01 3390 5273  L'ORPHELINE, C O 2MC A. 1D X J£ EN TROIS ACTES ET EN PROSE,/ Pab. M. i, e Brun Rsprésentéb pour la première fois fur le Thédtre du Palais-Royal^ le Mardi 4 Aoüt Prix 11 fols. A AMSTERB AM, Chez Gabriel Dufour, Libraire. M. DCC. xa  PERSO NNA GES. ACTEURS, LA COMTESSE D'ELMONT. Mai!.Germain. LE COMTE D'ELMONT, fiïs de la Comteflè. M. S\ Clair. LE COMTE DE VALBOURG, pere de Julie. M. Monvel. JULIE. Mai. S'. Clair. LE MARQUIS DE VERV1LLE. M. Chatillon. PÏCARD, Valet-de-Chambre du Corate d'Elmont. BI. Mishand. LOUIS ON, Femme- de -Chambre de la Comteflè. Mai. Dambly. ÜN LAQUAIS. La Scène, aux deux premiers AEles, ejl a la Campagne. Le troifieme fe paj/e a Paris.  L'O RPHELINE, C O MC M JO X JE ACTE 3?11EMÏE&. Le Thèatre repréfente un Sallon de Campagne. SCÈNE PREMIÈRE. PICARD, LOUISON. L 0 U i s 0 N. Vo u s voila donc enfin Commenfaux du même HóteL P i c a r. d. Oui, ma charmante. Nous logeons fous le même toït, en attendant mieux. L o v i s o N. Ah! tu en revlens toujours a tes folies. P i c a r d. Eft-ce être fou que de vouloir t'époufer? L o u i s o N. Sans doute, quand la chofe eft irapofiible. P i c a a, d. Impoffible! Eh pourquoi? L o u i s o N. Veux - tu que je te dife ? Le mariage n'efl fait que pour les gens opulens. Nous autres pauvres diables qui contraétons au fervice 1'habitude de 1'aifance & de la pareffe, fommes-nous propres a entrer en ménage? PiCAÏD. L'aifance & la pareffe! Sais-tu ce que le fort mus xéferve ? Qui t'a dit que nous ne ferions pas une fortune , & que tu ne pourrois pas enfin te livrer h ta paffion dosünante? A a  i - c 4 ) L 0 tj i s 0 n. * Je cpnviens que j'aime le repos, & que je ferais ua cas particulier de 1'être aimable qui m'en affureroit la jouiifance; mais cela te paroit-il bien aifé? PlCAO. Rien de plus facile, nion'cceur'. Pour faire fortune au fervice, il ne faut que connoitre fes maitres & flatter leurs paffions J'ai fervi deux aris le Marquis de Verville. Je lui ai rendu de ces bons offices que les grands Seigneurs n'oublicnt jamais, & qu'ils paient au . poids de 1'or. L o u i s o sr. Monfieur Picard, vous n'êtes pas dclicat. P i c a r d. Au contraire , mon enfant. C'eft par-exces de déliCiitefie que je n'y ai pas regardé de li prés. J'ai envifagé coranie excellens töus les moyens dè me lapprocher de ma Louifon. L o u i s o n. Je dois au moins te favoir gré du motif. Picard. Je t'aflure que fi le Comte d'Elmont, mon nouveau maitre, a les goüts du Marquis de Verville, je ne tarderai pas a en tirer parti, & a le rendre la cheville ouvriere de nos projets.- Commencons par former une ligue oft'enfivë & défenfive envers & contre tous Tu pallieras nies fautes, je couvrirai tes fottifes, tu me recommanderas a mon maitrë; je ferai valoir ton zele auprès de ta maitrefie, & nous ferons bien mal - adroijs, fi dans deux ou trois ans nous ne fommes pas en état de quitter honorablement le fervice. L o u i s o n. Voila de grands delfeiris, mon ami. Picard. Veux-tu te prêter a leur exécution? L o u i s o n. Volontiers. A condition toutefois que tu n'entreprendras rien fans me confulter. Picard. Tope. Touches-la, ma chere Louifon, &qu'unbaifer foit le fceau de notre petit traité.  ( 5 ) L o u i s 0 n. Doucement;, Monfieur Picard i vous n'avez pas encore fait fortune. Picard. A la bonne heure ? mais ne perdons pas de temps. Voyons, dépeins-moi les individus quiregneat fur nous par le droit du plus riche. L O ü i S O B. D*abord, la ComteiTe d'Elmont, veuve intéreffante & jeune 'encore, idolatre de fon fils unique, le jeune Comte d'Elmont, dont tu as enfin 1'honiieur d'être Ié Valet-de Chambre. Picard. Elle 1'idolatre? Bon. Elle fournira a fes prodigalite's. L o u i s o n. Pas du tout. Elle 1'aime fenfément. P i c a r d. Sön genre de vieP L o u i s o n. Exemplaire dans toute la force du mot. Picard. Diable! Ses liaifons? L ö ü i s ö n.' „ Elle les borne a la Société de la Préfidente de Tourtille, dont la campagne eft a une lieue de ce Chateau. Picard. Ce n'efl; pas la ce que je te demande. N'a t-elle pas quelqu'un qui que..... què diable, tu m'entends, un homme dont.... un bon ami enfin? , L o u i s o n. Depuis quatorze ans ramitiê la plus étroite 1'unit au Comte de Valbourg. Picard. Ah! je commence a voir clair. L o u i s o n: Tu te trompes, mon cher Picard. Le Comte de Valbourg eft un Seigneur géhéralement refpefté, & malgré Pamïtfé qui regne entrè lui & ma maitrelfé, leur réputation eft demeurée intafte. D'ailleurs, on commence a lui foupconner des defleins férieux fur Mademoifeile ïulie, cette Orphelïne dont je t'ai déja parlé. A 3  C 5 ) P i c a 5. D. Des defleins, a la bonne lieure. Mais des defleias férieux! ah! ah: ah! ah! L o u i s o Né Oui, férieux, & trés-férieux. Le Comte de Valbourg refpeéte trop fon amie, pour en avoir d'autres fur une Hfille dont elle prend foin depuis quatorze ans, dont, k la vérité, on ignore la naiffance, mais a qui fa beauté, fes talens & fes bonnes qualités tiennent lieu de bien des avantages. Picard. A ce que je puis voir les profits font rares dans cette maifon. L o u i s o n. Rares; non: mais ils font proportionnés au* fervices, & comme perfonne n'en exige ici du genre de ceux que les grands Seigneurs n'oublient jamais, & qu'ils payent au poids de 1'or, on doit s'y interdire toute idéé de fortune rapide & brillante. Picard. Ah! voila les petits efprits. Les moindres obftacles les efiiayent, & ils tombent dans le découragement. L o u i s o N. Je te difpenfe de faire les honneurs de mes facultés intellectuelies. Quelques avantages que te donne fur moi ton imagination vive & fcintillante, fouviens-toi que je dois te guider en tout. C'eft le premier article de notre traité. Picard. Et il tiendra, ma Louifon , j'en attefte 1'amour. Termines tes portraits par celui du jeune Comte d'Elmont* Quel homme eft-ce? L o u i s o n. Un jeune homme charmant qui vient de finir fes exercices. Picard. Et la petite Julie, hem? pas de droit du Seigneur? L o u i s o N. II chérit fa mere, & regarde fa protégée comme une focur adoptive , qu'il aime de tout fon cceur. Voitè tout.  ( 7 ) Picard. Je vais donc habiter avec des ëtres parfaits, & il faudra devenir hypocrite. L o ü i s o N. Hypocrite, non. Mais imiter les modeles que tu auras fous les yeux, & fur-tont oublier, s'ïl eftpoflible, que tu as fervi le Marquis de Verville. Picard. Mais a propos du Marquis de Verville, il eft 1'intimè ami de mon nouveau maitre. Comment Madame la Comteffe s'accommode-t-elle de cette intimité? L o u i s o n. L'amitié du jeune Comte pour le Marquis eft le feul defaut qu'on lui connoifle, & on efpere qu'il en fentira les dangers. Picard. . °ui 3 mais en attendant qu'il ouvre les yeux, nous tirerons parti de fon aveuglement. Le Marquis eft de ces gens qui font circuler les vices fous 1'enveloppe des graces. Un jeune homme, échappédes mains d'un Gouverneur, a plus d'envie de copier ces importans freluquets , que de prudence pour fe garantir de leurs féductions, & je vois que dans tous les temps le Marquis de Verville doit êtfe 1'Agent de ma fortune. L o u i s o n. Monfieur Picard, écoutez moi bien: j'aime,j'eftime, je refpefte mes maitres. Si vous voulez que nous foyons amis, vous partagerez mon dévouement pour eux. Loin de tendre des piéges au Comte, j'efpere que vous m'avertirez des folies ou on pourroit 1'entrainer. Souvenezvous que je ne ferai jamais la femme de quelqu'un, qui, a la faveur d'un peu d'or, mal acquis, me feroient éprouver les vices & les ridicules d'un Marquis de Verville. . P ï c a r d. Tu-Dieu, ma PrincefTe, quel flux de morale! Si je t'en croyois, de Valet-de-Chambre je deviendrois Precepteur. L o u i s o N. Pourqnoi non? La fortune t'a placé au dernier rang; mais tu peux tirer parti de ta fituation. Un galant homme fait toujours fe faire eftitner. A4  ( 8 ) Picard. ■Ah.' voila de la philofophie a préfent. Je vois bien que dans ce Chateau la converfation eft fouvent montée fur le ton férieux. L o u i s o N. Paix. J'entends quelqu'un. C'eft le Comte de Val* bourg. Levé fi matin ! Picard. Effectivement a 1'heure qu'il eft, nous poüvions efperer de prolonger notre tête a tête. II faut qu'il foit violemment épris. Celui, ci, du moins, nous fera bon a quelque chofe. SCÈNE II. PICARD, LOUISON, VALBOURG. ValboüRGj rivanu A h! bon jour, Louifon la Comteiïe eft-elle vifible? L o u i s o N. Non, Monfieur le Comte. Vifible a fix heures du matis! Valbourc, tirant fa montre. Cela eft vrai. II n'eft que fix heures.... Quel eft ce gargon? L o u i s o N. C'eft un jeune homme qu'on a placé hier en qualité de Valet-de-Chambre auprès de M. le Comte d'Elmont. ValboüRG. Auprès du Comte d'Elmont? d'oü fortez-vous, mon ami? Picard. De chez le Marquis de Verville, Monfieur. Valeourg. Le Marquis de Verville? Je doute que vous conva'niez ici. Picard. Monfieur Je..... Valeourg. Si vouj voulez mériter la bienveillance de vos mai*  C 9 ) tre», confultez Louifon. C'eft une fille eftimable, m tachée a fes devoirs, qui aime Julie. L o u i s o n; Eh, Monfieur * qui ue 1'aimeroit pas ? Valbourg , tirant fa bourfa . Tiens * mon enfant; ce n'eit pas ton zele pour Juüe que je paie. C'eft une marqué de mon amitié que je fuis bien aife de te donner. Picard, d part Charmant début! II en tient pour Julie. (ilforl.) L o u i s o n. Ah! Monfieur ma rëconnoiffance Valbourg. C'eft aflez, c'eft alfez , mon enfant. (7/ fe promene.) Je ne croyois pas qu'il fut fi matin Sans doute la Comteflè repofe Si cependant elle étoit éveillée..... mon co;ur a befoin de s'épancher. Ecoutes. L o u i s o n. Monfieur? Valbourg. Montes chez ta Maitrefle; marches doucemenf,bien doucement. Si elle ne dort plus, dis-lüi que fon vieil ami la prie de defcendre. L o u i s o n. Oui, Monfieur. (Etiefort. ) SCÈNE III. VALBOURG, feu/. Ooeur. fenfible d'un pere, cceur depuis fi long-temps agité, n'auras - tu jamais de repos ? Julie, enfant infortuné, que je vais voir peut-être marquée du fceau de 1'infamie, ó ma fille, me pardonneras-tu ta naiffance, fi les loix te condamnent a 1'oubli ? Et toi, amie fidele, qui élevas, fans le connoitre, le fruit malheureux de 1'amour le plus tendre, tu ne foup^onnes passies alarmes qui me pourfuivent. C'eft aujourd'hui le jour. La mémoire de ma femme, mon fort, celui de ma fille , tout ra, dans peu d'inftanï, être irréro*  C 10 ) cablement fixc. L'incertitude de mon avenir me tourmente. O vous, qui gémiflez fous le poids de 1'indigence & des calamités, voyez mon fort, & apprenez a bénir le vótre. Une main barbare ne vous arrache pas vos femmes ^ vos enfans. Au milieu de vos peines, leurs carrefies, leurs larmes mêmes font votre confolation.... Le pain trempé de vos fueurs, perd fon amertume entre la nature & 1'amour. Et moi.... ma femme ma fille... ma Julie..... S C E N Ê IV. VALBOURG, LOUISON. L o u i s o n. 3-VÏadame la Comteflè étoit levée , Monfieur, elle defcend. valbour-g. C'eft bien Je vous remercie. SCÈNE V. VALBOURG, feul. Effa^ons, s'ilfe peut, la tracé de nos larmes. Remettons-nous, & ménageons la fenfibilité de nos amis. SCÈNE VI. VALBOURG, LA COMTESSE. La Comtesse. "Vous voila defcendu bien matin,mon ami. Depuis que vous êtes chez moi le fommeil femble vous fuir. valboue.g. II eft vrai, Madame, que depuis quelque tems je .dors bien peu mais mon cceur feroit mpins tran- 'quille encore a Paris quJici.  