V O Y A G E S IMAGIN AIRES, romanesques, merveilleux, ai lég oriques, amusans, comiques et cri t iq u e s, S V I V I S DES SONGES ET VISIONS, E T D E S ROMANS CABALISTIQUES,  CE VOL VME CONTIENT: L-HiftoireJe M" ^ ^ Bordelonj SuivicdclaDBScRlpTI0NoüSABBATi  V O Y A G E S IMAGINAIRE Sx S O N G E S3 V I S I O N Ss E T ROMANS CABALISTIQUES. Ornés de Figures. TOME TRENTE-SIXIÈME. Troifième clafTe , contenant les Romans Cabalïfliques. A AMSTERDAM» Et fe trouve a PARIS, RUE ET H*© TEL SERPENTE. M. DCC.-LXXXIx!   ÏTISTOIRE D E MONSIEUR OUFLE, PAR I/ABBÉ BORDELON, RETOUCHÉE ET RÉDUITE PAR M. G.   AVERTISSEMENT DE LÊ DIT EUR. i^iisriMtTABLE roman de don Qui-* chotre a ourert, aux auteurs, une nouvelle carrière, celle des romans critiques & fatyriques; plufieurs Font fuivie avec fuccès, maïs il faut convenir qiFils font deméurés tous très-loin de leur modèle, föit qu'ïls neuffent pas recu de la nature le talent rare d\me plaifanterie fine & délicate, foit qu'ils n'aient pas eu Favantage de s'exercer fur des fujets auiïi heureux que celui qu'avoit choifi Michel de Cervantes. On a diftingué néartmoins, dans ce genre, la faujfe Clelie, critique ingénieufe des fentimens exagérés des romans d'amour; VAnti-roman ou le ferger Lifis, oü Fon badine agrcable- A '  * 4FERTISSEMENT ment les fadeurs de nos bergeries & de nos paftorales, les langueurs & les doüloureux martyres des mauvaifes copies des Alïrées & des Céladons On peut citer auffi les Aventuresmerveilleufes de don Sylvio de Rofalva impnmées dansle trente fixième volum e du Cabmet desFées,oü Pon parodie fort gaiementles contes de fëes. ML^1ïl0lre ^ Imaë^ations de M.Oufle^ de ce genre & mériteroit dytenirunrangdiftingue\fiunfuiet auiü heureufement choifi & qm pre- toit-autant a la plaifanterie, ne % pas tombé entre les mains d'un auteur peu propre 4 le faire valoir. Au lieu de nous donner un chef-dWre, Fabbé Bordeion n'a donc produit qu'un ouvrage médiocre, & Fon ne le lit avec plaifir que paree qUe la matiëre offre  D E 'Bl DIT E UR. 5 par elle-niême des refïburces a la gaieté & a Pamufcmcnt qui n'ont pu fe perdre fous la plume lourde & fa£< tidieufe de Pécrivain. M. Oufle, héros de ce roman, eft üri hom me fimple & crédule. Ses premières leólures qui ont été chez lui des refïburces contre le défceuvrement & & Fennui, ont eu pour unique objet des contes & hifloires merveilleufes. Son imagination oifive a faifi avec avidité ce genre trompeur contre lequel fon peu de jugement n'a pu le garantir; il a fini par croire a rexiftence des forciers, des magiciens, des efprits élémentaires, des lutins & des revenans. Le champ étoit beau pour s'amufer, & il étoit facile de procurer au héros du roman, une fuite d'aventures plaifantes & variées. I/attteur n'a Aij  4 A^ERTISSEMENT pasprécif&entrilan(Juécebli ;if; r °U& d^ord u„ loup-garou, «fiute un homme rourmemé ° ^ Tns' & en% «« a&fa, qui employé tour fon art pour découvrir les penfees Jes plu., fecrètes de ceux qui pen. v.ronnent.fe faire aimer des ftmmes trouyerlapierrephilofophale^^^; revenes.occuparion ordinaire de ceux quifelailTentféduirepareesfauxpref- ^ges^aisilafurchargécejoli cadre dor„emensétra„gers&qui,bie„loi„ d efpbeUu- le tableau, „0lls paroiflint en aV01rfeit di%™:tre Ie priueipal merite. • r Nousavons entrepris de réparer ces feutes&de donnercetouyraged'une mamerepropreapiquerlacuriofitéde nos e&urs, fans )es ^ ^ ^ «rIeurpatie„ce.Nousavonsfupnrimé  DE VÉDITEUR. 5 de longues & ennuyeufes differtations qui ne fervent qira retarder la marche du roman. On y prouvoit, avec de grands efforts, que les preftiges des magiciens, leurs enchantemens & leurs maléfices, font autant de fupercheries ou plutöt de piéges tendus a Finnocence pour en abufer, ou a la crédulité pour la furprendre & la mettre a contribution. Ces diifertations nous paroiffent inutiles, & nos lecteurs n'en ont pas befoin pour être convaincus de la fauffeté de ces fciences prétendues, & pour fè mettre en garde contre le charlatanifme. Nous avons retouche le ftyle & fupprimé les mauvaifes plaifanteries dont Fouvrage ïFeft que trop abondamment rempli. Nous pouvons dire que c'eft, en quelque forte, un nouveau roman, mais dont nous fommes Aiij  6 AV ERTISSEMENT redevables néanmoins a Pabbé Borden Ion j aqui feul en appartient Pinvention, la conduite & les principaux évènemens. Pour juftifier ce que nous venons de dire de Fabbé Bordeion, nous citerons le nouveau Di&ionnaire hiftorique, nous allons donher, d'après eet ouvrage, Fextrait de la vie de notre auteur. Laurent Bordeion, né a Bourges en 1653, & décédé a Paris en 1730, eft entré chez le préfident de Lubert en qualité de précepteur. Ses efTais en littérature ont été des pièces de théatre, aujourd'hui profondément ignorées. « Le théatre, dit Pauteur du Dic« tionnaire hiftorique, convenant, peau » a fon état (il étóit do&eur en théolo» g'ie)> ü fe jeta dans la morale, & la  DE VÊ DIT EUR. 7 „ traita comme il avoit fait la comédie: s écrivant d'un ftyle plat & bizarre » des chofes extraordinaires. De tous » fes ouvrages 011 ne connoit plus ni » fon Mital, ni fon Gongam, ni fon » Voyage forcé, &c, &c, &c » II ne refte plus que fon hiftoire des » Imaginations de M. Oufle. Cet Oufle » eft un homme a qui la lecture des » démonographes a fait perdre la tête. » Bordeion ne raconte pas fes extrava)•> gances avec le même efprit que Cer» vantes a mis dans le récit de celles » de don Quichotte. Son ftyle eft ft n diffus & ft aflbmmant, que les com» pilateurs les plus lourds trouveroient « de quoi s'ennuyer. Bordeion difoit » qu'il écrivoit pour fon plaifir; mais » il ne travaiiloit guères pour celui de » fes le&eurs. Ayant dit un jour que fes Aiv  8 JrERTISSEMENT, «rc »ouvrageSe't0ieIltfeSpe-che.smo; "»»pWb.tlaiIrfpliqu a , ub j' » en Êufat pénitence >,. Quelquedurequeroitcerrecriaque on^Pcutdifconve„irqu'eIlen'eftpas' ennerementiniu^nousdefirons" nos lefleurs y trouven( de ^ Wgredekrécluaion que nous leur roman tel que nous le leur préfentons. Dfautajouteralalouangedel'abbé Bordeion q„e fo„ roman qudlif01tbeaueoup&arecfruil. 0fl J trouve tout ce qu'il eft poftible de Jfirer fur Ia matière qu'il traire & nous avons confervé avec foin une mulmude de notes intérelTantes qui font une preuve de fes recherches & de 1P0 erudition.  9 PREFACE DE L' A U T E U R. O ^~JN a imaginé des hiftoires très-amufanres pour repréfenter des efprics gatés par la leclure des Evres de chevalerie, des romans, des poè'tes &: d'autres ouvrages égalernent éloignés de 3a vériré S£ de la vraifemblance. Entre ces hiftoires les plus eftimables, font celles de don Quichoue, du Berger extravagant & de la FauJJe Clélie. On les lk tous les jours avec plaifir, & je crois que c'eft principalement paree qu'on y trouve des caractères qui font de tous les tems, de tous les pays Sc de tous les ages. Or, 1'expérience nous apprend que la plupart de ceux qui font leur leclure ordinaire de iivres de vifions, ne manquent point de devenir eux-mêmes vifionnaires. II y a  IO P R Ê F A C E très-peu d'enfans qui ne recoivent pour vraies les fables d'Efope & les contes des Fées; c'eft a ceux don* le devoir eft de leur donner une bonne éducation, k régler a eet égard leur crédulité. II arrivé auffi très-fouvent que ceux qui, étant plus -avancés en age, ont cependant 1'efprit auffi foible que celui des enfans, croyent tout co' qu'ils lifent, pourvü qu'ils y trouvent du prodigieux, de 1'admirable & de 1'extraordinaire. Celui, dont on va Jire les extravagances, étoit dans ce goüt. II ne croyoit rien plus fortement que ee qui paroiftbit le plus incroyable aux autres. Ce pauvre homme avoït paffe une grande partie de fa vie a lire des livres iur la magie & la forcellerie, fur les fpe£tres, lesfantomes, les loups-garoux, les efprits-follets, les fées, les ogres, I'aftrologiejudiciaire,lesdivinations,lesappantions, les enchantemens; enfin fur ce  DE L' A U TE V R. n qu'on a écric fur ces matières fantaftiques. Les premiers ouvrages qui lui tombèrenc entre les mains & auxquels il s'abandonna avec le plus d'applicarion, furent ceux qui donnentces rêveries pour des vérités; & la prévention s'écant ainfi emparée de fon efprit, il fut continuellement la dupe de tous ceux qui voulurent fe divertir de fa crédulité ou en profiter. On réuffiiToit d'autant plus facilement a le tromper, qu'il convioit a. 1'entreprendre, & qu'il y aidoit par fon entêtement. On ne dira rien ici davantage de lui pour le faire connoïtre, puifque le premier chapitre de fon hiftoire eft uniquement deftiné a repréfenter fon caractère, on y trouvera auffi ceux des perfonnes de fa familie qui y jouent des roles confidérables.  H Prêface de l'autevr. On a recherché, avec foin, dans les Kvres qui traitent de fuperftitions, les endroitsqui avoient g£té lefprit de M. Oufle. Les „otes qui rapportenc fidelemenc ces endroits, contribueren* a augmenter 1'agrément de cecte hifi toire & ne feront pas indignes de Ja cunohte des lecleurs.  HISTOIRE D E MONSIEUR OUFLE. CHAPITRE PREMIER. Caracleres de M. Oufle & des perfonnes de fx familie, dont il ejl parlé dans cette hijloire. O N ne dira point de quel pays étoit M. Oufle i ni dans quelle viüe il s'étoit fait un écabliflement ; on permet aux le<5teurs de placer ou il leur plaira les fcènes extravagantes dont ils verront les repréienrations dans eet ouvrage. On le contentera douc de donner a connoïcre le cara&ère de M. Oufle, & des perfonnes de fa familie dont on fe propofe de parler} c'eft ce qu'on va faire dans Ufuire de ce chapitre.  M. Oufle jouifloit d un bien très-confidérable , tant en maifons , en terres, en rentes, qu'en argent comptaht, qu'il ne dépenfoit jamais plus volontiers , que quand il s'agiflbit de fatisfaire fa ridicule prévention. II n'avoit jamais voulu fe gêner par aucunemploi,ni par aucune charge; ilfe contentoit, . pour toute occupation, de lire beaucoup de livres de magie, de fortilèges, d'apparitions, de divinations, enfin de tout ce qui avoit rapport a ces matières, II faut avouer cependant qu'il lifoit avec une égale avidité le pour & le contre. Mais il eft vrai aufll qu'il ne croyoit de ces le&ures, que les hiftoires qui aflliroient par exemple, qu'un tel fpe&re étoit apparu ; qu'un tel efprit-follet avoit bien fait des fiennes pendant la nuit dans un grenjer ou dans une écurie; qu'une telle fille avoit été enforcelée par un bouquet; un tel enfant par une pomme; que celui-ci n'avoit pu éviter'ce que fon horofcope lui avoit prédit, & une infinité d'autres contes femblables qui ne doivent leur exiftence qua 1'adreflè de ceux qui les débitent, & a la foiblefle de ceux qui les re$oivent. En vain lifoit-il des ouvrages faits -pour combattre ces contes; il retenoit feulement dans fa mémoire les hiftoires qu'il y avoit lues, fans vouloir fe laifler perfuader par les raifons qui en faifoient eonnoïtre la faufleté. Souvent même il regardoit comme des impies & comme des gens fans religion, les auteurs de ces  r> e M. Oufle. ï 5 ouvrages; car c'eft lbrdinaire des gens de faforte de croite athées tous ceux qui ne font pas fuperftirieux. . Non-feulement fes lechires, mais encorefes difcours, fes aótions , fes écrits, & même plufieurs de fes meubles prouvoient & repréfentoient fon entêtement; on voyoit chez lui un grand nbmbre de tableaux qu'il avoit fait faire a grands frais par les plus babiles peintres, & örner de bordures riehes &c parfaitement bien travaillées. Dans quelquesuns on voyoit des magiciens, avec tout 1'attirail de leur art, ayant une baguette a la main, placés debout au milieu d'un cercle , entourés de monftres hideux, oude diables qui jetoient feu 8c flammes, & paroilToient attendre leurs-ordres , pour aller ravager , effrayer 8c exterminer tout 1'univers. D'autres repréfentoient des aftrologiies , contemplant les aftres, les comètes, les éclipfes, dans le deflèin de donner enfuire, non pas des conjeóturespour 1'avenir, maisplutöt des décifions infaillibles, 8c plulieursgens de rous ages& de routes profeffions qut attendoient avec empreflement les oracles quidcvoient fortir de leurs bouches. Toutes fortes de devins étoient aufli repréfenrés; par exemple, des arufpices qui fouilloient dans les enrrailles des vióiimes; des augures , ayant la tête élevée & les yeux fixés fur des oifeaux qui voloient des Böhémiennes difanr la bonne aventure a de jeunes filles,  16 HlSTOUI plus curieufes d'apprendre 1'avenir, que ces ftw ponnës n'étoient capables de les en inftruire ; toutes ces forces dorades dont 1'antiquité a bien voulu prendre la peine de conferverles hiftoires ou plutót les fables; les Sibylles , avec leurs livres prophéuques , confultées par les princes. On voyoit auffi dans d'autres des démoniaques, s'agitant avec des contorfions épouvantables ; des diables figurés par des corps , ou horribles ou grotefques; des fpeóbes, fantömes , revenans, les uns enveloppés de fuaires d'un blanc éblouiffant,les autres revêtus de longues robes noires, & tous fe montrant avec des attitudes effrayantes! Comme la lune eft en quelque manière la patrone des magiciens, on la voyoit ou attirée par leurs charmes, ou verfant des influences dont ils faifoient myftérieufement des compofitions. Une galerie étoit remplie de curiofités magiques; de cédules que le diable avoit été obligé de rendrea" ceux qui s'étoient donnés a lui 5 d'inftrumens d'aftrologie; de ftatues qu'il prétendoit avoir autrefois prononcé des oracles; de talifmans faitspour plufïeurs ufages différens, & d'un grand nombre de hvres trés-bien reliés, qui traitoient de toutes fortes de fuperftifieufes pratiques. Le fond de cette galerie étoit rempli, 0u plmöt tout couvert d'un trés-grand tableau qui repréfenroit le fabbat; il étoitchargé d'un trés-grand nombre defigures dont les  d e M. Oufle. i j ïes unes faifoient horreur, & les aurres excitoient a rire. Onpeut dire que route la fcience, route la profeflion, &même toutelareligiondubon homme Oufle étoient renfermées dans les curiofités, dans les tableaüx & dans les livres dont on vient de parler. Et c'eft en cela que confiftoit fon véritable cafa&ère. Ce qu'on dira dans la fuite le fera encore mieux connoïtre. Parions préfentement des perfonries de fa familie , qui figureront dans le cours de cette hiftoire. M. Oufle avoit une femme, deux Als, dont 1'aïné étoit abbé Sc le cadet financier; deux filles & un frère marié. Entre fes domeftiques il y avoit un valet, fin matois , qui jouera par la fuite plufieurs röles qui ne feront pas des moins agréables. J'appellerai la femme de M. Oufle, Madame Oufle } fon fils ainé , 1'abbé Doudou; fon fils le cadet, Sanfugue ; fa fille aïnée, Gamèle; la cadette, Ruzine; fon frère , Noncrède, Sc le valét en queftion Mornand. Voici les vrais caraótères de ces fept perfonnes. Madame Oufle he donrioit point du tout dans les vifions de fon mari; Au lieu que dbrdinaire les femmes font les plus fufceptibles de fuperftition 4 madame Oufle doutöit de tout ce que M.- Oufle croyoit le plus fortement fur cette matière; II fembloitque la foiblefle de 1'efprit de celui-ci avoit fortifié 1'efprit de celle-la; elle donnoit continuelle- B  l8 HlSTOIlVE ment la chafle aux charlatans, aux aftrologues, aux chiromanciens, & généralement a tous ceux qui venoient chez elle dans le deffein de deviner le pafTé, ou de prédire 1'avenir. Elle étoit forr alerte , quand quelqu'impofteur promettoit de faire voir des fpeórres, ou les efpiégleries de quelque prétendü efprit follet. On ne trouvoit point du tout fon compteavec elle, pour tromper & pourfurprendre. Auffi avoit-oh bien foin de prendre le tems de fon abfence, pour duper fon mari. L'abbé Doudou, fils aine de M. & madame Oufle étoit un bon gar$on qui faifoit un mélange bizarre de fcience & de piété. Par piété , il croyoit que tout ce qu'il trouvoit d'extraorclinaire dans les livres, étoit vrai, ne fe pouvant perfuader que 1'on fut d'aflez mauvaife foi pour faire imprimer des chofes furprenantes, fi elles n'étoient pas véritables; &c le peu qu'il avoit de doctrine ne lui fervoit qu'a trouver, jene fais comment, dans fon efprit, des preuves forcées de lapoffibilité de tout ce qu'il vouloit abfolument croire. II étoit crédule au point d'ajouter foi a toutes les hiftoires qu'on faifoit des forciers; il n'y avoit pas une apparition , quelque étrange qu'elle füt, qui ne lui femblat très-poffible: auffi étoit-il continuellement dans une li grande crainte de voir des fantömes, que rien netoit plus affligeant pour lui, rien ne lui donnoit plus 4'inquiétude, que d'ètre obligé de refter feul la  t> e M. Oufle. i, ïiuit dans une chambre. S'il fe trouvoit par hafard fans compagnie dans une églife, il s'imaginoit que les corps de ceux qui y font enterrés, alloient fortir de leurs rombeaux, pour fe montrer a lui dans un appareil épouvantable. On doit conclure de ce cara&ère que 1'abbé Doudou ne contribuoit pas peu a entretenir fon père dans fes imaginations- extravagantes. Sanfugue, fecond fils de M. Oufle, qui avoit pris le parti de la finance, étoit un homme qui ne s'occupoit que des moyens de s'enrichir promptement. Les devins, les forciers , les aftrologues judiciaires, & autres gens de mème forte, tout lui étoit bon, pourvu qu'il y trouvat fon intérêt. Si on lui préfentoit un talifman pour lui faire acquérir de grandes richefTes, il ne le rejetoit point 5 quand On luiparloit de diables qui faifoient trouver des tréfors , 1'eau lui en venoit ft fort a Ia bouche, qu'il ne les auroit pas renvoyés , quand même ils lui auroient apparu avec les formes les plus épouvanrables. II n'étoit pas li crédule fur 1'apparition des ames des défunts; paree quej difoit-il, ces fantómes de morts ne paroiffent d'ordinaire que pour faire des demandes aux vivans. II faifoit femblant quelquefois d'y ajouter foi; mais c'étoit par complaifance pour fon père, & pour en retirer quelque profit. Voila quel étoit le caraclère du Bij  *0 HlSTO I R E cadet des fils de M. Oufle. Venons a préfent a fes deux filles. L'ainée a qui j'ai donné le nom de Camèle, avoit beaucoup de ïïmpiicité ; elle croyoit tout ce que Uit difoit fon père, quand il lui parloit, & enfuite elle n'en croyoit rien , quand elle s'étoit entretenue avec fa mère. Etant ainfi fufceptible de toutesfortes d'impreilions, elle jouoit toutes fortes de roles , quelqu'oppofés qu'ils fuflent. Ruzine, fille cadette de M. & madame Oufle , s'accommodoit comme fa fceur, au goüt de fon père & de fa mère; mais ce que celle-ci faifoit par fimplicité, celle-la le faifoit par artifice; c'étoit une fine mouche qui alloit toujours a fes fins; on peut dire qu'elle jouoit en quelque manière toute fa familie. Le defir du mariage la tourmentoit extrêmement; cependant, comme cadette, elle ne pouvoit être mariée qu'après fa fceur. Et comme celle-ci étoit une indolente la-deflus , qui avoit éloigné par fon indifférence plufieurs partis très-fortables, la pauvre Ruzine fe trouvoit dans la cruelle néceffité d'attendre longtems la décifion de fa deftinée. C'eft a caufe de 1'inquiétude & de 1'impatience que lui donnoit cette attente forcée, qu'elle mit en ufage, en s'accomodant aux vifions de fon père, plufieurs .ftraragêmes également plaifans ^ adroits.  DE M. O U F t E* At Noncrède, frère de M. Oufle, avoit véritablement de la fagefle & de la probité. Comme il y joignoit beaucoup de bon fens, on juge bien qu'il étoit fort ennemi des extravagances de fon frère. En effet, il lui faifoit, & a. Tabbé Doudou, fon neveu, des guerres continuelles fur leur ridicule entêtementj & il les foutenoit par des raifonnemens fi folides, qu'on avoit lieu d'ètre furpris de ce qu'il ne pouvoit pas les réduire a la raifon. Mornand, 1'un de ces maïtres valets qui, par une longue fuite d'années de fervices, fe font emparés d"une efpèce d'autorité fur les maïtres & fur les autres domeftiques; Mornand,.dis-je, avoit une conduite qui approchoit fort de celle de Ruzine ; il paroiffoit croire, ou ne pas croire, felon que fon intërêt 1'exigeoit. Son profit étoit Ie mobile & Ia règle de toutes fes démarches. En matière de divinations, d'apparitions & de fórtitèges, il ne manquoit pas de mettre en pratique, ou pour ou conrre, les intrigues les plus artificieufes, pourvu qu'il eut lieu d'efpérer qu'elles fè termineroient a fon avantage. Son habilété a in venter &a conduite une fourberie , étoit telle, que les principaux de cette maifona qui il avoit affaire, ne pouvoient pas s"empêcher d'y fuccomber: c'eft ce qui fera prouvé par des-, exemples qu'on tiouvera dans le cours de cettehiftoire. U iij  H I s T O I R E CHAPITRE li Oh l'on voit combien M. Oufle étoitperfuadé qu'il y avou des loups-garoux, & ce qui l'avoit engagé a le croire, Il y a long-tems qu'on parle des loups-garoux (i) Les anciens & les modemes nous en rapportent grand nombre d'hiftoires, qui qLloique faW_ leufes, nbntpas laiflë de paffer dans 1'efprit des lïmples, pour très-véritables. On en fait mille contes auxjeunesenfans, qui étantfans lumière & fans expérience , y ajoutent foi d'autant plus vo ontiers, que ce font leurs pères, leurs mères & leurs mies qui leur fonc ces récits ridicules> ^ II eft a croire que M. Oufle avoit recu étant jeune ^ des impreffions de cette nature x & qU'ü les avoit enfuite extrêmement fortifiées par la lecture ; car il ne manquoit pas de livres qui traitent de plufieurs fortes de ces bizarres rranW t-ations -y toutes les hiftoires qu'il en lifoit, paf. foient dans fon efprit pour conftantes , ainfi , ii ne doutoit point qu'il n'y eüt, par exemple , des (i>. Francois Phsbus, comte de Fok, dit en fon livre de t > C£ mot^™*> veut dire garder-vaus, Dernonomanie de Bodin, p. 195. Tableau de rinconrtanc, 4cs demons, par de Lancre, p.  d e M. Oufle. 25- families entières, oü il y avoit toujours quelqu'un quidevenoit loup-garou(i); qu'on ledevenoit auffi quelquefois en mangeant les entrailles d'un enfant facrifié (z); il croyoit encore fermement qu'on pouvoit fe changer en chat (3) , en cheval (4), en (1) PHne raconte qu'Evanthes, auteur grec, a rapporté que les Arcades écrivent que dans la race d'un certain Antxuis, 011 clioifit quelqu'un par fort, & qu'on le conduit' prés d'un étang, qu'il fe dépouille, pend fes habits a un chêne, paffe 1'eau a la nage, puis s'enfuir dans un défert oii 51 eft trausformé en loup, & converfe avec les autres loups pendant neuf ans. Si, durant ce tems, il ne voit point d'homme, il retourne vers le mème étang Sc le traverfe a' la nage, reprend fa forme d'homme, retourne chez lui, & allonge fa vieillerTe de neuf ans. Mirum, dit Pline, qua procedat grsica credulhas, nullam tam impudens mendaciurrt efi, quod tefte careat. Médit. hift. de Camerarius, t. 1,1. 4, c. 12.. De Lancre, p. On trouve d'autres exemples de lóups-garoux dans la DémouomaniedeBodin, p. ic^^jo, (i) Pline parlc encore d'un nommé Demarque de Pharrafc, qui, après avoir mangé les entrailles d'un enfant confacré a Jupiter Lycée par les Arcades, fut fur le champchahgé en loup. Agrippa, de la vanité des fciences, c. 44. (5) Sprangcr park, in malleo maleficanihi * de trois demoifellcs qui, en forme de chat, affaillirent un pauvre laboureur, lequel les blefla toutes trois, & elfes furent rrouvees blelféês dans leur iit. Des Spedtres, par le Loycr, p. X74. Autres exemples femblables dans la Démonomanie. dj Bodin , p. 194. (4) Le père dc Preftantius, après avoir mangé d'i:n> BW  *4 HlSTOlRE «b« en bc.uf, en vipère, en mouche (,) en vache(z)i enfin en toutes fortes de for- fOMf mdéfidé' c™ devcnu cheval, il avoir porte de tres-pefantes charges> oujours dans Ie li, Saint Auguftin aui rapporte Lt£ -eda„sIaCitódeDieu,l.l8,c. I? cette facon tout ce qui a été écrit des «ervetfteufes trinfl -utanons, & de toutes Lycahthropics ^ Pb on meme nous a laiffd quelque chofe par écrit dans fe Wrne llvre de a > ^ .; ^ ^ ^ Are fcns, pQUr faire ^ ^ dunlole ksN£ureSj ^^^.^ P ., qu, devenoient loups tous les ans pendant quéW jours, „e pauffoient fans doute quen Ia partie imaginaire Ag"PPa, de la vanité des fdences, c. 44, m. L v* t I P- 315. DeLancre, p. 2.66. ( O La fameufe Empufe, chez Ariftophane, p.enoit ou es foncs de figures. Epicarme dit qü-elfe paLiflok tantot comme un arbre, immédiatement après fous h Jgnrc d un bceuf, tantót dune vipère, puis d'une mouche & apres on la voyoit fous la figure d,In? bdk ft " L Incr. fcau. p. (1)raiIuautrefoisenAIbertKrant2,l.I,i>W c u que M« roi de D9„emarck, p.ince fort adonWa la' «ag,e tenoK en facour U„e infigne forcière qui pmioit lelies ferme, d annnaux qu'elle vouloi, Cette forcière avoit un fb J»ffi tenant qu'elle, ils dérobèrent les tréfors du *Ha chez la forcière, & elle le voyant entrer, fe changea vache & fon Sis en bpuvard; Ce pinCe s'étant approcW  d e M. Oufle. 25 mes (1). C'étoit en vain qu'il apprenoit dans quelques ouvrages, que les loups-garoux, s'il en exifte, ne font que 1'efFet d'une imagination troublée , qui perfuade qu'on eft védtablement loup , & qui en fait faire prefque toutes les aótions; ce qu'on appelle lycanthropie (2). Souvent encore les prétendus loups-garoux , font des gens qui, pour fe divertir, ou pour quelqu'autre raifon (5), courent de cette vache, pour la bien confidérer, elle lui donna un fi grand coup de corne dans les flancs, qu'elle le jeta mort fur la place. LeLoyer, p. 141. (t) On Iit dansDiodoreSicilien, 1. ; , Biblioth., que les Telchines, premiers habitans de Rhodes, fe chajigeoiént en telles formes d'animaux qu'ils vouloient, id. p. 141. (1) On préfenta, dit Sabin, au traité de la Narivité des Sorciers, avec Tean Euvicli, a Pomponace, célèbrc médecin Italien, un malade atteiut de lycanthropie, que des villageois ayant trouvé couché dans du fob , & pris pour un loup, d'autant qu'il difoit être tel & leur crioit qu'ils euflent a s'cnfuir, autrement qu'il les mangcroit, avoient commencé a 1 ecorcher pour favoir s'il avoit le poil de loup fous la peau, fclon 1'opinion erronnée du vulgaire. Mals ils le lachèrent a la requéte de Pomponace, qui le guérit de fa maladie. Médit. Kift. de Camer,. t. T, 1. 4, c, 11. (3) Baram, roi de Bulgarie, par fes preftifces, pfenoit la figure d'un loup , ou d'un antrc animal, pour épouvanter fon peuplc, L'Incred. fcau.., p. 6$. On !it dans Liutprand , 1. c. 8, Rcrum per Eurupa'n geftarum ; & dans Sigibetf,, in Ckronogr., que c'étoit dun, fils de Sinjon, toi des BrJgare.s. Lc Loyer, p. z-:.i.  X6 HlSTOIRE les rues pendant la nuk, en faifant des hurlemens épouvantables, & cela , afin de faire peur aux gens fimples , qui n'ofent mettre la tête a la fenêtre , & fe perfuadent que , s'ils avoient cette témérité, le diable ne manqueroit pas de leur tordre le cou, M. Oufle ne doutoit donc point qu'il ne füt très-poffible d'étre changé en différentes formes. II croyoit avec la merrie certitude , qu'il n'étoir. point du tout diflicile de faire ce changement fur d'autres ; que ion pouvoit changer , par exemple , un marchand de vin en grenouille (i) -y qu'une femme pouvoit donner a un homme la forme d'un caftor(z); a un autre celled'un ane (3); enfin i\ ne trouvoit aucune difKculté pour ces tranfmut'ations, parcequ'il avoit luqu'elles avoient été exécutées. II croyoit avec Ia même complaifance , ou plutöt avec la même foibleffe d'efprit, (1) Une forcière changea en grenouille un cabaretier a qui elle en vouloir. Dclrio. Difquif. ma?., p. 114. (z) Une autre forcière, pour fe venger de 1'infidélité d'un homme qu'elle aimoit, le changea en cafior avec unc fèulc parole. Cet animal s'óte fes tefKcules pour fe délivrer de ceux qui le pourfüivent. (5) Un jeune homme qui demeuroit en Chypr-e fut changc en ane par une forcière. Guillaume , archevêque de Tyr. Spranger, inquifiteur.. Démonorrianie 4? Bodin , P- *99.>,  d e M. Oufle. 27 que des rofes (1), ou une fourche (2), ou d'autres chofes pareilles , pouvoient rendre la première forme a ceux qui avoient fubi ces tranfformations, On voit bien qu'avec de pareilles opinions , ce pauvre homme étoit très-difpofé a tomber dans de très-grandes extravagances. On en fera parfaitement convamcu par les avenrures qu'on va lire , on y apprendra comment notre héros crut ètre loup-garou, & ce qu'il fit après s etre mis dans 1'efprit cette folie imagination. (t) L'Ane d'cr d'Apuléc. (i) Guérir jes malades du loup-garou en leur donnant un coup de fourghe , juilern,ent entre les deux. yeux. Cir.  28 h I S T O I R E chapitre iii. CommentM. Oufle ent etre loup-garou, & ce que fon ïmaginatïon lui fit faire. Un des jours du carnaval , M. Oude donna a. fouper a route fa familie, & a quelques - uns de fes amis. On y mangea abondamment, & on y but de même; car quoiqu'il fut vifionhaire & fuperftitieux , il ne laiflbit pas d'aimer la bonne chère & la joie, a condition pourtant qu'on ne renverferoit point de falière, qu'on ne metrroit point de couteaux en croix , & qu'on ne feroit point treize a table. II mit ce foir-la toutle monde en train; pour exciter a boire, il portoit continuellement des fantés , & fatisfaifoit exadtement a celles qu'on lui portoit a lui-même ; de forté qu'il pat uu peu plus de vin que fa tête n'éri pouvoit porter. Madame Oufle ravie de le voir lï gaillard, fe donna bien de garde de faire naitré' 1'occafion de parler de divinations, d'apparitions ou de fortilèges , tant elle craignoit qu'il ne changeat d'humeur. Après le repas, 8c une converfation fort animée 8c fort enjouée fur plufieurs matières, comme il arrivé prefque toujours quand le vin fe met- de lapraes tous fe retirèrent très-contens les'uns'  d e M. Oufle. 