LË SCULPTÊÜR, O U LA FEMME COMME IL Y EN A PEU3 C O M E D I Ë EN DEUX ACTES ET EN PROSE; Par Madame DE BEAUNOIR; Repréfentêe > pour la première foik , d Paris , fur le Théatre des Variétés Amu*santes, Mercredi 14 Janvier 1784. A AMSTERDAM, Chez CES AR NOËL GUERIN, Librair* du College Dramatique & Lyrique & du Thé£. tre Frangois a Amfterdam. MDCCLXXXVIJ. Prix, 1 liv, 4 fols.  PMRSONNAGES. LE COMTE D'ARTIPHILE. LE.DOÖX, Sculpteur. BÉCARRE, Muacien. L'ABBÉ RÉMIFA. Wdemoifclle DES BRISÉES, Danfeufe. DÜ Cl SE AU, Sculpteur. SU SANNE, Epoufe de le DouS. Madame CAQUET. La Scène ft paft dans m Amlitrl  LE SCULPTEUR, C O M Ê D 1 E. ACTE PREMIER. Le Tbédtre reprêfmte un Atelier de Stulpt eur. SCÈNE PREMIER E. Madame CAQUET, SUS ANNE. Au lever de la toile, Sufanne efi occupêe d peindre. Madame CAQUET. RiPnS nw Af N^',/a mmmt dans k poche def™ tablkr. Uien obligé , Madame Caquet. Madame CAQUET. Que je ne vous géne pas. S U S A N N E. Elle n'efl: pas pour mói. Madame CAQUET. .N'efl:. elle pas pour Monfieur le Doux? S U S A N N E. Oui, Madame. Madame CAQUET. Ehhien ! efl-ce qu'entre mari & femme, on dok avoir des fecrets 1'un pour 1'autre? S U S A N N E. Auffi Ie Doux n'a-t il rien de caché pour moi Madame CAQUET. Et vous n'ofcz 1'ouvrir ? A 2  + LE SCULPTEUR. S U S A N N E. Mon mari ne décachèce pas les, miennes. Madame CAQUET I! a raifon ; mais, s'il n'a rien de caché pour vous, vous pou^ez voir ce qu'on lui écru: peut-être efl> ce une affaire preffée, peut-être exige-telle une prompte réponfe? SUSANNE. Le Doux eft ici; il va bientóc defcendre, & je la lui lemettrai. Madame CAQUET. Ah' ma pauvre voifine, ma pauvre voifine! SUSANNE. Que voule7-vous dire , Madame? Madame CAQUET, Si la plupart des femmes font trompées, elles le méiiient bicn. SUSANNE. Cda fe peut, Madame. Madame CAQUET. Comme on endort ailément une jeune femme! SUSANNE Voulez-vous bien m'expliquer, Madame Caquet, ce que veulent dire tous ces demi-mots? Elt-ce a moi qu'ils s'adreflent? Madame CAQUET. Vous? Bon! vcus avez un mari trop fage. SUSANNE. On ne peut être plus heureufe que je le fuis. Madame CAQUET. C'eft ce que tout le monde dit: cette pauvre petite Madame le Doux, qu'elle dok ótre contente l Au bout d'un an & plus de mariage, fon époux elt toujours auffi empreffé, auffi amoureux que le premier jour. Ce n'efl: pas de ces mauvais fujets qui n'ont pire marton que bleur; qui abandonnent leurs femmes, leurs ménages, & vont s'enfermer toutela journée, & ;ouvent une bónne partie de la nuit, dans une Eftammette, pour fumer, boire & jouer. Le Doux eft toujours chez lui, toujours a travailler-  comedie; m _s il n'a pas de meilleur ami que fa femme: n'eft-il pas vrai, ma voi me? SUSANNE. Sans doute. Madame CAQUET. II voit, a la vérité, dit op, ce Monfieur Bécarre, ce Muficien toujours altéré,qui ne fort d'un Cabaret que pour rentrer dans un autre; qu'on rencontre le matin gris; qu'on raroafle le ("oir ivre-morr maïs i! ne voit que pour le faire rougir de ce eoüt" pour 1'en décourrier; & s'il fe permet quelqucfois dè boire un coup avec lui, c'eft qu'i! fait qu'un necorrjge un ivrogne, qu'en feignant de partager fcn défaut, N eft il pas vrai, ma voifine? SUSANNE. Monfieur Bécarre efï fon ami depuislong-tems • il peut avoir ce malheureux goöt que vous lui reprochez; muis il a le cceur excellent. Madame CAQUET. I! eft hien ctrtain qu'il ne rtiïemble en rien a ce vilam Monfieur du Cifeau, qui eft bien le plu m«chant homme, 1'être le plus envieux qui foit dans Ta nature, Monfieur Ie Doux le voit tous les jours, ne le quitte pas; mais c'eft certainement pour adoucir Ion caractere; & puis il vaut mieux vjvre en paix avec les méchans, que d'ëtre leur ennemi: n'eft il pas vrai, ma voifine? SUSANNE Monfieur du Cifeau eft lié d'affaire avec mon man. vu Madame CAQUET. C'eft encore une ^aifon ; &. comme difent les hommes, les bonnes affaires ne Ce font que le verre a la main. Voiia pourquoi , fans doute, Monfieur dr Ciieau óc votre man s'enferment enfemble desjours entiers dans ce petit jardin du Fauxbourg: on doit y traiter bien des affaires, ma voifine : car ii s'y boic rudementde vin ; & ces Meffieurs y travaillent tant qu'ils ont toujours en fortant la tête caffée, &ne fa! vent pas même ob mettent leurs pieds. C'eft cependaat-bien déïagréable pour une femme jeune , douA 3  « LE SCULPTEUR, .ce, honnête, jolié, de voir rentrer fon man' dans unpaieil écat: n'eft -il pas vrai, ma voifine? SUSANNE- En voila alTez,, Madame. Je vois bien quelle eft VOtre incention; mais voulez- vous qu'a mon tourje vous ouvre mon cceur ? Madame CAQUET. Tiès- volontiers. J'efpère que vous penfez bien que iout ce que je vous dis , m'eft dicïé par le tendre intéiêc que vous infpiréz a tout le monde. SUSANNE. J'en Tuis perfuadée, Madame; je crois mémequ'il n'y a point de malignké dans votre conduite; que fi vous cherchez a m'éclairer fur celle de mon mari , c'efi uniquemenc par bonté d'ame, & non, comme on pourrait le penfer, pour porter le trouble & la difcorde dans mon ménage. Maoame CAQUET. Vous me rendez juftice; vous lifez dans le fond de mon cceur. SUSANNE- Eh bien! Madame, fuppofons poiir un infiant que mon époux ait tous les défaurs que vous lui prètez: fi je les connais, votre confidence eft inutile ; & fijê les ignore, elle eft cruelle, puifqu'elle détruit unë erreur qui me rend heureufe Madame CAQUET. Ecoutez donc, Madame le Doux: ce que je vous en dis, n'efl que par amitié pour vous. Vous êtes ' jeune encore; vous ne favez pas combien il eft intérefiant qu'une femme ait 1'oeil è fon menage, & veille de prés la conduite de fon mari: il eft decertains goürs qui, arrétés dans leurs commencemens , ne font rien; mais qui, lorlque 1'on les laifle cröftre & s'enraciner, deviennent des habitudes cruelles,, fe chargent bientót en vices, & finiflent par conduite a tout. Je puis vous en parler par expérienees je fais tout ce que j'ai eu a fouffnr, pour avoir été comme vous, trop bonne, trop douce trop confiante: j'avais un mari brutal. ivrogne débauché, diflipateur; eh bien! Madame, je^J'ai'tant  COMEDIE. 7 querellé, tant battu, qu'il a fini par prendre fon parti: il eft allé, je crois, aux Antipodes; & depuis vingt ans, Dieu merci ! je n'en ai pas feulement entendu parler; mais vous n'êces point dans ce cas- la. SUSANNE. Heureufement, Madame. Le Doux fait mon bonheur, & fa conduite eft telle qu'elle doiC être. Madame CAQUET. Je vous crois, ma voifine. Monfieur le Doux eft fage , rangé, toujours amoureux : je vous en fais mon compliment. Mais, fi par hafani, (cav tout peut arriver)» il devenait jamais ivroghe; s il négligeait fon ouvrage pour fes phnfirs; s'U abandonnait fa femme pour fes cotteries , iouvenez-vous que je vous ai prévenue de bonne heure d'v mettre ordre; & fi votre maifon fe trouwe, ruinée , dites bien : c'eft ma faute , & fi j'culTe cru Madame Caquet, je ne me trouverais pas dans 1'embarras oü je fuis; entendez-vous , Ma* dame ? SUSANNE. Oui, Madame. Madame CAQUET. De tous les goüts, celui du vin eft le plusbasj c'eft auffi le plus dangereux. 