MÉMOIRES S E C R E T S POUR SERVIR A L'HISTOIEE de la RÉPUBLIQUE DES LETTRES EN F R A N C E, depüis MDCCLXII jüsqu'a nos jours; JOU R N AL D'UN OBSERVATE.UR, Contenant les Analyfes des Pieces de Thêdtre qui ont paru durant eet intervalle; les Relations des AJJemblées litléraires; les Notices des Livres nouveaux , clandeflins, prohibés; les Pieces fugitives, rares ou manufcrites, en projè ou en vers; les Vaudevilles fur la Cour; les Anecdotes £? Bons Mots; les Eloges des Savans, des Artifies, des Hommes de Leitres morls, &c. &fc. TOME VINGT-QUATRIEME. huc propiiis me, vos ordine adite. Hor. L. II. Sat. 3. vs. 81 & 82. A LONDRES, Chez JOHN ADAMSON. M D C C L X X X I V.   MÉMOIRES SECRETS. pour servir il L'HlSTOIJlE DE ia République des Lettres en France, depuis MDCCLXll, jusq.ü'a nos jours. Anneé MDCCLXXXIII. Première Lettre sur ies Feintures ScULPTURES ET GRAVURES exposées aJ salon du Louvrez, k 25 Jout 1783. Comme les arts d'imitation, Monfieur, tout parfaits qu'on les fuppofe ,ne peu vent jamais éea* er la fecondité inépuifable, la variété infinie de la nature leur modele; il fembleroit è craindre pour 1 hjftorien des productipcs des premiers en revenant trop fouvent fur les mèmes objets de fe rendre a la fin monotone &faflidieux' jufqu'a préfent cependant, le fajxjn nous a con.' ftammenc offert quelque incident inopiné, quel• ques comb-naifons nouvelles, furtput quelques anecdotes particulieres, propres a ieter du p,quant & de 1'intérêt dans le journal de • cette colleclion périodique. Aujourd'hui, Far exemple, malgré /abondance des tableauK d hiftoire qu'on trouve en ce lieu, tellé qu'on n)'en a Paf encore vue, malgré 1'excdlecce Tomé XX.LV. A 2  (4 ) des maltres nombreux luttant dans la 1ice du grand genre, qui le croiroit, & nefera-ce point un blafphême ? le fceptre d'ApolIon femble tombé en quenouille & c'eft une femme qui emporte la palme. Je m'explique: cela ne veut pas dire qu'il y ait plus de génie dans un tableau de deux ou trois figures aux trois quarts, que dans un d'une compofinon vafte, de dix ou douze perfonnages de grandeur naturelle; dans un tableau dont 1'idée eft fimple, que dans un donc le plan complexe équivaut h un poëme entier: ce a fignifie feulcment que les ouvrages de la Minerve moderre attirent les premiers les regards du fpefl- teur, cu'ils les rappellent fans cefle, les fai. Siffeatv s'en emparent, lui arrachent ces exclamat ons de plaiür & d'admiration dont les ar. dftes font fi jaloux, & communément le fceau des productions fupérieures. Les tableaux dont il s'asnt, font aufil les plus vantés; ce font ceux dont on parle, dont on s'entretient le S"kUcourSc üaville, dans les foopers, dans les cercles, jufque dans les at.e ier,. Torfque oaelqu'un annonce qu'.l arrivé du iafcnon ui demande d'abord, avez.*n» juSdame le Brun, Que penfez■ vo».; de Mjdjrae le Brun? Et en même tems on lui fugaere fc reponfe: N'eft-il pa vrai que ceft une femme étonnante, que Madame te Brunl Tel XI nom, Monfieur, de la femme que j a. en vue, devenue fi célcbre en auffi peu de  C s ) tems; car elle n'eft que depuis quelques moij re$ue académieieone d'emblée, fuivant le privilege de fon fexe , & dans une des quatre places qui lui font uniquement & fpécialement aflectées. Au refte, ce qui n'a pas peu contribué a étendre le réputation de Madame le Brun, c'eft que c'eft une jeune & jolie femme, pleine d'efprit °races, bien-aimable, voyant la meilleure compagnie de Paris & de Verfailles, donnant des foupers fins aux artiftes, aux auteurs, aux gens de qualité; c'eft que fa maifon eft 1'afile ou les Polignac, les Paudnuil, les Polaftron, les courtifans les plus accrédités & les plus délicats vitnnent chercfrer une retraite contre les ennuis de la cour, & rencontrent le plaifir qui les fuit ailleurs. II n'a fallu rien moins que des proteftions aufii puilTantes pour lui faire franchir les barrières de 1'acadcmie, oh, malgré fon mérite, elle n'auroit point été admife, a raifon de fon mari dégradant l'art par des manoeuvres mercantillcs > caufe eflentielle d'exclufion (*). Mais il eft tems, après vous avoir fait connoïtre fa perfonne, de vous analifer fes ouvrages. J'ignore dans quelle claffe 1'académic a placé Madame k Erun,ou de 1'hiftoire ,ou du genre , ou de portraits; mais elle n'eft point indigne d'aucune, même de la première. Je regarde (*) M. ]c Bruii eft marcliand & brocanteur de tableiux. A 3  (e; fon tableau de réception comme très-fufceptible de 1'y faire admettre. C'eft la Paix ramenant l'Abandance, allegorie auffi naturelle qu'ingénieufe: on ne peut mieux choifir pour les circonftances. La première flgure, noble, décente 5 modefte comme la paix que la France vient de conclure, fe cara&érife par 1'olivjer, fon arbufte favori; elle en montre une branche dans fa main droite dont elle enlace mollement la feconde qui Iaregarde avec complaifance & paroit céder fans effort h fon impulüon. Celle . ci s'annonce avec des épis de bied qu'elle tïent a poignée dans fa main gauche & qu'elle eft prête a répandre. De 1'autre, elle verfe avec profufion d'une corne d'abondance les différens fruits de la terre; des outres remplies de \ia complettent toutes les jouiiTances nécesfaires aux premiers bt foins du peuple fur qui les bénédiclions de la paix font ptïncipalement appeléts. Du refte, le perfonnage qui repréfente 1'Abondance eft une femme fuperbe, a la Pjibens, dans ces fortes proportions, indices de la fanté, de ]a vigueur & de la joie. Les chairs en font fermes, élaftiques, & fa gorge fe fouleve pour ainfi dire, fous la toile. Elle a dans fa carnation une fraicheur, un éclat qu'on trou» ve plus beau que la nature, paree qu'on compare cette femme a nos petites-maitrefles de Paris, & que le modele au contraire en a été uré fans doute, comme il devoit 1'être, de  C 7 ) tout que les campagnes préfentent de plus fain & de plus robufte, aproprié cependint avec une forte d'art fans faufleté, & embelli de ces agrémens vrais que puife a fa toiletce une bonne bourgeoife de la villc. Examine-ton enfuitecesfiguresenartifte, oa les juge groupées fupérieurement; on admire les formes larges, les con tours moëleux, 1'attitude pittorefque de 1'Abondance, fcavamment pofée; tandis que la Paix, rille du ciel j eft desfinée d'un trait plus précis; elle porte répandus fur fa figure cette douceur, ce calme, ce repos des habitans de 1'Olympe: fon vêtement uni & févere contrafte a merveille avec le briljant des étoffes que lailTe flotter négligemment fa compagne , tout-a-fait terreite. Celleci eft plus élégamment coëffée; mille fleurs ceignent fa tête, tandis que 1'autre n'eft couronnée que de feuilles d'olivier. De ces diverfes oppofitions, il réfulte une harmonie dans le tableau qui caufe aufpeclaieurceravisfement dont le principe ignoré du vulgaire, el] bientöt faifi par les connoifTeurs. Si cette compofition, Monfieur, nepouvoi& encore mériter a Madame fe Brun 1'honneur de s'affeoir parmi les peintres d'biftoire : il feroit difficile de réflfter h une autre, dont le motif, tiré d'Homere, prouve qu'elle peut s'enthoufiafmer comme fes maftres aux divins ouvrages du prince des poëtes & des peintres, puifque ces deraiers ne ceflent de le prendre A 4 '  C 8 ) pour leur infpirateur. Le fujet eft Junon vtnant emprunter la ceinture de Vtnus. II y a trois figures dans celui • ci 011 1'amour fait un róle & s'égaye en fe jouant avec cette ceinture , déja livrée k la fouveraine de 1'Olympe: il a peine k la laifier aller, comme s'il en fentoit tout le prix, & ne craignoit que fa mere avec elle ne perdit fes charmes les plus précieux. En effet, foit une fuite de cette idéé, fok hommage ren du k la première des déefies dont 1'artifte a cru devoir faire fa figure principale, il n'eft aucun amateur qui, dans cette occafion, ne préférat Junon a Fenus. L'une eft une brune joignant a la majefté du tróne tout le piquant de la beauté; 1'autre, une blonde n'ayant rien de la nobleiTe d'une divinité, tirant même fur la 'grifette, un peu fade,& fans féduöion conféquemment. A ce défaut prés dans la tête, capital relati'vement k 1'hiftorique, le corps eft rempli d'appas, c'eft une nudité dans le genre de Boucber, très-amoureufement traitée & de fon ton de couleur; è en juger par le prix qu'il a coüté, il faut que ce tableau ait un trés-grand mérite, puifqu'on a confeillé k M. le corate d'Jrtois de le payer quinze mille francs; il 1'a acheté cette fomme, & fon Alteffe Royale en eft aujourd'hui propriétaire. Ce qui me confirmeroit que MadameleBrun a eu dans le tableau dont je viens de parler , 1'idée de fubordonner Venus a Junon & de porter  C 9 3 porter fur celle-ci 1'attention du fpectateuf, c'eft que dans fon troifieme morceau qui eft Venus liant les ailes de l' Amour ,1a raere du petic dieu refpire mieux la divinité; elle a un air de tête plus noble , fon corps eft dans de plus riches proportions: 1'auteur a fenci qu'il falloit lui donner ici une dignité convenable a 1'acte maternel qu'elle exerce; car en peinture, comme en poéfie, il ne fuffit pas d'exprimer le caractere général d'un perfonne, on doit Ie modifier par le caraclere local,c'eft a dire par le genre de paflïon dont il eft animé. C'eft ainfi que Cupidon, repréfenté ordinairemcnt comme un enfant malin, gentil, riant,folütre, a dans la circonftance quelque chofe de boüdeur & de mauffade. Envifagée fous fon vrai point de vue, cette jolie allegorie eft charmante; & la critique du froid qui regne fur laphyfionomie de 1'une, & du renfrogné fur celle de 1'autre, fe trouve injufte & tombe. Outre ces trois morceaux, Madame le BrvM a expofé trois portraits de la familie royale, ceux de hRe\tie, de Monjieur, de Madame. Les deux princefles font en chemife (*_), coftume' imaginé depuis peu par les femmes. Bien dos gens ont trouvé déplacé qu'on offrtt en public ces auguftes perfonnages fous urs vêtement réfervé pour 1'intérieur de leur palais; il eft a (*) Depuis que ceci eft dcrit, on a fait fentir apparemuient Pipdécence de ce coflume, furcouc poui' la reine, & il eftijeiiu des ordres fupérieurs de retirer le tableau;-  C 10 ) préfuraer que 1'auteur y a été autorifé & n'auroic pas pris d'elle- même une pareiiie liberté. Quoi qu'il en foit, Sa Majefté eft très-bien; elle a eet air Iefte & délibéré; cette aifance qu'elle préfere a la gêne de la repréfentation, 6c qui chez elle ne fait point tort è la nobleffe de ion róle. Quelques critiques lui trouvent le cou trop élanci; ce feroit une petite faute de deffin: du refte, beaucoup de fraicheur dans la figure, d'élégance dans le maintien, de naturel dansl'attitude, font aimer ce portrait; ilintérelTe même ceux qui, au premier coup d'ceil, n'y reconnoftroient point la reine. Madame a quelque chofe de plus févere, de plus réfervé, de plus réfléchi; attributs qui forment fon caraclere dominant. Elle eft fort reflemblante auffi; 1'on voudroit feulement que fes bras jouaffent & ne fulTent par collés fur ton corps, ce qui lui donne un air de mannequin. Quant au Prince, a Ia gafté qui regne fur fa figure, chofe très-rare dans les portraits, en juge qu'il ne s'eft point ennuyé lorfqu'on le tiroit. On le croit aifément, quand on voitle portrait de Mad. le Brun peint par elle-même. Et cependant elle s'eft moins efforcée d'y faire valoir fes charmes que d'y déployer les talens de 1'artifte. Elle eft en chapeau è ailes rabattues très-Jarges, dont 1'ombre favammene ménagée porte fur fa figure & la laiffe plutöt d'eviner qu'envifager, petit défaut defenscomEiurravec fon genre d'occupationactuelle,indiqué par Ia palette & le pinceau qu'elle tient,  C ii } ce qui exigeroit toute la liberté de fes yeux. Un mantelet dont elle eft ceinte ne va point encore avec la jouiffance des mains & des bras qu'elle ne fcauroit en eet inftant avoir auiïi trop entiere. Cela, m'ont répondu les peintres, eft plus pittorefque, & encore un coup, il s'agiftbit non de convenances, mais de tours de force de l'art. II n'en a point fallu a Madame le Brun, lorfqu'elle a rendu Madame la marquife de la Guicbe en jardiniere De pareilles figures fervent trop bien 1'artifte. Les acceflbires ne font pas moins charmans; lesfleurs, les vêtemens, 1'agencement feul du fichu eft déücieux, & le haut ton de couleur de ce tableau qu'a 1'abord on feroit tenté de regarder comme déplacé dans ce fujet villageois , eft une finefie, indiquant, fi I on s'y méprenoit, fous ce déguifement limple, la fantaifie d'une femme de qualité. En finifiant Partiele de Madame le Brun, fur laquelle,Monfieur,je me ferois moins étendu , fi je ne connoiflbis votre gofit pour le fexe, & fi réellement elle n'étoit un phénomene digne de remarque , je ne diflimulerai pas un bruit accrédité parmi fes confrères: on infinue qu'elle ne fait pas fes tableaux, qu'elle' ne les finit pas du moins, & qu'un artifte (*), amoureux d'elle, lui pré te fon fecours. J'avouerai même que la réunion de celui - ci, qui s'eft logé fous le même toit, favoriie grande- O Mi Ménaïeot. AS  C 12 ) mellt le foupcon; il faut ajouter aufli que Iajalouüe des peintres eft exceffive, & peut fe porter quelquefois jufqu'a la calomnie. Elle pourroit donc jouer un grand röle dans cette anecdote & 1'avoir imaginée, Qaoi qu'il en foit, les tableaux de Madame le Brun lui appartiendront tant que le véïitable coopérateur ne les lui conteftera pas, & c'eft a elle, en fe foutenant par de nouveaux chef-d'ceuvres,en fe furpafiant elle même, s'il eft poffible, a juftifier fa réputation & a démentir ces indignes propos. Ce qui met le comble, Monfieur, autriom phe de Madame le Brun, c'eft que les amateurs impartiaux, d'accord fur fon compte, ne le font plus dès qu'il s'agit d'affigner le premier rang. entre les concurrens dans le genre de 1'histoire ; ils Sé divifent prefque en autant de partis qu'il y a de tableaux de cette efpece. Les uns font pour M. Vien, d'autres pour M. de la Grenée; ceux- la pour M. Menageot, ceuxcr pour M. Bertlielemy; M. Fincent a fes admirateurs, M. David aufïï, & M. Renaud, nouvel agréé, eft regardé par certains comme déja fupérieur aux maitres. Ne pouvant entrer dans le détail de tant de compofitions difFérenïes dont il y en a de fort compliquées, je vous rapporterai fuccinftement ce qu'on loue & ce cu'on critique Ie plus en eux. D'abord, en général IesvraisconnoifTeursreconnoiflent avec fatisfa&ion que VEcok de Bondier difparoit fenflblement, & qu'a fon ftyle  ( 13 ) précieux & maniéré qui a fi longtems infe&é 1'école francoife, fuccede enfin aujourd'hui le bon gont de la peinture,& 1'irnitation, quoique bien éloignée encore, de 1'antique. Elle fe manifeite furtout dans le tableau de M P'ien, dont le fujet c(t Priemt partant puur jupplier Achille de lui rendre le emp; de fon fils HetSor. ,, Ce roi eft repréfenté dans le moment oh il fe difpofe è monter fur fon char; Paris „ tient les rênes des chevaux, tandis que fes „ freres s'emprefient de char.,er fur d'autres „ chars, les vafes, trepieds & tapis, que ce pere deftine en préfent au vainqueur de fon „ fils. Andromaque, accablée de douleur , „ s'appuie fur 1'épaule de Priam, & Hécube, ,, fuivie de fes femmes, & tenant une coupe „ d'or, femble exciter fon époux a faire des „ libations, pour obtenir des dieux un heu„ reux fuccès. L'aigle, qui plane dans Ie ciel, annonce que fes vceux feront exaucés." Un pareil fujet, abfolument dans le genre de 1'auteur, ne pouvoit manquer' de réufiir entre fes ma ns; il n'exige ni chaleur ni grande expreflion; un caraétere religieux eft ce qui doit y dominer. Du refte, vafte ordonnance,fuperbe archite&ure, variété de têtes, riches accefibires, coftume exact & fcavam, il eft fusceptible de cette foule de détails dans lefqucls excelle M. Vien, & on les y trouve. Mais on en critique le ciel qui n'a rien de vaporeux ni d'aerien. La perfpeétive ujal enteadue era A? ■  C 14 ) ce que les chevaux du char femblent toucher . au chapiteau des colonnes du palais, & ce dé- , faut ne peut s'excufer par la fuppofition de la diftance, puifqu'il eft impoffible d'admettre que Priam foit loin du char oü il doit monter. On trouve aufïi le coloris foible & uniforme; enfin beaucoup de gens n'aiment pas cette longue file de perfonrrages droits fur la même ligne: de mauvais plaifans, car il s'en trouve toujours dans une multitude de fpedtateurs oi< fifs, comparent cette férie de figures aux capucins de carte avec lefquels jouent les enfans & qu'ils ont grand foin de placer bien directement a la fuite 1'un de 1'autre pour que le premier touché en tombant les renverfe tous. Malgré ces défauts, quel artifte ne defireroit en faire autant a foixante-fix ans; car c'eft 1'age que donnent h M, Vim fes amis, & 1'excu. fe qu'ils oppofent a tous fes détracleurs. Quoique M. de la Grenée 1'aïné n'ait pas eet age è beaucoup «prés, bien des gens eftiment qu'il baifie déja fenfiblement. On ne croiroit jamais que 1'auteur de tant de tableaux charmans , remplis d'enjouement, de facilité & de grace, qui 1'ont fait furnommer Y/llbane Francois, fe fut accommodé d'un fujet auffi auftere & aufii trifte que celui qu'il a traité cette année. II s'agtt de deux veuves d'un Indien. Vous vous rappelez, Monfieur la Veuve du Malabar, tragédie de M. It Mme. L'artifte a  ( 1 j ; enchéri fur Ie poëte & établi un combat entre deux femmes qui fe difputent 1'honneur d'être brülées avec leur mari défuDt; car la loi n'en admettoit qu'une; voila le mot de 1'énigme pittorefque qui ne feroit pas aifée a deviner lans cette explication. L'une eft plus Sgée & fait valoir fon droit d'ancienneté; 1'autre plus jeune eft enceinte & fe prévaut de eet avantage pour 1'emporter. Ce feroit la matiere d'un plaidoyer trés • éloquent fur le papier; mais comment 1'exprimer fur Ia toile L'artifte de plus de génie n'auroit peut-être pas pu-s'en tirer; a plus forte raifon celui cij plus fufceptible de rendre le phyfique que les conceptions morales; les paffions douces, que les paffions fortes; les jouiflances de 1'amour enfin, que 1'héroi'fme ou 1'enthoufiafme de 1'honneur. Un défaut capital de cette compofition, c'eft que le premier objet a préfenter aux yeux da fpectateur foit un cadavre, image toujours dégofitante, quoique 1'auteur ait eu ici 1'attention de faire tuer fon héros dans une bataille. Le ftcond provient du fond du fujet aufiT, qui ne permet pas de mettre une alTez grande différence entre les deux femmes, pour qu'il en réfulte quelqu'une de ces oppofitions fi favorables h Part; oppoGrion qui auroit été d'autant plus néceflaire ici fur les vifages, qu'elle ne pouvoit exifter dans 1'intention. L'une eft bien flétrie pas les ans; mais la vraifemblance ne permet pas de filonner encore fon front des  C 16 ') rides de la vieilleffe; 1'autre eft beaucoup plus jeuDe; mais fa groiïeiTe annoncée en a néceflairement altéré les traits, &, vu eet état fatigant, elle doit fe rapprocher de la première. La vraie maniere de fauver cette monotonie, étoit donc de choifir 1'initant après lejugement, & c'. ft ce qu'a fait M. de la Grenée. Mais a-t-il réu(ïi?Tout le monde n'en convient pas, II falloit, fuivant fes critiques, peindre la femme vidtorieufe, montant avec joie fur le bftchcr , tandis que fa rivale défolée, égarée & furiêufe, auroit envain voulu fe précipiter dans les Hammes dont les facrificateurs & les prêtres 1'auroient repouiTée impitoyablement, ós non la détacher du groupe principal, la mettre dans la demi-teinte, fuyant, déchirant fes habits, s'arrachant les cheveux, genre de douleur convenant k la perte qu'elle a faite, mais n'exprimant pas aflez celle dont elle eft atteinte. Dans ce moment fa fuite furtout eft un vrai contre-fens. Du refte, ce perfonnage eft bien en mouvement !& c'eft fans doute celui de tout le tableau qui a le plus d'expreffion; car la veuve qui 1'emporte eft beaucoup trop grave & trop froide. Son frere la conduifant a ce triomphe, fuivant le préjugé religieux de fa catïon, montre une trifteffe déplacée & devroit au contraire, faifi d'un enthoufiafme fa.natique, s'en réjouir avec elle. M. la Grende , dans Ja notice de fotr fujet, dous annonce que celle-ci étoit paree de fes  C 17 ) plus riches ornemens, comme dans un jour de noces; c'étoit par conféquent le casdedéployer toute la magnificence, tout le brillant de fon pinceau; mais les vëtemens de la jeune femme font auffi ternes que fa figure. En unmot, je ne vois point dans ce tableau la vigueur de ton, 1'accord, la touche ferme, les grands effets pittorefques qu'y trouvent fes enthoufiastes & qu'ils regardent comme le fruit de fon féjour & de fes méditations a Rome, oh il eft a préfent directeur de 1'académie de France. Les admirateurs de M. Ménageot, convjennent que fon tableau d'Jftianax arrachédes bras d'Andromaque ne répond pas a ce qu'ils attendoient de lui. Ils conviennent qu'UlyJfe a plutót 1'air d'un exécuteur de la haute juftice préfidant a un acte de barbarie de quelqu'un de fes acolytes, que d'un monarque circonfpecr, froid, rempliffant malgré lui un ordre néceffaire ii la tranquilité de la Grece. lis conviennent que la princelfe a une pofture forcée, que Ie peintre a cboifie fans doute h deffein de faire rnieux valoir fon art, mais ótant h cette mere fuppliante une partie de fon expreffion, qui devroit pou tant être fi naturelle & fi tendre:ils fe retranchent fur le tableau allégorique ordunné par la ville de Paris au fujet de la naiffance du Dauphin, fujet ingrat & dont il a vaincu lesdifficultés de fagon a rendre le fien peut-etre Ie meilleur de tous ceux compofés depuis longtems en pareille occafion.  C '13 ) En général,Moofleur, les gens de goot n'aiment pas Ie mélange de la fable avec 1'hiftoire, 4 plus forte raifon des divinités allégoriques-, des êtres moraux toujours froids,te!s qu'on co, voit ici. II fuffira de vous e'xpofer le fujet pour vous en faire fentir 2e galimathias & par conféquent Ie ridicule. „ La France tient entre fes 3) bras le Dauphin nouvellement né; la Sages„ fe le précede & la Santé le foutient: a la „ fuite font la Juttice, Ia Paix & 1'Abondan,, ce fur un perron,qui occupe le premier plan „ du tableau: le corps de viïle vient recevoir „ 1'augufte enfant & remercie le ciel de cepréfeot. Du cóté oppofé, le peuple en foule éxprime, par fon ,empreffement, la joie & 3, la félicité publique. Dans le fond du tableau „ eft la pyramide de 1'Immortalité, ornée des „ portraits du roi & de la reine. On appera, coit au haut du monument Ia Victoire qui y „ gra-ve cette époque précieufe, ce qui fait 9, allufion k la prife de York-Town, dont la „ nouvelle eft arrivée le même jour de l'ac„ couchement de fa Majefté. • Pour exprimer tant de chofes, le compoflteur a été obligé de déroger au précepte é'Annibal Carrache qui ne vouioit pas plus de trois grands groupes dans un tableau. II y enaquatre dans ceiui-ci, indiqués par la divifion même du fujet. Le premier eft le groupe des gouverneur, prévót & échevins de la ville, qui, ayant payé, ont, comme de raifon, de-  C 19 ) mandé a figurer éminemment dans cette fcene. Le peintre les a■ fatisfaits,caril n'eftaucun niembre du corps municipal qui ne s'y reconnoiffe parfaitement, jüfqu'au receveur Bujjau. Afin de réparer ce défaut de bienféance, Ie peintre a eu recours k une abfurdité: il a placé au milieu du tableau plus élevé & fur des nuagcs, entouré des figures qui 1'accömpagnent, le Dauphin caracterifé par le cordon bleu qu'il porte dès eet inltant, fuivant le privilege de fa naiffance. 11 n'a point oublié de le décorer de la croix de Saint-Louis,nouveau cofiume établi fous ce roi-ci (*), dans 1'efpoir de donner plus de reliëf k un ordre, le prix du fang répandu pour la patrie. A ce fecond groupe fuccede celui des trois divinités, attributs que le pocte fuppofe caractérifer le futur regne de 1'héritier préfomptif du tröne. Enfin, quelques perfonnages de grandeur naturelle formenc Ic quatrieme groupe. Ils annoncent les flots de curieux dont ils font fuivis, qui fe dégradent & fe perdent par degrés dans 1'éloignement. On peut encore regarder comme uncinquiemc groupe, Ja Vicloire qui figure dans cette ordonnance d'une immenfe étendue; & le raprochementrde 1'heureufe circonftance qu'elle con- (*) Autrefois le roi & les cordons bleus ne portoient leur croix de Saint Louis qu'au bas du cordon, oü elle ncle voyoit pas. Aujourd'hui ils la portent ïi la boutonniere.  C 20 ) ferve k la mémoire de la poftérité, eft fans contredit le trait Ie plus ingénieux & le plus vrai de toute 1'allégorie. Au furplus, fi M. Ménageot n'a pas été beureux dans 1'imaginacion de fon fujet, confus & alambiqué; il mérite de grands éloges pour 1'exécution. Belles maffes, groupes bieu distineis, netteté, pureté dans le deffin, coloris harmonieus. Son talent fe reproduit tout entier dans ce tableau , auquel on reproche cependant un ton généralement trop brillant, mais qui me femble devoir être celui d'une pareille fête. M. Berthelemy, plus heureux que fon rival, dans fon fujet national auffi,a trouvé un degré d'interêt dont 1'autre n'étoit pas fufceptible, & 1'on juge a 1'exécution combien il a été enthoufiafmé. C'eft Maillard mant Marcel. C'eft bien encore ici un prévót de la ville de Paris, mais armé, mais factieux, mais méditant une importante révolution, puifqu'il ne vouloit rien moins que livrer la capitale de la France au roi de Navarre & priver le Dauphin de la régence pendant la captivité du roi Jean. On voit de 1'autre part, unfimple bourgeois, mais capitaine de quart'er, fujet fidele, homme de tête, rempli d'énergie, qui, convaincu de htrabifon du chef municipal, leve fur lui fa hache d'armes, le frappe k la tête fi vigoureufe iient qu'il 1'abat a fes pieds & lui fend le crane, maigré le pot de fer qui le garantiffoit. La figtue  ( 21 ) principale eft fupérieurement agencée; fon attitude eft d'une fierté répondant a fon aftion, & toute cette compofition eft pleine d'une chaleur qui ne fe trouve dans aucun des autres tableaux du falon. La rage refpire encore fur le vifage de Marcel terraffé, & quelque chofe de finiftre dans fon regard décele le traftre. Un troifieme perfonnage de la fuite de Maillard éclaire cette fcene nocture & y répand 1'horreur, effet naturel d'une cataftrophe aulli tragique, augmenté encore par le fombre& le filence qui regne fur tout le refte. II eft ütcheux que le petit champ de la toile n'ait pas permis au peintre d'y mettre plus de figures. On ne peut qu'exhorter M. Berthellemy a conferver fe feu facré dont il eft animé, & qui 1'aproche du bon tems de M. Doyen. Ceux qui réclament la palme pour M. Vincent, étalent trois tableaux d'hiftoire de ce maitre, tous du grand genre & du premier mérite, a leur gré- Ils demandent lequel des autres peut apporter autant de titres a la victoire. On leur objefte que l'Achille, fecouru par Fulcain, lorfqu'il combat les fleuves du Xante 6f du Simoïs n'a rien de cette chaleur, de ce terrible de celui d'Homere; qu'il a eu la maladreffe de le repréfenter hors des eaux ce qui en óte tout le danger & 1'intérêt conféquemment Quant h l'enlevement d'Orithie, 1'on ne peut blamer Ie groupe principal ;mais on trouve le Borée lourd, il femble déja fatigué de  C 22 ) fon effort qui n'eft pas encore grand, puifque la nymphe n'eft pas hors de porcée & que fa mere femble Ia refaiflr déja dans fes bras. Du refte, il eft vigoureux, bienempaté, d'un bon ton de couleur & d'un effet réfolu. Le Paralytique guéri a la pifcine paroft réu> nir Ie plus de fuffrages. Cette figure eft d'une véiïté unique ; malheureufement celle de JéfusChrift qui lui dit Surge 6? arnbula, levez vous & marchez, ne remplit point 1'intention du fujet: non-feulement 1'homme-dieu n'a pas Ia conviftion intime du miracle qu'il doit opérer; mais dans fon embarras, il a Pair de douter le premier de fa toute-puifiance. A ce défaut capital prés, Ia compofition de la fcene eft remplie de fageffe , & 1'ön y admire 1'onction du Poufiin. M. David n'offre cette fois qu'un feulmorceau hiftorique , La douleur & les rcgrets d'/lndromaque fur le corps d'Heclor fon marl Encore un cadavre hideux,- puifque c'eft celui d'Hector trafné trois fois autour des murs de Troie. Ce fpeclacle repoufTant renvoie bientót les regards fur la tête de la Princeffe d'une beauté majestueufe & touchante. On y critique un défaut d'idée en ce qu'une époufe auffi attachée a fon mari, devroit fe jeter fur fon corps, i'embrasfer, le ferrer, fe livrer en un mot a Ia défolation Ia plus vive & la plus emportée; & peutêtre eut-ce été un contre-fens dans Ie caraétere donné d'Andromaque. Les grandes douleurs  ( 23 ) font muettes, la fenfibilité exceffive cbez les femmes tendres, dégénéré en une ftupeur qu'on prendroic pour de 1'infenfibilité, fi 1'on n'en connoifibit la caufe. Telle eft la fituation de 1'héroïne de M. David. Son Aftianax n'eft pas auffi bien penfé; fa petite main qu'il éleve vers le fein de fa mere, eft plutót le gefte d'un enfant qui fe joue en la careflant, que l'affe&ion naïve de la pare qu'il prend a fes regrets. La maniere rioire de eet artifte fe retrouve encore ici,& il a fi fortement ombré Ia tête d'AJlyanax, que j'ai entendu de bonnes gens qui le prenoient pour un négrillon. Les partifans deM. Renaud, qui le mettent déja en concurrence avec nos meilleurs peintres d'hiftoire, paffent aflez condamnation fur fon Perjée dêlivrant Andromède ia remettant entre les mains de fes pareus, groupe fi mal agencé,que les deuxfiguresfemblent n'en faire qu'unej & que le héros, ni vêtu, ni armé, dans ce dénuement abfolu n'a nullement Pair d'un vainqueur: en un mot, ce tableau, mal compofé, mal colorié, manque également d'intention & d'effet; mais fon Education d'Achille par le Centaure Chiron eft fi fupérieur au premier tableau, fi différent d'agencement & de maniere, qu'on ne le croiroit jamais du même artifte, & furtout du même tems. On ne peut nier qu'il n'y ait un mérite rare dans celui ci, uniquement,il eft vrai, pour les effets pittorefques,& non pour 1'invention n'exigeant nul génie. Ce font, fuivant les apréciateurs  ( 24 ) féveres du talent de 1'artifte, plutót deux académies qu'un groupe d'hiftoire. Dans cette action purenent phyfique, les paffions n'y peu. vent entrer en jeu, &Ieurdéveloppementfeul, qu'on appelle expreffion, en terme de l'art, eft la pierre de touche du peintre fublime. Da refte, poGtion heureufe, attitude fiere, fcavante anatomie, coloris male; il n'y auroit rien a deGrer dans ce morceau, G 1'auteur en noircaifiant trop le fond de fon tableau n'en eüt fait une fcene de nuit; ce qui eft contre le bon fens. II faut vous laifTer, Monfieur, digérer un peu, tant de notices de tableaux accumulées, ou plutót tant de defcriptions détaillées dont le nombre vous fatigueroit enGn. Je remets a un autre ordinaire la fuite des tableaux d'histoire; car, il en eft encore pluGeurs qui méritent d'êrre connus avant que je paffe aux tableaux de genre dans lefquels le falon eft moins fécond : c'eft la malheureufe condition de 1'homme borné dans fes facultés, de perdre d'un cóté ce qu'il gagne de 1'autre. 3'ai 1'honneur d'étre &c. Paris ce 13 feptembre 1783. Seconde  C 2j ) Seconde lettre Sur la Salon. D'abord, Monfieur, honneur a M. Taraval dont je crois ne vous avoir point encore entretenu jufqu'è prefent, ou dont je ne vous aurai d-t qu'un mot en m'égayant fur fes infipides & ridicules productions. C'eft trés. fé. rieufement cette fois que je louerai fon Sacrifice de Noé au Jortir de l'arche, tableau pour le roi, dans lequel, a 1'exemple deM. Bronst, fortant de fon obfcurité, quoiqu'un peutard' il fe montre digne d'un travsil que le public ne lui voyoit confié qu'avec peine. Les critïques même-affurent ne point le reconnoitre dans cc lui-ci & le trouver bien fupérieur a fes autres ouvrages. La compofition en eft excellente la figure principale bien en action, tout en'eft raifonné & plein de bon fens, le ton ferme & vigoureux; on doit furtout le féliciter d'avoir renoncé h cette maniere facïice que lui reprochoit, il y a quelques années, 1'auteur des Dialogues fur la peinture (*> H eft aujourd'hui au contraire, naturel, vrai; il a cette onc! tion précieufe qui doit régner ordinairement dans les fujets facrés. Ces mêmes critiques, en revanche, ont de quoi plaifanter fur M. du Rameau, un des rnajtres de 1'école francoife ayant le plus de pretentions, & déteftable cette année. II a (*) Ouvrage qui a paru en 1773. Tome XXIV. ' Q  ( 26 ,) donné une Herminie fous les armes de Cloriade avec une longue explication, qui annonce la foule de conceptions qu'il a voulu y faire entrcr. On allure, en effet, qu'il a été fix ans a compofer ce tableau, & c'eft a-coup-für le plus mauvais du falon. On en peut juger par les journaliftes, ordinairement louangeurs , & dont aucun n'a ofé faire 1'apologie de celui-ci, quoique fon auteur foit peintre de la chambre & du cabinet de Sa Majefté- M. Brenet, toujours fage, correct & froid, ne pouvoit réuiïir dans le fujet qui lui avoit été choifi pour le roi: Vïrginius prêt d poignarder fafille; auffi les détails en font-ils fort loués de fes confrères , & les deux figures principales manquées. Comment eet artifte auroit-, il exprimé fur le vifage du pere une diffimulation profonde, un fureur concentiée, unedouleur fublime, en un mot une quantité de pasfions diverfes dont il devoit être combattu, & qui auroient exigé tout le génie de Bapln'êll Comment auroit-il rendu la beauté rare, naïve, touchante de Virginie, .furtout la piété filiale avec laquelle elle doit recevoir le coup mortel de 1'auteur de fes jours, lui donnant en cemoment le dernier, le plus pénible & fans doute le plus grand témoignage de fa tendreffef Sa Courtoifie du chevalier Bayard, fans être a beaucoup prè's aulfi difficile a peindre fur la toile, eft ex-pendant d'un génie de galanterie auquel le pinceau tcujours auftere de M. Brend, ne  C 27 ) pouvoit encore fuffire. On y rcmarque une fécherefle d'exprcflion trop fenfible dans une pareil!e fcene, oh il fallok répandre beaucoup de frafcheur & d'harmonie brillante. MelTeurs Bardin & Taillajfon font deux agréés dont celui-ci débute pour la première fois, & celui-ci la quoiqu'ancien,n'avoit point encore attiré I'attention des amateurs. Le premier a compofé Jefus-Cbrift chez lepharifén et h Péniience. La forme ingrate de ce tableau, d'une troppetite hauteur relativement a fa Iongueur (*),a beaucoup gêné 1'artifte, qui deffine comme Jes plus grands martres, mais ne peut rien mettre fur la toile qu'il ne perde infmiment par le défaut de coloris. On doit reprocher au fecond d'avoir traité, dans fa NaisJance de Louis XIII, un fujet, le chef-d'ceuvre de Rubens; car, quoiqu'il annonce uneautreintention, quand il ne feroit qu'en rappeler le foiivenir, ce feroit alors, fi non unepréfomption intolérable, au moins une grande mal-adresfe de fa part. Outre les douze tableaux ordonnés pour le roi, on voit, Monfieur, cette année au falon quatre autres grands fujets, auffi commaodés' par fa Majefté, mais defiinés a être exécutcs en tapifferies. Ce font les quatre faifons traitées allégoriquement. Je glifle Iégerement fur C) II a quinze pieds de long fur fix pieds & demi de iiaut. B 2  C 23 J les deux premiers par égard du k des artiftes eftimés; 1'un eft le dernier des Wanloo, qui pour 1'honneur du nom, n'auroit pas düinfcrire le fien au Zéphirs S? Flore indiquant le printcms. L'autre eft M. Suvée: il a traité YEtépar une Eête d Palès oh Pon retrouve fon défaut effentiel de ne point mettre d'enfemble dans fes compofnions toujours découfues, de ne point offrir de maffcs. Je me réferve a parler pius loin de M. la Grenée le jeune, auteur d'une Fête d Bacchus, ou les Vandanges, qui défignent VAutonme. M, Callet s'étoit chargé de l'Hwer indiqué par les Saturnaks. Les amateurs , dont un grand nombre 1'avoient déja vu dans fon attelier , le vantoient d'avance. L'auteur malade y ayant mis la derniere main, n'a que depuis peu placé fon tableau fous les yeux de la multitude, qui par fon emprelTement a le confidérer,en fait 1'éloge. Ondefireroitcependaat plus de perfonnages > plus de mouvement & d'action, , Dans le nombre des hommes de quelque profeflion que ce foit, s'offrant eu public, il en eft MoTifieurt toujours quelques-uns voués, ce femble, ou par gefit, ou par deftinée, a faire rire les autres. Entre les peintres d'histoire, depuis plufieurs falons, c'eft affez volontie'rs M. Robin qui remplit eet emploi. II a toujours 1'art de choifir des fujets, quoique pris dans la religion, trés-fufceptibles de ridicule , ci Ie devenant . encore plus par la manie-  ( 2p ) re dont il les traite, qui les fait dégénérer en charges. Par exemple, quoi de plus fublime aujourd'hui que Jefvs-Chrifi rèpandant fur le globe du monde les lumieres de lafoi par le ministère des apótres ? Et quoi de plus comique que d'éparpiller, de faire volt'ger dans les airs ces prédicateurs évangeliques avec leur longue barbe & leur lourd vêtement. je brife la, dans la crainte de vous fcandalifer, en m'arrêtantplus longtems a railier 1'artifte dans une matiereausü grave, Tandis que par 1'extravagance du peintre, 1'hiftoire n'eft plus ainö qu'une farce révoltante, je cherche envain au contraire le mot pour rire dans les tableaux de genre qu'on croiroit deftinés a tempérer le férieux des premiers. La gaité femble avoir difparu du falon avec les Btaudouin, les Loutherbourg, les Theaulon, les le Prince. Ce n'eft pas M. la Grenée le jeune qui nous la ramenera malgré deux jeux d'enfans 1'un repréfentant une Vandange, & 1'autre une MoiJJon. Rarement un poëte tragique réuiïit dans la comédie; il en eft de même du peintre d'hiftoire, dont Ia vocation eft trop opp.ofée a la famUiarité des petits fujets. Celuici furtout prouve qu'il eft moins fait qu'unautre pour les traiter. II a une maniere févere, que des cenfeurs plus difficiles appelleroient dure, qui ne va point avec ia gentilleffe qu'ils exigent. Auffi n'a-t-il pas réufll même dans fon grand morecau d'hiftoire, dont 1'idée réfisB 3  C 30 ) toit a fon génie. L'exécution de fon Allêgorie rdative d l'établijjement du Mufwum dans Vancienne galerie des plxns au Louvre plaic d'avantage. Mais on eft révolté de la fade adulation qui Pa fait concevoir „ Prés du piédeftal fur lequel on voit le bufte du roi, 1'immortalité recoit ,, des mains de la Peinture,de la Juflice & de ,, la Bienfaifance, le portrait de M. le Comte „ d'angiviller, pour être placé dans fon tem„ ple. Derrière la figure de 1'Immortalité, le „ Génie des arts releve un rideau, & Pon ap„ percoit une partie de la grande galerie, oh ,, plufieurs petits génies tranfportent & pla- cent les tableaux du roi" A la bonne heure que 1'artifie paye, au nom de fes confrères, au directeur actuel des béltimens, le tribut de reconnoilTance qu'ils lui doivent, & non qu'il lui décerne une couronne qui ne s'acquiert pas fi facilement, encore moins qu'il appelle a ce triomphe la juflice & la Bienfaifance, qui n'ont pas befoin en pareille affaire. Du refte, il y a de Pefprit, de 1'adrefie, une excellente touche & beaucoup d'effet dans cette compofition. M. YEpicier fe fait toujours goütcr, quandil ne veut pas s'élever au genre de 1'hiftoire; il a une vérité, une naïveté précieufe qui rendent fes grotefques aimables, fans exciter le rire. Rien de touchant, de fpirituel, ou de dramatique de la part de M.' Wille le fils. Ses Etrennes d Julie offrent un contre-fens, en ce que la figure principale chez qui ce cadeau de-  C 31 ), vroit répandre la' férénité,a un air mauffadeen le recevant. Son Déjeuner doit déplaire aux poëtes, pouvant lui reprocher 1'indécence avec laquelle il traduit en fcene un de leurs confrères pauvrement & ridiculement accoutré. Dans le Bouquet, la jeune perfonnc qui fe mire n'eft point en face de la glacé. Dans les Délices maternelles la Dame eft affife a cöré de fon fauteuil. Outre ces défauts de perfpeclive, on en objecfte plufleurs de deffin a 1'artifte, ne manquant toutefois pas de partifans quil'afTimilent a Gerard Dow. Quoique M Bucourt mérite encore des éloges pour fes petites compofitions -remplies de ïineffe & touchées avec efprit, il n'a pointfait depuis deux ans les progrès que fon débutpromettoit. II eft fee & d'un ton un peu gris , furtout dans fon morceau capital, la Vue de In halle prife a l'inftant des réjouijjances publiques dor.nées d l'occafion de la naijj'ance du Dauphin. Ce fujet national, a portée de toutes les efpeces de fpeftateurs 5 devroit au moins attirer le peuple & 1'attacher; mais il ne le regarde point, ou le voit froidement. C'eft qu'il n'y regne en rien cette gaïté pétillantc des peintres flamands , dont cependant l'artilte imite affez les effets de couleur & le fini précieux. Ses détracleurs lui reprochent un défaut de perfpeclive qui fait manquer fes maifons d'aplomb, enibrte qu'elles femblent fur le point de s'écrouler. M. Hue nous eonfole teilement de M. Ver13 4  ( 3* ) net vieilliffant, pir une imitation parfaite, qu'on a prétendu qu'il copioit les tableaux de ce raaitre, & que c'a été un grief pour 1'exclure du rang d'académicien pendant longtems. Enfin, il a paru original dans la Vue d'une forêt prife d Fontainebleau, & il a fiégé a cöté de fon modele. II fe montre avec encore plus de fuccès n ce falon-ci. On aime furtout la variété de fes produclions dans un genre monotone, au point que dans une feule,on dillingue plufieurs efpeces d'arbres. Plus empreffé, Monfieur, de vous faire connoïtre les débutans que de vous rendre cömpte des maitres déja connus & au deffus de tout éloge, tels que M. Vernet dont je viens de vous parler, je ne m'arrête point fur M. Machy toujouis riche,fécond & précis dans fes détails, toujours féduifant par les agréables illufions de fa perfpeótive; fur M. Robert, toujours- d'une facilité qui dégénéré fouvent en médiocrité; mais toujours foigneux derelever fa réputation par deux ou trois chef-d'Oeuvres oh il déploie fon pinceau également fcavant & bardi; fur M. Cazanore toujours chaud, brillant & uempli d'efFets piquans. Je m'arrête fur Meffieurs de Marne & Nivard, qui font aujourd'huj leur entrée au falon, Le premier plait beaucoup h ceux qui aiment 1'a maniere du dernier peintre que je viens de vous nommer, de M. Cazanove. C'eft: furtout dans fon Attaque de HuJJards qu'on peut lc  ( 33 ) fe comparer avec fon modele. Le fujet de ce' , tableau, qui appartient a S,a Majefté le roi de Pologne, lui avoit été donné par ce monarque, & il s'en eft tiré avec beaucoup de fuc cès. CompoGtion vive, ordonnance nette , attitudes fieres & variées. L'aótioo a tant de vérité, qu'on s'imsgine être au milieu de cette fcene inopioée. On s'anime, on refpire Pardeur du butin avec les pillards; on tremble, on . fuit, on enleve ies cftets précieux; on fe cache avec les villageois. Ses deux BataiV.es ne font pas moins chaudes. M. de Mams rend auffi les animaux, les payfages, les ruines; mais pas avec autant de fuccès, puifqu'on y trouve des détails qui laiffent quelquefois a deGrer par rapport a la vérité de la nature & a lacorreétion du deffin. On convient affez généralement que fon coloris eft excellent. Le feond peintre ne court pas une carrière auffi étaidue & aufli brillante que M. de Mar* ne. II s'en tient jufqu'a préfent a des vues charmantes, de chateau, de village, de ferme , d'églife. Ses fites, fes fabriques, fes feuillages: font d'un bon goót. Rien n'y reffentlapaler'te; tout y eft correél, précis, & fait cependanC avec beaucoup de facilité. Les portraits reproduits en foule cette fois,, font dans le genre ce qu'il y a de plus abon^ dant; mais au moins font-ilsp: efque tous curieus ou intéreffans. M. Duplejfis, que fes enthoufiaftes, un petf B 5  C 34 ) outrés fans doute, appellent le Vandick de 1'école frangoife, nous offre M. & Mad. Necker devanc lefquels on fe feroit mis a genoux il y a deux ans, & qu'on ne regarde aujourd'hui que pour en admirer le faire. L'air de tête du mari eft d'une grande vérité: la dureté defoname perce a travers la fenfibilité hypocrite dont il fe paroit durant fon miniftere, & fi contraire a fon elTence , qu'il en eft gêné; fa morgue y domine toujours, & dans fon regardhautain, il femble dire encore cette phrafe fi révoltantede fon compte rendu & qu'on lui a tant repro- ehée: Qiiand un homme de mon car acutere Le portrait de la femme n'eft pas traité avec autant de vigueur & d'intelligence & ne 1'exigeoit pas. Elle a bien cette bonhommie pédantefque d'une virtuofe qui de la préfidence d'un bureau d'efprit étoit paffée a celle du bureau de commifération (*}. Les artifles aiment dans ce portrait-cil'imitationparfaitedesétoffes. £>i cette qualité fuffifoit pour faire un bon tableau, celui de M. Rojlin ou une jeune fille s'apprête d orner la jlatue de l'amour d'une guirlande defleurs, feroit admirable; fa robe de fatin eft d'une beauté rare, d'une vérité unique. Mais, outre que 1'idée du fujet n'eft qu'une ïéminifcence de celui de M. Greuze; c'eft que la dévote au petit dieu eft dans une attitude qui n'eft point naturelle; elle a un pied en (*) Nom <1'un bureau nouveau établi par Monfieur Necfcw» suqjiel ii ïeuvojjoit tous les malbcnreux qu'il feifok»  ƒ 35 ) Pair, comme fi elle alloit danfer. Da refïe, il a bien rendu fur le vifage de Parehevêque de Narbonne eet air de jubilation qui réjouisfoic Louis XV dès qu'il fe montroit devant S, M.; fur celui de Madame Vallayer Cojler, cette phylionnomie oü les graces du fexe & la vigueur de fon talent möle fetrouventréunis; enfin fur le fien propre, cette aménité qui carac. térife le grand nombre de fes ouvrages. Je vous ai entretenu plufieurs fois de ces artiftes, Mon/ieur, ainfi que de M. Pajquier, a qui Pon feait un gré infini de nous reproduire }es portraits du comte & de la comteiïe du JVord peints a Lyon, & dont les images reftées dans nos cceurs ioffifent a la comparaifon; de Meflïeurs Wjyfsr & Hall, rivaux dignesl'unde 1'autre pour 1'émail & la miniature, quoiqu© celui-la foit académicien & celui-ci encore agréé; de M. Van-Spaendouck, qu'on eft fans cesfe tenté de prendre pour Van-lluijwn reffufcité; de M. Sauvage, eet enchanteur animant lanature morte, & donnant un reliëf trompeur aux furfaces les plus planes. Leur genre eft trop circonferit pour m'étendre longtems fur eux. Je paffe a Mad. Guiard & finis par elle mon énumération des artiftes les plus diüinguós. Regue académicienne en même tems que Mad. le Brun, Mad. Guiard n'a point pris un effor auffi brillant, elle fe voue uniquement au portrait hiftorié, & dans ce genre déploie un talent trës-marqué. Aucune de fes têtesqui B 6  C 36 ) n'aic du caractere. Elle a rendu M. Vien, M. i'ajou, modelant le portrait de M. le Moine, fon maitre; M Bochelier, M.. Gois,- M. Suvëe, M. Beaufort, M Voiriot, & a pour ainfi dire exprimé 1'efprit, le genre de chacun de ces artiftes fur leur phyfionomie. Son portrait de M.-le comte de Clfrmont -Tonnerre en habit militaire,, eft d'une vigueur qui le difpute au pinceau le plus fier; mais fes deux chef d'ceuvres font le fien propre & celui du fieur Brizard. Mad. Guiard tient Ie pinceau k Ia main; fon eorps eft penché en avant & dans cette attitude 1'abandon oh 1'ame eft toute entiere occupée de fon objet. Sa tête vigoureufe annonce les conceptions fortes dont elle eft pleine; & fon vêtement fimple & pittorefque attefte & fon talent & fa modeftie. Quant au Sieur Brizard, il eft peint dans le röle du Roi Lear, au bord de la caverne & a ï'inftant du réveil, adle quatre, fcene cinquieme, lorfqu'il s'écrie: 6 la douce lumierel Le monarque imbécile, tracé d'après le caractere donné par M. Ducis, eft d'une vérité frappante ;il excite d'abord la pitiévaguequ'on reffent ponr tout être malheureux; mais qu'on sepouffe bientót comme ne pouvarjt être d'aueun fecours a un prince dégradé, qu'il faut fouftraire aux regards en lui ouvrant ces afiles die 1'idiotifme & de la démence, Depuis le falon ouvert, Monfieur, unétran,-  c 37 ) ger s'eft préfenté h 1'Académie, dans le genre du portrait, & a été agréé fur le champ. Ses ouvrages font maintenant expofés & écrafent tous les autres par la beauté du coloris L'artifte vraifemblablement fe piqué peu d'avoir des têtes a caraótere; il n'a choifi que des figures allemandes, bien graffes, bien blanches, bien deftmées; mais fans expreffion. On préfere M. le Baron de Stahl, miniftre plénipotentiaire du Roi de Suede è la cour de France, chambellan de fa Majefté le Roi de Suede 6c chevalier de 1'ordre de 1 'épée. Ce portrait en pied eft feavamment traité 6c artiftement coftumé, L'auteur de ces nouvelles productions fe nomme Vertmulhr. Avant de clore ma lettre, je me permettrai, Monfieur, encore une réflexion au fujet de ce nouveau venu, trop honorable a Pacadémie pour la taire. C'eft que, malgré les plaintes dédaigneufes des nationaux qui, ne voyant point parmi les coriphées du falon ni Le Brun, ni Le Sueur, ni le Pouffin, ni Jouenet, ni le Moine,. s'écrient que tout y eft médiocre, mauvais, déteftable. II faut que depuis quelque tems la réputation de Pccole franc,oife ait prodigieufement cru chez les étrangers, puifqu'i! n'eft point d'expofition oh quelques uns ne briguent 1'avantage de figurer; 6c que ces afpirans ne font point des hommes rejetés de leurpatriemais au contraire les plus diftingués par leut B 7  C 3j* ) talent, les plus proprës a le conferver, & a l'illuftrer. Nous ne faifons point de femblable acquifi. tion en fculpture, paree qu'un artifte de ce genre ne fe tranfporte pas auffi facilement: 1'excellence des nótres fe remarque d'une autre maniere; c'eft que fi les fouverains, fi les grands, fi les particuliers ricbes des royaumes les plus éloignés ont quelque monument a faire faire, ils ont recours a nos fculpteurs, ou même les appellent auprès d'eu>r. Je vous dirai ce que j'en penfe, ou plutót ce que le public en penfe dans ma troifieme & derniere lettre. J'ai 1'honneur d'être &c. Paris ce 22 Septembre 1783. Trojsiemf. Lettre Sur le Salon, Je vous ai entendu, Monjieur, gémir fouvent de 1'état de dégradation 011 Pon avoit laiffé tomber fur le pont-neuf la ftatue de He7ïn'dans un liecle oh fon nom répété fans ceffe de bouche en bouche, fembloit le rendre plus cher k la France; oh un grand poëte en avoit fait le héros d'un poëme national; oh on 1'avoit reproduit plufieurs fois en fcene fur deux théStres & repréfenté en quelque forte fous toutes les faces, fous tous les points de vue; oü enfin 1'adulation, fi adroite a faifir 1'a propos,  c 39 ; avoit cru ne pouvoir chatouiller plus agréablement le cceur du jeune monarque & fon peuple, qu'en le faifant marcher fur les traces de ce bon roi. Quoi qu'il en foit de cette inconféquence trop ordinaire aux Francois, M. Gois, indigné fans doute d'une pareille indifférence, dans un enthoufiafme d'autant plus louable qu'on ne le dit excité en rien par le gouvernement, a propofé le Nouveau projet d'un pïédejlal d la gloire de Heuri IV £ƒ de Louis XVL L'artifte conferve la flatue telle qu'elle eft & au même lieu, puifqu'elle ne pouvoit être mieux placée , avec cette'infcription d'un poëme ancien que je voudrois qu'on y ajoutêt:£f fpeêiat populum pater, & Jpetïatur ab Ulo. Sur la face principale eft repréfentée la „ France, qui pofe le médaillon de Louis XVI fur 1'autel confacré par 1'amour des ,, peuples, & le couronne du cercle de 1'im„ mortalité, comme annongant les vertus de j, Henri IV. A fa gauche deux génies; 1'un grave fur une table d'airain les principaux 5, traits qui ont déja illuÜré le regne du jeune J5 monarque, tels que la fervitude aboliedans ,, les domaines de fa Majelté ^ les loix crimi„ melles réformées &c. L'autre, fous le ca„ ractere de Ia féiicité publique,orne defleurs „ fon image. Sur le corps de 1'autel, omvolt ,, un dauphin environné de rayons; ce qui j, rappelle 1'évenement heureux qui a fini 1'an-  C 40 ) j, née 1781. La main droite de la'Franco, élevée vers Henri IV,femble le montrerau peuple, comme le modele des rois: au bas „ "du piédeftal eft placé le médaillon ée.Suliy; 5, groupé avec les attributs de la 11 dé li té. ,, A. droite on voitHercule, vainqueur de „ 1'Hydre: allégorie re'lative aux obftacles que ce prince a eus a furmonter pour affermir „ la couronne fur fa tête. „ A gauche, Minerve, déeffe de la fages„ fe & de la paix, eft accompagnée de tous les fymboles caracftériftiques des vertus de „ Henri. La corne d'abondance défigne 1'éta„ bliffement des maoufaftures & la profpérité„ du commerce; le livre, 1'épée & la balan,, ce,le maintien des loix; le lion,fa force& „ fa générofi'té; le miroir & le ferpeot, fa „ prudence; le coq, fon aöivité; les palmes „ & les lauriers, Pheureux fuccès defesarraes. „ Du cóté oppofé a la première face, 1'Histoire, un livre a la main, écrit la vie dece grand roi. Parmi d'autres livres qui font „ épars aux pieds de la figure de 1'iliftoire, „ on diflingue les Mémoires de Sully, Lafaulx ,, brifée défigne Pinutilité des efforts du tems„ pour détruire le monument élevé a Ia mé„ moiré de ce Monarque. Parmi les attributs „ des arts le fculpteur a placé le bufte deTitus. Deux bas reliëfs fur les deux cótés plus longs du foele de la ftatue enrichiflent eneore cemo-  C 4i ) nument. Dans 1'un Henri IV'fournit lui-même du pain d la capitale affiégêe; dans 1'autre il parok accompagné de la Viüoire & de la Paix,; la Vilk, fuivie des Magifirats, lui remet les clefs. Enfin on lit en avant cette infcription: 11 vit un fucceffeur n'eut point de modele. Et par derrière: Ce monument a été élevé d la mémoirede Henri IV. fous le regne de Louis XVI. 1782. Je.ne fgais, Monfieur, comment ce modele fcra exécuté, ou même fi jamais il fe réaüfera; mais je doute qu'aucun des confrères de M. Gois eüt eu la tête aflez fortement organifée pour en concevoir le plan. C'eft un poëme entier de la plus vafte ordonnance, de la plus riche imagination, & 1'on fcait que les produclions de celle-ci font rarement fans défauts. On en reproche plufieurs a M. Gois dans fa compofition. Le plus capita!, c'eft de n'avoir pas afiez lié fes deux fujets; de n'avoir pas fubordonné 1'un a 1'autre; de s'occuper trop de Louis XVI & de le mettre en première ligne, lorfque ce devroit être Henri IV, puis de le faire perdre abfolument de vue & de ne pas le ramener en fcene, au moins a la fin. On veut auffi que par trop d'abondance, il y ai; unpeu de confufion dans les differens chants;on veut qu'il y ait de I'obfcurité dans quelques unesdé fes idéés. Une faute impardonnable , paree qu'elle eft contre le bon fens, faute qui mom re a quel point Penthoufiafme peut égarer le génie ; c'eft  C 42 ) de vouloir repréfenter indeftrucftible par le tems un monument dont fa reftauration même a cetinftant,attefte tropénergiquementque rien ne réfifte ace deftrucfteur de tous les êtres. Au refte, ceci n'eft qu'une ümple efquiffe: 1'artifte fe réformera fans doute , foit par fes propres réflexions, foit par le confeil de fes amis. On ne peut prononcer définitivement: de quelque fagon que ce foit, on doit defirer qu'il ait la faculté d'exécuter fon projet. Quant a préfent, il a mis dans eet effai tout le feu, toute la liberté, toute la verve dont il eft capable & dont le platre eft fufceptible dans un fujet auflj réduit; car