MÉMOIRES S E C R E T S POUR SERVIR A l'HISTOIKE de la RÉPUBLIQUE DES LETTRES EN FRANC E, befüis MDCCLXII jasQü'a nos jours; J O URN A L D'UN OBSERVATEUR, Contenant les Analyfes des Pieces de Thédtre gin ont parit durant eet intervalle; les Relations des Jffemblées littéraires; les Nutioes des Livres nouveaux , clandeftins, prohibésles Pieces fugitives, rares ou manufcrites, en proje ou en vers; les Vaudevilles fur la Courles Anecdotes &> Bons Mots; les Eloges del ^vans, des Artijles, des Hommes de Lettrjs moris, £fc. &c. fcpe. TOME VINGT-NEUVIEME. buc propiüs me,' vos ordine adite . Htilt- L- «• Sat. 3. vs. 81 Ss 82. A LONDRES, Chez j O H N ADA'MSON, MDCCLXXXVI,   MÉMOIRES SECRETS PoüR servtr a L'HlSTOTRE de la République des Lettres en France, depuisMDCCLXII, jusqu'a nos jours. ANNE'E MDCCLXXXV. Premier Mai. Les comédiens frane,oiï ont joué hier pour feconde Nouveauté, de puis la rentrée d'après Paques, Alben Emilie, tragédie en cinq A&es &. en vers. Ce fujet, tiré du ThéStre Allemand, a pu avoir du fuccès dans Je pays, oü le goüt n'efl: pas encore bien épuré. D'ailleurs, 1'on y retrace les mceurs de la Nation, 1'óa y retrouve des ufages & des fêtes qui peuvent 1'intéreiïer. II y eft queüion de Prioces dont Ja gloire vit encore dans les chro. niques du pays. Toutes ces circonftances ont féduit 1'auteur & les comédiens qui fe font mis de concert en frais, & tout inutilement. Excepté le troifieme Acte, don^ la première moitié efl: trés importante, & par 1'appareil du fpe&acle & par un grand. étalage de fentimens héroïques; le Public a foutenu le refte trés impatiemment & les huées font devenues 11 fortes au dernier Acte qu'on n'en a prefque rien entendu. Cette tragédie eft de Mr. Dubuijfon, 1'awteur de Nadir. ' i Mai 1785. Extrait d'une Lettre d'Amiens du 25 Avril... Rien de plus vraj que A 2  (4) êout ce qu'on vous a raconté de Crequi-Canaple) ou d la lengue barbe. C'étoit un original, mafs un hom me de génie dans fon genre. 11 avoit fait déftnfes par huiffier a fon curé de lui donner les prieres nominales a fa mor.t; il lui dit qu'il vouloit être enterré dans fon jardin. Le curé en référa a 1'évêqüe. Ce Prélat répondit que puifque Ml'. de Crequi s'étoit ïnis lui-même hors de 1'églife, il falloit 1'y laiffer. La familie a trouvé cela trés mauvais; elle vouloit in» tenter un procés a 1'évêque, d'autant quele défunt n'avoit point enfeigné fa volonté par écrit. Heureufement, Mr. de Machault le pere, qui a encore du crédit, s'en eft mélé. II a fait entendre a fon fils que c'étoit pour les vivans qu'on honoroit les morts. 11 a été convenu que le cadavre feroit exhumé & enterré avec toute la décence convenable. 2 Mai 1785. Extrait d'une Lettre de Rouen du 25 Avril.... Le Parlement a enrégiftré ou plutöt homologué derniérement un établi flemen t de charité, formé dans Ia paroiiTe de Saint Denys prés d'Aleneon depuis 17C7 ; vous voyez qu'il eft autérieur a tous les Clubs, a tous les Mufées, a tous les plans de bienfaifance dont uos journaux font farcis aujourd'hui. Pluöeurs Miniftres ont défiré qu'on en format de pareilsdanschaque paroifle. II eft principalement dü au curé, Ml'. Cokmbet. Par ce moyen il n'eft aucun mendiant dans ce village, on n'en trouvera polnt dans aucun dépot du royaume. 11 ea  C 50 a prefque banni auffi Ia chicane. C'efl 1'esprit de Partiele IV du Réglemenc, par lequel il. eft défendu d'affifter nifainéans ni plaideurs. Depuis trente ans les prónes de ce bon Pafteur roulent principalement ladetTus. II donne auffi des prix d'agriculture. 2 Mai 1785. Le Doéteur Seiffer, Médecin Allemand, attaché a M1'. le Comte d'drtois en qualité de Confultant, raconte que s'étant trouvé appellé chez Madame la Princefle de Lamballe, la Reine y étoitvenu & lui avoit demandé s'il étoit Médecin du Sieur de Beaumarchais, comme on le lui avoit dit ? Sur quoi le Doóleur ayant répondu a Sa Majeflé qu'en effet il étoit chargé du foin de la fanté de eet homme célebre, 1'avoit été voir a Saint Lazare & le foignoit en ce moment: Vous avtz beau le purger, s'écria la Reine, vous ne lui öterez pas toutes fes vilainies. 2 Mai 1785. Le Parlement de Rouen a pris auffi fait & caufe pour les Négocians de fon relTort dans le grand procés du commerce contre les Américains & a fait des Remontrances au Roi dans le genre de celles de Bordeaux. 2 Mai 1785. Pizare, ou la Conquête du Pérou, eft un opéra compofé depuis 1779. Le poëme eft d'un Chevalier Dupkffis & la mufique du Sieur Candeille. Cet ouvrage déja. prérenté trois fois au comité, avoit été rejetté autant de fois; enfin W. ie Baron A 3 * '  C O de Bnteuil lui a accordé fa proteólion & ]'a " fait recevoir. On en a fi mauvaife opinion que les premiers fujets ont fait beaucoup de è'irBeüke d'en prendre les róles & que celui '3 de femme doit être exécuté par M»e. Gavaudan cadette. Le Sieur Candeille eft un compofiteur excellent pour donner des leeons, mais nullement fait pour lutter contre Gkck , Piccini , Sacchini. C'eft demain que cette tragédie lyrique fera exécutée pour la première fois, 2 Mai 1785. Daas ce fiecle .philofophe oh 1'on veut détruire tous les préjugés, il étoit naturel d'atraquer un des plus abfurdes, celui qui fait rejaillir fur toute une familie 1'infamie répandue fur 1'un de fes membres par un fupplice honteux. On peut fe rappeller les deux jeunes gens qui ont étéroués pour s'être révoltés deux £ois en prifon. L'un d'eux nommé Dejaignes avoit un frere Contröleur général des Domaines en Normandie, trés bon fujet. La Direétion de Clermont étant venu è vacquer, il s'eft trouvé que c'étoit a lui a monter. Les Chefs lui ont accordé la place; mais en même tems ont confulté Mr. le Controleur général pour favoir fi la tache imprimée au nom de eet officier de finances n'étoit pas un obftacle. Mr. de Calonne a répondu qu'on avoit trés bien fait de récompenfer le mérite ik afin de procurer plus d'éclat a ce choix, ila -écrit h M"-. 1'Irrtenda'nt de Rouen pour 1'engager a annoncêr lui-rr.ême cette nomina-  C? ) tion au nouveau Directeur & i'a prié d'affedter de lui donner a diner avec beaucoup de monde, afin de mieux remplir 1'objet da Miniftre: on ajoute que 1'Intendant <¥Au' mencera en Juin. 6 Mai 1785. Le Mémoire du Dodteur Varnier, après 1'expofé des faits, répond aux deux motifs du Décret, & paree qu'il a pratiqué Ia médecine avec des perfonnes qui étoient fans droit de Pexercer, & paree qu'il eft partifan déclaré du Magnétijine aninial. D'abord le Dodteur Varnier établit pour répondre au premier chef d'accufation, que Partiele 77 des Statuts de la Faculté qui lui fert de ba.fe,. n'a jamais été entendu a la rigueur;, qu'ii pourrcic s'autorifer de 1'exemple de fes confrère* les plus diftingués, fe permettant tous les jours d'y déroger, quand il s'agit des progrès de la fcience ou de A 7-  c 14; 1'intérêt des malades. Enfuite Mr. De/Ion dont il fuivoit le traitement, eft Docleur de la Faculté; & d'ailleurs, en fait de cours & d'inftru&ion, la qualité de Profesfeur n'eft point un obftacle; enfin c'eft déoaturer abfolument 1'occupation du Docleur Varnier, de traveftir en pratique de médecine, fon affiftance aux traitemens magnétiques. Quant au fecond chef, appuyé furce qu'il a perfévéré par fes écrits, fes difcours & fa pratique dans fon attachement au Magnétifme animal & refufé de figner le formulaire du 28 Aoflt 1784, il répond que, s'il lui a été permis de ie livrer a 1'étude du Magnétifme animal, fans pouvoir être traité d'infradteur des régiemens de la Faculté; c'eft une conféquence néceffaire qu'il lui a été permis également de prendre fur eet objet telle opinion qu'il jugeroit h propos; car il feroit trop abfurde de prétendre que ]a Faculté u'auroit laiffé a fes membres la liberté de s'inftruire, que pour exiger enfuite le facrifice de'leur inftruclion; genre de defpotifme auffi contraire a la raifon qu'au régime de la Faculté. Dans cette partie du Mémoire fe trouver une digreffion étendue contre le Rapport des CommifTaires nommés par le Roi pour examiner le traitement du Magnétifme animal, & le Docteur prétend en faire voirles vrees*, les contrariétés, les abfurdités.  C 15 ) La conclufion eft un éloge pompeux da Magnétifme animal, dont le Dodteur Varnier ne rougit point de fe déclarer 1'enihoufiafte & Papótre. Le Mémoire eft terminé par Ia Confultatioa, oü 1'on eftime que la radiation de Me. Varnier eft injufte è tous égards, & que le Decret qui la prononce, ne peut manquer d'être annullé. 6 Mai 1785. Le Courier lyriqut & amufant doit paroftre tous les quinze jours, a commencer du premier Juin. Ilferacompofé d'un cahier de 16 pages in 8°. diftribué ea première & feeonde partie. Une moitié contiendra deschanfons, des romances, des ariettes & vaudevilles avec les airs notés, quand ils ne feront poiat connus. Ou promet que les paroles feront toujours choifies, comme jolies pieces de vers, de maniere k pouvoir plaire, même aux perfonnes qui ne chantent pas. L'autre moitié offrira un repertoire amufant d'anecdotes, de bons mots, de traits hiftoriques. La Mufique-fera revue avec la plus grande attention par Ml'. Greffet, compofiteur agréable, connu par plufieur^ airs légers & qui doit enrichir cette colitcïion de fes meilleurs morceaux. Le choix des anecdotes de Ia feeonde partie & celui des paroles de la première  fera fait par un homme de lettres d'un goüt exercé, mais qui gardera 1'anonyme. Tel eft leProfpeStus de ce Journal, quin'an» noncant aucune critique, doit trouvergracs aux yeux de ceux qui. la redoutent & en être próné. 6 Mai 1785, Comme la cour eft bien-aife de fe rendre maitreffe des objets a traiter dans 1'affemblée decennale du Clergé qui doit s'ouvrir le vingt-cinq de ce mois,, cc de pouvoir les faire décider k fon gré, cette affemblée doit être compofée en grande partie de Prélats k fa dévotion, a commencer par le Préfident, 1'Archevéque de Narbonne^-, fubftitué au Cardinal de la Rochefoucauft quf avoit d'abord été défigné. De ce nombre de No> feigoeurs trés. lefles , on vouloiC exclure 1'Evêque d'Amiens, peu propre a figurer parmi eux; mais celui - ei a refufé de fe prêter aux défirs du Mlniftere, il ï déclaré que c'étoit fon tour & qu'il le foutiendroit. La décifion a été en fa faveur: alors il a dit qu'il lui fuffifbit d'avoir foute» nu & fait reconnoJtre le droit de fon fiege;, qu'afin de prouver qu'il n'étoit guide par aucune vue d'ambition ,ou de turbulente, ily renoncoit, & c'eft Mr. 1'Ëvêque du Nuyon qui le remplace & fera beaucoup pius agréable au grand nombre. 7 Mai 1785. La Comteffe de Chazele, jouée hier aux "Italiens pour troiileme nouveauté % a été plus mal accueilii<2 encore que  C 17 ) les précédentes & huée a peu prés depuis le premier Adte jufques au cinquieme, qui a été écouté plus tranquillement. On congoit que pendant un tumulte auffi fréquent & auffi foutenu, il étoit impoffible de bien fuivre la marche de 1'ouvrage & furtoutd'en faifir les détails. On voit en général que le fujet eft tiré des Liai/bns dangereufes\ qus le héros eft un Roué calqué fur celui de ce Roman; mais beaucoup plus gauche, plus vil & plus odieux, s'il eft poffible ; comme il finit de même & eft tué, c'eft mal a propos qu'on a donné le titre de comédie a te Comteffe de Cliazelle; c'eft tout au moins un drame trés noir, & a caufe de lacataflrophe elle mériteroit plutöt le titre de tragédie bourgeoife » C'étoit un bruit accrédité depuis quelquesjours que la piece étoit de Madame- de Montejfon; comme elle s'elt trouvée fur ie répertoire tout-a-coup & a dévancé tous les concurrens, ce qui annoncojt un auteur trés en crédit, cette circonliance a fortifié les conjeftures, augmentées encore è la repréfentation par 1'abfence de cette Dame & du Duc d'Orléans, qui ne manquent jamais les nouveautés. Enfin la modération avec laquelle les journaux en parient aujourd'hui, même 1'Abbé Aubert, tout confirme la rumeur. , 7 Mai 1785. M1'. de Forbonnais, qui a joué uu róle fous quelques Minifiresj en  C «8 ) poflefïïon d'écrire fur toutes les matieres de finance oa de commerce, a compofé de fon propre mouvement un Mémoire fur la grande queflion agitant aujourd'hui les Chefs de 1'adminiftration, fur le procés élevé entre les Colonies & la Métropole. Ce politique eft abtblument pour le commerce excluflf & comme il fait que Mr. le Maréchal Duc de Cajlries eft fort attaché a 1'opinion contraire, qu'il auroit peine a revenir contre fon Arrêt du Confeil, M>; de Forbomais a adreffé fon Mémoire au Contróleur général; il s\eft fiatté de trouver ce MiniÜre-ci plus difpofé a adoptcr fes raifonnemens, a les faire vaioir, & a combattre dans le Confeil le Miniftre de la Marine, auquel il eft na. turellement oppofé. 8 Mai 1785. Le Sr. Audinnt, défefpérant de rentrer en pofTefllon de fon Spectacle a regu 1'offre qu'on lui a faite d'en monter un aa Bois de Boulogne, oh jouoit autrefois la troupe appellée des petiis Coméditns du Bois de Boulogne. II doit même y exécater «ne piéce pour laquelle il lui a fallu dir crédit ; c'eft le Barbier de Seville^ mis en mufique par Mr. Paëfullo, que les trois graods Spedtacles fe font fi bien contefié qu'aucun n'en eft reflé en pofferfion. C'eft demain qa'Audinot doit ouvrir fon nouveau théatre. Tl a été défendu aux Journaux de 1'annoncer .& 1'on ne fait eet événement que par ouïdire, ou par 1'affiche qu'on en voit a PafTy & dans les environs.  C io ) Du refre, fon procés, dit-on, a été cvoqué au Confeil & il fe répand outre fon Fattum, deux autres Fattum, 1'un du Sieur Parifot qui s'eft trouvé attaqué dans le Mémoiré du Sieur Audinot, & 1'autre du Sieur Gobiot- de Saiins, fouffleur d'Audinot, qui prend la défenfe de fon maïtre. 8 Mai 1785. Depuis quelque tems M''. le Duc de Choifeul eft tombé griévement malade: eet événement a caufé une forte fenfation : fes amis fe font empreiïés de lui témoigner des foins; Madame la Ducheffe de Grammont , Madame la Comteffe de Brionne, Mr. le Duc du Chdtekt, Mr. le Prince de Beauveait cc plufieurs autres grandesDames & grands Seigneurs, fe fontinftallés dans fon hötel cc ont voulu même y coucher. Du refte, qustre Secrétaires étoient con. tinuellement occupés a écrire les Bulletins; le concours étoit immenfe chez le malade & il falloit obferver une étiquette néceffaire dans cette foule; première, feeonde antichambre, fallon, chambre a coucher; chacun avoit fa place dans ces différentes pieces & les élus feuls étoient dans la derniere. L'emprefiement parmi les Médecins n'a pas été moindre. On en a compté jufques h onze: aiTurément il n'en falloit pas tant pour 1'expédier; auffi paffe-t-il pour mort aujourd'hui & dés ce matin 1'on ne délivroit plus de bulletin.  C 20 ) La Reine y envoyoit régulieremene un Page chaque jour & plufieurs fois enfuite & jufques è quatre'fur la fin: on veuc que le Roi n'y aïc pas envoyé une feule fois. Les politiques ont cru s'appercevoir, depuis la maladie du Duc de Cfioifeul, de 1'influence fecrette de eet Ex-Miniflre dans le Confeil de la Reine; c'eft. k. dire, qu'ils ont obfervé qu'elle commencoit a ne plus agir. En forte que cette mort, fuivant eux, eft un bonheur vérkable & peut opérer du changement dans les iatrigües intérieures & extérieures; on fait que le Duc de Choifejil a toujours paffe pour un grand maftre en ce genre. _ Quoi qu'il en foit, aucun Miniftre remercié n'a confervé tact de confidération durant la difgrace, même fous ce regne; car on peut regarder comme telle, 1'obftination du R01 a ne jamais vouloir fouffrir qu'il foit rentré h ia cour & en place, malgré le defir de Ia Reine & tous les efforts de la nombreufe cabale du Duc de Choiftul. 8 Mai 1785. On ne voit point encore 1'Arrêt du Confeil contre Ie Comte é'Arcq & 1'on en défefpere aujourd'hui. Cela conferme le brüit courant que le Duc de PentJuevre, foit modération, foit crainte de donner de 1'éclat k cette affaire qui, même gagnée , iui fait peu d'honneur, ou plutót i ion Confeil, n'a point voulu faire trop connonre 1'Arrêt; qu'il 8'eü coaterjté d>en  C 21 ) faire tirer des copies manufcrites pour i'ea» voyer aux endroits oh il doit néceffairemenc être iigoifié. Par eet Arrêt le Comte d'Arcq eü: débouté de toutes fes deinandes; il lui eft défendu de prendre le nora de Comte ou de Chevalier d'Arcq; enjoiut a lui de porter celui de Sainte-foy qu'annonce fon extrait baptiftairé; &c. tous fes Mémohes fupprirnés: défenfes a Me, Ader d'en publier de pareils a 1'avenir. o Mai 1785. Depuis longtems il y a une fermentation confidérable dans legrand Banc k 1'occafion de la place de Premier Préfident. Deux concurrens la briguent furtout, Mr. de Lamoignon & Mr. Gilbert. Le Roi s'ob'tine a conferver Mr. d'Aligre qui lui eonvient dans cette place; en même tems il veut garder M1'. d'örmejjm pour feconder ce chef & le remplacer au befoin, Cependant comme ce dernier s'ennuyoit & menacoit de quitter, Sa Majeflé a fait part de fon projet a Mr. d'Aligre, & 1'a chargé d'arranger tout cela &de chercher un moyen de fatisfaire fon collegue. Mr- d'Aligre n'a trouvé d'autpe expediënt que de drefler des Lettres . pateDtes qui donnent dès ce moment date & rang entre les Préfidens du Parlement au fils de Mr. d'Ormijon, Confeiller, ayant 1'age fuffifant pour fuceéder k fon pere, mais reflant toujours tel par cette faveur.  C 22 ) En conféquence les Lettres patentes ont été portées aux Chambres affemblées vendredi dernief & enrégiftrées, malgré les réciamations de quelques mécontens: c'a été furtout un. coup de foudre pour Meffieurs de Lamoignon & Gübert, qui ne s'y attendoient pas. 9 Mai 1785. On parle de deux ouvrages poflhumes de M''. 1'Abbé de Mably. L'un a pour titre du droit 6f des devoirs du citoyefi: 1'autré, du beau des talens. On annonce furtout ce dernier comme bien fupérieur a tout ce que le Pere André, 1'Abbé Dubos, 1'Abbé Batteux & autres ont écrit fur les principes des beaux arts & è ce que luimême a déja publié fur les principes de la politique. II étoit fur le point de le livrer h 1'impreffion, lorfqu'H a été attaqué de la maladie dont il eft mort. 10 Mai 178J. Par une inconféquence fort finguüere, malgré les défenfesde parler en aucune maniere du livre de Mr. Necker s d'en nommer même le titre, on annonce dans toutes les feuilles périodiques uneCritique détaillée de eet ouvrage ; on en rend compte, & 1'Abbé Aubert, le journalifte minis> tériel, 1'organc du gouvernement, comme on a vu, pour 1'interdiclion, eft le premier a faire connoftre des Remarques d'un Franfois, ou Examen impartial du livre de Mr. Necker, fur l'adminijtration des finances de la France, pour fervir de Correüif de Sup*  C 23 ) plêment a fon ouvrage. II répand même a cette occaflon fa bile contre 1'ancien Adrniniftrateur des finanees & fe complait a exaltér ce pampblet, que les gens impartiaux difent n'être pas trop bon. II 1'accufe avec le critique de s'être rendu coupable du crime de Leze - Conftitution. On 1'attribue au Comte Dubuat, qui a déja écrit fur des matières politiques. 11 Mai 1785. Quoique les Négocians fe flattent de gagner leur procés contre les Américains Planteurs & que 1'Arrêt du Confeil ne tardera pas a être retiré; ils n'eo continuent pas moins d'inftruire leur caufe de toutes les manieres. On vante furtouc un dernier Mémoire de la ville de Bordeaux, oü 1'auteur parle comme un vieillard de 84 aDs qu'il fe donne, & cependant a tout le nerf, tout le feu de la jeunefle. Mr. de la Cojle a fait fon rapport annoncé depuis- longtems & 1'on dit que c'eft. un chef-d'ceuvre détermïnant pour le Miuifiere. 11 Mai 1785. Les précautions du Gouvernement pour empêcher que laconnoiflance des acles de pol'ce exercés juridiquement par le Parlement de Brctagne a 1'occafion des plaintes contre les mauvais tabacs dont cette prövince eft infectie, ne porte 1'alarme, font que les Arrêts de cette Cour ne percent que lentement ici. Le dernier qu'on a annoncé, rer.du lorfque cette cour, laffe des délais qu'avoit défirés Mr. le Con-  C24 ) tröleur général, a cru devoir agir enfin &' continuer fes pourfuites, eft du 4 Mars» C'eft celui qui ordonnoit 'la brölure des tabacs faifis par les Jurifdiétions inférieures. ii Mai 1785. On a vantéen 1781 une • Demoifclle Renaut, agée de onze ans, qui débuta dès-lors au concert fpirituel & mérita 1'attention & les éloges de tous les amateurs. On craignoit feulement qu'on ne la forcat trop de travail & que fon talent prématuré ne fe perdït. Heureufemenc cela n'eft point arrivé; elle s'eft trouvée en état de paroicre fur le théatre de la Comédie Italienne, & elle a joué lundi le róle de Lucette dans Ia faujje Magie, avec un fuccès qui ne dément point les efpérances qu'elle donnoit il y a quatre ans. C'eft un prodige; il faut voir s'il fe foutiendra. 11 Mai 1785. MIlt;. Gavaudan cadette, une des coryphées chantans dans les choeurs , acquiert par dégré une forte de qélébrité; elle eft d'une trés jolie figure, elle a une voix fort agréable & commence a' jouer de petits róles avec fuccèï; en force qu'elle eft parfaitement aujourd'hui fur le trottoir. Un plaifant, fans doute pour la mieux faire connoïtre, vient de lui adreffer une èfpeca ü'épitre ou de déclaration d'amour bizarre, fous Ie nom & dans le ton d'un Gifcon: quoique cette piece, trop longue pour être bonne, foit afTez platte, elle fait fortune & fans doute reeoit fon luüre de 1'héroïne. 12 Mai  ( 2J ) 12 Mai 1785. Madame Ia Pn'ncefle Czartorinska, dans un hameau de Pologne s'eft occupée a élever un monument è tous ies auteurs qu'elle a lus a Ia campagne & qui Pont inftruite & émue, ainfi que fa fociété. Ce monument eft une pyramide de marbre, dont les quatre facesdoivent être chargées des noms de ces grands perfonnages, a leur rang. D'un cóté, Pope, Milton, Young, Sterns, Shakefpear, Racine fc? Rouffeau. De Pautre, Petrarque, Anacréon, Métas. tafe, le Toffe & la Fontaine, Sur le troifieme, MadamedeSêvigné, Madame Riccoboni, Madame la Fayette, Madame DeshouVJcres & Sapho. Sur le quatrieme enfin, Virgile, Geiïnir & 1'Abbé de Lille. Ces quatre faces feront accompagnée» d'arbres, d'arbuftes & de fleurs. Les rofes, le jafmin, le lilas, des paqueti de violettes & de penfees, feront du cöté des femmes. Petrarque, Anacréon & Metaftafeauront le myrthe ; le laurier fera yomleTaffe; le faule pleurant, le tiïfte cyprès, les ifs accompagneront Schake/petr, Toung & Racine. Pour le quatrieme cöté, le hameau choifira ce que lts vergers, les bois, les prairies peuvent offrir de plus agréable. II ne s'agit plus que d'une infeription, ét d'une voix unanime il a été écrit ï Mr. 1'Abbé ie Lille peur lui en demander une, mie XXIX. B  ( 26 ) Ce Poëte a répondu de Conftantinople oti •31 eft, une Lettre trés galante a Madame la Princeffe de Czartorimka & lui a choifi ipour infcription relative & aux grands hommes a qui le monument eft élevé & a ceux qui Pont imaginé, celle • ci fimple & vraie: les Dieux des Champs aux Dieux des Arts. 12 Mai 1785. L'afFaire du Sieur Audinot devenant trés grave par Pintérêt vif qu'y prend le public, on ne fauroit trop éclaircir les faits tels qu'on les recueille dans les divers Mémoires des parties. Ce fut au commencement du mois d'Aofit 1784 que Popéra fit fignifier un Arrêt du Confeil qui lui accordoit tous les privileges des petits Spectacles, pour les exercer ou les faire exercer par qui bon lui fembleroit. Dans le courant de Septembre on recut «les foumiffions,; le 16 on adjugea. Les Sieurs Caillard & d'Orfeuille, moyenBant 30,000 livres de redevance pour chacun des Spedtacles qu'ils alloient réunir, fe rendireut adjudicataires du privilege des Variétés & de l'Ambigu comique. Le Sieur Audinot r.e parut pas d'abord trés fenfible a la perte de fon Speólacle; les elaufes du bail & les charges fembloient lui promettre des indemnités qui Pen confoloient; mais 1'établiiTement des Variétés au Palais Royal J'alarma d'autant plus vivesjgofj! qu'il le menacoit de rendre inutiles  C 2? ) fes falies, fes décorations & tout ce qu'exigeoit Ie Speclable de l'Ambigu Comique. En conféquence , quoique le Bail fut paffé, le Sieur Audinot en reféra k M'. le Lieutenant général de Police, comme juge en cette partie & 1'on traita la chofe par -voye de conciliation. Elle ne put avoir lieu & depuis ce tems le Sr. Audinot a confervé fes prétentions a la charge des Sieurs Gaillard & d'Orfeuille; ce qui fait la matiere de leur différend. Le Sieur Audinot a publié un Mémoire contre ces Directeurs, qui en a produit d'autres. II y attaque un Sieur Pari/au, cidevant fon répétiteur, aujourd'hui au fervice de fes adverfaires. Celui-ci a répondu & dans fa réponfe a maltraité Ie Sieur GaMot de Salins, le föuffleur du Sieur Audinot: de-Ia une défenfe de ce dernier. Enfin 1'ExDireéteur fait unefortie contre fon confrère Nicolet qui, plus adroit que lui3 a fenti favantage de refter en pofTeffion, même avec perte: on affure que Ie Sieur Nicolet doit répondre & repouffer les atteintes du Sieur Audinot; ainfi cette guerre foraine n'eft pas encore prêce afinir: on reviendra fucceffivement fur cbacun de ces Mémoires, qui amufent les Avocats & les amateurs des petits Speélacles. 12 Mai 1785. Mr. le Duc de Penthievre, outre les Significations néceffaires del'Arrêt contre Ie Comte d'Arcq, aujourd'nui Situr B 2  C 2S ) de Sainte - Foy, en a envoyé des copies manufcrites aux Princes, aux grands Seigneurs & aux principaux Magiftrats, avec une Lettre oh il die que n'ayant point répondu a la foule des Mémoires répandus contre lui avec profufion au nom du Comte d'Arcq, il croit devoir leur faire part du Jugement ci- joint. 13 Mai 1785. M>'. le Duc de Choi/eul eft mort en effet le dimanche 9; il a été préfenté le onze a Saint - Euftache fa paroiife, & transféré de - la h. Chanteloup. Jamais on n'a vu cortege plus nombreux & plus briljant. C'étoient des cordons bleus a 1'infini , des cordons rouges , des cordons étrangers; des vieillards courbés fous le poids des ans fembloient aller defcendre dans leur tombe après avoir rendu au défunt ce dernier devoir. Par fon teftament le Duc de Choifeul a ordonné qu'il foit enterré dans le cimetiere de fa Duché-pairie, au milieu de fes vaffaux dont il avoit voulu être Ie peredurant fa vie. Cette difpofition eft humaine & philofophique; mais ce qui ne 1'eft gueres & même eft puérile, c'eft d'avoir voulu qu'on plantac un cyprès male fur fa tombe, &, ce qui n'eft rien moins que galant & délicat envers fa femme, c'eft de lui avoir fait d'avance envifager fa propre deftruólion , de lui avoir prefcrit en quelque forte une place a cöté de lui, fur laquelle il feroit également planté un cyprès femelle.  C *9 ) Du refie, par ce teftament le Duc de Choifeul évalue fes biens a quatorze millions & fes dettes a dix; & comme il fentoit que ce calcul pouvoit bien n'être pas fort exact, il invite Madame la Ducheffe de Choifeul a concourir au payement de fes dettes. Ea effet, on doute qu'il y ait de quoi. Dans le refte de ces difpoütions dictees par le mourant avec bcaucoup de fang-froid, en préfence de quatre Notaires & rédigées en quatre pages, le Duc de Choifeul n'oublie pas fes amis préfens; il fait Madame la Ducheffe de Grammont fa foeur, fa légataire univerfelle. II inftitue Mr. le Duc du Chdtelet .fon exécuteur teftamentaire; il le prie d'accepter en reconnoiiTance fa toifon d'or de diamans & d'en détacher la rofe du milieu pour être donnée a Madame la Comteffe de Brionne. Tel eft ce qu'on a retenu & ce qu'on cïte comme le plus intéreffant. Une diftinction de plus que les amis du Duc de Chmfeul auroient défirée a fon convoi & qui lui a manqué; c'eft que Mr. le Comte d'Artois eflt ordonné aux quatre compagnies de grenadiers des Gardes Suisfes d'y afïïfter; honneur a rendre a leur ancien Colonel. 13 Mai 1785. Le Sieur Floquet vient de mourir. Ce jeune Muficien en a fait afTez pour fe conferver une réputation & faifoic trop peu pour mériter d'être regretté; il ne travailloit prefque plus & ne vivoit gueres B 3  C 3® > que chez dés filles; ce qui l"a condüit & fa perfe. Il étoit membre de 1'Académie Philarmonique de Boulogne. 14 Mai 1785. Mr. Milcent annonce qu'il a traité le même fujet qu'Albert & Emitie» fous fon vrai nom , tiré du théatre allemand, qui eft Agnhs de Bernau; que dés le 10 Octobre 1784 fon Drame avoit été recu des Italiens, qu'ils le répétoient & 1'alloient jouer lorfque les comédiens francais ont pris les devans. Mr. Milcent ajoute qu'ayant appris cette nouvelle a Rouen qu'il habfte s, 11 a rctardé fon ouvrage pour laiiTer fon rival jouir de ,tout fon fuccès. Sa lettre aux Journaliftes de Paris' eft datée du 4. Mai. L'objet de ravertiffement de 1'auteur eft de ne point paffer pour plagiaire, lorfque. fa piece paroitra. 14 Mai 1785.. Le vent duNord qui regne conftamment depuis plus de trois mois & la féchérefTe qu'il entrafne, ont excité le zelc. des deux Puiffances. Déja nombre de paroisfes des environs de Paris s'étoientemprefféesde venir k fainte Genevieve 1'invoquer; on parle de quelques-unes qui avoient pouiTé 1'humiliation jufques k faire le chemin les pieds nuds; enfin Mr. 1'Archevêque a rendu aujourd'hui un Mandement qui ordonne des prieres de quarante heures. De fon cóté le Gouvernement qui par divers Arrêts du Confeil a- déja cherché les moyens, de fecourir les provinces dévaftées  ( 3* > par Ie même fiéau, a fait.publier le 8 de ctf mois un Arrêt portant réglemeDt & modéradon des droics fur le beurre a Paris;: nature de comeüible fi effentiel a la préparadon des mets. Voici encore un infiant critique pour Mr» le Lieutenant Général de Pojice, & fans fa' vigilance continuelle l'approvifionnement de cette capitale auroit déj;ï manqué. Ladifette' de fourrages & la crainte de ne pouvoir lesrenouveller ont déterminé beaucoup de eultivateurs a tuer leurs bceufs & vaches;. enforte que Mr, le Noir eft aux expédiens pour faire fournir de ce bêtail les marchésde Sceaux & de Poiffy. Jamais peut-être adminiftrateur n'a eu autant d'oceafions de montrer fon intelligence & fon aétivité, & ne 1'a fait avec autant de fu'ccès. 15 A/ai 1785. Extrait d'une Lettre de' Laufanne du 7 Mai 1785 ... Depuis quelques jours il réfidoit en cette ville -unétranger qui fe nommoit Mr. Auvray. Sa figure honnête & flétrie par les chagrins & Ier maladies le faifoit paroïtre vieux avantl'age. II difoit être venu pour vivre auprès de Mr. Tiffot & fuivre fes confeils fur fa fanté; Du refte, il fe propofoit de faire desouvrages & travailler a 1'hiftoire; il s'étoit même' arrangé d'avance avec un Libraire. On ne fait s'-il avoit déja écrit; mais par fa converfation il fembloit trés inftruit & avoir beaucoup de littérature : en outre tout B 4  (30 annobcoit en iui 1'horame bien éduqué & ds bonne compagnie, Quoiqu'accablé d'infirmités & affectéde la vue, il avoit un caractere de main encore fuperbe, talent extraordinaire dans un homme de condidon & dans un ancien militaire, car on fait aujourd'hui que c'eft le Comte de Sanois, Chevalier de Saint Louis & ancien aide - major des gardes francoifes. Tout a coup on apprend qu'i! a été arrêté le 4 Mai. C'étoit la nuit; il étoit couché & dans fon premier fomme. On enfonce la porte & quatre hommes fe précipitent dans la chambre avec fureur: ce fost les Sieurs Feuot, Lieutenant de police de la ville; Defbruguieres, Infpeéteur de Police de Paris; Bnzard, Maréchal des Logis de la Maréchauffée de Befancon, & un Poftilloa qui avoit conduit le Comte de Sanois dans fa route. Je vous fais mon prifonnier, dit Té S'-. Fewot.... En méme tems on met le fcellé fur fes effets & papiers, on fouille partout jufques dans la paillaffe & après deux jours d'interrogatoire, de perquifitions & de mauvais traiteroens, on 1'embarque le ó Mai dans une voiture & 1'on 1'emmene, On dit quel il eft, que c'eft en outre un banqueroutier frauduleux" qui a emporté quatre eens mille francs a fa femme & a fes créanciers & qu'on J'a fait revenir pour qu'il rende compte de fon vol. Telles font les rumeui-6 de la ville répandues par les émiffai»  C 33 3 émiffaires de la police de Paris: pour moï je n'en crois rien. Je vais aux informations & vous raconterai ce que j'aurai découvert concernant cecte anecdote extraordinaire & fans exemple a Laufanne. 15 Mai 1785. II paroft un Arrêt du Confeil trés important dans la Librairie & dans la Littérature, portant réglement pour afiurer la fourniture qui doit être faite a la Chambre Syndicale de Paris, de neuf exemplaires de tous les ouvrages imprimés ou gravés, & pour prévenir 1'annonce par la voye des papiers publics des ouvrages prohibés ou non permis. Cet Arrêt eft daté du 16" Avril & n'eft connu que depuis peu, il ne doit avoir fon effet qu'au premier Juillet; comme il eft trés compliqué, il faut 1'étudier pour en connoitre 1'efprit, avant que d'en rendre compte. 15 Mai 1785. Un particulier nommé Haudement, naviguant pour le marchand depuis 27 ans, a fait une fpéculation defortune & s'eft évertué d'une maniere nouvelle. II vient d'amener a Paris fur la Seine un petit batiment armé en guerre, qui porte 8 canons, 8 efpingoles, avec d'autres menues armes & eft monté par fept hommes d'équipage dont il eft Capitaine. Ce batiment fe nomme le Dauphin: le Sieur Haudement annonce qu'il a été conftruit a Breft, d'oh pendant la demiere  C 34- 5 gaerre il efi forti plufkurs fois, eft' allé en courfe & a fait quelques prifes* C'eft dans ce port que le Dauphin a été réarmé pour être amené a Paris: pendant fa traverfée il a relaché dans différens ports de la Manche & enfin eft heureufement arrivé aus Pont Royal, oh le Sieur Haudement compte. refter- en relêche pendant un mois ou fix. feir.aines. II 1'a fait enclorre fur la Seine &. coramence depuis le 10 de ce mois a le montrer aux curieux; il en démontre la ^conl rusftion, les agrès & apparaux; il y fait- les manoeuvres maritimes & exercices d'artillerie: il annonce que le Roi & la famille Royale 1'ont vu & en ont témoigné la plus grande fatisfaétion. 16 Mai 1785. Madame de Monteffon, ma'gré le peu d'accueil fait è fa piece, 1'avoue hautement aujourd'hui: elle perfiftoit a la faire jouer une feeonde fois ; cependanton eft' parvenu è vaincre fon amour-propre & k lui faire fentir qu'üne grande Dame comme elle re devo t pas s'expofer de nouveau a femblable humiliarion. La Comteffe de Chazelle a enfin difparu de deffus I'affiche. jö) Mai 1785. 11 faut ajouter a ce qu'on a< dit de M'. Flvquet, que fon titre de Mëmbre de 1'Académie phi'armonique de Bbulogne n'étoit pas un vain titre; que, lórfqu'on defire entrer dans cette Académie, on- ai ordinairement trois foirées pour faire fc preuv€3'j qu'ü; les. fit en unefeule, &;  (sf y eompofa en deux heures & demie Un Canto' fermo, une Fugue a cinq parties, & le verfet Crucifixus du Credo; ce qui le fit recevoir unanimément. II avoit débuté k Paris par fon Ballet de l'Union de l'Amour ö3 des Arts, dont on a parlé amplement en 1773. II avoit fait chanter une MeiTe de fa compofition k la cathédrale d'Aix, fa patrie, avant: d'avoir onze,ans accompiis. II y étoit né le 2j Novembre 1750. 16 Mai 1785. Depuis longtems il étoit queftion de transférer auxCéleftinsl'établisfement formé pour 1'inftruction des fourds & muets par 1'Abbé de ÏEpèe & foutenu a fes frais. Enfin par un nouvel Arrêt duConfeil du 25 Mars dernier, il eft ordonné définitivernent que eet Abbé entrera en poffeffion du local que Sa Majeftélui affeéte,, & le Receveur général du Ciergé eft commis pour toucher provifoirement les revenusqui-' font ou feront deftinés a eet tffet. 17 Mai 17S5. Afin de fe montrer de plusen plus digne de 1'attention & des foins dugouvernement, Mr. 1'Abbé de l'Epdecherche aujourd'hui un enfant fourd , muet & aveugle de naiffance Mr. le Lieutenant Général de police s'étant affuré qu'il n'y en avoit aucun dans les hópitaux de Paiis, doit faire inlérer cette annonce dans tous les papiers publics,. afin d'avoir un de ces êires malheureux,. quelque part oh il exifte & de qüelque' nation qu'il foit^ B 6*'  17 Mai 1785. On a choifl fur Ia tefralTe ÈJS*^ portion !ie nen 1P n §UKè 1 aPParte™nt de Monfei?new le Dauphin, dont on a fait un jardin des V°Ut lG P"b!icP^levoirs'occuper destravaux ruftiques. Chaque rnatin le K01 vient manier avec lui ia béche & le 2' 'et,oul\ner la terre de fes mains wguftes & lui donner des lecons d'agricultu. re. ün ne fait fi c'eft fimplement pour amufer le jeune Prince & fatisfaire fon goüt, ce qUI ferpit encore trés louable de la part ?L * r8Jere & d°nnerok «cellente ZLtr fentimenï Paternels. Mais on doit préfumer encore que des vues politiques trTmruëeDte d'édu«tion & qï'on leut infpirer de bonne-heure ó 1'héritier d'un grand Empire agricofc le goüt d'un art qui en doit ftjre la richeffe & le bonheur. Les écono mücs furtout font enchantés de cefpeétacle f! .fi;/ d" Cardinal d'Amboife, de iton iesfinances, oppofés auxSyftêmes des Docteurs modemes. Tel eft le titre & le büt de J'ouvrage de 1'Abbé Baudeau en réfuta ion du volumineur traité de Mr. Necker II eotreprend d'y prouver qu'en derniere analyfe le Syflême de l'ancien AdminiftS des finances tant admiré, n'aboutit, guant ó lafpeculation, qu'a faire prendre les acceï foires pour le priccipal, les effets pour  (37 ) les caufes, les chimères pour les réalités; qu'il fe ré'duit dans la pratique h facrifier les intéréts du Roi, de la Nobleffe, des autres propriétaires des terres & de leurs cultivateurs ou rentiers oififs, aux banquiers agioteurs, aux trafiquans du négoce étranger, aux fabricateurs des objets les plus futiles & les plus difpendieux. II promet du rede de répondre k toutes les objedtions qui lui feront propofées; car il fuppofe que fon adverfaire ne dédaignera le gage du combat mis modeftement a fes pieds & , redevenu fimple particulier, n'éludera plus un défi que fon élévation au Miniflere 1'empêcha d'accepter alors. L'ouvrage eft divifé en trois parties: Ia première comprend 1'expofition des principes généraux dont 1'oubli total fait la bafe des fpéculations modernes : la feeonde , leur application aux détails de 1'adminiflration des finances: il réferve la derniere pour les réponfes aux difficultés qu'on pourra lui oppofer. Ce petit Traité d'économifme, fimple, méthodique , clair , eft infmiment plus intelligible que toutes les Cogitations ténébreufes du Dodteur Genevois que fon aotagonifle bourre d'importance. II lui faic voir qu'il n'cntend rien aux principes d'adminiflration d'un Royaume agricole, 18 Mai 1785. L'Académie des Sciences devoit décercer a pdques 1785 les différens B 7  C38 ) Prix annoncés dans fa féance publique de Novembre 1785, foit pour lareconÜruction5 foit pour la reftauration de la machine de Marly. Aucune des pieces envoyées pour le concours ne lui ayant paru rempiir fes vues, quoique plufieurs d'entr'elles contiennent des obfervations intéreffantes & utües;. elle propofe le, même fujet pour 1'année 1787, fous le même titre de Prix extraordinaire; elle publie le même Programme en" obfervant: 10. Que les auteurs feront invités a appréeier autant qu'il fera polTible, les avantages & les défauts de la machine acluelle deJVlarly, afin qu'on puiffe juger s'il y a beaucoup è attendre des machines mieux enten-dues & mieux exécutées. 2°. Que les auteurs pourront être difpenfeV d'envoyer des modeles pour les machines qu'ils prop feront; qu'il fuffira qu'ils expliquent clairement leurs idéés par le difcours& par les figures. Si néanmoins ils jugeoient k propos de s'exphquer par des modeles,, ils pourront fe contentcr d'en envoyer de petits, & feulement pour les parties qu'ils jugeront les plus nouvelles & les pius utilesdans leur projet. Les piects qui auront obtcnu les Prix,, feront prociamées dans Paffemblée pubiiquede Paques 17Ö7. 18 Mai i-t8y; Mémoire Cónfuliation pour it~ Sim A/kulas Medard ■ Audinot, fropjiétuire*  r 39-)' &"Diret7'ettr-dü SpeSlaele de V Ambigu comique, Vemandeur ; contre les Sieurs Gaillard & d'Orfeuille, locataires du Privilege des SpeSacles de VAmbigu comique 6f des Variétés amafantes, Défendeurs. Tel eft le titre du Mémoire annoncé & devenu fort rare. Après le récit des faits trés intéreffant, on y voit que le Sieur Audinot a faitaffigner fes adverfaires au Chatelet de Paris, pour fe voir folidairement condamner a lui. payer: i°. La fomme de 80,000 livres, tant pour 1'évidlion qu'il a éprouvée par leur fait,, que pour la penfion qu'il a droit de pré. tendre. 2°. Le Prix de fes Salles, tant au Boulevard du Temple, qu'aux foires Saint Germaiu & Saint Laurent, amli que des habits , décorations, & tous les uftenfiles propres au fervice defdites Salles & a 1'exploitation. defdits Spefiacles, le tout a dire d'experts. 30. A Pacquitter,. garantir & indemnifer de tout ce qui feroit & fera du, au fur cta mefure de ehaque échéance, pour la. location des terreins fur leiquels font con» ftruites les Salles des foires Saint Germain& Saint Laurent. 40. A payer annuelfement une fómme de 3000 livres, pour lui 'tenir lieu de location de la Salie du Speéhicle fur les Boulevards du Teuple,. s'ils ce !a veu'ent point aohe. ter j ainü qu'il leur eft offert ci- deffus..  (40) 50. A maintenir & exécuter tous les marchés & engagemens qu'il a faits, relativement a 1'exploitation de fon Spectacle, avec tous entrepreneurs, aéteurs & actrices & autres employés a fon fpeétacle. 6"°. A lui payer la fomme de 10,000 livres pour Pindemnifer du tort de la privation defdits aóteurs, actrices, &c. pendant le refte du tems des engagemens pris aveceux. 7°. Enfin fe voir faire défenfes de repréfenter aucunes pieces faifant ci-devane partie du répertoire de l'Ambigu comique; irnprimées ou manufcrites, fans fapermiffion par écrit, attendu qu'elles lui appartenoient exclufivement, les ayant achetées ou compofées; fe voir également faire défenfes de faire jouer dans leur orcheftrelamufique qu'il a fait compofer pour fon théatre; & pour 1'avoir fait depuis le premier Janvier ^785, qu'ils feroieut condamnés a 50,000 livres d&dommages intéréts, &c. Après les moyens établilTant la juffice de fes demandes, fuit une Confultation du 12 Mars, oh 1'on eflime que les prétentions du Sieur Audinot, non feulement font fondées fur 1'équité naturelle, mais encore fur des titres refpeétables. . ip Mai 1785. C'eft dans un Arrét du Confeil du 29 Mars dernier concernant la balance du commerce, qu'on voit le réfumé des nouvelles focétions de Meffieurs Boyetet & Dupont. Elles feront de faire chaque  C 41 ) année ua tableau raifonné & circonftancié de la balance du commerce tant intérieur qu'extérieur; de raflembler è eet effet les réfumés des Etats d'Exportation & d'Importation; d'entretenir toutes les correfpondances néceffaires pour acquérir une connoiffance exacte de Ia fituation du commerce du Royaume; de faire leurs Obfervations fur les gênes qu'il éprouve & fur les accroislemens dont il eft fufceptible. 19 Mai 1785. L'Arrêt du Confeil qui trsnsfere aux Céleftins 1'établiflement de 1'Abbé de l'Epée en faveur des fourds & muets, contient entr'autres difpofitiens : qu'il fera annuellement payé fur les biens des Céleftins une fomme de 3400 livres pour être employée a 1'entretien de ces malheureux de 1'un & de 1'autre fexe qui pourront en avoir befoin, & a faciliter l'inflruétion de 1'Eccléfiaftique adjoint aux travaux de eet Inftituteur pour fe former au même enfeignement. 20 Mai 1785. Ou apprend avec peine que M1'. Sacchini renonce a travailler pour 1'opéra, tant que le Sieur Morel y exercera fon defpotifme. 11 lui attribue la chüte de fon Dardanus après cinq ou fix repréfentations; fuite de la menace que lui fit le Sieur Morel, paree qu'il avoit refufé de mettre en mufique un poëme de fa facon, ou du moins que lui offroit ce financier. En effet il piiva Dardanus de tous les acces-  ( 42 ) foires néceïïaires a fon enfemble, fi nécesfaires a un fpeétacle oü 1'on fe prend autant par les yeux que par les oreilles. 21 Mai 1785. Le détail des cfforts du Sieur Audinot pour monter un fpeélacle, pour furmonter les obflacles qu'il a rencontrés & le porter au dégré de perfection oü il 1'a mis, eft eurieux & mérite des éloges. En 1768 il fit part de fes vues a Mr. de Sartine, qui approuva fon plan & lui accorda la pcrmifTion néceflaire. Les trois grands Spectacles de Paris en' prirent de 1'ombrage éi fe réunirent pour leeontrarier; L'Opéra prétendit qu'il ne pouvoit admet. tre dans fon fpeclacle, du chant, des danfes & unorcheftre, lans blefler ouvertement fes privileges. La Comédie francoife lui déferdit ladéclamation. La Comédie italienne lui interdit les ariettes & les vaudevilles. En conféquence, pour ne point heurter ces PuifTances Dramatiques, il imagina des acteurs de bois; ce qui fit ceffer les plaintes, mais ne remplifibit pas fes vues. II obtint la permiffion de fubflituer des enfans a ces comédiens de bois. Ilréuffitcomplettement, au point que les Directeurs des autres fpectacles de fon efpece fepiquerentd'émulation & voulurent imiter le nouveau genre dont le Sieur Audinot étoit créateur:. fon établis-  C 430 fement dèvint la plus belle époque pour les théatres forains. En 1775 le Sieur de VEclufe föllicita & obtint Ja permiflion d'établir un Théatre a, cöté de 1'Ambigu Comique, nom de celui du Sieur Audinot, fous le nom de Variétés Amufantes. Cette concurrence piqua d'émulation le Sieur Audinot: il perfectionna la pantomime, genre de fpeclacle peu coonu daas la capitale; il compofa lui-même les pieces qui pouvoient lui' être propres. Ce nouveau fruit de- fes veilles & de fon imagination lui concilia de plus en plus les bontés & les encouragemens du public, au point que fesprogrès- alarmerent- de nouveau les trois grands Spectacles,,. II appaifa d'abordTOpéra auquel les fpectacles forains font fubordonnés, & il conclut avec les Adminiftrateurs de l'/icadémie Royale de Mufique un traité en date du premier Mai 1780, par lequel moyennant douze livres par chaque repréfentation de jour & fjx livres par chaque repréfentation de nuit, il devoit continuer a jouir de fon fpedtacle dans Pétat actuel & fans aucune innovation. Le Sieur Audinot s'engageoit en outre de ne faire cxécuter dans fon orcheftre ou fur fon théatre, aucun air de Ballet, ou autres tirés des ouvrages récens exécutés depuis: dix ans a l'Opéra ou a la Comédie Italienne. Une perfonne chargée de veiller a 1'obfer-  C44) vation exacte de la préfente foumiïfioa devoit avoir toujours & a coute heure fes entrées au fpeétacle du Sieur Audinot. A 1'égard des deux autres grands Speótacles, ils prétendirent que le Sieur Audinot ne pouvoit, fans leur nuire cc fans porter atteinte a leurs privileges, faire jouer des pieces dramatiques fur fon théatre. La prétention des deux Comédies fut accueillie & il fut réglé qu'aucune des pieces de l'Ambigu Comique ne pourroit être jouée qu'elle n'eüt été dégradée ou décompofée par un des acteurs, foit du théatre frangois, foit du théatre italien. Heureufement cette cenfure exercée maladroitement n'a tourné qü'a 1'avantage du Sieur Audinot, cc il étoit tout étonné de voir qu'en fortant des mains du mutilateur, les pieces n'en fuffent que naeilleures & mieux goütées du public. Cependant on grevoit le Sr. Audinot d'une charge pefante, mais qu'il fupporta volontiers en faveur de fon objet; le quart des Pauvres. On ne ceffoit de le vexer par toutes fortes de moyens, & en frais feuls de nouvelles conftruclions on lui avoit fait dépenfer plus de 300,000 livres pour onze Salles de différente efpece. C'eft dans eet état des chofes qu'efl arrivé la révolution qui lui a fait perdre fes deux Etabliffemens, que deux étrangers allant fur fes brifées 1'ont éviccé. Le 23 Aoüt il  C 4J ) s'étoit réfblu a un nouveau facrifice & avoit: promis de payer a 1'opéra le dixierae de chacune de fes repréfentations, le quart des pauvres déduit. Enfin le mercredi 15 Septembre fa ruine fut confommée pendant fon abfence, par le traité des Sieurs Gaillatd & d'Orfeuille, par lequel les deux fpeélacles de VAmbigu Comique & des Variétés amufantes leur furent affermés pour quinze ans, a compter du icr. Janvier 1785, moyennant 30,000 livres par an, pour chacune, par le Sieur Janfin , Infpeéteur général de 1'Académie de mufique; a condition pourtant de payer tux anciens Directeurs defdits fpeétacles les indemnités ou penfions qu'ils ont droit de prétendre, de maintenir & exécuter tous les marchés faits par eux, & de traiter tant des falies, que de tout ce qui fert è 1'exploitation defdits fpectacles. Ce qui fait Ia matiere du procés. 21 Mai 1785. Suivant une Lettre de Mr. Blanchard, citoyen de Calais & Penfionnaire du Roi, datée de Locdres le 6 Mai & adreffée aux journaliftes de Paris; eet aëronaute a eu la fatisfaction de faire voir une Frangoiie planer dans les airs au - delTus de la ville de Londres. Cette rivale de Madame Tibk eft Mademoifelle Simonet, Sgée de quatorze ans & demi feulement. 21 Mai 1785. Par une bizarrerie fort finguliere M>-. Dubuijfon en réponfe a M1". Milcent' dont on a rapporté les plaintes, lui  c 0) ;annonce qu'il travaille h arranger pour Ia fcene fraticoife la Comédie Angloife intitulée the mijterioux husband (le mari myftérieux) que fon rival déclare avoir mis éepui« fix mois fur le chantier pour la fcene Italienne. C'eft dans une Lettre dacée du 14 Mai que Mr. Dubuijfon plaifante affez bien Mr. Milcent fur fa fauffe délicateffe. 22 Mai 1785, C'eft décidemrnent mardi que la Reine vient a Paris. 22 Mai 1785. On ne fait par quel abus on laifTe les meilleurs fujets des fpeêtacles priver la capitale de leur préfence & aller dans les provinces y faire des récoltes d'argent, quoique leur part ici foit plus que fuffifante pour leurs befoins & même pour un luxe révoltant. C'eft ainfl qu'on apprend que Madame Dugazon, qui s'eft fait longtems defirer aux ïtaliens faas paroitre, eft aftuellement a Lyon. Suivant une Lettre datée de Cette ville du 7 Mai, elle y a produit un enthoufiafme univerfel, Le vendredi 6 elle étoit annoncée pour la derniere fois; elle jouoit le róle de Bibet dans le Droit du Seigneun au moment oh chacuu vint lui offrir fon préfent, on vit tomber a fes pieds une Couronne, que le Sieur Gervais, chargé du rö.e du Seigneur, rainaffa & lui préfenta aux acclaraations de toute la falie. Le fpeclacle fut interrompu pour entendre la ieclure d'une piece de vers cornpofée a la  C 47 ) Jouange de cette actrice par Ie Sieur Patra*» 1'un des premiers acteurs de cette troupe. Madame Dugazon, fenfible a tantd'honneurs, a confenti de donner encore quelques repréfentations. 22 Mai 1785. Le Sr. Audinot, dans une longue Note de fon Mémoire fe plaint beaucoup du Sieur Nicolet qui, au lieu de le refpecler dans fon malheur, femble vouloir aggraver le fort de ce confrère & exerce coutre lui des rcpétitions malhonuêtes & injaft-es. II s'y compare au lion mourant, & dit qu'il n'a pas la force de réfifter au coup de pied de Nicolet. Celui • ci fe trouve violemment infuké par cette Note & veut, dit-on, faire paroitre un Mémoire juftificatif. 23 Mai 1785. Le Sieur Germain Pari/au, dans fon Mémoire contre Audinot éleve trois -queftions: i°. En livrant une piece au théatre pour être repréfentée, a-t-il perdu le droit de la faire imprimér ? 2°. Le Sieur Audinot a-t-il pu valablement fofmer oppofition è 1'impreffion de cette piece, lorfque 1'auteur ne lui en a point cédé la nropriété? 30. Que! eft le juge qui doit connoitre de la demande; n'eft- ce pas le Magiftra't de la Police, a qui ia conuoiffance eft attribuée, par Arrêt du Confeil, de toutes les difficultes qui naifTcnt entre les auteurs, les acteurs,  C 48 3 les fourniffeurs & les directeurs des fpectacles forains ? Par une Délibération datée de Paris le 30 Mars 17S5 , M~. Marteau décide les trois queftions a 1'affirmative en faveur du Sieur Pari/au. Quant aux Procédés, celui-ci, reprenant les divers paragraphes du Mémoire de fon adverfaire, les réfute de fon mieux & prétend que 1'on ne peut iui reprocher rien dans fa conduite en vers le Sieur Audinot, pour lequel il a montré la reconnnoilTance, le zele & les égards qu'il lui devoit; qu'il le poufferoit bien plus vigoureufement, s'il ne refpe&oit fon malheur. Quoiqu'il en foit, cette défenfe eft foible & n'atténue en rien 1'attaque du Sieur Audinot trés bien établie contre les Sieurs Gaillard & d'Orfmille. 