11 le parait peu dans les commencemens; mais les fuites font terribles, font affreufes. Le vin éteint la raifon & le talent, abrutic 1'homme, & le mène de 1'mconduite aux baffeffes, des bafleOes au vice, du vice au crime. Adieu, ma chère voifine; je fuis charmée de vous favoir heureufe. [ (Elle fort.) A 4  3 L E S C U L P T E U R, SCÈNE II. SUSANNE, feule. H. e L a s! fes faneftes préfages ne font peut - être que trop vrais. Le calfne eft iurmon front, quand la douleur eft dans mon cceur. Mais, eft - ce a* moi a deshonorer 'mon mari ? Eh ! qui donc prendra foin de fa réputation, fi ce n'eft fon époufe? (Klle fe remet dpeindre.) Què font devenus ces premiers momens, ces momens fi doux de notre union! Mon époux n'était alors occupé que de moi, il ne me dérobait que les momens qu'il donnait a fon ouvrage; il le négligé aujourd'iiui, pour fë livrer tout entier aux plaifirs de la lbciété Bécarre le perd , du Cifeau le trahit. Peut-êtrë fon cceur 'fefèche, fon génie s'éteint: il fe déplaït dans fon attelier; il fe déplak auprès de moi. Pourquoi donc fa maifon lui devient-elle dé» fagréable? Scrait-ce ma faute? Cela fe peut. Eh bien! redoublons encore de complaifance & dedou? ceur, & rendons, s'il eft poffible, fon §me a lagloiré, & fon cceur a 1'amour. SCÈNE III. SUSANNE, LE DOUX. L E DOUX. Bon jour, Sufanne: déja toute a 1'ouvrage! SUSANNE, t'embrajfant. Oui , mon ami , il faut bien que je répare un peu tes fautes ; quand tu négüges ton travail, il faut que je force le mien, pour maintenir 1'équilibre. L E DOUX. Tu me grondes, Sufanne?  C O M E D I E. S SUSANNE. ; Non, mon ami, non. L E DOUX. Pourquoi t'en défendre? Tu n'as pas tort. Je te parais un parefTeux, mais crois cfu'il me faut des raifons puiflantes pour te quitter auffi fouvent que je le fais. SUSANNE. Je croirai tout ce que tu voudras. Eft - il pofïïble, cependant, que tu puiffes traiter des affaires bien importarites avec ce pauvre Bécarre ? E, É DOUX. Ne badines pas; quand il a la tête froide, il eft d'un excellent confeil. SUSANNE. Le malheur eft que fa pauvre tête eft bien fouvent ichauffée. L E D O U X. .11 eft vrai : auffi n'eft • ce pas fur lui que je compte. SUSANNE. Sur qui done? L E DOUX, Sur Monfieur du Cifeau. SUSANNE. Sur-Monfieur du Cifeau! L E D Q U X. Tu ne 1'aimes pas? SUSANNE. Je ne hais aucun des amis de mon mari. Mais mé» rite-t-il ce titre? L E DOUX. J'en fuis fur, il me le prouve. il eft chargé dans ce moment d'une entreprife fuperbe qu'il veut bien partager avec moi, & qui peut me donner laute 1'aifancé que je defire te procurer. SUSANNE. Ne fuis-je pas heurcufe, ne fuis-je pas contente , le Doux? Eft-ce donc la fortune qui dqane le A 5  jo LE SCULPTEUR. bonheur? Je n'ai jamais formé de vceu que pour ta gloire. L E DOUX. Eh bien! fois contente; en travaillant è ma fortune, j'afïure en même tems ma réputation. SUSANNE. Je vois bien que tu ne manqueras jamais de bonnes raifons, & tu fais que tu n'en as pas befoin auprès de rooi; mais tout le monde ne me reflemblepas. On crie, on murmure, on s'impatiente. Tiens, voila une lettre que je viens de recevoir. L E DOUX. De quelle part? SUSANNE. Je 1'ignore. L E DOUX, Ut. „ LalTé de vos retards continuels, je vous prie, „ Monfieur , de ne plus toucher a la Statue que je „ vous avais commandée: je la confieraia desmains „ moins négligentes; & demain, de grand matin, je viendrai la faire enlever de chez vous. Le Comte d'Artiphile." SUSANNE. Voila ce que je craignais depuis loag-tems. L E DOUX. C'eft ma faute; j'ai trop abufé de fa patience, j'ai trop abufc de fes bontés. SUSANNE. Tu 1'as cruellement négligé. L E DOUX. J'ai des torts fans nombre vis a-vis de lui. SUSANNE. II eft vrai qu'il nous a comblé de bienfaits. L E DOUX. Et je n'oublierai jamais le plus grand de tous! SUSANNE. Lequel donc? L E DOUX. C'eft a lui que je dois la main de ma Sufanne.  C O M E D I E. SUSANNE. Mon ami! L E D O U X. Sa menace m'afflige & me défefpère. J'ofe me flat* ter que ce morceau n'eft pas fans mérite; j'atiundai, avec impatience 1'inftant précieux oh le cifeau, le burin & le pinceau, réunis dans le même Mufée, préfenteront a 1'ceil étonné du Connaifieur ,les chefsd'ceuvres des arts & les fruits du génie; k ce mor? ceauj fait pour m'illuürer, n'y fera pas. SUSANNE. 11 y fera, le Doux; il y fera. Monfieur d'Artiphile menace; mais tu connais la bonté de fon cceur; tu fais qu'il t'aime. S'il tc iurprend travaillanr a fa Statue, jamais il n'aura la fermetë cruelle de t'enlever un morceau qui doit faire la réputation d'un Artifte, qu'il a ouvertement protégé. L E DOUX. Tu as raifon, Sufanne. Eh! quel-homme ferait affez hardi pour ofer porter la mnin fur ma Miner* ve? Je la briferais plutót. S U S A N N E. Faismieux; achève-la. L E DOUX. Oui, je 1'acheverai, & 1'envie méme fe taira dcvant elle. SUSANNE. Bien, mon ami, bien. Voila cette noble fierte qu'on parconne au talent. SCÈNE IV. SUSANNE , LE DOUX , L'ABBE REMIFA. L'A B B E'. Bon jour, mon cher Monfieur le DouXjCcmment vous portez-vous.  n L E SCULPTEUR. L E DOUX. Monfieur.... L'A B B E'. Vous me prenez pour un revenant, n'efl-ce pas? II y a un fiècle que vous ne m'avez vu; mais c'eft Ïu'on m'a enlevé. Me voila entiu rendu a ce cher 'aris. SUSANNE, lui préfentant un Jlege. Voul&z - vous.... L'A B B E'. _ Ah! je ne vous avais pas vu, Madame! II eft inutile de vous demander des nou velles de votre fanté; elle perce a travers vos cnarmes, & le petit pou- pon! Toujours 1'amour SUSANNE. Vous êtes trop . ., L'A B B E'. En verité, je ne puis me laffer d'admirer la prudencc de ce cher époux. Voila ce qui s'appelle marier 1'utile & 1'agréable! Trouver dans une femme charmante un modèle parfait, & toujours prêt.... C'eft trés• bien 1'entendre , Monfieur le Doux, & je ne m'étonne plus fi tous vos ouvrages font marqués au coin de la perfeftion. L E DOUX. Vous avez bien ... L'A B B E', A propos, & mon bufte? Oli en eft -il? LE DOUX, découvrant un bufte. Le voila. SUSANNE. Comment le trouvez-vous? L'A B B E'. J'en fuis affez content Je voudrais cependant dans le tout un peu plus de moëlleux. L E DOUX. Ce ferait affaiblir le caraclére. L- A B BE'. ■ Mais je n'en veux point de caraclère; il ne me fautquedes graces. Je vousl'avais tant recommaaaé.  C O M E D I E. ïo L E DOUX. Je croyais.... L'A B B E'. Je voudrais auiïi plus de paffions dans les yeux, plus de volupté dans la bouche; la tête plus pan* chée. '1 trez , voyez Qll chantonne, avec une txpnjfion outrée.) Je n'ai poini trouve dc ciuelles, Et je n'en trouv-rai jamais, Et je n'e.i trouverai jamais. Saififlez bien mon genre? L E u O U X. Je le tiens a préfent , Monfieur 1'Abbé , & fi vous voulez feuiement m'accorder une heure de féance.... L'A B B E'. Très-volontiers; mais pas pour aujourd'hul. L E DOUX. Quand vous voudrez. L'A B B E'. Eh bien ! je tacherai de vous facrifier un jour. L E DOUX Je ferai a vos ordres tous les matins. L'A B B E'. A merveille.... J'ai auffi une ieée a vous donner pour la bafe Elle eft charmante. L E DOUX. Je n'en doute pas. L'A B B E' De deux guirlandes de myrrh.es & de rofes s'entre* lacant, vous formerez une couronne. Vous m'entendez bien? L E DOUX. Je vous entends. L'A B B E'. Dans ces guirlandes, de myrtes vous jetterez, comme par hafard, quelques feuilles de laurier, qui auront 1'air de vouloir percer a travers les rofes.... L E DOUX. Je vous comprends.  