toute cette machine n'a guere qu'un pied & demi de long. Outre ce grand morceau de fculpture pour la compofition, on en trouve quelques autres en groupes qui, fans fatisfaire autant 1'imagination, plaifent aux yeux par le travail du cifeau: par exemple, les Elemens rendant Iiornmage d l'amitié,de M. Eoizot, font une idéeplate, indigne de génie de ce raaitre; mais le faire en eft fupérieur, & lemarbrefembles'amollir comme la cire fous fa main, fe modeier &prendre avec docilité toutes les formes qu il veut lui donner. Un bas reliëf en platre de M. le Comte repréfentant un voyageur qui fe repoje, de grandeur naturelle, eft dans un excellent ftile; 1'anatomie en eft fgavante, 1'attitude bien prife, & 1'expreffion vraie. Son buftede M. £'Aubenton,  C 43 ) a 1'aimable bonhommie du naturalifte, membre de 1'académie des fciences; mais le fculpteur femble avoir réfervé tout Part, toute la précifion, tout le moëleux de fon cizeau pour le bufte de la reine, repréfentée dans fon habillement d'apparat. II eft en marbre, & Sa Majefté porte le portrait du Roi en médaillon. On ne peut réunir fur une phyfionomie, a un plus haut degré, la grace & la nobleffe. Ce bufte eft bien fupérieur a eet égard au doublé portrait que Madame le Brun a fucceffivement offert au public de 1'augufte fouveraine; & comme c'eft ce qui caraélérife principalement fon air de tête, la reffemblance en eft plus parfaite. Cette même grace, cette même nobleffe brillent dans fa coëffure, dont les détails font d'une délicateffe précieufe. On diftingue jufqu'aux racinés des cheveux; le reftedel'ajuftementeft traité avec autant de goót & de vérité. Les grands morceaux de M. Houdon ne font point au Talon. On n'y admire que des buftes, entre autres celui de M. le comte de Buffon exécuté en marbre aux fraisde Sa Majeftél'impératrice des Ruffies; celui du Sieur de laRive de la comédie francoife dans le róle de Brutus; mais furtout celui de Madame la princeffe Achko w, directrice de Padémie des fciences de Saint-Petersbouig. II eft en bronze, d'une ampleur, d'un feavaut & d'une auftérité qui répondent aux fonftions de Pilluftre étrangere. Une figure en platre repréfentant un Ficïi-  C 44 ) muite qui attend Pordre du facrificateutpour imtnoler la viclime, n'eft point dans le genre dn cizeau de M. Monnot, ordinairement doux & gracieux. II y prouve cependant qu'il n'eft pas dénué, quand il veut, de vigueur & d'énergie. Le bufte du révérend pere Elizée le confirme, les artiftes en afrnent les fcavans méplats, c'eft-è-dire les rides & replis de la peau bien imités. Mais on retrouve avec plusdeplaifir M. Monnut dans fon bufte de Monfeigneur le duc d'AngouUme, oh Pon reconhoït toute la naïveté de Penfance; dans celui de Son Aliejfe Royale Frêdéric Guillaume Prince de Prujj'e, oh refpirent cette fagefte, cecalme de 1'amedu modele paffé dans Pouvrage de Pauteur, qui en outre a revétu fon héros d'une armure polie, finie avec le plus grand fdin, dans ceux enfin de M. le comte £? de Madame la comteje de Ségur, pleins de grace & de fineffe. Meffieurs Roland & Moëtte font deux agréës qui expofent pour la première fois, & le premier étonne par une grace de conception dont il n'ofire qu'une partie: c'eft un bas reliëf de deux pieds de long fur cinq de haut, repréfentant un facrifice des anciens & jdeftiné p0ur 1'hótel de fon alteffe féréniftime Monfeigneur le Prince régnant de Salm-Kirbourg. "On y découvre une parfaite connoiffance de 1'antiquité, & une étude fentie des bons principes de fon art. 5on Caton d'Utique eft vraiment fier & d'une exécution hardie; aucun mufcle qui ne foit  C 45 ) vigoureufement prononcé & n'exprime la mort violente du Romain, fouffrant encore plus des maux de fa patrie que de ceux qu'il fe procure volontairement. Le fecond de ces agréés en fculpture a mis peu d'ouvrages, & ne prend 1'effor que dans un Orejle, dont il a bien connu & caradlérifé les fureurs. Obfervez, Monjieur, qu'excepté les bufles, ouvrages de commande, prefque tous les morceaux hifloriques de fculpture dont je viens de vous faire 1'énumération en petit nombre, ne font guere que des effais, des études, des caprices de ces artiftes s'exercant pour leur propre compte; qu'ils feroient reftés la plupart dans une oifïveté honteufe pour la nation , 11 les uns n'avoient eu des ftatues pour le roi a finir, & d'autres des ftatues a modeler. Les premiers nous ont reproduit Catinat, & Montefquicu, exécutés aujourd'hui en marbre. II n'y a rien h dire de 1'un, confervant & les mémes beautés & les mémes défauts. Son auteur M. de Joux n'a pas mieux réuffi dans un Achille, figure lourde, d'une expreflion mauffade, génée d'ailleurs dans fon attitude, enforte qu'il femble avoir peine a tirer fon épée. Quant a 1'autre, on doit louer M. Clodion Michel, de fa docilité aux confeils des amateurs & certainement fon ouvrage y a beaucoup gagné; quoiqu'on deörat encore quelque chofe dans la tête trop jeune, n'ayant pas cette méditation profonde  ( 46 ) de 1'anteur de VEfprit des loix, il fait-infmiment d'honneur a 1'artifte, principalement -pour le coftume qu'il a parfaitemehc fuivi, & pour les détails dont le faire eft au deffus de tout éloge. Vous vous rappelez fans doute, Mon/têur, ces vers en 1'honneur de lurenne coakrvés dans tous les Am. Pour prix de fes fameux exploits > Turenne ici repofe au milieu de nos rois. Par une teile récompenfe Louis voulut prouver aux fiecles h veuir Qu'il n'eft aucune différence De porter la couronne ou de la foutenir. Cette infcription mife a fon Maufofée k faintDenis, en fut ötée Iorfque le cardinal de Bouillon eut le malheur de déplaire a Louis XIV & de tomber dans fa disgraee. M. Pajou, chargé de la ftatue de ce grand homme, une des quatre ordonnées pour 17B3, a eu la hardieffe de tirer fon idéé de celle du poëte. II a repréfenté Turenne femblant dans 1'intention de défendre la couronne de France, qu'il foutient üe la main gauche, tandis que de la droite il tient fon épée nue. Je ne fcais ü Ie gouvernement lui en fcaura gré; bien des 'gens même, généraüfant cette idéé, trouvent indécent de faire ainli dépendre d'un feul homme le fort d'une natipn entiere. Ce n'eft pas  C 47 ) ici Ie lieu dediffercerla-deffus;au moins perfonne ne peut difconvenir que ce ne foit une conception fublime. La figure du héros y répond; quoiqu'il fut naturellemént laid, Partifte lui donne un fi grand caradtere de zele patriotique & d'enthoufiafme guerrier, qu'il devient fuperbe en ce moment. Sa pofe, en terme de Part , eft des plus fieres: il eft debout, prêt a marcher. Quant au vêtement militaire, ob Pon voit que tout Part de M. Pajou s'eft étudié a bien en rendre les formes, les plis, les contours, les franges & jufqu'aux différentes étoffes, matieres & fabriques, il eft fi ingrat, que Partifte n'a pu lui donner de nobleffe, lui óter une forte de pefanteur, de rufticité, de grotefque même qui regne dans tout l'accommodement de fa ftatue. Quoique le coftume de Vaiiban par M. Sridan ne foit pas d'une exécution plus noble & plus facile, le même défaut ne s'y remarque pas, en ce que ce maréchal de France eft dans 1'attitude feule du commandement, que fa figure eft calme & froide. II montre les plans de plufieurs placcs dont il affure Ia prife; tout cela n'exige que du fiegme, & point cette ardeur qui refpire dans I'habitude entiere du corps de Turenne; ain-fi, malgré la reffemblance qu'offrent les deux ftatues au premier coup d'ceil, en méditant fur Ie fujet de chacune, on y trouve une grande différence; le premier étoit fans doute beaucoup plus difficile a traiter  C 48 ) a caufe de Ia tête qui exigeoit un feu prodigieux, & 1'enfemble du perfonnage un tout autre mouvement. Si M. Cqffiery avoit fait attention h ce que 1'on avoit critiqué en 1781 dans fon Bufte de Molière, il auroit évité les reproches qu'on fait cette année a fa ftatue. Le prince des poëtes comiques,au lieu d'effrayer les fpedtateurs par 1'attitude d'un prédicatcur énergumene, les attireroit avec ce fourire fin & malin qui doit le caracftérifer. Cette ftatue d'un genre outré eft abfolument è refaire. II a beaucoup mieux réuffi dans fon bufte de Rotrou, poëte tragique, 011 un peu de gigantefque dans la figure, 1'attitude & 1'expreffion ne font point déplacés. Son Thomas Corneüle eft d'un faire fingulier, mais on retrouve toute 1'aménité de fon cizeau dans le bufte de M. Favart; fon génie paroït s'être accommodé infiniment mieux de ce poëte aimable. Les connoiffeurs s'accordent affez , Monjïeur , & regarder 1'auteur du la Fontaine, la quatrieme & derriiere ftatue qui devoit paroftre cette année, comme celui qui a le mieux réuffi. C'eft un chef-d'ceuvre pour 1'expreflion. „ La Fontaine travailloit partout ou il fe „ trouvoit. Un jour la duchefTe de Bouillon „ allant k Verfailles le vit le matinrêvantfous ,, un arbre du cours, & 1'y retrouva le mö„ me foir, au même endroit & dans Ia même „ attitude, " M. Julien nous avertit que c'eft ce  C 49 ) moment qu'il a choifi. Le bon homme, ainfï que Boileau & Racine appeloient la Fontaine, eft rendu ici dans toute fa vérité. II a cette immobilité, cette végétation infenfibles du fdblier qui, fuivant la comparaifon de Mad. de la Fayette, produifoit des fables, comme un pommier produit des pommes. Les acceffoires font charmans. Le Renard le regarde & femble s'étonner de Ia fimplicité de celui qui Pa fi bien peint & mis fi finëment en fcene. Autour du focle de la ftatue font en bas reliëf les fables principales de eet auteur. Comme je ne puis mieux terminer, Monjleur, ma revue des fculpteurs que parcemorceau, je paffe aux graveurs, Ia derniere clafie de Pacadémie qui me refle a parcourir. En général les tableaux & les ftatues font d'un prix fi exceffivement cher, qu'il n'eft que les fouverains, les princes, ou quelques particuliers puilTamment riches en état d'avoir cette pafiion & de la fatisfaire. II n'en eft pas de même des eftampes: elles font a Ia portée de tout le monde, & c'eft aujourd'hui une forte de luxe fort a la mode On en ornenon-feulement les cabinets, les galeries, les cbambres h coucher, les boudoirs, mais on en a en porte-feuille. Cette vogue devroit exciter une grande émulation parmi les artiftes de ce genre & contribuer beaucoup h leur perfection. Ce- . pendant on ne juge point qu'ils faffent aucun progrès. On attribue cette inertie a la défenfe Tome XXir. C ■ ^  r 50 ) qu'ont les graveurs de travailler fur les ouvrages des peintres vivans, fans leur confentement, & fur ceux des peintres morts, fans ie confentement de 1'académie. L'efprit du régiement fans doute eft louable en ce qu'il tend a empêcher que Poriginal ne foit dégradé ou tourné en ridicule aux yeux des étrangers par un traducteur inepte ou malveillant. Mais auffi cette prohibition refroidit la communication entre le peinrre & le graveur qui pouvoit en tirer de grandes lumieres; elle nuit même a la célébrité que 1'écolc francoife pourroit acquéiir dans toute PEurope, en donnant aux autres narions connoiffance de plufieurs maïtres dont la réputation refte circonferite dans leur pays; enfin, elle arrête 1'effor de Phomme de talent, qui ne peut s'approprier, comme il voudroit, les fujets de fon goüt, ct qu'il fe fent le plus de difpofitions a traiter: de \k nul intérêt dans la plupart de nos gravures modernes; de la les amateurs fe portent en foule vers les gravures angloifes dans la maniere noire, plèines de feu & d'énergie, a la vente defquelles les marchands fe confacrent fpécialement. L'efpece de fchifme dont je vous ai parlé plus haut, Monfieur, étabfi entre les peintres & les graveurs, fe prouve par ce qu'on voitau faloa de cette année. Prefque toutes leseftampes qui y figurent font gravées d'après des tableaux de raaitres d'autres écoles ou de nos anciens morts, & fur des fujets rebattus.  C 51 ) Meffieurs le VaJJeur, Beauvarlet, Cathelin, Miger, & Strange, femblent même s'être donné le mot pour armoncer une égale ftérilité. Le premier n'offre que la Laitiere d'après M". Greufe, qui n'eft point de I'académie. Vous connoiffez Ia maniere de ce graveur, facile & naturelle comme celle 'du peintre. Le fecond a travaillé d'après de Troy , mort il y a longtems. 11 en eft encore a fon Hijloire d'JJJuerus. Son burin eft toujours ferme & magoifique; mais on lui reproche quelques incorreclions de deflin. Le troifieme s'eft zttzchèh Pellegrini cxatraité fa Mort de Lucrece, oh ü y a de la vigueur& de 1'énergie. Le quatrieme s'eft enthoufiafmé de la vieillc hiftoire d'Hercule êf Omphale. C'eft un tableau de Dumont le Romain, mort, & c'étoit fon morceau de réception, fait il y#a peur-être cinquante ans. Enfin, le dernier,réduit auffi a I'unité, nous reproduit de plus le Charlet Premier d'après Vandkk, dont je vous ai parlé il y a deux ans. M. Delaunay eft plus fécond: fa Partie de phifir d'après Wienix, fa Gaitéconjugale d'après M. Frendeberg, plaifent furtout par une gaité franche & piquante. Un débutant & un étranger femblent encore, Monfieur, être venu prendre fur lesnationaux' une lupériorité qui les reveillera peut - être de leur engourdiffement. M. Henriquez, dontil C 2  C 52 ) s'agit, eft un graveur de fa Majefte Impériale de toutes les Ruffies & de 1'académie de SaintPetersbourg. Dans fes Honneurs rtndus au Connétable dip Guefclin il a eachéri fur 1'original de M. Brenet; il a corrigé ce que le pinceau du peintre a fouvent de trop fee, & mis dans toutes les figures une ondtion que le tableau laiffe quelquefois h. deürer. M. DupkJJis ne doit pas fgavoir moins de gré & eet artifte d'avoir gravé fon Portrait de fon altejje fèrêniffime Madame la ducheffe de Charnes, qui fuit des yeux fon mari voguant fur les eaux, ou plutót il doit en être très-faché; car il empêche ceux qui connoiffent les deux de regretter Poriginal. M. de Saint-Aubin s'en tient ï. fon talent qui eft de deffiner a la mine de plomb & de faire ainü d'excellens portraits: il n'en a choifi que d'intéreffans cette année. Ceux de Meffieurs Perronnet, chevalier de 1'ordre du roi, premier ingénieur des ponts & chauffés, de la MottePiquet, chef d'efcadre, Pigalle, chevalier de 1'ordre du roi, Linguet, & Pelerin, favant antiquaire, tous ces portraits font touchés avec le caradtere qui leur eft propre. Le dernier plait furtout par 1'efprit, la fineffe, la bonhomie qui regnent fur cette veille tête. tl£s deffins de M. Moreau font ceux qui attirent le plus Ie public par 1'intérêt des fujets. Les principaux font une allegorie d l'occafion de  C 53 ) la convalescence de Madame la comtejje d'Artois, qui n'a d'autres déftuts que d'être tropcompliquée, & quatre repréfentant Les fêtes de kt •uille d l'occajion de la naijjance du Dauphin, favoir 1°. l'arrivée de la reine d l'hótel de ville,ll°. lefeu d'artifice, IIP, le repas donnéparia ville d Leurs Majeftês, IV0. le bal mafqué. Quoique ces deffins foient rémplis de détails immenfes, il n'y a point de confuflon, paree que 1'auteur a fingulierement varié fes petites figures, ce dont il réfulte beaucoup d'effbt. M. Duvivier continue de remplir fes fonctions de graveur général des monnoies de France & des médailles du roi, & toujours avec le même fuccès. Mais ce qu'on aime le mieux de lui cette année, c'eft un portrait du roi au crayon, qui, quoique le trait en foit fee & la maniere mefquine-, eft d'une vérité unique. Trois procédés, ou peu connus, ou peu ufités, ontattiré, Monfieur, 1'attentiondescurieux, & n'auroient pas completté le compte que j'ai entrepris de vous rendre, -fi je ne vous en parlois au moins fuccinéiement comme de ' nouveautés qui diftinguent ce falon. D'abord, M. de la Grenée Ie jeune nous a expofé un tableau peint è 1'huile & collé fur glacé, ainfi que les arabefques de Ia bordure. Cette invention eft due a Madame de Montpetit qui a dépofé fon fecret au fein de 1'académie des fciences & a regu 1'approbation de cette compagnie. C3  C 54 ) M. Sauvagt de fon cóté a trompé par de* caméés k gouache reprcfentant des fétes h Cerèi & a Bacchtis, imitant tellemenc le reliëf, que le fpettateur étoic obligé d'y porter la main. Enfin, M. Gois a étonné par des modeles en cire, non-feulement de portraits; mais de fcenes entieres oh fe trouve une précifion de deffin & une expreffion animée qu'on d'auroit jamais pu croire. Ces preftiges fans doute feroient peu de chofe fans le vrai talent; mais ces trois artiftes en ont un qui ne peut leur faire fuppofer d'autre prétention ici que de fe jouer & d'amufer le public dont le grand nombre fe plak plus a ces prodiges de patience qu'aux vrais chef-d'ceuvres du génie. J 'ai 1'honneur d'être &c. Paris ce 29 Septembre 1783. Le 26 Novembre 1783. II circule unechanfon en forme d'ardieux entre M. le controleur général d'Ormeffon renvoyé, & M. le garde des fceaux. II y a grande apparence que cette méchanccté vient de la part des ennemis de cèlui-ci qui n'introduifent en fcene 1'expuifé,. que pour tomber plus vivement fur le dernier, dont ils travaillcnt depuis fi Jongtems a opérer auffi la disgrace. 27 Novembre 1783. On a parlé de Phöpital ouvert aux céleftins pour y recevoir les  C 55 ) malades que Meffieurs Le T)ru pere & fils y traicenc par des procédés élecTriques. Ilsypréfident fous le titre de Pliyficiens du roi £f de laf'acuU li de médecine de Paris, qui leur a été conféré. Cette derniere a nomraé vingt de fes membres, pour fuivre ce traitement médico ■ électrique, en qualité de comaiiiTaires. Jeudi vingt Pinauguration de 1'établiffement s'eft faite en préfence de M. Le lieutenant général de police. M. Co/hier, Pun des commiffaires dfe la faculté, a prononcé un difcours dans lequel il a expofé les cas oh l'éleétricité eft applicable, ceux dans lefquels on en obtient le plus de fuccès, & furtout les accidens qui pourroient réfulter de fon application mal-entendue. Plus de deux eens individus réunis dans une falie atteftoient avoir été guéris de maux rcputés incurables, ou avoir déja obtenu un foulagement marqué, M. Fraiiklin, h qui eft due la découverte de l'élecftricité, & même fon application avec fuccès a Péconomie animale, n'a pas manqué de jouir de ce fpectacle intéreffant & glprieux. Ce n'a pas été un fpefiacle non moins cuïieux pour le public accoutumé a voir le fieur Comus ne parler que de tours & d'efcamotage, difcuter gravement aujourd'hui fur le but de eet établiflement patriotique & médical, tracer les devoirs que lui «Sc fon fils fe font impofés, & douner dogmatiquement Pabrégé de fa théorie. C 4  C 56 ) 27 Novembre 1783. II eft' queftion d'établir aux invalides des Lieux d l'Angloife. Cette dénomination feule, qui femble convertiren objet de luxe un endroit néceffaire, fait rire pour un hótel ou il peut y avoir quatre a cinq mille hommes. Cependant M. Brogniart 1'architecie, en a tellement fait connoitre 1'avantage, que le miniftere y a confenti, & qu'on eftdispofé a y facrifier cent mille francs, que doit cofiter cette fuperfluité apparente. M. Brogniart a en même tems offert des resfources: il a donné un plan pour abattre la belle allée de Breteuil faifant face a la portedu dóme, appelée Porte royale, paree qu'elle ne s'ouvre que pour le roi, & pour la proceffion de la fête-dieu. II y tracé enfuite une grande demi - lune en face d'oii il aligne quatre grandes rues, deux du cóté de Paris & deux du cóté de Vaugirard & de 1'école militaire; il bêtit dans le furplus des maifons au profit de 1'hótel, & il fe ménage encore une autre demilune pour y élever un obélisque ou quelque monument de cette efpece. Ce plan eft adopté & en conféquence on a déjè abattu 1'allée de Breteuil. 27 Novembre. 1783. On doit jouer incesfemment fur le théatre lyrique 1'opera de Bidon exécuté a Fontainebleau, ob il a eu beaucoup de fuccès, furtout le fecond acte. . Le poëme eft en trois aéïes. Les paroles font de M. Marmontel & la mufique de M, Piccini. Pour .  C 57 ) Pour remplir la durée du fpeftacle en hiver, le fieur Gardel y a joint un ballet de fa compofition, intitulé VAmour vengé. 28 Novembre 1783. L'Errotika Biblion n'a qu'environ huit feuilles d'impreffion in 8°. & eft fubdivifé en dix titres d'un feulmot, qui ne font pas plus intelligibles au commun des lecteurs. Ils forment comme autant de chapitres féparés, dont la liaifon a peine a fe découvrir; mais dont le but général eft affez celui indiqué de prouver que les anciens nous furpaffoient infiniment du cóté de ïacorruption des mceurs: ils font dans leur brievété, remp.lis de recherches fcavantes & même infiniment curieufes , qui rendent Pouvrage ausfi érudit qu'agréable. L'auteur, outre le talent de pofféder parfaitement les langues mortes, a celui d'écrire trés-bien la fienne, de plaifanter légerement & de finger fouvent Vol. taife :dans les tableaux trés fales qu'il préfènte par fois, il fe fei t toujours d'expreffions honnêtes ou techniques; du refte, il paroit fort verfé dans l'art des voluptés & en donne des lecons que lui envieroient les Gourdans & les BrijJonss en un mot les plus expertes en ce genre. Les éditeurs annoncent dans. un avis qu'ils ont du même auteur d'autres manufcrits du même mérite, & d'un intérêt non moins piquant, & ils promettent de les livrer inceflamment au public; on ne peut que les defireravecavidité. C 5  ( J8 ) 29 Novembre. 1783. Extrait d'une let- fre de Lycn du 25 Novembre U faut que la cour foit fortement indifpofée contre JVJ. de Myons & il n'y a pas d'efpérance que fon exil, qui dure déja depuis plufieurs mois, fi. nifie de fitót. Voici ce qui lui eft arrivé: Sa terre de Myons s'eft trouvée infe&ée d'une maladie épidémique, au point qu'il lui eft mort en peu de tems quatre domeftiques; frappé de terreur, Pexilé a envoyé en cour les extraits mortuaires de ces gens-la, des atteftations des médecins reconnoilTant que c'étojt 1'infalubrité de 1'air qui avoit caufé leur maladie & Ie danger pour M. de Myons d'en être atteint. En conféquence, il demandoit d'être exilé dans la ville de Lyon affez voiOne de fa terre pour qu'il y vienne tous les jours , mais dont il étoit obligé de partir le foir, ne pouvant pas découcher : il donnoitl'alternative de lui permettre de voyager. On ne lui a accordé aucune des deux graces; il lui a feule- • ment été permis de fe tranfporter a Villefnnehe, oh il eft fort incommodément. 29 Novembre 1783. Le roi vient d'acheter de M. le duc de Penthievre la terre de Rambouiliet, dont Ia forêt voifine de Saint-Hubert étend conGdérablement les plaifirs de fa Majefté pour la chaffe Cependant, quoiqu'elIr defirat depuis longtems de faire cette acquifuion, elle réfiftoit a fon goüt, fgachanc qu'elle feroit cbere. Le roi femble n'y avoir  C J>? ) acquiefcé que par les follicitations du prince dont cette vente arrange mieux les affaires. Le prix eft de dix-huitmillionsenvironcompris les intéréts, en trois ans, k raifon defix millions par an. On prétend, du refte, que Rambouillet rapporte 300, 000 liv. de revenu. M. le duc de Penthievre a fait exhumer les corps de fes ancêtes qui y étoient enterrés, & les a fait transférer avec beaucoup de pompe le mardi vingt - cinq de ce mois dans une autre terre. , La reine eft allé voir le chateau qui eft gothique & lui a fort déplu. EuconféquenceM. 6'Angivilkr a fait s'évertuer les talensdesartistes, & a préfente les plans a fa Majefté. Mais le roi a trouvé le devis des bacimens trop confidérable, & a dit qu'il falloit attendre. Quant k M. le duc de Penthievre, on prétend que ce prince eft dérangé a force d'arrangement; qu'il a une quantité confidérable de ehaceaux, tous bien meublés, bien entretemis, bien gardés, toujours prêts a le recevoir, & qu'il vifite fucceffivement; ce qui lui occafionne une dépenfe énorme, augmentée encore par fes exceffives charités qui ne dkni"nuent point, & portées a 400000 liy. par an. Du refte, M le duc de Chartres a vu de tres - mauvais ceil une vente qui le fruftre de beaux domaines fur lefquels il comptoit. 19 Novembre 1784. Meffieurs les directeurs de la caifTe d'efcompte, quoiqu'üs fasC 6  ( 60 ) font bonne contenance, font fort embarraffés KH tcnu une nouvelle affemblée générale le WDgt-fix de ce mois, dont les débats ont été contwués au lendemain vingt-fept, & ne font pas encore finis. Ces directeurs voudroient qu'il feformatfeulement un comité fubfiftant de quelquesactionnaires, auquel on communiqueroit les fecrets de 1'adminiitration, qui refteroient toujours cachés a la multitude de fes membres: ceux-ci ne veulent pas y confentir. Ils prétendent que leur établiffement n'eft point d'une nature a rien faire de fecret pour perfonne, encore moins pour eux. Cette divifion laifie les affaires en fufpens, & la caiffe ne va point pendant ce tems. 30 Novembre 1783. L'ex-périence de Mesfieurs Charles & Robert étant d'une importance beaucoup plus grande que toutes eelles fa tes jufqu'è préfent, & furtout que les colifichets & joujous dont on a amufé les Parifiens depuis quatre mois, ayant d'ailleurs été entreprife par une foufcription fort chere & fouslesauspices des protedteurs les plus diftingués, n'étoit nullement fufceptible des défenfes' de la police annoncées & Ieurs auteurs ont eu toute* la liberté d'en prévenir le public. Ils ont obtenu la faveur finguliere de 1'exécuter dans les Tuilleries fermées. Ce vafte: emplacement, la beauté du local, la commodité d'y aborder de toutes parts leur ont fuggëré une fpécula-  C 6i ) tion de fortune: en conféquence ils ont annoncé qu'on n'entreroit qu'avec desbillets a 3 liv. piece. 'C'eft une fureur pour en avoir, & Pon ne doute pas qu'ils ne retirent un bénéfice énorme. Depuis quelques jours Meffieurs Charles & Robert entretiennent la curiofité & 1'excitent par les diverfes parties de leur machine aérostatique offertes aux regards. On a parlé du Balon qui, travaillé dans fa contexture avec une propreté exquife, enchante déjè les plus jgnoraos. 11 eft a cótes & a la forme d'un melon ; il eft compofé de taffetas découpé en lozanges par compartimens rouges & jaunes extrêmemen.t liffes & polis. On voit a cóté un petit balon en taffetas vert de quelques pieds de diametre feulement qui doit être le précurfeur du grand. Le char ou efpece de gondoleen vis a-vis eft un autre objet de fpeêlacle. 11 eft trés-élégant dans fa forme. Le fond eft d'ofier recouvert d'une toile peinte en or & bleu, entouré de rouleaux de taffeta» en feftons arrêtés par des cordons de foie & des glands d'or. II y a quelques jours qu'on a conftruit furie balTin du parterre un théatre en bois, d'ob le balon doit partir; il eft entouré d'eau. En face du baffin eft un amphithéatre demicirculaire, deftiné aux princes, aux miniftres, aux étrangers ds diftinótion, aux corps académiques & aux grands foufcripteurs, c'eft-aC 7  C 62 ; dire aux anciens foufcripteurs de quatre louis, Cependant le balon eft déja attaché aux premiers arbres de la grande allée; 1'enceinteconstruite autour forme Pattelier. On y voit les matieres pour la préparation du gaz, les tonneaux qui doivent le contenir, les conducteurs qui doivent le tranfmettre, en un mot tous les uftenciles de 1'opération. Plufieurs tentes établies renferment les principaux chefs deftinés h veiller nuit & jour aux travaux & a la confcr. vation de la machine. Des voies de bois arrivent d'heure en heure, pour entretenir le feu néceffaire h. cette petite armée de phyficiens, de chymiftesj d'ouvriers, de manceuvres de toute efpece. Une garde nombreufe d'invalides & defuiffes eft en dedans de 1'enceinte &,en repouffant les indifcrets trop emprcffés, irrite la curiofité générale. L'affluence pour demander des billets eft devenue fi exceffive, qu'il n'y en avoit plus, & afin de fatisfaire a cette ardeur, 1'expérience qui auroit dü avoir lieu hier, eft remife-a demain lundi. On fait même efpérer que la reine y viendra. Les fuppóts de 1'école de Montgolfier font cependant tout ce qu'ils peuvent pour décrier Ja machine; ils répandent le bruit qu'elle eft dangereufe, que des* hommes ne peuvent'fe hazarder d'y- monter ; que Meffieurs Ruben; ne- l'oferont,- ou qu'ils fe ferent incimer des  C 63 ) défenfes de le faire; enförte que le public fe-^ ra leur dupe: un poëte du parti a tenté même de jeter du ridicule fur ces meffieurs par une cpigramme qui court & que voici. II apoftropbe les auteurs de 1'expérience, & furtout Meffieurs Robert qui devoient s'exalter dans le char a balon perdu & dont 1'un y a déja renoncé pour fe rendre aux prieres de fa femme groffe & pré te d'accoucher. Profitez bien r. Meffieurs, de la commune erreur, La recette eft confidérable. C'eft un tour de Robert le Diable, ' Mais nou pas de Richard fans peur. 30 Novembre- 1783. Le libraire Prudhomme eft enfin libre, après avoir avouédifférentes peccadilles & livré un manufcrit contre le parlement fur 1'affaire des Montesquiou & la Boulbenne, qu'il avoit été chargé d'imprimer. 30 Njv-embre 1783. On devoit donner demain a la fuite de Popera de Bidon, YAmour ve7!ge,divertiffement nouveau de la compofition du fieur Gardel 1'aïné; mais hier a la répétition cette pantomime a été trouvée auffi platequ'indécente, & 1'on n'ofe la jouer. C'eft une jeune nymphe, qui après avoit donné le fouet a 1'amour, le recoit a fon tour du dieu mahn- Le premier Décembre 1783. Extrait d'une lettre de Lyon du 19 Novembre M. de FleJJeües, intendant de cette générahté, ayant fait ouvrir depuis quelques années les deus  C H ) grandes routes de Paris, par le Bourbonnois & par Ia Bourgogne, vient de faire élever au milieu de la place circulaire oh elles fe léunisfent, prés de la porte de la ville, un obélisque d'environ cinquante pieds dehauteur, couronné d'un globe parfemé de fleurs de lys en or, fur lequel repofe une colombe, portant au bec un rameau d'olivier. Sur la table du piédeftal, du cóté de la ville, eft gravéel'inscription. fuivante. Ludovico XVI utriufque orbis pacificatori. Le millefime eft fur la table oppofée, & les deux latérales contiennent Pindication de chaque route. Cet obélifque eft entouré de bornes unies entre elles par de fortes chaïnes. La place, qui a 470 pieds de circonférence, eft plantée de tilleuls, avec des bancs de pier' re dans les intervalles. Ce monument a été élevé fur les deffins de Jyl. Sallié, ingénieur en chef de la province. Le 1 Décembre 1783.' Hier un monde immenfes'étant ralTemblé dans Ie jardin desTuilleries par un tems trés • beau & trés - favorable il s'eft répandu le bruit que Meffieurs Charles & Robert avoient regu un ordre du Roi qui, vu Ie danger de 1'expérience, leur défendoit & a tout autre de monter dans la machine aéroftatique a balon perdu.' On ne fgait point précifément qui avoit donré h fa Majefté de pareilles inquiétudes; mais ia défenfe 'eft cenaine, M. Charles, indigné  C 65 ) .qu'on ent furpris a ce point la religion du monarque , s'eft tranfporté en diligence chez M. le Baron de Breteuil, qui en ce moment donnoit fa première audience; il lui a repréfenté que fa Majefté étoit maitreffe de fa vie & non de fon honneur; qu'il avoit pris des engagemens trop facrés avec Ie public pour y manquer & qu'il fe brüleroit la cervelle fi 1'on lui ótoit la faculté de les remplir; qu'au furplus, c'étoit une pitié cruelle & faufie qu'on voit infpirée au roi, puifqu'il étoit für de fon expérience. II paroit que M. le baron de Breteuil, touché de Pinjuftice de 1'ordre furpris au roi & ne pouvant Pinftruire affez tót, a pris fur lui de le révoquer, ou du moins de fermer les yeux fur la tranfgTefilon. Cependant les ennemis de Meffieurs Charles affuroient dans Paffemblée que fon afcenfion n'auroit pas lieu; ils infinuoient même que la défenfe de fa Majefté très-extraordinaire,avoit été follicitée indirect ement par fon inftigation, afin d'être difpenfé de rendre 1'argent au public. Ces propos calomnieux étoient foutenusd'une grande diftribntion de 1'épigrame préparée & citée plus haut,ainfi que de toutes fortesde calembours & mauvaifes plaifanteries.' Enfin a une heure quaranteminutes Meffieurs Charles & Robert ayant fait tous les préparatifs néceffaires fe font embarqués <5c élevés dans leur char de iriomphe, ce qui a augmenté 1'étonnement & 1'admiration de 1'affemblée. Un autre  C 65 ) poëte enthoufiafte a fur le champ compofé & diftribué au crayon le quatrain fuivant. Revenez nation légere, De vos foupcons injurieux; Voyez ramper 1'envie a terre, Et Charle s'élever aux cieux. Une fcene plus particuliere, mais dont on a bientflt été inftruit, a fait grand plaifir au public: c'eft la réconciliation de M. de MontgoU fier & de M. Charles. Ce dernier étantalléinviter le premier d'affifter è fon expérience,ils'y eft rendu, & lorfqu'on a lancé le petit balon qui a précédé 1'autre, M. Charlesa fait 1'honneur h M. de Montgolfier de lui préfenter les c.feaux pour couper la córde, hommage auquel celui-ci s'eft prêté de la meilleure grace du monde: c'étoit une allégorie imaginéepar M. Charles, pour indiquer que M. de Montgolfier étoit le précurfeur, & avoit ouvert la carrière des airs. Les voyageurs aériens ont rabattu è trois heures trois quarts dans la prairie de Nefle environ a neuf lieues de Paris. A quatre heures un quart M. Charles a remonté feul, & s'eft enlevé de nouveau: il a navigué encore pendant une demi-heure & a mis pied a terre a une lieue cc demie plus loin. i Décembre 1783. M. de Calonne , lorsqu'il s'eft rendu le jeudi treize novembre a la chambre des comptes pour y précer le ferment accoutumé, 1'a fait avec une pompe nouvelle  C «7 ) & extraordinaire. H étoit accompsgné deplufieurs cónfefilers d'état, maitres des requêtes, intecdans de finances, des députations des fermiers généraux» des régifleurs & autres corps foumis a fes ordres. M. de Nicolaï \u\ a adrefTé un difcours trèsfingulier, ou,après avoir tracé le portrait d'un contröleur général, il die a M de Calonne. Vous avez dtfiré les grandes places; mais ,, depuis longtems vous vous prépariez a les remplir; vous avez perfeftionné , embelli „ les heureux dons de la nature; votre eiprit, „ vous Pavez cultivé, étendu par 1'étude & par 1'obfervation dans les fociétés du grand 5, monde, comme dans les provinces que vous „ avez adminiftrées; on vous accordoit avec raifon de penfer & de peindre; on ne. s'en„ tretenoit que de votre aménité,de votre pé« j, nétration . de votre adrefle ö manier les es- prits & les affaires; vous laijjiez échapper „ auffi des étincclles de génie. Dans celui de M. de Calonne, qui répond parfaitement a Péloge qu'en ont fait ceux qui Pont entendu, les amis de M. d'Ormeffon ont vu avec peine cette phrafe qu'ils ont cruporter fur lui: ,, j'ai déja eu occaOon de dire au roi & je ,, le lui dirai dans toutes , que rien ne peut le ,, mettre dans le cas de manquer a fa parole, ,, & qu'il n'y auroit qu'une ignorance coupabk qui püt en Juppofer la néceffité. Les pröniurs de M. Nscker, de leur cóté, ne doutent pas  C 6% ) que 1'auteur du difcours n'ait eu vue de cenfurer fon adminiftration, lorfqu'il a parlé d'un plan d;amélioration générale qui êloigne d jamais l'idée de ces remedes empiriques triolens, dont il nefaut pas même rapeler le Jouvenir. 2 Décembre 1783. Extrait d'une lettre de Lille du 28 novembre Auffitót que Pon a ete infiruit ici de la nomination de M. de Calonne,notre compatriote & notreintendant, a la place de contröleur général, les magiftrats fe font affemblés, & ont nommé une députation de quatre de leurs membres pour aller le complimenter. v 2 Décembre 1783. On attend avec impatience le difcours que M. Bourboulon a prononcé dans 1'aiTemblée desadminiftrateurs&aétionnaires de Ia caiffe d'efcompte le quatorze du mois dernier, trouvé fi bon & fi fatisfaifant pour les deux- partis, qu'il fut décidé unanimement de le faire imprimer. L'affemblée étoit compofée de foixantequinze votans, & c'eft a la pluralité de cinquante-deux contre vingt-trois qu'il fut décidé de créer de nouvelles aftions, qui feront accordées de préférence aux aótionnaires. Les onze commilTaires nommés pour faire les changemens que le régime de la caiffe exigeoit & drefier les régiemens faits, étoient Meffieurs Pabbé de Périgord, le comte de Narbonnes le comte de Choifeul-Gouffier, Muol, Martin, Panchaud, Franier, Inpredhion, Ril.  C 69 3 liet, Juliefl, la Noroye & Berenger. De ces onze, neuf ont été pris dans le parti oppofé a 1'adminiftration. II paroït que le roi retire k cette caiffe le commerce des piaftres. 2 Décembre 1783.. La première repréfentation de Didon, jouée hier, avoit attiré autant de monde que laplus brillante repréfentation du chevalier Gluck. Elle a eu un fuccès décidé; furtout par rapport au fecond acte, & la ville paroft s'accorder en cela avec la cour. L'admiration, au refte, s'eft portée uniquemènt fur la muüque; car le poëme eft des plus médiocres. M. Marmontel n'a fait que fuivre la tragédie de M. le Franc; il Pa feulement g&tée au dénoüment en le changeant & en faifant venir Enée après le combat, qui, ébranlé de nouveau par les prieres & les larmes de Ia reine, fe détermine enfin a partir fur 1'apparition de Pombre de fon pere lui intimantles derniers ordres du ciel. On feait que Virgile & le poëte tragique francois, malgré tout leur art, n'avoicnt pu fauver les défauts du róle du pieux Enée; le Poëte lyrique le rend encore plus foible & plus vil. On regarde eet ouvrage comme le meilleur de M. Piccini depuis qu'il travaille pour notre opera, paree que celui-ci eft le plus dans fon genre. II prête infiniment a Pexpreffion des paffions douces'öt tendres de fon chant. Les  ( 7o ) Hiorceaux d'éoergie qu'il exige ne font pas audeffus de fes forces, & doivent toujours participer en quelque forte du premier mode. ' II n'y a que le röle ó'Iarke qui auroit pu & du contrafter plus violemment & dans lequel aus11 le muficien a échoué. Mad de Saint-Huberti n'a pas peu contribué au fuccès de 1'ouvrage; elle a joué Didon avec un talent fupérieur; elle s'eft élevée audeffus d'elle-même; elle s'eft montrée non moins grande actrice qu'habile cantatrice, & fa voix extrêmement douce & touchante alloit a merveille a fon róle, un des plus intéreflans qu'il y ait au théatre. On a donné enfuite le ballet de la Chercheufe d'efprit, dans lequel Mlle Guimard a reparu la première fois depuis fa petite vérole,& a été également goótée du public. 3 Décembre 1783. M. le duc de chartres, qui a mis une ardeur finguliere è fuivre toutes les expériences de la machine aéroftatique, étoit monté a cheval au moment oü le char aérien s'eft élevé, «5c a fait tant de diligence en fuivant la direction du vent qu'il eft arrivé précifément comme Meffieurs Charles & Robert dreflbient le procés verbal de leur descente dans la machine aéroftatique même en préfence du curé du lieu, de deux de fes confrères des environs, & du fyndic de la paroisfe de Nefle. Le duc de Chartres a figrjé ce procés verbal  C 71 ) I avec le duc de Fitz-James qui 1'accompagnoit, I 1'a rapporté & 1'a envoyé au journal de Paris I dans la foirée; enforte que dès le lendemain deus décembre toute la capitale a été inftruite de Pévenement. On ne fcauroit rendre la fenfation qu'il caufe dans Paris;c'eft la matieredesconverfations depuis trois jours, & 1'on ne ceffe d'enparler. Le lendemain matin un monde immenfe fe rendit a la porte de M. Charles pour le félici. ter; il n'étoit pas encore de retour. Les pois. fardés Pont attendu jufqu'a cinq heures & demie du foir qu'il eft arrivé avec fon camarade, M. Robert le jeune, & il a recu les complimens, les bouquets & les lauriers de ce premier corps du peuple. Un peu repofé, M. Charles eft allé au palais royal pour remercier M. le duc de Chartres; M. le marquis de la Fayette 1'a conduit dans fon caroffe; le bruit de fa venue s'eft bientót répandu dans les environs; le peuple s'eft amaffé, & quand M. Charles eft redescendu, on eft allé le prendre jufque fur les escaliers, 1'enlever &l'on 1'a portéainfien triomphe au caroffe. Les plus enthouziaftes étoient même tentés de dételer les chevaux & de le reconduire chez lui a bras & a la maniere angloife, lorfqu'on leur a obfervé que c'étoit la voiture de M. de la Fayette. A huit heures du foir, le globe auquel il n'eft arrivé aucune efpece d'accident, après  C 7» ) avoir été vidé & ployé eft rentré dans Paris dans une forte de triomphe auffi; on a alluraé des flambeaux dans le fauxbourg Saint-Denis, & 1'on 1'a reconduit ainfi aux acclamations de la populace, jufqu'a la place des victoires, derneure de M, Charles. 3 Décembre 1783. La fameufe Mad. Gourdan, appelée la petite Comteffe, a Ia cour ofi tout fe point en beau, a péri il y a quelques jours d'une mort prcfque fubite & violente. Le foir ou elle 'eft tombée malade, elle fortoit de fouper «Sc 1'on préfume qu'elle pourroit bien avoir été empoifonnée. Les rapports qu'avoit cette apparcilleufe avec ce qu'il y a de plus grand, la mettoient dans le cas de fe faire beaucoup d'amis & d'ennemis: il y a une émulation parmi les femmes de fon efpece pour fuccéder a fa dignité de furintendante des plaifirs de la ville «5c de la cour, quelque péreilleufe qu'elle foit. On a mis les fccllés chez elle & par fuite a fa maifon de plaifance a Villiers-le-Bel; quand ils feront levés on fcaura li elle laiffe unefucceffion auffi confidérable qu'on le préfume. 4 Décembre 1783. Le procédé de M. Charles pour monter & defcendré a volonté avec fa machine aéroftatique, eft bien fimple, II lefte fa gendole de faeon a la mettre en équilibre avec le balon. Quand il veut s'élever il jette de fon lefte, & la machine monte, venu a la hauteur qu'il defire refter, il y a un robinet a fon balon qu'il ouvre & il lache de Pair'  C 73 ) 1'air infiammable, jufqu'a ce qu'il fe trouve de nouveau en équilibre; alors il plane au gré du vent. Veut-il defcendre? II ouvre de nouveau le robinet, & fa gondole fe trouvant plus pefante que le balon I'enrraine vers la terre. M. Charles rapporte qu'a fon départ de la prairie de Nefle, étant monté avec une légereté fpécifique évaluée è environ 125 livres, il s'eft élevé avec une viteffe, celle qu'en dix minutes, il parvinr. a une hauteur ou le barometre, de 28 pouces 4 lignes qu'il étoit a terre, a defcendu a 18 pouces 10 lignes, ce qui par évaluation, fait a peu prés 1524 troifes; de fon cóté, le thermometre, qui marquoit a terre fept degrés & demi au deffus de O, eft defcendu dans eet intervalle a 5 degrés au desfous de zero, terme de la glacé; enforte qu'en dix minutes il a paffé de la température du printems a celle de 1'hyver. Cette traofition prefque fubite de 12 degrés ne lui a faitéprou-ver d'autre fenfation que celle d'un froid trésfee & par conféquent moins infupportable. 4 Décembre 1783. On a oublié de dire qua le vjngt-fept du mois dernier tous les membres de 1'académie francoife ayant été convoqués pour élire le fucceffeur de M. è'Alembert a la place de fecrétaire perpétuel de Ia Compagnie, le choix eft tombé fur M. Marmontel. De 21 voix il en a eu 15; les autres iixétoient en faveur de M. Suard, fon concurrent. 5 Décembre 1783. M. Franklin n'a pas été Tomé XXIV. D  C 74 ) un des moins emprefl'és a voir & fuivre dans rout fon développement 1'expérience de M. Charles. Ench3nté de ce qu'il cbfervoit, il s'eft écrié que le premier balon étoit un enfant, mais celui-ci un géant. 11 a dit encore, que la machine aéroftatique étoit un enfant dontM. de Montgolfier étoit le pere & M. Charles la mere nourrice. 5 Décembre 1783. On affure que le roi a été fi enchanté de Mad. Saint Huberti dans le róle de Didon, qu'elle a joué k Fontainebleau, que fa Majefté lui a fait donner fur le champ une penfion de fix cents livres. 6 Décembre 1783. La faculté de médecine s'eft affemblée le mardi deux de ce mois pour entendre le rapport de fes commiffaires concernant le traitement des épileptiques par le fieur Le Dru, dans le nouvel höpital que le gouvernement lui a accordé aux célcftins. II paroit qu'il y a fciffion entre ces commis' faires; que les treize demiers n'ont point vu du même ceil eet établiffement que les fept an» ciens, qu'ils n'ont trouvé aucune guérifon réelle de la part du Sieur le Dra, & qu'ils ne regardent que comme charlatanerie, preftige, tours de gibeciere tout ce qu'a fait jufqu'a préfent cec Efculape, toujours Comus la comme aux boulevards. Le rapport de ces dodteurs a tellemeut ébranlé les autres, que 1'on a fufpendu le brevet de pbyficien de la faculté qu'on devoit accorder  ( 75 ) j au fieUPfe Dm, Sc qu'on a arrétéd'écrireauroi pour inftruire fa Majefté qu'on a furpris fa rehgion par le récit de cures faulTes ou crès-itnparfaites. 7 Décembre i783. Le comte de Malderé n a pas manqué de répondre au mémoire rerms par le comte de Camache au maréchai duc de Biron, par un autre mémoire mieux digéré & plus clair. On y apprend que, fous les nufpices du ma. récha due de Biron, & a la follieitation de Ia familie & des parens du comte de Gamache ila été accepté par le comte de Malderé une tranfadtion fuivant laquelle la créance de i,,onn liv. que le comte de Gamache répétoit contre fon debiteur a été réduite a une fomme de 2, 105 hv, payable en trois termes égaux dont e premier écheroit une année après la ceffaion des hoftilités entre la France & I'Angleterre ainfi d'année en année. C'eft donc au v,W janvier prochain feulement que M, de Malde ré feta obbgé de tenir fon prémier engagement." jufque-la fon créancier n'a rien a lui demander Cette tranfaétion, fignée entre les parties Ie ymgt-fix .Février i7«0f ratifiée parlecomte& ia comteffe de Gamache Ie 13 mars fuivant n éte homologuée en juftice par un arrét de décharge a Pamiable du fis Pptembre de Ia mê<" me année, fuivant lequel leur décret de prife ae corps a été annullé; ce qui leur a permis dc reparoitre en füretë a Paris. JJ 2  ( 76 ) A 1'cgard des allégations relatives au Saint). Efprit de diamant, le comte de Malderé, repréfcnte au maréchai duc de Biron, que toutes les accufations de fon adverfaire qui enerche a s'innocenter & a 1'inculper, ne font que des répétitions de ce qui a été plaidé h la tournelle, fans aucun égard de la part des juges qui les ont rejetées comme autant d'injures & d'affertions fauffes. Enfin, M. de Malderé obferve que le comte de Gamache, qui dans le fond n'a rien a voir aux arrangemens d'affaires que peut prendrele comte de Malderé par Ia vente de fes biens en tout ou en partie, en impofe même a eet égard au maréchai, puifqu'il en étoit prévenu lprs de la tranfaction & y avoit mis oppofition prés de deux ans avant. , . , Ce Mémoire répandu dans le regiment des eardes a fatisfait les camarades du comte de Malderé, & 1'on attend Ia réplique du comte de Gamache, qui ne peut refter en arnere fans fe faire un grand tort dans le monde , oh cette nouvelle conteftation fait bruit de plus en plus. 7 Décembre «783- Une comédie nouvelle h arietes en deux actes a été jouée hier aux italiens. Le nom des auteurs rendoit ce fpecSe fort intéreffant; celui des paroles_ eft M Piccmi le fils, & le muficien M Prcctm le oere Le titrc de 1'ouvrage eü le faux Lord Le poëme reffemblc beaucoup aux opera bouffés ou il n'y a pas le fens commun dans Ie  ( 11 ) plan, 1'intwjgae & la conduite. On voit auffi que le muficien n'a pas attaché une grande prétention a fon travail, & que s'il y a des chofes charmantes, c'eft qu'il ne peut rien compofer de mauvais. Du refte, rien de plus fuivi &qui caraétérife des motifs, en termes de Part, bien marqués ,exécutës d'une facon analogue a fintention du poëte. La piece a été recue avec indulgence relativement è 1'un des auteurs, & avec une fortede vénération filencieufe relativement a 1'autre; mais cela ne peut aller loin. 7 Décembre 1783. Les fêtes pour la paix, qui devoient avoir lieu aujourd'hui ,font retardées par ordre fupérieur, & fans doute relativement a la mort de Mademoijelle. 8 Décembre 1783. Nous fommes dans le flecle des merveilles. Un horloger qui ne dit point fon nom, mais qu'on affure réfider acenc lieues de Ja capitale, fe fait fort de traverfer la riviere de Seine entre le Pont ■ Neuf & le Pont-Royal 'a fleur d'eau & avec afl'ez de viteffe pour qu'un cheval qui partira en.même tems que lui au grand trot d'une extrémité du du Pont-Neuf n'arrive pas avant lui a la rive oppofée. ,. i P°ur qu'il faffe cette expérience, i] demande a trouver deux cents louis è la rive oppofée de la Seine après la première traverfée; qette fomme eft pour le dédommager des frai's de voyage, de fon féjour a Paris, ik de Ja per»3  C 78 ) te de tems qu'il éprouvera : i! confent, fi , au jugemeot des commiffaires nommés, il n'a pas rempli toutes les conditions du pari, de n'en rien toucher. II indique le premier Janvier 1784 pour Ie jour de Pexpérience, qui fera remife fi Ia 1 iviere eft prife, ou qu'il falie un brouillard épais. 8 Décembre 1783. On continue k s'.entretenir avec le même enthoufiafme de la courfe aérienne de Meffieurs Charles & Robert. On voudroit qu'ils fuffent récompenfés par quelque marqué honorifique, & chacun affigne la distin&ion qu'il lui defireroit, ce qui a faicnaftr'e le madrigal fuivant. - 1 Vraiment chacun s'embarrafle d'hrnorer Charles en ces üeux; Sans nous il a marqué fa phce Entre les hommes & les dieux. 8 Décembre 1783. M. Le marquis de Bievre, ayant abandonné les hoft'oraircs des repréfentations &. de 1'impreffion de la comédie du Sidutieur, récompenfe eftimée un objet d'environ dix mille francs, au Sieür Molé qui y.joue le principal röle & le fait beaucoup valoir; celui-ci obuent tous les arrangemens poffibles de fes camarades afin qu'il n'y ait aucune repréfentation médiocre, foit en avaneaot, foit en reculant, foit en changeant le jour de cbacuae. Du refte, il eft aux petits foins auprès  C 79 ) de 1'auteur, afin de fiatter fon amour - propre & le laifler de plus en plus perfuadé de Pengoüment du public. C'eft ainfi qu'il lui difoit 1'autre jour, après avoir joué : Je luis bien fiché, Monfieur le marquis, de n'avoir pas fait remettre cette repréfentation a une autre fois; je n'ai pas été content de moi; je crains d'avoir Effqiblimon róle; car j'étois enrhumé.Tant mieux lui a répondu le marquis toujours calembourifte; vous n'avez jamais fi bien joué; c'eft Vefprit du róle. 9 Décembre 1783. Monfieur Charles eft allé mercredi trois décembre rendre compte de fon voyage aérien a Pacadémie des fciences. II y a caufé la fenfation la plus vivej ainfi que M de Montgolfier qui 1'accompagnoit. M. lepréfident Saron, qui préfidoit la compagnie, les a fait asfeoir a cóté de lui. M. de Montgolfier, comme Pmventeur, a eu la place d'honneur. M. le préfident avoit le projet formé avec quelques académiciens cnthoufiafles de nommer ces meffieurs par acclamation &■ fans tirer a conféquence, affociés furnumérairts Quand ils ont été fortis, M. Meffier a ouvcrt favis • mais il n'a pas étéfecondé: les rigoriftcs, ou plutót les jaloux, les envieux ont prétendu que la compagnie n'avoit pas ce droit; que c'étoit Q un trop dangereux exemple. On s'eft con tenté de remettre a chacun de ces Meffieurs deux jetons, comme aux académiciens, & il a ete arrêté d'en envoyer auffi è Meffieurs Pa. D 4  ( 80 ) bert, & M. Pildtre de Rozier & au marquis d' Arlunde. C'eft a quoi fe réduifent jufqu'a préfenttous les honneurs & toutes les récompenfes accordées a des hommes qui, après avoir offert a la nation le plus beau fpedtacle de 1'univers, après avoir entraïné a leur fuite les grands feigneurs, les princes du fang , les voyant planer avec admiration au deffus de leur tête, & ne pouvant égaler leur marche fur leurs rapides courfiers, font revenus mefquinementa Paris par la diligence le lendemain de leur triomphe: perfonne de ces illuftres enthoufiaftes n'a daigné leur envoyer un équipage pour les ramener. 10 Décembre 1783. Le procés intenté aux coreédiens italiens par les frangois a 1'occafion de la repréfentation de Gabrklle d'Eftrées, eft fondé fur les lettres patentes du 31 mars 1780, enregiftrées au parlement le premier mai fui-> ' vant, qui, en rétablilTant les premiers dans le droit auquel ils avoient renoncé de jouer des comédies frangoifes, leur interdifent la faculté de jouer.des tragédies; encore plus unetragédie deja placée fur le répertoire. Ils déclarent s'embarraffer peu de celle de M. de Sauvigny dont ils ne font pas grand cas; mais ils ont mtérêt d'empêcher cette ufurpation, d'une exemoie funefte. Les comédiens italiens répondent qu il ne leur elt point défendu de jouer des drames; qu'ils.  C si ) qu'ils en ont déja repréfenté plufjeurs fans aucune réclamation de leurs adverfaires, & que Gabrielle d'Ejlrées, au moycn des changemens da 1'auteur, en eft devenu un. Quant a la poffeffion que les franqois voudroient faire valoir, M. de Sauvigny prétend que, dégagé par Partiele premier del'arrêtdu CöHleil du g décembre 1780, des engagemens qu'il'avoit pris avec eux, il n'a pas voulu en contracler de nouveaux. Si la conteftation dure, il faudra que le conftil des dépêches prononce deffus. 10 Décembre 1783- On parle beaucoup d'un duel entre M. de Chabannes & M. de Lefcuret duel très-caraclérifé, puifqu'il y a eu des témoins choifis de part & d'autre. On dit le premier bleffé trés - dangereufement. II paroit que le jeu en eft la caufe; mais on n'a pas tiré encore parfaitement au clair cette avanture. ro Décembre 1783. Extrait d'une lettre de Hennes du 7 décembre II ne pouvoif nous arriver rien de plus heureux que la retraite de M. Amelot: encore alarmé des troublesdes derniers états, mal appaifés & prêts h rena.itre plus violens que jamais 1'année prochaine il avoit envie de fe mettre cette épinehors0 du pied , & nous fcavons, trés pofitivement, que de concert avec M. d'Orme[Jon & le garde des feeaux, il y avoit un édit tout prêt de fuppreffion , réduifant la Bretagne en fimple généralité h 1'inflar des autres provinces. D 5  C 82 ) Vous ne cr.oiriez pas quec'efl M. de Calonn» que nous regardions comme Pennemi juré des Bretons, quj g paré Ie coup> £n quoj .| a é parfanement fecondé depuis par Ie baron de Breteuil. Nos chefs font aujourd'hui tres - bien avec Ie controleur général ; il avoit d'abord quelque défiance de M. le comte de la ^fo. fais-, le préfident de Ia nobleffe, dont on lui avoit rapporté des propós; mais ils ont eu une explication,- ils font très-bien enfemble; le comte a dïné chez le miniftre, qui paroit disnofé a écouter la raifon , a fecoun'r cette malheureufe province trop Iongtems opprimée & a lui rendre fon ancienne profpérité. Voila ce que vous n'auriez jamais imaginé. M. de Calonne en convenant que Meffieurs de Caradeuc ont a fe p'laiodre de lui, prétend que Pon a exagéré fes torts envers eux & que, s'il pouvoit avoir une demi-beure d'explication avec M. de la Chahtais, il Ie feroit revenir fur fon compte. Nos chefs font fi convaincus de Ia bonna volonté aöuelle de M. de Calonne, qu'ilsavoient engagé* M. de Caradeuc è Ie prévenir, non par aucune demarche baffe, mais comme néceffité par fa place de procureur gécéral a correfpondre avec lui & k Pinftruire de Pétat malheureux de ïa province. Ce Magiflxat, malheureufement borné, n'a pas fenti le bien qui auroit réfulté de cette réunion, & s'y eft refufé; nous fcavons que M. de Calonne de fa part y étoit très-difpofé & a les larmes aas  C 83 ) yeux toutes les fois 'qu'il en paiiè. La fuite nous fera voir fi c'eft une comédie, ou s'il eft enthoufiafte de gloire. 