Le 15 Avril 1782. Molière d la nouvelle falie efl; décidément de M. de la Harpe; il en a recu les complimens dès qu'il en a vu le fuccès afluré. On favoit même, il y a'plus de fix mois, que le fupérieur 1'avoit chargé de faire quelque chofe pour cette époque; mais faché depuis, que cela fe fut répandu, on affeéta de dire que Ie bruit étoit faux, afin qu'il püt conferver l'incognito dont il précend avoir befoin pour réuffir. On étoit d'autant plus éloigné de croire qu'il füt pere de cet ouvrage, que la critiqué en porte prefque toujours a plomb fur lui, II y a des plaifanteries contre 1'Académie Francoife, & il en eft membre; il vient décréditer les drames, & il en a compofé, & fes amis en ont fait, & tout récemment ils ont été canonifés en pleine Académie; il perfifle les bureaux de bel efprit, les coteries favantes, & il vit perpétuellement dans ces förtes de fociétés; il s'éleve avec  C 214 j fureur contre ceux qui font cabaler pour eux, qui ameutent des próneurs, & il ne s'eft foutenu que par cet artifice. Mais un Poëte n'eft 1 pas obligé d'être conféquent, & 1'on peut compofer une jolie piece & être mauvais logicien. 1 Le 15 Avril 1782. M. le Duc d'Aumont, Gentilhomme de la chambre, eft mort ces jours- II ci; les gens de lettres fe fouviennent encore de ] la cruelle vengeance qu'il exerga, il y a plus de j vingt-cinq ans, envers le Sieur Marmontel pour ] une plaifanterie qui fut faite a fouper chez Mlle 1 Clairon contre ce Seigneur. II exigea la déten- II tion de 1'auteur, & lui fit öter leMercuredontle public étoit affez content entre fes mains. Le. 15 Avril 1782. Vendredi dernier 1'Abbé Pezana, Editeur d'une nouvelle édition de Me- I taftaze, qui eft aétuellement en train, a été ] trouvé dans fon lit baigné dans fon fang & s'é- ] tant étrangement mutilé. On a arrêté 1'hémorragie & 1'on efpere qu'il n'en mourra point. On donne plufieurs caufes de ce fuicide; on dit qu'il a été fol; on dit que c'eft par amour; on, ] I prétend enfin que la veuve Hériffant, chargée de 1'impreffion de fon ouvrage,fe trouvant trop en avance avec lui, vouloit retenir fes honoraires jufqu'a ce qu'elle füt remplie, ce qui 1'a- I voit réduit au défefpoir, que même dans le premier moment oh Pon 1'avoit interrogé fur le motif de fon étrange réfolution, il avoit répon- j du: c'eft cette Hériffant qui veuttout, il n'y a qu'a. lui porter cela, ce que j'ai de plus cher. j 1  C 215 } Quoi qu'il en foit, on ajoute que c'eft un mauvais fujet, qui avoit abandonné une femme & des enfans qu'il avoit en Italië. Le 16 Avril 1782. Extrait d'une lettre de Bordeaux du 9 Avril Je vous adrefTerai le plutót poffible la lettre du Roi au Parlement de Bordeaux en date du vingt-deux Décembre dernier: vous y verrez avec quelle délicateiTe on y ménage 1'amour propre des Magiftrats. II paroït que c'eft fur un dernier arrêté de notre Parlement du 23 Novembre précédent, qu'on s'eft déterminé a faire parler S. M. un langage plus doux & plus conciliant. Elle allure fon Parlement que fes lettres patentes du 23 Décembre 1780 au fujet du Sieur Dupaty ne renferment aucune inculpation, contiennent même un témoignage honorable de la haute opinion qu'elle a de cette Cour. Elle ordonne 1'exécution de fes lettres patentes enregiftrées le fept Mars 1781, en ce qui concerne le Sieur Dupaty, 6c le huit en ce qui concerne 1'Avocat général Dufaur de la Jarte. A Pégard de la pourfuite que le Parlement demandoit des prétendus libelles.contre lui, le Roi perfifte a vouloir que ce foit le Parlement de Touloufe qui en connoiffe par égard pour Ia propre délicateiTe des Magiftrats infultés cc qu'il s'agit de venger. Le renvoi k fes fonclions de premier Préfident fait tomber Partiele par lequel le Parlement follicitoit fon retour.  C «6 ) L'article plus chatouilleux oh cette Caur s'élevoit contre les différentes lettres patentes contenant des menaces, dont les paroles, toujours fubfiftantes dans fes regiftres, feroient pour elle un monument éternel d'opprobre, a été tourné d'une faeon auffi fatisfaifante que le permettoient les circonftances, puifque S. M. confent h ce que la claufe d peine de défobéijfance foit regardée comme non avenue. Enfin, le Rol en laifiant connoitre afon Parlement qu'il n'a pas ignoré 1'étrange maniere dont on s'eft joué de fes ordres pendant plus d'un an en n'adminiftrant pas la juftice, en prétextant des maladies pour ne pas fe trouver aux nudiences, lorfqu'on fe portoit bien pour aller aux affemblées de chambres & vaquer a fes plaifirs; en infiftant principalement fur la cefiation de la Tournelle , ce qui fait craindre que le grand nombre des prifonniers renfermés fi longtems n'y occafionne une contagion funeftea toute la ville, au lieu de févir, comme le bon ordre 1'exigeroit, contre ces prévaricateurs connus, leur per'met de fe retirer ,& ordonne qu'ils le déclarent dans la féance & fans défemparer; veut en même tems que les refians prennent auffi fur le champ des mefures efficaces pour continuer un fervice fi longtems interrompu, & finit par des promeffes encourageantes & flatteufes pour leur amour propre Voila, en attendant que je vous en envoie copie , 1'analife de cette lettre, précieufe acon- • ferver;  C 217 > ferver; mais que les Magiftrats ont peine k laïsfer percer dans le public, Le 16" Avril 1782, On a en effet diftribué gratis une brochure ayant pour titre: Détail de ce qui s'eji pajjé dans les expériences faites par M. Janin, les 18 & 23 Mars, en préfence des Commijfaires réunis de 1'Académie Royale des Sciences £f de la Société Royale de Médecine. Imprimé par ordre du Roi. II réfulteroit de ces expériences précifément Poppofé de ce qui a été dit dans 1'ouvrage précédent,auffi imprimé & répandu avec profufion par ordre du gouvernement, favoir que le vinaigre n'a pas la propriété de déftnfedler les folies d'aifance, lorfque le Méphitifme y eft pouffé a un certain degré, puifqu'un des vidangeurs employés dans cette circonftance en a été vief ime & a péri, & que beaucoup d'autres ont été incommodés. On affure que M. Janin réclame contre ces deux féances, & prétend qu'il y a eu de la jaloufie & de la méchanteté de la part des offi. ciers du ventilateur, intérefies adétruirePefficacité de fon invention. Le 17 Avril 1782. Le Mercredi dix de ce mois, jour oh 1'on repréfentoit pour la feconde fois, a la.nouvelle falie du théatre Francois on donnoit les Femmes favantes. Mad. la Com'. tefle de Genlis arriva avec fes pupjles & M le Duc de Chartres; ma lgré la préfence du Prince, le Gouverneur fut hué d'u ne maniere uès- lome XX. g  ( 2l8 ) défagréable- Peu après vint Mad. de Montefiba avec M. Ie Duc Ü'Orléans, & on les app'laudit fingulieremenc: les deux Dames fe trouvanc par b poütion de leur loge en face 1'une de 1'autre, il s'enfuivit pendant toute la comédie des alluüons de la part du public, fenfibles jusqu'a 1'indécence. Tout ce qu'il y a de ridicule dans le róle de Dorimene étoit reporté avec affeftation du cóté de Mad. de Genlis , & tout ce qu'il y a d'honnête & de naïf dans Ie róle d'Henriette étoit appliqué a Mad. de MonteiTon, vers laquelle on fe retournoit avec de grands battemens de mains, tandis qu'on ne jetoit fur 1'autre que des regards de dédain & d'indignation. Du rede, on ne ceffe d'enfanter des couplets fur fon* compte. En voici encore un nouveau fur 1'idée ridicule de fon livre de faire appvendre aux enfans 1'Ecriture Sainte par des tableaux ou 1'on repréfenteroit les principaux traits hiftoriques de ce livre, & oü on les leur feroit palier en revue dans une lanterne magique. Air du Serin. Ce n'eft plus la fainte écriture Qui révele la fainte loi: . Au milieu d'une chambre obfcure Deux chandelles donnent la foi. Notre évangile eft une optique: Laifk'Z la bible au peuple Hébreu, Et dans la lanterne magique Yencz connoitre le viai Dien.  X 219 )' Le 17 Avril 1782. On allure que Ie Roi ayant appris 1'heureux talent de M, le Marquis de Montesquiou, premier Ecuyer de Monfieur, pour rempl* fur le champ les bouts rimés les plus difficiles, lui en a propofé auffi dont il ne ■ s'eft pas tiré moins heureufement, quoique les idéés en foient plus Iugubres. Je réncontrai dimanchc un mort dans fon cercueil, Voyngeant triftem'ent fur Ie chemin d'Xrcueil. Au fond d'un corbillard, comme en un bon fauteuil, Deux Prêtres fe carroient & le couvoient de 1'ceil. Tout a coup reffieu rompt; la bierre fut l'é"cueil Qui joignit mes vilains a feu Monfieur d'Auteuil. C'étoit le nom du mort; il fallut dans un fiacre, .Emballer le défunt, les Prêtres & le Diacre. Du fort qui nous attend vojla le lïmulacre, Me dis-je ; le Mogol fur fon tróne de nacre , J„e vaincu maffacré, le vainqueur qui maffacre, Tót ou tard de Caron rcroplifftnt la polacre. Le 18 Avril 1782. Les Demoifelles Colomle, du Gazon, & VEfcot font trois Actrices de la comédie Italienne, qui en font les délices. L'une a beaucoup dè talent pour chanter les arietes de bravoure Italienne; elle a d'ailleurs une fuperbe figure. L'autre eft une fort jolie Actrice, qui brille furtout dans les opéra comiques francois; la troifieme eft une jeune perfonne fille du Sieur Clairval. Elle n'a débuté que depuis deux ans, & donne des efpérances, avec un maftre pour le chant ayant autant de goüt que fon pere. En jouant fur le nom de chacune de ces Actrices on a fait des couplets fort agréables que voici. K 2  C 220 ) Air: PUlis demandefonportrait. Circé, changeant 1'homme en Dieu, D'un feul coup de baguette, • Foumit la femelle au moineau, Le male a !a fauvette. Chez elle il faut s'appareiller: Si dans fes mains je tombe Qu'elle me transforme en ramier Car f ainte la Colombe. Air.:, ilfaut attendre avec patience. Ceil pour 1'indolente richeffe, Que 1'on inventa les fophas; Mais de ce lit de la molelfe L'ardent anïour ne fe fert pas. Peut-on, quand on a le coeur tendre, Avoir des couflins d'édredon? J'aimerois mieux cent fois m'e'tendre Toutes les nuits fur du Gazon. Air: Be Cajfandre. En prenant des bains dans un fleuve Mon mal de nerfs doit s'affoiblir: Je brüle de tenter 1'épreuve; Mais quel fleuve dois-je choifir? L'cau du Rhin n'eft pas aifez pure* Le Danube a trop de froidure, Le Sénégal feroit trop chaud: Je vois que le mal que j'endure Ne peut guérir que dans VEfcot. Le 18 Avril 1782. Voici une copie de  C 221 j lettre finguliere de la Cour des Aides de» la" ville de Clermont au Garde des fceaux , qu'oa donne comme authentique. Monfeigneur Nous avons eu 1'honneur de vous écrire... Vous ne nous avez pas répondu. Si vous avez lu notre lettre, vous ne 1'avez pas entendue; fi vous 1'avez entendue, vous n'en avez pas rendu compte au Roi. Dans ce cas vous nous trompez, & nous ne méritons pas de 1'étre; il faut qu'un Garde des fceaux fache bien entendre & répondre Le 19 Avril 1782. L'Impératrice des Rusfies a répondu a ia lettre du Comte de Bufton dont on a parlé, en remercfment des médailles dont elle 1'avoit honoré. Dans cette réponfe d'une page d'écriture, toute entiere de la main de cette Souveraine, en francois excellent & du meilleur go fit, 1'Impératrite témoigne k ce grand homme le defir qu'elle auroit de pcfieder fon bufie. En conféquence, demain dimanche, le fils unique de M. de Bufton part pour la Ruflle, il doit avant paffer a Berlin. Ce jeune homme, de la plus jolie figure & de la plus grande efpérance, eft Officier aux Gardes; il n'a pas 18 ans. Le 19 Avril 1782. Adtuellement que la fermentation qu'ont occafionné les noëls abominables qui ont couru Paris cet hiver, eft rafiife, ils font moins rares & on fe les communiqué par cet attrait pour la nouveauté, quelque exécrable qu'elle foit. 11 y en a vingt couplets. K 3  C 222 ) ils femblent être faits a 1'occafion de la naiffance du Dauphin. L'Auteur, qui n'épargne pas ce qu'il y a de plus facré, après avoir plaifanté la Divinité même; après avoir -dans fes calomnies atroces enveloppé toute la familie royale, excepté Madame la ComtelTe d'Artois & Mefdames, tombe fur les femmes de la Cour & les hommes. Entre ces denvers figurent le Duc d'Orléins, le Duc de Chartres, M. de Maurepas, M. Amelot, M. de Cafiries, M. de Miromefnil, M. de Monteynard, M. de Puyfégur, le premier Médecin Laflbne, & le Duc de Coigny en faveur duquel on renouvelle les foupcons répandus dans des pamphlets déteflables venus de chez 1'étranger. La Princeffe de Lamballe, Mad. la Ducheffe Jules, Mad. la ComtelTe Diane, Mad. de Fleuri, Mad-d'Offun, la vieille Maréchale de Luxembourg, Mad.deFougieres, enfin laPrincefiè de Henin, qui ferme la marche, font les femmes nommées de la maniere & avec des anecdotes les plus diffamantes. Le jugement qu'on cn a porté, comme ouvrage de littérature , eft tres-jufte: il n'en eft aucun qui ne foit d'une méchanceténoire, & peu oh il y ait quelque fel, quelque touïnure qui puifle annoncer de 1'efprit dans fon auteur; du refle, ils font affez correcl;s,& d'un homme qui a 1'habitude du couplet. Le 19 Avril 1782. Le Procureur au Parlement qui a été fi maltraité par M. le Comte de Chabrillant, fe nomme Pernot. Ce Seigneur  ( 223 > ne lui a point donné des féuflèts, comme on 1'a. voit dit d'abord; mais 1'a difiamé par un complot atroce pour 1'obliger de fortir de fa place & le faire arrêter; il 1'a traité de voleur, ce qui a provoqué la vigilance de la garde, & a rendu ce Procureur un moment 1'bbjet du mépris & de 1'indignation du public: mais la vérité s'eft bientót éclaircie; il eft forti du corps de garde, & avec quelques témoins qui fe font offerts d'eux-mêmes, eft allé faire fa dépofition chez un Comi#iffaire. Le procés fe fait avec une chaleur trop légitime, & les Chabrillant \oudroient faire venir 1'autorité ü leur fecours. Le 20 Avril 1782. Les bouts rimés étoicnt autrefois en vogue; même durant les jours brillans du fiecle de Louis XIV, c'étoit le jeu des beaux efprits. Cet exercice commence a revenir a la mode On a déja vu comment M. de Moutefquiou s'eft tiré avec beaucoup d'adreffe de ceux qu'on lui avoit propofés. En voici de récens, d'autant plus heureux qu'on '1'avoit en outre circonfcrit dans un fnjet qui étoit la nouvelle da départ du Pape pour Vienne. C'eft enyain que de Rome aux rives do Danube, Nöt-re amique Mupliti vient au petit galop. . Aujourd'hui Pierre Pönce, autrefois Pierre cube, li iliftilloit V&'fynttae , aujourd'hui le firop. De fon vieux baromettre en obfervant le tu^c, II doit voir qu'on perd tout quand on exige itog. M. L'avocat Marchand, jadis renommé pour lesplaifanteries, mais aujourd'hui glacé par 1'age, K4  C 224 ) a pourtant encore quelques étincelles; fur le même fujet il a enfanté Pépigramme fuivante. Le Pape, autrefois un tyran, Avec 1'Empereur entre en lice ; Mais les foudres du Vatican. Ne font plus que feux d'artifice. Notre Pontife en fes fermons Etalera de vains reprocbes; On fait qu'a Rome les canons Ont été convertis en cloches. Le 20 Avril 1782. Ce n'eft point feulement une addition a fon Tableau de Paris qu'a fait Monfieur Mercier, c'eft une refonte confidérable. Celui-ci eft en quatre volumes, & c'eft la feule édition qu'il avoue, comme faite fous fes yeux': il renie encore mieux certaine d'un Sieur Samuel .bauche pere, contreracteur mnerable, qui s'eft furtout appuyé fur celle qui a paru au mois de juin 1781 & qui, faite a cent lieues de PAuteur', eft elle-même très-imparfaite. On annonce que cet ouvrage doit avoir une fuite & que les tomes 5, 6 & 7 font fous preffe. Voila une rare fécondité. • Au refte,il y a en effet des améliorationsdans cette édition nouvelle, quelques articles font moins fuperficiels & plus foignées; mais le livre péchera toujours par le défaut de plan,d'ordre, de méthode, de goüt.. Des articles vagues, d'autres croqués a l'infini,de dégoütans & d'ennuyeux, en un mot, ce n'eft encore qu'un ouvrage de  C 225 ) de Libraire, c'eft a-dire compofé pour aller aux volumes,faire maffe & gagner plus d'argent en raifon de plus de papier noirci. • Le ai Avril 1782. Le Sieur Augé, Adleur recu depuis 1703, efl le feul que le théStre Francois aic perdu a la rentrée; il brilloic furtout dans Pemploi des valets qu'on appelle la grande livrée 11 avoit la taille fvelte & bien prife, une démarche Iefle, un mafque très-expreflif, un organe fonore & bruyant, beaucoup de gaïté & d'aifance; il plaifoit généralement• plus adroit que Préviile, il n'a pas attendu que le public s'en dégoütat;iI efl frès-regretté Le 21 Avril 1782. L'univerfité de Paris a perdu depuis peu dans la perfonne de M. Guerin, un de fes plus eftimables ProfelTeurs. il avoit un goüt particulier pour Ia poéfie Latine: il brilloit furtout dans lesparanymphes, exerci- • ces académiques, jeux littéraires, oh il favoit mêler des railleries fines a des louanges délicates. Son cabinet étoit une efpece d'entrepöt oh 1'on venoit s'approvifionner de difcours, de complimens, de vers, douvertures de thèVes C'étoit un autre Abbé Pelegrin; mais fa piécé filiale anobhffoit ce commerce en confacrant les bénéfices a faire fubfifler une mere & une fceur. M. Guerin avoit fait imprimer peu de chofes Le plus eftimé de fes ouvrages eft 1'oraifon fu-' nebre de feu Monfeigneur le Dauphin, pere du Roi; & 1'époque la plus raémorable de fa vie K S  ( 226 ) efl celle oh, en qualité de Reéteur, ileutl'honr.eur de complimenter le Parlement k fon rappel en 1/74- Le 22 Avril 1782. On peut juger du gout du public pour les tableaux du Sieur Greuze, par ce qui vient de fe paffer k la vente du Marquis de Menar: un des liens a excédé infiniment de prix les plus chers, comme on en peut juger par la comparaifon. N'. 6. Un Payfage mêlê de ruines,de 28 pouces de large fur 22 de haut, par Nicolas Berghem; 5802 liv. N°. 42; VAccordie de village , de 3 pieds & demi fur 2 pieds 9 pouces, par J. B. Greufe; 16650 liv. N". 51. Les Enfans tués par les Ours, pour avoir infulté le Phophete Elifée, de 4 pieds de large fur 3 de haut; par Laurent de la Hire; 6710 liv. N J. 132. Jupit'er métamorphofê en Satyre, dêcouvre & réveille la Nymphe Antiope; de 26 pouces fur 22; par Carle Vanloo; 3151 liv. No. 137. Une Tempête au bord de la mer, 6? un 'Payfage enrichid'architetture ,montagnes, lointains &c. Deux tableaux de 4 pieds 3 pouces fur 2 pieds huit pouces faifant pendants; par jofeph Vernet; 6621 liv. Le 22 Avril 1782. M. de la Blaneherie, fort étourdi de tous ces Mufées qui s'élevent & décreditent le den, cherche de tems en tems k ramener fur lui les yeux du public. En conféquence, il pu-  ( 227 ; blie une lettre par la voie du journal de Paris, ou il rappelle d'abord ce que c'eft que fon établiiTement de la Correfpondance générale 6? gratuite pour les fciences & les arts. Une correfpondance & une relation prompte & intime non-feulement entre les favans cc les artiftcs de tous les pays, mais encore entre ces mêmes favans & artiftes & toutes les perfonnes auxquelles leur eommunication peut être utile & agréable. Tel en eft le but. Un chef-lieu gratuit de correfpondance pour tous les détails relatifs aux fciences cc aux arts: en voiid .les moyens. II en fait enfuite Phiftoire. La fondation du chef-lieu devoit fervir a deux chofes, a la correfpondance pas lettres, cc a celle par perfonnes. De la fa feuille Jiebdomadaire, réfultat de la premiere, ohfe trouve une notice prompte óc fuivie des favans & des artiftes de tous les pays, des-découvertes cc des ouvrages en tout genre. Cette feuille a pour titre: Nouvelles de Ia République des Lettres. La feconde a procuré un point de réunion pour les favans, les artiftes, cc les amateurs nationaux cc étrangers, ainfi que pour les produdtions des fciences & arts en tout genre, fous le titre é.'AJJemblée ordinaire des favans & des artiftes. Cinq eens foufcripteurs pour la feuille de la Correfpondance au bout d'un an de fon inftitution, fuffifoient prefque aux frais é\x chefrlim» K 6  C 228 ) lorfqu'un deficit de deux eens foufcriptionsj caufé par la guerre, forca en 1780 a la fufpenfion de la feuille & de 1'aiTemblée.' Le Sieur de la Blaneherie ne pouvant compter fur les bienfaits du Gouvernement, dans fa pénurie eut recours a la munificence de quarante grands Seigneurs, ayant Monfieur a leur tête, qui ont bien voulu faire les frais de remplacement. 11 donne la lifte de tous ces amateurs & rien de plus glorieux pour les fciences & les arts: ils font tous Princes, Ducs, Marquis ou Comtes. 11 fut donc rendu h fes fonélions en 1781. L'ardeur du gain s'accroilTant, il a imaginé d'étendre la fociété d'abord a toutes les perfonnes de nom d'un rang diftingué qui voudront apporter leur argent; puis de leur réunir encore fous le titre d'AJJociês tous les bons citoyens de larépubüque des lettres & des arts qui auront deux louis a facrifier. II affure que ce projet a parfaitement réufli, c'eft-a dire que Pargent eft venu en abondance, & en telle abondance, qu'il a été réfolu de rendre reverfib'es aux artiftes qui auroient befoin de fecours, les fonds excédant lés frais néceffaires du chef-lieu. Le 22 Avril 1782. On allure que 1'Académie Francoife doit inceflamment proclamer un nouveau prix extraordinaire & annuel, fondé par un citoyen qui ne s'eft fait connoltre qu'au Secrétaire de la Compagnie, & veut d'ailleurs garder Yincognüo. Ce prix fort fingulier fera décerné a 1'auteur d'un aSte de vertu pris néces.  C 229 3 fairement dans Ia bourgeoifie & principalement dans les derniers rangs de la fociété. II doit confifter en une médaille provenant de 1'intérêt en viager d'un capital de j 2,000 liv. Voila tout ce qu'on en fait jufqu'a préfent. Le 22 Avril 1782. M. 1'Abbé de Crillon delivre a fes amis une traduétion du difcours dont S. M. Catholique a accompagné fes bienfaits en vers le Duc fon frere. „ Je vous ai fait Capitaine général de mes „ armées, pour vous donner un grade militai,, re, comme a tous les autres qui m'ont bien „ fervi; mais je me fuis réfervé le plaifir de 3, vous dire moi-méme que je vous fais Grand: 5, c'eft une vieille dette de mes ancêtres envers ,, les vötres, pour les bons fervices qu'ils leur „ ont toujours rendus, & une vraie fatisfaction „ pour 'moi de payer ceux que vous venez de j, me rendre". Le 23 Avril 1782. Supplément d l'Efpion Ar., glois, ou Lettres intérejfantes fur la retraite de M. Necker; fur le fort de la France 6? de l'Angleterre, & fur la détention de Me. Linguet d la Bajlille. Adreffées a Milord All-Eye t par 1'auteur de l'Efpion Anglois. Si 1'on en croyoit un Avertiffement du Libraire, le manufcrit de cet ouvrage lui auroit coüté fort cher , & il auroit eu grand tort. Peu de faits & beaucoup de bavardage, tel efl le réfultat de ce pamphlet, très-condamnable d'ailleurs par des propos calomnieux contre les plus K 7  augufles perfonDages. II eft facheux que 1'Auteur, qui femble avoir cependant de 1'honnêteté & de bonnes vues, fe foit permis un ton aufïï effréné. 11 eft-aifé de voir qu'il ne peut nullement être le même que celui du véritable Efpion Anglois, malgré les éloges que lui prodigue Pinconnu qui a oi'é fe traveftir fous fon nom. Le 23 Avril 1782. 11 paroït que M. de La Blaneherie fentant la futilité & le vuide de fon inftitution, voudroit pour la confolider, 1'étendre & renplacer la Société libre d'Emulation; mais celle ei s'étant déja éteinte deux fois, la première ayant un Prince du fang a fa tête, & la feconde guidée par les gens les plus intrigans & les plus aétifs de Pdris, doués d'ailleurs d'un vrai talent, très-répandus, trés-accréditéschez les Grands, quel efpoir fondé peut avoir un inconnu dans la littcrature & dans les arts? Quoi qu'il en foit, c'eft pour en venir a ce but, qu'il a fans doute imaginé d'amorcer la cupidité des Artiftes en leur annoncant des fecours provenus de fon fuperfiu. En conféquence, il s'eft formé un comité de quatre affociés, préfidés par des grands Seigneurs, pour furveiller 1'adminiftration générale dont il ne fera plus que 1'organe. 11 eft queftion a préfent de drefler des ftatuts. Le comité eft compofé de Meffieurs lesDucs de Charoft & du Marquis de Crufib! pour la Chambre haute; & des.Curés de St. Germain 1'Auxenois, de Bondi, Reeeveur général des  C 231 ) finances, de Mirbeck, Avocat aux Confeils, & Bro, Notaire pour la Chambre baffe. Car on voit que 1'affemblée Te divife naturel, lement en deux claffes: ceile des protecteurs, & celle des affociés ou protégés, qualité qui ne doit pas plaire infiniment a tout le monde. Le 23 Avril 1782. On ne concoit pas quel .goüt d'argent s'eft emparé, de M. le Duc de Chartres, & le pouffe a des ?£tions peu dignes d'un Prince.' II faut fans doute rejeter tout cela fur fes gens d'affaires. Tel eft le trait qu'on raconte depuis quelques mois & qu'on n'a voulu rapporter qu'après en avoir conltaté 1'authenticité. II eft d'ufage qu'au manage des Princes le Roi accorde pour préfent de noces ijo,oco livre?. M. le Duc de Chartres a fait demand.r cette fomme au Duc d'Orléans fon pere. Celuici a répondu qu'en dépenfant 8co 000. liv. pour les fêtes du mariage de fon fils , il croyoit avoir amplement fatisfait aux intentions de Louis XV. Malgré cela, les confeils du Prince ont prétendu qu'il ne pouvoit, a caufe de fes enfans , fe départir de fon droit, & en conféquence le Duc d'Orléans a été afligné. Madame de Monteffon, inftruite de ce mauvais procédé, lui en a porté fes plaintes un jour qu'il eft venu la voir, lui a dit que le Duc d'Orléans n'avoit point d'argent & lui a préfenté fes diamans pour gages de la fomme: le Duc de Chartres honteux les-a refufésj Mad. de Monteffon, pour arrêter le cours  C 232 > d'une procédure auffi défagréable au Prince fon époux, les a envoyés a fon Altefle qui les a gardés. M. le Duc d'Orléans, inftruit du beau procédé de Madame de Monteffon, n'a pas voulu étre en refte, a fait 1'impoffible pour trouver les 150 000 livres & retirer les diamans. Le 24 Avril 1782. De toutes les caricatures imaginées jufqu'a préfent a 1'occafion de la guerre, celle appêlée le Magnificat eft fans contredit la plus jufte & la plus ingénieufe. Dans le médaillon qui occupe le centre fe voit un léopard terrafiequi défigne 1'Angleterre; 1'Amérique fous 1'emblême d'un ferpent 1'enlace & cherche h 1'étrangler: un lyon qui eft 1'attribut de 1'Efpagne, tient en arrét 1'animal féroce, tandis qu'un coq s'ébat fur lui & triomphe de fa chute. On concoit facilement que ce dernier caraótérife la France, Au bas eft le globe refferré d'une jarretiere, fur laquelle eft écrite la devife Honny foit qui mal y pen/e; on juge que cette jarretiere annonce 1'ambition de 1'Angleterre, qui voudroit avoir la domination univerfelle des mers, & du monde conféquemment; mais la jarretiere précifément fe rompt au méridien de 1'Amérique , époque de Ia fin de fa puiffance; & Ia devife de 1'autre bout de la jarretiere eft, Qui trop em» brajfe mal ètreint. L'eftampe tire fon nom du Magnificat, paree qu'on lit en tête !e verfet de ce pfeaume, expreffion prophétique de ce qui fe pafte de nos  C 233 ) jours: Difperjit fuperbos merite cordis fui. L'exergue portè deux légendes; 1'une en latin, poft cottum omne animal trifie prater galkm: ceïfé'-ci fans doute eft relative a la France; 1'autre concerne les fautes du miniftere de 1'Angleterre, fon imprudence, préfomption, orgueil, tyrannie, humiliés. Aux quatre coins de 1'eftampe font répétées les têtes des figures principales de cette fcene i -allégorique. Au haut a droite eft la tête du lion, en face celle du coq, au deffous de celuici la tête du léopard, & a 1'autre angle la tête du ferpent.- Entre ces' deux eft une apoftrophe du dernier, ne marcbe pas fur moi. Auprès du léopard on voit un faifceau de fleches caraftérifant la Hollande, & autour s'entortille de nouveau le ferpent;. mais en llgne d'union, image de celle qui fe doit établir entre les deux Républiques. Au bas de Ia mappemonde eft un chifre compofé de deux lettres un G. & un M. ce qui eft Ie Juron de 1'Angiois, God-dem; & au deflus, Ta l'as voulu. Le 25 Avril 1782. Le Grand - Aumönier a vifité les prifons, ainfi qu'il y étoit autorifé par le Roi, & non-feulement a rempli fa miflion avec beaucoup de zele, mais 1'a étendue aux objets qui ont excité naturellement fa commifé» ration; tel eft le pain des prifonniers, qu'il a trouvé fi déteftable, qu'il en a pris un échantilIon, 1'a fait goüter k S. M , & a été chargé par elle de pourvoir a ce qu'ils en euffent de meilleur.  ( 234 ) M. Ie Cardinal de Rohan ayant auffi trouvé dans les prifons un homme tout en fang, il tui a demandé qui 1'avoit ainü maltraité? II a répondu que c'étoient les Commis des barrières; fon Éminence en a pris note, & ces Commis en effet s'étant trouvés coupables ont été tous caffés. Le 25 Avril 1782. Les lettres viennent de perdre a Lyon un difciple eftimable en la perfonne de 1'Abbé de la Serre, mort le 2 Mars. • II étoit entré de bonne heure a 1'üratoire , & en étoit forti a prés de 60 ans. II eft auteur de plufieurs pieces de poéfie couronnées dans différentes Académies de province; il a compofé auffi différens éloges & une poétique élémentaire. Son ouvrage !e plus connu eft un Pcême de l'Eloguence. Quoi qu'il ne fut pas membre de 1'Académie de Dijon, il eut occafion de fe trouver a une féance de cette afferoblée oh iiégeoit ie Prince de Condé: il recut de fe& mains le prix d'éloquence qu'il venoit de remporter, & S. A. 1'invita a lire quelques morceaux de fon poême non encore achevé, & qui ne 1'a été que peu de tems avant fa mort. Les erxouragemens du Prince ne contribuerent pas peu a 1'engager d'y mettre Ia derniere main. Le 25 Avril 1782. On peut fe rapeler un Abbé Frangois, auteur de différens ouvrages en faveur de la religion. II eft: mort depuis peu, & 1'on avoit envoyé fa notice au journal de Paris, qui ayant réuni le nécrologe a fa feuille,.  ( 235 ) devoit fe faire un point d'houneur de remplir fes engagemens a cet égard. Meffieurs de ce Sanhedrin littéraire n'ont pas jugé a propos d'en faire ufage; ils ont prétexté que M. de Voltaire étoit traité trop durement dans la notice. On a été obligé de la faire inférer dans le journal de Monfieur, oh Pon a rendu compte des difficultés des Journaliftes. Le 06 Avril 1782. On a fait déja mention de la nouvelle mode des Jeannettes. Voici une chanfon qui en confacre la mémoire a la poftérité, fur Pair: que ne fuis-je la fougere? PreTumant trop de ma lyre J'ai promis a ma Lifon, Dans un acces de délirer Sur fa croix une chanfon. Parmi des vers de co.mmande, Si Lifon veut m'erj pafTer Quelques-uns de contrebande, Je fuis prét a commencer. Ce que le monde re'vere Comme un figne de chrétien, Par une vertu contraire, A de moi fait un payen. Ah! fe peut-il que je chante, Sans offenfer FEternel, Une croix qui ne m'enchanre Qu'a catife de fon autel? Jufque fur un fein d'albatre Je contemple cette croix;  C 230- ) Si j'ai tort d'être idolatre Des deux larrons que je vois ,, Lifon, ma faute eft 1'ouvrageDe ce couple fédufleur, Fier fans doute de 1'hommage' Qu'il de'robe au Rédeinpteur» A peine mon ceil profite De ce figne du falut, Le mouvement qui 1'agite Me dépêche a Belzébut: En vain je me fens coupable, Je ne crains que tes rigueurs; Et j'irois cent fois an Diable Pour une de. tes faveurs.. Si quelqu'ün fur ma dofïrme Venoit ü me chicaner, Que lui-même s'examine Avant'de me condamner. Faut-il outrer la cenfure Contre un foible & tendre ccsur^ Trop plein de la créature Pour penfer au créateur ? Le 56 Avril 1782. M. de Bellegarde, Offfeier d'artillerie fi fameux depuis le CoDfeil de guerre des Invalides, a propofé au Gouvernement de faire l'eiTai de boulets révêtus d'une compafition dont il a le fecret. ïl s'eft trouvé qu'un boulet femblable mettoit le feu partout oü il s'attachoit, fans qu'on püt 1'éteindre d'aucune maniere s même avec de 1'eau: c'eft une  C 237 5 efbece de feu grégeois. Cependant on n'eft pas encore parfaitement content en ce que Pon n'a oppofé pour but a ces boulets que des planches & non de forts & épais rnadriers, tels que font les cötés des vaiffeaux. Le 26 Avril 17R2. Les Comédiens Italiens, non moins féconds au commencement de cette année dranjatique que durant la précédente, donnent déja une feconde nouveauté qui a été jouée hier. Elle a pour titre: Le Poëie fuppofé ow les Prêparatifs de fête, comédie nouvelle en trois aftes, en profe, mêlée d'arietes t? de vaudevilles, fuivie d'un divertiffement. Comme les paroles font de M. Laujeon, Secrétaire des commandemens de M. le Prince de Condé;tout le .parterre étoit infeété de cabaleurs qui ont porté la piece aux nues. Les gens fenfés Pont trouvée trés - médiocre & ne favoient ce que vouloient dire ces bravo, ces braviffimo qui les étourdiffoient. A la fin on a crié 1'Auteur pendant plus d'une demi-heure. La mufique du Sieur Champein, quoiqu'agréable, n'eft pas non plus au degré d'excellence pour exciter tant de brouhaha. Quand cet enthoufiafme faftice fera diminué, on pourra mieux juger la nouveauté dont il s'agit. Le 26 Avril 1782. Dernierement un Seigneur Anglois(Drapper, Iefecond du Lord"Murray) commandant a Minorque, venu a Paris fur fa parole, dinoit chez Ie Comte de Vergenaes; comme jl trouvoit excellent cenain vin  C 238 3 que lui fit fervir le Miniftre, M. de Vergennes lui dit: j'efpere, Monfieur, que vous en viendrez boire davantage k la paix. A 1'inftant 1'étranger entre- en fureur, s'écrie qu'il n'en doit pas être queftion encore; que 1'Angleterre ne favoit pas faire de paix,, hümiliante, & qu'elle ne pourroit la faire que telle dans ce momentci. Le miniftre le raffura en lui declarant que le Roi fon maftre étoit incapable d'aBufer de fes victoires; qu'il ne vouloit point humilier fes ennemis, mals les rendre k la raifon & è 1'équité. Cette réponfe modérée calma un peu la fougue du Colonel frénétique. Le 26 Avril 1782. M. le Préfident d'Ormeflbn continue a remplacer M. d'Aligre avec beaucoup de zele & inflniment plus de dignité. M, de Watronville, aide des cérémonies étant venu, en 1'abfence du Grand-Maftre, apporter au Parlement la lettre de cachet pour la cérémonie annuelle de Ia réduction de Paris, & ce petit - maïtre ne s'étant pas comporté, en fe préfentant devant la Cour, avec la décence & le refpect convenable, M. d'Ormeflbn, qui préfidoitla grand' chambre, lui dit: „ M. Watronville, quand vous apportez i „ la Cour les ordres de votre maïtre, il faut „ remplir le cérémonial ufité, faire de droite ,, & de gauche & aux diftérens bureaux toutes „ les révérences d'ufage, & furtout les faire ,, très-profondes. N'oubliez jamais le refpeét „ que vous devez a la Cour, & profkez de  C 239 ) - ^ cet averti flemen f. " ' M. de Tanley qui, de Confeiller au Parlement, s'eft fait premier Préfident de Ia Cour des Monnoies, s'étant avifé de venir voir en fimarre M. d'Ormeftbn, il le plaifanta fur cet accoutrement & lui dit: on voit bien que vous venez voir vos anciens amis,en habit dumatin, en frac... M. de Tanley déconcerté ayant prétendu que c'étoit une fimarre, attribut de fa dignité, non, dit-il, ce ne peut pas être une fimarre,- c'eft une mafcarade de carnaval, autorifée par la faifon. II faut favoir que le Parlement fait peu de cas de la Cour des Monnoies & a peine a la regarder comme Cour fouveraine; on dit que depuis ce perfiflage M. de. Tanley a quitté fa fimarre. Le 27 Avril 1782. M. de la Harpe a déjè. fait imprimer fa piece ayant pour 'titre Molière ü la nouvelle falie ou les audiences de Thalie, comédie en un afte & en vers libres. On a vu avec étonnement en tête, ces mots: par une fociétê de gens de lettres, & 1'on a fu qu'en effet Madame Bellecour & Ie Sieur du Gazon avoient été pour quelque chofe dans cet ouvrage. • M. de la Plarpe a la générofité de faire une préface expres pour anDoncer au public cette léunion de talens & de lumieres, & il infifte beaucoup la •• defius, afin qu'on-ne prenne pas Ia chofe pour un perfiflage. 11 eft vrai qu'il profite del'occafion & toir.be fur 1'Abbé Aubert, " auquel il en devoit depuis fajeanne, & fur M.  C 240 ) de Charnois. Celui-ci lui tient fans doute encore plus au cceur, car la préface efl; fuivie d'une lettre a un amateur du fpedtacle ad hoe, ou il ne plaifante pas mal ce chargé de Partiele des fpectacles au Mercure de France, de la ridicule importance qu'il met a fon róle, & da froid pédantifme avec lequel il 1'exerce. Ces deux morceaux préliminaires ne font point du tout déplacés, & difpofent merveilleufemenr au rire fardonique qu'excite enfuite plus complettement fa comédie. Le 27 Avril 1782. Les plaifans d'icK, ne refpettant rien, continuent a s'égayer fur le Saint- Pere, fur fes calices, fur fes bénédictions, fur la confiance avec laquelle il a été obligé de fe montrer jufqu'a fix fois a fon balcon pöur y recommencer a les donner au peuple ne fe lafiant point de les recevoir. lis ajoutent qu'il va bientót quitter Vienne ok il finira par deux mefles, 1'une fans Credo pour 1'Empereur, & 1'autre fans Gloria pour lui. Le 28 Avril 1782. L'Académie Franeoife publie effeftivement le ProfpeSlus du prix extraordinaire & annuel qu'on a annoncé. Voici d'abord le mémoire de 1'anonyme, fondateur du prix adrefïé h cette Compagnie. Meffieurs, ,,.Tous les genres de talens obtiennent des „ récompenfes, la vertu feule n'en a pas. Si }, les mceurs étoient plus pures & les ames' plus „ éjevées, la fatisfaótion intérieure d'avoir fait „ ie  t 241. ) 3, le bien feroit un falaire fuffifant du facrifice „ qu'exige la vertu: mais, pour la plupart des }, hommes, il faut êc dTmpriméufs & fans privilege n'y permis', fion ainfi que des articles de vos remontrances souchant ces imprimés, des confidérations importantes qui intéreiTent également votre délicateiTe & le bien de la juftice, nous ont détermrnés a en attribuer la connoiffance a notre Parlement de Touloufe. A 1'égard du Sieur le Berthon, premier Préfident de notre Parlement de Bordeaux, nous avons bien voulu le renvoyer a fs fonétions, & nous comptons qu'il vous donnera 1'excm' ple de la foumiffion que nous doivent les membres de notre Parlement & du zele que tous & chacun d'eux doivent apporter au bien de notre fervice & a 1'adminiftration de la juftice. Ce que nous pouvons faire de plus favorable pour notre Parlement,eft de vouloirbienregarder comme non avenu tout ce que vous vous êtes permis de dire fur nos ordres particuliers & Partiele de votre arrêté qui tend k nous fuo- plier de retirer toutes nos lettres patentes dans léfquelles eft inférée la claufe a peine de déroheh. fance.- Nous n'aVons d'autre objet dans cette • lettre que de ramener k leur devoir' par notre bonté paternelle ceux d'entre vous qu'une er» reur ficheufe a femblé en éloigner.- Nous avons vu, par les extraits des regiftres, plumitifs des différentes Chambres de notre Parlement, que, malgré Pabfenee de ceux d'entre vous que leur- fanté ou des aceidents i-mprévusa?voient obligés de nous- demander la permiffioai  de fufpendre leur fervice, les Chambres des enquêtes & requêtes de notre Parlement ont toujours eu dans leurs féances un nombre fuffifant de juges, & que la Grand' Chambre & Tournelle ont été les feules oh 1'on a manqué de Juges, quoiqu'il y ait toujours eu a Bordeaux un nombre fuffifant d'Officiers deftinés au fervice de ces deux Chambres. xt^.-ic n<7nnc nhfWvé' fine nlufieurs d'entre vous ? quoiqu'en fanté & étant a Bordeaux, ont négligé de le rendre au raiais pour jes auaien. ces & pour le jugement des Procés, tandis qu'ils ont été exaétement aux Chambres afiemblées. Ils auroient dü remplir également tous les fervices auxquels ils étoient tenus. Les caufes n'ont pu être expédiées3 les procés criminels n'ont pu être jugés, & il eftacraindre que le plus grand nombre de prifonniers raflem- j blés dans les prifons n'y occafionne une contagion qui fe communiqué dans notre ville de j Bordeaux: nous voulons faire cefler ces inconvéniens dangereux. Quiconque embrafle I'état de la Magiflrature, I Pembraffe librement. Les épreuves que fubis- j fent ceux qui font admis dans nos Cours alTu- j rent qu'ils doivent connoltre en y entrant Yétendue des obligations qu'ilscontracl:ent,&com- j bien efl: refpeélable la religion du ferment que lious avons fait a Dieu de faire rendre juflice k j nos fujets, & que les Magiftrats ont prété a j Dieu ct a nous de la rendre a notre décharge, j  f 251 ) Nous vous rappelons tous a ces obligatïons & a ce ferment facré par lequel cbacun de vous efl: I hé, que nous voulons bien croire qu'aucun n'a eu intention de violer, mais dont quelques - uns fe font écartés par une erreur dont notre fagefie j veut enfin les retirer. Si quelques-uns de vous, ce que nousnepouvons préfumer, étoient capables de refufer de fe conformer a la volonté dans laquelle nous fommes de rétablir 1'union & la paix entre tous les membres de notre Parlement, & de faire rendre fans interruption bonne juftice a nos fujets, nous leur permettons derenoncera leurs .'fonftions, & nous leur ordonnons de le décla; rer fur le regiftre & avant de défemparer, dans la féance oh cette lettre fera lue. Dans ce cas, notre volonté eft que ceux qui refleront dans notre Parlement prennent auïfitót, & avant de défemparer, les mefures & • les arrangemens néceflaires pour que le fervice fe fafle, dans toutes les Chambres, conformé■ ment aux régiemens établis pour le fervice & la difcipline de nötre Parlement. Et les Pré! fidens des Chambres feront attentifs a nous envoyer exadlement les extraits des plumitifs de leurs Chambres, conformément a nos précé', dens ordres. 1 Ceux qui nous donneront des marqués de 1 leur zele pour notre fervice doivent compter fur notre affedlion, fur notre confiance & fur ; notre Protecfion. L 6  I Ê'xt'raft des regijlres du Parlement. La Cour j toutes les Chambres aflemblées, lecture faite de la lettre du Roi du vingt-deux Décembre dernier, a délibéré qu'il feroit formé un bureau de Commilïaires pour avifer aux objets contenus dans les premiers articles des or^ dres de fa Majeffé; mais ladite Cour n'a pu eontenir 1'expreffion de la douleur profonde dont la pénetre Partiele de la lettre dudit Seigneur Roi, par lequel il paroït que les Officiers de fon Parlement ont été étrangemeot ïnculpés auprès de fa Majefté, puifque 1'on eftparvenu a faire foupconner au Seigneur Roi. qu'il y avoit dans fon Parlement des Magiftrats capables de fe refufer au rérabliffement de 1'u-' nion & de la paix, a la diftribution de la justice, qui auroient la lacheté de fceller de leur nom cette difpofition déshonorante & de confacrer leur honte dans un monument qui doit? pafler h la poftérité. La Cour voulant prévénir les mouvemens deJa fenfibilité que ce foupcon excite chez desIVlagiftrats, auroit cru faire injure a chacum d'êux en mettant un pareil objet en délibération; mais elle a arrêté que, puifque fon mal. beur eft tel qu'il faut qu'elle établiife fes principes pour en prouver la pureté, elle protefte que fon vceu le plus ardent eft de voir l union& Pa paix régner dans fon fein ,. qu'elle eft difpoféc a faire a cet objèt tous res facriftces que 1'hon' aear peut. ayouerpptefte laaite Cour qu'elle •  n'a jamais perdu de vue que 1'adminiftration dè ]a juftice eft fon devoir le plus important; que c'eft une dette qu'elle a contraêtée fous la foi du ferment , & que chacun des Magiftrats qui la compofent s'eft confacré au fervice du Roi & k Putilité publique; dévoument très-honorable par fon objet & dont la bienveillance du Souverain & 1'eftime du public peuvent être Ja feule récompenfe, mais devenu trop pénible par les coups multipliés auxquels il expofe. La Cour déclare enfin- qu'après 1'inutilité de fes réclamations, il ne lui auroit refté d'autres reflburces que de renoncer volontairement a Pexercice de fes fonctions cc de fupplier le Roi d'agréer ce facrifice; mais ce rooyen extréme lui eft encore enlevé par 1'interprétation que 1'on pourroit dónner auprès de fa Majefté aux motifs de cette démarche. Fait a Bordeaux err Parlement, toutes les Chambres'affemblées, le vingt Février 1782. Le Mai 1782. Extrait: d'une lettre der Bruxelles du 25 Avril. .. Vous ne connoifiiez 1'Abbé Néedham que par les mauvaifes plaifan» teries de M. de Voltaire,& vous medemandezune notice fur ce favant, mort ici le 30Décembre 1781. II étoit né a Londres en 1713 d'une familie; illuftre & d'origine faxonne. Son pere ayant laifle k fon décès plufieurs enfans en bas age & peu.aifés,. celui-ci prit 1'état eccléfiaftique, &agrès avoir profeffé les:belles.lettres &• la philQy h 7;  C 254 > fophie en Angleterre & a Lisbonne, il accompagna dans leurs voyages de France, de SuiiTe, d'Italie &c. plufieurs jeunes Seigneurs Anglois. En 1768, las de cette vie errante, il fe fixa dans le féminaire des Anglois a Paris, ou il fe livra totalement a 1'étude de la phyüque & de 1'hifloire naturelle. A cette époque il fut nom. mé correfpondant de 1'Académie des Sciences de Paris. Dès 1749 U avoit été recu membre ordinaire de la Société Royale de Londres, & Pon doit obferver qu'il eft le premier Eccléfiaüique catholique que cette Compagnie ait adopté comme membre ordinaire régnicole. Au commencement de 1769 il fut invité par le Gouvernement des Pays - Bas Autrichiens, a venir concourir a 1'établiiTement d'une Société littéraire è Bruxelles; il en a été Directeur pendant onze années confécutives. Cet Abbé eft peu connu dans le monde, paree que fes travaux , quoique très-nombreux, 'n'étoient propres 'è le faire connoïtre que des favans. 11 a été éditeur de plufieurs ouvrages eftimés d'eux & eu a traduit ou compofé onze, au nombre desquels fe trouvent les nouvelle) Obfervations microfcopiques qui provoquerent les farcafmes du Philofophe de Ferney. II le qualifia, croyant le rendre plus ridicule, de JéfuiteIrlandois,quoiqu'il füt trés bien que Néedham n'étoit ni Jéfuite, ni Irlandois Le 2 Mai 1782. Outre Pafte d'autoritéexercé par le Miniftere pour empêcher 1'effet de Par-  C 255 ) rêt du Parlement en Faveur du Sieur Beresford; on fait qu'il y a eu Requête préfentée au Confeil , & qu'il a été callé. On vent que le Parlement, trés - mécontent de ces acles irréguliers & defpotiques, doivefe réunir a cet effet demain pour ayvifer a ce qu'il y auroit a"faire, ce qui exige néceffairement 1'affemblée des Chambres. Le 2. Mai 1782. L'Académie Francoife ayant appris par 1'un de fes membres & a 1'infcu de Mad. Harriague, petite-fille de Racine, que cette Dame, chargéede familie, avoit trèspeu de fortune, en a informé le Roi, Protecteur de cette Compagnie, & S. M. a accordé fur le champ a Mad. flarriague une penfion de 1200- liv. Le 2 Mai 1782. Un M. Grouber de Groubental, connu dans la République des lettres par plufieurs ouvrages, & par un féjour affez long a la Baftille, avoit annoncé, par la voie du journal de Paris, qu'on avoit dépofé chezlui un morceau fait pour intéreffer également les favans, les curieux , les amateurs. C'étoit 1'urne cinéraire contenant les cendres de PEmpereur Aléxis Comnene fecond, mort a Trébizonde en 1203. Cette piece parfaitement confervée avoit été découverte en 1773, auprès de Trébizonde, par le Comte de Tottleben, Officier général au fervice de la Ruffie, en faifant fouiller a des retranchemens ou s'eft trouvé le tombeau de 1'Empereur. Un M. Bourguignon de Saintes s'éleve aujom>  C 2J6- y dr'hui contre ce monument, & prétend que creft' une impofiure; qu'il eft 1'ouvrage d'un Francois. Le 2 Mai 1782. Les Comédiens Italiens annoncent pour demain la première repréfentation du Vaporeuxy comédie nouvelle en deux actes, en profe. Le 3 Mai 1782. MM. Pris & Barré font tellement humiliés des bonnes & mauvaifes plaifanteries dont on les a accablés, qu'ils n'ofent riea rifquer & reftent dans un filenoe qui ne leur étoit pas ordinaire. M. Guichard vient d'enfac» ter encore une Epigramme qui porte a plomb fur leurs ouvrages; elle eft adrelfée au plusinfolent des deux.- Ton- Pegafe, Piis, eft' tombé dans 1'orniere-:'Le Dieu du goüt t'a fermé fojitum Au bon Jefus je fais cette priere: Auge Piis ingenium- Ces' mots tirés de quelque breviaire Ont pöfa trés - plaifans. Le 3 Mai 1782. En effet, fes Chambres ont été affemblées aujourd'hui, oh 1'on a dénoncs un arrêt du Confeil des dépêches rendu du propre mouvement du Roi le vingt-fept Avril 1782' dans 1'affaire de Mad. Hamilton. En voici lateneur remarquable: Le Roi s'étant fait repréfertter en'fon Confeit" 1'arrêt de fon Parlement de Paris du vingt cinqMars dernier, rendu- für les' confeilations qui itoient pendan tes entre le Sieur Bem>rniifBe«»-  C 557 ) ford d'une part, & le Sieur Gawen Hamilton, la Dame Rowan fon époufe, & la Demoifelle Hamilton, leur fille, d'autre part, &c. Ouï le rapport, le Roi, étant en fon Confeil, a caffé &c. 1'arrêt du 25 Mars , évoqué en fon Confeil tous les appels & demandes refpeclives des parties, circonftances & dépendances; déclare nulles les procédures faites tant au Chatelet de Paris, qu'èn tout autre des Tribunaux de fon Royaume, fauf aux parties a fepourvoir, ainfi qu'elles aviferont, devant leurs juges naturels: ordonne S. M. que les gardes donnés a Mlle Hamilton, feront inccffamment Ievés: enjoint S. M. au Sieur Bazin de fe retirer fans délai, d'auprès dudit Sieur Beresford ; a mis S. M. toutes les parties fous fa fauvegarde, tant qu'elles feront dans fes Etats; fait défenfe au Sieur Beresford d'attenter a la fureté & a la tranquilité des Dame & demoifelle Hamilton, fous les peines au cas appartenantes; décharge ladite Dame & ladite Demoifelle Hamilton des condamnations de dommages intéréts & dépens pronon ces contre elles: ordonne S. M. que le préfent arrêt fera fignifié de fon expres commandement &c. C'efi M. Amelot, le Maftre des requêtes, fils du Miniftre, qui a faitle rapport de 1'affaire. Avant de lire cet arrêt, le dénongant avoit rappelé Paffaire, oii d'une part le Sieur Beresfort, Prêtre Anglois, étoit venu en France réclamer dans les tribunaux Mlle Hamilton, com-  C 258 ) me fa femme, prétendant qu'il Pavoit époufée deux fois, 1'une en EcolTe, & 1'autre a Londres; de 1'autre, Mlle Hamilton fe défendoit en foutenant que ces deux mariages fe détruifoient réciproquement, étoientnuls, même en Angleterre, & que par conféquent ils ne pouvoienc doener de droit. contre elle en France. 11 a obfervé que le procés porté d'abord, par le Sieur Beresford, devant les juges de Lille, & au'Parlement de Douai, avoit été évoqué par des lettres patentes, & attribué a la Chambre de la Tournelle du Parlement de Paris,, faifie de la connoillance d'une plainte en crime de rapt, de féduction, rendue par M. & Mad. Hamilton, contre le prétendu mari de leur fille qu'ils accufoient d'avoir abufé de fon caraélere de Prêtre & de Prédicateur~, pour enlever a fe» parens Pbéritiere d'un grand nom & d'une grande fortune, k 1'age de quinze ans, par le miniftere d'une femme de chambre, qu'il avoit envoyée exprès pour la féduire, lorfque luiméme étoit fans forture, fimple Chapelain , fils d'un Cordonnier, & maitre d'école d'un village.. Sur quoi le Sieur Beresfort avoit demandé que Mlle Hamilton lui füt rendue, comme fa femme, ou qu'elle füt conduite en Angleterre fous bonne & füre garde, pour être remife k un Juge de paix. Mad. & Mlle Hamilton demandoient,au contraire, ou que la Cour flatuat fur la validité ou 1'invalidité des mariages, ou qu'en rcnvoy-  C 250 ) I ant les parties a fe pourvoir devant leurs I Juges nationaux, elle voulüt bien accorder en I France fureté, liberté & proteclion a Mlle I Hamilton. La contradidtion de 1'arrêt du Confeil avec les lettres patentes, la forme infolite de la casfation & le defpotifme qu'on y a remarqué, ont déterminé les Chambres a arrêter qu'il feroit fait des repréfentations au Roi fur la furprife faite a fa religion. En conféquence, on a nommé des Gommisfaires pour en diriger les articles, & ils doi« vent rendre compte Mercredi de leur travail aux Chambres affemblées. Le 4 Mai 1782. La première repréfentation du Vaporeux joué hier aux Italiens, a eu beaucoup de fuccès. Quoique la piece relTemble de très-près au Sidney de GreiTet,on ya trouvé du mérite & plus de gaïté; on 1'a dit d'un M. Marfollier, auteur de plufieurs autres ouvrages qui n'ont pas également réuffi, Le 4 Mai 1782. Le 24 Mai 1774 il fut paffé un traité entre M. Ie Duc d'Orléans, comme propriétaire , a titre d'appanage , du Palais Royal, dont la falie fervant a 1'opéra étoit une dépendance, & les Officiers municipaux de Paris, comme Adminiftrateurs k perpétuité de 1'Académie Royale de Mufique, dont le privilege appartenoit a la ville depuis plus de 25 ans. Les claufes principales du contrat portoient  C z6o ) ï°. que M. le Duc d'Orléans avoit le droit incontefiable d'exiger qu'on lui rétablit une falie nouvelle a la place de celle qu'avoit bad le Cardinal de Richelieu dans fon Palais, & qui venoit d'être incendiée le 4 Avril 1763 par les gens de 1'opéra; qu'en conféquence la ville feroit conftruire, a fes frais, un autre édifice qui feroit plus vafle & plus commode, au moyendu facrifice que le Prince faifoit au public, nonfeulement d'une plus grande portion de fon appanage, mais encore de plufieurs maifons qu'il poffédoit patrimonialement,commeacquifespar lui •même, ou par les Princes, fes prédéceffeursï 2°. Que la nouvelle falie une fois conftruite avec toutes fes décorations, tant intérieures qu'extérieures, appartiendroit, ainfique Vancienne; én toute propriété, a M. le Duc d'Orléans, comme faifant partie de fon appanage, ce nou vel édifice étant le remplacement & le jujle dédommagement de celui qu'avoient incendié les gens de 1'Opéra. 30. Que les Officiers münicipaux de Paris, en cette qualité d'Adminiftrateurs d perpétuité dé" 1'Académie Royale de Mufique, auroient, com711e par le' paffé, fous le bon ptaifir du Roi de M. le Duc d'Orléans, la jouiflance & 1'ufage feulement de la nouvelle falie, pour le fpeéta» cle & les bals de 1'opéra; 40. Enfin , que dans le cas 011 le Roi jugeroit è propos, foit de fupprimer 1'opéra, foit de lef transférer ailleurs qu'au Palais Röyal-, dèslors'  C 26-1 ) lla viWc reftitueroit au Prince ladite falie de fpeétacle, avec toutes fes décorations tant intérieures qu'extérieures, pour en réunir la jouiffance avec la propriété. Tel eft Ie titre qui fertde ■bafe aux piétentions & demandes du Duc de Chartres. Le 5 Mai 1781. Les Comédiens Francois annoncent pour demain la première repréfen« tation d'slgis, tragédie en cinq aéïes & en vers. Elle eft de M. Laignelot, qui 1'a déja fait jouer a Verfailles, oh elle n'a pas réuffi. Le j Mai 1782. Une circonftance qui donne encore plus de force au traité paffé entre M le Duc d'Orléans & la ville, c'eft qu'autorifé formellement par le feu Roi, il recut la fanclion légale par des lettres patentes en forme d'édit données au mois d'Aoüt de Ia même année 1764, & enregiftrées au Parlement puremend & fimplement le vingt-huit dudit mois. En conféquence, la ville fit conftruire la nouvelle falie de fpeétacle, fur les plans annexés au traité & , 1'édifïce terminé, M. le Duc d'Orléans fut appelé Ie 4 Mai 1771, pour constater 1'état aétuel de fa propriété. Depuis ce tems jufqu'au fix Juin 1-781., les chofes refterent dans cet état fans aucun acle fur cet objet de la part d'aucune des parties. Ce jour-la, comme le fpeétacle finiffoit, le feu prit au rideau, puis au ceintre. 