if LE SCULPTEUR, L'A B B E'. Et, au milieu de la couronne, vous graverez ce quatrain que je me fuis amufé a griffonner ce matin, & Cjui rend trés-bien mon genre. SUSANNE, quittent fon ouvrage. Voulez-vous avoir la complaifance de nous le lire ? L'A B B E'. Trés-volontiers. C'eft un rien ; mais vous en ferez contente. (II Ut. Je n'irai p?s, au Temple de Mémoire, Le front ceint du laurier de i'Itnmortalité; J'si connu le bonheur, I'amour, la volupté. Un inftant de plaifir, vaut un fiècie de gloire. Eh bien? L E DOUX. Délicieux ? SUSANNE. Je favais bien que Monfieur 1'Abbé Rérnifa pincait délicieufement une guittarre, que Ia Romance lui devajt fes plus doux charmes; mais j'ignorais qu'il joignit a tant de talens, 1'art des Vers. L'A B B E'. Eh! qui n'en fait pas aujourd'hui? II eft vrai que fi j'avais voulu m'y hvrer davantage, m'en occuper un peu plus féneufement. j'aurais pü me placer, je crois, entre Horace & Chaulieu; mais a quoi m'eüt fervi, pour le bonheur, une étincelle de réputation? Trop de mérite eüt pefé fur la fociété ; & pour refter a fa portee, j'ai préféré n'être qu'ai* mable. SUSANNE, fe remettant & peindre. Et vous ave? parfaitement réufli. L'ABBE: contemp'lant, avec admiration, le tableau que .peint Sufanne. On me le perfuade.... Oh! oh! oh! mais voila qui eft charmant, djvtn! Quelle vériré! Voila la' majefté de Junon, la fierté de Minerve , & le fou"'re de Vénus. C'eft elle-même: qaelle fraicheur! quel vif dans les chairs! Ce font fes formes! c'eft la m-  C O M E D I E. 15 ture! Mais pourquoi m'en étonner, quand la Déefle elie-même fe trouve 1'Artifte & le modèle? SUSANNE. Galanterie a part, en êtes-vous content? L'A B B E'. Enchanté! . . . Ces tems de barbarie font donc entièrement difparus, 011 nos idiots de pères prétendaient qu'une femme en favait alTez , quand elle pouvait diftinguer un pourpoint d'avec un haut-dechaufles, recoudre un rabat, & plifler leurs fraifes antiques. Aujourd'hui nous voyons tour - a - tour , dans la main des Graces, L'aigutlle & le compas, la plume & le pinceaw. SUSANNE. Quelle eft cette charmante perfonne? L'A B B E'. Eh! c'eft Mademoifelle des Brifées! SCÈNE V. LE DOUX, SUSANNE, L'ABBE', RE'MIFA, Mademoifelle DES BRISE'ES. C'est ce cher Abbé! L'A B B E'. Qui m'eftt dit que ces lieux, par les Arts habke's, Préfenteraient Vénus h mes yeux enchantés? Mademoifelle DES BRISE'ES. Toujours charmant! Vous êtes un monftre...; L'A B B E'. Pourquoi ? Mademoifelle DES BRISE'ES. Commeat! il y a trois mois qu'on ne vous a vu ?  j8 l É SCULPTEUR. L'A B B E'. j'ai été enlevé comme un Ballon. Mademoifelle DES BRISE'ES. Nos Couliffes, pendant votre abfence, ont été d'un trifte, d'une décence; c'eft a y périr d'enuui. L A B B E'. Je compte bien m'y montrer inceflamment.. ., Mais puis-je vous demander ce qui vous amène icif Mademoifelle DES BRISEES. Un projet que très-certainement vous approu-' verez. L'A B B E'. Vous n'eü doutez pas. Mademoifelle DES BRISE'ES. Monfieur, eft Monfieur le Doux. L E DOUX. A vous obéir, Madame. Mademoifelle DES BRISE'ES. On m'a beaucoup vanté vos talens, votre honrjê« teté, vos mceurs. L'A B B E', moMrant Sufanne. Voila fa caution. Mademoifelle DES BRISE'ES^ C'eft un modèle! L E DOUX. C'eft ma femme. Mademoifelle DES BRISE'ES. Ah.' ah!... Je viens, Monfieur, implorér le fecours de votre art. L E DOUXJamais il ne m'aura été plus précieux, jamais il ne m'aura donné de plus doux momens. Mademoifelle DES BRISE'ES, d l'Jbbi. 11 fait vivre. L'A B B E'. Vous en ferez contente. ^ fMademoifelle DES BRISE'ES, i l'Jblê. C'eft dommage que ca foit marié. I. IC  COMEDIE. 17 LE DOÜX, bas a VAbbé , tandis que Mademoifelle des Brifé s s'amufe a reganier quelques modèles de Seulpture-, Monfieur 1'Abbé? L'A B B E'. Eh bien ? L E DOUX. Quelle eft cette belle Nymphe ? L'A B B E. C'eft Mademoifelle des Brifées, la nouvelle Danfeufe de lfOpéra» Tout le monde connaii ga. (Haut d Mademoifelle des Brifées.) Vous allez nous faire un cadeau? Mademoifelle DES BRISE'ES, Oui.... Vous favez combien tous les jours je fuis excédée des demandes indifcrettes de mille adorateurs. Vous connaiffez tout le liant de mon caractère; je voudrais n'en mécontenter aucun , & je n'ai trouvé qu'un feul moyen de fatisfaire leurs defirs. LA B B E'. Et ce moyen, c'eft de donner a chacun une copie de 1'original? Mademoifelle DES BRISE'ES. Juftement: on m'avait propofé la Gravure; niais elle devient bien commune. L'A B B E'. Vous avez raifon. Mademoifelle DES BRISE'ES. , Et puis tapiffer tous les coins de rues a cöté d'un Poëce, ou de mon Maure de Mufique; c'eft: un© idéé qui me blefle 1'imagination. L'A B B E'. Ce n'eft pas la votre place. Mademoifelle DES BRISE'ES. Toute réflexio'n faite, je préfère le cifeau au burin. L'A B B E'. Trés - bien vu. Le marbre feul était digne de nous rendre ces traits divins. B  i8 LE SCULPTEUR. Mademoifelle DES BRISE'ES. Je viens, en conféquence , prier Monfieur le Doux'de vouloir bien me faire,... L E DOUX. En bufte , Madame? Madrmoifelte DES BRISE'ES. Non, Monfieur; en pied. L'A B B E'. Charmante! Mademoifelle DES BRISE'ES. Ah! ca, 1'Abbé, vous êtes paftri de gouê. Quel coftume cboifirai-je V L' A B B E'. Eh! quel autre convient a la Déeffe de la Danfe, que celui de Terpficore? Mademoifelle DES BRISEES. Oh! non , 1'Abbé, non; il n'y a pas de jour oh je ne recoive a ma toilette des Couplets ou des Vers lnnócens, & ce nom m'y eft fi fouvent prodigué, qu'il m'en donne des vapeurs. L'A B B E', La rofe dans nos parterres recoit tour-a- tour les carefies i:u zéphir & Ie baifer du papilion; comme elle, vous voyez les cceurs voler autour de vous. Soycz Flore a nos ycux. Mademoifelle DES BRISE'ES. Ne trcuvez - vous pas un peu de fadeur dans cette idee ? L'A B B E'. Eh bien! voulez -vous rendre cette gaieté fi mutine, fi libertine, qui vous rend divjne a la fin d'un fouper? Frenez le coftume d'une Bacchante. Mademoifelle DES BRISE'ES. D'une Bacchante? L'Abbé— L'A B B E'. Entendons-nous Non telle qu'on Ia peint puupv.ée, furieufe , déchirant ce langoureux Orphée; mais vive, folètre, s'échappant aux carefies du vieux Silène, pour fe précipiter dans les bras du  C O MTS D I E. l9 jeune Satyre, qui 1'emporte en riant dans le plus épjis du bois. Mademoifelle DES B R I S E' F. S, Cette image eft charmante; mais c'eft que je tiens a une idéc fingulière. L'A B B E'. Quellc eft-elle? Mademoifelle DES BRISE'ES. Vous alles peutêtre la trouyer ridicule? L'A B B E', Voyons. Mademoifelle DES B R IS E' E S. Je préférerais a tout autre habit celui de Veftale. L'A B B E'. Parlez-vous tout de bonP Mademoifelle DEiS BRISE'ES. Oui.... L'A B B E'. C'eft d'une folie qui ne riine k n'en. La coëffure pourra bien vous aller ; mais cette draperie lourde & maffe nous déroberait trop de charmes, fi généfalemenc admirés. Peifonne ne vous reconnaïtrait, a moins que vous ne vcus fiffiez faire qu'en bufte. Mademoifelle DES BRISE'ES. Voleur.... L'A B B E'. Voulez-vous nous faire un cadeau bien précieux & nous forcer a une ïeconnaiffance générale? Mademoifelle DES BRISE'ES. Eh bien ? L'A B B E'. j Ne nous cachez aucun de vos appas. Vénus, for* tant du fein des éaux, n'avait d'autre parure que celle de fes charmes. Mademoifelle DES BRISE'ES. Qu'en penfez-vous, Monfieur le Doux? L E DOUX. Perfonne, mieux que vous, ne peut en fournir modèle. B 2  se LE SCULPTEUR Mademoifelle "DES BRISE'ESMais, au moins, de la modeftie. L'A B B E'. Que 1'imagination devine ce que le defir regrette. Mademoifelle DES BRISE'ES. Quand voulez-vous coramencer? L E DOUX. Je fuis touc a vos ordres. Mademoifelle DES BRISE'ES. . Eh bien! demain, fi vous voulez, rendez-vous a ma petite maifon de la Villette. L'Abbé vous amenera. L'A B B E'. Très-volontiers. Mademoifelle DES BRISE'ES. Que devenez-vous aujourd'hui, 1'Abbé? L'A B B E'. J'ai protnis a la petite Julie; la grolTe Préfidente m'a fait promettre, & je ne fais a laquelle donner la préfêrence. Mademoifelle DES BRISE'ES. Eh bien ! foyez un homme galant: manquez i toutes deux. L'A B B E'. Mais.... Mademoifelle DES BRISE'ES. Mais, il le faut. Je vais diner chez mon vieux Commandeur. L'A B B E'. II eft ennuyeux. Mademoifelle DES BRISE'ES. Oui; mais fon Cmiinier eft divin, & fa cave eft délicieufe. L'A B B E'. Je me vais faire une querelle. MademoiMle D ES B RI S E' E S. Ne peut-on vous dédommager ? A demain, Monfieur le Doux.  