10 Décembre 1783. M. Linguet annonce dans un nouveau Profpecïus, que les obftacles qui ont fufpendu la libre circulation de fes annales en Fran'ce font levés; il perfifre dans fa révocation du Sleur le Quefne pour agent & lui a fubflitué un M. de Montbines. Son objet eft toujours de combattre avec courage les erreurs nuifibles; de traiter avec circonfpeftion les vérités déücates ; de rapeler fans ceffe le public au refpeót pour les mceurs, la religion & les loix ; de réclamer contre le goüt dépravé qui s'eft güffé dans la littérature, dans la morale, & qui, par les fpéculations d'une théorie prétendue philofophique, a corrompu les vrais principes en tout genre. Du refte , une fortie violente contre les contrefacteurs; il en exi'fte a Bruxelles, a Avi d'intervenir dans certe affaire h- caufe du rombat fingulier. II a fait comparoir les deux  C 89 ) cbampions, les a obligés de fe rapprocher, de s'embraffer & de promettre , fuivant la formule ufitée, de nedonneraucunefuite è laquerelle. Quant au fond de la contefiation, il a été fait un arrangement entre Meffieurs de Chabanne & de Lefcure qu'on ignore, & fur lequel ils font réciproquement convenus de garder le fiience. 14 Décembre 1783. L'enthoufiafme caufé par le voyage aérien de Meffieurs Charles & Robert ne finit pas Ce qui flatte furtout la nation en cette découverte, c'eft de précéder nos voifins, cette nation rivale en tout dans les fciences comme dans la guerre: un plaifant a compofé a ce fujet Ie quatrain fuivant. Les Anglois, nation trop fiere, S'arrogent 1'einpire des mers, Les Francois, nation légere, S'emparent de celui des airs. 15 Décembre 1783. Les fêtes pour la paix remifes plufieurs fois, ont enfin eu lieu hier. II n'y avoit rien de remarquable que le Te deum & la halle au bied convertie en falie de bal pour Ie peuple. Pour rendre le premier plus impofant, on a déja dit que Meffieurs de Notre - Dame avoient imaginé de joindre a leur mufique ordinaire la niufique militaire des gardes francoifes. 11 n en a rélulté qu'une difcordance épouvantable a faire fuir toutes les oreilles un peu delicates; le  ( 90 ) chariveri a encore été augïnenté par Ie peuple exclu jufque-la de 1'Eglife durant la cérémonie , & qu'on avoit arrêté de laiffer entrer en foule, afin de rendre les chceurs plus bruyans. Quant au fpectacle de la halle, il étoit fuperbe & vraiment neuf. On a déja décrit cette rotonde très-vafte & de 120 pieds de diametre. Meffieurs le Grand & Molines, constructeurs de la coupole, avoient eu la liberté d'en décorer & illuminer 1'enceinte a leur gré, ils 1'avoient fait d'une maniere fimple ókconvenable au genre des acteurs auxquels la falie de bal étoit deftinée. Le lufire fufpendu h la lanterne de la coupole, a produit le meilleur effet, & méritoitfeul d'attirer 1'attention des curieux 11 eft de neuf pieds de diamettre fur quinze pieds de haut & de forme conique: il eft furmonté d'une couronne royale de cinq pieds de diametre. II pefe un millier. II porte 144 réverberes, en tout cinq cents lumieres Partie de ces lumieres réfléchie par des miroirs horifontaux & argentés procuroit une clarté douce & brillante, fans fatiguer la vue; le furplus étoit divifé en verres 'de couleurs différentes fervant d'ornement a la couronne, dont 1'eflet a paru obtenir tous les fuffrages. Ce luftre eft de 1'invention de M. Tourtille. Saugrin, entrepreneur de 1'illumination de Paris. Comme 1'enceince d'en ■ bas étoit uniquement deftinée au peuple,. on avoit ménagé en haut  C 91 ) des galeries pour en procurer le fpecTacle aux gens de Ia cour & de Ia ville; on n'y entroit que par billets , & il falloit circuler fans refter. La multiplicité des débouchés, la marche pres. crite aux voitures, les entrees, les forties'indiquées ont fait régner le plus grand ordre en ce lieu. Quiinze cents perfonnes ont pu jouir a la fois du coup 1'ceil de Pillumination, & ce nombre fe renouveler continuellement. On a critiqué une feule chofe, c'eft d'avoir laiffé les facs de farine dans une partie de Ia doublé galerie circulaire qui précede Penceinte intérieure. Quoique ces marchandifes ne nuififlent pas abfolument au fpettacle, & a la circulation, celle-ei auroit été beaucoup plus libre, & celui-la plus impofant, fi en éclairant eet entour, on eüt encore ménagé au peuple plus d'efpace pour fe promener, pour danfer, pour fe livrer a toutes fes folies, & la foule auroit pu être doublé r.c'eftalors qu'on auroit pu véritablemenc dire que cettefêtefuggéroit quelque idéé de celles qae Rome donnoit au peuple. 15 décembre 1783. L'académie des fciences a enfin rougi de n'avoir pas mieux reconnu le mérite de M. Mongolfier: dans fon aflemblée du mercredi huit, elle 1'a élu pour fon correspondant. Elle a dérogé en fa faveur a 1'ufage de ne faire ce choix qu'a une feule époque, qui eft le mois d'aoüt. 16 Licsmbre. 1783. On fe donne clandeftine. ment une facétie, intkulée Bibliotheque de la  C 92 ) cour, On connoft cette forme de fatire indirecte, qui fe renouvelle de tems en tems & peut être trés-piquante, lorfqu'elle eft bien faite. On peint ainfi un perfonnage d'un trait oh 1'ön revele un anecdote fcandaleufe. Dans la feuille aétuelle, qui n'eft que manufcrite, on paffe en revue quantité de feigneurs & de femmes de qualité; des princes même & princeffes: il y a des articles qui ne manquent pas de fel; il y en a d'obfcurs & d'inintelligibles, ce qui arrivé prefque toujours, paree que chacun s'en mêle & veut y ajouter du fien. II feroit a defirer que cette feuille fut imprimée, afin de oonftater I'original véritable. 16 Décembre 1783. La première repréfentation de la tragédie des Brames a eu lieu hier. Lefujet, tout-ür- fait fabuleux, eft 1'inverfe du fujet de Mélanie du même auteur» Ici c'eft un pere qui veut forcer fa fille a fe faire religieufe malgré elle; la c'eft un jeune prince qui renonce au tróne & quitte le palais de fon pere fecrettement pour s'initier aux myfteres des Brames. On voit que ce début n'eft pas fort tragique; mais le prince devient, en la voyant, amoureux de la fille du grand-prétre1, & veut 1'époufer. Voila unepaffion quirentre dans le genre; cependant elle n'eft que fecondaire & pêche contre les principes des grands maftres qui n'admettent 1'amoür en tragédie qu'autant qu'il y joue le principal róle. Le monarque apprend la retraite du jeune prince; ilpré-  C P3 ) tend 1'en arracher ainfi qu a fon indigneamour : il le trouve inébranlable, & fe réfout a détruire les Brames, qu'il regarde comme les féducteurs de fon fils. Tout cela eft encore peu intéreflant. Le jeune prince ne voic d'autre reffourceque d'exciter h la révolte une nation voifine qu'il fait y être difpofée; il fe met a la tête des troupes, & va combattre fon pere malgré le pontife qui cherche a le détourner de ce crime; belle fcene, mais qui manque fon effet fur le fpeclateur, paree qu'elle n'en produit aucun fur le fils rebele: il devient tout-a coup un grand général; il met en fuite les troupes aguerries de 1'empereur, & celui-ci dans fa fureur étouffant toute fa tendreffe paternelle, cherche ce héros pour en öter 1'appui a fes ennemis. Le jeune prince, forcé de fe défendre contre fon pere, met les armes bas & fe rend prifonnier, fituation embarraffante dont le poëte fe tire fort mal en ramenant dans eet état le pere & Ie fils fur la fcene. Le premier eft confirmé de plus en plus dans fes projets deftructeurs contre les brames, lorfque leur chef lui montre qu'ils ne craignent rien & feavent braver la mort. Ici le temple s'ouvre, & 1'on voit un bücher oh ils font prêts a fe jeter plutót que de renoncer a leur religion & d'embraffer le mahométifme que leur propofe 1'empereur pour alternative Avant le grand prêtre tente un dernier effort pout ébranler le tyran, en lui  C 04 ) peignant tous les maux qui vont fuivre fon acte de cruauté, tous ceux qu'il fe prépare a luimême, & furtout les remords dont il fera dé. voré; il. réuffit: 1'empereur renonce a fa vengeance; il laiffe fon fils parmi les brames & confent au mariage. Par ce court expofé, il eft aifé de juger combien cette piece efl vicieufe au fond; peu d'a&ion & beaucoup de morale , en voila le réfultat. Au refte, elle n'eft point fans mérite. La marche en eft affez fimple, la verfification loignée, & il y a eu beaucoup de tirades applaudies. Le quatrieme adte eft le plus beau. Cette tragédie a été fort mal jouée. Le fieur Molé, repréfentant Ie fils, avoit Pair d'un énergumene; le fieur Brizard, chargé du róle du pontife, pour y mettre de la chaleur, a tellement outré, forcé fa voix qu'on ne 1'entendoit plus; & la Demoifelle Sainval, qui jouoit Paman te, faifoit des grimaces de poffédée. Le Sieur Fan Hove, dans le perfonnage du tyran, a beaucoup mieux réuffi; c'eft le feul qui ait bien pris 1'efprit de fon róle. 17 Décembre 1783. Tout fe difpofe pour 1'expérience du moderne- Saint Pierre qui 'va marcher fur les eaux fans enfoncer. La fouscription eft déja prefque remplie. Son moyen eft une paire de fabotsélaftiques, diftans 1'un de Pautre dj la grandeur d'un pas ordinaire, & fixés par une barre comme deux boulets ramés. Chaque fabot eft long d'un  ( 95 ) • pied; il aura fept pouces de hautèur furpareiile largeur. Tel eft 1'appareil qu'il annonce & > avec lequel il allure pouvoir répéter cinquante fois par heure la même merveille. Peut-être aura - t-il encore a chaque main une forte vesfie bien enflée. On confirme que c'eft un horloger, & qu'il eft de Lyon, ou 1'on ajoute qu'il s'eft effayé avec fuccès. 17 Décembre 178^. Extrait d'une lettre de 'Londres du 8 décembre Mon premier foin en arrivant dans 'cette ville a été de vifiter le fameux M. Linguet: je 1'ai trouvé trés • bien remonté dans fes affaires ; maifon de ville & de compagne, caroffe, table ouverte. On m'a asfuré qu'il confeffoic avoir 18 ,000 liv. de rentes viageres & bien placées en France. II compte s'en faire encore autant; après quoi, il renoncera, s'il peut, au métier d'Ariftarque. jugez qu'elle fortune il auroit fait fans 1'épifode de la baftille dans fa vie & fans les fripomeries du Sieur le Que/ne, contre lequel il déclame toujours. Comme M. Linguet ne craint point ici Panimadverüon de M. 1'archevêque de Malines & les clabauderies des curés flamands, il eft retourné a fon vieux pêché & vit en adultere pu. Sblïc avec cette femme qui a quitté, pour le fuivre, fon commerce, fon mari & fes enfans. Elle fait les honneurs de fa table, Ce genre de vie ne s'accorde pas trop avec Ie refpeót. des mceurs qu'il annonce dans fon journal, mais  C 95 ) agir & écrire font deux chofes; il répondra comme les prédicateurs: Suivez ce que je dis & non ce je fais. Au rede, il eft enforcelé par cette femme qui n'a rien d'atrayant: c'eft le fort des gens d'efprit d'être menés par des bêtes. M. Linguet, comme vous penfez bien, ne voit pas la meilleure compagnie de Londres; & ce n'eft pas ce qu'il cherche: il aime è primer & a être adulé. Les Fnincois refugiés font le fonds de fa fociété, & vous favez que ce ne font pas les plus honnétes. Les gens a talens, les chanteufes, les auteurs expatriés, difpofés a fervir fous fes bannierés, font très-bien venus. II a obtenu de faire pafferfesfeuillesenFrance, & il va enfin s'aquitter avec fes fouscripteurs; cependant les trois numero qui comprennent la relation de fon féjour a la Baftille feront fupprimés, & on a exigé quelques cartons dans d'autres. C'eft un abbé Lourdet, qui eft nommé fon cenfeur. Pour foutenir fon journal, M. Linguet avoit grand befoin de ce débouché. Les étrangers 1'accueillent peu , & il n'a rien de bien intéreffant pour eux:je nefcais fi les nationaux en feront fort engoués aujourd'hui-; il manque de bons co'rrefpondans; il a perdu la carte, & eft obligé de refiafferles gazettes & journaux qu'il fait venir de fa patrie .... Je crois qu'il auroit mieux fait de renoncer h cette tache & de compoferquelque ouvrage fuivi qu'il auroit fait paffera lafoisencontrebandejcar le fruit défendua bien plus de goüt. 18 Dkembre  C 97 ) M. Faujas de SainuFond eft un intrigant, demi- fcavant, qui, ne pon van t avoir d'exiftence : par lui-même, cherche a fe hanter fur la célébrité des autres; c'eft ainfi que, fous prétexte I de former des ioufcriptions, de faire frapper des médailles, ériger des monumens, il a voulu faire croire qu'il avoit quelque part aux découvertes de Meffieurs de Montgolfier, Charles, Robert; mais ce n'eft que la mouche du coche, qu'un rapfodifte, qui a recueilli dans une brochure ennuycufe, tout ce qui a été die, écrit & fait fur les ballons, fans y rien ajouter du fien. II a même un efprit de dénigrement & de tracafferie auquel on a.attribué la brouillerie entre Meffieurs de Montgolfier & Charles, &qui 1'a fait depuis rejeter des deux partis. II s'attribue. aujourd'hui la découverte de Ia pouffolane en France, fubftance utile a pluGeurs arts, & furtout trés - précieufe pour 1'architefture, qu'on faifoit venir jufqu'a préfenc d'ltalie; en conféquence, par un arrêt du confeil du vingt-trois aoüt dernicr, il s'eft fait accorder, a titre d'inventeur, la franchife des poulTolanes, dont il entreprendra lecommerce. M. Defmurejl, membre de de I'académie des fciences, lui contefte cette découverte. ' Tl asfure 1'avoir faite en Auvergne dès 1764 parmi des matieres volcaniques annoncées déja depuis quelques années par M. Guettard fon confrère, & cite en témoignage M. le duc de la Rochefoucault, qui, dans une lettre imprimée, lui Tomé. XXIV, E  C 98 ) rend la-deiTus une juflicecomplette,&rappor»e en preuves plufieurs faits. M. Defmureft dès ce tems la avoit drefle une carte détaillee des Volcans éteints dans 1'Auvergne & y faifoit 1'énumération des matieres volcaniques qu'il y avoit reconnues & notamment des poulTolanes dont il faifok fentir 1'utilité. Ce travail, retardé par beaucoupd'obItacles, va paroitre enfin, 18 Décembre 1783. Les entrepreneurs du Journal Général de France, appelé vulgairement Petites Affiches, non contents d'avoir donné un rival au journal de Paris dans" 1'abbé Aubert qui les dirige, & s'eft aflimilé a cedernier en embraflant les mêmes matieres que lui & en fe produifant auffi tous les jours, appellent- au« jourd'hui a leur fecours une feuille qui dépend auffi d'eux & étoit connue fous le nom d'Affiches de Provinces. Celle ci, rédigée par 1'abbé de Fontenay, digne Succeffeur de M. Meunier de Querlon, qui le premier 1'avoit entreprife, ne paroiffoit qu'une fois par femaine, A Commeneer du \6 de ce mois, elle va fe publier trois fois, & comme elle n'eft pasafireinteaux mêmes détails minutieux & journaliers que les petites affiches, elle embrafiera les matieres de goüt, de littérature & des fciences avec plus d'étendue. ( , II paroit auffi qu'au moyen de la reunionfaite avec cette feuille de ia Gazelle & du Journal d'agriculture, cominerce, arts tffinances,e\\e:  ( 99 ) comprendra les matieres traitées dans ces deux ouvrages. Elle portera fpécialement le titre a Yinftar des petites affiches dont elle fera comme le fupplément, de Journal généralde Frame, io Décembre 1783 M. de la Harpe, comp. tant trop fur le fuccès apparent de fa tragédie le premier jour, a négligé de faire ufage a la ftconde repréfentation des renfort* puiffans qu'y jettent ordinaireraent depuis quelque tems les auteurs adroits, & par une défaveur fingu. liere, la falie s'eft trouvée tellement vuide, ■ qu'il a cru prudent de retirer fa piece pour* 1'empêeher de tomber abfolument dans les regles. C'eft ce qu'il annonce dans une lettre inférée au Journal de Paris. oii faifant bonne contenance, & ne parlant que du premier jour fans doute, il remercie le public des aplaudisfemens dont il 1'a honoré. On n'a pas manqué de faire un calembour oh réuniffant la doublé circonftance du fuccès' de M. le marquis de Bievre & de la chu'te de M. de la Harpe, on dit: le SéduSteur réufjit • les bras me tombent (les brames tombent ) 19 Décembre 1783. II y a quelques jours que M. d Angiviller.a écrit a M. Charles que S M avoit réfolu de faire établir un obélifque au mibeu du baffin des Tuilleries pour perpétuer Ia mémoire du point du départ de fa courfe aénenne fi heureufement fournie le premier de ce mois. 20 Décembre 1783. Extrait d'une lettred'Aix E 2 '  du 10 décembre.... Hier onze de ce mois les états de Provence ont délibéré par acclamation, de décerner une médaille au Bailli de Suffren pour lui témoigner par un monument durable, les fentimens qu'infpirent a fa patrie fes fuccès & fa gloire. Cela ne pourra fe faire fans 1'ajj^ probation du Roi. 20 Décembre 1783. Outre 1'obélifque aélever aux Tuilleries dont eft chargé le comte d'Angi-. viller, le roi a ordonné au baron de Breteuil, miniftre & fecrétaire d'état, de faire frapperune médaille propre a faire connoitre en même tems 1'époque & les auteurs de la découverte de la machine aéroftatique, & fans doute c'eft Pacadémie des belles lettres qui fera confultée a eet égard. 21 Décembre 1783. C'eft M. Sage qui, a diner chez M. le comte de Paudreuil, dans Pentboufiafme général ou tout le monde parloit du voyage aérïen de M. Charles, ouvrit 1'idée de conftater cette merveille par un monument éle- . vé au lieu du départ de la machine. M. de Vaudreuil 1'adopta; pria M. Sage d'en parler h que'que membre de Pacadémie d'architefture. Celui-ci confulta M. Antoine qui lui fit une esquiffe très-fimple oh il figuroit une colonne appuvée fur quatre- tortües, emblême de la lentem- des progrès des fciences & terminée par la repréfentation en reliëf du char & du globe prêts è s'élancer. Du refte , la colonne devoic être chargée des inferiptions hiftoriques de la découverte,  101 ) M. Ie comte de Vaudreuil enchanté, fit v-oir ce deffin au roi, qui n'en fut pas moins content, & ie remit a M. d'Angiviller. Ce directeur général des batimens, piqué d'avoirété devancé, fous prétexte qu'il falloit mürircette idéé & qu'il feroit bon de confulter Pacadémie , a tout fait changer depuis. Sur ce mot équivoque d'académie, il a exclu celle d'architedture, qu'il n'aime pas, & n'en a parlé qu'a Pacadémie de peinture & de fculpture. II a chargé quatre fculpteurs de lui donner des projets:ce font MeffieursPajou, GcfyMonchy &.julien.Voüh oh en-font les chofes. 21 Décembre 1783. Extrait d'une lettre de Nanci du 14 décembre La fociété royale de cette ville, dansfonaflembléepubliquede cette année, a propofé pour un prix extraordinaire, qu'elle adjugera le huit mai 1784, le fujet fuivant: „ Compofer une infeription pour „ être mife fur Ia nouvelle porte que Pon cons„ truit actuellement dans cette ville & quifera „ nommée La Porte Stainvüle." Cetteinfcription écrite en francois ou en latin, en vers ou en profe, doit rappeler la naiffance de Monfeigneur le Dauphin, 1'heureux événement de la paix, & confacrer a fa mémoire la reconnoiffance de la Lorraine & de facapitale, pour les importans fervices que M. le maréchai de Stainvüle ne ceffe de leur rendre. Ce fera- une grande adulation & un monument bien glorie ux aux Choifeuls. E3  C IC2 ) 21 Décembre 1783. II parott conftant atfjourd'hui qu'on a miftifié les journaliftes de Paris , & que le prétendu horloger de Lyon devanc pafier la Seine a pied fee eft un être idéal. On attribue cette plaifanterie a un M. de Combles, facétieux perfopnage. 22 Décembre 1783. On regarde la plaifanterie de M. de Combles comme pouvant être d'autant plus funefte pour lui, qu'en fe jouant des journaliftes, il s'eft joué fucceffivement d'une foule d'amateurs diftingués, qui avoient foufcrit & dont les noms font confignés au journal de Paris. Entre ceux-ci fe trouve une fociété de Verfailles pour 1080 liv. 11 paffe pour conftant que cette fociété n'eft autre que la familie royale, & que c'eft Monfieur, prince ami des fciences & des arts, qui avoit excité fes auguftes parens a 1'imiter. A cette foufcription envoyée anonimement étoit jointe une lettre plaifante qu'on allure avoir été compofée par le même prince. On obferve a cette occafion qu'il fe délafle quelquefois a en faire de pareilles. La ville de Paris avoit auffi foufcrit pour 240 liv. & fe difpofoit déja a faire conftruire des échaffauds dans ie meilleur emplacement deltiné aux foufcripteurs 22 Décembre 1783. Les graces pleuvent enfin fur 1'inventeur de la machine aéroftatique, fur les coopérateurs & fur les voyageurs: M. de Montgolfier a eu des lettres de nobleffe pour  C i°3 ) fon pere, & le cordon de Sr. Michel pour lui. M. Charles a une penfion de 2000. liv. M. Robert une de cent pinoles. II avoit auffi été décerné une penfion de 1000 liv. pour M. Pilatre de Rozier ; mais il Pa trouvéetrop modique; il a prétendu mériter autant que M. Charles; il eft allé faire des repréfentations a M de Calonne & a offert de remettre plutót les cent pifloles. M le contróleur général ne lui a rien répondu & lui a tourné le dos. 23 Décembre 17R3. Le Sieur Pinetti, né a Rome , & profefïeur de mathémarique & de phyfique, eft depuis quelque tems en France. C'eft un efcamoteur infiniment fupérieur h Comus, a Jonas & a tous ceux qu'on a vus. II a fait des tours furprenans & incroyables devant la familie royale a Fontainebleau. S. M. en a été fi fatisfaite, qu'elle lui a permis de repréfenter a Paris fur le théatre de l'hötel des Menus. Le Sieur Pinetti eft en outre très-fécond & fingulierement varié. - On raconte qu'a Bordeaux, comme il y étoit, le feu prit a une maifon de pauvres gens; il y fut & dit qu'il ne falloit pas s'en inquiéter, qu'il répareroit cela ; il demanda fi perfonne n'y avoit péri; on le rafiura a eet égard. Peu après il afficha trois repréfenta. dons dont le profit feroit appliqué aux malheureux incendiés, & ce trait, infiniment plus E 4  ( IC4 ) honorable pour lui que fon talent, ne fcauroit être trop publié, 23 Décembre 1783. Requête au roi, fur la deltruStion des prêtfes êr des moines en France. C'eft un nouveau pamphlet de prés de cent pages qui paroit depuis peu. Dans 1'avertiffement des libraires, on dit que c'eft la production d'un étudiant en droit agé de dix • neuf ans; & a la ledture on juge facilement que c'eft 1'ouvrage d'un écolier qui remache ce qu'il a lu & n'a pas encore ni affez de goüt, ni affez de méthode pour fondre les idéés d'autrui dans les Cennes & fe les approprier. Le ftile n'eft pas plus fait, il y a des hauts & des bas, de la platitude & de la bouffiffure. La requête eft précédée de la fameufe Epitre d Uranie, & entremêlée d'un Catéchifme de l'honnête homme par demande & par réponfe, qu'on fent bien ne pouvpir être de 1'auteur. 11 y a joint des notes qui font bien de lui & fe rcltentent du défordre, de 1'emphafe & de la verbofité d'un jeune rhéteur. On peut regarder ce pamphlet comme un de ces enfans perdus que le miniftere n'eft pas fiché de lacher dans le pub'ic quand il a quelque opération critique a faire, pour 1'y préparer ou en preffentir le goüt. 23 Décembre 1783. Extrait d'une lettre de Lyon du 18 décembre.... M. de Combles eft un confeiller honoraire de la monnoie de cette ville, jouiffant d'une fortune honnête, y tenant  C los ) tenant un état & ayant des alliances avec quelques perfonnes les plus diftinguées de Lyon. C'eft d'ailleurs un homme de beaucoup d'esprit, mais plaifant, hardi & aimant a jouer des tours. Dans Fengoüment général oh il a vu les Parifiens pour les machines aéroftatiques , il s'eft imaginé qu'on pourroit déformais leur faire accroire toutes les mérveilles qu'on voudroit; en conféquence il a fait Ie pari de cinquante louis fur celle dont il étoit queftion, de palier la riviere è pied fee; du moins de faire donner dans cette miftification & les journalistes & fes foufcripteurs. Tout a réuffi comme il le defiroit; mais le jour de 1'expérience approchant il a fallu fe tirer d'cmbarras. 11 avoit fon expédient tout prêt: il eft allé trouver M. de Flejfelles, notre intendant, lui a conté fon hiftoire, Pa prié de raider a fortir adroiteraent du défilé oh il s'étok jeté & d'écrire a M. le lieutenant général de police de Paris que 1'horloger, ayant voulu faire un eflai dê fon expérience fur le Rhöne y étoit tombé & s étoit noyé. Le commiffaire départi, comme homme public, lui a déclaré ne pouvoir fe fervir d'un menfonge auffi impudent, mais qu'il ecnroit fimplement a M. le Noir, fans nommer les mafques, que 1'horloger dont tout Paris s occupou en ce moment étoit un fou qui Javoit point envie d'excroquer; mais qu'il ne fallo.t pas lecroire & qu'il étoit incap,ble de tenir 1 engagement qu'il avoit pris: nous atE J  t 106- ) tendons avec impatience le réfultat de cette annonce qui doit mettre les journaliltes dans un bel embarras & bien faire rire de leur fotte crédulité. 24 Décembre 1783. Extrait d'une letrre de Bezancon du 15 décembre Les remon- trances de notre parlement, que vous me demandez, font fort rares, & je ne puis vous en procurer un exemplaire quant a présent. Mais voici les détails que vous exigez a eet égard. Elles font datées du quatre juillet dernier ,&on les attribue a M. Dros, confeiller de grand chambre; encore jeune, mais plein de nerf, grand parlementaire & excellent patriote., en outre homme de lettr s & membre de 1'académie de cette ville. II travaille depuis longtems a un traité de droi' public de la province; jl ramaffe & accumule fans relache tous lesmatériaux propres a fon entreprifc-, & vous concevez que cela doit le metere bien en fonds pour la befogne de 1'efpece de celle dont on le juge 1'auteur. Ces remontrances, quoique courtes, raffen> blent non-feulement tout les faits qui concernent la quefelle du parlement avec la Cour, non - feulement tous les détails des vexations éprouvées par la province, mais encore une difcuflion fur les impöts communs a toute la France, & une réfutation des nouveaux principes que le miniitere voudroit introduire en ce genre ainü qu'a. 1'égard de la magiftrature  C 107 ) en général, dont Ie parlement plaïde Ia caufe. Quant a ce dernier article, on préfume qu'il a été traité de concert avec les autres cours. Vous fgavez que dans 1'origine des querelles des pariemens avec Ie miniftere, il y avoit une confédération entre eux, un centre commun de correfpondance établi myftérieufementa Paris , mais éventé par M de Laverdy, qui, durant fon adminiftration des finances, trahit fa compagnie & en révéla le fecret. II paroit que les pariemens cherchent aujourd'hui a renouer cette correfpondance dont ils fentent la nécesfité, pour détruire ce fatal édit de leur rétabliflement en 1774, qui les attaque dans leur effence & les réduit a n'être proprement que jugeurs. Ne pouvant par eux-mêmes reprendre un afcendant qu'ils ont perdu, ils ont imaginé d'en revenir aux grands principes & de demander par un cri unanime, le feul capable de leur concilier tous les ordres de la nation, raft'emblée des états généraux. La crife oh fe trouve le parlement de fkzancon lui donne beau jeu, & il fupplie fpécialernent fa Ma;efté d'accorder k Ia province de France-Comté au moins le rétabliffement de fes états particuliers qui n'ont jamais été fupprimés légalement. Durus ejl hic fermo: il ne plaira pas aux miniftres; mais il faudra bien qu'ils s'y habituent,.& peutêtre, quand ce cri deviendra unanime & foutenu,. le roi lui-möme reconnoitra la néceffitéde rappeler cette forme antique, la-feule capable E 6  C 108 ) de le tirer d'embarras & de confolider fon'autorité légitime. 14 Décembre 1783. On croyoit que Ie gouvernement, frapré de l'excès du total despenfions, montant a vingt-huit millions, fuivant le mémoire de M. Necker, en feroit effrayé lui-même & prendroit lesraoyens les plus effiacesde les réduire. Point du tout: on ne profite pas même de 1'extindtion naturelle qui en arrivé, & quand un miniftre eft mort, on perpétue fa penfion en I'étendant a fa femme, h fes enfans, a fes parens; c'eft ainfi que celle de M. Taboureau a été répartie a fa veuve & a fa familie & tout récemment celle de M. de Boynes -, fa femme en a dix, & fes enfans quatre miüe francs. II vient d'arriver la même chofe a 1'égard de M. /Imelot, quoique vivant. 25 Décembre 1783. D'après la lettre de M, de FleJJelles relativement au prétendu horloger, inventeur des fabots élaftiques pour marcher fur Peau, M. le Noir en a prévenu M. le Baron de Breteuil, qui a mis fa lettre fous lesyeux du roi. S. M. en a ri beaucoup & depuis en a plaifanté fon frere. Cependant les journaliftes de Paris ont prévenu les foufcripteurs qu'ils pouvoient retirer leur argent. La fociété de Verfailles leur a marqué qu'elle de^roit que Ia foufcription fïït employee a délivrer des prifonniers pour mois de nourice ; Ia ville en a fait autant, & fans doute eet exemple fera fuivi des autres; enforte que la plaifanterie de M.  C 109 ) de' Combles tournera au profit de 1'humaniré. Quant h lui, au moyen de la maniere dont Je tour a été pris a Verfailles, il paroit qu'il en fera quitte pour la peur. 25 Décembre 1783. Le Parlement, indépendamment des affaires qui peuvent furvenir' en a déja trois grandes, très-capables de Poccuper dans le courant de 1'année. 1°. Celle de la réforme de Ia juftice fur Iaquelle il fe héte lentement; car il n'y a pas encore eu la plus petite aifemblée è eet égard • mais cependant Pon ne peut retarder, attendu le mémoire que Sa Majefté exige fur eet objet avant paques. 2°. Celle des Quinze-vingts. La première afTemblée eft indiquée au vendredi irj jan. vier 1784. 30. Celle des bénédictins. II y a eu appel comme d'abus interjeté a la chambre des vacations par les oppofans au dernier chapitre dè Saint-Denis. Cette chambre ne pouvant en connoïtre feule, leur a donné acte de leur aP. pel, ainfi qu'au procureur général qui s'y eft joint, & il a été arrê:é que les parties auioient audience au lendemain de Ia Saint-Martin • il faut maintenant que les bénédictins réclam'ans préfentent requête a eet effet. 25 Décembre 1783. On afTure que M. Ie baron de Breteuil fe, diftingue déja dans fon département en fe rendant fort difficile fur les fauf-conduits, c'eft-a dire è 1'égard de ceux E 7  C ii° ) qui ont recours a Pautorité pour fufpendre les pourfuites en juflice de leurs créanciers contre eux On concoit qu'une pareille rigurur ne peut être que louable & paroft dure k tous cesgrands perdus de dettes, envers lefquels le prédéceffeur étoit trop indulgent 25 Décembre 1783. M. le duc de Chartres,, fruftré d'une part de la fucceffion du prince de Conti par la vente que celui ei vient de faire au roi de toute la nue propriété de fes biens;.. de 1'autre voyant s'en aller une fuperbe portion de celle du duc de Penthievre par la vente de Rambouillet, que fon beau-pere n'a que trèsfoiblement remplacé en achetant la Ferté deM. de la Borde; d'ailleurs trompé dans fes fpécuktiors de bénéfice fur fes nouveaux barimens,. cherche k y fuppléer de toutes les manieres r en procurant pour 1'avenir k ceux-ci au moins une valeur faclice. En conféquence, depuisquelque tems on parle d'une nouvelle fpéculation de fa part, qui feroit de laifier s'établir au Palais Hoyal une troupe de fpeclacle forafne k fes ordres, moyennant une redevance, ce qui, outre ce revirement, donneroie plus de prix a fes locations. Enfin, aujourd'hui que M. le Baron- de Breteuil eft chargé du département de Paris, comme ce miniftre eft. une des créatures de fa maifon, il ne défefpere pas de voir 1'opera reyenir dans fes domaiEes, ce qui feroit un Pérou pour fon Aiteffe. 26 Décembre ^83.. L'académie des fcien--  C in ) ces vient de publier Ie Profpeiïus détaitlé qu'elle avoit promis dans fa féance publiquedu douze novembre, concernant Ie prix a décerner au fujet de Ia machine de Marly, qu'il s'agit de reconftruire ou de réparer. L'idée d'établir une machine de nouvelle invention n'eft que fecondaire; ainfi les concurrens doivent d'abord s'occuper des moyens de corriger les vices de 1'établiffement adtuel; ce n'eft qu'après en avoir demontré 1'impoffibilité ou 1'infuffifance, ou la dépenfe trop extréme, qu'ils pourront fe livrer a la fpéculation d'un autre établifTement. II s'agit de confidérer encore que 1'établiffement de Ia machine de Marly a pour objet nonfeulement Ia décoration des jardins, mais encore la néceffité de fubvenir abondamment a 1'un des premiers befoins de la vie dans une ville auffi confidérable que Verfailles. II faut, en outre, trouver dans les deux cas le moyen de maintenir la machine de facon que les eaux ne manquent point dans cette ville. Le jugement fera proclamé dans la féance de rentrée publique après paques de 1'année 1785. 27 Décembre 1783. Mlle le FaJJeur, qui n'avoit pas joué depuis longtems, a reparu le dimanche vingt-un dans 1''Iphigénie en Tauride t & les glukiftes l'ont fort applaudie. 27 Décembre 1783. On peut fe rappeler un pamphlet manufcrit contre le duc de Chartrescourant ,dans les fociétés, & dont on a parléil y  C H2 ) a' plus de fix mois. Le même auteur, ou quelque autre, a imaginé depuis deprendreuntitre plus piquant & une tournure plus adroite, ce qu'on peut juger aifément au titre de la bn> chure qu'on annonce. Elle a pour titre: Vieprivée, ou Apologie de très-Séréniffime Prince Monfeigneur le duc de Chartres contre un libelle' diffamatoire écrit en 1781 ,mais qui n'a point paru d caufe des menaces que nous avons faites dVauUur de le déceler. Par une fociété d'amis du Prince, On dit que cette brochure eft toute nouvelle, fort rare encore, & que le premier exemplaire en a été mis dans la bibliotheque de Monfieur. 28 Décembre 1784. On donnoit ces jours derniers une fête oh fe trouvoit M. de Montgolfier; M. Hilliard d'Auberteuil lui a compofé les couplets fuivans; Dans ces tranfports que le plaifir infpire, Rendons hommage a Fbomme ingéuieux Par qui la flamme, en nous portam aux cieuxJt A dans les airs établi notre empire. De Mongolfier que celebrant la gloire, Son nom fe mêle au bruit de nos chanfons; . Que 1'air prefïe par la force des fons, Aux dieux furpris annonce fa viftoire. Si Jupiter veut nous réduire en poudre,. Sage Frankliu, tu lui prefcns tes loix, Et Mongolfier, plus hardi mille fois, Va jufqu'au ciel lui difputer- la foudre.  C 113 ) Ce M. Hilliard d'Auberteuil eft auteur d'une Hijloire de I'Amérique feptentrionale, peu connue. 28 Décembre 1783. Les feuillans fe défendent beaucoup contre le prétendu droit que le roi d'armes voudroit s'attribuer, d'exiger d'eux une colation pendant la cérémonie de la publication de la paix: ils affurent que eet ufage ne remonte qu'a la publication de la paix du premier juin 1739; qu'il eft très-volontaire de leur part, & que s'il a eu lieu depuis a toutes les autres, c'eft uniquement a la follicitation du roi d'armes qui a prié ces religieux de lui donner & aux fiens de pareils rafrafchiffemens. Le fupérieur des feuillans, après avoirfeuilleté fes regiltres, a écrit en conféquence au journal de Paris une lettre ou il conftate cette anecdote, & le roi d'armes n'a point réclamé. 28 Décembre 1783. On ne fera mention ici que pour mémoire de la première & derniere repréfentation donnée hier aux Italiens des Jardiniers, joués en 1771 avec une forte de fuccès, & tombés platement aujourd'hui avec une nouvelle muflque & le nouveau titre d'un mal pour un bien. 29 Décembre 1783. Extrait d'une lettre de Londres du 22 décembre 1783 Les an- glois, qui fe moquoient de nous, depuis nos expériences de la machine aéroftatique, ont été confondus en apprenant le voyage de Mesfieurs Charles & Robert. II eft trés-vrai que la  C 114 ) fociété royale de Londres même en rioit: Ie roi d'Angleterre lui ayant propofé de faire les frais des expériences que la compagnie voudroit tenter dans le même genre, elle lui a répondu qu'elle fe reprocheroit d'abufer de la munificence de Sa Majefté pour une chofe inutile: mais elle ne rit plus; elle ne penfe plus de même : M. Bankfon préfident a écrita M.FranMin une efpece d'amande honorable pour les Francois. Les Anglois fe retranchent aujourd'hui a vouloir faire rejaillir quelque chofe de Dotre gloire fur le Docleur Hrieftly, a qui nous devons la connoiffance de 1'air inflamma "le. Nos rivaux font fi jaloux de la découverte de M. de Mongolfier, que celle d'avoir le fecret de naviguer au fond des mers ne les confole pas; ils difent que les Anglois font profonds, mais les Francois légers. 29 Décembre 1783. Extrait d'une lettre de Dijon du 20 Décembre M. de Brou, notre intendant, qui nous quitte, eft fort regretté. Le quatre de ce mois les fyndics généraux des tiers ordres de Brefie, Bugey,Dombes &Païs de Gex lui ont adreffé une lettre pour le prier de vouloir bien ne pas oublier,malgré fatransmigration, qu'il s'eft engagé a laiffer tenir par la province fur les fonds 1'enfant dont Mad. de Brou eft enceinte. 30 Décembre 1783. II fe diftribue clandeftinement & gratuitement un nouveau pamphlet contre le clergé, qui a bien 1'air de fortir du  c 115 ; roéme arcenal 0Ï1 onr été fabriquées les Iettres fur Ie clergé, dont on a parlé dans Ie tems. Celles-ci font imhulées: Lettres édifiantes&curieufes. Elles font au nombre de trois. Dans la première, datée de Fontainebleau le vingtcinq octobre 17H3, c'eft 1'évéque de Rennes quon met en fcene, & qui confulte M. I'évêque d'Autun fur un cas de confcience. Dans la feconde ce prélat lui répond le trois novembre, & ne pouvant le fatisfaire par lui même, lui adreffe une lettre d'un vieux bénédicTin des blancs manteaux oh fe trouve la folution demandée. Cette brochure, intéreffante au fond & d'une tournure originale, mérite qu'on y revienne. Le roi convaincu de 1'utilité future des machines aéroftatiques a defiré que Pacadémie des fciences travailldt elle-même furcetobjet. Cette compagnie , inftruite des intentions de S. M va s'occuper férieufement è perfectionner cette belle découverte En attendant, M. Jofeph Mongolfier, un des freres coopérateurs, de 1'invention, conftruit une machine a Lyon oh il doit monter avec plufieurs amis & aller a Marfeille ou venir a Pans, fuivant la direétion du vent. 30 Décembre 1783.. Le Droit du Seigneur, piece a arietes,en trois aftes & enprofe.dont les paroles font de M. Desfontaines & la mufique de M. Martini, joué a Fontainebleau avec lucces, n'en a pas moins eu hier a Paris fur le théatre des Italiens. C'eft le même fujet d'u-  C nö > ne comédie de Voltaire, traité auffi römarresquement, mais n'offraut rien des fcenesplaifantes dont il avoit enrichi la fienne. Elle eft t-rifte & noire d'un bout a 1'autre. Tout le triomphe eft donc dü au muficien. 31 Décembre 1783. Mad. la comteffe de Büfiy, (d'Agonau) vient de mourir. Onaeu plufieurs fois occafion de parler du mari, homme de beaucoup d'efprit, poëte libertin, & 1'un des plus aimables roués qu'il foit poffible de voir. Sa femme le valoit dans fon genre. Eile périt vicftime d'une maladie cruelle qu'on ne gagne point dans le cloitre ou dans le célibat. On trouve dans les journaux des pieces de poéfie de fa facon. C'eft elle qui a formé M. Boucher & a la galanterie & au commerce des mufes. On prétend méme qu'il a compofé les vers qui paffoient dans les ouvrages périodiques fous le nom de la comteflè cc en étoient mieux accueillis. 31 Décembre 1783. On parle fort d'un ancien garde du comte d'Artois arrêté avec un grand myftere & beaucoup de rigueur. C'eft un trésbeau cavalier, qui fe vantoit d'être entretenu par les femmes. On veut qu'on ait découvert qu'il avoit mérité les bontés d'une grande princeffe, qu'on lui ait trouvé fon portrait qu'il a prétendu tenir d'une femme de chambre. Tout cela a Pair trés-romanefque, très-abfurde & trés - calomnieux. II faut attendre d'autres éclairciffemens.  C 117 ) Lc garde fe nomrae Desgranges, & Ia femme, qui appartient a Mad. Ia comteffe d'Artois, s'appelle le Roux. 31 Décembre 1783. Les remontrances du parlement de Bezancon, en date du quatre juillet dernier, percent enfin ici. Elles répcndent parfaitement a 1'idée qu'on en a donnée. Elles inculpent de la maniere la plus grave M. de Fleury, qu'on accufe, par 1'abus du nom augufie du roi, d'avoir violé les loix, attaqué les droits de la nation, compromis ceux du tróne. Cette phrafe de la réponfe que ce miniftre des finances fit faire au roi le 120 janvier, tout ce qui fe fait en mon nom eft fait par mes ordres, eft furtout difféquée de maniere a en faire connoitre le faux, 1'odieux & le ridicule. Elles finifient par ce paragraphe remarquable qui en eft comme le réfumé: Accufés d'inexaélitude dans les faits, ac„ cufés d'avoir méconnu votre autorité fuprê- me, dont nous fommes les organes & les ,, défenfeurs, nous vous fupplions, Sire, de rendre a la monarchie fa forme antique. Ce ,, grand acte de juflice eft digne de vos ver- tus; nous vous fupplions d'afTembler lesétats ,, 'généraux, de confulter la nation fur la vé- rité, fur 1'importance de nos trés-humbles ' % :; fcntaciooa »fuf les motifs de notre con, fat la puieié de notre zele, & d'ac- coiu tare province de Franche-Comté  ( iis ; le rétabliflement de fes états particuliers, ,, demandés tant de fois, confirmés par les ca,, pitulations qui 1'ont réunie a vetrecou onne. 31 Décembre 1783. Extrait d'une lettre de Niort du 20 décembre.. .. Le feize de ce mois les prêtres de 1'oratoire du college de cette ville ont lancé fur Ia promenade publique, un globe aéroftatique de trente-deux pieds de circonférence: il a été rempli d'air inflammable en deux minutes & s'eft élevé en cinq a la hauteur de mille pieds. II eft retombé en dix minutes fur un toit fans avoir été prefque endommagé. Avant-hier dix huit, on a répété & réitéré 1'expérience avec le même globe. Elle a réuffi au-del^ de- efpérances des fpeöateurs. Le globe a été rempli d'air inflamroable dans une demi-minute & s'eft élevé avec unerapidité étonnante. II a fuivi dans fa courfe le courant des différentes couches d'air qu'il a traverfées, dans 1'efpace de quatre minutes il eft parvenu h une hauteur fi confidérable, qu'on 1'a entieremem perdu de vue: il a fans doute continué a s'élever toujours davantage; après avoir difparu pendant fix minutes, on 1'a vu reparoitre & tomber lentement a une lieue de 1'endroit oh il avoit été lancé. L'accélération de la maniere de remplir ce ballon eft dJautant plus remarquable,qu'on dit que M. Charles.a été 8+ heures a remplir celui a 1'aide duquel il s'eft élevé le ier.odtobre;  C 119 ) & nous n'aurions pas cru ce prodige fi nous ne 1'avions vu. 31 Décembre 1783. On écrit d'Annonay en Vivarais, oh a été fait la première expérience de Meffieurs de Mongolfier, que les officiers municipaux ont arrêté d'élever iur unedesprincipales portes de leur ville un'monument en mémoire de la découverte de ces illultres freres. 31 Décembrè 1783, Extrait d'une lettre de Dole du 20 décembre Le 14de ce mois a été faite ici 1'mauguiation d'une ftatueéievée a Louu XP1, C'eft la première que la Franche-Comté ait érigée aux rois de France, & la première du royaume érigéeau monarque aétuel. La ftatue eft pédeftre. Louu Xyl eft de-' bout: il montre du doigt le globe de la terre préfentant la face de 1'océan 6c fur laquelle on lit Liberté des mers. -Du refte, ce monument eft mal placé; ileft médiocre pour les artiftes. C'eft un ïculpteur de cette ville, nommé Attiret, qui en eft 1'auteur. 31 Décembre 1783. Dans la vifite que M. le baron de Breteuil a faite au commencement de fon miniftere, de la Eaftille & de Vincennes,il a témoigné fon horreur pour cesprifons d'éta't; il a depuis fait vuider tout a-fait la derniere! De quioze prifonniers qu'ellerenfermoit, douze ont été abfolument élargis & les trois autres transférés dans la première. 11 fe montre a cec égard dans les mêmes principes que M. de  ( 120 ) Malesherbe, & certaioement M.le Noir qui De s'eft jamais prêté qu'a regret a ces aftes d'autorité despotique, ne détournera pas M. de Breteuil d'un plan d'adminiftration plus conforme h la liberté & aux droits de 1'bomme. On efpere ainfi voir bientót déferts les cbateaux forts, & les lettres de cachet du moins infiniment rares. Le nouveau miniftre de Paris fe rend auffi très-difficïle fur un'autre point d'adminiftration, fujet encore k beaucoup. d'abus. Ce font les fauf-conduits accordés fi légerement fous fes prédecefleurs. 11 fent 1'injuftice de cette tournure, pour fouftraire par autorité un débiteur •a fcs'créanciers & a la loi, & il refufe les per. fonnages de la plus grande confidération qui font dans ce cas. Cet heureux début ne peut que donner une excellente idéé du caradtere dedroiture, de juftice, & de modération de M. le baron de Breteuil. ADDITIONS  A D D I T I O N S. Année MDC CLXXII. A Ja page 127. Le 7 war/ 1772. Inaugura. tion de Pharamond, ou expofuion des Loix fonaamentales de la monarchie francoife; avec les preuves de leur extcution, psrpétuées fous les trois races. M. Ie chancelier & fes partifaus en convenant qu'il y a des loix fondamentales que les rois font dans l'heureufe impuijjance de changer, ne lemblent que leur infulter avec plus d'auda-e en demandant quelles elles font, & ofj elles font. L'auteur de 1'ouvrage en queftion prétend les avoir trouvé toutes configcées dans une médaille frappée Iors de Péleclion de Pharamond • il en offre le revers dont il regarde ies ««««soulos parues comme allégoriques & instruclives. . II commence par établir Pauthenticité du monument qui fe trouve rapporté dans plufieurs auteurs nonfufpeéb, & furtout dans 1'hiftoire de France de Mezerai, Tome 2. page s de Ja première édition in-fr. La face que 1'écrivain ne donne pas, fdon for1 récic, porte 1'efBgïe de Pharamond demi" bufte placé « retour, c'eft i-dire de S  ( 122 ) l'épaule droite. Au contour on lit cette infcription latine: faramundus Franc. Rex. Les lettres ae & le figne Mars, qu'on voit fur le cóté emblématique, font entendre qu'elle a été frappée en bronze, & qu'elle exiftevéritablement dans les cabinets des cuneux, ou Vacques de Bie, auteur d'une France métallique en avoit eu communication. II réprefente 1 haramond élevé fur le pavois ou boucher par deux perfonnages courbés dans 1'attitude de eet effort ; ils ont des cottes d'armes diftinguées & pareilles a celle du Roi, mais fans armes. Le Prince y tient un fceptre de la main droite, & une épée nue, la pointe en haut, de la mam «rauche; & il femble étendre les bras d une facon pénible. Son front eft ceint d'une couïonne d'olivier, a fa droite eft un perfonnage en pied, il fe repofe fur la piqué, & comme a 1'ombre du fceptre fous lequel il eft placé. A ra eauche eft un autre perfonnage en pied, le feul qui ait des armes, excepté le roi; il porte fa main gauche fur un petit efpadon qui eft a fon cóté; de la droite il tient fa p.que & la norte également fur 1'épée qui eft dans la mam eauche du roi, comme pour 1'empecherdepencher Le Monarque paroit faire attent.on è eet avis, fixant fon regard fur la pointe de 1'épée, cherche a la conferver dans fon equilibre Le foldat forme de fon bras une équerre naturelle, & appliquant ce bras h fa piqué U ' -.„r. *„ v^; ll tpnouffe la poignée la preiente aam »«-• r "r— * ~  C 123 ) de 1'épée par deffous la main du roi, & il en fixe Ja pointe. L'exergue conQllc dans ces abréviations. Fid: Exer: c'eft.a-dire, Fideli. bus, exercitibus, & la légende en ces mots latins auffi : Unus omnium votis. ' C'eft dans 1'enfemble de ces parties allégoriques que 1'écrivain trouve le plan véritable de la monarchie francoife, & faifit Ie développement intéreffant du tableau de fes loix fondamentales. i°. Le tróne, enfanté en 420 par la délibération libre de la nation, eft figuré par le bouclier ou pavois, afin de démontrer qu'il n'existe en effet que pour Ia défenfe -& la proteétion des peuples, de leur liberté & de leurs biens. 20. L'élévation de Pharamond fur le bouclier, repréfente 1'inveftiture de fa nouvelle dignité donnée h cc Prince, librement élu, & nous apprend que ce font les peuples qui ont fait les rois tout ce qu'ils font. 30. Les deur perfonnaxes qui font en efFort pour élever le bouclier, ont des cottes d'armes diftinguées & pareilles h celles du roi, paree qu'ils font deftinés i figurer le concours des deux ordres, les Druides & les Clievalkrs compofant alors 1'univerfalité de la nation. ' 4°. Ces mêmes perfonnages, repréfen'ant les ordres de Ia nation , font 1'un & 1'autre fans armes, comme étant les exécuteurs d'une réfolution civile & non pas militaire. 50. Le fceptre que Pharamond tient de Ia F 2  C 124 ) main droite eft le fymbole de l'autorité civile de 1'épée celui de .l'autorité militaire; il porte cette derniere de la main gauche, contre ï'ufage , pour preuve de la prééminencede l'une fur 1'autre, que 1'exercice de l'autorité militaire n 'eft qu'accidentelle dans le monarque dont 1'effence eft le Gouvernement de paix &ƒ de fageJJ'e. 6n. La diftance qui eft entre le fceptre & 1'épée fait entendre que ces deux puiffances (civile & militaire) ont chacune leur reffort féparé; & 1'attitude pénible du Monarque, qui étend les bras pour conferver toujours le même éloignement entre 1'un & 1'autre, prouve qu'il ne doit jamais en confondre les hornes, ni employer l'une pour 1'autre. 70. L'exergue confirme cette lecon par ces deux mots abrégés: Fid: Exer: c'eft-a-dire Fidslibus; Exercitibus: pour les fideles, pour les armées. Le premier répond au fceptre, & défigne tous les citoyens, fous le regard général de fujets: le fecond répond a 1'épée dont 1'ufage ne doit être que pour le gouvernement militaire, & contre les ennemis de la paix, garantie aux citoyens; il marqué particulierement ceux qui fuivent la profeffion des armes. 8°. Le front de Pharamond eft ceint d'une couronne d'olivier, fymbole de la paix que les rois font obligés de procurer a leurs peuples & de 1'abondance qui en eft la fuite. 90. Le perfonnage en pied, qui eft h droite de la médaille, nous figure 1c corps des citoyens  C 12? ï Pai' °PP°»tion au corps militaire eipfacé. U fCeptre' lequel il chn°\Le perr°nnage en pied, qui éfl a aauchc, nous repréfentc, au contraire, le corns ?èfarmef K"* Cc «435 Sft' eft le fignedel'obéiflance militaire. Mais il occupe fa droite a desdevoirs ^oeS^St^ ^UJUe au leeptre. L'attent on du roi £ la pcdteTf 3ViS Cn fiX3nt fo" -ga d ur Êi Srverff^ m0nU'e ^'ildeflredc é le fokL > ^ Iég)'U'me' De f0E cSfti . i , effiPrcfle de feconder ie defir railonnable de ce orinrp ti tn 7 r ieölc ailuiee, & qu, détermine Ja ligrie Dernen dxcu aire dont fon épée ne doit jamalXTS" rout fulr V^ l0bl,SatI0D ^ confeii de fecoars' el ^fT* f°" roi' 11 Si*™ le mainsprouvequ e, L,,? e,em,Pl0i de fcS deu* difoenfent 1 ? C3S Ies devoirs P^lent de ceux de citüyeD; C'eft pour- b 3  ( m ) cuoi ceux-ci font réfervés a la main droite" comme préférables & les premiers. 110 La légende, Unus omnium votis, Unpar lesvceux de tous, exprime.la nature précife du gouvernement monarchique, celui dun feul établi Chef & Prince du peuple. Comme Chef , centre de toutes les forces publiques & 1'orgade toutes les volontés: Prince du peuple, pour le gouverner, comme la tête gouvernele corps j en fuivant toujours les loix prefcntespour lelalut du corps & y demeurant lui-même fubordonné. I2o Enfin, Tenfemble des diverfes parties de cette médaille nous montre que le roi öc la loi recoivent leur autorité & leur puiffance d'une même fource, c'eft-a-dire de 1'unammité des vceux du peuple. . . L'explication de cette médaille, qui ne paroit d'abörd qu'ingénieufe, & le fruit d'un cprit fvftématique, ramenant tout a fesidées, e t appuyé par le détail des cérémonies quisobfervent au facre de nos rois, par la formule de leur ferment, par leurs capitulaires, par leurs ordonnances, par les loix éentes, par les anciennes chartres, Par les hiftonens anciens & modernes, par les auteurs pohtiques, & de ce concours d'autorités elle recoit une authentirité a laqueüe on ne peut fe refufer, une cohérence indeftruólible. Dans le courant de 1'ouvrage on développe quelques autres aflertions nouvellesou plus lor-  tgs que celles avancées dans les-autres écrits du même genre: i°. en admettant lafubftitutionde la Couronne a la race régnante, 1'auteur ne la regarde pas comme exclufive du droit d'élection; elle empêche feulement que 1'exercice de ce droit ne foit arbitraire, il profcrit en conféquence la regie vulgaire : La mort faifitle vif ou Le roi mort, le roi vit, imaginée feulement pour 1'intrufion de Henri VI roi d'Angleterre, ufurpateur de la couronne de France. 2°. De' la la nation a le droit de s'affembler de fon* pro" pre mouvement,ou fur la réquifition des grands du royaume; fans ce droit elle n'auroit pas tout ce qui lui eft néceffaire, tant pour faconfervation que pour celle du tróne & des droits des pnnces qui y font légitimementappelés. 3°. Les états étant dans 1'origine compofés des Drüides & des Chevaliers feulement, & les prémiers remphffant chez les Gaulois toutes les fondtions de la rehgion, celles de la profeffion des fciences & des lettres, & celles de 1'adminiftration de la juflice ; le premier ordre fe trouve douc aujourd'hui remplacé par Ie clergé, Par Ies univerfités jointes a tous les gens de lettres & par la magiflrature, & Je fecond CaprL' 1 afranchiflement des ferfs devenus citoyens? doit être compofé de la nobleffe ou ancienne chevalerie, de Ia magiflrature laique, & ]e ners-etat. Ainfi I'affemblée des trois états ne prefente pomt 1'idée véritable d'une diete géné rale de la nation, puifqu'elie n'eft pas Ja dietê F4» .  ( 128 ) pléniere des ordres qui compofent Ia totali-é de cette nation. Ce livre trés érudit eft fagement écrit&furpaffe tout ce qu'on a encore dit fur Ia matiere en queftion. A la page 129. Le n mars 1772. On croit que le Sieur le Blanc & les comédiens francois s'attendoient aux changemens & fuppreffions prévus, & que par une charlantanerie, fort ordinaire depuis M. de Voltaire, tout étoit préparé pour une feconde repréfentation. On ne pourroit guere concevoir autrement que du Iundi au famedi, 1'auteur eut eu le tems de refondre fa piece, & les acteurs de fe remettre a 1'uniffon. Mais quelle tragédie ainfi compofée dé pieces de rapport, qu'on ajoute on fupprime a volonté! A la page 130. Le 13 mars 1772- Lesécrivains de M. le chancelier qui gardoient depuis longtems un filence prudent, viennent de le rompre a 1'occafion du 4e. fupplément a la gazette de France dont on a parlé. II paroit une feuille portant le même titre , en date du huit mars, 011 Pon fait la contre-partie. Elle encbérit de méchanceté fur fon modele. On y défigne par des lettres initiales lesnomsdeceux que Monfeigneur foupconne auteurs de la correfpondance; d'autres membres du parlement y font fort maltraités, foit par des portraits fatyriques, foit par des anecdotes injurieufes. Comme ce pamphlet eft d'une atrocitéfcandaleufe, ou  C 120 ) otr n'ofe encore le vendre publiquement. Le breurieBrunledonneaurgensduparti & d ailleurs cette clandeffinité le fait plus recher! cher que les autres ouvrages écrits dans le même efpnt, mais trop prodigués. A la page 130. Le mrs'vf:^ II court une petue piece de vers, efpece d'épigramme polmque en cc qu'elle roule fur un fait hiftori- Z-^^ étrC UD J'°Ur Ckée daRS nos anna1 es c eft a ce titre qu'on 1'inferit, & non a rai- Voici raente h'ttéraire très-ffiince. La Sur les üquidations du parlement: Venez, Meffieurs du parlement Liquider chacun votre office; L'état veut vous rendre fervice ■ Tout eft prét pour Ie payementl. Reconnoiflcz légaiement, Par quitrance devant notaire,. Avoir recu Ia fomme emiere', 1 La finance & le fupplément..' Mais, oü 1'argent, Te numéraire,, Vous écriez-vous vfvetnent? Pour gens confommés en .affaire,. Vous raifonuez. bien- gaucheinent'. Largent eft un métal folide;, II s'agit ici de liquide:. Eh! pourquoi vous tant intriguer?? On veut ï tous vous déléguer Une rente liquide & daire • Sur ies:broi3iJlsrrds de Ia riviere.v  C 130 ) A la page 131. Le 18 mars 177 rl L'académie royale de mufique doit donner avant Ia clóture des fpectacles pour Ia capitation des acteurs, un fpeftacle charmant, compofé des adtes du Devin de village, de Pigtnalion & de Pfyché: toutes les loges font déja louées. A la page 135. Le 24 mars 177r. L'opera a donné hier pour la capitation les trois acftes; annoncés. II y avoit, fuivant 1'ufage, une: affluence prodigieufe de fpecïateurs. On a d'abord exécuté Pigtnalion. Le Sieur 1 le Gros a fait le róle, c'eft a dire 1'a chanté, car il ne 1'a nulleraent joué; on a remarquéi même un contre. fens effroyable de fa part: dans: le moment oh il peint toute Ia violence de fai paffion pour un être infenfible, fa ftatue s'anime,, elle fe développe , elle defcend de fon piédeftal,, elle fe promcne fur le théatre comme étonnée: de fa nouvelle exiftence, & il attend froide- ■ ment qu'elle vienne a lui; & fon admiratiooi femble abforber fon amour , tandis qu'il devroit: être tout de feu, voler dans les bras de fon 1 amante, & ne pouvoir fe laffer de vérifier parfes attouchemens, fi ce n'eft point uneil.lufion.. Le róle de la ftatue, extrêmement difficile a 1 rendre par le doublé talent qu'elle exige pourle: chmt & pour la danfe , a été bien joué par1 jMlle d'ervieux. Elle a conduitavec goüt. in-. telligence & fenfibilité fon filet de voix ,& s'eftj furpalTée dans 1'autre genre oh elle déploie■; depuis plufieurs années une exécution non moins 1  C 131 ) fgavante qu'agréable. Mlle Guimard & le Sieur Gardel ont enrichi les ballets d'une pantomine gaie, naturelle & ingénieufe. DaDs Pafte de Pskfié on a vu avec douleur manquer Mlle Arnoux; elle a été remplacée par Mlle Beaumefnil, qui a de très-belles attitudes, & tout 1'extérieur d'une aftrice faite pour plaire, mais dénuée de 1'ame néceffaire au róle de Pfiché, le plus fufceptible de fenfibilité peut-être qu'il y ait au théatre, par les nuances, toujours plusfortes, qu'il exige dans la gradation des tourmens que foufFre cette nymphe, prodige d'amour cc de conftance. Mlle Rofalie, qui a fait dans Pafte précédent le róle de 1'amour avec toute la grace & la nobleffe poffible, a joué celui de Colette dans le Devin de village de la facon Ia plus vraie & la plus ingénieufe. II eft ficheux que le Sieur le Gros ait fubftitué dans celui deColin le niais au naturel, & par cette charge ridicule en ait óté tout 1'intérét. Les Demoifefles AU lard cc Peflin fe font diffinguées dans les ballets de eet acte par un pas de deux d'une vigueur & d'une gaité unique;'Mlle Guimard & Ie Sieu Gardel n'ont pas également réuffi dans une nouvelle Pantomime peu naturelle & ratigan. te pour i'intelligence du fpeftateur.. A la page 137. Le 26 mars 1-772 M Duclos, rüembre de Pacadémie des belles lettres, de 1 académre francoife, hiftoriographs de Fran- ce &c. vientdemourird'uneffuxiondepoitrine F 6  C 132 ) A Ia page 137. Le 26 mars, 1772. II pa-roit déja une aucre lettre manufcrite, fervanc de réponfe a celle du 8 mars: celle-ci eft du 17 & c'eft M. deSorhouettequiécritaM.leChancelier a l'occafion du réquifitoire & de 1'arrêt du parlement contre la correfpondance. On y a pris, auffi bien. que dans la première,1etour ironiquc de 1'onvrage;. mais on ne trouve pas que 1'auteur ait encore réfuté, auffi victorieus fement qu'il le pouvoit, les fauffes affertions & les fuppofitions indécentes de 1'orateur. dunouveau tribunaL On attribue Ia réponfe a 1'auteur dé Ia correfpondance, a 1'abbé Mary, confeiller clere du nouveau tripot, auteur auffi. du réquifitoire, a ce qu'on prétend.. A la page 140. Le 3.1 mars 1772. Extrait d'une lettre de Rouen du 26. mars 1772. II court ici une petite brochure très-malimprimée ayant pour titre: Etrennes fupérieures de Norma?ir die. pour V année biffèxtile 1772, dédiée d Monfeigneur TJliroux de Crofne,. chevalier, premier préfident du conféil fupérieur de Rouen & intendant: de la généralité ,par un.maüre pmuquier de fa familie d. Venfeigne des deux baffins blancs. Et pour épigraphe; Ici 1'on rafe proprement. Chaque mois eft d'abord précédé,. comme dans les almanacs dé Liege, de prédiétions non, fur le tems, mais relatïves a ee qui fe paffe & l?e paffêra dans la ville. U y cn a d'ingénieufcjt era général elles font. toutes méenantes...  C 133 ) Après différente* plaifanteries des êclipfes ' des pronoflications perpétuelles de M. le chan aher, des mmijlres, des exilês, des confeih Jupéneurs &c. on fait la lift* des membres qui compofent le confeil fupérieur de Rouen ainfique des avocats, & on cite différens trales d»chacun par iefquels on voir que ce font tous gens rarés.. Suit un récit de ÏTnltaMation du confeil Ie n décembre dernier , oh 1'on couvre ces Mesbeurs de tout Ie ridicule qui leur apparticnt On y joint la lifte des membres qui compofent Ie confeil fupérieur de Bayeux avec desapoftftles qu, les rendent très-propfes a, faire le pendant de ceux de cette ville On finit par cette chanfon qui donnera une idéé ou refte;. elle eft intitulée: Chanfon nóu- Quand Thiroux fut fait intendant,. C'écoit pour rafer ie parlement; On craignoit dans ie miniftere Qu'il n'oubliat le métier de fes peres... Par un duc brave en tems dë paix, Thiroux fut conduit au palais : Meffieurs, dit il, le roi ordonne Que je vous faffè Ie poil en perfonne- Nos grenadiers n!ëtoienr pas gens-. A. fe laiiTer tondre honteufemesit* x r  C 134 } Sis ont feu, malgré ces bravaches,Garder le poil de leurs mouftaches. Or deux d'entre eux furent ton dus, Mais c'étoient deux poils de leur cul» Des laches iflus de families Portant pour armes des étrilles, Puis Thiroux & le vil Normand Sont tous deux placés préfidens D'un confeil d'aufli vils efclaves Que nos grenadiers étoient braves.- Stil la qu'a baclé la chanfon, Vantez que c'eft un fier luron; II iroit dans fa noble audace, Leur chier a tous fur la face. A la page 141. Le ier. Avril 1771. On a donné lundi pour la capitation les mêmes aftes dont on a rendu compte. Mlle Arnoux qui a fait le róle de Pfiché y a attiré encore plus de monde, & la recette a paffé fix mille francs, fans compter les loges des princes. II faut fcavoir que les jours de capitation font lesfeuls ou 1'on puiffe aller furie théatre pendant le fpectacle. Les places y coütent un louis. La recette du lundi 23 n'avoit été que de huit mille quelques cents livres. A la page 146. Le 6 avril 1772. Lesplans pour la nouvelle place, & la falie de comédie i établir font faits. Dans la crainte d'empiéter  ( 135 ) fur des terrains trop chers ou appartenans k de« gens qui crieroient trop fort, 1'artiftea étéobli. gé de fe renfermer dans des bornes gênantes. II a cêpendant tiré tout le parti poffible de fou fujet; & fi la place n'eft pas auffi magnifique que dans le premier projet, 1'hótel de Ia comédie n'y perdra rien, & aura plus de convenances & de beautés intérieures. La place fera un quarré long, au milieu duquel s'élevera le nouvel édifice; on ne le verra,il eftvraiqu'en paffant; mais par une rue fpacieufe, qui permettra de le découvrir en entier. Au moyen du pourtour qui régnera autour de la falie, il eft démontré qu'en dix minutes elle peut être dét>layée:on entreraégalementa couvert en voiture. Cet ouvrage ne fait pas moins d'honneur que le premier a M. Liegeon, par Part avec lequel il a feu feretourner, enfanter de nouvelles eombinaifons, & furtout par une exécution élégante & rapide. Dès que M. le duc de Duras, qui eft incommodé, fera en étatd'aller a Verfailles pour préfenter une feconde fois 1'auteur & fes nouveaux plans au roi: ils doivent être fignés de S. M. Les travaux de 1'ancienne falie a reftaurer, reftent toujours fufpendus depuis le commencement de mars. A Ia page 147. Le 8 avril 1772. Ilparort une troifieme lettre manufcrite datée de Verfailles le 25 mars; elle a pour titreiRéponje de M. de Maupeou d M. Sorhouette. Elle contiene  c y des ancedotes nouvelles: on ne fcait fi ce com> rnerce manufcrit durera longtems, mais on parle déja d'une quacrieme lettre. A la page 149. Le 10 avril 1772. On vierrr d'imprimer un Supplément aux Etrennes fupé> fleuris de Normandie: il n'a. que fix pages,, mais contient une multituded'anecdotes in fa* mantes pour Ia plupart des membres: on cits différens arrêts du parlement de Normandie,, eondamnant a différens fupplices plufieurs perfonnages du même nom & qu'on ne marique pas de donner pour parens des nouveaux.magiftrats.. A la page '149. Le 10 avril 1772. L'opera a fait plus- de trente mille francs dans les trois jours de capitation,. ce. qui eft- une recet-te incroyable.. A la page 152. Le 12 avril 1772.. Le Sieur Duchanoy r éleve: de M Petit, a répandu 1'ahnée dcrniere une lettre a M. Portal, lecleurduroi,. profeffeur de médecine au college royal, dans laquelie pénétré d'un louable enthoufiasme pour fon maitre, il le défepd fur la critique que celui-ci a faite des ouvrages anatomiquer de M. A. Petit; mais pouffant fon zele fansdoute trop loin,. il attaque M. Bouvart même ,• ennemi plus redoutable & plus déclaré encore' de fon'héros;. II fe permet une fatire directe », & ce- lemble-, étrangere a la queftion, & fait' une accolade de M. Portal & de M. Bouvart-; très-injurieufe, Voici lé-paflage;.  C 337 3 >, Dans Ie peu que vousdites, Monfieur, touchant la maniere dont M. Petit a défendu „ fon opinion fur les naiffances tardives contre „ M. Bouvart, il eil aifé de s'appercevoir de la liaifon qui regne entre ce dernier & vous. 5, Jamais couple ne fut mieux afforti: Simile ,, fimili gaudet, même goüt pour la vérité; même refpeft pour les bienféances; même „ politeffe, mème juftefie dans le raifonne- ment; érudition auffi bien choifiede part que „ d'autre; égale légereté dans le ftyle; fi gens „ de votre efpece pouvoient être amis, c'en j, feroit fans doute affez pour le devenir: au moins cela fuffit-il pour vous rapprocher & „ vous tromper mutuellement en feignant de 3, 1'être. Je ne vois qu'un point ou votre ami M. Bouvart 1'emporte fur vous, c'eft par ,, I'illuftration que 1'cxcellence de fon ame & „ fes bons procédés envers fes confrères &c. ,, lui ont acquife; mais, enge puer, avec les j, difpofitions que vous montrez, vous paffe- rez votre modele. " Quand il a été quellion de recevoir doéteur Ie Sieur Duchanoy, M. Bouvart, lors de 1'asfemblée pour juger de I'information de vie & de mceurs du fujet, a fait rapporter unftaiutde Ia faculté, par lequel tout candidat, convaincu d'avoir écrit contre un doQeur de la faculté, doit être exclu. La cabale du roédecïh outragé a fait valoir cette loi, & il a été arrêté que le candidat feroit tenu de faire une lettre d'ex-  i 138 ) cufe k M. Bouvart; il 1'a fait d'une facon trèshumiliante; cependant celui-ci, traitant la chofe peu généreuferaent, a renvoyé la lettre a la faculté,"en ajoutant qu'il la regardoit comme une nouvelle injure, & qu'il s'oppofoit toujours k la réception du Sieur Duchanoy. M. Petit, intérene a la défenfe de fon protégé, y a mis toute la chaleur poffible. On exige aujourd'hui une rétraótation formelle, précife, authentique du Sieur Duchanoy, & c'eft le point de difficulté; il y a beaucoup de cabalespour& contre, & ces deux chefs divifent tout le college de médecine. A la page 152. Le 12 avril 1772. On arendu compte dans le tems d'une partie d'ouvrage lue par M. Thomas a une aflemblée de 1'académie franeóife, tirée d'un EJfai fur le caraSte re les mesurs & Yefprit des femmes dans les différens fiecUs. Ceiui-Ci parofc imprimé. L'au, teur y veut faire voir ce que les femmes ont été, ce qu'elles font, & ce qu'elles pourroient être. . II traite la première partie, qui eft hiltonque d'une facon intéreffante & curieufc; famarche même eft affez rapide, & c'eft fans contredit le meilleur morceau de 1'ouvrage- La feconde eft un tableau de nos mceurs actuelles relativement a cette partie de 1'efpece humaine, mais contenant moins de fans que d'obfervations, & dans ces dernieres 1'écnvain eft fouvent diffus, entortillé & tropmicutieux.  C 130 ) Quant h la troifieme, elle eft fort courte & paroit uniquement deftinée a caractérifer, fous les traits d'une femme parfaite, Mad. Necker, 1'héroïne de 1'auteur , qu'il a déja célébrée précédemment dans un portrait fous lequel les gens au fait reconnoiffent parfaitement que c'eft elle qu'il a eu en vue. Mad. Necker eft une Génevoife qui tenoit une efpece d'école dans la ville; M. Necker, banquier de cette république, & aujourd'hui fon miniftre, en eft devenu amoureux & 1'a époufée. Elle raffemble chcz elle des philofophes & des beaux efprits, & c'eft dans un de ces comités qu'a été concu, ainfi qu'on 1'a dit dans le tems, le prpjet d'élever une ftatue a M. de Vokaire. A la page 152. Le 13 avril 1772. Il paroït un cinquieme Supplément k la gazette deFrance, plus long que les précédens. L'auteur a étendu fans doute fes correfpondances, & donne des nouvelles des principales villes du royaume. II prend confiftance de plus en plus, c'eft aujourd'hui une gazette fcandaleufe très-en regie, mais dont les retours périodiques ne font pas encore affurés. A la page 153. Le 14 avril 1772. C'eft i. 1'occafion du ridicule que Molière jette fur les femmes fgavantes que M. Thomas établit le premier portrait de Mad. Necker, fur laquelle il craint apparemment que ne rejailliffe un pareil ridicule; il prétend faire voir dans fon héroïne  C i4Q ) Fufage Jïeumix des lumieres d coté de l'abus. II la peint comme,, une femme jeune &aimable, „ qui a recu du cóté des connoiffances & de „ 1'efprit, la meilleure éducation, & qui a confervé toutes les graces de fon fexe; qui ,, fait penfer profondément & qui n'affeéte j, rien; qui couvre d'un voile doux fes lumie„ res, & a toujours un efprit facile, de ma„ niere que fes connoiffances acquifes parois,, fent reffembler a la nature; qui peut appréj, cier & fcntir les grandes chofes, cc ne déj, daigne jamais les petites; qui ne fait ufage de 1'efprit que pour rendre plus touchant le commerce de 1'amitié; qui en étudiant & „ connoiffant le coeur de 1'bomme, n'a appris „ qu'a avoir plus d'indulgence pour les foij, bleffes, 5c de refpeót pour les vertus; qui „ enfin met les devoirs avant tout, mais les 3, connoiffances après les devoirs, & n'em„ ploie la leclure qu'a remplir les inftans que „ laiffe dans le monde le vuide des fociétés & ,, de foi-même, cc a embellir fon ame, encul,, tivant fe raifon. Dans 1'autre éloge M. Thomas fe fert d'une nouvelle tournure; il dit que ,, Ia femme efti,, mable du,fiecle, feroit celle qui en prenant ,., dans le monde, tous les charmes de la focié3, té, c'efi a-dire le goüt, la grace & 1'efprit, „ auroit feu en méme tems fauver fa raifon & „ fon cceur de cette vanité froide, de cette „ faufle fenfibilité, de ces fureurs d'amour-  ( Hl ) " P'Tr ' & d° taDt d'eiF^^ions qui naiffent „ Ue 1 efprit de iociété pouffé erop loin; celle ï, qui, aflervie malgré elle aux conventions cc „ aux ufages Cpuïfqu'ils font partie de notre „ rageffe) ne perdroit point de vue la nature „ cc ie retourneroit encore quelquefois vers „ die, pour 1'honorer du moins par fes re„ grets; celle qui entrainée par le mouvement „ général, fentiroit encore le befoin de fe re„ pófer de tems en tems auprès de 1'amitic„ celle qui, par fon état forcée a la dépenfe | cc au luxe, choifiroit du moins des dépenfes „ unies, & affocieroit 1'indigence induftrieufe „ cc 'honnête a fa richeffe; celle qui en cultf. „ vant la philofophie cc les lettres, les ai me„ roit pour elles-mêmes, non pour une réputa „ tion vaine & frivole; qui dans 1'étude des" „ bons hvres chercheroit a éclairer fon efprie | par la vérité, a fortifier fon ame par des „ principes, & laifferoit la le jargon , l'étala^e „ cc les mots ; celle enfin qui parmi tant de lé i gereté, auroit un caraftere; qui dans la I roule auroit confervé une ame; qui dans ié | monde oferoit avouer fon ami, après t'avoir entenau calomnier; qui oferoit ]e défendre , quand il devroit jamais n'en rien feavoir-' | qui ne ménageroit point un homme vil qu^nd' , par, hazard il auroit du crédit & une voix , mais qui au rifque de déplaire fcauroit I daDS fa maifon> & b°rs de cfaez eile,garder , fon eibme a la vertu, fon mépris au vice Ï, " W,J auil» apres 1'avoir , entendu calomnier ; qui oferoit Ie défendre,  C 142 ) „ fa fenfibilité a 1'amitié, cc malgré 1'envie ■ d'avoir une fociété étendue, au milieu même " de cette fociété, auroit le courage de publier une facon de penfer fi extraordinaire, cc le „ courage plus grand de la foutenir. Cette femme qui feroit eft la femme qui eft encore, au gré de M. Thomas, cc c'eft toujours Madame Necker. A la page 153. Le 14 avril 1772. Depuis le réquifitoirc du 14 mars il femble que les écrivains patriotiques aient repris plus d'acftivité, & comme pour marquer 1'impuiffance de Ia police cc du miniftere, les brochures fe multiplient en foule. Depuis le cinquieme fupplément il paroit un autre pamphlet intitulé: L'auteur du 4el JuppUment d M. de Maupeou, chancelier de France. De Paris ce 13 avril 1772. II y a apparence que c'eft antidaté, cc que cela ne s'eft pas imprimé depuis hier. L'auteur en queftion turlupine de fon cóté le chef fuprême de la juftice, & maitre Jacques de Verges fur certaines expreffions de fon réquificoire. II rappelle des anecdotes atroces contre le Sieur Breuzard, confeiller qui a fait la dénonciation du quatrieme fupplément au nouveau tribunal, & peint ce magiftrat non-feulement comme asfaffin de fon frere, mais comme empoifonneur de fa première femme. Suit une prétendue Copie d'une lettre volée d l'éditeur de la quatrieme correfpondance: elle eft la 36=. fif de M. de Maupeou d M. Sorhouette»datie de Paris le 24 mars;  C 143 ) oh. 1'on dévoile. les inquiétudes du ehancelier & fes projets fecrets pour opérer efficacement les liquidations &c. A la page 153. Le 15 avril 1772. La licence eft pouffée au point qu'il n'eft pas de plaifanteries qu'on ne fe permette, & qui ne trouvent a s'imprimer. On repand ici Pannonce fuivante: Meffieurs, vous êtes averijs qu'il eft arrivé pour la foire Saint Germaia un perfonnage intércffant. Le Sieur Fiquet de Normanville, dit le vil Normand, fils d'un aubergifte, devenu le receveur de la ducheffe de laForce, petit-fils d'un valet d'écurie devenu aubergifte, préfident parjure & intrus au confeil fupérieur de Rouen, eft venu en cette ville avec beaucoup de prétentions.' Ils s'agit de traiterla#éunion des deux confeils en un parlement, d'être premier préfident du confeil de Rouen aótuel ou du futur parlement pofiiche k Ia place de M. deCrofne qui ne s'entend a rien, ou même d'obtenir une place méritée parmi Meffieurs les maitres des requêtes. Le fieur Fiquet eft reconnoiffable k fa tête k perruque, fa face pleine, fon nez large, fes yeux noirs, fes fourcils chêtains, fon col court, fa taille fournie de cinq pieds 4 pouces, fa démarche ruftique, fon propos burlefque. On Ie verra fouvent-a Ia porte de M. de Ia Michaudiere, dans Pantichambre de M. le  ( 144 ) chancelier , chez des filles , k Ia comédie italienne. Ceux qui apprendront de fes nouvelles font priés d'en donner a M. *** FaubourgBouvreuil a Rouen: ils recevi'ont récompenfe. A la page 153. Le 16" avril 1772. La 4e. lettre manufcrite fe répand: elle eit de M. de Sorhuette a M. de Maupeou. Sa date eft du premier avril; elle roule fur les petitetbrochures nouvelles de M. le chancelier; elle eft peu de chofe, & fembie un paffage feulement a la je. ou doit étre vraifemblablement un entretien de M. de Machault. A la page 156. Le 22 avril 1772. On a reeu la neuvieme partie des queftions fur 1'encyclopédie: on y trouve des lettres deMemniusa Ciceron , de main de maïtre A la page 15Ö. Le 23 avril 1772. Les entrepreneurs du colyfée imaginent tous les moyeris povTibles de faire revenir le public fur leur compte & de 1'amufer par des jeux nouvcaux. On parle aujourd'hui de donner une fpeftacle d'efcrime. A la page 156. Le 24 avril 1772. Le pointde Vue qu'on a annoncé, fait un grand bruit dans le parti des janféniftes, qui fe fortifie merveilleufement aujourd'hui. On entrera dans une difcuffiot) plus détaillée de eet ouvrage. A la page 157. Le 26 avril 1772. Les propos fe foutiennent fur fa brouillerie conftante avec Madame du Barri & les autres Miniftres de la maifoa  C 145 ) maifon de Bourbon, enforte que les efpérances fe raniment merveilleufement de couces parts, & qu'on a toujours fait a compte la chanfon fuivante. - Chanfon prophétique Sur F air: L'on lan la derirctte. Par ma foi, rené de Maupeou, Vous devriez bien être faou!, L'on 1'an la derirette, De tous les pamphlets d'aujourd'hui; L'on lan la deriri. Votre crédit baiffe , dit on, Chacun vous tire au court baton, Lon &c. N'en ê\tes vous pas étourdi? Lon &c. L'abbé Terrai, le d'Aiguiüon Méditent quelque trahifon. Lon lan la &c. Le petit Saint (*) s'en mêle auffi; Lon lan la &c. Mais votre plus affreux malheur Cefl: de n'être plus en faveur, Lon lan la &c. Avec Mefdames du Barri Lon &c. Cj St. Florentin, aujourd'hui dac de la Vriliiere. '? To m XXIF. G  C 146 ) Jufqu'a ce Monfieur de Beaumont (*), Qui vous a fait certain affront, Lon &c. Sans vous en avoir averti, Lon &c. Ce qui redouble encore vos tnaux, Le maitre vous tourne le dos, Lon lan la &c. Et bien plus la future en rit, Lon &c. Voulez-vous que je pnrle net ? II faut faire votre paquet; Lon lan Ia &c. Monfeigneur décampez d'ici Lon lan la &c. Car a la Greve un beau Salve Pour vous bientót eft réfervé, Lon lan la &e. Et par deffus de profundis Lon lan &c. Ainfi foit-il. A la page.157. Le 27 avril 1772. Depuis la mort du Sieur Trial 1'opera eft refté entre lts mains des trois directeurs furvivans; pour mieux conduire ce tripot de Muficiens, d!acteurs, & de danfeurs fort difficiles a faire aller, & dont les chefs a&uels paroiffent ne pas (•) On prétend que lVchcvêque s'étoit oppoie a 1» publiciition des monitoires.  C 147 ) bien entendre la manucention, on a nommé le Sieur Rebel, infpeéteur général de l'académie royale du mufique; c'étoic un des deux qui en avoient la direclion précédemrnenc &donrle public étoit en général moins mécontent. A la page «57. Le 28 avril 177a. Le point de vue eft divifé en trois lettres :dans la premiere , fous la date du 25 février, on expofe les faits préliminaires a commencer feulement depuis I s brouilleries de 1753 a 1754» propres a convaincre que les jéfuites font originairemeut les vrais & principaux auteurs de la fituation déplorable 011 fe trouve le royaume; que les autres caufes n'y participent que comme fecondaires, & que les agens apparens de tant de cataftrophes n'ont fouvent eux-mêmes pas connu 1'impulfion fecrette qui les mettoit en mouvement; que cette folution feule explique d'uce maniere fatisfaifante toutes les intrigues actuelles & donne un dénoüment aifé de démarches qu'on jugeoit d'abord contradictoires. Le tableau rapide des évenemens qui fe font fuccédés depuis ce tems orageux jufqu'a 1'expulfion entiere de la fociété de France, coruprend 1'exécrable actentat commis par Damiens, qu'on n'affigne que comme 1'inftrumentaveugle de la veugeance des jéfuites. On veut que le roi ait été convaincu de cette horrible vérité, & que lacertitudedu crime ait étéportée jufqu'i la démonftration par la diffoluuon de eet ordre régicide. G 2  C 148 ) La deuxieme eft datée du 29 février. On y reerace les faits qui ont fuivi jufqu'au fatal éaic du mois de décembre 1770. On y repréfen'te 'les jéfuites chaffés de France & de Portugal, chcrchant a fe fortifier dansles états voifins, a foutenir la confiance.de leurs partifans, a fe ménager auprès des perfonnes en place des appuis, des creatures & des efpions, a conferver encore une influence éloignée fur 1'éducation de la jeunefle, par le canal des évêques dont ils étoient fürs & auxquels on attribaa la plus grande pare dans la formation des bureaux des nouveaux colleges par un édit qu'on fit paffcr au parlement fous un prétexte fp.écieux, & par la réunion des boiirfiers au college de Louis - le - Grand , a la tête duquel ils fueat mettre adroitement M. 1'arebevêque rie Rheims, qu'ils manioient a leur gré par fon homme de confiance; a exciter en leur faveur une réclamation aux états de Bretagne, qui ne réuffit pas, mais alluma dans cette province des divifions dont ils profiterent; a faire "tourner a leur avantage, 1'élévation même de M. de Laverdy au contröle général en lefaifant concourir ainfi que M. ie duc de Choifeul a la formaeion d'un édit qui leur accordoit uneforte d'exitlence dans le royaume , mais qu'on fit pegarder aux ennemis des jéfuites comme con-; firmatif de leur deftruclion; a profiter de leur rentrée fourde pour cabaler prés des évêques & produire en 1765 les acles de 1'affemblée du  C 149 ) clergé, nouveau brülot qu'ils lancerent contre les pariemens & qui occafionna une fcifiion momentanée; a donner le change fur Ia caufe de leur deftructioti,. en mettant adroitcmenten oeuvre leurs propres adverfaires pour la rcforme des,, ordres religieux, en répandant enfuite le bruit que les ennemis de la religion ne cberchoient qu'a les anéantir, & qUe , pour mieux réuffir dans ce projet impie, on avoit coramencé par les jéfuites, comme les plus difficiles a entamer; enfin a commencer 1'exécution de leurs projets de récrimination contre les inftrumens de leur perte par M. de la Chalotais & autres magifirats vertueux & intrépides, ce qui ouvre la chafne des atrocités de toute efpece qui fe font fuccédées fans interruption depuis les profcriptions célebres, jufqu'au moment pb l'on a fait pafier la faux de defiruction fur toutes les provinces du royaume. La derniere lettre datée du 9 mars foutient les faits par diverfes réflexions. 10. Surlerafinement de la profonde polirique des jéfuites qui ne pouvant éviter 1'extinclion de leur ordré en France, ont préféré de faire fubftituer l'autorité immédiatédu roi aux formes légales & d'ttablir ainfi le principe contre lequel on'ré clame aujourd'hui. 2». Sur i'efpece des auteurs de la révplution aéluelle, qu'on trouve tous être leurs partifans ardens. 30. Sur Ia nature des perfécutions plus fortes en proportion cu'on avoit témoignéplus de zele contre G 3  la fociété, ce qui fe démontre par les divers traitemens faitsaux pariemens, anéantis tout-afait lorfqu'ils font tout-a-faic contraires, ou confcrvés dans leurs membres dévoués a 1'or-' dre. 4°. Cc qui fe démontre encore mieux par 1'exemple des particuliers dont les plus ennemis des jéfuites font les plus maltraités. 5». Sur ce que les jéfuites feuls ont gagné a ladéfolation univerfelle, & qu'ayant effen tiellement profité du défordre, ils doivent en être, fuivant les principes du raifonnement, réputés les principaux infligateurs. 6°. Sur la délicateffe mal placée qu'ont eu les corps réclamans de ne pas défigner les jéfuites comme les auteurs fecrets de nos divifions, quoiqu'ils en fuffent convaincus,réferve fatale qui aperpétué les calamités. 70. Sur Pefpoir qui refte que nouü trouverons le terme de nos maux , & qu'un jour le pape nous ouvrira les yeux en détruifant les jéfuites fur les preuves excellentes & multipliées qu'il a qu'ils ont entrepris de culbuter les états dont ils ont étéchaffés, qu'ils ont attenté a la vie du roi de Portugal, qu'ils ont confpiré contre la maifon régnante d'Espagne, qu'ils excitent en France les troubles actuels, & qu'ils veulent fe venger fur la magiftrature qui a découvert leur fecret. A la page 158. Le 28 avril 1772- Pendant la quinzaine de paques les comédiens francois, qui, au moyen du nouveau projet de falie dont on a parlé, doivent féjourner encore  ( I5i ) plufieurs années aux Thuilleries, y ont fait quelques changemens pour rendre celle-ei moins fourde, en rapprochant les loges du fond de 1'amphithéatre plus en avant, & t'4chant de réparer ainfi la faute énorme qu'ils avoient commife de rcculer le théatre pour fe procurer plus de loges. Les Druides font affichés pour demain, 13e. repréfentation. On eft d'autant plus furpris de cette tolérance, qu'on s'oppofe con (tam-, ment h 1'impreffion de 1'ouvrage , & qu'on fcait que M. de Sartines a fait tout ce qu'il a pu pour engager d'amitié 1'auteur a ne pas laiffer reprendre cette tragédie; a quoi M. le Blanc s'eft refufé conftamment, fous prétexte qu'il ne pouvoit ainfi manquer au public qui lui faifoit 1'honneur-de la redemander. A la page 158, Le 29 avril 1772.- L'affiche des Druidts avoit été renouveiée aujourd'h.ii. A une heure un exempr. de police eft venu fignifier aux comédiens un ordre du roi de ne pas jouer cette piece ; ce qui les a fort embarraffés ; ils vouloient, par épigrammes y fubfiituer le Tartufe; tóalheureufement ils ne fe font. par trouvés affez complets pour le jouer. Cette profcription e ft un nou vel effort du clergé, & furtout de 1'archevêque de Paris. D'ailleurs , des raifons de politique fe font jointes a 1'efprit de rauatifme , cc l'allufion qu'on a cru y voir entre Madame Louife, Sc une fille de roi qui s'y dévoue au cultcd'Efus, G 4  C 152 ) les applications qu'on en afaites malignement dans la brochure a Jacques de Vtrgès, ont engagé le miniftere a fe rendre en cette occafion aux vceux du clergé, qu'on ne veut pas méconteuter ouvertement dans le moment oh il eft queftion de s'affembler pour en obtenir de 1'argent. A la page 158. Le 30 avril 1772. On a donné hier dans le Wauxhall de la foire St. Germain un concert extraordinaire au profit des écoles gratuit es de deffin. L'affemblée étoit nombreufe & brillante, & la falie qui eft décorée de la facon la plus galante, ornée d'une multitude de jolies femmes, fembloit offrir une affemblée de 1'Olimpe. La mufique n'a point vépondu a cette imagination. Le concert a commencé par deux fymphonies qui ayoient balancé le prix au concours établi depuis quelques années a la falie du concert fpiritue! pendant la quinzaine de paques. Aprcs i'cxécudon M. de Meulan, fondateur de cette médaille, établi fur un théatre particulier avec les juges, a déclaré que la feconde fymphonie concertante avoit été jugée la meilleure; il a nommé 1'auteur qui eft un muficien appartenant a l'éledteur Palatin; il a ajoutéqueregrettant dé ne pouvoir reconnoitre convenablement le mérite du fecond auteur, on avoit fourni une fomme de 200 liv. pour le récompenfer; celui-ci elt un muficien du prince des Deux-Ponts. Les deux lauréats ont paru fuccès-  C i53 ) ceffiveraent, & ont recu des mains de M. de Sartines, lieutenant général de police, leurrétribution. On a enfuite chanté 1'opera de Deucalion & Pyrrha, mis en mufique par M. Gibert. Il eft en quatre aétes & n'a fait que peu de fenfation; il a d'aiileurs éfé fort mal exécuté. En tout.ce concert étoit médiocre &nerépondoit pas a fon objet. Des deux nouveaux morceaux de mufique couronnés, 1'un a paru plus fcavant, 1'autre plus agréable, mais dansaucun l'on n'a trouvé de ces traits d'harmonie fublime qm caradtérifent les grands maftres & les ouvrages durables. A la page irJo. Le 5 mal 1772. Les comédiens francois ne pouvant abfolument fonger a remettre les Druides, s'occupent aujourd'hui de Pierre le Cruel qu'ils efpérent jouer incesfamment; il faut croire qu'on a auffi levé les obftacles qui s'oppofoient k la repréfentation de cette tragédie. A la page ióö. Le 6 mat 1772. Les deux fujets couronnés au concert donné le 30 avril au profit des éleves des écoles gratuites de des fin font, le premier, M. Canapick, maf ere de* mufique de la chambre de 1'éleéïeur palatin- & le fecond, M. Eijcher, maftre de mufique de la chambre du duc des Deux-Ponts. A la page irJo. Le 7 mat 1772.' C'eft M. JVatelet qui eft confiamment reconnu 1'auteur des paroles de Popera de Deucation & Pyrrha a^en- de plus miférabie que cepoëme, indignc G j  ( 154 ) a tous égards d'un membre de Pacadémie francoife. A la page 161. Le 9 mai 1772. Le projet de la nouvelle falie de comédie s'avance toujours, quoique lenteraent, & prcnd une forte de confiüance: Le voila'étayé d'un arrêt du confeil du 23 avril, qui autorife a 1'acbat des terrains néceflaires, donne toutes les facilités poffibles & pourvoit aux furetés refpeftives. II eft acluellement queftion de faire imprimer un pro/peetus de 1'opération en finances pour exciter les capitaliftes & les engager par Tappas du gain & fa certitude, a placer leurs fonds dans cette entreprife. A la page iö*t. Le 11 mai 1772. Les comédiens italiens fe difpofent a donner ineeffamment ïAmi de la maifon , comédie en trois aftes mêlée d'arietes. On en a déja parlé a 1'occafion de la repréfentation qu'elle a eue a Fontainebleau eet automne, & qui n'a pas eu un merveilleux fuccès. Les paroles font de M. Marmontcl , & la mufique eft de M. Gretry. C'eft pour cette femaine la première repréfentation de Pierre le Cruel. A la page 162. Le 13 mai 1772. On écrit de Bretagne que M. le duc de Cbartres a été recu partout avec les plus grandes démonftrations de joie , que la nobleffe de toutes les villes oh il a paffé eft montée a cheval pour allerau devant de lui,, que les Dames fc font païé'es» & fe font rendues, aux endrcits. ou il re«  C -55 ) layoit,. qu'ènfin on lui a adrelTé h Breft le discours fuivant au nom de la nobleffe. L'hommage que vient rendre a V. A. S. „ la nobleffe de Bretagne eft 1'expreffion des M fentimens les plus chers a fon cceur. Ne „ lui feroit-il pas permis de faire éclater fa }, joie , lorfque votre arrivée dans une proj, vince qui s'eft toujours diftinguée par fon 3, zele & fa fidélité, femble être le présage 3, des évenemens les plus heureux ? Tout con3, court, Monfeigneur , a fonder les douces 3, efpérances que nous ofons former, le res„ peet fans bornes- pour 1'auguite fang des 3, Bourbons,, notre vénération pour les quali,, tés éminentcs & patriotiqu.es de V. A. S & „ notre jufte confiance dans les. bontés pater3, Belles d'un roi bren-aimé.. Quelques pbrafes de ce difcours ont fort déplu a la cour, comme ayant trait aux circonftances. On n'eft point a fe repentir d'avoir laiffé aller en Bretagne dans le momenr un Prince chéri,, dont la préfence n'eft propre' qu'a fairefermenter les têtes de ce pays la d'une' facon dangereufe,, furtout aux approches desétats- qui doivent s'affembler 1'automne; pro.chain. C'eft M. le duc de Penthievre qui a demandé au roi. la permiffion pour fon gendre , &. S. A. S. pourroit bien en effuyer des- re» proches. A la page 164.. Ee 15' mair-j-j^. Juftice* gratuite,. Titre» d'un nouveau^ pamphlè^qpi'  C IJ* ) confifte dans ?'es doléances d'un plaideur a Ia veille d'être ruinë par la juflice gratuite, & dans une réponfe de fon ami qui fent tous les grands avantages que M. le chancelier nous fait. Après les deux lettres on en trouve une troifieme , oh l'on développe encore plus la mJtiere. A la page 164. Le 17 mai 1772. On parle d'un nouvel écrit intitulé: Requête des Etats* Généraux au roi; mais il eft encore trés- rarey & a peine a percer; il paroit émané d'un autre arcenal que celui oh fe fabriquent lesdiverfes brochures politiques dont on a rendu compte; on le croit même imprimé en pays étranger. A la page Le 17 mai 1772. La tragé¬ die de Pierre le Cruel annoncée depuis longtems r & toujours contrariée, vient de 1'être encore par ia rechute de Mlle Veftris qui devoit faire le róle de Blanche; on a pris le parti de prier Mlle Dubois de I'apprendre, & l'on compte que cette piece fe jouera inceffamment. A la page ió"7. Le 20 mai 1772. L'opera répete aétuellement la Reine de Golconde , cc doit donner inceffamment ce ballet héroïque en trois actes, dont les paroles font du Sieur Sedaine & Ia mufique du Sieur de Montigni. Quoiqvt'il n'ait jamais eu un fuccès bien merveilleux, on 1'attend avec impatience, paree que Sieur Larrivée, malade & abfent depuislongtemséu théatre, doit y reparoicre.  C 157 ) A la page 170. Le 23 mai 1772. L'Efprit de I'arrêt du confeil du 13 avril 1772. C'eft le' titre d'une petite feuille de 33 pages in 12. Elle eft en deux colonnes'; d'une part eft le texre de cette prétendue loi qu'on veut n'avoir point été délibérée au confeil du roi, & qu'on' regnrde comme émanée purement des bureaux du cbancclier; de Pautre efr ie commentaire. oh Pon développe Ie faux, l'inju(b'ce,& 1'atrocité' de I'arrêt, tantöt par des louanges iromques, tantöt par des cenfures dircéles & lumineufes;partout on y fuit 1'auteur pied a piecl; on le combat ; on le démafque, & l'on cherche a détruire 1'impreffion que pourroient faire cafés menaces ou fes careffes. On y a joint quelques anecdotes relatives, & il eft fort a craindre qu'un tel écrit, s'il parvient aux exilés, ne les confirme dans leur réfolution, & ne les rende plus inébranlables que jamais. A la page 170. Le 23 mai 1772. Malgré la chute complette de la tragédie de Pierre le Cruel, dont on n'avoit ofé annorcer unefeconde repréfentation le même jour, lepublicavoiE vu avec indignation qu'elle ofoit reparoïtre fur 1'affiche du lendemain ; cependant 1'auteur mieux confeillé n'a ofé foutenir une autre chute, elle a difparu tout- a-fair; il dit que c'eft pour fe donner le tems d'y faire des corrections, ou même de Ia refondre: on croit qu'il' feroit beaucoup mieux d'en fabriquer une autre , ou plutót de n'en plus compofer; ear auG 2  C ijs ) jourd*hui que le yeux font décillés , il eft k craindre que fes énthoufiaftes ne veuillent fe venger de la fotte admiration qu'ils affichoienc pour ce poëte barbare. A la page 170. Le 24 mai 1770. Les eeufs rouges de Monfeigneur étoient attendus avec impatience , depuis longtems on prématuroit leur arrivée; ils étoient annoncés pour le 15 mai,. & ils avoient affeclivement été diftribués ee jour-la, fi l'on eüt pu les faire palier 1c 13 jour de la revue, comme on 1'efpéroit,. a la faveur du tumulte d'un tel fpeélacle ; mais les défiances de la police,. qui avoit redoublé fes fuppöts, a rendu vains les préparatifs, &il a fallu avoir recours a quelque autre rufe; Enfin-, ils fe répandent ;. n'importe comment. C'eft un petit volume, de 64 pages ayant pour titre: Les dsufs rouges,- première partie. Sorhouette mourant d M. de. Maupeou chancelierde Francs.. Le difcours eft précédé de troiseftampes; La première,-allégorique, repréfente letemple de la juftice qui s'écroule par les effbrtsd'un nouveau Samfon, aidé. du démon de la difcorde , avec fes ailcs de chauve -fouris, un bonnet & un cöilet d la jéjuite. Le Samfon francois a un bandeau fur les yeux.- La colonne' fur laquelle 1c globe des armes de France. eft élevé s'écroule auffi ;.on n'y-appergpit plus-, que' des traces.-d'anciens? trophées a.-demi eifiïcéson litFefiigia glorice deletSi- La ftatue d&:  C 159 ) Themis a les bras caffés, fes balances tombent par terre ; des femmes renverfées repréfentent les principales villes qui venoient demander juftice; 1'écuffou d'une d'entre elles marqué la bonne ville de Paris. Au bas on lit cette inscription : Alterius Samfonis vires. La feconde allégorie eft une allufion a la métamorphofe d'Hécube eu chienne enragée, pourfuivie a coups de pierre parlesThraces. ^ Le chancelier en firaarre a la tète déja changée en celle d'un chien, une patte fermée avec laquelle il croit pouvoir encore donner des coups de poing , de 1'autre portant a fa gueule la lettre a Jacquet de Vergès: on lit fur 1'adreffe ce mot terrible Correfpondance. La Vérité d'une main lui préfente un miroir pour lui faire voir que la métamorphofe ne lui a rien fait perdre des agrémens de fon ancienne figure. A fes pieds on voit un ballot ouvert, duquel fortent avec impétuofité les Protiftations dts princes , le Maire du palais & les différentes, parties de la correfpondance qui fe charjgent en. pierres. Quelques Frangois ramaffent ces brochures & les jettent a ce vilain dogue. Le fond repréfente la partie d'un temple, furlefrontifpice duquel eft Thémis entourée de nuages: fur les marches on voit une foule de fpeöateurs qui levent les mains au ciel, pour rendre graces de lajufle punition exercée contre le Maupeou. A» bas on lit cette infcription: Canisinfandi rabies,,  Telle eft Pexplication que 1'auteur dbrtnff Jui-même des deux caricatures. La tFoifieme" eft le frontifpice; il repréfente Péditeur de la' correfpondance recevann des mains de 1'auteur les cettfs rouges de Monfeigneur. Le premier a un mafque fur le vifage, le fecond. a Pair mo~ ribond, cc fe fouleve avec peine fur fon lit.. Un génie en pleurs tient un cadran. Au bas de Peftampe ou lit r Epitaphe de Villuftre défi.mt.. ,, DaDS le courant de novembre 1771 eft paffe 5, de vie a trépas, de facétieufe mémoire,, 3, 1'auteur de Ia correfpondance; il étoit „. „ citoyen il aimoit fa patrie cc gémiffoit de 5) la voir dans Voppreffion; il ai-maft fon roi„ avec paffion; il n'en a jamais parlé qu'avee 3, le plus tendre cc le plus profond refpedt; il „ plaigooit ce bon prince, ce prince qu'il ado3, roir. ... d'être le jouet du malheureux- qui „ abufe de fa confiance. " Le difcours de M. Sorhouette eft daté du %f. avril; il eft précédé de cette égigraphe r Qid va répondre adieu, parle aux hommes fans peur,. vers de la tragédie de Tancrede de M. de Voltaire. II eft dans le goüt de la fameufe lettre du confeiller du grand confeil, inférée dans la deuxieme partie de da correfpondance, c'efta-dire plein de chofes, fort & nerveux. C'eft un- tableau rapide des- maneeuvres de M. Ie chancelier pour opérer la deftrudtion du parle, ment. L'auteur, avec fa politique ordinairs?,^ sontinue a carelTer M. le duc d''Aiguülon 5. &:  ( 161 ) le fuppofer innocent, & a faire regarder tout ce qui s'eft paffé a fon égard comme médité & tramé par le chancelier pour le perdre; il cherche par la fans doute è maintenir 6c accroitre la divifion entre ces deux perfonnages pour les détruire 1'un par 1'autre, s'il eft pofiible. Par un rafinement de politique plus grand encore, il atténue aujourd'hui les torts du controleur général; cc, comme il n'ofe 1'excufer lui-même, contradidtion trop manifefte avec ce qu'il en a dit précédemment, il met fa défenfe dans la bouche d'un de fes partifans & prétend que 1'abbé Terrai eft beaucoup moins coupable que M. de Maupeou dans les maux qu'il afaits a la France; que le premier pouvoit du moins objedter la raifon d'état, fe laiffer entrainer par une néceffité impérieufe, & prendre des moyens violens. fur lefquels il s'eft peut-être trompé, mais que rien n'excufc le fecond d'a- v'Dir r""'!ó cpt effi'nwnKU *Ji. tttnnrfSonYe h Wil 11.U.V .U.kJjlll/lC CU1L UU |]|Jj,L,V.... perpétuité, de I'avoir fait paffer a fon parlement, de d'avoir en outre chargé 1'état d'un capital de dettes énormes en capitaux par les fuppreffions qu'il a faites,&d'arréragesannuels. Ces détails épouvantables font rapprochés de fagon a ferrer le cceur de tout Francois de peut-ëtre de tout étranger qui les lira. On eft faché que la fin de cette philippique dégénéré en détails vils, injurieux, ou burlefques fur différens membres du nouveau tribunal dont on n'avoit pas encore reffaffé 1'origine, les  ( 162 3 mceurs & les taleos. Oa y trouve malheureufesnent des faits faux , d'autresaltérés dans leurs circonftances elfentielles qui indiquent trop'de légereté daas le compilateur a adopter des méchancetés, dont quelques-unes font plaifantes, il eft vrai, mais déparent abfolument le ton noble & vigoureux du refte de 1'ouvrage. On trouve è Ia fuite de tout celade trés-humbles 6? trés - refpeStueufes remontrances du parlement au roi fous la date du vingt-cinq avril, qui font d'une meilleure plaifantcrie, & cacbent des véritës importantes. A la fin de ces mufs rouges on lit: la Suite pour le Bouquet de Monfeigneur. A la page 171. Le 27 mai 1772. Rien de plus plaifant que les remontrances prétendues du parlement inférées a la fin des oeufs rouges fous la date du 25 avril. Ce parlement, après y avoir exalté fes qualités, droits, prérogatives, &c. & furtout lbo utilité dans 1'ordre politique, avec beaucoup d'emphafe & dans un ltile vraiment oriental, fè plaint que le controleur général veuilleretenir les deux vingtiemes fur les gages des officiers de cette compagnie, quoiqu'ils ne lurkfent , d'après Ie calcul même du chancelier qu'a leur étroit néceffaire, y compns, il ctt vrai, tous les articles, même celui des filles. On y fait valoir avec quel zele cette compagnie a déja enregiftré tous les impóts qui lui ont été préfentés, & fa difpofition fincere a  C 163 ) enregiftrer tous ceux qu'on lui préfentera. Pour accroftre davantage cette ardeur patrio, tique, on y propofe de donner un écu par tête a chaque membre pour chacun des éditsburfaux, qui viendront jufqu'a la concurrence de quinze cents & de paffer le refte gratis. On y ajoute que ü S. M. vouloit y fairepasfer vingt mille arrêts du confeil, que le vieux parlement avoit refufé d'enregiftrer, Meffieurs font très-empreffés de donner cette nouvelle marqué d'attachement, & toujours moyennant une légere rétnbution. A la page 173. Le 30 mai 1772. On n'eft point en général auffi content des eeufs rouges que des autres parties de la correfpondance. Les raifonnemens n'y préfentent rien de neuf, & les plaifanteries ne font pour la plupart que méchantes fans être gaies; elles ne portent pas d'ailieurs fur des chG,rC5 eiïbH!R!les- °3 reproche a 1'auteur d'avoir croquécet ouvrageci , de n'avoir pas profitédes contradiétions , des abfurdités, des fuites effroyables que préiènioit Pceuvre de M.'le chancelier, des anecdotes dont il auroit pu enriehir fa colleétion. Beaucoup de gens n'aiment pas non plus qu'on y ménage tant 1'abbé Terrai; & les dévots janfeniltes ont été révoltés de Tindulgence qu'on y témoigne pour Madame la comtefle du Barri , ainfi que pour les jéfuites qu'on fembie n'ofer nommer. On a oublié de dire que dans le frontifpice  C 164 ) qu'on juge avoir été gravé par un amateur s ainfi que les eflampes, 1'auteur mourant de la correfpondance a auprès de lui un petit panier d'ceufs rouges enluminés, très-bien fait. A la page 173. Le 31 mai 1772. Dans la gazette de France no. 43 , du vendredi 29mai,. on trouve la traducfion de la fentence rendue contre Struenfée ,- les griefs qui lui font imputés; Sc la peinture des défordres qui en ont réfulté , dans 1'adminiftration , dans la juftice, & dans toute 1'économie intérieure du Dannemare, eft fi reffemblante a ce qui fe paffe ici, que la popuiace même en fait 1'applicatiori; on a été fort furpris des détails qu'on a donnés „ a eet égard, & qu'on pouvoit fe difpenfer de faire. Les politiques veufent que cela n'ait point été fait fans deffein. Ils attribuent la méchanceté a M. le duc d'Aiguillon, qui, en fa aualité de miniflre dp; sffair^S étrsngéres,. a la. principale infpeftion fur les papiers de nouvelles publiques, & qui méditant depuis longtemsla perte du chancelier, n'eft pas faché d'entretenir la haine générale par des allufions, des applications fenfibles. A la page 174. Le 3 juin 1772. Mandement de Monfeigneur l'archevêque de Paris, qui projcrit l'ufage des mufs rouges, d commencer du vendredi dans 1'oStave de Vafcenfion inciufivement, jufqu'a la rêfurreSlion des morts ■ exclufivement. Telle eft une facétie nouvelle, oh l'on pa-  C i«5 ) rodie mdiftin&ement & les pieux mandemens de Monfeigneur l'archevêque, & les refptclables arrêts du nouveau cribunal, & les faièces écritüfés; oh Ton dénigré les ceuvresde M. le chancelier, & Ton injarie fortement certains membres de magiftrature, fuppöts de eet il. luftre chef. On fent, au furplus, que Ton continue a jouer fur le mot, & que cette profcription d'ceufs rouges tombe fur la brochure qui porte ce titre, & non fur ces ceufs que par un ufage antique & puër'il les fruitieres & autres gens de la halle barbouillent de pourpre depuis paque jufqu'a la pentecöte, pour amufer les enfans & la populace. A la page 174. Le 6 juin 1772. M. de Voltaire eft adluellement affamé de mémoires d'avocats; il écrit 3 un de fes amis auquel il demande tout ce qui paroit au palais: qu'il deviént comme Perrin Dandin fur fes vieux jours; qu'il aime a juger. II dit en parlarit desfactum répandus dans Taffaire de M. le comte Morangiès: Vos Avocats ont bien de Tefprit; quand on fes a lus, on 'ne fgait plus1 qu'en croire. A la page 174. Le 7 juin 1772. MlleSainval la jeune a joué hier le róle de Zaïre , dans cette tragédie: elle n'y a pas fait une fenfatipn auffi confidérable que dans Alzire & dans Inès: on ne peut cependant lui refufer d'y avoir mis toute la fenfibilitü dont il eft fufceptible; elle a même témoigné la plus grande intelligence  C i5ö.) dans la fcene muette; mais elle n'a pas été égale; en général elle a manqué les coups de force Cela n'a pas empêché qu'elle n'ait été génér'alement applaudie dans tous les endrous oh elle 1'a mérité. Elle plaït beaucoup au pubïc certains enthoufiaftes lui font tori par une admiration trop prodiguée & trop excluüve Elle a certainement de grands moyens, bLcoup d'öndtion, d'ame, d'expreffion une figure ou fe peignent facilement le, paffions & qui. fans être noble, a beaucoup de caracfereq Èüe eft petite & cherche trop a s'agrandi fur la fcene par des coups de têtes force . S a voulu en juger elle-même dans le r6\e d'Inès de Caftro, & après 1'avoir vu jouer et dit :,, c'eft en effet un prodige ma>s ft f kfit lé voir pour le croire. Du refte, elle f e boué la je'une débutante a ne fe modeier r nprfonne a ne jouer que d'après elle-mê% helder aux impulfions d'une naturequi ^pag-74- Le 9 juin ÏJ7, Un enfant inocu é'mort de'puis quelque tems dans 1'opera- S^"que ce fujet a ui précendent point  r i«7 ) crife. Ils foutiennent feulement que 1'inoculation ne peut occaffonner par elle - même cette fuite funefte. A la page 174. Le 10 juin 1772. Lesenvieux du projet de la nouvelle falie de comédie n'ayaot plus de bonnes raifons aoppofer, cherchent aujourd'hui a employer le ridicule lis répandent une petite brochure intitulée: Lettre d'une jeune Dame du faubuurg Siint -Gtrmain d Meffieurs Pidanfat de Mairèbert fecrétaire du roi, ij1 de jojfan, amateurs du théatre £? auteurs du nouveau projet pour la comédie francoi/e. Ce pamphlet eft miférable par la platte ironie qui y regne, & par les fuppofitions abfurdes qu'y fait 1'auteur pour trouver matiere a fesplaifunteries fauffes & puériles. A la page 178. Le 15 juin 1772. II paroft un nouveau fupplément a la gazette de France N°. 6. On continue k y inférer toutes les anecdotes vraies ou controuvées qu'on peut trouver fur les inamovibles & autres gens de cette fequelle. Le peu de foin que 1'auteur apporte a difcuter les faits qu'on lui envoie rend ce recueil fort fufpeéf. aux gens impartiaux, & |e faux malheureufement décrédite le vrai. On y parle d'un gros volume in 80. intitulé: Lettres provinciales, ou Examen impartial de l'origine, de la confiitulion &3 de la révolution de la monarchie frangoife, par un avocat de province dunavocat de Paris. Cet avocat, acequ'anaoncelejournalifte, eftlefieurjBouquet,bibhothé-  ( 168 ) caire de la. ville de Paris, pour la partie qui renferme les manufcrits. II prétend que 1'ouvrage a un air d'érudition qui pourroit en impofer aux gens fuperficiels, mais que YinauLration de Pharamond eft Une réfutation antiapée des principes erronés de i'écnvain, gagiste du chancelier. II 1'accufe de n'entendre ni le francois, ni le latin; d'être un tradufteur jnexad; de falfifier les auteurs qu'il cite, & & d'ignorance groffiere de la matiere qu'il traite. A la page 179. Le 17 juin 1772. On fait courir dans le-monde des Revers & des Légendes qui ne partent certainement pas de Pacadémie des infcriptions & belles-lettres. Elles font en général très-méchantes, ficconféquemment font beaucoup de bruit. Les voici. Revers & Légendes. I Revers. . Un vaifleau battu par la teinpfte La Francc. . u . . • ƒ Légende.. Vernis urgetur & undis. >Revers. . Un foleil éclipfé Légende.. /Ibeunts tiilel/it. ... I Revers. . Une lune. Les prmees exilés. ^LljgCr,de.. Sole udverfante refulgit. I Revers, . Uli mendiant. LeCte.delaMarche. ^Légende.. Quid'non cogit egejlr.s ? Les dpc» I Revers. . Un faifceau tle traits. proteftants. . . .-/ Légende.. JunBa corroborantur. , l Revers. . Un hamecon. Les auïres ducs. . ^Légende.. Mergtns déciph 6? rapit. Mail. la comtefie. . I Revers, . Un vafe qui fuit. du Barri ( Légende.. Indé mali labes. ,. I Revers. . Un volcan. Le chancelier. . . . ^Légendei, jt jpkndore malum, Le  C 169 ) Le duc de I Revers. . Une girouette. ia Vrillierc. . . , f Légende.. Quocumqut fpirat, obfequoï. U. Benin t Revers. . U11 gague-petit. imniftre f Légende.. Panis parva decent, m iMi i'i t ■ V Revers. . Un; fangfue. 1 A.;be ïeirai. . Ogende,*. iVs» cutent , nifi plant criioris. M. Le marquis de V Revers. . Une tortue. Monteynard. . . . f Légende.. Ltntihs ut cautiks. M.leducd'Aiguillon V^yerV ' V;V°UC- , '~ a fiLïgende.. Surjum, mixque dcarfüm, M.TÏourgeoisdeBoys- I Revers. . Un ferpenc au haut d'un arbre. nes f Légende. . Rspendo. Mad. Louife I Revers. . Une chandelle qu'on mouche. f Légende.. Minuitur ut elucefcat. L'archevêque de Pa- l Revers. , Une taupe. ris- • f Légende.. Occaltè 'lalmat. Les jéfuites \Revers. . Une hydre a fept tétes f Légende.. Altera adherente tantum, Le peuple VwVers/ ' ün Moutpn. f Lugendè. . Exuviis cu;riulantur opes. Les confeillers d'é- 1 Revers. . D:s roleaui;. tat ' Légende.. FUtttrt uojirum eft. Les mattras des re- t Revers. . Une fleche en 1'air. 'luC'tes rLégende.. Mittentis pulfum fauctur. L'ancien parlement. ^f^™' • L- teilln!