C ii 5 LaComtessi. Qui peut troubler votre tranquilité ? De la fortune, de la fanté, de la confidération, vous avez tout ce qui rend^ la vie douee. LJamitié, la tendre amitié vient I embellir encore, & vous ne feriez pas heureux! Que vous manque-t-il? Valbourg. Le premier des biens; le repos de Pame. La Comtesse. Vous m'inquiétez. Valbourg. Mes peines ne font pas nouvelles. Depuis quinze ans elles font renfermées la. La Comtesse. Et pas un feul moment de confiance qui m'en ait rendu dëpofitaire! Ah , Valbourg! Valbourg. Le trifte plaifir de vous parler de mon chagrin m'auroit-il confolé de vous les voir partager? J'ai foufjèrt, mais feul. J'ai vu mon amie heureufe, & j'ai quelquefois eu la fatisfaction de contribuer a fon bonheur. La Comtesse. Achevez donc, cruel homme, & prouvez-moi que je fuis votre amie. Quels font ces chagrins ? Valbouug. Rappellez-vous, Comteflè, les premiers tems de notre intimité? Elle commeriga lors de la mort de votre époux. Une même mélancolie s'étoit emparée de nos ames, & ce fentiment accrut & cimenta notre amitié. Nous étions tous deux viclimes dJune douloureufe féparation. La Comtesse. Quoi, mon ami, vous fütes époux? Valbourg. Et je fuis pere. Une jeune perfonne, favorifée également par la nature & par la fortune, füt autrefois m'infpirer Ia paffion la plus violente Ses parens me Ia refuferent. J'étois jeune, ardent,perfuafif, onm'aima & on céda a mes inftances. Un mariage fecret, mais 'ïSr 'ime rendit enfin le Plus heureux des hommes. ttétes l tantde félicité ne dura qu'un moment. Ma femme'  ( 12 ) expira dans mes bras, en donnant le jour a 1'enfant le plus dëfirë. Je mouillai de mes larmes les reftes itfanimés de mon époufe, j'elfacai les traces de ce funefte événement, j'emportai mon i enfant, & je le confiai a des mains füres. Le pere de ma femme ignora, ou feignic d'ignorer la "caufe de fa perte. Tout fe paffa fans éclat. Je ne vous rendrai pas 1'excès de ma douleur Vous fütes frappée du même coup. Vous ofFrir le tableau de mes peines, ee feroit vous rappeller les vötres. La Comtesse. Je ne les ai que trop fenties. Que ferais-je devenue fans mon fils ? Valbourg. Et fans mon enfant, quel eüt été mon fort ?_ Si j'ai fouvent déploré fa naiflance , au mains je me fuis quelquefois attendri a fes cötés. II femble que fes premiers malheurs m'y attaehent plus fortement encore. . ' La Comtesse. Qu'eft devenu eet enfant ? Valbourg. II eft bien..... Ah! le pere le plus tendre n'auroit pas fait plus que les mains bienfailantes qui ont élevé fon enfance. Mais, mon amie, eet être infortuné ne tient encore a rien dans 1'Univers. Le pere de mon époufe mourut il y a un an. Je crus que c'étoit le moment de faire reconnoitre un mariage contre lequel 1'autorité paternelle ne pouv©it plus s'élever. Je jugeai ne devoir pas lailfer perdre une fortune confirable que Ja nature accorde a eet enfant qui ne me connoit pas encore, & qui me connoftroit en vain , s'il doit être compté parmi les fruits d'un amour illicite. Je préfentai mes titres, & des collatéraux avides & cruels oferent les méconnoïtre. On attaque la validité de mon mariage, & en première inftance il fut déclaré nul. Concevez mon défefpoir. J'appellai de ee jugement. Les plus célebres Jurifconfultes s'occupent fans relache de ma caufe, & me promettent un jugement avantageux. Mais plus 1'inftant approche, plus mes craintes augmentent, plus la conftance & 1'efpoir m'abandon* nent. C'eft aujourd'hui que mon. fort fe décide..... Quand je penfe que dans quelques heures je peux rou-  C is ) gir devant les loix du titre facré de pere, & qu'un ea« fant adoré me reprochera peut-être de lui avoir donné Pexiftence Ah! mon amie, cette fituation eft af- freufe, vous feule pouvez 1'adoucir, (outenir mon courage,.& ranimer nies efpérances. Voila le but d'une confidence trop tardive, peut-être, mais devenue néceflaire a mon cceur. La Comtesse, C'eft au bord du précipice que vpcre fecret vous échappe! & vous me laiffez ignorer le nom de votre enfant, le lieu de fa retraite! doit-il avoir un autre afyle que ma maifon? Si c'eft une fille, quelle autre que moi doit lui tenir lieu de mere, fi la loi la comdamne ? ou fi Pévénement eft tel que nous le defirons, Mademoifelle de Valbourg peut-elle être plus décemment que chez moi? Dans tóus les. cas , mon ami, vous me devez une confiance entiere. valboue.g. Des que je faurai fon fort, je vous 1'apprendrai. S'il eft conforme a mes vceux, avec quel plaifir je vous préfenterai eet enfant chéri, qu'alors il me fera poffible d'avouer fans rougir. Epargnez-moi, ma tendre amie le chagrin & la honte de le faire paroitre devant vous avant le moment décifif. La Comtesse. Je n'infifte plus. L'amitié ne doit pas être exigeante' Je me bornerai a des confolatio.ns , puifque vous refufez me? fervices. J'aurois cru cependant qu'après les obligations que vous a mon fils, vous auriez confenti a me devoir quelque chofe. Valboub-g. Je vous dois plus que vous ne pen Et quant a votre fils, je n'ai confulté que mon incl'ination en cultivant Pefprit & la raifon d'un jeune homme aimable qui répond fi parfaitement a mes foins. Je vous avoue cependant que je fuis affligé & furpris de fon étroite liaifon avec le Marquis de Verville. Cet ami ne lui convient pas, il doit s'en être appergu, & il viert 1'établir dans fon Chateau! Nous pénfèrons'aux moyens de rompre ce commerce dangereux.  C 14 ) La Comtesse, Vöus me prévenez. Je voulois vous en parler. Nous nou* en occuperons. Livrons-nous a préfent a 1'idëe confolante d'un jugement avantageux. Mais voici ma Julie, eet enfant fi digne de connoitre fes parens, & de faire leur bonheur. valbourg, Je ne la vois jamais fans éprouver une émotion...... La Comtesse, Sa vue doit vous rappeller Valbourg, Ah! tout, Madame, tout. SCÈNE VII. Les Précédbns, JULIE. Julie, embraffant la Comtejfe. Bon jour, ma chere Maman. Monfieur le Comte, je vous falue. La Comtesse. Tu ne Pembraffes pas, Julie ? Tu fais qu'il eft mon bon ami. Julie. Oh! avec un fenfible plaifir. ( Elle paffe au miUe* & embraffe Valbourg. ) Mais, quoi, vous paroifiez chagrin! Ah! Monfieur le Comte , je n'aurois jamais cru qu'on put être trifte auprès de ma bonne maman. La Comtesse. Aimable enfant, tu m'aideras a le eonfoler. Julie, De bien bon cocur. Mais de quoi ? La Comtesse. Un procés, qu'il craint de perdre, Pinquiete & PafSige» Julie. Eh! pourquoi le perdroit-il? Je fuis bien Wre qu'fi a bon droit. La Comtesse. Comment celap  ( i5 Julie. D afaord , paree qu'fi eft 1'ami de mabonne maman', & que tout ce qm 1'approche doit avoir raifon. Et puis c'eft que Monfieur le Comte eft fi bon / fi modéré tenez maman, je 1'aime prefque autant que vous Valbourg Vueue aimaoie ingénuité. julie. Vous vous attendriflez davantage! Ie ne veux nafi votre%T ' q he»'=«<™t on ne connoit pi 4 Vous croyez cela /Monfieur le Comte ? T'ai m», v\ r -l a comtesse. , que fais-tu pour cela ? »» • , Valbourg. Maïs, ma chere Julie, quels font ces chafmn* 3 r vo1Spas que vous p^eVen avoi de bS^1"' voSf Ste Tr' Monfieur^^ne?devroientpIuS p^^je^arari*^nous vous e" reux proces qu mw,Z ' • °^eft pas un malheubienplus Sp^tofSS'-001- Ce f0nt des chofes Ter vdr rSSS^T l& me IeProcherois de W couler tafie^^r&Ca SS? ?** vovez Ipc vAtr/»e .Ij 1.1 pas 11 "eucat. Tenez,  ( x6 3 Valbourg. Ah! laiffez-les couler ces larmes, dont je ne fuis plus maitre Mais, mon enfant, quels font donc ces chagrins dont vous parlez avec tant d'intérêt. Julie, baijfant les yeux. Vous me le demandez! avec autant d'efprit peut-oa ne pas les preifentir? La Comtesse. Parles, parles, mon enfant. Tu en a trop dit pour ne pas achever. Julie. Ah! ma bonne mamam, quand je te vois ferrer ton fils dans tes bras , lui donner les noms les plus tendres, quand je le vois répondre a ta tendrefie, croistu que mon cceur. ne me dife rien? Ah ! maman, pourquoi n'aUje pas auffi des parens ? Je faurai fi bien les aimer. Valbourg, d part Mon cceur fe brife. La Comtesse. Ma Julie, tu peux te plaindre de la fortune; mais de mon cceur Julie , ïembrajfant. Ah! ma bonne maman,je vous dois bien plus qu'a mes parens. II m'ont rejettée, abandonnée, peut-être encore qu'ils me haïfient. Je ne leur demande ni rang, ui fortune; mais ils me doivent leur tendrefie : peuventils m'en priver fans injuftice ? Je m'en rapporte a vous s Monfieur le Comte, a vous qui avez tant de probité. Valbourg,d part. Mon fecret eft prêt a m'échapper. ( haut.) Julie!.... Ah! croyez que vos parens s'ils exiftent.... s'ils vous ont vue.... s'ils vous connoiflent.... combien ils doivent vous aimer combien ils doivent gémir. (A la Com- tefft.) Mon cceur eft déchiré Cet enfant me rappelle a chaque inftant Julie votre pere.... il faut fans doute que des raifons bien fortes.... II faut que des obftacles invincibles.... Je ne puis retenir mes larmes.... Sortons, Madame, fortons Ah! jamais votre ami nfr fut plus agité, plus attendri, plus malheureux! SCÈNE  C 17 ) SCÈNE VIH, JULIE, feule. Je ne voulois pas les affliger. Voila la première föis que je parle de mon état, & il faut donc fouf- frir en filence, quand on a de vrais amis Voila ma bonne maman fortie, fon fils ne tarderapas a venir. II me dit toujours qu'il m'aime, & je le erois; mais a quoi cela nous conduira-t-il ? Je Taime moi, de tout mon cceur; mais je ne lui dirai jamais , car je fens bien que ma bonne maman ne peut pas confentir Le voila. {Avec joie.) Oh! je favois bien qu'il viendroit SCÈNE IX. D'ELMONT, JULIE. Quoi! ma