C O M E D I Ei 21 L E DOUX. Oui, Madame. L'A BBE', a le Doux. Je'viendrai vous prendre. L E D O U X. Je vous attendrai; fi même vous pouviez venir de bonne heure. je pourrais vous donner une derniére féance.... LA BBE'. Je ferai mon poffible. . . . Serviteur Madame le Doux. (II fort avec Mademoifelle des Brifées.) SCÈNE VI. LE DOUX, SUSANNE. L E DOUX. Voila, mafoi, une excellente affaire! SUSANNE. Comment cela? L E DOUX. Comment! Mais ibnge donc que fi chaque Amant favorifé me commande leulement un platre, jamais moulc ne m'aura taat rapporté. SUSANNE. D'autant plus que Monfieur 1'Abbé a fort bien. choifi le coitume. L E DOUX. , II eft vrai. SUSANNE. A parler franchement, j'en aimerais tout autant un autre. L E DOUX. Comment! Sufanne, ferais-tu doncjaloufe? SUSANNE. Je t'aime trop pour né pas 1'être un peu; mais je t'eftime affez pour ne le paraiire jamais. B 3  LE SCULPTEUR, L E DO U X. ; Tu ferais bien injufte, fi tu pouvais douter du cceur de ton mari. SUSANNE. ]e n'en doute pas non pLis. N'as - tu pas pris jour pour demain avec Mademoifelle des Brifées? L E DOUX. Oui. SUSANNE. Tu aurais bien dü, ayant de rien entreprendre de nouveau, acheyer ta Minerve. L li DOUX. L'une ne me fera pas nègliger 1'autre. Je ferai marcher de front Vénus & la Sagefle. SUSANNE. Ce n'eft pas chofe aifée. L E DOUX. Plaifanterie a part, je ne pouvais pas la rcmettre ces Demoifelles font toujours fort preffées de jouir; ce font des oifeaux de paflage qu'il faut prendrc k la volée; & puls eet ouvrage doit néceffairemeot me faire connaitre & m'en prócurer d'auires. SUSANNE, Je n'en dpute pas; je fais même qu'en général c'eft affez bien payé. Mais fongè cependant que de tels obj-Ts ne doivent pas te faire négliger ta réputation: il eft bon de travailler un peu pour le profit; mais ton principal hut doit ére la gloire. L E DOUX. Eh! ma pauvre Sufanne, le fiècle des talens eft paffe. Aujourd'hui , le génie n éme eft trop heureux de trouwer un boudoir, ou un jardin 'Anglais a dé. cover. Un Aitifte qui voudrait marcher a l'immorta. lité, courrait rifque de mourir de faim fur la route, en attendant un Amateur. SUSANNE. En eft - il donc befoin, quand fa patrie elle-méme confie au cifeau de fes plus cé'èbres Sculpteurs, les traits des gra/icis i ommes qui ont fait fa gloire? Ah! mon ami, fi tu pouvais ctre un jour choifi pour  C O M E D I E. 23 unouvraeje auffi 'pi écieux! Songe que tes premiers fuccès c'ont déja fait déügner par le Public Songe que le Profefteur des Arts attend, fans doute, ton Souvel ouvrage, pour confinrier un choix fi glorieux. O mon ami, qu'un époux illuftre devienr cher a fon époufe! Combien alors elle s'énorgueilht de porter un fi beau nom! L E D O U X. Combien la voix d'une femme adorée eft püiffante! Tu railumes dans mon fein toute la fiamme, la voix du génie. Oui, ton époux fera bientot ta gloire & ton bonheur. Oui, je fens que mon nom fera placé prés de ceux des plus celèbres Artittes. SUSANNE- Promets-moi donc de travailler un peu plus asfidument. L E D O U X. Oui, je te le promets. Je ne vcux plus fortir que ma Minerve ne foit achevée. SUSANNE, Si Bécarre & du Cifeau viennent te chercher? L E DOUX. Je les refuférai. SUSANNE. En auras- tu le courage? L E DOUX. Eft-it donc fi difficile de refter pres de loi? Ma femme, mon enfant, mon ouvrage, n'en voila-t-il donc pas affez pour être heureux & s'occuper ^ SUSANNE. Certainement. L E DOUX. Tu es tropbonne auffi, Sufanne; tu es trop douce ; tu ne gronde jamais. SUSANNE Eh! peut-on gronder ce qu'on aime? L E D Ö U X. II faut être un peu méehaute. Je fuis faible, _tu le fais; je me laiffe aller fadlement, c'eft a toi a flie retenir. E 4  »? LE SCULPTEUR. SUSANNE. Tu ne te facheras pas? L E DOUX. JNon, certainement. • SUSANNE. titnt° déja!°nS biCmÓt V°ir-'- V°ilè Bëcarre ï 11 ca SCÈNE VII. BE'CARRÉ, déja un peu gris , mais pas trop; S USANNE, LE DQUX. B E' C A R R E. Bon jour, mon ami: votre trés • hurnble ferviteur Madame le Doux. Toujours charmante! : SUSANNE. Toujours de bonne humeur! B E' C A R R E. Je n'éngendre pas de mélancolie. SUSANNE. C'eft fort bien fait. B E' CARRÉ, A Ze Deux. Je viens de chez du Cifeau; il nous attend. L E DOUX. Pourquoi faire? B E' C A R R E. Pour déjeuner. L E DOUX. Je ne puis y aller, je fuis prefle d'ouvrage, & j ai piomis a ma femme de ne pas fortir aujourd hui.  C O M E D I E. 2i- B E' C A R R E. Tu ferais rentré furie chmip. L E DOUX. Un déjeuner va fouvent plus loin qu'on ne penfe. B E' C A R R E. Oh! non , nous avons ce matin fait vceu de fobnéfé. SUSANNE. Vous avez fort bien commencé a tenir votre vceu. B E' C A R R E. Je me fentais l'eitomac un peu faible, &j'aibu un petit coup. SUSANNE. Qui a monté a la tête. B E' CARRÉ. Ca fe diffipera. Un clou chalfe 1'autfe; pas vrai, le Doux? L E DOUX. Tu as raifon. B E' C A R R E. Du Cifeau a fait cuire ce jambon qu'il a rcgu de Bayonne. II a une odeur... Ah!... nous devons l'en« tamer; & tu connais lbn pctic vin blanc... Heim!... ga ne te tente pas? SUSANNE. Eh! mon cher MonfieurBécarre,vousêtesl'amide le Doux, n'eft- il pas vrai ? B E' CARRÉ. Pourlavie, Madame. SUSANNE. Eh bien! foyez alfez raifonnable pour le laifTer travailler tranquillement pendant quelques jours. 11 eft pour lui de la dermère conféqucnce u'achevér fon ouvrage; fa fortune, fa réputation en dépendent. Ne venez donc pas le détourncr. Donnezlui cette preuve d'amitié: engagez le vous même a travailler. B5  %6 LE SCULPTEUR, B E' C A R R E. Vous avez raifon, Madame le Doux; vous parlez comme un aftre, & je vais vous prouver combien je fuis bon ami. Du Cifeau nous attend pour déjeuner; il a un jambon excellent, du vin.... Ah!... Ehbien!' du Cifeau, le jambon, le vin, le déjeuner, je vous facrifie tout, & je vais refter avec le Doux: c'eft-il beau de ma part? SUSANNE. Je vous en aurai une obligation infinie. B E' C A R R E. C'eft a une condition , cependant. SUSANNE. Quelle eft-elle? B E' C A R R E. C'eft qu'il y aura un petit coup k boire, & une croutte a caffer; car je fuis prèfqu'a jeun. SUSANNE, ouvrant une petite armoire, de laquelle elle tire une bouteille , deux verres £? du pain. C'eft trop jufte. Tenez, voilé une bouteille de vin, qui vaudra bien celui de Monfieur du Cifeau. Voulez-vous quelque chofe encore? B E' C A R R E. Une croutte, rien davantage. S U S A N°N E, De la fageffe, fur-tout? B E' C A R R E. N'ayez pas peur. LE DOUX, a fa femme qui prend le Tableau oü elk travaillait. Tu fors? SUSANNE. Oui; mon ami. Je vais porter ce tableau, & je reviens tout de fuite; je te retrouverai? L E DOUX. Certainement. B E' C A R R E. C'clt moi qui vous en réponds.  C O M I D I E. a? SUSANNE, fouriunt, Bonne camion! B E' C A R R E. Vous verrez, vous verrez. L E DOUX. Adieu, Sufanne. SUSANNE. Adieu, mon bon ami. Sans adieu, MonfieurBécarre. Vous dfnerez avec nous? B E' C A R R E. Très-volontiers. J'aime a refier oii je fuis. (Sufanne} en partant , emtrajje fon mari.) SCÈNE VIII. LE DOUX, BE' CARRÉ. B E' C A R R E. Si j'avais, chez moi, un petit bec comme cela, je n'irais pas fi fouvent dehors fifikr la linotte, tu es trop heureux! L E DOUX. Jamais femme n'eut un caraclère plus honnêce & plus doux. B E' C A R R E. Buvons a fa fanté. L E DOUX. Bien volontiers. (lis bomentQ ■ BE' CARRÉ. J'ai vingt fois envié ton fort. L E DOUX. Je le crois. B E' C A R R E. Je donnerais Ie dernier tonneau de ma c.ive , pour trouver une femme comme ta Sufaune.  