2" Mai 1785. Extrait d'une Lettre de Laufanne du ij Mai 1785.... On perüfte a dire dans ce pays-ci que le Comte de Sanois a été arrêté en vertu d'une Lettre de Cachet expédiée fur les plainces en efcroquerie & vol de la femme, de la fille, du gendre, des parens & des créanciers du Comte de Sanois', & je perfide moi a ne pouvoir croire une telle accufation: fans doute rien ne reffemble plus a un honnête homme qu'un cöquin ; auffi n'efl-ce pas fur la phyfionomie noble, fur les mceurs douces, fur la candeur, la déceuce, la politeffe du Comte  C4S> ) Comte de Sanois que je m'en rapport'e; mais voici mes raifons. i°. II s'étoit monté ici fur le ton le plus fimple & le plus modefte. 20. Quoiqu'on 1'ait arrêté brufquement & au dépourvu, toutes les recherches qu'on a pu faire pendant deux fois vingt-quatre heures chez lui & dans toute la ville n'ont abouti a rien. On ne lui a trouvé que huit Louis, quelques petits meubles d'argent, fon linge & fes habits. 30. Comment des Créanciers auroient-ils pu avoir le tems de s'arranger depuis fon evafion, de fe concilier au point d'en venir a cetre crueüe extrêmité? 40. Comment une femme,' une fille & un gendre, auroient-ils ofé propofer au gouvernement une pareille horreur? 5°. Comment le Comte de Vergennes, ce Minifire fi fage &fihonnête, s'yferoit-il prêté; car il a fallu une requifition de fa part auprès de notre gouvernement. 60. Comment le nótre tout foible qu'il foit, tout affervi k celui de France, auroit-il confenti k une violation du Droit des Gens pour femblable caufe? Voici mes conjeftures. Le Comte de Sanois eft un homme d'efprit, il fe pr0D0 foit d'é^crire; quand on a cette démangaifon' ce n eft pas a foixante ans qu'on remet k h fatisfaire, tl avoit donc écrit précédemment  ( 50 ) pofer fur 1'hiftoire; matiere chatouilleufe fi 1'on embraffe Ie tems préfent: il étoit par fon état, par fa maniere de vivre, par fes liaifons, a portée de favoir bien deschofes: on lui a remarqué dans la converfation une grande horreur du Defpotifme minifteriel; il s'exprirhoit fur celui de France avec beaucoup de chaleur.... II aura peut - être compofé quelque brochure, quelque ou- vrage dans ce genre Inde iras Les Miniftres ont les bras longs, ils font iraplacables dans leurs vengeances... Vous m'apprendrez fi j'ai conjecturé jufte , Vous êtes a la fource Inftruifez* moi è votre tour. 23 Mai 1785. Par un Arrêt du Confeil en date du 5 Mars, le Roi ordonne que les biens des Céleftins du Diocefe de Paris, dont la régie eft confiée au.Sieur de Saint Julien, Receveur général du Clergé de France, feront a 1'avenir admiuiftrés fous l'infpeétion de 1'Archevêque de Paris. 23 Mai 1785. M"-. Cherin, géuéalogifte & hifloriographe des Ordres de Saint Michel & du Saint Efprit, généalogifte de celui de Saint Lazare, vient de mourir; il avoit en outre le titre de Commiffaire du Confeil & étoit Cenfeur Royal. C'étoit un.homme d'une probité rare^ d'un défintéreffement a toute épreuve. II a été enterré aux grands Auguftirs, oh eft le dépót des jugemens & autres aftes, concernant la NoblelTe, & le  C 51 ) fiege pour ainfi dire de fon Tribunal, 24 Mai 1785. Entre les diverfes épitaphes imaginées' pour le Duc de Choifeul, voici la moins mauvaife, en ce qu'elle porte fur les honneurs qu'il a regus dans les deux momens les plus critiques oh les prétendus amis, les flatteurs des grands, & toute leur cour les abandonnenc ordinairement. Ci gtt Choifeul, dont Ie Génie Triomplia conftarament du forc, £t qui fut terrafTer 1'Envie Dans 1'exil & même è fa mort. 24 Mai 1785. L'affaire du Sieur Audinot eft une hydre de Mémoires. C'eft aujourd'hui le Sieur Óabiot de Salins, fonfoufïïeur, qui entre eu fcene & attaque le Sieur PariJau. Celui, ci 3 fondé fon agreffion contre fon Directeur fur une Note 0Ï1 il eft relégué & traité ironiquement de fidele Pari/au, paree que, quoiqu'encore Répétiteur du Sieur Audinot & gagé par lui, il travailloit déja pour fes adverfaires: a fon tour le Sieur de Salins fe prétend calomnié par le Mémoire du Sieur Pari/au & vient au fecours de fon maïtre contre 1'auxiliaire des Sieurs Gaülard & d'Orfeuille. Le Sieur Gabiot de Salins fe trouve auffi -calomnié par le Sieur Parifau; le 2oAviil il a rendu plainte pardevant un Commiffaire & préfenté Requêteau Lieutenant Criminel. Tel eft le motif de fon Mémoire oh, pour C 2  (5* ) fa juflification, il préfente le tableau de fa conduite comparé a celui de fon adverfaire, avant & après 1'éviction de leur Direéteur commun. On juge facilement que ce Mémoire a été compofé uniquement, afin de rendre plus odieux aux yeux du public les fpoliateurs du Sieur Audinot & tous leurs adhérens. Au refte, le Sieur Gabiot de Salins nous apprend qu'il eft auteur & a compofé 'les Adieux de 1'Ambigu Comique, qui produifirent tant d'effet le dernier jour & oü 1'on trouvoit ce vers que ne lui ont pas pardonné les Sieurs Gaillard & d'Orfeuüle: d l'cr de Vintriguant, Vhonnéte homme efi vendu. 24 Mai 1785. Durant la féchéreffe effroyable qui regne depuis longtems, Sa Majefté eft déja venu au fecours de la Lorraine par un Arrêt du Confeil particulier; aajourd'hui Elle pourvoit au foulagement de fon Royaume entier, en permettant aux habitans des campagnes d'envover & mn. duire dans tous les bois de fes Domajnes, ainn que dans ceux des Lommunautés feculieres & régulieres, les chevaux & les bêtes a corues feulement, & de les y faire paturer jufques au ier. Oétobre prochain; h Ia réferve néanmoins des taillis dont les recrues ne font pas encore défendables aux termes des Ordonnances. Sa Majefté en outre pourvoit h la confervation des Veaux en renouvellant les régie-  C 53 P mens qui tendent k en perpétuer 1'efpece; Elle ordonne k tous les Commiffaires départis de veiller k Ia confervation des beftiaux & de lui rendre compte des moyens qu'ils croiront les plus favorables pour remplir fes intentions, furtout dans les parties les plus fouffrantes de leurs Généralitcs. Elle les autorife k annoncer des primes d'encouragement, tant pour la multiplication & 1'éleve des bêtes a cornes, que pour mettre en ufage de nouveaux genres de nourriture utiles aux beftiaux; notamment a exciter a la culture des turnebs ou groffes raves, & autres plantes propres h former des prairies artificielles, dont les graines feront diftribuées gratuitement aux habitans des campagnes les moins aifés. Sa Majeflé promet en outre d'accorder aux habitans des campagnes, fur 1'avis des. Intendans, tous les fecours qu'ils eftimeront cécefTaires pour les divers objets dont Elle les charge. 25 Mai 1785. II paroft un ouvrage fur Ia CaiJJe d'Efcompte, de Mr. ]e Comte de Mirabeau rils, dont certaines gens font fort contens. II traite la matiere comme pourroit le faire un homme du métier. Telle eft Ja première annonce qu'on en répand. 25 Mai 1785. Les comédiens Italiens ont donné hier la première repréfentation de la Dupe de foi-même, comédie en trois actes & en profe, tirée du Théatre du célebre Goldoni C3  (54 ) Cette piece eft vraiment dans la maniere de ce grand maïtre; des caiacleres variés cc foutenus, des fituations comiques, amerjées fans efforts, une intelligence raifonnée de la fcene, un dialogue Daturel cc facile: malgré ces parties qui conftituent effentiellement le mérite d'un Drame de ce genre, celui-ci n'a point eu de fuccès par le priucipal perfonnage, d'une vérité trop nationale & trop étrangere a nos mceurs, indispenfable cependant; le lieu de Paction étant en Holiande. Malgré fa chüte, les connoiffeurs trouvent infiniment plus de mérite dans cette comédie que dans plufieurs autres qui ont réuffi. 26 Mai 1785. La Reine eft en effet venue avant-hier en grand cortege & avec toute la pompe de la majefté royale; car le Roi lui avoit accordé que les deux Régimens des gardes frangoifes & gardes fuiffes bordaffent la haye, depuis la porte de la Conférence oh Elle a pris fes caroffes jufques a Hotre Dame & Sainte Genevieve. Elle a d'abord remercié Dieu de la naiffance du Duc de Normandie cc par une dévotion particuliere a la Patrone de Paris s'eft réunie aux prieres publiques, pour demander a Dieu la fin de la féchéreffe: Elle eft revenue diner au chateau desTuilleries. Le canon des Invalides, de la Grêve & de Ia Baftille a tiré cc le petit batiment le 'OauPhin a fait feu des deux bords.  C55 ) L'après-midi Sa Majefté eft allée h 1'opéra voir Panurge , avec Madame Elifabeth; enfuite fouper au Temple chez Mr. Ie Comte d'Ajrtbis. A fon retour elle a paffé par la place de Louis XV & a joui du coupd'ceil d'un bouquet en artifice que lui a donné Mr. le Comte-d'Aranda fur la terrafle de fon hotel. C'étoit peu de chofe. Le beau fpedtacle c'étoit celui de 1'illumination de la colonnade, ordonnée fous les aufpices de M1'. Thierry de Villedavray, Garde-meuble de la Couronne. On ne fe rappelle point en avoir vu de plus riche & de meüleur goót: elle donnoit h ces badmens 1'air d'un Palais de Fée. De - la , la Reine eft allée coucher au chateau de la Muette. On ne peut qu'applaudir au bel ordre mis par la Police dans toute cette journée. C'eft peut - être pour la première fois qu'on s'eft occupé du peuple, Aucun caroffe n'a pu refter dans la place a huit heures du foir, enforte qu'on s'y pomenoit comme dans les ïuilleries. II n'eft arrivé qu'un feul accident par des chevaux fougueux qui ont pris le mords aux dents, effrayés par le bruic des boetes. Le matin de la journée du 24 le tems étoit a 1'orage & 1'après - midi il a changé & eft devenu trés beau; ce que le peuple a remarqué & 1'upperftitieufementappliquéaux circonitances. II a dit que Sainte GeneC4  ( $6 ) vieve touchée des prieres de Sa Majefié fe difpofoit a faire ceffer la calarnité de la féchéreffe ; mais que tout le fruit de cette bonne oeuvre avoit été perdu par le mélange d'un divertiffement profane avec un culte religieux. II n'y a point eu de vive le Roi, vive la Reine, durant tout le cours de la marche de Sa Majefté ; ce qui 1'a fenfiblement affligée. Elle a été trés applaudie au contraire k 1'opéra & a répondu a ces acclamations par des révérences plus multipliées & plus gracieufes encore que de coutume. Hier la Reine eft revenue a Paris; elle a dïné chez Madame la Princeffe de Lamballe & eft allée enfuite k la comédie Italienne. II eft k obferver que 1'illumination générale ordonnée pour Ie 24 , étoit la troiüeme a 1'occafion de la naiffsnce de Mr. le Duc de Normandie. 26 Mai 1785. Les foins de Mr. le Baron de Breteuil envers les favans & gens de Lettres fe font auffi étendus k 1'Académie des Sciences & il s'eft fait de nouveaux arrangemens. i°. Le Roi a créé deux nouvelles claffes dans cette compagnie; Pune de phyfique générale, 1'autre d'hiftoire naturelle & de minéralogie. 2°. Sa Majefté a en même tems ordonné les fonds pour fix nouvelles penfions. 30. Sa  ( 57 ) y. Sa Majefté fupprime dans toutes les claffes, la dénomination d'Adjoint. 4.0. Chacune des huit claffes adtuelles, favoir Géométrie, Aftronomie, Chymie & Métallurgie Botanique cc Agriculture , Hiftoire natureIle-& Minéralogie, fera compofée de fix membres, trois Penfionnaires & trois Aftöciés. 11 n'y a rien de changé a 1'ancienne difpofition des claffes d'Honoraires, d'AlTociés libres cc d'Affociés étrangers. L'Ordonnance de ce nouvel établiffement eft du 25 Avril. 27 Mai 1785. Par un Arrêt du Confeil du fept Avril il eft ordonné auffi que la régie des bieus des Chanoines léguliers de Saintecroix de la Bretonnerie, confiée au Sieur de Saint Julien , Receveur général du Clergé, fera continuée fous l'infpeétlon de 1'Archevêque de Paris. 27 Md 1785. Les Lunes du coufin Jacquds, divifées par Influences cc par Acces. Tel eft le titre d'un nouvel ouvrage'périodique, dont le titre original annonce fans doute une feuille qui dêvroit 1'être cc peutêtre ne fera que trés commune. Quoiqu'i! en foit, voici fa divifion telle qu'elle eft décrite dans le Projpeclus: chaque Lune formant un numéro féparé (petit in 12) fera divifée par Irflumces & chaque lnfluence par Accès. II y aura quatre Influences par Lune: celle de la Nouyelk Lune, celle du pre,nier Ouir C 5 K  C 58 3 tier, celle de la Pleine Lune (ordinairement plus gaie & plus folie que les autres) & celle du dernier Quartier, qui feratoujours intituléej Ma Gazette; la Lune n'ayant pas coutume d'influer comme a 1'ordinaire dans les derniers jours. Un nombre d'Accès égal au nombre des jours de la Lune, au dernier quartier prés, complettera chaque Numéro formant un volume, tantót plus, tantót moins confidérable, tantót gai, tantót trifte, fouventbien fou, quelquefois même un peu philofophique, felon les Influences. Le premier Numéro contenant vingt Actès & Ma Gazette, k commencer du fept juin inclufivement, jufques au fix Juillet exclufivement, paroitra vers la nouvelle Lune de Juillet,5 peut-être même auparavant. 28 Mai 1785. La Reine voudroit augmenter fon Domaine de Saint Clou par 1'acquïfitipn de Vïlledavray dont M"-. Thierry, premier valet de chambre du Roi, eft feigneur. Elle en a parlé k celui-ci, qui eft fort attaché k cette poffeffion. 11 eft aimé du Roi & n'ofant déclarer h Ia Reine fa répugnance, il en a parlé a fon Maïtre, qui lui a répondu: „ puifque Ia Reine defire fi 3, fort de vous acheter Villedavray, il !S faut le lui vendre; mais vendez-le lui Men si Ctur. »S> Mai ï^Sj. Les Sieurs Aüan & Falet,  (59 ) Directeurs de Ia manufaclure d'air inflatn. mable de Javelle, qui avoient, dès 1'an pasfé, annoncé un Ballon de Plaifance qui feroit arrêté a terre & ferviroit feulement k élever fans aucune crainte ceux qui voudroienc en effayer , n'ont pas donné fuite h ce projet: ils ont cependant conllruit dans leur moulin un Aëroftat nommé le Comte d' Ar» tois. lis ont voulu en offrir les premices au Prince qui leur a permis de fe fervir de fon nom. Inüruits que le Duc d'Angouléme & le Duc de Berry étoient a Bagatelle, ils s'y font tranfportés dans leur aërollat & en préfence de ces petits Princes & de leur Cour ont navigué d3ns les airs jufques a Longchamps & font revenus de Longchamps a Bagatelle. Madame la Comteffe d'Jrtois s'étant rendue fur les fix heures du foir dans ce chateau , ils ont recommencé les mêmes manoeuvres & avec plus de facilité encore par 1'habitude. Ces navigateurs n'avoient pas tenté leur effai k ballon per.du; ils avoient une corde qui pendoit a terre, a l'aide de laquelle ils pouvoient fe faire arrêter quand ils vouloient. Encouragés par cette expérience , ils vont travailler de plus en plus a perfeótioonerleurs moyens de direftion dont ils ne font pas myftère 6c qu'ils écrivent être les mêmcs que ceux annoncés dans les Journaux de Paris des 4 Janvier cc 4 Février 1785. C 6  (60) Leur Lettre adreffée au même Journal eft datée de Paris ie 25 Mai 1785. 29 Mai 1785. Un Mr, Nicolaï, Libraire a Berlin, a publié en Allemagne & enSuiffe un ouvrage, dans lequel il parle d'une maDiere trés défavantageufe & tres malhonnête de la méthode compofée par Mr. 1'Abbé de VEpêe, pour l'inftruction des fourds & muets: il dit que c'eft la produétion d'une tête affoiblie par 1'age & qui ne fait point les procédés d'une exacte métaphyfjque; il lui préfere la maniere dont Mr. Heinich, Inflituteur des fourds & muets aLeipfick, fe conduit a leur égard. M1'. 1'Abbé de l'Epée, outré de cette fortie, en a écrit au Prince Henri qui, ayant affifté a fes lecons durant fon féjour a Paris, 1'année dernière, a pu en juger & en a paru trés content. II a fupplié Son Alteffe Royale de vouloir bien interpofer fon autorité pour forcer le Sieur Nicolaï d'entrer en lice & il a offert en même tems de déférer a 1'Académie de Berlin le jugement de cette caufe. Mr. Nicolaï, preffé par le Prince Hcnri, a éludé le combat, en declarant qu'il n'avoit point eu intention d'attaquer la méthode de. 1'Abbé de l'Epée; mais la conduite de 1'inftituteur de Vienne au fujet de certaines queftions inférées mal a propos dans les Programmes de ces exercices publiés. Mr. 1'Abbé ie l'Epée, qui auroic pufecon-  (6l ) tenter d'un pareil defaveu, a pouffé Mr. Nicolaï, & dans une Lettre qu'il lui a adresfée le provoque perfonnellement è comparoir devant 1'Académie de Berlin. 11 fe féli. cite d'avoir déja pour lui les fuffrages des Académies deZurich & d'Upfal; il ne refufe pas même le jugement de M1". le Profefleur Engel, Savant Allemand, trés profond fans doute, qu'invoque fon adverfaire. Mr. 1'Abbé de l'Epée a envoyé copie de cette Lettre a 1'Académie de Berlin avec une autre, ou il rend compte h la Compagnie de ce différend, & le tout eft inféré au Journal de Paris du 27 Mai. 30 Mai 1785. Me. Linguet depuis le foufflet qu'il a recu en pleine rue a Londres du Sl'. Morande, ne pouvant fupporter le féjour de cette ville, a fait l'impoffible pour en fortir & fe ménager un refuge ailleurs. En conféquence il a profité des offres de Sa Majefté Impériale, il les a même provoquées par fes Mémoires de PEfcaut & il fe tranfporte de nouveau a Bruxelles. II y avoit donné rendez- vous a fon correspondant, Mr. 1'Abbé Tabouet, qui s'y eft rendu il y a fix femaines environ: il 1'a conduit a Londres, d'ou 1'Abbé eft revenu & il prend fes derniers arrangemens, afin de pasfer a Bruxelles, M1'. 1'Abbé Tabouet annon-. ce aujourd'hui que les Annales interrompues depuis ks JN0S. de l'Efcaut vont reprendre & C ?  C 62 ) fë diftribuer plus réguliérement, graces aux bontés de 1'Empereur & de la Reine. 30 Mai 1785. On fait que Mr. & Madame Necker font de retour de Montpellier. La fanté de celle-ci n'eft pas merveilleufe encore. lis font dans une terre appellée Ma» role auprès d'Arpajon qu'ils ont louée. M1'. le Maréchal de Cajt< ies s'eft empreffé de les aller voir. On ne dit point que ces époux foient venus a Paris; cc tant qu'on ne 1'y verra pas, les ennemis de Mr. Necker ne feront pas bien perfuadés que ce retour foit fort agréable a la cour. 31 Mai 1785. M1'. le Paon, Peintre de fon AlteiTe Séréniffime Monfeigneur le Prince de Condé, vient de mourir au Palais Bourbon. C'eft une perte pour les arts; car eet artifte, quoiqu'il ne fut pas de 1'Académie, on ne fait pourquoi, avoit un talent réel & fupérieur dans fon genre. Dans les tableaux qu'on voit chez fon Proteeïeur, il lutte fans défavantage contre le fameux Cazanova. 31 Mai 1785. La quérelle entre les Négocians & les Planteurs de nos ifles dure toujours cc fe proloDge; il paroit fans cefle de nouveaux écrits h ce fujet. C'eft aujourd'hui un Précis pour les grands Propriétaires des Colonies frangoifes de l'Amérique contre les divers écrits des Négocians des villes maritimes du Royaume. L'auteur anonyme établit d'abord ce que  C 63 ) les Colonies francoifes de I'Amérique font è la France; c'eft -a-dire, d'une trés grande importance, fuivant lui, puifqu'elles occupent la dixieme partie des babkansdu Rovaume & fournilfent un cinquienie du revenu du tréfor public. II difcute enfuite les principes des loir prohibitives cc prouve ou prétend prouver: i°. Que nos Colonies ne doiventaux Négocians de France qu'une trés petite partie de leur puiflance cc de leurs richeflès. 2°. Qu'elles font pour la Métropole ce que la Métropole eft pour elles; c'eft-adire, que la Métropole cc les Colonies doivent tirer de ieurs échanges un avantage mutuel qui fe réalife aux dépens des confommateurs étrangers, cc que la richeffe des Colonies eft toute è Favantage de la Métropole. 30. Que 1'importation des vivres & d'objets utiles a 1 agriculture par les habitans de I'Amérique Septentrionale, a Saint Do. mingue cc aux Ifles du vent, loin de nuire . au comraerce de France, lui deviendroit avantageufe. De-lè un Parallele des Cultivateurs & des Négocians, cc divers paragraphes propres a foutenir 1'opiuion de 1'auteur qui d'après le maintien de 1'Arrêt du Confeil du 30 Aoüt, prédit de grands progrès au commerce maritime cc h Ia Navigation de la France, ainfi qu'une grande profpérité au commerce & aux manufaclurcs du Royaume.  C 64 ) 31 Mai 1785. Extrait d'une Lettre de Laufanne du 21 Mai 1785.... En attendant que vous ayez de plus amples éclaircifi'emens fur notre étranger, il faut vous conter une petite anecdote a cefujet, qui vous donnera une idéé de 1'infolence de 1'Exempt de Police dépêché pour 1'arrêter. Comme le Comte de Sanois avoit encore inté^êt d'économifer les frais de fa détention & qu'il y avoit une place vacante dans fa voiture, il propofa de la donner a M1'. Marcier, 1'auteur du Tableau de Paris, qui étoit ici & fe difpofoit a retourner dans votre Capitale; mais le Sieur Desbruguieres refufa, lous prétexte que c'étoit trop' mauvaife compagnie, qu'il ne voyageoit point avec un taré... Tout Laufanne qui eflime infiniment Mr. Mercier, a été indigné quacd ce propos s'eft répandu. 1*5, Juin 1785. Après avoir portéle deuil du Duc de Mecklenboiirg • Schwerin, Prince regnant, pendant fix jours feuiement, on a repris celui du Prince Jules-Léopold deBrunswick-Wolffenbutiel, frere du Duc regnant, & quoique non Souverain, il a été ordonné de huit jours. On a été furpris de ce changement d'étiquette, & 1'on affure que Ie Roi 1'a voulu ainfi pour honorer la mémoire d'un Prince mort malheureufement & ü glorieufement en voulant aller au fecours de pauvres gens qui fe noyoient, & que la crainte d'un fort femblable faifoit abandon-  C 65 ) ner; beau trait qu'on lit- avec attendriffement dans tous les papiers publics. ier. Juin 1785. II faut ajouter quelques circonftances a 1'entrée de la Reine k Paris, événement trop important pour en omettre rien. La Reine qui fsifoitproprementfon entrée puifqu'elle venoit feule, & qu'a la naiffance du Dauphin elle étoit accompagnée du Roi, auroit bien defiré amener avec elle eet augufte Enfant. Elle fentoit combien ce gage précieux auroit échauffé le zele des Parifiens & lui auroit attiré des bénédictions. On a repréfenté a S. M. que ce n'étoit point 1'étiquette, qu'elle s'y oppofoit, & Madames d'ailleurs fait valoir fon droit d'être dans lefond du caroffe k cöté de la Reine; ce qui ne pouvoit avoir lieu fi Ml'. le Dauphin venoit, è qui la première place , après le Roi, étoit düe partout. Elle a dit qu'en conféquence ne pouvant'déroger a fa prérogative, elle. s'abftiendroit plutöt d'afilfler a la cérémonie; ce qui a jetté un peu de froid entre la Reine & Madame. Après avoir été a Notre-Dame, ce qui eft d'étiquette, la Reine ne s'eft rendue a Sainte- Genevieve que pour fatisfaire a 1'ufage , & d'ailleurs a caufe des circonftances oh 1'on invoquoit deja la Sainte. S. M, déja fatiguée, a donc cru inutile de mettre a cette invocation le même cérémonial qu'^  Notre-Dame, & pour abrëger a prié fes Dames de ne point defcendre. Le peuple , toujours attaché aux apparences & plus corjfiant en Sainte Genevieve qu'en la Mere de Dieu, a trouvé mauvais qu'on traitat la Patrone de Paris plus leftement que la Vierge; ce qui n'a pas contribué pour peu a le rendre morne durant le refte de la marche de Sa Majefté. La PrincelTe de Conti & la Princeffe de Lamballe étoient venues joindre la Reine k Notre-Dame, & l'ont accompagnée jufques anx Tuilleries. Beaucoup de monde, de gens de la cour, & les divers Chefs des Corps attendount la Reine au chateau; mais S. M. excédée de fatigue & de chaleur, pour être rendue plutót chez elle, a monté par le petit efcalier; enforte que chacun a couru bien vite de ce cóté, a joint la Reine a la hace, qui a fur le champ congédié tout le monde, & n'a confervé que Madame Elifabeth pour diner avec elle. Madame iSc Madame la Comteffe d'Artois, qui comptoient diner avec la Reine, ont été prifes au dépourvu. La première eft allée au Luxembourg, et la feeonde a été traitée par Madame la Ducheffe de Lor ge, fa Dame d'hoaneur. Au moyen de cette féparation, la Reine eft allée feulé a 1'opéra avec Madame Elifabeth, & le refte de la journée s'eftpaffé de même.  ( 6? ) Le fouper de Mr. le Comte d'Artois n'étoit compofé que de neuf convives; la Reine, Madame Elifabeth, la Princeffe de Chimay, la Ducheffe de Polignac & Madame Diane, en femmes; & en hommes, Mr. le Comte d'Artois, le Chevalier de CruffoL fon Capitaine des Gardes, le Baron de Bezenval & le Duc de Coigny. La Reine, après avoir affifté en cérémonie au bouquet du Comte d'Aranda, a changé de chevauK au chêteau de la-Muette, s'eft mife a fon aife & eft venue parcourir les diverfes illuminations de la capitale. Le mercredi au foir, S. M. s'eft rendue i Saint Cloud, oü elle a donné une fête au Roi, illumination, &c. & s'eft rendue, pour coucher, a Verfailles. Lejeudi, jour de la Fête-Dieu, la Reine s'eft trouvée incommodée. Elle n'a pu accompagner le Roi, fuivant 1'étiquette , a la grand'mefle. S. M. pour refpirer, s'eft foustraite au tumulte de la cour & s'eft rendue au petit Trianon. 2 Juin 1785. Madame de Saint-Prejl, !a femme du Maitre des Requêtes, a été cnlevée ia nuit du famedi au dimanche 29 Mai, par ordre du Roi, & conduite au couvent de Saint Michel. C'étoit une femme fort fcandaleufe, féparée de fonmari, elle vivoit dans un grand défordre. 11 y a toute apparence que/ c'eft fa familie qui 1'a fait ar ré ter.  C «8 ) e Juin 1785. Le jour oh Madame la' Ducheffe de Lor ge donnoit h diner a Madame la ComtefTe d'Artois, ne fachant comment amufer cette Princefle dans la foirée, elle avoit imaginé de lui faire voir la maifon de Mr. le Comte d'Orfay (Grimod en fon nom..) Ce fils de financier très-riche, a donné dans les arts, & en effet poffede une des maifons de Paris les plus curieufes a voir pour la richeffe, le goüt, le luxe & les fingularit^s qu'elle renferme. Ayant la foibieffe de rougir de fa naiffance qui ne répond pas h fes vues ambitieufes, il a cherché a Ia couvrir par des alliances de femmes infiniment au deffus de lui & tenant aux plus grandes maifons. Mr. le Comte d'Orfay flatté de Phonneur que devoit lui faire Madame la ComtefTe d'Artois, s'étoie haté de réunir auprès de lui tous les grands feigneurs dont fes deux femmes lui ont procuré Palliance. Mais tout eet étalage s'eft trouvé inutile: Madame la Comteffe d'Artois, qu'on n'avoit pas confultée, a préféré d'aller a Bagatelle, voir fes enfans qui ne s'y font pastrouvés, paree que M'\ le Comte d'Artois les avoit envoyés chercher pour leur faire rendre leurs hommages a la Reine, furtout par le Duc d'Angoulême , Grand ■ Prieur de France, a qui appartient le Temple, & chez lequel étoit alors par conféquent Sa Majefté. Madame la ComtefTe d'Artois s'eft trouvée  0<&J réduite au fpectacle de l'aëroftat des Sieurs Alban cc Valht, dont on a parlé. Enfuite elle eft revenue k Paris, voir les illumina. tions cc le bouquet du Comte d'Aranda. 3 Juin 17SJ. La Reine fenfible, comme elle doit 1'étre, a 1'indifférence du peuple, en a parlé au Roi a fon retour & a verfé dans le fein de S. M. fa douleur de n'avoir pas entendu ces acclamations bruyaatés, fi flatteufes pour les Souverains. Je ne j'aïs comme vous fait es, lui dit fon augufte Epoux : pour moi, je ne vais pas de fois d Paris qu'ils ne crient jufques d m'étourdir. 3 Juin 1785. M>i d'Abbadie, Confeiller honoraire au Parlement de Paris, Préfident a mortier au Parlement de Navarre, apiès trente années de Magifirature, dont douze marquées au milieu des révolutions pubüques par un dévouement généreux, fe voit a 1'age de cinquante ans frappé fubitement d'une interdiction provifoire, obteuue au Parlement de Pau par fa familie, lorsqu'il-étoit a Paris depuis le mois de Décembre dernier, occupé a vaquer a fes affaires. II eft mis en chartre privée chez lui, 6c obligé de fe refugier chez Mr. le Lieutenant général de police qui, heureufement inftruit de eet attentat fcandaleux, lui offre fon hötel pour afyle. Tel eft 1'objet d'un Mémoiré curieux que le Préfident fait répandre avec profufion dans toutes les maifons, fuivi d'une Confultation du 2 Mai. Cette étrang©  C70) affaire mérite plus de détails, qu'on doncera , lorfqu'on en fera mieux inftruit. 4 Juin 1785. On peut fe rappeller les folies du Marquis de Brunoy, furtout celles qu'il fit dans le tems pour 1'églife de fa terre. Elle eft décorée avec une pompe, une richeffe & une magnificeoce dont il n'y a pas d'exemple. Mr. 1'Archcvêque de Paris, en y faifant fa vifïte, a été frappé de ce luxe religieux: i! a reconnu combien il s'y trouvoit de fuperfluités, combien de chofes abfolument inutiles pour lefervicedivin dans une égüfe de campagne; il a penfé qu'on pourroit appliquer h un meilleur ufage le prix de la vente de tant d'effets précieux, d'ornemens, de vafes facrés d'or& d'argent, d'argenterie, de dentelles, d'étoffes riches, en 1'appliquant è fecourir lespauvresdulieu, & même a doter des établiffemens poureux, pour les malades, pour l'inftrudtion de la jeuneffe & pour les autres befoins de la paroiffe. Monfieur, aujourd'hui poffeffeur de Brunoy, a approuvé ces vues d'utilüé publique pour fes vaffaux. En conféquence, après avoir réfervé abondamment tout ee qui pouvoit contribuer a la décence & è la dignité du culte dans 1'églife de Brunoy, le Prélata permis de vendre le furplus; ce que le Parlement a ordonné par Arrêt. L'amas incroyable de toutes ces extravangances pieufes du Marquis, leur brillanc  c 7. ; étalage fait aujourd'hui fpeétacle, cc 1'on s'empreffe d'aller les voir a la Mercy, oü elles doivent fe vendre. 4 Juin 1785. Le Journal de Paris eft fupprimé d'aujourd'hui; on varie encore fur la caufe. II faut attendre de plus amples éclairciffemens. j Juin 1785. On fe .reffouvient que les derniers Etats de Bretagne, avant de fe féparer avoient arrêté d'ériger une Statue a Louis XVI dans une ville de la province. N'ayant point trouvé h Rennes ni a Nanres d'emplacementconvenable , ils ont prié S. M. de vouloir bien déögner Elle-même la ville, & S. M, a nommé Breit. En confëquence Mr. Pajou, Sculpteur du Roi, nommé par la province, va fe rendre dans ce Port, afin de voir Pemplacement cc compofer enfuite les accefibires du monument dont la direêtion lui eft confiée. j Juin 1785. Le Roi, par les mêmes motifs qui lui ont infpiré 1'Arrêt du Confeil du 17 de ce mois (rendu , comme celui-ci, fur le Rapport de Mr. de Calonne) pour la fubfiftance cc la confervation des beftiaux, a cru devoir y ajouter la fuppreffion des Droits impofés fur les fourrages apportés des pays étrangers, en ne confervant qu'une légere taxe, dans 1'unique vue de connoitre les quantités importées. L'objet de eet Arrêt du 27 Mai, eftd'encourager les fpéculatioas des CommergaBs,  C 72 ) & de les exciter a faire venir des fourrages de chez 1'étranger. En outre, on y a joint une JnfiruEiion fur les moyens de fuppléer a la difette des fourrages & d'augmenter Ia fubfiflance des beftiaux, publiée par ordre du Roi. On y trouve une foule de reffources dont 1'ufage doit être varié fuivant les lieux & les circonftances. C'eft a la fageffe & a la prudence des Intendans que S. JV1. en réferve le choix. Cette Inftrudtion a été rédigée d'après une aÏÏemblée tenue le 20 Mai par Mr. le Controleur général, & compofée de perfonnes recommandables par leurs connoiffances en économie-rurale. 5 Juin 1785. Mr. Hmdon, célebre Sculpteur, part inceflamment pour l'Amérique) oh le Congrès 1'appelle. II doit y travailler a la Statue du Général Washington & au Bufte de M1'. le Marquis de ia Fayette. 6 Juin 1785. Une chanfon, intitulée VAmbaffade, du Chevalier de Bouflcrs, oh ce poëte aimable plaifante fur ce genre de miffion, & même un peu furlesSouverains, rapportée dans le Journal de Paris du 31 Mai, eft ie motif prétendu de fa fuppreffion; ce qui paroft d'autant plus injufte, que la Piece eft extraite d'un Journal nouveau, intitulé: lep quatre Saifons, imprimé avec permiffion. ö Juin 1785. La quatrieme Nouveauté jouée  C73) jouée hier aux Francois depuis leur rentrée, a été plus heureufe que les précédentes. Non-feu!ement elle a réuffi, mais le fuccès a été tel qu'il y en a peu d'exemples. C'eft une tragédie en cinq Acïes & en vers, ayant pour titre Roxelane Êf Muftapha. Ce fujet a déja été mis au théatre plufieurs fois, & furtout dans ce fiecle par M™, Belin & de Chamfort. On en a parlé a 1'occafion de ce dernier. II eft naturellement fi rempli de fituations intéreffantes qu'il eft facile de les faire valoir. Quoiqu'il en foit, la partje du fendment eft fupérieurement traicée dans la nouvelle piece; il y auroit pèut-être plus de chofes a defirer du cóté de 1'intrigue; mais Ie public n'a femblé improuver que peu d'endroits aifés è changer & ne tenant point au fond. Ainfi, 1'auteur peut regarder fon triomphe comme complet. Pour mieux en apprécier le mérite, il faudroit avoir fous les yeux les deux autres pieces & les comparer. En général, le dernier compofiteur femble avoir Contra foa fujet plus profondément, & fans en fauver toutes les invraifemblances, y avoir mis infioiment plus d'art & d'inteüigence. C'eft un débutant: il fe nomme Maifonneme. On affure qu'il avoit compofé fa piece, déja trés ancienne, avant celle de Mr. de Chamfort, mais qpe le crédit de celuici 1'a emporté & Ta fait paffer avant. M'. de Maifon-neuve ne paroiiïbit point Tme XXIX. D  C 74 ) appellé par fou état aux hautes conceptions de la- tragédie. II tient une boutique de mercerie, mais il a une femme qui enprend foin & lui laiffe tout le tems de fe livrer aux Mufes. II eft du refte trés-modefte: caractere ordinaire du vrai mérite & furtout indice du génie. 11 eft dans la force de Page & n'a pas trente-cinq ans. 6 Juin 1785. Mr. le Préfident d'Abbadie a de fon chef deux millions de biens - fends. II venoit de fuccéder a M1'. de Borda, Fermier général, fon oncle, laiffant unhéritage de plus de quatre millions. C'eft cette fortune exceffive qui a réveillé la cupidité de fa femme, du Marquis du Coudray, Lieutenant général des armées du Roi, fon beaufrere, & de la Marquife fa fceur. Depuis .. trois ou quatre ans des peines fecrettes lui avoient fait reffentir des atteintes de mélancolie. C'eft de eet accident qu'ils fe font prévalus pour, lorfqu'il étoit aParisoccupé a recueillir la fucceflion de fon oncle» qu'il y vivoit dans la maifon du défunt avec fa femme, fa fceur ct fon gendre, le faire interdire a Pau, le 3 Mars fur avis de parens & amis. , Inftruit de eet Arrêt le 26 Mars, le Préfident fe difpofoit a aller a la campagne, lorfqu'il s'eft trouvé prifonnier de fa femme, comme on Pa dit, & n'a échappé a cette captivité que par le zeledeMr.le Lieutenant de police, fon voifin.  ( 75 ) Dès Ie jour même, 26 Mars, il a rendtt plainte de Ia chartre privée dans Jaquelle il venoit d'être détenu. 11 a formé auffi oppofitiön a 1'Arrêt du 3 Mars, par Requête du 8 Avril, & s'eft foumis, par provifion, k ne pouvoir difpofer de fes biens que de 1'avis & fous 1'affiftance d'un Confeil. II a demandé en même tems a être interrogé par Mr. le Lieutenant Civil, viiïté par fes proches & examiné par des médeqins. Le Préfident, dans fon Mémoire, fait voir que ce complot, formé par la cupidité, foutenu par 1'intrigue cachée depuis longtems fous les apparences de 1'amitié, s'il réuffisfoit, feroit injurieux k toute Ia Magifirature, funefle a la fociété entiere ciflétriroit furtout ie Parlement de Pau qui, perfiftant dans une illufion paffagere, óteroit, pour complaire k des parens cupides, impofteurs & dénaturés, la fortune, 1'honneur & 1'état a run de fes membres. 7 Juin 1785. Le nouvel ouvrage de Mr. le Comte de Mirabeau fur la Caifie d'escompte ne lui fait point honneur, fi 1'on en croit des gens impartiaux & connoiffeurs qui Pont lu, en ce qu'on juge facilement qu il s'eft rendu Porgane du S'. Panchault. U ie lit avee un certain intérêt; mais on lent que Pauteur, malgré tout fon efprit & ÏT'aJ" connoiffa"ces, n'étoit point en «?t dé traiter par lui-même une pareille ««tiere. Le livre eft hériffé de calcul! D 2  X70 arithmétiques fepolitiques qu'il n'a pu faire. D'ailleurs 1'objet en eft trés-vicieux, puisqu'il tend h. mettre cette CaiiTe fous la main du gouvernement; ce qui feroit contre fon inftitution ; ce qui faciliteroit les coups d'autorité, la fubverfion desfortunes, 1'infraction des Loix, & le Defpotifme, contre lequel Mr. de Mirabeau s'eft tant récrié jusqu'a préfent. 7 Juin 1785. On en revient aujourd'hui k dire que le Sr. de Beaumarchais garde une retraite volontaire; que fon obftination a n'en point fortir afflige Ia cour, oh il a beaucoup de partifans & embarraffe Mr. le Baron de Breteuil, chargé d'arranger 1'affaire; qu'il a fait offrir au mécontent le Cordon de Saint - Michel, ce qu'il a refufé avec hauteur, en difant qu'il avoit des Charges donnant la Nobleffe; que cette décoration, trop commune & réfervée aux Artiftes, ne ferviroit qu'a lui attirer de mauvaifes plaifanteries. II perfifte a vouloir une Penfion fur la Caffette du Roi. 8 Juin 1785. M1S. Berard & Gourlade, deux Directeurs de la nouvelle Compagnie des Indes, ont eu une querelle ü vive entre eux qu'ils en font venus a mettre 1'épée a la main, il y a quelques jours. Mr. Gourlade a défarmé fon adverfaire, lui a caffé fon épée & lui en a jetté les morceaux au nez. Mr". Berard, furieux de ce procédé inéprifant, vouloit recommencer; mais Ml'. ds  C 77 ) Colonne fentant lemauvais ?fTetqueproduiroit dans Ie public cette rixe non moins dangerèufe que ridicule, a interpofé fa médiatioa & a forcé les deux rivaux de s'embralTer. 8 Juin 1785. Le Sr. Panchault eft fi content du livre de M>'. le Comte de Mirabeau, qu'il 1'annonce publiquement, & par une tournure d'élo^e fort extraordinaire & peu flatteur pour 1'amour • propre de fon éleve en matiere de fifcalité & d'agiotage, il déclare modeftement qu'il ne feroit pasVaché de 1'avoir compofé & qu'il s'en glorifieroit. 9 Juin 1785. Le fameux Comte de Mo. rangiès revient fur la fcene & va de nouveau occuper Ie palais & le public. 11 fa ut fe rappeller qu'il avoit époufé en premières nóces une fille du Duc de Saint-/lignan, dont il a un fils. Depuis il s'eft remarié è une efpece de courtifanne & en a eu un enfant femelle, h qui fon frere contefte 1'état. Voila en gros la matiere du procés, dans lequel il doit fe publier inceffamment des Mémoires. 9 Juin 1785. On affure que Madame Ia Ducheffe de Choifeul, fe faifant un point d'honneur d'acquitter les dettes de fon mari, fe retranche & méme fe retire en couvent, pour y mieux parvenir & plutót. 10 Juin 1785. On a parlé 1'année derniere d'un nouvel incident dans le régime fifcal quï mettoit le Parlement de Bordeaux aux prifes avec le Miniftere; il s'agiffoit d« £>3  ( 78 ) Controle des Billets h ordre qu'exigeoit le Fermier. En conféquence Arrêt du 10 Mars 1784 contre cette innovation. La conteftation n'eft pas finie fans doute,-car on voit un nouvel Arrêt de cette Cour en date du 9 Mars de cette année qui, fous le Btnplaifir du Roi, ordonne que le précédent fera exécuté. En conféquence fait inhibition & défenfes, tant au Commis du Bureau du Controle de cette ville, qu'a tous autres du Reffort de Ia Cour, de percevoirle Droit de Controle des Billets a, ordre, Lettres de change ou autres EfFets commergables, è peine de concujfion, &c. .10 Juin 1785. Dans le Journal militaire, confacré a publier les hauts faits des guerres tant fur terre que fur mer, il n'étoit fait mention d'aucun des Exploits de la Marine Marchande. Meffieurs de la Marine Royale ne faifoient parler que d'eux. Un Négociant de Rochefort s'eft plaint au mois de Février dernier de cette omiffion injurieufe. II a répréfenté aux rédacteurs du Journal que depuis le regne de Louis XIV, les Négocians, jufqu'alors paifibles fpectateurs des exploits militaires, y participerent a leur tour en tems de guerre & que cette élévation de la Marine Marchande a Pétat militaire avoit donné lieu a une foule de traits de bravoure & d'entreprifes hardies, d'autant plus glorieufes, que les honneurs & les diüinchocs militaires ne devoient point être la récompenfe de ces nouveaux défenfeurs  C 79 ) del'Etat, & qu'aujourd'hui que cette claffe de guerriers s'eft acquis des droits h la reconnoiffances de la Nation, il feroit jutte de lui deltiner un article. Les rédacteurs ont fenti leur tort & pour le réparer, recueillent tous les Mémoires, toutes les Notices, tous les Renfeignemens utiles ou glorieux qui pourront intérelTer les Armateurs & les Marins de la Marine Marchande. il Juin 1785. On voit dans le Cabines de Mr. le Contróleur général le Plan en lavis des édifices qui doivent être élevés & Bordeaux a la place du Chateau Trompette qu'on veut fupprimer & démolir. On allure que la facade de ces batimens fera fepffois plus grande que celle des Tuilleries. Treize rues aboutiront k Ia Place principale, qui fera décorée d'arcades & de tout le luxe de 1'arcbitect.ure. Ces treize rues porteront le nom de chacune des Provinces - Unies, Comme ayant beaucoup contribué a la richeffe de ce Port. Mr. Louis, auteur du projet, eft chargé de fon exécution. L'cdifice de la nouvelle Comédie de la même ville attefte fes taleas. II veut faire de Bordeaux, non • feulement une des plus belles villes du Royaume, mais même de 1'Europe. II compte, dit-on, ajouter a la fomptuofité des batimens la commodité des trottoirs pour les gens de pied. 11 n'y aura plus qu'une petite difficulfé: cc D4  c so: fera d'augmenter la population de Bordeaux en raifon de cette augmentation de maifons, qui doubleront prefque les habitations. il Juin 1785. On écrit de Boulogne que Mrs. Pildtre. & Romain y font toujours avec leur Aëroüat. Qu'en outre il y a une jeune Dame nommée Madamede SaintHüaire, réuuiffant a la plus grande iutrépidité toutes les graces de fon fexe, qui eft arrivée depuis deux mois dans cette ville avec une recommandation de Mr. de Calonne, Ce Miniftre exhorte M<". de Rofier d'admettre, s'il eft poffible, eet Aëronaute femel le dans fa galerie; & il le lui a prorais. 11 Juin 1785. On écrit de Conftantinople que le Chantre des Jardins a, pour ainfi dire, perdu la vue; qu'il s'attend a être aveugle dans peu de tems; que, rivaï d'Homere & de Milton, il n'en continue pas moins k travailler, & qu'il s'occupe aétuellement de fon Poëate fur l'imagination; qu'il refte enfermé dans 1'hótel de Mr. 1'Ambasfadeur, & n'ofe vifiter cette grande ville par la crainte qu'il a de la pefte. On affure qu'il fera de retour a Paris au mois de Juillet prochain. 12 Juin 1785. On fe rappelle le différend qui fubGfloit entre 1'Ordre desAvocats & la Chambre des Comptes, reladvement a un Arrét de cette Cour. L'Ordre avoit flomme trois Députés, chargés de fuivre 1'af.  C 81 ) 1'afFaire, de conférer avec Mr le Procureurgénéra! de laChambre, & de chercher quelque tempéramment de coDciliation. Enfin, famedi, ces Députés ont rendu compte a 1'afTemblée qu'ils avoient obtenu fatisfaction; que la Chambre retiroit fon Arrêt, ou du moins en annulloit la difpofition concernant Me. Pincemaille, auquel elle avoit fait une injonétion flétrifiante, & le renvoyoit a Ia difcipline de 1'ürdre. Comme il doit être envoyé une copie collationnée de 1'Arrêt a tous les Bancs, on en fera inftruit plus en détail, & 1'on rendra un compte plus circonüancié de cette affaire majeure. 12 Juin 1785. Extrait d'une Lettre de Bordeaux, du 7 Juin „ Le Tableau du Parquet, brochure clandeftine, débitée dans cette ville, dont vous me demandez quelque notice, ne m'eft connue que par une Lettre d'un de nos Libraires, Paflandre ainé, inférée au Journal de Guycnne du 29 Avril, ou il défavoue ce pamphlet indécent qui paroiflbit depuis le commencement dudic mois. II craignoit d'être foupgonné de complicité, paree qu'un jeune Gommis, forti de chez lui, le colportoit Je préfume que c'eft une fatyre contre nos Magiftrats, dans le goüt de ces libelles qui pulluloient durant 1'exil des Pariemens." 12 Juin 1785 Par un Arrêt du Confeil du 3 juin, la nouvelle Edition des Oeuvres complettes de Poltaire eft fupprimée, G'til  C80 une petite fatisfaclion que 1'on a voulu donner au CIcrgé, en ce moment qu'il eft aflemblé: fatisfidtion d'autant plusillufoire, que depuis trois mois & plus le Sr. de Beaumarchais a débité tout ce qu'il en avoit, C'eft une nouvelle inconféquencedu Gouvernement a joindre a tant d'autres. 12 Juin 1785. C'eft aux Récolettes que fe retire Madame la Ducheffe de Choifeul, avec deux femmes & deuxlaquais feulement. Tout le refte de fes revenus doit être confacré k payer les dettes de fon mari. 13 Juin 1785, .La prifon de Saint-Martin , confacrée fpécialement h fervir d'entrepót aux filles de mauvaife vie, eft fort étroite, fort ircommode & placée dans un j endroit de Paris trés - habité. On vient de la fupprimer & de la réunir 3 celle de 1'hótel de la force, par des Lettres Patentes données a Verfailles, au mois d'Avril & enrégiftrées au Parlement le 10 Mai. 13 Juin 1785. Mr, Mercier, ci-devant Bibliothécaire de la Maifon de Sainte-Gene- I vieve, aujourd'hui connu fous le nom d'Abbé de Saint-Léger, annonce un projet pour le foulagemetit des veuves 8* des enfans des gens de lettres, morts fans fortune, ff I pour la publication de leurs écrits pofthumes. ]1 s'agit d'une compagnie femblable a celle établie a Drefde, & qui y a fubfifté jusqu'aux ravages de la guerre de 1760. Elle avoit pour titre: Som tas Caritatis-& Scien- j  ( 83 ) tiarum. On en voit 1'hifioire dans Ia préface qui eft en téte du premier volume de fes Mémoires, intitulé : AnaleSla , &e. Analect.es, &c. ou Choix, Mélanges, &c. Un particulier, qui a voulu demeurer in. connu, mais que 1'on fait avoir donné de bons ouvrages, concut & exécuta ce beau projet. Des littérateurs honnêtes & vertueux fe réunirent k lui; & enfin Frédsric-Augufle, Roi de Pologne, Electeur de Saxe, confirma en 1722 un établiffement fi glorieux par un Edit mérriorable. Ce projet ne fait que rentrer dans un pTus étendu,concu par Mr. Luneau deBoisjermain, & dont on a rendu compte dans' le tems. 14 Juin 1787. La fuppreffion du Journal ie Paris fubfifte. Cependant les Directeurs continuent a recevoir des foufcriptions, fondés fans doute fur le proverbe: Que ce qui eft bon d prendre , eft bon d rendre, ou mieux encore fuivant Mr. de Btauwarchais, bon d garder. Ils promettent pour le 15 de ce mois. Quoi qu'il en foit, il paroft conftant au-'jourd'hui que c'eft le Comte de Luface, frere de la Princeffe Chrijlme, Abbeffe de Remiremont, qui s'eft plaint au Roi de 1'infertion de la chanfon, .& que c'eft S. M. Elle-même qui, dans un premier .mouvement d'indignation,a ordonné la fuppreffioo du Journal. II eft étonnant qu on n'ajt pas rcpréfesié D Q  (84 ) è S. M. non - feulement Pinjuftice de cette fuppreffion par les raifoos qu'on a dites, mais encore Ie danger d'exciter la curiofité & de rendre publique une anecdote que beaucoup de gens ignoroient & qu'il eft effentiel de conftater. Mr. le Chevalier de Bouflers ayant été enVoyé par !e Roi h Remiremont pour complitnenter la PrincefTe Chrijline fur fa nomination h cette Abbaye, en fut recu avec beaucoup de hauteur. 11 fut piqué & compofa la chaDfon fuivante, ,fur 1'air: Et j'y fris bien du plaifir. * Enivrê' du brillant pofle, Que j'occupe récemment, Dans une chaife de pofte, Je me campe fiérement, ■Et je vais en AmbaiTade, Au nom de mon Souverain, Dire que je Tuis malade, Et que lui fe porte bien. Avec une joue enflée, Jedébarque tout honteux; La PrincefTe bourfouflée, Au lieu d'une en avoit deux: Et fon AkefTe fauvage, Sans doute a trouvé mauvais, Que j'eufie fur mon vifage, La moitié de fes atiraiu.  C ) PrincefTe, le Roi, mon Maltre, M'a pris pour AmbafTadeur: Je viens vous faire connoitre, Quelle eft pour vous fon ardeur. Quand vous feriez fous le chaume, 11 donneroit, m'a-t- il dit, La moitié de fon Royauine, Pour celle de votre lit. La PrincefTe, a fon pupitre, Compofé un remercimem: Elle me donne une éphre, Que j'emporte leftement. Et je m'en vais dans la rue, Fort fatisfait d'ajouter, A fhonneur de Tavoir vue, Le plaifir de Ia quitter. En outre, comme la PrincefTe lui fit donner cinq louis en or, en formederécompenfe, le Chevalier y ajouta le Quatrain que voici, fur l'air: Ne v'lci't-il pas que j'aime ? De ces beaux lieux en revenant, Je quitte TExcellence: Et je re9ois, pour traitement, Cent vingt livres de-France, II eft a obferver -que cette Chanfon & Ie Quatrain étoient imprimés dés 1782, dans le Recueil des ceuvres du Chevalier de Bouflers, D 7  C SO 14. Jam 1785. On parte de Remontranees du Parlement de Bretagne fur Ie tabac, elles font un ccrtain bruit en ce qu'on reproche a cette Cour de les avoir dirigées plus contre le Miniftre des finances que contre les Fermiers généraux. 15 Juin 1785. L'Arrêt du Confeil qui fupprime un ouvrage ayant pour titre: Collehion compktte des ozuvres de Voltaire, par la Société Littéraire Typograplrique, eft imprimé & afïiché avec une grande profufion. On a affjcté d'en coller deux a la porte du Sr. de Beaumarchais. La fuppreffion eft motivée fur ce qu'une partie de eet ouvrage eft contraire a la reügion, aux mceurs, & tend h ébranler les principes fondamentaux de 1'ordre, des fociétés & de 1'autorité légjtime. II eft ordonné a tous les Imprimeurs, Libraires, Colporteurs, .Diftributeurs & autres qui en auroient des exemplaires, de les apporter pour être mis au pilon. Au refte, il n'eft encort queftion que des trente premiers volumes de cette Edition. 16 Juin 1785. Un ami de 1'Abbé de Mdbly lui a confacré une Epitaphe Latine qui mérite d'étre confervée, quoiqu'un peu longue, paree qu'elle eft un hiftorique de fa vie. D. O. M. E. M. JE. Gabrïelis Bonnot de Mablyi  C «7 J> Grationo politani; Juris natum cif gentium indagator Jndefejjus, audax, felix, D ignitatis humane vindex, Inter fcriptores politicos infignis, Orbis utriufque fuffragiis ornatus, Eventuum prceteritorum caufas detsxitt Futuros prcenuntiavit, Qum ad avertendos docuit, RecJi pervicax, Quid pulchrum, quid turpe, Quid utile, quid non dixit. Vir paucorom hominum,_ Honores, divitias, Omni modo J'ervitii vinculo In madicd re, Conftanter afpernatus, Vitd innocuus, religionis cultor JEquiffimo animo. Qbiit 23 Apr. D. 1785. Nat. 14. Mart. 1700. H. M. Amici marentes pofuerunt. On peut Ia traduire ainfi: „ A Ia Gloire de Dieu Tour-bon, tout-puiflant „ & a Ia mémoire éternelle de Gabriel Bonnot do „ Mably, né a Grenoble. „ lnfatigable, courageux, heureux dans fes re„ cherches fur le Droit de la Nature & des Gens „ il a vengé la dignite de l'homme. » Egal aux plus célébres Ecrivains politiques, » les deox moades 1'ont bonoré de leurs fuffragej,  C 88 ) „ II a découvert aux Peuples les caufes des révo„ lutions, annoncé celles dont ils font menacés, „ indiqué les moyens de les prévenir. ,, Invariableraent attaché au vrai, il a démas. „ qué le vice,fait briller la vertu, éclairé Ieshora- mes fur leurs plus grands intéréts. „ II ne prodigua ni fon eftime, ni fon amitié. „ Dans la médiocrité de fa fortune, il a conflam„ ment dédaigné les honneurs, les richeiTes, „ toutes les places, comme des entraves a la li„ berté. „ Sa vie fut fans tache, fidele aux devoirs de „ la religion, il mourut avec tranquillité le 23 „ Avril 1785. II étoit né le 24 Mai 1709. „ Ses amis affligés lui ont érigé ce monument." 16 Juin 1785. Relation de la ieance pu> blique de 1'Académie Frangojfe, tenue aujourd'hui pour la réception de JVfr. 1'Abbé Morellet. Le tumulte des deux féances précédentes ayant fort déplu a Meffieurs de rAcadémie, ils ont férieufement fongé aux moyens d'empêcher qu'il De füt tel a 1'avenir. En conféquence ils ont arrété qu'ils ne donneroient de billets qu'autant qu'il y auroit de fiegess fuivant la maxime, Anima fedens fit Japienïior. Mais comme il y a toujours des nonvaleurs dans les Billets donnés, il en a réfulté un autre inconvénient non moins déplaifant pour Meffieurs; c'eft que la féance n'a pas été parfaitement garnie, qu'il y avoit des fieges vuides & qu'il s'y eft répandu UU grand froid.  