11 y avoic en. core du monde: pas un pompier; ils étoient partis ks premiers-: pas uce gouce d'eau, les ré-  ( 262 ) fèrvoirs étoient afee, les robinets rouillés. Oa avoit offert quelque tems auparavant de garantir i'opéra du feu , pour 12000 liv. L'expérience ineonteftable faite a la comédie Italienne a prouvé que le moven étoit infaillible. M. Le Duc de Chartres, pofieffeur du Palais Roy;l, par Ia rétrocelfion du Duc d'Orléans, off it de rebatir la falie en deux ans, au plus tarJ, de faire 1'avance des fonds qui lui feroieut rembourfés par portions dans tels déla;s qu'on jugeroit néceffafres ; d'agrandir le théatre; d'ajouter vingt-cinq loges d'aéteurs ; de facrifier le deifous de fon appartement, pour faire dans la grand' cour de valles débouchés par des portiques clos & couverts, capables de contenir quinze eens perfonnes; de construire un efcalier neuf en pierres, pour. com» muniquer de tous les rangs de loges a ce porüque; de pratiquer dans la cour des fontaines, deux fallons & un débouché couvert par la rue des bons enfans, de donner dans cette même cour des fontaines un efcalier particulier destiné pour Leurs Majeftés, lorsqu'elles honoreroient le fpeétacle de leur préfence, avec un appartement commode joint a leur loge, fans la communication avec le refte de la falie; enfin , de prendre toutes les précautions pofiibles contre le même incendie. Le quinze d'Aoüt, M. Amelot répondit a ce mémoire que, malgré 1'avantage des propofitions de fon Altelfe'Séréniffime, exa-minées avec  C 263 ) attcntion par fa Majefté, le Roi n'avoit pu fe déterminer a confentir que Ia falie de 1'opéra füt reconftruite au Palais Royal; que fon intention étoit qu'elle füt a la proximité de fon chateau des Tuilleries, avec lequel elle püt communiquer; qu'il avoit même déja fait choix du terrain, & donné les ordres néceffaires pour qu'on s'occupat fur le champ de la réduétion des plans. M. le Duc de Chartres, en conféquence'de cette tranfadlion, cas prévu par Ie traité, fit affigner au Parlement Ia ville, pour qu'elle füt tenue de remplir fon engagement dont elle fe croyoit délivrée par un fimple arrêt du Confeil du 17 Mars 1780, non enregiftré, qui la depouille du privilége de 1'Académie Royale de Mufique. Les Officiers municipauxdemanderent Ia-delTus Pévocation du proces au Confeil. M. Amelot en inftruifit encore' M. Ie Duc de Chartres le fix Janvier dernier: le Prince ayant defiré que 1'affaire refiat en juftice réglée, Ie même Miniftre, par uneréponfe du vingt-quatre janvier, déctara que Sa Majefté en laiffoit la connoifiance a Ia Grand' Chambre devant qui la conteftation étoit agitée. De la les plaidoieries dont on a parlé & qui doivent fe terminer inceffamment par un arrêt. Le 5 Mai 1782. Un citoyen , qu'on'croit être le même qui a déja donné , il ya deux ans, ïi 1'Académie des Sciences, un fond de douze  C 2$4 ) mille livres" pour des objets relatifs aux fciences ou aux arts & dépendaut du choix de cette Compagnie, vient de deftiner une autre fomme de douze mille livres a placer dans le nouvel emprunt en rentes viageres fur la tête du Roi & fur celle de Monfeigneur le Dauphin pour un prix annuel en faveur d'un mémoire oh d'une expérience qui rendra les opérations des arts méchaniques moins mal-faines ou moins dangereufes. 11 a déveioppé fes vues eftimables dans un mémoire extrêmement bien fait , plein d'humanité, de raifon , & de fenübilité, écrit d'un ftyle fimple, noble&touchant,qu'ilaadres, fé k la Compagnie. L'Académie ayant accepté, avec lapermifiion du Roi & d'une voix unanime, cette donation, a propofé en conféquence pour le premier prix de ce genre qu'elle proclamera dans 1'affembiée publique d'après Paques 1783, de détcrminer la nature ö3 les caufes des maladies auxquellcs font expofées les doreurs au feu ou fur métaux; & ln meilleure maniere de les préferver de ces maladies, foit par des moyens phyfiques, foit par des moyens méchaniques. L'Académie s'eft déterminée pour ce fujet, paree qu'il a déja occafionné quelques tentatives; que le peu de tems accordé aux favans qui concourront ne comportoit pas un fujet qui demandat des recherches plus multipliées; que les mémoires pourront fournir des connoiflanceSiUtiles; même pour plufieurs autres Artifies; enfin,  C 265 •) enfin, paree que les objets fur Iesquels s'appü. que cette dorure au feu, font aujourd'hui fi nombreux,'& forment une branche de commerce fi confidérable, qu'ils multiplient tous les jours les viétimes de cet art, fi nuifible a ceux qui le pratiquent. Le 5 Mai 1782. M. Blanchard de vient depuis quelque tems Ia matiere des converfations & de la curiofité générale. Sa machine pour voler eft h fon point de perfeétion, «Sc il a offert de la montrer au public aujourd'hui. Ceux qui 1'ont vue s'ils ne croient au miracle, ont acquis au moins beaucoup de confiance en 1'auteur. II eft très-jeune encore; mais depuis qu'il fe connoit s'eft occupé des moyens de voler Ti a étudié la conformation & le vol de toutes les efpeces de volatiles avec la plus grande attention; il a fait déja plufieurs efiais pour voler avec des ailes & en a fenti 1'impofiïbilité. II a donc eu recours a une machine qui put fendre Pair comme un vaifleau fend les eaux & ramasfer fous elle un volume de cet élément affez confidérable pour le foutenir. II eft parti de ce principe & paroït l'avoir fi bien médité & are- profondi que les plus habiles gens ne peuvent lui faire une objection qu'il ne Fait prévue & ne la refolve fur le champ. II a donc la plus grande théorie de fon art; mais il y a encore loin de la fpéculation a la pratique. Monfieur, Monfeigneur le Comte d'Artois & le Duc de Chartres 1'onc encouragé cc lui Tomé XX. M.  ( 266 ) promcttent chacun 4000 louis s'il réufiit. Le 6 Mai 1782. L'urne cinéraire prétendue de 1'Empereur Alexis fecond a Ia forme des anciens calices ou ciboires. Ce vafe eft autant qu'on peut le foupgonner, d'argent émaillé. On remarqué dans la cavité qui a peu de profondeur, le bufte d'un homme de 40 a 45 ans, avec de la barbe, & portant fur fa tête un bonnet recourbé par devant, qui reiTemble parfaitement au bonnet phrygien, tel qu'on le voit fur les monumens oh Atys & le Dieu Linus font repréfentés. les autres figures du vafe, qu'on peut regarder comme des ornemens depurefantaifie, font des femmes nues, des génies ailés, d'autres génies avec des cornes & des pieds de chevre & les atributs des vents, des Termes, de Priape, de Pomone & des fruits. C'eft dans cette partie de vafe qu'on dit être renfermées les reliques de 1'Empereur. Le pied du vafe repréfente Neptune & Amphitrite portés fur des chevaux marins, & précédés de Tritons ailés & armés de fouets, avec un cortége de monftres marins a corps de chevre &c. Ce vafe eft pasfablement confervé, quoique réparé en plufieurs endroits. Sans être d'un deffin bien pur & bien correct, il ne laifie pas que de faire quelque plaifir aux amateurs. Suivant une gazette allemande de Hambourg du 19 Oétobre 1775,ce vafe a été trouvé dans un tombeau de marbre noir. Sur la partie inférieure de ce tombeau onlit  C 267 ) une infcription, greque ainfi traduite. „ Aux „ Dieux Manes ou infernaux d'Alexis fecond, ,, Erapereur, Cefar, Pere de la patrie, pour ,, honorer fa mémoire." Sur le cóté droit on voit un oifeau tenant un rameau dans fon bec, au deffus eft une couronne & le Monogramme de J. ch. formé par deux lettres greques: au defius de 1'infcription eft un vafe d'oii fortent des flammes: dans la partie poftérieure du tombeau eft repréfenté un croiQ'ant au milieu de cinq étoiles; on voit fur le cóté gauche une urne cinéraire de la forme de celles qu'on appelle Alla, une branche d'arbre & un trident. Suivant le critiqué, le tombeau a été compofé a deflein de faire valoir un vafe moderne, en lui donnant des caracteres d'antiquité, qui, n'étant ni raifonnés ni foutenus, révoltent au premier coup d'oeil le connoifleur. Outre les raifons très-détaillées que M. Bourguignon fournit pour démontrer 1'impofture, une plus courte, plus certaine & fans réplique, c'eft qu'il a remarqué fous le pied du vafe des petites fleurs de lys. Le 6 Mai 1782. Le livre nouveau qui fait le plus de bruit actuellement, c'eft un Journal de M. le Comte d'EJtaing. Ce Seigneur, alarmé de voir paroïtre ce livre eft allé au Roi Ie défavouer: S. M. a donné furie champ ordre a Ia Prévoté de Verfailles d'arrêter les libraires de cette ville qui en avoient prefque toute 1'Edition qui a été ainfi faifie. Malheureufement M 2  ( 268 ) pour Pun d'eux,dans les pcrquifitions qu'on en a faites chez lui, on a trouvé deux ëxempfaires de la vie d'Antoinette, ce qui a rendu fon affaire beaucoup plus mauvaife, enforte que 1'autre ayant été relaché au bout de quelques jours , celui-ci court rifque de pourrir a ificêtre oh vraifemblablement il a été transféré. Le 6 Mai 1782. II n'eft pas étonnant qu'Agis joué aujourd'hui n'ait pas plu a Verfailles; le ton républicain de cette tragédie n'étoit pas fait pour étre agréable en pareil lieu: au contraire, il a fort réuffi a la ville. L'Auteur en forcant un peu 1'hiftoire, a converti les Ephores en un Sénat fadtice, tel que nous avons vu ici le Parlement Maupeou, & la reflemblance s'eft trouvée fi parfaite, que les allufions continuelles auxquelles elle prêtoit, ont produit une vive fenfation , quoique bien inférieure a la ferme-ntation que ces diverfes tirades auroient caufées, il y a quelques années; mais auffi il y a grande apparence que 1'on n'en eüt pas permis Ia repréfentation. A difcuter 1'ouvrage comme piece, il a beaucoup de défauts, & 1'on concoit aifément que c'eft celui d'un jeune homme. A ce titre il donne de grandes efpérances & mérite d'être encouragé. Son dénoüment dans le coftume & dans les mceurs Lacédémoniennes n'a pas excité 1'admiration que le Poëte avoit lieu d'attendre, d'autant qu'il a été très-mal exécuté. Le 6 Mai 1782. On ne peut peindre Paffluence de monde qui s'eft rendu hier chez M.  C 269 ) 1'Abbé de Viennay pour voir Ia machine aërienne de M. Blanchard, quoiqu'il n'en eüc encore annoncé qu'une fimple démonfiration. M. le Duc de Chartres, M. le Duc de Bourbon & M. le Duc d'Enghien en oic d'abord entendu une particuliere. Cependant le Public s'eft amaffé en foule, & malgré le tems effroyable qu'il fdfoit & une pluie averfe, les curieux abondoient en telle quantité que la garde nombreufe n'a pu la contenir, & qu'elle a inondé la cour, le jardin, les efcaliers & les appartemens de la maifon. L'ouverture de la nouvelle falie de Comédie Francoife n'avoit pas attiré plus de monde & de voitures. L'affluence ne permettant pns de laiffer la machine dans le fallon doré oh on 1'avoit placéc pour les Princes, & la pluie de la montrer en dehors, M. Blauehard a pris le parti de lire coura ob il a rendu au public un compte !jine & des inconvéniens dont elle étoit fufccptiblc. Son projet eft de $'é!cver de terre avec fon vaifieau en partaiu du quelque point de lafuperficic que cc foit, & par quelque tems qu'il fasfc,dc parvcrii affez baui pour franchirlarégion des vents, des orages iSc des tempêtes, enfin d'acqoérh affez de viteffe pour faire environ trente lieues par heure. Sa machine eft configurée comme Ie corps de 1'oifeau, convexe par deffous & par deffus, fe rétréciffant a 1'avant & h 1'arjiere, ayant une M 3  C 270 ) efpece' de proue imitant la tête, & un gouvernail en forme de queue. Le corps eft d'un bois léger & folide, partagé en différens membres, ainfi que celui d'un batiment de mer; il eft traverfé de deux efpeces de petits mats a égale diftance de 1'avant & de 1'arriere & entre eux. C'eft au milieu qu'il doit fiéger, il peut avoir par derrière lui un compagnon. Les membres font revêtus d'une forte de compofition formant un matelas impénétrable a la balie, & tout 1'ex* térieur eft recouvert d'un carton verniffé, comme les voitures de carton dont on a parlé dans le tems. II entre dans fa voiture aërienne par une porte qui fe referme; il y voit clair par des glacés comme dans une gondole & il a une foupape pour renouveler Pair d'heure en heurer s'il en a befoin. A fa machine font adaptées fix ailes, dont une a 1'avant, une a 1'arriere & deux de chaque cóté. Elles font d'égal volume, c'eft-a-dire de dix pieds d'envergure, furdix pieds de large. Ce qui fait cent pieds pour chacune & en tout fix eens de fuperficie, c'eft avec ce volume d'air qu'il a calculé pouvoir fe foutenir en Pair avec tout fon attirail. Les deux ailes de 1'avant & de 1'arriere fervent a fon afcenfion, il les fait mouvoir avec un reffort qui les étend rapidement & leur donne la fecouffe néceffaire pour Pexalter. Parveru au point oh il veut être avec un mouvement de fyftole, il met en jeu les quatre ailes faifant la foeftion du fouflet & lui fourniffant alternati-  ( 27I ) vement un volume d'air afiez confidérable pour Ie loutenir cc pianer. M. Blanchard n'a pas diflïmulé dans fon discours qu'il prévoyoit deux inconvéniens trèsgrands qu'il n'avoit pu encore parer, celui de fe trouver mal dans cette machine a ne pouvoir plus lui donner le jeu néceffaire pour fe foutenir , & celui, ne voyant point au deflbus, d'ignorcr fur quel cndroit il rabattroit. Le premier inconvenient cependant deviendroit prefque nul s'il avoit un compagnon: mais ce ne fera pas aifé a trouver pour le premier effai. Le 7 Mai 1782. Nous fommes dans le fiecle des inventions. Le Sieur Didelot, qui s'occupe depuis plufieurs années a chercher une liqueur propre a éteindre les matieres combuttibles, comme goudron, foufre, eilences, térébenthine, huile &c. ayant annoncé qu'il étoit parvenu a compofer un eau qui éteint abfolument les flammes, en en répandant une trèspetite quantité fur 1'objet enflammé ainfi qu'il réfultoit de plufieurs effais qu'il avoit tentés avec un fuccès complet, a été admis hier h en montrer une expérience publique: il 1'a faite de deux manieres. i°. Sur la riviere en face de la place de Louis XV, il a fait placer un ponton garni de fes mats & cordages, on y a mis le feu que toute Ia pluie qui tomboit ce jour-la en abondance ne potsvoit éteindre: il efl: parvenu a le faire avec M 4  C 272 ) une trés - petite quantité de fa liqueur dont il a injeété a deux fois la machine enflammée, avec une grolTe féringue, en forme d'arrofoir; a la première, 1'action du feu s'eft confidérablement ralentie,& a la feconde, il adifparuabfolument. 2°. II a mis le feu a un boulet d'une inveniion nouvelle qu'on croit être de celle propofée par M. de Bellegarde; il a fait voir qu'avec de 1'eau naturelle, on ne faifoit qu'en augmenter 1'ardeur, & au contraire, avec fa liqueur, il 1'a rendu abfolument nul. M- .de Caftries, enchanté de cette décou verte, a autorifé le Sieur Didelot a fe rendre a Breft pour y faire plus en grand fes expériences, pour les varier, les multiplier de toutes les manieres, & fi le fuccès fe fouticnt, il paroït difpofé a faire acheter au Roi ce fecret infiniment ytile. Le 7 Mai i782.Extrait d'une lettre de Vienne du 20 Avril.... Le célebre Métaftafe, Auteur de tant de chefd'ceuvres de la fcene lyrique Italienne, eft. mort ici le 14 dece mois dans la quatre-vingt-quatrieme année de fon age. La maladie 1'a empêché de voir le Pape; mais dès que fa Sainteté 1'a fu en danger, elle lui a envoyé fa bénédiclion in articulo mortis. C'eft ce dont le Saint-Pere a fait le plus de diftributions dans ce pays-ei. On dit que la fucceflion de M. Métaftafe monte a 150,000; florins en argent ou en effets- Le 8 Mai 1782. Un M. de Juillé vient d'écrire une lettre circulaire a tous,les militaires de  ( 273 ) de fa connoiiTance réfidant a Paris, en date du trois Mai & imprimée, oh il leur propofe d'établir un Club militaire a 1'inftar de celui qui s'eft formé, il y a quelque tems; mais qui ne fera compofé que d'Officiers ou gens au fervice. Son objet, comme celui de 1'autre, efl de charmer 1'ennui de tant d'oififs qui ne favent que de venir, furtout dans cet état, faute de fociété ou d'occupation. II annonce que le Gouvernement approuve fon plan, & il indique un jour oii ceux qui agréeront fa foufcription, fe réuniront pour rédiger les régiemens de cette affemblée. Le 8 Mai 1782. On écrit beaucoup fur le Pape & fur fon lingulier voyage a Vienne; on parle d'un dialogue entre 1'Empereur & le Souverain Pontife. Le 8 Mai 1782. Les Comédiens Francois qui, en vingt deux - jours depuis 1'ouverture de leur nouvelle falie; ont gagné 75,000 livres, fans compter le produit des loges è 1'année' amorcés par cette heureufe recette, clierchent è Ia foutenir & en conféquence annoncent pour Vendredi dix une quatrieme nouveauté; c'eft L'homme dangereux, comédie de M. PaWot dont il efl queftion depuis dix ans & déj-a im' primée dans fes ceuvres. Cette piece a la lecture efl très-froide, n'a nulle invention; mais elle efl bien conduite, écrite purement & avec beaucoup de nerf, comme tout ce qu'a compofé ce Poëte. Mj  C 274 ) Le 8 Mai 1782. Un Poëte patriote a réduït Fhiftoire de la Ligue en une piece réguliere de ce nom:on congoit combien ce fujet eftfufceptible de faire une tragédie excellente, mais difficilement admife fur la fcene. Le 9 Mai 1782. M. Blanchard k mefure qu'il approche du terme oh il doit remplir fon entreprife, en apercoit les difficultés. En conféquence elle eft retardée de trois femainesi, & il annonce qu'étant occupé pendant ce tems a perfedionner fon vaiffeau volant, il ne recevra perfonne pour le voir. Quoi qu'il en foit, en attendant on lui a déja faiE la devife fuivante en un diftique latin. Slethereum tranabit iter quo nomine Blanchard, Impavidus fortem non timet icariam. Le 9 Mai 1782. On ne fait fi Pépigramme fuivante fur la piece de Molière a la nouvelle falie eft de 1'Abbé Aubert ou de M. de Charnois, ou de quelque autre; car il ne manque pas d'ennemis: mais elle eft au moins jufte & porte a plomb fur 1'étrange audace de ce Poëte. Défefpéré de voir tous fes écrits Suivre le fort de fa Mfufe tragique, Que fait ia Harpe? Un drame- fatirique, Contre lui-même & contre fes amis: Pouvoit il mieux? Ses vers font applaudis. Le 9 Mai 1782. La conteftation élevée entre M. le Duc de Chartres & la ville fe fuit.  C 275 > & il paroït déja. des mémoires de part & d'autre. On attribue celui du Duc de Chartres a 1'Abbé Baudeau, & en effet il n'eft pas Cgné de M. Doucet fon Avocat, il ne 1'eft que du ProcuI reur. 11 confirme ce qu'on a dit: il eft préeieux par 1'hommage que S. A. S. rend aux loix. Sur ce que la ville lui offre pour raifon péremp] toire de fon refus, un Arrêt en commandement, j' une force majeure', il s'appuie fur le principe plus 1 conflant & plus conforme a la juftice & aux i droits de la nation, qu'un arrêt du Confeil ne j peut balancer, encore moins détruire, anéantir un adte légal & revêtu de toutes fes formalités; qu'aucun citoyen ne peut ètre condamné, fans avoir pu fe faire entendre; qu'enfin le Roi n'eft cenfé prononcer, fous cette forme impérative, même dans fes affaires propres & particulieres, qu'avec cette reftriction , Jauf le droit d'autrui. Ainfi, la nouvelle falie étant mife,en vertu de lettres patentes, d la charge de la ville,1e Prince avoit le droit d'exigev d'elle en juftice, laconfervation & la reftitution de ce théatre. Ce droit précieux, légalement acquis au Prince appanager, ne pouvoit cefier ni s'afFoiblir que par desactes ! revêtus des mêmes formalités ; il n'a point été | détruit par ceux de 1781, qui lui font étrangers & inconnus, manqueqt de toute authenticité, de tout enregiftrement, qui d'ailleurs ne rétractent aucune des obligations impofées a la commune & a fes biens patrimoniaux, pendant le tems qu'a duré la poffeifion du privilege de M ö  C 276 ) ï'Académie Royale de Mufique, privilége dont elle fe qualifioit avec 1'approbation du Roi, propriêtaire d perpétuité, dans les actes folemnellement confirmés de 1764- C'eft, d'ailleurs, la ville elle-même qui s'eft cmparée des matériaux fauvés du dernier ineendie; c'eft la ville qui tient encore 1'enceinte de ce batiment, par un gardien qu'elle a nommé, qu'elle y loge & qu'elle foudoie. C'eft donc a ]a ville feule que M. le Duc de Chartres pouvoit & devoit s'adreiTer: elle eft fa feule partie, fuivant toutes les regies de droit, la foi des traités, & 1'autorité de la chofe jugée. Le io Mai 1782. L'inftruótion concernant 1'infulte faite par M. de Chabrillant au Procureur Pernot étant finie, on a fu que M. le Garde des fceaux avoit enjoint au Chatelet de furfeoir & de lui envoyer les charges & informations. On a craint que ce ne füt le prélude de quelque coup d'autorité. En conféquence, le fait a été dénoncé a la 'Tournelle, & il a été arrêté que le Lieutenant.criminel & le Procureur du Roi feroient mandés au pied de la Cour pour rendre compte de 1'état du procés. On regarde ce veniat comme un coup de fouet a la jurifdiftion inférieure pour 1'exciter a rendre une prompte & févere juftice. Le 10 Mai 1782. On trouve dans le Mémoire pour les Prévót des Marchands 6? Echevins de la ville de Paris, contre M. le Duc de Chartres, un hiftorique affez curieux, & du Palais royal, & de la falle.^  C 277 ) Le Palais cardinal, confiruit par Richelieu, h fa mort le 4 Décembre 1642, fut habité par Louis XIII, en vertu d'une donation du défunt, & prit le nom de Palais Royal. Après ce Roi, Anne d'Autriche s'y fixa jufqu'en iöji avec Louis XIV & Monfieur, fes enfans. En 1652 Louis XIV céda a la Reine Anne d'Angleterre, fa tante, 1'ufage de ce Palais, jufqu'en 1661, que Monfieur , frere du Roi, y fut logé, & enfuite Peut par augmentation d'appanage, fuivant les lettres patentes du mois de Février 1692, titre de la maifon d'Orléans. A ce Palais étoit annexée une falie de fpeftacle, appelée la falie des comédies & machines. Les chef - d'ceuvres de Corneille y ont été joués. Lorfqu'on détruifit le petit hótel de Bourbon & fon théatre pour travailler a la colonnade du louvre, Louis XIV voulut que Ia troupe de Molière pafiat, fous le titre de troupe de Monfieur , dans la falie du Palais Royal oh elle joua pour Ia première fois le cinq Novembre 1600, ]a Comédie de VEtourdi: elle y continua fes repréfentations jufqu'au décès de cet inimitabie comique, arrivé le 17 Février 1673. A cette époque , 1'établiffement a Paris d'une Académie de Mufique étoit nouveau. L'Abbé Perrin en obtint le premier privilége en 1669; il fut révoqué au mois de Mars 1672, & accordé a Lully qui repréfentoit au jeu de paume du Bel-air, rue Mazarine. Le Roi' lui donna la falie du Palais Royal,oh il fe tranfporta &débutapar M 7  ( J Cadmus. Lully mourut en Mars 1787 rFrancine',, fon genlre, lui fuccéda &c. En 1749 les affaires de 1'Académie Royale de mufique écoient en fort mauvais état; fes dettes montoient a 1,900,000 liv. Louis XV, paren arrêt du Confeil du 25 Aoüt 1749, pour rétablir ce fpecfacle, en confia l'adminiftration a la ville. Elle acheta deux maifons pour faciliter 1'entrée de ce fpeclacle. Le 6 Avril 1763 la falie fut brülée;M. le Duc d'Orléans en follicita le rétabliffement au Palais Royal.- de li un arrêt du Confeil revêtu de lettres patentes du 11 Février 1764 qui 1'ordonne conformément aux defirs de S. A., & aux offres par elle de rendre cette falie plus fpacieufe & plus commode, en fourniffant tout le terrein nécesfaire h cet effet. En exécution^des ordres du Roi & du traité de 1764, la nouvelle falie a été confiruite par les foins des Adminiftrateurs, moyennant le coüt de 2,300,000 liv. Au mois de Mars 1780, Louis XVI a retiré è la ville l'adminiftration de 1'opéra, toujours de plus en plus difpendieufe & a charge. Le feu y a pris le 8 Juin 1781. L'incendie étant arrivé depuis la ceffation de fon administration, la ville ne fe prétend plus garanté de rien, & veut que M. le Duc de Chartres foit déclaré non recevable dans Ia demande qu'il a formée contre elle le 19 Ocïobre 1781, pour qu'elle lui remette la falie de 1'opéra au même  C 279 > état de conftruótion qu'en 1771, ou foit corrdamnée a lui enpayer Ia valeur, fuivant les devis & marchés faits & paffés alors. Le 10 Mai 1782. L'Homme dangereux, joué aujourd'hui, comédie en trois aótes & en vers5 qui fembloit d'un titre trop vague a Ia feule infpeciion, ne le remplit pas en effet a beaucoup prés, & devroit plutöt s'appeler le Satyrique. 11 eft d'autant moins dangereux qu'a une méchanceté atroce, il ne joint pas ces déhors féduifans de nos aimables roués du fiecle; peu fécond en reffources, il n'a jamais que des chanfons, des libelles a compofer, & il s'y prend fi groilierement, qu'il ne peut longtems faire des dupes. Comment fuppofer qu'il aille dévoiler fans aucune précaution h une jeune innocente, la candeur même, le moyen noir qu'il doit mettre en oeuvre pour fupplanter fon rival qu'elle feint de ne point aimer, d'oh naït cependant tout le reffort de 1'intrigue. Le] dénoüment n'eft pas plus adroit & 1'on paye trop bien d'ordinaire les artifans de méchancetés qu'on emploie, pour qu'il foit vraifemblable que le faifeur de libelles n'ait pas grafTement foudoyé celui auquel il confie fes horreurs littéraires k imprimer. II y a peu de gafté dans cet ouvrage, mais de la bonne efpece, c'eft - a - dire du comique de lituation; il eft écrit du meilleur ton & le ftyle en eft excellent. Si M. PalifTot avoit autant d'imagination que d'efprit,il iroit loindans ce genre j mais foa aridité fe manifefte dans  C 2S0 ) toutes fes Comédies, & le Méchant fur lequel eft calqué celui-ci, eft encore in'finiment fupérieur a l'Homme dangereux. Le 10 Mai 1782. Le Journal de M. D'Estaing, brochure qui n'a pas 200 pages, n'eft pas le fien dérobé,comme on fe 1'étoit d'abord imaginé. C'eft celui d'un Officier qui ayant fervi k fon bord & témoin oculaire des öpérations de fes campagnes de 1778 & 1779, en rend compte en Hiftorien fidele. Le 10 Mai 1782. Les ConfeJJions de Jean Jacques Rouffeau, tant attendues, paroifient enfin, & fe vendeut même avec une forte de tolérance. Maïs on n'en a que la partie la moins curieufe; elles ne vont que jufqu'au tems oh il vint k Paris & fe fit auteur. Cette fouftraction fait même appréhender que le furplus ne foit pas parfaitement exadt. Le 11 Mai 1782. II ne s'agit plus d'un hydrolcope, c'eft a-dire d'un homme qui a 1'art de découvrir de 1'ceil une fource inconnue dans les entrailles de la terre, mais d'un particulier qui en marchant éprouvé,quand il eftal'endroit de quelque eau fouterraine, une telle commotion que la baguette qu'il tient en main, entre en mouvement & roule avec une rapiditéjfinguliere. C'eft ce qu'on a vu ces jours derniers au Luxembourg, oh il s'eft promené avec fa baquette divinatoire en préfence de beaucoup de fpeélateurs & de quelques membres de 1'Académie des Sciences. II fe fervoit d'une baguette  ( 281 | . de bois:on lui en a fubftitué de fer & de cuivre qui produifent le même effet. Bien plus un particulier, qui n'a point cette vertu hydrauüque, quand il eft touché par lui, l'acquiert,& la baguette roule a 1'inflant dans fes mains. II faut, avant de rien flatuer a cet égard , attendre que les favans en aient parlé & fe foient débattus. Le 12 Mai 1782. II eft peu de gens qui ignorent que VHomme dangereux eft une comédie déja ancienne du Sieur PalifTot; mais peu de gens en favent lorigine & 1'anecdote qu'on rappelle aujourd'hui. Après avoir joué les Philofophes dans la piece de ce nom, 1'Auteur voulut leur faire efpérer la revanche & leur laiffer le plaifir de croire qu'on l'alloit jouer lui-même fous le nom de VHomme dangereux, comédie de caraótere oh il étoit dépeint de maniere a acrédicer la fuppofition. II la fit parvenir aux Comédiens, comme un ouvrage venu de Bordeaux; elle fut re§ue, apprife & même annoncée en 1771; niais le fecret ayant tout a coup tranfpiré,il furvint un ordre qui en arrêta la repréfentation. Les mémoires de Bachaumont ont rendu plus amplement compte de cette anecdote dans le tems. Le 12 Mai 1782. M. de Montigny, penfionnaire ordinaire de 1'Académie Royale des Sciences pour la clafle méchanique, eft mort, il y a quelques jours. Cefavant, peu connu comme tel, 1'étoit beaucoup par les places qu'il occupok; il étoit en outre Tréforier de France  C 282 ) général des finances, Grand-Voyer de la Gênéralité de Paris, CommilTaire du confeil au département des ponts & chauiTées, CommilTaire départi par fa Majefté pour la direction générale du pavé de la ville, fauxbourgs & banlieu de Paris. Le 12 Maf 1782. M. de Boynes, outre fa faillite envers fes créanciers, a eu la douleur de voir renouveler au Parlément le proces diffamant qu'il avoit déja perdu au Chatelet. 