OE D1PE TRAGE' DIE, Par M D u c i s , Secrétaire ordinaire de MONSIEUR , run des quarante de F Académie Frangoife. Repre'sente'e , pour la première fois, par les Co médierls Francois ordiüaires dü Roi, le Vcndredi \ Décembre 177$, & a Amiterdam le 18 May 1784. A AMSTERDAM. /ait au Tartare. Tu me criois adieu. J'ai frémi, j'ai couru. Entre nous deux alors no§ enfans ont paru; Jls é'evoieht vers nous leurs voix attendriflanteï; ï!s eEshsSuoient tpt pieds de leur.s nwns, ïanp^epte^  TRAGEDIE. 9 La foudre épouvantable a foudain retehti, Aiors tout s'eft calmé, tout s'eft anéanti; De ces objets divers reffrayant.affemblage, De tes périls, fur- tout, me laifTe encor 1'iraagej Et, düt ce ciel vengeur irriter mes ennuis, Je veux fortir enfin de i'borreur oü je fuis. ADMETE. Dans ce fonge confus, quelque effroi qu'il te donne , Je n'ai rien dtftingué qui me trouble ou m'étonne. De ton pere fouvent ton efprit occupé A pu de fon trépas êire aifément fragpé. Quant au Ténare ouvt.rt , ta tendrefle inquiete A feule imaginé tous ces périls d'Admete: Pour irembler fur mes]ours, craintive au moindre bruit s Tu n'avois pas befoin des erreurs de la nuit. Va , fans interpréter de bizarres menfonges, Rempliffons nos devoirs & dédaignons les fonges. Sur la propre innocence un mortel affermi ALCESTE. Non, non: pour démentir mes préfages timides, Je veux interroger 1'autel des Euménides. Le fort a leurs regards aime a fe découvrir, Ét pour nous dans ce jour leur temple va s'ouvria ADMETE. Mais connois - tu, dis-moi, ces DéefTes horribles, Cts Sceurs que leur juftice a fait nommer terribles? Leur grand Prêtre a fouvent de fa finirïre voix Sous leurs dais orgueiileux épouvanté les Rois: Sous leur fceptre fangiant tout pouvoir s'humilie; Leur nom feul prononcé troubie la Theflalie: A l'afpeft imprévu de leur temple odieux , Le voyageur tremblatu paffe & ferme les yeux: II femble, a leur menace, a leur regard fauvage, Que l'horreur des mortels foit leur plus cher hommage, Et que, s'il eft un coeur qui les ofe adorer, Ce n'eft qu'en frémiirant qu'on les puifle honorer. A L C E S T E. Ah! pour moi leur afpeft eft un tourment moins rude Que le fupplice affreux de mon incertitude 1 Kle refuferois - tu de les interroger ? ADMETE. Peut-être imprudemment cherchous-nous Ie danger. AS A L-  ïo OE D I P E C II E Z ADMETE, ALCESTE. Je fens que dans mes vceux c'eft le ciel qui m'infpire. ADMETE. Sur le coeur d'un époux tu connois ton empire: Mais fi tu m'en croyois, ton efprit curieux Sur nos communs deftins s'on remettroit aux Dieux. SCÈNE IK Les métiies, A R C A S. A R C A S. SeIGNEUR, dans ce moment le redoutable temple Que 1'innocence même avec effroi contemple, Vient d'ouvrir fon enceinte aux regards des mortels, Un feu fombre & facré brüle fur les autels; Des trois Divinités les funèbres images De vos fujets tremblans recoivent les hommages. Le grand Prétre a paru. L'Oracle va parltr. Voici fheure oü fa bouche enfin doit révéler. Les décrets réfervés pour ce jour formidable. ADMETE. Chere Alcefte, le ciel nous fera favorablg. RajFermis a ma voix ton courage abatiu. Que! coeur plus que le tien doit croire a fa vertu? Loin de nous a jamais toute crainte ioquiete* ALCESTE. Je la fens expirer en écoutant Admete ; Je lens que par dégrés modérant fon effroi, Mon ame avec plaifir s'affermic prés de toi: Confulte feul l'Gracle; & moi, je vais encore Dans ta fille & ton fils voir l'époux qae j'adore, Et perdant aupiés d'eux mes vains preffentimens, Leur piodiguer pour toi mes doux embrafferaens. Qlte fortent tous deuxf) Fin du premier ABe. a C  T R A G E D I E. ,j ACTE IJ. SCÈNE PREMIÈRE. ADMETE, ARCAS. A R C A S. O X-UOI! c'eft un Prince jufte. un Héros magnanirne Qae le ciel en ce jour demande pour viclime! A eet affreux trépas Adraete eft réfervé ! A l'amour de fon peuple Admete eft enlevé! O rigoureufe loi d'un Oracle inflexible! Le ciel, dans fon courroux, eft - il donc infenfible Aux vertus d'un Monarque, aux larmes des fujets ? ADMETE. Refpeftons, cher Arcas, fes terribles dècrets. Mais quand 1'autel eft prêt, quand ma mort eft prochaine, As-tu dans fon erreur entretenu la Reine? Avec des foins prudeus lui cache-1 - on toujours Que 1'Oracle fatal a condamné mes jours 'i ARCAS. Oui, Seigneur; de fon troubie enfin fon coeur refpire. Il ne s'alarme plus pour vous ni pour 1'Empire. Autour d'elle empreffés vos fideles fujets Font taire leurs douleurs, leurs fouptrs, leurs regrets; Tout dérobe a fes yeux la vérité fuuefte. ADMETE. O trop cruelle erreur! ó malheureufe Alcefte! ARCAS. Faut il donc Ia quitter au printemps de vos jours! Pourquoi les Dieux fitót en bornent ils le cours! Ah! quei bonheur jamais fut plus digne d'envie' A D M E T E. Combien de nosuds, Arcas, m'attachoient alavie! Ces fujets pleins d'amour, dont l'cs'A fisé fur rnoi' Ne pouvoit fe laffer de contempler leur Roi j Leur  ik OE D I P E CHEZ ADMETE, Leurs rranfpon d'alégreffe empreints fur leur vifage; Leurs flots tumultueux inondanr mon paffage; Tous ces cris répétés, leurs regards fatisfaits M'offrant de toutes parts !e prix de mes bienfaits, Ce plaifir de me dire: „ lis vivent fans alarmes; „ Le bonheur de me voir fait feul couler leurs larmes; ,, II n'en eft pas un feul couler leurs larmes ;l „ Qui pour moi dans fon coeur ne forme mille voeux; „ Par les loix, par les mosurs, je rends mon fceptreaugufte, ,, Ma folie eft d'être aimé, ma gloire eft d'être jufte". Ab, de mon peuple, Arcas, faut il me féparer! ARCAS. Le ciel a nos regards n'a fait que vpus montrer: Falloit-il que ia mort... ADMETE. Mort cruelle & jaloufe, Qui m'óte mes enfans, mes fujets, mon époufe Eh! quelle époufe, A ciel! ami, fi quelquefois Ces foucis importuns qu'on lit au front des Rois, Avoient du moindre troub'e altéré mon vifage, Un mot, un mot d'Alcefte, écartant le nuage, Y ramenoit le caltne & la trsnquillité, Son ceil s'ouvroit, Arcas, j'étois moins agité. Que dis-je 1 en ces momens oü notre ame plus tendrej Dédaignoit les difcours pour mieux fe faire entendre; Un long enchantement confondoit nos deux cceurs; J'aimois, je la voyois, je goütois les douceurs D'un filence attentif qui la rendoit plus belle; Je t?e lui parlois pas, mais j'étois auprès d'elle: Et quand mon fort heureux a paffé mes dellrs, Quand le tróne & 1'hymen m'offrant tous leurs plaifirs, Ont ver'é fur ma vie un charme q'ii m'enivre, Au lieu de tant d'objets , pour qui j'efpérois vivre, C'eft la nuit du trépas qui va m'environner; Te perds tout le bonheur que Pallois leur donner. ARCAS. De ces vains mouvemens furmontez la tendreffe. ADMETE. Je confume avec toi mes pleurs & ma foibleffe... Mais j'appercois Alccfte i ARCAS. Elie avance vers vous. Hél as! quel eft fon fort? ADMETE. II fuffit: laifTe. nous. {Arcas fort") S C  TRAGEDIE. S C E N E I L ADMETE, ALCESTE. A L C E S. T E, (^HER époux, je te vois: les fieres Euménides N'ont donc point prononcé des arrèts bomicides'i Le ciel protégé Admete. Oh! combien j'ijj tremblé, Jufqu'au moment terrible oü 1'Oracle a parlé! Je te demande encore a la nature entiere. Chacun de tes en fans m'a préfenté fon pere, Chaeun de tes fujets ma préfenté fon Roi, Et mon époux par-tout s'eft offert devant mot. Mais as-tu de ton peuple obfervé la tendreffe? O moment pour ton cceur plein de charme & d'ivrefle! Comme il craint pour tes jours! coraaie il chérit tes loix! Ah! c'eft dans leurs périls qu'on peut juger les Rois! Du coup dont je tremblois ils fiémiffent encore. ADMETE. Trop jufle fentiment d'un peuple qui t'adore! Ah! puiffe-t-il long-temps, heureux dans 1'avenir, De mes foibles bienfaits garder le fouvenir! ALCESTE. Le ciel vient de calmer fa tendreffe inquiete. Quedevenois je, hélas! s'il eüt profcrit Admete? Moi, te perdre! grands Dieux! Admete, ah! tu crois bien Que mon (répas d'abord auroit fuivi le tien. Cet éternel adieu, eet abandon terrible, L'aurois-je fupporté, moi, dont le coeur fenfible Au feul fon de ta voix eft prét è s'émouvoir; Qui cefferois de vivre en ceffant de te voir, Qui ne faurois une heure endurer ton abfence, Qui ctaindrois moins la mort que ton indifférence; Moi, qui n'entrevois pas, même dans 1'avenir, Qu'aucun moyen jamais puiffe nous défunir? Non; je ne coneois point, de tes vettus ravie, De terme è mon bouheur, ni de terme a ta vie. ADMETE. Ma chere Alcefte.... ah.' Dieux! ALCESTE. Veux - tu qu'en ces momens Je  i4 OEDIPE C H E Z ADMETE, Je faffe a tes regards amener nos etiftnsf Veux-tul.... ADMETE. Non.'