C So ) Mr. 1'Abbé Morellet, n'ignorant pas combien on a blamé le choix de 1'Académie en fa perfonne, s'y eft pris adroitement dès 1'ouverture de fon difcours pour écarter ce reproche; il eft convenu que Richelieu n'avoic d'abord inftitué 1'Académie Francoife que pour les Orateurs, les Poëtes, les Grammairiens, les Critiques, les Historiens, pour les Gens de Lettres en un mot. Mais il a prétendu que ce grand homme prévoyoit d'avance 1'union qui fe formeroit entre les Lettres &la Philofophie, & que celle-ci, infiniment plus utile, figureroit avantageufement & tiendroit a la fin le haut bout dans 1'Académie. C'eft a Fontenslle qu'a commencé cette révolution, confomméeaujourd hui prefqu'entiérement. C'eft donc comme Philofophe que le Récipiendaire a eu droit de folliciter une place -Sc de 1'obtenir. Par Philofophe, il n'entend pas fimplement celui qui fe livre a 1'étude des hautes fciences, mais celui qui les applique a 1'avantage & au bonheur de la Société. 11 eft de ce genre; il eft Economifte; il a prêché la liberté du Commerce, il a fait détruire la Compagnie des Indes exclufive; il travaille depuis trente ans a un Diétionnaire du Commerce. Voilé fes titres. Après les avoir bien conftatés, il eft venu a fon prédéceffeur, a 1'Abbé Millot, qu'il trouve auffi hiftorien-philofophe. Ce fut une dofe trop forte de cette philofophie dont font  (90 ) imprégnés fes premiers ouvrages', qui lui fit quitter la Société des Jéfuites, paree qu'il craignitde n'y plus trouverni le repos, Bi la liberté; perfécution heureufe, en ce qu'il fortit du vaiffeau avant le naufrage. Le Récipiendaire a pris occalion des Elémens d'Hiftoire de 1'Abbé Millot, qu'il veut pédantefquement n'être que des Abrégés, pour faire une longue et trop longue differtation fur ce genre, d'autant plus déplacée que peu de gens ont lu les ouvrages du défunt. Quoi qu'il en foit, ils le firent appelier a Parme, pour y inftituer la jeune Nobleffe & la former a 1'hiftoire. II s'y trouva bientót enveloppé dans des mouvemens féditieux, élevés contre le Miniftre Felir.o fon protecteur. On parloit de mettre le feu a la maifon de ceSeigDeur. Mr. 1'Abbé Millot ne voulut point le quitter; en vain lui fit-on en. vifager la perte de fon pofte. II répondit que fon pofte en ce moment étoit celui que 1'attachement & la reconnoiffance lui prescrivoient & qu'on ne pourroit 1'en arracher. Revenu en France, Mr. 1'Abbé Millot s'attacha a la Maifon de Noailles, qui le chargea de la redaction des Mémoires du vieux Maréchal de cenom: Mémoires qui ont fait bruit, a caufe du perfonnage intéreffant dont ils fontémanés, mais que 1'Abbé Morellet eft obligé de convenir ne pas remplir 1'attente du Leéteur. Le Récipiendaire ayant peine a quitter fon  (91 ) prédécelïeur, aprös s'étre beaucoup étenda fur fes écrits a differté encore fur fon caractere, & a die des chofes trés - fines & trésingénieufes, mais qui ont manquéleur effet, appliquées a un perfonnage obfeur & dont 1'affemblée connoiffoit encore moins la vie que les ceuvres. En général, ce difcours, mal lu, débité froidement, a été recu de même: il a obtenu peu d'applaudiffemens. Celui du Directeur, M'". le Marquis de Clidtellux, n'en a eu aucun. II a commencé par un détail infipide, malgré le fentiment qu'il affeftoit d'y répandre, de 1'ancienne amitié fubüftant entre le Récipiendaire & lui. II a donné a entendre que connoiiTant plus particulierement 1'Abbé Morellet, il n'a pas été des derniers a lui accorder fon fuffrage pour qu'il füt admis dans la Compagnie, ou plutót daDS la Société: aveu déja échappé a plufleurs Académiciens en particulier, ét fait authentiquement aujourd'hui, que ce n'eft pas le mérite qu'ils recherchent, mais leurs amis. Pour remplir le vuide de fon difcours, le Marquis de Chatellux eft revenu fur 1'Abbé Millot, & quoique le Récipiendaire eüt femblé avoir épuifé la matiere, il a trouvé encore de nouvelles chofes a dire fur ce . fujet. II s'eft particulierement attaché a Pemploi de Précepteur du Duc d'Enghien, que rempliffoit 1'Abbé Mükt, & par une profopopée brillaute, il 1'a peint conduifant  rs>2) fon illuftre pupille aChantilly, & l'yinftruifant par les monumens qu'il lui montre & de la grandeur de fes Ayeux, & de leur gloire & de leur amour des Arts. Un trait plus remarquable de ce difcours & vraiement glorieux pour 1'Abbé Morellet, c'eft 1'aveu du Lord Shelburn qui, lors de la derniere Paix avec 1'Angleterre, prétend avoir mis de cöté tout préjugé national, pour ne s'occuper que du bonheur & de la réunion des deux Peuples, en libéralifant en quelque forte le Commerce d'après les Principes que le Miniftre étranger avoit puifés dans les ouvrages du Philofophe économifte. Le Directeur de 1'Académie n'a pas diffimulé que ce mot Libéralifer, devoit fembler bien étrange dans le fein de 1'Académie franeoife & devant 1'illuftre affemblée. II lui en a demandé pardon, mais il a cru devoir conferver la propre expreffion du Lord Shelburn. On fait que le Marquis de Chdtellux, depuis qu'il a été en Amérique, ne manque jamais de parler des Américains^ dés que Poccafion s'en préfente. II n'a pas lailfé échapper celle-ci de les vanter; en célébrant les grands événemens du Regne actuel, il y a compris 1'Arrêt du 30 Aoüt qui ouvre les Ports de nos Colonies aux Anglo-Américains; il 1'a canonifé, malgré les réclamations du Commerce, & y voit une fource •de grandeur & de profpérité nationale. Oa  (93 ) fe trompe bien, ou M>. le Directeur aquelque habitation dans nos colonies, ou fes amis en ont, ou quelque intérêt fecret le fait parler. Depuis longtems on annoncoit un morceau de proie de Mr_. Marmontel. Après ces difcours, il en a fait part au Public. C'eft une digreffion fur Vautorité de l'ufage fur la langue. C'eft un petit chef • d'ceuvre plein de goüt, de logique & de fineffe. Son objet eft de prouver qu'on a eu tort de renoncer k certaines espreffions tombées en défuétude, & de n'en pas adopter de nouvelles, lorfqu'elles font imaginées avec les qualités requifes. II eft étonnant quel intérêt il a fu répandre dans une matiere qui n'en paroiffbit nullement fufceptible. Auffi a -1 - il été conftamment & unanimément applaudi. Avec une adreffe trés ingénieufe, 1'auteur a cu Part de terminer fans affeótation & fans parcitre y fonger, par les portrairs des Sls. de Biaumarchais &.Linguett qu'on fait être grands faifeurs de mois, mais a leur ufage feulement, plus propres a g&ter la langue qu'a 1'enrichir, & que le bon Ecrivain s'interdiroit au contraire, s'il les trouvoit adoptés. Mr. le Miere a clos la féance par la lecture de fon quatrieme Acte de Barnevelt, annoncé dépuis longtems auffi. Un morceau ifolé de la forte, dénué de ce qui précede, ne porte jamais le même intérêt,  C 94 ) Cependant le public, qui avoit écouté d'abotd froidement, s'eft réchauffé fur la fin de 1'Acte, & a donné de grands applaudisfemens h des fituations violentes, & des vers forts, tels que celui par oh le héros en prifon rejette les fecours que fon fils, ne pouvant le déterminer a fe fauver, lui offre pour fe fouftraire au fupplice, en fe donnant la mort: Caton fe la donna , Socrate 1'attendit. 17 Juin 1785. La fuppreffion du Journal de Paris devient trés • férieufe & fe proion. ge. Le Cenieur, Mr. de Guidi, a étéinterdit, & 1'on lui a óté même le Mercure \ ce qui caractérife un grand mécontentement du Roi. Cependant on ne parle point d'autre grief que de celui de la chanfon. 17 Juin 1785. On vient de recevoir Ia nouvelle que Mrs. Pildtre de Rojïer GiRomain ayant voulu effayer leur Ballon & s'élever a la plus grande hauteur poffible, le matin du mercredi 15, font retombés morts peu de tems après. On ignore les circonftances de ce funefte accident. 17 Juin 1785, Mr. Hilliard d''Aulerteuil, un de nos Ecrivains politiques modernes, a faifi la folie du jour, comme il 1'appelle, pour en faire 1'objet d'un Pamphlet du moment. C'eft un Dialogue entre un Anglois £? un Frangois fur les ASlions des nouvelles eaux. II y décrie cette machine, & comme  C95; contraire k Ia Maxime de Montefquieu, qu'il faut fupprimer toutes celles tendant a rendre inutiles trop de bras du peuple; comme infalubre, & par 1'endfbit oh a été placée la pompe k feu, au bas de la riviere, a la chftte de toutes les immondices, & par la nature de fa conftructlon. Les Anglois fe gardent bien de boire de 1'eau de la leur, fur le modele de laquelle celle de Mrs. Perrier eft inftituée. D'ailleurs, par des calculs favans, 1'Anglois prouve le chimérique des bénéfices, furtout. pour ceux qui les achetent deux eens pour cent plus qu'elles ne valent. Quoique cette Cricique foit peu faillante, elle eft cependant affez forte pour devoir déplaire au Gouvernement, & 1'on eft furpris qu'elle ne foit pas plus prohibée. 17 pin 1785. Le poëte Barthe eft mort avant.hier par un accident très-malheureux. II avoit foupé copieufement le dimanche en vrai gorrmand, comme il étoit. De-Ia une indigeftion dans Ia nuit. II fait touc ce qu'il peut pour vomir, & il en réfulte des efforts fi confidérables qu'un bandage qu'il avoit, pette; que fa hernie devient affreufe, & que ne pouvant faire rentrer 1'inteftin , on eft obligé de lui faire I'opération qui, quoique bien faite, n'a pas empêché qu'il n'ait fuccombé. Mr. Barthe étoit féparé de fa femme. Comme elle ne 1'a point vu durant fa mala-  (s>5; die, ni n'a été appellée, on préfume qu'i! eft mort philofophiquement; car la première démarche du confeffeur auroit été d'exiger, fuivant Pefprit de Ia religion, qu'il feréconciliat avec Madame Barthe. 18 Juin 1785. II eft queftion de réalifer enfin 1'établiffement d'une Ecole de nalation, dont on parle depuis longtems. Le Prevót des Marchanas aétuel femble avoir envie de fe fignaler par cette Inflitution. Le Sr. Turquin, 1'auteur des Bains- Chinois, fi bien imaginés, a donné fur cela un projet dont le plan, les difpofitions & le régime avoient été approuvés de 1'Académie Royale de Médecine. Le champ de VEcole de nataüon doit être prés de la Grenouillere, fuivant le ProfpeSlus qu'on en publie. Elle fera publique & particuliere. Les lecons feront divifées en cinq ïfpeces. Celles de Ia première, qu'on peut appelIer Préparatoires, auront pour objet tous les mouvemens qu'on eft obligé de faire pour nager. Par cette raifon elles s'enfeigneront a fee; c'eft -a-dire, le corps vêtu, hors de l'eau, couché & fufpendu dans le milieu, fur des machines imaginées a eet effet. Et comme elles feront données a couvert, on pourra les prendre dans tous les tems. Les membres ainfi difpofés aux mouvemens de la natation,iIs feront répétés d™s le baffin  C 97 ) . baffin deftiné h nager, & ils feront dirigés par d'habiles maitres qui ne quitteront pasl'écolier qu'ils ne fe foient affurés de fa capacité. Ce fera 1'objet de la feeonde efpece de lecons. Celui de Ia troifieme fera de le former a nager tout habillé, puifque c'eft toujours étant habillé , qu'on tombe dans 1'eau. La quatrieme efpece de lecons, confiflera a faire prendre aux éleves 1'habitude de nager en pleine riviere, contre le vent & le courant de 1'eau. Enfin, pour ne rien laiffer a defirer fur la natation, fon étude fera terminée par 1'art de plonger, a 1'égard de ceux qui defireront le favoir. Le Sr. Turquin inftruira encore dans une autre efpece d'étude, non moins agréable & plus fouvent utile, c'eft de favoir conduire & diriger un bateau ou même unechaloupe, foit è rames, foit a voiles. Celle-ci, étant indépendante de la première, doit faire une Ecole h part. ig Juin 1785. On doit recueillir encore quelques circonftances & détails de Ia vie de M. Pao?z,célébre Artifte.enlevé aux Arts par une mort prématurée; d'autant mieux que n'étant d'aucune Académie, fon oraifon funebre ne fera prononcée nulle part. II porta fes difpofitions pour peindre les Batailles, dans les Dragons oh it entra fort jeune. Les campagnes oh il fe trouva, Tomé XXIX, • E  C 92 ) feryirent egalement k honorer fon fervice Sc è lui faire faire des études pour devenir bon Peintre. Ayant obcenu fon congé, cc muni de fes deffins, il fe préfenta fucceffivement chez M. M. Fanloo (Carle) cc Boucher. Tous deux 1'engagerent k prendre le pinceau; il fe rendit enfin difcipie de M. Cazanova dont il devint enfuite le rival On en peut juger non feulement par les Tableaux du Palais ■ Boürbon dont on a parlé, mais par ceux qu'on voit a la falie du Confeil de PEcoIe militaire. Moins fougueux, moius colorifte, que fon maitre, M>'. Paon étoit plus deffihateur, plus fidele imitateur de la '■ Nature. Ses deffins cc fes tableaux ont un mérite très-rare cc inappréciable: c'eft qu'il a été acteur lui-même des fcénes qu'il dëcrit. Ceux qui ont connu M'". Paon, affurent qu'il avoit les qualités du cceur très-efiimaJbles; qu'il étoit bon fiis, bon époux, bon ami; qu'il avoit le caraftere brave, franc, loyal cc gai. .11 étoitj fujet a la goutte & trop inquiet fur fa fanté. 11 s'eft tué k force de remedes. \g Juin X785. La mort de M. M. Pilatre deRofier cc Romain n'eft que trop confirmée. Le dernier a furvécu environ dix minutés aprcs leur chüte, &. cependant n'a pu parIer. lis étoient partis très-férieufement pour fe rendre en Angleterre, mais avoient trouvé un courant d'air qui les avoit ramenés, car ils font tombés en France.  Cpp ) On varie fur Ia caufe de leur cataftrophe. On croyoic d'abord qu'elle avoit été occafionnée par le mélange des deux procédés du feu & de 1'air inflammable. On veut aujourd'hui 1'attribuer a la vetufté de la machine, a la foupape qui jouoit mal, aux qualités vicieufes des matieres employées. C'eft un problême qu'on ne pourra bien éclaircir que par un hiflorique circonftancié des faits. Tout ce qu'on peut dire, c'eft que les phyficiens regardoient la machine comme trés-mal imaginée, & fon auteur, comme un ignorant, comme un téméraire imbécille de ne Favoir pas efiayée avant. 20 Juin Le Comité du Mufée inftitué par le Sr. Pildtre s'eft affemblé extraordinairement fur Ia nouvelle de fa mort. II a nommé quatre Commiffaires , favoir: M". de Flejelles, de Gouffisr, Cailhava & Bontems, pour avifer aux moyens de rem. placer eet illuftre Chef. II a été arrêté en même tems dans cette délibération d'envoyer une Lettre circulaire è tous les membres, pour les inftruire de la fatale nouvelle & les inviter a donner léur avis. 20 Juin 178)-. On Domme dans Ie Public M'. de Chamfort, de 1'Académie francoife, pour fuccéder a M'\ Cherin dans la placé d'hiftoriographe de FOrdre du Saint-Efprit. Les appointemens qu'on y avoit attachés en faveur de Mr. de Saint-foix, lorfqu'elle fut créée,fbnt de 2,000 livres;mais il o'yariep E 2  C 100 ) de décidé encore ni fur 1'un ni fur 1'autre, 21 Juin 1785. On affure que les 2,0:0 livres de penfion dont jouiffoit leSr. Pildtre t font confervées a fa mere & a fes fceurs. 21 Juin D'après les principes éta- blis dans le livre de Mr. le Comte de Mirabeau fur la Caiffe d'Efcompte, le Miniflre croit devoir pour le maintien de la machine, en dirigerlesprincipauxmouvemens. En conféquence le 8 Juin , les Adminiftrateurs de cette Compagnie furent mandés au Contróle général: ils étoient accompagnés des principaux Aétionnaires, & au lieu de laiffer ces Meffieurs rég'ler leur Dividende comme ci-devant, dans leur affemblée géné. rale, on y débattit ia queftion devant Ie Miniftre. II décida que ce Dividende, Ia matiere de tant de conteftations, de tant de brochures, de tant depamphlets, feroit moderé & fixé déformais a ijo livres par femeftre, & que le furplus des bénéfices feroit réparti ou réfervé dans certaines proportions, ce qui doit être la matiere d'un Arrêt du Confeil , ainfi voilé les Aétionnaires fous le joug du gouvernement. 21 Juin 1785. Quoiqu'il y ait a ReDnes & h Nantes, les deux villes principales de la Bretagne, des places convenables pour y ériger la ftatue de Louis XVI fuivant Ie vceu des derniers Etats, pour ne point exciter des plaintes entre celles-ci, & même les autres de moyen ordre défirant toutes de  ( ioi ) pofTéder ce monument, les Députés des Etats en ont remis Ja décifion a S. M. Elle .même. Ils 1'ont fuppliée de choifir, & c'eft Breft qui a été nommé. Aucun Artifte n'eft encore chargé d'eD dreffer le plan , les Députés invitent ceux qui voudront en imaginer de les leur adreffer. 22 Juin 1785. C'eft fur Jes reptérentations de Mr. 1'Archevêque d'Aix, qui eft h la tête du Bureau de la religion,. dont eft raembre auffi 1'Archevéque'de Vienne, que le Clergé a fait de nouveaux efforts pour demander la fuppreffion de 1'édition nouvelle & complette des ceuvres de Voltaire: fuppreffion qu'on n'a pu lui refufer; mais 1'Arrêt qui 1'ordonne, a été dreffé avec fi peu de foin, que 1'énoncé même porte a faux, puifqu'on fupprime les trente premiers volumes imprimés, quoiqu'ils ne le foienc pas, & que ceux publiés foient pris indistinétement au commencement des ceuvres, au milieu & k Ia fin. Au refte, quoiqu'on y fafle dire k S. M. qu'elle voit avec douleur entre les mains de fes fujets une collection d'écrits, donC partie bleffe la religion, les mceurs, &c; qu elle ordonne d'en apporter les exemplaires a la chambre fyndicale de Paris & autres; on avoit fi peu d'envie d'effectuer cette deftruclion, qu'on a fait avertir Ie Sr. de Beaumarehais de vuider fes magafins avant qu on en fit la vifite. E3  ( IC2 ) Les repréfentations du Clergé portoiene fur les précautions que 1'éditeur avoir. prifes de multiplier tellement les diverfes éditions, de Pouvrage & de les mettre a des prix ü modiques, que toutes les claffes de lefteurs puffent s'eu pourvoir & qu'aucune n'échappat è la corruption.- 22 Juin 1785. La cinquieme Nouveauté dónné'e par les Francais avant-hier, eft encore tómbée.. C'étoit une comédie en trois Acles & en vers, ayant pour titre: l'Epïeuve délicate. C'eft un fujet pris d'un Conté de M1'. Mamentel, déja mis fur la fcene Italienne & joué aux Boulevards. L'auteur eft JVF\ Grouvel, attaché a M. le Prince de Condé en quaüté de Secrétaire. H avoit fait jouer fa piece a Chantilly devant le Prince & fa Cour. Elle avoit été goütée, & il s'étoit flatté que Ie Public de Paris auroit la même indulgeirce. II a été jugé, au contraire, avec la plus grande févérité, avec dureté même, & le tumulte étoit fi grand & li indécent, lors des- dernieres fcenes, que perfonne n'a pu les entendre. Comme JVK Grouvel eft jeune , que la comédie exige plus de maturité que la tragédie, il peut être moins malheureux une autre fois. 23 Juin 1785. L'ouvrage fur VOrdre de Cincunatus de Mr. le Comte de Mirabsau, annoncé & defiré depuis longtems , com- 'mence k percer & ceux qui 1'ont lu en font fort contens.  C 103 ) 23 Juin .1705. On peut fe rappeller ce qui- a été dit il y a quelque tems du drame d'/lgnès Bemaud. 11 a été joué avant-hier aux Italiens avec plus de fuccès que la tragédie. d'Albert é? Emilie aux Franqois; rnêmé fujet, tiré du théêtre Allemand. II paroft que M1'. Milcent, auteur du drame, s'eft moins écarté du fujet que Mr. Dubinjjon, 1'auteur de la tragédie, & c'eft fans doute cè qui lui a valu fon triomphe. On allure cependant que la piece Allemande dans la fimple traduction eft encore infiniment fupérieure. Mr. Milcent a mis fon drame en quatre Acles & en vers libres. Au refte, la réuffite n'a pas été complette. II faudra que Ml', Milcent élague beaucoup de triviaütés , des fcenes entieres , des perfonnages même oifeux, & foigne furtout mieux fon ftyle. 11 feut auffi que Mlle. Pitrot, qui fait le röle é'slgnès Bsrnaud cc joue trés bien la pantomime, tache de faire mieux fortir fa voix & d'être entendue, II faudra en général que les Acteurs fachent mieux leur löle cc foient plus fürs de leur jeu. 24 Juin 1785. Mr. 1'Abbé Giraud Soulavie donne comme une Suite des pieces relatives a VHiftoire naturelle de la France Méridionale, uue Confultation contre 1'Abbé Barruel > Prétre du diocefe de Viviers, Aumönier de Madame la PrincefTe de Conti, auteur des Hdviennes cc du libelle intitulé: Geneje felon E 4  C 104 ) Mr. Soulavie. Elle eft du 26 Avril 1785 , & fignée de plufieurs Jurifconfultes favans ou célébres. Après un hiftorique des faits, plus précis, plus clair , mieux enchainé que dans le Mémoire de 1'Abbé Soulavie, on établit dans cette Confultation deux propofitions trés importantes: i°. L'action de 1'Abbé Soulavie eft bien fondée, en ce quelelibelledefonadverfaire, qualifié tel par fon contenu & par fes accesfoires,. puifqu'il n'eft revêtu d'aucun nom d'auteur ni de libraire, d'aucune approbation, & qu'il s'eft publié en contravention aux régiemens ; ce libelle donc attaque d'une maniere atroce & calomnieufe 1'ouvrage & la perfonne de 1'Abbé Soulavie. 20. L'Abbé Barruel eft d'autant plus coupable, qu'il favoit que 1'ouvrage de 1'Abbé Soulavie étoit légalement approuvé, & que • c'eft dans un livre clandeftin qu'il s'eft permis de 1'attaquer. Ces deux verités établies jufques a Ia démonftration par une logique fuivie, lumineufe & preffante, il en réfulte rimpoffibilité que les Magiftrats mettent les parties hors de Cour, comme le defire 1'adverfaire, & n'accordent pas a celui qui eft fi horriblement calomnié, toutes les réparations qui lui font dües. La Confultation ne prononce pas au refte fur la nature du Tribunal, ne décide point  c 105; fi 1'affaire revendiquée par 1'OfKciaIité doit y refter ou non. Mais on y voit du moins avec plaifir que Ie procés fubfifte. 24 Juin 1785. L'Ordre des Avocats auroit bien defiré que 1'Arrêc de la Chambre des Comptes contre M<\ Pincemaille, ayant été imprimé & affiché, fignifié même h domicile, ce qui eft' abfolument infolite contre ua Membre de 1'Ordre'; celui qui réforme eet Arrêt eüt auffi la même publicité: mais les pufillanimes craignant de ne pas obtenir un pareil acquiefcement, ont été d'avis de ne pas infifter. Seulement Ia miDUte de 1'Arrêt doit être dépofée è perpétuité è Ia Bibliotheque des Avocats, & une expédition en doit être adreffée è chaque Colonne, afin que tous les confrères en puiffent prendre connoifiance. 25 Juin 1785. Le Mémoire pour Jean* Frangois • Charles de Molelte, Comte de Morangiès , Maréchal des Camps èf Armées du üoz',commence è fe publier fous ce titre, II n'y nomme point en tête fon adverfaire, qui réellement eft fon fils. Le fujet de la conteftation eft au fond tel qu'on 1'a raconté, En outre, il reclame différentes penfions que faifoit celui-ci tant a 1'auteur de fes jours, qu'a fa fceur. II eft aifé de juger par le récit des faits que le fils eft déja, pour le moins, auffi mauvais fujet que fon perej qu'il eft foufflé par deux de fes oncres; Je Baron ie Saint- Alban, & le Chevalier de E 5  C 106 ) Morangiès, qui ne valent pas mieux. Dans le cours du Mémoire, oü c'eft le pere qui parle, on trouve des reticences terribles. II menace fon fils, s'il s'obftine dans fon agreffion injufte & fcandaleufe, de révéla- tions k faire frémir Si 1'on en croit les bruits de' fociété, le Marquis de Morangiès a vécu avec. fa fceur, a cueilli la fleur de fon innocence , & lui contefte aujourd'hui fon état, fans doute afin d'atténuer fon crime; mais il lui contefte en même tems une penfion & une donation qu'il lui a faites. En général, on ne découvre que vilenie & horreur dans ce procés, qu'on travaille k affoupir. Ce Mémoire , de M'e. Martineau , eft • précis, clair & point mal écrit. 2j Juin 1785. Extrait d'une Lettre de Boulogne du 18 Juin.... ,, La vérité en tout eft fort difficile k découvrir. Vous ne croiriez pas qu'un fait qui s'eft pafte k Ia vue de tant de milliers de fpeétateurs foit encore problématique & peut-être Ie reftera -1 - il toujours. II s'agit de favoir k quelle caufe attribuer Ia cataftrophe du malheureux Pildtre, & de fon compagnon le S*'; Romain, un des artiftes employés a la conftruction de la machine aëroftatique combinée, de 1'invention du premier. Je ne puis quant h moi, que vous en rendre toutes les circonftarces, & vous jugerez. Un vent qui paroiffoit favorable pour le  C '07 ) trajet, avoit décidé le Sr. Pildtre a fortir enfin de la forte d'exil oii 1'on le retenoit ici, & a tcnter fon paffage en Angleterre. Le matin du mercrédi 15, il s'éleva dans. les airs a 7 heures 5 minutes. A 7 heures 35 minutes, "on vit voltiger au deffus du ballon une colonne de flamme, qui fut appercue par toutes les perfonnes que Fexpérience avoit raffemblées, Le furplus de la machine & les deux Aëronautes font tombés avec une teile rapidité que ceux-ci ont été mouks dans la chüte. Le S'.'de Rofisr n'a donné aucun figne de vie: les payfans qui fe font appfochés d'eux les premiers, difent que le S1'. Remain paroiflbit avoir encore quelques mouvemens; mais a peine lesa-t-on appergus. Les deux cadavres ont été trouvés a une lieue de Boulogne dans la garenne de Wimille, ainfi que la Montgolfiere qui n'a été brülée ni déchirée, tandis qu'il ne reftoit pas veftige du Ballon. Un Mr. de la Maifon-fort Pa échappé belle: il avoit offert 200 Louis au S\Roviain pour prendre fa'place. Celui, ei les avoit acceptés M1'. de la Maifon-fort avoit déja un pied dans la galerie; c'eft le Sr. Pildtre qui s'y eft oppofé. Quant.k Madame de SaintHilaire, la rivale de Madame Tible, elle n'a pas eu heüreuferneht affez de patience & elle s étói't lafiee d'attendre " 25 Juin 1785. Qaoiqu'oo allure que !a part des comédiens ffaocpïs fe foit moatée E 6  C 108 ) a 30,000 livres pour 1'année derniere, ils ne font pas encore contens d'un pareil bénéfice. Depuis longtems ils fupportoient très-impatiemment les petits fpectacles, dont le nombre s'accroït tous les jours. On parle d'un Mémoire qu'ils font enfin paroftre, oh ils en demandent la deftruétion, ou tout au moins la réduclion, & 1'affaire eft, dit - on, portée k la Grand' Chambre. On ne doute pas qu'elle ne foit bientót évoquée au Confeil. 26- Juin 1785. Les quatre Commiffaires nommés par le Comité ou Confeil du Mufée, pour en fuivre les affaires pendant 1'anarchie qu'y caufe Ja mort de fon chef, ont écrit ces jours-ci une autre Lettre circulaire k tous les membres, pour leur apprendre Pimportante nouvelle que Monjieur a bien voulu promettre la continuation de fa protection pour eet établiffement, & trouVer bon qu'il portat toujours fon nom & eüt un Suiffe k fa livrée. En conféquence, ils annoncent que les travaux reprendront leur cours ordinaire, k commencer du lundi 27 de ce mois. Ce billet eft daté de 1'hótel du Mufée, le 23 Juin 1785. .26 Juin 1785. U^Dubucq n'eft point refté dans le filence. depuis qu'on a refuté fba Mémoire pour les - Plan teurs. II en publie un autre, trés-volumineux, qui effc comme fon Ultimatum. II eft a trois colon*  C 109 ) nes; dans Tune il reprend les propofitions de fon Pour fc? Contre: dans 1'autre, il a claffê la réponfe de fes adverfaires; & dans la trotSéme il met fa replique. Ceux qui ont la cette derniere, affurent qu'elle vauc mieux que le Pour &? Contre, qu'il y a plus de clarté, de méthode & de ftyle. 26 Juin 1785. Les comédiens Jtaliens ont joué hier une Nouveauté en un Acte & en vers. C'eft une piece mêlée d'ariettes, dont le fujet eft tiré d'un Conté de Mr. Marmontel, intitulé: l'heureux Divorce. Le poüte y a fubftitué le titre de la Rêconcüiation heureufe. Ceux qui fe rappellent le Conté, le difent charmant, mais tout-a-fait gaté par 1'auteur de la comédie, au point de 1'avoir, fous fa nouvelle forme, rendu froid, fans intérêt & infipide. II a été recu par lepublic avec la plus parfaite indifférence. Quant au muficien, comme c'eft fon début, on ne peut encore juger de fon talent, qu'il n'a pu faire valoir dans cette produétion trifte & fans rien de piquant. On peut feulernent lui reprocher le mauvais choix qu'il fajfbic en s'effayant fur un pnreil fond. 26 Juin 1785. On fait que cette afTernblée-ci eft la derniere époque des délais accordés au Clergé pour produire fes titres d'exemption de ne poiut contribuer aux impóts, & de n'être pas taxé a 1'inftar des autres fujets. On parle beaucoup d'un favane Mémoire, compofé par 1'Archevêque d'Aix: Et  ( uo ) en faveur de fon Ordre: on allure que 'c'eft un chef- d'ceuvre; mais il n'eft poinc encore public. On ajoute que PArchevêque de Vienne a compofé auffi un Mémoire fur cette matiere, oh il va plus loin que fon confrère & prétend que le Clergé eft Souverain en France. 27 Juin 1785. Mémoire & Confultation fur la caufe pendante en la Grand' Chambre du Parlement, entre les Comédiens franpis, le Sieur Nicolet fcf les autres Entrepreneurs de fpeclacles forains. Tel eft le titre du Faétum, trés - court, qu'on a précédemment annoncé. 11 paroit que la caufe eft dejè engagée depuis longtems; que les • premiers ont laché pluüeurs exploits de demande donnés aux Sieurs Nicolet & Audinot, auxquels ces Entrepreneurs ont fourni des défenfes des 16 Janvier & 16 Juillet 1778; ce qui n'eft pas nouveau. Enfin on parle d'une fommation faite le 30 Odïobre 1781, a 1'Entrepreneur des Variétés amufantes. C'eft l'Acle juridique le nlus récent que 1'on cite. Les demandes des Comédiens franeois font a ce que les Arrêts de Ia Cour des 22 Février 1707, 21 Mars,. 1708 & 2 Janvier 1709, foient exécutés felon leur forme & teneur. En conféquence, que défenfes foient faites aux forains Sc a tous autres , de plus h 1'avenir eraployer leurs Théatres a d'autres ufages que ceux pour lefquels ils fous  C ni ) écablis, ni d'y jouer autre chore que des Jeux & Danfes de corde,de fimples Parades & Pantomimes, telles qu'elies fe jouent au dehors de leurs Spectacles; Que défenfes leur foient pareillement faites de prendre a 1'avenir plus dedouzefols pour les premières places, & d'avoir plus de fix violons & dix danfeurs. Le tout a peine de 3,000 livres d'amende & de démolition de leur théatre. Leurs titres font 1'Ordonnance de Louis XIV, du 22 Oétobre 1680, réuniffarit les 'deux troupes de Molière & de 1'hötel de Bourgogne; les Arrêts de la Cour & les Lettres Miniüérielles qu'ils produifent. A la fin du Mémoire font deux Confultations des 28 Mai & 9 Juin 1785, des Avocats formant le Confeil de la Comédie, & deM". Alix & de Lamalle, Jurisconfultes extraordinaires. 27 Juin 1785. Le Journal de Paris, après une interruption de vinge• trois jours, a reparu aujourd'hui fans aucun avertiffement, fans aucune excufe au Public. Comme les Rédacteurs y ont joint une partie des numéros manquant, il eft a préfumer qu'ils fe propofent de remplir la lacune. Ce font, malgré les bruits qui ont couru a eet égard, toujours les mêmes quatre propriétaires: Mrs. Corencé, Romillies, Cadet & Duffieux. Mais ces événemens n'arrivent point fans entraïner quelque échec. On parle furtout d'une penfion forte dont ils font grevés en  c na 3 faveur de Mr. Suard, intrigant qui, fans rien faire, fe fourre partout, fe mêle de tout & met a contribution les parties de la Littérature qui lui font les plus étrangeres. Sous prétexte d'empêcher déformais qu'il n'arrive indifcrétion pareille a celle qui a caufé la fufpenüon du Journal, il s'eft fait donner 1e titre de Revifeur général de cette feuille. 28 Juin 1785. On a vu 1'hiftorique tracé par le Sr. Audinot, dans fon Mémoire, de la naiffance, des progrès, des contrariétés de fon fpeétacle; il eft bon de comparer celui de la Comédie francoife relativement a tous ces intrus, ces chamberlans, contre lefquels elle s'éleve. Dans 1'origine des Spedlacles fous Louis XIV, il y avoit eu jufques a quatre troupes de comédiens. Celle de Monfieur; celle de Mademoifelle ; celle de Madame la Dauphine & celle de Molière. Deux s'étoient difperfées d'elles-mêmes, lorfque ce Monarque détruifit la troupe de 1'hóeel de Bourgogne pour ne conferver que celle de Molière. Dans le Mémoire de la Comédie francoife, on prétend que la concurrence, utile dans les Arts & le Commerce, eft nuifible h 1'égard des talens du génie; qu'elle ne peut les multiplier & qu'elle ne fait qu'affoiblir leurs forces en les divifant. Tel fut 1'efprit de 1'Ordonnance de Louis XIV, dépofée dans les Archives de la Comédie. S. M. réunit les deux troupes,  C "3 ) pour n'en faire a l'avenir qu'une feule, afin de rendre les repréfentations des Comédiens plus parfaites. Pour lui donner moyen de fe perfeStionner deplus en plus, Sadite Majefté veut que fa feule troupe puiffe reprêfenter dans Paris. Les débris des troupes fupprimées voulu* rent, vers la fin du fiecle, faire une tentative pour leur rétabliffeuient, La Police, furprife, en autorifa quelques-unes, entr'aatres le Spectacle de la Demoifelle de fous le titre de petits comédiensfrangois. Louis XIV fit fermer cette Salie. Au commencement du fiecle une troupe de Danfeurs de corde, qui ne pouvoit donner fes jeux que pendant la durée de la foire Saint-Germain, ayant repréfenté les ouvrages de quelques auteurs mécontens des Comédiens francois, ceux-ci fe pourvurent au Parlement; cc en 1707 fut rendu Arrêt qui défendit i ces farceurs cc k tous autres de reprêfenter, foit dans l'enclos des foires, foit dans tout autre endroit, aucune comédie dialogaée, ou autre divcrtiffement ayant rapport ü la comédie. En 1708, nouvelle tentativede cesmêmes Danfeurs; nouvel Arrêt du 21 Mars«, qui réitera les mêmes défenfes, a peine de 1,000 livres d'ameude. En 1709, pour avoir contrevenu k 1'Arrêt, Tarnende fut déclarée encourue. Et, en cas de récidive, permis aux comédiens de faire démolir le théatre des Danfeurs de corde.  C i'4 ) L'opéra comique prit naiiïance quelques années après. Quoique cë genre ffit étran* ger a la comédie francoife, dans la crainte d'empiétemens, il fut dit, dans fon Privilege, qu'on n'y joueroit aucune fcene de comédie qui ne fut chantée. Ces défenfes furent tranfgreffées plufieurs fois, &, fur la requifition des comédiens en 1744, Mr. le Comte de Maurepas, comme Secrétaire d'Etat au Département de Paris, expédia un Ordre du Roi, qui défendit aux Acteurs de ce SpeEtacle, de reprêfenter aucune fcene qui ne füt chantée. Ainö pendant foixante ans & plus, Ie Privilege & les Droits de la comédie furent refpectés, & les infractions punies par les Magiftrats, Ce fut vers 17.64 que les' refforts de cette fage pÖlitique commencerent a fe relacher. JMicoiet, qui jufques - la'n'avoit joué qu'aux foires, obtint permiffion de jouer fur le Boulevard, lorfque les foires fermeroient. Toutes les troupes foraines obtinrent bientót la même faveur , avec la condition expreffe, il eft vrai, de'ne pouvoir chanter ni parler. Mais quatre. ans après, ils chanterent & p3rlerent impunément. Les autres Spectacles devinrent prefque déferts. La comédie francoife en particulier fut obligée de fermer plufieurs fois pendant la femaine, faute de fpectateurs, & il refte encore des veftiges des emprunts qu'elle füt obligée de faire pour fe foutenir.  ( "5 ) Le* comédiens' eurent recours h Louis XV, qui ordonna a W. le Duc de la Vrilliere d'écrire au Lieutenant Général de Police pour lui annoncer que 1'intention de S. M. eft que les Privileges de fes .comédiens \oxmt Lfervés en leur entier. II fut réglé qu'aucun Speétacle forain n'auroit plus de fix violons & plus de dix danfeurs, & que les places feroient ïéduites ü 24, » & ö fols- EDfin» fen,teD de Police du 14 Avril 1768, qui ordonne que les fpedlacles forains ne pourroienü luer que de fimples bouffonneries & parades. C'eft au mépris de tous ces Arrets, Réelemens & Ordonnances du Roi, que .'Nicolet a depuis joué de-véritables comédies & des pieces a grand fpeftacle ; ou ü a trente acteurs appointés, yingt inftrumens ' de mufique dans fon orcheftre , foixante danfeurs; qu'au lieu de fimples loges de foire , il a de véritables falies de fpectacle: qu'Audinot, qui d'abord avoit paru rnodeiternent avec des comédiens de bois,a firn par avoir de vrais comédiens & des comédies ou'on a protégé de même un S'. TeQur, un ^. Sarni, un Sr. l'Eclufe, & tout recemment les .Sieurs d'Orfeuille & . GaiUard,éngeznt le théatre des Variétés amufantes en vrai rival de la comédie francoile. Telle eft, fuivant le Mémoire, la marche ' des ufurpations faïtes fur le théatre franeois; telle eft la caufe 'de fa décadence a&uelle. Cette muUiplicité de finges a entraïné la  perte du goüt cc la proftitution des talens.' 29 Juin 178J. Eotre les ouvrages pofthumes de Mr. Barthe, il faut diftinguer un Poëme de l'Art d'aimer, très-connu, qu'il! lifoit avec complaifance dans les fociétés, cc dont on dit beaucoup de bien. On allure qu'il eft fupérieur a tout ce que nous avons en francois fur ce fujet, oü les plus habiles ' maftres, cc même le Gentil Bernard, qu'on y auroit cru plus propre qu'un autre. ont échoué. 29 Juin 1785. On allure que Mr. le Comte d'Artois vient d'acquérir la précieufe Bibliotheque du Marquis de Paulmy, compofée d'environ cinquante-huit mille volumes. Le propriétaire en conferve la jouisfance fa vie durant, cc touchera, dit-on quatre eens mille livres de la vente. ' Juin 1785. II n'y a rien de décidé en effet fur les différentes places de Mr. Cherin. M1'. Berthier eft commis par interim pour exercer la charge de Généalogifte des Ordres du Roi & continuer a travailler fur les objets dont U défunt étoit chargé, jufqu'au tems oh il plafra & S. M. de nommer a cette charge. 30 Juin 1785. -Claude &? Claudine eft un opéra comique en un Acte & en Vaudevilles, qui depuis quatre ans avoit été recu des comédiens Italiens avec tranfport, par acclamation cc depuis étoit refté-la. Ils 1'oat joué enfin avant. hier, cc il a été fort  (H7) mal accueilli, en ce que c'eft une niaiferie ou il n'y a ni fond ni détails. A la fin fe trouvent, fuivant 1'ufage des plats auteurs. quelques couplets d'adulation pour le parterre. Un d'eux a été fort goüté, & 1'on a crié , bis. C'eft le Sr. Rqfiere qui le chante: Quand une Piece eft applaudie, C'eft pour nous un trés - grand bonheur; Cela redouble notre envie De plaire encore au Spe&ateur: Mais quand 1'Amateur fait la mine, Et ne veut point revoir 1'Aéteur, La Piece alors eft la Claudine, Et le vrai Clauda c'eft 1'Auteur. ' On attribue cette Nouveauté au Sf. Mention, Secrétaire du Sl'. de Beaumarchais. 30 Juin 1785. Depuis onze ans que le Canal fouterrain de Picardie , commencé par Ie fameux Laurent, eft interrompu, on a parlé plufieurs fois de le reprendre, & il refte dans fon état d'imperftdtion. A la mort de fon auteur, le Miniftere arrêté par les envieux de fa gloire, nomma Mr. Tilley de la Barre, aujourd'hui Major des Brigades du Génie a Hefdin, pour faire examiner les ouvrages par des Membres de ce Corps qui y avoit toujours été oppofé. Leur rapport ne fut pas favorable; ils prétendirent qu'il en coüteroit moins de conitruire un Canal a découvert dans une  C "8 ) autre direttïon, que de terminer le tiersl environ qui reftoit a faire de celui commenj cé. Ils firent d'ailleurs des objeftions contrej le Canal même; ils dirent que , creufé dans le roe, il s'y trouvoit des veines moinsl folides qu'il faudroit aflurer par une voütej Ce Canal, de vingt-quatre pieds de largeur J au moyen de trottoirs de, quatre pieds da chaque cöté, n'en Iaiffe plus que feize pourj la navigation. Ces Meffieurs 1'ont jugé| trop étroit. Enfin ils ont effrayé fur une] Navigation fouterraine de trois lieues, cej qui pouvoit inviter les fcélérats a beaucoupj de crimes aifés a commettre dans le filencej: & les ténébres en un üeu qui leur offrait a, 1'inftant un moyen. d'enfévélir leurs forfaits! Ces reproches n'ont pu être balancés paij; 1'Eloge de PEmpereur, dont les paroles; mémorables qu'on a citées autrefois, fonj gravées a perpétuité fur le roe dans 1'endroiÉi oh il les a prononcées, c'eft a-dire dans: une portion du Canal élargie exprès pou?i eet effai,, Mr. Laurent de Lyonne, le neyeu dii défunt, qui fuivoit les travaux fous lui J indigné de tant de retardement a préfenté J il y a deux mois environ, un Mémoire, oh} il renverfe d'abord le projet de Meffieursji du Corps du Génie, & démontre l'impoflir bilité de conftruire un Canal a découverC dans la direction indiquée, par le défauc d'eau fuffifante, II certifie enfuite qu'il ne»  C H9 3 faudra pas une fornrne très-confidérable pour confommer le projec déja exécuté en grande partie. II offre de le faire afes frais, pourvu qu'on lui avance feulement cent mille écus & ne demande rien au-dela fi les dépenfes excedent le devis préfenté. Le Roi frappé de ce Mémoire, Pa remis a des CommilTaires qui doi.vent prononcer définitivement. iff; Juillet 1785. Mr. 1'Abbé de Barruel n'a pas tardé a faire paroitre fa Seconde Réponfe a M1'. 1'Abbé Giraud Soulavie. i°. Vous m'irnputez ce que je n'ai point dit, & le contraire même de ce que j'ai écrit formellement. . 20. Par des applications forcées & parfaitement oppofées au caraclere de ma réfutation, vous dénaturez ce que j'ai réellement écrit. 3°, Vos applications fuffent - elles une fuite néceffaire de ce que j'ai écrit, je les foutiendrois toutes fondées fur vos ouvrages. Tels font les trois points de défenfe de 1'auceur des Lettres provinciale? philofophiques. Au refte, il traite tout cela fommairement & fon Mémoire n'a pas en cette partie huit pages in 40. Son grand cheval de bataille confifte en trois tableaux qu'il qualifie d'intéreffans. Dans le premier il met Moïje d'un cóté & Mr. Soulavie de 1'autre: c'eft-a-dire, les propofitions de celui - ci accollées du Texte de la Genefe, cc il en conclut qu'il a drcit  C 120 ) de dire k fon adverfaire: Vous avez dêchiri) les premières' pages de la Révélation; un petit Philofophe d Syftême ne s'y preniroü pas mieux pour les dênaturer. Dans Ie fecond, c'eft Mr. Soulavie & la Sorbonne. II fuit la même méthode & conclut: donc dire k Mr. Soiêlavie qu'il al bravé Ia Sorbonne, ce ne feroit pas une' injure, mais un reproche trop juftemenc'. fondé fur fes écrits publics. Dans le troifieme enfin, Mr. de Barruel. oppofe Ml". Soulavie k Mr. Soulavie & prétend le trouver évidemmenten contradiclion j avec lui-même, quand il eflaye de répondre \ & la critique de fon antagonifte, ou de prou- j ver que celui - ci a falfifié les écrits de Mr. \ Soulavie. Tout cela eft afiez adroit, mais non fans . replique. On voit que Mr. de Barruel élude tant qu'il peut le vrai point de la queftion & fe retranche dans le dogme théologique, qui ne fait prefque rien au fond pour ies Magiftrats. 2 Juillet 1785. Voici une Epitaphe de JVlr. Pildtre de Rozier qu'on attribue au Chevalier de Cubieres: elle mérite d'ötre confervée comme hiftorique, la principale quaiité des infcriptions funéraires: Qu'il eft a regretter ce jeune audacieux: Si le premier des airs il tenta le voyage, Bientót précipité des cieux, Le premier il fit naufrage. 2 Juillet  C121; 2 Juillet 1785. Le Reglement dont on a parlé, digéré d'abord dans une affemblée 'convoquée entre les Chefs de la Caiffe d'Escompte chez IVK le Contróleur Général, a été confirmé enfuite dans 1'aflémblée générale des Actionnaires tenue le 21 Juin au jour indiqué & regardé comme une Délibération de la Compagnie. Enfin cette prétendue Délibération eft homologuée par un Arrêt du Confeil du 26 Juin. On y voit, comme on a dit, d'abord que chaque Semefire on prélevera fur les bénéfices cinq pour cent du Capital de PAction; qu'on y ajoutera la moitié de 1'excédent des bénéfices, & que 1'autre moitié fera jointe a la réferve aétuelle. Enfuite que,lorfque les Fonds réfervés fe monteront a 3,500,000 livres, il en fera joint 2,500,000 livres au fond capital desaélions, dont chacune augmentera de Ia forte de 500 livres. 3 Juillet 1785. Les amateurs des nouveautés, des brochures clandeftines & furtout les ennemis de Mr. de Calonne, font è 1'affut d'un pamphlet qu'on annonce & qui a pour titre Supplément au Journal de Paris. On dit que c'eft une fimple feuiile imprimée au rouleau & qui conféquemmenc ne peut être rnultipliée a un certain point? ; 3 Juillet 1785. L'Ordonnance du Roi dont on a parlé concernant les Economes gérans & furtout la police des Negres a Tomé XXIX. F  C 122 ) caufé beaucoup de fermentation k Saint Domingue: les Colons, en général, font fout j mécontens de ne pouvoir plus faire appliquer 1 que cinquante coups defoueta leurs Negres. ] Cette Ordönnance a été provoquée par un Mr. le Noir de Rouvré, Militaire-Plan- 1 teur,qui a 1'oreille du Maréchai de Cafiries, 1 & plus originairement elle eft düe a 1'humanité du Procureur général du Confeil | Souverain du Port au Prince. Ce Magifhat | par le crédit qu'il a dans fa Compagnie, l'a trouvée favorable a 1'enrégiftrement qui a eu lieu; il n'en a pas été de même au Cap , dont le Confeil n'a pas adopté la nouvelle Loi, Les Negres de cette partie ont été furieux de ne point recevoir dans leur efcla- , vage 1'adouciffement qu'éprouvoient leurs camarades dans 1'autre moitié de I'Jfle; 1 on ajoute que beaucoup ont déferté & fe ] font refugiés chez les Efpagnols. A 1'opéra I vendredi dernier on en portoit le uombre I jufques k 30,000; ce qui paroft exagéré de 1 beaucoup. Les nouvelles de la Lolonie ne parloient dans le principe que de deux Habitations confidérables entierement' dévaftées; mais la contagion peut avoir gagné. j Voilé de quoi fourair matiere aux difcusfions, mémoires & repréfentations du Club ■ Américain. 4 Juillet 1785. Quoiqu'on convienne affez généralement que Mr. Pildtre de Rozur n'a péri que par fa faute & fon iguorance, ;  C 123 ) en voulant combiner deux procédés incom. patibles, on ne ceffe d'imaginer en fon bonneur des épitaphes: en voici une nouvelle plus vive & plus poërique: Ci git un jeune téméraire, Qui dans fon généreux, tranfport, De l'OJympe étonné franchiflant la barrière Y trouva le premier & la gloire & la mort. 4 Juillet 1785. II paroft que la fedïe des Economifies regne ail.'eurs qu'en France, ou plutót qu'elle n'eft en ce royaume qu'une émanation, une branche nouvelle du corps établi depuis longtems en Allemagne, oh ü fleurit plus que jamais, oh les profelfeurs de cette claffe ne s'amufent pas feulement a calculer les arpens d'un Etat & les gerbes de bied qu'ils peuvent produire; mais oh ils ont 1'art de pefer, de balancer les forces, la puiffance, la profpérité de chacun & de les comparer enfemble; ils ont même créé un mot pour défigner la fcience de cette partie de 1'Economie Politique & 1'appellent Statijlique. C'eft un certain üocteur Bufching qui brille furtout dans ces calculs & en hériffe fon journal, il compte jufques aux moutons & aux poules & ne laiffe rien en arriere. JVK Mallet Dupan, le Rédacteur actuel du Mercure pour Ia partie politique, ■gémit de ne pouvoir imiter fon heureuïx confrère & d'être réduit a juger des hémiF 2  C 124 ) fliches & a annoncer des Programmes acadérniques. 5 Juillet 1785. Le Supplément au Journal de Paris eft timbré N°. 178, qui eft effect,!vement celui par oh le vrai Journal a repris. L'auteur du pamphlet gémit de cette réfurreftion, qui 1'arrête au moment oh il prenoit fon effor. A Partiele Phyjique, il attribue la mort de j Nleffieurs Pildtre cc Romain a Mr.deCalonne, qui s elt ooitine a voir notter ïur 1 nngieierrc cette fuperbe aëro'inontgolfiere chargée de fon nom, de fon écuffon, de vers è la louaDge du Miniftre. Sous le titre Changement de Domicile, on exagere de beaucoup fans doute les dépenfes que Mr.le Contróleur Général fait faire a fon hótel de Verfailles & h celui de Paris; on parled'efcaliersdebois derofe, de bois d'Acajou & autres décoradons de luxe, plusconvenables h la petite maifon d'une courtifanne qu'a la demeure d'un grave Miniftre du Roi. Les Variétés forment le paragraphe le plus long. On s'y étend fur les changemens dont on a parlé depuis un mois dans certaines places. A en croire l'auteur, Mr. de Calonne, fentant le befoin qu'il auroit d'un ami de confïance qui pü: le foulager dans fon Département & furtout le prévenir contre les furprifes qu'on fait fans ceffe k fa religion; ayant déja éprouvé combien la prudeoce de Ma le Nok lui a été utile dans  C 125 > Ia crife nouvelle de la CaifTe d'Efcompte," voudroit bien fe 1'affocier, afin de lui céder fa place en entier au premier moment favorable. Son titre feroit: Préfident de 1'aJJemblée de Mefiieurs les Intendans fcf Maüres des Requêtes chargés de Départemens en Adminifira* tion. On ne doit regarder ces arrangement que comme les fpéculations creufes, ou plutöt des fuppofitions adroites du journalifte pour amener fon perfifflage&fesméchancetés contre Mr. de Calonne. Tels font les articles Fourrages. Spettacles, Cours des Effets. ' 5 Juillet 1785. Le Wauxhall de Torré & le Colifêe font détruits: le Wauxhall d'hiver n'eft propre que pour cette faifon; le Cirque Royal n'a jamais pu prendre; Ruggieri & la Redoute Chinoife font bien éloignés • en conféquence des fpéculateurs, attentifs a procurer au public des plaifirs faciles & a fa portee, ont imaginé de conftruire un Wauxhall d'été, fur le méme boulevard 011 étoit celui de Torré, propre a remplacer les petits Speétacles de cette partie tranfportés a la foire Saint Laurent. U eft en état de s'ouvrir icceffamment & Ie jour en eft fixé au fept de ce mois. j Juillet 178J. Sur la Réception de 1'Abbé Morellet a 1'Académie Francoife, le 16 Juin 1785: E3  C 126 ) Pour tin triomphe auffi complet Quel titre a donc ce Morellet? De Pimpiété vrai foufflec, Homme d'Etat par !e caquet, Contre le malheureux Litiguet, II a fait un méchant pamphlet, Un Diétionnaire en projet, Maint & main: ouvrage ginguet;, Des talens de ce preftolet Voila quel eft le produit net: Puis fon cher neveu 1'épauloit, Au ParnafTe le faufiloit Et dans la troupe Tenróloit.... Sonnez trompette; a bas, fifflet. Quoiqu'il p'y ait pas grand fel dans cette épigramme, on y trouve une tournure originale qui la fait fortir de la foule des autres. 6 Juillet 1785. II paroït que Mr. le Comte de Mirabeau a vendu abfolument faplume au Miniftre des finances; on en juge par la nature des ouvrages qui 1'occupént aujourd'hui & qu'il avoue lui-même être hors de fon genre. On annonce encore de lui une Differtation contre la Banque de Saint Charles ou la nouvelle caiffe d'Efcompte d'Efpagne. Son objet eft de Ia décrier. 6 ■Juillet 1785. Extrait d'une Lettre de P'au du 25 Juin.... Le Préfident d'Abbadie fur lequel vous' me demandez des informations, eft fils d'un huiffier de ce pays qui exploitoit a,' notre Parlement Sc qui ayant  ( 127 ) rccueilli une groffe fucceffion conjointemcnt avec Mr. de Borda, depuis Fermier général, eft devenu fucceffiveraent Confeiller & Préfident de cette même Cour. Plufieurs families confervent par curiofité des exploits , fignés de lui comme Huifiier, & des Arrêts fjgoés comme Magiftrat. Ce qu'il y a de plus étonnant , c'eft que ce parvenu n'étoit ni homme d'efprit, ni intriguant, ni impudent. II étoit fimple, doux , modefte, timide, craignant de fe compromettre. Ce n'eft qu'a 1'inftigation de fes amis qu'il ofa fe préfenter & après avoir en quelque forte gagné tous les fuffrages en prêtant, en donnant de 1'argenf aux membres difetteux de la Compagnie; moyen efficace dont on lui cönfeilla d'u'er: une fois Confeiller au Parlement , un Préfident qui vouloit vendre avantageufement fa charge, jetta les yeux fur ce richard & moyennant un bon prix convenu, fe chargea de lui faire obtenir tous les agrémens'pofiibk^. Quant au fi's, il n'avoit pas originairement plus de génie que a'en avoit fon peré; il s'eft fait recevoir d'abord Confeiller au Parlement.de Paris, ou il ne pouvoit être refufé, étant fils d'un Préfident k mortier d'une autre Cour; il a depuis fuccédé a fon pere; il s'eft affèz bien conduit durant la révolution; mais il a eu des chagrins intérieurs: marié k une fille trés bien née, il lui eft furvenu des enfans, qu'on prétend F 4  C 128 ) n'être pas de lui; on donne mêmehautemect pour pere h I'aïné 1'Evêque de Tarbes. On eft méchant dans cette Province. Mr. le Préfident d'Abbadie qu'on croit fort peu en état de fe donner de la progéniture, a été aflailli de lettres anonymes, oü 1'on lui apprenoit qu'il étoit cocu , oti 1'on lui nommoit les heureux mortels qui couchoient avec fa femme & entr'autres le Prélat en tête. Cette perfécution lui a caufé des vapeurs, dont il convient dans fon Mémoire: il avoit perdu abfolument toute énergie, il s'étoit retiré dans fes terres, venoit peu au Parlement & fembloit tombé dans une forte d'imbécillité. Cependant il n'étoit nullement dans le cas de 1'interdidtion, ni par fa conduite, ni par fes propos; il étoit même a Ia tête d'un parti dans le Parlement qui eft fort divifé, mais comme fimulacre, par fa dignité de Préfident & n'auroit pu en être 1'ame; c'étoit Ie parti mixte au furplus, qui n'exigeoit ni de grands mouvemens, ni de grands facrifices. C'eft dans ces circonftances que lui eft furvenu la fucceffion de Mr. de Borda, dont il a dó recueillir la moitié, & c'eft, lorfque il eft occupé è fes affaires, éloigné de cent cinquante lieues de fa compagnie, qu'on pronoripe contre lui une interdiétion provifoire. 