11 s'agiflbit de Lettres de refcifión dont on demandoit 1'entérinement, a raifon d'une lézion énorme qu'on avoit éprouvée, fur la vente forcée d'une habitation a Saint-Domingue qui lui avoit été faite. On dit forcée, paree qu'il avoit abufé de fon autorité du tems qu'il étoit Miniftre , pour déterminer fes cohéritiers a lui vendre le bien. Enfuite on lui reprochoit de ne Favoir fait eftimer que 60,000 livres de revenu, au lieu de 120,000 livres qu'il valoit; enfin de 1'avoir acquis fur le pied de quatre années du revenu feulement, contre 1'efpece de tarif du pays qui eft d'eftimer la valeur d'une habitation fur le pied de huit années. I! paroït que toutes ces accufations ont été reconnues vraies a peu prés,puifque M. de Boynes a perdu d'une voix unanime. Comme il a été très-malade & n'eft que convalefcent, on lui a diffimulé jusqu'a. ce moment cette perte; mais on Fy prépare en lui faifant entendre que toutes les préfomptions font contre lui.  C 283 ) Le'12 Mai 1782. Les repréfentations du Parlement ne font pas encore prêtes. On préfume qu'il eft queftion d'y faire entrer d'autres objets, tels que celui de la fufpenfion des procédures dans 1'affaire du Procureur Pernot. Le 12 A/ai 1782. h'Inconnue perfécutée, opéra bouffön, mufique del fignor Anfoffi, célebre compofiteur Italien, jouée avec peu de fuccès 1'année paffée, fur le théatre des menus, a été reproduite aujourd'hui a 1'opéra avec des changemens dans 1'intrigue, & des additions dans le chant. Quoi qu'il y ait peu de différence, Penthoufiafme a été tout autre. II eft vrai que les. amateurs déterminés du genre s'étoient rendus en foule a cette repréfentation, & avoient mis toutes leurs troupes auxiliaires fur pied. II faut voir fi 1'admiration & furtout fi la foule fe foutiendra. Le 13 Mai 1782. L'art des Avocats eft admirable; on avoit cru jufqu'a préfent le procés intenté par le Duc de Chartres a la ville, légttime & bien fondé; aujourd'hui M. Dandafne a établi le contraire avec tant de fuccès, que les gens impartiaux reviennent a fon avis, du moins commencent a croire qu'on a fait mal diriger fa demande au Prince. L'Avocat adverfe éleve trois queftions. i°. Le Roi a-t-il pu retirer k la ville fon privilége d'adminiftratrice perpétuelle de 1'opéra, fans offenfer les loix du Royaume ? 2°. Les Prévót des Marchands & Echevins,  C 284 ) de leur cóté, ont-ils dü fe prêter a 1'exécution d'un arrêt du Confeil? 30. Enfin, par 1'exécution de cet arrêt, le corps de ville a-t-il été valableraent déchargé de fes engagemens relatifs a 1'Académie Royale de Mufique ? M. Dandafne réfout le premier problême en diftinguant en la perfonne du Roi deux qualités; 1'une de Souverain Légiflateur, & 1'autre de Souverain Adminiftrateur. Au premier titre, il fait les loix cc les envoie a fes Cours pour être enregiftrées; il veut alors qu'elles foient fixes & durables. Au fecond, il fe fert de fimples arrêts du Confeil, décifions verfatiles a fa volonté, fuivant le befoin du tems & des circonftances. Or 1'arrêt du Confeil de 1749 qui attachoit au Corps de ville le privilége cc le régime de Po. péra, n'a point été revêtu de lettres patentes; il eft donc refté fujet au changement, & c'eft ce que n'a pas affez confidéré d'abord le Confeil du Duc d'Orléans, lorfque S. A. a contraclé, (5c récemment celui du Duc de Chartres, lorsqu'il Pa déterminé a attaquer la ville. Le fecond problême fe réfout par le premier. Dès que le Roi a pu clianger a fon gré l'adminiftration de Popéra, la ville n'a pu s'y refufer comme a une décifion légalement émanée du tróne. La folution du troifieme problême n'eft pas plus difficile. Les engagemens fe délient de la maniere dont on les contraéle; or, par une ana-  C 285 ) lyfe très-longue & trés difcutée, M. Dandafne fait voir que 1'engagemenc contradié par ia ville envers le Duc de Chartres n'étarit que relatif a ia chofe adminiftrée, il ceffe a 1'égard de la ville, dès que fon adminiftration lui eft retirée. L'Ècrivain , d'abondance , reprend enfuite les objedtions répandues dans le mémoire adverfe & les pulvérife. On ne peut fe diffimuler que M. Dandafne lorfqu'il a plaidé, a été extrêmement applaudi, & que M. Doucet dans fa réplique n'a eu qu'un iïlence morne. C'eft a Mercredi qu'eft renvoyé le jugement de ce grand procés. Le 13 Mai 1782. L'auteur du journal de la campagne de M. le comte d'Eftaing durant les années 1778 & 1779. commence d'abordpar établir le caradlere de ce Général, auquel il donne de grandes qualités, telles que la valeur, 1'adTivité, la févérité de la difcipline, la constance a foutenir les fatigues; mais il lui trouve des défauts non moins grands & très-dangereux: favoir un entêtement aveugle, une méfiance extreme, une dureté incroyable. II lui.reproche enfuite beaucoup de fautes, foit dès fon départ dans la méditerrannée, foit h fon arrivée & durant fon féjour a 1'Amérique Septentrionale, foit aSte. Lucie, foit a la Grenade,foit enfin a a Savanah. Les paftifans outrés du Comte d'Estaing veulent que cet ouvrage foit d'un enncmi cruel, mais adroit, qui ne le ioue d'abord que  ( 285 ). pour'mieux accréditer fes imputations calomnieufes. Le 13 Mai 1782. Le Dêfmvrê ou l'Efpion du Boulevard du Temple a caufé une telle rumeur dans les divers tripots des Baladins quiyjouent, qu'ils fe font portés h 1'extrémité violente de faire arrêter le Libraire Aubry ayant fa boutique a 1'höcel de 1'Hópital a I'entrée des Boulevards. Le Sieur Bordier, Acteur* d'Audinot, avec un de fes camarades efl: venu chez lui fous prétexte d'en acheter deux exemplaires, & ce Libraire les leur ayant adminiftrés, ils ont appelé la garde & 1'on fait traduire devant le Commiflaire Maillot. Celui-ci a envoyé chercher le Sieur Henry, Èxempt de la librairie aux mains duquel il a remis 1'accufé, comme fon jufticiable. L'Exempt efl: allé en perquifldon chez le délinquant, & a trouvé quelques exemplaires de cette brochure & du Tableau de Paris. En conféquence il 1'a mené chez le Lieutenant général de, Police pour prendre fes ordres. Mais ce fage Magiflrat n'a pas jugé le cas affez grave pour mériter une détention. Cependant les Hiflrions ont été furieux, furtout le Sieur Audinot qui a vu reparoitre dans ce pamphlet une fentencecriminelle, rendue contre lui le 10 Janvier 1770", dont on aparlé, qui devoit être affichée, & dont il n'aobtenulafoustracLion que moyennant une fomme de 60,000 livres. Sa femme, en conféquence, efl: allée en députation chez Ie Magiflrat, qui lui a promis  C 237 ) juftice de 1'Auteur, tl elle acquéroit des preuves du délit, & du relte, 1'a confolée en lui difant que tout le monde étoit fujet a être déchiré; que lui-même avoit vu fe répandre des libelles contre lui, & que tout récemment la calomnie avoit eu 1'audace d'attaquer les perfonnes les plus auguftes. Ces graves évenemens répandus dans le public ont donné de la vogue a la rapfodie foraine, & 1'édition étant épuifée, on en prépare une feconde, corrigée, augmentée Les Baladins foupconnent véhémentement un Sieur Mayeur, auteur de pieces foraines jouées chez Nicolet & Audinot, & affez initié dans leurs tripots pour en connoltre les anecdotes & pouvoir les répandre. Comme en outre il efl Acteur des grands Danfeurs du Roi & trés - ménagé dans la brochure, cela augmente les foupcjOns. Le 14 Mai 1782. On appelle Soitrciers les hommes de 1'efpece de celui dont on a parlé, d'après le talent qu'ils ont de découvrir les fources ou eaux fouterraines. Celui dont il s'agit eft un nommé Bleton, déja fort connu en Province, & qui a donné lieu è un ouvrage fur cette matiere par M. Thouyenel, également recommandable comme Chymifle, Phyficien & Médecin. 11 eft intitulé Mémoire Phyfique £? Médicinal, & montre des rapports évidens entre les phénomenes de la baguette divinatoire, du magnétifme &" de 1'électricité. II eu réiulte  ( 283 ) que PAuteur croit è ces phénomenes hydro-êlectriques dont il a fait plus de fix eens expériences, & il paroït difficile que les plus incrédules réfiftent aujourd'hui a celles auxquelles onfoumet le fourcier moderne. Au refte, plufieurs Phyficiens & Minéralogiftes du premier ordre parient de ce phénomene a ne pas laiffer méme de doute fur fa pofiibilité & fon exifience. Tels font Neuman, Diederich, Formey, Sigaud de la Fond &c. Outre les expériences faites au Luxembourg, le Jeudi neuf, il en a été tenté une fur une partie de 1'aqueduc d'Arcueil, fous les yeux de M. Guillaumot, Intendant général des batimens du Roi, infpeéleur général des carrières, & elle a réufiï de la fagon la plus complette. Cet Architedte, accompagné des Infpccteurs, du Plombier de la ville, des Fontainiers, a vérifié, les plans a la main, les largeurs, les angles, lesfinuofités, enfin les points prefque mathématiques défignés par Bleton avec tant d'exaólitude, que' fi ce plan venoit a fe perdre, on le recommenceroit fur les traces du fourcier. II a affigné jufqu'a la largeur du diametre du chenal principal de la fource; il a indiqué deux petits embranchemens transverfaux , indication prife d'abord pour une erreur, mais dont 1'exiftence a été vérifiée a 1'infiant même. Les expériences du Jeudi neuf ont été répétées le Samedi onze avec plus de rigueur & d'exattitude, & toujours avec le même fuccès. La  C 289 ) La fenfation qu'éprouve Bleton conflfre en fymptömes nerveux, fpafrnodiques & convulfifs, qui fe manifeftent par la rotation d'une baguette de métal ou de bois, pourvu qu'elle ne foit pas de fureau , fupportée par fes deux index. M. Thouvenel, dans fon écrit fur cette matiere, prétend qu'en ifolant les fourciers patIe moyen d'une toile cirée, du gateau élecMque, ils n'éprouvent plus aucune fenfation, ni leur baguette aucun mouvement. On ne 'dit pas qu'on ait fait cette expérience a 1'égard de Bleton. 11 efl queftion de faire de nou velles expériences a Menil-montant oïi fe trouvent des acqueducs qui amenent a Paris Peau du Pré Saint-Gervais, & 1'on prend les plus grandes précautions pour en vérifier la juftefTe & 1'authenticité. Le 14 Mai 1782. Le Roman des Liaifons dangereufes a produit tant de fenfation, par les allufions qu'on a prétendu y faifir, par la méchanceté avec laquelle chaque leéteur faifant 1'application des portraits qui s'y trouvent k des perfonnes connues, il en a réfulté enfin une clef générale qui embrafTe tant de héros & d'héroïnes de fociété, que la police-en a arrêté le débit & a fait défendre aux endroits publics oh 1'on le lifoit, de le mettre déformais fur leur catalogue. L'Auteur efl fils d'un M. Chauderlot, premier Commis d'un Intendant des finances; il a déjk éprouvé beaucoup de chagrin de la publicité de Tomé XX. $  £ 2CO ) fon ouvrage. Paree qu'il a peint des-mem[tres, ou veut qu'il en foit un, fmnum hahet in cornu, longèfuge. II efl; allé a fon régiment travailler a uDe juftification. Le 15 Mai 1782. L'Efpion du Boulevard du Temple fait tant de bruit, qu'il exige un détail plus circonftancié. Cet ouvrage, dont le titre piomet peu, n'eft pas fans mérite, cc fi 1'Auteur eüt traité de perfonnages plus connus & plus importans, il auroit eu une vogue infinie. Les cha'pitres plus tolérables font ceux oh il paffe en revue les fpectacles forains tels que celui des Eleves pour la danfe de 1'opéra, le théatre des Affociés ou Grimaciers, paree que leur principal talent eft de faire rire par des grimaces; les Grands-Danfeurs du Roi fous la direction du Sieur Nicolet; l'Ambigu comique , fous celle du Sieur Audinot, enfin,les Variétés amufantes. II n'eft aucun des Afteurs ou Aclrices dont il ne rapporte les anecdotes, & quelques unes deviennent intéreffantes par la filiation qu'elles donnent aujourd'hui d'héroïnes fur le pinacle. Les gradations de leur fortunefourniffent affez matiere au Philofophe ; celle qu'on y trouve auffi du talent de certains Auteurs & Acteurs , s'effayant d'abord fur des tretc-aux & devenus enfuite des étres importans, n'eft pas moins amufante & confolante pour le citoyen obfeur, qui voit ainfi naïtre & s'élever les réputations. Le Chroniqueur des Boulevards entre a eet égard dans des détails li particuliers cc u cir-  ( 2pr } conftaneiés, qu'on ne peut guere lui refüfer fa confiance. Le tout efl lardé de pieces de profe,de chanfons, de.contes, d'épigrammes, de vers qui ont prefque tous du fel & de la gaïté ; quelque fois de 1'obfcénité & de Ia plus groffiere; mais c'eft Ie genre, & fi elle peut être bien placée quelque part, c'eft en pareil fujet. Q_uelle gloire pour les traiteurs, pour les maitreflés des caffés borgnes des Boulevards, de voir leurs noms moulés & leurs aventures célébrées! Le moyen qu'elles ne veulent pas acheter la brochure & 1'étaler fur leur comptoir. Après avoir ri de toutes les efpeces que 1'efpion paffe en revue; il réfulte cependant de fon tableau une vérité très-affligeante pour 1'homme de bien: c'eft que ces Boulevards font le repaire de tous les plus mauvais fujets de Paris, 1'écoJe de tous les vices, & leurs fpectacles des gou. fres oh va s'engloutir Ie gain des artifans, des ouvners, des manouvricrs, de tout le peuple en un mot, & fe perdre.l'innocence des enfans des deux fexes. Du refte, en revenant al'ouvrasie, il feroit a fouhaiter que 1'Auteur s'élevantjufqu'a "ne fphere plus brillante, pafiüc ainfi en revue les grands fpectacles & furtout 1'opéra qui ne fe trouve pas aujourd'hui fort éloigné de fes domarnes, & pourroit entrcr dans fes obfervations Le 15 Mai 1782. M. Diderot, fiché qu'on eut mutilé fon ouvrage fur Seneque, a pris 1c ■ N 2  { 252 ) parti de le faire imprimer en pays étranger fous le titie plus impofant è'EJJai fur les Regnes de Claude è? de Neron & fur les Mmurs & les Ecrüs de Seneque pour fervir d'introduclion d la leSture de ce Philofophe. II eft auffi plus étendu & embrafte deux volumes avec un grand appareil de notes de deux efpeces: les unes de 1'Editeur, & les autres de 1'Auteur même. Tout cela fent beaucoup le charlatan. Pour furcroft, il y a joint une efpece de dédicace a un M. Naigeon, qui a fait les premières notes, & eft repréfenté comme 1'inftigateur du travail du Philofophe, eonjointement avec un Baron d'HoIbach. Celui-ci tient bureau ouvert de philofophie, il eft le point de ralfment, c'eft a fa table que viennent s'affeoir .les Ariftippes de Ia feae moderne. M. Diderot a affeclé de faire venir dans les notes le nom & les éloges des prineipaux, qui fans doute le próneront a leur tour. Qui croiroit que 1'étalage de tant d'érudition n'a été imaginée, comme. on 1'a dit, que pour amener une note fanglante contre Rousfeau. 11 n'étoit que défigné dans la première édition, dans celle-ci M. Diderot le nomme & redouble de fureur. 11 fentoit approcher le moment de la publicité des fameufes Confeffions, Sc il a cru fa diatribe plus néceffaire. Sous prétexte de fe difculper, il la développe & 1'étend ; il s'en fait d'autantplus gloire, qu'il déclareavoir fu être ménagé, Sc ne vengcr en ce moment que les Philofophes, fes confrères Sc fes amis.  C 293 ) Outre cette digreflion qui fait grand bruit, comme il a replacé dans 1'édition nouvelle des morceaux retranchés dans celle de France, on a trouvé différentes allufions au regne précédent, qui excitent une violente tempé te contre le moderne Tacite. Le 16 Mai 1782. Hier M. Seguier a porté la parole dans le procés entre la ville & M. le Duc de Chartres: il Pa fait avec un ordre, une netteté qui ont fatisfait fmgulierement toutl'auditoire; d'autant mieux qu'en convenant de la validité de Facie en lui-même, titre de S. A., il a prouvé invinciblement qu'elle n'avoit aucune acTion a exercer contre la ville. En conféquence, les juges ont abfolument dé« cidé en faveur de la ville & condamné le Duc de Chartres aux dépens envers elle pour avoir mal dirigé fa demande; fauf au Prince ix fe pourvoir pour les indemnités qui lui font dues contre 1'Académie royale de Mufique même, que le Parlement, d'après le dévelopement de M. 1'Avocat général, a reconnu pour un corps réel, fubfiftant, ayant une propriété, des revenus &c, Le public, toujours de plus en p'us mal dispofé contre M. le Duc de Chartres, a fmgulierement applaudi a PArrêt. Le 16 Mai 1782. Depuis quelque tems on parle d'un Mémoire envoyé au Miniftre par Me. Linguet du fond de fa captivité, fuivant lequel après avoir fait voir Pinfuffifance des fiN 3  C 294 ) gnaux", des pigecns, des bombes, des coups de canon, des fufées & autres moyens mis en pratique jufqu'a préfent pour tranfmettre rapidement une nouvelle d'un pays a un autret, il ofire d'indiquer une meilleure méthode qu'il a imaginée, fuivant laquelle un avis feroit donné de Breft, ou de Bayonne a Verfailles, de quelque étendue qu'il foit,& la réponfede Verfailles k 1'un de fes ports, feroit rendue en moins de tems qu'il n'en faudroit au fcribe le plus habile pour le copier lifiblement fix fois. Le prifonnier demandè en conféquence d'être provifoirement mis en liberté, afin de faire 1'esfai de fon fecret, & fa liberté entiere s'il eft jugé bon. Comme il y a prés d'un mois qu'on annonce cette finguliere déeouverte, qu'on allure même que le frere de Me. Linguet eft a Verfailles pour folliciter les Miniftres k cet égard, & qu'il n'en eft encore réfulté aucune réponfe fatisfaifaute, bien des gens révoquent la nouvelle en doute. Le 17 Mai 1782. Quoique 1'époqueoh 1'Académie Francoife doit pour la première fois adjuger le prix fervant de récompenfe chaque année k 1'ouvrage de littérature le plus utile au bien de 1'humanité, qui aura paru durant fon eours,foit encore éloigné ,elle eftprefque déja décidée d'avance :on dit que les juges fe font arrêtés d'une part fur le livre fur 1'éducation, de Mad. la Comtefié de Genlis de 1'autre fur les.  ( m ) Lettres cCEmilie de Mad. d'Epinai, autre V\u tuofe tres-renommée. On ne fait encore quel livre fera préféré. Mais on eft furtout bien aife que ce foit une perfonne du fexe qui feit eouronnée, afin d'encourager les femmes a courir la carrière. Le 17 Mai 1782. Un arrêt de réglement, rendu le 19 "Février 1782, concernant l'adminiftration de la nouvelle prifon conftruite a 1'hótel de la Force, mérite d'être connu dans fes principales difpofitions, très-fages. D'abord, on y affujettit tous les prifonniers aux exercices défignés de religion & piété, fous des peines plus ou moins graves, en cas de récidive. Enfuite, on y veille a la police des chambres & des dortoirs, & furtout au maintien des' mceurs,par la féparation des filles & des femmes prifonnieres, d'avec les hommes, & 1'infpecTion fur les perfonnes du. fexe qui peuvent venir voir les prifonniers. Les meres, femmes, filles ou fceurs peuvent feulement entrer en dedans de la prifon des hommes; les étrangers ne peuvent leur parler qu'au parloir & réciproquement de même des hommes pour la prifon des femmes. D'autres articles veillent contre les monopoles de tout genre & de toute efpece que commettent les conciërges envers les prifonniers. 11 leur eft défendu d'en exiger de 1'argent, fous quelque prétexte que ee foit; on profcrit même la rétribution que les anciens prifonniers N4.  C 206" ) pourroient exiger des entrans a titre de Hen-venue; le tout fous des peines graves contre les contrevenans. Certains enfin prefcrivent les égards que les. conciërges doivent avoir pour les prifonniers, reglent le prix du loyer des chambres particulieres, les heures de repos, la quantité de boisfon que les prifonniers peuvent faire venir. Le 18 Mai 1782. Extrait d'une lettre de Lyon du 13 Mai... M. le Comte & Madame la ComtelTe du Nord viennent de partir de cette ville, après y avoir paffé fept jours & avoir répandu non de i'argent, mais de I'or immenfément. Vous en pourrez juger par un feul trait. On avoit mis un petit détachemeut du guet fur pied pour veiller a leur fureté, a leur paffage, & empêcher que la foule en approchat trop. Le Comte du Nord en reconnoiffance de fes bons offices a fait préfent au Sergent d'une montre d'or émaillée & enrichie de diamant. Dans ce guet il s'eft trouvé un Ruffe, il 1'a dégagé, lui a donné rendez vous a Petersbourg, & en attendant 50 louis pour fon voyage. Ses libéra' lités fe font étendues non-feulement aux manufaélures de cette capitale, oh 1'Impératrice des Ruffies fait travailler beaucoup; mais même a nos höpitaux oh ce Prince a été conduit par la feule humanité. Qui le croiroit? Enrevenche, par la grofiiereté de notre populace, il n'a recueilli que des mortifications; il ne faifoit pas un pas qu'il n'entendit répéter a fes oreilles: Ah!  < 297 5 ah! mon Dieu, qu'il eft vilain! II a foutenu tout cela avec beaucoup de prudence & de philofophie ; cependant un jour en fe retoumant vers quelqu'un qui 1'accompagnoit, il a dit affez haut pour être entendu, mais d'un ton honnête & modéré: ,, Affurément fi j'avoisétéjufqu'ici „ a ignorer que je fuffe Iaid;ce peuple me Pao„ roit bien appris. " On compte qu'il a dépenfé peut-être un million durant fon féjour en cette capitale. II va maintenant a Dijon. Le 19 Mai 1782 Les bruits avant-coureurs de la fortie prochaine de M. i inguet de la Bastille, viennent enfin de fe réalifer. II paffe pour confhnt qu'il a obt nu aujourd'hui fa liberté a cinq heures du foir: c'eft la grande nouvelle de tous les bureaux littéraires. C'eft a M. le Marquis de Caftries & furtout a M. de Charlut, fils de ce Miniftre, qu'on attribue cet heureux événement. 11 eft très-vrai qu'il avoit adreffé au premier, comme Miniftre de la marine, un mémoire affez étendu fur la découvertc de fon nouveau fecret. Bien des gens croient le favoir en gros & affurent qu'il confifte a inférer la lettre qu'on voudroit faire parvenir dans un boulet qu'on Ianceroit au moyen d'un mortier a une certaine diflance, & qui regu & renvoyé de même'parviendroit tres-promptemerft, fans que'les agens de ce meffa.,e rapide puffent favoir &découvrirlanouveile qu'ils tranfmettroient. Au refte, le Mémoire de Me. Linguet eft encore empreint du  C 2J>fr ) feu ordinaire de 1'Ecrivain, feu qui ne femble point s'être éteint dans fa retraite. 11 demandoit a effayer fon invention de faint- Germain h; Paris, & c'étoit 1'affaire de quelque minutes. Ses amis difent que fon fecret a été trouvé tresbon, c'eft-a-dire trés - poffible, & qu'on va: Pex écuter. Le 19 Mai 1782. M. d'AIembert,. toujours très-jaloux de montrer de tems en tems des preuves de fa correfpondance avec le Roi de Pruffe, a fait part d'une lettre de ce Monarque au Philofophe au fujet du voyage du Pape k Vienne; mais après en avoir donné connoiffance, il paroït qu'il 1'a retirée,. car on n'en peut avoir de copie que difficile'nent. On dit que le Pape n'y eft pas mal plaifanté, ce qui eft affez vraifemblable. Le 19 Mai 1782. Mlle Maillard a débuté avant hier a 1'opéra dans le röie de Colette du Devin de village avec beaucoup de fuccès Elle joint k une figure intéreffante , un fon de voix sgréable, une prononciation nette & un chant facile. Elle eft pour 1'organe bien fupérieure a la Dlle Audinot & a la Dlle Buret; mais elle eft gauche comme A&'rice, ce qui eft plus étonnant en ce qu'elle a déjè joué pendant quelque tems au petit théatre des Coniédiens du Boisde Boulogne & y recevoit des applaudiffemens. Vouée k la fcene dès fon enfance, elle prenoit des leeons de danfe au magazin- de 1'opéra; mais la trouv-ant peu propre pour le chant £  C 299 'J' raifon de fon organe, on 1'a fit cHanger da deftination. Le 20 Mai 1782. On s'entretient aujourd'hui de Me. Linguet avec autant d'empreifemenc qu'on le faifoic au momenc de fa détention. On fait toutes fes démarches; on rapporte fes propos. Quoique la lettre de cachet pour fa fortie füt expédiée dès le famedi, il n'a eu en effet fa liberté que le dimanche h cinq heures du foir: c'eft fon frere & le Sieur le Quefne qui ont été le chercher: ils 1'ont trouvé maigre, trifte, mais toujours plein de feu & entier. II eft un peu malade & a befoin de fe médicamenter. Pour que la furprife de fon changement d'état ne- lui fit pas trop d'impresfion, le Gouverneur de la Baftille 1'avoit depuis quelques jours préparé è cet événement, On perfifte h dire qu'il ne le doit qu'au fils de M. de Caftries & & fon pere. Il n'y a pas I quinze jours encore même que le Sieur le Quefne, ne voyant point le fuccès des démarches relatives au projet annoncé de ce prifonnier, en défespéroit; car il y a plus d'un mois ■ que la chofe traine. Soit que le Miniftre de Ia marine ait fait femblant de croire au fuccès de ce fecret pour favorifer Me. Linguet, foit qu'il y croie réellement, fa liberté eft le prix de fon invention; il en a donné le mot, le Sieur le Quefne le fait,. & on doit en faire 'incefla- l inent 1'effai. • M. Linguet eft d'abord allé chez le Sieur - . N ö  C 300 ) Ie Quefne, oh fon frere & lui ont voulu le prêcher; mais il leur a répondu que c'étoit plus fort que lui; que tout ce qu'il voyoit en France 1'indignoit; qu'il falloit qu'il écrivft & cenfurat; que conféquemment il ne pourroit refter a Paris & s'expatriroit de nouveau. 11 -loge chez fon frere, Rue-Pavée-Saint-Andrédes Arts n°. 20. On Pa invité £ ne pas fe montrer de quelques jours & a ne voir que peu de perfonnes. Sa première fortie doit être pour aller chez M. le Noir,& enfuite chezM. Amelot. II eft très-certain que dans fa correfpondance avec le Sieur le Quefne, il y a eu une lacune de fept mois , durant lefquels celui - ci n'a pu lui écrire, lui faire rien palier, & n'en recevoir aucun Cgne de vie. Ce qui a donné lieu aux différens bruits de la tranflation de Me. Linguet & même de fa mort. Durant cet intervalle, les ennemis de M. Linguet vraifemblablement fe plaifoient a tourmenter fon correfpondant; i.1 recevoit des lettres de différens cötés oh 1'on lui difoit 1'avoir vu paffer en route, Favoir vu a Pierre-encife, au Mont- Saint- MicheL Sur ces alarmes, le Sieur le Quefne alloit les dépofer dans. le fein de M. le Lieutenant général: de bolice, qui, fuivant ce que lui diéloit fa, fageffe, ne donnoit aucun éclairciffement au Sieur le Quefne >l & le laiffoit dans fon incertitudc. On- affüre que c'eft atr Maréchal Duc dé Du;-x&zfcul,, que Me. Linguet doit. £- cataftrophe,»  effet de la vengeance implacable de ce gfand Seigneur outré; le Sieur le Quefne rapporte qu'ayant été plufieurs fois le folliciter pour le calmer, il 1'avoit toujours trouvé furieux, & d'autant plus furieux , qu'il déclaroit avoir été Ie partjfan, Fadrmrateur, le défenfeur du Journalifle, au point qu'il fe feroit rendu le colporteur de fes feuilles; mais qu'il le tueroit s'il le tenoit en fa poffeffion. Voila tous les détails qu'on a appris chez M. le Quefne, qui, du refte, raffure plus que jamais les foufcripteurs desannales, & promet que leur Auteur remplira tous fes engagemens. Le ai Mai 1782. Le Grand Duc & Ia Grande-Ducheffe de Ruffie, fous le nom de Comte & Comteffe du Nord, font arrivés le 18 h Paris & logés a 1'hötel de 1'Ambaffadeur de la ( zarine fous le nom d'hötel de Levi , rue de Grammont, au coin des Boulevards, Le peuple ne ceife depuis ce tems d'obféder leur hótel. On a trouvé en effet le Comte fort laid de figure, mais Ia Comteffe fuperbe, dans le genre allemand , homaffe, & de 1'échantillon a. peu prés de Mad. la Ducheffe de Mazarin. On dit qu'ils ont trois millions a dépenfer ici. Le 22 Mai 1782. Lundi treize de ce mois il y eu a 1'Ecole royale vétérinaire de Charanton un concours des plus brillans, oh ont as« fifté prefque tous les Miniftres, beaucoup de grands Seigneurs beaucoup de MagiflratSj. grand nombre de Militaires & une foule de  C 302 ) curieus de tous états. C'eft M. Joly de Fleury qui, comme Miniftre des finances, y préfidoit. Le concours a eu pour objet les opérations qui ont été faites par les artiftes vétérinaire?s fur les animaux vivans; enfuite ils ont été interrogés fur la théorie des maladies qui exigent •ces opérations; les éleves ont été jugés par 1'asfemblée, a laquelle avoient été invités plufieurs Médecins & Chirurgiens, entre autres les membres de la Société Royale de Médecine. M. Joly de Fleury a infifté k plufieurs reprifesfur la fatisfaétion que lui & 1'affemblée éprouvoient du progrès des éleves; M. Chabert, le Direóteur de 1'Ecole, un des plus favans hommes en ce genre, a regu du Miniftre les témoignages les plus flatteurs de fon approbation. Mais la circonftance la plus frappante & Ia plus honorable pour la France,c'eft la réfiexion de M. le Comte d'Aranda, Ambaffadeur d'Espagne, qui étoit auffi préfent, & a avoué qu'iln'exiftoit pas de Gouvernement oh les Administrateurs fupérieurs entraffent dans des détails auffi: multipliés fur les objets intéreffant le bien public. Le 22 Maï 1782. II paroït que Mlle Arnoult n'a pas été fi difficile que Mlle Raucoux enversla jeune éleve de 1'Académie Royale de Mufique, Mlle Aurore,. puifqu'elle lui a propoféde la guider dans la carrière du théStre, ce qu'onf voit par le remereïment en vers de la pupile.  