= A' T'iemis embrafé. f Légende.. Novi facutum Ermra'.is. Le Nouveau Parle- I Revers. . Ui anc bate & bridé. menu f Légende.. Ad omnia paralus, Le grand confeil. .. ^?5ye™* * Un ma!'onnier d'indc- f Legende.. FruSlu cognoscitur ariër La chambre des I Revers. . Une cruche qui p,nci,comptes f Légende.. lncTinata ruis. La cour des aides. . VS™1-'' " Des jbeii,es. f Legende.. Spicula fijntes pertunt. •Les avocats au parle- 1 Revers. . Un arbre moitié verd moiii'fee menr f Légende.. Altura parte refurges. Xesprocureurs,avo- .Revers. . Un oifon. cstts du Parlement, ^Légende.. Foee £? t>emi n*tv,a\s Les procureurs fup. .Revers. . Un chien de baue-cour I pnmes ^Légende. ■ Fures allatrat, Tome XXIV. H  C 170 ) A la page 179. Le 18 juin 1772. Un Quidam furvenu dans cette capitale, & qui s'eft annoncé comme faifant des miracles & guénlfant tous les maux, a donné lundi dernier un de ces fpeclacles, plus digne des fieclcs barbares q,.e de celui-ci. Son talent n'ayant pas tarde a fe répandre , il a été arrèté & conduit chez un commiffaire. Celui-ci, fort cmbarraffé de ce fou,l'a fait garder chez lui, & ett allé voir les principaux magiftrats pour f§avoir ce qu'il en teroit : pendant ce tems la renommee a portédans fes envïrons 1'art de eet enthouüafte. Les malades crédules fe font fait mettre dans deschaifes k porteurs, dans des brouettes, dans des fiacres- les autres fe font truinés comme ils ont ou & tous venoient demander leur guénfon. Ta rue s'eft trouvée engorgée de voitures &de neuule, il a fallu faire venir des efcouades de Let pour arrêter ce tumulte. On pénétroit fufque dans la maifon, & déja des aveugles croyoient voir, des fourds entendre des boiteux marcher. Ce tintamare a duré jufqu au foir que le commiffaire revenu a fait embarnuer' le 'faifeur de miracles dans une voiture pour ?e reconduire chez lui; & dans la nuit il a^eté enlevé, & on lui a enjoint de ne pas reparoitre dans la capitale; & les aveugles & les fourds & les boiteux font reités comme ils étoient. A l P^e 182. Le 22 juin 1772. Depuis plufieurs année. M. Doyen , le meilleur peintre d'hiftoire que nous ayons a préfent, etoit 00  C 171 ) cupé aux- peintures de Ia coupole de la chapelle Sc. Gregoire dc 1'höcel royal des invalides. Lors de la conitrudtion de 1'églife, Per fon avoit été chargé de peindre dans la chapelle de Saint.Gregoire les principaux traits de fa vie: il ne put remplir cette tache au dcfïus de fes forces. Micliel Corneille lui fuccéda; il avoit plus de génie, mais il n'étoit par affez instruit des travaux de la frefque , & fes peintures ont été dégradées eu peu de tems. Carle Vanloo avoit été choifi pour décorer de nouveau cette chapelle, & au falon du louvre en 1763 il avoit expofé les efquiffes de fa compofition ; la mort en a empêché 1'exécution* & enfin M. Doyen fon éleve a exécuté eet important ouvrage. Chaque artifte a fa facon de voir; celui-ci a compofé fep- tableaux dont on annonce les beautés avec beaucoup d'enthoufiafme. Le public va être incelTamment en état de juger. Les curieux feront admi's a voir cette chapelle vers Ia fin du mois. A la page 186. Le 23 juin 1772. M. Le duc dc la Vrilliere, fecrétaire d'état ayant le département de Paris, & conféquemment Ia haute police de 1'opera, a envoyé chercher les principaux mutins, tels que les DemoifellesPeil n, Guimard, les Sieurs d'Auberval, Gardel &c. leur a enjoint de retirer fur le champ leur affignation aux directeurs pour qu'il euffent a leur donner leur congé, finon les a menacés d'une H 2  C 172 > punition exemplaire; ce quos ego a tout fak rentrer dans 1'ordre accoutumé. A la page 180". Le 24 juin 1772. On a vu fucceffivement dans plufieurs gazettes de France, des relations de plus en plus abfurdes concernant un hydrofcope prétendu, dont 1'ceil parmant découvroit l'eau a travers les entrailles de la terre. Malgré les autorités que citoit le Sieur Marin, le rédacteur de ce journal, le phyiicien révoquoit en doute ces faits extraordinaire*, ou pour mieux dire, n'en croyoit rien. Plufieurs curieur, & des membres de Pacadémie des fciences ont écrit fur les lieux, & par les informations qu'ils ont recues, ce phénomene fe réduit a trés-peu de chofe. Des plaifans, a ce qu'il paroit, fe font égayés a fe jouer de la crédulité du gazetier, & voyant avec quelle bonhommie il citoit les premières merveilles, ils en ont envoyé de plus furprenantes qu'il a également adoptées. On ne peut concevoir comment la gazette de France, fi grave, fi feche, fi froide, eft devenue toute - a - coup entre fes mains un recueil de contes de vieilles, & de fables de féeries. Des politiques qui rafinent fur tout, veulent que ce ne foit pas fans desfein- ils prétendent qu'on ne doit pas fuppofer raifonnablement que le miniftere eftt laiffé pasfer tant d'abfurdités dans ces annales qu'il revoit avce le plus grand foin, s'il n'eüt votilu  C i73 ) prêter ainfi aux fpéculations des honnêtes ci« toyens de quoi fe répaitre, pour les détourcer d'autanc des matieres politiques, a Yinftar de ces relations fabuleufes, de ces chanfons qu'on fait courir les rues par des gens gagés de la police pour amufer le peuple. On n'a pas été faché de trouver. dans le Sieur Marin un efprit fimple qui fe prêtlft de lui-méme aux vues du gouvernement. A la page 186". Le 31 juin 1772. On répand une feconde lettre de M. ie préfideat d'örmefTon au roi, datée d'Orly le 23 mai 1772. Elle développe les vrais principes fur Ia matiere des offices & annonce au nom des tnagiftrats une fermeté bien lounble, mais qu'il eft fort a craindre de voir fe démeatir, fi cela dure encore fongléms, A la page 180". Le 27 juin 1772. Les cabalet, ceuvre pacifique. C eft le titre d'une nouvelle fatyre de M. de Volwire, qui nous eft arrivés de'Genêve: elle paroit diricée principalement contre M. Clément auquel 1'auteur en doit beaucoup, par la hardieffe a 1'attaquer auffi ouvertement, &' contre 1'abbé de Mably, protecteur de ce Clément, autre grief bien propre a lui attirer les injures du philofophe de Ferney. Auffi celui-ci ne les épargne t-il pas; fa bile en vieiliiffant, ne fait qu'acquérir plus d'acreté. Outre ce but principal de fon ouvrage, il profite de 1'occafion pour paffcr en revue les différens partis qui divifent aujourd'hui la France en H3  C 174 ) polidque, en littérature & en religion, & pour fe moquer de tout fuivant fa coutume. Le li. vre du Syjiême de la nature femble, depuis quelque tems furtout,l'objet de farage; onnefeait pourquoi; car, malgré la pro'fefiion qu'il 'fait dans cette épicre de croire en dieu, on ne peuc attribuer a un zele vraiment fincere & éclairé les anathëmes burlefques qu'il prononce contre ce livre, fon auteur & fes partifans* II faut qu'il y ait quelque motif fecret h cela que Ie public ne connoft pas. Au, reite, il y a de la chaleur, & de la légereté dans ce pamphlet toujours marqué au cachet de fon auteur. A la page 186". Le 28 juin 1772. La chambre des comptes tous les deux ans nómme des commiffaires fubfiftans pour les affaires de la compagnie; ceux aóluels font quatre maïtres des comptes, fcavoir MM. l'Advocat, Pertail, le Normand de la Place, Clément de BoiJJy. lis ont été jeudi dernier chez Ie controleur général pour lui faire des repréfentations relativement aux retranchemens d'épices que fouffroit la chambre, & faire fentir a ce minillre fon injuftice. Ils ont fait voir que le total des charges fe montoit a vingt fix millions, que les revenus n'alloient plus qua 1,300,000 liv.ee qui ne faifoit que 1'intérêt del'argent a 5 pour cent, enforte que ceux auxquels leurs charges n'appartenoient pas n'ayant rien pour leur travail, fe trouvoient fans le fol; M. 1'Abbé Terrai a paru entrer'dans ces confidérations, ilademan-  ( iT5 ) dé un mémojre fur eet objet & fur d'autres dont il a été qüéftiori , & il a premis de 1'cxaïniner. Quant aux reproches qu'on Li a faits de regarder la chambre comme inutile, & fur-' tout les correcteurs, il s'en eft défendu expresfément. II a fait fa profeflion de foi a eet egard, & a répondu que quant aux corredteurs, s'ils n'avoient rien a corriger, cela faifoit honneur ou travail des auditeurs qui n'avoient bcfoin d'aucune réforme. Ce perfiflage a été r.gréé des députés, qui ont fait femblant de le croire fincere. A la page >i88. Le 2 juillet 1772. Les délibérations de 1'arcopage comique n'ont pas beaucoup de confifiance; dès aujourd'hui ils comniencent a déroger a celle qu'ils avo!=nt prife concernant les ouvrages de Molière qu'ils ne devoient jouer que les jeudis de quinzaiae tn quin aine, ce qui devoit avoir lieu pour la première fois le deux juillet par la repréfentation de VEtourdi & de la ComteJJè d'Efcarbagnas. Ils ont donné la Métromanie. &c. A la paire 188. Le 3 juillet 1772. M. Lourdet de Sm terre, cê bel cfprit, maitre des comptes qui vivoic dans la plis grande intimité avec Mad. Favart & 1'abbé de Voifenon, a prcfité de 1'accès de celui-ci auprès de 1'abbé Terrai, pour faire préfenter par fon entremife au contróleur général une petite requête en vers, oh il fe plaint des échancrures qu'il veut faire a fa fortune; mais 1'oreille racornie de ce mini-H 4  C 170 ) tre chez qui les mufes n'ont jamais eu beaucoup de crédit, a été infenfibie aux gémiffemens du poëte J & ii lui a fait donner pour toute réponfe de vendre fa charge, & de la rnettre en rentes viageres, ce qui doubleroit fon revenu & le metcroit au pair. A la page 188. Le 3 juillet 1772. C'eft lundi 6, qu'eft fixée la réception de MM Brequigny & Bauzée, les pouveaux membres de Pacadémie francjoife. A la page 189. Le 4 juillet 1772. Le quolibet, c'eft tout comme chez nous, eft aujourd'hui 1'enfeigae d'un livre oh mettant d'un cóté la fentence fur la caufe du fifcal général, comme étant chargé d'une part d'être accufateur contre le comte Jean Frederic Sirumjée d'une autre part, & de 1'autre Ia fentence fur la caufe (de la nation francoife) d'une part, accufateur contre (charles Auguüin Nicolas Reaé de Maupeou) d'une autre part, l'on fait voir une reffemblance frappante entre ces deux miniftres prévaricateurs & qui fe font arrogé un pouvoir abfolu fous le nom de leur fouveruin refpcétif. On fuit pareillement les crimes de 1'un & de 1'autre, & Pon finit p'r condamner dans la feconde, a 1'inftar de la première, Charles-Auguftin. Nicolas-René Maupem a être dépouillé de fadignité de chancelier & de toutes les autresdont il a été revétu, a avoir la fimarre déchirce & fes armes brifées par la main du bourreau; enfuite a avoir la main droite coupée, pendant qu'il  c 177 ; qu'il vit encore, enfuite la tête tranchée, & a être écartelé après, dc avoir fes membres expofés fur des roues, a 1'exception de fa tête & de fa main. qui feront attachées au haut d'une piqué, fuivant la commiffion royale & nationale, le 11 juin i7?2, revêtue des fignatures de dix-huit millions de Francois & de 1'apprcbation royale, dans laquelle on fait dire a S. M. qu'elle a approuvé dans tous fes points la fentence ci-deffus prononcée par la commiffion d'inquifition établie contre les miniftres perfides, par laquelle Charles-Auguftin Nicolas-René de Maupeou eft condamné a perdre fon honneur, fa vie cc fes biens dcc, écrit dans notre cceur royal &c Signé Louis le bien-aimé. A la page 191. Le 7 juillet 1772. La fa meuf? fête que le Colyfée devoit donner dimanche dernier eft Ventris de l'ambajjadeur de la Chine; comme il n'y a pas encore eu de cérémonie de cette efpece en France, les entrepreneurs avoient imaginé de faire faire ce ccrémonial dans la plus grande étendue: 1'ambaffode,ur fidtif auroit traverfé les Tuilleries comme par attraétion, auroit ramené tout le monde au Colyfée ou fe feroit confommée cette farce; la police n'a pas voulu tolérer une femblable dériöon,. & c'eft ce qui a empêché la fête d'avoir lieu ia derniere fois: elle doit décidément s'éxécuter demain, fimplement dans 1'intérieur duColyfée;on a loué une quantité de monde pour groffir ie cortege cc furtout beaucoup dè filfes .  C 178 ) A la page 191. Le 8 juillet 177 r. Une circonfhnce remarqnable dans Péleétion de M. de Brequigny, regu avanthier a Pacadémie francoife, & qui femble généralement atteftée, c'eft que ce candidat a été propofé par M. d'Alembert, comme n'étant d'aucun partij & conféquemmentj comme ne pouvant déplaire a Ia cour, qu'on a dérogé pour lui a un article des ftatuts auquel cn n'avoit pas dérogé même pour le comte de Clermont, & qu'il a été nommé fans s'être préfenté & fans avoir fait lesvifites. A la page 191, Le 9 juillet 177.2. L'académie royale de mufique doit remettre demain fur fon théatre les prologue & premier acte des fêtes de 1''Hymen . &? de CAmaur. Les paroles de ce ballet en trois aétes font de feu Ca!wzac% la mufique eft de Rameau. A ces fragmens ils doivent joindre Pafte d'Eglé, de M. Laujon * mis en mufique par le Sieur de la Garde. A la page 191. 10 juillet 1772. Les Ordlles des Baudets de Corinthe. Tel eft un nouveau pamphlet attribué a M. de Voltaire qui paroft principalement dirigé contre un abbé Sabbathier, auteur du tableau philofophique de 1'efprit dt M. de Voltaire, & qui dès-lors s'eft attiré la fureur implacabledecephilofophe,qui ,dans eet écrit, fe compare modeftement a Théfée. A la fuite eft une lettre du même auteur fur les eometes, écriteen 1759 a M. Clairault, oh3 très-modeftement encore, il fe donne comme le premier qui ait fait coonoitre Newton en France.  A la po ge 191. Le 11 juillet 1772. On parle d'une eftampe politique, allégorique, fatyrique &c. Dans cette caricature on voit une vache trés en embonpoint dont 1'empereur tient unecorne, le roi de Pruffe. 1'autre. Desfous eft Pimpératricc des Ruffies occupéea traire la vache,tandis que le roi de France eft par derrière qui n'a que les excrémens. On fent aifément. que cette géniffe défigne la Pologne. A la page 191. Le 12 juillet 1772. , L'académie royale de mufique a donné le dix juillet fur fon théatre les fragncns qu'elle avoit annoncés; s'ils avoient été bien remis , ils auroient formé fans doute un fpectacle trés-agréable, mais 1'exécution n'a pas répondu au mérite intrinfeque de ces morceaux précieux. Le prologue, qui caraclérife la réunion de PHymen & dc 1'Amour par les plaifirs, a étéon ne peut plus mal rendu. Les demoifelles ChSteauneuf qui faifoit le premier róle, & Garus qui faifoit lefecond , ont été huées du public prefque pendant tout Taóte, & pour ne point entendre leurs voix difcordantes, on les a applaudies de la facon la plus outrée & la plus foutenue; L'indifpofition de Mlle Rofale, qui auroit reprèfenté 1'Amour, a été la caufe principale de tout ce défordre. Le premier adle eft Oziris, proteéieur des arts & des talens, qui triomphe de la Serré fauvage des Amazones. L'abfence- de M. le Gros j.qui auroit dfij jouer fe róle dè ce monarB 6  ( i&o ) que n'a pas reconciüé les fpedïateurs avec Ie* acteurs; óc le Sieur Muguet, qui a remplacécelui-la, a efTuyé toute la mauvaife humeur du public qu'il mérite par fon jeu exécrable & fa voir faulle óc aigre. Ce tumulte n'a point encouragé Mlle Duplant repréfentant la reine des AmazoDes, d'autant que Mlle Durancy, une de fes confidentes,a excité pour fa part auffi beaucoup de huées. L'afte d'Eglé a été heureufement beaucoup mieux rendu par Ie Sieur Larrivée jouant le róle d'Apollcn fous le nom de Myfis, & Madame Larrivée repréfentant une Bergère, II efttr été a fouhaitter que Mlle Beaumefnil eut auffi bien fait Ie róle de la Fortune pour que 1'exécution de 1'enfemble ent été plus complette. Tout le monde connoit les divers morceauxde oette paftorale qui font depuis fon origine les agrémens de la fociété, & font les objets de défi qu'on propofe aux voix tendres & moëleufes. Le mari & la femme fe font furpaffés en ce genre, & l'on eft convenu généralement ou'on ne pouvoit rendre avec plus d'ame Ia fenfibiliré prodigieufe de ces róles. L'adlrice même qui n'eft guere que cantatrice, a joué d'une freon ingénue & intéreffante dans la fcene de 1'aveu. Les ballets ont fait le plus grand p!aifir& ont été fort bien defilnés &z exécutés. Celui du prologue, de la compofition du Sieurd'Auberval, a fait honneur a. fon génie facile & galant;.  C l8ï ) Dans le ballet du premier adte Mlle HeW nel, abfente depuis longtems, a rcparu avec des aplaudiffemens indicibles; cependant les connoiffeurs lui reprochent d'avoir rapporté d'Angleterre une courbure en avant qui lui óte une partie de fes graces. Celui de Padie d'Eglé eft de la compofition du Sieur Veftris,qui,a ce titre,y déploietoutes les richeffes de fon talent: il danfe a la tête d'un des fuivans de la Fortune, & cette partie de ballet,compoféededanfeursuniquements. eft exécutée avec une précifion peu commune. La Dlle Allard & Ie Sieur d'Auberval égayent Ie public a leur ordinaire en fe mettant a leur aife avec lui, & en fe livrant a toutes les foliesqui leur paffent par la tête, ou par les jambes. A la page 191. Le 12 juillet 1772. Les partifans de Ia comédie frantjoife, & furtout ceux de Ia nouvelle adtrice, qui font en grand nombre, font revenus dés craintes qu'ils onc eues .fur le fort de la jeune Sainval: elle eft hors d'affaire; fa maladie eft une flux ion de poitrine, mais qui s'étoit annoncée par des caradleres C extraordinaires,. que Ie Sieur. Garnier, fon medécin, avoit cru un inftant voir des fymptómes de poilbn. Du refte, on nefcauroit rendre tout Pintérêt qu'on prenoit è cette actrice; on diftribuoit les bulletins du jour & de la nuit avec Ie plus grand foin, & fa porte ne défemgliffoit pas de laquais qui alloient lescherH %  C 182 ) cher. Malgré fon état de convalefcence, elle ne peut jouer de longtems. A la page 191. Le 13 juilteta-jyz. Les diredteursde 1'opera ont été fi mortifiés de la maniere humiliante dont Ie prologue de leurs fragmens a été reeu vendredi, qu'ils ont jugé a propos de le retirer aujourd'hui, enforte que le fpeétacle n'a été compofé que du premier acte de 1'Amour & de 1'Hymen & de celui d'Eglé', ce qui eft peut-être fans exemple. Ce mauvais début ne donne pas une grande idéé de 1'adminiftration nouvelle du Sieur Rebel,ce directeur général qui fernbloit devoir' reftaurer 1'opera dans toute fa fplendeur. A la page 19c Le 14 juillet 1772, De deux coquins qu'on alloit pendre, L'un etoit blond & 1'autre brun ^ Le bonrreau n'avoit pris de corde que pour im.,. Laiiïbns le blond, dit-il, il peut attendre: Amufons le public, qui vient ici e rendre Pour avoir le plaifir de voir pendre le Brun. Cette mauvaife épigramme paroit dirigée contre un nommé le Brun ex-jefuite, fecrétaire intime de M. le chancelier & fon ame damnée,. auquel on attribue la plupart des préambulesdes édits &c. A la page 191. Le r5 juillet 1772.- Onré* pand une petite feuille intituléer Avis aux ma* giftrats liquidables x £f aux créanciers de leurs  C 183 ) compagnie. On y démontre que I'arrêt du confeil du 13 avril dernier eft extravagant, ridicule, abfurde, injufte & tyrannique, contradictoire, illufoire. Ce développement eft pré» cis & rapide; il eft encore plus frappant que 1'écrit de l'Arrét du confeil dont on aparlé, paree qu'il eft dégagé de tout ce qui pourroit en affoiblir le raifonnement. II eft a préfumer que celui-ci a été réduit expres a cette brieveté, pour être plus tranfmiffible & pouvoir plus aifément prémunir les magiftrats fufceptibles de quelques craintes, ou de quelque féduction. A la page 192. Le 17 juillet 1772. Après avoir flétri dans une épigramme fanglante le valet, on attaque aujourd'hui le maïtre anony. mement; en voici une autre en acroftiche} répandue contre le chancelier. gauvais ami, plus mauvais citoyen r >rdent au mal, de glacé pour le bienj Cil excrement, febut de la nature wtri de fiel, d'orgueil & d'impoflure; Rnnemi-né des fomreriS de la loi Cn reconnoït a femblable peinture, Cn traltre infame a la France, a fon roi. Par des petits citoyens de Cantre, A la page 192. Le 18 juillet 1772. L'académie royale de mufique n'ayant ofé reproduire deux fois fous les regards du public ls proiogue des fêtes de 1'fiymea & de 1'Amour u-op  i m y Ibué la première, quoique la profcnption ns tomMc que fur les acteurs, y a fubftitué le 17 juillet le prologue des Indes galantes. Celui-ci a été beaucoup mieux accueilli: Mlle Rofaüey a chanté, & dans le ballet on a eu foin d'yfarre paroftre Mlle. Pefiin, que le public fe plaignoit de ne pas voir, & que des intrigues fourdes, telles qu'il s'en paffe fouvent dans le tripot, en avoient fait exclure. A la page 193. Le 19 juillet 1772. On répete aujourd'hui fur le théatre du magazin de 1'opera quatre actes de celui de M. de Chabanon, iDtitulé Sabinus. Les amateurs les plus diftingués font priés d'y affifter. La mufique eft du Sieur Goffec, fameux pour celle d'égli. fe, qui a donné quelques petites chofesaux italiens, mais qui n'a encore rien fait dans Je nouveau genre oh il s'exerce. On Jui connoit en général beaucoup de verve & d'Iiarmonie, mais on ne peut encore apprécier jufqu'a quel degré il eft propre a briller fur la fcene lyrique. ' A la page 193. Le 20 juillet 1772. Les curieux vont en foule voir le pavillon de Lueienne de Madame la-comteffe du Barri; mais n'y entre pas qui veut, & ce n'eft que par une faveur fpéeiale qu'on pénetre dans ce fanctuai^ re:de volupté. On fcait que le batiment eft du Sieur le Doux , jeune architefte qui a beaucoup de talent pour la décoration, de belles idéés, mais quelquefois difparates, & dansles quelles il ne conferve pas affez 1'unité, quaiitéj  C i85 ) cfTcnticlIe dans toute production- Le pavillon eft un quarré fur cinq croifées de face en tout fens, il eft fitué fur une hauteur confidérable d'oh l'on jouit d'une des vues les plus étendues & les plus riches qu'on puiffe avoir; la riviere qui, par un doublé contour, ferpente en fer a cheval aux pieds de la montagne, ne contribue pas peu a 1'agrément du fpectacle. Le batiment eft précédé par une avant-cour trop vaftc peut-être pour 1'édifice: il s'annonce parunpériftille de quatre colonnes fimples, dans,le goüt antique. Le fond en eft orné par un bas reliëf du Sieur le Comte, repréfentant une bacchanale d'enfans.. L'intérieur eft compofé d'un veitibule fervant de falie a manger, avec un réchauffoir a gauche & des garderobes a droite; d'un falon, de deux faions de cóté: il n'y a point de chambre a coucher; dans le veffibule font quatre petites 'tribunes pour placer les rnufi.ciens de Madame la comteiTe, car elle a depuis quelque tems une mufique k elle. Le tatal de cette diltribution eft monotone, incommode & ne fait point d'honneur k Pinvention du Sieur le Doux. Les artiltes les plus renomuiés fe font efforcés d'enrichir de leurs produélions un féjour auffi délicieux. Le plafond d'un des faions de cóté eft du Sieur Btiard; ]a devife en eft: ruris amor, & repréfente les plaifirs de la campagne De 1'autre cóté, c'eft un ciel vcgue, & quatre grands tableaux du.  C 186 ) Sieur Fragonard, qui roulent fur des amours de bergers & femblent allégoriques aux aventures de la maitreffe du lieu; ils ne font pas encore finis. II y a de très-beaux morceauxde fculpture,-mais qui doivent s'exécuter en marbre cc ne font que modelés. C'eft moins dans ces chef-d'ceuvres du grand genre que 1'art femble s'être furpaffé, que dans les ornemens de détail & les plus minutieux; tels que les chambranles des cheminées , les feux , les bras, les chandeliers, les corniches, les bas reliëfs des pilaflres, les morceaux de dorure & d'orfévrerie, les ferrures, les efpagnolettes &c. pas une de ces productions qui nefoitacheve'e, finie, qui ne foit a montrer comme un modele de ce que l'induftrie peut enfanter de plusprécieux & de plus exquis. II réfulte de 1'admiration de tant de beautés légeres, fragiles cc vaines, que le local eft trop mefquin pour la favorite d'un grand roi, que les détails en font trop recherchés, trop faftueux, trop immenfémént chers pour une particuliere, cc qu'on ne peut concevoir d'autre idéé a la vue d'uhpareil contrafte que s'imaginer être dans une petite maifon oh tout fe reffent & du mot & de la chofe. Le roi n'a encore mangé que trois fois dans eet élégant pavillon, cc Ia trojfieme les plaifirs furent fi courts, que S. M. étoit de retour a Verfailles h onze heures & demie. On ne peut calculer ce qu'a coüté ce colifi-  ( t37 ) chet, oh tout eft de fantaifie & n'a d'autre prix que la cupidité de Partifte & la folie du propriétaire A la page 193. Le 20 juillet 1772. Les comédiens francois repetent Romeo Juliette, tragédie nouvelle de M. Duels , & tirée du théatre anglois, ainfi que fon Hamlet. A Ia page 193. Le 21 juillet 1772. Les entrepreneurs du Colyfée, ne pouvant plus fe foutenir que par des annonces de fêtes extraordinaires, ont publié qu'ils donneroient, jeudi 23 de ce mois, un grand feu d'artifice avec fpectacle pantomime en deux adtes. Le premier repréfentera Pandore animée par Prométhée; le. fecond, la punition de Prométhée, fuivie des Titans efcaladantleciel,ccfoudroyés par Jupiter. Le tout doit être accompagné d'une mufique analogue aux différentes aétions de la pantomime; on diftribue des programmes oh l'on annonce plus en détail les diverfes opérations de ce magnifique fpectacle. A la page 195. Lé 24 juillet 1772. Au roi avec cette épigraphe: La juflice l'emporte tót ou tard: elle eft le feul principe du véritable intérêt des hommes. Telle eft la première enveloppe d'un nouvel écrit, dont le fecond titre eft: Effai hiftorique fur les droits de la Normanuie, fuivi de réflexions fur fon état. Ce titre forme la divifion de 1'ouvrage en deux parties. Dans la première, qui eft purement hiftorique, on traite de 1'établiflementdu  C 188 > duc de Raoul dans Ia Neuftrie; on confidere quel étoit eet établiffement; Ie partage qu'il fit de la province, dc fes précautions pour y établir le bon ordre, confiftant 10. en 1'affurance qu'il donne a fes nouveaux fujets; &>. dansles loix qu'il publie; 30. dans 1'inüitution de fa cour de 1'échiquicr, & dans la forme ancienne de ce tribunal; 40, dans le droit qu'il lui accorde, & les devoirs qu'il lui impofe en réglant ceux du prince & ceux de tous fes fujets indistinctement, d'ou dérivent les preuves de Tanden coutumier; j«. dans 1'établifTement du fé-néchal de Normandie; 6°. par la permiffion qu'ont fes fujets de s'adreffer a lui par 1'invocation de fon nom; 70. par ]a maniere dont il favorife fes vaffaux on démontre 1'utilité des ] établiffemens du duc de Raoul, Fattachement des ducs normands aux rois dans la troifieme race, jufqu'au tems de Guiliaume le conquérant; on fixe Pépoque du retour de la Normandie h la couronne en 1204, & l'on rappelle la confirmation de tous fes droits par le roi PhilippeAugufte; on détaille les fervices de la province & fa fidéiité a fes rois; on fait mention de la conccffion de Ia charte aux Normands, en faveur de leurs anciens droits & privileges en 1315, ainfi que de la confirmation de cette charte, par le roi Philippe de Valois en 1329; de Péchiquier rendu perpétuel & fédentaire k Rouen en 1499; de 1'époque de 1515, oh Ie nom de Péchiquier fut ch'angé en celui de pa?-  C 180 ) jement, & de la juftice qu'il rendit a cette ville en 1542-, enfin des dernieres confirmations des droits de la province. Dans la feconde partie on fait voir que Ia province n'a pas mérité de perdre fon tribuna!, ni fes loix, ni fes privileges, qu'il feroit d'ailleurs jufte de rendre a la province fon tribunal, indépendamment de ce qu'auroient pu faire fes magiftrats; qu'ils n'ont point été inculpés ni entendus, preuve certaine de leur innocence: on examine le motif exprimé dans 1'édit de fupprcffion; on réfute les autres prétextes non exprimés dans 1'édit; on difcute en« fuite les motifs qui prouvent la juflice & la néceffité du rétabliffement de 1'échiquier, qui font i-ó. 1'impoffibilité dc n'avoir qu'un feul parielement en France; 20. les égards dus aux titres & aux fervices de la province; 30. 1'intérêtdes loix & des privileges de la province; 4". qu'il y va de l'autorité du fouverain; 50. qUe la majefté du tróne fouffriroit de la fupprefilon de l anden tribunal fouverain; <5". que Tanden tribunal étoit moins onéreux au roi & aux peuples que les nouveaux tribunaux; 70. la juftice du rétabliffement de la chambre des comptes en Normandie; 8". 1'intérêt de la capitale au rétabliffement des deux tribunaux; 9°. on conclut que 1'anéantiiTement de 1'échiquier ne laiffant aux fujets que la faculté d'expofer a S. M. leur humiliation, leurs pertes & leurs craintes, ils y font autorifés par les loix normandes  C 190 ; & les propres paroles de Louis quatorze qui dit: ,, bien que les fujets n'aient pas droit de „ contrindre leur prince par la force a 1'exé,, cution des loix & des coutumes, ils ont né- anmoins le drcit de 1'y obliger par la raifon— " Poyez le traité des droits de la reine. A la page 196. Le 25 juillet 1772. La requiie des états généraux de France au roi, dont on avoit ; nnoncé le 'titre il y alongtems, eft un écrit refté trés fecret jufqu'a préfent C'eft en effet le langage que la nation pourroit tcnir. Elle y rappelle les vrais principes de fa législation, & elle y joint un expofé de fes malheurs. On y établit pour maxime fondamentale, que les rois de France ne font pas feulement redevables de leur couronne a dieu , mais a leurs peuples, puifque le premier roi a été élu par eux, qu'ils ont fondé le droit de fucceffion & de primogénitive. On convient que le roi eft feul légiflateur; mais comment? On rappelle les affemblées de la nation , dont on veut que les pariemens foient devenus les repréfentans; devoirs du magiftrat en conféquence; de la le dogme de la conftitution nationale, c'eft- a-dire pouvoir abfolu dans le monarque, refiftance jufqu'a la mort par le magiftrat: on défend auffi les derniers arrêts des pariemens de Rouen & de Touloufe,& l'on pofele vrai fyftême pour 1'honneur des rois & pour Ie bonheur des peuples, de reculer de la part des premiers, & de revenir fur leurs pas. On ré-  fute brievement les écrits faits contre la magiftrature; on fait voir la malice de leurs auteurs , incertaine dans fes principes & dans fes opinions, injufte dans fes imputations, & criminelle envers le roi ; on. juftifie Ie parlement fur le tems des Angiois, de la ligue & de la fronde, ainfi que nos monarques fur le defpotifme qui leur eft fauffement attribué, fauf Louis XIV, fur lequel on fait une digreffion vigoureufe & terrible. On prouve que les pariemens font propres a difcuter les affaires d'état. Eloge du roi, dont ilsméritent toute la confiance. On fait voir combien leurs ennemis font coupables. On remonte aux fources des maux de la nation, qui font x°- Tamour du luxe & de la grandeur ; 2°. le féjour du prince trop concentré dans fes palais, féjour contraire au bien des peuples & a fa propre grandeur; 30. les commandans de province, les intendans revêtus d'une autorité extréme & irréguliere, les lettres de cachet, punition extrajudiciaire; 40. les changemens fréquens des miniftres, la va« riation de leurs fyftémes, leurs paffions perfosnelles; c'eft de leurs vengeances dont les parlemeus font les vidtimes. On dévoile 1'incapacité des juges qu'on leur fubftitue; on revient fur la juftification des pariemens dans ces dernieres circonftances , relativement aux arTaires eccléfiafciques, aux affaires d'adminiftration, aux affaires de finauces. On finit par le projet d'un ordre patriotique dont on détaille  ( 192 ) les prérogatives, les fonclions & 1'utilité. Cette requête, écrite avec beaucoup de nobleffe, eft en même tems très-modérée, peutêtre trop, en ce qu'elle atténue certains principes dont il eft effentiel de bien fixer la vérité pour prévemr les conféquences louches qu'on en pourroit tirer; il en eft d'autres dont la nation ne conviendroit peut-être pas. En général, eet écrit eft fort parlementaire, & tend plus au rétabliffement de la magiftrature , qu'a 1'extirpation réelle des maux de Pétat. A la page 201. Le 26" juillet 1772. La fête du Colyfée de jeudi dernier n'a pas mieux valu que la fête'chinoife; nul goüt, nulle entente dans les décorations, une exécution mesquine & miférable dans la pantomime, un feu d'artifice qui n'avoit aucune liaifon avec 1'action. Ce fpeétacle ne fait nullement honneur a 1'auteur, qu'on affure être M. le chevalier d'Arcq. On fgait la liaifon intime qui regne entre lui & madame la marquife de Langeac; 1'intérêt vif que cette dame prend au Colyfée, 1'aura engagé k s'évertuer pour attirer du monde en ce lieu. D'ailleurs , M. le chevalier d'Arcq fe piqué de génie & de bel efprit. A Ia page 201. Le 27 juillet 1772. La fameufe parade exécutée fur le théatre de Mlle Guimard a pour titre Madame Rngueulle & caufe beaucoup de rumeur; on craint que la police ne prenne infpeftion de ce fpectacle licencieux, & le faffe fermer. A  ( '93 ) A Ia page 201. Le 28 juillet 1772. M Ducis n'a emprunté de Shakefpear dans la tragédie de Romeo fif Juliette que les noms des perfonnages & le fujet; mais s'il a évité de donner dans les écarts, les extravagancei du poëte anglois, ce n'a été que pour y fubftituer d'autres fituations romanefques non moins bifarres, non moins extraordinaires, non moins incroyables, & qu'il n'a pas coropenfées par les mêmes beautés fublimes de Poriginal. Qu'on fe figure tout ee qu'une iraagination dérégiéepjanant dans le vague des chimères peut inventer de plus fol cc de plus atroce, lorfqu'elle n'eft arretée par aucun retour de bon fens; tel eftle monftre dramatique que vient d'erjfanter Ietragique moderne. Dans le premier afte ce font " des fcenes d'amour fade & langoureux entre les deux amans, des converfations en madri<*aur • ce n'eft qu'une longue élégie dont Ia fin eft réveillée par Pimbroglio qu'y jette le pere de Juliette annoneant Ie projet du mariage de fa fille avec le comte.Paris. Le fecond change 1'intérêt «Sc l'intrigue. I e pere de Romeo eft découvert; Ie prince de Vérone veut le réconcilier avec cèiui de Juliette; il s'y refufe; on Parrête; il refte a la garde de fon fils qui n'eft connu pour tel que par fon amante, & qui perfifte a garder le feeree vis a-vis du vieillard. Dans le troifieme Juliette , dont Romeo ? tuéle frere, fe trouve placée entre la tendreffefra. Tome I  ( 194 ) ternelle & fa paffion. Le pere apprend Ia mort de fon fils;- il reconnoït le meurtner qui ie decouvre pour le rejeton du plus cruel eonerui de cette familie, ce qui accroït merveilieufement 1'embarvas de toutes les fituations, & rend Rompo 1'objet plus particulier d'un intétêt nouveau. Au quatrieme, Montaigu, le pere de Romeo, lui fait un long récit d'ob il réfulte qu'il a dévoré fes propres enfans dans un acces de rage canine, oh il s'eft trouvé par 1 atrocité d'un ennemi qui 1'a fait enfermerdans uncaveau avec eux en leur ótant tous les alimens;ce qui légitime fa vengeance contre les Capu ets raSe rivale de la fienne, & la rend implacable,malgré la reconciliationapparentea laquelle il a feint de confentir. . . T 'intérêt fe ramene fur Romeo & Juliette f„ns le je. acfte qui fe paffe au milieu des tornbeau* Les deux amans veulent sempoifonE , ie premier préfere de fe percer de fon ZS' tous deux meurent, & concourent par cette fanglante cataftrophe a la réconciliation ""cfcanLTindique en bref 1'épouvantable affemblage de toutes les horreurs que renferme ? tragédie en queftion, mortellement longue, ^ ' fage moderne, & qui. fau deslieux Smmuus, quelques fituations cent fois répéSrn'offre aucun genre de beautés. Les deux SfteS & une partie du 3e. avo1Ênt été & accae!ms ;.U tout le refte a été  ( 195 ) hué. Elle n'a pas moins été annoncéepourmercredi avec des correcliow, ce qui a calmé l'indignation. La verfification eft proportionnée au fond, c'eft-è-dire gigantefque & bourfouflée. A la page 20 r. Le 30 juillet 1772. La tragcdie de Romeo &f Juliette, avec quelqueschangemens & un 5-. acfte non moins abfurde que 2e premier, a monté aux nues hier,paree qu'a ces fecondes repréfentations les amis de 1'auteur, reftant maftres du champ de bataille, lui prodiguent en paix tous les applaudiffemens qu'il leur plait. 11 eft a remarquer que dans cette piece il y a de trés fortes tirades en faveur du fuicide dont les raifonnemens ne font point réfutés. On n'eft pas peu furpris qu'on ait toléré une telle apologie dans un tems oii eet attentat politique devient de jour en jour plus commun. II n'eft pas jufqu'aux Suiffes, que cette manie gagne. Celui de Madame la ducheffe de la Valliere, s'eft jeté 1'autre jour a 1'eau du pont royal; mais il étoit fi plein de vin , qu'il n'a pu fe' noyer; on 1'a repéché & il eft revenu a la vie. A la page 202. Le 31 juillet 1772. La répétition de 1'opera de M. de Chabanon n'a pss beu le jour auquel elle étoit indiquée. Elle a été reculée jufqu'au mercredi 29 de ce mois & s'eft exécutée fur Ie théatre du palais royal,les ró!es a la main Le poëme n'eft autre chofe que la tragédie d'Ëponine de eet auteur, fiflée il y a dix ans environ, «Sc qui reparolt aujour. 1 2  C I9Ö ) d'hui comrrie poëme lyrique fous le nom de 5ahmut. Tout le monde eft convenu, même les amis du poëte, que les paroles font détestables & trés mal fonantes. Quant a la mufique, on y a trouvé de très-beaux morceaux, des fymphonies harmonieufes & pittorefques, quelques airs &c. On n'a joué que quatre aêtes. Ceci n'eft qü'un prélude de la part du poëte & du muficien pour preffentir le gjüt des amateurs L'affemblée étoit trés-brillante & trèsnombreufe, ces deux perfonnaqes ayant beaucoup d'amis, de connoiffances & de gens de cour dans leurs intéréts. A la page 204. Le 4 Atfa 1772, On yient de graver le portrait de 1'homme merveilleux qui a fait tant de bruit a Paris en fi peu de tems par les prétendus miracles qu'il faifoit. II a la phyfionomie trés honnéte, point de fanatifmc ni d'enthoufiafme dans la figure, de grands traits, un nez aquilin, 1'air calme & ferein ;il eft vêtu en payfan; fes cheveux font plats; les ailes de fon cbapeau pendant rabattues.maisapplaties On a écrit au bas: Anioine Jacob,appcle U Médecin AUemdnd, Is 15 j^n 1772- A la page 205. Le 4 Aoüt 177°- La con' fultation des curés de Cahors rouloit fur ces quatre ob;ets. .. . 10. Les curés font-ils d'inftitution divine? 20. Cette doftrine appartient elle aux libertés de 1'ég'ife gallicane? 3.. U pouvoir de 1'ordre eft il lié dans Ier  C i£>7 ) prêtres qui n'ont point de titres qui obligent & donnent droit de faire les fonciions du faint miniftere? 40. Ces prêtres auxiliaires regoivent ils des évéques ou des curés la liberté d'exercer les pouvoirs de 1'ordre, par la eommunication de l'autorité territoriale. Le particulier chargé de faire cette conful. tation, qui rouloit fur un imprimé envoyé par les curés, s'adrefla féparément a M. Ribaiier, fyndie de la faculté, & a M. Xaupi, doven. Ils répondirent a 1'infcu 1'un de 1'autre; onn'a envoyé que celle du dernier que 1'évêcue dc Cahors a fait dénoncer a la faculté de théolo. g;e peur qu cüc dcclafe u eik elï conforme h fa doctrine. M. Xaupi & fon confrère B.'llefte, qui avoient figné la confultation en date du 20 mai ayant réuni celle de M. Ribaiier, & de fon confrère le Grand en date du 14 avril, airfi que le memoire des curés de Cahors, après avoir donné une explication plus développée de leurs fentimens, ont voulu fe munir de l'autorité ce deux jurifconfultes canoniftes trés fameux, tels que 1'abbé May «Sc M. Pïalles, qui ont abfolument approuvé leur décifion affirmative fur les quatre queflions ci-deffus par une déhbération du 12 juillet. Cette affaire , qui a occafionné un grand fchifme dans la faculté, a pourtant été termi-^ née le premier aoüt dans 1'allembiée appelée 1 3  C .198 ) pimd menfis. La faculté eft convenue que la confultation de 1'abbé Xaupi étoit conforme a Ls principes,mais qu'il avoit été troploindans les conféquences. M. 1'archêveque de Paris avoit le procés lort Jt cceur par fon ardeur perfévérante k vouloir étendre la jurifdiftion épifcopale; il avoit méme excité les curés de cette capitale a s'affembler, dans 1'efpoir d'en tirer quelque aveu favorable; mais cela n'a pas réuffi fuivant fes defirs & cette tentative a été inutile. * A !a page 207. Le 8 aoilt 1772. Les comédiens italiens avoientaffiché.ilyahuitjours, une comédie nouvelle a arietes, intitulée: Les deux comperes. On ne dit point de qui étoient les paroles. C'eft lundi dernier quelle devoit être jouée; dn a annoncé le lendemam qu elle étoit retardée par 1'indifpofition d'un acteur ; on a enfuite mis fimplement, cn atxema.nl la première repréfentation des deux comperes..... Lnfin, cette piece a difparu tout-a fait fansqu on puiffe feavoir abfolument ce qu e le eft devenue. La rumeur la plus générale eft quau moment de la jouer, les comédiens fe font appercus que c'étoit unetrès-mauvatfedrogue, & ent eu honte de la préfenter au public. On "oute que la ^h^^^ mais on ne nomme point 1'auteur des paroles A la page 207. Le 9 aoilt 1772. De. plaifans en parlant de la déteftable tragédie deRoZ ^ Juliette, avoient dit éPigrammatte-  C 199 ) ment, que jamais juiüet ne verroit aoflt: cependant Pauteur, merveilleufement encouragé par Pexemplc des Dnrides, après avoir fait de grands retranchemens a fa piece, & beaucoup de changemens, a eu la fatisfaction de fe voir très-applaudi a la feconde repréfentation, &de s'entendre appeler par la multitude: depuis ce tems fa tragédie va tant bien que mal: mais elle n'a pas, comme 1'autre, 1'avantage d'avoir le véhicule de la perfécution du fanatifme & des dévots: on a même fait retrancher les tirades fur le fuicide, qu'on avoit été fort furpris de trouver, enforte que M. Ducis verra mourir fa piece lentement & de fa belle mort: des ehaleurs confidérables furvenues en hateront la chute par la défertion des fpeclateurs.. A la page 208. Le 12 00^.1772. Tout 1'opera, tout le monde galant ontétéémerveiilés de 1'adte d'héroïfrne amoureux que vientde déployer Mlle Peflin. Cette célébre danfeufe, fort attachée è M. la marquis deFleuri, ayant appris par M. le duc de Chartres, fon combat fingulier & fa bleffure dangereufe, a voulu partir fur Ie champ & fe rendre auprès de eet amant chéri. Les directeurs s'y font oppofés & lui ont refufé un congé; elle a paru difpofée a paffer outre; on 1'a menacée de la faire arrêter ; rien n'a pu contenir fon zele, & elle étoit en route lorfqu'elle a été furprife & ramenée. Cette nouvelle eft la matiere de J'entretien du foyer & des coulisI 4  (" 200 ) fes, & l'on porte aux nues Mlle Peflin. C'eft avec un officier du régiment de Touraine que s'eft battu M. Ie marquis de Fleuri. . A la page 209. Le 14 aoüt 1772. L'académie royale de mufique va remettre fur fon théarre la cinquantaine, paftorale jouée 1'année derniere avec peu de fuccès. Mais M. de la Borde, 1'auteur de Ia mufique, y ayant fait beaucoup de correftions & de changemens éspere qu'elle réuffira mieux cette fois. A la page 209. Le 15 aoilt 1772, Les entrepreneurs du Colyfée ne fe rebutent point du mauvais fuccès de leurs premières inveutions; ils préparent un troifieme fpectacle qui aura pour titre: Les fétes Villageoifes; il y a apparence qu'elles auront lieu pour laSaint-Louis,fêtedu roi; on n'a pas meilleure idéé de celles-ci. A la page 509. Le 17 aoüt 1772. On prétend que depuis qu'on a découvert la ftatue de Louis XV, on y a trouvé Ia criminelle épigramme ci jointe, qui avoit déja paru, & que des féditieux ont renouvelée. Grotefque monument, infitne piédeftal! Les vertus font a pied, le vice eft a clieval! A la page 211. Le 18 aoüt 1772. Depuis quelque tems les écrits fur le proces aftuel entre lc roi & la nation avoient tari, & les bons patriotes gémiiToient de ce filence, craignant qu'il ne fut la fuite d'une terreur pufillanime, inlpirée par les procédures intentées au nouveau tribunal  C 201 ) tribunal concernant la correfpondance étc. Un livre énorme en deux volumes, dont le premier a j41 pages, & le fecond 653 eft une preuve que des mortels laborieux continuent a inftruire la défenfe des peuples, & que,malgré toute la vigilance de la police, t5c de lamagiftrature nouvelle éparfe fur la furface de la France, il eft des afiles oü l'on peut faire gémir les preffes en filence cc dans le loifirleptus long. L'ouvrage en queftion a pour titre Maximes du droit public francois, II eft d'une trop grande difcuffion pour ne pas mériter le plus ample examen avant d'en rendre compte. A la page 211. Le 19 aoüt 1772. Le feptieme numero des Supplémens d la gazette de France paroft daté du dimanche 9 aoüt. Celui-ci contiendroir des anecdotes très-intéreffantes, fi elles étoient vraies; mais il faut être bien en garde contre ce qui s'eft rapporté,dont une partie eft ftuffe, 1'autre altérée , & le tout éent d'un trés mauvais ton, & dans un genre d'ironie dure & plate. Cependant on v couxc comme au feu, tant 1'homme a d'ardeür- pour le menfonge r A la page ui Le 19 aoüt ,775. Le ,ivre: des Maximes du droit public Francois eft diviféen fix chapitres. On établk dans le premier que les rois ïont pour les peuples,. & non lespeuples pour les rois. On prouve dans le fecond, qUe ledefpotifmeou le pouvoir arbitraire font contraire* au I 5  ( £02 ) droit divin, aü droit naturel, k Ia fin nrme da gouvernement. Dans toute monarchie bien réglée, les fujets ont la propriété de leurs biens,la liberté de leur p-erfonne; 1'ufage du pouvoir fouverain eft borné par des loix fixes; il y a enfin un corps dépofitaire des loix, chargé de veiller a leur confervation. On démontre dans le troifieme chapitre, que la France eft une monarchie, & non un état defpotique; que les citoyens ont la propriété de leurs biens, la liberté de leur perfonne. Dans le quatrieme on fait voir que la France eft une monarchie tempérée par des loix fixes. Le cinquieme préfente les cours fouveraines comme ces corps dépofitaires des loix, oh toutes les nouvelles doivent-être librement vérifiées. Toutes ces vérités acquierent un nouveau de»ré de certitude par la réponfe a quelques obTeftions, qui forment le dernier chapitre. On peut regarder le livre en queftion comme une encyclopédie politique renfermant tout ce qui a été dit fur la matiere & 1'épuifant abfolument; c'eft un véritable ouvrage de bénédi&in qui fait également honneur a la tête, a la mémoire, a Pérudition & a Ia patience de 1'infatigable écrivain. _ A la page 211. Le 20 aoüt 1772. II s eit élevé une fmguliere queftion, favoir fi les religieus de Sainte-Géncvieve font ou ne font pas  C 203 ) cHanoihes réguliers; s'ils font ou ne font pas idoines a pofféder des cures; par qui doivent être poffédées les cures des maifous qui forment leur congrégation. Cette queftion débattue eft réfolue dans une Confultation imprimée de 44. pages in 40. pour les prétres jéculicrs pourvus des cures deSaint-Médard, dépeniantes de l'abbaye royale defainte-Génevieve de Paris. Le confeil y décide que les, religieux de Sainte-Génevieve, comme membres de la congrégation de France, ne font point ehanoines réguliers, mais de lïmples religieux inftitués pour vivre dans 1'étroite obfervance de la regie de Saint-Auguftin. Qu'ils font inbabiles a pofféder des cures & que les Prêtres féculiers font les feuls capables de pofféder ces cures-. A la page 211. Le 20 aoüt 1772. On a exécuté ces fêtes dernieres au Colyfée unepantomime nouvelle, intitulce Le Ménage d la mode; Elle n'a pas eu plus de fuccès que le refte, & le public paroit avoir abfolument pris en grïpe ce fpectacle. Ce font prefque a chaquefois, des huées, des fiflets; on doute que les Fèiesvillageoifes annoncées pour la Saint Louis, réparent le difcrédit ou il eft tombé. A la page 211. Le 22 aoüt 1772. La police, toujours attentive, furtout dans ces temsdéfaftreux, a fournir au peuple de I'aliment h fa cuïiofué & une diftraclion afamifere,aima. 1" tifle, pour s'être trop érnancipé dans fes feuüles: depuis fon élargiffeme'nt, il avoit colporté diverfes brochures clandeftines & furtout celle intitulée: 'lnauguration ds Pharamond. II s'eft trouvé infcrit fur les mémoires du Sieur de la Roche, 1'ün des commis des fermes arrêtés, tSc les foupcons s'étane augmentés fur fon compte, il a été repris de nouveau par les informations & autres indices: on a feu qu'il connoiffoit 1'auteur du livre en queftion, & l'on eft a le tourmenter violemment pourenapprendre davantage. II paroit conftant aujourd'hui que eet inconnu, auteur de 1'Inauguration dt Pharamond, du Maire du Palais & du dernier livre qui vient de paroïtre, Maximes du Droit public francois, étoit retiré dans le Temple depuis longtems, qu'il y vivoit dans Ia plus grande folitude, & fans aucune communication extérieure , même pour les befoins ordinaires de la vie; qu'informé du fort du Sieur Caufman, il eft parti le même jour pour 1'Angleterre, ce qui fait préfumer plus fortement des liaifons de ce dernier avec lui. En confëquence le Temple eft inondé d'efpions, mais dont 1'emploi devient deformais inutile. On ajoute que le prince de Conti, qui, en fa qualité de grand-prieur, a la jurifdieftion de eet enclos, fur les plaintes qui lui ont été portées, a fait faire des recherches féveres, pour voir fi l'on ne trouveroit pas quelque imprimerie feerete^ce qui n'a rien pro-  C 211 ) duit; on fcavoit bien d'avance ce qui en réfulteroit. A la page 210. Le 2 feptembre 1772. Le Sieur Razetti, violon ordinaire de'la mufique & de la chambre du roi, eft fort attaché a Madame la comteffe de Langeac, & c'eft lui a qui el!ea,donné Ie_foin de préOder au choix & a 1'éxécurion des divers raorceaux de mufique qu'on exécute au Colyfée. On a voulu le récompenfer de ce zele, & l'on a obtenu des entrepreneurs un jour en fa faveur. II doit avoir lieu aujourd'hui. On doit donner les Jeux Qlympiques, qu'on annonce avec beaucoup d'emphafe. On diftribue un ample profpectus, oh; tl eft dit que 1'ouverture du Colyfée fe fera, felon 1'ufage, è 4 heures; que depuis ce tems jufqu'a 6 heures le public fera amufé, & fans ftais, de plufieurs petits fpectacles indépendans de la fête; qu'a fix heures on donnera, a 1'imitation des jeux olympi ues de 1'ancienne Grece, une courfe de quatre athletes, fpe&acle dont on n'a pas encore vu d'exemple en France. Que, pour eet objet, deux colonnes égales feront élevées au fond de la grande allée du jardin & défigneront le but de la courfe. Qji'au premier fignal, les athletes doivent courir fur quatre lignes paralelles, qui fe termineront au but indiqué, & fur leurs extremités quatre couronnés de fiers feront fufpendues a une guirlande} qui traverfer'a les deux colonnes.  C 212 ) Que chaque athlete, en atteiguant Ie but, doit détacher la couronne qui eft perpendiculaire a la ligne qu'il parcourt,& que celui qui, pendant trois fois, 1'aura prife le premier, remportera le prix deftiné au vainqueur. Qu'il fera couronné de lauriers au bruit de d;vers inftrumens, pas des juges qui feront placés aux cötés du but, cc une mufique militaire célébrera la viftoirc. Que fur la fin du jour, on le conduira en triomphe dans la rotonde, qui fe trouverailluminée, & que plufieurs danfes y feront exécutées en fon honneur, après lefquelles on le conduira au cirque, oh l'on tirera un feu d'artifice de la nouvelle compofition ,par le Sieur de la Variniere, artificier du roi, qui repréfentera le temple de Venus «Je terminera ia fête. A Ia page 220. Le 3 feptembrt 1772. Ona fait en Normandie a 1'occafion du voyage de Madame la duchefie de Chartres aux eaux. de Forges,6c de celui de M. le duc deCharcres, un ouvrage appelé La Gazette JSormaride. C'eft un journal modelé fur les fupplémens a la gazette de France, c'efi-a-dire bién méchant, bien menfonger, bien calomnieux, avec quelques vérités cependant, comme cela doit être. A la page S2o. Le 3 feptembre 1772. Rien de plus miférable que 1'exécution des Jeux olympiques. Nulle nobleffe, nulle magnificence, quatre gredins courant les uns après les autres, & trois reprifes, pendant 1'elpace d'en-  ( Cis ) viron cent cinquante toifes, fans cortege, fans concours, fans illufion, foit dans ie loca!, foit dans le vêcemenc, foit dans le coftume', ont préfencé un fpeöacle mefquin & qu'on a hué. Le feu d'artifice a été joli. II s'y eft cependant trouvé plus de monde qu'on ne devoit le croire, après les di ver fes atrapes oh tantdebadaudsonc été pris. A la page 220. Le 3 feptembre 1772. Les comédiens italiens ont affiché pour aujourd'hui Les deux Comperes. Cet opera comique en deux acles, annoncé il y a fix femaines, 6c qu'on avoit retiré, par des tracafferies furvenues dans ie tripot, eft un ancien ouvrage dc la foire, dont le S ;eur Anfeaume a refondu les paroles; le Sieur la Ruette y a adapté de la mufique: on doute que cela vaille quelque chofe. A la page 220. Le 4 feptembre 1772. Le Sieur Carlin hier, avant qu'on jouJt les deux Comperes étoit venu capter la bienveillance du public par un compliment a fa maniere, qui avoit été bien accueilli, cc fembloit d'un bon augure pour la piece. Mais la machine en a paru ü plate, óc la mufique fi mince, fi triviale, que le parterre,tout bonnace qu'il foit, n'apuytenir. L'ufage-oh l'on eft aujourd'hui d'aller en de^habillé, fans armes, mais avec une canne, a fourni une nouvelle maniere de fifler & de perfifler. Les fpeeftateurs ont battu le mefure avec leurs batons fur le plancher, cc il en a réfulté un bruit fourd cc foutenu qui a étourdi  C 2*4 3 l'orcheftre & les acteurs, au point qu'on apris le parti de céder fur le champ a cette nouvelle mufique, & de-quitter le théatre, A la page 222. Le 6 feptembre 1772. II n'y a plus de doute fur la nouvelle de larévolution de Suede. On vient d'imprimer a 1'imprime* rie du département des affaires étrangeres a Verfailles la relation de ce qui eft arrivé d Stockholm depids le 19 jufqu'au 21 du mois dernier \ on y voit comment en cinquante-quatre heures le roi de Suede, rompant les liens qui 1'aflerviffoient au fénat, a repris les rênes de 1'empire telles que Cujlave- Adolphe les dirigeoit & qu'elles ont été conduites jufqu'en 1680. Si l'on encroyoit cette relation, 1'évenement auroit été fubit, mais par la combinaifon des faits qui y font rapportés, on ne peut le regarder que comme le réfultat d'une politique profonde & combinée de loin. Sa Majefté Suédoife n'a point négligé la forme du ferment, lien très-fortfans doute, & très-durable, tant qu'elle aura les troupes & les forces de fon cóté. A la page 222. Le 6 feptembre 1772. La nuit du 23 au 24 du mois dernier une garde nombreufe s'eft emparée des avenues du couvent des barnatites, & l'on a arrêté le pere Miracon, fameux janfénifte, interdit depuis longtems & trés mal noté auprès de M. l'archevêque de Paris. Ce religieux agé, frappé de terreur a la vue de tous ces alguafils, avoit eu pourtant la préfence d'efprit de dire aufrerequi  C 215 ) les conduifoit, foufle ta lumiere:a la faveur de 1'obfcurité & de 1'embarras de ces gens qui ne connoiffoient pas les décours de la maifon, il s'étoit fouftrait a leur garde, ck s'étoit refugié dans le clocher, oü l'on 1'a trouvé aprés beaucoup de recherches. Ces recherches fe'font étendues dans tout le couvent & jufqu'aux lieux les plus fecrets. 11 paroft qu'on foupconnoit un entrepót chez ces religieux. On n'a rien trouvé, pas même dans la chambre du pere Mira fon , fauf un exemplaire de la gazette eccléliaftique de la femaine. II a déja fubi trois interrogatoires dont il n'a rien réfulté. II eft traité avec beaucoup d'égards & de politeffes, & comme c'eft un homme de lettres qui travaille a 1'hilloire du Bearn, on lui a fait remettre fes livres & papiers, pour qu'il put conticuer eet ouvrage. 11 fe promenoit fouvent aux Tuilleries avec beaucoup de nouvellifles, qui ont été fort alarmés au premier bruit de fa détention mais fout raffurés aujourd hui. A la page 224. Le 8 feptembre M le duc d'Aiguillon avoit fait imprimer en diligence par ordte du roi une quantité confidérable d'exemp'aires de la relation de ce qui eft arrivé a StocKholm le ig aoüt, & en avoit envoyéa tous les gens en place; enfuite on en a difiribué gratis & fans diftinétion aux perfonnes qui en ont voulu; Ia police k Paris a requ injonction d'en délivrer gratuitement aux curieux. A la page 224. Le 9 feptembre 1/72. U y  ( 2N5 ) a eu hier chez Mlle Guimard a Pantin un fpcetacle délicieux, que M. le duc de Chartres a honoré de fa préfence, mais incognito. C'étoit vacance des thcêtres publics a caufe de la fête de vierge, ce qui a permis a cette AJpafie de jouir de plufieurs comédiens frangols On V a exécuté un opera comique nouveau, intitulë Jannot, qui a fait peu de fenfation. 