'C'eft fans exemple: il a un vilain beau - frere dans ce Marquis du Coudray, un avare de Ia première efpece, qui fe feroit feffer  C 120 ) fefler pour un écu & a été amorcé par 1'efpoir de fourrager plus a 1'aife dans la fucceffion & peut-être de la recueillir ua jour toute entiere. 6" Juillet 1785. Livre échappê au Déluge, ou Pfeaumes nouvellement découverts, compofés dam la Langue primitive, par S. Arlamech, de la familie Patriarchale de iVoë; tranflatés en Frangois par P. Lahceram, parifipolitain. Tel eft le vrai titre de 1'ouvrage de Mr. Maréchal, annoncé il y a longtems, mais que les perfécutions du fanatifme ont rendu rare, quoique revêtu de 1'approbation d'un Cenfeur Royal, M>; 1'Abbé Roy, en date du vingt-trois Juillet 1784, d'un Privilege du Roi de la même année, de 1'enrégiftrement è la Chambre Syndicale du huit Ottobre, en un mot de toutes les formalités exigées en pareil cas, & quoi qu'il ne foit intervenu aucun Arrêt du Confeil, aucune Cenfure légale pour en empêcher la vente. L'ou,vrage eft compofé de trente-un Pfeaumes pour tous les jours du mois. On juge que le feu], ayant pour titre contre les Rois Orgueilleux, & auffi contre la Royaut , a éprouvé quelque difficulté a la cenfure, paree que les verfets 9 & 10 font reftés même lacunés. lis roulent en général fur des objets religieux, ou fur des points de morale; il en eft de philofophiques. lis font tous courts, partagés en verfets, pleins de fens & le moderne Pfalmifte y a répandu F J  C 130 ) une ondlion touchante, bien propre k faire profker fes lecons. Le fiyle correct, élégant, ne manque point en plufieurs endroits d'élévation & de grandes images; mais plus fage que fon modele, il eft dénué de ces métaphores outrées , de ces hyperboles gigantefques du Roi - Prophete, & fans doute c'eft en cela que fe trahit l'auteur profane, qui n'étant point infpiré par la divinité ne peut en avoir ni les élans, ni les écarts fublimes. 7 Juillet 1785. L'Ecole vétérinaired'Aifort foutient la réputation qu'elle s'eft acquife depuis fon inftitution. Les Royaumes étrangers s'emprefTent d'y envoyer fe former des fujets deftinés k eet art. De ce nombre font les Sieurs EJlevez &Malatz, aufervice du Roi d'Efpagne en qualité de Maréchaux Majors, 1'un du Régiment des Dragons é'Almanza & 1'autre des Dragons de Lujitanie: ils ont répondu par leurs progrès aux vues de Sa Majefté Catholique; ils ont paru k deux concours & s'y font diftingués en fatisfaifant aux queftions les plus difficiles fur 1'ofléologie & la myologie comparées, de facon a obtenir les prix des deux concours. 7 Juillet 1785. Le Wauxhall d'étê a fait tn effet fon ouverture aujourd'hui avec un Sems peu favorable: auffi 1'empreffement des amateurs n'a pas été grand. Ce lieu confifte ca un fupei-be fallon d'affembiée, dans  C 131 ) leauel eft un orchefte pour la danfe, & ea un .jardin dcftiné i des .fêtes de différens ^CeT'édifice eft conftruit fur les plans & la conduite du Sr. Melan, Architeöe: le décore a été exécuté par le Sieur Mumch, Peintre Décorateur : ce font ces mêmes artiftes qui ont travaillé a la Redoute Chinoife. L'entrée du Wauxhall d'été eft fans nobleffe; elle eft mefquine, étroite &trifte. Le fallon eft en baignoir dans le goüt de celui de la foire Saint Germain, mais plus en grand & avec des ornemens plus féveresOn n'y a point trouvé affez de fieges ni de commodites pour le public. L'emplacement, du refte, en eft bien ménagé & pas une fenêtre d'oü 1'on n'ait un point de vue. Au dellus eft un caffé vafte & d'une tournure pittorefque. Le Jardin n'eft pas affezétendu; le terrein eft ménagé avec goüt & 1'on en a tiré tout le parti poffible. Les Directeurs comptant fans doute fur la curiofité du Public, ne fe font point mis en frais d'aucune fête, Tout le fpeftacle confiftoit dans 1'illunr.nation du fallon & du jardin; 1'une & 1'ai^re n'avoient nen de brillant. Du refte, d :s contredanfes- exécutées par des Enfant choifis de 1'un & 1'autre fexe, deftinés a eet ufage & propres è amufer un moment par un talent qui feroit Sdmiré, fi les Théatres de oute efpece n en F ö  C 13a > offroient. journellement de plus agréabïes & de plus favans. L'abord de ce nouveau Wauxhall placé dans une efpece de cul, de - fac eft incommode & embarraffant. A moins que les Directeurs n'imaginent des fêtes propres h leur amener la foule, eet effai ne leur promet pas un fuccès confidérable. 7 Juillet 1785. Les craintes des bons ciroyens fe réalifent & il eft conftant aujourd'hui que Mr. le Noir quitte 1'admini. ftration de la police; depuis un mois, le gouvernement eft occupé è lui choifir un fuccelTeur; de tous ceux mis fur les rangs aucun n'a cette place; lesuns ontrefufé, les autres ont été éconduits; enfin 1'on dit ce foir que c'eft Mr. Thiroux de Crofne, Intendant de Rouen, qui accepte. 8 Juillet 1785. II paroft que les repréfentations de Pizare font totalement fufpendues; on reproche furtout a eet opéra un défaut d'intérêt ; ce qui a donné lieu au calembour fuivant; on prétend que l'auteur du Poëme qu'on appelle le Chevalier Dupleffis, eft de race juive: en conféquence on dit: Vrild la première fois peut ■ être qu'un Juif fait quelque chofe fans intérêt. Ce même Chevalier Dupleffis eft fort tranchant, fort dénigrant des poëtes fes con-; freres; un jour que dans le foyer des actrices il s'écrioit qu'il ne connoiffoit pas de plusmauvais auteur lyriquequeM'-. Guillard:  C 133 ) Ah!" lui dit le Sieur Cheron,acteur plein d'efprit, de gaïté & de fineffe: „ ah! ,, Monfieur le Chevalier, vous vous ou„ bliez." 8 Juillet 1785. On allure que la brochure de Mr. le Comte de Mirabeau contre les adlions de la banque de Saint Charles a produit l'effet qu'en défiroit le gouvernement de France; favoir, de dégoüter les fujets d'en acquérir & de les préférer aux papiers royaux. La fureur étoit telle, que ces aétions de cinq eens livres de France étoient déja montées a fept eens cinquante livres. Elles font réduites de beaucoup & fe décréditent journellement. 8 Juillet 1785. Extrait d'une Lettre de Pau 'du 30 Juin. L'état des membres du Parlement réclamans eft toujours le même, & non-feulement on ne leur donne point les places vacantes, a mefure ' qu'il y en a, comme le porte 1'Edit; mais on ne les dédommage en rien: un feul a eu 1'agrément de palier a la Cour des AidesdeMontauban. On femble leur contefter jufques alaqualité d'anciens officiers de la Cour & vouioir les empêcher de jouir des exemptions, honneurs, prérogatives, qui y font attachés & ce fuivant encore les termes de 1'Edit; c'eft pour prévenir ces difficultés qu'ils viennent de faire un nouvel effort & d'envoyer un "Député a Paris, pour demander des Lettres d'honoraires. Peut-être réuffiront-ils auF 7  C I3V ) prés Mr. le Garde des Sceaux; mais dans le cas même, è quoi leur ferviront ces Let. tres fans enrégiftrement? Or je fuis convaincu, de la maniere dont les têtes denos Magiftrats font montées, qu'ils s'y refuferont. Du refte, notre Parlement n'eft ni aimé, ni eftimé dans la province; il fait tous les jours des fottifes: vous en avez un échantillon dans 1'interdiction qu'ils ont prononcée contre un de leurs Préfidens, Mr. d'Abbadie , abfent & fans qu'il ait été interrogé en aucune maniere. Par une contradiction révoltante, dès la première année ils n'ont pu fe refufer a députer vers le Premier Préfident aêtuel Mc. de la Caze, le fils,' pour le féliciter fur fon début dans cette place,ou ildéveloppoit toutes les qualités du cceur et de 1'efprit qu'on pouvoit, delirer: &, malgré cela, ils continuent a faire fchifme avec lui, a ne le point vifiter et a le laiffer abfolument feul. 11 n'en eft pas de même du refte de la Province; toute la NoblefTe & tous les gens faits pour cela font journellement a fa table & 1'aiment infiniment....... 9 Juillet 1785. II n'eft que trop vrai que Mr. Maréchal a perdu fa place de Sousbibliothécaire pour fon ouvrage. Dans un Précis qu'il donne delavie é'Arlamech, qu'on Fent être 1'anagramme de fon nom, il dit; i, on lui confia la garde d'une vafte Biblio- theque..... il devint le commenfal dei  ( 135 ) auleurs & des fauteurs du menfonge.... „ II daigna hanter les hypocrites & les charlatans pour apprendre a les démas- ,, quer " Ce qui portoit a plomb fur les Prêtres & Docleurs du College Mazarin, & ne pouvoit que les lui aliéner. C'elf donc avec un grand ernpreiTement que, fe fondant fur deux extraits de fa produétion pieufe inférés dans 1'Année Littéraire, Ie Sanhedrin réfoiut de i'expulfer. Un Profefleur particulier dénonga le livre échappé au déluge, comme une parodie burlefque des Pfeaumes, comme, fous une forme & desexpreffionsreligieufes, infinuant 1'impiété & 1'Athéifme. II dit qu'il avoit o'autant mieux cru devoir requérir la vigilance des fages Maitres, que l'auteur ne craignoit pas de rendre en quelque forte tout le College complice dé fon attentat, en y récelaht fon ouvrage & 1'annoncant comme le lieu de la vente. Sur cette dénonciation, il fut arrêté que le Docteur Rook, Bibliothécaire du College & Supérieur immédiat de M1'. Marécbul, 1'interrogeroit. Ce qu'il fit en préfence du Crucifix. Cet acte vraiment dérifoire de la Magiflrature n'étoit pas propre a ébranler Paccufé. II n'avoit garde de défavouer ou de retraóter un ouvrage auquel il avoit mis fon nom & qu'il avoit foumis è 1'autorité; En conféquence il lui fut déclaré que les Ssges Maitres ne oouvoient plus garder par* mi eux un faux frere auffi dangereux.  C 136 ) En outre. le Grand -Maftre Riballier s étant plaint a Mr. le Garde des Sceaux qu'il ent accordé un privilege pour ce livre icandaleux; le Chef de la juftice manda le Cenfeur, 1'Abbé Roy, qui fe difculpa & dit qu'il étoit prét a foutenir par des pafrages de 1'Ecriture. Sainte toute la Doctrine du Patriarche Arlamech: cela n'eut pas d'autres fuites pour - lors. Mr. Maréchal, devenu libre, s'eft permis une petite vengeance contre fes critiques & fes perfécuteurs. II leur a répondu par un dernier Pfeaume inféré au Journal des DeuxPonts; il les y tourne parfaitement en ridicule & toujours dans le ftyle doucereux & myftique des dévots. Les prêtres ont jetté feu & flammes; ils ont eu de nouveau recours a Mr. de Miromefnil, qui a remis la produc tion patriarchale eutre les mains du Grand Maïtre du collége de Navarre, afin qu'il 1'examine & lui en rende compte. Du refte, le Journal des Deux Ponts eft arrêté, il n'en a paru depuis aucune feuille & 1'on ne veut plus en permettre l'introduftion que fous la garantie d'un Cenfeur. 9 Juillet i78s. Non-feulement le Pere Hervier refte toujours interdit des fonctions du Saint Miniftère; mais Mr. 1'Archevêque le perfécute dans le traitement'médical qu'il exerce en fa qualité d'apótre du Mefmérifme: il luj étoit enjoint de ne point vifiter de femmes malades, depuis quelque tems il  r 137) V s'étoit inftitué ProfelTeur de la nouvelle doctrine dans fon couventdes grands Augus» tins & y avoit établi urj baquet. Le Prélat a invité le Prieur de ne point fouffrir cette innovation fcandaleufe dans fa Maifon & le Pere Renner a été obligé de tranfporter fon école chez Mr. é'flarveley, Garde du Tréfor Royal, enthoufiafmé du Mefmérifme. Ce moine eft le chef de la Société de 1'harmonie le plus accrédité aujourd'hui; il a fait des découverres auffi dans lefomnambulifme qu'il a perfectionné, & le Dodteur Mefmer lui - même fe fait un plaifir de 1'avouer pour fon maïtre & d'affifter a fes lecons. 10 Juillet 1785. On dit que M'.Cabarrus, Bayonnois qui a donné au Roi d'Efpagne le Plan de la Banque de Saint Charles, eft maltraité étrangement dans 1'ouvrage de Mr. le Comte de Mirabeau contre le nouvel établiffement. .11 paroit déja une brochure en faveur de Mr. Cabarrus, oh, fans entrer dans le fond de Ia queftion, on venge fa réputation attaquée & 1'on qualifie de libelle le pamphlet du Comte. Ces deux ouvrages ne font pas communs & 1'on n'en fait mention encore que fur parole. 10 Juillet 178J. Extraitd'une Lettre de la Haye du 27 Juin Mr. Blanchard eft arrivé ici le vendredi 24; il fe propofe d'y faire fon douzieme voyage aërien avec deux ou trois perfonnes; fi la Soufcription qu'il a ouverte a un ducat le billet, fe trouve  c 133 ; remplie avant le 10 Juillet, il partira pea après. 10 Juillet 1785. Extrait d'une Lettre de Lyon du 25 JuiD.... Avant-hier, veille de la Saint-Jean, le confulat fit tirer, felon 1'ufage annuel, le feu d'artifice de la ville fur le pont de pierre. L'édifice repréfentoitun Portique, décoré d'un Ordre d'architecture, au milieu duquel cn voyoit la France perfonnifiée & affife, s'appuyant fur des inftrumens d'aftronomie, & donnant ordre a un vaiffeau prêt a. mettre a la voile : prés d'elle étoit un Coq, emblême de la France & de la vigilance. On lifoit fur la flamme du vaiffeau: voyage autour du 'monde , commandé par le Roi; éz au bas ces deux vers; Au zele de Louis que 1'univers re'ponde, Son but eft d'éclairer, non d'envahir Ie moude. 10 Juillet 1785. Extrait d'une Lettre de Cherbourg du 6 Juillet..... II y a un mois en effet que le troifieme cóne a été lancé & 1'opération a été finie en fept heures de tems. La caifle a 450 pieds de circonférence, 150 pieds de diametre & 60 de hauteur: dès qu'elle a été en place, lacorvette la Cerès a tiré fept coups de canon. Le ciel a été ferein, Fair doux ct la mer tranquille durant*toute la manoeuvre. Ce cóne a été bientót fuivi de deux autres qui ont eu le même fuccès. On commence a prendre confiancc au projet & la ville fe  C 139 ) peuple k vue d'ceil; elle n'eft pas recoacoiffable depuis 1'été dernier. 11 Juillet 1785. Les Anglois évaluent le commerce de l'imprimerie de Paris a prés de deux millions fterlings; c'eft-a- dire a quarante-cinq millions de livres tournois environ, & ils confeffent que celui de Londres ne ffionte gueres qu'au quart. 11 Juillet 1785. II y a plus de dix- huit mois qu'on annongoit un Journal qui nous feroit connoitre toutes les productions Angloifes & autres objets intéreffans de ce Royaume. Enfin ce plan s'effeótue fous une forme encore plus étendue. II a pour titre le Cenfeur univerfel Anglois, ou Revue générale, critique impartiale de toutes les produSlions angloifes fur les Sciences, la Littèrature , les Beaux-drts, les Manufallures, le Commerce, &c. Cet ouvrage peut fe regarder comme un Journal de Londres, propre a faire Pendant de celui de Paris; il y en a auffi un numéro par jour; mafs ces numéro ne fe diftribuent qu'une fois par femaine, La première Hvraifoa a eu lieu le famedi neuf de ce mois. C'eft Mr. le Chevalier de Saufeuil qui eft cn nom & a la tête d'une fociété de gens de lettres fes coopérateurs du travail & de la rédaétion de ce Journal: on 1'annonce . comme dédié & préfenté k Madame; on congoit qu'il peut être trés intéreffant & trés curieux, s'il eft fait avec foin, avec goüt & furtout avec liberté.  C 140 ) i M Juillet 1785.. Mr.Duries, Profeffeur de phyfique & de chymie a Boulogne, chargé de 1'examen des bois de Ia machine Carlo • monrgolfiere 11 funefte aux deux voyageurs, après un procés verbal trés détaillé, attribue Ia cataftrophe a une caufe dont on n'avoit pas encore parlé. II prétend que 1'inflammation du gaz a été I'effet de quelque phénomene éieótrique; il ajoute que des fpectateurs lui ont dit avoir remarqué a 1'inftant même du défaftre, un petit nuage blanc, de Ia nature de ceux que les marins redoutent tant, trés voifin de la partie fupérieure du Balion: il ne doute pas que 1'ignition ne foit provenue du contact de ce météore, au moment oh le gaz s'eft échappé de la foupape ouverte. 13 Juillet 1785. L'étranger trouvé 1'année derniere en Normandie occupe toujours Fattention du gouvernement, Mr. le Chevalier deKeralio n'ayant pu en effet en rien tirer, a renoncé a fon éducation, & Mr. Haüy, interprête du Roi & 1'inftituteur des aveugles-nés, s'en eft chargé depuis le 14 Mars de cette année. II rend compte de ce qu'il a découvert dans une Lettre du huit de ce mois, en réponfe a celle du fix juin fur le jeune inconnu. Toutes deux font inférées au Journal de Paris. Mr. Haüy a commencé par compofer un vocabulaire fous la dicïée de fon éleve, c'eft- a- dire, en 1'entendant jafer; ce qui  ( 141 ) lui arrivé fréquemment, car il eft bavard. II a découvert par ce procédé: 10. qu'a une fort petite quantité de mots prés, 1'idiome du jeune homme eft une colleftion affez pauvre de mots francois, trés mal articulés & encore plus mal prononcés. 20. Que Tom Tetia ("c'eft ainfi que 1'étranger fe nomme lui-même) eft fourd,& fon maitre craint en outre qu'il n'ait encore un vice naturel dans la conformationdel'organe de fa parole. En conféquence la Société royale de Médécine & 1'Académie royale de Chirurgie ont nommé des Commifiaires pour examiner ce fingulier enfant. Du refte, Tom Tetia commence a écrire clairement fes idéés en francois & Mr. Haity efpere fe mettre en état de fournir lui * même des Mémoires Inftruétifs fur fon origine. II penfe au furplus avec Mr. de Keralio, que les difcours & les manieres du jeune inconnu annoncent une naiffance relevée; & que .s'il n'eft pas né dans I'Amérique Méridionale, il y a du moins fait un long féjour. Enfin loin d'êtreimbécijleouunimpofteur, comme le fuppofent des gens peu crédules, Tom Tetia, fuivant fon maftre, eft au contraire plein de candeur, d'intelligence & même de génie. II invite les favans Linguiftes, les Phyfieiens, les Marins, les  C 142 ) voyageurs & tous les curieux k venir chez lui pour voir eet être fingulier 6c communiquer enfemble leurs lumieres a fon fujet. 13 Juillet 1785. Mr. le Comte de Villefrancbe, de la branche de Savoye de Carignan Colonel propriétaire du Régiment de Savoye', Infanterie, au Service de France, viént de mourir. C'eft lui qui avoit époufé a Sc. Malo Mlle. Magon de Boifgazin, dont le mariage avoit été caffé par le Parlement de Paris, & qui perfiftant dans fa réfolution Pavoit fait réhabiliter depuis fans nouvelle contradiction. Comme il y a de cethymenée un garcon, on eft fort embarraffé de ce qu'on en fera. 14 Juillet 1785. La défenfe de Mr. Cabarrus eft une Lettre d Mr. k Comte de Mirabeau datée du 27 Juin 1785. C'eft un ami qui 1'entreprend & s'en tire en effet parfaitement bien. il paroit que Madame Cabarrus qui eft en ce moment a Paris, s'eft trouvée comprife dans les farcafmes & les calomnies dont on accufe leur détraéteur, & l'auteur de la Lettre ne lui rend pas moins de juftice qu'a fon mari, ne la venge pas avec moins d'éclat. On ne peutgueres entrer dans le fond de ce petit ouvrage qu'on n'ait rendu d'abord un compte détaillé' de celui auquel il fert de réponfe. 14 Juillet f785. Les amis de Mr. de Crofne afTurent qu'il ne fongeoit po nt a Ia place de  C 143 ) Lieutenant général de Police: que c'eft Ie Roi qui de fon propre mouvement 1'a nom« mé & a dit que fur fa lifte il ne voyoit que de Crofne qui lui convint. Ce qu'il y a de pofitif, c'eft que eet Intendant étoit abfent & n'eft arrivé a Paris que plufieurs jours après fa nomination. 15 Juillet 1785. Dans fa diatribe contre la Banque de Saint Charles, Mr. le Comte de Mirabeau avoue affez ingénuement qu'il prête fa plume, c'eft-a-dire, qu'il la vend; conféquemment que ce ne font pas fes propres opinions qu'il va énoncer, mais celles de ceux qui le foudoyent. Ce róle n'eft point beau & donne lieu au leéteur de fe défier étrangement de ce que va dire le disfertateur, II paroit avoir encore plus en vue de décrier la nouvelle CailTed'Efcompte en Efpagne que fon auteur. II la compare au Syftême de Law; il trouve une analogie toute femblable entre les aventures, le caractere, les talens des fondateurs de ces deux Banques. Suivant M1'. de Mirabeau comme Law, Mr. Cabarrus a des paffions fortes: d'abord, ainfi que fon modele, entrainé par les paffions qui tiennent a Ia premiere jeuneffe, il femble les avoir toutes concentrées dans 1'ambition. Malheureux également par fa familie, il a été obligé de chereber un afyle & des fecours dans une terre étrangere. L'Efpagne lui a paru Ie théatre le plus convenable pour fes talejasï  C 144 ) il a commencé dans ce pays roraanefque k | briller par fes amours; il yaféduit une jeune | perfonne & ne 1'a obtenue que d'elle-même: ] il s'eft montré bientót a la cour & quoi qu'il n'ait d'autres talens que de bien chif- I frer, il a étonné les Miniftres par fes cal- 1 culs: ils fe font livrés a fon irnpulfion & plutót en agioteur rufé qu'enhommed'Etat, I il a fait éclorre une Banque è 1'Efpagne. La -Compagnie des Philippines n'a encore été ] imaginée que par le même efprit: on apper- | goit uniquement dans ces deux établiffemens . les combinaifons de 1'intérêt perfonnel, qui 1 veut a tout prix atteindre a une grande fortune; enfin il eft démontré, rigoureufemenc démontré. que leur fondateur a fait illufion j tout a la fois au gouvernement, au public & aux aftionnaires étrangers & nationaux. Telles font les principales affertions de Mr. le Comte de Mirabeau, qui énoncées aveege ftyle pittorefque, chaud & énergiquedontilanime fes écrits, font trés propres a lui donner la confiance des lecleurs, tant qu'on ne 1'aura pas refuté. 15 Juillet 1785. La Délibération prife 1 dans Taffemblée générale des Aftionnaires 1 tenue le quatorze de ce mois , a été de porter le Dividende des bénéfices de la Caiffe d'Efcompte pour les fix premiers mois de 1'année, a 190 livres. 15 Juillet 1785. Depuis quelque tems on affuroit que les trois nouveaux Prix, infti-  C 145 ) inftitués par Ie Roi, pour 1'eDcouragement du théatre lyrique, en vertu de 1'Arrêt du Confeil d'Etat du trois Janvier 1784, étoient décernés; on nommoit même les Lauréat, du nombre defquels on comptoitdeux membres de 1'Académie francoife; ce qui indignoit, en ce que les juges étant tirés du fein de cette Compagnie, ce fembloit devoir être une raifon d'exclufion pour eux. II n'eft que trop conftaté aujourd'hui que s'il n'y a pas deux membres de 1'Académie frangoife, il y en a du moins un, Mr. de Chubunon, dont le poëme a pour titre la Toi/on d'or. Les autres ouvrages couronnés font VOsdiped Colonne deMr. Guillard,£i Cora d'un M1'. Valadier. Les examinateurs donnent pour raifon de leur retard a publier leur jugement, la difficulté qu'ils ont eue de 1'arranger. Les trois poëmes ü différens pour le genre & le mérite, ne leur ont permis ni d'en faire une comparaifon exaéte & rigoureufe, ni de donner h aucun une préférenceabfolue; ils ont donc été obligés d'en référer au Miniftre & de lui propofer un mezzo termine. Le premier Prix eft une Médaille de Ia Valeur de quinze eens livres pour la tragédie lyrique qui (era reconnue la meilleure: le fecond, une Médaille de la valeur de 500 livres pour la tragédie hrique qui obtiendra rang, & leuoifieme une Médaillede fix eens livres pour le meilleur Opéra-Ballet, Pauo- Tome XXIX. G  C 146 ) fale, ou Comédie Lyrique: les juges ont eftiroé qu'il falloit partager la fomme totale deftinée aux trois Prix, en trois Médailles de valeur égale, pour être décernées fans diftinétion, & M>v le Baron de Breteuü a fait agréer au Roi cette déciiion. 16 Juillet 1785. L'Officier commandant la Gendarmerie étant a chaffer avec fa maitreffe aux environs de Luneville, ou eft ce corps; la Demoifelle fachée de ne pouvoir exercer fes talens par Ia rareté du gibier, dit a fon amant: ,,vous auriez bien duprendrë pour Gnares (poliffons avec lesquels 011 ramalTe le gibierj quelques-uns de vos „ gendarmes". Ce propos rendu a quelques membres du corps a bientót été fu de tous. Ils en ont été offenfés & furtout que leur Commandant n'en eüt pas impofé a Ia courtifanne impudente : plufieurs ont été chez elle & 1'ont maltraitée de paroles & d'efFet. Le Commandant ayant voulu punir les auteurs du délit, leurs camarades oht pris fait & caufe pour eux: 1'infubordination eft montée a fon combie; il a fallu écrire en cour & 1'on annonce une punition rigoureufe dont on ne fait pas bien encore les détails. 16 Juillet 1785. L'ouverture de 1'école de natation s'eft faite avec beaucoup d'appareil. Plufieurs membres du Corps Municipal, de 1'Académie Royale des Sciences ét de la Societé Royale de Médecine , y ons affifté. Ils en ont fuivi les premières lecons,  C 147 ) les 7 & odece mois & ont approuvé unanimément la méthode du Sieur Turquin. 16 Juillet 1785. Mr. Caron, payeur des rentes , vient de mourir fubitement. On prétend qu'il a accéléré fa fin en s'empoifonnant; ce que confirme la promptitude avec laquelle on 1'a enterré: il n'a pas été expofé devant fa porte fuivant 1'ufage; ce qui annonce une putréfaétion foudaine qui ne peut compatir avec fon genre de mort, s'il n'avoit été de cette nature. On faura en conftatant Fétatdefes affaires, s'il étoit dans le cas de prendre un parti auffi violent. 17 Juillet 1785. On a vu par 1'imprès. fion de la Comédie dujaloux de M*. Rochon de Chabannes , que le Roi de Suede avoit bien voulu accepter la dédicace de cette piece; mais on ignoroit la réponfe de ce Souverain. II en tranfpire aujourd'hui des copies. Elle eft datée de Stockholm, le 12 Avril 1785: la voici. „ Monfleur Rochon de Chabannes, j'ai lu „ avec un véritable plaifir votre Comédie „ du Jaloux: elle ajoute encore a 1'opiniön „ qu'on s'eft formée des talens diftingués de „ l'auteur du Seigneur bienfaifant, II feroit „ a fouhaiter que la fcene francoife s'enri„ chït fouvent de pareüles pieces; elle con„ ferveroit par-la fon empire fur lesmceurs, „ & ne cefléroit de transmettre au public „ les fentimens du goüt & du comiquc „ épuré. G 2  C 148 ) La Dédicace que vous m'en fakes s eft donc un hommage qui ne peut que me „ plaire; & ce fera pour moi un délaffement ,, agréable, de voirvotre piece jouée fur ie „ Théatre de Stockholm. Sur ce je prie „ Dieu qu'il vous ait, Monfieur Rochon de j, Chabannes, en fa fainte garde. Votre affeccionné Gustave. On ne dit point que cette lettre aitétéaccompagnéed'un préfent, fuivant 1'ufage. Ce Monarque fait qu'il faut mettre fes fujets a 1'aife avant d'étre magnilique envers les Etrangers. 17 Juillet 1785. II y a eu cinquante-huic poëmes envoyés au concours des prix inftitués pour 1'encouragement du Théêtre Lylique. Les Examinateurs flattés de cette déférence des auteurs, préviennent ceux qui fe propofent de concourir, que 1'objet de 1'Adminiftration, étant d'exciter les Ecnvains d'un talent dijlingué d fe livrer d la compofition des Poëmes Lyriques, 1'invention dans le pian & dans la conduite, 1'élégance & la correélion du ftyle font deux mérites indispenfables, fans lesquels aucun ouvrage ne peut prétendre aux Prix. Ainfi un Poëme dont le fujet & la conduite feroient vifiblement invités d'un ouvrage dramatique 6é]h mis au Théatre, feroit rejetté fans autre examen, ' & celui qui réuniroit è Ia forme du poëme ïwrinnp nn HinlnariiF» innr#£nip»nv Kr urai tPhilofopi,e Bien* faifant. On y défigne furtout fon projet d'jnftitution en faveur des meres nourrices. 20 Juillet 1785. Extrait d'une Lettre de Rennes du 14 Juillet 1785 Vous ne ferez pas content des Remontrances de notre Parlement au Roi a 1'occafion du Tabac. II a eu la gaucherie de les diriger plutót contre le Miniftre des finances, que contre la Ferme générale ; c'eft une fuite de la mesintelligence qui regne entre cette Cour & les Etats. M1". de Colonne ayant le vceu de. ceuxci,s'eft peu embarraffé des Magiftrats, auxquels FEvêque de Rennes, ennemi du Contróieur-général, s'éft réuni. C'eft ce qui a fait tnanquer auffi la dénonciatiou de 1'ou" vrage de Mr. Necker , dénonciation trop agréable au Miniftre pour que le Parlement ait voulu s'y préter. Tout cela eft affaire de parti & de cabale, il feroit merveilleux qu'il en refultat quelque bien.. . 21 Juillet 1785. La Caiffe d'Es compte. Tel eft le titre qui n'en eft que plus difficile a pénétrer & a approfondir. Auffi la Cour de Madrid a été trés mécontente & 1'on affure que Mf. le Comte d'Aranda, s'il n'étoit aux eaux de Spa, auroit déja demandé la fuppreffion de 1'ouvrage. On annonce même un Arrêt du Confeil qui prévient fa- requifition : foufflet. d'autant plus cruel pour l'auteur, qu'il a mis fon nom k cette diatribe politique. 23 juillet 1785. L'adminiftration de la Police eft devenue une Magiftrature fi compliquée, fi variée, fi difficile, que M1'. de Crofne a fupplié le Roi de lui permettre de faire un apprentiffage fous Mr. le Noir. Celui - ci fait tous fes travaux, fes opérations en la préfence de fon futur fuccefleur, donne fes audiences & 1'initie infenfiblement aux myfteres de fa place: on n'avoit point encore vu pareille chofe: on ne peut qu'admirer la modeftie de 1'éleve ct la complaifance de 1'inftituteur. 23 Juillet 1785. Si 1'adminiflration ne fe perfeétionne pas , ce ne fera point manque de lecons: chaque jour il éclot des ouvrages fur cette matiere intéreffante & qu'00  ne fauroit trop approfondir. De ce nombre eft le Citoyen frangois, ou Mémoires hijloriques, politiques, phyjiques; fcfe. II eft dédié a Mr. le Noir, ce qui ce peut qu'en donner une augure favorable: l'auteur s'annonce enfuite pour un Magiftratqui , joignant a 1'étude de fes devoirsj celle des Sciences & des Lettres, en outre a puifé des inftructions dans les voyages, dans les plus habiles écrivains, dans le commerce de la fociété. II donne aujourd'hui au public le réfidu de fes oblervations & de fes loifirs. L'ouvrage embraffe foixante- fix chapitres ou titres, dont la plupart font fort courts; il en eft de trés intéreflans, de trés bien vus & en général il contient des réformes follicitées & praticables: 1'objet des banqueroutes eft le plus étendu & femble ne rien laiffer a défirer. Point de déclamation, point de chaleur dans ce traité: l'auteur déclare quül a facrifié la parure impofante de la diclion a la valeur & au fens des expreffionstechniques; qu'il n'a employé qu'un ftyle naif & fimple, afin d'être entendu de tous les leéleurs. 24 Juillet 1785. II paffe pour confiant que 1'on devoit jouer fur le théatre de Bordeaux la folie journée & que les Magiftrats s'y font ODpofés. II eft bien étonnant que le Journal de Guyenne ait omis cette anecdote. 24 Juillet 1785. Un ouvrage de Mr. le Comte de Mirabeau, annoncé depuis long-  tems, a percé enfin dans cette capitale & fe lit avec plus d'intérêt que ceux dont on a parlé récemment. II s'agit de Conjidérations fur l'Ordre de Cincinnatus. On ne pourroit le croire, fi ce n'étoit un fait paffé fous nos yeux, qu'a 1'inftant de Ia naiffance de Ia République Américaine, il fe füt élevé dans fon fein des membres afféz audacieux pour y former une arifiocratie en quelque forte, un corps militaire fubfiftant, héréditaire, perpétuel, «Sc cela fans 1'autorifation du Corps légiflatif & même contre les principes conftitutifs de 1'Etat. Un Mr. Mams Burke, Ecuyer, 1'un des Chefs de juftice de 1'Etat de la Caroline du Sud, a pris Ja plume & a compofé un pamphlet en Anglois fur cette innovation, fur eet Ordre de Patriciens,dont 1'éreélion menace la liberté & le bonheur de la République. Mr. le Comte de Mirabeau s'eft approprié eet écrit, en le traduifant, en 1'élaguant, en le généralifant, en y ajoutant fes idéés & certainement en 1'améliorant. C'eft-li ]u'on retrouve tout entier fon génie male & indépendant. On ne fauroit démontrer avec plus de logique le vice d'inftitution qu'il combat, peindre avec plus de vérité les fuites funeftes qu'il peut entraïuer; exhorter avec plus d'cnélion les Cincinnati a détruire eux-mêmes ce monument d'orgueil révoltant, ou de vanité puérile, ou  ( 1Ö2 > ranimer avec plus de feu le zele pstriotique contre des ufurpateurs ambitieux ,qui préparenc d'avance des fers a leurs concitoyens & fappent la République jufques dans fes fondemens. On apprend par un Poftfcriptum que plufieurs Etats fe font ré veilles fur les dangers de 1'Ordre des Cincinnati, comme inconftitutionnel. Les Etats de Rhode ■ IJland, de Maffachufet , de Penfylvanie fe font déja expliqués, ainfi que Je Gouvernement de la Caroline Méridionale. Les Cincinnati ont été effrayés: dans une aflemblée du trois Mai 1785 ils ont modifié les ftatuts de 1'Ordre. La Lettre circulaire du Préfident Washington en contient les détails , non affez fatisfaifans pour avoir écbappéaux obfervations critiques & vraiment lumineufes du Comte de Mirabeau: il prouve que la République ne peut être rasfuréeque par l'extinéticn abfolue de 1'Ordre. A eet ouvrage Mr. de Mirabeau a joint une Lettre de feu Mr. Turgot au Doéteur Price, datée de Paris le 22 Mars 1778, fur les vices de la Conftitution Américaine; Ecrit, fuivant 1'éditeur, rempli d'obferva'tions judicieufes, de vues fages, de confeils utiles, & refpirant 1'amour de la libertë cc de Phumanité. Par un Avis daté de Londres le 20 Septembre 1784 , on voit que 1'ouvrage en queüion a déja prés d'un an d'ancienneté.  C 16"3 ) 25 juillet 178J. Extraic d'une Letrre écrite de Newbaven dans la Nouvelle-Yorck en Amérique,en date du 11 Mai Vous Ivez tvouvé trés-contraire aux principes d'une République naiffante, lacréation de 1'Ordre de Cincinnatus & vous avez eu railon; peut-être critiquerez - vous encore ce qui vietit de fe paffer ici, qui eft plutót une affaire d'intrigue , que d'enthoufiafme réel. Hier , dans une aflemblée générale des Maire, Aldermans & Citoyens, tenue a 1'hóftèl de ville, ona propofé d'admettre au rang fde Citoyens onze perfonnes de France, Mr. le Maréchal Prince de Beauveau, Cafpitaine des gardes de Sa Majefté Trè.9 Chrétienne, Gouverneur de Provence, de PAcadémie Frangoife. Madame la Maréchale PrincefTe de Beau-. Iveau. M>-. le Duc d'Harcourt, Gouverneur de f Normandie. ' Mr*. le Duc de la Rochefoucault, Honoraire f de 1'Académie des Sciences. I M1'. le Duc deLiancourt, Grand • maitre fde la garde-robe de Sa Majefté Trés I Chrétienne. : Madame la Comteffe de Houdetot. 1 Mr. le Comte de Jarnac, Maréchal de Camp & beau-frere du Prince «fe Beauveau. M1". le Marquis de Condor eet, Secrétaire iperpétuel de 1'Académie des Sciences, de 1'Académie Francoife.  ( ïö4 ) Mr. de Saint Lambert, de l'Académis Francoife. Me. Target , Avocat au Parlement de Paris, de PAcadémie Francoife. M1'. de la Cretelle, Avocat au Parlement de Paris. La raifon d'adoption eft que ces perfonnes font non-feulement diftinguées par leur rang, leurs lumieres ou leurs takns, mais encore recommandables par leur philantropie & leur zele pour la liberté & Ie bonheur des Etats-unis en général, & pour la prospérité de cette ville en particulier. Le ridicule de cette agrégation c'eft, qu'il n'y a aucune de ces perfonnes qui nous foit connue autrement que de nom, & que tous ces titres de Maréchal, de Prince, de Duc, de Marquis, de Comte, loin d'être des titres d'adoption, en devroient 1'être d'exclufion , a moins que les perfonnages n'y joigniflent des fervices bien réels. Mais ce qui eft d'une ingratitude énorme, c'eft d'avoir prcféré ces titres faftueux a nos vrais bienfaiteurs , a Meffieurs de Chaumont, üe Monthion, de Beaumarchais ,& autres principaux Négocians de Bordeaux, de Nantes & autres ports de France, qui ont été les premiers ct vrais auteurs üe notre gioire cc 1.1e uutre iiDerue, en nous rourniuanc aes fecours & des armes pour combattre les Anglois ct nous arracher a leur tyrannie. Parmi les hommes de Lettres,il falloit au  lïioins placer Mr. Hilliard d'Juberteuit, qui a fait notre hiftoire; Mr. de Sauvigny, qui nous a célébré dans un drame, & plufieurs autres du même genre.... 26" Juillet 178.5. Extrait d'une Lettre de la Haye du 13 Juillet 1785 M'-. Elan- cliard a tenu parole, & s'eft en effet élevé hier douze dans cette ville a 1'aide de fcn ballon, qui conftruit trop h la hate n'a pas rempli fon attente & celle des foufcripteurs. II n'a pu prendre qu'un feul compagnon de* voyage, Mr. d''Honincthum, Officier de la Légion de Maillebois; il a penfé fe brifer dès fon afcenfion en s'accrochant a une che. minée, dont il a fallu le dégager: les aëronautespour s'élèver furent obligés de jetter tout leur left, ainfi que les chofes les plus néceffaires & jufques a leurs chapeaux: a la veille de tomber dans un grand lac, a fix lieues de cette ville, Mr. Elanchard ouvrit la foupape, & le ballon ne s'abattk qu'4 cent pas du bord de 1'eau fur une prairie dont le propriétaire a exigé dix ducats de dommages intéréts. Nos payfans, bien loind'admirerMr. Blaftchard ont trouvé trés mauvais qu'il gatat 1'herbe & 1'ont accueilli avec des bêtons & des fourches; ils ont brifé Ie char, emporté la gaze d'or & jufques a Ia toile qui "entouroit ... II a eu bien de la peine a fe tirer des mains de ces ruftres 17 Juillet i78j. Extrait d'une Lettre de  C 166 ) Londres du deux Juillet 1785 Ne fo vez pas furpris de 1'empreffement de vos muficiens , peintres , acteurs, danfeurs & autres artiftes pour pafier dans cette capita, le • ils gagnent autant en un mois ïci qu eol un' an en France: jugez-en par deux exernj pies. . 1 Madame Siddon du théatre de Drury-Iane touche vingt-cinq guinées par femaine, fans compter deux bénéfices qui, avec les préj fens, montent au moins k 500 livres fteri ling. Son dernier voyage a Manchefterj Liverpool , Edimbourg & Betford , lui a valu plus de 3200 livres, les préfens a parti .& tout cela eft le produit d'une année. * Madame Mara eft au moins auffi bien traij tée. Le Panthéon lui vaut 600 guinées I 1'ancienne Mufique autant; les Concerts du Lord Exeter & Wetkins , 200 livres. Sol premier bénéfice,au Panthéon ,a été de 8o| livres fterling; le fecond de 100. Ce qui forl me enfemble plus de 2000 guinées en ua an, fans compter les préfens particuliers. J 27 Juillet 178T. . Extrait d'une Lettre dj Canton du 25 Janvier dernier D'après les préfens envoyés a 1'Empereur, pour lui donner le fpeétacle des nouvelles machines aëroftatiques , les Miffionnaires arrivés a Pekin cette année devoient lancerun Ballor-, mais a 1'inftant de Pexpérience, ils ont dij que ce Ballon étoit percé & qu'il avoit pea eu 1 air mnammaoie.  C IS? ) Quant k ces Miffionnaires , 1'utilité de leurs travaux apoftoliques eft enproportion de 1'argent qu'ils apportent ; car k mefure que les fonds diminuênt,le nombre des nouveaux - convercis diminue auffi & a la fin , quand il n'y a plus rien, les néophites s'en retourncnt & difent dans leur langue: point d'ar gent, point de Chrétien. Ces Miffionnaires ont auffi leur vanité; ils fe qualifient faftueufement le Tribunal de Ma* ,\ tbématiques de Pekin & par-contre les Chinois les appellent les ouvriers Europêens, au ■fervice de .1' Empereur 27 Juillet 1785, Les Directeurs des Variétés amufantes fe trpuvant attaqués, dans le Mémoire des Comédiens francois & 720minatm, ont été les premiers a leur répondrc. On affure qu'il contient des affertions trèf-fortes ct tiès-précifes. 27 Juillet 1785. Dans Ia Gazette de France d'hier mardi vingr-fix, après un détail d'un voyage particulier fait par Madame tddelaïde de France, qui prend les eaux de Vicby avec Madame ViStoire fa fceur, pour voir l'Ecole Militaire d'Ëffiat qu'elle a hol.norée de fa préfence le 13 Juillet, & Ia ,defcription d'une fëte champêtre, expreffion des vceux ct de la reconnoiffance des Ele■ves, on lit: le dix-huit Mesdames Adelaïde .£ƒ ViStoire de France, ont bien voulu envoyer de Vicby une Collation pour tous les êleves de cette Ecele,.,. Sans doute.les Princcs im.  C 168 ) priment » toutes leurs aétions un caradtere de nobleffe néanmoins on a trouvé 1'in- fertioD de circonftances auffi minutieufes , pitoyable, & il ne faut qu'une phrafe femblable pour faire juger & apprécier cette gazette & fon rédacteur, qui eft aujourd'hui Mr. de Fontanelle 28 Juillet 1785. Mr. Bottineau dont on a annoncé dans le tems la prétendue découverte intéreffante pour la navigation, qui confi- ; fte h connoïtre 1'approche des terres ou des vaiffeauxa la diftance de deux eens cinquante ; lieues, s'explique aujourd'hui lui-méme. Dans une lettre adreffée aux journaliftes de ) Paris & inférée au N°. 206, il invite les nomenclateurs a lui fabriquer un feul moe _i_ ~„ o^mnnft nnnr rif'fiffner le aenre : "l"H,v- r ' & la nature de la fcience. II paroit que Mr. Bottineau eft une efpece de fol: il s'eft rendu , il n'y a pas longtems, a une école de Magnétisme animal; il s'eft adreffé au Comte Maxime, (Segur) il lui a ditqu'en Afie oh il avoit réfidé longtems, il fe trouvoit des Indiens malfaifans qui avoient le fecret de nouer l'aiguülette ; que tour robufte & vigoureux qu'il paroiflbit , lui Bottineau avoit éprouvé ce malheur & fe trouvoit hors d'état de produue Ton fefhblaj ble; qu'en conféquence il venoit jmplorer jes fecours de la fociéré de 1'harmonie. ML'. de Ségur lui a répondu trèvférieufement; qu'on examineroit fon cas: puis on s'eft ^ mis  mis h rire de Ul\ Bottineau, qui en s'en al. lant pouvoit rire auffi des Magnétifans, peutêtre avec autant de raifon.... 28 Juillet 1785, Entre cette multitude de boutiques bordant le jardin du palais royal, beaucoup s'étoient intitulées Magajtn de Marchandifes a"Angleterre, plufieurs même avec des inferiptions en langue angloife. Les bons Francois voyoient avec douleur cette manie; enfin, graces a 1'Arrêt du Confeil qui fur les plaintes des marchands & fabriquans du Royaume, prohibe ces marchandifes étrangeres &défend jufques a ce ridicule Intitulé, leurs yeux ne feront plus affligés d'un tel fpeétacle. Au bout de huit jours toutes ces inferiptions ont dü difparoicre fous des peines trés-fortes,portées a 1'Article VIL de 1'Arrêt. II en pourra réfulter quelque banqueroute pour 1'augufle propriétaire; mais qu'on plaint peu a raifon de fa prédilection trop forte pour tout ee qui eft Anglois & pour le mauvais exemple" qu'il donnoit a eet égard. 28 Juillet 1785. Le Mémoire en réponje & Confultation pour les Entrepreneurs dufpec. tacle des Variétés, contre les Comédiens fran1 gois, roule fur deux points. i°. Qu'aucune Loi n'accorde aux Comédiens francois le droit exclufif qu'ils prétendent avoir. 20. Que 1'effet néceffaire da la eoneurrence eft d'entretenir l'émulation.de donner • Tomé XXIX. H  C 170 ) plus d'énergie aux talens & par conféquenc d'augmemer les progrès de 1'art. La Confultation qui fuit, datée du quatorze Juillet 1785 par Maitre Vermeil établit: 10. Que 1'Ordonnance de Louis XIV. de 1680, ne peut étre envifagée comme une Loi,en vertude laquelle les Comédiens francois puiffent prétendre le droit exclufif de jouer la comédie dans cette capitale ; foic paree qu'elle n'eft düe qu'aux circonftances du moment; foit paree que Louis XIV. en défendant par cette Ordonnance a tous autres comédiens francois de s'établir dans Paris fans fon ordre expres, s'eft par-la réfervé la faculté d'accorder ou de refufercet ordre, fuivant les raifons de conyenance ou de disconvenance qui pouvo'ent s'offrir. 20. Que le fpeftacle des Variétés eft établi dans cette capitale par 1'autorifation même du Souverain, puifque par 1'Arrêt du Confeil du mois de Juillet 1784, le privilege en a-été accordé i 1'Académie Royale de IVluOque, avec la faculté de l'affermer, & que les Sieurs Gaillard & d'Orfeuüle s'en font rendus adjudicataires pour quinze années. 3". Que les motifs par lefquels la Comédie francoife prétend juftifier le droit exclufif qu'elle réclame, font inadmiffibles, paree qu'il eft évident que dans le genre de la comédie, comme dans tout autre, la concurrence ne peut qu'exciter 1'émulation & par conféquent conti ibuer au progrès de 1'art.  C 171 ) - 20 Juillet 1785. La Chambre de Ia Maeonnerie, le quinze de ce mois avoit rendu une fentence , qui réduifoit & fixoit pour le refte de 1'année le prix des ouvriers de fon reffort. II s'en eft fuivi lundi une émeute confkJén;b!e dans Paris de la part de ces ouvriers qui ont refufé de travailler. La conteftation a été portée au Parlement & le mardi vingt fix eft intervenu un Arrèt provilbire, qui fufpend 1'exécution de la Sentence de la Chambre de la Magonnerie & remct les chofes dans 1'état oh elles étoient avant. 29 Juillet 1785. On a parlé au mois de Mai 1784 d'une affaire naiffante contre le Prince de Salm-Kirnbourg, qui lui feroit grand tort, s'il ne 1'affoupiffoit: non feulement il n'ya pas travaillé, mais il Pa aggravée au point d'obliger fes adverfaires de lui donner la plus grande publicité. Ce qu'on voit dans un Mémoire pour les Sieurs Firmin de Tafct & Thomas Squire , Négocians d Lom. dres ; contre le Prince de Salm-Kirnbourg, Grand Efpagne de la première ClaJJe; Ie Sieur' Jofepb - George - André Cavalcado , foi-difant Marquis £f ancien Miniftre Plénipotentiaire de Ruffie; le Sieur Faulconnier de la Farenne fi'dsvant Confeiller d la Cour des Aides; & l,e Sieur Cofte d'Arnobat, foi- difant Lieutemnt Colonel. Le Jurifconfulte, dont le Mémoire eft avoué, eft un Me. Bonhomme de Come-yras ■ H 2  C 172 ) d'abord il rend compte d'une vifitedu Prince de Salm , qui le mardi 29 Mars dereier: vintle trouver au lit & chercher a 1'efFrayer, foit par la crainte d'un ordre du Roi , foit par celle des mauvais traitemens dont il le menagoit. Cet Avocat intrépide n'en a pris que plus chauderaent la défenfe de fes cliens.1 Ce Mémoire trop long pour qu'on entre dans les détails qu'il contient , eft furtout curieux par le dévéloppement des combinaïfons rares qu'ont imaginées le Prince & (esj agens pour faire tomber dans leurs pieges les dupes qu'ils vouloient enlacer. Les portraits du priccipaf perfonnage de la fcene & des autres acteurs , néceffaires a tracer pour la meideure intelligence de l'intrigue,ornen.t| le comrnencement du Paclum & le rendett cxtrêmcment piquant. Au refte, 1'affaire qui n'étoit qu'au Chatelet,eft fort avancée & a pris une excellente tournure pour les" cliens de Me. Comeyras: par un Arrêt provifoire le Prince de Salm a .été coadamné a leur payer ou rembourfer environ pour cinq cinq eens mille francs d'ef-; fets. II y a un reliquat affez tonfidérabie dont il s'agit, fur lequel le Parlement n'a pas prononcé, & la queftion du fond en outre, c'e[t a-drre, les dommages intéréts• 1'afraire eft appointée k cet égard. Le point de vue philofophique fous lequel un lefteur impartial peut envifsger ce: Faiïum, c'eft Ie puiffant attrait de Por qui i  C 173 ) d'un cóté pouffe un Prince a fe dégrader jufqu'a raériter un rang parmi les plus fameus efcrocs de Paris , & de 1'autre excite des Négocians honnêtes & bien étabiis acompromettre leur fortune pour des chimères & les' aveugle au point de ne pas s'appercevoir des pieges les plus groffiers & de s'y précipiter follement, ou plutöt ftupidement. 30 Juillet 1785. L'Arrê.t du Confeil qui fupprime 1'ouvrage de Mr. le Comte de Mi* raheau contre la JBanque de Saint Charles paroïc: il eft du 17 Juillet, il y eft dit que Sa Majefté voit avec mécontentement que des auteurs s'ingerent d'écrirefur les mat eres poiitiques, dont ils ne font pas affez irflruits pour en donner au public des corinoifiances utiles; que d'ailleurs ils fe permettent des perfonnalités fouvent injuftes ; que pour répandre ces produétions de leur malignité, ils ont recours k des imprimeries clandeftines 1 bien perfuadés de ne point trouver en France 1'autorifation fufftfante. Après ce préambule vague Sa Majeflé fupprime 1'ouvrage intitulé de la Banque d'Ejpagne, dite de St. Charles, comme imprinrë en contravention des régiemens de la Librairie , comme contenant des faits hazardés & des perfonnalités toujours répréhenfibles. Du refte , rien contre l'auteur, quoiqu'il foit nommé dans ie préambule ; ce qui confirme qu'il n'écrivoit que fouslesaufpicesduContróleur général; enforte'que ce Miniftre a arrêté H3  f 174 ) toute pourfuite envers le Comte de Mirabeau. \ 30 Juillet 1785. Le gouvernement,non j content d'avoir donné les inftructions les I plus amples fur les différentes manieres de fuppléer a la difette des fourrages, prend, erj outre, les précautions les plus fage> & les plus erficaces pour en empêcher ou en diminuer les fuites funefles. On imagine du moins que c'eft a fon inftigation que le Parlement a rendu le ip de ce mois un Arrêt 1 qui défend tout emmagafinement au-dela du befoin, tout accaparement, tout monopole; I qui ordonne un recenfement dans chaque I paroiffe de la quantité exiftante; une affemblée des propriétaires , fermiers, cultiva- j teurs &c. devant les juges des lieux, afin { d'en fixer le prix refpeétivement, & veut que le fourrage ne foit vendu aux étrangers i qu'a défaut des demandes fur le lieu même. Toute la gente économique frémit d'un Arrêt fi contraire a fes principes, mais fi ■> impérieufement nécefficé par les circon- I ftances. 30 Juillet 1785. On annonce depuis longtems au théatre lyrique un opéra intitulé le j premier Navigateur, thé du poëme allemand : de üejfner , portant le même titre, ou Daphnis; on ne fait fi cet ouvrage fera joué ou non. En attendant le Sieur Gardel 1'afné, Maitredes Ballets de 1'opéra, fe 1'eft approprié & en a fait une pantomime en trois aétes, exécutée pour la première fois le  C 175 ) Emrdi 25. On congoit qu'il faudroit beaucoup de génie de ia part du chorégraphe ainfi que des danfeurs pour rendre parfaitement un pareil fujet, Auffi a-t-on trouvé qu'il y rnanquoit beaucoup de chofes , que beaucoup d'autres n'expriment, rien & qu'en général ce fpeétacle devenoit fatiguant & ennuyeux par fa longueur. 30 Juillet 1785. On croyoit qu'on auroit profité de la circonftance pour fupprimer la gendarmerie , toujours indifciplinée & encore plus depuis que Mr. le Comte de Saint Germaina flxé 1'étatdouteux des membres de ce corps, en les faifant.tous officiers. C'étoit le premier mot du Roi, lorfque le Maréchal de Cajlries lui a rendu compte de 1'affaire dont on a parlé; mais ce chef trop intén.ffé a la confervation de la gendarmerie, a calmé le courroux du Monarque. II paroit que la caflation des plus mutins, la détention des autres dans des chfiteaux forts pendant un tems affez long , feront- tout ce qui en réfultera. D'ailleurs on eft mécontent du Commandant, Mr. le Comte d'Herculais, qui pour yenger fa maitrelfe & n'ofant ou ne pouvant le faire par une punition prompte & caractérifée des coupables qu'il ne connoiffoit pas, a pris la tournure de vexer tout le corps par des exercices forcés & extraordinaires, qui Pont révolté '. de Courcy, fa fille & fon gendre, prouvent qu'ils font participans au moins d'une détention dont ils devroient tenter Pimpoffible pour le faire fortir ; enfin Pembarras oh ils font, lorfqu'on leur en demande des nouvelles, fortifient ce foupcon & le tournent même en certitude: autrement ils devroient être les premiers k donner de 1'éclat a fon enleve- ment,  C 177 3 ment, genre de despotifme toujours propre a révolter les efprits. On affure pofitivement que c'eft pour découvrir les tréfors qu'il peut avoir enlevés', qu'on a apporté cette diligence,ce myftere & cette dureté dont je vous ai rendu compte, Mr. le Comte de Sanois eft bien accufé d'avoir fait réimprimer un ouvrage intitulé l'Ami de la Concorde; dans lequel il a inféré des détails & des notes fatyriques contre des Magiftrats qui venoient de lui faire perdre un Procés; & entre autres contre Mr. le Fevre d'Ammêcour , Confeiller de Grand' Chambre: celui ci même avoit dénoncé ce livre au Procureur-Général, Mais ia Mr. de Sanois n'a jamais avoué cette produétion: 2°. II n'en atranfpiré que peu d'exempfaires : 30. Jamais elle ne s'eft vendue 40 La dénonciation n'a point eu de fuite: 5°. Elle remonte a plufieurs années: 60. Elle n'intéfeffe le gouvernement en rien. Ainfi 1'aecufation qu'il a écrit contre Ie Gouvernement eft une nouvelle horreur de fes ennemis Refte a expüquer comment le Miniftre des Affaires Etrangeres fi eftimé & fi eftimable; comment le Miniftre de Paris qui a configné lui-même è fon avenement en place, dans une Lettre aux Intendans, fa facon de penfer fur les Lettres de cachet & fon défir d'apporter la plus fcrupuleufe attention dans la difcuffion de-s demaudes de  r 178) cette nature; comment enfin le Lieutenant Général de Police, fi ennemi de Pinjuftice & de Poppreflion , fi doux de mceurs, fi conciliant de caradtere, fi attentif a éviter toutce qui pourroit le compromettre, ont été trompé au point de fe prêter a un acte d'autorité de cette barbarie ? C'eft ce qu'on ne peut concevoir , qu'a raifon des noms impofans de ceux qui ont follicité la Lettre de cachet. Tout cela prouve combien les gens en place font a plaindre; combien les gens humains & les plus vertueux peuvent être féduits par des apparences; combien ils peuvent, faute d'examen fuffifant, faire de mal, en croyant ne faire que du bien Telles furent fes léfiexions , par oh notre étranger termina fa narration Quant a nos concitpyens de Laufanne, ils ent d'abord été effarouchés que notre Lieutenant de Police fe füt prêté fi facilement a ce coup d'autorité ; i!s fembloient vouloir réclamer ; mais ils n'y penfent plus... 31 Juillet 1785. Dans une affemblée générale des Actionnaires de la Caiffe d'eseompte , tenue au commencement de ce mois, il avoit été propofé de réduire le taux de Pefcompte de 4! a '4 pour cent, ainfi que le porte 1'Arrêt de création pour le tems de paix: mais cette propofition fut rejettée prefque a 1'unanimité , attendu que cette réduction étoit contraire a Pintérêt des Aétionnaires & indifférente a 1'Adminiftrateur des finances.  