c 303 y Vous daignez, célebre Soplïié, A mes talens naiflans pröfenter un appui;-. D'un tel foutien mon ame énorgueillie, Ne craint plus d'obftacle aujourd'hui; Si la route des arts m'elt par vous applanie, Bien füre du fuccès * j'oferai tout tenter: Elevc de la gloire, & fon incime amie, C'eft a vous de m'y préfenter. Le 22 Mai 1782. Extrait du journal d'un Officier de la Marine, de Vejcadre de M. le Comte d Eftaing. Tel efl; le véritable titre de la brochure qu'on a annoncée & qui commence a étre moins rare. Elle efl: précédée d'un portrait affez reflemblant de ce Général, né le 24 Novembre 1729. Elle n'a que 120" pages, gros caractere, & n'en efl: pas moins ennuyeufe par le ton fee & auflere de TEcrivain ,par fon ftyle trop technique & quelquefois peu Francois; ce pamphlet fans les circonftances, feroit illifible; mais le defir de s'inftruire de faits récens qui ont donné ]e branie a la guerre aéluelle durant encore, fait furmonter les dégoüts de cette lefture. On doit la juftice a 1'Auteur de le regarder camme impartial. II paroït avoir bien analyfé le caractere du Gomte d'Eflaing & fouillé dans les divers motifs qui ont dirigé la plupart de fes actions.. Ce qui contribue encore a lui mériter quelque créance, c'eft que, quoiqu'il s'annonce pour un Officier de la marine, il n'épargne pas fon corps, du moins les membres qui ont failli: le Comte de Breugnon ...le Comte de GrafTe  c 304 y M. de Kerfaint, & d'autres recoivent Ia eenfure qu'ils méritent en général. En étudianc ce journal, on voit que fi nous avons fait des fautes, les Anglois n'en ont pas moins fait; mais que malheureufement celles-ci des deux cötés font provenues le plus fouvent d'un défaut de tête, de combinaifon, de vigilance, de confiance, de courage méme, & que las fuccès ne font prefque dus au contraire qu'au hazard & aux fottifes de 1'ennemi. Le 23 Mai 1782. Le Mémoire par lequel M . Linguet annoncoit fa découverte n'elt encore que manufcrit, mais comme il n'eft pas exceffivement long, les copiess'enmultiplient, & il commence a acquérir plus de upblicité, furtout depuis fa fortie. Dans les trois premières pages qui font une efpece d'intröduftion,il annonce tous les moyens connus pour tranfmettre furement des avis,avec promptitude. II rappelle ceux employés par les anciens & adoptés encore de nos jours: ils ne font propres qu'a dbnner I'alarme dans 1'occafion, ou k annoncer un feul fait, connu d'avan. ce, fans aucun détail,-fans aucune circonftance. Les fignaux par les pavillons prouvent, continue 1'Auteur, qu'il n'eft pas impofiible d'établir un idióme conftant & réglé, dont la vue fera le feul interprete, & un interprete auflï rapide que docile. II piétend l'avoir trouvé: il propofe en conféquence un moyen qui réuni't 1'unique avantage en ce genre , 4'extréme rapi.-  C 305 > dité, a tous ceux qu'on peut defirer dans cette I pofte oculaire, facilité, fureté , fimplicité» I economie. i°. II tranfmettra les avis les plusétendusavec tous leurs détails, les ordres les plus effentiels avec toutes leurs circonftances, fans qu'il foit jamais befoin de rien changer aux fignaux, ni. de faire des conventions nouvelles. L'établisfement une fois fait, ne fera fufceptible ni de dérangement, ni de retard, ni furtout de hornes. Quoique fon emploi ne düt pas étre de. rendre des inftruétions volumineufes; dans un cas prcffant, il pourroit les tranfmettre avec la plus grande précifion, fans prendre beaucoup plus de tems que pour les renfeignemens fommaires. 20. D'une part, le fecret fera impénérrable; les agens intermédiaires ne fauront pas plus ce qui fe paffe par leurs mains que les couriers ne font inftruits de ce que. leurs paquets renferraent. Le mot de cette énigme volante ne fera connu qu'aux deux extrémités, c'eft-a-dire des perfonnes fpécialement chargées d'expédier les avis & de les recevoir. D'un autre cóté, il y aura un ir.oyen de donner a cette correfpondance aërienne, la même authenticité qu'aux dépêches ordinaires. Enfin, il n'y aura jamais d'erreur a. craindre; car. on pourra fuc le champ en vérifier la jufleffe. '30. II ne faudra qu'un feul inftrument, ou plutót un outil affez folide, pour pouvoir êüe  C 306- > fans danger manié par toutes fortes de mains & d'ailleurs affez peu compliqué , affez naturel, pour qu'il n'y ait pas de village oii 1'on ne trouvé des ouvriers en état de le conftruire & a plus forte raifon de le raccommoder. 4°. Quant k la rapidité, 1'inventeur s'engage k rendre un avis de Breft, ou de Toulon, ou de Bayonne a Verfailles, de quelque étendue qu'il foit, & la réponfe a 1'un de ces ports en moins de tems qu'il n'en faudroit au fcribe le plus babile pour le copier lifiblement (ix fois. La diftance des lieux n'eft rien pour lui, quoique Toulon & Bayonne foient du doublé plus éloignés de Verfailles que Breft, 1'avis parviendroit auffitót:. il parviendroit de même de Conftantinople ou de Petersbourg, fi les ftations particulieres pouvoient fe difiribuer auffi facilement. C'eft même la ce qui appartient k 1'inventeur. Le refte n'eft que 1'application heureufe d'un procédé ufité journellement dans deux métiers des plus connus & des plus vulgaires 50. Enfin, 1'établiflement complet pour la communication du point le plus éloigné du. Royaume avec Verfailles ne coüceroit pas 3000 livres: de Breft il coöteroit a peine 100 louis; & des autres k proportion. Elle ne pourroit jamais paffer 20,000 livres pour tout autre endroit. L'auteur propofe de faire les diverfes épreuves a fes frais; de former aux prix ci-desfus tous les établiffemcns,,& de les entretcnir en  C 307 > fe rendant garant de tout. L'épreuve du projet peut s'effayer de Paris a Saint Germain en quatre minutes, & peut étre fecrette. ' Tel eft le précis du mémoire de M. Linguet, plus fagement écrit que fes autres ouvrages,plus clair & plus précis, quoiqu'il préfente encore quelque confufion, quelque ambiguité. Le 23 Mai 1782. M. le Comte & Mad. Ia ComtelTe du Nord ont rempli ces jours -ci a Verfailles tout Ie cérémonial d'ufage. La circonftance la plus remarquable eft un propos de Madame Ia ComtelTe le jour oii elle fut chez Mad. Elifabeth. Cette Princeffe, après avoir fatisfait a 1'étiquette, chargea Mad. la ComtelTe Diane de Polignac, fa Dame d'honneur, de la conduire plus loin & jufqu'en dehors de fon appartement: dans ce trajet la ComtelTe du Nord témoignoit combien elle étoit enchantée de Mad. Elifabeth,& s'étendant fur fon perfonnel,ajouta qu'elle 1'avoit trouvée charmante de figure & trés-bien du refte, ainfi que Madame la Princeffe de Piémont fa fceur: oui, dit Mad. Diane, ces deux Princeffes fe reffemblent beaucoup pour les graces & 1'amabilité; elles n'ont contre elles dans leur perfonne que d'avoir trop d'embonpoint Pour moi , a répondu féctiement 1'augufte étrangere, elle même très-corpulente, je ne leur ai point trouvé ce défaut;elles m'oat paru parfaitement bien. A ces mots, elle a quitté Mad.. Diane qui s'eft apptrcue de Pin-  ( 308 ) difcrétion & de Ia malhonnêteté d'un propos qu'elle avoit tenu innocemment, & fans doute elle profitera de la letjon une autrefois. Le 24 Mai 17S2. M. le Comte & Mad. la ComtelTe du Nord ont très-bien débuté ici. Le jour oh ils font arrivés, le peuple, inflruit de leur venue , s'étoit raiTemblé en foule fur les boulevards aux environs de leur hotel, en forte qu'ils n'ont pu échapper a la curiofité générale. Dès qu'on les aappercus, onacrié: viveMonfieur le Comte &f Madame la Comteffe du Nord: le Prince a baiiTé fur le champ les glacés de fon carofle, a rallenti fa courfe, la tête a la portiere, &, avec les marqués de la reconnoiffance la plus affeêtueufe , a répondu: Braves Frangois, je fuis pênétré de l'accueil obligeant que vous me faites, Êf je n'en perdrai jamais la mémoire. Et les cris de redoubler Les bruits qu'on avoit répandus, défavorables au Comte, k 1'occafion de fa figure, ont trèsbien opéré; on Pa trouvé beaucoup moins mal qu'on ne 1'avoit annoncé. D'ailleurs, un caractere de bonté fur la figure d'un Souverain efl; le plus beau a voir. Quant a la Comtefle, elle a plu généralement; non feulement tUe a les traits beaux, mais fa taille haute empêche qu'elle ne paroifle trop grofle; elle a beaucoup de maintien , de noblefle dans le port & d'aménité dans la phyfionomie. Le 25 Mai 1782. M. & Mad. la Comtefle du Nord.font vequs hier a. Notre-Dame, lansen  C 309 ) avoir prévenu, avec peu de cortége óc dans Ie plus grand myftére;on en a cependant été bientot inflruit, cc quelques Chanoines Te font détachés pour leur faire les honneurs. En entrant, Madame la Comteffe s'eft écriée: Voila un beau Gothique; on ne trouvé pas dans le monde deux Saint-Pierre de Rome; mais n'importe, cette bafilique eft fuperbe dans jon genre; elle a tout admiré avec quelques réflexions pareilles annoncant fon efprit cc fes connoiffances. C'eft en parlant furtout des tableaux de cette riche églife qu'elle a montré fon goüt; Elie a auffi rappelé le Cardinal de Rets, cc fait voir qu'elle •n'ignoroit point notre hiftoire. Lorfque ces deux illuflres étrangers ont eu parcouru cc vifité en détail Notre-Dame cc le tréfor. L'abbé de la Fage a dit au Comte: Mon '„ Prince, quand le Czar Pierre vint ici, il voulut voir le Chapitre cc le Terrein : volon„ tiers a-t-il répondu, j'irai partout oh vous „ voudrez bien me mener. Quand ils ont été au Terrein, petit jardin deftiné a la promenade des Chanoines cc habitans du cloitrg; M. 1'Archevêque qui les a vus, a envoyé fon caudataire pour les cornplimenter cc leur demander quand il lui feroit permis d'allcr leur faire fa cour. II ne faut pas qu'il fe donne cette peine-la, a répondu le Prince, nous fommes ici incognito , fans cela nous irions chez lui, mais nous viendrons le voir officier, ce qu'il fait, dit-on, avec  C 310 ) beaucoup de dignité & d"édification. A cette occafion, Ie Comte, moins parlant & plus timide, a dit k M. de la Fage; Mon- Geur, il n'y a paslongtems, ce me femble, „ que cet Archevêque eft fur le fiége; fora ,, prédécefteur avoit été bien tribulé. " Mon Prince, a répondu 1'Abbé de la Fage embarrasfé, il a eu quelques tracafferies avec les Magiftrats. Je ne parle pas de cela ümplement: il a été tribulé par le Roi même, par fon Maltre. Mon Prince, Louis XV 1'aimoit, & s'il 1'a exilé, ce. n'a été que pour le fouftraire aux perfécutions du Parlement. A ces mots, Ie Comte a hauffé les épaules , & fait un figne de pitié «jui a parfaitement défigné fon peu de vénération pour un pareil Souverain. En général, c'eft la Princefle qui a brillé, qui a été trouvée charmante & d'une douceur d'Angc. Son augufte Epoux a paru réfervé, quoique très-judicieux dans tout ce qu'il dit. ,Le 25 Mai 1782. II n'y a pas longtems qu'il avoit paru un vaudeville fur nps Actrices de la comédie Francoife, on vient de les chanfonner de nouveau. On parle de onze couplets attribués a M. de Cbampcenets en poiTeffion de plaifanter pes Demoifelles ; on croit que M. de Louvois n'y a pas peu contribué auffi: quoi: qu'il en foit, ces jours derniers c'étoit un empreflement général au foyer de Ia nouvelle falie de fe pourvoir dc cette facétie & de la j copier.  ( 3" ) Le 26 Mai 1782. On peut fe rappeler une piece de M. de Voltaire, intitulée Char/ot ou la ComteJJe de Ghry, qui n'a pas encore été jouée, mais feulement imprimée. Les Comédiens Italiens fe difpofent h. repréfenter inceffamment cette ceuvre dramatique, & fans doute ils ont obtenu 1'agrément néceflairede la familie. Le 27 Mai 17S1. M. Linguet a été purgé trois fois depuis fa fortie de la Baftille, & il paroït que fa fanté pour laquelle on craignoit, s'eft raffermie. il a fait les vifites de cérémonie & commence a fe montrer en public; on 1'a vu hier au Palais Royal, mais fans que fa préfence ait fait aucune fenfation. En général, il a eu la douleur de trouver que fa cataftrophe, en le faifant plaindre de tous les enncmis du defpotifme qu'il a trop défendu, ne lui a pas laiffé beaucoup d'amis chauds & zélés. Pendant 1'efpece de retraite dans laquelle il a été obligé de pafier quelques jours, il s'eft faic rendre compte par fes émiffaires affidés de Ia maniere dont s'étoient conduits fes ennemis durant fa détention; &, pour la plupart, il a remarqué qu'elle avoit été honnête; qu'on avoit gardé fur lui un filence profond, & refpeété fon infortune. II a cependant été fort fcandalifé du propos de Me. Gerbier, tenu au Parquet, qui lorfqu'on lui dit: Eh bien voiki votre ami Linguet qui eft pendu répondit avec un fourire ironique: non, il n'eft encore que pendable. Après les propos, & ce qui lui_ étoit perfon- j  Bel, il s'eft fait répréfenter les ouvrages nouveaux intérefTans, publiés durant fa prifon, & 1'on parle de plufieurs qu'il amis kïindex, c'eft k dire dont il s'eft chargé de rendre compte dans fon Journal; car on perfiftc a certifièr qu'il ea a déja trop dit depuis fa délivrance. II a recu depuis peu une lettre de M. de Caftries relativement a fon projet; mais la facheufe nouvelle atrivée par la voie de Londres, donne a ce Miniftre d'autres affaires que celle de s'occuper de cette minutie. Même plufieurs jours après la liberté 'rendue a M. Linguet; comme il ne fe montroit pas encore dans les lieux publics, une foule de gens en doutoient encore, venoient chez le Sieur Ie Quefne & fommoient cet agent de le leur répréfenter pour les convaincre. Beaucoup d'autres ont été par curiofité chez lui, fous prétextê de lui demander fon mémoire fur fa nouvelle invention- Le 27 Mai 1782. On peut fe rappeler qu'au commencement de 1779, M.le Lieutenant général de police avoit imaginé, pour tirer les prifonniers de Bicétre de 1'oifiveté pernicieufe oh ils étoient, de les occuper a plufleurs efpeces de travaux, & entre autres a y élever 1'eau du puits, dont les feaux énormes contiecnent jufqu'a 900 pintes d'eau. II avoit inftitué un prix de 600 livres en faveur de 1'Auteür qui propoferoit le meilleur moyen de faire exécuter ce projet; car jufque-la un pareil travail fem- bloit  C 313 ) bloic au deiïus des forces humaines. Celui de M. de Bernieres fut préféré; il fut exécuté; cc après une expérience conftante d'une année, le prix lui a été adjugé; ainfi qu'un fecond de pareille fomme que l'Adminiftration avoit joint au premier. Cette machine vient d'être reconfiruite a neuf, cc M. de Bernieres a profité de 1'occafion pour l'améliorer encore & empêcher que les feaux ne perdiflent une partie de leur eau avant de parvenir au réfervoir. Tout cela rend le puits de Bicêtre déja 1'objet de la curiofité générale des étrangers, encore plus digne d'admiration, & 1'on ne doute pas que le Comte du Nord n'aille voir cette merveille en méchanique. Le 27 Mai 1782. Suivant des Lettres de Pisle de France, M. de Sornay,Chevaiier defaintLouis, Major d'infanterie, dans cette colonie auroit découvert la folution du fameux pro! blême des longitudes par un moyen fimple & auffi facile qu'eft la méthode en ufage pour la latitude. Le fuccès en auroit même été confirmé par le réfultat d'obfervations faciles avec fon inftrument, lorfque le foleil au zénith ou a 1'horifon s'eft trouvé éloigné de 1'équateur ou dans 1'équateur. Avant de croire décidément k cette merveille, il faut attendre cependant que les favans aient parlé. Le 28 Mai 1782. Mlle de Raucourt a fait Tomé XX. Q  t 3'4 ) imprimer fa piece ó'Henriette, oh, dans m avant-pvopos, dans 1'efpoir de mieux fe conafiér'indulgence du pubüe , elle prétend que fon drame n'eft le fruit que de trois femaines de travail • ou'elle 1'a commencé le 12 Novembre 1781 & lu aux Comédiens le 7 Décembre fuivant. Le 28 Mai 1782. Les Liaifons. dangereufes 5 ou Lettres recueillies dans une fociété, & pubiiees pour l'inftrufoon de quelques autres par M. C... ^Tenjft 'le "«e du nouveau roman qui fait tant de bruit aujourd'hui, & qu'on prétend Lvoir marquer dans ce fiecle: il eft en quatre parties formant quatre petits volumes 11 eft précédé d'un Avertiffement de l'Editeur, r,erfifla2e oh prévenant les allufions qu'on pour?AtTrouver dans cet ouvrage, il donne a entendre que ce n'eft qu'un Roman, un Roman gauche même,en ce qu'on y a peint des mceurs corrompues &-dépravées qui ne peuvent etre de ce fiecle de philofophie oh les hommes font fi honnêtes & les femmes fi modeftes & fi re"fcr v écs Suit une Prêface du RêdaBeur qui rend compte de la maniere dont il a été charge de publier cette correfpondance. II annonce en avoir élagué beaucoup de Lettres & réferve feulement celles néceffaires foit a lhntelhgence des évenemens, foit au développement des caracleres. Quant au ftyle, on a defiré que, malgré les mcorredions & fesfautes, il le laiffat tel  C 315 ) qu'i! étoit, afin de conferver furtout Ia diverfïté des ftyles qui en fait un des principaux mérites. Le 29 Mai 1782. Les Confeffions de Jean Jacques font divifées en livres. Le premier embraffe les feize premières années de fa vie depuis Ie moment de fa naiflance jufqu'a celui ou il quitta Geneve, fa patrie, en 1728. Cette époque, quoique courte, eft affez variée par les différens genres d'éducation qu'il recut, & d'occupations auxquelles il fe livra. L'anecdote la plus curieufe eft celle d'une Demoifelle Lambercier, fceur d'un Ministre chez lequel on 1'avoit mis pour apprendre le latin , cc qui fuppléant a fon frere, fouetta un jour de fes mains le petit Jean Jacques, ce qui lui agita fi délicieufement le fang, que depuis Iors il n'a jamais perdu le goüt de cette volupté, cc c'étoit celle qu'il préféroit méme k 1'ceuvre de chair. Dans le cours du fecond livre, il va d'abord a Annecy, y fait connoiffance d'une Mad. de Warens qui le détermine a aller a Turin pour s'y rendre catholique; il devient garcon graveur, laquais; il voie un ruban pour en faire préfent a la cuifiniere, & étant découvert, il accufe au contraire cette cuifiniere d'avoir fait le crime & de lui avoir donnné le ruban dans le deffein de le féduire; il eft chaffé avec elle. II eft placé au troifieme livre dans une autre maifon cc s'en fait expulfefvolontairement par O a  C 310- ) pat fon inconftance naturelle. II retourne a Annecy chez Mad. de Warens; il entre au féminaire; on ne peut en faire un Prêtre; il étudie la muüque fous un M. le Maïtre; celui-ci qui 1'enfeignoit aux enfans de chceur, quitte la cathédrale cc revient en France dont il étoit. Jean Jacques le fuit par ordre de Mad. de Warens; il s'avanee avec lui jufqu'a Lyon , puis 1'abandonne au moment oh ce malheureux , fujet a 1'épilepfie en éprouvé une attaque dans la rue: il retourne a Annecy, & trouve fa bienfaitrice partie pour Paris. Dans le quatrieme livre il vifite la Suifle. II entre chez M. de Bonnac, AmbalTadeur de France a Soleure, s'y attaché a la fecrétairerie; il en fort pour venir a Paris y faire une éducation; U écrit une fatyre contre 1'oncle de fon pupile, & cherche partout Mad. de Warens dont il apprend le féjour dans cette capitale. Point du tout, elle eft repartie; il fe remet k fes trouiTes; on-lui dit a Lyon qu'elle eft k Chamberry, & il s'y rend. L'époque intéreffante. du cinquieme livre eft le dépucélement de RoulTeau. II avoit alors environ vingt ans. C'eft Mad. de Warens qui couchant déja avec fon laquais, lui rend cet office; & cette femme, finguliere comme le héros, qui étoit dévote, n'avoit point de tem? pérament, arrangeoit ainfi a la fois deux amans, fon confefleur & fa religion; & 1'Auteur, au milieu de tant tnncomequences, ia pemi u  C 3-17 J avantageufement que, malgré fes écar*s,,4ês contradiétions & fa crapule apparente,on 1'aime & I'eftime. Sa fanté fe délabre avant vingt cinq ans; il tombe dans un' état vaporeux & fpafmodique dont il ne s'eft jamais relevé. Le fixieme livre commence par une peinture délicieufe de la vie qu'il mene dans une cam-* pagne ou il fe retire avec Mad. de Warens pour foigner fa fanté. II s'y applique plus fortement a 1'étude. II fe livre a la théologie, a la métaphyfique, k la géométrie, aux belles - lettres. II devient majeur; il recueille la fucceffion de fa mere; fa fanté ne fe rétablit point; il part pour Montpellier. Bonne fomme qu'il a d'une femme d'un certain parage; elle lui donne rendez-vous chez elle au retour :il revient auffi foible auffi mal portant; il a des remords fur fon mfidehte envers Mad. de Warens; il rompt fon engagement & voie vers elle: il trouve fa place pnfe par un perruquier. II ne peut fupporter cette difgrace, & après avoir lutté longtems, il quitte. H eft chargé de péducation des enfans de M. de Mably, Grand --P> évöt de Lyon. II y voie du vin, il fe dégoüte de fon métier; il fent qu il n'y eft pas propre; il retourne auprès de fa maman.. II n'y refte que peu de tems : la trouvant plus froide que jamais & plus dérangée dans fes affaires, il fbrme mille projets de fortune dans le defféin de contribuer a la foulager. Enfin, il s'arrête a celui de devenir un fameux compofiteur en mufique ccpart 03  C 318 > pour Paris, afin de foumetcre au jugement de PAcadémie fon projet qui doit faire révolution dans cet art. Ici finiflent les confeffions, du moins celles imprimées dont on voit qu'il manque la partie ]a plus eflentielle. Le 29 Mai 1782. M. Guillaumot, Intendant général des batimens du Roi, chargé de préfider' aux opérations de Paqueduc d'arcueil, a découvert une grande portion d'un ancien aqueduc, conftruit par les Romains pour amener Peau au palais des Thermes; on én a fuivi au moins fix eens toifes en ligne droite. Cet aqueduc n'eft qu'un fimple chenal, dans lequel Peau couloit a découvert, & il eft conftruit avec des cailloux & de la chaux, les parois intérieurs enduits en ciment; la magonnerie en eft d'une dureté prodigieufe, & Pon pourra vérifier les recherches de M. de la Save fur le mortier des anciens Romains. La denfité de la magonnerie annonce qu'elle a été faite par majjivation. On obferve que Peau n'y a point dépofé de gravelle, comme elle fait dans Paqueduc moderne oh elle coule fous des voutes. Le 30 Mai 1782. Le Gouvernement, fans faire de loi expreife pour donner un état légal aux enfans des Proteftans en France, en reconnoiffant la validité des mariages, tend indirectement au même but par des loix plus générales & plus adroites.- Ceil de eet efprit de tolé-  ( 3ï5 > rance qü'on' regarde comme émanée une déclaration du 12 de ce mois, enregiftrée le 14 au Parlement. Le Roi y enjoint a tous Curés & Vicaires, qui rédigeront ks aftes de baptêmes de recevoir & écrire les déclarations de ceux qui préfenteront les enfans, leur faifant défenfes d'inférer par leur propre fait, foit dans les regilires fur lefquels ils font tranfcrits ou autrement', aucunes claufes, notes ou énonciations autres que celles contenues aux déclarations de ceux qui auront préfenté les enfans aubaptême, fans pouvoir faire eux - mêmes aux perfonnes aucune interpellation fur les déclarations faites par elles. On voit que 1'objet de la déclaration eft de réprimer le zele indifcret de certains Curés ou Prétres encore trop pleins du fanatifme de nos peres, & qui jetoient des nuages furlalégitimité des enfans des Proteftans, ou foupconnés tels, par des reftriétions équivoques,ou 1'infirmoient par des affertions contraires. Le 30 Mai 1782. Extrait d'une lettre de Lyon du 20 Mai.... II faut vous ajouter quelques particularités nouvelles fur le féjour en cette ville de M. le Comte & Mad. la ComtelTe du Nord. Le jour de leur arrivée, fept de ce mois, ils furent au devant de M. le Duc & de Mad. le Ducheffe de Wirtemberg qui, fous le nom du Comte & de la Comteffe de Juftin, arrivoient de Montbelliard a Lyon avec les jeunes Comte O 4  C 32° ) & Comteffe de Juflin pour paffer en familie le tems qu'ils fe propofoient de féjoumer en cette ville. Dès Ie lendemain le Comte du Nord a parcouru la ville a pied, accompagné feulement de 1'un des Seigneurs de fa fuite. II efl; allé faire une vifite au Prévót des Marchands. Quand il a vifité les hopitaux, il s'eft: exprimé dans ces termes mémorables, fur ce qu'on vouloit 1'écarter d'un féjour que les Grands en général évitent avec tant de foin : Plus les Grands font éloignés des mijercs humaines, plus ils ■ doivent s'en approcher, afin d'être difpofés davantage d les foulager. Un coup d'ceil qui a frappé le plus le Prince c/a été celui de la falie d'armes, dépót de la manufa&ure des fufils de Saint - Etienne oh fe trouvent plus de 6o,ooo armes raffemblées pour le fervice du Roi. Les illuflres voyageurs ont reconnu les atten. tions perfonelles de M. le Prévót des Marchands par le don d'une tabatiere & par des paroles de bonté inriniment plus précieufes, en lui difant qu'ils l'invitoient d conferver le fouvenir du j Comte & de la Comteffe du Nord. On croit que c'efl a Dijon que s'eft faite la féparation de Paugufte familie. Le 31 Mai 1782. L'on continue a fuivre les 1 mouvemens du Comte & de la Comteffe du 1 Nord, & l'on revient fur ce qui a précédé, pour ne rien perdre d'un journal auflï intéreffant. j C'eft ]  C 321 ) C'eft le vingt qu'ils furent préfentés a leurs Majeftés & a la Familie Royale; accompagnés par le Prince de Baratinski, Ambaffadeur de Ruffie. Dans Ia vifite d'étiquette Ie Comte déclara a celui-ci qu'il avoit trouvé Louis XVI extrêmement froid; mais il ajouta qu'il en avoit été bien dedommagé dans 1'intérieur, 011 ce Monarque Pavoit traité avec la plus grande cordialité. Mad. la Comteffe a été également fatisfaite de la Reine. Dans Ia première vifite qu'elle lui fit, S. M.lui dit: II me femble, Madame, que vous avez le même défaut que moi, la vue un peu baffe: j'y fupplée par une lorgnette dans mon éventail. Voulez-vous effayer comment vous ira ce petit fecours ? On apporte en même tems cet éventail fuperbe & enrichi de diamans; Pillufire étrangere en fait ufage & trouve la lorgnette excellente. J'en fuis fort aife, lui répond la Reine, je vous prie de la garder. Je 1'accepte volontiers , repart la Comteffe, puisqu'elle me fervira a voir mieux votre Majefté. Lorfque M. le Comte du Nord a été voirM. le Dauphin, il Pa embraffé, en priant Mad. fa Princeffe de Guémenée de rappeler fouvent k cet augufte enfant 1'attachement qu'il lui vouoit. Outre un concert que la Reine a déja donné i ces illuftres voyageurs, oh a chanté Mad. Mara, il y a deux fpectacles a la Cour. Le Mercredi vingt-deux, on a joué la Reins de Golconde •> & le vingt-neuf Iphigénie en Aulide 0S  avec- ïe ballet de Ninette d la Cour. Le Sieur Vejlris, pere, a reparu dans celui-ci, ainfi que MUe Heinel qui eft ibrtie de fon couvent pour contribuer aux plaifirs de la Cour. Ils ont été déja trois fois è la comédie Francoife ,. fpe&acle qu'ils femblent affeclionner le plus. Le 31 Mai 1782. Les ConfeiTions de Rousfeau, telles qu'on les a, ne fatisfont pas a beaucoup prés la curiofité. du lecleur: il y manque. la partie la plus effentielle , celle de on féjour a Paris jufqu'a fa mort. En outre, on a mis des étoiles a quantité de noms qui rendent moins intéreffans les évenemens qu'il raconte faute d'en connoltre les héros. D'ailleurs, la plupart des faits font minutieux & racontés très-longuement. -II faut un charme auffi attrayant que celui du ftyle de 1'Auteur pour.en fupporter la lecture; mais la fingularité du perfonnage, le bruit qu'il a fait, la hardieffe de fes fyftêmes, la naïvcté de fes aveux, 1'orgueil qui regne dans toute la narration, ont donné la plus grande vogue a ce livre, quelque imparfait qu'il foit, & quelque mutilé qu'on le fuppofe. Ses Rêveries ou Promenades [olitaires,. qui fui=vent au nombre de dix, fuppléent au refte par quelques faits affez détaillés, tels que celui de fa chute h. Meml-montant le vingt-quatre Oótohre 1776, lorfqu'il fut renverfé par un Danoisqui précédoit le. carroffe du Préfident de SaintlargeaUo. Gepeodant. ils.