48 le SCULPTEUR, l e DOUX. Ce n'eft pas chofe aifée! b e' C a r r e. Je le fais bien. J'aime ta femme, moi; mais je fuis honnéte homme, & puis elle eft fage. l e D O U X, Je le fais. b e' C a r r E. Encore un coup a fanté. l e DOUX. Tope. Qlh boivent.) b e' C a R r e. Sais-tu bien une chofe, le Doux? l e DOUX. Quoi? b E' C a r r e! C'eft le défceuvrement, la folitude qui rendent la taverne & le jeu néceffaires a un gar§on; il n'eft que d'ëtre marié pour le ranger. l E DOUX. Certainement. b e' C a r r e. Un garcon ne tient a rien. l e DOUX. 11 eft vrai. b e' C a r r E. Pour bien travailler, il faut aimer fon chez foi ; pour 1'aimer, il faut y trouver quelqu'un qui nous le rende agréable. l e DOUX. Une Sufanne. b e' C a r r e. C'eft 5a. a ta fanté. (lis boivent.') l e DOUX. A la tienne. b e: C a r r e. On peut fe livrer un inftant a fes plaifirs; mais il faut auffi fonger a fa fortune, a fa réputation, & ce n'efl pas au Cabaret qu'elles fe font.  C O M Ë D I E. 'aé LE DOUX. Non, certainement. Je me fuis appereu mille fois que nous commengions par y parler d'affaires, & que nous finiifions par' y perdre la raifon. B E' C A R R E. On n'a pas deffein de fe grifer; mais on boit un coup, on en boit deux. L'exempleentrafne, lavanité s'en mêle, & 1'on finit par ne plus favoir ni ce qu'on dit, ni ce qu'on fait. L E DOUX. Le pire encore, c'eft qu'on vjoue; on perd fon argent; on fe difpute:.on rentre chez foi malade, de mauvaife humeur. Le lendemain, la tête eft lourde, la main tremblante, & 1'on ne fait rien qui vaille. B E' C A R R E. C'eft k la lettre.... Buvons un coup. L E D O U X. II n'y a que ce diable de du Cifeau qui ne perd jamais Ia tête; il boit mieux que nous. B E' C A R R E. Tais-toi donc : dis qu'il n'eft pas franc comme nous: c'eft un fournqis, vois-tu, dont je me défie & qui n'eft pas véritablement ami. 9 L E DOUX. Pourquoi mal penfer de lui ? B E' C A R R E. J'ai des raifons. L E DOUX. II en faut de fortes pour foupconner un ami. B' E C A R R Ë. Elles font convaincantes. L E DOUX. Puis-je les favoir? B E' C A R R E. II trempe toujours fon vin, & fait d'un verre deux coups. L E DOUX. EffeóHvement, je crois m'en être appereu plus d une fois. 3 ^  LE SCULPTEUR; B E' C A R R E. Tiens, mon ami, il faut nous ranger. L E DOUX. Je le veux bien. B E' C A R R E. Travailler. L E DOUX. Oui. B E' C A R R E. Ne boire que de 1'eau. L E DOUX. On s'en porte mieux. B E' C A R R Ei On fait de bien meilkure befogne. L E DOUX. Ce petit jardin sous perd. . B E' C A R R E. II faut y renoncer; tu as du talent; j'en ai auffi. On veut me faire entrer h 1'Opéra. L E DOUX. II faut être fobre, ou refter toute fa vie dans les Chceurs. B E' C A R R E. J'aime ma liberté; & j'ai, Dieu merci, de quoi vivre fans rien faire. L E DOUX. Un peu d'occupation eft néceffaire a I'homme. B E' C A R R E. Et la célébrité! L E DOUX. Jamais ivrogne n'en acquiert. B E' C A R R E. Tiens, le Doux; vois le ferment que je fais: je veux que ce verre de vin foit le dernier que je boive , fi je me. gnfe davantage. Jure avec moi. L E DOUX. Volontiers. B E' C A R R E. Notre bouteille eft vuide?  C O M E D I Ê. tt L E DOUX. J'ai la clef de la cave. B E' C A R R E. Bravo! Eft-ce que nous ne fommes pas rtlieux ici qu'au Cabaret? L E DOUX. Certainement. B E' C A R R E. Bien plus honnétement? L E D O U X. Bien plus agréablement. B E' C A R R E. On boit modérément ? L E DOUX. Pour le plaifir. On ne fe grife pas. B E' G A R R E. Defcends- tu a la cave? L E DOUX. Bien penfé! SCÈNE IX. BE'CARRÉ , LE DOUX , DU CISEAU, DU CISEAU, Est.ce que vous vous moquez de moi. tous les deux, de me faire attendre fi long-tems? L E DOUX. Serviteur, Monfieur du Cifeau? DU CISEAU. Bécarre ne t'a donc pas dit?.... B E' C A R R E. Si-fait; mais il n'pas voulu venir. L E D O U X. J'ai de 1'ouvrage extraordinairement pre/Té.  |t le sculpteur; B E' C A R r E. Et nous avons promis a Madame le Doux de ne . pas förtir d'aujourd'hui. DU CISEAU. Vous avez promis a Madame le Doux? L li D O U X. Oui, mon, mon ami. BE' C A R R E. Elle nous a mis a la réforme. DU CISEAU. Je vous en fais mon compliment. Te voiii donc è la lilière ; tu n'auras dé volonté, tu ne prendrasde plaifir, qu'autant que Madame voüdra bien t'en accorder la permiffion. N'as-tu pas de honte de te laiffer ainü men er par ta femme? l e DOUX. Ma femme ne me mène pas. Elle eft mon amie. B E' C A R R E. Et c'eft la femme la plus honnête , la plus rdouce.... DU CISEAU. En ce cas, mon cher le Doux , tu fais fort bien de lui obéir ponétueliement. Cela te fera un honneurinfini; & trés - certalnement les Fidèies du petitjardin viendront t'en complimenrer. II y a juftement, ce mat-in, une affemblée de tous ces bonsenfans. Nous avons un nouveau Récipiendaire, qui doit, dir-on faire les chofes en grand. Tuleconnais, c'eft Dupré. • l E DOUX. Le Sculpteur? DU CISEAU. Lui-même. Gargon de mérite, qui defire fort fe lier avec moi. On s'eft bien promis de rire, & de faire fauter maint bouchon de vin de Champagne. B E' C A R r E. Diable ! tu ne m'avais pas dit cela. L E  C O M E D I E 3 3 L E D O U X, a part. Ce Dupré m'inquiète. DU C I S Ë A Ü. I Je voulais vous furprendre agréablement tous les deux. j'avais cru pouvoir répondre de vous. Mais puifque vous êtes darjs la réforme;puifquevousavez promis & Madame le Doux de ne pas fottir, je vais donner vos démiffions & faire vos excufes. BE' CARRÉ, retenant du Cifeait. Attends donc; je h'ai point de bonnes raifons k dónner, moi, pour me difpenfer d'y aller. LeDoux a fon ouvrage, mais je fuis libre. L E D O U X. Et ton ferment? B E' C A R R Ë. Je commencerai auffi-bien ma réforme demairi s qu'aujourd'hui. II eft même décent que je te faffe mes adieux: on doit avoir des procédé* dans la fociété: on ne quitte pas d'honnêtes gens comme une bouteille vuide; nous allons te laifferj tu travaille= ras mieux tout feul. DU CISEAU. Eh bien! le Doux? L E DOUX. C'eft que j'ai promis a ma femme. DU CISEAU. Et tu crains la corredtion? L E DOUX. Non;mais c'eft qu'on me preffe horriblementpoüf ce morceau qui devrait être fini & livré dépuis plas de fix mois. D Ü C I S Ë A Ü, avec un rire moqueur« Et tu vas le finir aujourd'hui ? L E DOUX. Je 1'avancerai, du moins. DU CISEAÜ. Beaucoup, je crois. L E DOUX. On me menace de me 1'enlever. e  J4. LE SCULPTEUR, DU CISEAU. Ma lettre a eu fon effet.... (Haut.) On te menace de te 1'cnlever? Le Comte 'i'Artiphile ? L E D O U X. Lui-même. DU CISEAU. II n'oferait. N'es-tu donc pas accoutumé a ce§ menaces que fait un Amateur toujours prellé de jouir, mais qu'il fe garde bien d'exécuter? Ne fais-tu pas qu'un ouvrage n'a de mérite a fes yeux, qu'autant que 1'on le lui fait defirer? L E DOUX. Mais, au moins, faut il y travailler? DU CISEAU. Comme fi le travail d'un jour marquait fur un ouvrage comme celui - la. B E' C A R R E. II a raifon. DU CISEAU. ]e voudrais bien que quelqu'un de ces prétendus Connaifleurs s'avifat de me menacer de m'enlever un morceau, ou même de fixer un terme, il 1'attendrait dix ans de plus. Ce n'eft pas moi qu'il faudrait ainfi commander. La médiocrité eft a la t&che, mais le génie a des afles. B E' C A R R E. Bien dit. L E DOUX. Si j'étais certain que 1'on ne pouflat pas trop avanc...' DU CISEAU. Tu peux y cqmpter. On a arrêté qu'on n'y dinerait pas, & qu'a deux heures on fe féparerait. . L E DOUX. Certainement? U CISEAU. Très-certainement; ils dnt tous affaire ce foir. B E' C A R R E. Ta femme ne fera peut-être pas encore rentrée3 & elle ignorera même que nous fommes fbrtis.  