29 des autres. M. Oufle fe retira- enfuite dans fa chambre , & Madame Oufle dans la fienne. Les ënfans prirenr auffi le parti de la rettaite , 1'abbé Doudou 'ne demanda point alors que quelqu'un lui tint compagnie; le vin qu'il avoit bu en plus grande quantité qua 1'ordinaire , 1'empêchoit de fonger a avoir peur. Quant a Sanfugue , auflitót qu'il fut èntré chez lui, il prit un habit [de mafque & alla courir le bal avec d'autres jeunes gens qui 1'attendoient dans une maifon voifine. A peine M. Oufle fe fut-il retiré, qu'il lui prit une de ces inquiétudes, qui ne permettent pas que Pon refte long-tems en une place , fans qu'on puifle dire pourquoi on fe met en mouvement. Après s'être promené pendant quelque tems dans fa chambre , il en fort, &r cela feulement pour en fortir; il monre unefcalier, & paflant devant 1'appartement de Sanfugue qu'il trouve ouvert, il y entre , ou poufle par curiofité, pour favoir s'il y étoit , ou pour y jafer avec lui. Quoi qu'il en foit , y étant entté , & n'y trouvant perfonne , mais feulement les habits de mafque que fon fils avoit négligé ou oublié de ferrer, il en reiriarqua un deftiné a fe déguifer en ours, qu'il confidéra plus attentivement que les autres. Cet habit étoit fait de peaux d'ours avec leur poil; elles éroient coufues de manière qu'ellés donnoient, depuis la rite jufqu'aux pieds, la reifemblance de cet ani-  i° HlS TOIRÈ mal > i celui qui en étoit couvert. Après 1W voir tourné & retourné quelque tems , il lui vint dans 1'efprit de s en fervir pour faire urie plaifanterie a fa femme. Cette plaifanterie étoit de vêtir cet habit, & enfuite de lui aller faire peur. Ce qu'il trouvoit d'autant mieux imaginé que madame Oufle lui faifoit des guerres connnuelles fur fa crédulité, par rapport aux appa^ ntions , fpedres, fantömes , enchantemens, Sc autres femblables vifions. II „e doutoit point, que quand elle auroir été ainfi effrayée, il ne lui fut facile dans la fuite de la réduire i k raifon fur cette matière. La bonne humeur danslaquelle il étoit, lui fir prendre ce parti avec empreffc* ment. II emporta donc cet habit dans fa chambre , levêtit, & puis alla très-doucement vers 1'ap' partement de fa femme. Comme il étoit prêt de commencer lafcène, il entenditdu bruit, & s'apercut que la femme de chambre de madame Oufle étoit encore avec elle. Ce contre-tems le chagrina; cependant il ne quitta point fon deflein, il retourna fur fes pas , & rentra chez lui , pour J attendre que cette fille fut partie 5 & pour fe défennuyer, après s'être affis devant le feu, il prit fur une table le premier livre qui fe trouva fous fa main , c'étoit la démonomanie de Bodin 3' ülbuvre, & tombe par hafard fur un endroit    de M. Oufle. $i qui traitoir des loups-garoux. II paffa environ une demi - heure dans cette ledure , ' & dans celle de quelques autres fujets auffi vifionnaires. Enfin , le vin , le feu > & la firuation tranquille oü il étoit , 1'aubupirent & le plongèrent infenfiblement dans un fommeil fi profond, qu'il ne fongea plus a ce qu'il avoit fait, ni a ce qu'il avoit réfolu de faire. Madame Oufle , qui n'avoit aucun foupcon , ne manqua pas de fe coucher, & dormit de fon cöté auffi tranquillement que fon mari j mais fon fommeil dura plus long-rems , & neut pas une fuite auffi bizarre que celui de M. Oufle. La femme de chambre dont on vient de par, Ier , avoit fa chambre au-deffus de 1'appartement de M. Oufle; &c foit qu'elle s'embaitafTat peu de troubler le fommeil de fon maïtre , foit que ce fut 1'effet du hafard, un vafe qu'elle tenoit a la main, & dont il feroit ici inutile de dire le nom , romba par terre , & fir un fi grand bruit, que M. Oufle en fut réveillé en furfaut. II fe léve tout troublé de deffus fa chaife ; & comme il fe trouvoit vis-a-vis la cheminée , fur laquelle il y avoit une glacé , il fe vit avec 1'habit d'ours, dont il étoit revêtu. Alors le vin & le feu qui lui avoient échauffé la tête , fon fommeil intetrotnpu fi fubitement , 1'habit qu'il fe voyoit fur le corps, tout cela joint a la ledure qu'il venoit  32 H I S f O I R E de faire , lui caufa un tel bouleverfement dans la cervelle , qu'il fe crut véritablement, non pas un ours, maïs un loup-garou. Ce bouleverfement étoit fi fort, qu'il lui avoic fait perdre entièrement k mémoire de 1'endroit oü il avoit trouvé 1'habit, & de,l'ufage qu'il avoit projeté d'en faire; il ne lui refta que 1'idée de fa prétendue tranfmutation en loup , avec le deflein dallet courir les rues, d'y hurler de fon mieux, d'y mordre & de mettre ■ en pratique tout ce qu'il avoit oui dire que les loups-garoux avoient accoutumé de faire. II part donc fans difFérer, fort dans la rh» ^ «w, xvu uans u it;e , & commence a hurler d'une manière effroyable. II eft bon de faire remarquer que c'étoit un homme grand, gros, robufte, & dont la voi* étoit naturellement haute , ferme & tonnante. On ne doitpas douter, que la poufTant pendant k nuit, auffi lom qu'elle pouvoit aller , avec les tons effroyables qui accompagnent d'ordinaire les fmrlemens, on ne doit pas douter, dis-je, que quand il hurloitil n'effrayat tous ceux qui 1'enrendoient, En effet, il en fit k première expérience fur les muficiens d'une férénade'qui fe rrouvèrent dans k première rue qu'il parcourut. Cette férénade éroit donnée a une jeune lingère trés jolie, par un jeune homme qui en étoit amoureux. Ce jeune homme étoit garcon de boutique d'un des plus fameus marchands de k ville, mais garcon dif- tingué  b ë M. O v f i e; ^3 cingué dans fa profeflion , c'eft-a-dire , un de ces beaux-fils qui fe font beaucoup valoir, & que les ïriarchands ne gardent que pour plaire aux femmes & les attirer dans leurs boutiques. Pendant Ia fymphonie, il étoit enveloppé dans un manteau, faifant le pied de grue* & fort attentif a regarder fi fa belle paroitroit a la fenêtre. Les rauficiens jouoient avec grand bruit la defcente de Mats, lorfqu'ils entendirent un des hurlemens de M. Oufle. La terreur que leur infpira cette horrible fymphonie , a laquelle ils ne s'at? Jendoient pas , glaca leur fang de telle forte, que demeurant immobiles s ils firent tous en mime tems une paufe , qui n'étoit pas aiTurément dans leurs tablatures ; cependant le loup-garou imagiinaire fe mit a hurler encore plus fort; & s'étant approché deux, ils le prirent tous pour ce qu'il penfoic être lui-même. Quel contre-tems pour 1'amourenx, quand il vit les muiiciens s'enfuir de toutes leurs forces, & qu'il jugea a propos de les fuivre > pour fa propre süreté ! M. Oufle, après avoir mis-en fuite tant de gens qui faifoient un fi grand bruit, fe confirma dans 1'opinion qu'il étoit véritablement un loupgarou. Je n'ai point appris ce que font devenus les muficiens & celui qui les avoit mis en oeuvre. II eft & croire que chacun fe retira chez foi, & que rous firent de beaux contes du prétendu loup-garou. C  54- HisToire CHAPITRE IV. Suite des aventures de M. Oufle 3 loup-garou. J-^ous avons laifle notre nouveau Lycaon courant les rues, après avoir donné une terrible chafle a la mufique nocturne qui s'étoit trouvée dans fon ' cbeminï Paflons a fes autres aventures. Par-tout il y a des petits-maïtres qui font profeflion d'extravagances, qui auroient honte de paroitre fages , & qui prétendent tirer de la gloire de ce qui ne devroit leur donner que de la confufion. Heureufement pour les vifions de M. Oufle, il s'en rrouva de cet impertinent caraótère dans les rues, la nuit qu'il couroit en loup-garou. Quatre jennes gens, qui depuis peu de tems étoient délivrés de la vie gênante des colléges , fortant du cabaret, oü ils avoient vidé plus de bouteilles de vin que leurs petites tètes n'étoient capables d'en porter, s'amufoient a. arracher des cordes de fonnettes, a. óter des marteaux de portes, ou s'ils ri'ërt pouvoienr venir a bont, a fonner , a heuiter de toutes leurs forces, a déranger des bornes , a brifer des liéges de pierre, & des boutiques , a, faire des efpèces de barricades des grofles chaines qui fe trouvent aux coins des rues, a brouiller des  t> e M. Oufle. ?5 ferrures, & a faire d'autres poliflonneries de cette nature. . Le foir donc que notre loup-garou , conduie par fa folie imagination, faifoit des fiennes, ces guerriers nocturnes faifoientauffi des leurs, en travaillant fur les marteaux des portes, fur les cordcs des fohriéttes, fur les bomes des maifons , fur les boutiques, les bancs & les chaines des rues. lis avoient déja fait beaucoup d'ouvrage , Sc comme ils fe rendoient compte les uns aux autres de leurs faits Sc geiles, Sc qu'ils en montrcicnt les marqués & les preuves , M. Oufle, que fon chemin conduifoit natureijement vers eux, fe mit .a hurler horriblement. Nos héros de bouteille, commencèrent a rentrer en eux-mêmes, & £ faire des r{s„ flexions, ce qui leur arrivoit trés - rarement. Le loup-garou cepcndaut renouvela fes hurlemens avec plus de foree Sc de vigueur, Toute cette jeunelle, qui étoit peu de tems auparavant li turbulente , devint tout d'un coup tranquille Sc pacifique. ils fe regardoient les uns les autres fans rien dire. Pendant leur füence , les hurlemens conrimièrent, celui qui les faifoit parut, Sc nos quatre braves, devenus plus fages, ou pour mieux dire, plus timides, fongent a reader d mefure que la béte s'approche deux; & enfin, comme ils voyoiem- qu'elle continuoit de venir a grands pas de leur coté, Sc qu'ainfi ils étoient en danger Gij  ^ H I S T O I R E den devenir la proïe ; car Ia peur la leur fit paroirre avoir des dents d'une longueur effroyable, & une gueule fi grande Sc fi ouverte , qu'elle ne cherchoit qu'd avoir de quoi dévorer • ils prirenr Ie parti de Ia fuite , bien réfolus de courir fi fort, quelle ne pourroit pas les atteindre. La frayeur qui les avoit faifis, n'étoit pas moindre que celle quils reifentoient il n'y avoit pas longtems, quand ils voyoient dans les colléges, a leurs rroufies , leurs maïtres armés de certains inftrumens qui aldent beaucoup a rendre fage maïoré qu'on en ait. Ils ne laifsèrent pas de faire le lendemam des récits admirables du long & furieus combar qu'ils avoient généreufemenc fóurenu contre le loup-garou ( car il en fut beaucoup parlé pendant quelques jours) ■ un des plusfanfarons avoit rompu le lendemain au matin dans fa chambre fon épée en deux, pour la montrer, Sc raconter enfuire aux grifettes de fon quartier, qu'il entretenoit fouvent de fes vaillantifes , avec quelle audace il s'étoit défendu contre les alfauts terribles de cette effroyable béte. Mais laiflbnsleur le plaifir de crier vicfoire après avoir fui de leur mieux ; Sc revenons a M. Oufle. Notre vifionnaire s'étant embarrafle les pieds dans les cordes que ces petits Faófarons avoient abandonnées Sc jetées par terre, il tomba de fa Wu|, c'eft-a-dire, très-rudemew j ce qui le fit  b e M. O u f t s. 37 Kader encore plus fort qu'il n'avoit fait. II fot bienheureux de ce que perfonne ne pafTa alors; car on auroit eu bon marché de lui. Après être refté quelque tems couché, paree que fa chüte lavoit un peu étourdi, il fe re.leva \ march* d'abord d quatre pattes., & sarrêta prés d'une potte, oü il refta hurlant de toute fa farce., d différefues reprifes y l'hiffoire dit. que c'étoit de-, vant 14 maifon d'une Jeune veuve qui attendoit fon amant; que celui-ci n'ofa entrer d Ia vue de notre loup-garou, & qu'ainfi u'ayant pas été exacTr au rendez-vous , elle lui en fit. tant de repxoches ' qu'ils fe brouilleren*, fans aucun efpoir de raccommodement • mais peut-être commencoient-ils d être las 1'un de 1'autre; qupi qu'il en foit, on laifli la hberté den croire ce qu'on voudra, car ce.ci ne fait rien i notre fujet. J.'aurois trop d'affaires, fi je voulois rapporter tous les raifonnemens. auxquels M. Oufle a donné occafion , non -feulement pendant cette nuit, mais encore d propos, d'autres.. vifipns & d'autres extravagances, dont on lira le détail dans la fuite de cet ouvrage> Je ne feraï pourtant pas affez fevère d cet égard , pour paffe? fous filen.ee ce que je jugerai pouvoir divertir le ledeur. Nous avons lailfé M.. Oufle d la porte de h veuve, bien moins intimidée de fes cris , que reünie detre débarraffée d'un amant qui commen-. C iij  38 HlSlOIRE coit d 1'imporruner. Parions d prefent des autres terreurs qu'il caufa , & de ce qu'elles produifirent. Après avoir parcoiiru quelques rues, il s'arrêta devant une maifon ou plufieurs perfonnes jouoient un très-gros jeu. Je ne É par quelle fantaifie 3 s'obftina d hurler plus fort & n[us fouvent qu'il n'avoit encore fait. Un coup n'attendoit prefque pas'1'autre, tant fes hurlcrnens étoient promptement répétés. Les joueurs 1'entendn-ent; ceux qui perdoieht, pa'rurenr n'y faire pas grande attention, ils éroient plus ocaipés des pertes qu'ils venoient de faire , que des bruirs efc froyables qu'ils cntendoient. Ceux qui gagnoicnt parurent plus inquiets que les autres, particuüèrement une dame qui gagnoit une fomme exceffive, & qui laifTa to'mber les cartes de fes mains, tant le loup-garou fit d'impreffion fur fon efprit. Elle marqua enfuite être dans 1'impoffibilicé 'de contineer le jeu. Les perdans, qui croyoient qu'elle les jouoit par une crainte affeélée , pour avoir un prétexte de ne leur point donner de revanche, après lui avoir parlé affcz raifonnablemenr, pour lencourager Sc la délivrer de fa peur, voyant enfin qu'ils ne pouvoient rien gagner d cet égard fat. elle, semporrèrent & poufsèrent leur fureur fi lom, que le tumulte & le trouble fe mirenr bientót dans la compagnie.  D E M. O U F E E. Jcj Les hurlemens cepenclant continuoient toujours, & la dame continuoit de marquer fa frayeur, & en même rems, 1'impombilité oü elle prétendent être d'accorder ce qu'on exigeoit de fa complaifance. Un des joueurs qui perdoit le plus, pour lui óter tout prétexte, fort 1'épée a la main, afiil de chaffer le loup garou j mais dès qu'il levit, la frayeur le faifit, il rentre, ferme la porte avec tous les verrous qu'il y put trouver, fouhaitaut même , pbur fa süreté, qu'il y en eüt encore davanrage; il fe tinr quelque tems fur 1'efcalier pciir fappè-iér fes cfprits , '& diffimuler fan efTroi. Hêuteufenierit pour lui, M. Oufle pritparti ailleurs. Notre brave ne 1'entendant plus , monte audacicufemeut clans la chambre du jeu, y fait un grand détail d'un combat imaginaire, &-fort a propos inventé, montre même du fang qui fortoit d'une bleffure qu'il s'étoit faite a la main, en fermant la porte, avec trop de précipitation; allure enfin qu'il avoit donné tant de peur a cette horrible béte, qu'elle avoitctc forcée deprendrela fuite & ciefe retirer ainft, il prouva ala dame alarmée,. qu'elle devoit fe. rafTurer & continuer de. jouer, fans rien craindre,, On le crut fur fa parole, mais on ne lui accorda pas ce qu'il fouhaitoif. II eut beau clire, cette. femme ne fe rendit point; le jeu fut rerais a un. autre jour. La dame cependant, en emportant 1'argent qu'elle avoit gagné ( car fa peurók fes\vapeurS . C iv  4° HlSTOIRE m 1'cmpèchèrent pas de fe reffouvenir qu'elfe avoit fait un gros gain, & qu'il étoit a propos de. 1'emporrer , ) demanda, afin de foutenir jufqu'au bout la cpmédie qu'ejle ayoit jouée, une efcorte pour la conduite chez elle, Comme elle étoit je* be , de jeunes gens de 1'atfemblée fe préfentèren? pour lui rendre ce fervice. Les vapeurs la prirent encore dans le. carrofle , par la crainte de rrouver ce formidablc loup-garou en chemin. Ceux qui la conduifoieut firent de leur mieux pour la foulager; 8c enfin ils Ia remirent fame & fauve_ dans fa maifon. Pendant tout ce manége, M, Oufle alloit toujours fon train, fans s'infor. fer>- comme 011 4oi* croire, de ce qui, fe paflbit ? fon fujet. On va rapporter le refte des avenrures' de fes. courfes, comme loup-garou , dans le c^ qiuème chapitre.  de M. Oufle. 41 CHAPITRE V. Fin des aventures de M. Oufles loup-garou.. C o m m e on mint d'ennuyer les lecbeurs y en trawant trop long-tems d'une même matière, & qu'on a un très-grand nombre d'autres chofes a rapporter, on ne donnera point une defcription exacte de toutes les frayeurs qu'il fit cette nuk en qualité de loup-garou; & ainfi on paffe fous filence des bourgeois qui. venoient de fouper en ville } m homme. d'affaire.s, qui après avoir laifïé, fa femme dormant tranquillement dans fon lit, alloit rrouver incognito une maïtrefTe qui lui coutoit elle feule autant que tout fon ménage enfemble j un vieux feigneur qui étoit dans un fiacre ,. & qui'setoit dépoaillé de tout 1'a.ppareil de fa grandeur, aên de voir fans embarras. une petite grifette 5 trois, foi-difant abbés , qui chan, t-oient mélodieufement certaines paroles qu'ils11 avoient pas affurément apprifes. fur Ie lutrin ; quelques amans qui reconduifoient leurs martrefTes, en marcliant fe plus lentement qu'ils pouvoient-, afin dene pas fe féparer trop t$t; un chimifte qui venoit de fouffier chez un grand, & qui emportoit de. chez celui-ci plus d'argent & ^ dfè^ PPur fes toiies j & n'avoit nullement les inclinauons martiales. Les filoux lui tenoient lepifitolet fur la gorge, Pour lm faire rendre ce qu'ds ne lui avoient ailurément pas prêté. Notre loupgarou qui aïloit vers eux, fes mm intenfio]T que celle de contmuer fes courfes, fe mit 3 huiler. Les filoux n'attendirent pas qu'il hurlat une leconde fois, ou qu'il s'approchdt deux . pour quitterprife, 8c le palTanr s'enfuit dun autre cote, ayant du moins autant de peur du loup, que desgens qui étoient li bien difpofés d exer' eer fur lui leur favorr faire. Pendant que le marchand & les filoux couroient, & que le loup hurloir, un carrofTe venoit vers celd-ci. Ce cariolfe porroit trois hommes mafqués qui revenoiencde tous les bals dont on leur avoit donné avis U cocher , fiacre, des plus fiacres, 8c les chevaux, handelies des plus. haridelles, d q» pourc,nr on. donnoit de la vigueur d coups de fouees , fans di£ continuation,. s'arrêtèreut de concert, autant par laflïtude que par crainte. Les mafques s'emporrenr «0«N le cocher & les chevaux, pour les faire  d e M. Oufle. 45 avancer, & les chevaux & le cocher demeuroient auih tranquilles , que s'ils euiTent eu le deflein de coucher dans cet endroit. Les mafques recommencoient leurs juremens 8c 'eurs menaces, les chevaux a'en font pas un feul pas davantage. Mais le cocher plus fenfible, & d'ailleurs de mauvaife humeur, dit brufquemenr aux mafques de chaffec Ie cïiable qui étoit devant lui, s'ds vouloient qu'il allat plus loin. Un des mafques avance la téte hors de la portière, pour reconnoïtre ce prétendu diable, il voit notre loup-garou ; il s'effraie d'abord, enfuite s'étant donné le tems de confidérer cette béte , il ouvre la portière, la va trouver, fe jette fur elle, mais avec des ménagemens qui marquoient qu'il avoit peur de la bleifer ■ il appelle les autres mafques a fon fecours, les affurant qu'ils n'avoient aucun fujet de craindre , les prie cependam avec inftance , & pour caufe , de ne lui faire aucun mal. Tous fe faifiirent de M. Oufle, & 1'emportent avec eux dans le carrofle. Comme ce pauvre coureur étoit épuife par les agitations qu'il s'étoit données pendant cette nuk , on fit de lui ce qu'on voulut. Auffi avoit-il raifon de ferendre pmfque c'étoit fon fils Sanfugue, qui ne doutant pomt que ce ne fut fon père, paree qu'il reconnut fon habit , lui procura un repos dont il avoit grand befoin. II inftruifit les deux mafques de tout ce myftère ; ils plaignirent le père 8c le fils  4^ HlSTÖiRE Sc contribuèrent de tous leurs foins , pour remettre ce pauvre vifionnaire chez lui. Aufïïtor qu'il y fut arrivé , on le déshabilia \ on le mft au lit, oü il dormit plus de douze heures fort tranquillement; Sc d fon reveil , il parut homme & nullement loup-garou. Perfonne de chez lui ne fut rien de tout ce qui s'étoit paifé. Sanfueue avoit pns routes les mefures néceffaires pour que ce ridicule égarement ne devint point public. Que de bruits fe répandirent pendant plufieurs jours au fujet de notre loup-garou! que de contes on en fit! car, comme il avoit parcouru pendant cette nuit prefque route la ville, il avoit été entendu d'une infinité de gehs dont la plupart ftirenr plus que jamais perfuaués qu'il y avoit yéritablement des loups-garoux qui faifoient des défordres épouvanrables. On ne peut croire combien on fic de fuiifes hiftoires a cette occalion. Ceux qui n'avoient pas ofé ouvrir leurs fenêtres, étoient des premiers d affurer qu'ils 1'avoiéht vu tramam des chaines d'une grofTeur Sc d'une Iongueurprodigieufes,& fi grand que fa tête atteignoir preique jufqu'aux premiers érages. II y en avoit d'autres qui afïïiroient qu'on lui avoit coupé une patte en'fe défendant contre fes violences , Sc que comme c'étoit un homme forcier chang'4 en loup , on 1'avoit le lendemaia trouvé fins msan dans fon lit, Sc qu'on lui alloit faire incef-  de M. Oufle. 47 famment fon procés. Comme certe hiftoire de Ia patre coupée d'un loup-garoii, eft répétée depuis plufieurs fiècles, & qu'on précend qu'elle eft arrivée dans je ne fais combien de pays difterens , il ne feut pas s'étonner fi on ia renouvelie avec rant de feeilké. L'extravagantfe crédulité du peuple alla il loin , qu'un gueux eftropié d'une main qu'on lui avoir autrefois coupée pour un accident qui ne fentoic rien moins que le fortilège, demandant 1'aumóne dans les rues & montrant fon poignet fans main, pour émouvoir a pitié & pour exciter a le fecourir dans fa misère, on imaeina que c'étoit le loup-garou dont on avoit tant parlé; de forte qu'on 1'aUroit mis en piètes, fi, remarquant la fureur dont on commencoit a s'enflammer contre lui, il n'avoit promprement difparu. Dans un enclroit de la vilie on difoit que norre loup-garou avoit déyóré la tére d'une fille de dix-huit ans qui étoit préte a fe maner, & que fon futur époux qui fe trouva aksrs avec elle, après avoir donné plufieurs coups d'épéè au loup , étoit tombé mort de douleur fur Ia place , a ia vue de 1'effroyable fpeélacle du corps de fe maïtrefie, tombé fans rite & nageant dans fon fang. Dans un autre qüarrier, on safFembloit par pelotons , & la on faifoit de pitoyables lamentations fur un eccléliaftique qui, étant en chemin pour aller aflifter un moura.ut, avoit été pbfige de s'en  '4* tl I S t O I R E retourner chez lui, paree que ce forcier de loup1'avoit pourfuivi a outrance , de forte que le malade éroir mort, fans qu'il eüt été poffible de lui donner les fecours dont il avoit befoin. Selon quelques-uns, un courtier avoit été arraché de delfus fon cheval, & fa valife, avec toutes fes lettres, avoient été déchirées par cette furieufe béte. II y en avoit encore qui affuroient (& cela, paree qu'ils 1'avoient oui dire par des gens, felon eux , trèsdignes de foi) que ce loup-garou étoit entré dans un bal, quil y avoit danfé, & qu'enfuite il s'étoit jeté fur plufieurs femmes dont il avoit déchiré le vifage. Quelques-uns nièrenr qu'on eut bleffé le loup-gafou, prétendant que ces fortes de forciers font invulnérables. On vouloit encore qu'il eut couru plufieurs nuits de fuite; enfin chaque quartier, ou plutót chaque rue avoit fon hiftoire particuliere a laquelle on ajoutoit foi, fans autre fondement que paree qu'on la cjifoit. En fait d'erreurs populaires, on court le rifque de pafler pour n'avoir point de religon, fi, quand on les entend débiter, 1'on témoigne quelque incrédulité. Le peuple fe conftitue de lui-mème miniftre la-defliis d'une efpèce d'inquifition; il ne pardonne point fi 1'on ne croir pas comme lui. Et certes 1'on feroit fort a plaindre s'il avoit autant de puifiance pour punir qu'il a de facilité pour croire. Mais rerournons a M. Oufle qui va jouer d'autres  D E M. O U f £ !, d'autres fcènes qui ne feront pas moins extrava- ij»c tcues qu on vienr de voir. CHAPITRE VI. M Oufle Inquietfur la conduite de fa femme, met en ufage quelques fuperflituufes pratiques pour connourefi elle lui eft fidelle. T e fai Par q«elle bifarrerie M. Oufle fe mit dans 1'efpnc que fa femme ne lui étoit pas auffi fidelle que fon devoir 1'exigeoit. II devoit pourtam être forr tranquille la-deflus, paree qu'outre qu'elle avoir de la fageflè & de Ia vertu, elle étoit d'un extérieur qui la mertoit i Vkbti depareilsdangers. Les hommes ia voyoient fins conféquence. Quoi qu'il en foit, M. Oufle étoit devenu jaloux de madame Oufle , tant il elf vrai que quand on a de la jaloufie, ce n'eft pas toujours que 1'on air fujet d'en avoir. Je me perfuade que je donnerois une véritable raifon de celle deM. Oufle, fi je difois qu'il croyoit que fa femme ne 1'aimoit pas, «Sc que par conféquenc elle en aimoit un autre (car peu de femmes font fansamour) paree que, comme elle ne pouvoit fouffrir fes fantaifies fuperftitieufes , elle lui en faifoit une guerre fi continuelle, que toute fa D  5° HlSTOIKK conduite i fon égard reflembloir beaucoup a la haine. II fe mit donc dans 1'efprit qu'elle avoit quelque attachement ailleurs; mais 1'objet de cet attachement lui étoit entièrement inconnu, 8c c'eft ce qui faifoit fon grand embarras. II vouloir, a quelque prix que ce fut le deviner, & pour en venir a bout, il rappela dans fa mémoire & alla chercher dans fes livres toutes les inftrudtions qu'on ofe donner pour découvrir les fecrets les plus cachés des autres 8c leurs intrigues les plus adroitement ménagées, bien réfolu de les mettre exaélement en pratique pour arriver a fes rins. II fit chercher une grenouille dont il prit la tête, & un pigeon dont il prit le cceur, & après avoir fait sècher 1'un & 1'autre &rédtüre en poudre, il mit de cette poudre fur 1'eftomac de fa femme pendant qu'elle dormoit, 8c pafia toute la nuit lui-même fans dormir, paree qu'il prétendoit, fur la foi de fes livres fuperftitieux, qu'elle ne manqueroit pas de dire, en dormant tout ce qu'elle avoit fait étant éveillée (i). Hélas! la (i) Pour faire dire a une fifle ou a une femme tout ce qu'elle a fait, qu'on prenne le cceur d'un pigeon avec la tête dune grenouille, & après les avoir fait fécher, fi on les rdduit en poudre fur 1'eftomac de celle qui dort, on lui fera tout avouer ce qu'elle a dans I'ame ; & quand'elle  O E jVL O Ü F t E. bonne madame Oufle dormit fi bien cette nuk, qu'elle n'avoit peut-être jamais eu un fommeil fi profond. 11 fembloit que cette poudre étéit bien plus propre a procurer un bon fommeil, qu'd route autre chofe. Elle ronfla-, il eft vrai, mais elle ne paria point. Notre homme fut fort mortifié Ie lendemain marin , voyant que fon projet avoit fi mal réuffi. II ri'eh accufa pourtant pas fes livres, il s'en prir a lui-même. La nuit fuivante il fit une feconde épreuve avec la longue d'une grenouille qu'il eutfoin de placet le plus exaótement qu'il put f„r je CfEur d„ fa femme (i). Cependant la longue de cette grenouille ne fit point du tout remuer celle de cette obftinée dormeufe ; & M. Oufle fe leva fe matin auffi peu inftruit qu'il p&oit le fok aura tour dit, ii lui Fautóter, de peur qu'elle ne s'éveille Les admirabks fecrecs d'AIberc le Grand, 1. 13 p. Quando vis ut narnt tibi muiier vel puclla tua omnia qu& fecit, accipe eer Colomb* & caput Ran£, g exfiua utraque & tere & pulverifa fupra peclus dormientis, tj narrabit omnia qu& fecit. Trinum Magieurn, p. ZCh (0 Ut muiier confiteatur quz fecerit, ranam aqualem eomprehende vivam, £> tolk ejus linguam, & remkïe Mam in aquam, & pone illam linguam fuperpartem cordisfeminz dormientis, que. euminterrogetur, vera dieet. Trinum Magicum, p. xoy. Dij  SZ H I S T O I R E quand il fe coucha. Quelle mortification pour un homme comme lui qui regardoit la langue d'une grenouille comme un mpyen immanquable de lui faire acquérir des connoiiTances qui lui étoient fi importantes! Ah! certes, difoit-il en lui-même, c'eft ma faure fi je n'obtiens pas ce que je fouhaite j je n'ai pas placé, comme je le devois , cet mftrument de la fatisfaóbion de ma curiofité; Ia peur que j'ai eue d'éveiller ma femme, m'a empêché de le mettre jufte dans le lieu ou il devoit être. Pour continuer fon manége, il fit une autre rentative, fondée encore fur ce qu'il avoit appris par fes lecftures; car il étoit inépuifable fur Cette matière. II fit fecrètement chercher un crapaud, il lui arracha le cceur, & après avoir bien épié le rems auquel dormoit profondément cette innocente viétime de la fuperftition, il lui mit ce vilain cceur fur la mamelle gauche (i), & prêta toute lattenrion poffible pour enrendre ce que fa femme diroit. Elle ne dit encore rien, «Sc comme il avoit pafte deux nuits fans dormir,' (i) Mettre le cceur d'un crapaud fur la mamelle gauche d'une femme pendant qu'elle dort, afin de lui faire dire tout ce qu'elle a de fecret. Mizauld. Centurie 2 , n. 61 cité par M. Thiers dans fon Traité des Superftidons, t. I, p.  t> b M. Oufle; j ^ il s'endormit enfin lui-même; & le ma tin étant éveillé, il fe perfuada que , s'il n'avoit rien apprisde ce qu'il fouhairoit tant de fa voir, c'eft qu'il avoit ceifé d'être affez attentif pour écouter ce que , felon lui, on n'auroit pas manqué de lui dire. Quelle fatisfacfion pour un fuperftitieux , d'avoir un fi plaufible prétexte pour juftifier fa, fuperftition! On doit bien s'imaginer qu'il prit des précaurions pour ne fe laiffer plus accablerpar le fommeil, dans une occafion qui demandoit tant de vigilance En effet, pour ne plus counr Ie même rifque, il dormit une partie du jour, & enfuite il fit cette nouvelle expérience. C'eft encore pendant Ie fommeil de fa femme ? qu'il tacha de connoïtre fes fecrets. II lui mit un diamant fur la tête (i) & s'attendit enfuite a 1'altetnative qu'on trouvera dans la note ci-deffous. Ladormeufe, quelques heures après, étant apparemment laffe d'être fur un cóté, chancrea de (O II y en a qui difent que fi on nier un diamant fur fa tête d'une femme qui dort, on connoit fi elle eft fidelle ou infidelle. a fonmari, paree que fi elle eft infidelle, elle s'éveiüc en furfautyau contraire, fi elle eftchafte, elle embrafiera fon mari avec affeclion. Les admirables fecretsd'Albert Ie Grand , 1. i, p. i4J & ^ Trinum Magicumr.  54 HlSTOIRE fituation fans s'éveiller, & tourna le derrière 4 fon curieux. Ce changement de iituation le mit dans une cruelle perplexité. II concluoit quelquefois que c'étoit une preuve qu'elle avoit du mépris pour lui, & qu'elle ne 1'aimoir point. Pourtant, quand il confidéroit bien ce que fes livres aifuroient qu'elle devoit faire pour marquer fon infidélité, il trouvoit fes conclulions injuftes, puifqu'elle ne s'étoit point éveillée en furfaut' La première chofe qu'il fit le matin, auffitèt qu'il eut quitté le lit, ce fut d'aller confulter fes livres, pour voir s'il étoit dit en effet qu'elle devoit s'éveiller en furfaut pour qu'il eut fujet de I'accuftr d'infidélité; il y apprit qu'il n'avoit point du tout ete trompc par fa mémoire. Après cet éclairciflèment il jugea a propos de pouifer fes épreuves auffi loin que fes leétures lui avoient donné d'inftruclions pour le faire. II paiïa quelques jours a chercher trois fortes de pierres auxquels les fuperftitieux attribuent la vercu de faire connoitre ce qu'il fouhaitoit tar t d'apprendre. La première eft appelée galériate (i), (») Avicenne dit que fi Ion pile la pierre 'gatênéie qtfi fe trouve en Lybie & en Bretagne, qu'on la Iave ou qu'on ia fafie laver a une femme, fi elle n'eft pas chafte , elle piffefa auffitót, Si non au contraire. Les admirablcs fecrets d'Albert le Grand , I. 2 , p. 103.  D E M. O O F L E. Ia feconde quirim (i), & la troifième bératide (2). II ne les trouva point, quelques recherches qu'il en fit, & quelques fommes qu'il prormt pour les avoir. 11 fur certes bien heureux de ne pas rrouver en fon cherriin quelque fripon difpofé a profiter de fa fottife, car il étoit forr facile de lui vendre bien cher d'autres pierres de vil prix, fous le nom de celles qu'il demandoir , puifque n'en ayant jamais vu, il n'eüt pu connoïtre fi on Teut rrompé. II s'informa encore s'il n'étoit pas poffible d'avoir de 1'eau d'une certaine fontaine d'Ethiopie (3), a laquelle on atcribue. la même propriéré. A peine daigna-r-on 1'écoutet ; s'il n'avoit pas eu d'autres reflburces, il auroit été inconfolable de ne pouvoir obtenir decette eau merveillenfe, ni de ces admirables pierres; mais fa mémoire vint a fon fecours. II fe (1) ï,a pierre quirim fait dire a an homme tour ce qu'il a dans Pefprir, fi on la met fur fa tête pendant qu'il dort.. On trouve cette pierre dans le nid des uuppes , & on 1'appelle ordinairement la pierre des traitres, id. p. 10. (1) Si on veut favoir la penfée & les delleins des autres,. on prendrala pierre bératide qui eft de couleur rjqke, & on la mettra dans la bouche,./V. p. too. (3) II y avoit en Ethiopië une fontaine dont les eaus avoient la propriété de faire dire tout. ce qu'on favoit quand. on en avoir bu. Diod. Sicil, D iv  ff H i s t o i j £ lememeeffet que ces pierres ou Peau de cette Wne Son valet Mornand, qui faifoit pro! fffiondefiffletd,^ » le patfauemeut iniW, mais ^ Je J Frtdes vonins, parce qu'il n> avoit point de 'qfrprofond renu contre le bruit quil faifoit. CetoitiepL -nnantgoiier 4^^,,^^ tendu Lafuperftitionde M. Oufle vengea tous mecontens Jl alIa ^ da,rs Ia chambre de Mornand, pendant que ceku-ci étoit allé en ville dprend cette pauvre béte, lui tord bnpitoyable^ -nt le cou,remporte&lui óre le cceur. U T- " " drrdler U Vellle M ^t-W don lIpntaUfllIec-r&^pieddroi,OnneparIeta; <*> Si on n*Me cceur d'un nierIe fous Ia rfw ^ . W qu, dort, & qU-on rinterroge tón, ™a fa., & repondra aur dcmandcs qu'on Jui fcJ f " *inJ1rablesfccKtsd'AlbertIc Grand, L\, p. r^  d e M. Oufle. 57 point ici de l'amiaion de Mornand quand, a fon retour, il ne trouva point fon clier merle. II fuffit de dire qu'il 1'aimoit comme un des plus habiles élèves qü'il eut formés, & qu'il efpéroit tirer une bonne fomme d'une fi belle éducation. ^ Monfieur Oufle, muni de routes ces chofes-, s'alla coucher auprès de fa femme- car pendant ces éprcuvesil lui tint compagnie toutes lesnuits. II fe prefik de faire femblant de dormir auflitot qu'il fut au lit, afin que ne donnant aucune diftradion a fa bonne époufe, elle fit vérirablement ce qu'il ne faifoit qu'en apparence.. La pauvre femme s endormk en effet, bien éloignée de foupeonner rien de ce qu'on avoit entrepris de lui faire. II lui léve d'abord la tête le plus doucement qu'il peut, & met dejïbus le cceur dn merle ■ puis il tui fait, i voix bafie, des iuterrogations fur ce qu'il fouhakoit favoir. A toutes ces demandes mille réponfe. La moitié de la nuit fe paffa dans, ce ridicule manége , & il le continiia pendant. 1'autre moitié, après avoir mis fur elle le cesur & le pied du chat-huant. Enfin voyant tous fes. amSces devenus fi inutiles, il quitta prife,, bien tófolu de ne plus confulter le fommeil., puifqu'il: en. avoit tiré fi pen de fatisfadion, On va peutêtre croire qu'après avoir counu ia vanké. & 1'knpofture de ces fuperftkieufes pratiques,, il n'y ajputa plus de foi, & qu'il y renonca.pour reu-  58 H 1 S T O I R E jours; on croira aflurément avec raifon que ceïa devoit être ainli: mais cet homme étoit trop prévenu pour prendre un parti raifonnable. 