-, fon-t tellement. noyés.  c 323 y dans des réfléxions morofes, dans une foule d'idées noires, apocalyptiques & tenant un peu de la vifion , qu'il eft difficile de dévorer également cette lecturc; d'autant que ce rabachage tient beaucoup a un ouvrage de la même efpece qu'on connoiffoit déja, intitulé RouJJeau juge de Jean Jacques. Le 31 Mai 1782. II eft a remarquer que, fuivant 1'étiquette, le Comte du Nord n'a été préfenté en forme qu'au Roi par M. de la Live, Introduéteur des Ambaffadeurs; M. de Sequeville, Secrétaire ordinaire du Roi pour la conduite des Ambaffadeurs, le précédoit. Le Roi attendoit dans fon grand cabinet Ie Comte du Nord, qui lui remit deux lettres, 1'une de Naples, & 1'autre de Parme, & lui dit que le principal but de fon voyage avoit été de voir S. M. Le Monarque lui témoigna toute la fatisfaétion qu'il avoit de le voir a fon tour. La ComtelTe du Nord, au contraire, ne fut pas chez le Roi, mais chez la Reine & les Princeffes de la familie royale, auxquelles elle fut préfentée par la Comteffe de Vergennes, Ia femme du Miniftre des affaires étrangeres. Les illuftres époux diïierent ce jour même vingt Mai avec toute la familie royale; après avoir été chez eux depuis leur préfentation, & en avoir recu a leur tour, telle que celle des Officiers de la garde, que leur préfenxa Ie Maréchal de Byron. Le Premier Juin 1782. M. le Curé de SaintO 6  C 324 ) Sulpice, invité fans doute de faire connoïtre h 1'Impératrice des RulTies les établiffem ens qü'il a formés, en a recu en remerciment ;une médaille d'or. M. Sedaine, qui avoit compofé pour S. M. I. deux pieces en cinq actes, a été gratifié d'une fomme de 20,000. liv. Mad. d'Epinay, I'Auteur des Converfatiom d'Emilie, ainfi que fa petite-fille, la Comteffe de Belzunce, n'en ont pas été oubliées. Leïpréfent fait a cette derniere efl: le chifredeS.M. I. On a déja parlé des médailles envoyées a M. de Bufton; il' y faut joindre des fourures de la plus grande beauté. M. Hubert de Leipfic, quia traduiten Fran-. gois 1'ouvrage de Winkelmann ,fur Part des anciens, 1'Abbé Galiani &c. ont eu part a fa munificence : enfin , 1'itluflre improvifatrice de Florence, connue fous le nom de CoriÜa otympiaca, en a eu une penfion de 100 ducats. C'eft ainfi qu'k 1'exemple de Louis XIV, 1'immortelle Catherine va chercher le mérite étrangercc le récompenfe. Le iei'. Juin 1782. Le ballet de Ninttte d' la Cour ayant eu beaucoup de fuccès Mercredf dernier, on a confacré cette reprife par le ma-< drigal fuivant, oh l'on fait furtout mention del 1'apparition du Sieur fejlris pere, & de Ia De-j moifelle Heinel. Que dans tout fon éclat Ninette a paru plaïre! Qu'embelli par Vefiris, aunobli par Heinel,  C 325 ) Ce ballet a dü fatisfaire! Puifqu'ü'n'étoit déja critiqué fi févere Qui ne dit: quand on a Gardel On ne peut regretter Noverre J: Le 2 Juin 1781. M. de Caraccioli a fait pour Métaftafe 1'épitapbe fuivante. Avec 1'efprit fécond du Dante & de Voltaire, Dans un fiecle afFamé d'écrits licencieux, Etranger aux auteurs qui: fe faifoient la'guerre, 11 honora les moeurs & refpeéta les cieux. Le 2 Juin 1782. M. le Comte du Nord, qui n'omet aucun de nos beaux monumens a voir, n'a pas manqué d'aller en Sorbonne vifiter le fameux tombeau du Cardinal de Richelieu. Le Dodteur qui lui montroit 1'églife, a ce Maufolée lui rapela les paroles mémorables du Czar, qui en voyant ce grand Miniftre, s'écria: O grand homme! que ne vis-tu-encore l je te donnerois la moitié de mon royaume pour m'apprendre d gouverner 1'autre;. Oh! Monfieur, a repris avec vivacité le jeune Prince, ce n'auroit pas été pour longtems; il la lui auroit bientöt reprife. Le 3 Juin 1782. On a parlé d'une comédie de M. Cailhava, intitulée Zej- Journalijles anglois, regue aux Frangois le 21 Juillet 1778; mais qu'il y eut défenïe de jouer & même d'imprimer. Les obftacles viennent de ceffer, & 1'Auteur efpere obtenir bientöt fon tour. En conféquence, pour ne point avoir Pair d'un plagiaire, il doit prévenir Ie public, dans une lettre au 07  journal de Paris, oh il obfervera que la fociété des gens de lettres 1'a un peu pillépour enrichir de fes larcins les Audiences de Thalie ,ou Molière d la nouvelle Jalle. - II paroït qqe ce reprocbe doit tomber principalement fur les Comédiens coopérateurs de M. de Ia Harpe, tels que Ia Dame Bellecour & le Sieur Dugazon, ayant fans doute eu connois» fance de fon manufcrit. En outre, & ceci peut regarder M. de IaHarpe, il ajoute que dans fon Cabriolet volant,. drame joué par les Italiens en 1770 & imprimé 1'année derniere,on trouve une fcene qui pourroit paroïtre dérobée a Ia dixieme Mufe de la fociété, & il fe difculpe de 1'imputation par Panacbronifme qui s'enfuivroit. Le 3 Juin 1782. C'eft pour demain quatre que le théêtre Italien annonce la première repréfentation de la Comteffe de Givry, piece dratnatique de Voltaire en trois acles & en vers. Le 3 Juin 1782. II y. a eu hier a la nouvelle falie d'opéra un bal public & extraordinaire en faveur de M. & de Mad. la Comteffe du Nord qui s'y font rendusrla curiofité y avoit attiré une foule prodigieufe qui a été fruftrée dans fes espérances; car ces illuftres étrangers ne fe font pas démafqués. La Reine, qui ne connoiflbit pas encore Ia nouvelle falie, comme falie de bal, y eft venue mafquée auffi: Elle donnoit le bras a Monfieur. Ceux qui font au fait de 1'étiquette n'ont fu-  e 327 > que S. M. y étoit que par la marqué diftincTive qu'elle porte toujours ainfi quelafamilleroyale9 & qui eft le figne de reconnoiffance pour fa garde, pour fa fuite, & pour tous ceux qui auroient que'ques fonctions a remplir en cas d'accident. S-. M. eft prefque toujours reftée dans fa loge fans fe démafquer. Seulement quand elle vouloit parler a quelqu'un, ellel'en' voyoit chercher par le Duc de Coigny. 11 ne s'eft paffé rien d'extraordinaire a ce bai qu'un propos tenu au Duc de Chartres & qui a fait bruit. Ce Prince n'étoit point mafqué, ni méme en domino;comme il caufoit avec une fille prés de la Reine, un mafque noir eft venu fe mêler de la converfation; le Prince a trouvé cette familiarité mauvaife & luf a dit:Eft-ce que vousne me connoiffez pas ? Pardonnez-moi, a réparti 1'autre, vous vous êtes trop bien démafqué t Son Alteffe a fenti tout ce que ce propos avoic de piquant; mais s'eft contenue, ne fachanta. qui elle avoit affaire, & s'imaginant que ce ne pouvoit être que quelqu'un de trés-haut parage; cependant elle a fuivi une inftant des yeux 1'inconnu qui a continué a le regarder fierement, ce qui a encore plus embarraffé le Prince : alors le particulier, car on affure que ce ■n'étoit pas autre chofe, s'eft perdu dans la foule & eft allé dranger de mafque. M. Amelot étoit a ce bal & donnoit le brasa. Madame la Comteffe- du Nord. On a été furpris de voir un Miniftre au bal; mais c'eft;  f 323 ) une fondlion néceffaire de celui-ci, quand' Ie* Roi ou la Reine fe trouvent dans ces fortes d'affemblées. Le 4 Juin 1782; On a encore chanfonné M. le Duc de Chartres fur un air d'Albaneze. Eh qu'eftce que ca me fait d moi? Que Chartres après la bataille Perde un procés aujourd'hui; Qu'encre les Francois & lut Il éleve une muraillè, Quelt ce que 9a me fait a moi? Qu'on le honnilfe ou le raille, Quseft-ce que ca me fait a moi, Quand je chante & quand je boi? Le 4 Juin 1782. C'eft aujourd'hui que les Italiens jouent la Comteffe de Givry, ouvrage imprimé depuis longtems, & que les Franqois avoient dédaigné jufqu'a préfent. M. le Comte d'Argental, ayant toujeurs le même zelepour la mémoire de fon illuftre ami, a fait repréfenter cette piece chez lui deux fois. La première elle a produit peu d'effet, Ia feconde davantage, & affez pour dèterminer a 1'offrïr au public. Mad. Veftris, préfente aux repréfentations, 1'a réclamée au nom de fa troupe, mais on lui a répondu que fon indifférence k cet égard, depuis dix ans que ce drame étoit imprimé, ayant fait préfumer qu'elle ne s'en foucioic pas, la familie s'étoit déterminée k la livrer k la troupe fa rivale. Le 4 Juin 1782. Extrait d'une lettre de  C 329 ) Londres du 15 Mai M. Noverre n'a pas lieu de regretter d'avoir quitté Paris; il a été accueilli a Londres de la maniere' la plus flatteuié. Nos papiers publiés s'entretiennent £réquemrnent de lui; il eft furtout queftion d'un ballet de fa compolition , ayant pour titre Adele de Pontbiéu. Si l'on en croit les admirateurs} il y a pius de génie dans cette Pantomime que dans tout le poëme de Mr. de Saint-Mare, & ce n'eft pas fans raifon que Garrick appeloit cet Artifte le Shakespear de la danfe. C'eft le 16 Avril qu'on en donna la première repréfentation au théatre du Roi pour le bénéfice du Sieur Noverre qui a été un des plus confidérables de la faifon. Lorfqu'il s'eft préfenté, il a été rec,u avec les plus grands applaudiflemensj & fon nom a retenti dans toutes les. parties de la falie avec un enthoufiafme inconcevable. M. Noverre a dédié fon ballet a Mad. Ia Ducheffe de Devonshire, auffi diftinguée par fon goüt & fon efprit que par fa bauté. Outre Fé> pftre dédicatoire, il y a joint des vers d'envoi, q ji prouvtnt combien cet- Artifte a de talens dans tous les genres. Ils méritent de vous être envoyés & font dignes de vos Poëtes les plus agréables. D'alTez nombreux fuccès ont payé mes travaux; j'ai pu m'énorgueillir des plus brillans fuffrages; Et, lorsque de 1'amour j'empruntai les pinceaux,, J'ai vu mille beautés fourire a mes ouvrages.  C 330 > II eft encor un prix dont mon cceur eft jaloirx;' Ce prix feroit pour moi plus flatteur que tout autres Mes fuffrages paffés, je les oublirai tous, Si je parviens jamais a mériter le vótre ; Le fujet que j'ai pris me permet queIqu'efpoir:: . A la beauté toujours fidele, • je cherche a retracer fes charmes, fon pouvoir, Et quiconque pourra vous voir, Dok reconnoitre mon modele. Avant-hier M. Noverre jouit d'un nouveau' fuccès en la perfonne du Sieur le Picq, fon éleve, qui eut 1'honneur de danfer devant leursMajeftés & la familie royale: Vous devez 1'avoir vu a Paris. 11 emporta tous-les fuffrages. Lélégance de fa conformation, la nobleffe de fa danffe, 1'harmonie de fes mouvemens offrent un enfembïe parfait.. On a commencé de traduire en Anglois les' q.aatre volumes des ceuvres de M. Noverre fur fon art. Le Prince de Galles en a accepté ladédicace. II faut avouer que depuis les anciensil ne s'eft trouvé perfonne qui ait pouiTé 1'arr de la Pantomime auffi loin, & 1'ait développé avec une théorie auffi favante. Le 5 Juin 1782. Les deux premiers aétes de la Comteffe de Givry repréfentée aujourd'hui auxItaliens, ont paru froids, & vuides; mais le troifieme, très-intérelfant, a produit beaucoup d'effet. Ce drame roule fur une fuppofition, ou plutót fur un échange d'enfans: fon auteur en tire une morale exquife pour apprendre aux meres  C 331 > è les nourir elles • mêmes & les rappelèr a ce premier de leurs devoirs. II avoit vu combien Roufleau étoit devenu précieux au genre humain en prêchant cette maxime, & combien fa réputation s'étoit accrue depuis qu'il avoit mis a la mode parmi les petitesmaitrelTes de Paris,, un foin que les bourgeoifes mêmes envoyoient aux payfannes. Jaloux de tous les genres de gloire, il avoit voulu contribuer auffi a propager cette doctrine bienfaifante & conforme a la. nature, & il avoit fenti qu'en la mettant en action, ce feroit lui donner bien plus de iforce & de vogue: malheureufement, déja. affoibli par Pêge,. il n'avoit pu répandre dans fa piece toute cette vigucur, tout ce brillant coloris de fon bon tems, ce qui n'avoit pas peu contribué a lailTer ce drame dans 1'oubli. II y a cependant. encore beaucoup de vers heureux, touchans, faciles, & 1'attention du Poëte h par'.er Eïïjs jours d'henri IV, k mettre dans Ia bouche des interlocuteurs plufieurs des beaux traits de la vie de ce grand Roi, 3. citer une foule de fes paroles fublimes,. efl: un autre genre de mérite que Voltaire auroit bien voulu avoir le premier, & qu'il n'a pas dédaigné après M. Collé, & même après M. Durofoi. Tous les Dargental & leur fociété, qui ont repréfenté la piece, étoient infiocchi dans la loge du Roi. Elle n'a point été mal jouée. Le 6 Juin 1782. M. le Comte & Mad. Ia Comteffe du Nord ont été avant-hicr chez Ma-  C 332 ) dame de Monteffon pour y voir fon fpecTacls. M. le Duc d'Orléans avoit fait venir Comus pour les amufer en attendant. Dans cet interyalle plufieurs perfonnes de la cour du Prince jugerent k propos d'aller fe placer,& le nombre en augmentant confidérablement, on vint dire au Prince qu'il couroit rifque de ne pouvoir fe placer ni les illuftres étrangers qu'il avoit invités. Le Duc d'Orléans furieux vint fur le Théatre cc a travers la toile dit:,,Jetrouvebien fingulier „ qu'on ait eu 1'indifcrétion de s'emparer des „. places au point de n'en plus laiffer a M. le „ Comte & k Mad. la Comteffe du Nord & ,, k moi. Que tout le monde forte, je né „ veux voir perfonne. Cette apoltrophe caufa beaucoup de murmures;. cependant on obéit. Qelques femmes de plus mauvaife humeur ne voulurent pas rentrer Sc s'en allerent, cependant le grand nombre refta. M. le Duc d'öriéans avoit fait préparer un grand fouper, dont on cite pour trait de magnificence qu'il y avoit pour 850 liv. defïaifes;. mais le Comte du Noïd s'excufa fur ce qu'il fe fentoit incommodé, & la Comteffe fur ce qu'elle ne pouvoit abandonner fon mari; ce qui mortifia fingulierement S. A. On veut qu'inftruits qu'ils n'étoient pas chez le Duc d'Orléans, mais chez Madame de Monteffon, ils n'aient pas cru devoir y manger. M. le Comte «Sc Mad. la Comteffe du Nord ont été voir les;Invalides cc y ont déployé de  C 333 ) grandes connoiflances, furtout la Comtefle. Ellé n'a point difllmulé qu'elle ne trouvoit pas les Invalides afiëz bien nourris: il eft a remarquer qu'ils avoient furprïs, &qu'unedemi-heure avant on ne les attendoit pas. M. le Comte ayant demandé a répandre fes bienfaits fur eux, M. d'Efpagnac lui a déclaré que cet bópital militaire étant royal, il n'y étoit permis è perfonne de recevoir des dons étrangers: M. le Comte a infifté pour les malades, & il n'a pu obtenir plus de liberté a cet égard. Quand ils ont été dans 1'églife, Madame ]a Comtefle a été enchantée du döme; elle a admiré les peintures des chapelles, dont elle a cependant critiqué trés - judicieufement des morceaux. A l'infpedtion de la coupole, elle a demandé a M. d'Efpagnac ce que cela repréfentoit. II n'a pu la fatisfaire autant qu'elle le deCroit, ni perfonne de 1'Etat- major; il a fallu appeler un vieux Invalide qui a rempli ce miniftere. Le 7 Juin 1782. Les Jardins ou V Art d'embellir les Payfages: ce poëme de M. L'Abbé Delifle tant vanté dans les fociétés, tant applaudi k 1'académie, oü il en avoit fait fréquemment des ledlures, vient d'être imprimé & ne foutient pas fa réputation ; mais c'eft au moins un grand avantage pour les Auteurs que ces élogcs anticipés, en ce qu'on achette fur paroie, que les éditions s'épuifent & fe renouvellent promptement. Le livre refte bientót fans leéleurs, mais rend de 1'argent au propriétaire, ce qui  "C m ) efl le but principal. Le 8 Juin 1782. Les journaux Francois ri'ofent encore parler de Me Linguet qu'avecbeaucoup de circonfpection; il femble qu'il leur foit même interdit de prononcer fon nom. Le Mercure d'aujourd'hui affeéte cette réticence en plufieurs endroits. Dans 1'un ildit: ,, Ön abeau,, coup parlé du projet d'établir des communi„ cations & une correfpondance entre deux ,, lieux mêmetrès-diftans... Ailleurs il citeune lettre de Boulogne-fur mer en date du 30 Mai, oh il eft queftion d'un défi porté par quelqu'un fe prétendant en état d'exécuter tout ce qu'a promis la perfonne qui a propojé au gouvernement le moyen de donner £f de recevoir des nouve lies de Brefi ou de Toulon d Verfailles dans l'ejpace de quatre heures. Au refte, ce particulier a dépofé fur lechamp fon fecret, fous cachet, chez un Notaire, fecret qui, pour ne nuire en aucune facon a celui qui le premier avoit congü ce projet, ne fera rendu public qu'au cas que celui annoncé ne réuffifle pas. Le 8 Juin 1782 La nouvelle chanfon fur Ia comédie Francoife a pour titre les Adieux des Frangois aux Tuilleries, vaudeville fur Pair: Mon pere étoit pot, ma mere étoit pinte. Après un début fort entortillé & peu élégant, on paffe en revue la Dame Veflris, les Dlles Raucourt, Sainval, Préville, Molé, Doligny, Contat, Fanier, Olivier, la Cbaffeigne & Gogo. On reproche a la première fes cabales, a la  C 335 3 feconde fon libertinage fcandaleux, a Ia troifieme fon jeu maigre., pleureur., grimacier; a la quatrieme de ne plaire qu'a 1'aide de fon mari ,& de yieillir avec lui; on plaint la cinquieme de voir fon mari la quitter pour .coucher avec fa fille, la Dame Raimond des Italiens; on annonce la retraite de la Gxieme qu'on paroit regretter peu; on félicite la feptieme fur le goüt pasfager qu un grand Prince avoit pris pour elle, & on l annonce mere de oeux enrans; on attnbue les fuccès de la huitieme a fon grand art de la toilette & des minaudems. La neuvieme eft repréfentée comme éduquée par la dixieme & vivant fous fa difcipline ; enfin, la onzieme termine la bande & efi repréfentée comme la plus dévergondée de toutes par fes grands travaux & fa longue expérience. II y a beaucoup de vérité dans ces couplets, ou les Actrices font bien appréciées; mais peu de nerf, encore moins de goüt, & une tournure triviale & groffiere Le 8 Juin 1785. M. Le Vacher de Charnois, qui joue aujourd'hui" un róle dans la littérature a raifon de la cenfure qu'il exerce dans le Jvlercure fur tous les Auteurs dramatiques, avoit débuté par le Journal des Théatres. II avoit enlevé ce journal a fon fondateur par fes intrigues, & furtout en vertu de fon mariage avec Ia fille du Comédien Preville. Celui • ci avoit fourni fes protections pour dot a la future. Cet hyménée a fi mal tourné que, depuis un mois ou fix femaines, fa femme s'eft évadée avec un  C 336 ) mauvais Fujet, efpece d'efcrocj n'ayant rien d'aimable, ni de féduifant, encore moins de fortune. M. le Vacher a eu recours a la police pour avoir des renfeignemens fur cet enlevement, & il n'a pu jufqu'a préfent découvrir oh étoit fa femme. Les honnêtes gens le plaignent peu, en ce qu'il [donnok fort mauvais exemple a fa moitié & qu'il vivoit habituellement avec des filles ;& les Auteurs qu'il a maltraités en font enchantés & font des épigrammes, des vaudevilles pour configner 1'évenement a la poftérité, & le tourner en ridicule. Le 9 Juin 1782. Les adieux des Franfois aux Tuilleries. Vaudeville fur Vair: Mon pere étoit pot. Le mauvais geuit, 1'efprit groflier Sans force & fans malice, Penfent euvain fe déguifer Sous ce vafte édifice. Les nouveaux venus, Bientót reconnus , Seront mis en déroute. Leurs plus grands foutiens Vieux & fans moyens Sont prefque morts en route. Quel coup pour moi, difoit Feftris, Notre ctépart m'accable, Car fans cabale & fans amis • On n'eft pas foutenable. J'aurai  C 337 3 J'aurai beau crier, J'aurai beau payer, Je n'aurai jamais d'ame. Paris des longtems N'a plus de bon fens, Contre lui je déclame. Bon, lui dit Raucourt fans effroi, Mais un rien t'inquiete. Point de peur, je prends tout fur moi Jufqu'a mon Henriet te; Et fi les Francois Sont par trop mauvais, A Ia nouvelle falie, Ils me renverront Par de la les monts Pour prêcher le fcandale. Quand il fallut déménager Sainval fit la grimace: 11 faudra pourtant m'arranger; Dit-elle, en eette place. Je fuis fans vigueur, Mais d'un ton pleureur, J'aurois tous les Apótres, Et fans aucun art Par un doux regard Je ferai peur aux autres. C'eft trés-beau, mais c'eft un peu loin . Dit la Dame Préville, Du repos j'ai plutót befoin Que d'un grand domicile; Mon teint fe flétrit, Tomé XX. p  ( 338 } Mon mari foiblit, Je n'ai plus rien a faire; C'étoit mon appui, Et longtems fous lui Au public j'ai fu plaire. Tour moi, dit la Dame Molé, Je vis tranquile & fage: Mon mari s'eft encanaillé , Sans quitter fon ménage. Tout eft arrangé II a partagé Les biens de fa familie; Tel eft notre emploi: II joue avec moi Et couche avec ma fdle. Doligni dit d'un ton naïfr Adieu la comédie; Je veux faire un pteifir plus vif, Et je me congédie. Mon air de candeur M'a fait trop d'honneuf; Car ma vertu me pefe, Je mettrai du moins Tout le monde a fon aife. Contat vit fans aucun fouci Acliever 1'entreprife; Je fais, dit-elle, en tout païs, Vendre ma marchandife, Je fuis fans talent, J'ai fait deux enfans, Mais je fais la bégueule;  C 339 ) La ville a le jour La nuit pour la Cour, Je ne fuis jamais feule. Fanier difbit en s'en allant: Moi fans art je fais plaire. On peut fe paiTer de talent Quand on efb minaudiere. Mon nez retroufle, Mon maintien pincé Ont toujours fait merveille. Mon ton, mon caquet, Tout eft déja prêt Pour quand je ferai vieille. Mais, dit la petite Olivier, En moi tout inté'reffe; J'ai peur dans un fi grand quartier. De perdre ma jeuneffe. Viens vivre avec moi S'écria la Chajfaigne ; Prends fair enfantin, A mon magazin Tu ferviras d'enfeigne Oh! moi, dit la grave Gogo, Partout je fuis contente; Je dois être chere au tripot, Car je fuis fa fervante, Je fus au bordel, Et mon naturel Plut a la France entiere. Je vais en ce jour Dans le Luxembourg Terminer ma carrière. P 2  < 34° ) Le 10 Juin 1782. Ce matin fur les huit heures une femme bien mife, jolie, en polonoife blanche,eft allé trouver lefonncura SaintPaul, dont elle étoit connue, & 1'a engagé a la laiffer monter h la tour. La, elle a ecarté cet homme fous prétexte qu'elle fe trouvoit mal & qu'elle avoit befoin de quelque eau fpiritueufe, & comme il alloit lui chercher du fecours, elle s'eft jetée en bas. Sa têteaporté fur une borne,enforte qu'elle n'étoit plus reconnoilTable. On efl: venu chercher le Commisfaire du quartier., nommé le Rat: il s'eft transporté fur le lieu & a d'abord inventorié les poches pour reconnoitre le cadavre,il n'a pu douter que ce ne füt fa femme, il s'eft évanoui & en eft trés - malade. 11 eft d'autant plus affe&é qu'il a beaucoup de reproches a fe faire a cet égard, & qu'une jaloufie trop bien fondéede: fa part a donné lieu a la cataftrophe de fa femme. On affure qu'il entretenoit fous les yeux de celle-ci une fervante. Lc 10 Juin 1782. II y a quelques mois qu'un Procureur a voulu paffer de cet état qu'il exergoit depuis nombre d'années, a la profeffion plus noble d'Avocat. L'Ordre s'eft affemblé & a refufé fuivant 1'ufage. II a prétendu què ce vieux routier en pratique , fit fon fiage comme un jeune candidat qui vient de prcter fer¬ ment: le corps des Procureurs s'eft foule-vé, & a en conféquence arrêté de priver auffi les Avocats du privilége d'ètre regus incontinent Pro-  C 34* ) eureurs comme ci-devant, lorfqu'ils vouloient prendre ce métier plus lucratif. Me. le Sénéchal, 1'un des Procureurs de communauté, trés-intelligent, très-expert en chicanne, a profité de cette querelle pour en élevcr une plus férieufe & demander la disjondtion de la communauté entre les Avocats & les Procureurs, cemmunauté ou ceux • ei mettoient tout & les premiers prefque rien. II fait voir que ces fonds deftinés a fubvenir aux veuves de chaque profeffion étoient plus appliqués h celles des Avocats qu'aux leurs, & paree que les avocats font en plus grand nombre, & paree qu'ils gagnent moins en général. Mémoire en eonféquence a M. Ie Procurcur-général; & ce chef de toutes les communautés aprétc les mains au nouvel arrangement. Les Avocats font aujourd'hui occupés h prendre des tournures pour fubvenir aux cbarg:s qui vont retomber a leurs frais. Ils n'ont ju9qu'a préfent qu'un droit de chapelle de 13 liv. jof. que paye chacun d'eux a fa réception,ce qui ne peut former une maffe auffi confidérab!e qu'il la faudroit. Lc 10 Juin 1782. Samedi M. de la Harpe vouloit faire remettre fa tragédie de la Reine Jeanne de Naples; il efpéroit qu'elle auroit plufieurs repréfentations, & que M. le Comte & Mad. la Comteffe du Nord y affifteroient. Mais le fage Migillrat qui préfide a la police, plus prudent que lui & les Comédiens, a envoyé des r 3  C 342 ) défenfes de jouer cette piece auffi longtems que ces illuftres Etrangers feroient a Paris, a raifon des allufions malignes auxquelles eile pourroit prêter. Au contraire, on a remis hier Gafion & aayard, qui a donne lieu aux p'us grands brouhaha, a raifon de quatre vers h la louange d'un Comte d'Eftaing dont il y eft fait mention, & que le public a tout de fuite appliqué au d'Estaing d'aujourd'hui. Le 11 Juin 1782. Différens Avocats s'occupent depuis quelque tems de rendre 1'Ordre fioriffant & d'y établir une union, une harmonie néceffaire On a déja parlé de pluGeurs écrits a ce fujet. II paroït nouvellement Lettre de M Avocat au Parlement de Paris d M... fon 'confrère, en date du vingt fept Avril 1782* & i-mprimée. Elle a pour objet de faire revivre le Pilierdes Confultations: C'eft-a-drre un lieu de réunion au Palais oü les parties trouvoient toujours un tribunal fubfiftant d'Avocats propre a les éclairer dans leurs doutes,è les concilier oh a leur donner de fages décifions. C'eft furtout en faveur des nauvrrs mie 1'inftirurion nvnir lieu. Elle a été négligée infenfiblcment, & eft tombée tout - a- fait en défuétude. En vain un Batonier courageux, Me. Laget Bardelin, a pro. pofé de la ramener; il n'a point été écouté, ainfi qu'en bien d'autres occafions. L'anonvme ne fe découra7e nas : il i-flvirnt  C 3-13 ) fur cet objet, & en traite d'autres non moins avantageux pour 1'Ordre. II s'agit auffi de fubvenir au deficit eaufé. par la ceffation de labourfe commune avec les Procureurs, & le zcle de 1'Ecrivaiu n'eft en défaut fur aucun point. Quoique fa lettre concernant la difcipline intérieure de 1'Ordre & fes arrangemens économiques ne dut pas naturellement être connue des profanes, elle a percé, & eft même tombée aux mains des Procureurs, qui en font furieux, paree qu'ils y font traités avec une forte de dédain trés - méprifant. Le ii Juin 1782. Depuis la déroute du Comte de Graffe, comme fon nom prête infiniment aux quolibets, on fe dédommage de la première douleur qu'on a reffentie par des calembours. On dit que fans 1'acTion de Graffe (de graces) nous aurions eu un tedeum; que fur le vaiffeau la Nouvelle- Ville de Paris quelecorps municipal donne au Roi,on mettra pour devife: Vaincre ou mourir: point de grace (de Graffe). Le 12 Juin 1782. M, le Comte & Mad. la Comteffe du Nord ne font pas un jour fans être fêtés de quelque maniere. Samedi dernier a eu lieu le bal paré k Verfailles, plus fuperbe encore pour Pillumination que celui des Gardes du corps, & non moins bien ordonné. On a furtout admiré la grace & 1'aifance avec laquelle les illuftres étrangers s'y font comportés, de facon que nombre de nos Seigneurs paroiffoient gauches auprès d'eux. . F 4-  C 344 ) Depuis Lundi ils font a Chantilly & ont étéfi émerveillés du local qu'ils font convenus qu'aucun Souverain en Europe n'en avoit un pareil pour donner des fêtes. M. Laujon s'eft évertué, & a-fait jouer une piece pour la circonftance,oïi l'on a trotivé des couplets charmans j quant au furplus, il a été peu goöté. Le 12 Juin 1782. Le Vaporeux en étoit hier a fa onzieme repréfentation & toujours avec un fuccès foutenu. C'eft une piece d'autant plus adroitement faite, que le fujet, trifte d'abord devient comique par les fituations qui naiffent du fonds même de l'aélion & du caraétere des peifonnages, enforte que la gaïté n'en eft point forcée, comme dans d'autres ouvrages d'un genre femblable, ou le Poëte amcne a cet effet des perfonnages épifodiques & ne tenant prefque en rien a 1'intrigue; cette gaïté eft douce, naturelle & s'inOnue dans 1'ame délicieufement. La morale en eft exquife en outre, & d'autant meilleure que le-principal perfonnage fe combat lui ■ même fans s'en douter & fe guén't par fon propre raifonnement. Un ami qui connoït toute la tendreffe du vaporeux pour fa femme; mais tendreffe affoupie en quelque forte par la monotonie , qui a befoin pour être réveillée de quelque intérét neuf & preffant, confeillé a celle-ci de prétextcr le même affaiffement, le même dégout de la vie. Son Epoux alarmé, lui oppofe.toutce qu'on peut dire en pareil cas; elle lui  f 345 ) Pui dévient plus. chere h mefure qu'elle femble difpofée a fe ravir a lui pour jamais. Lorfque pame du vaporeux a repris fuffifamment fonresfort par une fecoulTe ménagée auffi è propos, fa femme emploie avec fuccès les mêmes armes pour le rendre a fa familie & a fes amis. Un enfant de fix a fept ans, petit perfonnage diffieile a mettre en fcene, & ridicule lorfqu'il n'y produit pas une vive fenfation, efl ici placé très-a propos pour grouper avec la femme & ramener davantage Ie cceur de ce mortel léthargique, qu'on ne fauroit exciter par trop de flimulans: le dialogue eft pur facile & d'untrès - bon ton. La piece efl très-bien jouée, & les ComédiensFrancois ne 1'auroicnt pas mieux rendue.