C 179 ) 31 Juillet 1785. Le vendredi 24 Juin, Mr. le Coulteux de ia Novaye a ent cnez un Secrétaire d'Etat en prérénce de vingt-ciqq perfonnes , & a un homme d'ailleurs trésdigne de foi, qu'on pouvoit oppofer un grand nombre de raifons 6? de faits, a l'ouvrage de M. le Comte de Mirabeau fur la Banque de Saint Charles, èf que les gens du métier n'en feroient pas les dupes En outre, a 1'apparition du livre du même auteur fur la Caiffe d'Efcompte, ce Chef de l'adminiftration de cette Banque, fe hata d'aller avec fes confrères folliciter fa-punition. Tels font les griefs principaux qu'a Mr. le Comte de Mirabeau contre ce Banquier , &.qui lui ont mis la plumea la main: fa fécondité ordinaire s'eft répandue en une Lettre volumineufe a M. le Coulteux-de la Novaye fur la Banque de Saint-Charles , êf fur la Caiffe d'Efcompte , trés-récente, puifqu'elle n'eft datée que du 13 Juillet & qu'elle eft fuivie d'un Poftjcripturn du 15.' Cet écrit ennuyeux n'eft point fufceptible d'analyfe, & ne peut, quant au fond, intéreffer que les agioteurs de ces deux efpeces d'Effets. Le Comte de Mirabeau perfifte h décrier le premier établiffement & h fronder les fpéculations gigantefques des próneurs du fecond. II paroït qu'il en veut fort & M. le Coulteux, &pour fon propre compte & pour celui de Mr. Panchaud; car, malgré le ton cégatif du premier, celui-ci eft ki 6  C 180') pour beaucoup dans toute cette difcuffioti. Un parallele qu'on trouve dans une No té entre la fupériorité des avantages a retirer de 1'Emprunt de 125 millions & ceux des Aftionsdela Banque de Saint-Charles, entierement en faveur du premier, décele le motif fecret de toutes ces diatribes, qui feroit de décréditer les autres Effets pour fournir un véhicule a cet emprunt, dont Ie peu de fuccès défole fon inventeur. On ne peut qu'étre de plus en plus faché de voir un Philofophe aufiere & Patriote comme M. le Comte de Mirabeau , engagé dans une pareille querelle , & fe démenant au milieu de cette tourbe de Banquiers , de Courtiers , d'Agioteurs , oh 1'on n'auroit jamais dü s'attendre a le rer.contrer. 31 Juillet 1785. Une Dame ayant marchandé deuxcoquetiers deporcelainedeSeve & les ayant laiffés comme trop chers, Mr. le Chevalier de Bouflers les lui a envoyés avec le Quatrain fuivant: De ces deux petits coquetiers Pour vous 1'Amour a fait emplette: Ah! qni n'y joindroit voiontiers Et les deux ceufi ik; la mouillette? 31 Juillet 1785. Le jardin du Palais-' Royal devient par fa nouvelle conftitution, comme on 1'avoit prévu, Ie réceptacle de coiös les mauvais fujets de Paris, & il en ré-  C 181 ) fulte journellement, furtout dans la nuit, das fcenes fcandaleufes 6t même des cataftrophes fanglantes. II y a quelques jours qu'un inconnu ayant attaqué une femme, & celle-ci.ne répondant pas aux défirs de 1'impudique, il lui affena un coup de canne a dard celui fit unebleffure grave. Elle crie: la garde arrivé, & 1'on veut arrêter le quidam. II refufe de fe laiffer emmener : on lui repréfente le danger de la rëfiftance; on ]e menace du mécontentement de Mr. le Dac de Cbartres,a\Jique\ il manque effentiellement. II s'écrie qu'il fe moque de Mr. Ie Duc de Chanres ; qu'il eft Ie Marquis de Nej'le. Arrivé un Infpeóteur qui dit: Oui, c'ejl Mr. le Marquis de Nefle; qu'on. le laijje aller. Sur le compte rendu du fait au Prince, il a choifi le feul parti convenable, en déclarant que ce ne pouvoit être Mr. le Marquis de Nejle ; que c'étoit fürement un polilton qui avoit pris fon nom. Ce qui confirme que c'eft bien ce Seigneur , déja décrié par plufieurs aventures de cette efpece ; c'eft que s'étant dtepuis préfenté deux fois a Verfailles pour y faire fon fervice auprès de Madame , dont il a 1'honneur d'être le premier Ecuyer, il a été prié deux fois de fe retirer. Premier Jout 1785. II y a peut-être trois mois qu'on parle de Lettres Patentes du Roi adreffëes au Parlement , concemant une nouvelle augmentation du bois. Cette Cour H 7  C 18O ne s'en étoit point occupée & s'étoit fiat- \ tée que S. M. retireroit fes Lettres Paten- 1 tes. Depuis quelques jours la Cour a preffé pour 1'enrégiflrement. Le Parlement les Chambres affemblées, a arrêté des Repréfentations, qui ont dü étre porties hier au Roi , & il y a aflemblée de Chambres indiquée h aujourd'hui, vraifemblablement pour entendre la réponfe. ier, /kilt 1785. Depuis mardi dernier on parle d'une plainte criminelle préfentée ee jour -la aux Chambres aflembléts contre Mr. de Maupeou, le Maftre des Requêtes, fuivant laquelle un S'. Deftocher, Bourgeois de Paris, demeurant rue Grange-bateliere, No. 10. fe plaint que , durant un voyage qu'il a fait en Franche-Comté , fa fille a difparu, & qu'a fon retour , ayant appris qu'elle avoit été féduite & enlevée par Mr. de Maupeou , qui Ia tenoit en chartre privée a la Chancellerie, il avoit trouvé le moyen de lui faire parvenir fecrétement une lettre, qui avoit déterminé fa fille a s'évader & a revenirdans la maifon paternelle, mais grosfe de plus de fix mois; grofltfie qu'elle lui avoit déclaré provenu- de fon fédufteur & ravifleur: que depuis ayant fait des démarches auprès de ce Magiftrat pour éclaircir cette aventure, il n'avoit pu avoir aucune explicatfon avec lui; que 1VK de Maupeou s'obflinoit même a retenir les hardes de fa fille.  ( I33 ) Sur cette dénonciation, il a été ordonné une informadon & nommé deux Rapporteurs; Mr. la Fevre d'Ammecourt, Rapporteur de la plainte, auquel on avoit joint Mr. Dupuis de Marcé. Précédemment les Magiftrats avoient fait tout ce qu'ils avoient pu pour arranger 1'affaire: M'\ de Maupeou en plaifante quand on lui en parle ; il dit qu'il ne demande pas mieux que de comparoir devant le Parlement; que cette affaire prouvera fes facultés phyfiques qu'on révoquoit en doute, &c. ïcr. AoiH 1785. Mr. Franklin eft pani pour le Havre , il y a une quinzaine de jours. Le Roiiui ayant fait donner une des litieres des petites Ecuries, il a préféré cette voiture a la route par eau. 2 Aoüt 1785. Mémoire pour le Sr. Bottineau , ancien Employé du Roi de la Com» pagnie des Jndes aux ljles de France & de Bourbon, fur une dêcouverte importante ü la navigation. On apprend par cet écrit , fans date & fans ügnature, que M1'. Bottineau, de pilotin devenu conducteur des travaux du Génie au Port Louis, ayant fait des réclamations contre un Ingénieur nommé Duparc, qui avoit envahi fes propriétés, au lieu d'avoir juftice fut exilé a Madagafcar, d'oii revenu mourant, après trois mois, iln'eutd'autre afyle que 1'hópital. Le Gouverneur qui 1'avoit perfécuté, étant mort, ainü que le  C 184 ) '5r. Duparc, fon inftigateur ,f Mr. Bottineau obtinc, fous une nouvelle adminiftration un petit emploi de Controleur aux boiffons' pour fubfifter. C'eft au milieu de toutes ces traverfes que M. Bottineau a perfectionné 1'art dont il offre aujourd'hui la découverte au Gouvernement II paroit que fes effais ont fait affez de bruit pour en mériter 1'attention, puifque le Miniftre de la Marine, par une Lettre du 6 Avril 1782,3 recommandé aux Adrainiftrateurs de 1'lfle de France de tenir un Journal des annonces que feroit le Sr. Botti. tieau des navires devant arriver ; ce qu'il a fait exaétement pendant huit mois a la fin de la guerre. Suit un examen de la Lettre du Gouverneur & de 1'Intendant de 1'Ifle de France au Maréchal de Caftries, oh ceux ci , fans lui être auffi favorables qu'il le defireroit, ne peuvent s'empêcher de lui rendre juftice & de lui reconnoftre quelque talent en ce genre. 2 Aotït 1785. Extrait d'une Lettre de Saint Claude du 25 Juillet Puif- que vous vous intéreffez a notre Saint & qu'il fint bruit, j'entrerai volontiers dans les détails de la tranflation de fon corps. > II y avoit prés de fix eens ans que cette précieufe relique repofoit dans une ancienne chaffe, d'un goüt gothique & fermée de toutes parts,a 1'exceptipn d'une petite porte,  C #5 ) par oh 1'on donnoic h baifer les pieds da Saint, & d'une autre qui ne s'ouvroit que dans les occafions extraordinaires pour découvrir le corps en entier. II a été réfolu de lé transférer dans une chdfl'é d'argent ornée de criftaux. Elle a été exécutée par Mrs. Thiébaud, Artiftes de Salins, très-eftimés. Le jour arrêté pour la translation, c'eft-a-dire le 25 Mai dernier, on nomraa des gens de 1'art pour conftater 1'état da corps de Saint Claude, dont la confervation eft un miracle continuel,qu'on fait remonter a plus de mille ans. Au moins , dés 1447 fut-il attefté ainfi par des Commiffaires que le Fape Nicolas V. envoya pour viüter 1'Abbaye. Dans ce fiecle d'incrédulité il étoit bien effentiel de ne lui donner aucune prife. On a donc convoqué fix Médecins & quatre Chirurgiens, atteftant qu'ils ont trouvé ,, le corps d'un homme de grandeur ordinaire; „ que la charpente offeufe eft entiere , a „ 1'exception des petits doigts de chaque main, qui ont paru être arrachés; que ,, les ligamens , les tendons, les capfules, ,, les mufcles & tout ce qui fait la liaifon ,, de cette charpente, eft confervé au point ,, que ce corps ne fait aujourd'hui qu'uu 5, tout, qu'on a pu manier, foulever & re„ tourner facifement, fans avoir è craindre aucune défunion ; que cet affemblage „ offeux & tendineux eft recouvert de tous „ fes ligamens, fauf que 1'on voit a nud les os  C 1S6 j „ caffés du nez; que le globe de 1'ceil gau„ che n'exifte plus; que les oreilles font „ bien confervées, furtout la droite; que „ les mamelons ne font point effacés; que „ 1'on voit encore dans le menton les „ bulbes de la barbe, &c." Du refte, ces officiers de fanté conviennent n'a voir trouvé aucune odeur de parfum qui indiquat un embaumement ou foins recherchés .pour la confervation du corps, d'-autant plus merveilleufe, que le bois de la chafle qui le renfermoit, étoit vermoulu & que la chafle elle-même, par vétuflé , fermoit 13 peu exaclement qu'elle étoit remplie de pouffiere. Le corps de Saint - Claude , bien viflté, a été dépofé dans la nouvelle chafle, du poids \ ue 100 marcs 2 onces, & placé fur un autel de marbre que Meffieurs- du Chapitre orit fait élever exprès. 2 Aotit 1785. Depuis quelque tems une nouvelle courtifanne étoit ici fur les rangs, iduuu paner crene ct attiroit la foule des aimables roués. Elle prétendoit avoir quelques talens pour la comédie & fe difpofoit u juuer ics louorettes. Un M^Beccard, fils d'-un Négociant de Saint Maló, en eft deve. nu amoureux , & n'ayant point de fonds fuffifans a fait ce qu'on appelle des affaires pour fe rendre digne des bontés de M11^ Jtaymona (c eit le nom de guerre de cette fille.). On prétend qu'il a pris a crédit pour  C 187 ) prés de 50,000 livres de bijoux, & quand il n'a plus eu de crédit, & n'a pu lui rien apporter, M,le. Raymond , fuivant 1'ufage, lui a fermé fa porte. Cependant la familie de M. Beccard, inftruite des défordres du jeune homme & de la malhonnêteté de Pobjet de fa paffion, a porté au Lieutenant de Police fes plaintes de Pefcroqucrie de Mlle. Raymond. Citée devant le Magiftrat & invi* tée a rendre au moins les bijoux qu'elle avoit encore en fa poffeffion, elle a répondu qu'elle les avoit bien gagnés. Sur quoi la nuit de famedi a dimanche, elle a été enle» vee & conduite è Sainte Pelagie. On dit le jeure homme a Saint-Lazare. 3 Aoilt 1785. Extrait d'une Lettre de Bordeaux du 20 Juillet , II eft certain que dans le tems oh 1'on faifoit courir le bruit que la folie journée avoit été jouée & huée fur notre théêtre, il n'y avoit rien de plus faux & il n'en étoit pas queftion; mais il eft très-vrai que depuis nos comédiens s'étant mis en devoir de donner cette piece, 1'ayant même fait afficher, le Parlement a mandé les Jurats & leur a dit qu'il s'oppofoit a ce que le Mariagede Figaro füt reprélenté , comme une comédie contraire aux mceurs, aux loix , a la religion, & comme devant être profcrite de tout théatre policé. Les Jurats ont répondu qu'ils obéiroient aux ordres de la Cour, & Pannonce a été fupprimée."  ( m ) 3 A-otit 1785. Extrait d'une Lettre de Madrid du 23 Juillet „ M. Cabarrus, le Law de 1'Efpagne, comme 1'appelle fon cmique, a repréfenté a S. M. Catholique qu'on avoit imprimé & vendu publiquement a Paris, un ouvrage ayant pour titre: de la Banque d'Efpagne, ditede Saint Charles, par le Comte de Mirabeau. Le Roi ayant pris en confidération fon contenu & ne pouvant regarder avec indifférence les calomnies & les fauffetés dont l'auteur cc fes adhérens fe font fervis pour dénigrer 1'honneur & la réputation d'un fujet qui s'eft attiré fa bienveillance & a obtenu un rang diftingué è la cour par fa probité, fes grands talens . Andrê de Murville, jouée hier aux Francois, n'eft qu'une efquiffe extraite du Jaloux de Mr. Rochon. Comme ce font précifément les mêmes principaux acteurs, MiIe. Contat, les Sieurs M.olé '& Fleuri, la reffemblance a été encore plus frappame. Quant a 1'intri. gue,elle eft triviale & forcée tout a la fois,furtout infiniment trop prolongée. Elle confifle dans une lettre, dont la fufcription eft changée par une foubrette que gagne le rival congédié. Des vers heureux, un dialogue lefte, & furtout Ie jeu des acteurs, ont fait applaudir avec transport jufques aux deux tiers de la repréfentation, cette bagatelle , meilleure, fi l'auteur n'avoit pas voulu y mettre trop d'importance & trop tirer d'un fujet auiïï mince; ce qui en a rendu la fin languiffante & ennuyeufe. 10 Aoüt 1785. La difficulté des approvifionnemens de Paris par la riviere de Seine, fe fait fentir prefque chaque année, furtout par rapport au bois, depuis qu'il eft devenu une denrée fi rare & fi chere. Un Mr. De* fur de la Noverre, ancien Capitaine d'Arti!lerie, a imaginé des Eclufes pour rehauffcr les eaux de la Seine dans le tems qu'elks 1 2  C 196 ) font trop baffes & faire difparoftre les entraves qu'éprouve alors la navigation. Mr. le Prevót des Marchands a gofïté Ie projet; il a été mis fous les yeux de M. le Controleur général & ce Miniftre a chargé Mr. le Marquis de Condorcet, 1'Abbé Rochon & 1'Abbé ; le Bojjut, trois Commiffaires de 1'Académie Royale des Sciences, d'en faire 1'examen. 10 Aoüt 1785. Des Lettres du Cap, trèb-fraiches & datées du mois de Juin, ne parient point de la prétendue révolte des Negres; ce qui fait préfumer qu'elle a écé peu de chofe ou rien. Oa dit feulement que les Procureurs gérans fe retireront, fi Pon ne retire pas les Ordonnances; mais il n'y a rien a- craindre. C'eft, comme de bonnes gens difoient, que les Fermiers généraux ne vouloient pas 1'être, depuis qu'on a diminué leurs profits énormes. 11 Aoüt 1785. Mr. le Noir quitte décidemment la Police aujourd'hui. Mr. de Crofne s'eft fait recevoir au Parlement ce matin &, fuivant 1'ufage, Mr. le Doyen de la Grand' Chambre a été 1'inftaller au Chatelet. 11 Aoüt 1785. L'Académse Frangoife ne diftribuera point de Prix d'éloquence cette année dans fa féance de 'la Saint Louis. Elle n'a trouvé aucun difcours digne d'thre couronné. Le fujet étoit l'Eloge de Louis XII. Un auteur, qui de fon aveu n'a pas coneouru, Fa traité; il a fait imprimer le  ( 197 ) den fous un titre impofant: Morale des Rots, puijëe dans l'Eloge du Pere du Peuple, pour fervir de Suite d la Colle8ion des Moralijtes, par le rédacteur de la Morale de Moïfe. Cet ouvrage, qui paroit depuis peu, fait bruit, & 1'on le dit fupprimé. On croit pourtant qu'il n'en eft. rien. L'auteur eft un homme de quaüté, M>'. Touftaing de Richebourg. 12 Aoüt 1785. Ce n'eft que depuis peu qu'on parle de ia mort de Mr. de Pechmeja, arrivée en Mai dernier. Outre que c'étoit un homme de lettres recommandable par divers ouvrages, tels qu'un Eloge de Colbert qui, en 1773, obtint le fecond Acceffit, & Telepbe, roman moral en douze livres, qui a paru en 1784 & a fait bruit; il 1'étoit encore plus par les qualités de fon cceur & par une amitié rare qui 1'a conduit au tombeau. Né a Villefranche en Rouergue, il s'étoit lié trés - étroitement avec un Mr. Dubrueil, fon compatriote, médecin qui, en 1.776, vola de la Province a Paris , au fecours de 'fon ami malade. Cette circonftance le détermina a s'y fixer, en achetant une Charge de Médecin du Roi & des hópitaux de cette ville. Mort le 17 Avril dernier, il avoit inftitué M. de Pechmeja fon Légataire univerfel. Celui-ei.ayant fuccombé vingt jours après a la douleur de la perte de fon ami, a ordonné que les biens qui lui avoient été légués par Ml'. Dubrueil, retournaflent aux parens du teftaceur. 13  C 190 ) 12 Aoüt 1785. Mr. Peyre, Archite&e du Roi, .& de fon Académie Royale d'Architetture, Infpefteur des batimens de S. M. vient de mourir. II eft auteur, avec M1". de Wailly, de la nouvelle Salie de comédie francoife; monument qui ferale plus d'honneur a fa mémoire. 12 Aoüt 1785. II y a dans le Bois de Boulogne, prés la porte de Paffy, une Salie en verdure, que des particuliers du voifi» nage ont fait conftruire, a laquelle ils ont donné le nom de Renelagh & oh 1'on danfe réguliérement tous les famedis. Elle fubfifte depuis plufieurs années. Elle eft foumife a certaine police, a certaines loix, que les afibciés fe font établies entre eux & auxquelles ils s'aftreignent avec févérité; de maniere que la compagnie eft toujours choifie & qu'il ne s'y gliffe aucune fille :chofe d'autant plus merveilleufe qu'elles pullulent dans tous les lieux publics de cette efpece, & qu'on les y recherche méme , pour en faire 1'ornement. . Le Sr. Audinot avoit fixé fon petit fpeétacle dans le voifinage, & ces deux établiffemens fe procuroient du monde réciproquement. Comme il eft queftion depuis longtems d'un arrangement, fuivant lequel la Duché-Pairie de Saint Cloud doit Être transférée fur la Seigneurie de Paffy, ce qui engioberoit ce terrein fous la directe de 1'Archevêque de Paris, le Directeur du Spectacle a c-u  C 199 ) peur d'être expulfé par Ie Prélat & a profité de 1'occafion de fe transférer aïlleurs. C'eft dans ces entrefaites que la Reine fe promenaDt famedi 6 de ce mois dans le Bois de Boulogne,eft venue jufques a cet endroit pour voirj le Spectacle d'Audinot. S. M. a trouvé la troupe difperfée & a daigné, pour remplir le refte du tems confacré a cette partie de plaifir, entrer dans le Renelagh. Les aflbciés ne s'attendoieut point a cet honneur & en ont été comblés. S. M. étoit fans aucun appareil de cérémonie & s'eft montrée dans toute fon affabilité. Les affociés craignant leur fuppreffion, comme Ie Sr. Audinot, fi 1'Archevêquede Paris devenoit leur voifln, ont eu 1'adreffe de faire presfentir leurs frayeurs a S. M. qui, pour les raffurer , a pris des billets d'aflbciation. Enforte que les voilé fous la protection immédiate du Tróne, 13 Aoüt 178)-. L'Arrét du Confeil du 24 Janvier dernier femble avoir eu un effet cout contraire a celui que le Gouvernement fe propofoit. La fureur de 1'agiotage, qui alors n'avoit lieu que relativement aux Dividendes de la Caiffe d'efcompte , s'eft étendue a toutes les ratures d'effets, méme étrangers. Les Actions de la Banque de Saint Charles en ont furtout été 1'objet & un Caffé du Palais.Royal, nommé le Caveau, étoit le lieu du rendez-vous de ces joueurs effrénés, 11 faut fe rappeller que ce genre I 4  C 200 ) de marchés ou de compromis, auffi dangereux pour les vendeurs que pour les acheteurs , coofifte dans 1'engagement que 1'uo prend de fournir , a des termes éloignés , des effets qu'il n'a pas, & 1'autre de les payer faDs en avoir les fonds, avec la réferve de pouvoir exiger le payement avant 1'échéance, moyennant 1'efcompte. Ces engagemens, dépoürvus de caufe Sc de réalité, n'ont , fuivant la loi, aucune valeur ; ils occafionnent une infinité de manoeuvres infidieufes, tendantes a dénaturer momentanément le cours des effets publies, a donner aux uns une valeur exagérée & a faire des autres un emploi capable de les décrier. De-la 1'agiotage défordonné, qui met au hafard les fortunes de ceux qui ont 1'imprudence de s'y livrer, détourne les capitaux de placemeus plus folides Sc plus favorables a 1'induftrie nationale, excite la cupidité a pourfuivre des gains immodérés &fufpecr,s, fubftitue un trafic illicite aux négociations permifes, & pourroit compromettre le Crédit de la place de Paris. C'eft par ces conödérations , & pour re> médier a tous ces défordres naiffans, qu'il a été rendu le 7 de ce mois un Arrêt du Confeil, qui renouvelle les Ordonnances Sc Régiemens concernant la Bourfe Sc profcrit ces négociations abufives. 13 Aoüt 1785. Les petits comédiens de Bsauiolois n'ont pu échapper h la £§rfécution des  ( 201 > des Italiens. II leur eft défendu depuis quel^ ques jours d'exécuter des pantomimes mêlées de chant avec acteurs fur la fcene, autres que des marionettes. On parle d*Ua Mémoire qu'ils doivent diftribuer inceflam-rnent pour leur défenfe. 13 Aoüt 178$. Les différens propriétaires des maifons qui dépendent de SaintCioud , ou conviennent a la Reine, ont dü fe rendre h Verfailles le dimanche 7, pour cxpofer leurs prétentions au Confeil de S. M. On ajoute que la Reine vient d'acheter un lieu qu'on appelle la Marcbe, entre SaintCloud & Ville Davré, d'oii 1'on peut tirer des eaux.. propres h augmenter celles de Saint-Cloud, que S. M. defire rendre les plus belles poffibles» - 14 Aoüt 1785. Les Directeurs ou Entrepreneurs du Spectacle des Variétés, fe font d'autant plus empreffés de répondre aux Comédiens frangois qu'ils ont fu que c'eft £ eux fpécialement qu'en vouloient ces tiyrans dramatiques. On a raconté dans le tems comment ceux - ci ont cherché a étouffer, pour ainft dire , dés fon berceau , cette troupe foraine transplantée au Palais-Royal, ct les efforts inutiles qu'ils ont tentés è cec effet auprès du Baron de Breteuil. Les Variétés ne diffimulent pas aujourd'hui leurs prétentions, & fuggérent hardiment au Miuiftere de les ériger en feeonde troupe, fi ij  (" 202 ) defirée par les auteurs & par tous les amateurs qui s'intéreiTent véritablement aux Progrès de Part. De-la une digreffion qu'on trouve dans le Mémoire, trés- bien faite , fur 1'utilité, la néceffité même des deux troupes, & fur 1'impoffibilité que les Comédiens italiens puiffent être regardés comme tels. Un autre avantage, fuivant l'auteur du Mémoire , c'eft d'étendre par 1'émulation des deux troupes le talent du comédien & d'en multiplier 1'efpece. De-la encore un portrait de cet artifte formant un morceau précieux. Un autre endroit du Mémoire, piquant, c'eft celui oh les Fariétês fe défendent du reproche d'obfcénité & citent vingt pieces ces rrangois plus iicencieulesqu aucune des farces jouées fur leur thé&tre. „ Ils annoncent tous les jours," s'écrie le défenfeur des Sieurs Gaillard & d'Orfeuük: „ Ilsannon4, cent pour la foixante-quatorzierae repré„ fentation une comédie, remarquable fans doute par fon originalité, par la hardieffe de fes farcafmes contre tous les états, „ quoiqu'elle ne préfente que des exemples „ dangereux ct qu on n'y trouve pas un „ feul mot pour la vertu". L articie du Quart des pauvres eft un épifode qui n'eft point oublié. Les Sieurs Gaillard & d'Orfeuük annoncent ' qu'ils payent aux hópitaux 60,000 livres pour les Variétés fculement, ct qu'il s'en faut  C 503') beancoup que les comédiens francois aient augmenté le leur dans la proportion de leur recette. Enfin la derniere anecdote k recueillir da Mémoire, c'eft la gradation de la fortune de la troupe plaignante. Tandis que leur théatre étoit rue des foffés Saint*Germain, la part entiere ne montoit qu'a 8 ou 9,000 livres; au chateau des Tuilleries, elle a été portée jufqu'a 15 ou 16,000 livres; aujourd'hui ils ont un revenu fixe de 300,000 livres pour les loges louées a 1'année , & 1'on confirme que leur part a excédé la fornme de 30,000 livres. 14 Aoüt 1785. Le nceud gordien, diton, de la féparation de Madame Deshoulai* d'avec fon mari & du projet de celui-ci de 1'emmener promptement en Amérique , c'efi la paffion du Prince de Conti pour elle; paffion fomentée par Ia mere de fa femme, ce qui a rendu Madame Giambonne odieufe k fon gendre , lorfqu'il a découvert cette intrigue, dont aucun des deux Avocats n'a eu garde de parler. Elle eft aujourd'hui malheureufement trop publique, & dimjnue étrangement 1'intérêt pour Madame Désboulais. Elle fait connoïtre pourquoi elle a gagné une caufe que tout le monde, en Ia plaignant, regardoit comme perdue ; car , quoique le Prince de Conti ne puiffe être fort agréable au Parlement depuis la révolution arrivée dans la Magiftrature , 00 I 6  C 204 ) concoit qu'un Prince du Sang eft toujours d'un grand poids dans Ia balance. 14 Aoüt 1785. II y a quelque tems que deux Dames comme il faut, fortant de POpéra , alloient chercher leur voiture a pied, rue de Bondy, Elles étoient £blêtres & mifes trés-coquettement. Le Sr. Ouidor , Infpecteur de police , chargé du département des filles, les prend pour telles & les arréte. Ces Dames, qui veulent s'amufer , ne le détrompent point, & fe laiffent conduire chez le CommifTaire , oh elles fe font connoïtre ; ce qui rend fort fot Fofficier de police. Le CommifTaire lui déclare qu'il ne peut s'empêcher de Ie punir d'une telle étourderie, de 1'envoyer en prifon & d'en rendre compte au Lieutenant général de police. On croit que le S>-. Quidor pourroit bien, de 1'aventure , perdre fa place, ou du moins éprouver une interdiction paffagere. Cette nouvelle s'eft bientót répandue parmi les filles, qui en rient. Elles n'aiment pas Je Sr. Quidor; elles; fe plaignent de fes vexations & concuffions: elles feroient euchantées d'en être débarraffées. ij Aoüt 1785. Un Mr. Hofman qui fe plaït a dire du mal du fexe, fans doute perfuadé que c'eft le meilleur moyen de s'en faire aimer , vient encore de Jancer un nouveau farcasme, qui met toutes les  ( 20J ) femmes en fureur. C'eft une Rétrattation dérifoire: \ Eh ! quoi, toujours je médirai des femmes! Eh ! quoi, toujours contre un Sexe enchanteur J'aiguiferai de plattes épigrammes! Non, j'en rougis. Ratturez-vous, Mesdames, Vos mille attraits ont converti l'auteur. Bien corrigé d'un profane délire, A vous chanter il confacre fa lyre, Et vos hauts faits vont orner fon difcours. O fiftion! viens, vole a mon fecours: Infpire.moi; c'eft du bien qu'i! faut dire. 16 Aoüt 1785. Les marchands de bois jnftruits de 1'augmentation demandée par la ville en leur faveur, pour ne point perdre ce bénéfice ont affeclé de n'en point faire venir jufques a ce que le Parlement eüt enrégiftré la nouvelle Loi. De fon cöté, Ia ville a négligé de les y forcer, & les eaux baffes font arrivées, qui en empêchent le tranfport. On s'eft prévalu de la crainte de la difette pourréveilierlademande formée au Parlement. Cette Cour, fentant 1'urgence du cas, n'a pu fe refufer aux volontés du Roi, dont la réponfe a été que S. M. entendoit que fon Parlement n'apportat plus d'obftacle è fes volontés. S. M. en conféquence, a chargé le Premier Préfident de lui rendre compte de 1'exécution de fes ordres, qui a eu lieu le mardi 0 par un enrégiftrement fait aux Chambres afferablées. Dans une alTemblée précédente on avoit I 7  ( 200" ) ouvert 1'avis de mander Ie Prevót des Marchands, afin de lui faire rendre compte de la négligence de Ia ville a veiller a ce que les chantiers foient garnis. Mais le Parlement n'a plus aucune vigueur & 1'avis D'a pas été fuivi. Cependant c'étoit la fuite naturelle du préambule. II porte: Les Prevót des Marchands & Echevins. „ de notre bonne ville de Paris nous ont „ repréfenté que depuis notre Déclaration „ du 8 Juillet 1784, & malgré 1'augmen. „ tation proportionnelle dans les prix du „ bois qui s'en eft enfuivie, les approvi- fionnemens ont éprouvé une lenteur qu'ils „ ne peuvent attribuer aux feules contrarié„ tés de la faifon; que par le compte qu'ils j, fe font fait rendre de 1'état des bois deftinés a la confommation de notre bonne „ ville de Paris, tant pourl'annéeprochaine „ que pour les années fubféquentes, ils ont reconnu que, pour affurer les approvi„ fionnemens de maniere a faire ceffer tou,., tes inquiétudes pour 1'avenir, il leur „ paroiffoit indifpenfable de former a 1'égard „ des deux efpeces de bois, nommées bois „ neuf & boisblanc, un nouveau tarif qui, „ en augrhentant le prix du bois de la pre„ miere qualité, autant qu'il eft néceffaire „ pour en étendre 1'apnrovifioronement. di. „ minuera dans une proportion raifonnable „ celui de I'efpece deftinée tant k 1'ufage " Jes, bou"a«Jgers, qu'è Ia confommatioo w des habitans moins aifés."  C 20? ) 1(5 Aoüt 1785. Le bruit court que Mr. le Cardinal de Rohan, Grand - Aumónier, a été arrêté hier è Verfailles. 16 Aoüt 1785. Lundi fur les dix heures & demie, la Reine eft venue chez Ie Roi, oh ont été appellés !e Garde des Sceaux & M1'. le Baron de Breteuil. Dans ce Comité1'on a réfolu d'arrêter Mr. le Cardinal de Rohan pour caufes que 1'on ignore. On fait feulement que le Roi a dit qu'il étoit jufte de 1'entendre avant de le condamner. En conféquence S, M. 1'a fait venir: il eft arrivé en rochet & tout habillé pour fes fonótions. L'on ignore également ce qui s'eft paffé dans cet interrogatoire, qui a duré environ dix minutes. Après quoi, Mr. le Baron de Breteuil, fuivant fes inftrutlions, a fuivi le Cardinal, a pris avec lui de la part du Roi, Mr. de Jouffroy, Sous-Lieutenant des Gardes-du- Corps de la Compagnie de Villeroy, & a quelque diftance 1'a chargé d'arrêter Ie Cardinal. Bientót eft arrivé le Duc de VU» leroy & le Major des Gardes Mr- d'AguejJeau. Deux Gardes du corps ont été mis h la porte de S. E. & deux Officiers des gardes du corps prés de fa perfonne. Puis Mr. le Baron de Breteuil eft venu mettre fur fes papiers le fcellé qui, fuivant la regie, a été auffi appofé par le Capitaine des Gardes. Dès que le Cardinal eft forti de chez le Roi, S. M. a écrit de fa main a Madame d& Marjan & au Prince de Soubife un.billet.  C 208 ) ponr les prévenir de Facie de rigueur qu'elle écoic forcée d'exercer, en les affurant cependant qu'il ne s'agiffoit d'aucun crime contre 1'Etat ou fa perfonne. L'après-midi, Mr. le Cardinal a étéamené a Paris. Mc d'Agoult, Chef de Brigade, a regu de Mr. de Filleroy 1'ordre de ne pas le quitter, de coucher même dans fa chambre. (*) Mr. de Crofne averti, eft venu mettre le fcellé fur fes papiers au Palais Cardinal. Enfin Pon eft allé mettre auffi les fcellés a fa maifon de Couvray. Le Cardinal de Rohan a fait demander au Roi la permiffion de voir M<\ le Princé de Soubife & Madame de Marjan, & 1'a obtenue. 17 Aoüt 1785. Un Mr. de la Roque, valet de chambre de la Reine, a formé un projet d'aflurance, afin de procurer au journalier pour fes années d'infirmité une exiftence plus certaine & plus commode que ne 1'eft , celle de fes années de vigueur. On en voit une efquiffe dans une lettre qu'il a écrite le 28 Juillet dernier aux rédacteurs du Mercure & inférée au No. 33 de ce Journal. On ne peut qu'admirer le zele de cet ami de 1'humanité & la profondeur des calculs de ee favant algébrifte. II feroit bien £ fouhaiter que fon plan, trés • beau en fpêcu- (♦3 Ou a vu pendant la route deux gardes du corps iar 1» devant du carofle.  C 209 ) lation, n'offrft pas des difficultés infurmostables dans la pratique. 17 Aoüt 1785. Le Cardinal de Rohan a ceuché chez lui la nuit du lundi au mardi. Dans 1'après-dfnée il a affecté de fe montrer a fes fenêtres donnant fur le jardin de Soubife & de jouer avec fon finge. Le foir Mr. le Marquis de Launay, Capitaine & Gouverneur de la Baftille, eft venu prendre fon Éminence pour la conftituer prifonniere. Elle a defiré s'y rendre a pied, ce qui a eu lieu la nuit: on veut que M'-. de Crofne 1'ait auffi .accompagné , ce qui n'eft pas également für. 11 paffe pour conftant qu'il a été envoyé a 1"Intendant de Strasbourg,ordre de mettre auffi les fcellés fur les papiers du Cardinal, foit dans fon palais épifcopal, foit dans fou chateau de Saverne. 18 Aoüt 1785. Une brochure intitulée: Lettre d un ami fur un monument public, par Mr. Dulin, Architeóte, eft fupprimée par un Arrêt du Confeil du 19 Juillet, comme con. tenant des faits faux & injurieux "a la réputation du Sr. Couture, Architefte, &excédant les bornes d'une critique honnête & légitime. Cet Arrêt a été rendu d'après le jugement de 1'Académie d'Architeóture. Elle avoit nommé des Commiflaires pour examiner ladite brochure. Ils en ont rendu compte le 6 Juin, & la compagnie a adopté leur rapport, fervant de bafe a 1'Arrêt. 18 Aoüt 1785. Le mercredi 17, Mr. le  C 210 ) Cardinal de Rohan a été transféré h fors palais-cardinal pour y affifler a la levée des fcellés, ou fe font irouvés tous les Miniftres, excepté le Maréchal de Ségur. Le Cardinal regardant M'. le Baron de Breteuil comme fon ennemi perfonnel, a requis cette formalité, & Mr. le Baron de Breteuil a declaré que fa propre délicateffe ne lui auroit pas permis de remplir ce miniftere, que publiquement & en préfence de témoins refpeélables. i!B\ Aoüt 1785. Mr. de la Peyroufe a appareille de Breft le ie,, de ce mois pour fon voyage autour du monde. Bien des gens révoquent en doute fa capacité, & préten • dent que Mr. de l'Angle, Capitainedu fecond dSoDent' fer0it PlUS Pr°Pre P°Ur i,eXpé* , ^ Aoüt 1785. L'on commence déja i sadoucir en faveur du Cardinal. II a eu permiffion de voir fa familie, qui s'eft rendue aujourd'hui è la Baftille. M1', le Maréchal Prince de Soubife n'avoit pas man. qué d'envoyer è M>, le Prince de Condé un Ex-près pour 1'inftruire de 1'événemeDt, & ce Prince, après avoir demandé 1'agrément du Rni. «vft inint »i» autres parens. On prétend que 1'objet de eette viGte, outre les confolations è donner au prifonnier, eft de le bien coDfeffer, afin de favoir au jufte quelle démarche è faire pour le juftifier, ou obtenir fon pardon. Mr. le Cardinal, outre deux valets de  C 211 ) chambre, a un fecrétaire; ce qui annonce la faculté d'écrire. On perfifte a donner pour motif de fa détention, 1'efcroquerie d'un Collier , fous le nom de la Reine. II faut que cette anecdote foit mieux conftatée avant d'entrer dans aucun détail. Du refte, le Cardinal fait bonne contenance; loin de s'affliger, il confole fes gens: perfonne de fa maifon ne femble impliqué dans cette aventure. On parle feulement d'une Madame de la Motte, une des maitresfes de cette Éminence, qui eft abfente. L'Abbé Georgel, Grand-Vicaire de la Grande • aumónerie, qui avoit autrefois la confiance la pius indme du Cardinal, qui ne 1'a plus tant, mais comme 1'on voit, lui tient encore de trés-prés, chez lequel on a mis auffi les fcellés, n'affecbe pas plus de trifteffe que Son Éminence, II dit: il faut refpefter I'autorité, mais il faut Véclairer, 8* c'eft ce qu'on fera certainement. 19 Aoüt 1785. On juge, fans avoir vu la brochure de feu M'. Dulin, devenue difficile a avoir depuis fa fuppreffion, que IVF. Couture, chargé de Ia conürudtion de 1'églife de la Madelaine, s'eft trouvé vive» ment inculpé par quelque envieux qui a pris le nom du mort & ne s'eft pas contenté d'attaquer fes talens, mais a formé auffi des imputations injurieufes a Ia probité de cet Artifte. Celui-ci en a référé a l'Académie  ( 212 ) d'Architefture, & fa compagnie Ie voyant pleinement juitiné par lexamen des Comrniffaires, a provoqué 1'Arrêt du Confeil, du 19 Juillet. 20 Aoüt 1785. Le Parlement voulant fe juftifier aux yeux de cette capitale qui lui reproche de n'avoir pas affez vivement dé> fendu fes intéréts a 1'occafion de 1'augmentation du bois, comme denrée de première necemte, non content d avoir inféré dans fon enrégiftrement: du très-exprèr comman* dement du Roi, a fait impriraer les Repréfentations qu'on dit trés - fortes de chofes, quoique modérées dans la tournure & 1'expreffion. 20 Aoüt 1785. Extrait d'une Lettre de Bordeaux du 16 Aoüt „ II court ici deux libelies affreux contre notre Archevêque adtuel, M>. de Cicé & fon Clergé. La dénonciation en a été faite au Parlement, & 1'on informe." 21 Aoüt 1785. II s'agit en effet d'un Collier de diamans dans 1'affaire du Cardinal de Rohan. Ceux qui Tont vu, n'en ont jamais admiré de plus beaux, pour leur eau, leur groffeur, leur égalité. Onle dit de 1,600,000 livres. C'eft ce Collier qu'on veut que le Cardinal, è 1'aide de Madame de la Motte qui s'étoit annoncée comme faufilée chez la Reine, ait efcroqué des Jouailliers Bohmcr & Bajjangts , fous prétexte que S. M. engouée de ce bijou, vouloit 1'acquérir fecrétement  ( 213 ) & a crédit. Quoique cette anecdote entraine beaucoup d'invraifemblances, elle eft fi généralement répandue, elle eft atteftée par tant de gens faits, Ce femble, pour en être inftruits & fi dignes de foi, qu'on ne peut gueres fe refufer d'y croire. On perfifte a dire que cette Madame de la Motte eft en fuite, parcequ'elle eft abfente. 21 Aoüt 1785. Mr. le Marquis de Louvois vient de mourir. C'étoit un Roué de la première efpece, mais homme d'efprit, fertile en calembours & méchancetés, dont on a rapporté des échantillons." 21 Aoüt 178J. Depuis longtems on n'avoit vu le parterre de la comédie italienne' exercer une ceufure auffi févere que celle du jeudi 18 de ce mois. On jouoit la première repréfentation de Lucette, comédie nouvelle en trois aftes & en profe, mêlée d'ariettes, paroles de Ml'. Lantier, mufique de Mr. Frizieri. Dés la fin du fecond acte, les murmures Sc les huées ont été fi forts Sc fi foutenus, que les acteurs ont été obligés de fe retirer. Pour remplacer le troifieme acte, ils ont propofé de donner 1'Amant Statue; ce qui a été adopté avec beaucoup d'applaudisfemens. Cet opéra-comique, ci-devant en vaudevilles, a été mis en mufique par Mr. d'Aleyrac, & joué pour la première fois le jeudi 4 Aoüt, avec uu grand fuccès. La  C 214 ) grace, la fratcheur, la légéreté qui carac térifent le genre du compofiteur & conviennenc parfaitement au ton de 1'ouvrage, 1'ont rendu tout nouveau. M'le. Renaut, dont on a annoncé le brillant début, excelle furtout dans cet opéracornique. Sa voix flexible, douce, flütée y convient merveilleufement, & fon goüt exquis en fait valoir les nuances les plusdélicates. C'eft une cantatrice charmante. 22 Awt, 1785.. Le gouvernement s'annonce enfin comme décidé k effedtuer le projet de démolir les maifons fur les ponts. Un Arrêt du Confeil, du 14 de ce mois, autorife les Prevót des marchands & Eclv> vins de la ville de Paris a donner, dès ce moment, congé a tous les locataires des maifons appartenantes a la ville fur le pont Notre Dame & fur le pont au Change; leur ordonne de faire démolir lefdites maifons dès le mois de Janvier del'annéeprochaine, & pour indemnifer la ville du facrifice des ioyers defdites maifons, ne formant actuellement, déduétion faite des frais de réparations, qu'un produit de 50,000 livres patat); S. M. a 1'a'venir & pour toujours, la décharge de tous les frais relatifs k 1'entretien des jurifdiétions & prifons, dont la dépenfe fera payée par Ie Domaine de S. M , comme elle 1 étoit ci-devant. Malheureufement toutes ces maifons n'appartiennent point a la ville; mais il fera dif-  C ary ) ficile, en démolifTarjt les fiennes, que celles des particuliers ne foient pas eotraïnées dans cette fubverfion commune, fauf a lesindemnifer tcllement quellement. 22 Aoüt 1785. La foire Saint ■ Laurent tombe abfolument: il y va fi peu de monde que les fpectacles des boulevards ont obtenu du Lieutenant- général de Police d'y revenir. II eft bien a craindre pour la redoute chinoife qu'elle ne fe trouve envelop, pée dans cet abandon du public, furtout depuis que le Wauxhall d'été a ouvert: on s'imaginoit que c'éioient les Directeurs de la redoute qui avoient fait ériger celui-ci. On allure que non aujourd'hui. On prétend que les marchands de la foire, depuis le départ des Speétacles, veulent auffi quitter & ne plus payer leurlocation, attendu le vuide plus grand qui va réfulter de la clóture de ces Salles. 22 Aoüt 1785. Depuis deux ans qu'on n'a parlé du nouveau Palais de cette capitale, il s'eft encore plus développé, & quoiqu'il ne foit pas fini, a beaucoup prés, les connoiffeurs peuvent 1'apprécier. Les partifans de ce monument admirent les proportions légeres de la facade, 1'élégante iimplicité de la grille, la grandeur impofante de la cour, 1'immenfité de 1'efcalier. Les Critiques trouvent, au contraire, celui-ci roide, vafte, fans nobleffe; ils blament ces deux efpeces de puits ou de cavernes dom  C 2I«5 ) il eft accompagoé: les afles du batiment leur femblent mesquines , relativement au corps du milieu, lourd & point majeftueux ; la cour trop petite pour la maffe du bati. ment; la grille infiniment trop chere fi elle coöte deux eens mille livres, comme 1'aflu-. rent les gens du métier. Quoi qu'il en foit,■: les faifeurs d'iufcriptions font actuellement occupés a en chercher quelqu'une digne d'un pareil édifice. Un Mr. Troncy, Avocat au Parlement de Bordeaux, regarde comme plein de jufteffe 1'impromptu d'un Sieur de Beaujiere, s'écriant: Accipit Mc meritis presmia quifque Juis. Ce pentametre conviendroit tout au plus a la falie de diftribution des .prix de quelque college, Un Jurifconfulte propofe une épigraphe tirée de Jultinien: Suum cuique tribuere; mais elle fent furieufement les écoles de Droit. II en faudroit une qui équivalüt a celle du cadran: Sacra Themis mores dum Pendula dirigit hor as, 22 Aoüt 1785. II y a peut - être un mois qu'on citoit une Lettre adrefTée par le Controleur général au Sr. de Beuumarchais, telle que celui - ci la defiroit, ou le Miniftre lui témoigne de la part du Roi, que S M. agrée fa juftification , en eft fatisfaite & eft difpofée è lui en donner des marqués. Oa révoquoit en doute cette prérendue lettre, d'autant mieux qu'elle ne recevoit point & n'a pas même encore regu la publicité a laquelle elle fembloit deitinée. Cependant oa  (217 ) on ne peut gueres ne pas Ia regarder comme authentjque d'après tout ce qui fe paffe. Vendredi 19, on a joué au petit Trianon ]a piece du Barbier de Séville. La Reine a fait le róle de Rofine; M1'. le Comte d'Artois celui de Figaro; Mr. le Marquis de Vaudreuil étoit le Comte Almaviva', le Duc de Quiche, Bazile, & le Bailli de Cruffol , le Docleur. On affuroit même que Ie Sr. de Beaumarchais avoit été admis en conféquence dans cette illuflre fociété qui a defiré prendre de fes legons; mais il paffe pour conftant a Ia Comédie que c'eft le Sr. d'Azincourt qu'ou a mandé & confulté. On veut enfin que pour fatisfaétion corsplette, le Sl'. de Beaumarchais ait fur la casfette du Roi une penflon de 100 livres. II n'en a pas voulu de plus forte. 22. Aoüt 1785. On n'a pas manqué de faire un calembour fur 1'aventure de Mr. le Cardinal de Rohan. Comme c'eft un Collier qui en eft le principal reffort, on dit que c'eft le dernier coup de collier que donnera la Maifon de Rohan , que le Cardinal n'eft pas franc du collier. 22 Aoüt 1785. On a parlé, il n'y a pas longtems, d'un Mr. Quatremere d'lsjonval, connu par des Prix remportés a 1'Académie des Sciences, donuil étoit membre depuis peu. II fembloit tout occupé d'expériences relatives a Ia meilleure maniere d'éduquer les moutons & de rafiner leur laine. Oa a Tome XXIX. K  été trés - furpvrs d'apprendre qu'il étoit ea fuite , de . voir le fcellé mis chez lui par Ordonnance,&a. vertu d'une banqueroute frauduleufe qu'on évalue a prés de deux millions; chofe d'autant plus étonnantc , qu'il étoit jeune eacore & fort d'une familie riche & très-connue dans le commerce. 22 Aoüt 1785. La fuite de la querelle de Mr. 1'Abbé de l'Epée, comme Infiituteur des fourds & muets, avec un Mr. Nicolaï, dont ie jugement avoit été déféré par le premier a 1'Académie de Berlin, a été que cette compagnie n'a point voulu s'en mêler. Son Secrétaire perpétuel a répondu qu'elle ne portoit fon jugement que fur les pieces envoyées au concours pour les queftions propofée? par elle. II convient en même tems que Mr. Nicolaï auroit dü mettre plus de politefle dans fa critique , & il reproche a Mr. 1'Abbé de l'Epée de . repandre trop de ehaleur dans la pourfuite de ce prétendu procés. \ 23 Aoüt 1785. Mr. Loir, Peintre du Roi & Confeiller en fon Académie Royale de Peinture & de Sculpture, vient de mourir. II avoit quelque talent pour le portrait. II a expofé une feule fois^au Sallon en 1779» je portrait de M>; Belle, fon confrère , peint en paflei fur cuivre. C'étoit fon morceau de réception. 23 Aoüt 1785. Extrait d'une Lettre du Cap Fïsngajs du 20 Juin „ M'. Francois  C 210 ) ie Neuf-Chateau , Procureur général au Confeil fupérieur de cette ville/homme de lettres, longtems dans 1'indigence, devient aujourd'hui protecteur & rémunérateur des talens. II propofe un prix extraordinaire de aj Portugaifes (1650 livres argeat de la coloniej pour le meilleur Mémoire qui fera remis jufqu'au premier Mai 1787, fur les moyens defabriquer pour Saint-Domingue, une efpece de papiers & de cartons qui ayent la propriété deréfifterauxinfedtes qui dévorent les papiers publics & les bibliotheques On ne dit point encore a quel tribu. nal fera portée la décifion. Peut-étre, comme membre de plufieurs Académies & affo. cié honoraire du Cercle des Philadelphes , M1'. de Neuf-Chateau fe réferve-t-il cette décifion, qui, au refte, eft plus une chofe d'expérience que de raifonnement. 23 Aoüt 1785. U paroft un ouvrage précieux & fort rare deftiné comme Suite aux Mémoires pour fervir è la vie de Foltaire, écrits par lui-même. Il a pour titre: Frédéric le Grand., U contient des anecdotcs curieufes fur la vie du Roi de Pruffe regnant, d'autres fur fes amis & ennemis, ainfi que les caracteres de la familie de Sa Majefté. 11 eft précédé de fon portrait phyfique. C'etf. une compilatioh de dilférentes mains, mais rangée avec ordre par un feul rédac teur, & contenant beaucoup de chofes neuves ou peu connues. Ce qui femble devoir K 2  ( 220 ) donner plus de confiance a ce recueil, c'eft qu'on le juge le réfultat d'obfervations faites en grande partie par des membres du corps diplomatique, qui fouvent different dans leur fa§on de voir & de rapporter. De-la , des contradictions fenfibles que, faute d'attention, Ie lecteur pourroit mettre fur le compte du rédacteur. Quoique tout 1'ouvrage ne foit pas, a beaucoup prés, a la louange du Roi de Pruffe, on ne doit pas le regarder non plus comme un libelle. Le rédacteur montre 1'impartialité de 1'hiftorien , ct le dernier paragraphe qui termine, eft confacréa r.efuter les paragraphes les plus fanglans &' les plus odieux des Mémoires de Voltaire. 23 Jtüt 1785. M1'. le Cardinal continue a jouir d'une liberté fort extraordinaire a la Baftille , furtout dans les commencemens. II y voit beaucoup de monde. Mü. de Emnkres, fon Avocat, a eu permiffion de conférer avec luijCt 1'on veut qu'il foit queftion de la part de cette Éminence de préfenter Requête au Parlement pour y être jugé. On affure que le Roi lui ayant demandé fa démiffion de la Grande-Aumónerie , il a répondu: „ Sire, vous ne 1'aurez qu'avec ,, ma tête. Ma Charge n'eft point • une „ Charge domeftique , mais une Charge de 1'Etat." On ajoute, qu'interrogé par Mr. le Lieutenant-général de Police, il Ie refufé de lui répondre, difant qu'il ne le  ( 221 ) regardoit pas comme partie compétente pour femblables fonctlons. Gette affaire devient de jour en jour plus gïave& fecomplique par le nombre des accufés & des dérenus. Madame de la Motte a été arrêtée a Bar-fur - Aube, ou auprès , dans une terre, & amenée a la Baftille, le famedi 20. On nomme un.Baron de Planta, comme arrêté auffi. On apprend a 1'inftant que le Comte ct la ComtefTe de Cagliojïro, dont la maifon étoit entourée d'efpions, ont été pareillement emprifonnés. 24 Aoüt 1785. La petite troupe des comédiens de Beaujolois , a trouvé grace auprès du Miniftere, & depuis lundi a obtenu la liberté de reprendre fes pantomimes. 24 Aoüt 1785. On ne ceffe de converfe fur 1'aventure du Cardinal & principaiement fur le motif de fa détention. On ne peut concevoir qu'il fe foit permis une efcroquerie auffi béte: & voici comme on 1'explique. Le Comte de Caglioftro, dont il eft queftion depuis plufieurs années & qui d'abord s'étoit établi h Strasbourg , a eu occafion d'y voir le Cardinal, de s'en faire connoftre & gagner fa confiance. Ce Prélat eft fort déraugé & auroit grand befoin d'argent. Le Comte, qui eft alchymifte , lui a perfuadé qu'il lui feroit trouver la pierre philofophale. S. E. a donné dans cette ^himere, & s'eft flattée qu'elle auroit le K 3  C 222 ) • . tems de payer Ie Collier avant que Ie fau^ füt découvert. Ce qu'il y a de für, c'eft que le Cardinal vivoit en grande intimité avec le charlatan, montroit même une forte de^vénération pour lui. Et fi 1'on s'étonne qu'un homme d'efprit comme le Cardinal ait été dupe d'un pareil charlatan, la folie du Mesmérifme qui a pris avec tant de fu. reur auprès de gens infiruits , de favans, d'Academiciens, donne la folution de ce problême. On vaplus loin aujourd'hui, & 1'on veut que le Comtek Caglioftro, qui vivoit magnifiquement, fans vouloir recevoir d'argent de perfonne, füt entretenu par le Cardinal. 24 Aoüt 178J. Le grand procés concernant les immunités du Clergé, a commeneer par la foi & hommage , qui devoit fe juger définitivement durant cette féance, ne Je fera que I'année prochaine, oh raffemblée doit être continuée. Elle a feulement pro» duit fes défenfes dans des Mémoires imprimés , mais qui percent difficilement: la Chambre des Comptes eft intervenue , a compofé auffi un Mémoire imprimé, mais également rare quant è préfent. 27 Aoüt 178J. Le Sr. Pigalle vient de mourir. Ce qui peut confoler de Ia perte de ce grand artifte , c'eft qu'il vieillifföit beaucoup & auroit été forcé incefTamment de fe livrer au repos. Mais fes confeils auroient toujours pü être fort utiles aux  ( 223 ) «onfreres courant la même carrière. Au refte , il eft mort invefti de titres & de dignitésT II étoit Ecuyer , Sculpteur du Roi, Chevalier de 1'Ordre de Saint-Micheï, Chancelier de fon Académie Royale de Peinture ct Sculpture, 1'un de fes quatre Recteurs, Membre de 1'Académie-Royale des Sciences & Belles • Lettres de Rouen , & Citoyen de la ville de Strasbourg. 