11 s'accufoit toujours lui-même de fon peu de fuccès. II ne lui venoit point du tout dans 1'efprit d'en attribuer la faute a fes livres. Auffi, bien Ioin de fe laiTer , il reprit courage Sc fe propofa d'autres opérations. C'eft ce qu'on va voir dans le feptième chapitre*  d e M, Oufle. ffy CHAPITRE VIL Suite des pratiques fuperfiitieufes que M. Oufle mit en ufagepour connoïtre fifa femme lui étoit fidelle. lVJL Oufle recommenca fes fuperftitieufes pratiques par une invention, qui ayant un air cie proclige , étoit extrêmement de fon gofit g car,. comme ie 1'ai déja fait remarquer, les chofesfurprenantes étoient celles qui le charmoient le plus, & qui prévenoicut le plus fortement fa crédulité; cette belle invention confiftoit a prendre dès chardons , pour connoïtre la perfonne dont on eft le plus aiiné. (i) Si un homme veut favoir iaquelle de trois femmes a le plus d'amitié pour lui, il ny a qua prendre trois têtes de chardons, en couper les pointes , donner a chacun de ces chardons le nom de chacune de ces trois femmes, en* (i) Pour connoïtre entre trois ou quatre perfonncs ce!Ic qui nous aimc le plus, il faut prendre trois ou quatre têtes de chardons , en couper les pointes, donner a chaque chardon le nom de ces trois ou quatre perfonncs, & les mettre enfuite fous le chevet de ntitre lit. Celui des chardons qui marquera la perfonne qui aura le plus d'amitié pour nous., pouflera un nouveau j.'t &: de nouvelles pointes. Traité des fuperltitions, par M. Thiers t. i, p. no.  ft H>STO,Rï fuite les mettre fous Ie chevet de fon lit • les charlatans alfurenr que celuLdes chardons quipoulTera un nouveau Jet & de nonvelles pointes, marquera h-femme dont cet homme fera le plus aimé. M. Oufle p„r donc trois chardons, mit a chacun "n Pet'r P3P,ef' fur defquels il avoit écrit le nom de fa femme, & for les deux autres, les *oms de deux femmes, a qui tl ne doutoit point qu d ne fut trés-indifférent. Et ainfi il étoit trèsuupofe i conclure qu'il n'étoit pas aimé de madame Uude, fi 1'un des chardons de ces deux femmes -venon d pouflèr quelques pointes, fans que les W«s en pouflaffent autant. 11 fe coucha après avoir placé ces trois chardons fous fon chever. Sa iemme qm „e s'étoit pas encore couchée, trouvant dansfe chambre, fur fa table, un livreouvert, S avifa , je ne foi par quelle curiofité, qui ne lui ■ °fdim'ire * de üre juftement dans 1'endroit ou d étoit ouvert, & fe elle trouva 1'article de3 chardons. Cette lecture lui donna d'abord quelque lonpconj & pour s'éclaircir de.ce qu'elle foupconnoit , elle alk doucement chercher fous Ie chevet, & y troa.va les chardons myflérieuxj elle "fes con'fidéra attendvement, & y bt les nornsdont je viens de pkrlèr - il ne lui en fellüt pas davantage pour juger que c'étoit une épreuve que fon mari vouloit faire. Les noms de ces deux autres femmes lui infpirèrent a fon tour  d e M. Oufle. ^\ de Ia jaloufie. Elle remit cependant les chardons en la place oü elle les avoit ttouvés, fans y rien changer 5 mais pourtant avec deflein de s'en fervir, comme on verra dans la fuite, pourjouer quelqueS tours a cet impertinent curieux. Elle ne dormitpas fi tranquillement cette nuit qu elle avoit fait pendant celles dont on a parlé ci-devanr. Le matin M. Oufle fonge k fes chardons , les prend, les confidère, n'y trouve ni jet nouveau, ni pointes nouvelles. II ne s'alarma pourtant pas pour cela , paree qu'il s'imagina qu'il falloit plus d'unenuh pour perfectionner une fi merveilleufe opération 3 & ainfi il prit deflein de continuer cette épreuve Ia nuit fuivante. Madame Oufle qui avoit étudié route fa conduite pendant la journée, ne douta point qu'il ne recommencat le même manége dans la première nuit; c'eft pourquoi elle fit^'nv vifion de chardons. La nuit venue, elle fe coucha la première , fit femblant de dormir, 8c vit placer les chardons. M. Oufle dormant, elle fe léve, les prend, 8c met en leur place trois de ceux dont elle avoit fait provifion, après y avoir écrit ces trois noms, Michel, Gabriel, Belzébuth. Elle avoit coupé les pointes des deux premiers , 8c les avoit laiflëes a celui qu'elle avoit nommé Belzébuth. ■ Quelle fut la furprife de M. Oufle, quand il trouva le matin ce changement de noms, & qu'il apprit que Belzébuth étoit le meilleur de fes amis!  I* HlSTOÏRÈ Quel divertiflemenc en même rems pour madame Oufle, de voir fon inquiétude & fa perplexité! Car, comme elie avoir bien prévu qu'il ne manqueroit pas d etre agité & embarralfé, d la vue de cetre étrange métamorphofe, elle s'appiiqua pendant toute la journée d étudier fes mines «Sc fes démarches. FJle s'apercut qu'il vouloit recommencer cette épreuve , pour favoir d quoi il s'en devoit temt. Pendant qu'il cherchoit de fon cöté des chardons, afiu de voir fi Belzébut s'obfttneroit a fe dire fon ami, elle en préparoit d'autres pour continuer de le jetcr dans 1'embarras, «Sc en même-tems pour fe reiidre a elle-même cette foi perftition favorable, en le convainquant qu'il n'y avoit perfonne qui 1'aimat avec plus d attachement & de fidélité quelle. On comprend bien que pour cela , il falloit faire paroïtre des chardons , dont 1'un portat fon nom, & en mé me tems des pointes; c'eft ce qu'elle ne manqua pas de faire. Elle mit en la place de ceux du bon homme, les trois qu'elle avoit préparés , c'eft-d-dire , deux qui portoient le nom de ces deux femmes dont on a parlé ci-devant, avec les pointes coupées, Sc le troifième qui portoit le fien, fans en avoir rien retranché: de forte que c'étoit une preuve pour ce fuperftitieux & crédule mari, que fa femme étoit la perfonne du monde qui 1'aimoit le plus. VoiÜ comment ceux qui donnent dans les fupeiftitions  d e jLVI. Oufle. 63 fonr prefque toujours les dupes de gëns habiles 8c adroirs qui connoiflent leur foiblefle, pour ne pas dire leur fottife. Heureux quand ils ne font rrompés que comme M. Oufle le fut dans cette occafion. Le lendemain M. Oufle vifite dès le matin ces fameux chardons, & ne fe doute point de la fupercherie. Autre fujet d'admiration pour lui, quand il vit des pointes a celui qui portoit le nom de fa femme, & que les deux auttes n'en avoient poirir. II féntit d'abord de la joie, mais cette joie diminua infeniiblement, a mefurèr qu'il fit des réfiexions. Ces réflexions confiftoient a remarquer que ces rrois épreuves difoient des chofes difterentes. Dans la première, il ne s'étoit fait aucun changement; la feconde lui apprenoit qu'il étoit aimé du diable plus que de qui que ce fut; 8c par la rroifième, il paroiflbit que c'étoit fa femme qui 1'aimoit le plus. Ces difFérences lui fournirent matière de pli fieurs raifonnemens, qui aboutirent • enfin a lui faire conclure qu'il ne devoit pas ajouter plus de foi a la dÊrnière épreuve, qu'aux deux autres, & qu'ainfi une quattième éroit abfolument néceflaire pour décider. II fit donc cette quatrième épreuve, 8c madame Oufle la rendit,par fon adrefle, égale a la troifième, de forte que fon mari fut a-peu-près convaincu de la fagefle de fa conduite. Je dis apeu-près, paree que cequiarriva le même jour, fait  H H ï S T O I R B croire qu'il lui étoit encore refté quelque doute dans 1'efprit. Comme il étoit agité fur ce fujet cle penfées différentes, & d'une efpèce d'inquiétude qui nelui permettoit pas de refter longtems dans une même place, il alla fe promener 1'après-dïnée dans un grand jardin qui lui appartenoit, & qui étant environ a un quart de lieue de la ville, 1 eloignoit du grand bruit, & lui fervoit d'une retraite agréable, quand il vouloir n'étre point troublé dans fes réveries. Ce jardin étoit parfairement bien entretenu les fruits, les fleurs, les légumes n'y manquoient point, autant que le tems le permettoit; après avoir vifiré fon potager, il entra dans une efpèce de boulingrin, orné de toutes fortes de fleurs. Celles qui attachèrent le plus fa vue, furent plufieurs héliotropes , qu'il confidéra fort longtems. II ne faut pas s'en étonner, car il fe reflbuvenoit d'avoir lUjs que fi on cueille une de ces fleurs au mois d'Aoüt, lorfque le foleil eft dans le figne du bon, & fi après 1'avoir enveloppée dans une feuille de laurier avec une dent de loup, on met ce petit paquet dans une églife; pendant tout le tems qu'il y fêra, les femmes infidelles a leurs maris > n'en pourront fortir(i). On étoit juftement dans le tems (i) Si on met dans une églife i'héiiotrope, après 1'avoir marqué  i> E M. O U F £ É, 65 marqué par cette fuperftition, & le moven qni fe préfentoit a M. Oufle, pour le rendre entièrement éclairci fur ce qu'il fouhaicoit fi fort de fa voir, lui paroiffoit trop facïle pourle négliger. II avoit dans fon jardin beaucoup d'héliotropes 8c de lauriers ; une dent de loup n'étoit pas difficile a trouverj c'eft pourquoi il prit a 1'inftans le parti de mettre en ufage cette nouvelle épreuve. II fort donc fur le champ pour aller chercher une dent de loup- au lieu d'une, il en trouve un trés-grand nombre, & de peur den manquer, il en achète fix. II retourne dans fon jardin, fe fournit d'héliotropes 8c de lauriers. Après être rentré chez lui, il met le tout en lieu de fureté, & le foir étant venu, il fe renferme, préparefecrètement fon paquet, bien réfolu den faire ufage le lendemain. Voici comment il exécuta ce grand projer. II fur de fa femme a quelle heure elle devoit aller » leghfe; il 1'a précède de quelques momens, mee fon héliottope avec tout fon aflaifonnement dans un coin, & fi bien caché que perfonne n'en pouvoit, rien voir. Lui-même fe cache, voit entrer fa eueillie au mois d'Aoüt, pendant que le foleil eft dans le fignc du Lion, & qu'on 1'enveloppe dans une feuille de laurier arec une dent de loup, les femmes qui ne feront pas fidelles a leurs maris n'en pourront fortir fi on ne 1 oce. Les admirables fecrets d'Albert le Grand, 1. i, p. 7J. E  Gé Hl S I O 1 R ! femme quelque tems avant midi. Après qu'eile eut fatisfair aux devoirs de fa religion pendant em viron une demi-heure, elle fort avec plufieurs autres perfonnes qui avoient aflifté comme elle au même myftère; cependanr le paquet étoit toujours dans la même place, ce qui donna une joie inconcevable a notre vifionnaire ; puifqu'ajoutant foi, autant qu'il faifoit, a tous ces fuperftitieux ufages, il avoit lieu de ne plus douter de la fidélité de fon époufe. II faur dire vrai; ce dernier effai le tranquillifa fi fort, qu'il abandonna entièrement le delïïn de faire aucune autre épreuve. Cependant il voulut fe donner le plaifir de voir fi de toutes les femmes qui étoient dans leglife, il n'y en auroit point quelqu'une qui n'en pourroit fortir pendant que fon paquet refteroit dans le lieu ou il l'avoit mis. Heureufemenr pour leur répuration, felon la prévention fuperftitieufe de notre homme, elles fortirent toutes 1'une après 1'aurre, excepté une qui refta fi longtems, qu'enfin notre curieux s'imparientarft prend fon paquer, fort & attend a la porte, pour favoir fi elle le fuivroit ; elle fortit en efTer prefque auffitöt après; mais c'étoit paree qu'elle avoit fini fes pieux exercices, & non pas, comme il croyoit, paree que 1'héliotrope n'y étoit plus. II ne laifTa pas toutefois de tenir pour certain qiie c'étoit 1'héliotrope qui l'avoit retenue fi longtems dans leglife; & pour voir s'il avoit tout-a-faiï  ï> E M. O U JF 1 E. £^ taifon de le croire ainfi, il la fuivir, Ia vit entree chez elle, s'informa enfinte de fon état, & apprit que c'étoit une fille d'environ vingt ans, qui avoit refufé plufieurs partis confidérables qui s'étoient préfentés pour 1'époufer; qu'elle les avoit tous refufés , paree qu'elle avoit renoncé au monde qu'elle avoit mené toujours une viefort régulière, Sc qu'elle alloit s'enfermer dans un couvent pouc Ie refte de fes jours : & ainfi 1'héliotrope n'avoit eu envers elle aucune vertu, puifqu'il ne s'agilToit que de connoïtre les femmes infidelles fleurs maris. M. Oufle qui n'aimoit point du tout i approfondir les fuperftitions, quand il paroiflbit quelque fujet de révöquet en doute 1'exécution de ce qu'elles promettent, ne voulut point faire Ia difcuffion de celle-ci. C'eft ainfi que les fuperftitieux ont autant d'averfion pour tout ce qui les peut détromper, qu'ils font faciles a être trompés. Hij  08 H I S I O U £ CHAPITRE VIII. Du divorce quife mit entre M. Oufle & fa femme, & des moyens fuperftitieux dont fe fervit l'abbé Doudou leur fils, pour tucher de rétablir la paix entr'eux, ]Vf. Oufle revint fi bien des foupcons qu'il avoit eus fur la conduite de fa femme, qu'a voir la complaifance qu'il monttoit pour elle, & toutes les amitiés qu'il lui faifoit, on auroit dir qu'il ne s'étoit pas fait la moindre alrérarion dans fa tendrefle. II avoit pourtant agi froidement a fon égard, pendant toutes les épreuves dont on a parlé; mais foit qu'il fut vérirablement perfüadé qu'elle ne le trompoit pas, foit qu'il fut las de fe donner rant d'inquiétudes & de troubles, il la traira avec autanr d'affeótion, que s'il n'avoit jamais douté de la fienne. Mais elle n'avoit pas pour lui des fentimens tout-i-fait femblables; deux raifons 1'en empêchoient; la première, c'eft qu'il avoit eu mauvaife opinion de fa conduite; la feconde, & qui étoit la plus forte, c'eft qu'elle le foupconnoit lui-même de quelque infidélité, a caufe de ces deux femmes, dont leschatdons avoientfait mention. Ces deux raifons faifoient qu'elle ne répon-  d e M. Oufle. de ceux qui aiment, & dont il tachoit de s'acquit- ter le mieux qu'il pouvoit. Le bon M. Oufle auroit bien connu qu'elle fe moquoit de lui, s'il ne s'étoit pas mis dans 1'efprit, que l'hippomanès faifoit fon efFet. II eft vrai, difoit-il en lui-même, que Dulcine ne me dit pas qu'elle m'aime; mais il eft conftant que le plaiiir qu'elle prend a. me voir, & a m'entendre, marqué qu'elle feut plus de tendrefle pour moi, qu'elle n'ofe m'en faire ouvertement paroïtre. Sa vertu 1'empêche de fe déclarer. Qu'ai-je a fouhaiter davanrage que de connoïtre que je fuis aimé de ce que j'aime? Avant l'hippomanès, a peine me pouvoit-elfefouffrir; depuis que j'ai appelé a mon fecours ce merveilleux & charmant fecret, bien loin de lui être infupportable, je la fais prefque toujours rire, tant mes difcours & mes acfions lui font agréables. Encore une fois, que puis-je fouhaiter de plus? C'eft ainfi qu'il fe flattoit d'être arrivé a fes fins. II s'enferoittenuacesréflexionsfi confolantespour lui, s'il n'avoit pas été renté par quelques leótures qu'il fit dans la fuite, de mettre en ufage d'autres  SO HlSTOIRE pratiques fuperftitieufes qui lui parurentégalement faciles & efficaces , .rant il eft vrai que la fuperftition Ie fuivoit par-tout, & qu'il ne la perdoit point de vue. La première de ces pratiques confifte a fe fervir du poil du bour de la queue d'un loup (i); la feconde, a attacher a fon cou certains mors barbares (2), auxquels on ne comprend rien, & auxquels ceux qui les ont imaginés, n'ont rien compris eux-mèmes; larroifième, dans la partie droite d'une grenouille rongée par les fourmis (3) ; la quatrième, i fe frotter les mains de jus de Verveine, 8c puis toucher la perfonne dont on defire fe faire aimer (4); la cinquième, a porrer devant . (1 ) Pline donne au poil du bout de la queue du loup, une vertu pour fe faire aimer. Diu. Cur. 6,13. (1) Attacher a fon cou ces mots Sc ces croix, f autkos, f a. aortoo, ^ noxio, f bay, f gloy, f aperit, •} , pour fe faire aimer de cout le monde. M. Thiers, t. I, p. 410. (3) On dit que des os d'une grenouille verte, rongcé par des fourmis, les parties gauches font haïr, & les parties droites font aimer. Diu. Cur. 6, ij. (4) Si 1'on veut Ie faire aimer d'un homme ou d'une femme, on fe frottera les mains avec du jus de verveiné , & enfuite on touchera la perfonne dont on veut être aimé. Les admirables fecrets d'Albert le Gtand, 1. ;, p. 166. 1'eftomach,  DSM. OUFLÉ. li i'eftomac , la tête d un milan (i); la fixième t dans une pommade compofée de la moelle du pied gauche d'un loup> d'ambregris & de poudre de Cypre M. Oufle étant muni de ces beaux fecrets, alla chez Dulcine avec une fi grande confiance, qu'il s'imaginoi't qu'auifitöt qu'il feroit entré ■, elle lui viendroit fauter au col. Ce n'eft pas pourtant qu'il demandat des carefles; ou s'il en demandoit, ce n'étoit que paree qu'il les regardoit comme des preuves d'amour •; & non pas qu'il les fouhaitat dans un efprit devolupté. Elle le ree, ut a 1'ordinaire; c'eft-a-dire, comme un homme qui venoit lui donner une efpèce de comédie ~, & la divertir. Après s'être entretenu quelque tems avec elle j il tira négligemment & comme parhafard, une petite boite d'argtRt ou étoit cette metveilleufe pommade; comme 1'odeur en étoit fort agréable, Dulcine marqua qu'elle lui faifoir plaifir. II n'en reflèntit pas moins de voir qu'elle goutoit délicieufement (i) Si 1'on porte devant 1'eftomac la tête d'un milan, elle fait aimer de tout le monde, & furtout des femmes, id. 1. i, p. ii 6. (i) Pour fe faire aimer conftamment, prendre la moellé iu pied gauche d'un loup, en faire une efpèce de pommade avec de 1'ambre gris & de la poudre de Cypre, porter fur foi cette pommade & la faire flairer de tems en tems a la perfonne. Le folide Tréfor du petit Albert, p. n, F  $Z HlSTOIRE ce philtre qu'il lui avoit préparé. II voulut qu'efié gardatla boitej & elle la ree ut fans facon & fans conféquence , paree que le préfent étoit d'une fi petite valeur, qu'il n'étoit pas capable de blefier fa délicatelTe. ' On juge bien que M. Oufle étant aflbré qu'elle fentiroir fouvent cette pommade, & s'y confiant autant,qu'il faifoit, il conclut qu'il n'avoit plus neni pratiquer pour gagner Ie cceur de fa makreflè. II conrinua longtems i la voir fur Ie même pied & avec la même fatisfaction. Ne demandant que d'être aimé, & croyant 1'être, il ne cherchoit rien de plus. Heureufement pour lui, il ne fut point troublé jfer fa femme dans ce commerce que fon imagination lui rendoit fi doux. Elle étoit inftruite par Dulcine de rout ce qui fe paflbit entr'eux, & comme elle craignoit que de 1'humeur qu'il commencoit k être , il ne s'adrefsdt ï d'autres femmes qui profiteroient de fa foiblelTe , elle contribua de fon eöté, autant qu'elle leput k 1'amufer auprès de cette veuve,fur la fagefle delaquelle elle fe repofoit. Sa précaution lui fut pourtant inutile; car M. Oufle voulant aimer plus de deux femmes ' pour mieux fe convaincre de fon prétendu penchant, prit dans la fuite parti ailleurs, & il porta fes vues fur une perfonne dont le caradère étoit bien diftérenrde celui de Dulcine; c'eft ce qu'on va voir dans le chapitre fuivant.  D E m. o TJ F I, E. CHAPITRE X. 'D'une nouvelle maureffe que fit M. Oufle; des fuperfiitions dont il fe fervit pour en être aimé, & quel en fut- le fuccès. Il y avoit dans le voifinage de m. Oufle une jeune fille dés plus coquettes , & très-jolie que je nommetai Dorife, Sa familie étoit des plus communes ; cependant elle imitoit par fes manières les filles de cjualité; elle avoit auprès d'elle une rante poftiche qui la fuivoit par-tour, &qui ne paroifToit fage & féyère, qu afin que fa prétendue nièce le parut auffi; & arnfi , quoique Dorife fut entièrement maïtrefTe de fa conduite, elle ne laiffoit pourtant pas de montrer une grande dépendance des volontés de fatante prétendue. Cette tante, vieille routière dans ce métier, l'avoit fouvent avertieque les hommes ne donnent qu'autant que durentleuts defirs, & qu'ils fe retirent prefque roujours auffitöt qu'ils n'ont plus rien a defirer; Dorife avoit fi bien profité de ces avis, qu'elle étoit devenue aflez riche pour paroitre dans le monde avec quelqu'éclat, &pourvivre chez elle avec beaucoup de fomptuofité. Entre les hommes qui la fréquentoient, il y en avoit plufieurs qui s'en faifoienthonneur, paree F ij  Histoirü qu'on prétendoir que perfonne ne favoit mieux qu'elle donner des lecons de politefle, d'agrément & de favoir vivre. ^ M. Oufle entreprit dé faire Cette conquête. II fuC d'abord recu comme 1'eftordinairement un homme riche. La tanre & la nlèce mirenr en ufage les rninauderies les plus adroites, pour tirer de fa bourfe le plus qu'il leur fut poffible. II donna en effet fouvent, & on eut la bonté de recevoir. C'eft 1'ordinaire des coquettes de profeiïion. Elles croyent faire une grande grace de prendre; & les hommes font aflez fots pour marquer leur en avoir de grandes obligations. Notre vifionnaire fut de ce nombre pendant plufieurs mois; il commenca enfin d fe lafler, voyant qu'on ne lui dormoit point d'autre preuve d'amour, que de lui permertre de faire des préfens, ou den demander, quand il n'en faifoit point. II difoit fouvent d Dorife qu'il 1'aïmoit, & qu'il fe croiroit le plus heureux des hommes, fi elle le payoit de quelque retour; Sc Dorife affedoit de n'ofer fe déclarer la-defliis, cequi défelpéroir ce pauvre homme. II redoubla'ies préfens , pour prouver encore plus eflicacement qu'on n'avoit aucun lieu de douter de la fiucérité de fesamoureufes proteftations; & c'étoit juftement-li le moyen de ne rien décider avec lui, puifqu'il paroiffbit, par cette conduite, que c'étoit 1'incertitude qui 1'engageoit a continuer Sc a augmenter fes [ibéralirés.  DE M. O O E E E. 8.5 Notre amoureux continua encore, pendant quelques mois, fes vifires & fes libéralités. II s'obftina même a prodiguer, 8c pat un raffinement favorable pour fes vifions, il fe réjouit dans la fuite de voir 1'inütilité de fes préfens, fe promettant plus de fuccès des fuperftitions dont il prit deflein dé fe fervir pour gagner le cceur de Dorife, & lui faire avouer qu'elle 1'aimoir. Entre plufieurs fecrets que fes livres lui enfeignoient, il choifitceux-cï.II alla chez la eoquette , porrant fur lui une figure de Jupiterqui avoit la forme d'homme, furmoneée d'une tête de bélier (1); mais ce n'étoit pas le moyen de plaire, que de fe contenter de porter quelque chofe fur foi, fans rien apportet chez elle; c'eft pourquoi il en fortit comme il y étoit entré. II ne réuflit pas mieux avec des petits d'hirondelles, préparés felon la manière qu'il avoit lue (2). II eut enfin un fuccès malheureux pour la helle,, par une compofition faite de fon fang , 8c d'autres drogues ($) qu'il lui (1 ) Jovis figura, qus. fit in forma hominis cum arietis. capite > gejlantem facit amabilem , citoque impetrantem quicquid volaerit. Trinum Magicum , p. 189. (1) Vier-précend que les petites hlrondélles, dort le bec fera ouvert, Sc qui auront été trouvées mortes de faim en un pot. mis expres dans Ia terre, ferorit aimer, 8c que celles dont le bec fera fermé, feront haïr., (3) Tirer de fon fang , un Vendredi du prmtems, le. faire fécher au four dans un pecit.pot vcrniffé, après que Ie. F iij  ff H IS T O I R E * prendre, fans qu'elle s'en aperxut (z); car k « e extremtté qu'on cru,, pendant quelque omS3quellenenreviendtoitpa,IlneftpasL ^quece futceplnlttequi lui caufa cet acci- , ' «I on ?#É fo«Pconner avec quelque fondement (z). 1 1 M. Ouflenefavoit plus quepenfer de tout ceci •aedeCWT ^Wfeï defepiamdtl beaucoup des maux qu'elle fouffioit, & de lui ex pnnaer la crainte qu'elle avoit de mounr. II eUt Ia ■ pin eft tiré, avcc ks ^ (I) Vai;-HeI~ fait u„ raifön?énient m;f7 ■ comment terpjes opWj C£ téODnetn nc „, « - gallias. Les PhiIt,es font auffi de piu,s *• Po«r les farts qu'on allègue Pour preuL, ou ils £ fau^o^lsdépendent d'autres caufes. Didt Trév WLncJc femmedeLucrece, defireute defefairéaimer f f°" ' kH d°"»a - amoureus qui le renQS *™:, ?n-,l fe tua de fa ptop« main. ^ ' *nt,q.juj.. cvft pourquoiOvidea dit: ' ^ *mhk forens katern. Ie breuvage que Cefonia donna a Ca%ula, pPUr fc «W> *mer, M fit perdre lelprir. Suet. in Calig.  DE M. O U F t E. 87 fottife- de s'iraaginér qu'elle ne-craignoit la mort, que paree qu'elle lafépareroit de lui.Cetteréflexion le contenroit extrêmement. Cependant la rrraladie fit place a la fanté; Dorife reprit fon embonpoint, de elle fe rétablit fi bien, que 1'on. recommenca auffitot a voir chez elle tante cette jeunefle brillanre dont la principale occupation eft de courir les belles qui fout le plus de bruit, & dont on parle - le plus. M. [Oufle n'avoit. encore rien qui 1'aflurat qu'il étoit plus aimé que '.les autres. Franchementil avoit beaucoup de fujet d'en douter; car, a fes richefles prés, on ne voyoit:rien en hu qui méritatlapréférence. C'eft pourtant beaucoup pour un homme qui aime , que de palier pour être riche. Avec ce mérite , on fait de grands progrès auprès des coquettes. II faut auffi dire que ces progrès ne regardent point leur cceur; elles nedonnent fouvent aux riches que des minaudeiïes étudiées , & réfervent toute leur tendrefle a quelqu'amant qui leur convenant mieux, profite. avec elles des hbéralités des autres. Enfin M. Oufle réfolut abfolument de fe faire, aimer, & d'empioyer , pour y réuffir, le fortilège & ï'enchantemenr. il falloit que fa paffion fut bien. violente alors, puifqu'il poufloit jufques-la la fuperftition. II fit faire une efpèce de bague magique' avec toute la cérémonie & toutes les circonftances F iv  ?S .2 H I feroit trop pent pOUr ! A «» ; UÜer'P0urq«iiy.donnatIa ^ns «, petit morcea„ d ' i envelopper- feaccouplcravect-roisdesfensproprcs en d^ * JwtffcrA. 6> w ton l °f.CS'mJtCam:ó corps, F« enWe dans fe^ d„ ^J]^^^  d e M. Oufle. S dernière main, Dorifey alla auffi, pour y changer une petire agrafe de diamans qu elle porroir, en une autre plus a la mode. Elle y vit pr hafard la bague magique en queftion , fi.is pourtant que ni elle, ni le joaillier foupconnaffent quelle eftc la moindte tare de magie. Elle la trouva forr jolie & fort fingulière. Le joaillier qui babilfoit volontiers lui dit que c'étoit un homme riche qui l'avoit fair faire, qu'il devoit la reprendre le même jour; qu'il paroilToit en faire grande eftime, qu'il avoit marchandé une croix de diamans d'aiTez grand prix, Sc qu'il lui rrouvoir une grande envie de Facheter. Dorife ne pouffia pas plus loinfa curiofitéElle fit fon marché & s.'en rerourna. Le lendemain M. Oude alla quérir Ia bague, en fit ptéfent a la belle, & en concut les efpérances les plus fortes. Dorife la reconnut pour la même qu'elle avoit vue la veille, & fe reffouvenant auffi de la croix de diamans que la même perfonne avoitmarchandée, elle préfuma qu'elle pourroir fuivre fa bague, fi elle favoit bien prendre fes mefures. Elle fit alors aM. Oufle plus d'amitié que jamais, dans 1'efpé-rance d'avoir la croix de diamans. Mais ie bon M. Oufle, bien éloigné de deviner la veritablecaufè, croyoit fermement que c'étoit le charme de la bague qui opéroit. Elle alla fous quelque prétexte le jourd'après chez le joaillier, & demanda a voir cette- croix fi defirée; elle la vit, en fuc chaf-  9° H I S T O I R E mee, faifoit aucuneattention;il étoit perfuadé de 1'effet prétendu de fon philtre; cela I„i foffifoit; c'eft pourquoi il ne jugea pas a propos d aller plus loin. VoiH comment le hafard & %no. rance des vraies caufes , font fouvent reader comme prodigieux des effetsqui font trés-naturels Enfin, comme M. Oufle avoit obtenu ce qu'il fouhaitoit, il fongea a faire retraite, Ses vifaes devmrent moins fréquentes; il „e faifoit plus de préens Quand d ne venoit pas, on lui écrivoit pour fin faire d'obligeans reprocfies, & lui, pour ne pas declarer ouvertement fon mtention , donnoit de wechantes raifons,qu'on recevoitpour telles qu'elles «oient véntablen^nt: car les filles comme Dorife out tant d'expérience qu'elles connoiiTent les inten«ons, de quelque déguifement qu'onfe fervepour  D £ M. O U F £ E. £l les cacher. Elle continua, pendant quelque tems, fesafFectueufes perfécutions. Elle lui envoya même un bouquet fort galant le jour de fa fête; il lui rendit vifite le même jour, pour 1'en remercier. Et comme prévoyant qu'il la pourroit venir voir, elle avoit mis en ufage tout ce qui pouvoit relever, augmenter & faire valoir fes charmes, il fortit plus paffionné & plus épris qu'il n'avoit encore été. Quand il fut de retour dans fa maifon, il lui vint une fantaifie qui lui embarxaiTa bien 1'efprit. II s'alla imaginer que c'étoit ce bouquet qui le rendoit de nouveau li paiTionné pour cette fille, & qu'elle l'avoit compofé par quelqu'artifice magique; mais il étoit trop habile en certe matière, pour ne pas trouver bientot un remède contre ce prétendu enforcellemenr. II fe fervit, pour cela, d'une chemife de cette fille , qu'il obtint par adrelfe de Ia femme qui la fervoit. On verra dans la npte ci-def-, fousle ridicule ufage qu'il en fit (i). II rendit depuis quelques vifites qu'011 recut trésfroidement, paree qu'on défefpéroit de faire venir- (i) Si une femme a donné quelque chofe a un homme pour s'en faire aimer, il prendra fa chemife & pifiera par la; têtière & par la manche droite; auffitót il fera déiivré de., fes rnaléfices. Les admirables fecrets d'Albert le Griipd^ 1. i, p. i 4.7,  91 HlSTOIRE cette croix de diamans qui avoit tenu fi longtems au cceur; ainfi la rupture fe fit infenfiblemenr, & chacun prit patri ailleurs. Je ne parlerai point de quelques autres amours de M. Oufle; paree qu'ils furent très-peu importans, & que les fuperftitions n'y eurent point d'autre part que celle qui 1'excitoit a aimer les femmes • afin de fatisfaire au pronoftic de fa naiflance.  d e M. Oufle. 93 CHAPITRE XI. Ou 1'on montre, par un très-grand détail, combien M. Oufle étoit difpofé d croire tout ce qu'on lui difoit ou toutce qu'illifoitdesfantómes}fpeclres3 revenans & autres apparitions. O N va apprendre dans ce chapitre combien il eft vrai qu'un efprit foible eft très-difpofé a faire un mauvais ufage de tout ce qu'il lit dans les livres qui traitent de chofes furprenantes, prodigieufes & extraordinaires , & avec quelle facilité il croit toutes les hiftoires qu'on lui en fait. M. Oufle , toujours efclave de fa prévention qui 1'afluroit que tout ce que 1'on avoit écrit de plus incroyable, étoit cependant digne de croyance , avoit dans fa bibliothéque un trèsgrand nombre de livres qui traitoient d'une infïnité d'hiftoires fur les forciers, les magiciens, les devins & les revenans. C'eft particulierement de ces derniers, je veux dire des revenans, fpeétres & fantómes que je me propofe de parler a préfent. II s'étoit mis dans 1'efprit que fon horofcope vouloit qu'il fut un des gens a qui les fantbmes apparoiflent le plus volontiers, & plus ordinaire-  54 H i s 't o i j { TnIq/f futres'parce étoit "é e» Nftfëf afpedt de la planère de Saturne (x). Rempli de certé ridicule idée, il s'imaginoit voir prefquetoujour, quelque fantóme bizarre. Un bruit dont il ne fa voitpomt la caufe, & qu'il èntendeit la nuit étoit pour lui une marqué qué quelque revenant ródoit dans fa maifon. Une ombre caufée par 1 mrérboii. "on d une chaife óu de quelqu'autre meuble lui donnoit occafion de faire 1'hiftoire de 1'apparition dun fpedre. II fe perfuadoir même, aul lort qu'ayaurlesyeuxfermés, jenefais quelles fWres fe prefentoient a fa fantaifie ( ce qui arrivé PreL'd tout Ie monde); c'étoient autant d'idées fantaftiques qui lefmvoient par-tout, parce que fon horoW vouloit qu'J ne fut point fans quelque vifion. Un jout qu'il entretenoit fort féneufement fon frère Noncrède de toutes ces prétenclues apparitions, celtu-ci qui étoit bien éloigné d'ajouter foi a de telles fadaifes, lui rit au nez, & lui dit fans detour que tout ce qu'il croyoit voir n'avoit point d autre réalité que celle que fon imagination produnoit. II eft difhcile d'exprimer la fmeur dans K quelle entra alors M. Oufle, voyant qu'on traitoit O) Les aftrologues difent que ceux dont 1'horofcope r=garde diredtement en premier afpeft lapland de Saturne > voyent plus de fpeétres que les autres qui font fous une autre planète. Des Speétres, par le Loyer, p. 4;<, %éo  d e Mt O u f l e. ^ d'imaginaires , des chofes qu'il croyoit auffi réelles que fa propre exiftence. Ce que Noncrède venoit de lui dire , joint avec quelques raifons qu'il apporta pour le détromper, lui échauffa telleitient la tête , que, rappelant tout-d'un coup dans fa mémoire tout ce qu'il avoit lu fur ce,fujet, il fit une tirade de difcours auffi longue & auffi ridicule que celles que les doéfeurs de comédie débitent queb quefois fur le théatre, fans vouloir donner a ceux a qui ils parient le loifir de répondre. On ne fera pas, je crois, faché de rrouver ici cet extrava* gant difcours. Je le vais rapporter rel qu'il fut dit; car le matois Mornand qui y étoit préfent, eut foin de lecrire dans le rems que fon maitre le prononcoit. Tirade de M. Oufle fur les apparitions. E n me riant au nez 5 comme vous le faites, M. mon frère, de ce que je vous dis fouvent qu'il m'apparoït des fpectres, vous me faites pleurer de 'pitié pour vous • parce qu'en vousmonttant incrédule fur cette mattere, vous vous imaginez que c'eft un moyen de perfuader que vous êtes un efprit fupérieur. Er moi je vous foutiens que vous êtes un efprit fi petit, que fa fphère n'apu s'étendre aflezloin, pour acquérir, comme moi, toutes les connoiflances dont je fuis parfaitement inftruit a  9S H I S T O I R È cetégard.Que defavansquinous apprenneutla pof* fibihte de toutes ces appatitions dont vous vous moquez! Que d'hiftoriens qui nous en rapporteut des fans mconteftables^uifqueleursouvragesfontap prouves & imprimés avec privilege! Comment les fantomesneferoient-ilspasaufficommunsqu'onle dit5puifquelesaitresenproduifentuneinfinitéquils envoient tousles jours, mêlésavecces influences fi celebres chez les aftrologues & fi communes parmi nous(i)?