petite fceur, vous m'attendiez. J v l 1 E. Moi, Monfieur, pas du tout! o •* e l m o n t. Cependant j'ai cru entendre Craindriez-vous de me faire goüter un inftant de bonheur ? Julie. Au contraire, Monfieur, je ferai toujours flattée de faire plaifir au fils de ma bonne maman. Ma reconnoiffance me 1'ordonne. d'Elmont. Vous entendez bien ce que je veux dire, Maderaoifelle; mais votre cceur toujours infenfible.... Julie. Infenfible , Monfieur ?. Pourquoi calomniez-vous mon cceur? Il eft trop dqux d'aimer pour que jamais il s'y refufe. . d'elmont. Eft-il bien vrai, ma Julie? Vous rendez donc enfin juftice a ma tendrefie Quoi, vous m'aimez ? B  j'u e i e. Ouelle queftion il me fok! Je vous ainie & je le dois. XM etes-vous pas mon frere ? J'aime toüs ceu'x qui me veulent du bien, moi. ■ 1 ■ Et fur-tout Monfieur de Valbourg, n'eft-il pas vrai? Julie. • Oh! pui. Je 1'aime a la folie. u ' E l m o k t. Je le crois. On ne paffe pas des journées entjeres avec quelqu'un qui nous feroit indifférent , Made-* moifelle. . r> . . - J u L 1 Fourquoi eet air piqué, Monfieur ? Combien en avezvous paffé avec lui fans que je vous en aie rien dit ? D , -E -Iï-m-O-m t. Je crois qu'il y a quclque diftinclion h faire, Mademoffelle. T , Ju l,i e. Je n en vois aücune-, Monlicur. d ■* E l m o n' t. Pourquoi donc né pitis-je jouir du même avantage ? Vous favez combien ces moment me feroient précieux. Julie. " Oui, je crois que cela vous plairoit affez. Mais la chofe n'e'ft pas poffibie. ■ d ' E l m o n t. Eh , par quelle raifon ? J u l i lig urn C'eft que vous n'êtes pas Monfieur de Valbourg. u ' tu L m o n t. Me croyez-vous moinstendrc, moins honnête, moins délicat que lui ? ■ t tt: l IV.. Je vous crois un petit être a peu-près parfait, C'eft mr cela que je vous aime tant. j u l i e vous crois un c pour ,T) J T? . T. TVT O AF T. "Ah ! vous me plaifantez a préfent. Julie. Vous favez bien, mon petit frere que j'en fuis in» capable, •  ( 19 ) d'elmont. Mais, expliquez-vous donc , méchante fille que vous étes, & ne me tourmentez pas davantage. Julie. Voyez, je le tourmente a prélent l Mais comment faut-il faire pour avoir la paix avec vous ? C'eft vous, Monfieur, qui êtes tourmentant. d ' e l m o n t. Oui, quand je vous parle de ma tendrefie, n'eft-il pas vrai, Mademoifelle? julie. En vérité vous prenez tout de travers. Je me brouillerai avec. vous. d ' e l m o n t. Oh ! non, ma chere petite fceur Mais c'eft que vous avez quelquefois des caprices fi piquant julie. Mais , oü prenez-vous vos exprelfions, Monfieur ? Vous êtes aujourd'hui d'une humeur infnpportable. d'elmont. Je fuis peut-être plus infupportable encore que mes expreffions & mon humeur. Julie. De mieux en mieux, Monfieur. Vous avez une. pénétration admirable. d'elmont. J'en ai affez pour lire au fond de votre ame. Julie. II n'en faut pas beaucoup pour cela, Monfieur. J'ai grand foin de dire tout ce que je penfe. d' E l m o n 't. Oui, a Monfieur de Valbourg, Mademoifelle. Julie. A lui, a vous, & a tout le monde, Monfieur. d ' E l m o n t. Oh ! a moi ? permettez que j'en doute. Au refte , ileft affez naturel d'être réfervé avec ceux quiauroient des reproches a nous faire. Julie, Je ne vous entends plus. B »  ( 20 ) Ma chere Julie, écoutez - moi, je VQus en fupplie. Eh ! depuis une heure, je ne'fais que cela .„.d'elmont. Dites-moi feneufement que vous m'aimez To , -r - julie. Je ne plaifante jamais la-deffus. AT, . D'Elmont. M'aimez-vous, Julie? De toute mon ame : je vous L'ai dit cent fois. _ d ' E l m o n t. Vous n'aimez donc pas Monfieur de Valboum? ... . julie. &-' •bh 1 pourquoi ne 1'aimerais-je pas ? x) ' E l m o n t. La voila qui m'e'chappe encore 1 t, . 'julie.' Vous voudnez donc que je n'aimalTe que vous* d ' e l m o n t. Ce defir eft affez naturel. v. . ^ julie. Et pourquoi? d ' E l m o n t. C eft que je vous ai donné mon cceur tout entier & que vous me devez le vótre : que 1'amour eft le feul pnx qu'on puifib offrir a 1'amour. vu u- juli e.' Eh bien, voyez que je fuis fimple. J'avois toufours cru que vous n'aviez pour moi que de 1'amitié o ' E l m o n t. T, . . Julie. J en connois qui s'en contentent. d ' E l m o n t. En font-ils plus heureux? Julie. Oh! je ne fais pas.  ( il ) d'elmont. II y a long-temps, ma chëre Julie, que j'ai pour vous 1'amour le plus tendre. ....Julie.' Vous êtes bien bon. d'elmont.- Si je pouvois me 'flatter de vous le voir partagêr nn jour? Julie. C'eft une autre affaire. d'elmont. . Si du moins vous voüliez difliper les craintes qui m'agitóient tout-a 1'heure. julie. ■ II va encore me parler de Monfieur de Valbourg. d'elmont. Avez-vous de 1'amour pour lui ? Julie.' J'en fuis bien éloignée. d'elmont. Puis-je le croire? J u l i e,' Vous favez bien que je ne mens jamais. d'elmont.. Cette aflurance me rend mon repos. Julie., Ah! tant mieux, mpn petit frere. d'elmont., Je me livre al'efpoir de toucher votre Cceur, & d'en être uniquement chéri. Répondez-moi. J U l i e. C'eft mon fecret. 53  ( 22 ) SCÈNE X. Les Précédens, VERVILLE. Vervil1ej entrant étourdiment. &SSSt^L rë;a"téte'/n Vérité! C^™ent donc, ener comte, tu t'échappes de ton appartement f en vtfageant Julie. ) Mademoifelle, fon emprefrement ne" m'etonne plus, vos yeux le jufiifient. empreüement ne n/r Julie. Mes yeux, Monfieur. Verville. i'ai ! mrTiï bJen ï°a ?ride n-'avoir conduit ici5 mais iet LfLl ft de -t01- 9oniment, tu poffedes un objet charmant, & depuis trois grands mois que nous nous MÏÏeSe3!,? meraVaiS CaChé 1 0h^elaqn'eft pasbTem erets n t?* r£<;eVez aU de mes re. Sp°as ni S,t!°US V°lr f3nS étre faChé d£ ne V0US luiïetcduiS ^-V^VO Je ne fais que ■ to» a •» D J E L M 0 N T ' bas d Verville. JN ett-il pas vrai, mon ami, qu'elle eft charmante. r.. Verville. Uui , mon ami , charmante, c'eft le mot. Mais ie iuis peut-etre entré au moment intéreffant de la coï verfiuion Quelque plaifir qu'on trouve auprès de vous, Mademoifelle, fi je fuis de trop, je me retire. -II eft des facnfices qu'il faut faire a 1'amitié. ■ Julie. Mais.... Je.... Verville. r„S»?i?dau-e rfP°Ild-elle jamais que par tnono fyllabes? II eft bien doux de la voir; mais il faudroit au moins 1'entendre. Seroit-ce un excès de timidité qui tiendroit cette jolie bouche fermée? II faut vous en déraire, Mademoifelle, il faut vous en défaire. fe n'ai pas encore de droits bien réels a votre confiancejmais  ( 23 ) eek viendra dans peu, je 1'efpere, & vous n'aurez plus avec moi cette réfervc affligeantc. Allons , ma belle enfant, mettez-vous a votre aife. Je ne crois pas mon afpecl fort impofant, Julie. Vous avez raifon, Monfieur. Verville. Elle eft naïve au moins. C'eft une fleur nouvellement fortie des mains de la nature; mais qui a befoin d'ètre cultivée. Heureux le mortel que vous jugerez dignc d'opérer votre mé.tamprphofe ! C'eft la chere maman qui s'eft chargée jufqu'ici de fon éducation : je le vois a. eet air excefiivement décent. Mais , Mademoifelle , un pareil Précepteur ne vous convient plus. Chaque chofe a fort temps. Vous m'entendez ? Julie. Non 3 Monfieur. Mais je vais rendre a Madame la Comteflè d'Elmont ce que vous m'avez fait 1'hónneur de me dire, & apprendre d'elle la maaiere dont je dois répondre a des plaifanteries qu'on ne s'étoit pas encore permifes avec moi. SCÈNE XI. VERVILLE, D'ELMONT. Vee. ville. Elle eft un peu revêche, ta jolie Orpheline. djElmont. Tu as été trop vite, mon ami. Je te prie de la ménager davantage. V e r. v i l l e. Ah! frippon, vous m'avez bien faxt de vouloir être fon unique inftituteur. d'Elmont. Je t'avoue qü'elle m'eft iufiniraent chere. Verville. Et oü en es tu avec elle? d'elmó nt. J'efpere m'en faire aimer avec le temps. B4  C 24 ) n. Verville, Charmante perfpeftive, en vérité Tu vas donc brülerd une belle paffion, fur 1'efpoir d'un retour incertain quon aura peut-etre encore la cruauté de te cacher? d'elmont. Mais, que veux-tu que je devienne? celuS' par-la qu'il faut d'Elmont. J atteflteiai a fon innocence ! Je n'ai pas encore ofé en concevoir 1'idée. -na* c Verville. 11 eit donc fort heureux que je fois venu ici pour te la donner. r d'Elmónt. Tu trouveras bon que je la rejette. Verville. Lomme tu voudras. Mais crois-tu que tout le monde Te piquera d'une femblable délicateflè ? Tu m'as déja parle d'un Comte de Valbourg; c'eft un égrillard, ie lais de fes nouvelles. On m'a dit qu'il avoit fait des fiennes autrefois. II eft vrai qu'il eft un peu müri depuis ce temps-la; mais le diable eft fi fin , & une venu de quinze ans fi foible! d'elmont. Ah' Marquis, qu'ofes-tu dire ? Julie eft auffi fa?e qu elle eft belle, j'en fuis certain. Pour le Comte, il m avoit vivement inquiété; ma Julie vient de me raffurer. Verville. Comment cela? d'elmont. Elle m'a protefté qu'elle ne 1'aimoit pas. v Verville. ^ D'après cela, tu dois être tranquille. Ces petits étresla ne trompent jamais. D'ELMONT. Puis-je foupconner qu'a fon age.... Verville. Innocent! Son age! en fait d'intrigue une femme eft toujours majeure.  ( *S ) d'Elmont. Tu n'as pas du fexeune idéé bien avantageufe. Mais4 mon ami, il eft d'heureufes exeeptions. Verville. Oui, mon ami, & tu ne dois pas douter que la nature n'en ait fait une en ta faveur. d'Elmont. Ceflbns de plaifanter^ Marquis. Ne peux-tu êtreraifonnable un moment? Vervillé; Raifonner un moment! oh, c'eft bién dur. N'importe * il faut faire quelque chofe pour fes amis. Raifonnons donc; mais foyons brefs. Voyons, confultes -toi bien, & quand la nature de ton amour fera conftatée nous aviferons aux moyens de la couronner. d'Elmont. Oh, mon amour eft tout ce qu'il peut étre. Verville. C'eft-a-dire violent dans toute la force du terme. d'Elmont. II eft au-deffus de Pexpreffion. Verville. Le mal eft férieux, il faut le guérir. D'abord ?e ne fuppofe pas que tu veuilles faire la grande folie? _ d'Elmont, Et laquelle ? Verville. Epoufer? D'Elmont. L'époufer Ah! fi j'ofois.... fi ma mere... , Verville. J entends. Si tu étois ton maitre D'Elmont. Je ne balancerois pas. Verville. Mais tu ne 1'es pas, heureufement. Tu as un nom an état, une fortune confidérable, & par-defius toul uï*2lmeTekf-a&ëet' Tu vois que jeïaifonne comme un autre, quand je veux m'en méler. ^ d'Elmont. t^MvStsSS ^P^^^P^ntir. Si  C 26 ) Verville. Tu te riiocques de moi. Elle me riroit au nez, & me tourneroit les talons. Voila probablement la réponfe que j'en tirerois. J'irois lui propofer de t'unir a une petite rille, que tu ne regarderois feulement pas, lans ce minois chiifonné qui te tourne la tête ? Si elle avoit de la naiflance & cent mille livres de rente , je me cbargerois de la Commiffion , & je pourrois réuffir. Mais Julie , dénue'e de tout cela, ne peut être ta femme. Faifons en donc ta maitreiTe. D'Elmont. La dégrader! 