... garde leur ce coeur fenfible & tendre: A tes fecours, Alcefte , ils ont droit de prétendre; Et fi leur pere un jour.... ALCESTE. Qüe me dis-tu? ADMETE. Que leur age encor foible auroit befoin de toi. Eh? qui pourroit compter les bienfaits d'une mere! A peine nous ouvrons lès yeux a la lumiere, Que nous recevons d'el.'e, en refpirant le jour, Les premières legotis de tendrelfe & d'amour. Son coeur eft averti par nos premières larmes; Nos premières douleurs éveillent fes alarmes; Sous les plus douces ioix nous croifïbns prés de vous, Et c'eft dés le berceau que vous réguez fur nous. ' ALCESTE. Comment de notre amour ne pas chérir les gages! Mes foins ne font-il pas plus leurs doux héritages? ADMETE. Eft ce Admete qui craint d'être oublié de moi? Va, ce lëgér foupcon doïc outrager ma flame. Doutes tu qu'è jamais tu regnes fur mon ame? J'en attefte 1'autel qui recut nos fermens, Oü mon cceur te voua fes premiers fentimens; Ces flambeaux de 1'hymen, cette briliante fête, Oü du bandeau des Rois tu parois ta conquête. Quel bonheur nous attead! Oui, je n'en douie pas, Ton fils, ton fiis un jour marchera fur tes pas. II a déja ta grace, il aura ton courage; Déja fes traits naiffans m'ont offert ton image, Et tandis que fans moi tu courois aux autels Interroger du fort les décrets éiernels, Comme fi ton péril eut accru mes tendreffes, Ma main lui prodiguoit les plus douces carefies. Mes regards de le voir ne pouvoient fe laffer; Dans ton fils, cher époux, je croyois t'embraffer; Et s'il faut, fans détour, t'avouer mes alarmes, ai même, en 1 embraffant, répandu quelqnes larmes. u pleures, cher Admete! A D-  TRAGEDIE. i5 ADMETE» Ouimon cceur tranfporté ALCESTE. Livre toi fans réferve a ta félcitë, ADMETE. Te te vois.... je t/entends.... O momens pleins de charmes! Tant de bonheur m'accabfe & fait couler mes larmes. Je n'ai jamais, jamais fenti jufqu'a ce jour Avec plus de tranfport le prix de ton atnour. Par ces noms fi touchans & d'époufe & de mere; A 1'Etat , comme a moi, que tu dois étre, chere! Va, crois moi, Ie deftin n'a point droit fur les cceurs; Va, l'amour ne meurt point; fes fentimens vainqueurs, Du fort qui détruit tout ne craignent pojnt 1'empire. Crois que ce feu facré, qu'un tendre hymen inlpire, Sous ma cendre avec moi ne pourra s'aiToupir, Qu'il doit furvivre encore a mon dernier foupir. SCÈNE III. PHENIX, ADMETE, ALCESTE. P H E N I X. SeIGNEUR , vers ces cyprès, vers ces rochesarides Oü le remords confacre un temple aux Euménides, A mon ceil tout-a- coup de rerpeéf. prévenu, S'eft offert un mortel, un vieillard inconnu. Ses yeux ne s'ouvrent point a la clartë célefle. Au printemps de fes jours , une beauté modefle, Lui prétant fon appui, fes fecours généreux, Aide, foutient, conduit'ce vieillard malheureux. La nobleffe eft encor fur fon vifage empreinte; On y voit la douleur, mais fans trouble & fans crainte. Ses longs cheveux blanchis, agités par les vents, Couvrent fon front penfif qu'ont fillonné les ans. J obfervois dans fon port, fur fon front immobile , Au milieu de fes manx fa dignité tranquille. Et tout enfin, Seigneur, en lui m'a rappéllé, Cec illuftre profcrit, dont vous m'avez parlé. rt1^ ADMETE. H füffit, cher Phénix. ( Phénix fort.) S CE.  U OEDIPE CHEZ ADMETE, SCÈNE I F. ADMETE, A L C E S T È. ALCESTE. TT- „ . '"J""» vicmaiu-JIH.UIIUU. ^ariez que veut. il faire? Je crains... Phénix d'abord eür dü l'interroger,' A D M E T E. Peut. être vainement c'etit été l'affliger. Hélas! d'un malheureux Ia prudence eft extréme. Ah! fon fecret fouvent n'eft que fon malheur mérne. ALCESTE. Vous lui demanderez d'oü nait font fort affreux? ADMETE. Je n'interroge pas les mortels malheureux. ALCESTE. De fes deftins, Seigneur, vous avez connoiffance. Ainfi, fur vos fecrets vous gardez la filence; I's ne font plus communs! Pourquoi me les cacher? Votre cceur dans le mien craint-il de s'épancher? ADMETE. Crois- tu!.... ALCESTE. Me traitez-vous comme une ame commune, Qu'on doit peu confulter, qu'un fecret importune? ADMETE. Tu me fait eet outrage ? ALCESTE. Eh! depuis quand, pourquoi N ofez vous fans détour vous fier è m'a foi » ADMETE. Eh-bien! c'eft...... ALCESTE. Ne crains pas. ADMETE. Ce vieillard fans afyle) Ce noble fugitif, dans fes maux fi tranquiile. C'eft OEdipe. AL?  TRAGEDIE, ALCESTE. Qui! lui Seigneur! Ah! dans ces lieux; Son afpeft contre nous va fufciter les Dieux! ADMETE. Que dis tu, téméraire? ALCESTE. Oui, voila mon préfage, II ne m'a point trompé. ADMETE. Eh! c'eft - la ton courage ? ALCESTE. Non, je n'en puis douter: tout le peuple en fureur Va chaiTer un vieillard qui doit lui faire horreur. ADMETE. Que crains tu ? ALCESTE. Je Crains tout. Je crains les Euménides* Leurs ferpens, leurs fiambeaux, vengeurs des parricides Je crains Laïus, OEdipe & Jocafte en courroux; lis vont du fein des morts s'élever contre nous, ADMETE. Quel excés de fbiblefle! ALCESTE. Ah! Ciel fi ia vengeance'.. * ADMETE. De ta pi-opre vertu n'as-tu point 1'afiurance? ALCESTE. Eh! qu'avoit fait OEdipe? ADMETE. Eh-bien ! fi c'eft mon fort, J'accepte fans murmure ou la vie óu la mort. ALCESTE. Barbare! A D M E T E. De nos Dieux le pouvoir légitime Doit - il noüs confulier pour nommer leur viétime ? Si leur bras fufpendu s'apprête a la frapper, Ptince ou Sujet, n'importe, il ne peut échapper. Crois tu, s'il faut du fang, que leur bouchestimides Ont pour le demander befoin des Euménides ? Va, tu n'as déformais rien a craindre pourmoi. ALCESTE. Mon coeur foible & tremblant n'eft plus digne de toi»  13 OE DIPECHEZ ADMETE, Des noirs deftins d'DEdipe, ah- voila donc 1'empiré. II fomlle autour de lui jufqu'a l'air qu'il refpire ' Nous vivous trof) heureux; c'eft lui feul qui „ous nuit, li va verier fur toi le malheur qui le fuit. ADMETE.' Va, Ie malheur pour nous eft de fermer notre ame Au cri de la pitié qui me parle & m'enflamé. Qui l'anroit dit un jour que le Roi des Thébains Mendieroit les fecours du dernier des-'humains? Chere Alcefte offrons. lui ce palais pour afyleQu'il fixe auprës de toi fa vieillefle tranquille.' Eft il pour nos pareils emploi plus digne d'eux, Que doffrir pi és du tióne un port aux malheureux. lis fortent. Fin du fecond Acte. ' ACTE f I h (Le Taèatre change. II reprêfente un dèfert épouvantable On afperkt dans le fond le Temple In Euménides % fur le coté des ifs,. des cyprès, & des rockers V _ •A non? ite o rt i r»hi SCÈNE PREMIÈRE. POL YNIC E feul. QüEL defir inquiet. .quel trouble involontaire, M'entraine, mstgré moi, dans ce lieu folitaire, Comme fi quelque 'inftincl me forcoit d'y chercher Ces finütres autels que je crains d'approcher? ( Regardant le Temple des Euménides. ) Le voici donc ce rempley,; bü du crime ennemies Pour punir mes pareils, habitent les Furies, ' " ,»V Ces Déeiles qu'OEdipe, armé de tout fes droits» Contre des fils ingrats invoqua tant de fois. Noi.  TRAGEDIE» 19 Noires filles du Styx, c'eft a votre colere Que je dévoue ici mon déteftable frere; Accumulez fur lui des tourmens mérités, Et tels que je voudrois les avoir inventés. Egalez, s'il fe,peut, vos iranfports a ma rage. S'il deineure ifnpuhi, fon crimê eft votre ouvrage. Que dis-je? de quel front m'élever contre lui, Et quand je lui reflemble, imploter votre appuü, Lorfqu'Adraete périt, comment votre juftice Laifle * t - efle un moment refpirer PoiyriiCe? Malgré tant de vertus Admete eft condainné; Malgré tant de forfaits m'auriez - vous épargné ? Je veux les confulter.... Que poürröis-je en apprendre? L'Oracle eft dans mon cceur.