2j Aoiii 1785. Extrait d'une Lettre dé Marfeille du 15 Aoüt „ Ou ne vous a rien exagéré cn vous rendant compte des honneurs prcdigués a Madame Saint Huberty: nous approchocs des folies des Anglois pour leurs acteurs. Madame de S\ Huberty a dcnné ici vihgt-trois repréfentations, toutes eourues avec une fureur extréme. Les vers, les couronnes lui pieuvoieat de toutes paris. Elle a rempcrré de celles -ci fur 1'impérialë de fa voiture plus de cent, parmi lefqueiies plufieurs de trés grand prix. On lui a donné des fêtes fans fin; mais celle fur Peau étoit digne d'une Souveraine, & mérite d'être détaillée. Madame Sc. Huberty, vêtue ce jour-la k la Grecque , eft arrivée par mer fur une trés-belle gondole , portant le pavillon de Marfeille, armée de huit rameurs& marchant a la voile. Prés du lieu du rendez-vous 9 elle s'eft trouvée enveloppée d'environ deux eens chaloupes chargées de monde accouru pour voir la fête & encore plus ctlïe qui K 4  c 224; en étoit 1'objet. Elle a débarqué au bruis d'une décharge de boëtes & des acclamations du peuple. Un moment après elle a remis en mer pour jouir du fpeétacle d'une joüte. Le vainqueur lui a apporté la couronne & 1'a recue de nouveau de fes mains, avec le prix de fon triomphe. On a voulu donner a Madame Su Huberty le fpectacle d'une pêche dans un immenfe filet, qu'on n'a jamais pu tirer a caufe de 1'affluence. A la fortie de la gondole , Madame St. Huberty a été faluée d'une feeonde falve; le peuple a danfé autour d'elle, au fon des tambourins & des galoubets, tandis que , couchée h la Turque , fur une efpece de Divan, elle recevoit en Reine les hommages des fpeélateurs des deux fexes. On 1'a conduite enfuite a travers une haye de pavfi'ens illumicés dans ur,e raajfon de plaifance voifine. On 1'a fait entrer fous une tente, oh 1'on avoit élevé un petit théatre champêtre. L'on y joua une petite piece allégorique , compofée en Phonneur de cette Divinité d'opéra par un poëte Provencal, trés-bien verfifiée ct remplie, malgré Ie fujet trivial, de traits heureux & de penfées ingénieufes. Pendant le Bal qui fuivit, Madame Si. Huberty fut placée fur une Eftrade entre Melpomene & Polymnie, deux Mufes de la Piece. Enfuite illumination au dedans & au dehors: enfin un fouper fplendide de foixante cou-  C 22J ) eouverts, dreffé dans une falie ouverte de tous cótés ou plutót fermée uniquement , fuivant 1'ufage du pays, par une grille en bois, a travers laquelle le peuple s'empresfoitd'admirer 1'héroïne. Sur la fin du repas on a chanté, la galerie a fait chorus: vous penfez bien que Madame Sl. Huberty n'a pasété oubliée dans ces couplets. Elle a répondu par quelques couplets en patois Proven» cal; On a porué fa fanté; les vivat repétés,.& une falve générale ont terminé la fête. ■ 2j Aoüt 1785. Relation de la Séance; publique de PAcadémie Francoife , tenueaujourd'hui pour la diftribution'des Prix. Deux incidens ont occupè le Public avant que Meffieurs arrivaffent pour prendre leurs? places & ouvrir la Séance. Le premier arété le fpeétacle d'un groupe de douze ou; quinze perfonnes auxquelles on avoit réfervé: un rang particulier, & qui font venues Toc-cuper , précédées d'un Suiffe & avec tout 1'appareil de la diftinction. On a jugé quec-e n'étoit qu'une feule familie , paree que' hommes, femmes & enfans , tous étoient: également vêtus de noir; ce qui caraétérifoit plutót un enterrement qu'un triomphe & a déforienté fur le véritable objet de leur préfence. Après bien des recherches en a appris que c'étoit la familie de celuiqui avoit mérité le prix de Vertu.. L'annonce du Prédicateur du matin: a* formé le fecond incident. Mrs. les Acadé^ t S  ( 226 ) miciens avoient fans doute chargé Ie Suiflc de cette proclamation , & tandis qu'il fe placoit dans lebanc du Gouvernement, elle a été fuivie de vifs & longs applaudiffemens. II fe nomme de la Boiffiere; il eft grand & lefte; fa figure eft k la fois, vive, fpiri. tuelle & modefte. II paroft extrêmernent jeune: il eft le premier qui ait profité de la liberté donnée par 1'Académie de fubftituer un fujet de morale k 1'Eloge de Saint-Louis. Le fien étoit Ia Charité ; il a obtenu un fuccès univerfel cc d'autant plus .flatteur que c'eft le début de 1'orateur dans la carrière évangélique. Mr- de Slint ■ Lambert, Chancelier de 1'Aeadémie, qu'il préfidoit en 1'abfence de IvK de Buffm , Directeur , a annoncé que le Prix d'encouragement, fbndé par Mr. de Falbelle, avoit été adjugé 3 Mr. de Murville; ce qui eft ancien , & ce qu'on a coafigné dans le tems, avec la fdcheufe anecdote qui ' an a été la fuite. II a dit encore que le i Prix deftiné a 1'ouvrage le plus utile 61 dont le Donateur eft anonyme , avoit été remis & feroit doublé 1'année prochaine. A 1'égard du Prix confacré 'a Vaclion Ia plus vertueufe , c'eft au Sieur Poultier, i huiffier-prifeur, qu'il a été décerné pour le : défintéreffement noble & fimple avec lequel il a refufé un Iegs de prés de 200,000 livres, en exbortant le teftateur de laifier fon i>kn a fes héritiers naturel?. Le S>-. Poultier 1 ■  C 227 ) a accepté la Médaille d'or , mais il en ft remis la valeur, qui eft de 1,080 livres,au Secrétaire de 1'Académie , comme un don qu'il fait de fon propre mouvement au nommé Chaffin, Portier de M'. de Vülxers, Adminiftrateur des Domaines, pour une aftion du même genre que la fienne, mais qui n'ayant pas été faite dans 1'année, ^ainli que 1'exige la fondation de ce Prix, n'a pu eoncourir. Le Sr. Poultier n'étant point dans cette aflemblée, oh il avoit déclaré a Mr. de Marmontel que foa extréme fenfibilité ne jut permettroit pas de fe trouver, le Secrétaire a remis la Médaille a Madame Poultier , dont la jeuneffe , la figure intéreffante & pudique, ont excité les battemens de mams de toute 1'affembiée. Ml'. de Saint ■ Lambert a continué fes annonces , en avertiffant que le Prix de 1'Eioquence, dont le fujet étoit l'Eloge de Louis XII, Pere du peuple, étoit remis a 1'année prochaine. II a gémi fur le petit nombre de concurrens pour un Eloge auffi beau , d'un auffi bon Roi, auffi propre h exciter le zele des Orateurs francois. Encore dans le petit nombre de difcours envoyés a 1'Académie, un feul s'eft-il rencontré digne de quelque attention. Les Juges Pont trouvé bien écrit, bien penfé; mais la forme d« Dialogue que l'auteur avoit pris leur a répugné. Ils ont préfumé qu'elle n'avoit pas E ö  ( 228 ) permis è l'auteur de donner è fon fujet tornte développement néceffaire.. Mr. de Saint Lambert a Ju quelques réfie xions fur la maniere de nos jeunes orateurs qui n'offrent que leurs penfées h écouter au fpedtateur , cc ne ie Jaiflent point penlèr Jui-même. II a lu a cette occafion des réflexions excellentes fur 1'utilité & le bat véritable des Eloges des grands hommes , propofés aux jeunes Littérateurs : il a efquiffé un croquis du regne & du caractere de Louis XII, afin de leur indiquer la route a fuivre cc les points fur lefquels 1'Académie defiroit qu'ils s'arrêtaffent principalement. La réforme de 1'adminiftration de la Juftice, dégénérée en vrai brigandage, eft un des moreeaux fur lefquels il a infifté. Mr. de Saint' Lambert ayant fini M"r Séguier^ s'eft levé cc a dit: „ Meffieurs s, je réclame pour ma Compagnie contre „ une afiertion de Mr. le Chancelier,: il me „ femble qu'il a reproché au Parlement de „ vexer les Parties, de s'approprier les „ dépouilles des plaideurs. Jamais cela n'eft arrivé. Dans tous les tems de la Monarty chie, le Parlement a été integre cc pur. Mr. de Saint Lambert a voulu parler appa.. remmen t des CommiJJions." Mr. de Saint' Lambert a répondu tranqui^ lement a Mr. 1'Avocat général: ,,Mqnfieur, „ j'ai rendu au Parlement la juftice qu'il.  ( 22© ) ,, mérite" : paree qu'en effet, en mêma tems qu'il 1'avoit inculpé a I'égard des Plaitieurs, il 1'avoit loué de fon zele è raffermir I'autorité Royale contre les entreprifes des grands vaffaux de la Couronne. Le Secrétaire a lu k fon tour le Program, me d'un Prix extraordinaire , propofé par une perfonne du plus haut rang , qui ne veut pas être nommée, pour 1'ouvrage en vers, dans lequel on aura célébré le plus dignement , au jugement de 1'Académie frangoife, le dévouement héroïquedu Prince Maximilien- Jules-Léopold de Brunswick, qui a péri dans 1'Oder en allant au ftcours de deux payfans entraïnés par les eaux. Ce Prix h décerner le 25 Aoüt 1780", fera une Médaille d'or de la valeur de 3,000 livres. Cette fomme, que le Secrétaire a aitecté de" faire fonner plus haut que le refte du discours , a fait croire avec raifon que M'V Marmontel en fentoit toute la valeur. II s'eft répandu en même tems dans Pas» feinblée que Mr. Ie Comte d'Artois étoit l'auteur du Prix. Mr. Gaillard ayant encore fur le cceur 1'affront qu'il avoit effuyé dans Ia cruelle féance du 27 Janvier dernier, a voulu profiter de Ia tranquiilité & du vuide de Ia féance aétuelle pour prendre fa revanche. II a eu Ia force de lire une digreffion fur la. Pucelle d'Orlêans, qu'il regarde comme un. ctes fujets les plus favorabïes a 1'Epopée , K 7  C 230 ) etitre tous ceux de 1'hiftoire moderne. II a pouffé la hardieffe jufques a critiquer Vol- 1 taire , jufques a blêmer Findécence avec 1 laquelle il avoit dégradé une héroïne, mar- I telée par Cbapelain dans fes vers froids & I barbares : quoiqu'il n'ait rien dit de neuf I fur tout cel?, quoiqu'il ne fe füt pas défait de fon ton pédantefque & guindé, les auditeurs 1'ont écouté fans murmure , & 1'cnc 1 même applaudi quelquefois. C'eft Mr. Marmontel, dont Partiele defb'né j 11 1'Encyclopédie fur les Etudes relatives u \ VEloquence, a continué d'emporter les faffrages <5t de ravir 1'affemblée, Ce Differta- teür fyftêmatique profcrit les diverfes j méthodes de Quintilien, de Rollin , & de | tous fes prédëcefTeurs qui ont écrit fur cette I matiere. 11 prétend que Ia feule fagon de I former les jeunes gens a la réthorique, c'eft I ëe leur lire quelque morceau d'un livre { elaffique en ce genre, & de les obliger en- | fuite de rendre ce morceau, de mémoire, dans une autre langue. A cette difcuffion I affez feche,il a fait fuccéder un mouvement I oratoire, oh fe faifant 1'objedtion tant de I fois répétée: d quoi fert l'Eloquence dans un t Etat Monarcbique, vifant même au Defpotis- \ me ? II a fait une énumération pathétique j de tous les objets qui refloient encore è ï traiter aux orateurs & y a fait venir adroi- 1 tement les anecdotes du jour, qui ont ajouté | plus de force & d'intérét h fes.exemples.  C 231 ) La féance a été terminée par la Ie&are qu'a fait Mr. Bailly d'un Eloge de Marivaux, ouvrage pofthume de Mr. d'Alembert, ok le confrère eft encore plus fatyrifé que loué; le tout, a la maniere du défunt, trèsfouvent bouffonne. Ce morceau auroit pu paffer pour Ia petite piece d^ftinée a faire rire Paffemblée, fi la longueur d'une heure entiere de leclure, n'eüc au contraire contribué è la faire ballier. 26 Aoüt 1785. La Reine vient décidément lundi prochain 29 è Saint Cloud , &- le Roi, mardi, avec toute leur cour; ce qui fait une fuite d'environ mille perfonues a loger en un auffi petit lieu. En conféquence les maréchaux des logis marquent impitoyabiement a la craie les maifons & les appartemens qui paroiffent leur convenir, & par préférence ce qui eft loué par les habitans de Paris, s'ils en font abfens. 27 Aoüt 1785. Comme Madame de & Motte joue un grand róle dans 1'aventure du collier, 1'on s'en entretient beaucoup, & fon hiftoire d'ailleurs eft finguliere. Elle eft Valois en fon nom , & defcend de cette maifon de France par un bütard de Henrill, Elle étoit dans la plus grande mifere oc demandoit l'aumöne. Elle intéreffa Madame de Boulainvilkrs , la femme du Prevót de Paris. Elle excita furtout fa curiofité par ce nom de Falois,au point que cette Dame demanda a voir fes titres: elle les fit exa-  C 232 ) miner: ils furent trouvés en bon état, 6V fi" bons que le gouvernement ne püt s'empêcher de la reconnoitre pour telle , elle ,. une fceur & un frere qui étoit matelot, & de leur donner du fecours. Le frere fut fait Enfeigne dans la Marine & eft aujourd'hui Lieutenant de Vaiffeau, fous le nom de Baron de Saint - Remy de Valais. Elle a époufé un Mr. de la Motte, qui eft Gardedu-Corps d'un des freres du Roi. On ne dit point ce qu'eft devenue 1'autre fceur. Quant a celle - la , elle s'eft trouvée tresdifpofée a la dépenfe, a la galanterie & aFintrigue; elle eft jolie, toute jeune encore,& vivoit avec un tres grand fafte. Un Jouaillier a dépofé que peut-être un mois avant la cataftrophe du Cardinal, elle étoit venue lui propofer d'acheter des diamans ,. qu'elle dit lui avoir été donnés en préfent par un Américain,. auquel elle avoit rendu des fervices importans. Ce Jouaillier la pria de lui confier ces diamans, faifant un objet trop confidérable pour qu'il en fit feul l'acquifition. Madame de. la Motte les lui laiffa. Revenue,, elle trouval'offre qu'il lui faifoit, trop foible. Et cependant il a fu qu'elle les avoit vendus h un autre Jouail. lier pour le même prix. Mr. de la Motte étoit auffi faftueux que fafemme: il portoit des diamans a tous les' doi°ts. La veille de fa détention, cette Dame avoit écé dïner a Clairvaux en carofle-  ( 233 ) a fix clievaux: 1'Abbé avoit regu fes lettres pendant le repas & fachant 1'intérêt qu'elle prenoit au Cardinal, avoit héfité longtems a lui parler de la nouvelle du jour qu'on lui apprenoit. Comme elle leprefibitcependant, il ne la lui diffimula pas: elle n'en fembla point fort émue. Mr. de la Motte n'a point été arrêté. 27 Aoüt 1785. Cette année ■ ci femblöit devoir être trè s favorable au bied; cependant il y en a une grande quantité de moucheté5 c'eft »a-dire de taché de noir. Mr. 1'Intendant de la Généralité de Paris , defirant remédier a cet accident & a fes fuites, a engagé la Société Royale d'Agriculture de s'occuper d'une inftruclion ccpable.de remplir fes vues. Mrs. Parmentier & Cadet de Vauxt les grands faifeurs, ont été chargés de la rédaétion. L'objet de leur travail eft d'augmenter la valeur du bied moucheté dans le commerce ct d'en préparer un pain de bonne qualité. 28 Aoüt 1785. II paffe pour conftant qu'hier les trois Miuiftrcs, c'eft-a • dire > Mrs. le Baron de Breteuil, le Comte. de Vtrgennes & le Maréchal de Cafiries fe font rendus a la Baftille & ont fignifié de la part du Roi au Cardinal que fous un délai de quatre jours il eüt h opter d'être jugé , foit par le Parlement, foit par une Commiffion,. foit de recourir a ia clémence du Monarque» lis lui onc ajouté que S. M., afin de luj  C 234 ) procurer toutes les facilités de fe déterminer I en connoiffance de caufe , lui permettoit I durant eet intervalle de voir fa familie & I les divers jurisconfultes proprcs a 1'éclairer I fur le parti è prendre. Ceci eft relatif a la conduite de S. E. I «nvers Mr. de Crofne& conhrme fon refus I de répondre a ce Lieutenant de Police. 28 Aoüt 1785, Le même événement qui I fait s'entretenir de Madame de la Motte, I donne auffi, occafion de s'entretenir du Comte de Cagliojlro, dont cependant on a déja parlé. On le préfente aujourd'hui fous ïin nouveau point de vue. C'eft un des Chefs de la feóte qui s'appelle les llluminés en Allemagtre, les Martinijles 3 Lyor., & les Tliéofophes a Paris. II feroit diffkile de rendre compte du fond de la doctrine de ces enthoufiaites, qui eft un grand galima-j thias, comme on a pu juger par quelques livres qu'ils ont publiés , entr'autres un, intitulé: de la vêrité. On veut auffi que i les affemblées d'Ermenonville euffent quel- ■ que rapport avec ces folies. Quoiqu'il en 1 foit, le Cardinal crédule y donnöit, &; ceux qui Ie défendent, reprochent au Com;e : de Cagliojlro de 1'avoir abufé & conduit ou 1 il eft. 29 Aoüt 1785. Oh a rendu dans le tems s è M1:e. Tbeodore la juftice qu'elle mérite en i la plagant beaucoup au deffus des danfeufes i ©rdinaires, non feulement par fes talen?, ,  ( 23J ) Baais par fa philofophie & par fes cennoiffaaces en littérature. On voit dans Je Mercure du 27 de ce mois- une lettre d'elle trèspiquante, fous le nom «le femme d'Aubervai qu'elle eft aujourd'hui. Après avoir capté d'abord la bienveihance des Journaliftes par des iouanges qui doivent les flatter,, mais a travers lefquelJes on reconnoit qu'elle fait au fond apprécier tout ce que vaut ce Journal, elle venge fon mari des plagiats du S'; Gardel. £lle fe fert de 1'ironie avec beaucoup de gafcé & de fineffe. On y apprend ce que 1'on ignoroit; que Ie Sr. d'Aubervai eft aujourd'hui Maftre des Eallets de Bordeaux, & il parofc que c'eft fur les compofitions qu'il imagine pour le théatr* la capitale de Ia Guyenne, que le Sr. Gas> del a calq tié depuis quelque tems fes plans de pantomimes a 1'Opéra. 11 faut entendre Ia défenfe de celui - ci. 29 Aoüt 1785. Mardi dernier, 24, Mr. le Préfident de Corberon, Préfident de la première Chambre des Enquêtes, d'après un dire de Mr. d'Eprèmefnil, a dénoncé.aux Chambres affemblées 1'enlévenaent du Cardinal & de plufieurs autres perfonnesj ce qui devoit intéreffer la Compagnie, comme chargée de la haute police & de veiller a Ia fureté des citoyens. II a dit qu'après avoir été, au nom de la Chambre, le premier k exciter le zele du Parlement, k 1'occafion des défordres & des déprédations de 1'hópital  ( 235 ) des Quinze-vingts, ou- le Prince Louis , com¬ me cher cc luperieur, le trouvoit compromis, il croyoit devoir oublier en ce moment cette accufation pour venir au fecour-s d'un Prince de 1'Eglife , du Grand- Aumónier accablé fous un coup d'autorité. Cette dénonciation n'a pas produit d'effet; il n'y a eu que 34 voix pour 1'admettre. Le refte de la Compagnie, au nombre de 45 voix, qui ont fuivi le Préfident d'Ormes* fon, a été d'avis de renvoyer la délibération a un tems plus opportun, ce qui fignifie véritablement qu'elle ne veut pas s'en occuper , cc eft une véritable reconnoiffance tacite qu'elle fait de la légitimité des lettres de cachet, contre lefquelles le Parlement s'élevoit autrefois avec tant de force. On ajoute que plufieurs membres avoient eu recours h la Chambre des Comptes, en avoient confulté les Régiftres, avoient lu les titres d'éredtion de la charge de GrandAumónier, cc avoient reconnu qu'il n'étoit point inamovible ; que les Rois s'étoient toujours réfervé la faculté de les changer & les renvoyer, & que nommément les Provifions du Cardinal de- Rohan étoient précifes la - deflus. 30 Aoüt 1785. Extrait d'une Lettre de Strafbourg du 14 Aoüt „ Mr. Weu- lerjje, Ingénieur - méchanicien de la marine du Roi, inventeur d'une machine propre a fér-vk de ventilateur dans les hópitaux-,  C 237 ) conformément aux ordres du Miniftre, eu eft venu établir une dans Phópital militaire de cette ville. II 1'a pofée & 1'a fait joue* lui* même en préfenee de plufieurs officiers généraux & des officiers de fanté. On a reconnu unanimement qu'elle rempliffoit parfaitement fon objet, en chaffant avec rapidité le mauvais air qui circule dans les falies. Cette machine eft d'autant plus utile qu'elle eft fimple " 30 Aoüt 1785. C'eft Mr. Vidault de la Tour qui eft a la tête de la Librairie, quoique cette place n'ait été gueres occupée jufqu'a préfent que par un Maitre des Requêtes. Le nouveau Chef eft Confeiller d'Etat. 31 Aoüt 1785. Mr. le Coulteux de la Noraye trouvant plus facile & plus commode de faire arrêter la Lettre du Comte de Mirabeau que d'y répondre, a obtenu un Arrêt du Confeil, en date du 24 de ce mois, qui Ia fupprime, non - feulement comme contraire aü bon ordre, mais comme contenant des expreffions injurieufes a 1'honneur d'un citoyen, jouiffant d'une réputation méritée & héréditaire dans fa familie, ainfi qu'h celui des Administrateurs d'un établiflement protégé par S. M. & que leurs fonctions & leur conduite auroient dó mettre a 1'abri des inculpations dirigées contre eux dans 1'ouvrage profcrit. On concoit que cette phrafe concerne Meffieurs lés Directeurs de la Caiffe d'efcomte.  ( 238 ) Bu refte, quoique Mr. Ie Comte de Mirsieau foit nommé en toutes lettres dans 1'Arrêt du Confeil, & reconnu pour l'auteur de 1'écrit, rien de direct, contre lui, & il y eft ménagé avec le plus grand foin. Ce qui confirme de plus en plus Paffeclnon dont 1'honore le Miniftre des finances. 31 Aoüt 1785. "Extrait d'une Lettre de Lille du 27 Aoüt i78j „ f\jr. Blau¬ wbard , que nous avons eu le bonheur dc pofféder ici, nous a d'abord amufés avec diverfes épreuves d'une machine qu'il appelle Parachute, avec laquelle un corps lancé d'en-haut, tombe trés-doucement & fans éprouver ni contufion, ni commotion, ni froiffement. M. le Prince de Robecq, Commandant de la Province, lui a fait 1'honneur d'y affifter une fois & a été trèsfatisfait de cette invention. Ce jour même il faifoit du vent ct de la pluie, qui n'ont ea rien empêehé 1'expérience. Tout cela n'étoit que le prélude du quatorzieme voyage que cet iofatigable Aëronaute devoit entreprendre avec un Chevalier de l'Epinard. Le jour de la Saint - Louis étoit indiqué a cet effet , & cependant le Sr. Blanchard ne s'étant pas mis en devoir de remplir fa pro. meffe , les Magiftrats de cette ville , qui ne font pas plaifans, 1'obligerent de comparoir le foir pour leur rendre compte des motifs de fon retard ; & ils jugerent è propos de le faire garde? a vue jufques au lendemain,  C 239 3 qu'il s'élsva fur les onze heures avec fas eamarade, trés - msjeftueufement. Ils faluerent le public de leurs drapeaux, fur les•quels étoient peintes les armes de la ville, Dans le cours de fon afcenflon, Mr. BlanichaYd lacha de nouveau fon Parachute, auquel étoit attaché un chien qui defcendk fans fe faire aucun mal. Ou appereut le Ballon pendant trois quarts-d'heure fuivant la direction du vent, & Pon ne fait encore oia il eft allé." ler. Septembre i?8j. Mr. Je Garde des Sceaux vient de faire renouveller, cn faveur du Sr. Lallemant, Imprimeur a Rouen, qui jouit de la Nobleffe, le privilege d'exercer fon art & le commerce de la Librairie fans y déroger. Tout gentilhomme a droit aux avantages de ce Privilege. ■ icr. Septembre 1785. Aujourd'hui, Mr. Ie Dauphin a été inoculé par ordre du Roj dans le chateau de Saint-Cloud, en pré» fence de toute la familie Royale, de Madame la Gouvernante des Enfans de France, & des premier^ officiers de fanté qui doivent fuivre cette inoculation. C'eft Mr. Jaubertbou, Médecin Confültant de Mr. Ie Comte d'Artois, le grand faifeur en ce genre & qui a déjè inoculé le Roi & la familie Royale, qui a été chargé de cette opération. II a pratiqué , fuivant la méthode des piqüres fur les deux bras du Prince, 1'inferticn du kvain variolique pris lur les bou-  C 340 ) tons varioleux & en pleine fuppuration d'ua enfant de deux ans & demi. Mc. de Laflbne, premier Médecin du Roi & de la Reine, Mr. Brunyer, Médecin des Enfans de France & Tlnoculateur avoient eu ordre d'examiner & de confrater d'avance Pétat aétuel de 1'enfaut, dont ils ont été fatisfaits. Ils ont pareillement reconnu & certifié la bonne fanté du pere & de la mere, dont les mceurs régulieres & la bonne conduite ont été aufli atteftées de la maniere la plus authentique par M. de Crofne, Lieutenant-général de Police, qui avoit été chargé de cet examen particulier. Ier. Septembre 1785. Une anecdote dont on a parlé depuis la détention du Cardinal, mais trop invraifemblable pour ne pas en exiger la confirmation, étant aujourd'hui conftatée de ftcon a ne pouvoir fe refuflr de la croire, mérite d'être rapportée. Dans le court intervalle oh le Cardinal refta a la garde de M1'. de J'ovfroy, lorfque le baron de Breteuil retourna vers le Roi, S. E. ne perdit point la tete. bous pretexte üe prescrire quelque arrangement domeftiqué chez elle, elle emprunta un crayon de cet officier, & fur une carte écrivit quelques mots en Allemand. Elle la donna fur le champ a un Heyduque qui fit feller promptement un cheval & fe rendit a Paris. Par Ia levée du fcellé on a découvert que ce Billet portoit de brfiler les papiers con- tenus  ( 240 tenus au carcon No, G. Ce que 1'Abbé Georgel a avoué avoir fait, & fur les re proehes du Miniftre il lui a répondu avec" fermeté: „ Monfieur, je n'ai remP!i que ,, mon devoir, comme vous en vers le Roi „ lorfque S. M. vous donne des ordres " * Mr. de Jouffroy réprimandé de fon cóté d avoir aifféécrire le Cardinal, a répondu que fes ordres ne lui prefcrivoient pas de 1 en empecher; que d'ailleurs il avoit été fi troublé de rapoftrophe inufitée de Mr le Baroni de Breteuil: Monfieur, de la part du Roi, futvez-moi, qu'il n'en étoit pas encore revenu & ne favoit trop ce qu'il faifoic. En effet, comme cet officier eft dérangé & a des dettes, if a avoué qu'il a craint que 1 ordre ne le regardat perfonncllement. 2 Septembre i78j. Les divers Arrêts du Confeil quon vient de publier, dont 1'obiet eft de donner une nouvelle aclivité aL manufaétures nationales & de faire jouir le royaume de tous les avantages que fon foi fespro^^ doivent lm procurer, ont déja réveillé 1'é" mulation générale. Afin de m eux 1'exciter Mr. le Contróleur général vifite fuccXe'. ment les plus effentielle. de cette capitale. Ce Miniftre, qui avoit déja été voir les ™ch.ne,acarder&iffler li co ton qu" les Sr. Milmr ont portées au plus haut point tePZ%?:°l> & Cd,es non ™™ «He. XXLXT &LkMeS eXéCUCéCS'  C 242 ) s'eft transportë récemment h Ia manufaéture Royale des papiers peints du Sr. Rêveillon \ établiffement le plus confidérable & le plus complet qu'il y ait en ce genre. Le même jour, après avoir été aux prifons de 1'hótel de la force, Mr. de Calonne a examiné dans le plus grand détail Pat-télier de fttature en foie du Sr. Villers, ainfi que Ja maifon d'afïbeiation , dont 1'objet eft de perfeciionner les gazes. Cette branche capitale de notre commerce a commencé de fieurir en France fous HenrilV. ElleJ avoit été négligée & reprend unq nouvelle vie par les encouragemens qu'elle re^oit. JSIous avoos des foies parfaites en France; notre apprêt eft fupérieur, aucune pation ne 1'emporte fur nous pour I'élcg ince des deffins. La fineffe & 1'égalité du filé deftiné aux gazes nous man'quoient: c'eft a quoi s'occupe la maifon d'affociation. Les pioulins du Sr. Villers y ont été adoptés & ont produit une foie plus.belle, plus écla. tanteen blaucheur, plus fine & auffi forte que la foie venue de la Chine. Cette foie, en outre, proveuoit de cocons de vers élevés h Paris. Mr. de Calonne les a préfentés pu Roi, & la Reine a déclaré que déformais elle ne porteroit plqs que des gazes francoife?. Mr, le Controleur eft allé voir encore & CJignancour, chez le $r.Granchert les ou-r VfÖgeg quj s'y fpqt en acier poli, & i l a.  ( 243 ) reeonnu qu'ils égaloient les plus finis de 1'Angleterre, 11 en a choiü une épée qu'il a préfentée au Roi. S. M. a recu auffi & porte une épée en plaqué d'or de la nouvelle rnanufaéture du Daaty. De fon cóté la Reine femble prendre a cceur de faire profpérer la nouvelle manufaclure de verres & criftaux , écablie a Saint-Cloud fous fa protection. Enfin le Sl'. Jrgand, véritable inventeur des lampes les plus parfaites, vient d'obtenis un privilege pour formcr en France un éta. bliffement dont 1'objet eft de procurer une maniere agréable d'éclairer fans la moindre fjmée. 2 Septembre 17R5. Les arts vienpent de perdre le S>'. le Roi, horlcger du Roi 6c penfionnaire de S. M., mort le 25 Aoüt, êgé de 68 ans, fils du fameux Julien. 11 avoit hericé de fes talens & foutenu fa gloire. 11 eft auteur des montres marines qui lui mériterent le Prix de 1'Académie des Sciences. II n'étoit pas fimplément artjfle ; il avoit 1'efprit cultivé par 1'étude des belles lettres. II étoit particuliéiement verfé dans la phyfique & 1'aftronomie; ce que prouven? fes Etrennes Chrométriques , qu'il ne faut pa$ confondre avec les almanachs, quoiqu'el'es en aiènt la forme. 2 Septembre 1785. Le réfumé des opérations principales de la police durant environ dix ans, que Mr. le Noir en a été chargé L 2  C 244 ) a deux reprifes, eft fans doute le plus bei éloge qu'on puiffe en faire. Et c'eft a Mr. Suard qu'on eft redevable de cette efquiffe rapide. Ce Magifirat, pendant toute fon Adminiftration, a entretenu dans Paris la füreté, la tranquillité, la falubrité, Pordre & 1'abondance. Jamais il n'y eut moins d'affaffinats, de vols & de défordres. Paris, qui n'étoit éclairé la nuit que dans les jours 011 il n'y avoit pas de lune, 1'eft aujourd'hui durant toute 1'année. On doit auffi è Mr. le Noir 1'illumination du cheminde Paris a Verfailles. Sous lui, les corps de garde pour la företé publique ont été multipliés; les marchés ont été agrandis & augmentés. Une nouvelle halle a été ouverte : on a retrouvé , pour convrir celle au bied , un procédé oublié ou perdu. La pompe h feu a pris naiffance & doit procurer Parrofement des rues, auffi utile a la falubrité qu'a la propreté. Plufieurs cimetieres ont été tranfportés hors de la ville: les fecours propofés par la phyfique & la chymie pour prévenir les effets de méphitisme, & pour rappeller a la vie les noyés & les afphixiés, ont été mul- ■ tipliés ci employés avec le plus "grand i fuccès. On doit a M1'. le Noir 1'inftitution du 1 Mont de piété; il a prévenu les défordres 1  C 245 ) du chateau de Bicêtre.en occupant plus de 4,000 prifonniers. Les vaiffeaux de cuivre pour le tranfporc du lait, d'un ufage fi dangereux, ont été réformés, ainli que les balances de ce métal pour le débit du tabac , du fel & des fruits. M1". le Noir a fait défc-ndre auffi les' comptoirs de plomb chez les marchands de vin.. Ce Magiftrat a fait établir dans tous les corps de garde , des civieres ou brancards commodes, garnis d'un matelas, è la difpofition du public pour tranfporter les malheureux frappés d'apoplexie dans les rues, bleffés par une chüte, éerafés par une voiture, &c. II feroit fans doute difficile de trouver une adminiftration plus pleiue & plus utilement remplie dans une periode de tems auffi courte. Enfin, pour dernier trait è ce tableau , Mr. Suard a oublié d'ajouter que c'eft par le concours de Mr. le Noir, que le donjon de Vincennes, vuidé de fes prifonniers , ouvert au public, a ceffé d'être un monument de I'autorité defpotique. 3 Septembre 1785. On fait. aujourd'hui que Mr. le Cardinal de Rohan a écrit en réponfe des ordres que les Miniftres lui ont intimés, une réponfe au Roi, oh il déclare ne vouloir point recourir a la clémence de S. M. dont il recounoit toute 1'étendue, L 3  C H<5 ) mais dön't heureufement, h'étant pas coupable, il n'a nul befoin, II rejette auffi la Commiffion, comme un tribunal iflégal j par lequel il ne fe croiroit pas juftifié pleinement. II choifit enfin le Parlement. En conféquence, il a été tenu un grand Confeil è Saint-Cloud il y a quelques jours, & il a été décidé d'envoyer des Lettres patentes d'attribution a cette Cour,mais elles ne font pas encore expédiées. 3 Septembre 1785. Le Prince de NaJJauSaarbruck a ratifié & confirmé le 2 Aoüt au chateau de Saarbruck , en préfence du Prince regnant, fon pere , & des Princes fes beau-pere & beau-frere, fon mariage avec la PrincefTe Maximïlienne de Monibarrey, célébré les 6 & 9 Oótobre 1779 > a Saarbruck & a Reishoven en Alface. 4 Septembre 1785. La difcorde s'eft mife dans la Société de 1'harmonie. Des membres fe font plaints de la conduite du S1'. Me/mer qui ne rempliffoit pas les conditions du marché & ne leur révéloit point fon fecret. Mr. d'Eprémesnil eft a la tête. Le Dodteur a répondu : il prétend que c'eft le Magiftrat qui manqüe a fa parole. Cette guerre in» reftine a produit des écrits imprimési mais qui reftent jufques a préfent renfermés dans le fein des adeptes. 4 Septembre 1783-. Une réfurrection fort singuliere 'eft celle du Jaloux fans amour. Cette coriiédiè } de IvK Imkert raorte &  ( 247 ) entcrrée en 1781, graces h M?*. Contat & aux autres acteurs', quoiqu'elle ne foit pas améliorée de beaucoup, a reparu avec une forte de fuccès, pouffé jufques k dix repréfentations, dont la derniere doit avoir lieu mercredi. 4 Septembre 1785. Le Duc'is Eerry a été inoculé a Saint-Cloud, dans la rnaifon de M1'. de Chalv.t, le même jour que Mr. Ie Dauphin, & avec les mêmes formalités. 5 Septembre 1785. Le Mémoire de la Chambre des Comptes annoncé, eft de M'. de Saint ■ Genis , Confeiller Auditeur des Comptes. La Chambre 1'a fait diüribuer a chacun de fes membres;' ce qui le reed moins dillïcile a trouver dans ce moment. 11 a pour titre: Défenfe des Droits du Roi contre U's prèttrdions du Clergé de France fat cette quejlion: les Ecciêjiaftiques doivent-ils d S. M. la foi £f hommage, l'aveu £? dénombrè* ment, ou des déclarations de temporel pour lei hiens qu'ils pojjedent dans le Royaume ? II paroit que le Clergé, dans 1'efpoir de fe fouflraire aux impofitions pour lefquelles on le tourmente depuis longtems, a pouffé fes prétentions plus loin & a foutenu qu'il eft exempt de tous droits & devoirs féodaux envers le Roi, pour les terres titrées & non titrées dont il jouit. Ses moyens ont été expofés dans des Mémoires très-amples & raiTembL's principalement dans l'inftruction imptimée , dont la L 4  C 248 ) rédaclion eft attribuée a Mi 1'Archevêque d Aix. • 1 Mr. de Saint Genis prend fucceffivement chacune des quatre propofitions fervant de bafe au FaSlum du Clergé. II établit les quatre propofitions contraires qu'il prouve par les faits; il rcleve plufieurs erreurs qui ont eu lieu de la part. de fes défenfeurs dans 1'application de ces mêmes propofitions; il fe livre k des réflexions fur le danger d'admettre les prétentions de cet Ordre. Eufin il prouve que 1'intérêt des Eccléfiafiiques, celui du Roi, de 1'Etat & des Citoyens, fe réunisfent aux monumens de la légfflation & de 1'hiftoire, & exigent que les devoirs de la féodalité foient exaclement remplis par les membres du Clergé. II feroit ennuyeux d'entrer dans un développement plus étendu de ce Mémoire, trés-important pour fon objet, mais trés fee dans fa difcuflion. II faudroit avant, définir une foule de termes barbares, dont le nom feul effrayeroit, & fe livrer enfuite a des détails troplongs. II fuffit d'en avoir. offert le réfultat. • 5 Septembre i7Sy. Auiourd'hui lundi un méchanicien Efpagnol, fe difant penfion- ne de la cour d'Elpagne, & de la Société de Barcelone, fe propofe de parcourir la Seine è pied fee, par le moyen de fabots de fon invention. L'enceinte de la Rapée, oh 1'on fait Ia JOÜLC. 3  C 249 ) joute , agrandie de plus du doublé h cee effet, fera le théatre de 1'expérience, déja faite en préfence" du Comte de Vergennes, du Prevót des Marchands & d'autres perfonnes de diftinétion. 5 Septembre 1785. La Banque a été dans une grande fermentation depuis 1'Ar.rêt du Confeil concernant la Bourfe. L'argent eft devenu fi rare que le papier des meilleurs Banquiers s'eft efcompté a fept & huit. La Caiffe d'efcompte a gardé fes fonds. Enfin il y a eu une députation vers M>'. le Contróleur général , pour le prier de vouloii' bien venir au fecours des Banquiers. 6 Septembre 1785. Les Lettres patentes concernant 1'affaire du Cardinal ont d'abord été portées en blanc aux Chefs du ParlemenE pour les examiner ; ils y ont trouvé deux chofesa réformer; la première, en ce qu'on attribuoit è cette Cour, comme Commiffiori feulement, Ia connoiffance du procés: Ia feeonde, en ce que le Roi vouloit qu'il füe jugé durant les Vacances. On s'eft concilié & elles ont été enrégiftrées aujourd'hui a la Grand' Chambre aflemblée, Le Procureur général doit demain rendre plainte en conféquence , & Mr. Titon de Villotfan eft défigné d'avance pour Rapporteur & pour informer durant les vacances. La Cour auroit defiré que ce fftt Mtv d'/lmecour, fon Rapporteur; mais il eft de la Chambre des Vacations & n'aaroif prj L 3  C 2J0 ) avoir Ie tems de faire une Inftrudtion auffi ample. Le corps du délit énoncé dans les Lettres parentes, eft Pachat d'un collier de diamans 'fous le nom fuppofé de la Reine & 1'exhibi'tion d'une ïignature prétendue de S. M. 6 Septembre 1785. On a parlé de prétendus Bons de places de finances, qui s'agio'toient & fe commercoient d'avance furtöüt Velativement au bail des Kermes qui va fè renouveller. On a déja dit qu'un Arrêt du 'Confeil avoit profcrit févérement ces mar'chés, Aujourd'hui, par un autre Arrêt dó 'Confeil du 28 Aout, le Roi ordonne que, 'par le Lieutenant général de Police & les Officiers du Chatelet y tenant la Chambrè des Vacations, le procés fera fait aux auteurs & complices de traités , marchés & rrégb- j cianons de 1 eipece ci • deüus. On concert I fort que tout cela n'eft qu'une dérifion. 7 Septembre 1785. II paffe pour conflant I 'depuis quelque tems que Mr. d'Entrecafteaux ) 'eft mort de douleur a Lisbonne; qu'avant ii I adéclaré être feul auteur du crime du meur- I tre de fa femme, (Sc n'avoir aucun complice. 11 a raconte que, pour le commettre , rl Vétoit mis ablolument nud & s'étoit enfuite , plongé dans le puits de fa maifon , de facon 'qu'il ne reftat fur lui aucune tracé de fang. 7 Septenike 178J. La Marquife de hi'gnclay, dont le germe de la conteflation avec I lfóh 'mari Te 'rapporte k Ja mort du Duc  (W ) 4e Caylüs, anecdote coDfignée dans Ie tems;; ne peut qu'encourager les femmes fes femblables par 1'heureufe iffuë de fon affaire. Elle s'étoit pourvue au Chatelet pour obte« nir fa féparation de corps & avoit été déclaïéenon recevable par Sentence du 30 Décembre 1783, qu'un Arrêt du 2 Mars 1784. avoit confirm'ée. II ne lui avoit accordé que deux mois pour rentrer dans la maifon de fon,mari: Madame de Seignday fur fa demande que ce délai füt prolon^é d'un an, 1'avoit obrenu par Arrêt du 11 Mai 1784; fous prétexte du mauvais écat de'fa fan té , elle s'étoit retiréechez le Marquis de Bahune, fon pere. D'après une requête du mari , le 14 Juillet fuivant Arrêt qui ordonne provifoirement qu'elle rentrera au couvent &j fur fa demande de refter chez fon pere > renvoye les parties a 1'audience. Madame la Marquife de Sdgnehy a rendu plaime en la Cour, de la requcte infurieufè & diffamatoire du Marquis de Seignelay ; elle a requis de nouveau fa féparation dj corps en articulant des griefs poftérieurs. Tel eft le fommaire de ce qui a précédé 1'éloquent plaidoyer de Maftre Gerbkr, qui a déterminé enfin hier 6 Septembre les juges en faveur de fa cliënte. Ils 1'ont admife a la preuve des faits. 8 Septembre 1785. L'Expérience de lundi dernier a complettement réuffi. L'Efpagnoï i»?eft placé fur 1'eau fans autre fecours què L €  C 252 ) fes fabots, dont la forme n'eft pas connué: il a avancé dans la riviere, tantóc fuivant , tantót contre le courant,- il s'eft arrêté quelquefois & d'autres fois il s'eft baiffé pour prendre de 1'eau dans le creux de fa main, & dans ces deux fituations il n'a pas paru dériver. Sa marche étoit lente & fembloit pénible, furtout par la difficulté de garder fon équilibrenl eft reflé fur 1'eau de quinze h vingt minutes & , avant de regagner le bord, il a quitté fes fabots, qu'il a laiffés dans une.efpece de boëte qui étoit k flot, sfin d'en cacher la configuration & la nature aux fpettateurs. On avoit eu foin de commander un bSteau qui fe tenoit k une certaine diftance, toujours difoofé a fecourir le marcheur. 8 Septembre 1785. Extrait d'une lettre de Lille du 27 Septembre Mr. Blanchard & le Chevalier de VEpinard font de retour jci: ils font defcendus le même jour de leut départ, vingt-fix Aofit, a Servon en Clermontois, diftant de foixante - trois lieues de Lille. Ils fe trouvoient aux envirqns de Stp. Menehould & s'y font rendus le lendemain. Le Corps Municipal, prévenu de leur arrivée , eft venu les recevoir aux portes de la ville, accompagné des Chevaliers de 1'arquebufe en armes, leur a préfenté le vin d'honneur & leur a donné k éïner. M'', Blanchard prétend avoir fait environ  ( 2J3 ) cent ving£ üeues en fept heures par les dé* viations qu'il aéprouvées; il alloit è Paris, mais un courant 1'a porté dans les Ardennes & de-la en Champagne. Les Magiftrats de notre ville ont félicité les voyageurs, ont configné 1'événement dans leurs regiftres, & après avoir défrayé le Sr. Blanchard, doivent lui faire un préfent qui, je crois, fera une boëte d'or aux armes de la ville, de la valeur de 1200 livres, avec une infcription analogue. Quant-au Chevalier de l'Epinard , il eft au deffus d'une récompenfe & ne veutqu'ua témoignage de 1'eftime & de 1'admiration des Magiftrats. Mr. Blanchard va partir pour Francfort, oh il eft defiré depuis longtems & d'oh fans doute il entreprendra un quinzieme voyage. g Septembre 1785. Comme tout eft important dans le grand procés du Cardinal , voici la teneur même des Lettres patentes. Louis , &c. ayant été informé que les nommés Bohmer & Baffanges auroient vendu su Cardinal de Rohan un Collier en briilans; que ledit Cardinal h I'infgu de la Reine , notre très-chere époufe &. compagne, leur auroit dit être autorifé par elle a en faire Pacquifïtion moyennant le prix d'un milüon fix eens mille livres payables en différens tems, il leur auroit fait voir a cet éffet de prétendues propofitions qu'il leur auroit exhibées comme approuvées & figoées par  ( 254 ) Ia Reine; que ledit collier ayant été livré par lesdits Bohmer & Baffanges audit Carditaal, & le premier payement convenu entre eux n'ayant pas été effectué, ils auroient eü recours a la Reine: Nous n'avons pu voir fans une jufte indignation que 1'on ait ofé èmprunter un nom augufte & qui nous ett cher.è tant de titres, & violer avec uné témérité auffi inouïe le refpeét. dü a la Majefté Royale- Nous avons penfé qu'il étoit de notre juftice dè mander devant nous ledit Cardinal& fur la déclaration qu'il nous a faite qu'il avoit été trompé par une femme nommée la Motte de Valais, Nous avons jugé qu'il étoit indifpenfable de noli's I affurer de fa perfonne & de celle de ladirè ] 'la Motte de Valais , & de prendre les mefir- ; ;res que notre fageffe nous a fuggérées pour découvrir tous ceux qui auroient pu être auteurs ou complices d un attentat de cetre ] nature, & Nous avons jugé a propos de vous 'en attribuer la connoiffance s pour être ?e Procés par vous inftruit & jugé, la Grand' Chambre affemblée ... A ces Caufes &c... & attendu que h matiere requiert célérité, pour ne pas laiffer 'perdre les preuves qui pourroient dépérir : par le retardement, Nous vous mandons & ordonnons d'informer desdits faits ci-deffus* Circonftances & dépendances k la requöte dê notre Procureur général , & k cet effet de commettre tels d'entre vous que vous avife-  C 255 ) 'rez , pour procéder k 1'audition des témoins qui feroient nommés par notre Procureur général , & faire tous autres aétes tendans è conftater lesdits faits & délits , lefquels Nous avons autorifés è procéder auxdites inftruétions, même en tems de Vacatiohs, pour lesdites informations & autres procédures rapportées devant la Grand' Chambre aflemblée après la rentrée de notre Parlement - y être par vous ftatué, ainfi qu'il appartiendra.. 9 Septembre 1785. Depuis ce printem's on a repris les travau'x de la grande muraillè dont on veut enceindre Paris & 1'on acbete au poids de 1'or les terreins dont on a beloin pour que rien ne rétarde cet important ouvrage. C'eft ainfi que JVP-. 1'Abbé Phi~ ■lippe, Confeiller de Grand' Chambre & Doyen de Saint Marcel, a vendu en cettè derniere qualité fix perches , douze mille livres. Lorfqu'on s'eft trouvé 'a la hauteur da Palais bati fur les nouveaux Boulevards pour Mademoifelle de Condé, il y a eu une fuspenfion en cet endroit relativement a la demande de la PrincefTe & d'autres Grands Seigneurs voifins , qui follicitoient ou un reculercent ou une grille. On ne fait comment cette difficulté eft terminée , ou fi même elle 1'eft ; on n'en a pas moins pour* fuivi les travaux au-dela. 9 Septembre 1785. Entre les différetvtes 'critiques pullulant déja de toutes parts fur ,  C 2JÖ- ) lei Sallon, il faut diftinguer les Réjiexions impartiales fur les progrès de 1'art en France £ƒ fur les Tableaux expofés au Louvre par ordre du Roi en 1785, de Mr. 1'Abbé Soulavie ; oh ce dernier objet qui n'eft que fecondaire, eft traité en grand & relativement au vafte ouvrage qu'il fe propofe & dont il a déja répandu un Profpeclus fur une nouvelle maniere d'envifager & d'écrire Phiftoire de France; c'eft-a-dire, celle de li Nation & de fes grands hommes, plutót que celle de feb Souverains. 10 Septembre 1785. La fermentation continue parmi les banquiers & agioteurs : üs fout furieux de ne point voir paroitre 1'Arrêt qui devoit modifier celui qui, en gênant les fpéculations , a porté un coup mortel a la confiance & fait baiffer tous les effets. C'eft au mois de Novembre que le dépót d'effets des Négociations antérieures a 1'Arrêt doit avoir lieu , pour qu'elles foient valides, & ce dépöt devient impoffible, puifque la fpéculation porte fouvent fur un plus grand nombre d'effets qu'il n'y en a; ce qui va occafionner des procés fans fin aux Confuls. Ces conteftations ne laiffent pas que d'embarraffer Mr. le Contróleur général,qui ne les avoit pas prévues, On lui avoit perfuadé, qu'en arrêtant ces marchés chimériques , Ia fureur de 1'agiot fe porteroit fur fon Eroprunt de cent vingt • cinq  C 257 ) rnillloHs, lui fourniroit un véhicule; & au contraire, il fe décrédite plus que tout le refte. C'eft d'autanc plus facheux que la crife furvient précifément au moment oü le Miniftre des finances ne peur gueres fe difpepfer d'ouvrir encore un Empruut. 10 Septembre 1785, Entre les Tableaux du Sallon expnfés cette année, on diftingue une Sainte Tberefe en extafe de Mr. Tailfoffon. Elle eft applaudie généralement. On. veut qu'un' plaifant ait a ce fujet adrcffé Pimprornptu fuivant a 1'artifte: Taillafan! óte de ce lieu Ta Therefè trop actorable! Tatidis qu'elle fe donna a Dieu, Elle nous fait douner au Diable. Du refte, il eft bon d'obferver en paffant que Ml'. Taillajjm eft en outre un homme de lettres, auteur d'un ouvrage intiiulé; Danger des regies dans les Arts. 10 Septembre 1785. Le fujet du Prix de Peinture cette année étoit Horace qui tue fa Smir Camille. Le premier Prix a été adjugé a Mr. Potain de Verfailles, éleve de Mr. Vincent; le fecond a Mr. Duvivier de Bruges, éleve de Mr. Suvée; &le Prix réfervé en 1783, a Mr. De/marais, éleve de M'. Doyen. Quant aux Prix de Sculpture, le premier  ( 258 ) dont le fujet étoit Brutus qui ordonne luimime le fupplice de fes enfans, a été décerné a Mr. Michalon de Lyon , éleve de Mr. Monat; le fecond, a Mr. Gerard-, de Paris, éleve. de Mr. Boizot, & le Prix fondé par Mr. de la Tour, a Mr. -Ie Thiere, de la Guadeloupe. Le premier Prix d'Arehiteóture, dont lé fujet étoit un Monument fépukbral pour les Souverains d'un grand Empire , a été donré a Mr. Moreau & le feeond a Mr. Fontaine. ii Septembre 1785. Par un Mandement 'de PArchevêque de Paris, qui permet de faire des quêtes pour la rédemption des freres captifs dans la régence d'Alger, on apprend que pour prix de la rancon des trois eens treize Efclaves rachetés, il en a coüté fix eens trente mille cinquante-deux livres, nori compris les frais de la quarantaine & ceux des habillemens, ainfi que les frais de route pour aller rejoindre leurs families; de forte que les deux Ordres de la Merci & des Mathu'rins font arriérés pour le rachat aeluel de deux eens mille francs. 11 Siptembre 1785. L'affemblée du Clergé qui fe prétend extrêmement furchargée par le Don gratuit de cette année, a remis a 3'année prochaine de ftatuer fur Pencouragement qu'elle donne aux profélytes,a ceuxqui s'occupent de la défenfe de la Religion, de f&s Miniftres, même de la confervation des  C 2J9 ) •SéienceSj des Lettres & des Bonnes-Etudes. On a été furpris d'entendre Mr. 1'Archevêque de Touloufe être le premier a voter pour Paffirmative & propofer de réduire tout de fuite, même de fupprimer cet objetj 's'il.devenoit trop onéreux dans la circonftance. 12 Septembre 1785. Depuis que Pinduftrie bumaine s'exerce a cherchcr les corps les plus légers & les plus propres h contenir Pair atmofphérique ou Pair inflaramable, on n'a point encore fait de découverte comparable a celle du Sieur Enfien , Phyficien de Strasbourg. II a trouvé le moyen de préparer les tuoiques de certaines parties des animaux, üe maniere qu'une ftatue équeftre de neuf pieds & demi de haut, avec le cavalier qui eft deffus, ne pefe que vingt-huit onces. il appelle Bodruches les figures de ce genre. Celle dont il s'agit, fe voitau Palais royali elle eft admirable non feulement par la fineffe & la tranfparence de Ia peau dont fon corps eft formé, mais par la beauté & la jufteffe des proportions, la richefTè de 1'armure & de la draperie, la grace & la nobleffe de Pattitude. Elle doit être élevée dans les airs a la vue du public. Le SL'. Enfien eft Ie même auteur d'un fuperbe Pegafe mon té par Bellerophon, qui s'eft élancé dans les airs a Strafbourg, en Confervant fa pofition horifontale ou plutót perpendiculaire.  ( 260 ) 12 Septembre 1785. On parle d'un para» phlec imprimé au rouleau, qui court & eft éclos depuis bien peu de tems, puifqu'il n'eft. daté que du 10 Septembre. On dit que c'eft une Lettre fictive de 1'Abbé Geergel d la Comtejfe de Marfan, oh le premier confole cette Dame a 1'occafion du grand procés du Cardinal porté au Parlement, & par des' vues trés fines lui fait envifager que 1'ifluë n'en fauroit être mauvaife pour 1'accufé; qu'on fera naftre tant d'incidens que le Roi fera obligé de revenir fur fes pas, ou que le fond fera étouffé par la forme. Cet écrit étant fort court, on efpere en jouir bientöt, paree qu'il eft aifé de le copier & que d'ailleurs il excite finguliérement la curiofité, comme anecdote du jour. 12 Septembre 1785. Depuis longtems on parle .d'une aventure arrivée a Mr. de Lir berfac, Evêque de Chartres, qu'on ne vouloit point rapporter avant qu'elle füt mieux éclaircie. Comme 1'anecdote fe foutient avec fes circonftances, on commence i croire qu'elle n'eft pas dénuée de fondement. On raconte que ce Prélat, jeune encore, étoit devenu amoureux de la femme d'un cocher de Mr. le Comte d'Artois: que les rendez-vous entre eux étoient fixés par la femme, qui profitoit du tems oh fon mari étoit employé par le Prince, bien füre que eelui ■ ci ne pourroit les furprendre. Cepen-  C 251 } dant tout fe découvre; le cocher inftruit de 1'intrigue & jaloux a 1'excès, n'y peut tenir. Un jour que le Prince étoit occupé de fagon a lui laiffer le tems néceffaire pour fon expédition, il revient chez lui, enfonce la porte & trouve Monfeigneur dans un accoutrement qui ne lui laiffe aucun doute d'être cocu. II fait un vacarme du diable , au point que, le Prélat craignant le fcandale, lui propofe d'accéder a tout ce qu'il voudra. Le mari fe contente d'un billet de mille écus. II revient bien content; mais le Prince avoit été obligé de fe fervir d'un autre: il fe fait introduire auprès de Son Alteffe Royale, lui demande pardon & fe jette a fes genoux. Pour s'excufer il fait le récit de fa vifite. Le Comte d'Artois lui pardonne & rit: il veut voir le billet; il n'a rien de plus preffé que d'en amufer le Roi & toute la familie royale. On ajoute que S. M. a trouvé que la fomme n'étoit pas affez forte, 1'a fait porter a deux mille écus & a exilé dans fon diocefe 1'Evêque paillard. 13 Septembre 1785. II paroit décidé que M1'. le Cardinal de Rohm reftera k la Baftille pendant l'inftrudlion de fon affaire, comme Mr. de Lolly, & que cette prifon d'Etat deviendra pour cette partie & pour tous les accufés iropliqués au procés une prifon jadiciaire prêtée par le Roi au Parlement, dans laquelle il aura tout 1'accès & toute la jurifdiction néceffaire.  ( 262 ) B'en des gens eftiment qu'il n'y aura, jamais de jugement, qu'on v faire interve-. cir la Cour de Rome, qui prétendra qu'un Cardinal ne peut être jugé fans fon intervention; 1'Archevêque de Mayence qui, en. j qualité de Métropolitain deStrasbourg, voudra en connoïtre; I'Empire, qui ne voudra pas non plus tolérer Ia violation des Privileges d'un Prince de fa compêtence; tout le Clergé, qui fera valoir le droit du moindre Clerc de faire appeller le Juge Eccléfiaftique: on concoit cffectivement qu'il fera. difficile de concuier tant de reciamations. Du refte, le Cardinal fait une grande j réforme dans fa maifon, ct fe réduit fur le fimple pied d'un gros bénéficier riche. 