1'avilir! Non, jamais Jevoudrois favoir ce que penfe ma mere. J'ai tant de refl'ources dans fa tendreffe. Verville. Sais-tu a quoi te menera ton obftination ? Je vais te le dire. Ta mere, une fois dans le fecret, prendra de fages mefures, & fera bien. On te ménagera, ont'amadouera, tu ne foupconneras rien, & un beau matin, on? fera monter ta Julie en voiture, & on la conduira dans quelque Province éloignée. Peut-être même 1'officieux Valbourg fe chargera -1 - il de la conduite. Non, mon ami, ce n'eft pas ainfi que fe menent les affaires. D'Elmont. Je congois que tu peux avoir raifon. Verville. C'eft fort heureux. II faut d'abord barrer le cher Valbourg dans fes projets, s'il en a, ce qui eft très-poffible. Je connois la marche de ces vieux garcons. Ils s'introduifent dans une maifon, fous le titre fpécieux d'amis; peu a peu, ils établiffent leur empire; ils écartent les importuns , ne laiffent voir qu'eux, fe font voir fouvent, rendent; de fréquens fervices, éloignent la défiance par un extérieur réfervé, auftere mcme , ne préfentent leur amour que fous 1'innocente apparence de 1'amitié, font naitre enfin une fe'curité parfaite , & toujours maitres de leurs fens, attendent le moment favorable, le faiffffent, lans qu'on ait prévu leur triomphe, & abandonnent enfuite la poulette a un jeune amant bien ardenty bien honnête, qui répare tout par un bon & folide mariage. Tu m'avoueras que ceci vaut la peine qu'on y penfê.,  ( 27 ) ■d'Elmont. Je ne fais quel parti prendre. Ami cruel, fi tu me montres le danger, indiques-moi les moyens de m'y fouftraire. V e r v i l l Ê, Voila ce qui s'appelle parler. Dans 1'état oü je vois les chofes, il n'y a qu'un expediënt. d'Elmont. Et c'eft i, Verville. D enlever. _ d'Elmont. I Grand DieuJ Tourmenter une infortune'e a qui je ne dois que des hommages! manquer cruellement a ma merel Verville. Aimes-tu mieux te manquer a toi-même? L'homme eft né pour le plaifir. Le Rigorifte le laiffe échapper. Le fage le fixe & s'embarrafie peu de 1'opinion des fots. Au "fte, je ne prétends pas te forcer a être heureux. ^ue les Valbourg & fes femblables commencentl'éducation de Julie, tu la finiras enfuite. Cette iffue n'eft pas la plus flatteufe; mais c'eft au moins la plus füre. t r- - . d'Elmont. lu me fais fremir. Tes raifons ne me paraiffent pas convaincantes: cependant je n'ai rien de pWfif 1 £ oppofer. Ton expénence, tonufhgedu monde, te donnent fur moi un afcendant que contredit ma raifon & auquel je ne peux me fouftraire. _ Verville. Laines-toi donc ccnduire, & fkches t'en rapporter k des yeux plus clairvoyans que les tiens. Je t'ai donné un certain Picard qui doit te fervir utilement dans ces fortes d'affaires. C'eft un tréfor dont je me fuis privé pour t01. Pas de limier qui ait le nez iuffi fin PS de gibier qui lui écbappe. Ce dróle-la m'a rendu des fervices efientiels, & il eft prefqu'auffi capable que moi de Bf1 -°a 'i^™' Sifons le venir, &d0nWslm fes inftruiftaons. Picard, Picard, Picard,  ( 28 ) S C E N Ë XII. Les Précédens, PICARD. Picard. Que veut Monfieur le Marquis'? Verville. Ecoutez-moi, Monfieur Picard. Je vous ai ménagé 1'occafion de prouver votre zele a votre nouveau rnaitre. II faut avoir les yeux ouverts fur les démarches du Comte de Valbourg, qui pourroit avoir des vues..... Picard. Oh! il en a, Monfieur le Marquis. C'eft moi qui vous Paflure. d'Elmont. Que dis-tu? Qu'as-tu vu? Picard. Je n'ai pas befoin de voir les chofes, moi, Monfieur, pour être inftruit. J'ai le tact fin. Quand 1'on fort de chez Monfieur le Marquis, on poffede la qnintefience du métier. d'Elmont. Qu'as-tu donc remarqué enfin? Picard. Soupirs étouffés, regards furtifs, contenance embarraffée en préfence de Madame la Comteiïe. Teint animé, ceil per§ant dans le téte-a-tête, voila ce que j'ai faifi. d'Elmont. Tout ajoute a mes alarmes. Faut-il la perdre? Ah! Julie, t'oublierais-tu a ce point! Picard. Je viens d'entrer dans le cabinet de Madame, je n'y avois point affaire; mais je favois que Mademoifelle Julie & Monfieur de Valbourg y étoient feuls , & j'aime a favoir ce qui fe paffe. d'Elmont. Acheves, parles, qu'y faifoient-ils?  ( 2p ) Picard. Ils font affis 1'un a cöté de 1'autre. Monfieur de Valbourg tient les mains de Mademoifelle Julie dans les fiennes. Mademoifelle Julie a la tête baifiee & fes larmes coulent fur les mains de Monfieur de Valbourg. d'Elmont. C'en eft trop, c'en eft trop. II fuut rompre leur entretien. Non, cours, entredans les antichambres. Fais grand bruit, prends quelque prétexte pour rentrerdans le cabinet. Ne les perds plus de yue. Tu me rêponds de tout. . Picard. Mais fi Monfieur de Valbourg s'appercoit que ie 1 obferve, & qu'il fe permette..... la.... Vous m'entendez bien? d'Elmont. Mes bienfaits t'en dédommageront. Obéis. SCÈNE XIII. VERVILLE, D'ELMONT. Verville. Eh bien, mon ami, avois-je tort? Ta jeunefle ta candeur te font tout voir en beau, & fans moi, . \h' voija ta refpectable maman. SCÈNE XIV. Les Précédens, LA COMTESSE. _ LaComtesse. Y odlez-voüs bien me permettre, Monfieur Ie Marquis, d'avoir avec mon fils un entretien S «uuer. • " r»*.**-  ) Verville. Moi, Madame , je ne me fuis jamais oppofé aux plaifirs de perfonnc. D'ailleurs la maternité a des droitï facrés. Je me retire & vous laiffe moralifer a 'votre aife. UI fort.-) . SCÈNE XV. D'ELMONT, LA COMTESSE. L a "C o, m t ê s s e. M on fils, je fuis mécontente, & je pourrais vous faire des reproches. Ecoutez - moi. Vous vous êtes indifcretement lié. avec,Monfieur de Verville. J'aicombattu votre amitié naiffante, vous n'avez pas écouté mes confeils. Bientót eet homme eft devenu votre nnique ami, & vous avez négligé pour lui votre mere , & Monfieur de Valbourg , a qui vous avez des obligations. d'Elmont, d,j>art. Ah! Valbourg! La Comtesse. J'ai renouvellé mes prieres, vous n'y avez répondu qu'en m'amenant Monfieur de Verville dans mon cha • teau. Ayez des aniis dignes de vous, mon fils, & je mè' ferai ün plaifir de les mettre au rang des miens. Pour celui ci, il ne convierit ni a vous, ni a moi, ni ïi Julie. Comment vient-il de fe comporter avec elle? De quelle fa5on vient-il de nous quitter? J'ai lieu de Ie croire aulli léger en morale qu'en procédés, & fi je vois jufte, quels dangers ne courez-vous pas avec un tel homme? Que de larmes il prépare peut-être a votre mere? D'ELMONT, embarrafé. Ah! Madame.' vos craintes fi vous connoif- fjez mon cceur La Comtesse. Je n'ai jamais douté de votre cceur; mals je crains ou de votre exceffive facilité. Mon ami, votre age  f oehii de h cmfisnce: on ne" fonge-pas i fe earantlr « J «a qtfQO ne connoit pas encore. Mais peu a peu Se i-s devoirs, on les oublie, on les fa. ; 1 Étt*** titm& & les remords ««tot reuls ■ celui qui n'auroit dü fentir que le tcmoigpiagïe d une bpttee conicience. ' I)j'Elmö:nt. Ah ma mere, quel tableau vous m'offrcz. Seroit-il poffible qu'en effet je deviniTe vicieux? Ah' Verville pourrois-tu m'égarer? vervwe, La Comtesse. JM en doutez pas, mon fils. L'air que refoirp un homme fans mceurs efi empoifonné, & lfvertu la plus pure perd en 1'approchant de trop'prés fa fiaicl euVS Ion eclat. Quel peut être 1'objet de vos long&fré- quens entretiens? Vous vous taifez, mon fils Vous craignez de rougir devant moi. II eft'd2 aveux Pembles qu'une mere ne doit pas entendre; mais nous avons un arm commun, fage, difcret, a qu vous nou vez vous ouvrir. Mdnfiem- de Valbourg .... TV1> pnnfi- e l m o n t, avec indignation.' Me confier a lui, ma mere! Non, jamais. r\ , i . ~A C o m t e s s e. TrSblëz6 Si VoÏTJT « Calomtó Près d* vous? xremoiez. öi 1 on cherche a vous rendre fa vertn r„r pecle, on a juré votre ruine. VC U kir* D'Elmont, Aorj- ^ Sa vertu.' malheureufe Julie! tr r^L,A c°mtesse. de m'aflurer de vous. On s'vorend™ i Iefeul™yen sae^x coraprorre^ïns^qïsiï XvilS vZl J m dlBei' aVeC Julie au ehateau de Aourvme. Vous nous donnerez la niain. Monfieur tl Valbourg reftera avec le Marquis. 11 V0»sSèrï[£  C S3 ) cilement prés de lui, & faura adroitement nous en défaire. Tu me feras ce facrifice, n'eft-il pas vrai, mon ami ? Tu le dois a ma tendrefie. C'eft le fatal afcendant que eet homme a pris fur toi qui me ferme ton cceur; mais ibn empire détruit, celui de la nature & de la vertu va renaitre. Nous dinerons enfemble? Julie y fera. C'eft ta petite fceur, tul'aimes viens,mou fils, viens, mon ami. {Elle tembrajfe & fort avec lui.) Fm du premier Aiïe. ACTE  ( 33 ) ACTE II. SCÈNE PREMIÈRE. JULIE, VALBOURG. Julie. O ui, Monfieur le Comte, c'eft d'amour qu'il hi'aime, & il vierit de me lè dire. Valbourg. Et c'ëft la première fois qu'il vöüs le dit? Julie. Oui, mais je m'en étois bien apperijuc. VALBOURGv Et 1'aveu qu'il vous en a fait ne vous a pas déplu? Jut il. Au contraire. II eft fi aimable! Valbourg. Vous 1'aimez donc auffi? Julie. Oh! j'en fuis folie. Valbourg. Le fait-il? J ü l i e. II ne Ie faüra jamais. Valbourg. Et pourquoi? J ü l i e. Voulez-vous que jë chagrine ma bonne maman. Mais tenez, fi j'en dis davantage Valbourg. ■ Parlez, parlez, mon enfant; accordez-moi votre confiance. Je n'en fuis pas indigne. Julie. Vous voyez bien que je ne vous cache rien. Ce n'eft pas que je veuille avoir des fecrets pour maman; mais fi je peuxlui épargner des inqüiétudes.... Vous fentea C  C 84 ) bien Monfieur le Comte, que je ne dois pas penfer a être la femme de fon fils. Valbourg. Julie, vous ne vous connoifiez pas encore. Julie. Hélas! non. C'eft ce qui me fait défefpérer...; Valbourg. Un jour de plus peut apportcr un grand changement dans votre fituation. Julie, vivement. Quoi! maman auroit-elle vu.... penferoit-elle.... Ah! Monfieur le Comte, je vois bien que vous favez tout..... Dites-moi donc... parlez, parlez, mon bon ami, foulagez mon cceur. Penfe-t-on yraiment a me faire époufer mon petit frere? Quelle bonté! quelle générofité! Valbourg. Je ne crois.pas, mon enfant, qu'on en ait formé le projet. Mais la chofe ne me parait pas abfolument impoflible. Julie. Mais quels moyens employer ? Je n'en vois aucun qui V a l ;b o Ü r g. Je les vois pour vous, Julie, & je les mettrai e» ufage quand il fera temps. Julie. Quoi.' vous me promettez.... Valbourg. Je ne promets rien. Je m'engage feulement è. vous aider de tout mon pouvoir. Julie. Mais cela fera-t-il bien long, Monfieur le Comte? Je voudrois déja que la chofe fut faite. Valbourg. Modérezvous, mon enfant. Je crois qu'a quinze ans on peut attendre. Julie. Oh! ce n'eft pas pour moi que je fuis preffée. J'attendrois tant qu'on voudroit. Valbourg. Quel motif vous engage donc......  ( 35 ) Julie. C'eft 1'intérêt de mon petit Gomte qui me détermine. II voudroit être fans ceife avec moi, & je ne peux pas honnêtement me prêter a cela, n'eft-ce pas, mon ami ? Si nous étions mariés, 'je ne le quitterais pas un infïant, & j'empécherois bien Monfieur de Verville, qui, avec fit permiffion, eft un impertinent, je Tempécherais bien d'obféder mon mari & de chagriner fa bonne merfe. Pauvre petit frere, je t'aimerois tant, je te careflerois tant, que tu n'aurois pas, pas une minute a donner a tes amis. Valbourg. Chere enfant, tu me rendrois ala gaité, fij'en étois fufceptible. Conferves-la long-temps cette candeur, gage d'une ame fenfible & pure. Efpérons, ma Julie. Le ciel n'abandonnera pas 1'innocence qu'il aime. O mon Dieu, dérobes-la a la malignité de fes ennemis. Julie, furprife. J'ai donc des ennemis, Monfieur le Comte ? Valbourg. De bien cruels, mon enfant. Julie. Je n'ai jamais fait de mal a perfonne. Valbourg. Leur haine n'en eft pas moins aéiive. Julie. Peuvent-ils empécher mon mariage? Valbourg. J'efpere que non. Julie. En ce cas je leur pardonne. Mais allez donc, Monfieur le Comte, allez trouver ma bonne maman , & vous lui direz : Julie & d'Elmont s'aiment. Cette pauvre Julie n'eft rien , n'a rien. Mais elle a un bon cceur, & elle voudroit le partager entre vous & votre fils. Valbourg. Je parlerai, Julie, je parlerai aujourd'hui peut-être, j'ofe m'en flatter. (lei d'Elmont & Verville paroiffent dans le. fond & écoutent J'approuve votre difcrétion envers Madame & fon fils. Ne confiez a perfonne ce que nous venons de nous dire. Je ne négligerai C 2  ( 3* ) nen, foyez-en perfuadée, pour affurer votre bonheur. Aht ■ Julie» au j comme je vous aimerai! Valbourg» Comme nous nous aimerons ! ,r r , .Julie. vous feule pouviez faire ma félicité. Valbourg. Aimable enfant, c'eft toi qui dois faire la mienne. Julie. Ah.' quand nous ferons mariés Valeourg. Rien ne manquera a mes vceux. Julie. Que vous étes bon ! que vous êtes aimable ! embrafïez-moi, mon ami. {d'Elmont fait un mouvement: le Marquis le retient & femmene. ) Valbourg. Ah! Julie, quel fentiment tu me fais éprouver' Pourquoi la plus pure des jouiflances eft-elle empoifonne'e par des craintes. Tu ferois malheureufe!.... Ah' qui pourra prétendre au bonheur, s'il n'eft pas ton iufte partage ? SCÈNE II. JULIE, feul. Qu'il eft honnête! qu'il eft doux.' quel intérêt il prend a moi! c'eft bien le digne ami de ma bonne maman. Voila mon petit d'Elmont. Oh! ce vilain Marquis eft encore avec lui. II me déplait, Perfonne ne i aime ici.  C 37 ) SCÈNE III. JULIE, VERVILLE, D'ELMONT. Verville. V ous voila feule, belle enfant. Je fuis furpris qu'on vous ait fitöt quittée. J'appercois dans vos yeux certaine langueur qui annonce le plus haut dégré de fenfibilité. La converfation étoit animée, felon les apparences...... Encore muette ? Peu de gens, a ce qu'il me femble, ont Part de vous faire parler. Julie. Autant que je le peux, Monfieur, je n'ai de converfation fuivie qu'avec ceux que j'eftime. {Elle fort.) SCÈNE IV. VERVILLE, D'ELMONT. Verville. A travbrs cette innocence prétendue, remarquestu combien elle eft piquante ? Tu as la manie de la croire un enfant & moi je la foup^onne d'Elmont, Je ne fais qu'en penfer. Je me perds dans mes conjeétures. II eft des inftans oü je crois tout, paree que je crains: tout. Si j'interroge mon amour , je frémis. Si je confulte ma raifon, je ne peux la croire coupable. Verville. Dis donc au contraire que ta raifon la condamne & que ton fol amour Pexcufe. Infenfé! Peut-on porter Paveuglement jufqu'a démentir le témoignage de fes yeux & de fes oreilles ?. Tu viens de les enteudre fe prodiguer les, expreffions les plus tendres.; tu les a vus fe permettre les careffes les moins équivoques, & tu doutes de ton malheur! Que dis-je ? C'eft ce qui pouvoit C3  ( 3? ) t'arriver de plus heureux. Abatidonne-la h fon amour ridicule. Sois homme, & oublie-la. d'Elmont. Eh , le puis-je, cruel ami ? Ne vois-iu pas qu'en me retracant fes torts, tu enfonces dans mon cceur le trait qui le déchiroit déja. C'eft a Valbourg qu'on me facrifie! J'approuve votre difcrétion envers Madame d'Elmont & fon fils, vient de dire le fedudteur. Ma mere ne fait donc rien , & nous fommcs tous également joués par eet homme Ma fureur eft au comble. Ah! Julie , Julie, tu renouces a ta propre eftime! Mal- heureufe! c'étoit le feul bien que la Providence t'eüt laifie, & tu t'en dépouilles fans pudeur. Verville. II ne fuffit pas de s'emporter, de fe plaindre , il feut prendre un parti. d'Elmont. II eft pris. Je vais trouver ma mere, je lui dévoilerai des attentats.... Verville. Ou'elle ne voudra pas croire. Quelle force aura le témoignage d'un jeune homme de dix-huit ans, combattu par quelqu'un, qui depuis quatorze ans jouit d une confiance fans bornes ? Crois-moi, plus ta mere eft vraie, moins elle ajoutera de foi a tes paroles. d ' E l m 0 n t. Je fens cela. Mais ce mariage dont ils parloient.... • Verville. Appas groffiers, que faifit une fille ambitieufe , qui brule de fortir de fon obfeurité. d'Elmont. Mais le moyen que tu m'as propofé eft odienx. Ma mere, ma bonne mere!.... avec quelle indulgence elle me traitoit il n'y a qu'un moment. Verville. Ta jeuneffe te fervira d'excufe. d'Elmont. Eh! qui lui reftera pour effuyer fes larmes, fi elle eft trahie par Valbourg & par moi? 13.73 Verville. La raifon. Crois-tu qu'elle tienne excefiivement k cette petite fille ?  ( 39 ) d'Elmont. Mais fi les fuites Verville. Et quelles fuites as-tu acraindre? En fuppofantque notre efpiéglerie fut découverte, qu'en arriveroit-il ? Eftce ta mere qui te pourfuivroit? Seroient-ce les parents de Julie, que perfonne ne connoït? Allons, 1'homme aux fcrupules, laiffez vous perfuader. d'Elmont. Oh ! ma mere , ma mere. Verville. Oh! lailTes donc tes ennuyeufes réfiexions. Sijet'écoute, nous ne finirons rien. Nous allons monter a cheval. Nous irons bien doucement, bien fenfément jufqu'au bout des avenues. Enfuite d'un train de galop, nous poufibns jufqu'a Paris, oü ta belle viendra te joindre ce foir. d'Elmont, étonné. Ce foir! Verville. Eh oui, frippon, ce foir. Je n'aime pas les affaires qui trainent en longueur. d'Elmont. Mais je ne fais fi Verville. Mais.... fi.... Tout eft dit, tout eft convenu. Hola, quelqu'un. SCÈNE V. Les Précédens , VERVILLE, ÜN VALET. Verville. ^^u'on apppelle Picard. (Le Fake fort.} f  ( 4° \ SCÈNE VI. VERVILLE, D'ELMONT. V e r y i l l r. SEm^f0UX COqUin' Une fille de 1innze ™, jolie le S de S Vn V1^X rivd d«> & Pedant letru . de fes rufes ! quelles jouiüances ! aiouter a S£*S^ clébuter dJ le monde pafut en- tie l'T , " confiSnée dan« lesfaftes de la galante- Sieu? oa™ Cnomet aU Pdr d£ Ce ^ nous aV0"s de lijieux parrm nos jeunes gens. SCÈNE VII. Les Précédens, PICARD. V e r v i l l e. Monsieur Picard, courez i Paris, raffemblez les coquins de votre connoiiTance qui vous fervent dans vos grandes entreprifes. Vous les placerez avec une voiture aans le petit bois qui eft auprès du chateau de Sïïont'.^.?6 Cm^mnd h Comtefle & J«»e re! Ah! Pentends- Monfieur? Onïemparera de la jeune perfonne, & on la conduira, oü? ■ f / Verville» A Paris, a ma petite maifon , oü nous allons vous ™ ■ ?• C£S dames ne ^^ent pas aujourd'hui, vous viendnez nous avertir. Vous voyez quelle con' fiance on a en vos talehs, tachez de la juftifier. PlCAi|,D, Oh! Monfieur le Marquis fait bien „ a . , Verville. ü eit de bonne heure, nous ne foinmes qu'a ane  C 41 ) 'rs 5p/PariS^At0Ut Cda peut s'arranger facilement, (sï d£ilmont. A propos, as-tu de 1'argent? Tl ' k T M ft »T m Mais pas affez verville. Je t en fourmrai. Idolatre du plaifir, j'ai touiours fenti que Por en eft le mobile, & le dèiir de prolongermes jomffances, m'a rendu économe. Dans tousles temps, je peux difpofer de mille lóuis: ils font a ton fervice Monfieur Picard, de la difcrétion & de I activite. II y a pour vous cinquante loujs de pot-devin, fans ce que vous ne manquerez pas de voler fur les frais journaliers. Allons, mon ami, allons, vite a cheval. 4 ( // emtnene d'JSlmonf.), SCÈNE VIII. PICARD, feul. II y a pour vous cinquante louis de pot-de-vin fans ce que vous ne majiquerez pas de voler fur les frais journaliers, Ma foi, la perfpeétive eft riante, & bien furementje ne ferai pas njentir Monfieur le Marquis Si les mille ouis me paffent m ies njains, T? ma Louifon , quelle recolte j'irai dépofer a tes pieds ' En vénté ! ce petit Comte d'Elmont eft une cire móilë" dont le Marquis fait ce qu'il veut Nous allons donc enlever enlever!.... Je ne fais pas trop fi mon inflexible Louifon..... Non, elle ne me lepardonnera pas. C'eft une fille a principes cette LouifoS, penS & raifonnanrd'après les êtres fublimes qui habS ce chateau. Diable emporte, fi je ne fuis fouvent ten?é de nre de mon attachement pour cette péronnelle. Son grand feneux, fes grands mots font d'un plaifant achevé & tout cela me tourne la tête. Si j'obéis au Marqds' t me brouille avec elle; mais a n'en jamais revS. Non tdr? aunLwUïlllerai P3-S; jC ne Veux Pas étre Z„™al tde.^e matinD'un a"tre coté, fi je jne confie a Louifon, &qu'elle s'avife dejafer, jeme C5  < 4* ) fais des affaires avec Monfieur le Marquis, & je perds une fomme.... Je ne peux m'y déterminer. L'amour a beau faire. Je ne céderai pas. D'ailleurs, je fuis homme d'honneur , moi; je ne trahirai pas mon maitre. SCÈNE IX. PICARD, LOUISON. TL o u i s 0 n. e voila feul ? Picard. Pas du tout. Je m'entretenais avec toi. L o u i s o n. Avec moi! Picard. Sans doute, tu ne me fors pas un inflant de la cervelle. L o u i s o n. Monfieur Picard eft galant. Picard. Je fuis vrai. (A part.) Qu'elle eft jolie! quelle chagrin de rehoncer a cela! L o u i s o n. Que marmotes-tu la-bas ? Picard, d part. Mais mon argent, un argent que je tiens, pour ainfi dire, le laifierai-je échapper? L o u i s o n, Monfieur Picard, pour un Valet-de-Chambre du bon ton, vous ne favez pas vivre. Picard, d part. Oui, ma Louifon, ou de 1'argent, il faut opter. Louison , impatkntée. Picard! Picard! Picard. Un moment je fuis a toi. (A part.) L'ot eft bien féduifant mais Louifon Ah! Louifon eft bien tentante. Malheureufe alternative ! l'amour & 1'in- térét a laquelle des deux divinités faut-il donc rendre hommage ? C A Louifon.) Regardes-moi, ftiponne. Quel oeill qu'il eft beau! cu'il eft expreffifl...  