ündesplusilhiftresphilofophesderantiquité, ne nous afiure-r-il pas que les ames de ceux qui ont vécu dans le déréglemenr, deviennent des ipeótas après leur mort; parce que J'artachement qu elles ont eu pour leur corps, pendant qu'elles y etoient unies, les a rendu fi marérielles, quWès en erre féparées , elles deviennent elles-mêmes comme des corps, & font vinbles a ceux qui fe ttouvent en leur palfage, lorfqu'elles font errantes Sc vagabondes fur la terre (z) ? Un autre philofophe ne dit-il pas encore qu'il s'engendre des fantómes O) Pomponace prétend que les aftres produifent des' ïpectres. (i ) Platon croit que les ames de ceux qui avoient mal vecu, devenoient des fpedtres après leur mort & fe rendoient Vifibles; comme ayant contracté cette qualité avec leurs corps, avec lequel s'étant trop attachèes, elles en rapportoient quelque chofe de corporel. Socrat, in Pkxd. arui rlatonem, des  b £ Mb Oufle. 97 des dépouilles & des écaiües des chofes naturelles (i} ? Eres-vous fi ignorant dans 1'hiftoire j que vous ne fachiez pas que la raifon pour laquelle les anciens étoientfi exaófcs a bruler les corps desmorrs, & a recueillir leurs cendres, c'eft parce que , fans certe précaution , les ames qui avoient animé ces corps j auroient erré continuellement, fans pouvoir prendre aucun repos (2)? Etdites-moi, je vous prie, pendant que ces ames étoient ainfi errantes , n'eft-il pas croyable , quafin de fe défennuyer, elles s'amufoient a femontrer aux vivans, ou pour leur faire peur, ou pour les divertir ? Nous-mêmes tops les jours, ne prenons-nous pas plaifir, quand nous nefavons que faire, a infpirer quelque frayeur non-feulemenr a ceux que nous croyons fort faciles a en prendre, mais encore a ces efprits forts, a ces ( i) Lucrèce dit, 1. 4, que des dépouilles & écaiües des chofes naturelles, s'engendrent des Simulacres. {%) L'erreur des Grecs qu'ils ont commUniqüée aux Romains, & ceux-ci a nos anciens Gaulois, éroit que les ames, dont les corps n'étoient pas folemnellement enterrés par le miniftère des prêtres de la religion, erroient hors des enfers fans trouvet de repos, jufqu'a ce qu'on eüt brulé leurs corps & recucilli leurs cendres. Homère fait apparoitre Patrocle tué par Hedtor , a fon ami Achillc, pour lui demarider la fépulture. Differtation fur ce qu'on doit penfer de Tapparition des efprits, a l'occafion de 1'aventure qui eft arrivée a faint Maur, p. zo - 21. Q  9S H I S T O I R E Noncrèdes qui veulent perfuader que rien ne les peut épouvanter ? Je faisencore (mais pour vous, vous ne vous mettez pas en peine de favoir toutes ces chofes; c'eft pourquoi vous raifonnez fi mal); je fais encore, dis-je , que les Juifs croyent que les ames érrent pendant un ah autour des corps (i). C'eft ce qui me dönne lieu de croire que ce qu'on dit des morts qui apparoiflenr dans les cimetières, eft très-vrai, quelque chofe qu'en difenr les prétendus efprits forts comme vous. Croyez, M. le bel efprir,M. 1'incrédule de profeflion, croyez, dis-je, que ces fameuxphilofophes appelésPythagoriciens, qui avoient affurément plus d'habileté que vous n'en aurez de votre vie, ne me démentiroient pas , comme vous faites, puifque leur opinion fur la tranfmigration des ames (2) autorife la mienne, & en ( 1 ) A caufe que les Juifs font errer les ames pendant un an autour des corps dont elles font féparées; ils croyent les apparitions. Le monde enchanté, 1.1, 1, iji. (2.) M. Dacier, qui a fait Ia vie de Pythagore, pre'tend qu'il ne faut pas entendre 1'opinion de ce philofophe & de fes fectateurs, comme plufieurs 1'ont entendue jufqua préfent. II prend la chofe moralement. Ce qu'il dit la-deffus eft très-bien imaginé. Gn y renvoye Ie le&eur curicux j le fujet mérite bien qu'il fe donne cette peine. Les Manichéens cioyoient aufft la métempficofe, tellement que les ames, Telon eux, paiTent dans des*corps dc pareille efpèce que ceux qu'elles ont le plus aimés pendant  ï> Ë M. O U F 1 I. 59 même tems ceHe de tant de grailds hommes qui ■ont penfé, difcuté , examiné & prouvé la même •chofe avant moi. Car ces ames, en chemin faifant pour aller dans d'autres corps, ne pouyoient-elles pas apparoitre a ceux qui fe rrouvoient fur leur route? Qu'eft-ce que les anciens entendoient par manes , lares, larves & lémures, finon des fantómes qui apparoiiTent (i) ? Nous avons une infinité leur vïe ou qu'elles ont le plus maltraités. Celle qui a tué lm rat ou une mouche, feracontrainte, parpunition, d'entrer dans !e corps d'un rat ou d'une mouche. L'état ou Ton fera mis après la mort, fera pareillement oppofé a l'état oii 1'on eft pendant la vie. Celui qui eft riche, fera pauvre, & celui qui eft pauvre, devicndra riche. Le Monde enchanté, I, z6z> (i) Porphyrio, fchotiafte d'Horace, avec ïfidore, fait les lémures, ombres des hommes morts de mort violente Si avant leur age. Le Loyer, p. 105. Les ames des trépaffés s'appellent manes, parce qu'elles demeurent après les corps; elles reftoient dans la maifon pour la garde des fuccelfeurs du défunt, & c'étoient les bonnes, les lares, les dieux domeftiques. Les méchantes étoient appelées larves, fantömes nocturnes, & fpeétres ou lémures, qu'on croit venir de Rémures, & Rémures, de Rémus, frère de Romulus, qui s'imagina, par frayeur, voir 1'ombre de fon frère devant lui, après qu'il 1'eut tué. Le Monde enchanté, 1, 14, ; Apulée, dans fon livre du Dieu de Socrate, expliquant le mot de manes, dit que 1'ame de 1'homme, détachée des Gij  IOO HlSTOlRE d'aureurs qui font de ce fentiment, & il fubfiftera, malgré tous les Noncrèdes du monde. Ah! que vous allez encore être bien étonné de ce que je vais vous dire, beau rieur! car, comme je fuis perfuadé que vous avez jugé indigne de vous, d'approfondir comme moi cette matière, je ne doute pas que ce que je vais vous apprendre ne foit rout-a-fait nouveau pour vous. Je vous dis donc qu'il arrivé quelquefois qu'il y a des ames qui, comme des taupes, roulent je ne fais combien de centaines da lieues fous terre, pour aller fe joindre a un corps qui eft enterré a 1'autre extrémiré du monde (i) j liens du corps & délivrée dc fes fonaions, devient une efpèce de démon ou de génie que les anciens appeloient lémures. De ces lémures, ceux qui étoient bicnfaifans a leurs families & qui entretenoient leurs anciennes maifons dans la tranquillité, étoient apgelés lares familiers, lares domeftiques; mais ceux qui, pour les crimes qu'ils avoient commis pendant leur vie, étoient condamnés a errer continuellement fans trouver aucun lieu de repos, & qui épouvantoient les bons & faifoient du mal aux méchans, étoient vulgairement appelés larves, c'eft-a-dire mafques, qui étoit un. nom que 1'on donnoit a tout ce qui épouvantoit les petits enfans. ( i ) Il y en a qui difent qu'une ame fe roule de lieu en lieu, des centaines de lieues par-delTous la terre, & s'unrt avec un corps qui eft enterré a 1'autre bout du monde. L* Monde enchanté, i, 77.  v e M. Oufle. ïcr mais ne peut-il pas arriver que quelque vigneron ou quelque laboureur ouvre la terre juftement dans le lieu ou pafle cette ame, & qu'elle force par cette ouverrure, & lui apparoifle? Et, s'il eft vrai encore, comme onle dit, & par conféquent comme je le crois, que 1'ame reftemble a uneboulede verre, qui a desyeux derous cbrés (i)^cette ame roulante, voyant fi clair, puifqu'elle a rant d'yeux , ne peutelle pas faire un choix de ceux qui font les plus fufceptibles de crainte 8c d'effroi, pour les epouvanter ? Oferez-vous, après cela, M. mon frère, me railier fur ma prétendue crédulité ? Certes, vous ne vous moqueriez pas tant de ce que je crois , fi vous faviezrour ce que je fais. Vous ne vous moqueriez pas tant, dis-je, fi vous aviez, comme moi, aflez lu pour favoir qu'il y a des gens qui quittent leur ame quand ils le veulent (z), puifque vous concluriez de-la que ces ames étant ainfi forties de leur corps, ont tout le loifir d'apparoirrepar-toutou elles veulent fe porrer j vous allez encoreêtre bienétonné (i) Un favant a prétendu que Ia figure de I'ame eft femblable a un vafe fphérique de verre , Sc qui a des yeux de tous cötés. Delrio. Difquif. Mag., p. 119*. (i) Pline, 1. 7, c. 51, Sc Plutarque, dans la vie deRomulus, difent qu'un certain Ariftée quittoit Sc reprenoit fon ame quand il vouloit, Sc que quand elle fortoit de fon corps, les aiTütans la voyoieat fous la.figure d'un cerL G lij  101 HiSIOIU mmnd je vous prouverai que vous-même produi. fez tous les jours une inünité de fpectres & de fantomes, un nombre prodigieux dames. Comprez , demam matin , quand vous ferez éveillé, jufqu'au foir, quand vous vous endormirez, combien vous aurez de battemens de cceur ; & je vous foutiens enfuire qu'autant que vous aurez eu de ces battemens, autant vous aurez produit d ames (i), qui iront de tous cótés fe montrer peut-être i des geus auffi mcréduies que vous, & qui cependant ne laffierontpas de s en effrayer. Neft-il pas vrai que je vous fais grande pitié, quand je vous annonce de pareilles chofes? Cependant despeuples entiers le penfent comme je le dis, & on la même impnme. Jugez donc de-la que 1'air doit être rempli de fpectres, puilen un feul jour il fe fait en nous une mfinité de battemens de cceur. Tous ces gens qui meurent avant leur jufte age (*), excepté ( O Ch« les Caraïbes, chacun croit avóir autant dames 9"e de battemens de cceur; que Ia principale eft le cceur »W que les autres ames errent en différens endroits, Won la q.abte & Je md de ceux ^ fa a caur va vers leur dieu. Montanus. Le Monde enchanté. Les p3ye»s croyoicnt ^ ^ ^ de ^ etcnect mom avant leur jufte age, qu'ils mettoient a remlte de la croiifance, erroient vagabondes jufqVa ce que tems fut venu auquel elles devoient étre «aturellement  be M. Oufle. ios ceux qui font naufrage fur les mers (i), font autant de matières de fpectres & de fantömes. Les anciens Pont penfé ainfi; ils étoient plus habiles que moi j & ainfi, je m'imagine fans rien rifquer, que je puis bien penfer comme eux. Pour vous afibmmer de preuves , je vais encore vous dire que des favans ont foutenu que toutes les ames qui ont été & qui feront, furent créées en méme tems (z). féparées de leur corps. DilTertation fur 1'aventure arrivée a faint Maur, p. tt. ( i ) Les anciens croyoicnt qu'il n'y avoit que les-ames de ceux qui avoient été noyés, qui ne pouvoient rcvenir après leur mort; 1'on en trouve une plaifante raifon dans Servius, intérprète de Virgile, que c'étoit parce qu'ils tenoient que 1'ame n'étoit autre chofe qu'un feu. id* (i) Origène croit que les ames des hommes exiftent toutes enfemble, avant que de venir animcr les corps. Lc Monde enchanté, 1,117. Hoornbeech dit dans fon livre contre les Juifs, p. 319 » que leur fentiment eft que les ames ont été toutes créées enfemble, avec la lumière, le jour de la création; & nonfeulement qu'elles ont été crées. enfemble, mais par paire, d'une ame d'homme & d'une ame de femme; de forte qu'on peut bien comprendre par-la, qu'il faut que les mariages foient heureux & accompagnés de douceur & de paix, lorfqu'on fe marie avec fa propre ame, ou avec celle qui a été créée avec elle; mais qu'ils font malheureux & ne fe font que pour la punition des hommes, lorfqu'on s'allie a un corps dont 1'ame n'a pas été créée avec \'ame de celui qui la G iv  104 «4, eu tant de tems ;„„,;i "eation, ont i -/r , v^ucmence , & avec viteffp ;i lainapasdecontinuer.Pourmoi t ' ' de me donner Je tems de reW '' ■ W * ^ ^nerfe^ prend en mariage. On a k I«m «ciu'onenroi^iv;/^;^ « ■ l-ame don. on a^S Po« .ener „ne vie p,us fc^^*""  d e M. Oufle. 105 CHAPITRE XII. Suite du difcours ou de la tirade de M, Oufle fur les apparitions. M • Oufle continua ainfi fa tirade, 8c toujours avec la même impétuofité. Donnerez-vous aufli, M. mon frère, un démenti a rant de religieux qui aflurent avoir vu fouvent dans leur églife des fantómes aflis dans Iqs chaifes de ceux qui devoienc mourir bientöt après (1)? A d'autres qui vous protefteront encore que quelquefois des moines de leur couvent, qui étoient morrs, font apparus (z) dans leur réfe&oire , pour leur apprendre l'état de damnation oü ils étoient, & les exciter, par cette apparition, a être plus exacts obïervateuts de leurs régies, qu'ils n'avoient été eux^ ( 1) II arrivé fouvent aux couvens que 1'on voit, dans les églifes, des fantómes fans tête, vêtus en moines Sc nannains, afTis dans les chaifes des vrais moines & nonnains qui doivent bientöt mourir. Médit. hiftor. de Camerarius, 1.1,1. 4, c. 13. (1) On lit dans les chroniques de faint Dominique, que le réfcctoire fut trouvé, par les religieüx, tout plein de moines décédés qui fe difoient damnés; ce que Dieu leur faifoit dire pour exciter les religieux vivans a raener un Smous les en croyions capables, ou en ferionsnous? Sr vousvoulez d'autres hiftoires, dautres faus.ponr vous réduire a embraüermon opiniou • J senpréfente au moment que je vousparle, un grand nombre a ma mémoire, que je ne fais lefJeiqaelschoifir. ün empereur, quelque jour ayant d'être mafW , voit dans un étang une figlireqili tenant «neepee a la main, hii fait des menaces qui ie ronr fremir d'horreur (i). ün grand capitaine, après avoir tué une jeune "fe Ia vit continuellement a fes cótés, elle ne iaDandonnoit point (i^. ünprince eft averti de fa mort prochaine, jans un bal par un fpedre qui eut hmpudence d j vemr danfer publiquement (3). ( * ) Jules Capitolin dit que 1'empereur Pertinax vit t-ois gard., Je ae fa, quelle „gure im un d Icpeeau Le ^ p ^ ^ acoit . PaUfama;' Chef d« Lacddémoniens, apres avoir tué .^^-nl,ermraéeCléouice,„eCe/ade?,sdi; effraye, & de penfer qu'il voyoit toujours cette fille Le i-oyer, p. 11 j. ^HedorBoëceécrit, in Annal.Scot., qu'AlexandrelII,  d e M. Oufle. 107 Un marquis apparoit (1) après fa mort a fon ami, pour lui apprendre , felon la convention qui roi d'Ecoffe, Iorfcju'il fe maria en troifièmes noces avec la fille d'un comte de Dreux , Sc celebrant la nuit la folemnité des noces, le bal étant fini, on vit entter dans la falie une effigie de mort toute décharnée , qui fautoit & gambadoit. ( 1) Le marquis de Rambouillet, frère ainé de madame la ducheffe de Montaufier, Sc k marquis de Précy, ainé de la maifon de Nantouillet, tous deux agés de vingt-cinq a trefnte ans, étoient intimes amis & alloient a la guerre comme y vont en France toutes les perfonnes de qualité. Un jour qu'ils s'entretenoient des affaires de 1'autre monde, après plufieurs difcours quirémoignoientaffez qu'ils n'étoient pas trop perfuadés de tout ce qui s'en dit, ils fe promirent, 1'un a 1'autre, que le premier qui mourroit, en viendroit apporter des nouvclles a fon compagnon. Au bout de trois mois, le marquis de Rambouillet partit pour la Flandre, Oii la guerre étoit, pour lors , & Précy arrêté par une groffe fièvre, demeura a Paris. Six femaines après, Précy entendit, fur les fix heures du matin, tirer les rideaux de fon lit, Sc fe tournanr pour voir qui c'éroit, il apercut le marquis de Rambouillet en buffle Si en bottes. II fortit de fon lit en voulant fauter a fon cou, pour lui témoigner la joie qu'il avoit de fon retour; mais Rambouillet reculant quelque pas en arrière, lui dit que ces carcffes n'étoient plus de faifon, qu'il ne venoit que pour s'acquitrer de la parole qu'il lui avoit donnée; qu'il avoit été tué la vcille en tclle occafion, que tout ce, que 1'on difoit de 1'autre monde étoit très-cercain, qu'il devoit fonger a vivre d'une autre  H 1 s T O i R j, »:« r27i™';;b'f - <"» - *■ «»yoit,« r-fe ifns re fta):eur plus ai& 3 Perfonne iT ' fa «* Hu&m * uunnes accoururent a n»; ;i ♦»'•'.*»> fc ^ !1 " COn™ <• 1» " J« . & de la manl«e que 1 avoit dit Précy een, S r «voit conté laventure fnmi , 7' * 3 *U1 11 pouvoit bien ètre q;r0rcr£nc crofre ^ en avanr M i i > r, ' Parcc 1Ue Rambouillet eté tue present layeüle du jour q»,i FaVoh  & e M. Oufle. ïc? citerois , fi je le voulois , plufieurs apparitions cle gens venus exprès pour aflurer la même chofe. L'ombre de Sévère fe montre a Caracalla, & le menace de le tuer (i). Cardan , qui a fait il étoit impoffible qu'il f eilt appris naturellement. Dam !a fuite Précy ayant voulu aller, pendant les guerres civiles , au combat de faint Antoinc, il y fut tué. En fuppofant la vérité de toutes les circonftances de ce fait: voici ce que je dirai pour eft détruire les conféquenccs qu'on en veut tirer. II n'eft pas difficile de comprcndre que 1'imagination du marquis de Précy, échauffée par la fièvre & troublée par le fouvenir de la promelTe que le marquis de Rambouillet & lui s'étoient faite, lui ait repréfenté le fantöme de fon ami qu'il favoit être aux coups, Sc a tout moment en danger de perdre la vie. Les circonftances de la bielfure du marquis de Rambouillet, & la prédiction de la mort de Précy, qui fe trouva accomplie, ont quelque chofe de plus grave; cependant ceux qui ont éprouvé quelle eft la force des prelfentimens, dont les effets font tous les jours fi ordinaires, n'auront pas de peine a concevoir que le marquis de Précy, dont 1'efprit agité par 1'ardeur de fon mal, fuivoit fon ami dans tous les hafards de la guerre, & s'attendoit toujours a fe voir annoncer par fon fantóme ce qui lui devoit arriver a lui-même, ait prévu que le marqui-s dc Rambouillet avoit été tué d'un coup dc moufquet dans les reins, 6c que 1'ardeur qu'il fe fentoit lui-même de fe battre, le feroit périr dans la première occafion. DiiTert. fur ravenr. arrivée a faint Maur, p. 33, &c. ( 1 ) L'hiftoirc rapportc qu'a la fortied'Antiochc, l'ombre  HISToiR£ *nt douvrages dW très-profonde érudition, „V a Cr°UCOmme <*itj qah [oh P*e eUtdes dons étranges>& q d en rapport toutes les circonftances, commé Sl1 av°ltvu des tommes ordmaires (-1), Tout le monde fait ce que c eft que Ie grand veneurde Ia forêt de Fontainebleau, bief des gens alTurem 1 avoir vu & un grand roi en eft un -om (^fiméprochable, que,-enepuispas de Icmpereur Sévere apparut k C^c^S^ fo femme, , avcc nne voix de ^ , ^ c a - tn ton fee, auffi te tuerai-jeCoefFeteau. (OCardanditqucIc 13 ouI4Aout i«r fPnr^ qu,Ied,foxent hommes aërés, alfurans qu'ils „aiffoient & -uro,ent qu'ils vivoient jufqu'a trois eens ans, apProeho,ent beaucoup plus de la nature des die x que hommes terrefires; mais néanmoins, qnWeuxT " d7X: ™ dffi-« infinie. ^ La„Cre, p 4 J (OOnhrdansThiltoiredeMathieu,!., / ^at ' que le grand roi Henri IV, cha/fant dan laVozTd' Ponta-nebleau entendit environ comme a demi-li ut ou S ,aPP£mensde '« - & le cordes chalfeurs; m" s' n n moment ce bruit s'approcha a vingt pas Z P fen 3VanCe' "n ^ ^ -irfe P-rente dans l'epa^eur des brouifailles, lui crie, -c„de2-TOus„;&difparoi, Les payfans & be ge,, d s  D E M. O U F L E. III me mettre dans 1'efprit qu'il y ait aucun Noncrede qui ofe le recufer. On a vu un magicien , qui pour fe venger de quelques gens qui 1'avoient infulté, faifoit paroïtre dans le bain ou ils étoient des fpectres (i) noirs, qui les chanoient a. coups de pieds au derrière , &c ne leur donnoient point de repos qu'ils n'en fuffent fortis. L'empereur Bafile , fouhaitant paffionnément voir encore une fois fon fils qui étoit mort, un fameux magicien, lui fit obtenir par fes enchantemens ce qu'il demandoit avec tant d'ardeur (a). Un père revient de 1'autre monde (3}, pour environs, difentque c'eft un efprit ou démon, qu'ils appellent le grand Veneur qui chaife par cette forêt. Id. p. 318. { 1) Un magicien nommé Michel Sicidites, pour fe venger de quelques gens qui f infultoient dans un bain, fe retira dans une chambre prochaine pour reprendre fes liabits; a peine fut-il forti, que tous ceux qui étoient dans le bain en fortirent avec précipitation, parce que du fond de la cuve du bain, ils avoient vu fortir des hommes noirs qui les chalfoient a coups de pieds par les felfes. Le Loyer, p. 130. ( 1 ) Michel Glycas dit, 4 part. annal., que Bafile, empereur de Conftantinople , ayant perdu fon fils Conftantin, qu'il aimoit uniquement, voulut le voir, a quelque prix que ce fit, après fa mort; qu'il s'adreifa a un moine hérétiqueappeléSantabarene, qui, après quelques conjurations, lui montra un fpectre femblable a fon fils. Id. 4.69. ( 1 ) En Etolie il y ayoit un citoyen vénérable, nommi  garantit fon fils de Ia mort qu'on vouloit lui dö^ net, & eufin voyant qu'il ne pouvoit le fauver, Folycntc, qui, pour fa fuffifance, avoit été, du confenteWnt du peuple, élu étoiarque, c'eft-a-dire maite, chef Sc gouverneur d'Etolic. A caufe defaprobité, fa dignité lui twprorogée jufqu'a trois ans, pendant Iefquels il époufa une dame de Loeres. Après avoir couché' trois nuits feulement avec elle, il mouritt a la quatrième, Sc la lailfa enceinte dun hermaphrodite, dont elle accoücna neuf mois apres. Les prêtres des dieu*. les augures ayant été confultés fur ce prodige, ils conjecturèrent que les Etoliens & ceux de Loeres auroient guerre enfemble, a caufe que ce monftre avo.t les deux natures. Et on condut enfin qu'il falloit mener la mère & 1'enfant hors les limites d'Etolie, & les brüler tous deux. Comme on étoit pret a faire cette exéeunon, Ie fpectre de Polycrite apparoit & fe met auptès de Ion enfant. II étoit vêtu d'un habit noir de deuil; tout le peuple étant effrayé & voulant s'enfuir, il les rappela, leur du de ne rien craindre, & enfuite d'une voix grêle & barfe & un beau difcours, par lequel il leur montra que s'ils bruloient fa femme Sc fon fils, ils tomberoienü dans des caWs extrêmes (on peut vok ce difcours dans 1'endroit cue c-après). Voyant enfin qu'après ces remontrances il .«e pouvoit les diffuader de faire ce qu'ils avoient entrepris, Jl prend fon enfant, le met en pièces & le tlévore. Le peuple ht des huées contre lui, & lui jeta une infinité de pierrej pour le chalTer. Mais, fans fe foucier de toutes ces infultes il connnua de manger fon fils, dont il laiffa feulement la tete, pu,s difparut. Après cet erfroyable prodige, on prend" ^ttffeia d'envoyer confulter 1'orack d'Apollon a Defphcs j il  D E M. O U F t E. lij il le déchire lui-même & le met en pièces. Cette hiftoire vous feroit horreur , fi je vous la racontois dans toute fon étendue ; c'eft une des plus tragiques que 1'antiquité nous ait laiflees. Une fille morte, revienr, habite avec un homme, & enfuite difparoit , Sc le rout avec des circouftances que je ne vous rapporterai pas ici. Pour peuque vous foyez curieuxdeles favoir, je vous indiquerai 1'endroit (i) oü vous pourrez les trou- mais Ia tête de 1'enfant s'étant mife a parler, elle leur prédk en vers toutes les calamités qui leur devoient arriver dans la fuite, Sc la prédiction réuffit. Phlegon, le Loycr, p. 14$, Sec. ( 1) Je tiens ce que j,e vais dire de Phlégon, natif de Tralies, affranchidel'empereur Adrien, qui ne nous monrre point en quel lieu ceci arriva, d'autant que fon livre eft défectueux. Mais s'il y a lieu de conjeclurer par les nems de Machates Sc de Philinnion, dont 1'un eft Macédonien Sc11'autre Thertalien, je penferois volontiers que le fait feroit arrivé en une ville de Theffalie, Sc même a Hypatc , métropolitame de Thelfalie, ou, felon Apulée, de jour a autre il arrivoit des prodiges auffi grands que celui de Philinnion. Quoi qu'il en foit, voici 1'hiftoire. Philinnion, £l|e unique de Démoftrate Sc de Charito, décéda en age mibile, au grand regret de fes parens, qui, avec le corps mort, firent enterrer les bagues., joyaux Si autres atours que leur fille avoit le plus aimés pendant fa vie. Quelque tems après fa mort, un jeune gentilhomme, nommé Machates, yint ioger chez fon père , qui étoit fon imi. Un foir qu'il étoit H  114 HlSTOIRE ver. Un Lacéclémonien attaque courageufement' un fantöme, & fait des efforts pour le percer de dans fa chambre, Philinnion, dont il ne favoit pas la mort, s'apparoit a lui, lui déclare qu'elle 1'aime, le carelfe, & enfin 1'engage a répondre a fa paffion. Machates, pour gages de fon amour, donne a Philinnion une couped'or, & fe laifle tirer un anneau de fer qu'il avoit au doigt; Sc Philinnion lui fait préfent d'un anneau d'or, & de fon collet dont elle couvroit fon eftomac, Sc enfuite fe retire. Le lendemain elle retourne a la même heure. Pendant qu'ils étoient enfemble, Charito envoye une vieille fervante dans la chambre de Machates, pour voir ce qu'il y faifoit. Elle les vit tous deux, & toute éperdüe, va avertir fon maitre & fa maitrefle que Philinnion étoit avec Machates. ün' la traita de vifionnaire; mais comme elle s'obftinoit a alfurer que Ce qu'elle difoit étoit très-vrai, Charito alla trotiver fon hóte, & lui paria de ce que lui avoit appris la vieille. II avoua qu'elle n'avoit fait aucun menfönge a cet égard , raconta toutes les circonftances de ce qui étoit arrivé, & montra le collet Sc 1'anneau d'or que la mère reconnut pour appartenir a fa fille. Auffitöt la- douleur'de la perte .qu'elle. avoit faite de fa fille la faifilTant, elle jeta des cris épouvantables , Sc enfin fit promectre a Machates qu'il 1'avertiroit quand elle reviendroit, ce qu'il exécuta. Le père Sc la'rhère Ia virent ,'& courant a elle pour 1'embraffer, elle montrant une contenance morne, & ayant le vifage baifle, leur dit, « hélas! mon père, & vous, ma mère, que vous faites de tort 33 a ma félicité, ne permettant pas, par votre importune *> venue, que je vivc feulement trois jours avec votre 5» hóte dans la maifon Pa:;rnelle, prenant quelque plai'ii-  d e M." Oufle. tu fa lance(i). Üii; afpic nèrae, ayant été tué par un payfan , fe rèpréfentoit'a lui, & le fuivoit par tout(2). Des'fpectres-quon appelle femmes Manches , viennent fouvent rendre des fervices aux hommes pour qui elles ont p'ris de l'artedion (3). fa fans vous molcftcr en rien! vous ferez punis Je votre trop fa grande curiofitéj car ;c m'en vais au lieu. qui m'cft eraf donné; & vous "me'pleurerez autant que quand je fA « portee en terre-la pfemièrefois i mais je puis bien vous 5T« furer d'une chofe jVeftque. je ne fuis point venue ici fans " le vouloir des.dieux*.. Après ces mots elle tomba morte, & fon corps fut mis fur le lit,,, expofé alla vue de tous ceux de la maifon. Enfin, on %[h: enfuite vifiter le fépulcre de Philinnion, ou 1'on ne trouva point fon corps, mais feulement 1'anneau de.fer & la coupe d'or que Machates lui avoit donnés. Machates, pénétré de honte d'avoir couché avec un fpectre, fe fit mourir lui-même. Le Loyer, p. 145, &c. (1) Plutarqueraconte qu'un certain Lacédémonienpaifant prés d'un monument, vit un fpeclre qu'il s'efForca de percer defalance,luidifant : quofugis, anima bis moritura? »-Ovl - fuis-tu, ame qui dois mourir deux fois«? ( 1) Elien parle, 1. 11, c. 31, d'un afpic fort long, qui ayant été tué de la bêche d'un vigneron, fe reprérentoit (ou fon fpectre) a lui en quelque lieu qu'il füt. ( 3 ) Schot a écrit ceci, p. 339. Delrio dit qu'il y a une certaine efpèce de fpeftres qui apparoilTent en femmes toutes hlanches dans les bois & dans les prairies5 quelquefois même il y en a dans les écuries qui tienneut des chandelles ie circ allumées, dont ils laiffent tomber des gouttes fur le Hij  Il6" H i s t o x r e On a vu une fois dans 1'air un autel, & tout autour , des hommes qui paroifToient être comme tout autant de prêtres , prêts a s'acquitter de quelque exercice de religion (i). Rien neft fi ordinaire que de voir des ombres, avec qui on peut manger & s'entretenir (2). Un homme étant mort, va trouver dans une auberge , fon ami , fe couche avec lui, & le glacé, pour ainfi dire, par la froideur de fon corps (3). L'amant d'une toupet Sc erin des chevaux, qu'ils peignent & qu'ils treffent fort proprement. Ces femmes blanchës font auffi nommées Sybilles & fées , & l'on dit qu'il y en a une' appelée Haband, qui eft comme la reine des autres, &-qüi leur commande. Le Monde enchanté, 189. ■ ... . ( 1) Que le philofophe me rende'raifon de la place en 1'air, au milieu de laquelle, dit Jules obféquent, de prodigiis, il y avoit un autel, & tout autour des hommes vêtus d'habits blancs, fous le confulat de Fabius, furnommé Ie Verruqueux, pour une verrue qu'il avoit aux lèvres. Le Loyer, p. 589. < 1) Sur les confins dc la mer glaciale, ou fe forme une prefqu'ifle , il y a des peuples nommés Pilapiens, qui boivent, mangent & converfent familièrement avec les ombres. Olaus Magnus, L'incr. fcau. p. 74. (3) Un Italien ayant fait enterrer un de fes amis qui étoit mort, & comme il revenoit a Rome, Ia nuit 1'ayant furpris, il fut contraint de s'arrêter en une hótellerie fur le chemin, oü il coucha. Etant feul & bien éveillé, il lui fut avis que fon ami mort, tovitpale & décharné, lui ap-  DEM. OüFIE. Iiy religieufe , paflant pendant la nuit pat 1'églife d'un couvent, pour 1'aller trouver, y voit plufieurs prêtres inconnus qui y faifoient une cérémonie funèbre ; il demande pour qui j & il apprend que c'eft pour lui-même , il s'en retourne , Sc a peine paroiffoit & s'approchoit dë lui, il leve la tête pour le regarder & étant tranfi dë peur, lui demande qui il étoit ? Le mort ne répondant rien, fe dépouille, fe met au lit Sc commence a s'approcher du vivant, ce lui fembloit. L'autre ne fachant de quel cóté fe tourner, fe met fur le bord, & comme le défuat approchoit toujours, il le repouffe. Se voyant ainfi rebuté, il regarde de travers le vivant, fe vêtit, fe léve du Kt, chauffe fes fouliers, Sc fort de la chambre fans plus apparoitre. Le vivant a rapporté qu'ayant touché dans le lit un de fes pieds, il le trouva plus froid que glacé. Alex. ab Alex., 1. z, Dier. genial. c. 9, Tiraqueau en fes Annot. fur ce cliapitre, met toutes ces vifions au rang des fonges. Hift. admir. 1,533. On débite, comme une chofe aflurée, qu'un fantóme fe trouve toujours froid quand on le touche. Cardan Sc. Alexandre d'Alexandrie, font des témoins qui l'affirmenti. Sc Cajetan en donne la raifón qu'il a apprife de la propre bouche d'un diable, lequel ayant été interrogé par une forcière fur ce fujet, lui répondit qu'il falloit que la chofe fut. ainfi, Sc qu'il ne pouvoit faire autremeot. Le cardinal explique les paroles du diable en ce fens, qu'il ne veut pas1, communiquer au corps qu'il prend, cette chaleur modéréc. qui eft fi agréable, ou que Dieu ne lë lui permet pas. Le Monde enchanté, i, 1$?. _  118 HlSTOIRE eft-il arrivé chez lui, que deux chiens 1 etranglent (i). X'eft une chofe prodigieufe, que le nombre de mom qui apparurent a une carmélite , appelée fceur Francoife du S. Sacrement (z). Un homme ayanr heurté du pied contre une tête de mort, elle paria & fe recommandaa fes prières (3). On voit vers le Caire , dans un cerrain tems > des corps morts qui fortent de terre infenfiblement; des gens affurent même en avoir apporté quel- ( i ) Un chevalier Efpagnol aimoit une religieafe & en étoit aimé. Aliant une nuit la voir, il pafla par 1'églife, dont il avoit Ia clé, il y vit quantité de cierges allumés & force prêtres qui chantoient & faifoient le ferviee pour un trépalfé autour d'un tombeau élevé fort baut. Après avoir contemplé ces prêtres, tous a lui inconnus, il s'approche de 1'un, & lili demande pour qui on faifoit ce ferviee : eert, lui rép'ondit-il, pour un chevalierappcié N. . ., qui étoit fon nom a lui-même 5 un autre lui fit la même réponfe. II fort de 1'églife, remonte a cheval & s'en retourne chez lui, od deux chiens 1 etranglèrent. Torquemade, Hexameron, troifïème journée, Hiftoire admirable, 1, J48, (x) II eft parlé dans le Iivre intitulé La lumïerc des vivqns par ïexpêrience des morts, d'un très-grand nombre de défunts apparus l la fceur Francoife du. très-faint Sacrernent, reiigieufe Carmélite DéchaufTée, par le père Alben èc faint Jacques, Carme Déchauffé. (3) Saint Jean Damafcene dit, Tmcl. de defuntlisi  de M. Oufle. ff} ques membres (i). H y i des peuples qui font beaucoup tourmentés par les morts , s'ils ne les enterrent point (z). On entendoit pendant la nuit, dans un lieu oü s'étoit donné une fameufe bataille , les mêmes bruits que feroient des armées qui combattroient avec fureur. Je ne vous qu'un homme paffant par un cimetière, heurta contre la tête d'un mort qui fe recommanda a fes prières. (!) Au Caire, dans un lieu deftiné autrefois pour un cimetière, s'aifemble ordinairement tous les ans une incroyable multitude de perfonnes, pour voir les corps morts .qui y font enterrés, comme fortant de leurs foffes Sc fépulcres. Cela commence le Jeudi (en Mars) 8c dure jufqu'au Samedi que tout difparoït. Alors on voit des corps enveloppés de leurs draps, a la facon antique; mais on ne les voit ni debout, ni marchant, mais feulement les bras, ou les cuilfes, ou autres parties du corps que 1'on peut toucher, lefquelles montent de plus en plus, petit a petit. Hiftoire admirable, l, 43. George Cortin, orfévre, dëmeurant a la Rochelle, Fan 1603, anure avoir tenu une tête entière avec barbe Sc poil; des têtes qu'on dit qui paroiflent vers le Caire, Sc qu'un nommé Jean Barclé, orfévre d'Anvers, ery avoit un pied'qui ne fe corrompoit point. Il dit auffi qu'il n'a point vu ces membres pouffer; mais qu'ils paroifTbient dans des trous en terre, dont on les tiroit, qu'ils pouffent comme le blé fans qu'on sen apercoive. Médit. hiftor. de Camer. 