13 Septembre 1785. Supplément au Journal de Paris, du 22 Aoüt 1785 Tel eft le j titre d'un pamphlet au rouleau, fort maus- I fadement imprimé conféquemment & dirigé ; cn trés grande partje & preique en tout contre M1'. de Calonne. On lui reproche fa diffipation du Tréfor de 1'Etat-, fes gratifications defordonnées & furtout fa confiance au SL'. Panchault, d'une réputation fi équivoque ou plutót fi mauvaife. En un mot, c'eft une récapitulation de tous les faits ct geftes du Miaiflre des fiaances, préfentée fous le jour le plus défavorable. Des abus vrais, beaucoup de calomnies vraifemblablement & de mauvaifes plaifanteries forment 1'efTence de cette feuille. II paroft que le libellifte  ( ^3 ) en veut auffi au-Comte de Vergennes, trés maltraité pour la coalition qu'il lui reproche avec Mr. de Calonne. Enfin, il n'eft pas jufques au Sieur de Beaumarchais qui figure dans ce cercle d'infamies & eft repréfenté comme un des affidés du Controleur général. 14 Septembre I78y. M<- le Noir avant de quitter la Police, afaitencore un Réglement tres falutaire, en date du 5 Aoüt, concernant le voyage & la tuerie des bceufs dans Paris. Plufieurs accidens arrivés, faute de foins, & un de ces animaux qui nagueres s'eft échappé furieux du coup mortel, a parcouru plufieurs rues, eft entré a 1'heure • de Poffice dans quelques églifes & a bleffé plufieurs perfonnes, ont provoqué les précautions multipliées prefcrites a cet égard. Le 2 de ce mois le Parlement a homologue1'Ordonnance de Police. On affure que le fucceffeur de Mr. le Noir, fuivant fes erremens, voudroit fignaler fon adminiftration.en ren voyant abfolument hors de Paris toute 1'exploitation & tous les acceffoires du charcage, opérations a la fois mal• propres, dégoütantes & malfaines. Les Dcéteurs en Epizootie prétendent qu'un bceuf dépérit de cinq ou fix livres de poids par jour durant fon féjour a Paris, jufques au moment du maffacre. On ne peut que défirer que les repréfea-  C 2(54 ) tations de Mr. de Crosne k cet égard aient Ie fuccès qu'il s'en promet, 14 Septembre 1785. Depuis deux ou trois mois que Mr. Barthe eft mort, un anonyme s'eft avifé de remuer fes cendres & de rendre un compte détaillé de fes derniers momens, oh il affecte de Ie reprêfenter comme un philofophe envifageant fon trepas avec fang - froid , avec gaieté même , exercant tranquilement tous les actes qu'il exige» difant un mot de Dieu pour annoncer qu'il croit en fa miféricorde, mais s'en tenant-la & ne demandant point les Sacremens, n'appellant ni Confeiï'eur, ni Prêtre, ne rem. pliffant enfin aucun des devoirs duChrétien; d'ohl'on devoit conclure affez naturellement que le Poëte défunt étoit, finon Athée, au moins Déifte. L'objet de cette Lettre tres- bien faite dans fon genre, mais très-dangereufe & compolee a dellein de propager d'autant, j par cet exemple, les principes de la phi- ] lofophie moderne , n'a point échappé a la fageffe & è la vigilance de Mr. le Garde des Sceaux. II eft venu peu après une lettre a Mr. Vidaud de la Tour, le nouveau Chef de la Librairie, qui lui enjoint de mander les Directeurs du Journal & de leur notifier . qu ns lont aumönés de fix eens livres envers ' les psuvres de la parochie de St. Roch. On leur a fait grace de la moitié ; car Ie premier mot étoit douze eens livres. Mr. Suard, 31  ( 26.T ) 'I Mr. Suardj furieux de cet échec, rna'g-é I fes promeiTes d'empêcher qu'il he fe gliffar, déforrriajs dans le Journal qui püt attirer quelque animadverfion aux propriétaires, s'eft piqué de générofité & a voulu payer Tarnende: ceux - ci ont refufé d'y confenur. Du refte, il s'eft engagé d'avoir une audience de Mr. le Garde des Sceaux , de discuter la chofe avec lui & de lui faire voir qu'oa 1'avoit induit en erreur, & fait exercer une punition injufte en cette circonItance. 15 Septembre 1785. Les comédiens Ita■hens, fort arriérés dans leurs études des ■nouveautés pour Paris, k caufe de celles qu'on exige d'eux pour Fontainebleau, ont cependant joué avant-hier la première repréfentation de Rofe, comédie en trois acles & en profe, fuite de Fanfan £ƒ Colas. Cette fu te dont le premier acte a paru charmant, n'a pas égakment réuffi quant aux deux autres, froids, longs & ennuyeux. Le patois payfan en occupe une trop grande partie & le fond n'étoit pas affez intéreffant pour reraplir un cadre auffi confidérable. Dans cette piece Fanfan & Colas deviennent amoureux & rivaux; le fecond pouffe la jalouüe jufques k propofer au premier un duel au pjftolet. On peut juger paree traitdu ridicule & de 1'abfurdité de 1'aclion, qui fin ff par la réfipifcence du Marquis , cédant fa maitreffe, fille du jardinier, qui ne 1'aime Tomé XXIX, M  c m) point & le lui déclare , au peut Gars dont elle eft épnfe. Beaucoup de morale, mais fouveot déplacée & trop repétée, aura fait illufion a l'auteur fur la foibleffe & Ia gaucherie de fon inrrigue,& quelquefois 1'a fait au public qui n'a pas laiffé que d'applaudir en bSillant. 15 Septembre 1785. Le Requifitoire de Mr. le Procureur - général dans le procés du Cardinal, moins connu qüe les Lettres patentes, n'en mérite que davantage d'être coqfervé. Voici comme ce Magiftrat s'y énonce. Supplié.... difant qu'il a été informé que vers la fin de Janvier de la préfente année 1785, le Cardinal de Rohan feroit venu chez Bohmer, Jouaillier de laCouronne, & Baffanges, fon affocié; que ces Jouailüers lui auroient montré un grand Collier en brillans, comme une colleétion unique & rare en ce genre ; ajoutant qu'il avoit été eftimé par les Sieurs Dogny & Maillard un million fix eens mille livres. Qu'ils attendoient d'un moment a 1'autre d'envoyer cette parure en' Efpagne & lui auroient annoncé le défir qu'üs avoient de fe défaire d'un effet d'auffi grand prix. Que le Cardinal avoit répondu qu'il rendroit compte de la converfation qu'il venoit d'avoir avec eux & qu'il fe chargeroit peut-être de 1'acquifition ; que ce n'étoit point pour lui; qu'il étoit perfuadé qu'ils aec^pteroient ayec plajür les arrangemens  ( 2*7 ) de 1'acquéreur; mais qu'il ignoroit s'il lui feroit permis de le-nommer. Que deux jours après, le Cardinal feroit venu chez eux, leur annoncer que de nouvelles inftruétions Pautorifoient a traiter avec eux, fous la recommandation expreffc du plus grand fecret. Que lesdits Jouailliers lui ayant promis Ie fecret, le Cardinal leur auroit communiqué des propofitions tant pour le prix que pour les échéances du payement; au deflbus desquelles propofitions ils auroient mis leur acceptation le vingt neuf Janvier 1785. Que le premier Février fuivant le Cardinal leur auroit mandé de venir chez lui, & d'apporter 1'objet en queftion ; qu'ils s'y feroieut rendus & lui auroient porté le collier: qu'il leur auroit annoncé pour la première fois, que c'étoit la Reine qui faifok 1'acquifition, en leur montrant les propofitions qu'ils avoient acceptées, chacune desdites propofitions émargée du mot approuvé, & a la marge de leur acceptation, les mots, approuvé mar ie antoinette de france. Que le Cardiual leur auroit affuré que Ie Collier feroit livré dans la journée & qu'il leur auroit dit en même tems,que la Reine ne pouvoit donner des dëlégations; mais qu'il efpéroit qu'il leur feroit .tenu compte des intéréts. Que le même jour , premier Février , dans la foirée, lesdits Bohmsr cc Bajjanges M 2 -  ( 258 ) auroient recu une lettre du Cardinal, écrits de fa main & fignée de lui, par laquelle il leur auroit mandé que la Reine lui auroit fait connoitre que fes intentions étoient que les intéréts de ce qui feroit dfi après le premier payement, leur fuffent payés fuccesïivement avec les capitaux jufques au parfait acquittement. Que dans le même mois de Février, le Cardinal auroit montré a un particulier (*) 1'écrit a mi-marge, 011 étoient d'un córé, les conditions du marclié & les époques des payemens,& de Pautre l'acceptation des conditions prétendues approuvées & fignées de la Reine. Que cependant la négociation du marché s'étoit faite d l'injcu £f fans aucune tnijjlon direële, ni indirecte-de la Reine. Que le premier payement convenu par le marché, n'ayant pas été effectué , lesdits Bobmer & BaJJanges auroient préfenté un JVlémoire a la Reine , pour obtenir leur payement; qu'ils n'auroient pas tardé d'être jnüruits que la Reine n'avoit pas recu Ie Collier, qu'ils préfumoient avoir été livre a la Reine. Qu'il paroit qu'une femme nommée la Motte de Fabis eft impliquéé dans les faits , comme ayant trompé le Car- C*) On aiïüre que c'eft Mr. de Sainte James, tré&rier général de la Marine.  ( 215c). ) dinal, fuivant la déclaration qu'il en a faite. Que la connoiffance de tout ce qui peut concerner un marché, oü 1'on aofé emprunter le nom augufte de la Reine, fuppofer fon approbation ik fa fignature, & préfenter cette approbation & la fignature fuppofée comme véritablement émances de la Reine, ayant été attribuée a Ia Cour , la Grand' Chambre aflemblée, par des Lettres parentes, qui y ont été enrégiftrées, il eft du devoir du Procureur ■ général du Roi d'en rendre plainEe & d'en faire informer a fa Requête. A ces eau fes, &c. Le re/te de ftyle. 15 Septembre 1785. On avoit d'abord dit que les Banquiers avoient député de nouveau vers Mr. Ie Controleur - général pour lui notifier qu'ils ne pouvo'ient tenir leurs engagemens relatifs a fon Emprunr, paree que par fon Arrêt du Confeil qui défend ou gêne du moins leurs fpéculations , il leur avoit fait perdre la plus grande partie de leur Crédit, fufpendu la Circulation & en arrötant leurs négociations les avoit mis hors d'état d'y fatisfaire. On avoit ajouté que Mr. de Calonne ayant peu d'égard a leurs repréfentations, leur avoit répondu qu'il ne.pouvoit les difpenfer d'aequitter les payemens indiqués Le bruit court aujourd'hui que ce Miniftre s'eft adouci , que , non - feulement il leur accordé des délais, mais leur fa:t dèlivrer M 3  C 270 ; des fonds du Tréfor Royal &.prend dès valeurs en échange. 16 Septembre 1785, Les Avocats de Mr. le CarUinal de Rohan font Maitres Tronchet, Collet, Target & Debonnieres: mais c'eft Maftre Target qui a la plume & c'eft lui qui a fait le Mémoire d'Inftruction pour le Rapporteur. Satisfait de fon ouvrage , ilvient de partir pour fes vacances. On nomme Me. Doillot pour 1'Avocat de Madame de la Motte. 16 Septembre 1785. Un anonyme a fait remettre a 1'Académie des Belles-Lettres une fomme de douze eens livres, pour être convertie en une Médaille d'or k décerner au. meilleur Eloge de la vie & des ouvrages de Mr. 1'Abbé de Mably On affüre que cetteCompagnie a accepté la fomme & doit diftribuer en conféquence a fa rentrée un Profpeclus au concours. 17 Septembre 1785. Dès le lendemain de renrégiftrement des lettres-patentes adresfëes au Parlement, qui lui attribuent la connoiffance du procés du Cardinal de Rohm, Mr. 1'Archevêque de Narbonne , comme Préfident de 1'Affemblée du Clergé, tint 1 MeJJeigneurs & Meffieurs qui en font membres, un difcours,ou il leur fit part du fait, en prétendant en même tems que ce renvoi étoit contraire aux privileges du Clergé,aux loix & maximes du Royaume: il demanda que la Commiffion de la jurisdiction £öt  C 271 > cbargée de s'occuper fans délai des recherches néceffaires pour adreffer au Tróne une réclamadon. Son avis fut unanimémenc adopté; & 1'affemblée a mis tant de diligence dans cette affaire, que les Repréfentatiónsont été arrêtées au comniencement de la femaine. M'. 1'Archevêque de Paris, quoiqu'il ne fe trouve jamais aux alTemblées, a raifon de fes prétentions, a été invité d'y venir extraordinairement pour un cas intéreffant auffi eftenriellement tout 1'Ordre de 1'Eglife de France, & il s'y eft rendu mercrédi. II n'a pu qu'approuver & fe joindre d'intention h' la démarche de 1'afTemblée. 17 Septembre 1785. Extrait d'une Lettre d'Amiens du 10 Sentembre .... M1', de Cïloane qui fe rend au port de Dunkerque, eft paffé ici le 4. II eft allé Ie lendemain k Abbeville,chez Meffieurs Vanrobais, pour examiner leur manufaclure de draps, dost il a paru fort content. On lui a oblervé qu'il étoit le feul Contróleur général qui eüt vifuéce célebre établiflement depuis fon origine. II a vu auffi la manufaclure de moquette & n'en a pas été moins fatisfait, 18 Septembre 1785. Voici la Lettre de Fabbé Georgel a Madame Ia ComtefTe de Marfan, que fa brieveté & fa rareté obligent de cönfigner ici. Madame, Ceffez d'être inquiete de notre cher Cardinal. II a fupporté avec. M 4  C 272 ) teute la dignité d'un Rohan le coup incroyable qui 1'a frappé. Sa fanté fe foutienc dans Ia prifon, dont les rigueurs font modérées, & fon ame eft en paix, autant que peut 1'être celle d'un illultre accufé qui prévoit qu'il ne fera jamais jugé. Mais I'autorité reculant, ne fera-ce pas une juftification? Le Roi, fur l'avis de fon Confeil, vient de renvoyer 1'afFaire au Parlement. Les Lettres patentes font enrégiftrées. Tout le procés pourroit bien fe réduire-lè; car enfin celui d'un fimple Clerc re peut ê're fait qu'avec ]e juge d'Eglife, un Evéque, un Cardinal ont-ils moins d'immunités ? L'hiftoire de France offre fept Cardinaux accufés par nos Rois; aucun n'a pu être jugé en perfonne. D'AguejJeau lui-même convient que fur douze exemples, il y en a onze en faveur de FEglife & il ne péut nier qu'elle a le dernier état. En 1654 le proces du Cardinal de Retz fut renvoyé au Parlement par Lettres - patentes , qui fürement ont fervi de modele è celles de 1785. Mais trois ans après, une Déclaration folemnelle révoqua. 1'attributipn & confirma le droit antique des Evêques, de ne pouvoir être jugés que par ceux de leur métropole. II s'agiffoit d'un crime de Leze - Majefté , & toute la prétention royale étoft qu'un tel crime faifoit ceffer toute immunité. Ainfi, lorfqu'il n'y a rien qui concerne le Roi ou 1'Etat, nul doute que le droit comraun eft dans toute fa  . C 237 ) / fa force. Vous voyez a préfent, Madame, è quoi peut aboutir tout 1'appareil du jour. Ne croyez pourtant pas qu'il y ait de Timpéritie de'la part du Garde des Sceaux & da Comte de Vergennes ; ils fayent tous deux ce qu'ils font: 1'un connoft le Droit Francois , Parure la Politique Romaine: eux feuls pouvoient éclairer, mais ils font nos araif. Mêmes vues, mêmes averfions. Ils favent que 1'Electeur de Mayence revendiquera , que Rome reclamera, que le Clergé remontrera, que 1'Empire même murmurera, Ils fe font tus & ont eu Pair de déférer a 1'équité apparente d'un reuvoi au juge national. Si les clameurs font foibles , 1'information fe fera toujours & de maniere h ne diftinguer ni accufateurs, ni accufés: fi les difficultés groffiffent, le Roi reculera & ce fera d'autant plus favorable pour nous, qu'il y aura plus d'itrérogliu dans l'infirudtion: il ne faudra plus alors qu'une vidtime a I'autorité compromife. Pourquoi le Baron, qui n'a été qu'agent, ne feroiM'1 pas chaffé comme auteur ? Nous triompherions pleinement ; tous les intéréts feroient conciliés, de profos es vengeances exercées, & les reflentimen? refpeaifs fatisfaits: Madame, je dis le mot, que ce foit le fecret de votre vie.... 18 Septembre 1785. L'inoculation de Mr; le Dauphin & celle de Mr. le Duc de Bern font abfolument finies. La derniere a touM j 7  C 274.) j'pura été mieux daas fes effets & plusprompte. Aujourd'hui que Saint Clou a été trèsbrillant a 1'occafion d'une fête & de Ia cour qui y réfide , Mr. le Dauphin qui ne fort pas encore de fon appartement, eft refté toute l*après dJnée a fa fenêtre, habillé Sc faifant les délices des fpettateurs. 18 Septembre 1785. Le Clergé qui tient ordinairement fes opérations tres fecrettes 3, afftéle au contraire de laiffer tranfpirer cequi s'y paffe a 1'égard du Cardinal de Rohan... On voit dcja dans le public des copies ma-nufcrites du difcours du Préfident & ceux*i qui Tont lu affurent qu'il eft très-fage, très«j modéré, très-adroit, allant toujours au bug du'Clergé qui eft de s'occuper conftammend de fes franchifes, privileges Sc de n'en riéBjj perdre. ■ 19 Septembre 1785. Difcours de Mr. PAï-l chcvöque de Narbonne a I'Affemblée da M£SSEIGNEU.fLS £F MESSIEURS „ II n'y a perfonne parmi nous qui' fgnorel Te malheur qu'a eu MK le Cardinal de Roham d'encourir Ia difgrace dü Roi. Bons- dieij vons fans- doute craindre qu'il ne foit bierj «roagabiè j, puifqus. Sa. Majefté a: cm devoia 3èr fei're- armen avec- èbtacy, s'ailurer dk SÉ jeï&Gne, &db:fe3 papiërai ■ I IS *fö de* notoristé- publjqaer dèpuis1 Wem  ( 2-75 ) zes au Parlement de Paris, qui lui attribuedt' la connoiffance, l'inftruclion & le jugement des faits qui forment le corps de délit dont la réparation eft" pourfuivie; faits-dans le détail defquels Mr. le Cardinal de Rohan fe trouve impliqué. De quelque genre que foit le délit, nous ne craignons- pas de dire d'avance que nous Ie déteftons • mais Mr. le Cardinal de Rohan réunit a la qualité de Cardinal & de Grand-Aumónier, celle d'Evêque du Royaume;' ce tirre qui nous eft commurf avec lui, nous impofe le devoir de réclamer les maximes & les loix qui ont preferit qu'ud Evêque doit être jugé par des" Evêques". A' Dieu ne plaife que nous prétendions par-la vouer eotre Ordre a 1'impunité & Ie fouftraire a 1'obéiiTance düe au Roi! Nous M avons dit nous-mêmes a 1'ouverture dè'nos Séances,que la qualité de mtniftres dès aütels ne contrarieroit jamais les devoirs que nous; preferit celle de fujets& de citoyens. Nous profeffons & nous enfeighons que: la puiffance dé'nos- Rois eft' indépendante univerfellecompletfe relativernent è tóüsf-fujets, aüxquels eile'doic' atteindre' pour" le maintien & la: tranquifitd dè Pofdre püV olic';' nous- tènöns fermemêric" que" no'treoönféeraaoiP au-farvice des a-Utèis- tic- tranè*porc-ei a- aucune-.P>«ftSr>ce' (w- la"*-terre- tóf* ■üvGite ata&quel,*- nous- a? foooii* aosré- aais"*jÊfieea. WfamffitW pbifj't' &w&amtti0fa  C &6 3 leges qui foient incompatïbles avec ces vérités fondamentales; nous réclamons avec confiance ceux que les Loix, les Rois & la Nation nous ont tranfmis; nous les trouverons dans les mêmes fources d'oü dérivent ceux des Pairs, des Gentilshommes & des Officiers des Cours. J'ai donc I'houneur de vous propofer de charger la Commi/Jion de la Jurifdi&ion, de faire fur cette importante matiere les recherches & les réflexions les plus capables de dinger Ia conduite fage , mefurée , mais énergique ,que nous devons tenir dans cette occurrence difficüe. 19 Septembre 1785. Extrait d'une Lettre de Bordeaux du 7 Septembre On vient de répréfenter fur notre théatre un opéra, dans lequel on trouve les vers fuivans, qui ne font pas les moins lyriques de ce moderne chef-d'ceuvre. Les plus chauds jours Virent naitre nos plus charades amours; Les tïedes jours Virent s'attiédir nos amours; , ' Et les froids jours Virent terminer nos amours. 19 Septembre 1785. On affure que les marchandifes qu'on importoit d'Angleterre en France, ont été évaluées annuellement a cinquante:trois millions, éVcelles que PAn.  c 277; gleterre tïroït de France , n'étoient pas de la valeur de dix millions. Ce calcul prouve la fageffe des nouvelles défenfes. 20 Septembre 1785. Un M>'. Audet de la Méjenquere, Maitre-es Arcs & de Penfion a Picpus,de 1'Académie de CMlons fur Mar-ne, propofe de nouvelles inferiptions pour le Palais, qui exerce aujourd'hui nos favans jen ce genre: In adem Juftitite, Regnante ac jubente, betfeficentiffimo Rege , LU DO VI CO XVI Nobilius rejlauratam Anno Domini ... Bic Augufta Themis rejerans Oracula Legum r Moribus invigilat, Vitamque ac Jura tuetur. Autre: HicThemis alta fedens^gladioqueac lance tremenda Vim Legum fi? Mores tlabitit, Civisque falutem, 20 Septembre 1785. Comme Mr. d'Aguesfeau eft le feul des modernes qui i 1'occafton du procés du Cardinal de Bouillon ait difcuté les prétentions du Clergé revendiquant le jugement de chacun de fes membres, tous les Jurifconfultes, tous ceux qui s'occupent de femblables matieres , font aftuellement attachés a lire 1'ouvrage de ce fameux Chancelier. II traite la queftion k Pégard des quatre dégrés de la hiërarchie Eccléfiaftique, le Clerc, le Prêtre, PEvêM 7  Care ) qUê, Ie Cardinal. On trouve qu'ii eft" tres'-' facisfaifant ai'égard des deux:premiers, mns plus foible è J'égard des deux autres. 20 Septembre 1785. Le préambule de 1'Arrêt du Confeil concernant les négociations des prétendus Bons de finances, nouveau genre de délit qu'a enfanté la cupidité s'évertuant en cent facons pour fe fatisfaire', eft trés-curieux. II y eft dit: „ Le Rol i „- étant informé que des intriguans & des • 5, impofteurs s'efforcent de faire accroire w Par de prétendues protections dont 3, ils fuppofent être affurés., ils peuvent; „ procurer, a prix d'argent, des Bons de ' „ places de finances , & les faire réalifer; qu'afFectant de répandre qu'è 1'expiration3, prochaine des Beaux & Traites des fermes 3, & Régies générales, il y aura plufieurs „ ciidngemens ct nominations nouvelles„ ils font parvenus par des voies- infidieufes',i anégocier des proraeffes chimériquesv <5sc -, a en trainer des perfonnes trop crédules^ dans des engagemens,. des' foumiffiona &: 3, des aótes de dépót,. que des Notaires 00» 3, leurs Clercs ont eu 1'imprudence de'rédii» 3rger & recevoir,- Sa Majefté qui' a: ck-ja'. 33 fait connoitre que ceux qui sxmvkmt@> „ cours fi -de pareils moyens poU«* ooteai»" tv d5s- places- de- finances;,, en. fës'öiëbr & *r iW-aisK eJWliir,, voulant? réprimef.- fi.-vë'tei- -*» WFl&wzfiilb'jrm; mém* mn*  er-»** 3 promettre des noms refpeétables 5 a réfb-iy, lu d'en faire punir les auteurs & les complices, fuivant la jufte rigueur des „ ordonnances &c." 21 Septembre 178}". On parle de Mémoires des Sieurs Bohmer & Baflanges, qui fe* répandent dans le public a 1'occafion du fameux collier & 1'on dit qu'ils ne fervent qu'a embrouiller 1'affaire. Au furplus, il y a grande apparence qu'ils ne font que manufcrits. 21 Septembre 1785. Le fpectacledu marcheur-fur 1'eau continue & 1'expérience fe foutieot avec le même fuccès. Ce n'eft point 1'inventeur qui eft un nommé Perès, Efpagnol y qui l'exécute:on allure que c'eft un Francois, un Bafque, Tous les pbyficiens, machiniftes & curieux font h 1'affut: des fabots pour en connoitre la nature.-Plufieurs perfiftent a foupconner du charlaanifme; mais perfonne. n'en raifonne encorepertinemment.. 2r Septembre T785-. Le Sieur Gardel a ïépondu- aux reproches de Madame Da«bervai, par une Lettre du 1 Septembre inféréeau Mercure du dix-fept, il pourroit avoir raifon au fond ; mais il faut avouer que fa', dé-fenleeft trés platte & n'approehe pas de* Bk légere. & piquante ironie de la-danfeuféi-. z2b SeptemSre 17S j. II paroït que; éyEpremefnil ? après avoir été'adopté' dans fti 9is&&& tfe ï'raracnic: avec dè*> condidoaü  c m) foufcrites le huk Mai 1784 , fuivant les. quelles ,1 promettoit, entr'autres chofes de ne pouvoir former aucun Eleve trans'mettre directement ou indireétement' è qui que ce foit, ni tout, ni la moindre partie des connoiffancesrelatives, fous aucun point de vue, h la découverte du Magnétifme ammal, fans un confentement par écrit , figné du Dodteur Mefmer, s'eft jugé affez legerement affranchi de fa parole. Ayant appris en effet par quelques confrères féditieux, qu'avant 1'engagement particulier de Mr. d'Eprémesnü il en exiftoit un autre de la part du Docleur avec fes douze premiers Eleves, par lequel il avoir confenti a 1'entiere publicité de fa Doctrine dès que.cent foufcripteurs auroient dépofé entre fes mains une fomme de cent Louis chacun. Le Magiftrat a mandé I'ancien Caisfier du Doéteur qu'on croit ètre Ie Sieur Kornmmn, & fur le compte auffi infidèle qu'exagtré de ce traitre, il a jugé que le f ondateur de la fociété étoit affez riche, que fa vente faite au public de fon fecret pour une lomme convcr:ue étoit confommée D'aprèscetexpofé, Mr. d'Eprémesnü s'eft m.s a la tere de I'écoie rebeile, a prétendu que les eleves du Docteur & lui étoient hbres de ieurs engagemens , a formé une nouvelle fociété dreffe autel contre autel & s eft étabh ProfelTeur du Magnétifme animal. Le Docteur Meinier a répandu un  C 2ffl ) imprimé ayant pour ticre : Sommes verfées: entre les moins de Mr. Mefmer , pour acquérir le droit de publier fa découvene & des Réfle. xions préliminaires &c. ou.. il détruit ablolument les prétentions du Profeffeur Schifmatique & de toute Ia ftéte rebelle,en prouvant que le prétendu engagement qu'on lui oppofe, n'a jamais été qu'en projet, n'a jamaisété avoué ni fig'né de lui. II faut convenir que cette Lettre trés bien faite, fage, modérée, mais énergique, fi elle eft exacts dans fes détails,, doit con« fondre & couvrir de confufion Mr. d'Eprémesnil. 22 Septembre 1785-. Outre les repréfen— tations du Clergé en forme de Mémoire,. qu'on dit long & rempli d'une foule de citations toutes très-fortes a 1'appui de fes prétentions pour revendiquer le Procés du Cardinal de Rohan, ce corps a écrit une Lettre au Roi. Le Préfident de Paffemblée avec le cérémonial ordinaire eft allé dimanche pour re. eevoir la réponfe de.Sa Majefté, dont voici les paroles facramentales : j, Je me ferai rendre compte du Mémoire que 1'Affemblée du Clergé m'a préfenté. „ Je fuis fatisfait des fentimens qu'elle m'exsi prime dans la Lettre qu'elle m'a adreffée. „ Le Clergé de mon Royaume doit comp. „ ter fur ma proteftion & fur mon attention „ a faire obferver les loix conflitutives des-  C 232 y 3, pnvneges que les kois mes prédécelieurs 3, lui ont accordés. 23 Septembre 1785. Les Soufcripteurs dés Me. Linguet ,défolés de ne voir rien paroïtre de fes Annales depuis fes Mémoires fur 1'Efcaut, obfedent journellement Mr. 1'Abbé Tabouet, fon correfpondant actuet. Suivanc ce qu'il a répondu è quelques-uns tout récemment, Me. Linguet lui avoit écrit que depuis le commencement du mois il étoit établi a Bruxelles. II ne lui apprend rien au furplus concernant fes travaux* Mr. 1'Abbé Tabouet affure feulement qu'ils font abfolument fufpendus quant aux Annales , & qu'il n'en a pas plus paru en pays étrangers qu'en France» 23 Septembre 1785. II eft h p'réfumer que 1'information, ordonnée dans le procés du Cardinal de Roban, n'a été ni auffi longue , ni auffi compliquée qu'on le prétendoit , puifqu'elle eft déja finie & que le Rapporteur Mr. Titon de Villotran eft parti pour prendre fes vacancesj 24 Septembre 1785. Extrait d'une Lettre de Saint Martin du Frefney Ie 15 Septembre..... Dans ce village, h une lieue de Saint Pierre furDive, Géaéralité d'Aleneon, eft un phénomene qu'il faut vous faire con- • noitre. II s'agit d'un payfan, nommé Jaques Mellion, qui, ne fachant ni lire ni écrire, n'ayant jamais fait que des feaux & des barilss'eft avifé de compofer une piece-  ( 233 ) d'horlogerie. C'eft une Pendule h répétitiotr compliquée. D'abord chaque heure s'annonce par un agréable carillon, On y voic figurer la Lune,qui développe fucceffivement fa phafe, fuivant fon cours ordinaire; une figure Lunaire, artiftement placée, en marqué réguliérement tous les accroiffemens depuis la nouvelle jufques a la pleine lune. En outre cette Pendule marqué la date des • jours de chaque mois par une' troifieme aiguilie, qui n'acheve fa révolution qu'au bout de i'an fur une circonférence divifée en trois eens foixante» cinq parties égales. Quant au jour intercalaire, l'auteur a ingénieufernect furmonté- la difficulté par le moyen d'un reffort, qui, fans y mettre la main, retar-de 1'aïguille d'un jour tous les quatre ans, le vingt-neuf Févriejr; Jaques Mellion a joint a cette piece une figure de Soleil qui marqué exactement le cours ordinaire de cet aftre , fes révolutions diurnes & annuelles, le changement de fon lever , fes afcenfions , fon déclin & fon coucher, entiérement conforme dans fes mouvemens au cours périodique de cet aftre, on Ie voit s'éloigner de 1'Equateur pour s'approcher desTropiques & les quitter alternativement, & par une fuite néceffaire marquer fucceffivement la différence de*s jours,leur accroifiement ou leur diminution. Peut - être que toute cette méchanique n'eft pas une merveiile, peut-être les le Roi3 >  C 2S4 ) lés le Paute , les Bertoux en riroient-ils; mais un ruftre imaginer un mécanifme auffi compofé & auffi exact, certes, c'eft éconnant?' 25 Septembre 1785. Mr. Mefmer dans faLettre a Mr. d'Epremefnü convient d'un fait qu'on avoit déja rapporté, que c'étoit le Sieur Bergaffe qui écrivoit les pamphlets de cet étranger; mais, plus il a eu fa confiance, plus grande eft fon infidélité. C'eft ce Bergaffe qui avoit compofé pour lui contre le Docteur Dejlon un Mémoire manufcrit dont il a diftribué une trentaine d'exemplaires; mais que fon Maitre n'a point adopté, puifqu'il a chargé fon Avocat d'en travailler un autre. Du refte, ce Bergaffe , le promoteur du fchifme, étoit lié lui - même au fecret par une convention du cinq Kovem* bre 1783, & s'étoit foumis h un dédit dé] cent cinquante mille livres s'il le révéloit: dans fon dernier ouvrage, intitulé Confidérationsfur le Magnétifme animal, imprimé il y a feulement quelques mois , il reconnoic encore n'a voir ni le droit ni la volonté de' rendre publique la théorie de Mr. Mefmer. Celui - ci rapporte au foutien de fa prétention une Lettre du Notaire Margantin en date du cinq Mai dernier, ou 1'orfkier' public déclare que Ia foumiffion entre les éleves de Mr. Mefmer & lui, dépofée dans ' fes mains il y a deux ans & au-dela, n'exifte plus, qu'elle ne s'eft jamais- réalifée & que le Profpecïus fur lequel elle étoit fondée,a'avoit aucune fofme légale.  C 285 ) ° ) Le refus que Ie Clergé fit de confentir fous le Miniftere de Mr. le Duc de Bourbon , a Ja levée du cinquantieme fur fes Revenus en J725, provoqua une nouvelle Déclaration du 20 Novembre 1725, qui manifefta de plus fort les volontés du Gouvernement. Elles ne furent pas mieux remplies. La patience du Légiflateur u'étoit pas épuifée ; le Clergé obtint un premier Arrêt qui le difpenfoit de Pexécution pour cinq années, & cet Arrêt s'eft renouvellé de cinq ans en cinq ans jufques en 1775. En cette innée le Roi, en accordant le -renouvellement, a annoncé au Clergé qu'il defiroit voir la fin de cette élufion de la Loi: le Clergé prétendoit de fon cöté perpétuellement qu'il avoit encore beaucoup de chofes a dire pour fa défenfe. Sa Majefté par un excès de condefcendance, a nommé des Commiffaires a 1'effet d'examiner les repréfentadons & les propofitions que le Clergé croiroit devoir lui faire. En 1780, il s'eft trouvé que les Commisfaires nommés n'avoient pas encore pu procéder a la difcuffion & a 1'examen des Mémoires du Clergé, & le Roi en conféquence a donné une derniere furféance de cinq acnées; il a dit qu'il feroit connoïcre définitivement fes intenuons è la fin de 1'année 1785, fur le rapport qui lui feroit fait en préiénce & de 1'avis des Commiffaires. On a vis qu'il y a déja une reraife jufques i 1'anaJe prochaine.  C 291 ) Ce ne fera pas une petite gloire ponr Mr.^ I de Calonne. s'il neut terminer pp mnrps Sr le gagner. Ce que n ont pu faire jufques a préient les Miniftres des finances les plus in- trépides & les plus aétifs. 27 Septembre 1785. L'affaire de Mr. de Ainupeou au fujet de fon prétendu rapt qui avoit caufe une grande rumeur, ne fait plus de fenfation, paree que de criminelle qu'elle étoit, elle a été convertie en affaire civile. 11 a produit des Lettres du pere de la Demoifelle, annoncant une connivence de fa part : cependant Mr. de Maupeou a été condarané provifoirement a payer deux mille livres. II faut voir ce qui fera prononcé fur le fond. II s'enfuit toujours que Mr. de Maupeouauïoh beaucoup mieux fait d'accommöder fur le champ ce procés, que de fe laiffer traduire en juftice. 28 Septembre 1785. Le Clergé pouffé dans fes derniers retranchemens s'eft enfin déterminé a produire fes défenfes fur les demandes du Roi. On voit d'abord une InjiruStion drejjte par la Commijjion du Clergé, fur la demande faite aux Bénéficiers des foi hommages, aveux êf dènombremtns. Cette produclion , fuivant une première Lettre circulaire des Agens Généraux du Clergé, datée de Paris le 2 Mai , eft 1'ouvrage annoncé de Mr. PArchevéque d'Aix, 1'un des Membres de la N 2  ( 292 ) Commiffion du Clergé établie en 1775, & prorogée jufques a préfent: Enfuite un Recueil de Mémoires pour le Clergé de France dans 1'a ff air e des foi & hom* muges & rêponfes de l'Jnfpecleur des Domaines. lis font préeédés d'une feeonde Lettre des Agens Généraux du Clergé de France datée de Paris le 15 Mai 1785, circulaire a tous les Prélats, oh ils leur apprennent que la Commiffion du Clergé pour les foi & hommages, apiès plufieursaffemblées tenues chez le Cardinal de la Rochefoucaidt , a déterminé le 3 du mois de Mars dernier, la réponfe qui feroit faite au dernier Mémoire de 1'Infpecteur du Domaine- qu'il a été arrêté que ce Mémoire feroit préfenté par euxa M1". le Garde des Sceaux,& qu'on feroit connoftre aux Diocefes le réfultat des opérations de la Commiffion, en leur com» muniquant les différens Mémoires produits refpeétivement dans la difcuffion de cette affaire, Après quoi viennent ces Mémoires au aombre de trois pour le Clergé, entremêlés des deux Réponfes du Domaine aux deux premiers. Le dévéloppement de ces écrits feroit long & faftidieux : en derniere analyfe le Clergé regarde la queftion qu'on élève , les recherches qu'on exige, comme incompatibles avec 1'immunité ae fes polielliocs; il fe prévaut de J'indulgence du Monarque &  C 253 ) de ce que Sa Majefté a tardé fi longtems a mettre fon droit en acïivité; il en conclut que ce droit eft illufoire & n'exifte pas. L'Infpecteur du Domaine regarde ce droit comme établi , inconteftable, inaüénable & les délais multipliés accordés par les Souverains, comme autant de graces, bien loin qu'ils foient une juftice. 28 Septembre 1785. Depuis prés de trois mois qu'eft mort le Prince Eugene de Savoye; frere de Madame Ia PrincefTe de Lamballe , connu en France fous'le nom de Comte de kille -franche, on étoit furpris qu'il n'eüt pas été queftion de fon deuil.. A 1'occafion de la mort de la Reine de Sardaigne dont on prend ledeuil dema;n pour trois femaines, on annonce que dans cet intervalle fera compns celui du Prince Eugene , dont la PrincefTe Douairière de Carignan vient de faire part a Sa Majefté & ce deuil fera réputé de trois jours. Tout cela eft d'autant plus étonnant & plus affeété, qu'en général la Cour ne confond jamais fes deuils. 28 Septembre 178T. Le Miniftere am-p* s'être occupé de ce qui concerne les Académies, embrafle aujourd'hui tous les auteurs en général; on annonce un Arrêt du Confeil rendu le trois Septembre concernant les traitemens, penfions & gratifkations, attribués ou qui feront deftinés aux Savans & geus de Lettres, & 1'exécution des d:fftrens N 3  C 294 ) travaux littéraires, ordonnés paf Sa Majefté & par les Rois fes prédéceffeurs. II faut efpérer que cette attention fera ceffer enfin tous les murmures de ces fatyriques inquiets, fe plaignaut qu'on négligé les gens de Lettres, qu'on n'en fait aucun cas , qu'on les oublie, qu'on les laiffe languir dans la mifere. 29 Septembre 178J. Sur les plaintes du public de ne pas bien voir certains morceaux & vraifemblablement plus encore fur celle des artiftes dont 1'amour-propre fouffroit de 1'expofition défavorable de leurs ouvrages ; après Ie mois révolu, on a fait retirer toutes. les fculptures , tous les portraits , prefque tous les tableaux de genre & 1'on a rappro- ; ché ainfi des yeux du Speftateur les tableaux qui n'étoient point k fa portée. Les bons en paroiffent meilleurs ct les médiocres plus mauvais. Le Sallon pour ce changement a été fermé deux jours & doit être prolongé jufques au huit, afin de ne point exciter les murmures des fupprimés, Mesfieurs Vien & la Grenée dont les tableaux ont toujours été le mieux placés , fe font cxécutés les premiers & ont retiré ces 1 morceaux. 29 Septembre 1785. L'objet de 1'Arrét ; du Confeil dont on a parlé, a pour but auffi i d'empêcher qu'è 1'avenir des falaires fixes 1 attribués k 1'entreprife d'un ouvrage , n'en 1 perpétuent l'objet, au lieu d'en faciliter-  ( *55 ) i'exécution. Mais , en même tems , Sa Majefté declare que, réfolu d'affigner tous les ansun fonds deftiné uniquementa étendre les progrès de 1'inftruétion publique , h en. cour' ,er les Savans qui peüvent y contribuer, elle ne propofe aujourd'hui de furveille;* davancage 1'emploi des talens , que pour pouvoir en accélérer les productlons, en apprécier le mérite & régler en conféquence la mefure de fes faveurs;elle ajoute: Cette jufte protection qui honore le Trö3, ne autant que les Lettres, devenant ainfi ,, plus utile, en même tems que plus écla., tante , augmentera 1'émulation de ceux ,, qui les cultivent, & donnera un nouveau ,, prix aux graces répandues fur eux," C'eft le Bibliothécaire du Roi & le Magiftrat chargé de 1'iBfpect.ion de la Librairie, qui doivent prendre connoiffance des travaux littéraires qui auront été ordonnés , des obftacles'qui. pourroient les retarder , ainfi que des fecours qui leur feroient néceffaires ; ils en rendront compte au Garde desSceaux, au Secrétaire d'Etat, que l'objet pourroit concerner & au Contróleur général , auquel ils propoferont ce qu'ils croiront convenable pour accélérer lesdits travaux & les conduire a leur perfectlon. On pourra faire auffi des demandes dans chaque département pour des places ou pro. jets littéraires nouveaux, & les Mémoires en feront ehvoyés au Contróleur général, N 4  ï|ui mettra le tout fous les yeux de Sa Ma» jefté, & d'après cette réunion, le Roi fixera tous les ans dans fon Confeil, la fomme totale qui fera deftinée tant pour lesdits tra. vaux littéraires, que pour les graces qu'il voudra bien accorder aux talens les plus diftingués. 30 Septembre 1785. Extrait d'une Lettre de Befangon du 20 Septembre L'af- faire des Avocats dont vous vous informez, eft plus brouillée que jamais. Ils ne fe font point répandus dans lesBailliages & expatriés fuivant le premier projet. Comme il y en a plufieurs de riches & que tous ont quelque revenu , on a fait feulement une bourfe commune pour venir au fecours de ceux qui font chargés de familie. Au mois de Juillet le Premier Préfident têmoignoit a Me. 'Mornet, le premier des Députés de 1'Ordre envoyés a Paris, qui eft fort bien auprès de ce Chef & plus encore auprès de Madame de Grosbois qu'il amufe; le Premier Préfident lui têmoignoit donc fa douleur de la fciffion des Avocats ct lui demandoit s'il n'y auroit pas quelque moyen de conciliation ? Après plufieurs réflexions fur Pinjuftice ct la vivacité du Parlement envers 1'Ordre, Me. Monnot convint de ras. fembler fes confrères pour avifer a Paccommodement. Dans cette aflemblée un Avocat ouvrit ï'avrë de rentrer; mai*, comme Me. Marguet eft  C 29? ) -eiT: la pierre d'achoppement & que 1'on ne veut point fraternifer abfolument avec lui, il dit que deux nouveaux griefs fuffifans pour la radiation étant furvenus depuis , ï'Ordre pourroit s'en prévaloir pour Ie rayer de nouveau & qu'il falloit efpérer que le Parlement cette fois convaincu de fon tort, ne foutiendroit plus ce mauvais fujet. Cependant dans la crainte de quelques membres turbulans de la compagnie qui pourroient trouver mauvais ce retentum, il fut convenu qu'on n'en parleroit pas au Premier Préfident. Me> Monnot lui dit donc que 1'Ordre étoit convenu de rentrer purement & fimpleraent. A 1'inftant M1'. de Grosbois ■enchanté le remercie & 1'embraffe affettueu. fement , .puis fe mei a fon bureau & n'a rien de plus preffé que d'annoncer au Garde des Sceaux cette bonne nouvelle. 11 y a toujours des bavards dans les affemblées; la Lettre n'eft pas plutót parti que le projet des Avocats fe répand dans le public: le Premier Préfident eft furieux , 'les chambres s'affemblent; ou mande Me. Marmot a la barre de la Cour, on le réprimande tres féverement fur fa réticence; puis on rend Arrêt qui ordonne que dans huitaime chacun des Avocats fera tenu de venir déclarer au greffe s'il entend fuivre la profeffion , reprendre fes fonclions , ou non. Aucun Avocat n'a obéi. De fon cóté le Parlement revenu de fa première fermematioa  C 298 ) a réfléchi, a fufpendu 1'effet de fes rnenaces; les Vacances font arrivées & les chofes en font-li. ir. Otlobre 1785. II paroï* depuis le mois d'Avril dernier un ouvrage périodique nouveau,intitulé Variétés Littéraires &Hiftoriques'. il eft trés médiocre & fe vendoit fort mal. L'auteur qu'on croit être Mr. de Baftide, a imaginé pour lui donner du véhicule, d'ouvrir une autre Soufcription en faveur des captifs & de profiter de la chaleur du zele animé par le Mandement de 1'Archevêque de Paris ; il eft convenu que le quart du profit feroit appliqué è cette bonne oeuvre; il s'eft intrigué auprès du Contróleur général & ce Miniftre, afin de donner 1'excmple, a fait foufcrire le Roi pour cinquante exemplaires. Ce qui eft annoncé dans une Lettre trés pathétique de Mr. de Calonne. Le Général des Mathurins a accepté les offres du journalifte. 1". Otlobre 178J. Le cours des chüte» yecommence a la Comédie Francoife. Mr. Bret vient d'y en faire une trés lourde avee fon drame nouveau, ayant pour titre l'Utel* Une oa le faux ami, en cinq aétes & en vers. L'auteur avoit averti feulement qu'il étoit imité de 1'Allemand & il fe trouve , fuivant ceux qui ont lu Porigina!, que ce n'eft' qu'une traductioa platte & groffiere tour a tour de Vhêtel garni , comédie de ƒ. C. Brandes, qui ouvrc Ie tixkme volume da  ( 295 ) Théatre Allemand, publié par Friedel. Malgré la préfence de la Reine , le public a comrnencé fes huées dès Ie premier acbe & n'a guères difcontinué dans les fuivans. Une feule fcene du troifieme acte, oh Ie faux ami démafqué fe fert des moyens mémes de fa trahifon pour en impofer a fon ami, recouvrer fa confiance plus fort qu'auparavant & renouer l'aótion , a fait plaifir & caractérife le grand maitre. 2 Oüobre 1785. Extrait d'une Lettre de Lyon du 25 Septembre ., Pour le coup voila un philofophe qui n'a pu échapper aux prêtres. II eft tombé malade ici; notre Archevêque, heureufement pour le falut de Pame de fon confrère PAcadémicien , fe trouvoit en cette ville; il s'eft emparé de Mr. Thomas, il 1'a fait tranfporter dans le chateau d'Oulh'ns , & lui a fait recevoir tous fes facremens, 1'un après Pautre, fans lui faire grace de rien. Le moribond a fait bonne contenance & a édifié tout le monde, fauf les philofophes qui gémiffoient de cette niche du Prélat. - Ils fe voyoient arracher Mr. Thomas avec d'autant plus de peine, que c'étoit une conquête & qu'il avoit débuté en attaquant leur chef par des réflexions philofbphiques & littéraires fur Ie poeme de Ia Religion Naturelle de Foltairs. 11 étoit venu depuis k léöpifcenee & il tourne cafaque de nouveau. Qaoiqo'il en foit, ie vingt de ce mois ,  t 360 ) !öh a Fait célébrer pour le défunt dans ï'*èglife de la paroiffe d'Oullins un fervice fo» lemnel, oh 1'Académie de Lyon a affifté en 'corps , avec les perfonues les plus diflinguées & les plus notables , & même lei philofophes qui ont été forcés de s'y rendre: ils en 'font encore la grimace..... Le bon Ducis, è la face fleurie, qui pour fon compte 1'a échappé beLle, s'eft trouvé ■auffi è Lyon dans le même tems ; c'eft un Vrai croyant , & il rioit fous cape de toute 'Cette comédie 2 Ocïobre 1785. II viènt de mourir un Avocat honoraire aux Confeils du Roi, nommé Combauh , êgé d'environ quatre- vingt■Cinq ans. C'eft un éleve de Rollin, un ami & un émule de Cqffin. On apprend qu'il avoit compofé en fociété avec lui plufieurs des hymnes que 'PEglife chante & dont on attribue toute la gloirc au premier. Le tra'it le plus intéreffant de la vie de ce 'Jürifconfulte, c'eft 1'étude qu'il fit de la langue bafqué pour déchiffrer des titres ■extrêmement vieux dans une affaire de trés grande importance dont II étoit chargé & dont lés précédens défenfeurs, faute de les éntendre, n'avoient pu fe fervir. II donna la 'traduétion de ces p'iéces négligëes & elles furétft victorieufês. ^C'étoit en outre uh "vigóUreux janfehiftè & ï'ön peut laffier le foin du 'furpius de fon <éloge a la gazette Lccléflaftigue.  t 3-oï ) '2 'Oèïobre 1785. On étoif bien furpris de Voir Mr. le Coulteux de la Noraye garder le filence & refter fans réponfe aux inculpations graves de la Lettre du Comte de Mirabeau. 11 tranfpire enfin aujourd'hui que ne fe fentant pas en état de tenir tête a ce valeureux champion , il a eu recours a Mr. Wlliard d'Aubérteuil, efpece de Chevalier errant qui Vend fa plume a qui veut ia payer. Celuiei a donc pris la défenfe du Banquier, il eft allé Ia faire imprimer dans le pays étranger 5 d'oh elle revient. On allure qu'elle commence a paroftre & que Ie Comte de Mirabeau y eft trainé fin oh danslaboue, au moins dans la pouffiere. 3 OStobre 1785. Depuis 1757 la Faculté de Théologie avoit été privée dü droit de choifir fon Syndic. C'étoit le Dodteur Ri'ballier fi connu par les mauvaifes plaifanteries de Voltaire qui en rempliffoit les fonctions en vertu d'une lettre de cachet. II y a déja plufieurs arjnées que Ce perfonnage vieux & infirme fupplioit la Cour de le remplacer; enfin il a été frappé cet été d'apoplexie , il eft allé aux eaux & fon état déplorable a déterminé le Gouvernement a acquiefcer a fa demande. On a fait plus , comme les troubles dü janfénifme qui avoient provoqué fon adle de rigueur, fernblent éteints, le Roi a rendu a la Faculté Ia liberté de procéder a 1'éledtion légale de ièe che-f. ,7  ( 3°2 ) En conféquence dans Paflemblée ordinaire de chaque mois appellé Prima Menfij qui a eu lieu au commencement d'Ocïobre, les vocans ont élevé è cette place de Syndie 1'Abbé Birardicr, principal du Collége de Louis le grand, & depuis quatre ans Cenfeur de difcipline de la Faculté. 4 OStobre 1785. La ville ne perd point de vue le projet de la démolition des maifons fur les ponts Notre Dame & au Chaage. En conféquence le 29 du mois dernier elle a rendu un Réglement qui doit être publié concernant la vente des matériaux de ces démolitions & la police a obferver pour leur déblayement. 4 OStobre 1785. Voici Ia Lettre des Evêques au Roi, telle qu'ils la répandent manufcrite.Sire, Nous mettons fous les yeux de Votre Majefté les titres & les motifs développés dans ie Mémoire que nous prenons la liberté de lui préfenter. Loin a jamais de notre efprit & de nos cceurs toute penfée qui tendroit a nous fouftraire a 1'obéiffance qui vous eft düe. Nous chériffons autant que nous révérons les caracteres de Votre Puisiance Royale, 1'indépendance,1'univerfalité, la plénuude de votre autorité dans Pordre des chofes temporelles. Elle n'a fans doute rien a emprunter d'aucune puiHance fur la terre pour atteindre aax objcts, aux Cha»  C 313 ) „ chateau de Ia Baftille. Cependant deus „ mois après ce même Libraire a débité „ 1'ouvrage avec un fecond volume. .. . Le critique en conclut que l'auteur foudoyé par M'. de Mnupeou écrivoit précifément pour lui: en effet il établit. 1°. Que Ie Sr. Bouquet, bien loin d'avoir travaillé avec impartialité a développer Ia Conftitution frangoife par les mouumens anciens, les, chartres, les traités, les conditions expreffes obtenues par les différentes . provinces de France, lors de leur réunion, le ferment du Sacre, les Edits de nos Rois , les Differtations des Savans , les Hiftoires de Ja Nation fondées fur toutes ces pieces , n'a cherché qu'a favorifer le fyftême du Chanceiier, eu faifant naftre des d,outes a Ja Nation fur fa propre conftitution , en affurant que des ouvrages des auteurs, d'ailleurs célebres, qui ont écrit fur cette matiere, il ne réfulte qu'une idéé de confiitution compliquée , bizarre & monltrueüfe; des notionsfi contradicloires, que les fujets les plus attachés a leur Prince croient bien faire d'en interdire la. recherchg & Pexamen. 2". Que tout 1'enfemble du fyftême ne porte que fur Ia faulle idéé de conquête , puifque 1'Ecrivain, pour prouver que les ,Rois ne doivent compte qu'a Dieu de 1'admimftration de leurs Etats, fonde fon affer. tion fur ce cju'ils ne les tiennent pour Ja Tom XXIX. o  C 3'4 ) pius grande partie que de Dieu & de l'Epée. 30. Que le Sl'. Buuquet deshonore & démembre la Royauté, en la partageant entre le Roi ct le Chanceiier, en le mettant audeffus du Dauphin ct de tous les Sujets, en accumulant fur fa tête toutes les dignités de la Couroone, en voulant que le Roi ne juge pas, mais confirme feulement les jugemens du Chanceiier, qui eft la principale fource des loix; que celui-ci enfin tieune fa prééminence de la même loi fondamentale qui rend la perfonne du Légiflateur facrée. Le differtateur réfute fon adverfaire fur tous ces points; il démontre les dangers de cette derniere partie du fyftême, danslaquelle Mr. de Maupeou fe complaifoit le plus, en ce qu'on s'y mettoit au-deffus des loix , qu'on ne fe rcndoit jufticiable de perfonne, cc qu'au cas oh, le regne des ló;x reparoisfant , on voudroit lui faire fon procés , comme au Chanceiier Poyet, on lui prépa. roit ainfi de loin une défenfe, on embrouilloit du moins la matiere , afin de le fauver & la faveur de tant d'obfcurités. Tel elt le réfumé de cet ouvrafje, excellent, clair, méthodique, bien écrit & refpiïant partout le refpeét pour la Majefié Ro. vale, & un zele ardent pour la défenfe des droits de la Nation. A la page 267. Le 16 Novembre 1774. Oh rapporte un bon mot, ou, fi 1'on veut, un quolibet de Mr. le Comte de Maurepas,  C 3^5 ) tout recent h 1'occaGon du Lit de juftice, tenu par ie Roi ie 12 de ce mois pour la réintégration du Parlement dans fes fonclions, II indique le caracfere d'efprir. de ce Ministre, fa gaité & combien , maftre de Juiroême & fupérieur a tous les événemens, il fait traiter, en fe jouant,les affaires les plus graves. Le Comte de Maurepas s'étant montré dans la Grand' Chambre avant la venue du Roi, Mr. d'JgueJeau, Doyen du Confeil, ' parut furpris de fa préfence ct lui déclara qu'il ne pouvoit occuper aucun rang dans cette cérémonie: „ raffurez-vous" , lui répondit le Miniftre en riant; ,, je viens feulement lanterneri" & en effet il fe plaga dans une tribune, oh 1'on met ceux qui veulent affifter a ce genre de fpeélacles incognito, & qu'on appelle une lanterne. A la page 267. Le 17 Novembre 1774. La lettre fur 1'obéiffance que les militaires doivent aux commandemens du Prince , traite cette matiere délicate d'après les notions établies fur le bon fens, fur le droit naturel & fur le fentiment intime de la confcience. II s'enfuit des principes de l'auteur, qu'il eft des bornes que le pouvoir royal ne fauroit franchir; que c'eft une obügation rigoureufe pour tous les ordres de citoyens de refufer d'exécuter des commandemens évidemment iilégaux: mais cette réfiftance doit être purement paffive; elle eft fondée fur ce O 2  C 316 ) qu'un Militaire, en fervant le Roi, ne fert réellement que 1'Etat, dont Ie Prince eft feulement le chef. II prouve que cette doctrine n'eft point nouvelle; qu'elle a été mife en pratique dans tous les tems par les héros les plus vertueux, les plus attachés a leur Souverain. II en cite une multitude d'exemples anciens & modernes, & recem* ment dans les derniers troubles le Prince de Beauveau, le Duc deDuras; il rend juftice en paffant è la conduite du Sr. Dagay de Mutiney, Intendant de Bretagne, qui a été rappellé paree qu'il a refufé d'aller a Renues violer la juftice dans fon temple. Ceróle, dit-il, convient parfaitement aux Baftard, aux Flejftlles; mais pourroit-on préfume'r que les Guignard de Saint Priejï, les Payot de Marchsval fuffent leurs complices 11 eft dgalement faché de rencontrer dans la lifte des officiers généraux qui ont été les valets du Sieur de Maupeou, parmi les noms des Fitx James, des Ricbiheu, des de Lorges, ceux des Comte de la Marclie, des d''Arment'ieres , des d'tiarcourt, des Rochechouart , des Otrmont-Tonnen e, des Perigord, des la Tour - Dupin, des Ruffey, A la page 272. Le 21 Novembre 1774. Dans la lettre du Sr. Sorbouet au Sr. de Maupeou, page 19, on lit: „ la Politique plus déliée %> a fait en même tems paffer a notre fervjce „ le fameux repréfentant d'uue illuftre Nan';tionj (le Comte d'Arandut Ambaftadeuï  C 337 ) d'Èfpagne: en Note) il fembloit par prudeöce , par état & par carattere devoir „ nous être a jamais contraire,- mais il s'eft s, fait fubiteraent,par un bonheur inefpéré .. „ notre bruyant apologifte & le plus arderit „ accufateur des anciens. On dit qu'en cela ,, il a mieux fervi nos intéréts que ceux de 3S fa couronne, dont il révele trop les chi„ mériques prétentions." On allure, ce qui eft affez vraifemblable que cette tirade a offenfé M''. d'Aranda \ qu'il s'en eft plaint & que la brochure , quoique déja clandeüine,eft devenue encore plus rare. A la page 272. Le 21 Novembre 1774. L'opéra ü'Azolan, tiré d'un conté de Mr. deVoltaire, retardé par le défaut de mémoire des Acteurs, doit enfin s'exécuter demain. ■ A la page 272. Le 22 Novembre 1774. \MTi du Rojoy a fait quelques changemens a fon drame lyrique è'Henri IV, ce qui le ■rend moins ridicule. Cet auteur a compofé douze vers fur le retour du Parlement, qu'il mettoit dans la bouche de fon héros, lis devoient fe débiter a la première repréfeD. tation ; mais on lui a confeillé de les óter & d'avoir égard aux inftances de quelques-uns des membres du Grand Confeil, qui font venus le prier de ne point augmenter Popprobre dont on les couvroit, en les traduifant encore fur le théatre. A la page 274. Le 25 Novembre 1774. 