-c'éft a moi de 1'entendre. Ce coeur pour confoler mes deftins 'malheureux , Ne me répondra point que je fus vertueux. Mais quel eft donc mon fort? fans tróne, fans pattie , Je ne fais, mais je fens dans mon ame flécrie , Un trouble, une douleur qui m'obfede en tout lieux. Hélas! aucun vieillard ne fe montre a mes yeux, Qu'une voix ne me crie; „ Ingrat, voiia ton Pere. „ Vois-tu fes cheveux blancs fes vertus, fa mifere*'. Eft - il vivant? Quel temple & quel défert affreux! Des antres, des rochers, des cyprès ténébreux! D'un nouveau Cythéron tout m'offre ici l'iinage. Mais quel vieillard foaffrant, appefanti parl'age, M'apparoiffant de loin, fdus ces triftes rameaöx, Tralne un corps affoibüi, caché fous des lambeaux? Sous 1'habit d'une efclave, une femme attentive Prête un apptii fidele a fa marché tardive. Le remords n'abat point leur front chargé-d'ennui.... Si c'écoit.... avancons.... c'eft mon pere, c'eft lui. J'ai reconnu ma foeur. O trdp oheres virtimes ruyons.... en les voyant, je crois voir tous nies crimes. ( // s'échappe a travers le bots de cyprès.) B * • S C E*  *° OEDIPE CHEZ ADMETE, SCENE I /. j OE D I P E, ANTIGONE. OEDIPE, /e ^/vw ^Antigone. Ont dérobé la force a mes pas hnguifians. Suis- je blen afFerm. ? Puis je être ici tranquille ? * _ . ■ ANTIGONE. Des rochers, des cyprés, peuplent feuls eet afyle. Maïs votre cceur encor fe trouve è vos enuuis T , . . OE D I P E. Je ne fortirai pas de la place oü je fuis. ~ . ,, , ANTIGONE. O ciel! que dites- vous! OE D I P E. t r . , . O ma cher Antigone! je luis las de trainer 1'horreur qui m'environne. Je vajs cefler de vivre. ANTIGONE. Donr vos crueis chagtins m'entretiennen^tou^,"1 **■!"• OE D I P E. As-ui vu que'quefois le débris des naufragei Rejetté par les flots, chalTé par les rivages? vuu- o ANTIGONE. Eh bien? OE D I P E. Voila mon fort. ANTIGONE. c, , Ainfi donc votre efprit S abreuve avec plaifir d'un poifon qui 1'aigrit. Ta,. _„.. OE'D I P E. Je fuis OEdipe. ANTIGONE. . Hélas! faut-il qu'inftruit par 1'affe. votre Antigone envain vous exhorte au courage! OEDI.  TRAGEDIE. si OE D I P E. Avecquelle rigueur les ingrats m'ont chaffé! ANTIGONE. Je fuis auprès de vous; oubliez le paflé. OE D I P E. Je les aimois. ANTIGONE. Songez .... OE D I P E. Je pré vois leurs miferes? L'orgueil aura bientAt divifé les deux freres. Jel'ai prédit. ANTIGONE. Perdez ce fatal fouvenir. OE D I P E. Le ciel ne peut manquer un jour de les punir. ANTIGONE. Peut - être. OE D I P E. Oui, tu verras Ie fougueux Polynice De mon fort quelque jour envier Ie fupplice. ANTIGONE. Penfez qu'Admete ici va vous tendre les bras. OE D I P E. Crois-tu qu'a mon afpecï il ne frémira pas? ANTIGONE. Tant que nous refpirons; Ie ciel a nos alarme* D'un bonheur, quel qu'il foit, lailfe entrevoir lescharmes Ne me dérobez pas I'efpoir que j'en conpoi. OE D I P E. Je ne te blame point, j'ai penfé comme toi. D'être heureux, en naifTant, 1'homme apporte Penvie • Mais il n'eft point, crois-moi de bonheur dans Ia vie* II lui faut d'age en age, en changeant de malheur, Payer Ie long tribut qu'il doit a la douleur. Ses premiers jours peut-être ont pour lui quelques charme» Mais qu'il connoit bientót 1'infortune & les larmesI ' II meurt dés qu'ils refpire, il fe plaint au berceau; Tout gémit fur la terre. & tout marche au tombeau. ANTIGONE. De vous plus que jamais la triftelfe s'empare. OE D I P E. Epoux, peres, enfans, il faut qu'on fe fépare; C'eft un arrêt du fort, nul ne peut 1'é.viter. B 3 AN-  OE DIPE CHEZ ADMETE, Hélas! ANTIGONE] OE DIP E. Ne pleure poinc. ANTIGONE. OE dVpT m'aI'eZ qUI'"er' Ma fille, affez long. temps j'ai gétni fur ], terre^ Vois ces tremblames mains, vois ce corps éouifé , , ANTIGONE. sous le fardeati des ans il n'eft point affaiffé. a, . . OE m P E, ™- je n en fens pas moins leur nombre & ma foiblefle r n. ANTIGONE. ^es Uieux vous donneront la plus longue vieillelTe . PE Dl RE. ™ Vle eft »n Tupplice; & pour me fecourir, ' . ii ne me refte plus que 1'efpoir de mourir. ANTIGONE. Vous piaignez.vous des foins & du cceur d'Antigone? Vous ni-je abandonné? s^es OE d I p E. T , Ma fille, hélas! pardonne Te t outrageois fans doute. Eb! qui jufqu'a ce jour' Ma montré plus qne toi de conftance & d'amour? Ton fort me fait frémir. ANTIGONE. . „, , MoD fort! je Ie préfere A 1 hymen Ie plus doux , au tróne de mon frere Hélas] c'eft a mon bras que le vótre eut recours. 5i mon Sexe trop foible a bornè mes fecours Par ma tendreife au moins j'ai calmé vos alarmes; Jai foutenu vos pas, j'ai recueilli vos larmes. Hélas! pour vous nourrir, j'ai fouvent mendié Les refus infultans d'une, avare pitié. ii fembloit qua Ie Ciel, adouciflant 1'outrage, Aux malheurs de mon pere égaiat mon courage! Seule au fpnd des déferts j'ai marcbé fans effroi, Croyant avoir toujours vos vertus prés de moi. Vos ennuis font Jes miens, ma douleur eft la vótre. Nous feuls nous nous reftons, confolés 1'un par l'autre, L umvers nous oublie : ah? recevons du mojns, Moi, vos tnftes foupirs, & vous, mes tendresfoins. %fue Thebe a vp. deux fi|s 0ffje un tróne en partagej V9U$  TRAGEDIE. TRAGEDIE. ^3 Vous fuivre & vous aimer, voila mon héritage. OE D I P E. Dieux, vous avez payé mes tourmens, mes travaux. Ma joie en ce moment a paflé tous mes maux. Mais dis, cü fommes ■ nous ? ANTIGONE. Sous ces cyprès arides. Je vois le temple affreux des trifles Euménides. D'horreur a eet afpecï mon efprit eft frappé... Mon pere, ah! d'oü vous vient eet air préoccupé? Quelque nouvel effroi femble encor vous furprendre, OE D I P E. Les Euménides! Ciel! ah! je crois les entendre. Je crois les voir ici s'attacher fur mes pas. Ma fille, approche-toi; ne m'abandonne pas. A N T I G O N E. Dans fes égaremens le voila qui retombe. ;Hélas! fous tant de maux je crains qu'il ne fuccombe! Raflurez-vous, mon pere. OE D I P E. O fupplice! 6 tourméns! ANTIGONE. Modérez dans mes bras ces affreux mouvemens. Hélas! dans ces déferts quels fecours puis je attendre? OE D I P E. O filles des enfers, vous qui devez m'entendre, Vous de qui j'ai recu ma naiffance & mon nom, Vous qui m'avez jetté fur le mout Cythéron, Divinités d'OEdipe, exaucez ma priere! ANTIGONE. Sufpendez, juftes Dieux, les tranfports de mon pere OE D I P E. Indomptable pouvoïr du fort qui me pourfuit, Dans quel horrible état mes forfaits m'ont réduit? ANTIGONE. Le Ciel vous y forcoit. OE D I P E. A mon efprit timide, N'offrez plus, Dien vengeurs, les champs de la Phocide;; Cachez-moi par pitié ce fentier douloureux, Oü j'ai percé les flancs d'un pere malheureux, Cachez-moi eet autel, oü des fermens impies Ont joint deux chaftes cceurs aux flambeaux des Furies; Cet autel exécrable, oii leurs ferpens hideux B 4 Dé*  «4 OEDIPE CHEUDMETE, SJ'Ji'™ feP,is nou* enchainoieot tous deux Ou Mégere debout, avec un ris funefte ' Sous les traus de l'hymen confacra notre incefle *» ANTIGONP Mon pere! e* OE D I P E. J?«-t-on pas vu ces mains, fecondant ma Sere Creufer ces yeux fanglans, en chalTer la ifer T' Dieux! ANTIGONE. Les peupies a J?