C 43 ) Tu fouris!... Ah! c'en eft fait, tu 1'emportes, & je te facniie ma fortune. ' J L o u i s o n. pénibleï'3 qU'Cn °e genrS n°S facrifices ne feront Pas P i c a 5. d, Le mien me coüte en diable. Deux cents Iouis au moins, mon enfant, deux cents louis que je foule aux pees, que je-ne veux pas prendre lapeine de ramafler. L o ü i s o n. Je ne t'aurais pas cru défmtéreffé l ce point-la. • Picard. Ma foi, m moi non plus. Tu ne douteras pllls du pouvoirde tes charmes, puifqu'ils operent des prodi4s ... Lotjison. ° * Mais, exphques-toi donc? C'eft-la le difficile.. .° /e te "vois d'avance froncer le fourcil.... Cependant il faut parler... car. torn ce que je te dis ne t'a rien appris encore. L o u i s o n. iims ton galimathias. tionp t .pic.ard, d genoux. u dSdï°S;,ja ï,is ■»^ Louison. Ji,t de quoi ? dexe matinP.erdU deI>VuIeCllAn ^| nos '«ons Monfieur Picard, vousVvez machine quelque fottife ,T Picard. JN/on, je n'ai pas le mérite de Pinvention. . Louison. Mais celui de 1'exécutiou ? bra^S/T' °kn ner^n' P*8 deux cents louis les nras croifés. II a bien fallu promettre dVir un oeu Eh! comment s'en défendre? Tu n'étoisL ?a? £ 'Ifjy «?W Un feul de tes regïds nPeüt èm pêché de fuccomber a la tentation. m  c 44 y L o d i 5 o k. Au fait, au fait, au fait. Picard. Pardonnes tu ? L o u i s o n. Oui, puifque tu n'as fait que promettre, & que tu as affez de probité pour t'en repentir. Je te crois de la dilpolition a devenir un honnête homme. P i c a r d fe krant. Tu me fais bien de 1'honneur. L o u i s o n. C'eft avec ce Marquis de Verville que tu t'es gaté ainfi. Je parie qu'il lèra pour quelque chofe dans ce que tu vas me dire. Picard. Oh, c'eft vraiment un terrible homme, ma Louifon. II m'a chargé L o u i s o n. II t'a chargé Picard. D'enlever L o u i s o N. D'enlever Picard. Mademoifelle Julie. L o u i s o n éperdue jufqu'd la fin de la fcene. Julie! oh! le fcelératl le monftre! II n'y a pas un inftant a perdre. Je cours avertir Madame. Picard. Eh, attends donc. Je te dis que c'eft moi qui dois 1'enlever, & tu vois bien que je ne 1'enleve pas. Ecou, es-moi. L o u i s o n. Parles vite..... vite enlever ma Julie! Picard. Oui, ce foir a fon retour du chateau de Tourville. L o ü i s o n. Elle n'ira pas non, elle n'ira pas.... j'empêche- rai qu'elle y aille.... L'infame! quel moyen il ofeiemployer!.... Ah! c'étoit le feul qu'il put prendre. Juli» ae i'auroit jamais écouté.  C 45 5 , P i c a ii ft Mais le Marquis ne Paime pas. L o u i s o n. II ne Paime pas & il Penleve! picard. Ce n'eft pas pour lui. L o u i s o n. Et pour qui donc? Parles parles.... tu me fci« mourir d'impatience.. P t c a r d. Pour Ie Comte d'Elmont qui en eft fbu. L o u i s o N. Quoi, il a déja perverti ce jeune homme t„ cours, je vole dire tout a Madame. ' v Picard. Mais moderes-toi donc. De la maniere dont tu tv prends, tu vas répandre 1'allarme dans tout le chatean Si le Marquis apprend que j'aie parlé.., il n'eft lt plaifant, ce Mönfieur-la. pas Louison. Je me contiendrai, mon bon Picard, je me contkn drai.... je penferai a ta fureté.... Tu ei un dZ I tembrafe.) Adieu, mon petit Picard, adieu Sokf^i {Elle fbrt.) SCÈNE X PICARD feuU Adieu, mon petit Picard, adieu mn„ n^- j baifers avec cela A en voila iSdïïïSS'i^ C'eft payer en grand Seigneur....^ jVcroSt S" mon efprit je viens de faire unè école M^foi Z ïï pas la faute de mon efprit, fi je fuis amourTu'" cïft' celle de mon cceur, & on pardonné tontel i«w qui partent de la. Un cceur foibfc! ucLt™?™ un cceur ardenfont/ervi d'excufe IxlsTJd??*' mes: pourquoi n'aurois-je pas h même SnL^ mn qtu n'ai pas la fotte'p&ention de mtuCen  ( 4« ) combattant mes paffions ?.... Mais le Marquis ne fe rendra pas a la folidité de mon raifonnement. Comment me tirer de la?.... Eh, parbleu, rien n'eft plus aifé. J'ai été indifcret par amour, je ferai vertueux par néceffité. Mon aveu a Louifon me donne des droits a 1'eftime de Madame d'Elmont & de Monfieur de Valbourg ; je me mettrai fous leur protection, & je ne craindrai plus rien du Marquis.... Mon début dans cette maifon m'y donnera même une certaine confiftance. J'y ferai cité comme un modele d'honnêteté, tandis que.... oh ! combien. d'aftions vertueufes en apparence, & qui n'ont eu pour principe que des motifs purement humains. Voici Monfieur de Valbourg. Empaumons d'abord celui-ci: flattons fa pafiïon dominante. SCÈNE XI. PICARD, VALBOURG. Valbourg, rêvant. N on, depuis ce matin je n'ai pas été un moment a moi. Je vais, je viens, mes inquiétudes, mesallarmes me pourfuivent par-tout. (_ IL tire Ja montre.) Voila Pinftant... Je ferois encore rendu au Palais, & j'entendrois.... 1'arrêt de ma mort, peut-être.... Non,je ne fortirai pas d'ici. J'y ferai plus fort entre ma fille & mon amie. Picard, dans le fond. II eft dans les grandes réflexions. Approchons. Valbourg, fe promenant. Ma Julie, ce jour pourroit mettre lecombleatafélicitc. Picard, d part. Et a la fienne.... II ne m'appercjoit pas. Valbourg. II me Teroit fi doux de ferrer des nceuds auffi bien afibrtis! Picard, d part. • Oh! par exemple, il n'y a pas d'excès dans les convenances Monfieur.....  C 47 ) r ' r- ,valeour&. De faüsfaire a la fois la reconnoiifance & l'amour. Picard. II ne voit rien , n'entend rien. Cette petite Julie a tourné toutes les têtes. (plus haut.) Monfieur. Valbourg. Ah.' vous voila, mon ami. Louifon m'a dit du bien de vous. Je vous recommanderai a Madame d'Elmont - a , rn peu Prévenue contre vous; mais elle eft gesfe diffipent.3 en effet' Ces petits nua' Picard. hnleJe!&lu°P heureux> Monfieur, de devoir a vos bontés les bonnes graces de Madame. J'efpere bien auffi vous devoir celles de Mademoifelle Julie. .... Valbourg. Julie? Je ne vois pas quelles raifons Picard. Je ne fuis pas indigne de fa bienveillance, & fi ;u. tos homme a me vanter, vous conviendriez qu'elïe " LitfJde^elq"e 0fb lSatlo«; mais on ne fauroit tirer vanité de ce qu'on fait pour elle. On en eft déia mvl par le plaifir de lui être utile. j p ye „„ . , Valbourg. Mais, quel art a-t-elle donc pour fe faire aimer? , Picard. Ah! ce n'eft point un art. i n Picard. j\ous defirons tous la voir heureufe. Valbourg. Je vous remercie de vos fentimens pour elle. Vos vceux feront peut-être remplis. - s Nous 1'efpérons bien. Un^aWifTement foüde Oui, j'e m'e7occGupe{rW Com^^ '  ( 48 ) Valbourg, d part. Ge garcon me paroit avoir le cceur excellent. Picard. Ce n'eft pas un amour intérelTé qui vous guide, Valbourg. Que veux tu dire? Picard. Que votre choix eft excellent, que tout le monde vous approuvera. Valbourg. Vous m'étonnez, mon ami, qui a pu vous confier ?.... Picard. Perfonne au monde, Monfieur. Quelques mots entendus par-ci, par-la, des geftes, des regards; l'amour fe cache difficilement a un ceil obfervateur. Valbourg. Soyez vrai. Le Comte d'Elmont vous a-t-il fait confidence de fon amour? Picard. Qui, Monfieur. Valbourg. Et il vous a chargé de le fervir ? Picard. Oui, Monfieur; mais Mademoifelle Julie m'eïï: trop' chere pour la compromettre auffi cruellement. Valbourg. La compromettre! Picard. D'ailleurs, c'eft une fille très-formée pour fon age du cöté de la raifon & du jugement. Elle n'aime pas, les jeunes gens. Oh.' elle penfe mürement. Valbourg. Je vois, mon ami, que vous ne favez rien, & que vous voudriez tout favoir. Défaites-vous de cette manie, elle vous nuiroit ici. Les domeftiques y font dou-cement traités ; mais on n'entend pas qu'ils veuillent pénétrer ce qu'on ne juge pas a propos de leur découvrir. Avez - vous Fait part de vos obfervations a quelqu'un? ' p Picard.' Non, Monfieur. Valeourg.'  ( 49 ) Valbourg., Gardez un filence rigoureux fur Julie, le Comte d'Elmont & moi. Je vous fais gré de votre attachement pour cette jeune perfoune; mais je ferois punir une indifcrétion, comhle jé faurai reconnoitre votre docilité. Allez, mon ami. {Picardfefauvé.') SCÈNE XII. VALBOURG, feul. Ce valet occupé fans celTe d'intriguer avec Verville, fe laiffe encore aller a la fórCe de 1'habitüde. Je vois, par quelques mots qui lui font échappés, qü'il a pris le change fur la nature de mes fentirtlens pour Julie. II a raifon, une affeétion vive fe décele toujours. Heu. reux encore qu'on n'en connoifle pas la fource, & que mon fecret me foit refté! SCÈNE XIII. VALBOURG, LA COMTESSE. La Comtesse. A h! mon ami, venez a mon aide... Coufolez-moi.... Confeillez-moi— aidez-moi a fupporter le plus grand des malheurs pour une bonne mere, celuï d'avöir un fils vicieux. Valbourg. II ne 1'eft pas, Madame, on ne change pas en auffi peu de tems. La Comtesse. II a vu mes tendres allarmes, il a réfifté a mes prieres. Sa mere, prefque fuppliante, n'a pu lui arracher le fecret de fon crime qu'un valet. vient dé découvrir. Pere trop tendre, vous craignez de pleurer la naiffance de votre enfant. Au moins fes vertus peuvent la faire oublier, que deviendrai - je fi mon fils déshonore la fienne ? D  _r Valbourg. Vous m'effrayez a mon tour , Madame. Que fe paffé-t-il donc ? x La Comtesse. .Mon fils épns pour Julie d'un amour effrené, a oublié ce quil fe doit a lui-même, ce qu'il me doit a moi ce qu'il doit a une fille , qui devoit être facrée pour lui. U a formé le projet d'un rapt.... Valbourg. I n eft pas coupable, Madame. Ou ne paffe pas ainfi de linnocence au comble de la perverfité. Le projet n'eft pas de lui. v J La Comtesse. Je le crois comme vous. Mais qu'importe comment le commet le crime, s'il eft effeétivement commis? SCÈNE XIV. Les Précédens, JULIE. Julie, fe jatant dans les bras de la Comtejfe. JpH! ma bonne maman, protégez-moi, fecourez-moi. fauvez-moi. . La. Comtesse. Quoi, Louifon t'auroit elle avoué..... Julie. Pouvoit-elle me le cacher? Elle m'aime tant! Je la voyois fouffnr, je lui offrois mes bons offices, & c'eft lur moi. d'Elmont, Verville que leur ai-je fait? il adore 1 un, & je ne connois pas 1'autre. Ont-ils le rffi1 a£ me méPrifer> Parce que je ne fuis rien? II lultit d etre malheureux pour êtfe tourmenté, même par ceux qui nous font chets. Tvn- ^ a c°mtesse. üiüipes tes