1.1, c. 13. (i) LesPilapiens, peuples feptentrionaux, enterroient autrefois s en leur foyer, les corps de leurs parens, Sc a: Hiv.  J1<» HlSTOlRE en dis pas une parricularité fort curieufe (i), pare* que de 1'hurneur que je vous connois, je fuis alTuré que vous ne vous fouciez pas de la favoir. Les Perfans ne s etonnent pas de voir des fpectres dans lesforêts:. parce qu'ils tiennent pour certain que les ames de .ceux qui ont vêcu avec fagelTe, y font leut féjour (2). Un jeune homme fe pendir, parce qu'il ne pouvoit pas époufer une fille qu'il aimoit; un fantome qui avoit pris fa figure, apparoïr a cette fille, pour en jouir(5). Un autre étoit toujours fuivi du fquelette d'une fille, pour qui il avoit eu une extréme paffion (4). faute de ce faire, ils étoient tourmentés d'efprits qui leur apparoiifoient. LeLoyer,p. ij. C O On lit dans Paufanias {in AuicU) que quatre eens ans après la bataille de Marathon, on entendoit dans 1'endroitoiiellc fe donna, toutes les nuits, des hennhTemensde chevaux & des bruits de gens d'armes qui fe combattoient. Et ce qui eft admirable, c-eft que ceux qui venoient exprès pour entendre ces bruits, n'en entendoient rien 5 ils n'étoient entendus que par ceux qui par hazard pafToient dans ce lieu. (1) De la Valk rapporte dans fon chapitre i7> que les Perfans ont beaucoup de refpedtpour les plus grands arbres & le? plus vieux, parce qu'ils fe perfuadent que les amés des bienheureux y fout leur féjour. ( 3 ) Le Monde enchanté, t. IV, p. 37^. (4) M. de Grigny fe trouva en la compagnie d'un homme qm étoit toujours fuivi du fquelette d'une fille qu'il avoit a;mée.  DB M. O U f L I. 1 II Un fantome prenoit plaifir a oter les lunettes du nez d'un bon-homme , & les tranfportoit dans un jatdin (i). En Guinee , on ne cherche point ( i) Comme ce pauvre M. Santois prioic Dieu dans fes heures Jeudi dernier, & qu'il voulut tourner le feuillet, il fentit je ne fai quoi faire du bruit fous fa main, & fut tout étonné que c'étoit ce feuillet quis'étoit déchiré de lui-même, mais fi proprement, qu'il fembloit que quelqu'un 1'eüt fait a delfcin. D'abord ce bon vieillard eut la penfée que c'étoit lui qui l'avoit déchiré fans y prendre garde. Mais comme il eut tourné le fecond feuillet, & que la même chofe eft arrivée, il commenca a s'en effrayer, Sc fonna fa clochette pour appeler fes enfans. Ils accoururent tous, & fur ce qu'il leur conta la chofe comme elle étoit, ilstachèrent delui perfuader qu'il s'étoit trompé, & de 1'emmener hors de la. Mais ce bon homme ne pouvant confentir a paffer pour vifionnaire, leur dit : cc hé bien, mes enfans, vous en jugcrez en cas que 1'efprit foit d'humeur a en déchirer un troifiemè, car je ne veux pas que vous me croyiez hypocondriaque ». La-defTus il ouvrit fon livre, Sc voulut tourner encore un feuillet; ce feuillet fe déchira comme les autres. Le gendre, quoique convaincu, ne laiffapas de dire toujours que c'étoit fon beau-père qui le déchiroit, de peur que le bon homme n'en devint malade, s'il n'avoit plus de quoi douter, &il luialléguoit pour fes raifons, quefonerreur venoit dc ce qu'il n'avoit plus Ie tact ni Ia vue affez bonne pour difeerner s'il manioit rudement ou non le feuillet. Mais le vieillard s'en dépitant, prit fes lunettes pour 1'éprouver encore une fois, & y prendre garde de plus pres, Sc a la vue de tout le monde, cet lunettes fortirent d'elles-mêmes dc  Ii2 H I S T O \ R E parmi les vivans , les voleurs des chofes qui ont été dérobées ; parce qu'on n'en accufe point d'autres , que les ames des défunrs (i). Un amant étant mort, vint trouver fa maitrefle fous la forme d'une couleuvre ; 1'ufage qu'elle en faifoit eft aflez plaifant (2). On lit dans plufieurs auteurs, qu'd y a des montagnes 011 1'on entend fouvent des voix extraordinaires , & oü les fpeftres font fort fréquens (3). Quelques-uns afliirent, qu'un fon nez, & comme fi elles euffent volé, firent toutes feules une promenade a 1'entour de la chambre, puis pafsèrent par Ia fenêtre, & s'allèrent arrêter dans un parterre de fleurs a {"entree du jardin, od on les retrouva avec les trois feuillets. La faufle Clélie, 1. 5. (1) Dans Ia Guinee, on croit que les ames des trépafles reviennent fur la terre, qu'ellës prenncnt dans les maifons les chofes dont elles ont befoin 5 de forte que, quand on a fait quelque perte, on foupconne aifément qu'elles ont pris cc qtii eft perdu. Le Monde enchanté, 1, 704. (z) Un amant promit a fa maïtreffe que, s'il mouroit avant elle, il reviendroit la trouver fous la figure dune cou» leuvre. II mourut le premier, & revint, dit-on, en effet fous cette forme. La dame prit cette couleuvre, fansqu'elle lui fit aucun mals elle la nourriiloit dans une boite, & quand elle donnoit a mangcr a quelques gens, elle faifoit tremper Ia tête de cette couleuvre dans leur verre. Plufieurs fe dégoutèrent fi fort de cette cérémonie, qu'ils fuyoienc cxtrémement fes feftins. Raconté par madame Delub. (5) Clément Alexandrin écrit, 1. 6, Strom. qu'er. Perfe, vers  de M. Oufle. 123, fantöme nommé Empufe, ne marclioit que fur un pied , pendant que 1'autre , qui étoit d'airain, la regiem des mages, on voyoit trois Montagnes plautées au milieu d'une large campagne Sc diltantes 1'une de 1'autre. Quand on approchoit de Ia première , on entendoit comme une voix confufe de plufieurs perfonncs qui fe battoient; en la feconde, 011 entendoit un plus grand bruit, Sc en la ttoifième, les bruits étoient d'allégrelfe comme beaucoup de perfonnes qui fe réjouilfoient. Le même auteur dit avoir appris d'anciens hiftoriens, qu'en la grande Brctagne, qui eft 1'Angleterre, il y a une caverne au pied d'u«e montagne, en laquelle , quand Ie vent s'entonne, on entend, ce femble, un fon de cymbales & de cloches, qui carillonnent de mefure. Cardan rapporte 1'appariticn des fpectres & efprits de la montagne d'Hécla Sc de 1'ifle d'Iflande, a une caufe naturelle, & dit que 1'Iflande eft pleine de bithume; que lts habitans vivent de pommes, de racines & de pain fait de farine d'os de poiffon, & ne boivent que-de 1'eau, parce que 1'ifle eft fi flérile, qu'elle ne porte ni blé ni vin; que le vivre eft caufe que leurs efprits groffiffent, Sc que par la denfité de 1'air Sc des vapeurs qui s'y concréent par la froidurc, plufieurs vaines figures fe voyent errant.es Sc vagabondes de-ca & de-la; que la crainte, 1'imagination & la débilité du cerveau de ceux du pays , con^oivent tant qu'elles tombent au fens de la vue, & alors les hommes de 1'ifle penfent voir, toucher & embraffer des fpectres Sc images vaines d'hommes morts qu'ils auront connus pendant leur vie. Le Loyer, p. 30.  l24 HlSTOIRE fe tenoit en fair Un certain fpeétre, appel* ^lo, navoit jamais d>autre de femme (2). On fait qu'en plufieurs endroits, il paroït un fantome quelque jours avant la mort de quelque pW, ou de quelquautre perfonne de diftinc«on (j). Que d'exemples de défunts, revenus m Snuta* dit qu'il y a un fantömeappelél'Empufe tnvoye par proferpine aux &' ' marche fi* u„ pied, ayant 1'autre d'airain, ou fait en pied o ane. r M Le fpcclre de femme qui patoiflbit de nuit fe «ommoit Gilo, felon Nicéphore en fon Hiftoire Ecclénaftiquc. (5 ) Cardan alTure que dans ,a ville de Parme il y a une noble familie, de laquelle, quand quelquun doit mL nr, on voit toujours dans la falie de Ia maifon une vieille femme mconnue, affife fous la chemine'e. Curiof. inouies, par Gaftarel, p. m. On dit que toutes les fois qu'il doit mourir quelqu'un de a maifon deBrandebourg, un efprit s'apparoit e forme de grande ftatue de marbre blanc, repréfentant une femm" & court par tous les appartemens du palais du prince. On ét encore qu'un page voulant un jour arrêter cette ftatue, * ,U' ayantdec^rgé un grand foufflet, elle I'empoigna d une main & récrafa contre t£rre> ^ faufl. ciéi. F g Une femme blanche fe fait voir en Allemagne & en Bo-  DEM. OUFIE. 115 expres pour montrer le lieu oü 1'on avoit enterré hème, quand un prince eft pres de mourir. Le Monde enchanté, 4, 3zi. On prétend que Mélufine apparoit, quand quelqu'un de la maifon de Lufignan doit mourir. Il y avóit de trois fortes de nymphes; de 1'air, de la terre Sc des eaux. Sans doute notre Mélufine tant célébrée dans nos romans fraucois, ne peut êtte autre qu'une nymphe de mer. Theopiirafte Paracelfe 1'a dérivée du grec pt\trin mélodie, qui eft proprement de 1'air, dont viennent les fons & les voix. Voila pourquoi on feint que Mélufine vole par l'air & s'y fait entendre par des cris Sc des plaintes. Sa fable, ou eft un refte da paganifme, ou eft prife des rêveries des rabins, qui ont leur voix de 1'oifcan, qu'ils difent être Elie, laquelle cöflft par l'air Sc prédit les chofes futures. Et paur faire paffer la faWè de Mélufine pour vraie, fon roman 1'a fait defcendre, par fon père, des rois d'Albanie Sc d'une fée, Sc la marie avec Raimondin de Troifilh, Sc de fon mariage fonde les mailons de Lufignan, de Luxembourg, de Cypre, de Jérufalem «5c de Bohème. Quant a ce que le roman 1'a fait venir d'Albanie, c'eft pour donner plus de couleur a la fable pour la qualité de fée, que Mélufine tenoit du cóté de fa mère. Les Albanois font les Ecolfois , nos anciens confédérés, dont vient le nom d'Aubain 8c étranger en France. Car un tems a été que nous n'avions autres étrangers habitant parmi nous, que lesEcolfois, lefquels acquéroient des biens, 8c mourans fans hoirs procréés de leur chair, le fifc vcndiquoic leurs biens, Sc cela étoit appelé Aubainage. Et au refte, les Ecoflois, Albains ou Aubains ou Albavvns, comme encore «n les appelle en quelques lieux d'Ecolle, ont écc diffamés  lX'S H I S T O I R i leurs corps (i). Enfin les Juifs & les Cabaliites om tiré des conjectures & des préfages de rout Ce qu'on appelle revenans' & fantómes (2). jufqu'a prefent d'avoir en des nymphes ou fées vifibles appelées belles gens, el/es ou fairs files, qui aiment ks homme's& clierchent de converfer avec eux, comme démons" Suceubes. Le Loyer,.p. ioo. ^ ( 1) Le philofophc Athénodore vit, en veillant, un fantómehaut, noir & enchainé dans une maifon d'Athènes, qui lui montra un endroit de cette maifon ou étoient cinq corps morts enchainés. Cette maifon étoit inhabitée a caufe des tintamarres qu'y faifoit ce fantöme. Plin. ï épit. Bodin , p. ij; Camerarius dit, 1.1, l r, c. rfi qu'il n'y avoit qu'un corps mort. ' Une femme ayant tué fon mari, & 1'ayant enterré, le fpe&e du défunt apparoït a fon frère, .& le mène au lieu oii fon corps étoit, puis difparoït. Cette hiftoire eft plus au long chez le Loyer, p. J4*. Voyez aum 1'hiftoire de deux étud,ans qui allèrent habiter dans une maifon qu'un fpectre avoit rendu déferte. Torquemade, troifième journée de fon Hexameron. Hiftoire admirable, t. I, p. 543. (z) Mana/Té Ben-Ifraël dit, felon les Cabaliftes, qué fi les efprits apparoiffent a un homme feul, ils ne présent ncndebon; fi a deux perfonnes enfemble, rien demauvais, mais qu'ils ne font jamais apparus a trois perfonncs enfemble. Le Monde enchanté, 1, i75. ■ Buxtorf dit dans fon Lexicon Talmudicum, que chez les Juifs, un voile mis fur le vifage, empéche que le fantóme ne reconnohfe celui qui a pciir. mais que fi Dieu juge qu'il 3'ait ainfi mérité par fes péchés, il lui fait tomber le mafque, afin que f ombre le puiffe voir & le mordre. Id. 178,  d e M. Oufle. 127 Le pauvre M. Oufle étoit alors fi eflüufllé , ,&: avoit la bouche fi féche , qu'il n'en put pas dite davantage. « ': C'HAP I T R E XIII. h ïrtaxn Difcours que fit Noncrède fur les apparkions, après celui de' M. Oufle. ]VJL Oufle étoit en. quelque maniète hors d etat deparler , tant il s'étoit échauflé la gorge;pax fbn extréme voiubilité , dans la crainte qu'on.n'inr terrompit. ce que fa -.mémoire lui fuggér.pir,; Noncrède fe fervit de. cette occafion pour.prendre laparole a fon tour, &.tachet de -.ramene^ fop frère dans fon bon fens. Certes, mon frère, lui dit-il, vousivënez;de faire une grande dépenfe d'érudition. Je ni'ai jamais douté que vous neufliez beaucoupiu; mais je ne croyois pas que la nature voas. eut doué d'une mémoire aufli fidelle , que celle que vous venez de faire paroirre. C'eft un grand avanrage , quand, après avoir fait beaucoup de leólures , on s'en reflbuvient aufli heureufement que vous. Mais 1'avantage-feroit bien ■plus- confidérable , fi le jugement 'régloit la mémöire , c'eft-a-dire , fi -en fe reflbuvenant de tant de  I2? HlSTOIRÏ chofes, on favoit en faire,. & & on en faifoit eneffet, un judicieux ufage. Je favois une grande partie de tout ce que vous venez de me rapporter | mais je me fuis bien donné de garde de m en enteter comme vous, de telle forte que je les crufle routes véritables. Je vois par vos hochemens de tére, que vous n'êtes pas d'humeur k vous rendre , quelque chofe qu'on vous dife pour vous détromper. C'eft la malheureufe deftinée des gens pévenus ; ils ne veulent rien croire de ce qu'on leur dit de contraire a leur prévention; ils ne daignent pas même écouter ceux qui paroiffent s eloigner de leur fentiment, Vous m'accufez dë vouloir faire 1'efprit-fott , parce que je ne donne pas aveuglément dans votre opinion. Non, mon frère , je ne me piqué point du tout-de pafler pour efprit-fort; je voudróis feulement vous convaincre pour une bonne fois, & vous faire reconnoitre & avouer ,, qü'iL n'eft point. d'un homme d'efprit, d'un homme raifonnable, d'être. d'une trop facile ;crédulité. -Si vous voulez croire abfolument tout ce' qu'on dit en faveur des fantómes , des fpectres , des efprits qui reviennent, des appatitions étranges ,. dont on fait tant de contes ; parce qu'il eft impnmé ; pourquoi ne croyez-vous pas aufli tout ce qu'on a imprimé, pour montrer qu'il ne faut pas ajouter foi a tant .d'opinions c\- d'hiftoires , fans connoiflance de caufe i I  d e M. Oufle. h9 caufe , afin de croire avec raifon 8c autant que la vérité 1'exige ? Mais pour vous, vous êtes fi éloigné de prendre une fi raifonnable précaution , que j'ai remarqué qu'enrre les hiftoires & les öpinions donr vous venez de faire le détail, il y en a que les auteurs , de qui vous les avez tirées, ne reconnoiffent point pour légitimes , & n'admettent point du tout pour véritables; cepen- x danr, vous prenez 1'hiftoire , pour la croire; 1'opinion pour la fuivre, fans vous foucier du fentiment de 1'auteur qui vous la donne ; tant il eft vrai , que vous ne voulez croire que ce qui s'accomrnode avec votre prévention. Hé quoi ! mon frère, n'avez-vous de la raifon que pour obferver une conduite fi déraifonnable ? n'acquérez-vous des connoiflances , que pour vous comporter fi aveuglément ? Je vous combattrois volontiers fur ce que vous avez dit d'abord , q'ue les aftres produifent continuellernent des fpectres 8c des fantómes ; mais cette opinion eft fi extravagante , que je la juge rout-a-fait indigne d'aucun difcours, pour en montrer le ridicule. De plus , comme il me faudroit faire une grande difcuflion, pour montrer én quoi confifte la propriété de ces afttes auxquels on attribue tant de verrus, tant de puiftance, & dont on fait tant de bruit , j'aime mieux prendre le parti de n'en den dire j car outre que le fujet n'en mérite pas I  ï)0 HlSfOIRE la peine, c'eft qu'il me paroit par les mines que vous faites , que vous n'êtes pas d'humeur a vous donner la patience de m'écouter longtems. Je me réduis feulement a quelques réflexions fur tout ce que vous venez de me dire; a celle-ci premièremenr ; c'eft qu'il ne feroit pas facile de connoïtre quelle eft votre religion; car, fi vous croyez rout ce que vous m'avez débité, j'y trouve un fi grand mélange de je ne fai combien de fortes de religions , que 1'on auroit raifon de vous foupconner de les embrafler toutes, ou de n'en avoir point du rour. Par exemple , li vous renez toutes vos hiftoires pour véritables , vous êtes donc perfuadé que les ames deviennent matérielles , quand elles ont eu beaucoup d'attachement pour leurs corps ; vous croyez que les ames pafient d'un corps dans un autre ; vous croyez qu'elles roulent fous terre comme des taupes, pour aller s'unir je ne fai oü , a des corps qu'elles ont pris en aftecfion. Dans ces exrravagantes opinions , il n'eft pas plus fait mention de dieu , que s'il n'y en avoit point; aufli font-elles très-indignes de fa fagefle & de fa grandeur. II femble, a vous enrendre dire, que ces ames difpofent abfolument d'elles-mêmes fans dépendance , comme fi elles avoient été le principe de leur création , & qu'elles fuflent les maïtreftes de leur exifteuce.  de M. Oufle. U| Etes-vous aflez déraifonnable (je n'oferois dire quelque chofe de pis) pour vous imaginer que les ames fonr de verre, & qu'elles ont autant d'yeux qu'en avoit Argus ? Les croyez-vous immortelles, fi vous avez cette opinion ? J'abrége ; car il me faudroit un difeonirs entier pour vous bien momtrer , que croire qu'une ame eft de verre , la conféquence eft infaillible, qu'elle fera donc fujette a la mort. Lorfque vous vous perfuadez encore > cömme vous 1'avez die ï qu'un homme peut quitter foii ame quand ,il veut; avez - Vous bien examiné cómment cela fe peut faire ? Je vous défie de le comprendre. Cela eft incompréhenfible; aufli cela eft-il très-faux. II n'y a que dieu qui puifle unir 1'ame avec le corps ; il n'y a que lui qui les puifle féparer, pour enfuite les réunir. Eflayez, mon frère , eflayez a envoyer votre ame quelque part, de telle forte que votre corps tombe inanimé par terre; mais a dieu neplaife, que je vous donne férieufement un tel confeil ; car fi vous 1'exécutiez , je vous perdrois pour toujours ; je perdrois un frère qui m'eft très-cher; & c'eft parce qu'il m'eft très-cher , que je m'afflige tous les jours de le voir fe donner en proie a tout ce qui fe préfenre pour le fédnire. De bonne foi, mon frère 5 croyez - vous la production des ames par les battemens de cceut ? lij  ïji HlSTOIRE Si cela eft, dieu n'avoit qu'a créer un petit nombre d'Hommes , pour remplir d'ames rour 1'univers. II y a des peuples entiers , dites-vous , qui le croient ainli. Et a quoi ferions-nous réduirs , li nous étions obligés de nous conformer- aux opinions extravagantes de je ne fai combien de nations. Voyez oü votre entêtement vous mène, puifqu'il vous engage a croire que même les bêtes rcviennent de 1'autre monde , comme fi elles avoient une ame femblable a celles des hommes ! L'hiftoire de votre afpic, que vous avez racontée , eft une preuve que vous êtes de cet avis. Et ainfi, les chats , les chiens , les rats , les éléphans, les fourmis, pourront revenir pour chagriner les hommes. Oh! certes , fi cela étoit, j'avoue que nous ne manquerions pas de revenans. Quelle folie imagination ! quand vous vous appuyez encore pour foutenir 1'exiftence de tous les fantómes & de tous les fpectres , dont on vous fait des hiftoires; quand vous vous appuyez, dis-je, fur ce que vous avez lu , que les ames des bienheureux logent dans les arbres , apparemmenr vous ne reconnoiffez point d'autre paradis que les forêts. Y avez-vous bien penfé ? Je ne vous fais pas une grande remontrance a cet égard ; je vous prie feulemenr de vous rappeler vos principes de religior, pour rentrer en raifon  d e M. Oufle. 133 la-deftits. Votre hiftoire de cet amant qui avoit promis a fa maitrefle de revenir en couleuvre , & qui revint en eftet avec cette bizarre forme , h 1'on veut vous en croire ; cette hiftoire, me fait la plus grande pitié du monde. II eft vrai que vous m'avez cité un grand nombre d'hiftoires approuvées & imprimées avec privilege ; mais fauf le refpeót que je veux bien reconnoïtre devoir a toutes ces raifons, dont vous prétendez les autorifer, je vous afliire qu'entre toutes ces hiftoires, j'en ai remarqué qui font fi ridicules & fi contraires au bon fens, que , quand même, pour les faire valoir, on m'apporteroit des preuves qui me paroïtroient invincibles, jene laifleroispas d'en douter; je croirois, ou qu'on s'eft laifle tromper, ou qu'on me veut tromper moi-même. Votre conté des lunettes ttanfportées par un revenant dans un jardin , eft excellent pour me faire rire; mais , n'en déplaife au livre d'ou vous 1'avez tiré, je n'y ajouterai pas plus de foi que le chevalier qui joue de fort agréables róles dans ce roman. Comment me poutrois-je perfuadet que des ames qui font en paradis , ou en enfer , ou en purgatoire , puiflent en fortir exprès, ou par leur propre puiftance , ou avec la permifliort de dieu , pour venir ici faire des efpiégleries & poliflonneries, a la vérité, très-convenables 4  H I S T O I R E des pages , d des laquais , & d des écoliers (i) j mais qui ne me parpiflent point du tout pouvoit être mifes en pratique par d?s ames , ou qui jouiflent dans le ciel, de la fuprême félicité, ou qui étant les objets de la jufle vengeance de dieu , fouffrent dans les prifons (z) oü elles font enfermées, des tourméns inconceyables. M. Oufle fe levaalors, comme s'il étoit forti d'une extafe; & en s'écriant comme s'il eut été fort pénétré de ce qu'fl venoit d'entendre, il dit v. Ah! mon frère, vous m'avez charmé par tout f. ce que vous venez de me dire, conrinuez, je vous i pne, & comptezque nous ferons contens fün * de Faiure "• Enfuite il s'ènfonca dans un fauteud, tourna la'tête d'un autre cóté, & ferma les yeux, comme s'il eut voulu éviter tout objet de diftraction, afin d'écouter avec plus d'attention ce qu'on lui alloit dire. Noncrède fe perfuadant qu'il étoit ébranlé & très-difpofé d lui donner une audience favorable, cbntimia de parler, comme on le va voir dans le quatorzième chapitre. (i.) Ces mcffieurs les efprits font dordinaire fort brufqucs, &■ Ion diroit qu'ils ne reviennent en ce monde que peur ïaire des tours de laquais. Ch. LTH***. . ( i) Non eft qui agnitus fu reverfus ab infèris. Sag. Faciiis defcenfus averni, Sed revocare gradum, fuperafque 'erfintpere ad auras , Ha: opus, hic laboreft. Yirgil. 1. 4, .-Eu.  d e M. O u p t k, xjj CHAPITRE XIV. Suite du difcours de Noncrède fur les apparitions*. Pendant que M. Oufle paroifloit le plus attentif du monde pour entendre tout ce qu'on voudrolt lui dire, Noncrède employa tout ce qu'il s'imagina être le plus propre pour remettre fon efprit de tant de fadaifes qui 1'obfédoient, Sc continua de la forte : Je fuis ravimon cher frère, de vous voir enfin eommehcer a reconnoïtre vos erreurs, aflez complaifant pour vouloir du moins écouter ceux qui tachent de vous en retirer, & montrer aflez de confiance en moi, pour croire que je vous parle de bonne foi, & que j'en fai aflez pour vous faire, diftinguer le vrai d'avec le faux. J'ai fouvent examiné comment il fe peut faire que 1'ame d'un homme qui eft mort vienne apparoitre ici aux vivans. J'avoue de bonne foi, que je. 11 ai pu encore le comprendre, & vous me feriez un grand plaiilr de m'apprendre fi vous 1'avez mieux compris que moi. Voila comment je raifonnois: Quand une ame vient fe montrer, comme on dit qu'il s'en montre fi fouvent, comment fe montre-r-elle ? Qu'eft-ce qui produir certe figure I iv .  i>6 HlSTOIRjr qu'elle fe donne ? car il faut abfolument qu'il y ait quelque caufe qui produife cette merveilleufe opération. II eft conftant, felon les hiftoires qu'on fait, que ces ames qui reviennenr frappent les yeux par leur repréfentation: les oreilles par les bruirs qu'elles font, par les paroles qu'elles pro. noncent. Dire que c'eft 1'ame qui fe fait entendre & qui eft vhible par elle-même , c'eft une erreur, pmfqu'étant un pur efprit, elle ne peut point tomber fous les fens. II faut donc que ce foit le corps mort qu'elle a animé autrefois, qui apparoiife. Mais cela n'eft point vrai; car, outre que ce qui apparoit, n'eft point auffi materiel que ce corps, c'eft que ce même corps refte dans le tombeau, & qu'il y a même peut-être plufieurs années qu'il eft réduit en pourriture. Si 1'on dit que cette ame forme avec de l'air 1'apparence de ce corps, d'ou vient que lorfqu'elle étoitunie avec lui, ellen'avoit pas la même puiffance ? Car, quelques eftorts que nous faffions ia, nos ames ne produiront jamais des corps aériens; du moins je ne crois pas pour moi pouvoir jamais en venir a bout, je doute fort que vos hiftoriens aient plus de puiffance que moi a cet égard. Tout cela m'a toujours embarraffé quand on m'a parlé de fantómes, de fpectres & de revenans. Peut-être eft-ce Ia faute de mon ignorance; mais je n'en fuis pas coupable; ce n'eft point une ignorance crafte, puifque je ne refufe  de M. Oufle. 137 point du tout d'être patfaitement friftruit pour m'en retirer. Et ainfi, en attendant cette inflruction, je crois pouvoir, en füreté de confcience, ne pas donner aveuglément ma crédulité a tout ce qu'on me dit la-deflus. J'ai auffi de la peine a. croire fermement qu'il y ades ames qui vont continuellement ca & la; & cela, par punition, a ce qu'on dit, de ce qu'elles n'ont pas payé quelques dettes, ou de ce qu'elles n'ont pas accompli quelques promefles5 ou de ce qu'elles onr caufé quelque dommage pendant qu'elles animoient les corps qu'elles onr quittés. Car, dis-je quelques fois en moi-même, a quoi peuvent aboutir ces démarches vagabondes ? Ces dettes en font-elles mieux payées ? Ces promefles en font-elles mieux accomplies? Ces torts enfontils mieux réparés , pendant qu'elles errent de tous cótés, comme des forcenées qui ne favent oü aller ? De plus , d'oü viennent-elles ? eft-ce du paradis ? Certes , on s'y trouve fi bien, qu'on n'eft pas d'humeur a en fortir, pour venir ici fe tourmenter 8c inquiéter les autres. Eft-ce de 1'enfer ? quelques forties qu'on en faffe, fi tant eft qu'on ait la liberté d'en faire, elles ne peuvent, felon nos principes, apportet aucun foulagement. Eft-ce du purgatoire ? qu'on me montre donc qu'il y a des révélations abfolument inconteftables, qui apprennent que Dieu a promjs de donner, & qu'il a donué en effet cette  *38 HlSTOIRE hberté. Je fais encore cette réflexion y mais pour-. quoi ces ames ne feroient-elles ainfi erranres que parce qu'elles ont fait quelque tort i leurs femblables, pendant qu'elles ont commis tant d'autres. crimes qui attaquoient directement leur dieu, comme 1'orgueil, la préfomption, le blafphême, les murmures contre fa providence, &c. ? Voila , comme vous voyez, des raifonnemens donr on pourroit tirer de grandes conféquences, fi 1'on vouloit prendre tout le tems néceffaire pour leur donner une jufte étendue. Je ne puis encore me réfoudre a recevoir pour véritable ce que difent certaines gens , quand ils prétendent que quedquefois les diables viennent mquiéter les hommes par des apparitions; car il me paroit que cette conduite eft trés-contraire a leur mahgnité, puifqu'en donnant ces frayeurs, ils nepeuvenr s'attendre a autre chofe qua exciter ceux qu'ils erfrayent, a fe repenrir de leurs fautes paflées, Sc a prendre réfolution de n'en plus commettre defemblablcs. II me femble que les diables ne font pas d'humeur a avoir de fi charitables intentions. Cependant il eft conftant qu'il n'y a point d'athée , point de libertin , quelque déterminé qu'il foit, qui ne fe trouvat difpofé a changer d'opinion «Sc de vie, s'il étoit le fpectateur d'une apparition , dont il n'eüt point fujet de douter. Une autre chofe me donne encore de 1'embarras;  d e M. Oufle. 139 c'eft , fuppofé qu'il y ait des apparitions, de favoir connoïtre s'il n'y a point de tromperie dans ce qui apparoït, c'eft-a-dire, bien diftinguer les bons efptits d'avec les mauvais; difcerner fi ces apparitions ne viennent point de 1'adreffe, de 1'artifice Sc de la ttompetie des hommes (1). Et ainfi talijours marière de douter; & par conféquent toujours fujet de n'avoir pas une crédulité trop facile. (1 ) On peut apprendre de faint Athanafe quels ont été les feminiens de fon fiècle touchant les ames féparées des corps par la mort. C'eft dans la trence-deuxième de fes queftions, fi les ames, après leur féparation, ont connoiffance de ce qui fe paffe parmi les hommes, ainfi que les faints anges 1'ontï Sur quoi il répond qu'oui; au moins en ce,qui regards les ames des faints, mais non pas en ce qui regarde celles des pécheurs; car les tourmens continuels, qu'elles endurent, les tiennent afl'cz occupées, pour ne leur pas laiffer le loifir de péufer a autre chofe. Sa queftion trente-troifième, eft, quelle eft 1'occupaticn des ames qui ont délogé du corps ? Réponfe : 1'ame féparée du corps eft incapable d'opérer rien de bon ou de niauvais. Néanmoins il dit un peu après, que les ames des faints , animées par le. faint Efprit, louent Dieu & le béniffent dans la terre des vivans. II affirme dans la trente-cinquième queftion, qu'après la mort, les ames ne reviennent jamais apporter des nouvelles de l'état des trépafles. Ce qui pourroic donner lieu a beaucoup de tremperies, parce que les malins efprits pourroient feindre qu'ils feroient les ames des morts qui reviendroient découvrir quelque chofe aux vivans.  14° HlSTOIRE Vous voyez que je tranche forr courtfur roitt ceci,' & que pour peu que je vouhüTe m'érendre , j'aurois un beau champ pour dire bien des chofes qui vous aideroient a vous rirer de votre erreur. J'efpère que par de férieufes réflexions que vous ferez vous-même, vous fuppléerez a ma briéveté. J'abrège chaque article, afin de vous donner plus de matière pour faire de bons & de judicieux raifonnemeus. Par exemple, en voici un fujer. Combien d'hiftoires de prétendus revenans, qui n'onr poinr d'autre réalité que l'adrefTe d'un homme qui s'en fert pour jouir plus tranquillement de fes amours, ou d'un valet pour boire plus facilemenr le vin de la cave de fon maitre (i)! d'un fermier qui fe fera mis dans 1'efprit de prendre toutes les mefures poffibles , pour être lui feul en polfefhon d'habitet une maifon qui lui convient a ( l ) Encore que j'aie dit qu'ès fépulcres & gibets ( c'eft ainfi que parle le Loyer, p. 173 ), les mauvats garuemens font leurs fabbats & leurs lutineries, fi eft-ce que leur audace paffe bien plus outre, jufques ès maifons pour buffeter le bon vin & pour jouir de leurs amours : ils ne craindront pas de contrefaire les efprits; aufli le vieux proverbe francois eft venu dela, qui dit que : Oü font fillettes & bon vin, C'eft-li oü hance le Itmn.  d e M. Oufle. 