£%*£& *J£ïï£ & Hé, Seigneur, ANTIGONE. OE D I P E. Que tu prevoyois bien ma de?inJé°eCaffre'u?e.mere malh<«l Et toi, berceau fanglant, oü j'aurois dü périr Rochers du Cythéron, j'y reviens pour mourir Hélas! ANTIGONE. ? OE D I P E. Du fond de tes déferts je fortis vertueux- ' J'y retourne aiTaffin , profcrit, inceftueux, Tiainatu par .tout mes maux , mes forfaits, mes ténèbres • Entends mes derniers vceux, entends mes cris funeta» ~ ... ANTIGONE. O ciel! OE D I P E. ?1e,mo? tombeau je me vais emparer; Voila, voilé la pierre oü je dois expirer. n , „ . , ANTIGONE. Qu elle horreur! OE D I P E. n„- v u • j. i. Je ne veux' lorf ANTIGONETonneres, feux vengeurs, Dieu terribie, arrétez: Qui peut dans ce moment armer votre colere? LE PEUPLE ET LES TROIS HABITANS OEdipe. A D M E T E. {Uhorreur du tonnerre & des cris funebres augmcnte) Oü fuis-je? ó ciel; je fens trembler ia terre! OE D I P E. Répondez, répondez. (Le bruit des tonner res & des cris monte au dernier degré,-} SCÈNE F. OEDIPE, ANTIGONE, LE GRAND PRETRF PRETRES DE, LA SUITE, ADMETE LES TROIS HABITANS, PEÜPLE, GARDES. ' LE GRAND-PRETRE. ,3 ÏMY 1NFORTUNE' vieillard Les Dieux fur tes deftins ont fixé leur regard. ' De  3a OEDIPE CHEZ ADMETÈ. De Ia fatalité courageufe viélime, Quand 1'univurs irompé ne voyoit que ton crime lis ont vu tes vertus» Peuples, dans ces Cliroats, Ce n'eft pas fans deifein qu'ils ont conduit fes pas'. Quel célefte flambeau, dont la clarté m'étonne, Diffipe tout a- coup la nuk qui t'environne! Je vois fuir devant toi le deuil & ie trépas. Tes malheurs font paifés. Mars, le Dieu des combats, Attaché a ton cercueil les lauriers & ia gloire ; II doit être a jamais 1'autel de la viftoire; Le monde y portera fon encens & fes vosux. ADMETE, La mort confacre ainfi les héros malheureux, Ahl c'eft pour adoucir fon infortune extréme, Qae le ciel fur mon front piapa le diadêrae. - Peupies, écoutez moi: je remets en vos mains Un vieflard malheureuxl le plus grand des humains, Tachez d'en obtenir, ardens a le défendre, '*•■ Qu'il lailfe a nos climats le tréfor de fa cendre. Adieu, fouvenez- vous que c'eft 1'humanité , Qui fert de premier culte a la divinitè; Que c'eft en imitant fa bonté paternelle , Que notre encens 1'nonore & peut monter vers elïej Et vous, vieillard augufte, a qui je tends les bras, Jufques dans mon palais daignez fuivre mes pas. (li fortent tous.') Fin du troijieme Acle, ACTE IV, SCÈNE PREMIÈRE. ANTIGONE, POLYNICE. POLYNICE. I^ORSQUE, dans ce palais, un douleur muette Ca-  T R A G Ë' D I Ë. u jCache Ie deuil public & Ie malheur d'Admete, X," "r' ."f" permis' dans ces trift" momens* Ue gouter Ia douceur de vos embraflemens. Par quel motif fecret, le deftiu qui m'étonne A-t- il conduit mes pas fur les pasd'Antigone • je lens moins mes remords & mes adverfirés Puifque des biens fi chers ne me font point ütés. je vous retrouve enfin. ANTIGONE. ,,„. - Cetie entrevue encore. Mon fiere, eft pour OEdipe un fecret quMI ignoreï Tandis que d autres yeux daignent veiller fur lui Je yals donc, fans témoins , vous entendre aujourd'huh Dans quel état, ó ciel! s'offre a moi Polynice? POLYNICE. be peut^ il que fur moi votre cceur s'attendrifie? Vui dans Thebes jadis me charma tant de fois! Mateur, que notre race, en forfaits trop fécónde, Du brm de fes revers a bien rempli le monde» IamiT ,maiheUrS' du-ra?ins' Pour fupporter* leurs coups, t l & d°UCe pa,'X' " 3 point fui 'oi" de vous. Le ciel a vos vertus devoit un autre frere II vous fit naitre expres pour confoler un pere Vous avez, jufqu'tci, par le lort agités Confondu vos foupirs & vos calamités i Léquitable avenir, qui jamais ne psrdonne, Confondra les deux noms d'OEdipe & d'Antigone Nous y ferons connus (le ciel fa prononcéï Vous, pour 1'avoir iilivï, moi, pour 1'avoir chalTé. Sous quels noms diftérens on nous rendra iuftie»! Pour dire un fils ingrat, on dira Polynice Vu , ANTIGONE* üh.' mon frere, oubliez POLYNICE. Qui d'OEdipe foufFrant ont prolongétes jours0"' V°S feC°U" Vous n'avez point quitté notre malheureux pere t ■ ANTIGONE. ' La mort d Admete, hélas, va combler fa mifere- 11 croit que fon deftitt porte ici Ie trépas, it que c'eft Thehe encor qui renatt fous fes pas Dans fon coeur oppreflë fa douleur fe raiïemble* ies anuques malheurs s'y réveillent enfemble. ' C -Sori  OE D I P E C II E Z ADMETE, 34 OE D I P E C II E Z ADMETE, Son calme m'épouvante; il ne s'eft point, hélai! Ni penché fur mon fein, ni jetté dans mes bras: Immobile, & plongé dans une horreur muette, II murmure les noms de Laïus & d'Admete: Sa bouche avec eflbrt commence quelques mots, Qu'arrachent fes douleurs, qu'étouffent fes fanglots: Pour calmer fes tourmens ma voix n'a plus de charmes; De fes yeux eéfféchés j'ai vu fortir des larmes: Jamais ennui plus fombre & chagrin plus profond, Depuis qu'il eft errant, n'a pefé fur fon front; Envain les Dieux ici marquent notre retraite; II ne voudra point vivre oü doit mourir Admete. Que dis-je? vivre, hélas! (l'inftant n'en eft pas loin) De fon irépas bieniót je vais étre témoin: Ou, s'il refpire encor, loin d'écouter nos larmes, Quel peuple contre nous ne prendra point les armes? Je vois par-tout Ia mort, le péril, la douleur; Ce n'eft que d'aujourd'hui que je fens mon malheur. Le courage, 1'efpoir, la fotce m'abandonne. Dieux! pour OEdipe encor ranimez Antigonet Senl, profcrit, fugitif, il n'a que moi d'appui; En veiilant fur mes jours, vous veilierez fur lui. Voici mon dernier voeu, fakes qu'ils s'accomphffe. Que le même cercueil, s'il fe peut, nous unifle: Que nous goütions, du-moins, après tant de travaux, Dans un commun fommeil, 1'oubli de tous nos maux. POLYNICE. Ma fceur, dans 'ce palais, vous n'avez plus d'afyle: i'ai vu l'emportement de ce peup!e indocile ; 1 croit que, leur portant le défaftre & 1'effroi, OEdipe eft feul 1'auteur de la mort de leur Roi. S'ils alloient, jufle ciel? s'immoler notre pere! Ne délibérons plus; tandis que leur co!ere Ne porte point fur vous leurs facrileges maks, De Thebes mus les trois repienons les chemins. Dans la Grece déja mes drapeaux vous attendent; Mes alliés font prêts & mes chefs vous demandent. Hatons nous de quitter ces fuiieftes climats. ANTIGONE Mais, vous; par quel revers, fi loin de vos Etais, Implorez- vuus ici des armes étrangeres? POLYNICE. ConnoilTez-vous fi mal nos deftins & vosfreresf lugez de la fureur qui doit nous poiréder; * ° L un  TRAGEDIE. 3J L'un veut reprendre un fceptre & J'autre Ie garder Mon pere 1'a predit, & j'en crois fon préfage, ' Le fer partagera fon fanglant héritage „ ANTIGONE. Que dites-vous, cruel? vous me faites horreur POLYNICE. Je vous verrai vous-mérae approuver ma fureur Mais mon pere è nos vceux reflflera peut-étr-" Tachons par nos difcours de 1'aigrir coutre un traitre; D artendnr fa vielleflè en faveur de fon fang D'un fils infortuné digne encore de fon rang Vainqueur je fais ma, fceur, ce qui me réfte a faire. II verra s'il me dou confondre avec mon frere Lfpérez-voüs, ma foeur, qu'il daigne m'écouter? d u. , ANTIGONE. rour fléchir fon courroux j'oferai tout tenter Mais j'appercois 0EpdiPj--. Eloignez. vous, mon frere. Faut il toujours trembler a i'afpecl: de mon pere t ANTIGONE. Compagne de fon fort que je dois partager Souffrez qu'auprés de lui je coure me range'r. SCÈNE I r. ANTIGONE, OEDIPE, ADMETE. ADMETE. Roi, dontralTreux deftin, l'ame forte & profond,» Sont er, fpea^acle au ciel, fervent d'exemple au monde Cnminel vertueux dont le front refpefté Du tróne & du malheur garde I* majefté , Croirai-je qu'a ma Cour acceptant un afyle Vos jours vont s'achever dans un fort plus tranquiUei Les Dieux par un oracle en protégent le cours T , OE D I P E. Je n accepterai point- leurs funelfes fecours,, ADMETE. lis ont du moins pour vous fignalé leur ctóaience C 2 OE.  36 OEDIPE CHEZ ADMETE, OE D I P E. Mais ils ont fur Adrnete étendu leur vengeance. A D M E TE. Long • temFS le crait fatal a refté fufpendu. OE D I P E. J'arrive, je me montre, & 1'oracle eft rendu. Pouviez- vous échapper au deftin qui m'afïïege? De rivage en rivage, avec moi, pour cortege, Je traine te malheur, le deuil & le trépas ,e ciel maudit la terre oü s'impriment mes pas. Ah! loin de votre Cour ADMETE. N'irritez point ma peine s En fuyant un afyle oü Ie ciel vous amene. OE D I P E. Quel afyle! un palais que j'ai retupli d'effroi, Oü des fujets en pleurs me demandent leur Roi. Oü bientót tout fon peuple, érrru par mon approche, Viendra me prodiguer Pinftilte & le reproche;' Oü les fanglois d'Alcefte Infommés époux, II manquoit a mon fort de retomber fur vous ; Quel bonheur j'ai détruit! Votre pere refpire; Par les plus fages loix vous réglez votre empire, Alcefte platt fans crime a vos yeux innocens, Vous pouvez fans remords embraifer vos enfans; Ils font votre efpérance & non votre fupplice: Vous n'avez point pour fils un ingrat Polynice. Lorfqu'a votre bonheur tout fembloit concourir, Admete, étoit-ce, hélas; vous qui deviez raourir ? ADMETE. Cédez moins aux douleurs de votre ame abattue. OE D I P E. Vous me tendez les bras. & c'eft - moi qui vous tue. ADMETE. Non, le crime eft connu; 1'oracle a prononcé. OE D I P E. Pourquoi de ce palais ne m'avoirpas chafTé; ADMETE. A vos rares vertus j'aurois fait ceite injure! OE D I P E. Ignoreriez-vous mon nom? ADMETE. J'écoutois la nature. Pour fecourir OEdipe, au-moins j'aurois vécn. OE.  