- Le 13 Juin 1782. Avant-hier les ComédiensItaliens ont joué le Trebuchet, opéra comique nouveau, en un acte & en vaudevilles, Cette bagatelle, qui avoit été jouée fur le théarre de Mad. de Mon elTon avec fuccès, n'a pas été regue avec la même indulgence ici. On a trouvé.' que toutes les fituations en étoient pillées & ufées; que le ton en était ignoble & même" groffier; qu'enfin les airs en étoient mal adaptés. Le 'rehuchet efl d'un- Puyfegur, appelé Ie gros Puyfégur, pour Ie diflinguer de fes deux' freres; il eft de la fociété de Mad. de Montesfon & joue la comédie chez elle, mais annoncé peu de talent pour en faire. Comme il ne s'ètoit pas fait coanoKire pour Ie pere du Irebuche-t, i3 *  C 346" ) & qu'il s'étoit mis h 1'orchefire, il a rembourfé beaucoup de quolibets & de mauvais propos qu'il fe feroit épargnés en avouant franchemen t fa paternité, qui percoit cependant par une tendreffe aveugle, dont on n'a decolivert qu'aprèseoup le principe véritable. Le 13 Juin 1782. Les Liaifons dangereufes rempliffent parfaitement leur titre &, malgré la réclamation générale élevée contre, on doit regarder ce roman comme très-utile, puifque le vice, après avoir triomphé durant tout le cours del'hiftoire, finit par être puni cruellément, II y a certainement beaucoup d'art dans 1'ouvrage, s ne 1'examiner que du cóté de la fabrique, & fi le principal héros n'eft pas auffi vigoureufement peint encore que le Lovelace de Clariffe, il a des teintes propres, plus adaptées a nos mceurs aéluelles; c'eft un vrai Roué du jour: d'ailleurs, il eft fecondé par une femme non moins unique dans fon genre & dont 1'Auteur n'avoit point de modele; c'eft une création de fon imagination. Tous les autres perfonnages font également variés; & un mérite fort rare dans ces fortes de romans en lettres, c'efi, que malgré la multiplicité des interlocuteurs, de tout fexe, de tout rang, de tout genre de morale & d'éducation, chacun a fon ftyle particulier très-difiincl. Ce livre doit faire infiniment d'honneur au Romancier qui marche dienement fur les traces de M. deCrébillonlefils. I e 1^ I1d2- °Q a tanc crié conti'e le  ( 347" y parterre affis du théatre Prancois, que !e Sieur Clairval, prépondérant aujourd'hui dans la troupe des Italiens, a fait arrêter que le parterre de la nouvelle falie deftinée k ce fpe&acle , refteroit dcbout comme Tanden; & voila comme on fait tout de travers, s'écriént les frondeurs; car il n'y auroit aucun inconvénient d'affeoir les auditeurs de ce fpectacle, oh il n'eft guere queftion que de juger de la mufique, ce qui n'exige pas la même énergie, Ie même enthouflafme;, que lorfqu'il s'agit de prononcer fur les produclions du génie. Le 14 Juin 1782. On renouvelle k 1'occafion du poë.ne des Jardins impriméavec un grand luxe typographique & de jolies vignettes, le bon mot de Mlle Arnoux au fujet de certains ouvrages de M. Dorat: elle dtfon qu'il fe/auvoit par les planches: en effet on critiqué de plus en plus la nouvelle produélion de 1'Abbé Delifle, fans aucun plan, fans divifion diftinéle entre les chants, fans épifodes, fansficlion, & oh il n'y a qu'une verfification quelquefois pure , agréable , harmonieure , mélodieufe, maïs le plus fouvent froide, incorrecte & fans 1'expresfion propre. Le t4 Juin 1782. M. & Mad la Comteffe du Nord entremêlent aux fêtes qu'on leur donne, une vifite conftante de nos monumens & de ros grands hommes. L'Académie Francoife, eft la première Compagnie qu'ils aient été envieux ,de voir. Ils ont nfMé a une de leurs P ö  c 3«8 y féances particuljeres, le Lundy 27 Mai. M. de la Harpe lut une piece de vers adreffée a M. le Comte du Nord oh il le compare aiTez gauchement au Czar,avec lequel il n'a rien de commun que fes voyages. M, L'Abbé Arnaudlut enfuite un portrait de Jules- Céfar, oh le Comte du Nord fe reconnut encore moins. Enfin,. M. de la Harpe reprit la parole & débita fon Epftre k M. le Comte de Schouwalow fur la poéfie defcriptive, piece déja connue, mais changée & améliorée, qu'on trouva un peu pédantesque pour la circonflance. Les- deux voyageurs prirent plus de plaifir k contempler les divers portraits des Académiciens» L'Académie profita de 1'a - propos pour leur demander le leur, ce qu'ils ont bien voulu'promettre. II fera joint a ceux de la ReineCbriftine, du Roi de Suede & du Roi de Dannemarc, poffédés par cette Compagnie. Le plus curieux de la féance, fans contredft,. ce fut d'entend're les illuftres voyageurs-& furtout la ComtelTe plus caufeufe & roaniant plusfacilement notre langue, louer prefque chaque• Académicien fuecelTivement & lui citer des morceaux de fes ceuvres. Le Maïtre des mathématiques de I'Ecole Militaire raconte que la Comteffe du Nord, lors». que les illuftres voyageurs font venus k TEcocole Royale Militaire, lui a fait des queftions: fur la fcience qu'il profefféj qui 1'ont étanné Sa embaraffé.  f 349 J On a remis aujourd'hui Cajlor c? Pollux sa ihéacre iyrique,pour faireconnoitreauxilluftres voyageurs cet ouvrage de 1'immortel Rameau & ïe chef-d'ceuvre de la mufique Francoife. Le 14 Juin 1782 On commence a répéter a 1'opéra YEkcïre de M. le Moine, jeune compoilteur en mufique, dont c'eft le coup d'efïai. II eft baloté depuis un an. Son Eleftre devoit être jouée, lorfque 1'incendie eft arrivé. Enfuite Mlle le Vafieur, chargée du principal róle, eft tombée malade; enfin, des concurrensplus accrédités ont profité de ces contre tems pour le fupplanter dans d'autres circonftancesSes partifans, qui le prónent beaucoup, efperent qu'il va enfin prendre fon ellor. Le 15 Juin 1782. M. & Mad. la ComtelTe du Nord font fur le point de partir & prennent congé Dimanche. On parle de deux préfens que le Roi doit leur faire; L'un eft 1'hiftoire du Czar Pierre premier, en tapiiTeries des Gobelins , 1'autre une toilette en porcelaines de la manufaéture de Seve.... Ils y ont été aujourd'hui & agréablement furpris;la ComtelTe, Iorsqu'elle a vu fes armes fur fa toilette,& le Comte les fiennes fur un fervice magnifique qu'il admiroit. II a en outre acheté pour 400,000 livres de porcelaines. Le ij Juin 1782. Cajlor & Pollux eft comme le fignal de rallfment des amateurs de la mufique Francoife, & a chacune de fes reprifes on peut calculer les progrès de fes adverfaires*P 7  C 3So ) La révolution arrivée en 1753, bien lom de nuire a ce bel ouvrage, fembla au contraire s'afFoiblir a fon apparition qui fut extrêmement brillante, & confomma la déroute de? bouffbns. Depuis ce tems Cajlor a été joué plufieurs fois, & toujours avec un triomphe plus foible. Hier on Pa encore admiré; mais fans applaudiflemens. Ses détracteurs Je trouvent dénué de cette expreffion vive & énergique qui peint dans toute leur force les mouvemens des paffions & dont un Muficien qui fe vantoit de mettre en mufique la gazette de Hollande, ne pou voit pas avoir d'idée. Mais ils accordent encore a cet ouvrage de Rameau de grands effëts d'harmonie dans les morceaux d'orchefire & dans les chceurs, & furtout une mélodie variée & piquante dans les airs de danfe. lis conviennent que ces qualités réunies a un trés-haut degré dans cet opéra,, jointes a la beauté du poëme, h la pompe de la repréfentation, h la richelTe & a la diverfité des ballets, en feront toujours un fpeélacle très-impofant, très-noble & propre a faire honneur a la nation. Le 16 Juin 1782. Extrait d'une lettre de Nanci du 10 Juin.... On a joué ici depuis peu k Comte de Waltron ou la Subordination, tragédie en cinq aétespar \L Maller, traduitepar M.Ebertz, aflbcié honoraire de 1'Académie impériale des Beaux-Arts. Elle refiemble comme deux gouttes d'eau au drame joué h Paris fous le titre de la Difcipline du Nord qui' y a cu peu de fuccès:  C 351 ) celle-ci, au contraire, a été fort applaudie dans cette ville. Comme la traduótion en eft dédiée a M. le Baron de Pirh, Meftre de camp du régiment de HelTe d'Armftadt, il a bien voulu concourir a 1'effet de la repréfentation en pro» curant aux Comédiens des moyens d'exécution qu'ils ne pouvoient trouver que dans un corps militaire Le 16 Juin 1782. M. le Baron de Wurmfer, Lieutenant général des armées du Roi &, comme Proteftant, Grand-Croix de 1'ordre du mérite militaire, avoit un neveu dont il étoit mécontent au point d'avoir pris le parti d'obtenir un ordre du Roi pour le faire arrêter cc enfermer pendant quelque tems k raifon de fon jnconduite. Ce jeune homme étoit è 1'abbaye Saint-Germain en dépót jufqu'a ce qu'on eüt choifi une citadelle pour 1'y transférer. En conféquence, il étoit au fecret. Le premier jour oh l'on eft venu lui apporter a manger , il s'eft: plaint qu'on ne lui donnat ni fourchette, ni couteau. II s'eft récrié fur ce traitement réferve aux feuls criminels, & a tellement attendri le guichetier^ que celur-ci a pris fur lui de lui prêter un méchant couteau qu'il avoit, & qu'on appelle Eufiache de bois. II s'eft en allé. Le Prifonnier muni de cette arme, s'en eft d'abord fervi pour écrire tres lifiblement fur la muraille un petit difcours oh il s'eft élevé contre le defpotifme d'attenter ainfi a la liberté de jeunes gens fougueux cc capables des exces  f 352 3 les plus violens}au lieu de chercher a lesrame*ner par les bons traitemens & des raifons folides. 11 a dit qu'il fouhaitoit que 1'exemple qu'il alloit fournir füt utile a 1'avenir & fit connoïtre la vérité de fes maximes. Après ce pré. liminaire, il a choifi avec beaucoup de recherche le défaut des cótes par oh il pouvoit plus furement arriver au cceur & s'y eft donné trois coups de couteau; il eft tombé fur fon lit. Le Guichetier 1'a trouvé encore vivant, & tenant dans la main le couteau, que le malheureux jeune homme lui a remis en le remerciant, & il eft expiré. Le iS Juin 1782. M. PalifPot, brouillé depuis longtems avec les Comédiens, s'eft tellement rétabli dans leurs bonnes graees, qu'outre fon Homme dangereux ou le Satyrique joué actuellement, ils doivent remettre inceffamment les Philofophes; & la. délicateiTe même des actrices a cedé au point que 1'Auteur nedéfefpere pas de voir jouer, Jes Courtifannes fous un autre titre. Le 18 Juin 1782. Extrait d'une lèttre de Berlin du 25 Mai.... Henriette Muller, fille du pays de Mecklembourg-Schvverin ayant écrit au Roi de Prufle une lettre trés • bien tournéej pour lui demander une petite métairie dans fes nouvelles colonies, capable de lui fervir de dot: & de lui procurer un bon mariage, ce Monarque n'a pas dédaigné d'accueillir cette demandeen. date du. u Mai......... Dès le 17. il a ré-  ( 353 ) pondu par un ordre dont voici la tradudtion. Mon cher Confeilkr d'Etat de Werder. „ Mon intention eft que, lorfqu'Henriette ,, Muller, du pays deMecklenbourg-Schwerin, „ fe manera a un homme honnête, pour re- pondre a fa lettre, ü naturelle & li tou„ chante, il lui foit affigné dans laPriegnitz, „ un établiffement des nouvelles colonies; vous „ y tiendrez la main en tems & lieu, & 1'infor„ merez en attendant de mes gracieufes inten„ tions a cet égard." Je fuis, Fréoer ic. Poftdam Ie 17 Mai 1782. Le 18 Juin 1782. Le théStre Italien devoit donner aujourd'hui une nouveauté, le Dêferteur, drame en cinq aétes; mais elle eft remife. Le 19 Juin 1782. Ce matin M. le Comte & Mad. la Comtefle du Nord, après avoir été déjeuner avec le Roi a Choifi, ont dü reprendre la route d'Orléans, lis n'ont pas été moins ma» gnifiques ici que dans les autres lieux ou ils ont pafTé, & ont laiiTé des préfens confidérables a. différentes perfonnes. M. de la Harpe n'a pas été oublié. Cet académicien, plus particulierément attaché au Grand-Duc en qualité de fon correfpondant, a eu 1'honneur de lui faire fouvent fa cour, de l'accompagner en différentes circonftances & de le compiimenter, ainfi qu'on 1'a dit, a 1'Académie Fran$oife par une épitre  C 354 ) en vers, imprimée depuis & trouvée déteftable.. Quoi qu'il en foit, il n'en a pas moins recu du Comte'du Nord pour marqué de fon fouvenir une tabatiere d'or, trés délicatementtravaillée, avec les divers attributs des Mufes & enrichie de diamans. On eftime ce bijou 6000 livres. Le 20 Juin 1782. Quoique le Sieur Palilïot,fentant combien les cireonftances étant changées, fa piece perdoit de i'a-propos & furtout de la naéchanceté qui lui avoit valu un fuccès fi briljant en 1700, ne fe flattat pas d'un pareil triomphe, fon amour- propre Ie faifoit compter fur un grand nombre de traits faillans,& des tirades entieres pleines d'efprit & de fel. En effet, aux 4eux premiers acces fes partifans !'av< ient emporté & la reprife hier lui promettoit une feconde viétoire, lorfque les difpofitions du public ont changé tout-a-coup fur la fin du troifieme acte. L'arrivée de Crifpin fur quatre pattes, tirant une laitue de fa poche., a produic une indignation fi forte qu'elle s'eft manifeftéed'une maniere fans exemple au théatre. Les cris & les huécs empéchoient les acteurs de fe faire entendre , & ayant vainement attendu pendant quelques minutes un inftant plus calme, ils ont fait baiffer la toile. Un moment après elle s'eft relevée, les Acteurs dans la même fituation, a l'arrivée de Crifpin ont repris la fcene & celuici remis fur fes deux pieds s'eft montré dans le coftume d'un Philofophe ancien. La piece a fini ainfi; mais la fermentation a duré & s'eft  C 355 ) réveillée encore par intervalles, en forte qu'on doit regarder cette fin toujours comme tresorageuie. Le 21 Juin 1782. M. le Comte & Mad. la ComtelTe du Nord emportent avec eux les rcgrets & 1'admiration des Parifiens. Le premier a infpiré le plus vif intérêt a tous ceux qui ont eu le bonheur de 1'approcher & de Pentendre. Affable, prévenant, fa politeffe efi noble & naturelle; il pofiede toutes les qualités qui annoncent le c-iracTere le plus heureux, & il ne pouvoit manquer de réuffir dans un pays oü la première de toutes efl d'être aimable. II parle peu. mais toujours trés a propos, fans atTeélation, fans gêne, fans paroïtre chercher ce qu'il dit de flatteur. Un jour oh M. Ie Comte du Nord étoit entré chez M. le Comte d'Artois au moment oh le fourbifleur de S. A. Royale lui montroit des épées d'acier d'un nouveau goüt: Le Prince profita de Ia circonfiance pour ofFrir au Comte du Nord celle qu'il venoit de fe choifir. ,, Permettcz-moi de ne pas 1'accepter, dit le Comte, & ifarrher celle avec laquelle vous prendrez Gibraltar. Le jour du bal paré la foule étoit grande, & dans un moment oh elle fe portoit du coté du Roi qui n'étoit pas encore aflis, S. M. dit:. Mais on nous prejje beaucoup:. a ces mots tout ee qui entouroit le Roi fait quelques pas en arriere, M. le Comte du Nord s'éloigne aufli en  difant: Pardonnez, Sire , je mecomptois en ce mo~ ment au nombre de vos fujets, & je croyois, comme eux, ne pouvoir approcher trop de Votre Ma* jefté. Le Roi lui tendit la main & le placa prés de lui. Touc cela vérifie le vers heureux da M. de la Harpe & le meilleur de fa pieceeu ce qu'il eft caraétériftique. Aux courrifans jaloux il apprend L'art de plaire. Le 22 Juin 1782. Dans le Mercure du Samedi,. il fe trouve une analyfe d'une hiftoire de Ruffie par M. 1'Evêque. On prétend que le pere de M.'le Comte du Nord y eft peint fous des traits odieux, & que même 1'Impératrice des Ruffies fa mere n'eft pas épargnée, relativement a des anecdotes fcandaleufes. On a trouvé trés - indifcret ou plutót trés-impudent de choifir Ie tems du féjour de M. Ie Comte du Nord dans cette capitale pour publier 1'analyfe d'un pareil ouvrage. On s'en eft pris au cenfeur M. de Sancy qui a été rayé du catalogue. En conféquence il n'a plus la cenfure du Mercure ni celle du Journal de Paris. C'eft M. de Guidi qui le remplace pour la première fonction. M. de Sancy, très-circonfpedt ordinairement, réclame contre cette punition, & prétend que c'eft un piége qu'on lui a tendu,. & qu'on a furpris fa bonne foi. Le 22 Juin 1782. M. le Comte du Nord, h Chantillijémervcillé de toui ce qu'ilvoyoit, &  C 357 ) furtout du local, s'écrioit qu'il changeroit bien fes polTeiTions contre celle-lè. Vous y perdriez trop, dit le Prince, & furtout vos fujets Ah! j'y gagnerois beaucoup, répliqua-t-il; je férois Bourbon , & qui plus eft Condé. Le 22 Juin 1782. Quoique le Courier de VEurope, par fa nature, düt être aujourd'hui la feuille la plus intéreffante,& qu'une expérience foutenue annonce dans fon Rédacteur un talent tres-marqué pour ce genre de travail, il eft obligé de convenir lui - même qu'il devient fort aride. 11 fe plaint que depuis deux ans, ilécrive avec un grand défavantage; que les papiers nationaux, originairement le fondement de fon entreprife & la fource de fes richeffes , fingulierement variés aiors & remplis de traits piquans depuis 1'époque mémorable de 1'émeute de 1780, ne foient plus remplis que de querelles particulieres, d'infipides débats, de tracafferies religieufes & civiles, & de quantité d'autres objets encore plus minutieux; il fe plaint que la correfpondance de 1'Amérique, autre mine féconde ou il puifoit, ait abfolument manqué; enÊn, il paroït que fa correfpondance avec la France eft fouvent arriérée, peu exacte, nulleroent curieufe & quelquefois nulle. En conféquence, il fe propofe, a commencer du deux ]uillet prochain,ou il ouvrira la fbufcription de ion douzieme volume, d'unir h la partie politique tous les détails qui doivent entrer dans le plan d'un journal Britannique, conftitution, tri-  C 3J3 ) bunaux, fpectacles & autres amufemenspublics, defcriptionslocales,révolutions dans les mceurs & dans les ufages; peut - étre même écrira -1 - il des caracteres, feule maniere de faire connoftre hors de chez elle une nation que, malgré fa puilTance, on ne connoft pas bien encore. Le 23 Juin 1782. Le Sieur PaliJJbt, convaincu de Pimpoffibilité de laifler fubfifter dans fa piece la fcene du Crifpin a quatre pattes, ce qui la rend bien moins piquante, lui fait manquer a peu prés tout fon effet & donne au dénoüment une forte d'infipidité, a cru devoir fe concilier encore tout le parti nombreux attaché & RpulTeau, i°. par un défaveu authentique & inféré au journal de Paris , qu'il ait eu jamais en vue d'attaquer ce grand homme; 20.' en ajuftant dans la fcene quelques vers très-propres a le juftiher, & a prouver, .au contraire, fa vénération pour lui; 30. par la fuppreffion abfolue du difciple du Philofophe converti en quadrupede. C'efl: dans cet état que les PhiloJophes ont été joués hier pour la feconde fois en préfence d'une affluence nombreufe qu'avoie attiré la circonftance, & en général elle a eu un grand fuccès. On a applaudi avec tranfport ces vers adaptés pour óter toute équivoque & empêcher de laiiTer fubfifter 1'idée que 1'Auteur eüt eu aucun deflein de flétrir la mémoire de jean Jacques.  C 359 ) Je lui dois la juttice. Qu?il ne cotrnut jamais la brigue, fartifice. De la philofopïiie il étoit entêté; Au fond plein de droiture & de probité. On a crié Bis; & le Sieur Dugazon qui faifoit le róle, a dft les répéter comme une ariete. En outre, le Sieur PaliiTot a eu 1'adrefTe d'ajouter quelques vers relatifs a la fcene du Jeudi. Ne peut-on pas gagner des Afteurs, des Aftrices, Faire baifTer la toile a forse de rumeur? Mais depuis ce moment un froid glacial s'eft «mparé du public, & 1'enthouflafme s'efl: évanoui tout a coup. Le 34 Juin 1782. II paroït deux ouvrages tres propres a jeter un grand jour fur la révolution de Geneve; d'autant mieux qu'ils font contradiétoires. Du cóté des Repréfentans on a répandu Précis hijlorique de la derniere révolution de Geneve, 6? en particulier de la réforme que le Souverain de la République a faite dans les confeils adminiflrateurs, titre qui annonce déja feul le fyftême repréfentant. De 1'autre part, c'eft Rehtion de la Conjura» tion contre le Gouvernement & le Magiflrat de Geneve, qui a éclaté le 8 Avril 1782. Cet écrit avec les pieces annexées a 48 pages d'impresCon in-12. On lit a la tête un avertiflement del'Editeur. II dit que cetre relation avoit été envoyée manufcrite le 20 Avril aux Miniftres de chacune  C 30° ) des Puifiances protecïrices de Geneve, & n'auroit jamais écé publique fans 1'audace des adverfaires a publier leur libelle. Le 24 Juin 1782. C'eft Ie Mercredi einq ]uin, que.M. le Comte & Mad. Ia ComtelTe du Nord ont affifté a une féance de 1'Académie des fciences. M. de Condorcet y lut un discours analogue & plus propre a les intéreffer que des Mémoires arides & hériffes de calculs. II traitoic du befoin qu'ont plufieurs parties des fciences de la proteStion des Souverains.. Le 25 Juin 1782. Le Déferteur qu'on doit enfin donner aujourd'hui aux Italiens, eft un drame en profe & en cinq aftes du Sieur Mercier, imprimé depuis longtems & joué dans toutes les provioces avec beaucoup de fuccès. Le Sieur Granger, le nouvel afteur qui continue a faire les beaux jours de ce fpectacle pour les pieces purement déclamées, connoiffant par expérience 1'effet que produit le Déferteur a la repréfentation, a déterminé fes camarades a 1'adopter; fans doute de 1'agrément de PAuteur qui, brouillé avec le thédtre Frangois, n'a pas mieux demandé. Le 26 Juin 1781. C'eft dans le Mercure du Samedy huit de ce mois, qu'eft inféré 1'extrait de Phiftoire de Ruffie de M. 1'Eveque, fait a ce qu'on préfume par 1'Abbé Remi: & dès Ie Lundi dix, M. de Sanci regut une lettre deM. le Garde des fceaux, qui lui apprenoit que fur les plaintes de M. Amelot (Ie Secrétaire d'Ecat  C 3*1 ) id'Etat au département de Paris ,& ayant par coniféquent le Mercure fous fon influence miniftéIrielle quant a Ia partie littéraire ) k 1'occafion Ide Pextrait en queftion, il ne pouvoit fe difpenIfer de lui óter la cenfure de cet ouvrage périoIdique, celle du Journal de Paris & même d'ordonner fa radiation de la lifte des Cenfeurs. M. de Sancy, après avoir relu Pextrait, ne pouvant fe diffimuler qu'il avoit fait unefaute, très-involontaire cependant, avoit cru devoirrecourir k la médiation de 1'Ambaffadeur de Rus. fie pour engager ce Miniftre a s'intérefler pour lui auprès de M. le Comte du Nord, & a róclamer fon indulgence, fur laquelle il devoit d'autant plus compter que ce Prince ne voudroit pas certainement qu'il fik le feul k gémir de fa venue en France. Mais M. le Garde des fceaux s'eft oppofé k cette démarche, qui apprendroit au Comte du Nord ce qu'il ignore abfolument. En effet, on prétend qu'il a foufcrit pour 50 exemplaires de 1'ouvrage. Quoi qu'il en foit, on ne peut que plaindre M. de Sancy, dont la négligence eft d'autant plus excufable, qu'il fembloit ne devoir fairequ'une légere attention k 1'extrait d'un ouvrage déja approuvé, & dont il a paru plufieurs volumes. La rapidité de la plainte & de la punition font 1 préfumer que M. de Sancy eft viclime d'une cabale formée contre lui, dont onredoutoit 1'austérité. En effet, il femble que le Comte du Nord feul, ou 1'Ambaffadeur de Ruffie étoit Tomé XX. Q  C 36"2 ) autovifé a requéïir une pareille fupprefiion. C'eft le Sieur Cadet de Senneville qui eftchargé de la cenfure du journal de Paris. Le 27 Juin 1782. On a fait un vaudeville hiftorique & ayant. plus de fel que de coutume fur quelques évenemens récens, tels que le voyage de la Fayette en Amérique; la coëffure ridicule des femmes d'aujourd'hui; 1'allure non moins révoltante de nos peti ts-maf tres; la nouvelle falie de Comédie Francoife, le bateau vo]int; le fecret de Linguet, le fourcier Bleton;enfin, l'arrivée du Comte du Nord. II eft fur 1'Air d'Albaneze : Ehlqueft ce qu'ga m'fait drnoi?' Dans les champ^ de 1'Amérique, Qu'un guerrier voie aux combats, Qu'il fe mêle des débats De 1'Empire Britannique; Eh! qu'eft qu'ca m'fait a rnoi? J'ai 1'humeur très-pacifique. Éh! queft qu'fa m'fait a moi, Quand je chante & quand je bois? Que folies de leur coëffure, Nos charmantes de la Cour Imaginent chaque jour De quoi gater la nature; Eh! qu'eft qu'fa m'fait a moi?- Life eft fi bien fans parure. Eh ! &c. Qu'en chenille earmélite (1% Un Magiftrat chez Lafs (1) Nom d'une CDuieor a la mode.  c 303 ) Ccurre donner fon avis Sur le pouft", & la lévite Eh! qu'eft qu'ca fait a moi.? Jamais je ne follicite. Eh! &c. Que la troupe de Molière -Quitte le louvre il grands frais Pour effayer nos fiflets Dans Ia vafte bonbonniere ^1)4 Eh! lu'eft qu'ca m'fait a moi 'ï Je fuis affis au parterre. Eh! &c. Que tout Paris encourag» L'auteur d'un bateau volant, Qui promet qu'au fi:mament Nous irons en équipage; Eh! qu'eft qu'ca m'fait a moi? 'Je ne fuis pas du voyage. Eh! &c. Que Linguet de fa courtine (2) Veuille apprendre a notre orgueil Que l'on peut en un clin d'ceil Se faire entendre de Ia Chine; Eh! qu'eft qu'ca m'fait a moi? On m'entend de ma cuifine. Eh! &c. La nouvelle falie de comédie 'Francoife eft peinte en Ulanc ,ce qui a fait (lire qu'elle refiembloit ii une falie Jefucre. £2) II étoit encore a la Baftille quand fon piojet parut. 0.»  C 3^4 ) Que Verra, ce pauvre here, Avec un fimple cordeau, Nous falie monter de 1'eau Du puits ou de la riviere; Eli! qu'eft qu'ca m'fait a moi? Jamais d'eau n'entre dans mon verre. Eh! &c. Que Bleton par fa baguette Soit fourcier ou nou fourcier; Que 1'eau lc faifant crier Eu convulfions le mette; Eh! qu'eft qu'ca m'fait a m fultat eft de demander un dédomagement a 1'Amirauté. Le 13 Janvier 1782. La doublé Epreuveoü Colinette d la Cour. La Comédie lyrique nouvelle en trois aótes, ayant mieux pris aux repréfentations fuivantes,exige qu'on en parledt nouveau. Dans fon avertilTement 1'Auteur déclare qu'il n'a eu en compofant d'autre prétention qued'esfayer fur la fcene lyrique une comédie qui réunft le férieux a Ia gaïté, qui ofl'rit a la mufique de nouveaux effets k peindre par le contraüe des genres divers, & qui füt en même tems fufceptible de tous les agrémens accelToires qui font  C 24 ) de 1'opéra le plus riche & le plus féduifant: des fpeftacles. II ajoute qu'il a cru trouver tout ce qu'il defiroit dans le fujet très-connu de Ninette d la Cour, & que peu jaloux de la gloire de 1'invention, il ne s'eft fait aucun fcrupule de s'en emparer. II regarde les théatres étrangers, ainfi que les théatres anciens, comme un fonds cornmun,oïi il eft permis a tout le monde depuifer. II ne voit pas pourquoi plufieurs Poëtes n'auroient pas la liberté de faire d'un opéra bouffoo. Italien ce qu'on fait des tragédies de Sophocle & d'Euripide. jvl. Lourdet fait avec quel art & quel fuccès le Bertholde Italien a été parodié & embelli par le Poëte aimable & fécond, fon maitre & fon atni, dont les ouvrages refpirent le goüt, 1'élégance & la gafté. II fait que ce même opéra comique a été enfuite transformé en un ballet charmant qu'on revoit toujours avec le même plaifir fur le théatre lyrique. 