141 parce qu'il y fait bien fes affaires (1), & qu'il fe trouve au contraire peu de gens affez adroits pour ( 1) Ardivilliers eft une terre affez belle en Picardie, une des plus confidérables provinces de France, aux environs dc Breteuü. Il y revenoit un efprit, & ce maitre lutin y faifoit un bruit effroyable. Toute Ia nuit c'étoit des flammes qui faifoient paroitre le chateau tout en feu. C'étoit des hurlemens épouvantablcs, & cela n'arrivoit qu'en certain tems de 1'année, vers la Touffaint. Perfonne n'ofoit y demeurer, que le fermier avec qui cet efprit étoit apprivoifé. Si quelque malheureux paffant y couchoit une nuit, il étoit étrillé d'importance. Les marqués en demeuroient fur fa peau plus de fix mois après. Voila pour le chateau. Les payfans d'alentour voyoient bien davantage; car tantöt quelqu'un avoit vu de loin une douzaine d'efprits en l'air fur ce chateau. Ils étoient tous de feu, & ils danfcient un branie a la payfanne. Un autre avoit trouvé dans une prairie je ne fai combien de préfidens & de confeillers en robes rouges, mais fans doute qu'ils étoient. encore tous de feu. La ils étoient affis & jugeoient a mort un gentilhomme du pavs, qui avoit eu la tête tranchée il y avoit bien cent ans. Un autre avoit rencontré la nuit un gentilhomme, parent du préfident. II fe promenoit avec la femme d'un autre gentilhomme des environs; on nommoit la dame. (Vous remarquerez, s'il vous plait, que ce parent & cette dame font encore vivans). On ajoutoit qu'elle s'étoit laiffé cageoler, & qu'enfuite elle & fon galant avoient difparu. Ainfi plufieurs autres avoient vu, ou tout au moins ouï dire des nierveilles du chateau d'Ardivilliers. Cette farce dura plus de quatre ou ciaq ans, & fit grand tort au préfident qui étoit  I4i HlSTOIRE découvrif ces rromperies, ou affez hardis pour l'entreprendre ! une aurre raifon m'engage encore contrahit de lailTer fa terre a fcn ferrhier a très-vil prix. Mais, enfin, il réfolut de faire ceffer Ia ltitinerie, perfuadé, par beaucoup de circonftances, qu'il y avoit quelqu'artifice dans tout cela. II va a fa terre vers la Touflainti couche dans fon chateau, fait derneurer dans fa chambre deux gentilshommes de fes amis, bien réfolus, au premier bruit ou a la première apparition, de tirer fur les efprits avec de bons piftolets. Les efprits qui favent tout; furent apparemment tous ces préparatifs; pas un d'eux ne parut. Ils redoutèrent celui du préfident qu'ils reconnurent 'avoir plus de force & de fubtilité qu'eux. Ils fe contentèrent de trainer des chaïnes dans une chambre au-deflus de la fienne; au bruit defquelles la femme Sc les enfans du fermier vinrent au fecours de leur feigneur. Ils fe jerèrent a genoux pour 1'empêcher de monter dan'S cette chambre. «Hél mon33 feigneur, luicrioient-ils, qu'eft-ce que la force humainé « contre des gens de 1'autre monde? M. de Fécaucour, » avant vous, a voulu tenter la même entreprife, il en eft 33 revenu avec un bras tout difloqué. M. de Vurlelles pen3) foit aufTi faire le brave; il s'eft trouvé accablé fous des 33 bottes de foin, & le lendemain il en fut bien malade33; Enfin ils alléguèrent tant de pareils exemples au préfident, que fes amis ne voulurent pas qu'il s'exposat a ce que 1'efprit pourroit faire pour fa défenfe; ils en prirent feuls la commiffion. Ils montèrent tous deux a cette grande Sc vafte chambre oü fe faifoit le bruit; le piftolet dans une main & la chandelle dans 1'autre. Ilsne voyentd'abordqu'unc épaifle fumée que quelques flammes redoubloient, en s'élevantpar  b E IVL O U F L Ei Ï43 a, me défier des apparitions, c'eft que fouvent, ou par un défaut de vue, ou par une certaine fituation incervalles. Ils attendent un moment qu'elle s'éclaircifle. L'efprit s'entrevoit confufément au milieu. C'eft un pantalon tout noir, qui faifoit des gambades, 8c qu'un autre mélange de flammes Sc de fumée dérobe encore une fois a leur vue; il a des cornes Sc une longue queue; enfin c'eft un objet qui donne 1'épouvante. L'un des deux gentilshommes fent un peu diminucr fon audace a cet afpect. Il y a la quel* que chofe de furnaturel, dit-il a 1'autre, retirons-nous. Mais cet autre plus hardi, ne recule pas. « Non, non, ré" pondit-il, cette fumée fent la poudre a canon, & ce n'eft « rien d'extraordinaire. L'efprit même ne fait fon métier » qu'a demi, de n'avoir pas encore foufflé nos chandelles II avance a ces mots, pourfuit le fpectre, le choifit pour lui lacher un coup de piftolet, le tire Sc ne le manque pas; mais il eft tout étonné, qu'au lieu de tomber, ce fantöme fe retourne 8c fe fixe devant lui. C'eft alors qu'il commence lui-même a avoir un peu de frayeur. II fe ralfure, toutefois, perfuadé que ce 11e pouvoit être un efprit; 8c voyant que le fpectre n'ofoit 1'attendre Sc évitoit de fe lailfer faifir, il fe réfolut de 1'attraper pour voir s'il fera palpablc, ou s'il fondra dans fes mains. L'efprit étant trop prelfé, fort de la chambre Sc defcend par un petit efcalier qui étoit dans une tour. Le gentilhomme defcend après lui, ne le perd point de vue, traverfe cours Sc jardins, 8c fait autant de tours qu'en fait le fpectre; tant qu'enfin ce fantóme étant parvenu a une grange qu'il trouva ouverte, fe jeta dedans, Sc s'y voyant enfermé, aima mieux difparoitre que de fe lailfet prendre. II fondit contre le mur même ou le gentilhomme  *44 Histoire d'objets, on croit voir ce qui n'eft pas. On prétend que de certaines repréfentations qui fe voyent dans 1'air & dans les nuées, ne font que des réverbérations des chofes qui font fur la rerre (i). Enfin, pcnfoit 1'arrêter, Sc le laifla fort confus. L'ayant ainfi vu fondre, il appela du monde, fe fit apporter de quoi cnfoncer le paly oü Ie fpectre fembloit s'être évanoui; il découvrit que c'étoit une trappe qu'on fermbit d'un verrouil après qu'on y étoit païle. II defcendit dedans, trouva le pantalon Sc de bons matelas qui 1'empêchoient de fe bleffer, Sc le recevoient doucement quand il s'y jctoit la tête la première. II 1'en fit fonir. Le caraétère qui rendoit l'efprit a 1'épreuve du pifbolet, étoit une peau de buffle ajoutée a tout fon corps. Le galant avoua toutes fes foupleiTes, & en fut quitte pour payer a fon maitre les redevances de cinq années, fur le pied de ce que la terre étoit afFcrmée avant les apparitions. La fauffe Clélie , p. 2.53. ( 1) Ariftote dit que ceux qui regardent obiiquemcnt & fans s'arrêter les rayons du foleil, croyent voir nremièreihefit les chofes qui fe préfentent a eux, claires & puis rouges, & après violettes, & en fuite n'oires & obfeures. Le Loyer, p. 88. Pomponace écrit que ceux qui ont la vue bien fubtile & vive, voyent dans le fdleil Sc dans la lune, les images des chofes inférieures. Cardan dit, 1. 2 , contrad. medic, qu'en la ville de Milan on crut voir aux nuées un ange, & que comme tout Ie mondeparoifloit fort e'tqriné, un jurifconfulte fit remarquer que ce fpcclre n'étoit que la repréfentation qui fe faifoit rout  d e M. Oufle. . 145 tour le monde convient que nos lens font fouvent trompeurs; & ainfi, il eft de notre prudence de nous en défier. Jen ai garde de m'imaginer, comme quelques pfulofophes, que l'air produit par luimême (1) ces voix étonnantes qui paroiflent être prononcées par des fantómes; mais je ferois aflez difpofé a croire que ce qu'on appelle fpectre eft fouvent produit par des apparitions fort naturelles, fans que les ames, ni les efprits y aient aucune part; ce qui me donne cette difpofition, c'eft 1'expé- dans les nuées, d'un ange qui étoit fur le haut du clocher de Saint Gothard. QuclqUes-uns ont cru que toutes les figures que nous voyons aux nuées, ne font rien autre chofe que 1'image A'ici bas; c'eft pourquoi ils affurent que ces armées qu'on 3 fouvent vues en l'air, étoient les repréfentations des armées qui étoient en quelqu'endroit de la terre. Gaffarel, p. jio. Si Ariftote ne nous eut appris que 1'image qui fuivoit en J'air inféparablemcnt un certain homme qui ne s'en pouvoit dépêtrer étoit naturelle, n'eut-on pas dit que c'étoit un efprit de ceux qu'on appelle familiers, ou quelque démon qui avoit pris la forme de cet homme 3 & toutefois c'étoit le feul effet de fa vue foible, laquelle ne pouvant pénétrer le milieu de l'air, fes rayons faifoient une réverbération comme dans un miroir, dans lequel il £e voyoit tant qu'il avoit les yeux ouvcrts. Id. p. 377, Delrio, p. 2.74. C1) Les Epicuriens difent que c'eft le propre de l'air, que les voix; qu'elles s'engendrent de lui, comme de la mer, ie flux & le reflux, &.c. Le Loyer, p. 1?. K  I46 HlSTOIRE rience q.u'on a faite de certaines chofes matérielles, qui, réduites en cendres, ont repris leur première figure, quand ces cendres ont été mifes en mouvement ; plufieurs curieux affurent qu'ils en ont été témoins , & qu'ils ont fait eux - mêmes cette épreuve (i). Si cela eft ainfi, il n'eft pas néceffaire (i) M. Duchefne, fieur de la Violette, habile chirurgien, rapporte (ïLermeti. Medicin. cap. x] ) avoir vu un très-habile Polonois, médecin de Cracovie, qui confervoit dans des fioles la cendre de prefque toutes les plantes dont on peut avoir connoiffance; de forte que lorfque quelqu'un, par curiolïté, vouloit voir, par exemple, une rofe dans ces fioles, il prenoit celledans laquelle la cendre du rofier étoit gardée, & la mettant fur une chandelle allumée après qu'elle avoit un peu fenti la chaleur, on commencoit a voir remuer la cendre, puis étant montée & difpetfée dans la fiole, on remarquoit comme une petite nue obfcure qui, fe divifant en plufieurs parties; venoit enfin a repréfenter une rofe fi belle, fi fraiche & fi parfaite, qu'on 1'eüt jugé être palpable & odorante, comme celle qui vient du rofier. Secret, dont on comprend que quoique le corps meure, Les fornies font pourtant aux cendres leur demeure. D'ici on peut tirer cette conféquence que les ombres des trépaffés qu'on volt fouvent paroitre aux cimetières, font naturelles, étant Ia forme des corps enterrés en ces lieux, ou leur figure extérieure, non pas 1'ame, ni des fantómes batis par les démons, comme plufieurs l'ont cru. .. . Ces ombres ou figures des corps étant excitées & élevées, partie-par une chaleur interne, ou du corps, ou de la terre, ou bien par  ö | M. Oufle. i47 dé faife venir les arnes de 1'aatre monde pour produire des apparitions , puifque les fpectres peuvent fe former auffi naturellement que les exhalaifdns, d'oü nous viennent tant de météores que nous n'admirons point, parce qu'ils n'ont rien de furnarurel. Je puis encore vous affurer, mon frère, qu'il y a une infinité d'apparitions qui ne font que les effets d'une imagination gatée, ou par les maladies, ou par une confcience criminelle & inquiète, qu par des frayeurs, ou par une mélancolie noire, ou par quelque excès de vin 8c d'autres débauches, ou par quelque dérangement de cervelle; vous devez en avoir lu plufieurs exemples (i). II y a quelqu'externe, comme celle du foleü, ou de la foule de ceux qui font encore envie ( comme après une bataille) , ou par le bruit & la chaleur du canon qui échauffent l'air. Gaffarel, p, io-iï,. On prétend qu'après avoir mis un moineau en cendres, Sc en avoir tiré le fel, &c. il s'eft mis en mouvement & s'eft arrangé de telle forte, qu'il a repréfenté le moineau. Meffieurs de 1'académie royale d'Angleterre, efpèrent parvenir a faire cette expérience fur les hommes. Differtation fur 1'aventure arrivée a faint Maur, p. ; i. (i ) Ariftote parle d'un fou qui demeuroit tout le jour au théatre oü fe faifoient les jeux, quoiqu'il n'y eut perfinne; Sc la tapoic des mains Sc rioit, comme fi 1'on y K ij  I4S HlSTOIRE plus de gens que vous ne croyez , qui ont ces défauts; c'eft pourquoi les fages, ceux qui ne font pas d'humeur a fe laifter conduire par 1'imagina- avoit joué une très-réjouilTante comédie. Le Loyer, p. «,8. Phifander, Rhodien, voyant fon ombre, penfoit cjue c'étoit fon ame féparée de lui. De Lancre, p. 183. Suetone dit (in Otkone, c'. 7) que Galba, après fa mort, pourfuivoit Othon, fon meurtrier, & le tirailloit hors du lit, 1'épouvantoit, & lui faifoit mille maux. C'étoit apparemment fa confcience qui le tourmentoit. On lit ce conté dans Bebelius, 1. 3 ,facetiarum. II y avoit a Bafie un chaudronnier qui, pour fes maléfices, fut condamné a être pendu. Ce qui fut exécuté, & enfuite on le mit au gibet patibulaire, qui n'étoit pas éloigné de la ville. Quelques jours après cette exécution , un certain homme qui ne favoit rien de tout ceci, s'étoit haté de nuit d'aller au marché dans la ville, & fe doutant bien que les portes n'ouvriroient de longtems, fe repofa fous un arbre prés ce gibet. Quelque tems après d'autres hommes, qui alloient auffi au marché, paflant leur chemin, & étant auprès du gibet ou étoit le pendu, lui demandèrent, par gauflerie, s'il vouloit venir avec eux au marché; 1'homme qui étoit fous 1'arbre , croyant qu'on parloit a lui, & étant bien aife de trouver compagnie, dit a ces palfans, attendez-moi, je m'en vais avec vous. Eux croyant que c'étoit ce pendu qui leur parloit, furent fi épouvantés, qu'ils prirent la fuite de toute leur force. L'épouvante & la frayeur privent un homme de fon ju-> gement, lui troublent la cervelle, lui remplüTent 1'irnagi-  DE M. O Ü F 1 E. tiort , font perfuadés qu'il y a bien des apparitions qu'ils ne font pas obligés de croire. II eft encore conftant que l'éducation contribua nation de toutes fortes d'idées, en telle forte qu'il penfe voir & ouir ce qui n'eft pas. Le Monde enchanté ,4, 13. Ceux qui ont trop bu de vin, s'imaginent voir les montagnes marcher, les arbres choquer 1'un contre 1'autre, la ciel tourner, Sc qu'il y a, comme dit Juvenaf, deux chandclleS allümées fur la table, quoiqu'il n'y en ait qu'une. Et gcminis exwgii menfa Luccrms. Dans la ville d'Agrigcnte en Sicilc, ori voyoit Une maifon qu'on nommoit Galère, felon Timée & Athénée, 1. i, Deipn., a caufe que de jeunes geus qur étoient ivres, étant dans cette maifon Sc s'imaginant être dans une galère agitée de la tempête, jetèrent les mcubles par les fenêtres pour la foulagei'. Le baron d'Herbeftein, ambaffadeur de 1'empereur' Charles V, vers Bafile, grand duc de Mofcovie, racofite qu'en la rivière qui paffe a Novigrod, ott entend par fois une voix qui exite des fureurs époüVantables dans refprit des habitans. Le Loyer, p. 331. Du tems de Lyfimaque, fucceffeur d'Alexahdre, tous' les Abdéritains , tant hommes que femmes Sc petirs • enfans tombèrent dans une telle fréttéfie, qu'ils ne faifoient que chanter des vers tragiques d'Euripide; Sc cela , a caufe' de la repréfentation d'Andromède , qui fut parfaitement exécutée par un fameux comédien appelé Archelaü's, pendant les plus ardentes chaleurs de 1'été. Id. 93. Thierry, roi des Goths, s'imagina voir dans la tête d'unpoiffon, la face horrible de Symmaque, Romain qu'il avoit K iij  *j® HlSTOIRï beaucoup a faire qu'on s'imagine voir des fpectres & des fantómes; les nourrices, les grand'mères, les mies, en parient fi fouvent aux enfans (i), pour tué, froncant les fourcils, mordant fes lèvres de colère, & le regardant de travers. Id, p. 116. On lit dans Paul Jone, en fes épitres italiennes a Jéröme Anglerla, que Pic de la Mirande croyoit que des forciers étoient entrés dans fa chambre par la fente de la ferrure de Ia porte, pour fucer fous les doigts le fang de fa fille dont elle étoit malade. On lit en Roderic Sance, kiftor. Hifpan. part. 4, que Pierre de Caftille, tyran cruel, s'imacinoit que la ceinture que Blanche fon époufe lui avoit donnée, étoit changée en lerpent. Thrafylas s'imaginoit que les navires qui abordoient au port de Pyrée, a Athènes lui appartenoient. On le guérit de fa folie, dont il fut fort faché. Le Loyer. 116. Galien rapporte, de fymptomatum differentiis, l'hiftoire de Theophilc, médecin, fon contemporain, qui, pendant une fièvre & une maladie, quoiqu'il connüt tout le monde, étoit dans un tel délire, qu'il croyoit fermement que de« )oueurs de flutes & cornets a bouquin, occupo.ient un endroit de fa chambre auprès de fon lit, & qu'ils fonnoient continuellement a fes oreilles, les uns affis, les autres debout. II crioit fans ceffe qu'on les chalfat. (1 ) Acco & Alphito, femmes monfh ueufes, par le moyen defquelles les nourrices empêchoient leurs petitsenfans de crier ou de fortir. Le Loyer ,31. Les nourrices, pour faire peur a leurs enfans, leur pnrlcnt d'Acco, Alphito & Mormo. Je crois que ces noms  B S M. O U E L E. IJl les effrayer , afin de les faire taire quand ils crienr, ou pour les faire rentrer dans leur devoir, quand ils s'en écartent, que ces premières impreffions leur donnenr route la difpofition poffible, pour en recevoir de pareilles, pour peu qu'il s'en préfente dans le cours de leur vie, & quand on connoit qu'un homme eft fort crédule a cet égard, il ne manque pas de fe trouver dans fon chemin des gens qui tachent de profiter de cette crédulité, ou pour leur intérê t, ou pour leur divertiflement. J'en fai plufieurs exemples de notre rems, & même 011 trouve dans 1'antiquité que quelques jeunes gens entreprirent de donner de la frayeur a un fameux philofophe par une faufle apparition; mais ils n'eurent pas le plaifir qu'ils fe promettoient de leur artifice, car il méprifa fi fort certe momerie, qu'il ne daigna pas fe détourner de fa lecture dans le tems qu'on faifoit des effbrts pour le rroubler (1). vicnnent de quelques perfonnages de tragédies ou comédies, qui étoient horribles a voir. Delrio, 19.0. Mormo ou Babou (dont eft tiré marmot), étoitunépouvantail d'enfans, dont Théocrite fait mention. ( 1) Les jeunes gens d'Abdère fachant que Démocrite s'étoit renfermé dans un fépulcre éloigné de la ville, pour vaquer a la philofophie, s'habillèrent en efprits & démons, avec des robes noires & des mafques hideux, relfemblans a des morts, renvironnèrent 6c dansèrent en rond autour die Kiv  *52 HlSTOIRE 11 n'yauroit pas tant d'hiftoires de fpectres, fil'pfl imitoit fa conduite. Mais comment ne fe troubleroit-on pas de chofes furprenantes qu'on ne comprend point, puifque 1'on eft même effrayé par de cerrains fpectres, quoiqu'on fache qu'ils ne font effroyables qu'en apparence & que la réalité n'y eft point? Dion nous en donne une bonne preuve dans le récit qu'il fait d'un feftin qu'on peut appeler épouvantable , que Dömitien donna (i) aux féna- lui. La conftance de ce philofophe fut telle, dit Lucien ; qu'il ne détourna point les yeux de fon livre. (i) Dion raconte cette hiftoire dans la vie de 1'einpereur Domitien. Après la victoire des Valaches, qui fent les Gethes anciens, Domitien, entre les témoignages de joie pour fa victoire, fit des feftins a toutes fortes de gens, tant nobles que rotluiers, Sc furtout aux fénateurs & chevaliers Romains, qu'il régala en cette manière. II fit drefTer rout exprès uoe maifon, peinte de noir dehors & dedans. Le pavé en étoit noir, le tolt, Ia muraiüe, Ie plancher, les lambris. Dans Ia falie du feftin il y avoit plufieurs fiéges vides. II les fit tous venir dans ce lieu, fans leur pennetrre d'être fuivis d'aueun de leurs domeftiques. Etant entrés, il les fait affeoir & mettre auprès de chacun deux une petite colonne carrée & reievée en forme de tombeau, fur laquelle étoit leur nom écrit. Au-delTus de Ia colonne il y avoit une lampe pendue comme aux fépulcres. Après venoient de jeunes pages tout nus, noircis & barbouillés d'encre, reffemblans aux manes & idolcs, faifant plufieurs fauts autour des fisnateurs & chevahers, cc qui leur donnoit de grandes  t> b M. Oufle.' 153 teuts & aux chevaliers Romains. Je ne vous en feraï pas rinftoire, puifque vous pouvez 1'apprendrepar vous-même, en lifanr cet hiftorien, fi vous êtes curieux de la favoir. Noncrède garda alors quelque tems le filence , pour attendre une réponfe de fon frère. Mais il fut rtompé dans fon attente, car M. Oufle dormit pendant tout le tems que fon frère paria. II s'éveilla enfin en furfaut, & fur ce que Noncrède lui reprochoit fon fommeil, le bon homme lui dit tranquillement, « vous n'avez pas fujet de » vous plaindre, monfieur mon frère, puifque je " vous ai tenu fidèlement parole. Je vous ai » prornis que nous ferions contens 1'unde 1'autre; frayeurs. Après avoir fauté, ils demeuroient affis a leurs pieds, pendant qu'on faifoit toutes chofes requifcs aux ob-, sèques des mores. Cela fait, on apportoit dans des plats noirs, des mets & entremets noirs, qu'on préfentoit devant les conviés. Tous croyoient qu'on leur alloit couper la garge. II y avoit cependant un profond filence, & Domitien, pour les entrctcnir, ne leur parloit que de meurtres, de carnages Sc de morts. Le feftin fini, il les faifoit conduite chez eux par des gens inconnus, 8c a peine. étoienti!s arrivés qu'on les redemandoit de la part de 1'cmpercur, (Nouvelle frayeur), mais c'étoit pout leur donner une colonne dargent ou quelque vailfelle du buffet qu'on avoit fervi devant eux, & a chacun un de ces p/tr^es qui avoit faiï le diable, mais bien lavé & bien habillé.  154 H I S T O I R. E » vous Ie devez être de moi, puifque je ne vans » ai pas inrerrompu un moment y je le fuis de » vous, puifque vous m'avez fi profondémenr & » fi agréablement endormi par vorre beau difcours, » que je dormirois encore fi vous aviez continué » de parler ». Le pauvre Noncrède fut d'autant plus mortifié de cette plaifanterie, que, bien loin de s'y être artendu , il ne doutoit pas au contraire que tour ce qu'il venoit de dire n'eür produit fur l'efprit de fon frère un eftet tel qu'ü le fouhaitoit. li fortit fur le champ-, parce qu'il éroit fi outré de chagrin & de colère, qu'il jugea a propos de ne pas refter plus longtems, de peur que 1'émotion ou il éroir, n'excitat en lui quelque emportement dont il n'auroit peut-être pas pu être le maitre.  d e M. Oufle. 15? CHAPITRE XV. Ou 1'on park des efprits foibles, ignorans s trop crédules , efclaves de la prévention 3 & ou 1'on montre combien il efl facile de les tromper. Avant que de pafler outre, & de contïnuer le récit des aventures de M. Oufle, je parlerai fuccindtement de ceux qui, comme lui, ont l'efprit foible, & crédule. Un efprit foible eft d'ordinaire lent & pareflèux, pour peu que 1'on entreprenne fur lui, on le fait venit oü 1'on veut. 11 ne fait oppofer aucune réfiftance. C'eft pour cela que les premières impreffions font fi tenaces, & le domptent de telle fotte, qu'il devient incapable d'en recevoir de fecondes, il ne peur rien croire que ce qu'il a cru d'abord. Quand il eft une fois vaincu, il ne fe relèvepoinr, il eft vaincu pour toujours; d'ou il fuir qu'il efl n ès-fufceptible d'erreurs , & capable de tromper les auttes, fi ceux-ci s'en rapportent a fon fentiment. Mais s'il y a bien des gens difpofés a fe laifler tromper, il n'y en a pas moins de difpofés a les tromper en efter. Ceux-ci n'ont qu'a vouloir, les moyens ne leur manquenr pas; il leur fuffira de fair* ufage avec un peu d'adrefte, de certaiues  t^i MlSTOlRB chofes naturelles ,\ mais dont les proptiétés font ihcpiinues aux fimples, ils arriveront facilement a leur hut; ils produironr de faux prodiges. Avec une pierre d'aiman , par exemple, ou avec d'autres pierres, ou avec du fucre , ou du cuivre , ou du vif - argent, ou d'autres chofes auffi naturelles, adroitement mifes en ufage (i)j ( i) II y a des fuborneurs du peuple qui, abufant de la crédulité & fimpücité des bonnes gens, fe mettent en grand credit par des tours de fouplefle qui en apparence ont quelque chofe de furnaturel. Comme je palfois par Lille en Flandre, je fus invité, par un de mes amis, a 1'accompagner chez une vieille femme qui paffoit pour une grand» devinerelfe & dont je découvris la fourberie. Cette vieille nous conduifït dans un petit cabinct obfeur, éclairé feulement d'une lampe, a la lueur de laquelle on voyoit fur une table couverte d'une nappe, une efpèce de petite ftatue ou poupée, affife fur un trépié, ayant le bras gauche étendu, tenant de la même main gauche une petite cordelette de foie fort déliée, au bout de laquelle pendoit une petite mouche de fer bien poli, & au-deffus il y avoit un verre de fougère, en forte que la mouche pendoit dans le verre cnviron la hauteur de denx doigts. Et le myftère de la vieille confiftoit a commander a la mandragore de frapper Ia mouche contre le verre, pour rendre témoignage de ce que 1'on vouloit favoir. La vieille difoit, par exemple, «je te » commande mandragore, au nom de celui a qui tu dois « obéir, que fi monfieur un tel doit être heureux dans Ie » voyage qu'il va faire, tu faffes frapper la mouche trois  de M. Oufle. 157 on peut faire des manières de merveilles qui pafferont chez les fimples pour des forcilèges & des 33 fois contre le verre33. Et en difant ces dernièrcs paroles, elle approchoir fa main a une petite diftance, empoignant un petit baton qui foutenoit fa main élevée a peu prés a la hauteur de la mouche fufpendue, qui ne manqaoit pas de frapper les trois coups contre le verre, quoique la vieille ne touchat en aucune facon, ni a la ftatue, ni a la cordelette, ni a la mouche; ce qui étonnoit ceux qui ne favoient pas la minaudrie dont elle ufoit; Sc afin de duper les gens par la diverfité de fes oracles, elle défendoit a Ia mandragore de faire frapper la mouche contre le verre, fi telle ou telle chofe devoit ou ne devoit pas arriver. Voici en quoi confiftoit tout 1'artifice de la vieille. La mouche de fer, qui étoit fufpendue dans Ie verre au bout de la cordelette de foie, étant fort légere & bien aimantée, quand la vieille vouloit qu'elle frappat contre le verre, elle mettoit a un de fes doigts une bague, dans laquelle étoit enchaffé un'affez gros morceau d'excellent aimant; de manière que Ia vertu magnétique de la pierre mettoit en mouvement la mouche aimantée, & lui faifoit frapper autant de coups qu'elle vouloit contre le verre, Sc lorfqu'elle vouloit que la mouche ne frappat point, elle ötoit de fon doigt la bague fans qu'on s'en apercut. Ceux qui étoient d'intelligeuce avec elle, Sc qui lui attiroient des pratiques, avoient foin de s'informer adroicement des affaires de ceux qu'ils lui amenoient; Sc ainfi on étoit facilement dupé. Le folide Trcfor du petit Albert, p. 75. Sec. Si vous tenez une pierre d'aimant, bien armée, par dsfious une table, vous ferez aller 1'aiguille d'une bouffole,  J 5 3 HlSTOIRE enchantemens. Combien de prodiges aux yeux. des ignorans, la gibecière d'un joueur de gobe- qui fera deffous, comme vous voudrez; ce qui fera trouve fort étrange par plufieurs. M. 1. v. i , 311. Un Cupidonde fer, auTemple de Diane a Ephèfe, étoit pendu en l'air fans être appuyé. Le Loyer, 61. Cardan parle, 1. 7, de fubtil, d'une pierre qu'avoit Albert le Grand, marquée naturellement d'un ferpent; avec cette vertu admirable que fi elle étoit mifc en un lieu ou les «utres ferpens hantoient, elle les attiroit tous. Si 1'on met du fucre tant foit peu, le beurre ne fe peut coaguler. Bodin, ui. Un peu de cuivre, jeté dans une fournaife de fer, empêche que la mine de fer puirfe fondre, & la fait tourner entièrement en cendres. id. ibid. Pour faire fauter un poulet ou quelqu'autre chofe dans un plat, que 1'on prenne du vif-argent avec de la poudre calamite, enfuite qu'on le mette dans une fiole dc verre bien bouchée, enveloppée dans quelque chofe de chaud on dans le corps d'un chapon, le vif-argent étant échaufré, il le fera fauter. Les admirables fecrets d'Albert le Grand, p. 150. Si on veut voir fon nom imprimé ou écrit fur les noyaux des pêches ou des amandes d'un pêcher ou d'un amandier, prenez un noyau d'une belle pêche, mettez-le en terre dans un tems propre a planter, Sc le laiffez pendant fix ou fept jours, jufqu'a ce qu'il foit a demi-ouvert. Enfuite tirez-le bien doucement, fans rien gater, & avec du finabre écrivcz fur le noyau ce qu'il vous plaira, & quand il fera fee, vous le remettrqz en terre, après 1'avoir bien fermé Sc rejoinc  de M. Oufle. 159 Iets, n enferme-t-elle pas ? Brioché n'a-t-il pas été regardé comme un magicien , &c fur le point d'être puni comme tel chez un peuple qui ne pouvoit comptendte comment il donnoit le mouvement a fes marionnettes ? Que de capitaines ont animé leurs foldats au combat par des prodiges apparens qu'ils ont adroitement ménagés (1)! avec un filet fort fin & délié, fans lui faire autre chofe pour le faire venir en arbre. On verra que le fruit qu'il portera, aura le même nom qu'on aura écrit fur le noyau. On peut faire la même expérience d'une amande. Id. 17 z. (1) Heitor de Bo'éce raconte dans fes annales d'Ecoffe, qu'un roi Ecoifois voyant que fes troupes ne vonloïent point combattre contre les Pictes , fuborna des gens habillés d'écailles reluifantes, ayant en- main des batons de bois pourri, auffi luifans, qui excitèrent a combattre, comme s'ils avoient été des anges; ce qui eut le fuccès qu'il fouhaïtoit. Ariftomène, capitaine des Meffeniens, averti que ceux de Lacédémone, fes ennemis , célébroient la fète de Caftor Sc Pollux hors de la ville de Sparte, prend, avec un des fiens, les habits de ces dieux jumaux, montés chacun fur un cheval blanc , ils fe préfentent aux Lacédémoniens, les excitent a boire, les enivrent; enfuite il pouffe fes troupes & les défait. Polyene, l. 1, Stratagemac. Selon Dion ,1. 1 j , hiftor. du' tems de la guerre civile de Pompée Sc de Céfar , un capitaine du parti de Pompée, nommé Oélavius, affiégea Salonnc en Dalmatie, par mer & par terre. En cette ville étoit Gabinius du parti de Céfar,  1ÓO H I S T O I R F. On a vu des gens qu'on appelle ventriloques , qui, par je ne fai quel moyen dont ils fe fervoient, pour parler du venrre , jetoient la terreur dans les efprits, comme s'ils avoient entendu une qai s'y étoit enfermé pout y tenir fort. Les babitans ennuyés du fiége, font un complot avec les femmes de la ville, de faire la nuit une fortie fur les ennemis. Les hommes étoient bien armés, & les femmes étoient échevelées , portoient de longues capes noires qui les couvroient depuis la tete jufqu'aux pieds, elles portoient auffi des torches ardentes en la main ; de forte qu'avec cet appareil, elles étoient fi hideufes, qu'elles refi'embloient a des furies. Les ennemis croyant que c'étoit des diables, en furent fi épouvantés, qu'ils prirent la fuite Sc furent défaits. Le capitaine Périclès, fe défiant de 1'ifi'ue d'une bataille, pour raflurer les fiens, fit entrer un homme dans un bots confacré a Pluton. Cet homme, dit Frontin, 1. i , Stratagemat, cap. n, étoit haat, chauffé dc grands Sc longs brodequins, ayant la perruque longue, vêtu de pourpre Sc affis en un char, tralné de quatre chevaux blancs; il appelle Périclès par fon nom, & lui commande de combattre , 1'affurant que les dieux donneroient la victoire aux Athcniens. Cette voix fut ouie des ennemis comme venant de Pluton , Sc ils en eurent telle peur, qu'ils s'enfuirent fans combattre. Epaminpndas, capitaine des Thébains , entte dans Ie temple dc la ville de Thèbes, change le bouclicr qui étoit aux pjeds de 1'idole, Sc le lui met en main, comme fi Pallas eut voulu combattre, ce qui les enhardit de telle forte , qu'ils vainquirent. Le Loyer, p. 74. ■ voix  ï> | M. O ü F L KV' I&I voix (i) qui venoit du ciel ou des enfers , & en obtenoient enfuite ce qu'ils vouloient. D'autres gens ont encore bien fait leurs affaires avec le fecours des farbacanes (z). J'aurois un grand détail a donner, fi je voulois rapporter ici toutes les tromperies que 1'on a employées pour féduire les fimples & les ignorans. Les uns en impofent au public, par des têtes qui paroiflent parler & ré- ( i ) Un marchand de Lion étant un jour a la campagne avec un valet, entendit une voix qui lui ordonnoit, de la part de Dieu, de donner une partie de fes biens aux pauvres & de récompenfer fon ferviteur. C'étoit ce valet qui favoit faire fortir de fon ventre une voix qui fembloit venir de fort loin. Id. 161. A propos de ventriloques, on a fait cette remarque. Photius, patriarche de Conftantinople, écrit de cette manière a Theodatus-Spatharus-Candidatus : «les « chrétiens & théologiens ont appelé le malin efprit, par« lant dans le ventre d'une perfonne, Engaftremitke, ven" triloque ou parlant du ventre. II mérite bien d'avoir 1'orm dure pour logis Plufieurs Grecs le furnomment Euteromantt; les autres Eugafiremante -, devin par les boyaux. Medit. hiftor. de Camerarius, t. III, I. 2, c. n. (2) Un valet3 par le moyen d'une farbacane, engagea une veuve d'Angers a 1'époufer, en le lui confeillant de la part de fon mari défunt; Le Loyer, p. 164. Le pape Boniface VIII du nom, fit percer la muraille qui répondoit au lit du pape Céleflin, & lui fit dire par uiia longue farbacane, dc quitter la papauté s'il vouloit êtré fauvéj ce que fijt Céleftui; L  l6l HlSTOIRE poudre aux queftions qu'on leur fait (i). Les autres inftruifenr en cage des oifeaux , pour enfuite les annoncer par tout comme des hommes divins, après leur avoir donné la liberté (2). Celui-ci, ( 1) Tromperie feite avec une tête de faint Jean. Quelqu'impofteurs avoient difpofé une table catrée, foutenue de cinq colonnes, une a chaque coin Sc une dans le milieu ; celle du milieu étoit un gros tuyau de carton épais, peint en bois; la table étoit percée a 1'oppofite de ce tuyau, Sc un balfin de cuivre aufli percé, étoit mis fur le trou de la table, & dans ce baflin étoit une tête de faint Jean, de gros carton , peinte au naturel, qui étoit creufe, ayant la bouche ouverte; il y avoit un porte-voix qui pafloit a travers le plancher de Ia chambre, qui étoit au-deflbus du cabinet ou tout cet attirail étoit drefle, & ce porte-voix aboutifloit au cou de cette tête, de manière qu'une perfonne parlant par 1'organe de ce porte-voix de la chambre d'eu bas, fe faifoit entendre diftinctement dans le cabinet par la bouche de la tête de faint Jean. Ainfi le prétendu devin afFedtant de faire quelque cérémonie fuperftitieufc-, pour infatuer ceux qui venoient confulter cette tête, la conjuroit, au nom de faint Jean, de répondre fur ce que 1'on vouloit favoir, Sc propofoit la difficulté, d'une voix aflez haute, pour être entendu de la chambre de deflbus, par la perfonne qui devoit faire Ia réponfe par le portevoix , étant inftruit a peu-près de ce qu'il devoit dire. folide Tréfor du petit Albert, 77. (i) Hannon, Carthaginois, Sc Pfaphon, nourriflbient des oifeaux en cage,. auxqnels ils apprenoienfa dire que Hannon & Pfaphon étoient desdieivx, puis leur donnoientla  D E M. O U f L B. IÖ*J fous une rrompeufe apparence , féduit une fille, & en jouit (i). Celui-la fair difparoitre avec la main une bode artificielle qu'il avoit lui-même liberté. Loyer, p. 17j & 71. Un autre fourbe reuiïit mat dans un artifice a peu-prés femblable. Un impofireur a Rome, voyant un grand peuple affemblé dans le champ de Mars, monta fur un arbre de figuier fauvage & y harano-ua Ie peuple, en difant que la fin du monde arriveroit qand il defcendroit de 1'arbre & qu'il fe changeroit en cigógne. Etant defcendu & fe trouvant au milieu de cette auembléc, il laiffa aller une cigogne, mais fi. mal-adroitement, que fa fourberie étant découverte, on le mena a 1'empereur Antonin, phüofophe, qui lui pardonna. Jules Capitolin, vie d'Antonin. (l) L'orateur Efchines, contemporain de Demoftènes', écrit, épift. 