TRAGE'DIE. T R A G E' D I E. , ^ OE D I P E. OEdipe eft accab!è, vos malheurs Tont vaincu. ADMETE. Nous vivrez, je Ie veux. C'eft Pefpoir qui me refte. N'accufez point ici votre deftin funefte; Souffi-ez , man corame OEdipe; & pour dernier effbrc Mettez votre conftance a fupporter ma mort. Alcefte eft dans Perreur, elle eft fans défiance; Daigpez de ce menfonge appuyer 1'innocence. OEdipe, vos malheurs, commencés en naiffant, Vous ont aux maux d'autrui reudu compatiflant:' Eloignez de fes yeuxlavérité cruelle. Quand je ne ferai plus, que vos foins auprès d'elle Adoucilient du - moins I'horrëur de mon trépas; Eile en aura befoin, ne Pabandonnez pas. Que mes enfants auffi trouvent en vous un pare. Vous devenez pour eux un appui néceflaire. Hélas! «e laiiTe un fils qui doit régner un jour; Formez-le pour fon peuple & non pas pour fa cour Loin de lui tout éclat d'une pompe importune. Offrez - lui pour lecon votre auguftë infortunê, Qu'il apprenne de vous, ("hélas! vous Ie favez) Que les Rois au malheur font fouvent réfervés • Qu'efclave du deftin, au moment qu'il refpire,' L'homne eft dans tous les rangs foumis è fon empire O vous! qui condamnant d'ambitieux exploits, Voulez d'un grand exemple épouvanter les RÓis Dieux! vous qui m'immolez, lorfque j'eiface un crime Attachez vos bienfaits au fang de la viétime , ' Regardez ces climais avec un ceil plus doux, Que mon Alcefte au-moins furvive a fon époux• Confolez fa douleur, foutenez fa foibleife; ' De ce Roi malheureux protégez Ia vieillefle ; Je mets fous votre appui, dans mes derniers inftaM Ohdipe, mes fujets, ma femme, mes enfants. ' Cet efpoir me (bucient è mon heure fupréme;' Je goü e avant ma mort fes fruits de ma mort même Lhonneur en eft trop cher. le prix en eft trop beau' Si le bonheur public renait fur mon tombeauMaïs Alcefte parólt. OE D I P. E. r ., », , Ah! fuyons fa préfence • Jetremble d'éclarer fon benreufe ignorance- ' Mon ttouble & ma douleur pourroient tout découvrir. c 3 Sor,  38 OEDIPE CHEZ ADMETE, Sortons. ADMETE. Cher Prince... adieu. OE D I P E. Ma fille.... allons mourir. Cn/ort.) SCÈNE l l L ADMETE, ALCESTE. ALCESTE. Il eft enfin connu ce temible myftere, Cet oracle effrayant que tu voulois me taire. Je fors, je fors du temple. ADMETE. Ah ! quentends - fe ALCESTE. T, ., , „ „ Grands Dieux! L appareil de ta mort vient d y frapper mes yeux. Avec quei art perfide écartant mes alarmes, Tu me trompois, barbare! & dévorois tvs larmes! Je goüces de 1'amour le doux enchantement; J'allois prier les Dieux de veiller fur ta tête, Les couronner de fleurs comme en un jour de féte , Et, quand leur main fur toi portoit les coups mortels, De mon crédule encens parfumes leurs autels; Hélas! j'étois en paix fur le,bord de fabyine! ADMETE. Ils ont rendu Tarrét. ALCESTE. Ils n'ont point la viclime. ADMETE. Mais ils peuvent ici la frapper dans tes bras; Leur osil vengeur me fuit, la mort eft fur mes pas. Tremblons fous leur ponvoir. ALCESTE. Dis pluiót leur vengeance, Qui m'arrache un époux, qui pouriutt 1'inuocence. A D«  TRAGEDIE. 39 ADMETE. Veux•tu'que nos enfaus, profcri s , perfécutés, Trouvent un jour ces Dieux par leur pere irrités? Du falnt nceud qui nous joint Phéruïque tendrefle Marche avec le courage, & profcrit la foibleüe. Vois-mois darts ces momens d'un ceil religieux; Songe que ton époux eft fous la main des Dieux: Te ne m'appartiens plus; marqué pour leur viftirae, je dois leur confacrer tout le fang qui ra'anime: Mes jours dépendentd'eux; cequidépenddemoi, C'eft de penfer en homme & de mourir en Roi. ALCESTE. Hélas 1 ADMETE. Pournosenfantsfouffre encor lalumiere: Qu'on neremarquepas qu'ils ont perdu leur pere : Denotre chafte hymen entretiens le flambeau. Laifle-moi, fans palir, entrer dans le totnbeau. Voici 1'inftant fatal: que tou coeur s'y prépare. Va, la mort rejoindra ce que la mort fépare., Ecoute: mes enfans pourroient frapper mes yeux: Eloignes les. Approche, & recois mes adieux. ALCESTE. Non, je ne recois point un adieu (1 funefte. Quoiqu'ordonne le ciel, 1'efpoir encor me refte. Avantqued'échapper, defortir decelieu, II faudra de mes bras.... ADMETE. Mon devoir parle: adieu. ALCESTE. Oü courez vous ? ADMETE. Mourir. ALCESTE. Arrête encor, barbare? Peux-tu ne pas frémir du coup qui nous fépare? Je verrai donc, dciel! mes enfans malheureux, Inquiets, incertains, fe regarder entre enx, Et foupcmnant leur pene aux fanglots de leur mere, Par leurs cris innocens me demander leur pere; Leciel, cejufteciel, daignera m'exaucer: Tu t'en vas aux autels, je cours t'y devancer: Si le tröne eft fouillé, j'en expierai le crime. J'en crois mon coeur, les Dieux, leur tranfport qui m'anime. C 4 Puif.  «» OEDIPE CHEZ ADMETE s c b ir E lK ALCESTE, ADMETE, P H E N I X. Tous, comme Une £;„f affilgeoJc 1 «««5e. Hedeoendolt leur Ro? !' embraflant'« ««elf, » Vos cris des milns det Dieux SJ V°S "1"nes 5 Votre Prince vivra m$.D(L f"! *?mber J« «mesj Quelqu'un du Mes vgeux font exaucé'J LCE S T E' s ce..  TRAGEDIE. 4, S C E N E r, ALCESTE.ADMETE. ADMETE. N UL autre que moi • mëme Nappaifera, grands Dieux, votre équité fuprême • Pourrois - je me flatter, en tombant fous vos coups Que ia vidtime au - moins fera digne de vous? ' QueUe honte en eflèt, qu'un Prince de ma race Se füt offert d'abord pour mourir a ma place; Que fon trépas.... ALCESTE. ..... Et ,moi' ïe rends grace, a mon tour. Au pénl qui pour vous a glacé leur amour. * ADMETE, Que dis-tu? ALCESTE. Le voici ce moment déflrable, Ce moment d'un triomphe a 1'hymen honorable Ou je puts, m'avancant vers la mort fans effroi,' Te prouver ma tendreiTe, en expirant pour toi. ADMETE. Je fouffrirois,.,. grand Dieux! ALCESTE, T,t.„ , ■ ■ n ... . . , Tu n'es Ptus leur viftime: Ion trépas etoit jufte, il deviendroit un crime. ADMETE. Tu prétends ALCESTE. xr •> • • , Je'e„veux- N'es-1« P»s mon époux? Va, j'ai craint ta tendreffe Sf non pas ton courroux As-tu cru pofféder, dans ton peril extréme, Un ami plus fidele, ou plus sür que moi-méme? Si je m'ofFre è ta prace, eh! quel autre que moi A le droit d'y prétendre & de mourir pour toi? L'amour de tes parens t'eüt confervé la viej Leurs cceurs s'enflamment-il d'une fi noble envie? Le trépas a choifir n'eft plus qu'entre nous deux; C* Je  4* OEDIPE CHEZ ADMETE, Je le prends pour moi feule & n'attends plus rien d'eux. S'ils 1'avoienc accepté, j'irois avec juftice Leur difputer 1'lionneur d'un fi grand facrifice. ADMETE. Ta générofité, tes vojjk font fuperflus; C'eft pat mon trépas feul... ALCESTE. II ne t'appartient plus. Tes jours me font acquis ,■ c'eft le prix de mes larmes, Des pleurs de tes enfanrs, de ton peuple en alarmes. De l'E:at tout entier, qui, pour fativer fon Roi, S'eft placé par fes cris entre les Dieux & tol. ADMETE. Des Princes de ma race ils ont éteint le zele. ALCESTE Pour m'accorder 1'honneur d'une mort aufli belle. ADMETE. Pour me rendre au trépas. ALCESTE. Pour forcer ton devoif A régner fur un peuple heureux par ton pouvoir. Va, les Rois qu'on chérit font des dons aflez rares, Pour que d'un tel bienfait les deftins foient avares. J'en peux juger fans doute. Ehl qui connoitroit mieux Les vertus de 1'Epoux que j'ai recu des Dieux 1 Tu ne peux faire un pas que la patrie entiere, Que mille cris confus ne te nomment 1 ur pere; Qu'ils n'élevent au ciel leurs innombrables mains, Que les fleurs fous tes pas ne couvrent les chemins. Vois leur zele éclatant, vois la publique ivrefle, Ce concours, ces iranfports témoins de leur tendreffes Vois ces temples ouverts, oü 1'encens allumé.... Tu le fens, cher Admete, il eft doux d'érre aimé. Ne cache point tes pleurs li dignes d'un Monaiquej Ils fout de tes vertus une infaillible marqué. Vois quels font fur les cceurs ton empire & tes droits; L'amour du peuple, Admete, eft le tréfor des Rois, ADMETE. Non , non, dans 1'univers je ne vois rien qu'Alceiie. Je rends a mes fujets leurs vceux que je détefte: Si ce font tes foüpirs qui m'onr fauvé le jour, Je te rends a toi-même un trop fatal amour. ALCESTE. Te ne t'écoüte Plus. A D.  