11 n'en eft pas de même de la Vérité dans le Vin du Sieur Collé, ouvrage connu & imprimé, plein de peintures fortes, d'un dialogue chaud, & de la compofition la plus vraie. On ne peut rien voir de mieux joué que cette derniere piece. Trois excellens acteurs, tirés de la comédie Francoife, favoir les Sieurs Feuillie, Dugazon, Oger y ont déployé des talens fupérieurs atouc ce qu'ils ont montré jufqu'a préfent. Mlle Lafond, danfeufe de 1'opera, & Mlle Guimard, la maitreffe du lieu, ont fecondé a merveille ces perfonnages.furtout la derniere dont la voix naturellement rauque & défagréable quand eile carle perd fa mauvaife qualiré dans le chant öc devient raviffante. Les plus jolies filles de la capitale, qui formoient en femmes le fonds de 1'alTemblée, la rendoient charmante. II n elt cue Paris pour trouver ainfi une courtilanne . donnant a fes frais un divertiffement de pnnce & qui ruine ordinairement lesmilhonnaires les'plus riches: d'ailleurs, chez les grands feigneurs il regne par effence un refpecl, un fetieux, une contrainteabfolumentbannisdechez ' Mlle  C 2.7 ) Mlle Guimard, tant k raifon de 1'héroine, que du genre de la compagnie & de celui des ouvrages, dont quelqu'un en place ne pourroit tolérer la licence chez lui, fans s'expofer a 1'animadverfion de la police, du miniftere & du public. A Ia page 224, Le 10 Septcmbre 1772. La préface de 1'ouvrage ayant pour titre EJJai général de taEtique &c, qui eft le morceau profcrie & précieux conféquemment, eftdiviféeen deux parties. La première a pour titre: Tableau, de la politique aSiuelle. Son parallele avec celle des anciens; fes vlees; obflacles qu'elle apporte d la profpêrité &f d Ia grandeur des peuples. La feconde eft intitulée: Tableau de Vart de la guerre depuis le commencement du Monde. Situation aSiuelle de cette fcience en Europe. Son parallele avec ce qu'elle fut autrefois. Néceffité du rapport des conjlitutions miktaires avec les constitutions politiques; viess de tous nos gouvememens modernes Jur eet objet. On voit combien ces grands objets peuvent prêter k 'la plume d'un philofophe éloquent & plein de génie; ils font traités avec beaucoup de chaleur & d'énergie. L'ouvrage eft prodigieufement cher & paroft imprimé a Londres, le feul endroit oh la liberté & la vérité puiffent encore fe faire entendre. A la page 225. Le 11 Septembre. l772. Le projet de la nouvelle falie de comédie effuïe toujours des contradiétions fourdes qui retarTome XXIV. K  C 2i3 ) dent d'autant 1'opération. On a fait entendre depuis peu au maréchai duc de Richelieu qu'on lui en impofoit en lui difant que des étrangers devoient faire les fonds de 1'entreprife, quand il y auroit des lettres patentes pour autorifer 1'emprunt; que les lettres qu'on produifoit a eet égard étoient fauffes & controuvées. 11 a fallu avoir une explication avec ce gentilhomme de la chambre qu'on a enfin ramené a la vérité, & qui a promisdetravailler inceffamment k 1'obtention des Lettres p^tentes: on lui a fait entendre qu'il y avoit auffi des Génois qui demandoient a tntrer dans le nombre des capitaliftes, & qu'on devoit leur envoyer un profpeétus oh l'on établiroit plus particulierement les moyens de finances, la eertitude de 1'emploi & le bénéfice des rentrées. On a ajouté que fon nom feul, quand la république verroit combien il s'intéreffe au projet & le favorife, détermineroit les richards de ce pays la. Le maréchai a été fiatté de cette obfervation, & redouble aujourd'hui de zele pour le projet. Le procés verbal du Sieur Egreffet, Pcxpert nommé par la police, n'eft pas encore public, mais on fcait qu'il eft a peu prés conforme k 1'eftimation faite par le Sieur Liégeon A la page 231. Le 11 feptembre 1772. Le pere Uvoire, autre barnabite du couvent de Paris, a reffenti auffi, quoique d'une facon moins cruelle que le pere Miragon , les fuites des foup-  C 210 ) eons répandus fur fon compte. I! eft auteur dunetraduéhon de Muratori , auteur italien qui a écrit fur Je bonheur. Jl eft queftion en certainsendroits du livre du Paraguay & des K fuues. Ceux.ci font affez maltraités? & le tra. duéteur n a point affoibü jes traits de,,ori . , Les partrfans de 1'ordre fe font remués, ont feit entendre que ce barnabite étoit un janfénï te qui pourrou bien avoir eu part aux divers écnts contre Je defpotifme aéïuel. Le ministre n ayant cependant acquis aueune preuvequi püt donner beu a attenter a Ja liberté du rei gieux on a laiflé le foin a M. l'archevêque de le molefter Comme celui-cin'a pas uneautorité imméd.ate fur les individus d'un convent qui neft pomt foumis a 1'ordinaire, & que les fu périeurs ne fe rendoient pas a fes infinuations" contre le religieux, il . pris la tournure d'interdire tout le convent, & de décJarer qu'il ne léveroit eet mterdit- qu'après 1'expulfion du pere Livoire en forte qu'on a été obligé de donner une obedience a ce religieux pourdianger de couvent et fe rendre a Etampes A la page 231. Le 20 feptembre 1770 r es entrepreneurs du Colyfée continuentè déguifer leur fpeftacle miférable & piac fous de i;.ands noms Tantót c'eft une colonne trajanne en arufice de enquante pieds de haut,c'eft a-dire des fufées maigres & trés - ordinaire an j' c eft une courfed'amazones,e»eft.a dirededouK 2  C 2:0 ) ze rourgandines laides & a faire mal au coeur. Us annoncent pour la prochaine fow,c eft-a-d«. e pour le mardi jour delafêtedeNeudly une pantomime héroïque pour ^*£J™'% Lnds pféparatifs; ils efperent quelepubheen Xvenant du pont abondera chez eu*. A la page 231. Le 2t fepfembre 1772. P«- feulement au rouleau & qui vientvraffemblableirTe Bretaene. 11 contïent un ]ournal de ee. m Mt mffé 1'année derniere en cette provmr,ors de la fupprcffioo & recréation du parleI? de Rennes, enrichi d'anecdotes relatives " Ïvenem ainfi que des fingnliers Ct brefs ^Sorabriaifeo^ du duc de &tz-,.me. f du Sieur Baftardkeette eompagme A la page 23'. Le ia'Jeptembre 1771. On a ^ de 1'édition de Fencyclopedie imagmee r 'nnoncée par le Sieur Pankouke , dont M. fe hancdier a fait enfermer a la Baft.lle les ie«:'premiers volumes. Ce nbra,re & fa coraSie n'ayant pu trouver grace aupres du chef g^^ftt. ils efperent que M. ^^^u^de^SenfermésdansdesiieuK  C 221 ) humides «Sc- a Ia merci des rats ne fouffrent un déchet confidérable, fel: dans certaines an'etes qui ne font point ft»daffes, ou- bêtes comme le plus grand nombre de celles qu'on nous chante. La mufique ne vaat pas dans fon genre la comédie; il y a quelque chofe d'agréable & de chantant; 1'ouverture a.fait plaifir, ainfi que quelquesaccom.pagnemens; mais nul plan ,. nul coloris dans 1 enfemble. A la. page 230". Le 2 otïobre 1.772, Comme c'eft M. le duc de Fleuri qui eft gentilhomme de la chambre cette année,. & qu'il a peu de goüt pour les fpectacles, on ne croit pas que cqqx de Fontainebleau foient bien brillans. II eft. décidé que l'on n'y jouera en pieces du théaV tre lyrique, que la Cinquantaine de M. de Ia Borde.° ce premier valet de chambre,. en cette qualité, & pa.r fes entours, a obtenu cette faveur On ne doute pas que le jeune Veftrallard n'y. paroiffe & n'étonne toute la cour, ainfi qn'ii fait 1'admiration de la.ville* Au furplus, ce danfeur foutient prefque feul aujourd'hui 1'opera: on eft fi dégoóté de la Cinquantaine,,. que M. d.e la Borde,.pqur nepas éprouver une déferron totale, a. obtenu que Ie Sieur Veftrallard danferoit tous les jours de cs fpedlacle;- après quoi il fe repofera & ne rcpa?. isoftra-; de quelque tems, A:la=.page 236. Le 3 oclobre 1772. Quoiqu'on ait peutravaillé cette année. è la nouvelle églifë de: Sainte-Génevieve, elle avance pourtanfc è ceïtains; égards, & ia;fasadeconftr.uitedajJs  C 229 ) toute fa totalité, préfente déja- matiere arac critiques des moins connoiffeurs. I] eft fenfible qu'elle eft trop large pour fa hauteur,.cequi lui donne un air écrafé; on prétend que ce défaut provient des colonnes qui ne font point écartées dans les regies de 1'arc: a cela prés elle eft iimple, nob!e& d'une grande exécution. A la pnge 237. Le 4 ociubre 1772. On prétend que le Sieur Deftouches, juüement indigné du larcin du Sieur Souflot, fon concurrent, avoit excité fous main le Sieur Patte a 1'atta' quer, & è mettre en avanr toutes les difficultés qu'il a élevées fur la conftruction delacoupole de cette églife, enforte qu'il n'étoit que le prêtenom du premier. Cela donneroic une folution fatisfaifante de la conduite du critique, qui jufque la n'avoit paru agir que par une basfe jaloufie, puifqu'il n'avoit aucune miffion qui 1'autorifat a molefter le Sieur Souflot & a faire naïtre des doutes fur la folidité de fon édifice. Tout cela va s'cclaircir par la mort du Sieur Defiouches: il n'étoit point de Pacadémie d'architeaure, & M. deJVlarigny, qui 1'avoit pris en haine paree qu'il avoit réclamé contre Pinju-ftice de fon procédé, avoit juré qu'il n'en ferok point, tant que cela dépendroit de fon choix. Cette perfécution ne fait point d'honneur a un homme fait pour encourager les arts* loin de les écrafer. A.la page 239. Le 6 oclobre 1772. Au moK7 t  tnent oii l'on s'attendoit ic moins a quelque nouveauté, ou les bons patriotesgémiffoientdu filence général des écrivains de leur clafle, oh les inamovibles triomphoient, s'imaginant par leurs procédures, leurs inquifitions,leursvexations, avoir arrêté le cours des brochures, le fupplément d la gazette de France N». 8 a tombé comme un coup de foudre dans Paris: il a produit d'autant plus d'cffet, qu'il eft infiniment meilleur que les précédens, étant dégagé de toutes ces anecdotes faufiés & incroyables'dont ils fontfarcis, & d'ailleurs enrichi d'une Lettre d 1'auteur du iV*o. 7 du fupplément d la gazette de France; excellente facctie, qui, fans être auffi bonne & aufii plaifante que la Lettre d Jacquet de Verges, femble fortir de la même pluroe. C'eft encore un morceau très propre a défoler le chancelier , par la maniere adroite dont on le fouille jufque dans les cntrailles, ce qui prouve que Pccrivain eft bien prés de lui, ou qu'il eft fervi merveilleufement par ceux qui approchent Monfeigneur & ont faconfidence: nouveau tourment qu'on lui prépare en 1'obligeant de foupgonner par lè fes amis les plus intimes, les dépofitaires les plus fürs de fes fecrets. A la page 239. Le 6 efiobre 1772. Rien de plus plaifant que d'obferver a 1'opera la tendre eomplaifance avec laquelle la Demoifelle Allard & le Sieur Vcflris eonttrnpknt descoulis-  C *3ï ) fes leur petit batard, lorfqu'il danfe; ils femblent le couver des yeux , fuivre tous fes pas, les diriger,l'encourager du gefte & delavoix; chaque applaudiffement du public retentit dans leur cceur, & la fatisfaclion répandue fur leur phyfionomie indique combien ils font reconnoisfans envers lui. A la page 242. Le 10 oclobre 1772. L'Auteur des Cherufques fait répandre un avertiffement par lequel il annonce fe de-fier d'une tragédie de ce nom qu'on vend aujourd'hui, & qui n'eft que 1'ancienne édition a laquelle on a fubstitué ce titre au lieu de celui ó'Arminius; mais fi ce libraire s'en étoit pu défaire dans Ie tems, jl ne feroit pas aujourd'hni obügé d'avoir recours a cette rufe: il fuit de cette obfervation que M. Bauvin en ce moment a préfcré fon lucre a fon amour proprc; il déclare au furplus, que la véritable édition va bientót être n:ife en vente. A Ia page 242. Le 11 oclobre 1772. Un particulier de Joigny, doué apparemment d'un grand talent pour les anaarammes, occupé depuis longtems a tourner & retourncr les lettres des des divers noms de M. le chancelier, a enfin trouvé uu fens très-fiatteur, & ila fait préfenter fon ouvrage au chef fuprême de la juflice. Celui ci, quoique trcs-modefte,n'a pu qu'êtreinfiniment fenfible anx louanges de ce particulier, & pour lui en témoigner fa iatisfaction, il 1'a fait exempter de taille, récompenfe que  C 232 J lès autres bourgeois fur lequel ce déficit fera réparti, trouveront fans doute bien mérité. On en peut juger par le petit chef d'ccuvre: les • noms font René-Nicolas-Charles»Auguftin de Maupeou.- Anagramme. Jl a ménagé, foutenu la puijjhnce du tróne. Un autre dont on ne dit pas la récompenfe3 a trouvé celle-ci. Augufte chancelier fans pareil au monde.- A la page 243I .Le 13■ o&obre 1772. Après quelques repréfentations de fragmens que 1'aca» démie royale de mufique fe propofe de donner inceffamment, qui feront compofésdesactesde Eygmalion, de Tirtée & du Devm de Vülage, elle doit exécuter Adele de Ponthièu, tragédie nouvelle en trois aftes de M. le marquis de Saint-Mare. La mufique eft des Sieurs Berton directeur de Pacadémie royale de mufique, & de la Borde premier valet-dechambre, qui va occuper encore une fois la fcene lyrique. A la page 246. Le 17 oElobre 1772. Au moment oh Pon s'y attendok le moins j au milieu de Pappareil des vexations, des procédures 4 & des iupplices deftinés aux auteurs, diftribu» teurs, colporteurs, fauteurs & adhérans des* brochures fi. rigoureufement grofcrites.5 on #  c 233 ) trompé 1'efpion, & le Boztquet de Monfeigneur a paru de toutes parts. C'eft une brochure de 58 pages, non compris 1'épitre dédicatoire. Celle-ci eft adreffce a Monfeigneur René-Ni' colas Charles- Auguflin de Maupeou, Chancelier de France. L'auteur lui fait des excufcs fur le retard du Bouquet, il fe rejette fur la fuite de l'éditeur de la Correfpondance. II s'annonce comme un nouvel athlete qui defcend dans I'arene: il tcmoigne la plus grande fécurité, & fait entendre la mal adreffe de tourmenter les malheureux qu'on tient en prifon pour découvrir un fecret dont on ne les a certainement pas pris pour confidens. Du refte, il annonce que s'il alloit devenir vicftime de fon zele, il feroit bientót remplacé par une foule d'autres écrivainsque s'il n'eft plus en France de fanatiques de religion, il en eft encore de patriotifme. C'eft 1'emploi d'une telle fociété de prévenir par des fecouffes fréquentes 1'affaiffement & 1'inertie du gros de la nation, peuple volage, qui rit de tout, & chez lequel il eft effende! de graver rimpreffion forte & male de cette vertu qui réfide dans le cceur des héros citoyens. Dans -une petite préface qui commence le corps de 1'ouvrage, 1 écrivain, par une fieftion ingénieufe & fublime, va d'abord au tombeau de Vincent Maupeou (Tauteur d'un fameux asfaffinat tant reproché dans les autres pardes de la correfpondance) pour chercher entre les cipres qui 1'entourent, des fleurs propres au.  C 2.34 j bouquet qu'il deftine au chancelier; profopo- pée effroyab'e qui en réfulte II vole au temple de Thërois, oh il ne trouve que des décombres & des ruines fur lefquels font afïïs les nouveaux fénateurs; il fe réfout a faire faire le tableau de Monfeigneur par les artiftes les plus habiles.... Perfonne ne veut fe préter a fon entreprife; il a recours aux ccrivains & jl trouve dans Tacite le portrait de ce grand perfonnage peint de main de maftre: il y ajoute différentes touches prifes dans quelques peintures vives & fortes de 1'éditeur de la correspondance, & finit par un dernicr trait forti de la bouqhe du roi. Mm chancelier, difoit-il ces jours demiers, eji unfripon; mais il m'eft nécejjaire. Vient enfuite VApotheofe de Monfeigneur : c'eft un perfiflage continuel d'une brochure intitulée Le voeu de la nation, faite fous les yeux de M. le Chancelier, avec cette épigraphe: Deus nobis hcec otiafecit, oh le panégyrifte 1'appelle en effet le Dieu tutelaire de la France, de la le Dieu Maupeou: catéchifme trés plaifant en conféquence, oh l'on prouve fa divinité par les différens paragraphes du pamphlet apologétique & le détail de fes magnifiques & céleftes attributs. On ne peut faire fentir d'une facon plus ingénieufe 1'indécence, le ridicule, lafauffeté, la faveur du plat encens dont Monfeigneur f'enivre lui-méme par 1'organe de fon bas adulateur.  C 235 ) Le troifieme paragraphe eft intitulé, Juflice vcngerejfe du Dieu Maupeou: on y dévoile en caraéteres cnergiques toute 1'iniquité de la procedure inftruite dans 1'affaire de la correfpondance; on démontre que c'eft une horreur, une abomination, par les propres paroles du chancelier, qui, pour exciter fes fuppóts a devenir impitoyables, les avertit que c'eft leur propre querelle qu'ils ont'd venger, & qu'ils font des laches s'ils ne font de ces ccquins une punition exemplaire; ce qui donne lieu a une harangue fanglante de 1'orateur, qui fe fuppofe arrêté & préfenté è ce fénat infame; après lui avoir dtclaré fes motifs de recufation en général, il en apoftrophe individuellement chaquemembre & leur reproche comme moyens de récufation particuliere une foule d'iniquités dont ils fc trouvent coupables. On ne pouvoit amener d'une facon plus adroite & plus naturelle le recueil de tant de turpitudes. Le tout eft terminé par un hymne eu 1'honneur du Dieu Maupeou, qui n'eft qu'une parodie appropriée des terribles imprécations de Camille dans les Horaces. Tel eft le précis de 1'ouvrage, non moins propre que les autres a défoler le chancelier & fes adhérans: il eft daté du 4 novembre, jour de la Saint-Charles, un des patrons de m! de Maupeou; ce qui fait préfumcr qu'on aprématuré le tems du débit par des circonftances hcureufes- A la page 247. Le 18 oftobre 1772. I! paroit  ( =3Ö ) que le journal politique, annoncé avec tant d'cmphafe, n'eft qu'un finge de celui de Bouillon, connu autrefoi3 fous le nom de Gazel te des Gazntes. II n'aura d'autre avantage fur celuici que de paroïtre trois fois, au lieu de deux par mois, que paroit fon devancier; mais on ne doute pas qu'on ne lui cherche noife pour le forcer a laiffer lc champ libre a fon rival. A la page 252. Le 21 oeïobre 177a. Ilcourt manufcrit un billet doux de M. de Sorhouet d M. de Maupeou en date du 10 o&obre. oul'onoffre k ce chancelier, en attendantfon bouquet, une chanfon des plus ameres; ce qui annonce qu'elle a été faite avant que le bouquet ait paru. A la page 252. Le 22 o&obre 1772. Le fleur le Kain eft de retour de fes caravannes, & a reparu le famedi 17 dans la tragédie de Manlius avec le plus grand fuccès. La beauté de fon jeu eft a fon point de perfection le plus fublime, & s'y maintient. A la page 252. Le 22 oElobre 1772. L'affaire de la nouvelle falie de comédie francoife va toujours lentement par les entraves qu'y mettent fourdement les envieux du projet; cependant on gagne un peu de terrein k mefure: Ie projet de la reftauration paroit d'abord totalement anéanti; les entrepreneurs ont retiré leurs machines, & commencent a déblayer le terrein. L'eftimation des terreins eft faite, & quoique mal 3 il eft aifé d'en concevoir qu'elle ne pour-  C "237 ) ra contrarier les fuppolitions établies a eet égard. Le Sieur Liégeon en a fecu communication du lieutenant de police & doit y répondre par des obfervations détaillées. Le Sieur Moreau de Vormes, avocat au confeil, eft alIé a Fontainebleau, chargé de rédiger les lettrespatenr.es qui affureat la confection du projet,fcdonnent aux capitaliftes étrangers qui fe propofentde fournir les fonds, toutes les affurances capables de les exciter. A la page 252. Le 22 oeïobre 1772. Mlle Heinel fe difpofé 4retournerenAngleterrepour y faire une nouvelle récolte. Les amateurs de 1'opera ne font pas contens des abfences de cette danfeufe, qui laiffe toujours un très-grand vuide, & quitte précifémeut dans 1'hyver, le tems le plus brillant du fpectacle, A la page 253. Le 23 ottobre 1772. Unacteur nouveau a débuié récemment a la comédie kali enne dans les róles de Cailleau; on a trouvé fa voix fuperbe, & il a été fort applaudi. A la page 253. Le 25 oclobre 1772. Une brochure ignoréc-jufqu'a préfent & qui depuis fix mois s'étaloit fur les qu3is fans piquer lacuriofité des amateurs, fait beaucoup de bruitaujourd'hui , & eft recherchée avecfureur. C'eft le Vwu de la nation , fi parfaitement tournéen ridicule par 1'auteur du Bouquet: les divers portraits-des minifires actuels qu'on y trouve, ont paru extrèmement finguliers: comme 1'auteur les voit fous un point de vue qui aura peut être  C 233 ) échappé aux étrangers,il fa ut apprendre h 1'Europe les rares qualités, les talens fublimes qu'une connoiffance plus profonde lui a fans doute découverts. Les voici: ,, Le miniftre de la juflice CM. le chanceljer) 1'ami du tróne, éclaire la nation & aifure fon bonheur par des vues auffi concertées dans le principe, que folides dans 1'exécu„ don. Quel plus bel éloge de fon cceur & de fon efprit! „ Le miniftre des affaires étrangeres C M, Ie „ duc d'Aiguilion ) génie vafle & élevé, eet ,, tnfemble de candeur & de prudence, s'ho. „ nore de 1'oppreffion & de lacalomnie de fes ennemis: fous un roi jufte, le fantóme de fa „ calomnie s'évanouït; on l'avoit vu comman,, dant dans une grande province, y répandre les canaux de 1'abondance; on 1'a vu depuis „ perfécuté par Pingradtude: il a tout oublié „ pour fe livrer a la bienfaifance; voilé fon „ triomphe. Tranquile au fein de 1'orage, il ,, n'a ni craint ni defiré: attendez tous les avan,, tages poffibles de fon miniftere. ,, Le miniftre de Ia guerre (M. Ie marquis de Monteynard) offre un véritable Romain ;di,, gne affemblage des vertus, toutes fes vues „ fe portent au bien de la plus noble partie de „ la nation; un défintéreffement eft la bafe de ,, fes opérations ; plaire a fon roi & fixer fa „ confiance, voila fes defirs & fon bonheur. „ Le miniftre de la marine ( M, de Boynes)  ,, nous donne un de ces hommes qu'a peine „ 1'antiquité a connus: plein de fon objec gé- nie portant la lumiere fur toutes les parties „ qui lui font confiées, Ia marine vareprendre „ fa première fplendeur: un travail opiniatre „ vient a bout de tour. ,, Le Miniftre de la finance CM. 1'abbéTer,, rai) par eet heureux concours des opérations „ du miniffere, & fes lumieres cc fes principes, „ jettedes fondemens de Ia confiancepublique, „ fource de 1'aétivité du commerce cc de la „ circulation qui eft le nerf de 1'état, il no peut „ éclore de ce miniftre que de3 projets utiles „ a la France ccèl'accroifTement de fesfinances. ,, Puis-je mieux fïnir cette lettre, ajoute 1'écrivain, qu'en rendant mon hommage a ,, eet ancien miniftre CM. Ie duc de la Vrillie,, re ) qui a toujours excité 1'admiradon de Ia France? Occupé de captiver Ia confiance & „ les bontés de fon roi, paifible dans fon mi,, niftere, auffi jutte qu'éclairé, plein de dou,, ceur & de cette affabilité qui gagnent les ,, cceurs; tous nos vceux fe font tournés vers „ lui; fa vertu & fa candeur férviront de mo„ dele; il ne fut jamais expofé a 1'orage, par- ce qu'il prit la fageffe pour guide. ,, Percez la capitale; vous y trouverez Ie „ magiftrat ( M. de Sartines lieutenant général „ de police , que le panégyrifte met ou rang des „ miniftres, quoiqu'i! ne foit que Ie fubalterne „ trés.inférieur du dernier) qui veille k fa fu-  X 240 ) retéj remplir a la fois les devoirs de juge & de citoyen: cette pénétration qui raffiire ' 1'innoce'nt & confond le coupible, eft fon " caraclere diftinctif: le mafque tombe devant , lui & 1'homme refte. ' A la page 153. Le 16 oHobre 1772. A la fin du 'Bouquet 1'auteur annonce que fon ouvrage eft terminé; mais qu'il reparoitra bientöt fous le titre de Journal politique , hiftorique, criliqu: 413. 240. En femmes & filles. . . 1 588. 585. Au deiïus de 3o ans, en hommes & garcons. . . 1 *6i. 053. En femmes & fille?. • . * ico. 012. «87. 357- Et M. Marin compte, Total des hommes 10. 562. 6ji. I Idem des femmes 11. 451. 726. f Ce qui fait, riit-ü. 22. 014. 357. Suivant les dix foinmes (snoncCes, il fe trompe de.873, 000. 22. 887. 357- Et  C 249 ) Et cette grofle erreur tombe fur Ia fomme des hommes, dont il oublie 873. 000. feulement, ce qui eft un infiniment petit. Ce calcul, extrêmement exagéré relativement a ceux du maréchai de Vauban dans fon dénombrement, & de M. le marquis de Mra&eaudans fa théorie de 1'impót, calcul qu'il faut réduire de fix millions environ pour le mettre a fa juste valeur, n'a été fait au gré des politiques rafinés, que pour préparer a une furcbarge d'irapöts: plus le fardeau fe fubdivife, & moins il eft lourd.. Arpentage de fa France, fuivant la menie gazette. La France contenant 30. coolieuesquarrées, de 2J au degré, la population eft a raifon de 734 perfonnes par lieue quarrée. D'un autre cóté, la France renfermant-environ 140,664, 750 arpens, cette étendue de terrein fe trouve partagée h raifon de 29 arpens a peu prés pour chaque familie; En retranchant de la fomme totale d'après fes évaluations fakes 122. 600. 050. arpens, pour les, chemins, les rochers, les montagnes, les communaux, lés terres vaines & vagues, fes foffés, les haies, les riviere?, les ruüTeaux, les maifons, les édifices , en y comprenaot fes parcs, les jardins, les marais, les étar.gs . il ïettera pour les bois, les vignes, les- pres & L 5,  C 2JO ) " terres labourables 18. 8CT4. 700 arpens. Ce ne font pas les J d'un arpent pour cbaque perfonne, puifqu'on prétend qu'il y a 22 or4. 3^7. hommes & femmes; pour donner les i & demi d'un arpent h chaqueindividu, il manqueroit, 7*1, 794. { d'arpent de terre en Ia fuppofant toute labourable. C'eft d'après ces calculs faux & exagérés qu'ots a adrefie au kieur Marin 1'épigramme fuivante. D'une gazette ridicule, Rédacteur faux, fot & crédule, Qui, bravant le fens & le goüt Nous raconte fans nul fcrupule, Des contes a dormir debout, A ton dénombrement immenfe Pour qu'on püt ajouter foi, II faudroit qu'a ta reffemblance Chaque individu fik en France Soudain auffi doublé que toi. On fait que Ie Sieur Marin eft auteur de plufieurs écrits répandus par M. le chancelier. A ta page 272. I e 27 novembre 1772 Mlle Lu/P de Ia comédie francoife eft fort mal d'une maLdie de femme, qui ne pardonne guere, furtout quand elle eft caufée & fomentée par le librrtinage. A la page 272. Le 27 novembre 1772. M. Saurfn vient de remettre en un afte fon Orphelim léguêe, qu'il a déguiféefous le titre del'^».  C 251 3 glomane. Cette piece, jonée ici le fa première fois, n'y a pas eu le même fuccès qu'a Fontainebleau oh elle a répara d'aborOn 2eut ju»er du vice radical de ce caraftere par le perfonnage d'un anglomane qui n'entend pas un Sot d'anglois, ce qui donne lieu a toute lmtrièue de la piece. A la page 273. Le 29 novembre 1772. La faculté de médecine eft fort agitée aujourd'hui 1 1'occafion du Sieur le Thieullier, fod doyen,. dont elle eft très-mécontente, quoique, par les intrigues, il ait trouvé le fecret de fe faire continuer,. L'injuftice criante qu'il a fait commettre aux principaux membres de la facujté ,. en faifant exclure de la licence le Sieur S-ga-id par des calomnies dont on a reconnu la fauffeté, ont fait ouvrir les yeux aux plus honnêtes gens du corps: ou a reconnu que fa vengean.ee, contre le fieur Sigaud n'étoit d'ailleurs fondée que fur un motif de vanité bafie & puérile,. & l'on travaille a 1'exclure, s'il eftpolfible, d'une dignité qu'il déshonore. A la page 277. Le 1 dh.embre '.772 Ore vient de répandre dans le public un nouvel écritr incitulé: Les Filets de Monleigneur de Maupeou,, avec cette épigraphe: Frahd jacitur me-anteoculot pennatorwn, Prove>-bes t. 17'. Oh par-lera plus ample nent de cette brochure. A la page 277 Le t déce nbre 1772; Les; entrepreneurs du Colyfée fè font piqués d'fion»Beur vis a-vis le public qui avoit été fi' ihdighe-- T' je. L &■  C 252 ) ment atrappé lundi 23 novembre: ils ont rend» les billets h ceux qui en ont voulu & ont annoncé que la joöte recommenceroit le famedi 28, qu'on avoit pris des précautions pour qu'elle püt s'erécuter avec plus de fuccès,, qu'on avoit établi une cage de 24 pieds de diamctre dans laquelle les combattans feroient enfermés* que les billets pour la féance du 23 auroient lieu ce jour-la vingt-huit: malgré ces promesfes, il ne s'eft pas trouvé plus de cent fpeétateurs. Les deux Rivaux, ainfi forcés de combattre, fe font effectivement acbarnés 1'un fur 1'autre, & tous deux font reftés morts au champ de bataille. A Ia page 280. Le 3 décembre 1772. Les filets de M. de Maupeou font une brochure médiocre qui ne remplit pas h beaucoup-prés fon titre piquant: fon objct eft de raffurer les exilés que la confifcation prochaine pourroit arrêter; mais les raifonnemens de 1'auteur , bonseneuxmêmes, ne font pas neufs, & font même atténués par Ia facon dont il les jiréfente. Nulie énergie dans le ftile, nulle êlóquence, nulie chaleur; I'écrivain eft tout-a-faitreftéaudeflbus de fon fujet. A Ia page 28 r. Le 3 décembre 1772. L'avanture arrivée a la comédie Francoife lundi' dei Dier fait un bruit du diable:on plaint le pauvre auteur, qui en veut furtout au Sieur Prévilte, & Pa nommé fpécialement dans 6 diatribe eontre les comédiens»  A Ia page 281. Le 4 décembre 1772. On connoït aciueilcrnent les entrepreneurs utiles du Journal politique commencé au mois d'octobre dernier , fous fes iUfpices du miniftre des affaires étrangeres. Ce font les ileurs Dujjon, médecin du duc d'Aiguillon, & Rouffeaucx-oratorien, inftituteur du comte d'Agenois: c'eft le Sieur Marin qui tient la plume moyennant mille écus de penfion fur eet objet. A la page 283 Le 6 décembre 1772. Les directeurs de Pacadémie royale de mufique ont été agréablement trompés vendredi en voyant une affluence de monde plus prodigieufe encore que le mardi. II paroit que le fpectacle nouveau du cérémonial de la cbevalerie eft ce qui a piqué la curiofité. II a été mieux exécuté ce jour - la. Ce font deux acteurs qui ont eorabattu & qui s'en font tres - bien acquittés. Le premier jour c'étoient deux foldats aux gardes maitres en fait d'armes, mais qui, fans doute intimidés par le public avoient eu Pair tout-afait gauche. Pour rendre la fcene plus amufante, il eft queftion d'effayer des chevaüx : on doute qu'on puiffe réuffir a les faire manceuvrer avec la précifion & la fureté qu'exigeroit cetts innovation. A la page 283. Le 7 décembre 1778. Le ]SK 10 des Supplément a la gazette de France ▼ient de paraftre. A la page 283. Le 8 décembre 17:8. La Nouveauté de Meffieurs Loujon & Martini n'a. L 7  C 254 > pas eu lieu aux Italiens par des circonffaneesparticulieres ; mais les mêmes auteurs y ont fubüitué un autre ouvrage de leur compofition, c'eft Le Fermier cru fourd ouiLes Méfiances, piece en trois acles & en profe, mêlée d'arietes. Depuis Iongtems on u'avoit vu une chute auffi complette; eet opera comique a été tellement hué depuis le commencement jufqu'a la fin, que perfonne n'a pu 1'entendre, & perfonne n'a regretté de ne pas entendre, tant cela aparu plat La mufique moins mauvaife n'avoit rien de faillant pour compenfer le dégout général : il falloit qu'il füt bien grand pour s'être manifefté auffi indécemment, malgré la préfence de Madame la ducheffe de Bourbon qui honoroit ce fpeclacle & a laquelle un desauteurs appartient. A la page 285. Le 9 décembre 1772. II paroit un Manifefle au% Bretons,, avec cette Epigraphe : fi tacuerint homines, lapides clamabunt. II eftécrit avec une éloquence vigoureufe, c'eft une philippique digne de Démofihene. Elle: prouve de quelle énergie eft capable un cceur ulcéré, qui fent fes maux, un citoyen attaqué dans fes propres foyers, & qui voit fes bourreaux infulter encore è fes foLffrances par une dérifion infolente, par un perfiflage atroce. Au refte, cette éloquence eft foutenue de la logique la plus- preffante,. & le public indicné ne peut s'empêcher de vouer a 1'exécration la plusentiere les miniftres prévaricateursauteurs de:  C 255 > tant d'infractions aux droits les plus légftïmes» les plus facrés, les plus reconnus. Le Tableau des monumens qui conftatent l'urtgine du parlement de Bretagne, qui démantrent Vimpolfibililé de fa fuppreffion, avec cette autre épigraphe: Tolk t°>lege, eft une fuite naturelle du premier ouvrage. On a renvoyé dans celui ci le développerhent des preuves employées dans 1'autre, & les citations des textes fur lefquels on s'appuie. C'eft une hiftoire en accourci des faits les plus effentiels propres a conftater la néceffité & la juftice des réclamations d'un peuple opprimé. A la page 285. Le 10 décembre 1772. II parolt un arrét du confeil d'état du roi du 28 novembre,qui fupprime un imprimé qui a pour titre: Lettres Provinciales, comme contenant des affertions hazardées, & des n .dons peu exactes fur rhiftoire de la monarchie. Cette fuppreffion a d'autant plus furpris, que ce livre eft une production fortie des prefTes que font gémir les écrivains du pard de M. !e Chancelier, & que le Sieur Bouquet tout dévoué a lui, en eft 1'auteur. A la page 285. Le 11 décembre 1772. L'Aceomplijfement des propliéties, pour fervir de fuite d 1'ouvrage intitulé: Le point de vue. Ecrit intéreiTant pour la nraifon de Bourbon. Cet ouvrage ne paroft pas moins bien fait que le précédent & mérite qu'on y revien^e A la page 285. Le 12 décembre 1772. L'arïèi du confeil qui profcrit les lettres provinciales-  Jeur donne une vogue extraordinaire, & fesfair fortir de I'obfcurité oh elles feroient probablement reftées a jamais. C'eft un gros in 8°. qui a pour titre: Lettres Provinciales ou Examenimpartial de l'origine , de la conjiitution, &> des révolutions de la monarchie frangoife par un avocat de province d un avocat de Paris. Et eet avocat eft: en effet le Sieur abbé Bouquet, avocat & bibliothécaire de Ia ville. On ne peut nier que fon ouvrage ne foit trés-fcavant, plein de recherches, & diflribué dans un ordre clair, précis & méthodique. 11 eft d'autant plus étonnant., qu'un tel traité ait été profcrit, que 1'écrivain en général eft très-royalifte, & met la puiffance du roi a fon plus haut période; auffi continue-t-on a regarder la condamnation de ce livre, comme une niche faite au chancelier. Voici les propofitions dont on s'eft fervi pourprétexte a fa profcriptioo, page 193 & fuivantes. Affociation au tróne. L'élévation fur le tróne de 1'un des fils dü roi, étoit alors, comme fous la première & feconde race, une caufe de 1'affemblée générale &c... Une lettre d'Odofric, évêque d'Orléans, fur la maniere de tèrminer le différend qui s'élevera entre les Hauts Seigneurs au fujet du choix de celui des deux fils du roi qui feroit affocié au tróne, nous apprend qu'il ne devoit point ï avoir d'affociation au tróne, & que fi le ral:  C 257 ) infiftoit trop a ce fujet ,il falloit donner fa voix d celui qu'il croyoit le plus en itat de régner En cas d'affociation, le choix du roi & des grands devoit concerner 1'ainé. 11 n'y avoit que les défauts de qualités nêceffaires pour régner, qui dót l'exclure du tróne. Les avis ne furent pour lors partagés que. par les intrigues de la reine Conftance qui vouloit, au préjudice du droit d'aineffe & de 1'ufage, faire élever le fils puïné au tróne par préférence au fils ainé Au furplus, M. le chancelier a pris fon écrivain fous fa proteftion, & 1'a fait pleinement revenir des craintes qu'il avoit d'être mis a la Baftille. A la fuite de ces Iettres eft un tableau hiftorique, généalogique 6c chronologique des trois cours fouveraines de France. Cour Légifiative , Cour de la Pairie, Cour Palatine. Le Sieur Bouquet prétend démontrer par ce tableau une diftineftion marquée & foutenue entre ces trois cours fous la première race. La Cour légifiative , le dépót des loix, eft fous le chancelier de France. La cour de la pairie, prëfidée par le roi, oh a toujours été jugé le premier ordrede 1'état,étoit compofée des pairs de France & des grands officiers de la couronne. La cour palatine étoit ordinairement préfidée par un comte appelé Comte palatin , ou du palais, dans laquelle étoit jugé le fecond ordre de 1'état, confiftant dans les perfonnes libres..  C 2J8 ) Ce morceau eft appuyé d'un recueil de pieces juftificatives, traduites & commentées, qui font bien de eet ouvrage le traité le plus mortellement ennuyeux poflible. A Ia page 28). Le 13 décembre 1772. L' Accompliffement des prophéties &c. eft une fuite du Point de vue &c. L'auteur, qui certainement eft un janfénifte trés ■ fougueux , continue a voir des jéfuites partout, il attaque furtout le veen de la nation, cette brochure devenue fi célebre par fes critiques: il trouve dans eet ouvrage de nouvelles preuves de fon fyftéme. C'eft un jéfuite qui a fait la prédiétion de lelévatión de M. de Maupeou au miniftere; c'eft la fociété qui 1'a effectuée, c'eft elle qui 1'exalte, comme un dieu tutelaire: c'eft donc elle qu'il faut reconnoitre dans tout ce qui fe pafte aujourd'hui, & ce n'eft quen la détruifant julque dans fes moindres racines qu'on peut parvenirè opérer le grand oeuvre de Ia pacification de la France. A la page. 285. Le 14 décembre 1774. Le N". X eft beaucoup plus mauvais que lesprécédens: dans la petite quantité de faits qu'il contient, il y a beaucoup de faufletés & d'erreurs palpables, ce qui décele 1'ecrivain pour un homme obfeur qui n'apprend les chofes que d'une maniere indirecte ck altérée. A la page 285. Le 13 décembre 1772. On vient d'imprimtY une petite feuille intitulée. Récit exaü de ce qui t'eji pajjé au Jujet du retour de M.  C 2ss> ) le prince de Condé d la cour. Suivant eet écrit la réunion du prince de Condé fe feroit faite de concert avec les autres princes du fang, ou du moins leur bonne intelligence n'en auroit point été altérée; mais comme il eft abfolument contraire a celui énoncé dans la gazette de France, on'eft oblr'gé de s'en tenir au dernier, tant que le prince de Condé n'aura pas réclamé contre par une déclaration expreffe que fon intention n'a jamais été d'adhérer aux opérations du chancelier, de reconnoltre fon tribuual, & qu'il ne le reconnoftra jamais. Au furplus, ce récit eft fait fans nobleffe & en trés-mauvais ftile; il eft accompagné de plates turlupinades, qui ne ferviront pas a 1'accréditer auprès des gens impartiaux & judicieux: on voit qu'on cherche a y replètrer la défe&ion du prince de Condé pour corroborer les exilés qu'elle pourroit déterminer a la liquidation. A la psge 286. Le 18 décembre 1772. Lettre ou perjpecïïve fur le retour dei princes d la cour, décembre 1772. Ce petit écrit ne fait que' répéter ce qui eft dit dans le Récit &c. dont on a parlé; mais il eft mieux écrit, quoique encore peu digne de la caufe qu'il défend. On fent que c'eft un nouvel effbrt de quelque patriote zélé pour contenir les magiftrats exilés, & les exhorter a la perfevérance- Ony voudroit colorer d'un prétexte de bien public la honteufe défedtion des prince de Condé & duc de Bourbon ; mais leur défenfeur n'a ni affez d'adres-  C SÖO ) fe , ni aitez d'éloquence pour perfuader : il avance pourtant un fait qui, bien confiaté, feroit plus fort que fes pitoyables raifonnemens. 11 allure que le prince de Condé a fait écrire tout récemment dans fes domaines que fa rentrée è. la cour ne devoit point faire penfer qu'il vouhtt que fes affaires contentieufes fuffent ■portées dans les confeils fupérieurs, ou dans le nouveau parlement, 6? qu'il en renouveloit la dêfenfe. A la page 285. Le ip décembre 1772. Quoiqu'on dife beaucoup de mal du nouvel opéra, la foule s'y foutient & tout le monde veut voir le fpectacle qui eft de mieux en mieux exécuté. A la page 285. Le zo décembre 1772. Les Lettres provinciales font devenues extrêmement recherchées depuis leur fuppreffion par I'arrêt du confeil dont on a rendu compte. Tous les exemplaires reftant chez le libraire ont été portés a Ia Baftille & enfermés dans des fouter. Jeins, ce qui ajoute encore k la rareté de 1'ouvrage & lui donne un autre véhicule en le rendant extrêmement cher. A la page 290. Le 25 décembre 1772. Les directeurs de Pacadémie royale de mufique fe difpofent a remettre la reine de Golconde lesjcudis: il n'y a pas a efpérer que cette nouveauté très-ufée ait beaucoup de fuccès. A la page 309. Le 19 janvier 1773 Un ami de M. de la Condamine lui avoit écrit de Lyon qu'il envoyoit deux Bartavelles (deux perdrix de Dauphiné, les meilleures de Fraa-  ( an chrétien, Monfieur, puifle-.t-il étre De moins dure digeftion Que tous vos beaux arrêts que chaque jour voit naltre. ACTE DE CONTRITION II faut fe cohvertir & vivre en bon chrétien; Praüquoiis les confeils du plus facré des livres;  C 26-2 ) A qui me fait du mal je veux faire du bien, En nouriliant celui qui me coupe les vivres. R e m o r d s De ces mauvais quatrains fi vous avez nouvelle, Monfieur 1'abbé, croyez que je fbis mal vengé, Et que mes bons propos ne m'ont pas foulagé: ]'ai toujours fur le cceur ma doublé bartaveile, Morceau friaud que vous avez mangé. La Représaille Vous riez, douc, me difoit tout a 1'heure Un auflere & grave cenfeur, De monfeigneur le controleur! Eh bien! voulez vous quejepleure? Pour moi, Monfieur, je vous foutiens Qu'il eu rira lui-même, & me laiffera dire; C'eft lui qui tient la poële & s'amufe ii nous frire; II fait main baffe fur nos biens: Je cruis qu'a fes dépens il m'eft permis de rire, Tandis qu'il fe regale aux mieus. Les sept Péchés mort els détruits A Terrai nous devons élever des autels Pour les dons que fur nous fa bonté mukiplie; 11 veut nous affranchir des fept péchés moreels: 11 dompte notre orgueil quand il nous huniilie; II appaiwrit le riche, a qui l'on porte euvie; II guérit favoriet: avec la pauvreté\ En nous faifant jéüritr il éteint ta luxure\ ^ La co/ere fe calme en buvant de 1'eau pure; Et le befoin preiTant chalTe Yoifiveté; Ainfi 1'art de Terrai corrige la nature.  C 263 3 s Refte la Gourmandife , & c'eft en vérité, Des vices a peu prés le feul qui m'eft refté; Mais en mettant le comble a fes faveurs nouvelles, Terrai pour me forcer a la frugalité, S'ernpare en vrai houfard de mes deux bartavelles. Songe de M. le Controleur général Monfieur 1'abbé Terrai taille, grapille & rogue; Mais il a bien un autre tic: II a rêvé qu'il étoit Frederic, Et mes deux perdrix la Pologae. A la page 309. Le 1$ janvier 1773, Les divers plans de M. Liegeon concernant la nouveile falie de comédie francoife, ainfi que les projets de finance pour 1'exécution ont du être portés au confeil avant-hier & jugés définitivement. A Ia page 310. Le 21 janvier 1773. Les comédiens francois fc trouvent fi bien du concours effroyable de monde que leur attire la nouvelle aftrice, qu'ils ont fufpendu les répétitions des Loix de Minos, tragédie de M. de Voltaire, qui devoit avoir li eu après les rois, & l'ont renvoyéc après paques. Outre ce début-ci, la jeune Sainval vareparoitre, & ne peut qu'exciter deplus en plus la curiofité du public. D'ailleurs, après qu'elle aura joué quelque tems, & que Mlle de Raucoux fe ferarepofée, on fournira un nouvel encouragement aux amateurs en les faifant paroitre l'une vis-a-vis de 1'autre dans les pieces oh il fe trouvera deux  C 20-4 ) róles en état de leur fournir occafion de fe développer, & de faire valoir leur émulation. A la page 310. Le 22 janvier 1773. Les directeurs de Pacadémie royale de mufique répetent adtueilement Popera de Cajlor 6? Pollux: On voit avec peine qu'ils prodiguent auffi fouvent un pareil chef-d'ceuvre dont aucun autre ouvrage du même genre ne pourra plus foutenfr la comparaifon. A la page 310". Le 25 janvier 1773. L'approbation du docteur Riballier qui fait crier contre lui eft concue en ces termesT j'ai lu par ordre de Monfeigneur le chan„ celier un livre qui a pour titre: ïtéfiexions j, fur le fyftême de la nature; quoique plufieurs ,, plumes fcavantes fe foient déja appliquées avec fuccès a montrer la faufleté & Pextra- vagance de ce monftreux fyftême: je crois „ cependant que l'on lira avec plaifir cette nou„ veile réfutation, qui me paroit devoir tenir J3 un des premiers rangs parmi nos bons ouvra- ges. Le ftile en eft vif & ferré, les raifon„ nemens clairs & frappan», & les réponfes aux pbjeftions, folides & lumineufes L'auj, teur pafoit furtout verfé dans la connoiflan,, ce de la pliyfique & des mathématiques, & en cela, comme en bien d'autres points, ,, fort fupérieur h fon a'dverfaire, qui n'a era,, prunté le langage de ces fciences que pour ,, en impofer aux ignorans ; j'efpere que la lecs, ture de eet ouvrage achevera de di/iiper entie- re  „ rement 1'illuüon qu'a pu occafionner une malheureufe production que notre Qecle doit rou„ gir d'avoir enfantée." A Paris le 9 novembre 1772. Les gens fages croient qu'on auroit mieux fait de ne pas profcrire avec éclat un livre que cette profcription même va rendre précieux. A la page 316". Le 26 janvier 1773. M, Ie controleur général ayant lu les vers de M. de 3a Condamine, lui a envoyé pour le dedommager de fes bartavelles une dinde aux trufes; ce qui a excité de nouveau la verve de l'aureur, & il a adrelTé le remerciment fuivant h 1'abbé Terrai. Au lieu de deux perdrix aux jambes d'e'carlate Qu'on m'envoyoit vuides du Vivarais, Je recois un dindon rebondi, gras & frais, Et de trufes garni jufques a 1'omoplate, Três.propre a calmer mes regrets. Monfieur le controleur a fait de grandes chofes, II eu fera fans doute encore; mais De toutes les métamorphofes Qu'il opere par fes arrC.', Dont il redouble un peu les dofes, Si eet effet n'eft pas le plus prodigieux, Ni Ie plus fujet a des glofes C'eft celui que j'aime le mieux. Madrigal soit le même sujet. J'ai gémi peut-étre un peu fort De mes dajx perdrix égarées? Torfie XXIV. M  C 20-6 ) Mes pertes font bien réparées Par un diudon de Périgord. Vous nvez fait une lacune A mon petit garde-man ger; Mon mal étoit affez léger; Mais fi d'une plainte importune Vous daignez ainfi vous venger Ayez toujours de la rancune. On peut juger par ces vers que le fujet prè> te plus aifément aux injures qu'-aux louanges vraies & délicates; c'eft ce que difent les amis de M. de la Condarnine pour 1'cxcufer. A la page 310. Le 29 janvier 1773. L'arrêt du confeil quf fupprime 1'ouvrage1 de M. Holland, porte que S. M. a reconnu que ce livre, introduit d'abord de 1'étranger en France, & pour lequel il a été accordé un privilege le 17 novembre 1772 , malgré la folidité avec laquelle 1'auteur a entrepris de réfuter un ouvrage impie,contient néanmoins dei écartscontraires aux véritables principes de la religion & du gouvernement; en conféquence, dè 1'avis de M. le chancelier &c. L'abbé Ribailier ne peut apporter pour excufe qu'une trè«-grande faute; c'eft d'avoir ap. prouvé 1'ouvrage fans 1'avoir lu, contradiction avec les termes louangeurs dont il eft énencé. A ia page 325. Le 31 janvier 1771. Mercredi dernier on a donné le concert inflitué depuis quelques années au profit des écoles gratuites de deffein. La ferveur des grands maf-  C 267 ) tres a eet égard ayant dirainué, il n'eft plus auffi brillant qu'il étoit, & celle des amateurs fe ralentit auffi ; enforte qu'il eft a craindre qu'il ne tombe bientót. A la page 327. Le 2 fêvrier 1773. On a fait de nouveaux noëls fur le retour des princes a la cour. Ils ne font pas meilleurs que les premiers; mais ils paroiffent avoir pour objet politique d'entrenir la divifion entre les deux branches a 1'occafion des deux manieres dont la réconciliation s'eft faite. Bien des gens préfument qu'ils émanent de chez le chancelier, & que c'eft un de ces petits moyens qu'il fcaitemployer avec adrefle pour parvenir a fes fins. Quoi qu'il en foit, on en va juger. NoëL. Air: Qu''eft.il le petit nouveau-né. Pourquoi faire les méchani, Princes tout débonnaires ? Vous n'êtes que des enfans Dont on tient les lifieres: Allons-ca, MeiTeigneurs d'Orléans, Redites vos affaires. Vous irez au parlement, Soit- dit, fans vous déplaire, Vous irez tout bonnement Comme vous devez faire, En fujet foumis, obéiiTant, N'en faites plus myltere. Pourquoi rougir a preTenc D'avoir vu la comtefTe? M 2  C 263 ) Un jufte remerciment Se fait avec nobleffe; Iriez-vous donc croire en ce moment, Que c'eft une baflefie ? Vous avez fort noblement Combine la démarche, En refufant conftamment Le prince de la Marche: D'Aiguillon vous a bien finement Fourni cette autre marche. La Marche a Ie cceur loyal, Condé feut Ieconnoitre, Et fervi par fon égal, II va droit a fon msitre; te moyen paroit en général Le plus digne peut - être. Mais au fond 1'honneur n'eft rien; II n'en faut tenir compte: Eh ! que vous fait le moyen Si vous n'en avez la honte ? Allez, d'Aiguillon vous dira bien Comment on la furmonte. A la page 330 Le 6 fêvrier 1773. L'ouverture de la foire Saint-Germain s'efl: faite le lendemain de la purification avec les cérémonier ordinaires; mais le lieur Audirwt a ouvert fon théatre d'une fagon très-piquante pour Je public & tres-flateufe pour celui qui en a été 1'öbjet. M. le lieutenant général de police-ayant été invité par eet hiflrion de venir voir fon  •-"1 C 269 ) théatre, a eu Ia bontéde s*y rendre: tout étoit difpofé de facon a pouvoir exécuter fur Ie champceque 1'auteur avoit projeté; la chambrée étoit complette. On a mis M. de Sartines a la place d'honneur qui lui étoit réfervée prés de la fcene; on a commencé une pantomime variée & relative aux divers amufemens de la foire, d'oii i! a réfulté un tableau nai'f & pitorefque. Enfin, eft paru un des acteurs une lanterne a Ia main: on lui a demandé ce qu'il cherchoit? II a répondu comme Diogene, un fage; on s'eft mocqué de lui, on lui a dit que ce n'étoit pas furtout a la foire qu'il falloit fonger a le déterrer; après différens quolibets relatifs aux circonftances, a la perverfité du fiecle, & a la dépravation des mceurs, il s'eft aproché du magiftrat; il a éteint fa bougie, & a deflgné par la la découverte qu'il venoit de faire. Drs applaudiffemeus longs & univerfels ont trèsbien prouvé la vérité de cette pantomime ; la modeftie de M. de Sartines a encore relevé fon triomphe qui s'eft étendu dans toute la foire, & a fait 1'anecdote du jour. A la page 333. Le 8 février 1773. Quoique le projet du Sieur Liégeon pourlaconftruction de la nouvelle falie de comédie francosfe ait paffé, que S. M. même ait déclaré qu'elle vouloit qu'il en eüt la direétion, le prince de Condé fe remue fortement pour faire chanp-fi cette deftination & faire revivre le projec°de conitruire le nouvel édifice dans fon hotel. O i M 3 1  C 270 ) efpere pourtant que cela fera décidé fans retour cette femaine, ou le roi doit liguer &arrêter les plans. A la page 340. Le 14 février 1773. La jeune Suinval perd de jour en jour auprès des amateurs; elle a prefque été huée avanthier dans le róle ó'Ariane, un des plus vigoureux qu'il y ait au théatre. Elle en a pleuré de dépit & vouloit ne point finir. Elle eft un trille exemple de 1'inconftance du public. A la page 340. Le 14 février 1773. M. le chancelier ne va jamais qu'a 6 chevaux: on rapporte un diftique que des méchants lui appliquent, & dont la compofition eft fans doute très-condamnable, fuivant le fens qu'on y donne dans le monde. Les voici: Sex trahitur Mat/paus eqiïis, quot murmura vulgi: Isuïla foretit quatuor fi traheretur equis. A la page 343. Le J7 février 1773. La comédie intitufée: /'Ajfemblée, n'eft autre chofe qu'une image naïve de 1'alTembIée des comédiens lors qu'ils admettent ün poëte a la lec ture : 1'infolence des comédiens auroit pu fournir matiere è des tableaux très-piquans; mais 1'auteur , au contraire, a paru avoir eu envie de leur faire fa cour jufqu'au point de fe dégrader lui-même pour relever davantage 1'arcopage comique, II s'eft préfenté fous un ridicule bas qui a fait rire, mais révoltant pour 1'homme de lettres. II annonce fcn projet aux hiftrjons qui en font émerveillés, mais fort  ( 27I ) embnvraiTés fur la tournure a prendre. Après divers détails k ce fujet, le fond du théatre s'ouvre ; tout a coup on voit la ftatue de Molière. Et Thalie & Apollon travaillent de concert a fon apothéofe: Mlle Raucoux, habillée en grande prêtreffe, vient débiteruneodeen 1'honneur de ce grande poëte; apiès une marche majeftueufe , le tout eft terminé par un ballet: fi ce dernier efit été plus agréable, accompagné d'une meilleure mufique, & pas fi long, la piece eöt eu plus de fuccès; elle avoit jufque-la été affez applaudie. Elle n'eft point mal écrite, il y a des failljes-; & le fieur Dugazon a furtöut fupérieurement joué le róle du poëte. On a.trouvé que Mlle Raucoux avoit débré avec trop d'emphafe, 1'ode, qui par elle-méme eft trés - médiocre. A la page 343. Le 18 février 1773. Le Sieur le Roi de la Faudiniére continue k montrer aux amateurs le tableau de Raphaël dont il ne s'eft pas encore trouvé d'acquéreurs, quoique perfonne n'en contefte la vérité: c'eft Georges Mantuan qui en 1563 en a fait la gravure. On y lit: R. Vrb. inv, PMlippus Dallus animi 'gratia fieri jufjit. On prétend que ce Pmfippus Datius qui a commandé le tableau a Raphaël, étoit un philofophe hermétique, c'eftè-dire de la forte de chymiftes qui travailloient au grand - ceuvre, & que le tableau allégorique eft relatif a tout ce qui concerne cette fecle myilcrieufe, M 4  C 272 ) A la page 343. Le 18 février 1773. Dans la comédie de la Centenair-e, Momus & Thalie font envoyés fur la terre pour voir ce qu'on y penfe de Molière. Le projet de Jupiter elfde 1'immortalifer après le fiecle révolu de fa mort; l'une eft déguifée en vcuve & 1'autre en charlatan: il en réfulte une grande quantité de fcenes a tiroir dans Iefquelles le poëte paffe en revue les pfincspaux perfonnages des pieces de Molière. Elle fe termine comme Ja précédente par Papothéofe de cc grand homme, erf» richie de chants & de danfes. II y a plus d'art dans celle-ci oh l'on a cnchaffé beaucoup de morale & furtout quantité de citations du poëte comique heureufement amenées. Le ftile u'eft pas bien foutenu, il y a parfbisdu bas & du trivia!: le divertiffementeft gai, & les couplcis ont été fort aplaudis, Le fieur Préville avoit perdu fa mere le matin même; mais fachant que fon devoir envers le public ne le difpenfoit pis de paroitre & de remplir fon róle , i! a joué malgré la circonftance douloureufe oh il fe trouvoir. A la page 343. Le 19 février 1773.