10, qu'un nommé Cimon, de la ville d'Athènes, ravit une fille de Troyes qui, fuivant la coutume du pays , étoit allée, le jour de fes nöces, fe baigner dans Te fleuve de Scamandre, & lui offrir fon pucelage. Cet enlévement fe fit en cette manière. Ce Cimon fe cacha derrière un buiffon, fa tête couronnée de rofeaux; & après que la fille, en fe baignant, eütprononcé ces mots folemnels, recois, Scamandre, mon pucelage, il fortit du buiflon, dit a la fille, qui fe nommoit Callirhée, qu'il étoit Scamandre, & en jouit. Dans la fuite cette fille, qui l'avoit cru véritablement le dieu du fleuve, Ie voyant un jour par hafard dans la rue, le montra a fa nourrice, lui difant : voila Scamandre a qui j'ai donné mon pucelage. La nourrice s'écrie a ces mots contre le fourbe; & celui-ci voyant qu'il ne faifoit pas bón Ia pour lui, s'embarqua fur le champ & fe retira. Lij  .ï64r H I S T O I R E priparée (i). Combien n'a-t-on pas vu de machines (i) furprenanres qui paroiiloienr être des (i) Un magicien rabattoit une boffe, en paflant la main deffus. La boffe étoit une veflie enflée. Le Monde enchanté, t. IV, p. 76. Apülée, dans fon Ane d'or, dit qu'il crut avoir tué trois hommes; mais que c'étoit trois peaux de boucs que 1'enchantereffe Pampila avoit fait paroitre fous la figure de trois hommes. (z) Hieronbatitunemaifonnette, de laquelle les portes fe pouvoient ouvrir en allumant du feu, 8c fe fermer en 1'éteignant. Le Loyer, 57. La ftatue de Slatababa, ou vieille d'or, érigée ès confins hyperborées en la Tartarie feptenttionale, dont parle le baron d'Herbeftein, Allemand, de rebus Mofcoviticis, tient un enfant en fon giron, Sc efl d'une grandeur & groffeur énorme; Sc 1'on voit autour d'elle plufieurs trompettes & autres inftrumens qui s'entonnent par les vents Sc font un bruit continuel qu'on entend de fort loin. On préfenta a 1'empereur Charles-Quint une Aigle, qui vola quelque tems en l'air. Le Loyer, 5 8. La Colombed'Architas, philofophc pytagoricien, voloit comme fi elle eut été vivante. Id. 56. Liutprand dit, 1. 6 , rerum in Europ. geftar., qu'a Conftantinople, joignant le palais impérial, il y avoit un lieu deplaifance, nommé Magnaure, oü 1'on voyoit une falie belle 8c magnifique; Sc ce fut la que 1'Empereur Conftantin recut Liutprand, comme ambaffadeur, en cette manière. L'empereur étoit affis fur un tröne affez. fpacieux, aux cótés duquel étoient deux lions de bronze doré. Devant le tröne tl y avoit un arbre auffi de bronze doré, dont les branches  de M. Oufle. 165 effets de magie a ceux qui n'avoient pas aflez d'ha- étoient couvertes d'oifeaux de même métail. Quand je cnmmencai, dit Liutprand, a m'apptocher du tröne, les oifeaux de 1'arbre chantèrent, les lions rugirent. Ce qut m'étonna le plus, fut que m'étant profterné a genoux, Sc m'inclinant fort bas pour faire une profonde révérence a 1'empereur, je vis en un moment qu'il n'étoit plus ou je 1'avois laiflé, & que fon tröne s'étoit élevé jufqu'au plancher dc la falie. Le tombeau de marbre d'Hélène, reine des Adiabenites ou de Botant, qui fe voyoit a Jérufalem, ne fe pouvoic öiïvrir Sc fermer quacertains jours de 1'aimée. Que fi en un autre tems, dit Paufanias, in arcadicis, on effayoit de 1'ouvrir, on eut plutöt tout rompu. Anthemius, architecte Sc ingénieur de 1'empereur Juftinien, dont Agathias fait mention en fon hiftoire, livre4, ayant perdu un procés contre un de fesvoifms, riomüië Zénon, pour fe venger de lui, difpofa un jour, dans quelques endroits de fa maifon, plufieurs grandes chaudières pleines d'eau, qu'ilbouchafortcxaaementpardeflus, & adestrous». par lefquels 1'cau bouilfantc devoit s'cvaporer , il adapta de longs tuyaux de cuir bouilli, larges a Tendroit qu'ils,étoient coufüs Sc attachés aux couvcrctes, & allant petit a petit, en étréciffant par le haut en forme de.trompettes. Le plus étroit de ces tuyaux répondoit aux poutres & fóliveaux du plancher de la chambre oh étoient les chaudières. II mit le feu dcffous, & comme I'eau des chaudières bouilloit a gros bouillons, les vapeurs épairfcs Sc la fumée montanten haut par les tuyau», Sc ne pouvant avoir leur blue libre, parce que les tuyaux étoient écroits par le bout, fai-. foicnt brauier les poutres Sc fóliveaux, non-feulement de Liij  166 HlSTOIRü biieté pour en découvrir 1'artifice ! que de bêtes la chambre, mais de toute la maifon d'Anthemius & de celle de fon voifin Zenon, qui penfoit que c'étoit un tremblement de terre, de forte qu'il 1'abandonna, dans la crainte d'y périr. Un orfévre de Paris fit une galère d'argent qui fe mouvoit \ d'elle-même fur une table, les forcats ramant dedans. Quand elle étoit au bout de la table, elle tournoit court de 1'autre cóté; ce qu'elle faifoit cinq ou fix fois. Le Loyer, p. 58. Dans le beau lieu de plaifance de Tivoli, auprès de Rome, fe voyoicnt grard nombre d'ouvrages hydrauliques que tout le monde admiroit. On entendoit des orgues qui jouoientd'elles-mêmes; une infinité d'oifeaux artificiels qui chantoient; une chouette qui tantót fe montroit, tantóc détournoit fa tête; quand elle fe montroit, les oifeaux fe taifojcnt& difparoiffoient, & quand elle neparoiffoit plus, ils recomnienccicnt leurs chants. On y voyoit auffi Hcrcule, tirant des flêches contre un dragon entortillé autour d'un arbre, & le dragon fifHoit. Une figure d'homme fonJioit de la trompette, &c. Id. 59. Nabis, tyran de Lacedemone, avoit une machine furprenante. Cette machine étoit la figure d'une femme parée de riches habits, qui fe mouvoit d'elle-même. Nabis l'avoit fait faire a la reffemblance de fa femme Apéga, felon Polybe. Quand il avoit befoin d'argent, il faifoit venir les plus riches de Sparte dans fon palais, & leur apportoit plufieurs raifons pour les engager a lui en donner j s'ils refufoient de lui accorder ce qu'il demandoit, il leur difoit; cc apparemment c'eft que je vous déduis de fi mau«jraife grace les nécefutés ou je fuis de votre fecours, que  d e M. Oufle. 167 ©nt paffe pour être forcières , parce qu'elles éroienr admirablement bien inftrukes (1) ! & que si je ne puis rien gagner fur vous; mais j'efpère que vous ne 3) refuferez pas de même une belle dame qui vous en 33 priera 33. II alloit enfuite a la figure qui étoit affife fur une chaife, 1'appelant fa femme, puis la levoit, en la prenant par la main, peu-a-peu il 1'approchoit de ceux qu'il avoit fait venir, & les faifoit embraffer par la ftatue, qui ayant au-dedans de fes mamelles, bras, coudes & mains, des pointes de fer cachées fort artificiellement, lachoit toutes ces pointes en embraifant ces hommes, & leur faifoit fouffrir de fi grandes douleurs, qu'ils étoient contrahits d'accorder ce que le tyran leur demandoit. Id. 58. La ftatue de Memnon, qui fe voyoit en Egypte, faluoit tous les matins 1'aube du jour, par un fon, dit Paufanias, in atticis. Califtrate ajoute qu'elle réfonnoit deux fois le jour; favoir, au foleil levant, d'un fon plein d'allégreffe, & au foleil couchant, d'un fon plaintif. Le roi Cambyfe étant en Egypte, commanda que cette ftatue fut fcndue par la moitié; cependant on ne put découvrir 1'artifice. Le Loyer dit, p. 57, avoir lu dans quelques vieux commentaires, qu'avant d'être fendue, elle faluoit le foleil, en 1'appelant roi foleil; & qu'après qu'elle fut fendue, elle ne le falua plus que par le nom du foleil. (1 ) On regardoit comme un forcier un Eléphant a caufe qu'il chetchoit, par ordrefde fon maitre, une chofè qu'il faifoit femblant de croire qu'on lui avoit volée, & que parmi une foule de monde, cet animal la trouvoit dans la poche de celui qui l'avoit. Le maïtre ou quelqu'un des fiens, mettoit furtivement cette chofe dans la poche d'un autre j.puis-j. Liv  1.6$ HlSTOlRB de gens qui, parce qu'ils étoient extrêmemens par un figne, auquel il avoit accouturaé 1'Eléphant, il la lui faifoit découvrir. Le Monde enchanté, 4, 79. Un impofteur nommé Alexandre, qui vivoit du tems de ï'empereur Adrien, fe fervoit dun ferpent de Macédoine, aifé a apprivoifér, qu'il difoit être Ie dieu Efculape, & par fon moyen il fit parfaitement bien fes affaires; de forte qu'après fa morr, on lui fit des facrifices. Le Loyer, 71. T'ite-Live, Valere-Maxime, Plutarque, Appian, Alexandnri, difent que le capitaine Scrtorius ne pouvant plus retenir les Portugais dans fon obéiifancc, fe fervit d'une BIche qu'il difoit lui être venue de Diane, & que cet animal lui révéloit tout. Aunedemi-lieue du Caire, dans une grandeBourgade, fe trouva un bateleur qui avoit un ane merveilleufement inftruit. II le faifoit danfér, Sc enfuite il lui difoit que Ie grand föudan vouloit faire un grand bat'iment, Sc qu'il avoit réfolu d'employer tous les anes du Caire, pour porter la chaux, le mortier & la pierre. A 1'heure même, 1'ane fe ïaiffoit tomber par terre, fur le ventre, roidifloit les jambes Sc fcrmoit les yeux, comme s'il eut été mort. Cependant Ie bateleur fe plaignoit de Ia mort de fótl ane, & prioit les afliftans de lui donner quelqu'argent pour en acheter un, autre. Après avoir recueilli quelques pieces de monnoie : « ah! difoit-il, il n'eft pas mort, mais il a fait femblant » de 1'être, parce qu'il fait que je n'ai pas le moyen de le " nourrir Leve-toi, ajoutoit-il. II n'en faifoit rien, quelques coups quon lui donnat; ce que voyant fon maitre, il parloit ainfi a la compagnie : «je vous donne avis, meffieurs, » que le foudan a fait crier a fon de trompe, que le peuple » eüt. a fe trouver demain hors la ville du Caïre, pour y  DE M. O U ? L E. l(f^ fouples & agtles, out ea la même répiitatión (i)! on a yu ito priace qui imaginok 1'apparition d'une dédïè , pour avoir un prétexte de demarider. aux femmes , & d'obcenir leurs bagues &• joyaux (z). » voir les plus belles magnificences du monde. II veut que ™ les plus belles dames & demoifelles montent fur des » anesö. A ces paroles lane fe levoit, dreflant la tête & les oreilles. en %nq de joie. «II e(l bien vraj, difoit encote » le bateleur, que le capitaihe de mon quartier m'a prié de " lui- prêter men ane pour fa femme, qui efl: une vieille » roupieufe, édentée & laidc »; Lane baiïTóit auflitót les orcilles & commencoit.a clocher, coijime s'il eüt étè boiteux & eftropié; & le maitrc lui difoit alors, «qUOü. m » aimes donc les belles & jeunes femmes « ? L'ane inclinatie la tête, fembloit vouloir dire qu'oui. Or fus, pourfuivoit le bateleur; « il y a ici plufïeurs belles 5? jeunes femmes; m ïnontre-mor ceile qui te plairoit le plus». Lors lane fe mêlóit parmi lepeupre, cherchoit entre les femmes cellequï étöit la plus belle, Ia plus apparente & la riiieux habiliée, Si. la tpuclioit de la tête. Jean Leon; Afïicaüï. ( i ) Un homme faifoit percer de coups d'épéc un paniea dans lequel il. s'étoit.mis, & par fon agiüté & fa foupleffe, êvitoit fi bier. les coups, qu'il en fortoit fans blelfures. Lq Monck enchanté, 4, j j. ( 1) Le vieux Denys, tyran de Sicilc, pour tirer de 1-arH gent de ceux de Syracufe, leur fit accroirc, dit Ariftote, 1, z, Acpnopiicor., que la déefie Céïès lui étoit apparue, gelui avoit ordonné de dire aux femmes Syracufaincs, qu'elles, apportalfent dans fon temple tous leurs joyaux & toutes leurs dorures. Elles obéirent, & lui enfuite prit tout, difanc que c&oit la dcclle qui !c lui prcroir.  IJO H i s t o i r e II réfulte de tout ceci, que les gens fimpïes ; foibles, ignorans & trop crédules, font communement dupés par d'autres gens , fubtils , artiri^ cieux, & hypocrites. CHAPITRE XVI. ddrejje, ïntrigues & fourberies de Ru^ine & de Mornand j pour fe divertir & pour profiter de la facilité de M. Oufie a croire tout ce quon lui dit des Jpeclres 3 fantómes} reven tns , & généralement de toutes les fortes d'apparitions. J'a i dit dans le onzième chapitre , que Mornand étoit témoin de la converfation de M. Oufle & de fon frère Noncrède, fur les fpe&res, les f antennes & autres apparitions; & que ce valet, fourbe Sc rufé fe promettoit de faire ufage de ce qu'il venoit d'entendre. Mornand, donc, qui connoiiToit le foible de fon maitre , imagina plufieurs chofes j les unes , pour en tirer quelque profit ; les autres, pour s'en faire un divertilfement. II commenca par dire a fon maïtre qu'il revenoit des efprits dans fa chambre , qui y faifoient un bruit épouvantable , & beaucoup de ravages. II lui protefta rriême qu'il €n avoit pourftiivi un, 1 epée a la main, jufqu'au  D E M. O U F L E. 171 grenier, & que lorfqu'il étoit prêt a. le percer, il étoit forti par la fenêtre, changé en oifeau. Un autre lui avoit donné deux grands foufïlets avec une, main fi froide , que , pendant plus de trois heures il s'imaginoit avoir une glacé fur le vifage; Ayant calTé par étourderie , une porcelaine de prix, & dont fon maïtre faifoit cas, il lui fit accroire que c'étoit un de ces malicieux lutins qui avoit caufé ce dommage. Et fur ce qu'un jour il ne s'étoit pas acquitté d'une commiffion dont on 1'avoit -chargé > paree qu'il s'étoit levé fort tard, il aiTura qu'il n'avoit point dormi pendant toute la nuit, a caufe qu'on lui tiroit continuellement fa couverture, & que eet importun manége ayant duré jufqu'au commencement du jour , il n'avoit commencé a. dormir que quand le foleil s'étoit levé. Comme il y avoit longtems qu'il fouhaitoit une autre chambre , que celle qu'il kabitoit, il appela a fon fecours des récits de ces prétendus revenans, & obtint ainfi facilement la permiffion de changer de demeure. Le bon homme ne doutoit d'aucune de ces ridicules & impertinentes hiftoires • il fe figuroit même avoir entendu de certains bruits extraordinaires dans le tems que ce rufé valet alTuroit qu'elles étoient arrivées. Celuici eutencore 1'impudence de lui dire, qu'une nuit ayant été réveille en furfaut, par un rêve affreux, dan>s lequel il s'imaginoit que le feu étoit a la  172 HlSTOIRE maifon, & qu' on 1'alloit égorger, la peur qui le faifit d'abord, 'lui caufa des batcemens de cceur fi violens, qu'ils parohToient en-dehors 5 que ces batremens durèrent plus d'une demi - heure , qu'alors il vit dans fa chambre un fi grand nombre de petites figures différentes & bizarres , qu'il en étoit obfédé de tous cotés 5 qu'il s'avifa d'ouvrir fes fenêtres pour prendre 1'air, qu'a peine furentelles ouvertes, que toutes ces figures fortirent, paroifïanr comme autant de petits fpedlres j qu'il les fuivit quelque tems de vue , & qu'enfin elles difparurent. M. Oüfle ne perdoit pas un mot de ce récit, il y trouvoït des preuves pour appuyec 1'exrravagance de fes imaginations. Ne t'étonne point de ce prodige, mon cher Mornand, lui dit-il j ces fantómes n'étoient que des produc^ tions de ce grand nombre de batternens de cosue que k peur de ton fonge t'avoit caufés. Autant de fois que tu refpirois , autant d'ames fortoienc de tes poumons. Mornand qui le voyoit venu juftement oü il 1'attendoit, luirépondit, qu'il no doutoit point que cela ne fut; car, ajoutaVt-il, Je me reifouviens a préfent, qu'autant de fois que quelque peur, ou quelque mouvement de joie augmente ces batternens, je vois ou j'entends toujours quelque chofe que je aai pas accoutumé de voir ni d'entendre. Je fens même quelques pe-sits chatouillemens fur les mains & fur le vifage.  DE M. OuFLE. 173 Sans döute, que c'efi: de ces ames dont vous me parlez , que viennent ces bruits & ces mouvemens. Mais ■, monfieur , ajouta-t-il, avec une fimplicité & une crédulité afFectées j comme je fus long-tems fans ouvrir mes fenêtres , apparemment j'afpirai plufieurs de ces ames que j'avois produites. Ce qui me le fait croire, c'eft que je relfens en moi de certains trémoutfèmens, de certains troubles , de certaines agitations , que je ne puis m'empêcher de leur attribuer. Certainement ce font elles qui m'agitent Sc qui me troublent ainfi. II s'agit donc a préfent de les faire fortir 5 car, 1 etat oü je me trouve, m'inquiète fort, Sc jen crains les conféquences. Que me confeiliezvous de faire , monfieur, pour me délivrer de ces importunes hoteffes ? La queftion étoit très-etnbarralTante pour M. Oufie 5 & aifurément je crois, que, pour y bien répondre, de plus habiles que lui n'auroient pas été moins embarrafles. Cependant, comme il ne voulut pas demeurer court fur un fujet qui étoit tant de fon goüt, il s'avifa de lui confeiller d'aller boire beaucoup de vin , afin de fe procurer un long & profond fommeil, Sc de laiiTer fes fenêtres ouvertes pendant qu'il dormiroit, 1'aflurant que c'étoit le meilleur moyen de faire fortir ces ames, Sc les pouffer hors de fon corps & de fa chambre. Cet expédient plut beaucoup au rufé perfonnage, & pour le mettre en pratique, il obtint de Ion maïtre trois bou-  174 HlSTOIRÉ teüles du meilleur vin de fa cave, & il ne fit autre chofe pendant toute la joumée que boire & dormir. Pendant qu'il étoit plongé dans le fommeil,, le bon homme alloit de tems en tems dans fa chambre, pour y voir fortir quelques-unes de ces petites ames. II prenoit pour ces ames , tous les atomes qui paroifibient aux rayons du foleil, Sc les chafloit charitablement dehors avec fon chapeau. De tout ce que dit M. Oufle dans la tirade que j'ai rapportie, ce qui fit le plus d'impreffion fur fon valet, c'eft quand il entendit quen Guinée, on ne cherche point parmi les vivans, les voleurs des chofes dérobées, paree qu'on n'en accufe point d'autres que les ames des défunts (i), il jugea alors que fon maïtre tenant pour conftant que les ames pouvoient venir ici-bas faire des vols & des brigandages, il lui feroit facile de les rendre refponfables des larcins qu'on lui feroit. On va, fans doute croire qu'il prit la réfolution de voler fon maitre. II eft vrai que la fotte opinion de fon maitre l'induifir en tentation de le voler ; mais il s'agit ici d'un vol d'une autre nature, & qu'il crut moins repréhenfible. Lorfque j'ai parlé de Puizine, fille cadette de M. Oufle , j'ai fait remarquer , qu'elle s'accommodoit, ainfi que Camelle , fa fceur ainée , au (1) Vöye\ ci-d"Yanc pag. 111.  d i M. Oufle. jjs goür dé fon père & de fa mère; mais que, ce que eeile-ci faifoit par fimpliciré , celle-U le faifoit par artifice-, qu'elle jouoit en quelque manière toute fd familie. Et ainfi Ruzine & Mornand étoient, a-peu-près, du même caraftère, c'eiï-a-dire \ iufés , adroits & artificieux. Auffi s'accommodoient-ils parfaitement enfemble. Ils fe fiiifóient une confidence réciproque de routes leurs intrigues ; 1'un h'entreprenoit rien fans avoir confulté 1'autre, & tous deux s'entr'aidoient pour faire réuffir leurs defleins. Mornand ne manqua pas d'apprendre a Ruzine le détail dé la cönverfation dont j'ai parlé, & ce qui s'étoit paffé entre lui & M. Oufle , au fujet des ames produites par les batternens de cceur. II n'oublia pas auifi de lui faire faire des réflexions fur la perfuafion oü étoh le bon homme, que les morts viennent ici dérober les vivans. Ils prirent donc entr'eux la réfolution d'en tirer avantage. Ruzine ne fe faifok aucun fcrupule de tromper fon père, fe perfuadant que ce qui appartient d l'un, appartienr auffi d 1'autre; & Momand ne s'en faifoit aucun d'entrer pour fa part dans la tromperie ; il croyoic qu'on netoit point voleur d'un père, lorfquon étoit complice avec un de fes enfans. Dans le tems donc qu'ils délibéroient de queüe manière ils pratiqueroient de fi belles maximes, M. Oufle recut un rembourfement fort confidé-  17^ HlSTOÏRE rable; entre les efpèces qui compofoient cé rem*bourfement, il y avoit un fac de mille louis, renfermé dans le tiroir d'un bureau. Ruzine avoit vu recevoir cette fomme, & placer ce charmant fac dans le tiroir, & le refte dans un coffre fort. Ce rut contre ce fac qu'ils tendirent leurs batteries j ils réfolurent de mettre en ufage les fpe&res & les fantómes pour 1'enlever impunémenr; &, pour réuffir dans ce projet, fans être foupconnés, ils concertèrent enfemble de conduire fi bien roures leurs démarches, qu'elles prouvafTent invirx'iblement a M. Oufle * que c'étoit 1'ame de quelque défunt qui avoit commis ce larcin. Mais , avant que d'eu venir la , ils jugèrent a propos d'efcarmoucher, je veux dire , de préluder par quelques apparitions qui le convainquiffent que les fpeóbres lui en vouloient, & qu'ils avoient quelque deffein contre lui. Pour cela , Ruzine prit foin de faire faire une clef femblable a celle du cabinet de fon père. Avec ce fecours, il leur fut facile de réuflir. Entre plufieurs rours qu'ils lui jouèrent, je n'en rapporterai que ceux-ci. Un foirque M. Oufle lifoit tranquillement dans fon cabinet, les verroux de la porte fe fermèrent d'eux-mêmes, avec un bruit qui l'effraya fi forti qu'il fut longtems fans ofer les aller ouvrir. C'étoit un ftratagême de Ruzine qui, par le moyen de fa faufle clef, étoit entree dans ce cabines  v i M. O ü t L e. t?7 binet pendant que fon père étoit en ville, & avoit pafie athacun de ces verrous un fil, avec lequel étant dehors, elle pouvoit facilement les fermer, puis retirer le même fil, afin qüë rien ne fït cbnnoïtre cette trompens. M. Oufle fut dans ürïe agitation extréme dé cette furprenantè aventure j il crut même voir quantité de chofes extraordinaire*, que pourrant il ne voyöit point du tout. Le lendemain cjuand il entra daiis ce cabinet, une autre chofe lepouvanta encore plus que les verrous n'avoient fait. Tóus ceux de fes livres qui traiteht de fpe&res &c de fantömes, étoient par rerre, bieri rangés Sc ouverts chacun dans un endroit oü Ion rapportoit quelque hi'ftoire fameufé de revenant ; les verrous fe fermèrent encorè d'eux-mêmes , & , il sattéiidoit , que toutes les ames de fes parens & de fes amis défunts allóient fondre fur lui, & le tourmeiiter i leur aife. II ii'arriva pourtant rien de ce qu'il craighoitï car les arrifices de Ruzine & de Mornand ne pouvoient pas aller jüfqtt'es-la. Une autre fois en entrant, il vit des chaifes marcher, des tableaux fe mouvoir, 6c tout cela par le möyen dé quelques fils que Ruzine & Mornand remuöient en-dehors, & retiroient enfuite. Ils s'avisèrent encore de tracer fur une très^ grande feuille de papier des figures magiqués, M  Ï7S HlSTOIRE des plus bizarres, copiées du livre de la philofophie occulte d'Agrippa, de la clavicule de Salomon, & du grimoire, avec la prétendue fignature du diable; puis ils placèrent ces figures de telle forte, que ce fut le premier objet qui fe préfenta a fa vue auflitót qu'il fut entré; autre fujet de frayeur. Cependant, bien loin de craindre d'habiter ce cabinet, M. Oufle fentoit au contraire , je ne fai quel plaifir de s'y trouver j il eft aifé d'en deviner la raifon , c'eft que fa prévention y trouvoit fon compte. Ruzine réfolut de hafarder un deflein bien plus hardi, afin de difpofer ce pauvre homme a n'accufer que les ames , de tout ce qui arriveroit. Elle entreprit de prendre elle-même la figure d'un revenant, & de fe cacher en fon abfence dans un coin de fon cabinet. Mornand trouva qu'il y avoit de la témérité dans cette entreprife; mais elle le raflura, en lui difant que le pis qui en pouvoit arriver , c'eft que fon père la reconnüt ; que, s'il la reconnoiflbit en eftet, elle diroit qu'elle n'avoit d'autre deflein, que de le défabufer, afin qu'il ne fut plus expofé a toutes ces frayeurs qui troubloient fon repos, & qui pouvoient avoir des fuites dangereufes. Cette réflexion fut goütée de Mornand, c'eft pourquoi il contribua de toute fon adrefle pour faire réuflir cette entreprife. Le fuccès en fut tel, qu'ils pouvoient fouhaiter; car  de M. Oufle. ij9 M. Oufle fut faifi d'une telle frayeur quand il vit ce prétendu fpeétre , qu'il prit promptement la fuite. L'abbé Doudou même , qui d'une fenêtre vit pafler le prétendu fanróme, fut li glacé de crainte, qu'il en tomba évanoui. II eft bon d'obferver que la première chofe que fit le revenant, avant que de fe tremoufler par des fauts & des gambades, ce fut de prendre, ala vue deM. Oufle, une montre qui étoit fur une rable, afin qu'il jugéit que ce fpeóbre étoit du nombre de ceux qui viennent de 1'autre monde exprès pour voler. Venons au dénouement de toutes ces intrigues' La veille du jour qu'il fe devoit faire , Ruzine trouva moyen de donner, en préfence de fon père, des mouvemens au bureau ou étoit ferré le fac de mille louis. Ce fut encore avec de petites cordes adroitement ajuftées, & qu'elle retira enfuite par dehors, que ce bureau fe promena de la forte. Motre vifionnaire le fuivoit en 1'admirant, & fembloit être apprivoifé avec les prodiges.il paroiflbir, par la fermeté avec laquelle il le confidéroit, qu'il y trouvoit du plaifir. Le pauvre homme étoit bien éloigné de s'imaginer qu'on ne promenoit ainfi fon bureau, qu afin de faire faire dans peu bien du chemin a fon fac de mille louis. EnefFet, le jour fuivant, on mit, quelque tems après qu'il fut forti tout en défordre dans fon cabinet ; on y répandit quautité de feuilles de pa- Mij  ■ï$0 HlSTOtRÉ pier s remplies de cara&ères, auxquels il 11e comprenoit rien, Sc auxquels ceux qui les avoient écrits ne comprenoient pas plus que lui; tous fes livres étoient difperfés en différens 'iidroits ; les chaifes étoient renverfées les unes fur les autres ; un miroir fe trouva calfé en mille picces; les fenêtres qu'il avoit laifle fermées, fe trouvèrent toutes ouvectes; les riroirs du bureau étoient auiïi ouverts ( car Ruzine en avoit aufli fait faire une fauflè clef) Sc le fac de mille louis avoit difparu, pour faire place a plufieurs charbons. De quelle furprife , de quelle terreur, de quel effroi M. Oufle ne fut-il pas faifi, quand entrant dans fon cabinet, il vit ce funefte dérangement, Sc fes louis dor changés en charbons! alors rappelant dans fon efprit tout ce qui s'étoit paffé depuis quelques jours , d ne douta point que ce ne füt quelque brigande d'ame de défunt, qui eüt fait ce vol. Les deux véritables voleurs étoient en süreté ; bien loin de les foupconner, il alla aulTitot trouver Momand , & lui apprit fon défaftre; mais dans la narration de tout ce qu'il venoit de voir, il appuya particulièrement fur la preuve que lui fournifT.Mt cette aventure , de 1'exiftence des revenans , Sc de la réalité des dommages qu'ils caufent. Mornand qui étoit préparé a ce récit, fit de fon mieux le furpris, 1 affligé & le crédule. Ah ! difoit M. Oufle , oü eft a préfent monfieur mon frère ? Que je voudrois  DE M. O V F l E. l8ï qu'il fut ici pour lui donner une preuve biea fenfible de ce que je lui ai dit tant de fois, & qu'il na jamais.voulu croire ! Le valet qui ne jugeoit pas a propos que Noncrède fut inftruit de 1'enlèvement des mille louis, confeilia a fon maitre de ne point parler de cette aventure , lui remontrantque, quelque chofe qu'il put dire, on n'y ajouteroit point de foi -y & que de plus, la perte d'une fomme aufïi conlidérable affligeroit extrêmement fa familie». M. Oufle fe rendit a cette remontrance; mais cependant il'- fongea a trouver quelques expédiens pour ne courir plus le même danger, & fe mettre en garde, contre lesfpectres ^ les fantómes & les revenans. . M iij  jgi H I s T o I r E CHAPITRE XVII. Ou Von apprend ce que fit M. Oufle pour fe délivrer des prétendus fpeclres} fantómes & revenans qui le tourmentoient. ]VI onsieurOufle, fort fenfible a. la perte qu'il venoit de faire, n'entendojt point. du tout raillerie. a eet égard. Ce n'ésoit point qu'il fut avare ; mais enfin, il étoit conftant, felon lui s que les gens de 1'autre monde étoient venus lui dérober une fomme d'argent confidérable ; Sc il lui étoit fort naturel de conclure, qu'il en pourroit venir d'autres qui attaqueroient fon corfre forr. Cette réflexion 1'engagea a prendre des précautions pour n'ètre plus attrapé par ces efprits brigands. Le lendemain du vol de fes mille louis, il fe leva de très-grand matin, pour confulter fes livres, afin dy apprendre ce qu'il devoit faire pour n'ètre plus tourmenté par les fpectres & les fantómes. II ne fut pas heureux dans ce qu'il lut d'abord ; car il trouva ce qu'il ne cherchoit point s je veux dire , 1'art de faire paroitre des fpe&res effroyables, par le moyen de la tête d'un homme, changée par la poiuriture s en mouches, & en-  d e M. Oufle. faiteen dragons (i). U rejeta cette impertinente pratique, non pas qu'd Vz crüt impertinente j mais paree que, bien ioin de fouhaiter de voordes fpedres, il ne demandoit, au contraire, que leur fuitede famaifon, & fans aucun rerour. II eut donc recours £ des leótures plus analogües z fon intention. II trouva enfin ce qu'il cherchoit J il apprit qu'il n'auroit plus rien a craindre a eer égard, s'il fe munifioit de gateaux pétris avec du miel Ci) j ou s'il mettoit du pompier fur fon Ut (3) , s'il portoit un diamant au bras gauche, & de telle (i) Les anciens difent que le derrière de la tête eft la première & la principale partie de la tête; qu'il s'en forme des vers peu de tems après la mort d'un homme , qui, apres fept jours, fe changent en mouches, & après quatorze, deviennent des dragons furieux, dont la morfure fait mourir fur le champ. Si on en prend un, & qu'on lc Mc cuire avec de 1'huile d'olive, que 1'on en Me une chandelle, dont la mêche fera d'un drap mortuaire & que 1'on mettra dans une lampe d'airain, on verra un fpeclre horrible. Les admirables fecrets d'Albert le Grand, 1. x , p. 160. ( i) On donnoit des fouaffes pétries avec du miel a ceux qui entroient dans la caverne de Trophonius, afin qu'ils ne recuitent aucune incommodité des fantómes qui leur apparoitroient. LeLoyer, p. 3x6. (3) Balbinus dit, que fi 1'on met du pourpier fur fon lit, on n'aura point de vifion pendant la nuit. Les admii'abks fecrets d'Albert k Grand, liv. 1, c. Mist  *84 HlSTOIRï forte qu'il' toucMt la chair (i) • ou la pierr$ chryfolite enchafTée dans de 1'or (i) • ou s'il pla^ coit a 1'entrée de fa chambre un clou arraché ci'une, bierre ou de quelque tombeau (3); ou enfin, s'il pqrtoit a fa main de lortie avec une autre herbe qu'on appelle mille-feuilles (4). Comme la perre qu'il veno.it de faire lui renoit foxt au cceur, il crut que, pour ne plus s'y expofet, il ne pouvoit prendre trop de précautions ; c'eft pourquoi pendant toute la journée, il fe donna tant de mouvement que le foir il fut muni de routes ces armes défenfives, & ainfi fe crut en süreté contre les attaques des ames les plus hardies & les plus entrepxenantes. (1) Le diamant, lié au bras gauche, de ibrte qu'il touche la chair, empèche les craintes nocturnes. Cardan, de la fubtilité, 1. 7. (1) Pour chafler les fantómes & délivrer de la folie , qu'on premie la pierre Chryfolite, & après 1'avoir mife dans de 1'or, qu'on la porte fur foi. Les admirables fecrets d'Arhett Ie Grand, 1. z, p. i0p. (5> Selon Pline, 1. 34, c. 15, les anciens croyoient qu'un clou arraché d'un fépukre & mis fur le feuil de la 'porte de la chambre ou 1'on couchoit, chafToit les fantóm&s & vifons qui font peur Ia nuit. Des fpedtres par le Loyer, p. -y%6. (4) Uerbam.unicam. tenens in martu. cum mi!le-fo!h, fccurus eft ab.omnimetu & ab nmni fantafmate. Trinui» Jliagicurp,, p. 1^.  