C O IVI E U I £. U LE DOUX. Aurefte, je reviendrai tout de fuite. DU CISEAU. | Tu ne feras que paraïtre, fi tu veux; cela fera fuffifant, &, du moins, tu ne manqueras a perfönpe: tu peux même ne point boire du tout. L E DOUX. Oh! je boirai li modérément.,.. BE' C A R R E. Nous nous placerons a cdtél'un de 1'autre a table; & je te rnaintiendrai. DU CISEAU. Ne perdons pas de tems. L E DOUX. Laifie-moi prendre, au moins, ma canne ccnion! chapeau. DU CISEAU. Tu n'en as pas befoin, pour une heure oü deux,; au plus, que nous y rellerons. L E D O U X. ,..Tu as raifon. Si même ma femme revenait avant rttoi, elle fe douterait, au moins, oü je fuis. DU 'C I S E A U, è part. Je le tiens. (II fort avec le Doux 6? Bêcarh.) Fin du pre,mier Atïe, C 2  A C T E II. SCÈNE PREMIÈRE. SUSANNE, feule. (Une Pendule fonne fept heures.) S ept heures!... & le Doux n'eft pas encore rentré: la nuic entière eft paffee, & le Doux n'eft pas revenu. 0b eft -il ? Si 1'incertitude en eft cruelle, la certitude en eft affreufe; pourvu du moins qu'il ne lui foit rien arrivé de facheux. Je fuccombe a la peine, & mes yeux le refufent au fommeil.... (Regardant la Barcelonette) Dors encore, dors,, mon enfant, n'accrois pas mes maux par tes cris; hélasl ta pauvre mère a bien affez de fa douleur! ________ i—— / ■ " SCÈNE II. Madame CAQUET, SUSANNE. Madame CAQUET. Comment! c'eft vous, ma voifine? SUSANNE, - part. Ah! Ciel! c'eft Madame Caquet. Madame CAQUET. Je voulais dire un mot a Monfieur le Doux. SUSANNE. II n'eft pas.... il n'eft pas encore levé.  ., COMED1E. 37 Madame CAQUET, faifant femblant de foitin Je repafferai. SUSANNEQuand vous voudrez ... Madame CAQUET, revemnt fur fes pas. A propos. Eh! pourquoi donc levée & habillée avant le jour ? Oh allez - vous donc ? SUSANNE. Je vais porter de 1'ouvrage au Fauxbourg SaintHonoré. (A part.) Je ne fais ce que je dis. Madame CAQUET. De 1'ouvrage de fi bonne heure? SUSANNE. C'eft & quelqu'un qui part pour la Campagne. Madame CAQUET. Allez-vous a pied? SUSANNE. Oui, Madame.... Madame CAQUET. Tant mieux: j'ai juftemenc affaire dans ce quartier, je vous accompagnerai; nous cauferons en chemin , il nous paraitra moins long ; & puis fi vous avez quelque chofe a porter, je vous aiderai SUSANNE. Vous êtes trop bonne , & je craindrais d'abufer Madame CAQUET. Non, non, jene fouffrirai pas SUSANNE. C'eft fi léger. ' Madame CAQUET. II n'éft pas de fardeau, fi léger qu'il foit, qui ne laffe a la fin. Donnez moi.... SUSANNE. Je ne compte pas encore partir tout de fuite. Madame CAQUET. Bh' bien! ie vous attendrai. 9 - C 3  g3 II SCDLPtiUR, SUSANNE. Mais.... Madame CAQUET. Je De fuis pas preiTée, & je ferai bien aife mém© qe camer un ïnftant avec vous. SUSANNE, a part. . Faut-il que cette cruelle femme me faffe même craindre le retour de le Doux! Madame CAQUET. Vous n'avez rien a faire? SUSANNE. Pardonnez-moi, Madame, j'ai un ouvrage trésprefie a acbever,. & je vous demanderai même ia permiffion.... Madame CAQUET. De travailler? SUSANNE. Oui, Madame. Madame CAQUET. Je ne vous interromprai pas; & c'eft un plaifir pour moi de voir avec quel art vous animez Ja SUSANNE. fedeUS bieD honnêce' mais il faut que je fois Madams CAQUET. Pourquoi? SUSANNE. L'ouvrage que je fais.... Madame CAQUET. Eft un peu libre? Mais a mon age..°. SUSANNE. Vous vous trompez, Madame; jamais mon nin «au ne rera rougir la décence, & Wes ovS fon. m;pm que le fond de mon cceur; nï ?ï mis le ïecret.... J Pro" " Madaa,e CAQUET, Jrufflant la hnpe, & s>as. ^ . fevarit. i W\ $ m pas que vous perdjes Ce,  C O M E D I 1. 29 beaux yeuK, en travaillanc a lumière. 11 faut ménager fa vue, nous n'avons rien de plus précieux. Afieyez-vous. SUSANNE. a part. Ecoutons-la donc: c'eft peut-être le feul moyen de m'en débarraffer. Madame CAQUET. Vous fouvenez-vous , ma voifine, de notre derrière converfationV SUSANNE. Oui, Madame; elle m'eft encore préfente, &je n'en ai point perdu un feul mot. Madame CAQUET. Eh bien! moi, ma chère voifine, j'ai fait des réflexions depuis, & tout bien examiné , Je venais faire réparation a Monfieur le Doux, des foupcons que je m'étais permis fur fa conduite. SUSANNE. Je vous en remercie. Madame CAQUET. C'eft un poids pour moi, mais un poids infupportable de mal penfer de quelqu'un! SUSANNE. Je le crois. Madame CAQUET. D'après ce que vous m'avez dit, j'ai examiné de plus prés votre mari, & j'ai reconnu combien ces bruits injurieux qu'on répandait contre lui, étaient faux & mal fon dés. SUSANNE. II eft tant de gens qui fe mêlent de ce qui ne les regarde pas, & qui fe plaifent a tout envenimer. Madame CAQUET. Ce font des monftres dans la föciété! Ehbien! ma voifine, croiriez-vous qu'en vous quittant,j'en ai rencontré de ces gens mal • intentionnés, de ces médjfans, de ces mauvnifes langues qui ont voulu me foutenir, me prouver même que votre époux C A  4p le sculpteur; S* p°Te fanLmcEUrs ' fans conduite; &$ Uommere Bemand, qui ioutena t qu'il n'était nas rentre courtier chez lui ; & que Sdi. quï vSS E? débauZ'? travaiIIer>,a P&rer, il étiè faiïe la debauche avec un tas de mauvais fujets, d'ivro- 5Sdc^aqrd1i?HalFtnbtnC' P°UrleUrS orgie. dan7.n peut ardin duFauxbourg, ob ces beaux Meflieurs il? tP Vres femmes, fument, boivent & jouent Je 'ai rembarrée de la bonne manière £ Z^J™ d',C qUCJe Doux n'était Pa* homme è a ie? dans de pareils endroits. ' SUSANNE. méprifèïlain"er Pader les méchan^ Madame, &les Madame CAQUET. Non, ma voifine, non; il faut les'confondre Tl 5sUauqtUrees vnfl°nnêteS genS/e ^^iennent les un les autres, voila comme je fois. C'eft au point ma tVe° Ma'd'JeT Vi£.nS d£ ^ Un écu, c'ont" e'c™JfnJS h? BavardlD> q-i eft bien la plus mauvaile la Commèrf r"T' 60 PréfenCe de S'monne & ^ la Commere Bonbec, qui a mème recu les enjeux • « qu il avait paffe la nuit a cóté de vous , & ie fuis " SUSANNE. lie^ctTn,,, &-Vetl Pas encore a ^ atte• 5.u ■ que e lai forcé de fe reoofer au. jou^hui un peu plus qu'. 1'ordinairl; 7éS[t ft Madame CAQUET , Du ,f and travail qu'il a fait hier ? Voi'a ee «ml s appe le une bonne femme, bien intendonnée' I faudrau que votre mari füt un monftre pour nd pas fentir tout ce que vous valez.... ' * P - S U S A N N E, 4 part. Cette femme fe plak a dechjrer mon'cceur.  C O M E D I E. 4r Madame CAQUET,/! kvant. Je vais bien punir cette méchante Madame Bavardin, en lui gagnant fon écu. J'aurais dü gager plus gros, n'eft-il pas vrai, ma voifine? En vérité, je vous félicite d'avoir un mari fi rangé , fi parfait!.... Eh! ma voifine, le voila qui revient en bon état, & bien accompagné. i ', " ' 1 z—:—"—: —■ SCÈNE III. LE DOUX, BE'CARRE, DU CISEAU, Madame CAQUET, SUSANNE. SUSANNE, volant a fon mari. Jlh! mon ami, c'eft toi! L E DOUX, la repouffant avec brutalitè, Laifiez-moi. SUSANNE. N'es-tu pas incommodé ? N'as-tu befoin de j'ien ? L E DOUX. Non.... Laifiez-moi.... Retirez-vous. S U S A N-N E. ■ Ne me reconnais-tu pas, le Doux? Je fuis Sufanne, je fuis ta femme. L E DOUX. Parbleu! je fais bien qui vous êtes. SUSANNE. Voila comme tu me traites? L E D O U X. Ne m'étourdilTez pas. Vos doléances m'ennuyent, vos remontrances me fatiguent, & j'ai befoin de repos Pour vous, Monfieur du Cifeau, vous de-' vez étre content de votre nuit, & vous m'avez appris a voüs connaftre. DU CISEAU, Vous avez tort de vóus plaindre, Cj  4* M SCULPTEUE, LE DOUX. Vous m'avez appris è vous connaftre, Moafieur Ja lecon me coüte cher, mais elle n'eft pas trop payée. * B E' C A R R E. Quand tu auras fait un petit fomme..., L E DOUX. Je me fais honte a moi-même... (Ilrentre dans Ja chambre, Sufanne fe prépare d ïaccompagner, il la repoujfe.) Ne me fuivez paf. SCÈNE IV. Madame CAQUET , SUS ANN.E , BE'CARRE, DU CISEAU. Madame CAQUET. "Votre mari me parait fort indifpofé, ma voifine s & fi vous voulez, je le garderai.... SUSANNE. Eh! Madame, laifiez-moi refpirer, je vous en conjure. Allez, fi vous voulez divulguer mes peines & mes malheurs; mais ne venez pas davantage jouir de meslarmes, & IahTez-moi, du moins, les répandre en liberté. Madame CAQUET. Je fuis fachée, Madame, que vous preniez auffi mal les marqués d'intérét & d'amitié qu'on vous donne , éi dorénavant je garderai pour d'autres mes confeils, puifque vous les recevez ainfi. SUSANNE. Vous me ferez grand plaifir, Madame. Madame CAQUET. Cela fuffit. Reftez k roucouler douloureufement aüprès d'un époux fi tendre, fi rangé; vous mérites bien ce qui vous arrivé. (Eltefort.