- On doit donner incefiamment aux italiens le Magnifique, comédie du Sieur Sedaine, mufique du Sieur Gretry. A la page 343. Le 20 février 1773. U paroit un recueil de différentes piéces, foit en vers, foit en profe, contre les opérations du jour, eb il y en a de très-condamnables par leur ton féditieux  C 223 ) icdkieüx & infultant envers les perfonnages les plu-; graves. Elles con liften t en une Annonce aux Parifiens ; les huit Péchés capitaiix; t'Arrét du divan francois, le roi y êtant. Une Epigramme contre le nouvel Enguerrand; une Epigramme" d'un Gaf con ; un Dialogue de poiffardes fur la mort indpinée du chancelier; une Epitre d Freron contre Volt air e au fujet de la lettre de ce dernier en faveur des opérations du chancelier; Charade fur le mot de Maupeou; le duc de Richelieu d un mauvais plaifant qui l''avoit appelé cul-pourri &c. Les autres font très-connues, celles-ci quoiqu'aufiï anciennes 1'étoient moins. Onjugerade iarnéchanceté de ces fatyres fanglantes par l'EpigraiHme fur le nouvel Enguerrand* Gbimne autreföts Fe fameus Enguerrand' Tout Ie premier fe vit conduire Au gibet qu'avee zele i! avoit fait comlruire, Oü trnïtres & voléurs font mis au même raugr Par une oraifon trés dêvote Prions ie ciel que notre cnancelier Aux dëpens de fa tête éprouve Ie premier Tout ce que peut un roi qu'il érige en défpote. A la page 343. Le 21 février 1773. M". efe' Voltaire ayant feu combien fa piece des Loss de Minos perdoic k la lecfture, jette les hauts cris; contre le libraire qui 1'a fmprirnée; il'préteotf que c'eft lelarcin de quelaue canaille de la litt'épature; il a écrit fuivant fan ufage au lieuteriantf général de. police pour fe plaihdre- dé1 eet' M $  C 274 ) attentat. En effet, on commence a croire que cette tragédie ne fera pas jouée. M. de Volraire, pour donner plus de véhicule a fon ouvrage, avoit imaginé d'engager Mlle Raucoux k y prendre un róle; mais celleci s'en eft défendue ; ce qui a allumé la bile du philofophe de Ferney, qui a écrit k cette occaCon une lettre k M. Le maréchai duc de Richelieu, oh il injurie cette jeune actrice,"^ la repréfente comme une hypocrite dont la vertu a recu plus d'un échec. Ces calomnies du vieux philofophe de Ferney ont fenfiblement affligé la débutante. A la page 344. Le 23 février 1773. On fait courir une épigramme fur le duc de Richelieu qu'on dit être fa réponfe au mauvais railleur qui 1'avoit appelé cul pourri: onfeaitque ce feigneur a le fang très impur, a été couvert de dartres, qu'il a longtems été baraé de ruelles de veau, ce qui faifoit dire plaifament au duc de Fronfac, fon fils, que fon pere étoit un bou. quin relié en veau, & enfin qu'il ne fubfifte qu'a force de bains & de purifians. On fuppofe donc qu'il répond ainfi. Appeler cul pourri le cul de Richelfau, Le cul qui fut jadis honoré comme un dieu Le cul, Ieplus beau cul qui fut en aucun lieuJ As-tu flairé, gredin, mon haut de chauffe? Ehbien! pour te punir, tu périras, morbleu! Dedans un cul de bafTe- foiïe. (1) Ou peut fe rappeler 1'apothégfe du cardinal de ce nom.  ( 275 ) Un lefteur qui n'eft pas plaifant, ajoute Ia noce fuivante. En ce- cas il aura la même deftinée que le cardinal de Richelieu , ce cruel defpote qui fupprima les états, ce traitre a Ia patrie, aujourd'hui fi odieux que fon nom eft devenu une infamie; ce tyran perfide, qui par un jufte cbitiment du ciel pourrit en Sorbonne dans un caveau creufé préciféraent dans le cul des lieux du college de Böncceur. A la page 344. Le 2$. février 1773. Avanthier 1'Académie royale de mufique a remis pour le lundi gras 1'aóte d'Eglé & le Mariage de Ragonde, efpece d'opéra comique en trois aétes, de Deftouches quant aux paroles, mufique de Mouret: il faut un tems comme celui-la pour faire psffer une pareille farce, dont la mufique trèsfoible n'eft pas a beaucoup prés du goüt moderne. A la page 344- Le 16 février 1773. On ne parle plus k la comédie francoife des Loix de Minos. II eft queftion d'un drame nouveau intitulé Alcidonis: il eft en trois aétes. L'auteur 1'annonce comme un tableau philofophique oh il s'eft attaché k peindre le contrafte des meeurs de Sparte éf d'Afhenes. A la page 344. Le 27 février 1773. Une rixe élevée entre le Sieur de Sauvigny & Ie Sieur de la Harpe a offert une fcene rifible aa public- Le premier a fait un Recueil dn Parnajfe ou il a prérenJu extraire & placer les meilfeures pieces; le journalifte n'a pas approuvé ce c&oix, M ó  C 275 ) & s'en eft expliqué dans fon mercure de facon h cxc'ter la bile de 1'éditeur; elle s'eft exaltée au point qu'il a propofé au Sieur de la Harpe de mettre 1'épée a la main: celui ci s'en eft défendu fur ce qu'il étoit pere de familie: la fureur de 1'affaillant s'en eft accrue; il a colleté fon adverfaire ; cela a fait tumulte ; on les a féparés ; le Sieur de Sauvigny n'a laché prife qu'en menacant le critique de lui donner du baton, Toute Ia littérature eft en 1'air a Poccafion de cette querelle; on fe partage fuivant fes affe&ions, éi les malins perfiflent I'ua & 1'autre parti. A la page 344. Le 2,8 fivrur 1773, M. dë Montclar , procureur général. du parlement de Provence , magiftrat d'un riiérite rare, trèsrenommé par un fameux réquifitoire dans 1'afTairc de la deftru&ion des jéfuites, exilé a fa terre Iors de la fuppreffion de fa compagnie, vient d'y mourir de la pierre. C'eft une trés-grande perte", d'autant qu'il étoit encore en état de travailler, & d'aller aux plus hautes dignités de la robe. A la page 044 Le i". mars 1773. 0° Par'e beaucoup de la fête donnée par Madame Ia comteffe du Barri a fon pavillon dans Pavenue de Verfailtes; il y a eu quatre fpecïacles & environ cent comédiens, chanteurs & danfeurs des ivois théatres, On a imaginé toutes fortes de furnrifes agréables pour exprimer les charmes puiffans de cete dame; on parle entre autres e-hofes d'un ceuf qui s'eft trouvé au milieu da  ( 277 3 fa'ouj on a affect é d'appeler la comteiTa pour lui faire voir ce phénomena éclos fubitement; a peine s'en eft-elle approcbée , il s'eft ouvert; un Cupidon tout armé ea eft forti , cc Pon a dit qu'un feul de fes regards faifoit éclore Panaour; dans un autre intermede c'eft 1'arnour qui perd fon bandeau , & d'éfigne la paffion êclairée du monarque envers la favorite. A la page 345. Le 2 mars 1773. Vers & Madame de *♦'* veuve. jeune & charmant objet, a qui pour fon partage Le ciel a pródigüé les tréfors les plus doux, Les giaces, la beauté , 1'efprit & le veuvage,- Jouifiez du rare avantage D'être fans préjtigés, ainfi que fans époux: Libre de ce doublé efclavage, Joignez a tous les dons le don d'en- faire ufsg.e:r faites de votre lit le tróne de l'amour, Qu'il ramene les ris bannis de vocra cour, Par la puiffance maritale. Ah! ce n'e'ft pas au lit qu'un mari fe fignafe,. 11 dort toute fa nuit & gronde tout le jour, Ou s'il arrivé par merveille Que chez lui la nature éveille le defir, Atteud-il qu'a fon tour chez fa femme il s'éveille ? Nou, fans aucun prélude, il brufque le plaifir; 11 ne connoit point 1'art d'échauffer ce qu'on airae,. D'amener par degrés la volupté fuprême; Le traitre jouit feul, fi pourtam c'eft jouir. Loin de vous tout hymen, fut- ce avec Plurus méme;: L'Amour fe chargera du foin de vous pourvoir;. Yous n'avez. jufqu'ici connu que le devoir;, M z  ( 27S ) Le plaifir vous refte a connoitre. Quel fortuné mortel y fera vórre maltre ? Ah! lorfque d'amour énivré , Dans te fein du plaifir, i\ vous fers reniitre, Lui-même trouvera qu'ii 1'avoit ignoré. A la page 245-. Le 3 mars 1773. On a fait un quohbet fur Ia fête de Madame Ia comteffe du Barri, pour 1'intelligence duquel il faut fcavoir qu'il. n'y avoit que quinze Seigneurs d'une diftinttion marquée, quatorze femmes de la cour, & que le roi n'y a point été du tout ni en cérémonie, ni incognito ; ce qui a mortifié la favorite qui comptoit fur S. M, Ce vuide a fait dire qu'elle avoit une quinte au valet, quatorze de Dames, mais qu'ayant fon roi i 1'écart , elle avoit été capot- On voit que cette allegorie foutenue eft tirée du jeu de piquet. A la page 345. Le 3 mars 1773. II fe répand une anecdote fcandaleufe fur une princeffe illuftre, mais fi publique qu'on ne peut fe refufer a la raconter. On fcait que VL le chevalier de Coigny eft un Seigneur très-agréable & trés-bien venu des femmes de Ia cour; on cite entre autres une des plus jolies femmes de ce pays-la comme fa conquête, Madame la princeffe d'Hénin; il s'humanife auffi & dsignè honorer les bourgcoifes de fa couche: c'eft ainfi qu'on lui attribue une dame de Martinville , femme du fermier général : enfin on ajoute que Madame la duchefie de B******  C 279 ayant eu des bontés pour lui, il avoit fait h fon alteffe le facrifice des deux autres. C'eft dans ces circonftances que le lundi gras Madame d'Hénin mafquée jufqu'aux dents & rongée de jalpufie , le rencontranc avec Madame la ducheffe de B****** auffi mafquée , mais qu'elle connoiffoit parfaitemeat, affe&a de la prendre pour Mad. de Martinville , & après lui avoir fait un compliment ironique , fur le facrifie que ce Seigneur avoit fait d'elle, (Madame d'Hénin) pour cette bourgeoife, lui ajouteque cela ne la furprenoit pas, vu fes graces, fa jeuneffe, fa beaucé &c. mais qu'un étonnement dont elle ne pouvoit revenir, c'eft qu'il 1'eflt quittée, (elle Martinville) pour une grande dame , trés - refpeöable fans doute par les titres , par la naiffance, par lts qualités du cceur & de 1'efprit, mais pleine de défauts dans fa perfonne, & elle eft entrée dans ud détail humiliant de tous les défauts qu'elle a exagérés fuivant 1'ufage. La princeffe très-embarraflee a voulu 1'intimider en lui proteftant qu'elle n'étoit point Madame de Martinville, qu'elle fe méprenoit , qu'elle faifoit la. des confidences trés - dangercufes; elle a infifté, en déclarant qu'elle ne fe trompoit pas , & dans 1'excès de fon emportement ne craignant point de fe dégrader elle même, „ Vous avez beau vous contrefaire, beau mafque, entre P... nous nous connoiffons toutes. " A la page 345- Le 4 mars 17-3. Mlle Sainval n'ayant pas eu le fuccès dont elle avoit  d'abord joui dans le tragique, efpere s'en de» dommager dans le comique oh elle n'aura pa9 de concurrente comme Mlle Raucoux. Elle doit jouer le róle de Nanins dans la piece de ce nom, & celui d'Agathe daus les Folies amoureufes, ce qui forme deux contraftes de jeu tres - difnciles a rendre. A la page 345. Le 5 mars 1773. Les comédiens italiens ont donné hier la première repréfentation du Magnifique, comédie en trois adtes & en profe mêlée d'arietes. Les parolesfont du Sieur Sedaine , la mufique du Sieur Gretry. Depuis longtems le public n'avoit rien vu de ces deux auteurs & s'eft porté eri foule a ce fpectacle. La comédie n'eft autre chofe que le conté dela Fontaine, dcjè mis en acftion, avec beaucoup de fuccès au théatre francois par Ja Motte dans une piece en deux a£tes: 1'auteur de celle-ci 1'a inutilement alongée en furchargeant le fujet d'incidens étrangers; il eft refté fort au deffous de fon rival. On ne peut reprocher h 1'auteur de la mufi* que qu'une trop grande abondance de richeffea harmoniques; elle devieut fatigante pour 1'auditeur ; d'ailleurs il n'y a point affez de variété; Le meilieur de 1'ouvrage dans 1'un & Fautre genre eft 1'ouverture qui eft en aclionj elle commence par une marche de caprifs, oh ft y a beaucoup d'artj de goift & de fymnhom'e. C'eft un coup de tambour'qui dónnelé: fignal, & a para une rrouvaauié heareafè.  C *8r ) A la page 345. Le 6 mars 1773. Le début de Mlle Sainval la jeune dans le comique n'a pas été auffi heureux que 1'efpéroient fes partifans. Elle a rendu le,róie de Nanine trop tragiquement & n'y a 'pas mis cette candeur, cette naïveté, cette ingénuicé qui doit y être &. qui en fait 1'eflence, A 1'égard de celui d'Jgathe, elle ne 1'a point mal rendu dans le premier acte, mais comme il devient enfuite un des plus difficiles du théatre, & qui exige le talent leplus comique & le plus varié, elle 1'a manqué abfolument. A la page 316. Le 6 mars 1773- üne plaifanterie grav'e ariivée au bal le lundi gras, intrigue la maifon d'Orléans, qui fait des perquiütions pour en découvrir 1'auteur. Cette nuit-la entra feul dans la falie un mafque deguifé en Mannequin : 011 fgait qu'un manaequin, en terme de peinture, eft une figure facliee d'ofier, dont les membres font mobiles & fouples a tous les mouvemens que Partifte veut leur donner: il avoit la tête furmontée d'un moulin a vent fur lequel étoit une petite lanterne. Ce mafque fut fe placer fous la loge des princes, & au moyen d'une ficelle qu'il avoit en dedans de fon étui, il faifoit aller les ailes de fon moulin tantót a droite & tantót a gauche, il éteignoit & rallumoit tour k tour fa fumiere. Ce manege excita 1'attention de quantité de fpeétateurs, & le duc d'Orléans fentant 1'épigramme f.nglante que renfermoit cette pantomime, fortit de la loge & vint dans  la falie pour reconnoitre le plaifant & voir fi c'étoic bien a lui qu'on en vouloir. Le mafque aborde en effet fon alteffe &. lui fait les reproches les plus vifs de fa dèfeïtion, & fur les efforts qu'elle avoit faits pour féduire & débaucher le prince de Conti, II parloit affez haut & les fpeétateurs qui s'éloignoient par refpedt fans entendre toute Ia converfation, en ont faifi une partie, comme celle-ci, Le duc d'Orléans encore plus intrigué, & voulant abfolumcnt fcavoir qui a pris la liberté de 1'attaquer ainfi, donne ordre h quelqu'un de fuivre le mafque & de ne pas le quitter. Celui-ci, plus fin que le prince, s'aproche de Toreheftre des muficiens, & fe couche auprès d'eux; il refte ainfi toute la nuit ; le bal fuut, le monde fe retire, & le mannequin y étoit encore ; on 1'approche , on' vient 1'avertir de fe retirer; mais on ne trouve que le pannier; Ie plaifant s'étoit échappé. A la page 34.6. Le 7 mars 1773. On ne connoft rien de ftable &defixe danscepays-ci: on auroit cru que le projet de la nouvelle falie de comédie franeoife, arrêté au confeil il y a un mois, auroit enfin triomphé des contradictions qu'il efluyoit, Cependant les comédiens continuent a s'y oppofer, & quoique les gentilshommes de Ia chambre aient témoigné hautement combien ils 1'approuvoient, leshiftrions n'ont pas craint d'aller en députation chez Madame la comteffe du Barri pour lui préfenter leurs doléances. Cette démarche n'a pas eü de  C 283 ) fuccès; üs ont voulu ca faire une autreauprès du contróleur général; leurs fupérieurs la leur ont défendue: ils ne refiftent pas moins & fe prévalent de la faveur du duc de la Vrilüere pour faire apportcr chaque jour des qbftacles renaisfans: cela même pourroit engager une querelle entre les gentilshommes de la chambre qui ont la fupériorité immédiate fur eux, & le fecrétaire d'état ayant le département de Paris , qui la convoite depuis longtems & voudroit fe Parroger. A la page 346. Le 8 mars 1773. On fcait que depuis longtems M. de Voltaire travaille a dénigrer la réputation de roufieau le lyrique; en conféquence les Mirmidons de la littérature, fes fuppóts & fes gagiftes s'efforcent a 1'envi de le feconder: M. de la Harpe, un de fes plus écervelés partifans, s'eft établi publiquement fon champion dans le Mercure, pour difputer le furnom de grand a ce rival du patriarche de notre littérature. M. de Voltaire n'a pas roanqué, 1'encenfoir ala main,de rendre graces a ce généreux défenfeur; ce qui a occafionné de la part de M. Clément 1'épigramme fuivante, Quand la Harpie, oracle du Mercure, Du grand Rouffeau vient décliirer le nom , Et que, pour pris de cette infulte obfcure, Voltaire éleve au ciel ce Mirmidon; Expliquez-nous qui des deux, je vous prie, De plus d'opprobre a fouillé lon pinceau, Ou la Harpie en düchirant Roufleau, Ou bien Voltaire en louant la Harpie?  C ?S4 ) A h page 3-4(5. Le 9 «ar* I7?3> Tja plaifant s'eft amufé a faire un thermometre en portraits, c'eft a dire par une allégorie foutenoe h caraclérifer le degré de faveur oir eft chaque miniftre , ainfi que leur fituation & leur caraclere. Les voici: Mad-me la comtefle du Bard au beau-fi,er L« Roi . ... .... *. au vanablc. M. .e duc d Aiguillon... mortó depuis quelque tems au braui Le marquis de Monteynard au tem éri!. ^arTenii £ £™" »» tems couvert. fe4B°y"« au froid. M. le duc de la Vrilliete au d^e, W. Le Chancelier „ Ia A la page 346. Le 9 marr 1773. Les comédiens francois doivent donner inceflamment La Journét Lacédemonienne, comédie en trois acf es & en profe, fflêlée d'intermedes, annoncée d'abord fous le nom d'Akidonis. Cette piece eft d'un auteur qui n'eft pas encore connu; on la croit tirée du conté des quatre flacons de M. Marmontel. A la page 34Ö". Le 10 mars 1773. Les directeurs de Pacadémie royale de mufique fe difpofent a remettre fur leur théatre Daphnis èf Alcimadure% opera gafcon de Mondonville, compofé d'abord en patois languedocien & puis en bon francois. Ce n'étoit pas afiurément ce qu'ils pouvoient donner demieuxpour exciter le public. A la page 346". Le 11 mars 1773-. Un nouveau fupplémmt d la gazette de France da  C 285 ; janvier de cette année fe donne clandeftinement & s'annonce comme rendant compte du confeil tenu a Verfailles au fujet de la requête de la nobleffe de Normandie & des divers avis des opinans : on y voit pour interlocuteurs Ie chef de la juftice, les fecrétaires d'état. M. 1'abbé Terrai & les confeillers d'état y difcourent dans leur coftume, ce qui rend Ia brochure trés-piquante. On y a joint quelques particularités avec quelques annonces de livres qui ne caraétérifent pas eet ouvrage pour partir d'une tête froide. La Lettre de M. Camus de ftéville, confeiller au grand - confeil, a M. le chancelier, y eft tout au long, celle que ce magiftrat 1'a fait inférer dans les gazettes étrangeres. Le pamphlet qu'on peut regarder comme formant le onzieme numero des fupplémens a la gazette, n'eft point imprimé en France; cequi annonce que lesfacilités que les auteurs avoient cidevant k eet égard leur manquent: d'oh il eft aifé de conclure que les princes favorifoient fourdement cette befogne, & qu'ils ont retiré leur proteélion aux zélés. A la page 346. Le n mars 1773. Une communauté de maf tres a danfer, connue fous le nom de Confrérie de Saint-Julien des Menêtriers, vient de s'attirer 1'animadverfion du miniftere. Le Sieur Guignon, en fa qualité de Roi des violons, s'eft plaint qu'au préjudice de fes droits & prérogatives, cette communauté s'étoit ingérée de donner des charges de lieutenans généraux des menêtriers & violons k différentes perfonnes  ( 2Ss ) dans. les provinces, qui eur-mêmes fe nommoient des fubftituts particuüers & exergoient des vexations fur les différens muficiens, même fur ceux des cathédrales; fur quoi eft intervenu 'arrêt du confeil du 13 février , qui, pour remettre le bon ordre dans cette hiérarchie muficale, caffe toutes ces créations, & notamment le Sieur Barbotin, & rappelle les anciens régiemens a eet égard qu'on veut remettre en vigueur. A la page 346. Le 13 mars 1773. A lafuite de la Declaration de M. de Voltaire fur le procés entre M. le comte de Morangiès & les Veron, eft Réponfe d'un avocat d l''écrit intitulê: preuves démonftratives en fait de juflice, oii M. de Voltaire attaque plus particulierement M. Falconnet, qui lui a demandé de quel droit il écrivoit en faveur de Ivl üe Morangiès, ll répond: du droit qu a tout citoyen de défendre un citoyen; du droitque lui donne 1'étude qu'il a faite desordonnances de nos rois, & des loix de fa patrie; du droit que lui donnent des prieres auxquelles il a cédé; (aveu plus formel des follicitations de 1'accuféJ de la conviétion intime ob il eft jusqu'è ce moment de 1'innocence de M. le comte de Morangiès, & de fon indignation contre les artmees oe ia etneane qui accablentiilouvent 1'innocence; en un mot, du droit qu'il avoit d'exercer comme M. falconnet la profeffion d'avocat, même d'être fon juge, ainfi que le font fes parens. A la page 346. Le 13 mars 1773. L'aftaire du do&eur Guilbert de Préval fe fuit avec ar-  C 287 0 .deur par la faculté: pour éviter Ia rigueur du décret prononcé coutre lui, il lui a fait enjoindre par le nouveau tribunal d'arréter toute déliberation fur cette affaire, paree que pour que la peine de 1'exclufion prononcée par un pareil décret ait lieu, il faut qu'il ait été renouvelé dans trois afTemblées confécurjves; enforte que celui • ci refte annullé par de parejlles défenfes. La faculté, au contraire, prétend que 1'honneur même de 1'accufé, qui fe trouve fiétri du premier jugement, exige qu'on aille aux autres par lefquels il peut être abfous. A la page 346. Le 14 mars 1773. Depuis plus de deux mois il ce couroit plus de brochures: il en paroit aujourd'hui une de 24 pages fans titre, & qui commecce paree mot, Ego. C'eft le premier texte tiré des épïtres de Ciceron, & traduit ainfi: Si je voyois Ia république gouvernée par „ des hommes perdus & méchans, comme cela eft arrivé & même de nos jours; ni la vue des récompenfes qui ne peuvent rien fur moi, ,, ni la crainte des dangers qui ébranlent néan„ moins les grands courages, ne pourroit jamais „ ra'engager dans leur parti, quelque fervice ,, que j'euffe recu de leur part. C'eft de ce point que 1'auteur part pour entrer en matiere. II rend d'abord compte du fi. lence qui regne depuis la fin de 1'année, & il Vattribue aux efpérasïces qu'avoit fait renaftre le retour des princes a la cour. II ne difïimule  I C 283 ) pas qu'elles font aujourd'hui fort ralenties, & quoiqu'il n'attaque pas perfonnellement ces auguftes perfonnages, il leur reproche indirectemcnt leur pufillanimité , même 1'indécence a> vee laquelle ils ont donné des fêtes dans un tems. bh la patrie étoit en deuil. II prouve qu'il faut enfin élever la voix; que ce filence qui partoit d'abord du refpect dc de la confiance, feroit aujourd'hui 1'indice de la foiblefle & de la lacheté. II faut de nouveau inquiéter dans fa fécurité apparente 1'auteur d'un projet deftrutteur & trop bieu éxécuté, ainfi que fon tribunal deshonoré, étonné lui-même de la longueur dc fa durée. A la page 346. Le 14 mars 1773. Alcidonis n'a pas paru meilleure a la repréfentation qu'a la leéture, & les reffources qu'on fe promettoit des intermedes n'ont pas eu lieu. Cette pantomime, deftinée h repréfenter les exercices fpartiates, avoit produit quelque effet au premier acte; il a même été affez bien exécuté; mais les autres n'ont pas également réuffi; ils ont paru monotones: la mufique d'ailleurs eft très-médioere, & pour furcroit de dégoüt la vieille Gaathier, aujourd'hui Mad. Drouin, a chantédeux airs déteftables au défaut de Mad. Bellecour, qui a prétexté une incommodité. La voix chevrotante de cette carcaffe a beaucoup fait rire le public. Malgré la profcription générale, on a annoncé la piece pour kt feconde fois, mais le parterre a répondu par un non fee, qui a paru dans le coftume. A  c 2S9 ; A Ia page 34G. Le 14 mars 1773. C'eft mcrcredi qu'on doic donner a 1'opéra Daplmis 6? Alcimadure pour Ia capitation des acteurs avec le ballet d'Endimion. Outre 1'affluehce ordinaire des fpeétateurs qu'attire toujours eette circonftance, une particuliere doir augmenter la foule confidérableraent. On fcait que madame la comtefle du Burri a faitretenir deux loges & doit s'y rendre conlequemment in fiocchï • époque remarquable, d'autant que Madame Ia marquife de Pompadour n'a jamais ofo y venir ainfi en cérémoniaf durant tout le cours de fon regne trés - long. On ajoute que c'eft elle qui a .demandé Ie ballet ci-deflus, le plus lubrique qu'il y ait h ce tfaeitre, A la page 340". .Le 15 mars 1773. J> peu de fuccès du Colyfée paroit détermincra rendre a Torré fon wauxhall fur le boulevard. Oncrcit que de concert avec les entrepreneurs 'du premier fpectacle, il donnera fept ob buit fetes bnllantes pour fonder le goüt du public. A la page 34e. Le ij mars-1773. La fcculte de theologie-eft en fcrmcntation'a Poccafion de ce qui s'y eft paffé au prima menfis de ce mois. Un doóteur a voulu dénoncer une tbèfe foutemie aux grands auguftins, ob il a cru remarquer des propofhions erronnées. Le Sieur Riballier finmc, a prétendu qu'aucun membre de Pasfemblée ne pouvoit faire de dénonciatiori cui ne lm cm ete communiquée, & fur lcs difflcultés que  ( 290 ) lettre de cachet, confirmative de fon droit, ' A la page 34G. Le 15 mars 1773. Les co•nédiens pouiTent avec aclivité leur oppofition au projet concernant la nouvelle falie de la comédie francoife : indépendamment des menées fouterraines par lefquelles le duc de la Vrilhere & 1'abbé Terrai les favorifent, ils ont fait ïntervenir les propriétaires des maifons & commerCans du quartier de la comédie. La inarchande de bierre nommée la Loqus, dont on a déja par!é a de nouveau harangué Madame la comtefle du Barri a ce fujet & a ému les eutrailles de cette dame en fa. faveur & en celle de fes eoaffocies oar le tort conüdérable que leur feroit le retard de la nouvelle conftruétion; en forte que celleci s'intéreffe auffi pour eux. Si cette intngue réuffit, on abandonnera totalement les grandes idéés & l'on reviendra a la mesquine & ignoble reftauration déja commencée,il y a unan.interrompue, & a laquelle on avoit abfolument renonce. A la page 348. Le 16 mars im. Endymtm, ce ballet héroüque qu'on doit donner fur le théatre Wrique pour la capitation des acteurs, apres DaplnS & Alcimadure, a été exécuté chez Maiame la comtefle du Barri a fon pavillon dans Avenue de Verfailles, le jour de la fuperbe fete S v a donnée; il eft de la compofition du r ?; Veüris & c'eft un affemblage de divers SLaux de' fymPhonies les plus agréables & es S voluptueus de quantité d'opera. Comlis" Directeurs faifoient «fifficalté de le faire  C 291 ) exécuter, le fieur Vcftris, qui efi fort accueilli par Madame du Barri a eu recours a elle, & pour mettre ces Meffieurs dans 1'impoffibilité dc s'y refufer, 1'a engagéea le demander comme fi elle vouloit le revoir. En conféquence , par une munificence digne d'elle , elle a fait louer deux loges; mais on ne croit pas qu'elle vienne. A la page 34.9 Le iS mars 1773. Daphnis ö3 Alcimadure n'a pas eu hier un grand fuccès; mais le Ballet d'Endymion mérite un détail particulier. C'eft une pantomime trés - pittorcfque des amours de Diane avec ce berger. Le commencement de cette paffion, fon développement ct les fuites y font exprimés de la maniere la plus énergiquc. Les airs qu'on y a adaptés font on ne peut pas mieux choifis; ils font très-variés, & contribuent a augmenter les fcnfations vives & voluptueufes qu'excite la danfe. Les principaux coryphées font le fieur Veftris faifant Endymion, Mlle Guimard repréfentant Diane, & le petit Fejlraliard jouant le róle de 1'amour. Le premier eft a merveille dans fon perfonnage; les grimaces-& 1'afféterie de la feconde ne rendent que foiblemerit les ta. bleaux tendres & charmans de cette aclion; mais tout le monde a été enchanté du jeune Cupidon; il n'avoit pas paru depuis un an, & l'on a trouvé qu'il avoit encore acquis beaucoup depuis; il a toute la malice, toute la hardieffe tout l'impérieux de fon róle, & 1'a foutenu a'vPC des applaudifiemens univerfels. On ne peut reN 2  C 2£>2 ) procher d'autre défaut a ce ballet que trop de longueur, ce qui eft aifé a corriger. A la page 349. Le 19 mars 1773. Le projet de la nouvelle falie de la comédie francoife reprend quelque acftivité, & le contróleur général ne paroit plus s'y oppofer au moyen de ce que la ville fe charge de cette dépeofe. A la page 350. Le 21 mars 1773. M. de ]a Condamine n'eft pas le feul de nos poëtes qui, conjointement avec M. de Voltaire, ait turlupiné le Grand-HouJJoir: un certain marquis de Carraccioli, connu par une multitude d'ouvra^es de morale & de politique affez triftes & ennuyeux, a changé de ton a 1'occaijon du controleur général, & a voulu s'égayer auffi fur fon compte. 11 répand fur la Rédutïion des Rentes une cpitre affez plaifante qui couroit a Tours oh il eft refugié- La vüici: Monfeigneur; vous dont le génie g'étend fur la pouérité, Vous, pnr qui la France enrichie Chantera fa profpérité, Daignez écouter, je vous prie, l,e cri de la néceffité. Toujours fourais aux loix du prince, Mon cceur avec docilité Recoit un arrêt qu'en province La renommée a débité: C'eft I'arrêt qui rogne nos rentes , Et qui fupprime rnon fouper. . Mais que peuvent des loix urgentes Sur la Faira qu'on ne peut tromper? : Mon efiomac déraifounabie  C 293 ) • Ne veut nuüement obdir, Et me contraint d'aller a table Quand la nujt commence a veuir. Que ferai-je en ces circonlhnces? Ne point manger votre deffein N'eft pas pour grofllr les finances, Que les auteurs meurent de fa'im. D'aüleurs fi 1'égüfe eüe-mème, Ne veut qu'une jc-üne limité, Nous prefcrirez . vous un caréme Qui dure a perpetuité ! Rendez- moi donc, je vous fuppüe, Par votre générofité, Ce qu'on retranche fur ma vie; Ou, pour que la loi s'accompliffe, Faites par un trait inconnu Que 1'eftoraac fe rétrécilTs Conformément au revenu A la page 350. Le 23 mars 1773. Les épigrammatiites font intariffibles fur les évenemens acluels. Voici une méchanceté éclofe d'un tel :erveau: Un bon Gaulois éperdu, confterné De fon pay.s diplorok la ruïne, Il en cherchoit vainement 1'origine; Ells é'chappoit a fon efprit b'or'në: De fa bêtife un plaifant étonné Lui dit: viens ca, benêt, je veux t'inftruire. Ecoute moi: Dans ce 'fiecle tortu Lorfqu'uns nymphe, au comble du délire, Tient dans fes mains les rênes d'un empire; Comme elle, ami, eet empire elt f.... tu N 3  v C 294 ) A Ia page 352. Le 27 mars 1773- Le chaud défenfeur du comte de Morangièspublie un écnt nouveau fous le titre d'Obfervations: il a préféré ce titre vague a celui de Mdmoire, paree qu en effet eet imprimé eft fans plan caradérifé, abfolument informe , & porte tour-a-tour lur différens objets. On voit que le but de 1 orateur eft d'embrouiller de plus en plus la matiere, & ne pouvant juftifier fon cliënt, d'empêcher a force d'incidens, que 1'innocence des adverfanes ne perce. , _ r „_ II traite d'abord de 1'objet de fa caufe, enfuite des procédures faites au baillage du pa;ais ufqu'a la détention du comte de Mo.rang.es. De la il paffe aux faits depuis 1'appel du comte de Morangiès jufqu'au 15 marr 1773 5 \l "P" porte les plaidoiries & arrêt du 15 mars; il famt nar des réfléxions fur le plaidoyer de M. 1 Avocat général, partie du comte de Morangiès, le 15 mars 1773* , c i« Ce dernier paragraphe eft le plus neuf & e r&m curieux. On affure qu'il eft fans exemple l voir un avocat prendre en quelque forte un avocat général a partie , lui reprocher pubhnuement des prévarications dans fon mmiftere. ? e Sieur Linguet articule neuf griefs contre M. de Vaucreffon; mais les deux qui prêtent le plus fl'éloquence abondarite & rapide de 1'orateur, c' eft la Dinonciation faite au Comte de Morangiès dont Vavocat général a prétendu qu'il ne devoit point 'occuper, paree que e'étoient des brochures, des  C 295 ) produSiions littéraire* faites en réponfe d d'autres ouvrages du mime genre. Et le dêfenfeur du comte de Morangiès a - t-il mérité les imputations qui lui ont été faites d l'audiencel II faut lire ces articles même dans 1'ouvrage: comme ils exigent plus de fentiment que de logique, le Sieur Linguet eft excellent dans de pareils morceaux: il finit par déclarer que fi fa maniere de préfenter la vérité dans le derde étroit oir il eft refferré, mais fondlion indifpcnfable'de fon miniftere, a Ie malheur de déplaire' il brifera fa plume; il fermera fa bouche, Cet égoi'fme , qui n'eft qu'une impudence véritable, eft traité de facon a plaire beaucoup & a en impofer au gros des le&eurs. Quant au fond de 1'affaire, il n'en réfulte rien d'avantageux pour Ie maréchai de camp, & fon dêfenfeur n'ayant pu obtenir fon élargiflement, cherche a affoiblir 1'impreflion facheufe que cette détention donne de fon cliënt en voulant perfuader que c'eft une fuite inévitable de la forme, A la page 352. Le 30 mars 1773. Le Par naffe des Dames eft un recueil entrepris par le Sieur de Sauvigny, de divers ouvrages de poéfie compofés furies femmes illuftres, anciennes & modernes ; cet écrivain, traduit ces morceaux écrits en langue étrangere. C'eft une rap. fodie trés-fade & trés - dégoütante , mais qu'il a entreprife fous les aufpices de madame la comtefle du Barri, & qui doit lui faire fa forN 4  C 290 ) tune. Cette Dame a foufcrit pour une quantité -prodigicufe d'exsmplaifes;& quiconqueveutlui faire fa cour eft obligé d'en faire autant. C'eft a 1'occafion de cet ouvrage que_s'eft élevée la rixe entre ce poëte & le fieur de la Harpe. A la page 253. Le 2 avril 1773. Le Sieur Linguet vient de fe faire une querelle avec Pacadémie des inferiptions & belles lettres a 1'occafion de 1'infcriptión de la ftatue de la place de Louis XV, faite par cette académie, qu'il entique , & d'un certain qiuefivit , 1'objct de fes farcafmes. Cette compagnie a fait imprimer une lettre cn date du 13 mars, oh l'on démontre pleinemect 1'anerie de cet orateur vain & préfpmpteux; il doit êcre très-penaud d'avoir fait une parcille levée de boucfier. A la page 353. Le 3 avril 1773. - Depuis la mort du Sieur de Möndonvillé, on a cherché a réparer le vuide qti'il faifolt au concert fpiritueV; on y a mis un nouvel ordre; on a acquis de nouvelle mufique, & ceux donnés depuis quelque tems ent plu aux amateurs & paru meilleurs que par le paffé. A la pnge 355. Le 8 avril 1773. M. Pier. re Roulfeau de ïouloufe, qui, s'eft écabü a Bouillon oh il a formé 1'entreprife de divers ouvrages périodiques qu'il conduit avec fuccès pour fa bourfe, & avec 1'approbation du public a beaucoup d'égards , eft a Paris pour fedifculper de quelques imputations qui lui font faites a Poccafion de fon journal encyclopédique, oh l'on  C 2P7 > Ten trouve des chofes frès - fortes fur les despotes & le defpotifme. M. le chancelier veut esamincr Ia chofe par lui-même, & ce journalifte eft h la veille d'être profcrit de la France. On 1'a auffi chargé de quatre mille francs de penfion , quoique dans le principe, il n'en dót fupporter que deux, nouvelle léfion contre laquelque il réclame. A la page 356". Le 10 avril 1773. Le Colyfée a été autorifé dans fon établiffement & créa'tion par arrêt du confeil du 26 juin 17^9; on Py regarde comme un monument utile au public & d'une importance affez grande pour que le roi veuille que la direction & l'adifiiniftracion de ce fpectacle n'aient lieu que fous fes ordres, d'après le compté qui lui en fera rendu par Ie fe. crétaire ayant le département de Paris, de la même maniere que S. M. fe 1'efc réfervé pour fon académie royale de mufique. I a première deflination (i'ouverture de cet établiffement royalj fut ordonnée pour le manage du dauphin,avec injonótion de laifier au prévpt des marchrinds ét aux échevins Ia liberté de la faire & d'y donner telles fêtesqu'ils jugeroiect k propos a 1'occafion de ce mariage & dans telles autres occafions de réjouiffances publiques, oh ils jugeront a propos de faire ufage du Colyfée. La deflination ukérieure & générale de cec étabtiffeinent, foxmé pour 30 années , confifie a donner des danfes publiques, des fêtes hydrauliques & pyrrbiques , fêtes étrangeres & N j  ( 298 ) toutes autres qui ne feront point concurrentes & & de nature de Pacadémie royale de mufique & des comédies francoife & italienne. La première deftination n'a pu avoir lieu, par ce que la condition abfolue impofée aux ouvriers d'achever au plus tard leurs ouvrages au 15 mai 1770, le mariage du Dauphin étant fixé au 16, les travaux n'étant point achevés, 1'ouverture n'a pu fefaire alors, ni même en 1770. La feconde deftination d'ailleurs n'a pas rendu de quoi fuffire aux dépenfes de cet établiffement immenfe. 11 paroit aujourd'hui un Mémoire d confulter de la compagnie du Colyfée , contenant auffi une confultation de Me. Oudet, ancien avocat au parlement, & un bordereau & état des payemens faits a la compagnie, qui méritent une discuffion particuliere A la page 356. Le n avril 1773. Quoique le mémoire de la compagnie du Colyfée foit d'une confufion difficile a débrouiller, & qu'il foit impoflible d'en extraire ce que le public aefireroit pour fixer fes idéés concernant le coüt, les dépenfes, & la recette de cet établiflement, fur lesquels on varie beaucoup, voici ce qu'on a pu en réfumer de plus certain & de plus curieux. D'abord, cette compagnie, fans qu'on fcache nuels en font les membres, d'après les plans du Sieur le Camus, architedte, éleve de Pacadémie, préfentés au roi & approuvés , ainfi que d'après fon devis, ne devoit confacrer a,cet objet, fixé a fon plus haut prix, cue 700.COO livres,  C 239 ) cependant il a déja été payé plus d'i. 100.000, &, fuivant 1'état des fommes demandées montant h 2. 675. 507. livres, il refteroit encore dü pres de 1 500. ooo livres. Les intéreffés n'ont encore touché ni fonds ni revenus. Ils veulent revenir d'abord contre les propriétaires des terrains d'environ 16" arpens loués par an 38. 875 livres, tandis que chacun d'euxauparavant ne rapportoit pas 120 livres par an ; ils veulent enfuite être indemnifés par certains ouvriers , auxquels ils attribuent toute leur perte a caufe du rctard de leurs ouvrages, par d'autres qui ont contrevenu a leurs rnarchés dans la qualité de ces mêmes ouvrages; enfin, il eft queftion de faire régler les mémoires de tous. Ils voudroient auffi fe faire affranchïr des 20. oco livres de réparation par an qu'i's doivent a 1'opera , ainfi que des vingtiemes , autres impofitions, & droits réclamés par les fermiers généraux. II réfulte de tout cela que cette entreprife eft une des plus folies qui ait été concue depuis longtems; qu'elle ne peut fubfifter fans la plus haute & la plus injufte faveur , & que même avec tous les fecours qu'elle detnande,. elle doit a la longue ruiner les intéreffés. Malgré toutes ces réffex'ions , ils annoncent dans le mémoire quele Colyfée doit fe rouvrir au premier mai proerkin. A la page 356. Le 12 avril 1777. Le concert fpirituel eft beaucoup plus fuivr dèpuls Far1^ ö  ( 3^0 ) rangement nouveau qu'on y amis, & le cboix particulier de mufique qu'on-y obferve ; on 1'a prefqu'italianiféj & l'on convient qu'aujourd'hui pour la partie inflrumentale C'eft le concert le nrcux compofé de 1'Europe. On n'a point encore vu une affluence pareille a celle du vendredi faint, & d'hier jour de paques. ■ A Ia page 358. Le 170177/1773. II n'eft aucune tournure que les frondeurs ne prennent pour entretenir la fermentation, & décrier le tniniftere aftuel ainfi que les mceurs du fiecle corrompu oh nous vivons: après en avoir fait des peintures direétes & perfonnelles, ils varient aujourd'hui. L'un d'eux a imaginé d'emprunter 1'allégorie <5c fous des noms romains de caraótérifer les auteurs de nos calamités. Voici Ie titre de cette fatyre nouvelle: Traduction Uïtéïalé par le R. P. Léonsrd Minime, d'un fragment trouvé dans la bibliothequt du Vatican, d'une fatyre de Caius Lucilius. Quel fiecle! quels excês'! quejle aveugle licence! Nos chevaliers vendus a Tor du plébéien! L'art glacé du fophifte étouffant 1'éioquence, Des raifonneurs en foule & pas un citoyen! L'un de Thémis en pleurs a brifé la balance, L'autre au blame endurci, bravant tout ,n'aiaiant rien, Etsle effrontétnent, facoupable opulence. 1 e faue a de 1'état féché les réfervoirs.» Le palais ds Poppêe infulte a nos ïnjleres, L'sttour a fon uafic & Vcnus fes ceniptoirs.  ( 3oi ) La toüette d'AIcine eft un bureau d'-i.faires. L'égoïfme agagné, tout eft vi! ou méchanr,Et le guerrier lui-même a les meers d'un trai-anc, Peindrai-je nos befoins & nos plaifns faaiees Les crimes enfantés par 1'abus du pouvoir, ' Un confulat timide & fouillé d'injuftices,' L'audacieufe intrigue affiégeant les comices, Des prêrres finpudens prophananc 1'encenfoir, D'imb «dies tyrans dont nos dieux font comp'ices, Et de jeuiies Romains, notre dernier efpoir, De molefle. bébêtés & viejllis par les vices? ' Ah! pourquoi luis-je né dans ces jours malheuren» Pleurons, anijs, pleurons nos'maux & cos injures- * De nos profcriptions Ie tableau douloureux " * Rome, hélas! enfoi^ant le fer dans fes ble'flures 11, la hache a la main, le défpótffrae affreus * A ce peuple abattu défendanr les murmures; ' Pleurons 1'oubii des lois & le mépris des molins -Les prog'ès me'nacants d'une fauire fageffê ' Lerapide déciin des arts Confolateurs', L'indigence qui naic du fond de la richefle Et tous les feminiens éteints dans tous les cceurs J'ai vu nos Icgiocs, parjures a la gioire, Se laif/er, fans combattre, arracher la vièloire; J'ai vu le laboureur, accablé de fubfides. facrifiant fa vie a des maitres avides, Confumé par la faim, radurir fur la moiflbn; J'ai vu de nos tyrans Ia dcbauche effrénéë ' Dévorer dans un jour les tréfors d'une année Et tandis qu'auprès d'eux leurs Mohes complakn, De la baffeffè aftive épuifant ftlidüfrrre, * Ranimoient la langueur d; leur ame flétrie, Tandis.qu'a leurs feftins brolant un vil ëncênï Ils few verfuient dans 1'or le fang de la patrie'  C 3°2 ) J'ai vu de vieux guerriers, a vivre condamnés, Trainer dans le befoin des jours inforcunés; Je les ai vus fuyant une plainte frivole, Ne confier leurs maux qu'aux murs du capitole, Baifer en foupirant 1'urne de nos héros, Et chercher Rome encore autour de leurs tombeaux. On voit qu'il y a d'affez beaux vers dans cette fatyre, de la force, de 1'éncrgie, mais qu'elle eft trop vague, & ne caraólérife pas affez les prineipaux auteurs des calamités publiques. On Vattribue £ M- Dorat. A la page 360. Le 19 avril 1773. C'eft demain la rentrée publique de Pacadémie des belles-lettres- M. Dupuis, le nouveau Secrétaire , y prononcera les éloges hiftoriques de M. de Fontenelle & de M. Bignon. M. 1'abbé le Blond doit lire enfuite un mémoire fur la marine & les vaiffeaux des anciens, & M. le Beau un mémoire fur la légion romaine. A la page 300. Le 20 avril 1773. Le nom de la vérité déclarera fur chaque feuillet de ce livre qu'elle feule en a diefté le contenu a celui qui le met au jour: il devoit ce tribut a fa glov re. L'ordreque demandoit cet ouvrage anéceflité fa'divifionen deux parties: chaque partie forme un volume. , . La première dévoloppe Vhiftoir.e generale du mende, bafe des faints livres qui conftituent 1'ancien teftament des chrétiens- La deuxieme éclaircit les trois grands myfteresy ainü que les quatre Evangeïiftss de Jefus; bafe  C 303 ) de nos fept facremens, de tous nos dogmes théologaux Sc de toutes les cérémonies de notre lot nouvelle. On voit par cette annonce, cette efpece de frontifpice qui ralTemble en bref tout le contenu du livre de la vérité, combien fon auteur eft une imagination exaltée, un philofophe cabalistique, qui voudroit réduire la fcience des religions a des hyérogüphes, des énygmes, des hypothefes, des allégories, des types, c'eft-adire a des chimères. II y a pourtant dans cefystême un plan, une férie d'idées, un dévelop. pement d'érudition qui mérite qu'on en déyore 1'ennui, qu'on en fupporte les folies pour juger fi ce nouvel Hardouin rit ou parle férieufcment. A la page 363. Le 26 avril 1773. Le Sieur Marin, le rédacteur de la gazette de France, dont Ia cupidité fans bornes cherche tous les moyens de groffir fa fortune, a imaginé un moyen d'étendre & de s'approprier plus perfonnellement Ie fruit de fes fonftions: ila fait entendre au miniftre des affaires étrangeres, h M. le chancelier, & aux autres miniftres que, pour mieux difpofer la nation a prendre 1'efprit du gouvernement, il feroit bon de répandre une gazette manufcrite, oh fans affeétation on décréditeroit tous les faits contraires, Sc onexalteroit tous ceux tendans a 1'accroi(Tement &'a lajuftification du fyftême. . D'après cette excufe , il a eu permiffion tacite de travailler a ces bulletins dont il infecfte la province, avide de tout  C 304 ) ce qui vient & parle de Paris: on dit qu'il en glifle également dans les pays étrangers. A la pa°;e 363. Le 26 avril 1773. La premiere nouveauté que les francois doivent donner, c'eft Terée, tragédie du Sieur Reiiou, peintre peu connu, mais qui a fi vertement femoncé les hiftrions dans une lettre pleine de reproehes fur leur lenteur, leur mauvaife foi & leur impertinence, qu'ils fe font mis a la raifon & vont le jouer. A la page 355. Le 30 avril 1773. Les comédiens italiens doivent donner inceffamment une piece en opera comique, travaillée d'après le conté de M. de Saint - Lambert, intitulé Mijf Sara. ■ Les paroles font d'un jeune avocat, qui', dans fon enthoufiafme patriotique, ne voulant pas reprendre fes fonélions auprès du nouveau tribunal, s'eft arr.ufé a faire ce petit ouvrage: il eft aujourd'hui attaché au Marquis de Noailles, notre ambaffadeur auprês des Etats- Généraux & doit partir avec lui. La mufique eft d'un violon nommé Ie Vachon, ■ peu connu jufqu'a préfent. A la page 368. Le 4 mai 1773. Le Colyfée, qui dans fon mémoire annoncoit fon ouverture pour le premier mai, eft toujours fermé, & il eft h préfumer qu'il le fera longtems. Le Sieur Torré a enfin obtenu la permiffion de rouvrir fon Wauxhall, & il fait travailler avec beaucoup d'adtivité aux réparations de I'édifice & aux cmbelliflemens de I'iacérieur. On ne doute pas qu'il  C 3°J ) ne foit trés - fuïvi dans les commcncemens; mais il eft a craindre que ce fpeétaele muet, froid & vuide ne puiffe durer. A la page 373. Le 9 mai 1773 Un certain abbé de Launay, tête chaude & facile as'exalter, a imaginé de donner du nouveau a 1'occafion de la rcfurreétion du patriarche de la littérature. En conféquence, il a broché une piece, intitulée: La nouvelle de Ftrniy, ou Divertiflement en 1'honneur de la con valefcence de M. de Voltaire, en trois parties, dont l'une en récit, Ia feconde en chant & la troifieme en danfes: il a lu fon canevas a 1'affembiée'des comédiens, qui, pour ne pas s'attirer 1'animadverfion du philofophe fatyrique, ont paru accéder de grand cceur au projet, en déciarant qu'ils étoient tous préts, mais qu'il falloit avoir Pattache des ;,entilshommes de la chambre 6c même du duc de la Vrilliere, puifque n'ayant point chez eux de fujets pour le chant & pour la danfe, il faudroit leur fournir des détachemens de la comédie itaütnne ou de 1'opera, ce qui ne pouvoit fe faire fans le concours d'une autorité fupérieure; ils fe doutoient bien qu'avant qu'on etit concilié tant d'intérêts divers, les partifans de M. de Voltaire fe refroidiroient, Ta-piopos feroit manqué, & fans fe compromettre, ils fe trouveroient ainfi débarraffés d'une telle corvée; c'eft ce qui eft arrivé: 1'auteur cependant ne perd pas tout-afait courage, & il compte être au moins joué chtz Mlie Guimard, furtouc fi M. de la Buide  ( 2C6 ) fait la mufique, comme il en eft follicité par le maréchai de Richeüeu. A la page 37 5. Le 10 mai 1773. Les directeurs de Pacadémie royale de mufique voyant le peu de fuccès de Daphnis & d'/llcimadurey prennent le parti de retirer ce ballet & d'y fubftituer les actes d'Ismene &? de Zilindor dont les paroles font de feu Moncrif, & la mufique des Sieurs Rebel & Francceiir: comme 1'un des deux eft furintendant général du tripot lyrique, il y a apparence qu'il n'épargneraaucunfraispour faire valoir ces ballets agréables & qui ont toujours été goütés du public. A la page 374. Le 13 mai 1773. Les Mélanges lyriq'ies remis a 1'opera le 11 de cc mois, & le ballet héroïque, compofé de Pafte d'Ifmene , dc de celui deZélindor, roi des Silphes, n'ont pas eu le fuccès ordinaire. Jamais on n'a vu une première repréfentation auffi pauvre, prefque perfonne aux premières loges, 1'amphithéatre peu garni, & le refte a proportion. Ces deux aétes dont les paroles font charmantes ont paru froids, languifians, triites, furtout celui d'Ifmene. Les ballets feuls l'ont un peu réchauffé, & Mlle Allard qui a reparu pour la première fois depuis fes couches, a fait une fenfation prodigieufe. Mlle Arnoux a joué auffi dans Zélindor avec fon onótion ordinaire; il eft facheux que le Sieur le Gros ne 1'ait pas fecondée. A la page 375. Le 15 mai 1773. L'auteur du Maupeou Tyran, pour mieux faire palier les  ( 207 ) injures qu'il dit au chancelier, prodigue au roi les plus grands éloges; il le trouve doué de toutes les qualités qui font le bonheur des peuples : il dit que tous les malheurs de 1'état lui font étrangers, & afrligent fon ame naturellement bienfaifante; il appuie tout cela de citations tirées des Mémoires da Ponpadour, & il préfume que cette femme devoit bien le conoitre. Dans lo fecond paragraphe 1'écrivain développe Maupeou le tyran & petit génie; il détaille fes étourderies, fes faux points de vue, fes inepties, fes impoftures, les forfanteries; comment il a infulté les princes du fang, le confeil, les loix, & les magiftrats; expofé le royaume aux plus grandsdangers; corrompu les mceurs, perdu les finances; fes infolences, fa vengeance, fes violences, fa cruauté: il ne demande pas fa mort, mais qu'il devienne 1'exécration de 1'Europe entiere. Dans le troifieme, on reconnoït aifément un homme de robe, éntiché de fon état au point de prétendre que le parlement eft préférable aux états de la nation; il s'échauffe dans fon harnois pour prouver cette étrange affertion, cc il porte le délire jufqu'a vouloir que le parlement d'Angleterre n'ait qu'une ombre de liberté, &il conclut que la demande des états eft un beau réve. Dans le quatrieme enfin, l'on prouve comment le tyran écrafe la nation dont le roi ne peut plus entendre les gémiflemens, s'il fa-me la  ( 3°8 ) bouehe des magiftrats, fi la moindre réfiftance eft punie par des exils, fi un fimple porteur d'ordres fijt admettre des impöts & lear donne force de loi; fi un miniftre tyran fait périr les membres du feul corps qui réclame les intéréts des peuples, la nobleffe & le clergé reftant en filence; fi la flatterie ofFre au prince de le délivrer de ces averti-ffemens auffi défagréables que néceflaires, qui feuls peuvent lui apprendre le danger des impöts & la néceffité de 1'économie. C'eft d'après cet expofé même que 1'auteur efpere & efpéfera jufqu'a ce qu'il voie le tyran culbuté. II termine par une priere au roi. Cet ouvrage fort vraifemblablement de la même plume que le.Maire du palais: il eft plein de bon fens, mais d'un coloris foible, d'un ftile lache 64 fentant dans tout fon contenu Phomme de loix trop prévenu pour fa robe: il refpire d'ailleurs un refpecl profond pour le monarque, un amour fincere de fa perfonne facrée , <-. juillet 1773. Oa eft O 2  C 316 ) füché de fcavoir pofitivement, ce dont on fe doutoit fort cependant, que tout ce qui s'elt pafte a la comédie francoife , étoit tellement ajufté au théatre, que le récit qu'on en a vu dans la gazette de France, & qui, contre 1'ordinafte, y a été inféré avec promptitude, étoit fait avant même que la repréfentation du Siege de Calais eut lieu: on en infere affez naturellement que les anecdotes de la comédie italienne étoient également préparées. Quant au premier récit, des gens dignes de foi atteftent avoir vu 1'épreuve le mardi 22 , quoique Madame la Daupbinc ne foit venue a la comédie francoife que le mercredi 23. A la page 26. Le $ juillet 1773. Depuis la fameufe piece du Jeune homme de M. de Bascides on n'avoit jamais tant ri a la comédie francoife qu'hier a la paftorale érotique de Mad. C'iqumont, auteur de L'heureu/e rencontre , faite en fociété avec Mad. Rozet, II n'eft pas posfible de voir rien de plus plat, de plusniais, & de plus fotement obfeene: on en peut juger par une differtation qui s'établit far le théatre entre une bergère & fon berger; celui-ci lui appprte un nid de tourtereaux, & dans un parallele foutenu de ces deux amans, lache tous les propos bêtes & ridicules que deux perfonnapès de cette efpece mis au naturel fur la fcene pourroienttenireffcclivement On fe dilatoit la ra-e on s'en donnoit a cceur-joie; on applaudiffoit a tout rompre, lorfque les infolens his-  C 317 ) trions fe font avifés de prendre de 1'humeur & de quitter la fcene, avant Ia fin du premier afte: le parterre a eu Ia bonté de ne les pas forcer a revenir, k dégoifer tout ce qu'ils fcavoient, & a fupporter toutes les huées qui rejailliflbient moins fur 1'auteur femelle digne de pitié, que fur les juges ineptes & impertinens, capables d'adoptcr de pareilles balourdifes, d'en farcir leur mémoire & d'ofer inviter le public a venir les entendre A la page 27. Le 6 juillet 1773. II y a eu dimanche une fête au Colyfée, & 1'ouverture s'en eft faite avec une affez grande afHuence de fpeélateurs: on avoit fait courir le bruir que M. le Dauphin & Madame Ia Daupbine honoreroient ce lieu de har préfence, ce qui avoit atiiré beaucoup de curieux; mais le couple augufte n'y eft pas veau: il n'y-.a d'ailleurs eu rien d'extraordinaire qu'un feu d'artifice; il n'a pas répondu a la bonne opinion qu'on a des talens de Partifte ; par une mal -adrefle finguliere, la fumée & le vent qui portoient du cóté de rafiemblée lui ont dérobé'le coup d'ceil de ce fpeélacle, infiniment mieux vu par ceux qui étoient dehors ; il n'a pas d'ailleurs été fervi avec la vivacité que le Sieur Torré y met ordinairement. A la page 28. Le 9 juillet 1773. L'aflëmblée de la faculté de théologie au prima men/is de ce mois a été trés - tumultueufe. Un arrêt du confeil du 1^ intervenu a 1'occafion de la O 3  .( 3i8 ; thèfe dont on a parlé il y a déja du tems, 5c qui depuis lors agite ce corps, a jeté la confternation dans fon fein en confommant le despotifme du fyndic Riballier, même dans les matieres théologiques, dont la cour, fuivant eux, ne devroit par fe mêler. - A la page 28. Le 10 juillet 1773. L'académie royale de mufique fe difpofe k fubftituer de nouveaux fragmens aux anciens, qu'on annonce la derniere fois pour mardi 13. A la page 28. Le 11 juillet 1773- 11 Par0lC un No, 13 des fupplémens a la gazette de France , ob l'on refiitue les erreurs des précédens en 'déclarant que le fupplément fans No. eft le 11, celui déja defigné fous le 13 eft le 12 feulement, &• celui-ci le 13 véritable. Ce dernier contient un peu plus de faits, mais n'eft pas mieux écrit, & n'eft encore qu'une vraie rapfodie trés - informe. A la page 29. Le 14 juillet 1773. La requête de la faculté de médecine au roi eft dirigée contre la déclaration du 25 avril 1772, portant itahlijjement d'une commiffiun royale de médecine pour l''examen des remedes particuliers, & fupplie S M. de vouloir bien anéantir cette nouvelle commiffion & profcrire pour 1'avenir tous autres femblables établiffemens comme contraires aux loix de 1'état, & au bien des fujets, en ce qu'ils ont le dangereux inconvénient de confier 1'adminiftration des remedes prétendus fpécifiques a des vendturs d'arcanes, k de fim-  ( 319 ) pies particuüers, qui, fuivant les régiemens les mieux obfervés en cette partie, n'ont pas la liberté d adminiftrer même les remedes les plus lalutaires & les plus connus. La plus ancienne époque de ces commiffions ne remonte pas plus loin «qu'a 1'année 1728, qu'il en rut étabh une pour la première fois par arrêt du confeil du 25 oélobre de cette année; il tut renouvelé le 17 mars 1731, enfuite le 13 oélobre 1752, & Ie 10 feptembre 1754. Enfin aujourd'hui on veut rendre la commiffion permanente par une loi qui a été enregiftréeau parlement, ce qui oblige Ia faculté de s'élever avec plus de force & de s'écrier que c'eft évi demment une chofe ma! concue, puis que c'eft travailler a établir ce qu'on doit détruire, ou bien a foutenir ce qui mérite d'être renverféenfin, elle prétend qu'il n'eft aucun remede qui ne doive être en bonnc policeadminiftré par un médecin ayant fait fes études & fubi lesexamens néceffaires. C'eft le 27 avril 1773 que M, Petit, un des commiffaires nommés par la faculté pour cet objet, aluladite requête, fur laquelle ayant été délibéré, il a été arrêté: iu. Que, quoiqu'on en füt content a bien des égards, elle feroit encore revue par les docfteurs Moreau & Lezurier conjointement avec le rédacteur. 20. Qu'elle feroit préfentée manufcrite au roi par le docteur le Mannier, & que le mêne ïour O 4  C 320 ) une certaine quantité d'exempiaires imprimés feroient préfentés paf le doyen, & les Dodteurs de Gevigland, Petit, le Clerc, Moreau, des anciens, Lezurier, Darcet, le Preux'&L DefeJJarts, des nouveaux, députés au chancelier, aux miniftres & aux grands du royaume. 