0 3  c 3'8 ) Uq Mémoire qui paroit en ce moment en faveur du Comte de Guines dans le procés que lui intente fon Secrétaire, eft fort recherché a caufe de la nature de Faffaire trés curieufe & du nom de 1'Avocat Target qu'on y lit pour la première fois, depuis la cataftrophe du Parlement. Quoiqu'il en foit, Mr. de Guines dans ce Mémoire ne fe contente pas de faire tornber 1'imputation atroce du Sieur Tort, en la niant fans aucun rifque, puifqu'elle n'a d'autre appui que 1'affertion de 1'accufateur, repetée par fes témoins d'apiès lui feul & fur fa bonne foi ; mais il entreprend de prouver que 1'accufation eft fauffe & qu'elle ne peut être vraie. II divife fa défenfe en trois parties. Dans Ia première il expofe 1'état «ftuet du procés^ Dans la feeonde il établit la refutation des calomnies du Sieur Tort. Dans la troifieme il renferme la preuve des délits des Sieurs Tort, Roger & Delpech. La difcuffion de ces diverfes parties, ennuyeufe pour les lecleurs qu'elle n'intérefl'e pas a certain point, eft iiutile; il fuffitd'asfurer que, fatisfaifante peut-être pour les juges, elle ne 1'eft pas complettement pour les logiciens difficiles. A la page 274. Le 26 Novembre 1774. Les brocards ne tariflent point fur Meffieurs du Grand Confeil: un plaifant a fait une chanfon, oh il introduit en fcene le Roi  C 3'9 ) • avec PArchevêque de Paris & dans un ftyfé peu convenable fans doute au Souverain, il lui fait manifefter fes volontés a 1'égard du renvoi du Parlement Maupeou; on fait que S. M. appelle le Prélat, mon Coufin, a raifon de fa dignité de Pair, quand il lui écrit. On eft parti de-la pour choifir Pair fi connu fur le refrein vsild mon coufin, V'allure mon coufin & noter les paroles,dont certains couplets font fort groffiers, mais d'autres onc du fel. On dit que ce vaudeville a fait fortune h la Cour & que le Monarque même en a ri: il eft en fix couplets. A la page 274. Le 27 Novembre 1774. On va couper une trés grande partie du parC de Verfailles, dont le plus grand nombre des srbres font couronnés, & il fera replanté de nouveaux. Cette deftruttion inévitable aflPge les amateurs de 1'antique. A la page 274. Le 27 Noven.bre 1774. La Reine a couru ces jours derniers un grand danger, dont le fouvenir fait frémir encore. Cette PrincefTe aime beaucoup a fe promener en traineau fur la glacé; genre de plaifir uflté furtout chez les Nations du Nord, a raifon du climat & même de la néceffité. S. M, profitoit de Ia circonftanca de Ia faifon rigoureufe pour fe üvrer a eet fnfmC're'uaUqUel rd,,e avoic «>mmencé ï fe tormer a Vienne. L'écuyer qui la conduifoic ayant tombé & les ches aux qui, déja trés viis, ne fentoient plu, ks gujdes QQ . O 4  ( 320 ) méncoient a prendrc le mors aux dents-, lorfque la Reine, alerte & légere, a reffaiG les rêces avec beaucoup de dextérité & s'eft rendue maitreffe des courfiers, jufques a ce qu'elle ait pu avoir du fecours. Revenus de leur frayeur, les fpectateurs ont admiré la préfence d'efprit, le fang froid ct le courage de Sa Majefté. A la page 277. Le 30 Novembre 1774. La levée de la milice ayant donné lieu a une diverCté d'opinions entre Meffieurs les Intendans des généralités du royaume & Meffieurs les Infpecteurs généraur d'infanterie; S. M., pour en être inftruite & en décider en connoiffance de caufe entiere, a jugé a propos d'affembler en fa préfence le 25 de ce mois un comité particulier, compofé de Mr. le Maréchal, Prince de Soubije, de Mr. le Comte de Maurepas, de M1'. le Comte du Muy, de M>'. Berlin & de Mr. Turgot, tous Miniftres d'Etat, & oh ont été appellés Mr. le Maréchal de Biron & M1". le Comte d'Herouville, Lieutenant général, & les plus anciens des Infpecteurs généraux d'infanterie. Le Comité a duré trois heures & demie: Mr. le Comte d'Herouville a fait Je rapport de l'objet de la difcuffion: on ignore la déciGon du Roi; mais Pordonnance' qui. doit être inceffamment imprimée & publiée la fera connoïtre. A la page 277. Le 30 Novembre 1774. ■ Entre les pieces de vers dont la ville de 'Rouen 1  C 321 ) louen a été.inondée, dans 1'ivrefle de la joye générale concernant le retour du Parlement , on diftingue une Epitre adreffée i NolTeigneurs du Parlement de Normandie, oa il y a de lapoéüe & des images. A la page 277. Le 30 Novembre 1774. Après la Saint Martin,.. mon coufin, Le Parlement déniche - Et fait place a Panelen... mon coufin Qui 1'envoye faire fiche... mon coufin Voila mon coufin, Pallure , mon coufin. * Entrez dans les railbns... mon coufin , Qui me font le détruire : 'Ce font tous des fripons... mon coufin Qui ne ne favent pas lire... mon coufin Voila &c. * De ce corps avoir foin... mon coufin, Sera cbarité pure. Vous êtes fon foutien... mon coufin, Lui votre créature,.. mon coufin Voila &c. * De/irat, Bilkcux, Gin... mon coufin, R-ront triïle figure; Saus honnc-ur & fans pain... mon coufiij La cruelle aventure, Voila &c. * Tonfiirez le 'P'ngóti '(*)• • ■ rnoa coufin (*v fclr, '4s Nkuluï, ci - devant Culuntl (Je dragons.  C 322 ) Qu'en lYglife on le place: Uportemal, dit on mon coufin La robe & la cuirafle... mon coufin Voila &c. * De bon ccenr je les platos.... mon coufis Je vous les recommande: A chacun d'eux enfin... mon coufin, Donnez une prébende... mon coufin Voila &c. A la page 277. Le ier. Dêcemhre 1774. Malgré fon état d'humiliation fous la fiétriffure que lui a imprimé le Parlement Maupeou , le Sieur de Beaumarchais fe ranime depuis Ia deftruétiou de ce corps, & i] commence k faire le plaiunt & a fe répandre en nouveaux bons mots. On affure même, ce qui eft affez vraifemblable, qu'il fonge k faire caffer 1'Arrêt qui le blême. Dans ce projet, fans doute, il eft allé trouver un Avocat, le ptus agréable au Parlement rentré, par fon dévouement abfolu & la ceffation entiere de toutes les forjctions durant Pexil: ne Payant point trouvé, il a écrit ce billet chez le portier: W Martyr Beaumarchais eft verat peur voir la Vkrge Target. A ft page 280. Le 4 Dêcemhre \ Mr. fe Contróleur général vient de manifefier fon efprit d'équité, au préjudice même des droits dé fa place. II a écrit aux Fermiers généraux que fon intention étoit que les  ( 323 ) membres de leur compagnie fuffent tirés da nombre des travailleurs, & que la fortune dans cet état devint comme dans les autres la récompenfe du mérite. En conféquence il a commeccé par donner une adjonction' au Sieur Sanlo, Directeur de correfpondanccs pour la partie des Domaines, & un des grands coopérateurs de la Ferme. D'ailleurs cette partie des domaines eft trés belle. Elle exige DécefTairement beaucoup de connois" fances furtout du régime féodal, & il n'eft pas d'homme inftruit des grands principes de cette doctrine, capable de remonter aux fources, qui ne fut, fous cet afbeet, un membre trés idoine de 1'Académie des belles-lettres. A la page 280. Le 5 Dêcemhre 1774. Extrait d'une lettre de Rochefort du 28 Novembre. Vous ne fauriez imaginer combien Mr. de Boincs & fes ouvrages étoient déteftés de la marine. L'Ordonnance provifoire par laquelle Mr. de Sartines annonce fon projetd'anéantir tout ce que fon prédécesfeur a fait, y a caufé une joye indicible furtout dans ce département: on fe porteatoute 1'ivreffe qu'elle peut caufer a 1'extérieur en réjouiffances, en fétes. Les Officiers connoiffent bien 1'inertie au moins égale de leur nouveau Miniftre, mais ils efperent le mener comme ils voudront. A Ia page 280. Le 6 Dêcemhre f774. Üq accident arrivé dans 1 "appartement du Roi O 6>  'C 324 ) famecfi dernier & le fpeétacle qu'a eu S, fvï. d'un homme tombé d'une échelle , la 'tête fracaffée, a ému le Roi au point qu'il en a refienti un petit accès de fievre & n'eft point forti de fon appartement le dimanche. Son incommodité n'a point eu de fuites; 'on y a pris d'autant plus de part qu'il marii'fefte 1'excellence de fon cceur & caraétérife une fenfibilité vive dont fon phyflque ne Tembleroit pas fufceptible; fon humanité le rendra plus aimé lui - même. N A Ia page 280. Le 6 Décembre 1774. Le 'proces élevé depuis quelque tems entre le Maréchal Duc de Richelieu & la Préfidente de St. Vincent, commence a prendre couleur. Ces jours derniers le premier eft allé 'voir Mr, de Gourgues, Préfident de Tour:nelle & lui a demandé un bon Rapporteur. „ II n'y en a point d'autre aujourd'hui, Mon„ fieur le Maréchal ,"lui a répondu fechement cc avec hauteur le Magiftrat piqué. A la page 281. Le 8 Décembre 1774, On 3 imprimé les difcours de Me. Target h la 'rentrée du Parlement les 28 & 29 Novembre. On fait que c'eft aujourd'hui Ie cory'phée du Barreau a raifon du patriotifme intrépide qu'il a déplové deouis Ia dis- 'grace du Parlement & pendant tout ce long intervalle. Ce petit recueil contient trois difcours: celui en réponfe du difcours de 'Mp. Seguier, Avocat général, adreffé aux .AvocaüS;; celui .pronoccé par M>. Target  t 3 '2j ) ?cn préïéntant au ferment 117 Avocats - & enfin 1'Exorde- de fon premier plaidoyef pour ie Marquis de Senneclerre. On auroit- defiré pour 1'honneur de cet Avocat qu'on ne lui cót pas joué Ie tour de faire imprimer ces difcours, furtout Ie premier, dont le langage barbare, les expresfions emphatiques, les métaphores difparates, les hyperboles gigantefques reffembient beaucoup a Ia vieille eloquence du barreau qui contient plus de phrafes que d'idées. A la page 284. Le 11 Décembre 1774. C'eft le bruit général de Ia cour & de la ville que Madame la ComtefTe d'Artois eft grofle de prés d'un mois. La Reine en ayant témo'gné fc fatisfaétion è Madaaie la Da'chefle de Quintin, 1'une des Dames attachées h Ia première PrincefTe: „ Madame," lui a répondu la Ducheffe; „ c'eft un précur- feur." A la page 284. Le 12 Décembre 1774. Les Fraagois fe difpofent è donner après la Partie de chaffe de Henri le drame d\llbert premier ou Adeline, auquel la Reine doit ■affifter. A la page 285. Le 15 Décembre 1774. 'On voit encore une nouvelle brochure furies événemens du jour: elle a pour titre la Ligue dicouverte, ou la Nation Vefigêe: Lettre 'd'un Quacre d F. M. A. d. V.JÜr les affaires 'dü tems l'heureux avenemeni au triiue -de 'Louis 'XVI. O ?  C 3^ ) A la page 285. Le 16 Décembre 1774. Depuis longtems on forme des projets pour une nouvelle falie de comédie Italienne; & il n'eft point d'extravagance que n'imagine la cupidité des architeétes. On propofe aujourd'hui de la conftruire dans des Marais au haut de la rue PoifTonniere; ce qui éloigneroit beaucoup trop ce Speétacle du ctntre de Paris. A la page 285. Le 16 Décembre 1774. La Ligue aécouverte eft une brochure dirigée contre Mr. de Volraire, è qui 1'on reproche fon filerce.^ II eft d'autant plus extraordinaire en effet, que cet auteur eft toujours fort empreffé a faifir Pa propos. Mais il a fi hautement affiché fa facon de penfer, qu'il eft aujourd'hui fort embarraffé pour fe retracter. Quoiqu'il en foit, on tourrrente a cet égard le vieux philofophe de Ferney, & la matiere prêreroit infinimene a un meilleur plaifant. Celui» ci eft lourd, fans fel, & fon pamphlet ne fignifie rieny a quelques anecdotes prés trés clair-femées» Mauvais flyle d'ailleurs, & fatyre dégoütante, dont 1'écrivain eft anonyme & faie ' pTudemment. A la page 286. Le 18 Décembre 1774, La grofftffe de Madame la Comteffe d'Artois; fe corfirme de plus en plus. Les bruits de? la Cour & de la Ville font que la feeonde j époque eft déja révolue; mais on fait que' j Ia déclaration ne s'en fait aux AGlbaiadeurs I qu'a: qjuatrs mois & demi,  ( 32? ) On dit que M>. Ie Comte d'Artois enchanté de cet heureux événement, s'eft écrié en plaifantant: cela ne pouvoit pas ,, être autrement, c'eft moi qui ai récabli la ,, Cour des Aides." A la pa?e 290. Le 23 Décembre 1774, Mr. 1'Avocat Général Seguier, qui devoit porter la parole dans le procés de la Rodere, n'a pu le faire que mardi dernier: les habitans du village de Salency ont gagné contre le Seigneur, & le public a paru fort content de 1'Arrêt. A la page 391. Le 25 Décembre 1774. II faut fe rappeller 1'établiffement d'une imprimerie Royale, formée a Verfailles a 1'hótel de la Guerre en 1767, pour le fervice de ce Département, de celui de Ia Marine & des Affaires étrangeres, fous 1'infpedtion de MrBerthier, Gouverneur de cet hótel. Cet établiffement n'a pu fe faire fans diminuer de beaucoup celui de 1'imprimerie Royale auLouvre, & le Directeur, M1. Duperron, a cru devoir communiquer au Miniftere des Obfervations, auxquelles a repliqué Ml*. Berthier. Suivant 1'expofé des deuxrivaax, 1'un des deux établiffemens feroit infiniment plus cher que 1'autre, & chacun, de fon cöté, prétend être le véritablement économique. A la page 293. Le 27 Décembre 1774, On fait que le Roi touché des perte? énormesqui fe faifoient fouvest au jeu chez les  Priccês, les a engagés a le modérer & h ne point donner cours chez eux aux jeux de hazard. II y a peu de tems, M. le Duc ■d'Orléans étant a Paris & ayant annoncé qu'il recevroit a fouper les Seigneurs accoutumés h lui faire leur cour, plus de foixante •convives s'étoient préfentés pour jouir de cet honneur; mais'Son Alteffe ayant déclaré que, conformément aux intentions du Roi, on ne joueroit point aux jeux de hazard , tous ont défilé fuccefiivement ; il n'eft refté chez ce Prince que vingt,perTonnes. A la page 204. Le 29 Décembre 1774. 'Mr. de la Harpe vient de publier une fatyre : manufcrite, qu'il a modeftement intitulée vers d deux de mes amis. II y a pris en effet le ton 'familier de Pamitié, & ce ton eft quelquef ois bas. Boileau, parmi les morts, cï parmi ie! Vivans ; Mrs. Dorat , 1'Abbé Boudeau, Rochon, d'Arnaud, Aubert, Marin, Freron, Clement, mais furtout Mr. Rigtley dt Juvigny font ceux qu'il paffe en revue & plaifante, 11 fait parfois auffi lepolitique. M^'Purgot, Comme tenant la bourfe, y eft loué; mais la fecle des Economiftes n'eft point exempte . 'de fes coups de patte; il n'eft pas jufques ■h M1- de Maupeou & fa fequelle dont il ne ■rnédife impunément. 11 y a beaucoup ïd'inégalités dans cet ouvrage; la facilité du vers eft cc qui le caractérife prinapalemetït. ■A la page 24*4. Le .31 Ifambn ïfö*.  ( 329 ) M>'. 1'Abbé de Voifenon eft revenu de Ia maladie dont on le croyoit mortellemcnt attaqué; mais il eft fi chétif, qu'on doute qu'il puifle aller loin. Lui • même en eft frappé & a fait en conféquence un retour vers Dieu qui, vraifemblablement, fera plus long & plus folide que les précédens, car on fait que cet Abbé, dont la tête eft auffi foible que le cceur, a fouvent vau'é de principes, oü plutót qu'il n'en a pas & fe laiffe aller a toutes les circonftances, 11 a pris un Confeffeur, même un Directeur en regie & confacre, dit-on, aujourd'hui fa mufe a la religion. ANNEE MDCCLXXV. A lapagesef. Le 3 Janvier 1775. On 'apprcnd que Ia maladie des beftiaux qui a défolé le Béarn & fucceffivement la Guyenne, gagne du cóté de Touloufe, fans qu'on puifle détruire ce fléau. Le Gouvernement ne ceffe de faire chercher les moyecs-d'arrêter une telle contagion, contre laquelle deviennent nuls tous les foins & toutes les con. fultations des favans les plus experts dans la doctrine vétérinaire. A la page 295. Le 4 Janvier 1775. "SJalmanac royal, depuis fon origine, devient de jour en jour un livre plus précieux pour 1'hiftoire, enforte que la colleólion comiplette de ces volumes éphémeTes augmente  ( 330 ; de cherté; mais dans Ie nombre il en eft qui font plus recherchés a caufe des époques mémorables. Celui de cette aonée 1775 fera du nombre, Les changemens a y faire font fi confidérables, que non - feulement it n'a pas été publié è la fin de Décembre fuivant 1'ufage, mais que l'impreffion n'en «il pas encore achevée & qu'on defefpere d'en jouir avant le quinze de ce mois. A la page 205. Le j Janvier 1775. Les Corvées font une chofe odieufe & qui défole les habitans de Ia campagne. Mr. Turgot, durant fon Intendance de Lircoges, ayant été dans le cas d'en connofrre par lui ■ même les incoméniens, fonge férieufement depuis qu'il eft en place a délivrer les agriculteurs de cette. charge; & il ne trouve pas d'aurre moyen que d'y fubftituer un petit impót beaucoup moins onéreux que les corvées; mais il prévoit nombre d'obftscles de Ia part des Seigneurs, qui ne font pas affujettis k la corvée & furtout de la part des Magiftrats, dont Ia morgue fe révolte de voir fupprimer une tache annexée aux Vilains, tandis qu'eux en retirent le profit & dont il faudroit en conféquence qu'ils fupportafient une répartition plus confidérable, a mefure qu'ils feroient plus grands terriens. A la page 20T. fe 6 Janvier 177?. Dn étoit fort mal dans Paris le carême, oh les muevuts cc les malades étoient obligés de fe pourvoir de viande a 1'hötel-dieu. Depuis  ( 331 ) Ie miniftcre de Mr. Turgoc, il eft quefHon d'abolir cet ufage vexatoire & de laiffer aux bouchers la liberté de vendre comme en tout tems. Le Roi fe réferve d'indemnifer cet hópital du bénéfice que lui procuroit ce privilege. Les Prêtres crient a l'impie con» tre M'. Turgot; ils regardent comme un fcandale horrible de voir les étaux chargés de viandes durant Ie tems de pénitence; mais il parbtt que leurs clameurs ne feront point écoutées. A la page 297. Le 7 Janvier 1775. On repete i 1'opéra VIphigènie du Chevalier Gluck, qui dojt étre remis mardi prochain 10 de ce mois. Non-feulement on n'en fupprirre pas les ballets, comme on 1'avoit d'abord propofé, mais on les embellir, on les convertit en d'autres plus agréables & 1'on tache de rendre cette partie acceffoire digne du corps de 1'ouvrage. A la page 298. Le 9 Janvitr 1775» H n'y a point eu de nomination de Cordon bleu le jour de 1'an & S. M. n'en fera qu'i fon Sacre, ou après fon Sacre; quoiqu'a 1'inftant de Ia mort de fon prédéceffcur, revêtue de toute 1'étendue de I'autorité fuprêtr,e, elle eft encore cenfée incompétente pour cette cérémonie, jufqu'a ce qu'elle eüt été recue Grand - maitre de 1'ordre. A la page 299. Le 10 Janvier 1775. Pour entendre la plaifanterie fuivante, il faut favoir que Mr. de Sauvigny avoit effeo  C 332 ) ïivement è la première Préfidence un petit cochon qu'il aimoit & careffoit, & que cet animal, tettu comme tous ceux de fon efpece, a eu beaucoup de peine h en déguerpir, lorfque fon maftre en eft forti. Si la chfite du conté n'eft pas fort piquante, il y a de Ia gaité, de la facilité, du naturel dans la narration, qui Ie font rechercher , indépendamment du fujet qui forme anecdote. Le cochon allégorique. fiu Corps amovible un de nos Préfidens, 'Que, fauf refpeft, Berthier (*) on nom me, Dans fon hotel avoit, depuis quatre ans, Petit cochon dont pnrfois le bon homme Se recréoit, quand travaux importans Avoient patfbis fatigué fa cervelle; Douce tnrangue ou gentiïle oraifon -II lui faifoit: entr'eux fympathie étoit telle Que le goret étoit de la maifon Le grand ami: Berthier, comme fon frere, Le fêtoyoit & lui faifoit grand'chere: Tous les reliëfs il lui portoit. partant Je dróle proficoit, Etui: gras comme pere & mere. En anima! reconnoiflant, En bon cochon, il careffoit fon mnitre*, Puis fe vautrant en 1'abordant, Sitót qu'il le voyoic paroltre ; Sans cefle il lui difoit hvn, hom Cs) Berthier eft le nom de familie de Mr. de Sauv'gnv.  C 313 ) Chaeun harangue h fa.facon: Hon, hon , dans fon llyle veut dire Devoir, Soumiffion, Refpeft (*■), Le Préfident a fon afpeft, En Ie flattant, daignoit fourire. L'ami cochon dans 1'hótel bien traité, N'en eut voulu déguerpir de fa vie. Mais tout prend fin; tout n'eft que vanité Dans ce bas monde, & liefie eft fuivie De repentir & de foucis cuifaus. Témoin Berthier qui pour avoir quatre ans Inamoviblement feul rendu la juflice, N'a pour lui' que la honte & le défag'émeut De chercher nouveau logement: Qf) II faut du Hen qu'il déguerpillé; Ce qu'il fait trés doucemsnt. Mais fon cochon penfe autrement: Le déloger, eft la chofe impoffible; Le dróle fe eroit'bonnement, Plus que fon maitre inamovible (Q. A la page 300. Le 11 Janvier 1775. Lo Sieur Caron de Beaumarchais eft fenfible- (*) Expreflïons d'un certain Lit de juftice, qu'on parodie en cet endroit. (f) Mr. Berthier de SSyvigny, ]0is de la re'intégration du Parlement, a été oblijé de quitter 1'bótcl de la Préfidence & de Ie rendre a Mr. d'Aligre. (§) Aüufion au mot du Jfhancelier, qui dans 1'Edit de création du Parlement Maupeou, faifoit dire au Roi que ces nouveaux Magiftrats feroient inamoyil/ks, comiue its anciens,  C 334 ) ment affligé de voir le Mémoire qu'il fe propofoic de répandre, réduit è un fimple Précis contenant les moyens de droit pour la caffation de 1'Arrêt dans 1'affairede Mr. de la B!a:he & dénué de tous les farcafmes dont il 1'avoit affaifonné; il n'a trouvé aucuu Avocat xaux Confeilsqui ait voulu le figner dans cet état. Comme il efl inépuifable en reffources pour la m^chanceté, il a imaginé de faire une Confultation d'Avocats au Parlement, auxquels il demandera fi les Avocats aux Confeils peuvent refufer de figner le Mémoire en queftion, qu'il relatera préalablement: c'eft a quoi il travaille aujourd'hui. A la page 300. Le 13 Janvier 177J. Madame de St. Sauveur eft une des plus jolies femmes de Paris, qui depuis plufieurs années plaide en féparation contre fon mari: celui • ci eft un Maitre des requêtes , grand EcoDomifte, auteur de quelques broohures & avidé de renommée, ayant par conféquent un parti d'apologiftes & de próneurs; tout cela ne laifle pas que de donner ie 1'importance a 1'affaire, de nature a intéresfer par elle-même & qui d'ailleurs a déja éprouvé beaucoup de viciffitudes. Madame de St. Sauveur eft aCluelIement a demander au Confeil la caffation de 1'Arrêt du Parlement de Bordeaux, qui a refufé d'autorifer la féparation. M'-. de Saint Sauveur vient de répandre un Mémoire contre la nouvelle prétention de fa femme.  C 335 ) A la page 300. Le 13 Janvier 1775. H paroïc que c'eft décidemmenc Ia fëmaine prochaine que les Comédiens Francois jouiront le drame d'Alben premier, ou Adeline. A la page 302. Le 15 Janvier 1775. II faut que M méchanceté ü adroite du Sr. de Beaumarchais ait été cette fois mife en défaut, & qu'il n'ait pu obtenir de faire imprimer la diatribe qu'il vouloit répandre dans fon procés contre le Comte de la Blêche; car rien ne paroit. On voit même une réponfe de ce dernier au Précis de 1'autre, contenant, comme on a dit, les moyens de droit uniquement. Dans fa réponfe, fon adverfaire lui reproche de ne répandre la fienne que la veillc du jugement, lorfque 1'affaire a déja été difcutée dans une première Séance des Meffieurs les Commiffaires, & que Pexamen doit en être terminé le jeudi 12 Janvier. Le Comte y femble fort a fon ai'fe, comme certain d'avoir échappé aux farcafmes, aux turlupinades du SK Caron. C'eft le lundi 16 que le jugement en caffation doit être prononcé définitivement au Confeil, ou que la requête doit être rejettée. A la page 302. Le ij Janvier 1775. On parle beaucoup d'une querelle furvenue entre Madame de Champb'onas, ci-devant Mlle. de Lnngeac, & fon mari ,- on veut que celui-ci, dans un accès de jaloufie fondée ou non, ait maltraité fa femme, & 1'ait même battue horriblcmént: enforte que la  ( 33°" ) jcane perfonne eft retournée chez fa mere & demande féparation. II auroit été difficile. qu'un manage de cette efpece fut heureux. La femme eft trè^ jolie, tres coquette ót a été élevéc avec les plus mauvais exernples. Le mari eft un agréable, un petit-maitre, un libertin qui n'a envifagé qu'une groffe fortune & un grand crédit: les circonftances ayant changé tout a coup, il a manqué ce doublé but & il eft furieux de s'ëtre deshonoré gratuitement par une fernblable mesalliance. A la page 302. Le 16 Janvier 1775. L'almanach royal différé paroit enfin, en mauvais ordre encore, a caufe de la brieveté du tems, qui n'a pas permis de déorouiller parfaitement tout ce nouveau cahos. A la page 30CT. Le 20 Janvier 1775. Les Etats de Languedoc ont fait un Arrêté pour venir au fécours des habitans de cette Province, qui ont fouffert par la malad'e épidémique des bêtes h cornes dont les progrès s'étendentde plus en plus, Mr. 1'Archevêque de Touloufe s'eft piqué de donner un exemple plus fpécial de générofité; il a écrit une lettre circulaire aux curés des campagnes, pour qu'ils ayent a averqr les habitans affligés de femblables pertes, de s'adreffcr a lui & lui demander des fecours; ne trouvant rien de plus jufte que d'emplqyer les re vernis de 1'églife au foulagement des pauvrcsa fuivant leur deftination légitime. Qn vante, cette  C 33? ) cette paftorale comme remplie d'une onctlon qu'il n'a pas puifée parmi fes confrères de 1'Académie Francoife, mais dignedes anciens Peres de PEglife. A la page 300". Le 20 Janvier 1775. Mr. le Comte de la Blache n'a pas triomphé longtems, Le Sr. de Beaumarchais s'eft teliement démené qu'il a obtenu de Mr. le Garde des Sceaux la liberté de faire paroïtre fon Mémoire, comme néceffaire a fa juftification, comme propre k porter la conviétion & 1'évidence dans 1'efprit des juges: M'. de Miromefnil pour laiffer a cet intriguant le tems néceffaire, a renvoyé le jugement k la huitaine. A la page 307. Le 22 Janvier 1775. La Manufadture de Porcelaine établie a Seve fous la proteétion immédiate du Roi, eft un. cbjet fort onéreux k S. M., malgré lacherté énorme de ces objets de luxe. On allure qu'une compagnie offre de la foutenir dans tout fon éclat, pourvu que le Roi veuille bien lui faire don de tous les batimens, terreins & établis formés k grands frais dans cet endroit^ & elle fe chargera de payer les penfions de retraite qui feront accordées aux perfonnes qui étoient employées a la tête de cette Manufaclure. On a tout lieu de croire que ces offres, fi elles font folides, feront acceptées. Cet établiffement ne feroit plus a charge, il deviendroit dans les main» Tome XXIX. P  C 33§ ) de gens intelligens trés utile pour eux, & tout le monde y gagneroit. A la page 307. Le 22 Janvier 1775. Le Mémoire pour le Sr. Pierre Auguftin Caron de Beaumarchais paroit en effet. II eft précédé d'un Avertiffetnent, ou fon auteur rend compte des difficultés fans nombre qu'il a éprouvées pour la publication de ce FaEtum, qu'il déclare être fon véritable, defavouant en quelque forte le premier du Sieur Huard du Pare, fon défenfeur. II eft comme on 1'annoncoit, préfenté fous la forme d'un Mémoire a confulter, 011 il demande aux Avocats du Parlement: fi, rejetté par les Avocats aux Confeils & par le fien propre, il n'eft pas en droit de s'adreffer aux premiers ; de prendre en fuite a partie fon Avocat aux Confeils & le rendre refponfable de tout le mal qui peut en réfulter pour le Sr. Caron ? Suit une Confultation de Mc. Ader, Avocat au Parlement, du 12 Janvier, qui bat la' campagne , & , fans décider que Mr. > Huard du Pare puiffe être pris a partie, eftime que le Sl'. de Beaumarchais peut & doit produire fon Avis de lui Ader, comme : icelui d un Juriiconlulte, ac. A la page 307. Le 24 Janvier 1775- Le Mémoire a confulter pour le Sr. de Beaumarchais offre plufieurs fingularités & impudences dignes de lui. On vpit d'abord que malgré le jugement qui 1'a diffamé depuis  c 339 y un an, fans qu'il en foit relevé, il conferve fes qualités & même fes charges qu'il ne doit plus exercer ni pofféder. On voit enfuite qu'il fe donne la liberté de par Ier trés mal d'un tribunal qui, fupprimé par le Roi, ou du moins rendu a fes anciennes fonétions, doit être refpectable pour lui: enfin, ce qu'on lui paffe le moins, c'eft d'avoir annorrcé ce Mémoire avec beaucoup de prétention, de le faire vendre comme une piece trés curieufe , & d'attraper ainfi le public ; perfonne ne pouvant le lire, tant il eft fee, long & mortellement ennuyeux. On y trouve pourtant quelques digreffions trés clairfemées, amenées tant bien que mal, oü le Leéteur fatigué peut fe délaffer un moment. A la page 307. Le 24 Janvier 1775. On fait que les femmes de qualité attachées a la Cour ou préfentées, lorfqu'elles vont & Verfailles, font obligées d'avoir un habillement qui les diftingue des Bourgeoifes ou autres femmes non préfentées: quant aux Seigneurs, ils n'ont nulle diftinction particuliere que lesattributs de leurs charges, ou les différens cordons dont ils peuvent être décorés. On propofe aujourd'hui de ramcncr pour eux I'ancien habillement de Cour, qu'on rapporte au fiecle de Henri III, c'efta-dire au vêtement que 1'on portoit lors de 1'inftitution de 1'Ordre du St. Efprit; mais ' cette innovation n'eft pas fans •difficulté & 1'on doute fort qu'elle foit adoptée, P 2  C 340 ) A la page 308. Le 27 Janvier 1775. Depuis quelque tems il s'eft élevé une guerre trés vive entre deux Avocats fameux du barreau, Me. Gerbier, & Me. Linguet, qui ne fait honneur ni è 1'un, ni a Pautre: il faut cotwenir même qu'on ne peut lire les Fatlums reciproques des deux parties, fans les méprifer fouverainement, tant ils ont bien 1'art de s'inculper réciproquement, & man. quent celui de conva:ncre le public fur leur juüification. Quant a la cbaleur, a 1'abondance, a 1'énergie, Me. Linguet 1'emporte conftamment fur Me. Gerbier, & fait infiniment mieux attacher le Lecteur. Au furplus, on feroit fort embarraffé de rendre compte de cette querelle, dont la jaloufie femble avoir été le principe fecret: on pourra cependant donner par la fuite un compte plus détaille de ces différens écrits, qui caufent une grande fenfatiou. A la page 308. Le 27 Janvier 1775. On attend inceffamment dans ce pays M"e. Clairon. II paroit que l'objet de fon retour eft de préfider au fecond début du Sr. la Rive, fon protégé & toujours cher a fon cceur. On dit que ce jeune Acteur, fon éleve, qui n'avoit pas obteriu un grand fuc. ces a fa première apparition, s'eft pérfectionné dans la province, & même dans les pays étrangers dont il a remporté les fuffra» ges: il efpere maintenant briller fur notre fcene, la plus fameufe de 1'Europe. Au refte, on célébre beaucoup la générofité de  C 34i ) 1'an'tique Melpomene , qui s'arrache ainfi! aux grandeurs & aux plaifirs d'une Cour, pour fe livrer aux attraits de fa bienfaifance. A la page 30S. Le 27 Janvier 1775. Le difcours de Me. Carlier, Avocat, prononcé h la Cour des Aides le 18 de ce mois, fouf. frant des difficultés a l'impreffion par des expreffions peu mefurées, il prend Ie parti d'en diftribuer des copies manufcrites: comme il eft court & bon, le voici. Messieurs! Notre caufe étoit fur le point d'être préfentée a votre audience, lorfque le Temple de la juftice, fermé tout a coup, ne s'ouvroit plus aux yeux de la Nation, que pour lui faire regretter fes juges légitimes. Tandis que votre zèle pour Ie maintien des loix, & que votre courage a les défendre ajoutoit a votre gloire un nouvel rclat; j'aurois cru avilir mon miniftere, fi j'euffe fait entendre ailleurs que dans ce fanftuaire augufte les cris de 1'innocence opprimée que je défends aujourd'hui. Un jeune Monarque, un nouveau Titus qui ne veut fignaler fon regne que par des adtes de juftice & de bienfaifance, vous a rendus aux vceux de la Patrie. Les acclamations de tous les citoyens vous ont porté 1'hommage dü è votre héroïfme: cet hommage, Meffieurs, n'eft pas un tribut paffager. Votre iiluftre Chef le fait germer dans 'P 3  C 342 ) tous les cceurs: tous les ordres de la fociété veulent vous enlever fes qualités éminentes, / ou veulent les partager avec vous. L'honnête homme le choifit pour exemple, le Magiftrat pour modele, les Sa vans briguent fes lumieres, les Orateurs fon pinceau, les plus grands noms fon alliance. C'eft a 1'heureux affemblage de tant de mérites différens que la Juftice doit fon rappel & celui de fes Miniftres; c'eft a lui que je dois le retour k mes fonctions, *~ Qu'il eft flatteur pour moi, Meffieurs, après quatre ans de filence&d'inaótionabfolue, de vous préfenter, en rentrant dans la lice, une caufe dont la partie & le premier défenfeur (Mc Moriffe, ProcureurJ n'ont point été frappés de la contagion qui en a 1 dégradé tant d'autres. A la page 308. Le 27 Janvier 1775. On annonce une Lettre de Mr. de Vohaire fur 1'Arrêt du Confeil, qui rend libre le commerce \ ] des grains dans 1'intérieur du royaume. On ne doute pas qu'il n'y faffe fa cour a Mr. Turgot. A la page 308. Le 28 Janvier 1775. j Tout le Confeil a été pour la caffation du j jugement rendu en faveur du Comte de la | Blache contre le Sr. de Beaumarchais, fauf 1 Mr. Baftard, dont ce plaifant dit: qu'il eft I accouiumé d fiffler les pieces avant que la toile I foit levéet pour exprimer la prévention & la 'j partialité de ce Magiftrat. Du refte, le  C 343 ) Confeil a fupprimé les expreffions injurieu* fes des Mémoires reciproques des parties; &, quant au dernier Mémoire du Sr. de Beaumarchais, le Roi s'en eft réfervé le jugement: on le repréfente comme un libelIe , paree qu'il n'eft muni de la fignature d'aucun Avocat aux Confeils; qu'il n'a pas été fignifié k la partie; qu'au fond , il traitede beaucoup de chofes étrangeres a la ques-tion, & que l'auteur s'y permet des forties trés peu refpeclueufes, trés indécentes contre le Tribunal qui 1'a jugé. II eft déja profcrit de fait & les Syndics des Libraires ont recju défenfes de le laiffer vendre. Le bruit court que c'eft aujourd'hui au Confeil des dépêches que le Roi prononcera fur cet objet. A la page 310. Le 29 Janvier I775« Me. Mariette, Avocat aux Confeils, défenfcur du Comte de la Blache, inculpó dans le Mémoire du Sr. Caron, a cru devoir fe défendre brievement. II répand une feuille intitulée, JS/otes Jur le Mémoire du Sr. & Beaumarchais contre le Comte de la Blaeht, II y déclare qu'il méprife tout ce qui dans ce libelle n'eft que mauvais propos, injures, jeux de mots, farcafmes, etc.; mais il, trouve qu'il exifte dans 'cet écrit un trait qui intéreffe fa probité, & il ne peut refter dans le filence a cet égard. Sa réponfe eft précoce, forte, vigoureufe & fans replique. II dit un mot en paflaut pour-juftifier les P 4  C 344 ) régiemens intérieurs de la Compagnie des Avocats aux Confeils, fur lefquels le plaifant adverfaire s'étend & s'égaye. Ce dernier point eft un des griefs qu'on oppofe au Sr. de Beaumarchais pour attaquer fa diatribe. A la page 310. Le 31 Janvier 1775. Les recherches féveres faites contre les diftributeurs de la Lettre de Mr. VAbbê Terrai, &c. ont opéré Pèmprifonnement de différens colporteurs & rendent ce pamphlet trés cher. A la page 310. Le 31 Janvier 1775. La mort de la mere du Sr. Molé arrivée la veille du famedi, oh 1'on devoit jouer Albert 1 pour la première fois, ayant paru exiger de cet Acteur quelque tems pour fatisfaire a fa douleur, ce drame, appellé piece fur l'affiche, doit enfin avoir lieu famedi 4 Février. A la page 311. Le 31 Février 1775. II paffe pour conftant que le projet de la nouveile Salie de Comédie è 1'errplacement de 1'feótel de Condé n'aura pas lieu; 1'on eft occupé è trouver des moyens pour en établir une qui ne foit pas difpendieufe au Roi, & le Sr. Liégeon vient de communiquer un nouveau plan économique au Marquis de Condorcet, qui s'en eft chargé auprès de Mr. Turgot. A la page 311. Le 3 Février 1715. On parle d'une nouvelle brochure intitulée les deux Regms. On n'en connoft encore que Vin-  C 34J ) Vintitulé, qui promet beaucoup, s'il eft bien rempli. A la page 313. Le 4 Février 1775, Depuis longtems on fe plaint de 1'infbction que caufent dans Paris les cimetieres, entr'au. tres celui des Innocens, oü vingt-deux paroiffes viennent journellement dépofer leurs cadavres. II eft queftion aujourd'hui férieufement de fermer ce féjour de corruption. Ou allure que Mr. le Lieutenaot général de Police a propofé de le clorre par provifion pour cinq ans&d'avifer pendant ce tems aux moyens de fupprimer abfolument un ufage auffi funefte. A la page 313. Le j Février 1775. On annonce la reception de M'\ le Préfident de Malesherbes a 1'Académie Frangoife pour le jeudi 16 de ce mois, & c'eft déja un emprefïement prodigieux a fe ménager des billets, afin d'entrer a cette aflemblée mémorable, plus patriotique encore que littéraire. A la page 323. Le 7 Février 1775- Mr. PArchiduc Maximilien, dont la venue en France eft annoncée depuis quelque tems, arrivé ce foir: on croyoit d'abord qu'il feroit introduit a la cour fous fon vrai nom & avec tous fes titres; mais, a raifon de la grande étiquette qu'exigeoit le cérémonial, & tout bien confidéré, i! reftera dans Vincognito & ne fe produira que fous un nom étranger. La Reine doit aller le recevoir P S  ( 340 au chateau de la Muette & lui donner h fouper. Comme S. M. defire qu'il figure convenablement au bal; c'eft le bruit de la Cour qu'elle lui a envoyé des maitres k danfer a Bruxelles pour le mettre au fait des quadrilles k la mode, les lui faire bien répéter & figurer & lui fournir par-la les moyens de briller, comme s'il n'étoit point étranger è nos fêtes. A la page 324. Le 10 Février 1775. Samedi dernier 4 Février on a rendu compte au Confeil des dépêches du Mémoire du Sr. de Beaumarchais, dont S. M. s'étoit refervé la connoiffance. Mr. de la Blache qui avoit au moins 1'efpoir de la vengeance en cette partie, ne s'eft vu que foiblement fatisfait. II a feulement été jugé que le Mémoire demeureroit fupprimé & qu'il feroit fait défenfes au S1'. de Beaumarchais de le faire vendre. 11 n'y a encore rien de décidé fur le tribunal qui fera conftitué juge du fond de Taffaire. A la page 327. Le 14 Février 1775, On ne fauroit croire combien Mr. Turgot commence a prendre d'afcendant fur 1'efprit du Roi. II ne peut malheureufement travailler autant qu'il le voudroit & que 1'exigeroient les circonftances; mais il fait rimpoffible. II eft toujours tourmenté d'une goutte indo.' lente, héréditaire dans fa familie, qui le tient prefque depuis qu'il eft Miniftre: on appelle cetce goutte indolente , paree qu'elle  ( 347 ) ne le fait pas fouffrir, mais lui óte Pu rage des jambes: il fe fait porter a bras chez le *Roi & affifle ainfi au Confeil. S. M. a 1'humanité de*lui faire donner tous les fecours qu'exige fon état; & 1'on cite uue circonftance, oh elle a fait affeoir ce Miniftre dans fon propre fauteuil, le feul qu'il y ait au Confeil. A la page 327. Le 14 Février 1775. Mr. le Comte de St, Germaiu, cet Officier Général fi eftimé . qui par mécontenrement avoit quitté le Service ct appellé a Copenhague, y avoit paffé avec la permiffion du Roi alafuprêmeadminiftration, comme Préfident, Premier Miniftre.& Feld• Maréchal, eft rentré en France depuis quelques années, mais fans aucune des récompenfes dües a fes fervices. II avoit confié toute fa fortune a un Banquier de Hambourg qui vient de faire banqueroute. Les Colonels Allemands, au fervjce de France , inftruits de ce fatal événement qui ruine leur ancien camarade après ciuquante ans.de travaux, pendant une partie defquels il a occupé les places les. plus diftinguées, ont arrêtéde fecottifer pour lui affurer une exiftence honorable. Louis XVI s'eft réfervé cette bonne action: il a donné une penfion de dix mille livres au Comte de St. Germain, & celui-ci a refufé d'une maniere noble & avec les expreffions dé la plus vive reconnoiffance le-fecours de ces étrangers. P ö  C 34S ) A la page 327. Le 14 Février 1775. Oa parle beaucoup d'une efpieglerie de Mr. le Comte d'Ar ****, Ün Intendant de* Province ayant indifcrétement pénétré chez S. A. R. 1'a trouvé dans un deshabillé que tout particulier fe permet dans fon intérieur, mais qui rendoit le Prince méconnoiffable a ceux qu'il n'admet point h fon intimité, enforte que le Magiflrat, croyant effeétivement avoir affaire è un fubaltcrne, encore d'une efpece trés inférieure, a répondu d'un ton brufque è une queftion que lui a fait le quidam prétendu. Le jeune Prince, point accoutumé a ce ton peu refpedtueux, dans un mouvement d'indignationafaitfauter la perruque de Phomme de robe & a ordonné qu'on le mit è la porte. M^. de Montyon , c'eft le nom de PIntendant, s'eft retiré houteufement: il a été obligé d'effuyer ainfi le perfifflage des courtifans. On afiure que le Roi a fait des reproches a fon frere de cette vivacité, & lui a dit qu'uo Prince de fon rang ne doit jamais s'imaginer que perfonne puiffe lui manquer. A la page 327. Le 14 Février 1775. Mr. le Duc de Choifeul a eu Phonneur de donner a fouper avant-hier a PArchiducMaximilien; ce qui releve les actions de ce Miniftre disgracié ot que la Reine defireroit remettre en faveur. A la page 327. Le 15 Février 1775. Mr. Turgot, cherchant a réunir autour de Jui  C 349 ) toutes les lumieres des coryphées de Ia feéte des Economiftes, a fait revenir de Pologne Ie Sr. Dupont, 1'a logé dans foa hótel, & 1'a nommé Infpecteur général des Manufaétures. Ce Miniftre ne pouvanc introduire dans Ie Commerce la liberté générale qu'il voudroic y mettre, cherche du moins a avoir ainfi des hommes dans fon fyftême pour furveiller ceux qui pourroient agir par des principes oppofés. Ce Mr. Dupont étoit celui qui préfidoit au Journal des Ephémérides expiré fous fa plume. A Ia page 327. Le 15 Février 1775. Le Sieur Gabriel, premier architecte du Roi, donne la démiffion de fa place & S. M. lui accordé une penfion de 20,000 livres. Elle a nommé è fa place le Sieur Mique, Chevalier de Saint Michel & ci • devant premier Architecte du Roi de Pologne, Duc de Lorraine; ce qui doit donner une haute opinion de fes talens inconnus dans ce paysci & de fon économie. On fait que StaniJIas a fait des chofes charmantes, belles, fuperbes même, en décorations & en édifices, avec des revenus trés bornés & fans être a charge a la Province qu'il gouvernoit. A la page 327. Le 15 Février 1775. L'académie royale de mufique fe difpofe a donner demain jeudi trois aéles anciens: Pacte Turc, Pafte de la Provmcale & celui d'Hylat fc? Eglé, remis en mufique par le S'.leGros & fon beau • frere. ' P 7  ( 35o ) A Ia page 328. Le 1? Février 1775, Quoique Mr. 1'Archiduc Maximilieu ne foit ici que fous le nom de Comte de Bourgaw, il y a une diffieulté de cérémonial avec les Princes, auxquels il ne veut pas rendre la première vifite: ceux ■ ci réclament 1'ufage & fe prévalent des exemples du Roi de Dannemarc & de celui de Suede, qui n'ont pas exigé la même prévenance. On efpere que ces grands intéréts d'étiquette fe concilieront; autrement les Princes ne pourroient donner aucune féte a 1'Archiduc. A la page 328. Le 17 Février 1775. L'Arrêt du Confeil qui fupprime un écrit ayant pour titre Mémoire d confulter & Confultation pour Pierre Auguflin Caron de Beau. marchais eft du 4 Février 1775. H y eft dit que S. M. étant dans Pinteation de féprimer la licence condamnable k Iaquelle ne fe livrent que trop fouvent les auteurs de femblables écrits, & de faire fentir les effets d'une jufte févérité a ceux qui abuferoient de leur efprit pour déchirer la réputation des perfonnes avec lefquelles ils feroient en conteftation, a fupprimé ledit imprimé, précédé d'un avertiffement & fuivi d'un errata, comme contenant des faits témérairement hazardés, étrangers k l'objet de la conteftation entre le Comte de la Blache & ledit Beaumarchais, & des exoreffions mjuneufes & contraires k la décence & au relpea que Pon doit a la juftice de S. M.-  C 3Ji ) fait défenfes audit de Beaumarchais de recidiver fous telles peines qu'il appartieudra. A Ia page 328. Le 18 Février 1775. L'adte mis en mufique par le Sr. le Gros n'a pas fait fortune a 1'opéra: on connoiffbit les deux autres. A la page 328. Le 19 Février iyyy. S.M. donne demain dans le fallon d'Hercule une fête a M'-. 1'Archiduc, qui confiftera en la fête du chateau, intermede des Italiens qu'on y exécutera,choifi comme analogue a la circonflance, des proverbes ik un bal: peu de perfonnes étrangeres y feront admifes. A la page 328. Le 20 Février 1775. Tous les obftacles font levés, & le Barbier de Seville eft enfin annoncé pour jeudi prochain. A la page 328. Le 20 Février 1775. Madame Ia Princeffe de Lamballe qui étoit allée en Bretague avec Mr. le Duc de Penthievre pour 1'aider a faire les honneurs, tandis que ce Prince tiendroit les Etats, eft revenue la première, après s'être concilié tous les cceurs de la Province. Elle a dü fe trouver a la fête d'aujourd'hui; elle n'eft point encore nommée Surintendante de la maifon de la Reine, place qu'on retabliroit pour elle, ainfi que le defire S. M. II fe préfente des difficuliés. Madame la ComtefTe de Ia Marche la réclame, comme la plus ancienne; Madame la Ducheffe de Bourbon, comme la première Princeffe du Sang: on  C 352 ) croit que cette concurrence gêne beaucoup le Monarque, repugnant a faire aucun pafledroit; indécifion dont n'eft pas fachée la ComtefTe de Noailles , Dame d'honneur de la Reine, difpofée a fe retirer dès qu'il y aura une Surintendante ; d'autant plus qu'elle ne plaft point a S. M. qui 1'appelle Madame ïEiiquette, paree qu'elle lui faifoit fouvent, lorfqu'elle n'étoit que Dauphine, des remontrances fur cet objet. A la page 339. Le 23 Février 1775. Tout Je monde applaudit au changement du Sr. Gabriel, dont 1'ineptie & les dépenfes exceffives dans fa partie ont caufé le renvoi, car fa démiffion n'efi rien moins que volontaire; mais on blême la penfion énorme accordée h cet artifte, auquel il faudroit au contraire faire rendre compte des déprédations dont onl'accufe: cette conduite contribueroitfort a foutenir le goüt de réforme qu'annonce Ie nouveau Directeur des batimens & a mettre en vjgueur la fage adminiflration qu'il veut faire regner dans fon département. A la page 340. Le 24 Février ifiy. Mr. le Duc de Penthievre eft revenu des Etats ; malgré toutes les marqués publiques qui lui ont été données de joye & d'attachement par les Bretons, il eft conftant qu'il ne s'eft point fait aimer généralement autant que fa charmante bru: fonefpritminutieux, craintif & quelquefois defpotique a déplu. A la page 340. Le 24 Février 1775. La  C 353 ) reception de Mr, Je Préfident de Malesherbes a 1'Académie francoife s'eft effeétuée le itf avec un concours de monde, tel qu'on n'en avoit point encore vu h femblable cérémonie. Le difcours du Récipiendaire eft imprimé & commence a fe diftribuer, avec la réponfe du Directeur, M1'. 1'Abbé de Radonviiliers. Le difcours du premier, interrompu fréquemment, lorfqu'il 1'a débité, par les plus vifs tranfports de 1'enthoufiafme, eft un chef - d'ceuvre de précifion , pour 1'étendue, la multitude & la profondeur d'idées, refferrées dans les bornes étroites d'une éloquence fimple, rapide & nerveufe. Quant au difcours de M>; 1'Abbé de Radonviiliers, il eft peu fait pour être gofité par comparaifon avec 1'éloquence moderne; mais il eft clair dans fes penfées, fimple dans fes éxpreffions, jufte dans fa maniere d'apprécier les hommes & les chofes & conféquemment préférable a tout le fatras des auteurs a la mode. A la page 341. Le 26 Février 1775. Le différent! des Princes du fang avec 1'Archiduc au fujet du Cérémonial ne s'eft point arrangé, comme on 1'efpéroit; en conféquence ils n'affifteront point aux fétes & ils fe font difperfés dans leurs terres refpectives. Mr. le Duc d'Orléans eft è Stc'. Affife, M. le Prince de Condé h. Chantilly, M. le Prince de Conti è PlfJe- Adam. A la page 341. Le 26 Février 1775. La  c 354; Reine, jeune, aimant le plaifir & réfléchiffant peu a !a dépenfe, s'étoit conftituée en det-' tes & a eu befoin de 300,000 livres pour les acquitter. Elle a eu recours au Contróleur général qui, fort embarraffé & ne s'attendant pas a cette demande, a fupplié cette Majefté de lui accorder quelques heures pour fe retourner, II n'a eu rien de plus preffé que de rendre compte au Roi de fon anxiété. 5. M, lui a répondu qu'il falloit donner cet argent a la Reine, mais 1'apporter en nature a lui Roi; S. M. s'eft en même tems chargé des repréfentations: en effet on affure qu'en remettant les 300/300 livres a fon1 augufte compagne, il lui a fait feutir que ceux qui 1'entouroient, de crainte de lui déplaire, lui déguifoient la vérité; il 1'a priée de rcfléchir que cet argent provenoit de la fubftance le plus pure des Peuples & ne devoit pas être confacré a des diffipations frivoles. A la page 341. Le 26 Février 1775. Le jeudi gras empiétant fur la fête de Sc. Matthias,Ml'. 1'Archevêque de Paris s'eftoppofé a ce qu'il y efit bal dans la'nuit; en conféquence i! a été avancé & donné le mercrédi; 6, pour indemöifer les Directeurs du tort que ce changement pouvoit caufer a leur recette, on leur a en outre accordé la permiffion d'en annoncer un extraordinaire pour le vendredi h minuit, moment oh la fêtefiniffoit; ainfi la difficulté du Prélat a occa-  f 355 ) fionné deux fcandales pour les dévots, au lieu d'un. A la page 341. Le 26 Février 1775. Monfieur & le Comte d'Artois ayant demandé au Roi ia permiffion de donner une fête au Prince Maximilien, S. M. y a confenti ét a bien voulu en fournir les fonds qui fe monteront, a ce qu'on affure, a 600,000 livres. Elle confiftera principalement dans une fête & dans une lotterie gratuite pour toutes les Dames de la Cour. On a éleve a cet effet dans le manege de la grande écurie a Verfailles une magnifique falie; tous les jeux de Ia foire, en outre, y ont rendez vous & elle fera terminée, fuivant Pufage, par un grand bal. II n'y entrera que les femmes préfentées, mais on affure que les hommes auront plus de facilité. A la page 342. Le 28 Février 1775. Les gens au fait des formules ufitces dans les Arrêts de fuppreffion d'écrits, rendus au Confeil, ont obfervé que celui concernant le Mémoire du Sieur de Beaumarchais en contient une extraordinaire & deshonorante en quelque forte; celle oh 1'on dit, fait défenfes audit Beaumarchais de recidiver, fous telles peines qu'il appartiendra. A la page 343. Le ier. Mars 1775. On ne parle point avantageufement des fêtes de Verfailles, oh les gens de Paris, furtout les femmes, n'ont pas joué un róle brillant. L'obftinadon des Princes a ne point vou-  ( 35Ö ) loir accorder k M1'. 1'Archiduc une difb'nction qu'il croyoit mériter, furtout ayant 1'honneur d'être frere de la Reine de France, & S. M. le foutenant dans fa prétention, la hauteur qu'on reproche a ce Prince étranger d'y avoir mife; toutes ces pointillerics ont écarté bien du monde a la fuite de ces illuftres perfonnages, aiDÜ que des Princeffes, & ont caufé un grand vuide dans ces fêtes. * M1'. le Duc de Chartres & Mr. le Comte de ia Marcne, jeunes Princes plus ienlibies que les autres, ont affedlé de fe montrer beaucoup k Paris ces jours-la. A la page 345. Le 2 Mars 1775. Madame la Princeffe de Lamballe eft toujours fort accueillie de la Reine. S. M. empreffée de la voir, lui avoit fait écrire de fe rendre chez elle a fon paffage, lors de fon retour ae Kennes -, Favart, mis en mufique par le Chevalier Gluck. On veut qu'il n'ait pas eu le fuccès que fon auteur & fes partifans s'en promettoient. Fin du vingt - neuvieme Volume.