%  C p M E D I E. ,43 SCÈNE V. SUSANNE, DU CISEAU, BE'CARRE. SUSANNE. Qu'attendez-vous donc, Meffieurs? N'êiez-vous pas contens? BE'CAÜE. Vousdevez nous en vouloir un peu, belle Sufanne; mais quand vous faurez.... DU CISEAU, fëignant d'être gris. Votre mari me boude; mais je veux faire ma paix avec vous, & vous expliquer.... SUSANNE. N'avez-vous pas de honte de me ramener mon mari dans un pareil état? B E' C A R R E, ckantonne fur un air d'Opéra. Un tendre engagement, va plui loin qu'on ne penfe. SUSANNE. Et vous ofez vous dire fes amis ? DU CISEAU. C'eft un crane, c'eft un fot. B E' C A R R E. Ca n'a pas plus de tóte qu'une linotte. Je n'ai bu un coup ni plus ni moins que lui, Sc vous voyez que je fuis frais. Mais dame auffi , je ne joue pas moi; je ne perds pas mon argent, je ne m'emporte pas, je ne me difpute pas: je bois un petit coup d'amitié; mais lui, c'eft un enragé, SUSANNE. Vous m'effrayez! II a joué, dites-vous, il a perdu: ce n'eft rien; mais il s'eft difputé? B E' C A R R E. Et battu. -SUSANNE, etfrayée. sBatlul ■  44 l e sculfjeür; b e' c a r r e. J'étais la Je les ai feparés; je n'aurais pas fourfert que deux amis.... Un verre de vin a tout raccommodé, & je vous réponds qu'ils n'onc plus Oêrancune: n'eft-il pas vrai, du Cifeau? du c I S e a u. Je lui pardonne de bon cceur. susanne. Comment! MoLlieur, c'eft contre vous? du ciseau. Ce n'eft pas ma faute. Votre mari a le vin joueur , on joue; il eft mauvais joueur, on fe f&che ; il eft brutal, on fe défend. Tout eft dans 1'ördre. susanne. Que je fuis malheureufe 1 du cIseau, d'un ton naturel. II eft vrai; je vous plains d'avoir un mari qui fe diérange tous les jours, & je vous confeille, en bon ami, d'avoir aflez de fermeté de féparer votre fort de celui d'un homme qui finira par vous ruiner. . susanne, s'apperpoit que du Cifeau fcint d'ètre gris, elle le regarde avec une furprife mêlée d'indignation. Vous me cönfeillez.,.. b e' c a r r e. Mauvais confeil que cela! Ne 1'écoutez pas; c'eft un fournois. Le Doux aime la petite goutte, eh bien! il faut en tirer vengeance, mais une vengeance plus douce, plu» ufitée : vous êtes charmante, k je vous aime de tout mon cceur, & fi vous voulez..,. ' O1 Avance pour l'embraffer , Sufanne le repoujfe fièrèrement, £? comme il efl réellement gris , il trébuche, " tombe d demi aux pieds de la Statue de Minerve.)susanne. Infolent!.... b e' c a r r e. On peut repoufler les gens un peu plus doi;CS« ment.  C O M E D I E. 4-5 DU CISEAU. Ah! ah! douce Sufannne, vous oublïez votre caraétere.... SUSANNE. Et vous, votre röie. Je vois toute 1'horreur de Ia baflelTe de votre cceur ; mais vous n'êtes plus a craindre, vous êtes démal'qué. DU CISEAU, reprenant le ton d'un homme gris. Ah ! démafqué SUSANNE. Vous ne m'abufez plus: votre ivrefle eft. feinte. Bécarre eft h plaindre; mais vous, vous êtes un monitre, & c'eft vous feul que j'accufe de la perte de mon mari. DU CISEAU. Moi, Madame»? (On entend du bruit, &c.) SUSANNE. Ah! Ciel! mon mari ferait-il blefie? (Elle fort.) SCÈNE VI. BE'CARRË*, DU CISEAU. DU CISEAU, a part. Tu m'as démafqué , mais trop tard : tous les coups font portés; le Doux ne s'en relevera pas, & je vais triompher. (Regardant la Statue aux pieds de laquelle Bécarre eft refté> 6? l'admirant.) Qu'elle eft belle! BE'CARRË, parlant de Sufanne. Charmante. DU CISEAU. Des contours! B E' C A R R E. Un embonpoint.... DU CISEAU. Des formes!  **" LE SCULPTEUR,- BE'CAKRÉ. Une taille.... OU CISEAU. Une fermeté! B E' C A R R Ë. Je le crois DU C I S Ë A Ü. Qqelle fierté. B E' C A R R E. Un peu trop. ^ , D U C I S E A U» Que de vigueur! B E' C A R R E. Oh! oui. DU CISEAU. Aujourd'hui elle eft a moi. B E* C A R R E. A toi? DU CISEAU. Oui, Bécarre; oui è moi. Je la IE ravis. B E' C A R R E. Tu 1'aimes donc bien fort ? DU CISEAU. J'en fuis fou. B E' C A R R E. Et moi auffi. DU CISEAU. Eft-ce que tu t'y connais? B E' C A R R E. Auffi-bien que toi. DU CISEAU. Non, mon ami, non; il n'y a qu'un Artiüe qui puifle apprécier aü jufte tout fon mérite. B E' C A R R E. N'ai-je pas des yeax auffi-bien que toi? DU CISEAU. Tu ne devines pas mille beautés cachées? B E' C A R R E. Oh! que fi - fait.  C O M E D I E. 4? D U CISEAUCes coups hardis d'un cifeau fublime? B E' C A R R E. Qu'eft-ce que tu dis donc? DU CISEAU. De qui parles-tu? B E' C A R R E. De Sufanne. DU CISEAU. 11 s'agit bien ici de Sufanne! B E ' C A R R E. 4)e qui donc? DU CISEAU. De fa Minerve, ivrogne! de ce morceau divin! SCÈNE. VII. LES PRE'CE'DENS, LE COMTE D'ARTIPHILE. L E COMTE.. Pourriez-vous me dire, Meffieurs, ü Monfieur Ie Doux eft ici ? B E' C A R R E. Certainement. DU CISEAU. Vous venez, peut-être, pour lui parler d'affaires 9 L E COMTE. Oui.. .. d'une affaire trés-importante. DU CISEAU. Pour de 1'ouvrage ? L E. COMTE. Oui, Monfieur, pour de 1'ouvrage. DU CISEAU. Excufez, Monfieur; mais c'eft que-dans ce moment le Doux n'eft guères en état de vous rendre aucune raifon.  *S LE SCULPTEUR. . L E COMTE. Comment cela? DU CISEAU. II a paffe toute la nuit, dans une taverne, a faire la débauche; il vient. dé rentrer ivre-mort, cc fa femme eft allé le coucher. BE' CARRÉ. , Pourquoi donc dire ga? DU CISEAU, J'ai des raifons. B E' C A R R E. Üis de la rancune, & c'eft vilain. Ne Ie croyez pas, Monfieur; il eft vrai que nous avons patfé la nuit enfemble , mais je vous réponds que le Doux vient de rentrer auffi faiu d'efprit & de corps que moi. LE COMTE, a part. Ce qu'on me marqué, n'eft donc que trop véritable. (Haut, regardant, la Statue.) Quel dommage que tant de talens foient perdus pour jamais! DU CISEAU. Vous examinez cette Statue ? L E COMTE. Ce marbre refpire. Quelle fiercé! DU CISEAU. Et croyez-vous, Monfieur, que ces beautés appartiennent a le Doux? L E COMTE. Oui, Monfieur. DU CISEAU. A lui? Apprenez, Monfieur, qu'il les doit toutes è un Artifte de fes voifins, qui eft fon guide & fon maure. LE COMTE, i part. C'eft ce qu'on me marqué.... (flauf.) Vous aimez la Sculpture ? DU CISEAU. 3'en fais mon écat. L E  C O M E D I Ë. 4J L E COMTE. Kt vous croyez que le Doux. ... DU CISEAU. Homme perdu, Monfieur, ralent éteint...,, L E COMTE. II en annohcait cependant, & beaucöup. DU CISEAU. Fleur trop hative , qui ne donnera jamais do ,fr ui cs. L E COMTE. Vous le jugez bien févèrement. B E' C A R R E. C'eft qu'ils font brouillés. Ils ont paffé ïa nuit h boire & a jouer. Ils fe font difputés, battus, & les ai raccommodés, paree que j'avais confervé rik raifon , moi; mais il eft rancuneux, lui! DU CISEAU, bas a Bécarre. Tais-toi donc? B E' C A R R E. Pourquoi dis-tu du mal de rhon ami? DU CISEAU. J'ai mes raifons pour parler aiufi. B E' C A R R £. Tu as tes raifons? DU C I s E A Ü. Oui; & fi tu veux venir jufques chez moi boire un verre de liqueur, je te ks expliquerai. . BÉCARRE. Ceci change la thèfe. Je veux les favoir, moi, ces raifons. D Ü CISEAU Eh bien ! donnó moi le bras. (Au Comte.) Votrs très-hurnble ferviteur, Monfieur. (Ils fórtent.) D  50 le sculpteur. SCÈNE VIII. le comte d'artiphile. feul. h°iïT £ft Ph.ls,que «néchant, c'eft un envieux. Ah ! pourquoi les talens , au dien d'exci>er dans le cceur des Artiftes une noble émulationTüne Pft ff , J°loufie.? Un ^cces dans tous les genres , dïoïïhè S?rT fvfIe.la halne, ameute^la mé! d oer té, effraye le demi talent. Malheur a celui, oeutZV11^' fG C0Ur0Dne d'un 1 peut des-lors compter autanj d'ennemis au'ii t ri« nvaux; tous chercheront a 1'écrafe?; & ?i la dent de 1 Envie fe bnfe contre fon ouvrage, on"ttaquera fon cceur on dénigrera fes mceurs^on foffi & J CexU,' &,fon Dom même Préte™ "ne arme nou* veile a la plate maiignité. S C E N E IX. le comte, susanne. susanne, d part. AH! Ciel! c'eft le Comte d'Artiphile lui-même! (Hm.) Pardon, Monfieur le Comte, j'ignorais que vous fuffiezici. Ya-t-il long-tems. l e c o m t e. Non, Madame. Quels font ces deux homme« que je viens d'y tröuver? WWWS susanne. Ce font deux amis de mon mari. l e comte. Deux amis de votre mari? susanne. Oui, Monfieur. l'un eft Muficien, qui n'efl pas  CO'MEDIE. 