30. Qu'inceflamment le doyen ét le dofteur le Clerc partiroient pour Verfailles afindecommuniquer le décret de la faculté aux doóleurs le Monnier cc Lajjome, médecins en cour, pour les engager a interpofer leurs bons offices convenablement k leur dignité & k leur amour zélé pour Ia faculté. Cette requête n'a produit encore aucun effet. Le doyen de la faculté intrigue le plus qu'il peut pour la confervation d'une commisfion qui lui rend beaucoup d'argent, & en rendra tant^u'il n'y aura pas de premier médecia. A la page 29. Le ij juillet 1773. Tout le Palais Royal a été fort fcandalifé une de ces nuits dernieres, oh M. le duc de Chartres, après avoir joué & foupé chez un feigneur polonois, s'cft promené dans le jardin avec lui & autres feigneurs qui avoient été de la partie & y ont tenu tout haut les propos les plus obfcenes & ehanté les chanfons les plus grivoifes: on ne peut attribuer cette fcene peu digne d'un aufti grand prince qu'aux fumées du vin, dont, dans la chaleur du fouper, il s'étoit laiifé furprendre la tête. A la page 38. Le 17 juillet 1773» L'acadé- mie  C 321 ) mïs royale de mufiqua a donné hier les Fragmens hénïjues, ballet compoféde Pafte d'Ovide ff Jütie, de celui du Feu des Elemens, & de Pafte des Sauvages Les paroles du premier font de Fuzeiür; la mufique eft de M. Cardonne. II ialloit nécefTairement mettre beaucoup d'efprit dans un poëme oh Pon introduifoit Ovide en fcene, & c'eft ce qu'a fait le poëte: il y a fondu quantité de morceaux tfrés de 1'auteur latin le plus ingénieux, le plus délicat & le plus tendre: fi eft ftcheux que les afteurs n'aient pu rendre les perfonnages comme il convenoit. Madame Larrivée ne pouvoit être propre a expnmer les agitations du cceur de la fille d'Auguffe emportée par une paffion violente pour un fimple chevalier romain; & celui-ci auroit ex)gé un autre repréfentant que le Sieur Ie Gros, capable de peindre tout 1'embarras d'un fujet brülé d'amour pour la fille dé fon empereur; PadrefTe avec laquelle il lui dévoilc fes fentimens,- enfin 1'excès de fa reconnoiftance cc de fa [oie lorfqu'il apprend qu'il eft aimé par une déclaration non moins fine. Mlle Beaumesml n'a pas non plus m\ê dans fon jeu tout celui que vouloit leröle d'une foubrette zélée.qui cher*cheroit a faire revenirfa maitrefie d'un égarement funefte: J tailleurs, la mufique foible, trafnantev & dans le genre antïque n'a produit oue peu de' ienfatioo: les ballets n'ont eu rien deremarqtiabiéi On connoft plus Pafte du Feu, poë'rfle de fe Rol La mufique eft dc Douches, e'eü.Mïtv O j.  C 322 ) d'uft. compofiteur profcrit aujourd'hui «3c regardé comme gothique par nos modernes: cependant Mlle Duplant ,qui jouoit le róle de la grande prêtreffe de Vefta, & le Sieur Larrivée, fon amant, ont mis par leur jeu du mouvement dans la fcene & relevé la froideur du muficien. D'ailleurs, la Dlle Guimard & le Sieur Veftris, qui ont danfé dans les ballets, ont fixé Pattention du public & excité fon admiration ordinaire. On a regretté qu'une entorfe, venue tres - mal a propos, ait empêché la Dlle Heinel de paroitre dans eet acte oh l'on fe flattoit de la voir. Les Sauvages font trop connus pour en rien dire de plus, & c'eft li leur grand défaut dans un pays oh l'on exige pour premier mérite Ia nouveauté. D'ailleurs, ils ont été trés-mal joués, même par Mlle Rofalie, qui n'a qu'im« parfailement rendu le róle ingénu & tendre de Zima, fille du chef des fauvages: les Sieurs Tirot, faifant 1'officier francois, Gejlin, 1'ofiicier efpagnol, & Adario, fauvage, amant de Zima, n'ont pas mieux réufli. Le premier n'a mis ni graces, ni légereté dans fon jeu ; on n'a trouvé ni nobleffe, ni expreflion dans le fecond, & le dernier a joué fans nulle onétion , ou plutót avec une féchereffe révoltante. Heureufement la Dlle Allard, Ie Sieur Dauberval, & le Sieur Gardel ont figuré dans une pantomime tout ce qu'auroient dü peindre ces acteurs; on en a admiré lavivacité, la précifion, 1'ia-  C 3^3 ) telligence, & les fpe&ateurs font réftés avec plaifir fur cet excellent morceau de chorégraphie qui a terminé le fpeêlacle. A la page 32. Le 18 juillet 1773, H va eu un grand concours de monde hier au Waüxhall, amené par 1'annonce d'un fameux concert, oh le Sieur Baër devoit exécuter un concerto de clarinettes, cc les Sieurs Nioul cc Dumoulin chanter. A la page 38. Le 26 juillet 1773. Les comédiens francois fe difpofent a donner inceiTamment .Regulus, tragédie de M. Dorat déja imprimée dc non jouée ; le même jour ils repréfenteront La, feinte par amour, comédie du même auteur abfolument nouvelle. A la page 38. Le 27 juillet 1773. La dameur générale contre 1'ineptie des comédiens elt telle, que dans la crainte qu'on ne leur óte abfolument la connoiffancc des pieces nouvelles, on affure qu'ils ont fait rédiger un mémoire oh ils demandent eux-mêmes qu'on leur affocie quelques gens de lettres & membres de Pacadémie a cet effet. Mais quels feront les infames qui voudront d'une pareille aggrégation. & juger co.ncurremment avec ces hiftrions. A la page 39.. Le 30 juillet 1773.. L'acadéi mie royale de mufique ne fcachant comment ramener le public, abfolument aliéné s, retfre au bout de quinze jours Pacie d'O'vide & J'ulie y & remet celui d'Apollon tf Corenis tiré du ballet des A.mitrs.des Dieux, aöe trés• gpü'té-  C 3H ) jufqu'a préfent, mais trop connu pour faire fenfation. A la page 30. Le 31 juillet 1773. Un voyageur a rapporté de 1'Inde un inftrument du myftere amoureux fort extraordinaire. C'eft une boule érotique. Elle eft de la grofleur d'un ceuf de pigeon, d'une écorce, ou peau extrêmement douce & lice; elle eft dorée: on 1'introduit dans la partie naturelle du fexe; elle y acquiert a 1'inftant une efpece de mouvement continu qui occafionne a la femme une titillation, prurit plus vif que celui du doigt ou du membre viril, & lui procure des extafes multipliées jufqu'a ce qu'elle veuille terminer cec exercice qui pourroit a la longue lui devenir funefte. On ne connoït pas le méchanifme de cette pomme d'amour, dans laquelle on préfume qu'il y a du vif argent. On ne doute pas que les plus habiles mécaniciens ne foumettent cette machine a leur examen k mefure qu'elle viendra k leur connoiffance, & fi quelqu'un pouvoit en découvrir Ie fecret, on concoit quel débit il en auroit, furtout dans les couvetis de filles. A la page 43. Le 6 aoüt 1773. On a dit 1'an paffe qu'on avoit annoncé a la féance publique de Pacadémie fransoife pour Ia diftribution du prix de poéfie, qu'il avoit été remis; que M. d'Alembert, le fecrétaire de la compagnie, avoit parlé d'une piece avec diftinftion, cn exbortant 1'auteur de la remettre au concours  ( 325 ) après I'avoir retouchée: tout Ie monde jugea qu'elle étoit de M. de la Harpe: c'eft en effet lui qui a le prix cette année, & fon fujet eft la Navigation. Quant a celui de profe, Ie fujet étoit L'Eloge de Colbert. On prétend qu'un difcours du banquier Necker a emporté les fuffrages. A la page 43. Le 7 aoilt 1773. Le róle ó'Appollon, rendu par le Sieur le Gros dans Pafte de ce nom & Coronis, n'a pas dans fa boucbe 1'expreflion qu'il devroitavoir;celui d'lphisn'eft pas mieux rempli par le Sieur Durand; enfin , Mlle Chdteauneuf a une figure dure, une voix peu flütée, qui ne vont point au perfonnage d'Ifmene qu'elle repréfente. Les coryphées de 1'opera fe repofent déjè pour être en état de briller aux fêtes qui doivent avoir lieu cet automne au mariage de M. le comte d'Artois, ce qui préfage encore pour longtems la défertioa abfolue de ce théitre. A Ia page 44. Le ro aoüt 1773. L'oraifon funebre dont on a parlé, a pour titre : Oraifon funebre de Charles-Emmanuel Roi de Sardaigne 6f duc de Savoye, prononcée le 17 mars 1773 par M. * * *, vicaire de Ia paroiffe de St. * * * a Cbambery. Cet ouvrage eft toujours fort rare. A Ia page 47. Le 13 aoüt 1773. Un jeune auteur débutant, nommé M. Salaun, avoir fait un petit ouvrage contre les comédiens a Poccafion de leur querelle avec le Sieur Renou, Pauteur de Terée; il y rapportoit les lettres info>.° 7  C 326 ) lentes 'des hiftrions & les réponfes humbles & baffes du poëce; il citoit diverfes anecdotes qui mettoient au jour les prétentions de ces Mesfieurs fur les auteurs, cc le defpotifme fou qu'ils * voudroient exercer fur eux, M. le lieutenant général de police n'avoit point abfolument refufé la permiffion; mais, comme il craignoit de fe compromettre vis-a-vis les gentilshommes de la chambre, il a enjoint a 1'auteur de s'en référer a eux; ce qu'il a fait. M. le ducdeDuras, qui s'eft mêlé de la négociation, non - feulement n'a pas voulu permettre que ce pamphlet parüt, mais il a défendu les hiftrions avec la plus grande chaleur; il a exigé que M, Salaun remft foa manufcrit, & la rendu refponfable de ce qui en paroïtroit. A la page 47. Le 14 aoiét 1773. Le Sieur deWailly, architedle, avoit anciennement obtenu des lettres patentes pour faire une falie de comédie oh étoit 1'hötel de Condé; depuis la rupture de ce roarché, on a vu qu'il avoit été ' queftion de Ia reftauration de 1'ancienne falie;. cette reftauration a été abandonnée au commencement de 1'entreprife, &. le projet du Sieur Liégeon au carrefour de Bufly avoit repris faveur; on lui cn avoit demandé mfuite un autre pour un théitre au jeu de'boulede Manus; il avoit auffi obtenu des lettres patentes pour ceFüi - ci ; enfin , depuis que la ville a repris ler marché de 1'hótel de Condé, on vient d'expéi dier de troiüemes lettres patentes pour y ériges  ( 327 ) une nouvelle falie fur les delfeins du Sieur Moreau, architeéte de la ville. Telles font les variatioDS qu'a éprouvé cette négociation, qui n'eft peut-être pas encore a fon dernier terme, car le Sieur Liégeon eft a Compiegneóc fes pro* tecfteurs le berceni encore de leurs chimères. A la page 47, Le 15 aoüt 1773. Le nouveau pamphlet du Sieur Linguet a pour titre: Examen abregi d'un nouvel écrit publié contre le comte de Morangiès, intitulé Preuves réfultantes &c. il fe plaint de 1'abondance de fes adverfaires qui , après une dénoncialion enrichie de notes , fept mémoires , trois réponfes , un précis, fans compter les UbeUes clundeftins compo/és en forme de brochures littéraires, répandent encore une autre production. Du refte, cette réfutation prétendue n'eft qu'une rapfodie indigefte de dits dc de contredits, de faits avancés & défavoués , dont les juges peuvent feuls connoitre la vérité. On voit feulement que 1'orateur s'eft preffé de faire cet examen, oh il n'y a ni ordre ni clarté,ni raifonnement: il finit par dire qu'il ne fe laiflera plus diftraire de fon plan , qu'il continuera d'exécuter celui qu'il s'eft propofé pour la défenfe définitive du comte, qu'il va publier, dans laquelle ils'occupera de la procédure & difcutera bien moins ce qui y eft, que ce qui n'y eft pas & devroit y être, A la page 47, Le 16" aoüt 1773. La Dlle Biïlioni ,qui a fait le róle d'Acajou dans la piece ds ce nom, s'y eft diftinguée tant par un jeu  C 52S 5 charmant, que par une voix naturelle, agréa» ble, flütée, onólucufe & pleine de fen timent. A la page 41. Le 17 aoüt 1773. Le Sieur Corré, malgré tout fon talent, a'peine a foutenir fon Wauxhal, qui, n'ayant rien de bien vif, eft un fpeclacle très-ennuyeux a la longue & femble devoir tomber nécefiairement. Le Colyfée , qui s'ouvre de tems en tems pour voir fi 1'averfion du public contre ce lieu comrnence a fe pafler, ne le ratnene pas davantage;. il n'y avoit dimanche dernier que 1800 perfonnes. En général il n'y a que les filles, les gens abfolument défceuvrés & les étrangers qui aiK lent en ce lieu froid, oh l'on eft toujours tenté de demander quand cela commencera -t-WÏ A la page 48. Le 18 aoüt 1773. La lettTe de M. de Voltaire a Madame la comtefle du Barri fait une fenfation prodigieufe parmi les courtifannes de cette capitale. ILn'en eft aucune d'une certaine efpece qui n'en ait une co» pie fur fa loilette. Les patriotes en font iadignés , & furtout de 1'affimilation qu'il fait ds cette divinité avec ,1a nymphe Egérie, nom allé^ gorique qu'il lui donne, comme fi è 1'exemple de celle - ci, qui infpira Numa lors de la formation de fes loix pour le peuple romain, il exaltoit la part que la favoritè a eue dans la révolution de la magiftrature &de la conftitstion de 1'état. On voit, au furplus, que Ie Philofophe de Ferney voudroit bien , a la £?. v.eur de tant d'adulation faire donner fon opera?  ( 3?S> ) de Pandore pour les fêtes du manage du comte d'Artois. A la page 48. Le 19 aoiit 1773. Me. Linguet. n'a pas tardé a faire paroftre fon nouveau mémoire trés - volumineux. II a pour titre Ré/umé général pour le comte de Morangiès. II a moins d'éloquence que les autres ; mais c'eft celui qui contient des raifonnemens plus fpécieux. A la page 48. Le 20 aoüt 1773. Un caustique vient de répandre des Obfervatians fur la requête préfentée au roi par la faculté de médecine de Paris , contre 1'établiffement de la commiffion royale de médecine. Elle eft impriméë a Louvain. L'auteur ne fe nomme point & craindroit avec raifon la vengeance des docteurs de Paris pour les vérités dures qu'il leur dit. A la page 48. Le 21 aoüt 2773. C'eft décidément M. JYccker qui a le prix d'éloquence; il n'eft point remis comme onlecraignoit. Quant a M. de la Harpe, fa victoire a été bien balancée:.une partie de Pacadémie vouloit que le prix dé poëfie füt remis,mais Ia cabale volterrienne 1'a emporté. A Ia page 48. Le 22 aoüt 1773. Preuves réfultantes du procés pour la Dame Romain & le Sieur Dujonquay fon fils, contre le comte deMorangiès , maréchai de camp, le Sieur Dupuis, injpecleur de police, le Sieur Desbrugnieres, fon adjoint, & encore contre M. le procureur général. Tel eft le titre du nouveau mémoire de Me. Verraeil: il eft divifé en deux parties.  C 330 ) i». La décharge de 1'accuration qui avoit été pourfuivie contre eux fur une piainte en excroquene de 327. 000 livres de billets. sfi. Les condamnatioDs civiles prononcées h leur profit, Au foutien de la première partie 1'avocat adminiftre trois fortes de preuves: preuves littérales , preuves teflimoniales & judiciaires, preuves morales. Les preuves littérales confiftent dansles billets qui fubfiftent dans toute leur force, puisque les déclarations concraires font nulles: io. comme étant Pouvragedes manceuvres & de la violencepratiquéeparDesbrugnieres,2o. comme portant avec elles-mëmes la preuve de leur fauiïeté. Des preuves teffimoniales & judiciaires il confte 10, que la Dame Romain a toujours jouï d'une aifance hocnête; 20. que la Dame Verron avoit beaucoup d/or en fa poiTeffion avant le prêt; 30 qu'on en a beaucoup compté dans lecabinetde Dujonquay le 21 feptembre 1771; 40 que Dujonquay a fait dans Ja matinée du 23, plufieurs voyages, chargé de facs, en montant au fauxbourg Saint-Jacques , oh demeuroit alors le comte de Morangiès; 5". que Dujonquay a porté fon or chez lui, & qu'il recevoit a chaque voyage une reconnoiiTance dc la fomme qu'il lui remettoit. Enfin, les preuves morales font établies par la conduite du comte lors de fes billets, poflérieurementa fes billets, & dans tous le cours de cette a/faire.  C 33* ) L'orateur ne fe difïimule pas les objections de fon adverfaire cc les réfute avec la même force. Dans la feconde partie il difcute cinqdifpoütions de la fentence relativement aux condamna- * tionsciviles envers Dujonquay & la dameRomain; il en fait voir la juftice,ou plutót combien elles font modiques relativement aux vexations longues, multipliées, & inouïes que ces malheureux ont éprouvées. II eft impoflible de procéder avec plus de Io« gique, d'ordre, de méthode que ne le fait Me. Vermeil. Sa péroraifoa eft un chef - d'ceuvre d'éloquence par l'adrefTe avec laquelle il ramene dans fon parti même les partifans les plus zélés du comte de Morangiès, en faifant voir qu'il eft de leur intérêt qu'il fuccombe avec éclatjéc portant Ia peine due è fon crime,rafiure tous les ordres de citoyens alarmés. A la page 48- Le 23 aoüt 1773. Copie d'une lettre de M. de Voltaire a Madame la comtefle du Barri. Madame, M. de la Borde m'a dit que vous lui aviez ordonné de m'embraffer des deux cótés de votre part. Quoi, deux baifers fur la fin de ma vie, Quel paffeport vous daiguez m'envoyer! Deux, c'en eft trop, adorable Egérie , Je ferois mort de plaifir su premier. II m'a montré votre portrait: ne vous fachez  C 332 ) pas,- Madame, fi j'ai pris Ia liberté de lui rendre les deux baifers. Vous we pouvez empécher cet hommage, foible tribut de quiconque a des yeux: C'eft aux mortels d'adorer votre image, L'original étoit fait pour les dieux! J'ai entendu plufieurs morceaux de Pavore de M. de la Borde ; ils m'ont paru dignes de votre proteétion. La faveur donnée aux véritables talens, eft la feule chofe qui puiffe augmenter Péclat dont vous brillez. Daignez , Madame, agréer le profond refpeét d'un vieux folitaire dont le cceur n'a prefque plus d'autres fentimens que celui de la reconnoifiance. Nota: pour Pintelligence de cette lettre, il faut fcavoir que M. de la Borde, le valet-de chambre du roi , eft allé h Genêve , qu'il a fait une rnufique pour les paroles de 1'opera de Pandore de M. de Voltaire. A la page 48. Le 23 aoüt 1773. Les lettres patentes pour l'éreclion de la falie de comédie a 1'hótel de Condé ont été enregiftrées ces jours derniers au nouveau tribunal. Le préambule contient un grand éloge de ce fpectacle. A la page 48. Le 23 aoüt 1773. II paroit un Mémoire fur l'ufage qu'il conviendroit faire du revenu des abbayes qui Jont en commande. Le projet de 1'auteur mérite qu'on en rende un. compte particulier*  ( 333 ) A Ia page 48. Le 24 aoüt 1773. Voici Ie préambule des Lettres patentes pour la cons. truétion des batimens devant fervir a la comédie francoife. ,, L'hötel dans lequel nos comédiens francois „ donnoient leurs repréfentations, étoit devenu dans un tel état de caducité , qu'il n'étoit „ plus poffible de les y continuer : pour ne „ point lailler-interrompre un fpectacle, devenu „ célebre par les aéïeurs , encore plus par les „ drames qu'ils repréfentent, & dont Ie but „ eft de contribuer autant k la correétion des ,, mceurs & a la confervation des lettres, qu'a„ 1'amufement de nos fujets, nous avons bien „ voulu permettre k nos comédiens francois „ l'ufage du théatre de notre palais des Tuil„ leries; mais nous reconnftmes dès lors 1'im„ poffibilité d'y laiffer fubfiiter un fpeétacle „ public s'il nous plaifoit de féjourner dans la capitale de notre royaume; d'ailleurs „ 1'étendue & la difpolition primitive de ce „ théatre , pour un autre genre de fpeétacle ont fait connoftre qu'il étoit incommode aux „ atleurs de la comédie, par Ia nécefïité de for- eer continuellement leurs voix pour fe faire „ entendre, inconvénient qui en rendant la dé„ clamation pénible & défavantageufe, préju„ dicie également d la fanté des acteurs, & 3 Ia „ fatisfadlion des fpeérateurs: ces confidéra,', tions, que nous avons envifagées, & que les „ comédiens francois nous ont fait expofer,  C 334 ) „ nous avoient détcrminés a leur permettre „ de reconfiruire leür falie fur le même ,, emplacement que 1'ancienne; nous avions même pris des mefures pour les aider; & notre bonne ville de Paris leur avoit déja avancé la fomme néceffaire pour ac„ quérir quelques majfous contiguës a cette ancienne falie, afin d'en rendre les difpofi„ tions plus commodes & les iflues moins dif„ ficiles; mais fur ce qui nous a été obfervé „ par les officiers de police que les abords en , étoient ineommodes & ne fuffifoient pas a ,',Taf!uence des fpeclateurs & au nombre des „ caroffes, enforte qu'il en réfultoit fouvent „ des accidens & toujours des embarras qui „ empêchoicnt le paffage des voitures néces„ faires au fervice & au commerce de notre bonne ville de Paris, il nous a paru que pour „ Putilité & la commodité pubüque, il con„ venoit de choifir un autre emplacement. Parmi les divers plans & projets qui nous ont , été propofés, nous n'en avons point trouvé ' de plus propre a remplir en même tems les différens objets d'agrément & de commoi dité auxquels il convenovt de pourvoir, que celui d'une nouvelle conftruöion fur une partie des emplacemens de Tanden béte! de " Condé,en fuivant en cela les difpofitions par nous primitivement indiquées , puis qu'en " acquérant ledit hótel & un trés - petit nombre de m3ifons qui y font contiguës, ladite falie " de comédie fe trouvera ifolée au milieu d'un  C 535 b „ vafte emplacement, & que fur Ie furplusdüter„ rain l'on pourra conftruire avec avantage nom. „ bre d'hótcls & de maifons qui contribueront k „ embelhr de plus en plus un quartier déjaorn* „ par notre palais du Luxembourg & princf. „ paiement fréquenté par les étrangers., &c. " A la page 49'. Le 2fJ aoüt 1773. M. de Voltaire n'eft pas refté muet parmi tant d'e mémoires répandus dans 1'affaire du comte de Morangiès; il a repris la plurae & a écrit Précis du procés de M. ie comte de Morangiès contre la famille Verren. II ne fait qu'y reflaffer ce que Me. Linguet a dit & répété, & ce qu'il a déja dit Iüi-même dans fes diverfes probabilirés. Mais quelque peu raifonné que foit ce pamphlet, il eft très-dangcreux pour legros des lefteurs a'ifé k féduire par le charme du fti!e,& ce perfiHare arner que le philofophe de Ferney entend fi bien. Non content de cet écrit anonyme, il en répaad un autre qu'il avoue plusauthentiauement. II eft.intitulé: Lettre de M. de Voltaire d Meff'. eurs de la nobleffe du Gévaudan, qui ont écrit en faveur de M. le comte de Morang'ès. Elle eft datée de Genêve du 10 augufte 1773. Elle roule fut la déclaration dont on a parlé, inférée dans uti mémoire de Me. Linguet, & foufcrite par quelques gentilshommes prétendus yojfins du comte de Morangiès. Ce qui rend ce nouvel ouvrage de M. de Voltaire extrêmement infidieux,c'eft 1'adreffe infernale qu'il a eue d'yinférer le propos foi- difant du roi: il y a mille pre-  C 33ö ) baïïtés contre me, que M. le comte de Morangiès n'a pas regu les cent mille kus, propos qu'il fait fonner bien hautcomme du plus grand fens &? du jugement le plus droit, & par lequel il femblü vouloir forcer les fuffrages non - feulement des fpeclaêteurs, mais encore des juges intimidés par cet oracle forti de la bouche du légiilateur même. A la page 50. Le 28 aoilt 1773. II paroit feconde Lettre de M. de Voltaire d Meffieurs de la nobleffe du Gévaudan, fur le procés de M. le comte de Morangiès, datée de Genêve le ïrj augufte 1773. II y reffaffe de nouveau les improbabilités prétendues de 1'accufation des Verron qu'il réduit k 22 & qu'il fuppute fe monter a plus dc cent. Le fonds de 1'ouvrage n'eft qu'une répétition de ce qu'il a déja dit; mais on voit que 1'objet prineipal de cette épitre eft de faire valoir le propos du roi, comme mettaht k couvert 1'honneur de M. de Morangiès dans le tas oh il fuccomberoit, & d'atténuer Peffet qu'auroit produit 1'excellent mémoire de Me. Vermeil, en cherchant a y trouver des contradiétions, & en inflnuant qu'il ne fe mêle plus de cette caufe abominable , que paree qu'il y eft engagé. A la page 50. Le 29 aoüt 1773. Le nouveau mémoire dont on a parlé, a pour titre: Mémoire relatif d 1'affaire du comte de Morangiès avec les héritiers Verron, pour le Sieur Gronfiel, ancien procureur au parlement, retiré vslontairement de Jon  C 337 3 fonètat en feptembre 1762, contre Me. Falconnet, avocat, fes adhérans, complices. II eft figné Grondel, autor, £f aclor. Et cette chute burlerque annonce déja une tête échauffée & un peu folie Le contenu du mémoire ne dément point cette idéé: c'eft un bavardage fort long, oh l'on ne voit d'autre but que celui de faire diveriion dans 1'affaire de M. de Morangiès, & de dire de groffes fottifes a Me. Falconnet, qu'il a prétendu expulfé de la communauté des nro'cureurs connu & méprifé de tout Paris. 11 fait eü con^ quence Phiftoire de fa vie, divifée en trois par" ties 10. depuis fa naiffance jufqu'au traité de lon office de procureur au parlement; 20. depuis fa réception dans cet office, jufqu'a Pin ftant qu'il s'en eft défait; 30. depuis qu'il a vendu fa charge jufqu'è ce jour. Ce qu'on y voit de plus clair, c'eft qu'il eft auteur d'une brochure intitulée : Effai fur la profeffion de procu. reur, de beaucoup d'autres ouvrages en ce gen re, ainfi que de divers projets reftés enfufpens & le tout pour 1'inftrudtion, 1'honneur & la gloire de fa communauté. On ne peut difconvemr qu è travers la fingularité du mémoire & de fon ftile on ne reconnoiffe un homme d'espnc, mais dont il faudroit qu'une tête nl„noüre arrêtat les écarts. Quoi qu'il eSiT ce^ouvrage ne pouvoit rieï faire au fonds du A la Page 50. Le 30 aoüt 1770. 0n a re  C 333 ) qui n'ont pas eu plus de fuccès quedecoutume, le local écaat trop étranglé & ne pouvant fuffire a un pareil jeu, qui doit êtré un fimulacre en petit d'un combat maritime. La foire Saint - Ovide s'eft ouverte depuis quelques jours a fon emplacement ordinaire: Madame, & Mad. Elifabeth, fa fceur, s'y font rendues jeudi dernier, & ce fpecftacle, fait pour des jeunes perfonnes de leur age, les a infiniment amufées. A la page 50. Le 30 aoüt 1773. Quoique le difcours de M. Neckercouronné h Pacadémie francoife, fuivant l'ufage qu'a rétabli un dernier arrêt du confeil, foit approuré par deux docfteurs de forbonne trés ■ connus, la faculté. de théologie, ou du moins quelques membres de cette faculté, font fcandalifés de la maniere cavaliere dont le philofophe orateur y parle de 1'exiftence de dieu, qu'il femble ne donner que comme une opinion utile; cependant, comme le paffage n'eft que louche, & que Pécrivain s'exprime ailleurs d'une facon plus cathégorique, on ne croit pas que Pon s'en occupe en forbonne. A la page 51. Le 30 aoüt 1773. Le propos du roi qu'on a cité fur 1'affaire de M. le comte de Morangiès, quoique contradictoire h celui qu'il avoit tenu dans le commencement du procès fur cette même matiere, eft vrai. II avoit dit d'abord qu'il falloit que M de Morangiès fut m fripon ou m fot. II a dit depuis en effet  C 339 ) qu'il y a voit mille contre un k parier que M de xMorangiès n'avoit pas recu les cent mille' équs ; mais il a ajouté qu'il y avoit a parier ce pendant qu'il perdroit; & M. de Voltaire en le rapportant a jugé a propos de le mutiler & de s'en tenir a la première partie. A la page jj. Le 3 feptembre 1770 Les Obfermtions fur la requête de la faculté contre ia commiffion de médecine font affez généralemenr attnbuées au Sieur Louis, chirurgien fameux qui a écrit fur fon art. La faculté eft furieufè contre lui, & lui reproche beaucoup d'êneries dans fon ouvrage. A la page jri. Le 6 feptembre i77, Le feu roi avoit inftitué des prix pour les arts Ia peinture, la fculpture & 1'architecfture & eer établiffement fe perpétue encore; mais en outre les jeunes gens couronnés paftbient a Rome aux dépens'de S. M. & y étoient entretenus & m: dés dans la perfeeftion de leur talent fons Pin fpecftion d'un homme célebre de 1'académi direefteur de celle de France dans Ia capitale du monde chrétien. C'eft aujourd'hui M Nat toire qui y réfide en cette qualité. Depuis quel-* ques années aucun éleve n'y avoit été envové & Ie défaut-de fonds fans doute empóchoit de maintenir cette inftitution. M. le contröleur général , qm préfïde aux arts aujourd'hui a été determine k Je faire revivre, & ]'0n va faire partir ceux quPont remporté le prix cette fois dans les divers genres. P 2  C 34° ) A la page 57. Le 8. feptembre 1773. M- de Voltaire a écrit une troifieme lettre a Meffieurs de la Nobleffe du Gévaudan en date du 26 augufte 1773 j oh il confirme le bruit de la fouscription dont on a parlé. C'eft un fonds fait par plufieurs officiers pénétrés de 1'innocence du comte de Morangiès en connoiffance de caufe en préfence du marquis de Monteynard; il demande ^en conféquence au nom de M. de Floriau, fon neveu, permiffion a la nobleffe du Gévaudan de foufcrire avec elle , fi elle prend le même parti, Tout cela eft une tournure pour'rendre la chofe plus touchante, pour entrer en matiere & bavader de nouveau. II imite ici le Sieur Linguet & maltraité fort le bailly du palais, ainfi que les divers particuliers impliqués dans la caufe. Rien de nouveau qu'une plus grande impudence. A la page 59. Le 10 feptembre 1773. M. de Voltaire vient d'adreffer une Epltre a M. Marmontel, auteur de jolis. contes , Mftoriographe de France. Telle eft fa dédicace. C'eft au furdus un perfifiage affez léger de la cour & de Lvis oh ü n'y a rien de neuf que des tournuc inaénieufes & piquantes pour faire paffer 1 farcafmes que le philofophe de Ferney ne pnts'empêcher de lancer fans relache. A la page 62. Le 11 feptembre 1773. L'exécuüon dans le chant de 1'opera de L'union de SI V des Arts, n'a pas été auffi parfa.te qUeTxigeoit un pareil fpeöacle; dans le pre-  C 341 > mier acte Ie Sieur Ie Gros fait affez bien Ie róle de Bathile qu'il chante a demi- voix, & avec cette timidité qui doit caradtérifer Ie véritable amour, mais celui d'Harpage étoit rempli par le Sieur Beauvalet, perfonnage fans nobleffe dans la figure, dans les attitudes & dans la mamere de chauter. La Dlle Beaumefnil a toujours une voix feche & aigre qui ne peut aller aux fituations de fentiment ou elle fe trouve dans cet acte, & 1'organe chevrotant de Gélin ie rend deformais infoutenable fur la fcene La Dlle Duplant & le Sieur Larrivée'réuffisfent trés-bien dans la feconde entrée, la première, quoique d'une taille & d'un dévelopoement trop fafieux peut-étre pour rendre une beauté timide, jufqu'alors babituee a 1'obfcurité de Ia lolitude, a du moins de la fenfibilité& de 1'ondtion; 1'autre a une aifance dans le chant & un jeu naturel qui caraftérifent a merveille un empereur qui va choifir entre tant de beautés celle qu il ne tient qu'a lui de rendre heureufe Mad Larrivée dans la troifieme entrée, en' fa quahte de préfidente, & d'amante qui combat 1 amour, fauve trés bien la froideur ordinaire de fon jeu, qu'elle répare encore mieux Par les agrémens de fa voix & la gentilleffe de fon execution. Mais le Sieur Tirot,. court & gros comme un tambour, a plus 1'air d'un fuivant de Bacchus que d'un efclave de 1'Amour.. Un elt raché de retrouver encore Ia Dlle Be-umefnü dans le róle de Céphife; cependant éét* ? 3  ( 342 ) ine il exige pis de fineffe que d'ondtion, elle réuffit mieux dans ce dernier afte que dans le premier. A la page 62. Le 12 feptembre 1773. ?pltre d M. Marmontel, auteur de jolis contes , hifto~ riographe de France, par Mr. de Voltaire. Mon très.aimable fuccefleur, De la France hiftoriographe, Votre foible prédéceffeur Attend de vous fon épitaphe. Au bout de quatre-vingts hyvers, Dans mon obfcurité profonde, Enfeveli dans mes déferts Je me tiens déja mort au monde. Mais fur le point d'être jeté Au fond de la nuit éternelle, Comme tant d'autres 1'ont été, Tout ce que je vois me rappelle A ce monde que'j'ai quitté. Si vers le foir un trifte orage _ Vient ternir 1'éclat d'un beau jour, Je me fouviens qu'a votre cour Le tems change encore d'avantage. Si mes paons de leur beau plumare Me font admirer les couleurs, Je crois voir vos jeunes feigneurs Avec leur brillant étalage; Et mes coqs d'Inde font 1'image De leurs pefnnts imitateurs. De vos courtifans hypocrites Mes chats me rappellen; les tours; Les renards, autres chatemites,  C 343 ) Se gliffant dans mes balles cours, Me fout penfer a des jéfuites. Puis-je voir mes troupeaux bêlans, Qu'un loup impunément dévore, Sans fonger a 'des conquérans Qui font beaucoup plus loups encore, Lorfque les chantres du printems Réjouiflent de leurs accens Mes jardins & mon toit ruftique, Lorfque mes fens en font ravis, On me foutient que leur mufique Cede aux bémols des Moncinis Qu'on chante a 1'opera comique. Quel bruit chez le peuple helvétique? Brionne arrivé, on eft furpris, On croit voir Pallas ou Cipris, Ou la reine des immortelles; Mais chacun m'aprend qu'a Paris On en voit cent prefqu' auffi belles. Je lis cet éloge éloquent Que Thomas a fait fcavammant Des dames de Rome & d'Athenes; On me dit: partez promptement, Venez fur les bords de la Seine, Et vous en direz tout autant, Avec moins d'efprit & de peine. Ainfi du montte détrompé, Tout m'en parle & tout m'y ramene. Serois-je un. efclave échappé Qui porte encor un bout de chahie? Non, je ne fuis pas foible aflez Pour regretter des jours ftériles, Perdus bien plutót que paffes Parmi tant d'erreurs inutiles., P 4  C 344 ) Adieu, faites de jolis riens, Vous encor dans 1'age de plaire, vous que les araours & leur mere Tiennent toujours dans leurs liens. Nos folides hiftoriens Sont dei auteurs bien refpeclables, Mais a vos chers concitoyens Que faut-il, mon ami? des fables...... A la page 62. Le 13 feptembre 1773. M. de Voltaire, dans fa troifieme lettre aux gentilshommes du Gévaudan, en s'élevant contre les arrêts injuftes ,cite dans le dénombrement celui rendu par Ie parlement de Paris contre M. de Lally, qu'il appelle Le brave Lally: cela a confirmé le bruit que le philofophe de Ferney travailloit a 1'apologie de ce criminel fupplicié; en effet, depuis quelques jours il court dans Paris un fatlum en faveur de cet illuflre fcélérat, & l'on ne doute pas que ce ne foit le premier effort de ce grand réparateur des torts. A la page 62. Le 14 feptembre 1773. M. de Voltaire n'a pas msnqué de faire éclater fa joie a la réception de I'arrêt du comte de Morangiès: il a écrit une quatrieme lettre dia nobleffe au Gévaudan: elle eft datée du 8 feptembre. Elle contient un pompeux éloge du nouveau tribunal qui s'eft abftenu, dit-il, de manger depuis cinq heures du matin jufqu'a 6 heures du foir. 11 s'écrie qu'il voit dans cet arrêt qu'on a été plus occupé d jujlifier la vertu opprimée, qu'a punir le crime, & il ajoute que M. de Morangiès lui  C 345 ) fui a mandé que fes fentimens s'accördoient avec' I'arrêt. A la page 64. Le 18 feptembre 1773. Les; vers fui vans faits a la louange de Me. Linguer prouvent a quel point de délire peut monter uner imagination exaltée par' 1'efprit de parti: au fur-plus, ils font pleins de verve, d'harmonie' & d'images; il ne leur manq.ue que d'être mieux> appliqués* Tü' triomphes, Linguet; laifle frémir l*ènvfe Donne-lui le tribut que lui doit le génie; Ce monftre par fes cris, dés tes plus jeunes ailSy Aux vils perfécuteurs dénonca tes talens; HIeurdit:annez-vous;je vois naftreun grand homme;.. Punis-les par ta gloire, & fouviens-toi qu'a Rome,, Couronnés de lauriers, les Scipions vainqueurs,. Montoient au Capitole au bruit de leurs clameur*;Miniftres dévoués a fa rage intrépide, Üt fouillés des poifons de fa bouche Iividèy Tes ignobles rivaux, tes ennemis rampans' Autour de ton trophée enlacent les ferpensr Mais 1'hydre eft abattue', & fes- têtes impurer S'épuifent du venin qui fort par leurs bleiïures:: Ce peuple audacieux, contre toi déchainé ,, S'agite dans Ia fange a ton char entrainé,. Et les chefs infolens,. écrafés fous Ia r'buë' Mêlent en vain 1'outrage, a Ia voix qui te lóüe;; Tu t'avilirois trop a répondre a leurs cris:: Un généreux athlete abandonne au mépris; D'obTcurs gladiateurs defcendus dans 1'arêiië-;; ïfchiie pouvoit feul déüer Dérnoftnéne', $ ' 5'  C 34e ) Et dans les jeux brillans d'un peuple de héros Alexandre vouloit des rois pour fes rivaux. Refpefie tes talens, fois fidele a la gloire: Eh! qui pourroit ternir 1'éclat de ta victoire? fur toi du haut du tróne entouré des beaux arts, J'ai vu, j'ai vu Louis attacher fesregards: En fpeétacle a la cour autour de toi rangée, Tu conduifois vers lui 1'innocence vangée. Et j'ai vu les Francois idolatrant leur roi, L'oublier un moment pour n'admirer que toi. II faut, pour comprendre cette fin, fcavoir que Me. Linguet eft allé a Verfailles avec le comte de Morangiès ; mais il n'a pas été plus regardé du roi que fon cliënt. Cette epitre eft d'un M. du Ruflé officier. A la page 65. Le 22. feptembre 1773. II y a une réponfe de M. Marmontel a la jolie éprtre deM. de Voltaire, mais c'eft 1'ane qui braie a cóté du roflignof A la page 71. Le 30 feptembre 1773. M. de Joffau, 1'au'eur d'une ingénieufe critique du fallon de I7ö"9, fous le titre de Raphaël ,qui en avoit donné une en 1771 moins bonne, mais plaifante encore, a continué cette année fon travail fous 'un autre titre: -Eloge des tableaux expofés au Louvre le 25 aoüt 1773, fu^ de Ven- tretien d'un lord avec M 1'abbé A Cette nouvelle tournure auroit pu être trés - gaie cc trés-p'quante, fi les artiftes, en garde contre ce fro^deur téméraire, n'avoient eu recours è 1'abbé Terrai, leur protecteur aéluel, & préve-  ( 347 > nu d'avance Ia police pour arréter ce qui les blefferoit; enforte que cet écrit a eu toutes les peines du monde a percer, & qu'il paroit dans un état pitoyable, corrigé, défiguré, en un mot fans nul intérêt, ni farcafme. A la page 74- Le 3 oStobre 1773. M. Gilbert de Préval ne nie pas aujourd'hui avoir fait fur lui-même la honteufe expérience qui a donné lieu a la faculté de le rayer. Voici les expreflions latines de fon décret: In promptu ejï qudm gravi, qudm acerbo dolore affecla fuerit quando in fuis comitiis audivit magijirüm Guilbert de Preval, nnum ë fuis, jïc dignitath fuce obliturn fuijje ut argyrtarum more remedium quoddam antivenereum &?, ut temerë ac impudenter jaclitabat, prophilaSticum, venditaret; imb fic mo~ rum aujieritatis quos medicum decet, immemorem fuiffe, ut infami portentofoque cxperimento publico r fcorto profiituere fe non erubuerit, ut eidem remedio fantam fidemque concüiaret. Mais, fans dire ni oui ni non dans fon mémoire, il prétend que les do&eurs nommés pour informer du fait & qu'ils rapportent avoir ouï-dire par des grands & autres trés - ill'ustres perfonnes, n'ont pu être d'une autorité affez grave pour opérer fa radiation & le faire déclarer infame. Son mémoire , quf auroit pu être trës-pFarfant par des détails curieux, ne 1'efir nuffement, & d'ailleurs eft tres-mal di'géré\ ntoP 6  C 348 y que pas le fond & 'fie le défend que fur la for» me, que Pavocat prétend mal obfervée. A la page 75. Le 6 oeïobre 1773. Orpha* nis fe trouve' interrompue par le voyage de Fontainebleau; on a arrêté cette tragédie è la troifieme repréfentation & annoncé qu'on ne la reprendroit qu'au retour, ce qui donnera £ 1'auteur Ie tems de changer dt de corriger. A la page 75, Le 7 oEtobre 1773. On répand diverfes critiqués fanglantes de l'&de fur la navigation s de M. de la Harpe: on fcait que Ce candidat a été couronné par Pacadémie, & fes rivaux furieux s'efforcent de faire voir Pinep» tie de la piece & des juges, qui font très-mor» tifiés de ces fatyreS. A la page 76. Le 9 óclobre 1773. Lm jeune peintre nommé Trinquet, non illuüre encore, mais' enfiammé du defir de la gloire, a voulu fe faire connoitre par quelque tableau d'éclat. II a imaginé de peindre Mlle Raucoux, efpérant partrsiper a la célébrité d'une actrice qui a fait tant de bruit & dont tout le monde voudroit voir le portrait: en conléquence, il en a demandé la permiffion a Ia comédienne; elle y a confenti. II a voulu prendre quelque fituation intérelfante des divers róles 011 ellejoue, & il en a donné le choix a fon modele. Elle a préféré d'être peinte en Hermione dans le moment oü Orefte vient lui annonGer Ie meutrs de Pyrrhus. Le publiG s'etnpreffe d'aller voir  C 349 ) eet ouvrage quf eft achevé. Mlle Raucouxr efï de grandeur naturelle; fa figure paroit extrê1 mement reffembiante; il y a beaucoup d'exprefllon dans la phyfionomie; la fituation violente de fon ame y eft trés - bien rendue; elle femble régner dans toute 1'babitude du corps, &. fes pieds même font dans une contraclion violente ; il y a beaucoup d'art auffi dans la draperie extrémement riche & dont les détails fonü fcavamment traités. II paroit que le coloris eft la partie par ob 1'auteur pêche» En général fon ouvrage annonce beaucoup de talent, & fa noble émulation fera certainement récompenfée par des fuccès. A la page 77. Le ir oiïobre 1773. Les deux comédies font dans le plus grand délêbrement au moyen d'une innovation introduite cette année par M. le maréchai duc de Richelieu, qui ne veut point que ceux deftinés pour jouer a Fontainebleau devant le Roi, en reviennent,& exige qu'ils y féjournent pendant tout le voyage. C'eft ce qui a obligé de fufpendre les nouveautés. A la page 83. Le 19 oeïobre 1773. Les Graces, les Amours <5c lesMufespleurentégalement k mort de Mad. la princefie d'Egmont, fille du maréchai duc de Richelieu, «Je qui a ce titre avoit droit de prétendre è figurer parmi toutes ces divmités. II paroit qu'un attrait invincible pour le plaifir a abrégé les jours de cette femme «rès-voluptueufe. P y  c 350 y A Ia page 84. Le 21 oclobre 1773. Les badauds s'emprefTent d'aller voir la Sarnaritaine qui eft enfin réparée k neuf. Ce monument trés - médiocre ne plaït pas aux gens de goüt. Au lieu de bronfer les figures qui forment le groupe au milieu duquel eft la coquille, on les a dorées, ce qui préfente un mat qui les révolte , & éblouït les fots. A la page 86. Le 25 oeïobre 1773. Le Mémoire d conjülter 6f confultation du Sieur Marin eft trés-peu de chofe; ce n'eft qu'un préliminaire pour annoncer au public qu'il s'occupe de fa défenfe. II y demande confeil fur la voie qu'il doit prendre pour obtenir une réparation authentique d'un outrage qu'il ne fgauroit dijjimules fans lui donner plus de confijiance £ƒ de crédit, II annonce qu'il a des preuves trés-évidente» de hfauffeté des calomnies; qu'il feratomberle mafque a un autre coupable qui fe cache, & qu'il donne grande envie de connoïire, & qu'a la Saint - Martin il fera tout éclater. Après ces trois pages in 40. du mémoire k confulter fuit une confultation de 1'avocat Labourée qui n'eft connu de perfonne. Ce grand jurisconfule lui tracé le chemin qu'il doit prendre pour avoir afte de la plainte qu'il rendra des faits, injures, calomnies k détailler dans la requête pour fixer les preuves & les empêcher de dépérir. Cette confultation, un peu plus longue, eft délibérée du 9 de ce mois,. & ne; paroit que depuis peu , quoique le mémoire d&  C 351 ) Beaumarchais fut publié depuis fix femaines. A la page 86". Le 26 oclobre 1773. On va voir par curiofité au Palais la nouvelle chambre des vacations. Meffieurs du parlement ne pouvoient obtenir aucune réparation; cette falie, connue fous le nom de Saint-Louis, tomboit en ruine depuis longtems, & l'on n'en tenoie compte. On fcait que dans plufieurs chambres des magiftrats ont fait faire a leurs dépens les réconftrucftions & embelliffemens néceffaires. M. le chancelier n'a pas voulu que fon tribunal füt dans le même cas; il a fi bien repréfenté les befoins de la chofe, que le domaine a été obligé d'y fubvenir. Cette falie eft plus belle que la grand'chambre, auffi vafte & beaucoup mieux éclairée: elle eft tendue en tapifferies des Gobelins ,diftribuées en différens cartouches parfemés de fleurs de lys oh font au milieu les armes du roi. Dans le verftibulequi précede cette piece, on remarque dix médaillons repréfentant les buftes de différens légifiateurs, orateurs & poëtes anciens; 1'affociation de ces der» niers a paru bifarre en pareil lieu. L'infcrïption qui eft fur Ia porte ne frappe pas moins: elle porte: Raro antecedentem fceleflum fequitur pede poena claudo; elle a rapport a Ia deftination générale de Ia piece qui doit être ure chambre de tournelle, dans Ie cours de 1'année; mais on critiquc cette fentence, quoique très-jufte, comme tirée d'un poëte,' & devaut 1'être de J'écriture fainte, ou de quelque livre de mora-  i 35* > fe plus grave. Quoi qu'il en foit , elfe annon-^ ee que Meffieurs du nouveau tribunal fcauront allier le goüt de la belle littérature, a 1'étude" ingrate du digefle & du code. 11. eft facheux que Tabord de cette fuperbe partie du temple de Thémis ne foit pas ouvert & acceffible,eomme il le faudroit. A la page 85. Le 29 oeïobre 1773. Ou parle de remontrances imprimées du parlement de Bordeaux acTuel contre le monopole, qui font bien écrites, quoiqu'un peu fades en adulation. A la page 87. Le 30 oeïobre 1773. Lettre de Mlle Arnoux de 1'opera a. M. le duc d'Orléans ,pour lui demander la permiffion de tirer up feu d'artifice fur le palais royal, a 1'occafion de la naiflance de M. le duc de Valoisr Monfeigneur, Le théêtre lyrique femble plus fpécialement que les autres dévoué k vos amufemens & a' ceux de votreaugufte maifon, & par 1'honneur que nous avons eu de repréfenter longtems dans; votre palais & par celui d'être en quelque for* - te encore vos commenfaux a raifon des Com. municatious que vous avez bien voulu- nous eonferver. Des titres plus flatteurs vous attaehent le fexe de ce fpeöacle. II fe rappelle que deux beautés fi) tirées de fon fein ont eu» CO Mlle Djfcliatnps, tiïée des cliMurs dè 1'opéra-, & Mlli M'arquife auffi; cetfe dernifre efl: aujburci'iiiii ikü.'de Viiia> «wjuWs & a des enfa-ns du- duc -d'Orl&uis,.  C 353 ) Ie bonheur de partager votre couche, de mêler leur fang au fang illuftre qui coule dans vos veines, & de recèvoir de vous dans leurs flancs des gages chers de leur union avec V. A. Ce feront des évenemens glorieux k jamais confacrés dans nos fafies. Nous n'oubiierons pas non plus qu'une troifieme (2) a fait goüter a un prince cher, votre fils unique, les prémicesdu plaifir; que vous en avez félicité ce jeune athlete dans la carrière de 1'amour, & qu'il a fi heureufement pratiqué fes lecons avec la princeffe aimable, depuis fa compagne, qu'elle vient enfin de vous donner un rejeton précieux. Pourrions • nous refter infenfibles a ce qui fait la joie de tout Paris & de la France entiere ? Permettez, Monfeigneur, que nous témoignions notre alégrefie, & que nous vous donnions en cette occafion des marqués de notre zele refpecftueux. Suivant un ufage antique a la naiflance des des rois on apportoit de l'or,de la myrrhe, de 1'encens. L'or aujourd'hui feroit une offrande trop vile pour un grand prince, comme vous;la myrrhe eft, je crois, un aromatepeuagréa* ble, & quant k 1'encens, tant de mains délicates le font fumer devant vous, que je n'ai garde de m'en mêler. Par la pofition de ma demeure, Monfeigneur, fur Ie jardin de votrepa- f2) Mlle Roralie, aujourd'luii Mlle Dmlié, fi Ktdcnfe m fon ftfle & fa beauté.  C 354 ) lais C3),jeme trouve k portée de faire parvenir jufqu'a 1'augufte accouchée, 1'éclat & le bruit de notre hommage. Le dédaignerez-vous ? Je n'ai a préfenter a V. A. qu'un petit feu, une explofion vive & beaucoup de fumée. Celui dont brülent nos cceurs pour V. A. eft plus durable & ne s'éteindra qu'avec nos vies. Je fuis avec un profond refpecft, Monfeigneur, De votre AlteiTe Sérénifïïme la trés - humble Sec. Paris ce 20 oeïobre 1773. Le vingt-deux oótóbre, Monfieur le Duc d'Orléans ayant donné le permiffion aMademoifelle Arnoux de tirer fon feu d'artifice, il a eu lieu k Ia fortie de 1'opera. A la page 88. Le i«. novembre 1773. L'opera profite du délabrement oh font les comédiens pour recruter des fpeöateurs. Comme il n'a pas été obligé d'aller k Fontainebleau, étant réfervé tout entier pour les fêtes, les meilleurs acteurs jouent habituellement dans l'union de 1'Amour £f des Arts: Sc ce fpectacle, trés ■ agréable parlui-même, attire journellement du monde, & dédommage un peu le théatre lyrique de fon inaction. (3) Mlle Arnoux loge fur Ie jardin du palais royal au fond de Ia grande allee, enforte que Madame Ia Ducliefle de Char ■ tres de fon appartement pouvpit voit & entendre le feu d'artifice.  C 3JJ ) A la page 90. Le 4 novembre 1773. Quoique beaucoup de gens critiquenc le nouvel hötel de la monnoie, il eft admiré par les connoiffeurs impartiaux; il réunit 1'étendue, les commodités, lafolidité, la nobleffe; fafaeade eft fimple óc impofante; on regarde la falie du Ij confeil, comme une des belles chofes qu'on puiffe voir; en un mot, c'eft un vrai monument. Tout paroit annoncer qu'il fera fini dc habité en grande partie a la fin de 1'année pro- I chaine. A la page 90. Le 5 novembre 1773. L'empreffement qu'auroit M. le prince des DeuxPonts è voir jouer la tragédie du Sieur de Fon| tanelle qu'il protégé fpécialement, jette unpeu d'embarras dans le répertoire des comédiens. i La regie eft qu'on joue alternativement une tra! gédie, 6c une comédie nouvelle. On vientde I de donner Orphanis, qui fera reprife après le ' voyage de Fontainebleau: en conféquence ce fej roit aéluellement au Sieur Dudoyer a paffer, le premier en date pour fa comédie,ouplutötpour fon drame du Vindicatif; mais celui-ci, inquiet du fuccès, ne paroit pas avoir grande en■ vie d'être joué, cc feroit difpofé a témoigner i fa déférence au proteéteur de fon camarade. Mais les auteurs comiques en tour après lui fe plaignent de fa molleffe qui les recule d'autant. C'eft la matiere d'une difcufiion portée devant 1'aréopage comique, 6c que les gentilshommes  ( 35ö ) de la chambre'jugeront fans doute digne de leur attention. Le Sieur Fontanelle eft rédacteur de deux gazettes faites aux Deux-Ponts & qui en portent le nom, l'une politique & 1'autre littéraire; ce qui lui donne lieu de prétendre k la faveur du prince. A la page 91, Le 6 novembre 1773. Les divers fpecftacles nouveaux donnés k Fontainebleau n'ont eu aucun fuccès: ce font différens opera comiques d'auteurs cependant connus avantageufement. A la, page 92. Le 8 novembre 1773. C'eft demain que les direfteurs du théatre lyrique remettent Callirhoê. A la page o%, Le 9 novembre 1773. On ne fgait comment Meffieurs du parlement de Bordeaux, malgré les défenfes rigoureufes faites par le nouveau réglement de difcipline de rien laiffer percer dans le public de leurs remontrances, ont donné communication des leurs au fujet du monopole en date du 31 aofit 1773. Elles font touchantes; elles contiennent des vues très-fages fur cet objet, & annoncent au Roi que les auteurs des calamités de la province étoient prés du tróne. Elles font une grande fenfation dans lesprovinces oh elles font répandues & d'oh elles ont percé dans cette capitale. A la page 92. Le jo novembre 1773. C'eft ie Sieur Dauvergne qui a rectifié la mufique de  C 357 ) Callirhoé en 1'enrichiffant de différens airs de danfe & de ballet, & n'a pu 1'améliorer affez pour faire paffer ce fpeétacle qui n'avoit pas eu lieu depuis trente ans. II avoit étéapolaudi dans le principe, mais n'efi pas fupportable au goüt moderne. Les divertiffemens y font en petit nombre & mal amenés. Le ballet des prêtres de Bacchus dévaftant tout dans leur fureur, portant le feu dans toute la ville,n'a produit aucune fenfation par le jeu mefquin des danfeurs, & le peu d'effet de I'aélion. On ne doute pas que les directeurs n'aient fenti que cet opera ne pouvoit réuffir; mais par un vice radical de la conffitution de ce fpeflacle, ces Meffieurs étant appointés & n'ayant aucun intérét fenfible de 1'améliorer & de plaire au public, s'embarraffent peu du fuccès & ne fe donnent aucun foin pour attirer les fpeétateurs; de facon que la manutention du théatre lyrique devient de jour en jour plus difpendieufe pour la ville, qui, depuis quelques années, 1'a rcprife fous fa direction & ne pourra la conferver. A la page 93. Le 12 novembre 1773. On cra'mt que la multitude de* répétitions qui fe font aux menus pour les différens fpeftacles du mariage, ne leur faffe tort, les acteurs en étant extrêmement fatigués. A la page 95. Le 16 novembre 1773. les fpeólacles nouveaux donnés a Fontainebleau font ïo. la Rojiere de Salency, opera lyri- comique en  C 35^ ; 4 adtes, repréfenté le 23 du mois dernier. Les paroles font de M. le marquis de Pezai, & la mufique du Sieur Gretry. 2°. Sémire & Mélide, comédie en deux acfes mêlée d'arietes. Les paroles font du Sieur Anfeaume, & la mufique du Sieur Philidor. Enfin, la Belle Ar/enne, comédie féerie, en trois ac~f.es, mêlée d'arietes, paroles du Sieur Favart, mufique d'un anonime. Ce font ces fpe&acles qu'on prétend n'avoir pas eu de fuccés: mais arrêt fort incertain pas la difficulté de connoftre le cri de la nature, le vrai vceu du public, dans une falie oh l'on ne peut qu'être fpeótateur muet fans fe livrer par aucun battement de mains a\Penthoufiafme de 1'admiration. A la page 95. Le 17 novembre 1773. Une frégate efpagnole vient de découvrir fix ifles habitées dans la mer du fud, a 800 lieues de celle de 1'ifle de Ferdinand : les peuples y font doux , affables, policés, & femblent tenir des bonnes mceurs européennes. La plus contidérable a feize lieues de large fur quatre de long. L'officier efpagnol qui a rendu compte de cette découverte a fa cour, n'a pas cru devoir en donner un plus long détail a fes concitoyens par des raifonis politiques. Au furplus, la nouvelle en queftion eft plus fure que ïa tribu de juifs trouvée dans le Canada, dont parle le Sieur Marin dans fa gazette A la page 99. Le 22 novembre 1773. Le fecond mémoire du Sieur de Beaumarchais fait  ( 359 ) encore plus de fenfation, s'il eft poiïible, que le premier: il révele au grand jour les turpitudes de Ia femme & du mari, avec une candeur, une ingénuité qui charment. Le détail de fes réponfes i Mad. Goezman, toujours honnctes, polies, même galantes, forme un contrafte délicieux avec les bêtifes, les injures, les grosfieretés de celle-ci. On y trouve un portrait de lui-même, oh il repouffe toutes les calomnies atroces dont on le charge én vers fes deux femmes dans des gazettes étrangeres, entre autres dans celle de la JHaye; il réfute également les autres horreurs dont fes ennemis veulent que fa vie ait été un tilTu. Cette affaire eft une efpece de farce, de parade dont cet auteur amufe le public en attendaut fa comédie du Barbier de Séviile, retardée par la circonftance malheureufe de fa rixe avec le duc de Chaulnes. A la page ioö. Le 29 novembre 1773. Dans le confeil d'Alzade depuis 1755 il fut queftion d'en tirer Ie Sieur Goezman pour le faire envoyé de l'élecfteur de Cologne, & enfuite de 1'évêque de Spire en France. Ces projets ne réuffirent pas. Ramené a Paris pour fes affaires, il s'y livra a fon goüt pour 1'étude du droit public & des fciences. 11 publia en 17(58 un Traité du droit commun des fiefs, dont tous les journaux,nationaux & étrangers, ont parlé avec éloge, cité dans un grand nombre de mémoires & de confultations & auquel 1'univerfité de  ( S60 ) Strasbourg a accordé une place honorable dans la bibliothéque publique. La même année Pacadémie de Mets ayant propofé pour fujet de fon prix annuel trois queftions importantes de droit public , le mémoire du Sieur Goezman obtint la couronne académique, & on lui envoya quelque tems après des lettres d'académicien. Encouragé par ces fuccès dans la vafte carrière du droit public, il céda a fon attrait cc quitta fa compagnie (dont on 1'accufe d'avoir été chaffé) & ne fongea plus, dit-il modeftement par Porgane de fa femme dans le mémoire de celle-ci, qu'a marcher fur les traces des Pithou, des Mabillon, des Bignon, des Baluze & des Ducange , & il étoit même fur le point de publier le premier volume d'un ouvrage dans lequel ils reconnoitroient peut-être leur éleve, s'ils vivoient encore, lorfque des circonftances irréfiftibles le rappelerent a fes premieres fondfions. Tel eft le grand magiftrat aujourd'hui calomnié. A la page ioó". Le 29 novembre 1773. On parle du Taureau blanc, conté en profe qu'on dit être de M. de Voltaire, mais dont on ne cite encore que le titre. Fin du vingt-quatrieme Volume.