craintes, mon enfant. N'es-tu pas prés de moi? r r ... , Julie. -Ah. vous le voyez, maman, votre proteêlion n'a point arreté votre fils. Il fent trop le méchant que je ne tiens a vous que par les liens de la commifération,  ( 5i ) & qu'il peut tout ofcr avec une pauvre fille , qui n'a pour arnies que fon innocence. Ah! ma foibleffe même auroit dü lui infpirer des fentimens D'ailleurs, me connoit-il? Sait-il fi je n'ai pas auffi des parens, fije ne les connoitrai pas un jour, s'il ne fera pas forcé de leur rendre compte de fes attentats. Pardonnes - moi, maman , je t'affiige en accufant ton fils.... Mais il a navré mon cceur, & le fentiment de mon outrage me dohne une force que je ne me connus jamais. Ma mere, mon bon ami, Vos larmes coulent (pajjant au milieu.) Ah! que j'y mêle les miennes Nous voila trois a pleurer un forfait, dont aucun de nous n'eft coupable, & que je n'oublierai jamais. Valeourg. Julie! La Comtesse. Calmestoi, Confoles-toi% e ju l*i e. „ Je ne veux plus revoir Pauteur de ma peine.... Je fortirai de cette maifon Madame, vous m'avez ar- raché a la mifere, j'aurai le courage d'y rentrer, fi perfonne ne peut m'avouer. Que dis-je? depuis qua» torze ans , vous devez avoir eu quelqu'indicé de ma naiflance. Si vous en favez quelque chofe, parlez, je vous en prie, je vous eri conjure. Vous ne pouvez vous taire plus longtempsi La Comtesse. A quel point fon ame eft exaltée! Mon ami, aidez> moi a calmer fes allarmes. Julie. Seriez-vous inftruit, Monfieur le Comte? quelle cruaufé vous engage au filence ? Ayez pitié de moi, conduifez-moi aux genoux de mon pere; que je vous doive le plaifir de 1'embrafler pour la première fois. Valbourg. Enfant malheüreux , peut - être le connoftrez - vouS trop tót. Julie. Quel qu'il foit, je l'aurai connu trop tard pour mort honneur & mon repos. Valbourg. S'il avoit afeplaindre de la fortune? p ,  ( 5* ) j ü l i j3. Ah! tant mieux; je travaillerois pour lui. "Valeourg. Vous ne m'entendez pas, li votre pere avoit éprouvé des malheurs? Julie. Je 1'en confolerais. Valbourg. Si vous aviez des reproches a lui faire? Julie. Cela ne fe peut pas.. Valbourg. Qu'il eut des torts envers vous? Julie. En 1'embraffant, je les oublierais. Valbourg la prejfant dans fes bras. Aimable & cher enfant, tu mérites de vaincre. Quel que foit Pévénement, je ne réfifte plus. Oui, Julie, vous avez un pere, & vous étes dans fes bras. Julie. Ah! ma bonne maman, fi j'avois pu lechoifir, je n'en aurais pas voulu d'autre que votre ami. La Comtesse. Cher Valbourg! Valbourg. O ma fille, ma chere fille Ce n'eft plus un étran- ger qui te preffe contre fon fein C'eft un pere, un tendre pere Ah! mes maux font finis. SCÈNE XV. Les Précédens, UN LAQUAIS. Un Laquais. \Jn expres arrivé de Paris a toute bride, m'a rendu cette lettre pour Monfieur le Comte. Valbourg. Donjiez, & laiffez-nous. a  ( 53 J SCÈNE XVI. VALBOURG, LA COMTESSE, JULIE. Valbourg regarde tour-d-tour la lettre & Julie, va pour rompre le cachet, <5? donne enfin la lettre d la Comtejfe. a mon fort, le tien..... cette lettre Ah! comme mon cceur..... Je n'en ai pas la force... Tenez, décachetez & lifez. La Comtesse, Ufanu •n Monfieur, vous venez de gagner votre proces... Ah! Julie! ah! mon ami!" V a l, b o u R g, Je me meurs ö mon Dieu, je t'en rends graces...! Ma fille.... mon amie que de bienfaits a la fois l La Comtesse lifant. n Monfieur, vous venez de gagner votre procés, & «je me hate de vous 1'écrire. Tout Paris applaudit k •n un jugement fi defiré de tous les honnêtes gens. Je li vous inftruirai des détails quand j'aurai 1'honneur de v> vous voir.". Julie. Je le favois bien, moi, qu'il ne pouvoit pas avoir tortj Valbourg. Non, puifque je travaillois pour toi. Quel jour que celui-ci! ma chere Julie, tu n'en connois pas encore Timpórtance. Mais qu'il foit a jamais préfent a ta mémoire. Julie. Puis-je oublier 1'inftant qui m'a rendu mon pere? Valbourg. Ma chere, ma digne amie, je lens 1'étendue de mes obligations. envers vous. Vous pouvez y ajouter encore. La Comtesse. C'eft moi qui vous devrai tout. Votre aimable fille fera le bonheur de mon fils. Julie. Dis donc , maman , que c'eft lui qui fera le mien. II m'a fait bien du mal aujourd'hui, mais je n'ai plus D3  C 54 ) la fbrce d'être fachée. {En embrajjant fon pere.) Je fuis toute a ma teodrelfe. Valbourg. C>ü eft votre fils ? La Comtesse. II cftmonté a cheval avec le Marquis. V a l.b o u r Et comment avez vous découveit? .... , LaComtesse. Picard chargé de 1'exécution a tout avoué a ma femme de chambre. Valbourg. Sop aveu prouve une ame fenfible, & je crois qu'on peut s'en fier fi lui, il faut amener votre fils a fentir de lui même toute Ténormiré de fa faute, a s'appercevoir qu'une confiance fans bornes peut conduire au crime, & qu'un jeune homme doit toujours être en garde con- tre fon propre cceur II me vient une idéé Qui.... Madame, je crois que vous Papprouverez : elle exige de vous un peu de complaifance; mais la lecon fera forte & votre fils ne 1'oubliera jamais. La Comtesse. Faites, mon ami; j'abandonne tout aux foins de votre prudence. . _ Julie. Oui, mais n'allez pas le chagriner, car je 1'avertirois de tout. Je ne veux pas qu'il ait un moment de peine. Je viens d'éprouver ce qu'on fouffre , quand le cceur n'eft pas a fon aife. Valbourg. Sois tranquille , mon enfant. Nous 1'aimons autant que toi. Hola quelqu'un. {Un laquais paroit.) Faites .venir Picard. Plus j'y refléchis, plus ce moyen me paroit fur. L'inutilité d'un crime ajoute encore aux ïemords. Comme il va fe repentir! Comme il va maudir fon ami & fit coupable facilité!  C SS > SCÈNE XVII. Les Précédens, PICARD. Valbourg. Ap prochez, Picard, votre conduite mérite des éloges & on ne s'en tiendra pas la. Madame la Comteflè fait ce qu'on doit a un Domeftique fidele, & vous vous applaudirez de ce que vous avez fait. Que votre aveu a Louifon foit un fecret entre nous. Agiifez coni* me fi vous ne m'aviez pas parlé. Exécutez les ordres de votre maitre. Picard. Quoi, Monfieur, vous m'ordonnez férieufement d'enlever Mademoifelle a font retour du Chateau de Tourville? j : Valbourg. Oui, & pour faciliter vos projets, Julie ira feule a Tourville. Madame la Comteflè & moi nous refterons ici. Nous avons des affaires. Julie. Non, je ne vous quitterai pas. C'eft un parti bien pris. Valbourg. Mon enfant, vous connoiflez ma tendrefle. Croyez que je ne vous expoferai pas. Picard. En vérité je n'en rcviens pas. Quoi, Monfieur, vous voulez abfolument.... Valbourg. Que vous obéiffietf a Madame au nom de qui je vous parle en ce moment. Exécutez de point en point les ordres de votre maitre. (A Ju/U.) Ne crains rien pour toi ni pour d'Elmont. (A la Comtejfe ) Vous fcaurez mes projets, vous les approuverez. (A Julie.)' Courage & confiance. (A la ComteJJe.) Réfolution & fermeté. (A Picard.) Docilité, fecret, & promptitude. (A la ComteJJe & h Julie.) Venez & foyez fütas que tout réufiira. D4  C 56 ) SCÈNE XVIII. PICARD, feuh Je ne fuis plus au courant des chofes. Le plus fin le perdroit dans fes conjeétures... On m'offre de 1'argent pour enlever Julie; je crois faire un aéle unique de zele & de défintérefiement en avouant tout, & ceux a qui j'avois cru rendre un fervice effentiel, m'ordonnent de fuivre mes premiers ordres... II y a ici une comphcation... Une oppofition d'intérêts qui... que... voila une affaire diablement embrouillée. C'eft tout ce que j'y vois. Qu'ils s'arrangent après tout. J'obéirai a tout le monde, je fervirai tout le monde, je tirerai de 1 argent de tout le monde, & fi on le veüt, j'enleverai tout le monde. «Ö Ü (j O tl J /. 'f JFin du fecond uicie*  s ( $7 > ACTE III. Le Thédtre reprèfente un Boudoir. SCÈNE PREMIE RE, VERVILLE, D'ELMONT, Verville. Eh bien, mon ami, te voila dans de grandes avantures. Tu viens de faire le premier pas vers 1'immortalité. Ta docilité m'enchante. Quel dommage de laiffer fous 1'aïle maternelle un jeune homme qui annonce d'aufli heureufes difpofitions. Eh bien... quoi toujours rêveur, toujours fentimental? Allons, mon ami, fors de ta léthargie, & prépare-toi a célébrer dignetnent rarnvee de ton adorab.Ie. * d'Elmont. Verville, tu vas me trouver ridicule; tu vasme railIer; mais je ne peux te cacher ce que je fens. J'éprouve des remords... ' ■ r Verville. Au moment du bonheur! Voila des remords bien placés. Mais la vue de ta belle les fera évanouir. Ses grands yeux languiflans vont te rappeller a Tamour. d'Elmont. Et c'eft mon amour même qui fait mon tourment. Plus Julie m'eft chere, plus je lui trouve de charmes, & plus je me reproche... Verville, De t'être afluré ta conquête. d'Elmont. Et ma mere. qui aura voulu' en vain la de'fendre. Je la vois faire des efforts fuperflus pour la retenir, maudire celui qui 1'arrache d'entre fes bras, le charger de malédiétions, qu'il me'rite fans doute. Puilfe -1 - elle ignorer long-tems,.. I>5  ( 58 y Verville. Je compte bien qu'elle ne le faura jamais. Tu es fervi par le plus adroit cpquin de Paris, entreprenant, aétif & difcret. Tu peux tous les jours faire une efcapade, vemr paffer quelques heures ici, & t'en retourner tranquillement au chateau adminitlrer des confolations a madame ta mere. d'Elmont. IVIe jouer de fa dpuleur! joindre a mes premiers torts la balfelfe de 1'hypocrifie! ah! je voudrois en ce moment tomber aux pieds de ma mere & lui.dire: j'ai médité un crime, que mon cceur défovoue. Je viens en mériter le pardon par un aveu fincere & par mon repentir. V e r v i l l e. Tu as d'excellentes idéés, mon ami. II falloit m'en faire part un peu plutót, nous n'aurions dérangé perfonne. Mais remontons a cheval, allons au devant de la voiture, nous ramenerons Julie en triomphe au chateau d'Elmont, d'Elmont. Le confeil que tu me dpnpes eft le meilleur, peut. être , que j'aie rec;u de toi. Verville. Eh bien, mon ami, il faut le fuivre, & puifque tu cs en train de préparer des harangues, tu diras : Monfieur de Valbourg, vous qui avez trompé ma mere, Julie & moi, j'aime bien mieux être la dupe de ma candeur , que de ravir a vos féduétions une fille que vous voulez tromper. La voila , je vous la ramene, futvez vos projets , & moi... d'Elmont. Arrêtes , Marquis, qu'ofes-tu me propofer? Moi,, laremettreau pouvoir de eet homme! J'airaeroismieux la voir defcendre au tombeau. Yes.vil.le. Au ipmbeau! toujours dans les extrêmes...  < $9 ) SCÈNE II. Les Précédens, PICARD en Poflilfan. Picard. Place , place au Seigneur Mercure. Je me fuis montré, j'ai parlé , j'ai enlevé. Verville. La jeune perfonne... Picard. Eft è deux cents pas d'ici, docile comme un agneau. ce n étoit pas la peine de prendre tant de précautions. A la première fommation elle a changé d'équipage & comme elle n'étoit accompagnée de perfonne, que nous tfavons eté vus de perfonne, j'ai renvoyé une partie de fon efcorte & nous fommes entrés a Paris a petit bruit, & fans être rcmarqués. Verville. Et qu'a-t-elle dit ? deXnatiom' " "'Cw P°Sble de raontrer ^ Verville. Ni de troüver une fille plus filencieufe. d'Elmont. Les grandes douleurs font toujours concentrées la fienne a dü s'exhaler .. ' Picard. Par des iignes fort équivoques, en vérite'. Quelques foupirs adreffes a je ne fais qui, des gonflemens de poitrine relfemblans a je ne fais quoi. • d'Elmont. Et c'en eft afiez pour m'allarmer. A qui auroit-elle conhé la peine? A ceux qui auroient eu la cruautéd'en jouir. O, ma chere Julie , que je me fens coupable en peniant a 1'état oü tu dois être... Je fuis décidé... ¥js r y j u ï. A quoi ?  ( «o ) d'Elmont. A la ravir a Valbourg, que je méprife, que je détefte, & que je. ne veux plus ménager. Verville. A merveille. d'Elmont. Mais auflïjje faurai refpeéter fa jeunefie, j'effnieraï fes larmes, ou j'y mélerai les miennes , & je n'ajouterai pas h ma première faute 1'horreur d'accabler fa foiblefie, & de me préparer des regrets éternels. Verville. Enlever une fille pour fauver fa vcrtu, voila un trait digne de 1'ancienne Rome dans les beaux jours de la République. Mais, mon ami, tu n'y penfes pas. d'Elmont. Pardonnez-moi, Monfieur; mais la confiance a fes bornes. On peut involontairement manquer aux ufages; mais on ne blefie la probité qu'avec connpifiance de caufe. Picard, J'entends le carrcfle, Verville. Vas la recevoir, tu la conduiras ici. SCÈNE III. VERVILLE, D'ELMONT. d'Elmont. De quel front m'offrir a fa vue ? comment foutenir fa préfence ? ah I Verville, que je fouffre ! Verville. Je le congois fans peine. Le premier moment eft difficile pour un jeune homme qui n'a encore rien vu. Mais je fuis-la % & je vais vous mettre tous deux a votre aile. d'Elmont. De 1'honnêteté, mon ami, de la décence. Verville. Oui , oui, mon cher. d'Elmont. C'eft la preuve d'amitié la plus précieufe...  < 61 ) Verville. Que je puifie te donner. J'entends , j'entends. d'Elmont. On vient... C'eft elle.., Je fuis tout tremblant... Je ne me foutiens qu'a peine. (ilfejeite dans un fauteuil) SCÈNE IV, VERVILLE i LA COMTESSE voilée & vêtue des habits de Julie », PICARD conduifant la Comteflè & fe retirant après 1'avoir remife a Verville D'RT ' MONT. » yE*v* Li f' 11 ?* PrmH la Comtefe des mains de ricard, CS la conduu d un fauteuil, oii elle s'ajjied. Ah ! voila notre charmant prifonnier. Vous nous pardonnerez, ma belle enfant, ce que votre petit voyaee a d'irrégulier. Nous rendrons votre captivité fi douce que vous oublierez les charmes de la liberté Mais pourquoi ce voile, cette calèche ? La laideur a pu feule en imaginer 1'uiagè. r d'Elmont. J^attefte 1'honneur & l'amour de ne vous offrir mes fentimens qu'avec les refpefts & les égards que ie dois a la beauté malheureufe. Verville. Plaifant ferment! d'Elmont. Je le tiendrai. Verville. Cela ne fe peut pas. d'Elmont. Vous le verrez. Verville. Mais pendant que nous paflbns le tems a pointiller la petite perfonne garde obftinément fon fang-froid le filence & fon mafque. Pernjets, d'Elmont, que ie leve ce voüe impénétrable. H J eve  < 6* ) .. m d'Elmont. Sans fon aveü ? • verville. Parbleu, je n'en ai que faire. (//leve le voile. ) d'Elmont. Ma mere!... c'eft la foudre. (// retom.be dans fon fauteuil.) La CoMTESSKy i Verville. J'ai voulu voir a quel point un homme fans principes peut porter 1'oubli des mccurS. Vous avez cru, Monfieur , faire adopter votre fyftême a la faveur d'un peu de jargon. Mais je connois mon fils, fon erreur ne peut étre de longue durée. II fent déja le vuide des principes affreux que vous lui avez inculqués. Vous vous efforcez en vain de déguifer ce qu'ils ont d'odieux, vous voulez vainement vous faire illution a vous-même : vos folies multipliées ne peuvent tenir contre une lueur de vérité. Au moment oü je vous parle, vous êtes térraffé par la préfence d'une mere que vous n'attendiez pas. ( Verville fourit. ) Vous fouriez , Monfieur? Le rire amer du vice eft fans force quand il a perdu fon mafque, & qu'il eft combattu par la nature & la probite'. Verville. Vous me traitez bien durement, Madame. Je fuis chez moi & je ne vois pas quels font vos droits.... La Comtesse. Mes dioits font ceux qu'aura toujours la vertu d'en impofer au crime. Verville. Vous me dites fans doute de très-belles chofes; mais, Madame, ce vain étalage ne m'étoufdit pas. Je fais réduire tout cela a fa jufte valeur; au refte, d'Elmont, je t'abandonne ma petite maifon, & je t'autorife a en faire les honneurs, a quiconque en voudra prendre poffeffion.  C 6-3 ) SCÈNE V. LA COMTESSE D'ELMONT. La Comtesse. Cet homme eft incurable, oublions-le a jamais Eh bien, mon fils, vous 1'entendez déja ee premier cri d une ame coupable. Un regard de votre mere vous anéantit. Que feroit-ce donc, fi n'écoutant qu'une iufte féyérité, je me hvrais a tout le reffentiment qui pourroit m'animer ? Que le vice eft bas! Qu'il eft méprifable! II vous degrade a vos propres yeux; il vous óte Ie courage d'implorer votre pardon, & de le mériter! d'Elmont. L ne m'ötera pas du moins la force de tomber k vos pieds & d'y attendre mon arrét. , La Comtesse. tJbl* °iU con d'Elmont. Suis-je digne d'y cacher ma honte ? La Comtesse. • Oui, fi tu veiïx 1'effacer. D'Elmont , l'embrajfant. Ah! Madame , quel excès de tendrefie!... Comment la reconnoitre ? La Comtesse. En me regardant comme ta meilleure amie. Tu me le dols ce titre précieux, dont je fuis fi digne; & què Verville a profané. Méchant enfant, que ne parloïs-tu ce matin? que He m'ouvrois-tu ton cceur? Tu nem'aurois pas coüté de larmes, tu n'ert aürois pas arraché a Julie, d'Elmönt. A julie!... Dieux!... Elle cortnoitroit un attentat.... 'La Comtesse. Dont elle étoit loin de te croire capable & que Picard t'a empêché de confommer. J'en ai rougi dans 1'inflant, je rougis encore de 1'aveu que j'en fais; mais ton Valet a eu aujourd'hui plus de probité que toi. Tu dégradois une innocente, qui n'a eu envers toi d'autre tort que de t'airtier, tu la livrois au mépris de Verville ^ a 1'infolence & peut-être aux outrages de fes gens. (Z>'£/mont fe jette dans les bras de fa mere.) Ah! d'Elmont. je t'ai pardonné, je ne m'en repens pas; mais n'oüblies jamais les malheurs que tu allois caufer. d'Elmont. Les oublier, ma mere ! Non, jamais. Ah ! un amour effrené pouvoit feul m'étourdir fur mon crime. La Comtesse. Le crime étoit-il le feul moyen qui putte rendre hëureux? T'aürais-je refufé une fille aimable &vertueufé, que je regarde comme mon enfant? d'Elmont. Quoi, ma mere , vous me 1'auriez donnée ? La Comtesse. Qu'ai-je cherché que ton bonheur depuis que tu refpires ? d'Elmont. Ah! Julie.. 1. Julie me pardonnera-t-elle? Madame, je  ( «s ) je n'efpere qu'en vous. Plus je 1'ai outragée , plus je ferai d'efForts pour me rendre digne d'èlle. , L a C o m t.e s s e. Voila la noble ambition oü je reconnois mon fils. Oui, mon ami, Julie fe rendra a mes prieres; je crois pouvoir m'en flatter. j d'Elmont, Mot, Madame.... ( Avec timidité.) Valbourg.,.. Je 1'ai vu.... je 1'ai entendu...,. i ., La ComtesseII eft des cas oü I'homme fage ne doit s'en rapporter ni a fes yeux, ni a fes oreilles. Quarante ans d'une conduite irréprochable, mon amitié & mon eftim'e étoient des titres qui devoient démentir 1'éyidence même. Vous frémirez, jeune homme, quand vous connoitrez 1'étendue de vos torts envers cet homme refpe&able. „ d'Elmont. Ah! Madame, il fuflït que yousl'aimiez encore pour qu'il foit juftifié... Cependant ces carefles de Valbourg ont quelque chofe de fulpedt. ,. , La Comtesse. Eh bien, Monfieur, puifque mon témoignage n'eft pas fufiifant pour vous défabufer, apprenez tou,t, Apprenez que ces carefles qui vous allarmeut tant ont leur foürce dans la nature. d'Elmont. De grace expliquez-vous. r:. „La Comtesse. . . Cet homme qui parloit de 1'établilïement de Julie, ne s'occupoit que de vous. II penfoit au moyen d'unir votre fort k celui de cette aimable enfant. Cet homme qui la preflbit dans fes bras, fe Uvrait au plaifir innocent d'embrafier une fille digne de lui , & c'eft l'amour paternel que vous avez ofé calomnier & profcrire. d'Elmont. Julie feroit fa fille ! La Comtesse. Et fa fille légitime. C'eft Mademoifelle de Valbourg, c'eft fon pere que vous avez outragé. d' E.l..m ont, éperdu. Ah! malheureux que je fuis... Je n'ofe penfer aux ïiorreurs,.. Dieu! que je fuis coupable. E  C 66 ) ÊCENE; VI O derniere. LA COMTESSE, JULIE, VALBOURG, D'ELMONT.' Valbourg. XQ£Vne Mftes pIus' J'eune homme 5 votre foute étoit de Verville, votre repentir eft de vous. d'Elmont. Ah! Monfieur... ah! Mademoifelle... Te fuis contondu... anéanti... quoi! Monfieur, vous ne~m'accablez pas de jeproches. . . Va:lbourg. Des reproches quand on Te repent? „ j , , Julie. ' yuand on a ete egaré par un faux ami ? 2>' £ l m o n t. II veut fe jetter aux genoux de Val■ bourg, qui le releve. Monfieur, je tombe a vos genoux. Ma réparation ne peutetre trop forte ni trop authentique: fi vousfaviez avec quelle légéreté je vous ai jugé, avec quelle ngueur j'ai prononcé contre vous! q rn&fiiUr^je- n'e"/uis pas ¥^'^ jeunefTe eftin-confidérée. Mais ne foyez pas plus févere envers vous que je ne veux 1'être moi-même. Madame la Comteffè vous a dit tout ce qu'elle -devoit vous dire : oublions ie paffe & embraffez-moi, mon gendre. rr Julie. Tu vois comme mon perë eft bon. Confoles-toi, mon ami, & fois toujours mon frere^jufqu'a ce que tudeviennes mon mari. , 1 7 ¥ d'Elmon t. Ce titre précieux eft-il fait pour moi ?  ( 6*7 ) d'Elmont. Jen fais ferment entre tes mains. C'eft en t'adöfant toute ma vie, que j'expierai des forfaits.., ™. t • > ■ Julie. Uh! je t en prie , ne parles plus de cela. Mon nere oublie tout, e 1'oublie de même. Sois heureux E petit frere, je fouffrois de te voir fouffrit Se? d'Elmont. Ah! ma Mere!... ah! Monfieur!... ah! ma Julie». Je ne fais comment exprimer... Qu'il eft dour de CnY vre la vertu & de lui devoir fon bonheur° Non ie r,fUA £UST pen?e> ^ J'e ne la c°nne acesêtrS ■Fïn