11 convient que deux eflais heureux lui impofoient la néceflité de s'écarter un peu & de 1'original Italien & de fon ingénieux imitateur, afin de ne pas reproduire aux yeux du public les mêmes chofes. Le defir d'éviter des reffemblances trop fortes, de mettre en même- tems un peu plus de vraifemblance dans l'aótion, 1'a faic renoncer a quelques fituacions qui auroient pu répandre plus d'incérêc &. de comique dans fon drame; il  C 25 ) a taché d'y fuppléer par la rapidité du dialoguc, par le mouvement de la fcene & par la variété des tableaux. Prefque toutes les alïertions de eet avertifTement font erronées 1°. Quelle comédie plus férieufe & plus gaie en même tems que celle du Seigneur bienfaifant! Quel ouvrage lyrique offre plus de variété & de contraftes piquans, plus (ul'ceptible enfin de tous les tableaux & de tous les agrémens poffibles ? Ainfi, M. Lourdet n'avoit que faire de fe donner la torture pour imaginer ce qui étoit déja, & tout récemment offert fur la fcene. 2. Sans doute Ninette d la Cour préfentoit un fujet très-analogue a fes vues; mais plus il avoit été bien traité, plus M. Lourdet devoit s'abltenir d'y retoucher, & il devoit c'oncevoir qu'un opéra bouffon Italien ne pouvoit lui prêter un fonds de beautés inépuifables,comme les tragédies greques, 3. Qui le croiroit? malgré ces réfléxions qu'il auroit dü faire, malgré fa déclaration que M. Favart eft fon ami & fon maitre, que fa JSIinette eft charmante, que fes ouvrages refpirent le goüt, 1'élégance & la gaité, que ce mê. me opéra comique a déja été transformé en un ballet délicieux, il ofe remanier ce fujet dans 1'efpoir d'être encore neuf, de plaire, de furpafiér ou d'égaler au moins fes modeles: quel amour-propre, ou quelle extravagance! 4. Enfin, il avoue avoir été obligé de rencnTome XX. B  C 27 ) Sieur de Brunville pour trente mille 'livres, les ont remis au Lieutenant de police comme effecs volés. C'eft du moins ce que le Sieur de la Chauffée a déclaré, le deux Juiilet 1781, au tribunal des Maréchaux de France , lorfqu'il y a été traduit par fon adverfaire. 20. Que M. de Beaurepaire, Avocat, créancier du S. Garnier de 3000 livres, ayant aufiï été chargé par lui de 10,000 livres de ces biljets, ne lui a point payé Pexcédent de fa dette, ni remis les billets, mais a excipé en juftice d'une force majeure qui, par ordre, les lui .avoit enlevés le 13 Décembre 1780, toujours comme effets volés. 30. Que le Sieur de Beaumont, menacé d'être arrêcé, fut obligé de fuir, & n'obtint la liberté de reparoïtre qu'après avoir figné un acte de déflftement de fon affociation avec le Sieur de Brunville. 40. Que le Sieur de Brunville pere a été renfermé a Charenton, oh il a été interrogé <5c interdit juridiquement par le Lieutenant civil. 50. Qu'un Arrêt du Confeil a dépouillé Ie Parlement de la connoiffance des conteftations élevées par les créanciers du Sieur de Brunville, & a nommé une Commiffion a la têtë de laqueüe eft M. le Noir, qui feroit ainfi juge & partie, ce qui répugne k la délicateffe de ce Magiftrat. 60. Enfin, que Ie plaignant a été forcé de fe réfugier au Temple, oh le Sieur de Brugnieres B 2  C43) Qui fair.es paiïer a vous deus Le Roi par Ia fenêtre, Convenez tout net Que ce beau projet Arrangé, Dieu fait comme, Ne va qu'au Martin, Qu'au génie enfin, Qu'a Montmartre on renomme. Le 19 Janvier 1782. On a commencé Jeudi dernier la tranflation a 1'hótel de la Force, rue des ballets, de tous les prifonniers civils confondus jufqu'a préfent avec ceux détenus pour crimes dans les différentes prifons de la conciergerie, du grand & dupetit Chatelet & du Fort1évèque. II faut fe rappeler que robjet de eet écablifiement, commencé fous M. Necker, eft de féparer les malfaiteurs de ceux que leurinconduite ou le malheur feul a mis en captivité. Les débiteurs détenus pour mois de nourrice en font fans contredit la clafle la plus intéreilante; elle eft moins nombreufe en ce moment par les bienfaits répandus fur elle, a 1'occaüon de te naiffance dü Dauphin.. Le.20 janvier 1782. M. Moreau, Architeflê du Roi, Maitre général, Controleur-Infpeöeur, des batimens de la ville, fachant qu'on criti> quoit remplacement oh les fêtes font établies, comme trop étranglé, & ne pouvant contenir Ia foule du peuple pour qui elles font principalement inftituées, a jugé a propos pour fa juftifi.  f 4« > Préfident revenu ici, y a été recu prefqueavec les mémes acclarnations qu'en 1774. II s'eft prévalu de ce triomphe pour humilier les partifans les plus connus de M. Dupaty; il a refufé fa porte a M. & Mad. Dupré de Saint-Maur 1'Intendant & fa femme, a Meffieurs Gobineau & 1'Abbé Barbeyeres, Confeillers au Parlement, & a M Dufaur de la Jarte, Avocat général, tous très-déclarés Sc agiffant en faveur de ce Préfident. On trouve cela très-bien, & ces Meffieurs le méritent par leur haffelle. En outre, le Parlement a obtenu le retraitde 1'Arrêt du Confeil qui fufpendoit les procédures commencées au fujet des pamphlets répandus dans 1'affaire de M. Dupaty; mais la connoiffance en eft toujours retirée au Parlement de Bordeaux & renvoyée a celui de Toulouze. Le 21 Janvier 1782. Réftexions fur Vétat atïuel du crédit public de l'Angktterre & de la Francs. Tel eft le titre du pamphlet de M. Panchault, daté du 9 Novembre 1781. II paroit que c'eft pour faire fa cour a M. de Fleury, qu'il a été entrepris. Suivant les fpéculations de ce Financier, la dette nationale d'Angleterre en 1700 n'étoit que de feize millions de livres fterlings; elle fut portée ou 1715 a 55 millions, en 1748 a 78 millions; en 1762 a 148 millions; enfin, au mois de Juillet dernier elle étoit a 177 millions toujours fterlings. La banque d'Angleterre, fondée vers la fin du dernier fiecle, formée au fein des orages qui porterent Guil-  c 43 ; au-deffus de celle de fon prédécefleur. On lui attribuoit déja le famtux pamphlet imprimé a Liege contre M. Necker; il Pattaque ici plus ouvertement; il le caradterife comme un Ecrivain plus remarquable dans la carrière de Pambition que dans celle des lettres ; comme un enthoufiafte des Anglois, qui, dans fon -Hoge de Colbert, cite perpétuellement leur gouvernement fans en avoir même 1'idée. II s'exprime encore affez amerement fur la fuppreffion des Reccveurs généraux des finances, & loue fingulierement M. de Fleury de leur rétabliffement. On fait que la cailTe d'efcompte eft: une pro. duction de M. Panchault; il 1'exalte en conféquence, & voudroit bien qu'elle prït plus de confiftance en France. Tel eft le précis de eet ouvrage, en général fort lec & fort ennuyeux, mais nerveux & bien écrit, II eft terminé par un doublé tableau comparatif de la dégradation des papiers Anglois depuis 1776 & de Ia bauffe des Francois. Le ai Janvier 1782. Malgré la dépenfe énorme faite pour décorer 1'hötel de ville, pour 1'augmenter & fuppléer par la magnificence des ornemens a la petiteffe du local, les gens de goüt trouvent le nouvel édifice & fes divers accompagnemens mefquins, au milieu de toute leur richeffe- Q.uoi qu'il en foit, c'eft aujourd'hui que la cérémonie doit avoir lieu. La terrible étiquette a déja occalionné bien des répréfentations au Roi. i°. Les  ( SS ) I' Abbé cT'Artois ,Ghanoine de Saint-Honoré, mort vingt-quatre ans avant; mais on ne voulut pas eroire fon annonce généreufe. M Barbeau n'a pu développer tout le talent qu'il avoit en ce genre, par la néceffité de gagner fa vie en donnant des éditions, & en travaillant en fous-ordre pour des Auteurs qui ne le valoient pas, & fe paroient de fon mérite. Tel étoit 1'Abbé de la Croix dont la Géogra. phie moderne appartient plus, quant au fonds, a 1'éditeur qu'au propriétaire même: il a encore confidérablement amélioré les Tablettes Chronologiques de 1'Abbé Langlet. Son ceuvre Ia plus confidérable eft la Bibliotheque Hiftorique de la France en cinq volumes z»-f°. Ce livre, ébaucbé par le Pere Ie Long, continué par M. de Fontette, a été perfeétionné par M. Barbeau. Cuioique trés-mal-aifé, un trait qui lui fait plus d'honneur que tous fes ouvrages, c'eft d'avoir vendu un contract de 400 livres, feul bien qu'il ent recueilli de la fortune de fon pere, pour feeourir deux jeunes Ruffes que 1'amour des lettres avoient engagé de fortir de leur pays. Sentant dans fa vieillefle la néceffité d'une compagne, il fe maria en 1779. CHielques heures avant d'être frappé d'apoplexie, il travailloit encore k des recherches fur les antiquités de 1'églife de Montmartre, fa paroiffe. La feule fociété favante oh M. Barbeau foic C 4  C 68 } dans Ia Iittérature, Ie Sieur Piis a affcclé dans une facétie de demander quel eft ce Geoffroy; fi c'eft Geofroy l'Angevin ou Geoffroi l'A/nier, noms de deux rues de Paris ? Celui-ci en parlanc de ce dernier-quolibetPalTomme par lequatrain fuivant. > Oui, Piis, je fuis GeofFroi 1'Afnier fans doute, Car a grands coups de fouet je chafle devant raoi Tous les anes bfayans & tétus comme toi, Que je rencontre fur ma route. ■ • Le 3 Février 1782. On s'occupe acluellement a 1'opéra, du Thêfée remis enmufiquepar le Sieur Goffec. Comme il a fallu adapter le poëme aux intentions du compofiteur, le réduire 6114 acles, y fn're des fuppreffions, des coupures, des changemens, celui-ci a eu recours a fept ou huit perfonnes, a Meffieurs de Cinqmars, Gail. lord, P.itra, DesfoMaines, de Charnoi: c'eft aujourd'hui un véritable habit d'Arlequin. Pour comble de ridicule, il a exigé un nouveau dénoü.ment. Suivant les notes confervées dans les archives du théitre lyrique, celui de Qidnault a paru toujours brufqué, forcé & a manqué fon effet. Ce travail exigeant plus de génie, il a .clandeftinement engagéM.Rochonde Chabannes a lui en fournir un. Le Poëte moderne n'a pas cru devoir mutiler Tanden; mais en interca1-ant dans la fcene une douzaine de vers qui fe lient adroitement a ceux qui précédent & a ceux qui fuivent, il a eu 1'art de le rendj-e vraimenc  C 86 3 Le 14 Février 1782. On accufe Madame la Comteffe de Genlis dans le nouvel ouvrage qu'elle vient de faire paroitre fur 1'éducation, d'avoir tracé des portraits très-reffemblans & très-fatyriques, entre autres un de Madame de la Regniere, femme du Fermier général, fa bienfaitrice, & qui 1'a accueillie dans un temsoh elle manquoit de tout. Cette ingratitude a révolté: Mad. de la Regniere a unfils, hommede lettres, qui n'a pu fupporter 1'injure fake a fa mere, & qui, dit-on, s'eft permis un chanfon contre la première. Cette chanfon eft très-médiocre & d'une méchanceté plate; on ne peut la croire de M. de la Regniere,qui a trop d'efpnt pour n'avoir pas vengé fa mere d'une facon plus fpirituelle, & trop d'honnêteté pour n'avoir pas mis plus de nobleffe & de grandeur dans fon procédé. Qjioi qu'il en foit, comme elle fait anecdote & contient une hiftonquepré' cieux de la vie d'une femme qui fixe aujourd'hui 1'attention de toute la Cour & des gens de lettres, la voici. Elle eft fur Vair des trembkur*. Saint Aubin (0 dans f* Patrie Ne vivoit que d'induftrie; Élle étoit alTez jolie, Ses nuits lui payoient fes jours. Bientót par fon favoir-faire A 1'abri de la mifere, Cij Nom de fille de Mad. la Comteffe de Genlis.  r s7 y Son ame fut un repaire De fraudes & de dé tours. Genlis, époux digne d'elle, De fes vices Ie modele, Brüiant d'une nrdeur fidele, Vient lui préfenter fa main: Dans 1'efpoir dü cocuage, B conclut fon mariage, Fondant fon honteux ménage Sur une éppufe catin. Graces a fon impudence La voila dans 1'opulence j Se livrant a fa fdence Elle trame des noirceurs. Elle imprime une bétife; Pour confommer fa fottife, Elle doit tout a Céphife, Elle en écrit des horreurs. Le 14 Février 1782. Coraline, aocienne Actrice tres célebre dans fon tems fur la fcene italienne, vient de mqurir. M. le Prince de Conti d'aujourd'hui, alors Comte de la Marche, avoit concu pour elle une pafiion violente & lui avoit fait beaucoup de bien. II lui avoit achetéle Marquifat de Silly, nom qu'a d'abord porté un fils qu'il en a eu, qu'il a reconnu, qu'il a logé dans fon palais, occafion de fa rupture avec la comteffe de la Manche, & qu'il aime tendrement. 11 eft connu aujourd'hui dans le monde pour Je Chevaiier de FaureaL Coraline fe nommoit eo  C 114 3 qu'agiffent 1'homme d'Etat & le Géomettrej Leurs opérations ne different que dans 1'objet fur lequel ils travaillent. La légiflation, la poJitique ne font de véritables fciences qu'autant qu'elles ont pour bafe des principes inconteftables & qu'elles marchent avec ordre vers le but qu'elles fe propofene. Les probïêmes de cette fcience font peut-être plus compliqués & plusdifficiles a réfoudre que ceux de la géométrie tranfcendante; mais ce qu'il y a de fingulierement confolant dans la fac,on de voir du Récipiendaire, c'eft 1'efpoir qu'il concoie des progrès acluels de la morale, quoiqu'il avoue que cette fcience eft beaucoup moins avancée que les autres; appuyée comme elles fur 1'obfervation des faits ei fur des principes inconteriablesr la morale commence è fuivre la même méihöÜ£, è faire 'ühe ïangue intelligible & fixe. M. de Condorcet fmit par repréfentcr fous des couleurs très-intéreffantes, les qualités morales & littéraire? de 1'eftimable Acaüémiciea 'auquel il fuccede. Quant au difcours de M. de Nivernois, on y fent encore a la leéture ce ton noble & délicat de 1'homme du monde, perfeétionné par la culture des lettres. Le 23 Février 1782.- Depuis que 1'Empereur a-fi violemment attaqué les ufurpations de Ia puiffance eccléfiaüique, on répand ici une colleétion de trois lettres manufcrites. Suivane cette correfpondance, l'Ele&eur de Treves  C "ff ) Le pramVr Mars. 1782. Voici la première reporue a I ülecteur de rreves,attribuéeèFEmpereur. „ C'eft au milieu de mes occupations militaires & de mon camp, que j'ai regu les deux lettres fous le même couvert qu'il a plu è V. A. de m'écrire en date des .premier & quatorze Septembre de cette année. Que ne lui dois-je pas pour Pintérêt qu'elle prend k tout ce que je fais & même a mon falut, dont je me flatte, a la vérité, de la fureté, fans defirer néanmoins d'en rapprocher 1'époque ? Je n'ai malheureufement avecmoiiciquel'instruftion du grand Frédéric a fes Généraux, les 1 Rêveries du Maréchal de Saxe & de pareils livres profanes. Mais Quênel, Biaembaum & j I'Orcodoxe Frebonius font reftés dans ma biblio- ! theque. Comment pourrai-je répondre avec détail aux queftions importantes, divifées en cinq points, qu'il plak k V. A. de me faire; je n'en aurois pas même le tems, fi une pluie averfe ne \ me mettoit dans le éas de pouvoir moralifer un moment avec vous au lieu d'exercer. Pour fuivre 1'ordre que V. A. a tracé: 10. Quant au Placitum regium, il m'a paru que quand le chef vifible de 1'Eglife, comme elle 1 appelle, fait émaner quelques ordres du Vati- 1 can, aux fideles de mes Etats, leur chef trés- I palpable & réel comme moi ,doit en êtreinftruit I cc y influer pour quelque chofe. 2". Trop mal écrit pour pouvoir le copier.  C 118 ) & qu'on avoit appelé Molina, tant on efl: ignare chez moi fur les difputes de la grace. Ainfi on continuera de s'en taire dans mes Etats, & 1'on eüt bien fait de s'en taire partout, il.y a plus d'un demi-fiecle. 5<\ Si je répugne h quelque chofe, ce n'eft pas h, croire les vérités de ma foi, mais feulement a ce qu'on m'en faffe acroire fur les explications. Bref, je me flatte que nous fuivons enfemble le plus droit chemin pour faire chacun notrefalut, en accompliffant les devoirs dans lefquels la Providence, nous a jetés, en faifant honneur au pain que nous mangeons: vous mangez celui del'Eglife, & vous proteftez contre toute innovation; & moi celui de 1'état, & je défends ou revendique fes droits primitifs. &c. Le i Mars 1782. C'eft décidément aujourd'hui que fe joue la piece de Mlle Raucoux. Quand on lui a demandé au comité la quantité de biljets de parterre qu'elle jugeoit a propos de prendre, fuiVant la méthode des Auteurs modernes, pour former un parti,elle a répondu noblement qu'elle n'en defiroit aucun, qu'elle s'en rapportoit au public, & que fon drame, s'il étoit bon, fe«fcflitiendroit par lui-même. Cette réfolution généreufe, répandue aujourd'hui adroitement par les amis de 1'Actrice, lui concilie déja beaucoup de fuffrages. Du refte, tout eft loué, & la chambrée feracertainement des plus brillantes. Le if. Mars 1782. On a fu dans une féance particuliere de 1'Académie Erancoife qu'un mem-  bre, qu'on dit être M. Ducis, avoit propofé dé faire un reglement de police intérieure & de convenir entre foi de ne point donner de billets aux femmes pour les aflemblés publiques, afin de leur rendre la gravité qu'elles avoient autrefois. M. de la Place, indigné de ce bruit, y a ïipondu par le quatrain fuivant. Si Ie fexe, au Licée, aujourd'hui t'embnrrafTe, Ceft a roi d'en ibrtir, rrès-inutile Orgon; On voit nenf Mufes au Parnafle On n'y compte qu'un Apollan. Le 8 Mars 1782. Suivant la correfpondance atinoncée, 1'Ëlecteur de Treves a répliqué k 1'Empereur. Sire, ce n'eft qu'après avoir murement réfiéchi devant Dien fur les obligations de mon état, que je me fuis déterminé a faire a V. M. 1. mes trés rcTpeclueufes remontrances touchant les édits qu'elle a fait publier. L'objet étoit trop important pour être traité légerement; c'eft un reproche que je n'ai pas a me faire, & quelle que foit 1'idéequeV. M. femble s'être faite de moi, je fuis tres convaincu que je n'ai point oublié a qui j'avois 1'honneur d'écrire. Quoi qu'il en foit^ Sire, en lifant la lettre dont V. M. m'a honoré, je me fuis réjoul fincerement^, a 1'exemple des Apötres, d'avoir été trouvé dlgne de foufFrir quelques mépris pour jefus-Chrift. Ma joie cüt été complecte, fi  ( 120 ) j'avois pu me cacher en ce moment les mauxexv trêmes dont 1'Eglife eft menacée, cc les regrets amers que V. M. fe prépare. Oui, quelle que foit maintenant la fermeté avec laquelle elle paroït décidée a foutenir fes démarches, un jour viendra qu'elle en fera inconfolable. Puiffe ce jour ne pas être celui de 1'éternitéi Je fuis &c. Seconde réponfe de 1'Empereur. Mon coufin, JE vois, fuivant Ia réplique de V.Exc, que nous ne danfons pas de même air: elle prend la forme pour Ia chofe, pendant que je metiens exaélement a la chofe en fait de religion, & que je n'obvie qu'aux abus qui s'y étoiefft gliffés, & qui en défigurent entierement la pureté: vos lettres font toutes tragiques cc les miemies toutes comiques. Et comme Thalie cc Melpomene, quoique fceurs au Parnafle, ne s'allient pas toujours enfemble, defcendant de 1'Hélicon, V. Exc. me permettra que nos genres fe rapprochent davantage, & qu'en attendant je 1'aflure ccc. A vienne ce n Décembre 1781. Le 2 Mars 1782. Le drame de Mlle Raucoux paroït vraifemblablement tiré de quelque drame germanique, dont elle aura eu connoiffance durant fes caravannes dans ces contrées, cc qu'elle aura  C 121 ) aura adapté a notre théatre. Quoi qu'il en foit, le fujet eft allemand, abfolument dans le coftume & dans les mceurs de cette nation, 11 y a un fpeftacle & appareil militaire, a peu prés femblable a ce qu'on a vu tout récemment dans le drame intitulé la Difcipline militaire du Nord. II y a beaucoup de romanefque dans l'aétion, dans les caracteres, dans les incidens. Le premier afte a paru froid, le fecond a exciré de longs, de fréquens & de fmceres applaudiffemens, le troifieme a été auffi applaudi, quoique pas avec autant d'enthoufiafme. En un mot,cette piece, fimple dans fa marche & dans fon ftyle, vaut a peu, prés toutes celles du même genre qui ont paru fur la fcene Frangoife & qui font même reftées. Mlle Raucoux, infiniment mieux en homme qu'en femme, a très-bien joué, & ne s'eft pas déconcertée de quelques murmures élevés au commencement. Le fieur Molé 1'a très-bien fecondée, & s'eft conduit en bon & franc camarade. Après Ia piece elle s'eft rendue aux invitations du public, s'eft montrée dans fon cos. tume de Soldat , a remercié le public & a été re§ue avec tranfport. Le 2 Mars 1782. Le Thefêe, dont la première Repréfentation a eu lieu auffi hier, a eu beaucoup de fuccès; mais toute 1'attention s'étant portée principalement k la comédie Fran» coife, & les véritables connoiffeurs n'ayant pu fe partager,il faut attendre la fuite de quelques Tome XX. F  ( 122 ) autres repréfentations pour fixer irrévocablement quel degré d'eftime mérite la nouvelle produftion de M. Gojfee. Le 3 Mars 1782. Les ennemis de Mlle Raucoux,'& elle en a beaucoup, non contens de s'être déchaïnés dans les foyers contre fa piece avec une fureur fans exemple, furtout envers Pouvrage d'une femme , veulent lui ravir même le petit mérite qu'ils lui lailTent, & répandent le brult qu'elle n'eft que leprête-nom de M. du R'ofoi. En outre, on a déja enfanté une cbanfon 011 1'on lui reproche cruellement fes turpitudes. Le 3 Mars 1782. L'afFaire de la Cour des Aides de Clermont continue h faire grand bruit. On convient affez généralement, qu'elle a eu tort dans la forme; qu'elle ne devoit point connottre d'un procés dont la queftion concernant la nobleffe n'étoit qu'incidente a la queftion principale; mais on trouve qu'elleatrés-grande raifon au fond , & que les raifonnemens de fes remontrances font viftorieux. üne circonftance finguliere , c'eft que le Sieur Aubier pere ayant été membre du Confeil fupérieur de Clermont, & ayant par devers lui cette tache infamante qui devoit le rendre odieux a la magiftfature, & qu'on inilnue avoir été le moüf fecret de 1'animofité de la Cour des Aides, ait trouvé au Parlement de Paris une protection éclatante au point de 1'emporter lur une Cour fouveraine. Ce triomphe n'a été que la  ( 125 ) Quoi qu'il en foit, la Société Royale de Médecine, qui fe plaint de n'avoir pas été confultée dans une matiere auffi eiTentiellement de fon reflbrt, vient de nommer d'office des Commiflaires pour vérifier les expériences annoncées. Ces CommifTaires font,entre lesaflbciésordinaires, les Docteurs Macquer, Fourcroye, 1'Abbé Teffier & Hallé; entre les afibciés libres, M. Poulletier de la Salie & le Duc de la Rocbefoucault. L'Académie des Sciences a, dit on, entendu déja un rapport de celles faites par quelques-uns de fes membres, qui ne font pas ablblument de 1'avis du Sieur Janin. Le 4 Mars 1782. Madame Sophie efl: morte la nuit du Samedi au Dimanche, au moment oü 1'on s'y attendoit le moins: les fpeétacles ont vaqué fur le champ; mais, comme elle a defiré être enterrée a Saint-Denis tout de fuite & fans aucun cérémonial, qu'elle ne fera point expofée aux Tuilleries fuivant 1'ufage, ils recommenceront dès demain, puifqu'elle a du être dépofée aujourd'hui dans le tombeau des Rois. Le 4 Mars 1782. Les Comédiens Italiens ne pouvant jouer la nouveauté qu'ils ont annoncée; pour fatisfaire 1'impatience du public, lui en fubftituent une autre qui doit avoir lieu demain Jeudi; c'eft 1'Eclïpfe totale, comédie en un adte, mêlée d'arietes. Tout cela n'eft qu'en attendant un opéra co- j mique du grand genre, intitulé La nouvelle Om- j pha/e, de >M. Robinot de Beaunoir & du Sieur \  ( Ï2? .) floquet. L'Auteur des paroles ayant fort h cceur d'être joué, a dédié fon ouvrage k Mad. Jules, s'eft fait ainfi connoitrc k la Cour &a obtenu un ordre pour paffer avant tous les Auteurs fes anciens, ce qui a occafionné beaucoup de murmures. Cependant, encore un coup, on ne peut jouer la nouvelle Omphale dans ce carême; on eft u la veilt» de la clöture; elle exige beaucoup de travail, de préparatifs, & les Acteurs ont demandé qu'on différat jufqu'après Paqucs. Le 5 Mars 1782. Le Roi, non content d'avoir honoré la cendre du brave Vicomte du Couëiic, mort de fes bkilures a Breft le 7 Janvier 17^0, dont on fe rappelle le briljant combat, par un monument qui y a été élevé 1'année derniere a ce héros marin, d'avoir répandu fes bienfaits dans le tems fur fa veuve & fa familie, vient encore de donner tout récemment une réforme de cavalerie au régiment royal de Picardie k un Chevaiier du Couëdic, Sous-Lieutenant d'infanterie, avec difpenfe de payer la finance ordinaire. Le 5 Mars 1782. Les fpeftacles ont repris aujourd'hui, & Théfêe a encore eu plus defuccès a la feconde repréfentation: ce fuccès cependant ne porte pas fur le poëme, dont on ne peut approuver les changemens. On ne voit pas pourquoi réduire en quatre actes cette tragédie qui en avoit cinq, innovation qui ne confifte que dans une refonte bizarre des troifieme & quaF4  C 128- ) trieme adles réunis enfemble, ce qui en forme feulement un afte d'une longue ur interminable & monotone par 1'uniformité de la fituation. Le dénoüment que M. Rochon de Chabannes avoit fubftitué a 1'ancien, d'après 1'invitation de M. Goffec, n'a pas été confervé; paree que ce roete n a pas vouiu y lailier joindre lesfutures & les correétions de tous ceux qui vouloient s'en mêler; enforte que le changement le plus néceflaire, qui devoit produire le plus d'effet, donner a Ia lituation plus de vraifemblance, & d'intérêt coaféquemment, efl; le feul qui n'ait pas eu lieu. Au refte, fi Quinault,revenu au monde,s'indigneroit avec raifon contre fes réformateurs , Lully ne pourroit qu'applandir k fon rival. La Muüque de Jvl. Oollec elt mfiniment fupérieure a celle du vieux lyrique dans la partie des accompagnemens & des effets d'Orcheftre, oh il regne une harmonie auffi riche que favante; dans celle des chceurs, prefque tous de !a plus grande beauté , principalement ceux des Démons, qu'on a applaudis avec tranfport; même dans celle des airs de danfe,qui n'ont pas laiflé auffi que d'être goütés, quoiqu'on ait paru en général y defirer une tournure plus neuve & plus piquante. Mais ce qui dédommageroit fon amour propre, feroit de voir qu'a 1'exception d'un fuperbe air de Théfée, embelli encore par la voix du Sieur le Gros au troifieme acte, & du monologuc, Dépn mortel, dans lequel Mlle Du. plant  C 129 ) plant brille également, le morceau de chant le plus généralement admiré, foit celui d'Egée: Faites gr ace d mon dge en faveur de ma gloire, qui a été confervé de 1'ancienne mufique, & que le Sieur Larrivée rend ainfi que tout fon röle avec beaucoup de nobleflè. Le 6 Mars 1782. C'eft chez Mlle Fannier iqu'a été charitablement compofée la chanfon fur Mlle Raucoux & fa piece: elle étoit même préparée d'avance, paree qu'on vouloitla répandre dès le foir après la première repréfentation. Elle eft furtout attribuée au Préfident d'Héricourt, aidé de M. de Chamfort, du Marquis de Saint-Marc & de la Divinité de ce petit Parnafle. II y eft refté une légere incorreclion de rime, que les connoiiïeurs feuls trouvent aifément, & qu'on n'a jamais pu changer. Le 7 Mars 1782. Les Gentilshommes de la Chambre defirant recrutcr de fujets la comédie Francoife qui fe délabre de plus en plus, font rechercher dans les provinces les Acteurs les plus diftingués. Dans la troupe de Bordeaux le Sieur Granger excelloit pour les röles de petitmaitre, & y étoit fi aimé, qu'il gagnoit a lui feul 10.000 liv. & que, par égard pour lui, on y avoit regu fon pere, fa mere, un frere, tous fujets médiocres ou mauvaisfupportés pour lui feul & lui faifant un fort de 20 a 22000liv. II a fallu renoncer a ce joli revenu pour fe rendre dans la capitale & y débuter; mais le Sieur Molé qu'il s'agiffoit de doubler, redoutant le Fj