TRAGEDIE. 43 ADMETE. Reviens ici, cruelle? Defcends - tu fans frérair dans la nuit étemelle ? ALCESTE, Mort oh vivant, n'importe, aux enfers, dans les cieux , Un coeur jufte eft par-tout fous la garde des Dieux. > C'eft eft affcz, fortons. ADMETE. Mes foldats^ mes cohortes, Ont rempli ce palais, t'en défendront les portes. ALCESTE. Non, tu voudrois envain t'arracher de ces lieur. ' ADMETE. Marchons.... ALCESTE. C Se faipjfant du poignard d'Admete.') Encpre un pas, je m'immole è tes yeux. SCÈNE VI. ADMETE, ALCESTE, OEDIPE, ANTIGONE. (OEdipe paroit de loin dans l'enfoncement du Tbédtre.) OE D I p E. Qu'entends • je? ALCESTE. Ou fuis - je? hélas! ADMETE. Alcefte! ALCESTE. ( Laijfant tomber fon poignard ) OEDIPE. Ah!iefu«'et Eh! c'eft vous de vos mains qui vous ouvrez la tombe» Ceft vous qui vous livrez è ces tranfports affreux! C'eft vous qui, me voyant, vous jugez malheureux! Eh ! votre efprit aveugle a méconnu le crime! Vous n'avez pas tremblé fur le bord de 1'abyme! Avez-  4+ OE D I P E CHEZ' ADMETE, Avez-vous cru tourner vos bras féditieux Contre un limon fervile oublié par les Dienx? Sur uu être immortel avez-vous quelque empire? Ea brirant fa prifon, penfez-vous le détruire? Le malheur vous accable! Etois-je donc heureux, Quand Jocafte attachée a d'exécrables nceuds.... De mes yeux, il eft vrai, j'éteignis ia lumiere; Maïs je n'éceignis point la raifon qui m'éclaire; Je refpeétai dans moi eet efprit, ce flambeau Qui meut un corps fragile & furvit au tombeau. Je fais par quels tourmens la célefte vengeance Exerce vos eiforts, pourfuit votre conftance: Mais vous avez céd'é, mais ce coeur combaitu N'a pas jufqu'a la fin confervé fa venu, ALCESTE. Les Pn'nces de fon fang fouffrent tous qu'il péiifle; Et quatid je cours pour lui m'orfn'r en facrifice.. OE D I P E. ILvivra. ALCESTE. Lui! comment? OE D 1 P E. ■ Oui; nos Dieux en counoux Vont s appaifer. ALCESTE. \ Par qui? OE D I P E. Ni par lui, ni par vous. ] Un Prince iiTu des RoisTera feul leur viétime; Jls agréerent fa mort; elle expiera Ie crime. Le ciel, j'ofe en répondre, exaucera fes voeux. Je ne le nomme point; mais je prétends, je veux .... ALCESTE. Ordonuez, que faut-ii? OE D I P E, Sécher ces pleurs timides; Courir dés 1'inftant même aux pieds des Euménides, Y brüler avec pompe un encens folemnel; De vos enfans fuivie, y rendre grace au ciel Du bienfaic imprévu qui leur conferve un pere; Lever fur leur autel votre main meurtriere, Poury promettre aux Dieux, quelsque foient vos malheurs, De fupponer le jour, d'endurer vos douleurs.- ( d Admete.) Et  TRAGEDIE' 45 Et vous que tout 1'Etat & chérit & coritemple, Trouvez • vous, j'y ferai fur les marches du temple. Tous vos maux finiront} difllpéz votre effroi; De vos deftins entiers repofez - vous fur moi. (Ils fortent tousf) Fin du quatrieme Acte. ACTE V. SCÈNE PREMIÈRE. OE D I P E ANTIGONE. OE D I P E. i^LCESTE eft-elle admife au pied du fanétuaire? Ses eufans y font-ils a cóté de leur mere? ANTIGONE. Oui, Seigneur, elle a fait ce que vous ordonnez; De feftons par fes mains fes enfans font ornésLe peuple eft accouru. Tout eft prêc: fencens fume; Sur 1'autel redouté le feu facré s'allume.... Puis-je efpérer, mon pere, unegrace de vous? OE D I P E. Parie. ANTIGONE. De la pitié le fentiment tl doux Doit toucher aifément des cceurs tels que les nótres. OE D I P E. Mes malheurs m'ont appris a plaindre ceux des autres. ANTIGONE. Mon pere , (quel fecret vais-je lui revéterl) Un jeune homme inconnu demande a vous parler/ OEDL  4tf OEDIPE CHEZADMETE, OE D I P E. Que vient-il m'annoncer, que prétend-il uie dirp? ANTIGONE. Dans eet inftant lui-uiême il doit vous en inftruire rt •.. 1 OE D I P E. ' Quel eft eet étranger ? qui 1'a conduit vers vous ? p ANTIGONE. Étranger pour tout autre, ü ruH'eft pas pour OE D I p E A vous par ces difcours il s'eft donc fait connoitre* Hélasi ANTIGONE. OE D I P E. Vousleplaignez! ParIe2, quj peut-iiétre? r . . ANTIGONE. La vie, ou je me trompe, a pour lui peu d'appas - r. . OE D I P E. ™ üt li jeune avec joie il afpire au trépas 1 ANTIGONE. lout annonce dans lui la fierté, la na'flance Le fort d'un Prince errant, déchu de fa puiffince 1) un mortel a la haine, au trouble abandonné Par un deftin fatai vers fa perte entratné ' ïjont ie repentir lombre également exprime La douleur du remords & Ie pencbant au crime Pour une fin terrible il femble réfervé ' - OE D I P E. /j 'part, Que! doute en mon efprit s'eft foudain é.evé? ( Haut.) Le trépas, dites-vous, eft fa p!us chere envie' ANTIGONE. ' II Teroit trop heureux d'abandonner la vie OE DIP E. Pourquoi former fur lui ces homicides vceux ? ANTIGONE. En fouhaitant fa mort je fais ce que je veux* C'eft de mon amitié la marqué la plus chere '.' Et ce fouhait fatai vous die qu'il eft mon fr'ere • C'eft Polynice. OE D I P E. O ciel! ANTIGONE. t, • r ' Swfcti qu'a vos genoux II vience avec refpeéi.... 8 4 nv n r  TRAGEDIE. 47 ÖE DIP E.' II n'eft plus rien pour nou». ANTIGONE. Auroit-Ü vainemenc retrouvé fa familie?.,. OE D I P E. Pour être encor fa foonr vous êtes trop ma fille. Il ne me manquoit plus pour combler mes tourmens, Que fapproche d'un traïtre a mes derniers momens. X ANTIGONE. Avant que de mourir il veut vous voir encore. OE D I P E. Ne me parlez jamais d'un cruel que j'abhorre. ANTIGONEVotre courroux vaincu par fon noble retour... OE D I P E. Sur fon coupable front pefera plus d'un jour. ANTIGONE. Ah! fi vous connoifiez fes maux & fa mifere !... OE D I P E. Le ciel 1'a dü punir d'avoir chalfé fon pere. ANTIGONE. II veut vous voir. L'ingrat! OE D I P E. Qu'il parte. ANTIGONE. Un moment d'entretien. OE D I P E. ANTIGONE. Ecoutez-moi. OE D I P E. Je ne vous promets rien SCÈNE II. OEDIPE, ANTIGONE, POLYNICE. POLYNICE. C.e!, dont je n'al que trop mérité la.cokrs, Par  48 OË D I P E CHEZ ADMETË, Par mes pleurs, s'il fe peut, daigne attendrir mon pere.' n.n , .. . . . {Appercevant OEdipe.) C eft donc lui que je vois ? J ANTIGONE. C'eft lui. PO L Y N I C E. r».a ~ i • ,. • tJ • ^ Sunlice affreux 5 C elt moi qui 1 ai réduit a ce fort malheureux» ANTIGONE a Polynice.' Ofe avancer. POLYNICE a Antigone. Je trembie. ANTIGONE. POLYNIctt0" C0U"SeS Que I'age & 1'infortune ont changéfon vifage-» Mais voudra-t-il m'entendre? ANTIGONE. Efpere en fa bonté. POLYNICE. Penfes - tu qu'en effet j'en puifle être écouté ? ANTIGONE. Je Ie crois. POLYNICE a OEdipe. Permettez qu'un remords véritable Ramenant a vos pieds le fils le plus coupable .. Vous ne m'écoutez point!.... Mon pere, ah I quece nom Vous parle encor pour moi, vous invite au pardon ! A ma priere hélas! ferez-vous infenfible N'adoucirez-vous point ce front morne & terrible? ( II fe jeite aux pieds de fon pere qui le repoufc.) Mon pere aux nom des Dieux, n'écartez plus de vous Votre fils confondu qui trembie a vos genoux!.... Vous le voyez, ma fceur, fon ame eft inflexible":" Pour être pardonné mon crime eft trop horrible. Je vous 1'avois bien dit. Sortons. ANTIGONE. Demeure. i P O L Y N I C E. Eh -quói l Et fa bouche & fon cpeur, tout eft muet pour moi. Adieu. Tu lui diras que ton malheurenx frere, Accablé comme lui d'opprobre & de mifere, Meuat dans fes pleurs feuls 1'efpoir de fsttendrir, Lu!  