5r Tans talent, mais qui a le malheureuxdéfaut de boire un peu. L E COMTE. Je m'en fuis bien appereu; mais quel eft 1'autre ? SUSANNE. C'eft Monfieur du Cifeau, un confrère de mon man, & qui demeure ici prés. L E COMTE. Monfieur du Cifeau! Et c'eft, dites-vous, 1'ami de votre mari? SUSANNE. Son ami intime. L E COMTE. LeMche!... Revenons a le Doux. Vous favez, Madame, la manière dont je me fuis comporté visa>vjs de lui? SUSANNE. Ah! Monfieur le Comte, aprés avoir élevé fa jeuneffe, après avoir été fon bienfaiteur, voudriezvous le perdre ? LE COMTE. II m'y force, Madame; il y a plus d'un an que eet ouvrage devraic être fini. Je lui en ai fournï Ie marbre, je lui ai avancé plus de cent louis au - dela au pnx convenu; je ne lui demande pas d'argent , mais je veux, au moins, fon ouvrage, je le veux . tel qu il eft. ' SUSANNE. Vous voulez donc notre mine ? Je fais jufqu'è quel point vous avez poufle vos bontés, & combien mon mari parait avoir de torts vis-è-vis de vous; mais ces torts, j'en fuis peut-être la première caufe. L E COMTE. Vous, Madame! SU SANNE, lui montrant la Barcelonette de fon fils. Oui, moi, Monfieur. C'eft vous qui nous avez mariés ; vous voyez le premier fruit de vos bienfaits & de 1'amour de le Doux: peut-être ma tendrefle 1'a-t-elle trop de fois détourné de fon ouvrage. D 2  n L E SCULPTEUR, Ml ^cite de fe üvrer a tout fon génie, Se! LCOeUr ParlC fi hauC' Je fuis d0°c feufe cóu pabiel mais mon crime fut de troD aimer iw ^^ousm'av^z doMé, Le p!Z^ÏÏ, Sm L E COMTE. éDonx^l^r^ quel!e adreffe vous défendez votre X' mais .P1^ vous employez d'art pour le dis," cu-per, plus il eft coupable a mes yeux. SUSANNE, i-ui , coupable.' n . L E COMTE. Uui, puifqu'i} ne vous rend pas heureufè SUSANNE. Le Doux ne me rend pas heureufer Eh > nn^ ïnanque-t-il a mon. bonheur? Mon mari m'aiirle! fmant^' * P°Ur l6S comPlaifaDces, d'un E E COMTE. Vous me trornpez, Madame; le Doux vous né«. glige, vous maltraité même. SUSANNE. Qui peut vous avoir fait de tels Eapports f *r< ? C O M T E, inj domiat.t une lettts* •lenez, Madame, voyez ce qu'on m'écrit SUSANNE.' "' C'eft. 1'écriture de Monfieur du Cifeau. L E COMTE. ©e Tarjii de votre mari? SUSANNE. Qüi, Monfieur, L E COMTE, ÏU en êtes - vous bien certaine? S U S A N N Ë. O» ne peut davantage. Je vous montrerai vingt df L E COMTE.  e O M E D I E. S3 SUSANNE. s, Monfieur le Comte, je me croïs, en honneur „ obligé de vous donner un avis qui coüte beaucoup „ a mon cceur; mais je ne puis laiiTer indignement „ tromper un homme auffi généreux que vous & „ donc la proteftion eft fi précieufeè tous les Artis„ ces.. Vous avez confié un ouvrage trés conféquent a un jeune homme, nommé le Doux, qui, è la j, vénté, annoncait quelque talent; mais qui, de„ puis quelque tems, tft abfolument dérangé, mal„ traite fa femme, & paffe fa vie dans une taver- ne , adonné au jeu, q la boifibn; il n'a plus ce „ cifeau ferme & hardi qui a dégroffi votre mar„ bre, & je vous préviens qu'il eft hors d'état del'a- chever, , „ Si j'ai un confeil a vous donner, c'eft de lecon„ fier a des maros plus füres. 11 eft beaucoup d'Arv tiftes qui mentent votre confiance; il en eft un ,., fur-tout, qui, ami , dit-on , & voifin dele Doux „ a feul échauffé fon imagination , & conduit fa „ main. J'ignore fon nom ; 1'avis que je vous dona, .ne en eft d'autant plusfincère, ainfi que le pro.J% fond refpeft, avec lequel j'ai 1'honneur d'ëtre „ quoique je ne me nomme pas; Monfieur le Com* 3, te, votre, &c." L E COMTE, Ehbien! Madame? SUSANNE. L'envie feule, Monfieur, 1'envie la plusbafle apu «beter une pareille lettre. jugez quel eft eet homme, qui n'ofe fe Dommer? ' L E COMTE. J'avoue qu'un pareil écrit ne peut venir que d'une mam mepnfable; mais eft-ce donc la première fois que ia. vêrité parvient jufqu'.i nous par un organe impur? SUSANNE. Eh bien 1 je me fens le courage de vous le dire fT°' VCeCtf ^érité fi ?ae2le> & vous m>en "oirez, Monfieur le Comte. Il eft vrai, le Douxeftchangé! mm, te n eft pas un monftre, ce n'eft pas non plus D-3  L E SCULPTEUR. un homme fans talent. C'eft un jeune Artifte faible Ö^W.entra^ pTrdeÏ7mi.d gereux, a nég ige fon ouvrage; mais fans rien perdre de fon genie. Ce Monfieur du Cifeau, celacne qui vous ecnt, vient tous les jours 1'arracher de fon Attelier, pour le conduire dans un jardi, oü s'as" emblent des gens défceuvrés, mais honnêtes? Voia ie £UiU0r£SdeleDo,UX- Tr»Pdefacilité, un?éu de parefle, UQ peu de négligence; mais ce n'efl: qu un leger nuage qui peut bien tót fè difliper. Ma tendreiTe, vosconfeils, vosbontés, fi vous daignez ,« lu conierver la vue de eet enfant qui lui doit ƒ joui, auquel ildoit le bonheur, tout va ranimer dans loa arne les premiers élans du génie. Mon epoux a toujours le cceur excellent. Songez qu'en le pepdant, vous perdrez fa femme cette innSceng.«e. Non, vous n'en aurez pas la ferme?é- SCÈNE X, £? Dernier e. LE PRE'CE'DENS, LE DOUX, SUSANNE, voyant defeendre Jon mari, vole a lui, £? le preftnte au Comte. Viens , mon ami, viens tomber avec moi aux pieds dun homme fenfible, qui ne réfiftera pas a nos larmes. v L E DOUX. Pardon, Monfieur le Comte, C je parais en eet aife V0US' indirP°fition fubite» un taal- L E COMTE. . Avouez, mon ami, qu'il en coüte cruellement a un homme honnête pour mentir. Epargnez - vous cette peme. r °  C O M E D I E. c, LE DOUX. Quoi! Sufanne? SUSANNE. Peux-tu foupconrter, le Doux?..., L E DOUX. Ne faites point de reproches a votre femme. II elt bien rare d'en trouver une pareille: loin de vous accufer, elle a tout employé pour vous juftifier, & fa tendrefle pour vous, m'a plus appaifé, que fes raifons. C'eft un Ange, mon ami, c'eft un Ange tutélaire qui veille fur vous & fur votre maifon. Voyez tout ce que vous lui devez , puifque je vous conferve encore mes bontés, mon eftime & maprotection, malgré cette lettre affreufe que m'écrivait contre vous votre ami du Cifeau. Reconnaiifez-vous fon écriture? XE DOUX. Oui, Monfieur le Comte. L E COMTE. Gardez-la. L E DOUX. Qui donc a pu farmer contre moi ? L E COMTE. Vos fuccès; & voila 1'ami pour lequel vous aban. donmez cette femme refpectable, cette créature intereifante, a laquelle vous devez un père. L E DOUX, faifant un mouvement pourfe jetter aux pieds du Cornte. Ah! Monfieur, permettez.... L E COMTE, lui tendant la mam Ce n'eft pas k mes pieds que vous devez tomb'er le Doux; c eft a ceux de cette adorable femme * SUSANNE, l'embrajfant. Oh! mon ami! L E D O U X, afa femme. Ma Sufenne.... j'abjure è ces pieds ce malheureux goüc , qui allaic, peuc être, me faire oubikr lil .! étais époux & père. q  56 LE SCULPTEUR. L E COMTE. Voyez, le Doux, voyez a quoi tiennent les talens, les mceurs, le bonheur même. Voyez, furtout, combien un faux ami eft è craindre, & redoutez toujours les liaifons dangereufes. F Z ZV.