TRAGEDIE. Lui derrlanda fagrace avant quede mourir. OE D I P E. Si fa fceur, dans ces lieux, oü tout doit te confondre Ingrat,ne m'eütpne de daigner te répondre ' TupeutétreafTuré, paree ciel que tu vois,' Que tu feroi* parti fans en tendre ma voix. Mais, puifqu'en fa faveur je m'abaüTeat'entendre Que me veux-tu perfide , &queviens-tum'apprendre?' POLYNICE wenore* Seigneur, de quelque affront que je fois accablé Je vous vois j je refpire, & vous m'svez parlé. -' Mais, puifque de mon fort vous daignez vous inftruire • Apprenezqu'Etéode , enivréde l'empire, Me bravantfans refpeót, moi fon Roi, fonainé M'a retenu mon fceptre, &s'eftfeulcouronné. ' C'eft par 1'art de féduire , & non par fon courage Qu'il a conquis fur moi notre antique hériiage. Mais j'ai, pour y rentrer, j'ai des moyeus tout préts Adrafte avec les miens unit fes intéréts , Ilm'abandonnetout, tréfors, foldats, families J'ai fondé nos traités fur 1'hymen de fa filie. Sept intrépides Chefs vont au premier fignal, Dans fes fameux remparts afïïéger mon riVal: Chacun d'eux pour 1'attaquea partagélesportes: Tout eft réglé, le temps, lesendroits, lescohortes, Qu'EtéociepaiifTe; ils vont tous 1'accabler: Mais c'eft de cette main que je veux i'iminoler. C'eft lui c'eft lui, 1'ingrat, dont leconfeil parjure M'a fait envers mon pere oublier la nature. Que je dois le haïr: mais fi vous m'exaucez, Son triomphe eft détruit, mes malheurs font paffés; Si j'obtiens mon pardon, tout mon camp , faas alarmes Croira voir par vos inains le ciel bénir mes arraes ; Et mes foldats vainqueurs viendront tous avec moi, Vous ramener dans Thebes& vous nommer leur Roi. OÉ D I P È. Moi, leur Roi! moi te fuivre! ingrat, 1'as-tupucroire? Eh! dis-moi, quein'importe&Thebes&taviétoire! Penfes-tu, malheureux, fi jevouloisregner, Que ce füt è ta main de m'ofer couronner! Va tenter loin de moi tes combats ou tes fiéges; Tranfporte oü tu voudras tes drapeaux facriléges. JeplaindrailesThébatns, s'il faut que pour leur Rei D Le  _ O E D I P E CHEZ ADMETE. 50 .OEDIPE CHEZ ADMETE. Le ciel n'aic a choifir qu'entre Etéocle & toi. Maie un Prince, dis-tu, t'admet dans Ta familie. Quel eft 1'infortuné quU'a doriné fa fille ? Certes tes alliéj ont raifon defrémir , Si c'eft fur ta vertu qu'ils doivent s'affermir! Le tróne t'eft ravi par un frere infidele Eh ! ne regnois tu pss, quand ta voix criminelle De mon pays natal m'exila fans retour! Tu m'as chaffé; barbare; il te chalfe a ton tour. Eh! dans quel? temps encor tes ordres tyraoniques M'ont - ils banni du fein de mes dieux domeftiques! Quand moname , laffée après tant de malheurs Soulevant par degré le poids de fes douleurs, Pour vous feuls d'exifter reprenoit quelque envie Et du fein des tombeaux remontoit ü la vie : C'eft dans ce temps, ingrat, de ton rang enivré, Que tu m'as vu partir d'un ceil dénaturé. Ton de voir, ma vertu, mes fanglots, ma mifere, Rien n'a pu t'attendrir fur ton malheureux pere; Et fi ma digne fille , en confolant mes jours, A mes pas chancelans n'eüt prêté fes fecours, Si fes foins prévoyans, fa pieüfe teudrefle, Surm;striftesdeftinsii'eufient veilléfans ceiTe, Sansguide, fans appui: mourant inanimé, Sur quelque bords défert la faim m'eütcorifumé. Va, tu n'es point mon fils: feule elle eft ma familie. Antigone, eft-ce toi? Viens, monfang, viensmafillej Soutiens mon foible corps dans tes bras généreux: Ton front n'a point rougi de mon fort malheureux; Toi feule as de ce fort corrigé l'injufticé: Voila mon cher foutien, voila ma bienfaitrice. Puifqu'it ne peut te voir, que ton pere attendri Baigne au moins de fes pleurs la main qui la nourri. Toi, va-t-en, fcélérat, ou plutót refte encor, Pour emporter les veux d'un vieillard qui t'abhorré. Je rends grace a ces mains, qui, dans'mon défefpoir M'ont d'avarce aifranchi de 1'horretir de te voir. Vers Thebes fur tes pas ton camp fe précipite: J'aitache a tes drapaux 1'épouvante & Ia fuite. Puiffent toss ces fept Chefs , qui t'ont juré leur föi ; Par un nouveau ferment s'armer tous contre toi! Que Ia nature entiere a tes regards perfides S'éclaireen piliflant du feu des Euménides J Que  TRAGEDIE. Si Que ce fceptre fanglant que ta main croit faifir , Au moment de 1'atteindre échappe a tun défir! Ton Etéocle & toi, pri vés de funérailles, Puiffiez - vous tous les deux vous ouvrir les entrailies ? De tous leschampsThébainspuifles. tu n'acquérir Que 1'efpace en tombant que ton corps doit couvrir! Et, pourcomble d'horreur, couché fur la pouffiere, , Mourir, maisenfujet, & bravèpar ton frere 1 Adieu: tu peux partir. Raconte a tes amis Et 1'accueil & les veux que jé garde a mes fils. POLYNICE. Te ne partirai point. OE D I P E. Qui, toi? POLYNICE. Non. OE D I P E. Téméraire! POLYNICE. Te vous défobéis, j'ofe encor vous déplaire. OE DIP E. De ton indigne voix je faurai m'affranchir. Qu'attends - tu donc£ POLYNICE. La mort. OE D I P E. Quoi! tu veux!.., POLYNICE. Vous fléchir. OE DIP E. Avant qu'OEdipe éinu s'ébranle a ta priere ♦L'artre éclatant du jour me rendra le lumiere. POLYNICE. J'approuve vos tranfports. Mais, Seigneur, faitesmieux Sufcitez contre moi les enfers & les cieux; Du font de fes enfers appellez les Furies, Avec tous leursferpens, leurs feux, leursbarbaries; Leurs ferpens, leurs flambeaux, leurs regards pleins d'efFrof, Seront de tous mes tnaux les plus légers pour moi. Vous avez un vengeur plus prompt, plus redoutable, Qui vous fert fans éclat, qui s'attache au coupable. Dont rien ne peut fufpendre & fléchir la rigueur: Etce vengeur fecret je le porte en mon cosur. D 3 I!  |a OEDIPE CHEZ ADMETE, ïl eft Ik ce témoin, ce juge incorruptible, Dont j'entends malgré moi la voix fourde & terrible. Jelefais, je ledis, rien ne me fut facréj Je fus barbare, impie, ingrat, dénaturé; Je ne merite plus d'envifager Ia terre, Ni ma foeur, ni Ie ciel, ni Ie front de mon pere: , Maisilme refte un droit que je porte en tous lieux, Qu'on ne peut me ravir, quej^ai recu des Dieux'. Ayec eux par lui feul je communiqué encore: C'eft ceremords facré qui pour moi vousimplore. Mais que dis-je? Ah ! ces Dieux je les retrouve en vous. Je les vois, jeleurparle, & tombe a leurs genoux. Ne foyez pas plus qu'eux févere, inéxorable; Sous vos pieds qu'il embrafle écrafez un coupable. Mais, avantdepunir, avant dem'accabler, Entendez mesfanglots, fentez mes pleurs couler: Dans vos bras, malgré vous, oui, je répands des larmes, II faut a ma douleur que vous rendiez les armes; Mon pere.... OE D I P E. Eh-bien! POLYNICE. Je meurs. OE DI P E. Polynice, eft-ce toiï POLYNICE. ¥ Nousle vaincrons, ma foeur: joignez-vous avec moi OE D I P E. Que dis-tu? ANTIGONE. Permettez.... OE D I P E. i Antigone, Ah! foutiens ma colere. AfFermis. Ia plutót. ANTIGONE. Seigneur. il eft mon frere. OE D I P E * Qu'entends-je ? oü fuis-je?.... Ociel! fi c'étoitla ver?aj Je balance....jedoute.... Ingrat, terepens-tu? Ne me trompes - tu pas ? Puis - je te croire encore ? ANTIGONE. Je yoiisj répqndsdeluü  TRAGEDIE. TRAGEDIE. SI OE D I P E. ■ Dieux puiHans que j'implorel Dieux! vousquej invoquoispourfapunition, Enchainez, s'il fe peut, ma malédiftion: J'ai calmé mon courroux, calmez votre colere. Viens dans mes bras, ingrat; retrouve enfin ton pere. Que le jour un moment rentre encor dans mes yeuxPour embrafler mon fils è la clarté des cieux. POLYNICE. Quoi! vousm'aimez encor? Quoi! déja votrehaine', . . , OE D 1 P E. Crois-tu qu'a pardonner un pere ait tant de peine!.... Mais, dis-moi, Polynice , en quelétates- tu? Dequoit'a-t il fervidequitterlavertu? Moi, qui, fous 1'afcendant de mon deftin funefte , Ai joint le parricide aux horreurs de 1'incefte , Qui, délaiflé des miens, profcrit dés mon berceau, Ne fais pas même encore oü chercher un tombeau, C'eft moi dont la pitié confole ta mifere: Et toi, né pour régner fous un ciel moins contraire, Détróné, furieux, errant, faili d'effroi, Tu reviens a mes pieds plus a plaindre que moi! Ah! vois mieux du bonheur quel eft le vrai principe. L'univers, tule fais, frémitau nom d'OEdipe: Sur mon front cependant, dis-moi, reconnoistu L'inaltérable paix qui refte a la vertu ? Je marche fans remords vers'mon dernier afyle : OEdipe eft malheureux , mais OEdipe eft tranquille. Imite, aimetafojur; nel'abandonnepas: Etpuifque, graceaüciel, jetouche a mon trépas....! ANTIGONE. Que dites-vous? OE D I P E. Ecoute. II eft temps que je meure \ Te fens qu'OEdipe enfin touche a fa derniere heure. ANTIGONE. Mon frere, il va mourir. POLYNICE. Quoi! Seigneur!».. OE D I P E. Mes enfans, Pointdecris, point de pleurs, &je vous les défends. Polynice, en tes bras je remets Antigone s D 3 C'eft  54 OE DIP S CHEZ ADMETE. C'eft tafosur, c'eft la mienne.... & je te Pabandonne. Je vais bientot mourir: elle n'a plus que toi. Faispourelle, monfils, cequ'ellea fait pour moi. Hélas! depuis qu'au jour j'ai fermé ma paupiere, Ses yeux n'ont pas celfé de veiller fur ton pere. Elleaguidémes pas, fansplaintes, fansregrets, Sur les rochers déferts, dans le fond des forêts, Quand le foleil brülant devoroit les campagnes, Quand les vents orageux grondoient fur les montagnes? N'enteudant autour d'elle, a la fleur de fes ans, Que les fanglots d'un pere & le bruit des torrens. Et fi dans lefommeil quelque fongeexécrable, M'offrant de mes deffinsla fuiteépouvantable, Me réveilloit foudain avec ces cris d'effroi. Elle efluyoit mes pleurs ou pleuroit avec moi. POLYNICE. Ah! ne me parlez plus de fes foins magnanitnes; En peignantfes vertus vous peignez tous mes crimes, Que le cercueil déja ne m'a-1 • il englouti ? OE D I P E. As - tu donc oublié que tu t'es repenti ? Vispourchérirtafceur, & renonceal'Empire. POLYNICE. II eft un autre glotre ou mon courage afpire. Dieux! queiefpoirmeluit! Je crois, mafceur, jecroi Refpirerl'ïnnocence & m'égaler a toi. Va, jenecraindraiplusque ce fang qui m'anime, Même au fein du remords neme rengage au crime; Et voici, pour mon coeur fi long - temps agité, Le plus heureux moment qu'il ait jamais goüté. OE D I P E. Tu n'v fens plus frémir la haine & la colere ? POL Y -N I C E. Je fens qu'en ce moment j'embraflerois mon frere. Adieu, mon pere. Adieu. ANTIGONE. Ciel! ilm'échappe. POLYNICE. Adieu.  TRAGEDIE TRAGEDIE 5- - - ■ SCÈNE III. OE D I P E> ANTIGONE, ANTIGONE. 13ans quel calme effirayant il a quitté ce lieu! Un grand projet fans doute & 1'oceupe & 1'enflainme. OE D I P E. Puifle un remords durable habiter dans fon ame! ANTIG0.NE. Vous. même quel deflein parolt vous; agiter? OE D I P E. Enfin de leurs bienfaits je me vais acquitter. Conduis mes pas, Dia fille, au fond du fandtuaire. ANTIGONE. Chercheriez-vous ia mort? Oü courez-vous, mon pere? Vous me faites frétnir.. OE D I P E. Ma fille, que dis.tu? Oü feroit, fans la mort, 1'efpoir de la vertu? Va, fimmortalité, quand le jufie fuccombe, Comme un aftre nailfant fe leve fur fa lompe. J'irai, du Cythéron remontant vers les cieux, Sur le malheur de fhomme interroger les Dieux: Marchons. SCÈNE I F. LE GRAND-PRETRE, POLYNICE POLYNICE. SaUVEZ Admete, acceptez Polynice; Fieres Divmités, que ma voix vous fléchifle! O vous! qui n'écoutez que les cceurs vertueux, Regardez fans courroux mon front refpeétueux. Quels  56 OEDIPE CHEZ ADMETE; Quels que foient mes forfaits, devant votre colere, Je me couvre en trembiant du pardon de mon pere. Si mes juiles remords ont droit de vous toucher Par un coupable encor laiffèz • vous approcher; Ne me refufez pas le feul bien qui me refte, Et daignez par ma mort fauver fépoux d'Alcefte. LE GRAND-PRE TRE. L'inexorable ciel ne t'a point entendu, A remplacer Admete as tu donc prétendu ? Vois ce livre vengeur: oü ia main des Furies Des fils dénaturés grave les noms impies: Tu n'as point mérité eet augufte trépas. Ton pere eft appaifé; les Dieux ne le font pas. De tes jours, malheureux, va, porte ailleurs Toftrandei Etéocle t'attend & Thebes te demande. POLYNICE. Hé bien, j'accomplirai mon terrible deftin. Ma première fureur fe réveille en mon fein. Grands Dieux; en fevoilant, 1'une des Euménides Secoue autour de moi fes flarabeaux homicides. Viens, fille des enfers, je marche devant toi {II iéchappe.) SCÈNE. V. LE GRAND-PRETRE, ADMETE, ADMETE. DlEUX, j'implore vos coups, ils vont tomber fur moi. Vous devez accepter une tête innocente.  TRAGEDIE. 5" SCÈNE VI. OEDIPE, ANTIGONE, ADMETE, ALCESTE, LE JEUNE PRINCE, LA JEUNE PRINCESSE. ADMETE. (En entrant dans le Temple.) JE veux.... Que vois je? ó ciel! c'eft Alcefte expirante. ALCESTE. Ou fuis-je? 6 ciel! Admete! ADMETE. Alcefte! A!ce(te! ó Dieux. ALCESTE. La mort eft danj mon fein; le Styx eft fous mes yeux. ADMETE. Non, tune mourras point: la bonté fouveraine ALCESTE. Admete , c'en eft fait. cher Admete, on m'entratne. SC E N E VII & DERNIER E. ADMETE, ALCESTE, LE JEUNE PRINCE, LA JEUNE PRINCESSE, OEDIPE, AN TIGONii, ARCAS , CEPH1SE , LES TROIS HABITANTS , le GrancLPrêtre, Suite du Grand-Prêtre, les deux Vieillards, Gardes d'Admete, Peuple. La porie de l'intérieur du Temple s'ouvre, l'encens fumeS on y voit les figures des Euménides, les inflrumens ni' ttffairei aux facrifices, £j? en général tout ce qui peut ca- rac'  $8 OEDIPE CHEZ ADMETE, raSérifer le Temple des Furies. Uautel eft au centre, la flamme y brille, & fa clarté illumine le vifage d'OEdipe qu'on y voit dans l'uttitude d'un cercle autour de lui Les Gardes d'Admete le Peuple & /„ autres Perfonnages gatmjjent le fond. ° OE D I P E. (Tenant Fautel embrafe.) O mort! entends ma voix! Grands Dieux' apnaifez voikI J ai mérité 1'honneur de fufpendre vos coups. Du tróne en expirant j'emporterai 1'offenfe: Mourir pour ces époux, voila ma récompenfe, Vous m'avez réfervé pour ce noble trépas. Mais le marbre s'ébranle, il frémkfous mes pa?. Quel rayon defcendu fur ces autels funebres, Mejuit confufément è iravers les ténebres'? Grands Dieux; par vous bientót mon ame va s'ouvrir' A ce jour éterné! qui doit tout découvrir! L'ouvrage eft accompli, ja peux quitter Ia terré. A mes yeux étounés vous rendez la lümiere; Votre éclat iiiimonel m'offre un féjour nouveau. Vous a|lez en autel convcrtir mon .tombeau. Tout fuit, le tems n'eft plus; je-meuis, je vais rénaitre Je vous fuis, je vous vois; vous daignez m'apparoltre. Voire calme éerr, el fuecede a mon" effroi; Lt Thebe & Cythéron font déja loin de moi. ANTIGONE. Hélas! OE D I P E. De ta douleur cu feroit le principe? Eft-ce au moment qu'il meun qu'on doit pieurer-OEdipe ? J'ai prouvé, grace au ciel, fans en étre abattu , Q\i'il n'eft point de malheur oü furvit Ja vertu. Mais je fens que mon ame en dédaignant la terre, A lViproche des Dieux s'agrandit & s'éclaire. Jl eft temps que fans crainte, oubliant fes forfaits, OEdipé dars leur fein fe repofe è jamais. Antigone, tu fais fi mon cceur te regrette. Knfin le ciel m'infpire. Approchez - vous, Admete. Je vous legue en moüranr, pour protéger ces lieux; Et ma fille & ma cendre & la faveur des cieux. Et vous, Dieux tout puiflans! fi vous daignez m'abfoadre. Annoncez mon pardon par le bruit de la foudre} Cob«  TRAGEDIE. $9 Confumez dans fes feux votre OEdipe a genoux. II s'offre, il vous implore; il eft digne vous: Soixante ans de malheurs ont paré la vidime Mais quel nouveau tranfport me faifit & m'anime l Mon efprit fe dégage; il n'eft plus arrêté; Je tombe & je m'éleve a 1'immortalité. (l'éclair brille, la foudre gronde & renverfe OEdipe mu. rant au pied de Vautel. FIN.