D E M. O U F t E. iSj II fe coucha enfuite avec confiance dans fon. cabinet, & fe leva le matin trés-content, paree que, rien n'avoit troublé la tranquiüité de fon fommeil. II ne lui en falloit pas davantage pour le convaincre entièrement que routes fes fuperfti-r tieufes pratiques produifoient leur effet; mais. s'il n'avoit été troublé par aucun fantöme , c'eft que Ruzine & Mornand étoient d'autant plus difpofés a le laiffer tranquille, qu'ils ne dernandoient qua jouir tranquillement eux-mêmes de fon fac de mille louis qu'ils avoient partagé entr'eux. Ru, zine en eut plus de la moitié pour fa part, & Mornand y confentit yolontiers pour la sureté de fa confeience, paree qu'elle étoit la fille de celui qu'il avoit volé; comme fi le furplus de cette moicié ent été une reftitution qui le rendoin légitimepolfelfeur de ce qui lui reftoit.  ft 6 HlST-OIRE CHAPITRE XVIII. Stratagêmc dont on fe fervit pour dijfuader M. Oufle de ce qu'il croyoit, fur la puijfance que les aflrologues attrïbuent aux aflres. O N ne fera pas éronné d'apprendre que M. Oufle ajoutoit foi a. ceux qui faifoient profeflion de 1'aftrologie judiciaire; fa confiance étoit telle, que leurs prédiótions étoient pour lui, ou des commandemens auxquels il obéiflbit fans réfiftance, ou des défenfes qui 1'empêchoient abfolument d'agir. II avoit employé des fommes confidérables pour faire tirer fon horofcope, & celui de fa femme & de fes enfans. Entre tous ces horofcopes , il y en ent deux qui causèrent du troublé & du défordre, c'étoient les horofcopes de Camèle & Ruzine. L'nn afliiroit que la cadette feroit mariée a un puiflant feigneur, & 1'autre, que 1'aïnée feroit religieufe 5 celle-la cependant paroiffoit être & étoit en effet fort éloignée de 1 engagement que fon étoile lui promettoit mais celle-ci marquoit fans facon, quelle ne feroit pas fachée d'être mariée, & d'être femme & makrefle a fon tour \ fa mère le foühaitoit autant quelle, & ne défiroit rien tant que de la voir bien j il fe préfentoit un parti  d e M. Oufle. 187 qui la recherchoit depuis longtems , quoiqu'il lui convint a tous égards , fans avoir pu être écouté de M. Oufle; mais notre vifionnaire étoit effrayé de 1'horofcope, il prétendoit que fi fa fille s'étabhflbit malgré les aftres, elle feroit, pendant le refte de fa vie, accablée par les plus malignes ïnfluences. Madame Oufle, qui ne donnoit pas dans les rêveries de fon mari, conféra un jour avec Ruzine & fon prétendantfur tout ce qui fe paflbit a eet égard; ce prétendantquej'appelleraiBelor, étoitun homme d'un efprit fort agréable& forr enjoué, & qui s'étoit longtems appliqué a letudedes fciences utiles & curieufes. Dans fa plus grande jeunefle, il s'étoit fait une férieufe occupation de 1'aftrologie judiciaire; il avoit même été la dupe de ceux qui s'en font une profeflion lucrative ; mais dans la fuite 1'age avoit muri fon jugemenr , il avoit reconnu le faux & le ridicule dë cette fcience, tellement qu'il faifoit une guerre continuelle aux afrrologues par fes difeours & par fes écrits. Entr'autres ouvrages qu'il avoit compofés fur cette matière, il y en avoit un qui portoit ce titre: Réflexions critiques fur la puiffance & les effets qu'on attribue aux planètes, aux fignes céleftes} aux comètes , aux éclipfes ■ fur la témérité ridicule des horofcopes ; fur les prédiBions hafardées des almanachs ; fur les prétendues vertus des talifmans , & générakment fur toutes les chimères &  *88 Histotre impertinences de l'afirologie judiciaire. II s'étok attaché particulièrement a traiter ces fujets d'une manière forte & convaincante \ il paria de eet ouvrage a madame Oufle, & a fa filie. Après qu'il leur eüt fait le détail de ce que contenoient ces réflexions, il leur demanda li on ne. pourroit pas s'en fervir utilement, en les faifant lire au bon homme ? Mais madame Oufle, qui connoiffoit parfaitemenr le caraclrère d'efprit de fon mari, jugea que cette leórure ne fuffirok pas^quil falloit mieux trouver quelque moyen myftérieux , 8c mettre en ufage. le merveilleux , le prodigieux, Textraordinaire, pour lui faire changer d'opiniom Ce fentiment fut approuvé , & 1'on fongea a le mettre en exécution. Pour cela on convint, par le confeil de Ruzine, de fe fervir de Mornand; il fut donc appelé , 8c entra dans le fecrer. Voici quel fut le projet; on déciJa qu'il fallok que Belor fubftkuat a fes réflexions un écrit, qui parut avoir été fait exprès pour M. Oufle & dicté par fon génie; que eet écrit. c©ntint,des défenfés d'ajouter foi a 1'aftrologie judiciaire , & des menaces de le punü; de. fa crédulké y qu'enfuite on en feroit un paquet bifarrement conftruit > avec cette adrefle, a M. Ouffie de la part de fon génie, qu'uu fok, pendant queM, Oufle feroit dans fon cabir net, én conférence avec 1'abbé Doudou Mornand jeterok par le haut de la cheminée quelque    I> Ê M. O Ü F 1 E. iS.) feu artificiel, & enfuite ce paquet, & le tout avec beaucoup de précaution , & le plus adroireménti qu'il pourroir. Ces mefures ayant été prifes, furent quelque tems après exécutées 11 heureufement, que le bon homme Sc fon fils donnèrent dans le piège ; que quand le paquet tomba, le père & le fils furent également troublés, effrayés & émerveillés. Après s'être remis de ce troublé, ils amafsèrent ce merveilleux paquet; la fufcription qu'ils y lurent les charma, car ils n'ignoroient rien de ce qu'on a dit des génies; ds n'ignoroient pas , dis-je , qu'on a écrit que ce font des ames féparées de leurs corps (i); des êtres entre les dieux & les hommes (i); des créatures qui rempliffent eet efpace infini qui eft enrre dieu 8c nous (3); que chacun a le fien (4); ( 1) Selon Apulée, 1'ame féparée du corps s'appclle génie. Le Monde enchanté, t. I, p. 13. (1) Ceux-la ont rendu un grand fervice a Ia philofophie, qui ont établi «des créatures mortelles entre les dieux Sc riiomme, auxquels on peut rapporter tout ce qui furpaife lafoiblelfe humaine, & qui n'approchent pas-de la grandeur divine. Gabalis, p. 70 & 71. (3) On eft embarrafle de eet efpace infini qui eft entre Dieu & les hommes, & on le remplit de génies & de démons. Hiftoire des Oracles par M. de Fontenelle, p. 74. (4) Plutarque dit dans la vie de Marc-Antoinc, qu'il y «it un magicien d'Egypte qui avertit Antoine, Triumvir,  l5>ó HistoirS que les villes, les provinces Sc les peuples, Sec, en ont de particuliers (i); quon les a cru des dieux (z); que pour connoïtre fon génie, il faut que fon génie étoit vaincu par celui d'O&avius Céfar, St qu'Antoine, intirnidé par eet avertiflement, fe retira en Egypte vers Cléopatre. Dés Spedhres, par le Loyer, p. 468. ( 1) Les villes & les provinces avoient leurs génies, jufqu'aux rivières & fontaines, le génie Sc le dieu des foyers, des maifóns, dit Arnobe, 1. 4, adverf. gent., fe nommoit Lateranus. Les dieux Conferentes, comme rapporte Arnobe, 1. y, adverf. gent., étoient paillards Sc lafcifs, apparoiffoient en forme de M. V, Sc fe mêloient avec ks femmes Sc les filles comme incubes. Les Romains tteiinent qu'il y en eut un qui engrofla, en la maifon de Tanaquil, femme de Tarquin, une efclave nommée Ocrifia, Sc engendra en elk Servius Tullius, qui fut depuis rol des Romains. Des Spectres, par le Loyer, p. 101. Selon Paufanias, les Eléens virent leur génie fous la figure d'un enfant nu, qui étoit a Ia tête de 1'armée, pour combattre les Arcades, leurs ennemis, lequel, immédiatement après qu'ils eurent remporté la vicloire, fe changea en ferpent, que 1'on vit fe glilfer dans une caverne, ovi en reconnoilTance de ce bknfak fignalé, les Eléens lui érigèrent un temple, Si le mirent au rang des dieux qu'ils adoroient. L'Incred. Scav. p. 75. (1) Les génies étoient cftimés dieux, en la tutelle dcfquels tout homme demeure depuis qu'il eft né; c'eft la défiuition que donne Cenforin des génks, de die natal'i; c'eft pourquoi ks prêtresde la Tofcane les appeloient confentcS ou complice;, paree que, dit Arnobe, 1. j, adverf. gent.,  naïtre dans un certain tems (i). Enfin ils favoient parfaitement ce qu'on a dit de celui de Socrate (2), ils nailibient & mourroient avec nous. Des Speétres, par 1c Loyer, p. ioi. ( 1) C'eft une remarque de quelques perfonnes afles fuperftitieufes, dans Ie jéfuite Thyrams de appariu Spïrii. c. 14, n. 346, que tous les enfans qui naiflent auxjotns des quatre-tems, apportent pour 1'ordinaire avec eux leurs coifFes ou membranes & peuvent bien plus facilement que les autres venir a la connoiflance & familiarité des génies qui font deftinés pour leur conduite 5 duquel privilege ceuxJa fe peuvent aufTi vanter, fuivant Ptolomée, quadrip. L 4, c. 13, textu 18, qui ont Ia lune pour dame de leurs aétions, conjointe avec le figne du Sagittaire ou celui des Poifibms dans Ie thème de leur nailïance. Naudê, Apol. p. iio. (i) Apulée vouloit que le génie de Socrate füt un dien; Laétance & Tertullien , que ce fut un diable; Platon difok qu'il étoit invifïble; Apulée, qu'il pouvoit être vifible; Plntarque, que c'étoit un éternument a la gauche oua la droïre partie, felon lequel Socrate préfageoit un bon on un mauvais événement de la chofe entreprife; Maxime de Tyr; qne ce n'étoit qu'un remords de confeience contre la promptitude & violence de fon nature!, qui ne s'entendoit ni ne fe voyoit point, par qui Socrate étoit retenu & empêché de faire quelque chofe mauvaife; Pomponatius, que c'étoit Faftre qui dominoit en fa nativité; & Montagne, enfca, étoit d'avis que c'étoit une certaine impulfion de volonté qui fe préfentoit a. lui, fans le confeil de fon difcours. Pour moi, je crois que 1'on pourroit dire aflez véritablement qnc ce dénion farailier de Socrate qui lui étoit in rebus incatis  ic)i HiSTOikt dont 1'antiquité a tant fait de bruit, & qu'ori s'eft avifé 'encore de renouveler dans notre tems. Ils ouvrirent donc ce paquet, mais avec une efpèce de refpect, a. caufe de la manière exrraordinaire avec laquelle il leur avoit été rendu, & du prétendu génie qui 1'avoir envoyé ; ils lurent avec attention ce qu'il contenoit; je parlerai de 1'efFet de cette lecture après que j'aurai rapporté eet écrit Le voici» « Oufle , je fuis ton génie, ta conduite m'a » été confiée; j'en dois rendre compte, & ainfi 53 je me trouve dans 1'obligation de te tirer de n tes erreurs» Entre ces erreurs, j'en choifis une » aujourd'hui, je veux dire l'aftrologie judiciaire » que ru prends pour règle de toutes tes démar» ches, & de celles des perfonnes qui compost fent ta familie. Les génies des aftrologues ju35 diciaires me narguent tous les jours, te voyant profpeBator, duèiis pr&monitnr, periculofis viatór, n'èVoit autre que la bonne règle de fa vie, la fage conduite de fes affions, 1'expérience qu'il avoit des chofes, & le réfultat dé toutes fes vertus qui formèrent en lui cette prudence, laquelle peut être, a bon droitj nommce le luftre & 1'afl'aifonnement de toutes les attions, 1'ceil qui tout voit, tout conduit & ordonne, & pour dire en un mot, 1'art de la vie, comme la médecine eft 1'art de la fanté. Naudé, apol, p. 11< & 117. j> entêré  OS M. O U F 1 E. j9f » entêté de tam de fadaifes & recevoir férieufe» ment tant de chofes ridicules que ceux dont ils » ont la conduite, te perfuadent comme il leur » plaït. Enfin tes fottifes réjaillifïènt fur moi, » & donnentlieu de croire que je négligé entière» ment de m'acquitter de 1'emploi qu'on m'a » donné a ron égard ; tu as été affez fimple pour » eftimer cette prétendue fcience, & moi je te ». déclare que tu ne dois avoir que du mépris » pour lesinftructions quelle te donne , & poiir » les promeffes quelle re fait. Tout ce quelle o enfeigne eft chimérique & vifionnaire; il feroit » a fouhaiter que tu eufTes autant de jugement » que tu as de mémoire; je te parle fort libre» ment, comme tu vois > c'eft ainfi que doit en » ufer un maitre envers fon difciple; tu ferois » fans doute bien plus raifonnable, fi comme » moi 1'on re difoit tes vérités, fans ménager ta » délicateffe & flatter ta ridicule manie. SoufFre » donc , fans te plaindre, mes remontrances, » j'en fouffre bien plus rous les jours a caufe de » toi, de je ne fai combien de petits génies don» nés pour la conduite des faifeurs d'horofcopes » qui mé raillënt continuellement fur ce que tu » penfes, fur ce que tu dW&c fur ce que tu fais. » II faut voir la joie qu'ils ont quand ils appren» nenr des autres, ou qu'ils connoifTent par eux» mêmes, que tu as donné dans le panneau d'un N  1,4 H i s t o ï r * l aftrologue; As en font en ma préfence des gcft> „ aes chaudes qui me défolent, & enfin je fuis « fi las de ce manége, que je veux abfolument v y mettre ordre. Ecoute-moi &,obferve ce que je » vais te dire, finon tu t'en repentiras. » Tiens pour certain qu'il n'y a jamais rien eu „ de plus impertinent, rien de plus chimérique ,» que l'aftrologie judiciaire; rien de plus ignomi,> nieux a la nature humaine , a la honte de „ laquelle il fera vrai de dire qu'il y a eu des » hommes affez fourbes pour tromper les autres , j> fous prétexte de connoitre les chofes du ciel, „ de difpofer de fes influences par des figures Sc * par des paroles , & des hommes alTez fots .„ pour donner créance a des promefles dont la o> raifon démontre 1'impoflibiliré. Qu'un aftrologue ait prédit quelquefois Ia „ vérité, c'eft ou par hafard , ou par des conjec„ tures indépendantes de fes régies & fondées „ fur des connoilfances qu'il a tirées adroitement delacondition, des habitudes, de la conduite „ de ceux qui ont voulu apprendre de lui 1'ave» nir, ou paree que ceux-ci 1'ont aidé eux-mêmes „ par'leur fimplicité & .par leur mal-adrefle. „ Un fameux aftrologue judiciaire (c'eft Agrippa) „ qui avoit affurémenr approfondi le fujet que je „ traite, & qui parut même voaloir lui donner „ tout le crédit que demandoit fa profeffion,  de M. Oufle. » empioyant toute 1'érudicion poffible pour le » faire valoir, remarque enfin qu'en Alexandrie » on levoit une "tsfXe fur les aftrologues, qui étoic » appelée le denier des fors, paree que, dir-il >> franchement, il n'y a que les fots qui aient » recours aux aftrologues. Vois fi tu veux conti» nuer d'être de ce nombre ? Si cependant tu » veux perfifter dans ta fotte confiance , je te » protefte, foi de génie juftement irrité, que je » te troublerai en tout; j'altèrerai ta fanré, fans » que toutes les influences céleftes jointes en» femble puiflent te guérir; je te brouillerai la » raifon plus que tu ne 1'as brouillée; je mettrai » le défordre dans tes affaires & je ten fufciterai ■>■> d'autres pour te faire perdre enrièrement tes » biens; je remplirai ta maifon de fpeófres & de fantómes; je te livrerai en proie aux forciers & » aux magiciens faux ou véritables; bien loin de m'oppofer aux diables , s'il s'en trouve qui » aient deflein de te tourmenrer & de t'accablet » de perfécutions , j'en irai chercher dans les » enfers pour re les amener, comme autant de » furies qui ne te laifferonr prendre aucun repos. » Enfin je ferai de ta maifon même une efpèce » d'enfer , tant je la remplirai d'horreurs , de » troubles 8c de confufion; & cela, paree que le » foin de ta conduite fn etant confié , je dois j> t'arracher a cette erreur, ou fi je ne le puis, Ni;  i96 HlSTOIRÏ »> t'en punir comme tu le mérites ; & paree » qifauffi je ne veux plus fervir d'objet de rifée » & de moquerie aux génies de tous ces aftrolo- » gues qui te trompent». CHAPIT RE X IX. Qud fut U fuccès de la lêclure que fit M. Oufle de l'écrit de fon génie. j\ï. Oufle & 1'abbé Doudou furent très-confternés après la leóture de eet écrit; ce n' eft pas qu'ils fuflent entièrement perfuadés que ce fut une erreur d'ajouter foi a. 1'aftrologie judiciaire; car ils étoient trop fuperftitieux pour changer ainfi d'abord tout-a-fait de fentiment; mais ce qui les embarraflbit, c'étoient les terribles menaces que faifoit le prétendu génie. Ils les relurent plus d'une fois, & enfin ils en furent tellement intimidés, qu'iïs prirent le parti de ne plus confulter les aftrologues, & de ne fe plus régler fur leurs décifions. M. Oufle fut pendant quelques jours fort trifte, fort rêveur &,fort taciturne. II fembloit n'abandonner qu'avec chagrin 'une opinion qui avoit été tant de fon gout, & a laquelle il prenoit le plus arand plaifir. On paria cependant du manage de Ruzine & de Belor; il ne le rejeta'plus comme il  t> E M. O U ï L Ei IJ7 avoit fait jufqu'alors. Enfin de jour en jour on voyoit Baïtrè en lui des difpofitions pour terminer cette affaire au gré de madame Oufle ,■ de Ruzine & de Belor; & il 1'auroit en effet tèrminée, fi le traïtre Mornand n eüt détruit ces difpofitions dans le tems qu on s'y attendoit le moins , & voici pourquoi. Belor, qui commencoit a être bien recu de M. Oufle, alloit fouvent chez lui. II arriva , je ne fai par quelle indifcréfion, que dans quelquesunes de fes vifites, il marqua qu il n'aimoit point du tout Mornand; il lacha même quelques paroles qui faifoient connoitre qu'il ne le fouffriroit pas longtems dans la maifon, s'il devenoit le mari de Ruzine. Comme lés valets favent d'ofdinaire tout ce qui fe dit & tout ce qui fe' fait chez leurs maïtres, & que Mornand étoit un des plus attentifs a eet égard, il apprit biéntót quels étoient les fentimens de Belor Sc 1'averfión qu'il avoit pour lui. II ne différa poinr de prendre fon parti', c'eft-a-dire, de metrre en ufage tout fon favoir-faire, pour empêeher un mariage qu'il pfévoyoit lui devoir êrré fort défavantageux , en le faifaht fortir d'üné maifon oü il demëuroit depuis fi longtems Sc dont fon établiffeinent dé-^ pendoit. Comme il avort été employé au ftratagême dont on s'étoit fervi pour faire tenir i M. Oufle i'ecrit du génie, qu'il étoit entré dang. Niij  I<)8 HlSTOIRE Ie fecret de cette efpèce de cpnfpiration contre fon maitre, & qu'il favoit que celui-ci n'étoit difpofé a. confentir a. ce mariage, que paree qu'il y avoit été porté par les menaces du génie, il prit la réfolution de lui apprendre quel en étoit le véritable auteur. Sa réfolution fut exécutée prefque auffitöt. qu'elle fut prife. ■ II feroit difficile de bien comprendre la joie qu'eut le bon homme quand il apprit ce myftère. Cet obligeant avis lui rendoit la liberté de confulter les aftrologues & de les croke fans rien craindre. 11 ne s'en rapporta pourtant pas fi fort a ce que lui difoit Mornand, qu'il ne lui demandat quelque preuve, qui ne lui laifsat aucun lieu de douter du rour qu'on lui avoit joué. Mornand lui en promit de li forres, qu'il ne lui refteroit aucun doute. Pour cela il le fit un jour cachet dans un lieu d'oü il entendk une converfarion enrre madame Oufle, Ruzine & Belor, oü 1'on s'entretint beaucoup du ftratagême. Et ainfi M. Oufle en apprit plus qu'il ne fallok pour être parfaitsment convaincu. L'abbé Doudou,, a qui il avoit fait part de 1'avis de Mornand , ne fut pas moins content que Ion père de cette découverte ; 8c enfin le tout fe termina a donner congé a Belor dans toutes les formes , & a 1'alfurer qu'on ne confen* tiroir jamais qu'il épousat Ruzine, quand même il n'y aüroit que lui d'époufeur dans le monde.  BE M. O U F t E. CHAPITRE XX. Ou 1'on rapporte ce que M. Oufle s'étoit imaginé teuchantles diables; la puijfance qu'il leur attribuoit; la crainte qu'il en avoit , & les rdifons qui l'engageoïent a avoir cette crainte. C omme M. Oufle croyoit facilement toutes les hiftoïres de fpeótres & de fantómes qu'on rui racontoit ou qu'il lifóit,. ondoit bien juger qu'il étoit très-difpofé a ajöuter foi a tout ce qu'on dit de. fatan , des diables , des démons , des mauvais efpritsenfin dé tous ces anges orguedleux 8c révoltés , auxquels quel'ques gens attribuent la puiflance de difpofer de tous les élémens x comme fi route la nature étoit a leur difr crétion., Un Jour qu'il difcouroit avec fon fiére Noncrède, de ce prétendu pouvoir des diables celui - ci rejera avec toute la fermeté que la raifon exigeoit de lui, jë ne fai combien de bagatelles & de fadaifes que notre vifionnaire, alléguoir pour le faire tomber dans fön fens. La converfation de- ce jour fut très-courte. M. Oufs la finit brufquement -y mais avant que de fe. fépa_, rer, il lui dit que le fujet qu'ils u'aitoiënriefoit, Niv  -*°0 H I S T O I R E d'une afïez grande conféquence , pour ne pas négliger dV donner"- une "atrenrion plus grande qu'une converfation n'en permet& il promit de lui donner par écrit' ce'qu'il 'perifbit des diables , ce qu'on en a penfé avant lui , & ce que Noncrède devoit en penïér 'lui-mêtrie'; a 1'enrendre parléf ,"on aüróit' dit ,'"ff ön ne 1'avoït pas bien connu, qu'il'alloit 'dóiiner des' démonftrations invincibles du'pouvoir des'diables. II ne faut pourrant s'attendre a rien moins que tout cela. te pauvre M. Oufle ne pouftoit'pas fi loin fes prétentions; les raifonnemens qu'il lui auroit fallu faire pour y réulfir , étoient au-defius de fes forces & de fes lumières. De plus les'fuperftitieüx , font gens qui ne s'en piqüent point: leur parler raifon , c'eft leur' parler une langué qu'ils n'enteudent poinr, &'qu'ils n'aiment point'du tout a érudier. Leur fort, c'eft' de cróire'fortement les opinions les plus éxtfavagantés &'les plus bizarres , Sc de s'y confirmer par les hiftoires qui leur conviennent. Ils lifent, par exemple , que les diables peuvenr faire agir !les 'élémens a leur fantaifie'; &'ailléürs , qu'ils 'ont excité des pluies , des orages, des; tempêtès' & e M. Oufle. 2oi ne daignent pas examiner ; a quoi eet examen ferviroit-il i des gens qui veulent abfolument croire ? M. Oufle étoit 1'homme du monde le moins difpofé a régler fa crédulicé fur des raifonnemens. JTout'ce qui'paróilToit ètre prodige & merveillé, entraïnoit' fa' créance avec une telle rapidité, que la tête lui toürnant» ilfe noyoit% póur'ainfi otré, dans ïe prodigieux &'le merveilleux.'Le difcoürs qu'on va lire, en eft une preuve convaincantó; mais il eft bon pourtant'd'avertir qu'il ne s'en rapporta pas de telle forte "a fon habilèté qu'il 'ne cherchat du fecours, il atfa tro'uverTabbé Doudou'fon fils , qui étoit auffi fuperftitieux que lui. U'lui expofa fon deflein, & lui exagéra le 'plus pathétiquement qu'il lui futpoffiblë, la néceflité'oü'ir étoit de montrer a Noncrède, que les diables'font autant a. craindre qu^n le'ditquVfoht'tous les maux que Ion en raconte. Lefils applaudit'au deflein de fon père, & He r'éfufa - point le combat... Ils fe'retirèrënt enfembïe dafis le cabinet de 'M. Oufle, & travaillèrënt de leur mieux 'fur 'cette matière. Voici qüeLéh'fut le réfultat: D'lfC0l*rs,fur les diables, cpmpofé par M. Oufle & par1'abbéDoudou, fon fils, & enfuite envoyl a Noncrède. Je vous ai promis/Monfieur mon frère", de Vöus 'cönvaincre 'dé la piiilTaiicë 'des 'diables. Je  101 HlSTOTRE m'acquitte aujourd'hui de ma promefTe. Je ne m'en luis pas rapporté a mes propres lumières pons vous en entretenirje me fuis encore fervi, afin de m'en mienx acquitter , du fecours de 1'abbé Doudou, monfils & votre neveu , habile homme, comme vous favez , puifqu'il a fait toutes fes études avec rapplaudiffèment de fes mai tres, c'eft un homme de bonne fbi ,. qui dir naturellement ce qu'il penfe , & qui ne peut penfer que fort jufte, puifqu'il fait du latin , du grec, de la philofophie, Sc de la théologie , plus que les gens de fon age n'ont accontumé d'en favoir.Tl parle grec comme Homère, latin comme Ciceron ; il ne raifonne ■jamais que felon les régies les plus exactes du fyllogifme. il s'eft particulièrement appliqué dans l'étude de théologie , au traité des anges. Jugez, cela étant, fi 1'on ne doit pas fe fier a lui, quand il parle des diables. IL faitt premièrement que.vous fachiez qu'il y a des diables & des diablefTes , & que les diablelïes ont paru dans le monde quelque tems avant les diables s qu'elles concurent ceux-ci du premier de tous les hommes pendant plufiëurs années qu'il ne voiüpit pas , foit par chagrin, foit par continence, foit par dégout, habitex avec fa femme (i). Les rabins ralfurent ainfi , & (i) Rabi Elias dit, dans fon Thisbi, qu'on trouve dans quelques écrits, que psndant cent trente ans qu'Adanjj  de M. Oufle. ioj ils 1'affurent d'une manière fi pófitive , que je ne puis me réfoudre a leur donner un démenti. Ils me font d'ailleurs trop de plaifir par les chofes extraordinaires qu'ils m'apprennent. Je refpeóte toujours les chofes admirables ; c'eft le moins que je leur puiffe accorder, Cetre puiffance qu'on nous allure que les diables ont dans le monde , ne me furprend point, puifque les philofophes foutiennent qu'ils font compofés des quatre élémens (f), & que ce monde en eft lui-même compofé. Je crois encore qu'ils pénètrent toutes chofes , qu'ils peuvent dans un moment paffer d'un lieu a un autre , quelque éloigné qu'il foit, puifqu'ils font fi déliés & fi fubtils (2) , que les êtres les plus matériels & les plus diifs ne peuvent s'oppofer a leur paffage , ni ks retenir dans leurs courfes. Jugez, cela étant, s'il ne leur eft pas bien facile d'entrer dans une chambre, quelque bien fermée. qu'elle foit. s'abflint du commerce de fa femme, il vint des diablefTes vers lui qui en devinrent grofTes, & qui accouchèrent de diables, d'efprits, de fpeftres nodturnes, de fantómes, de lémüres & de lamies. Monde Inch. p. i.fii.LeLoyer, p. zo6. (1 ) Ariftote fait les dimons compofés des quatre élémens. Le Loyer, zz. ( z ) Théodote fait les corps des démons fi déliês, fi légers & fi fubtils, qu'en comparaifoh de nos corps, les démons n'ont qu'une ombre de corps. Id. 178.  204 HlSTOIRE Je vous al dit que les diables avoient oommencé d'exifter prefqu'auffitót que le monde. Je vous diiai bien plus; c'eft que quand même il n'y en auroit point eu jufqu'au moment que je vpus^cris,. nous n'en rnanqueripiis pas poijr cela dans la fuite. Voici pourquoi. Des favans,, des peuples entiers font perfuadés qu'un nombre prodigieux d'ames deviennent diables après Ia. mort des corps qu'elles ont aniinés.(i); ces ames font celles des méchans, des enfans morts-nés , des femmes morres en couche , des hommes morts en duel (2). Si vous pouviez- compter combien ( i ) Les anciens payens croyoient que les ames, après Ia ;dii]öly«io,n;;du corpsi;-devenóient démons, ld; 14. , . (1) La plupart des Bramines difent qu'il y a quelques ames qui étant féparées des corps,, deviennent des démons a caufe de leurs péchés, & que le tems de leur premier cha'timent étant fini, elles doivent errer en rak & y foufFrir une faim 'extreme, leur étant impoflïble de tirer un feul brin d'herbe de la terre, ni de fe foulager d'aucune autre chofe, que de-ce que les-hommes leur donnent par aumöne. Le Monde,enchanté,. 1, 89. Les SJamois ne reconnoiffent point d'autres démons que les ames des méchans qui, fortanr ,de l'ffafex., pu.elles étoient détenues, errent pendant un certain.. tems dans Je monde, Sc font aux hommes tout le mal qu'ejles peuvenfe lis mettent encore au rang de ces efprits malheureux, les enfans mortsj/fa, les mères qïli meurent en couche,; ceux qui meurent en duel ou qui font coupables de quelqu'autre crime de cette? nature. Id.  DE M. O U F 1 E. 105 il y a d'ames dè cette fórte, vous trouveriez. qu'il h'y auroit' déja que frop de diables pour nous tourmenter. 'QiieFqubs gehs veulent nous faire croire qu'il y en a' de bons (1) & de blancs (2). Quant a moi j'appelle" cetix-ci fim'plemënt des anges & nóh pas dés diablés. Pour vous 'montrer''encore que rien n'eft plus commun que les diables, c'eft quil 'êff conftant ( car de grands' hommes Tónt écrit') 'que ces mauvais efprits nuiltiplient eritreüx''comme les hommes (3;) , qü'il y én a'tant darts 1'air , qu'on peut dire qu'il eh eft plein (4); & qu'ainfi il arrivé' fans doutë que par la ' refpiration',' & pour'mieux' dire , par Tafpirationnous 'éh attirons plufieurs, dans noöe corps : méchans: hötes que nous avons cfnez: nous', & què höns ri'avons pas intérêt de gardèr ! 'Cömmë 'tUs-' fóiit "extrêfnemént portés- a mal faire1, ils në'tiehneht p'as'alors 'leur rhalignité ( ï )"Chéz les' 'payens ït y avoit de bons 8c"de mauvais démons. Id. p; i'r: '*.'-ï ' (1) Léon d'Afrique, dit que les forciers d'Afrique invoquent les : blancs' ; démons, öémonomahie- de Bodin p.irtf.'rr K : j7E 11 ï. : 'i:;::. u .1! .:: ■ ( 3 ) Grégoire de Nice tient que les démons multiplient entr'eux comme les hommes; LecomtedeGabalis,p. 10S. ( 4 ) Saint Athanafe dit dans Ja vie de.faint Antoine, que 1'air eft tout plein de démons. Mfercure, trifmegifte a dit Ia même chofe. Dclrio. difquif. mag. p. 178.  196 HlSTOIRn oifive. Ils travaillenr de leur mieux ; mais i quoi ? A nous caufer des maladies , a nous donner des fonges qui nous rroublent & qui nous inquiètent (i); a nous infpirer leurs malices , & a nous les faire pratiquer afin de nous rendre auffi criminels qu'ils le font eux-mêmes. Je vous développe la des myftères qui certainement vous étoient inconnus. Quoiqu'il y ait un fi grand nombre de diables, qu'il parodie impoffible de le fixer, un homme néanmoins eft patvenu a le connoïtre; il fait combien il y en a, auffi sürement que s'il les avoit tous comptés un d un , en les faifant palfer en revue devant lui. II affiire donc qu'il en a trouvé feptmilhons quatre cent cinq mille neuf cent vingt-fix (z), fauf lërreur de calcul , ajoute- t-Ü. Je lui lal bon oré rif rpi-ro n.-- tion. Car enfin , on peut raifonnablement croire (i ) Pythagore a cru que 1'air étoit plein de démons & d'efprits qui envoyent les fonges & les maladies. Le Loyer, P- 184- (2.) Jean Wier, dans fon livre de Prtftlgiis, a mis 1'inventaire de la monarchie diabolique, avec les noms & furnoms de foixante-douze princes, & de fept millions quatre cent cinq mille neuf cent vingt-fix diables , fauf Terreur du calcul, ajoutant leurs qualités & propriétés, & a quoi ils pouvoient fervir pour les invoquer. Bodin > p. 404, de Lancre, p.  D £ M. O U F 1 E. 107 qu'il a feulemenc donné le nombre de ceux qui habitent le pays oü il écrivoit. Je vous ai dit qu'ils font compofés des quatre élémens , & que c'eft pour cela qu'ils en difpofent fouvent comme ils veulent. Mais il eft vrai auffi que quelquefois ils font terriblement ballottés par ces mêmes élémens, & que tel diable qui s'attend a demeurer tranquillement fur Ia terre, eft a 1'heure qu'il y penfe le moins, par elle renvoié fi lom, qu'il fe trouve tout d'un coup por té dans Ia région du feu, de la dans 1'air , & enfuite fur les eaux (1); enfin voyant qu'on le rejette de tous cötés , il prend le parti de fe mêler dans les tourbdlons & de s'infinuer dans les vents, & la il fait des fracas épouvantables pour fe venger; des eaux, par exemple, en y excitant desrempêtes, &leur donnanr des agitations effroyables ; de la terre , en déracinantfes atbres , & détruifant autant qu'il le peut, les fruits qu'eüe produit, & s'il eft vrai, comme d'autres 1'onr penfé , que les étoiles n'ont été placées au lieu oü elles font, que pour empê- < 1) Empcdocle dit que les mauvais démons font tellement haïs des élémens, que les uns les renvoyent aux autres, & font poulfés tantöt en la région de 1'air, tantót en Ia mer , tantót en la terre, tantót en ïélément du feu, tantóc aux rayons du foleil, & de-la aux tourbillons & aux vents, Le Loyer, p. 184.  408 HlSTOIR» dier les diables de monter jufques dans les cieux (i); qui nous empëchera 'de croïre qiie ces mauvais anges poufles encore par un efprit de vengeance fe mêlent dans les infiuences des aitres, afin de les corrompre, & de nous apporter enfuite avec elles rant de maux , dont on ne reffènt que trop les effets mais dont on ne peut pas comprendre la caufe ? On fe tourmente pour tacher de la cbn~ noitre , fans pouvoir en' venir a bout. Ah'! que 1'ons epargneroit dépeines, fi lonfouilloit comme moi dans tant de livres qu'on négligé de lire, ou qu'on lit, fans' s'appliquer aflez pour périétrer ce qu'ils bnt de pi üs myftérièux. Je vous apprendrois volontiers a préfent jufqu'ou lés diables peuvent porter Ia durée de leur vie (i). Mais j'ai tant d'autres clibfes a vous dire que je ne m'arrêterai point 'fur ce fujet. ' CO Mahomet feint, en fon Alcoran, les étoiles être les fentinelles du ciel & empêcher les diables d'eii approcher, & connoitré les fecrets de Dieu. O) Héfiode diftingue quatre efpèces de natures raifonnables, les dieux, les démons, les demi-dieux ou héros & les hommes. II va plus ïóin'j il marqué la durée de la vie des démons, car ce font des démons que les ny mphes, dont parle dans 1'endroit que nous allons citer; & Plutarque fentendoit ainfi. Une comeille, dit Hefibde, vit rieuf fois autant qu'ün homme; un cerf, quatte fois autant qu'iine comeille; un corbeau, trois fois autant qu'un cerf;' I; Après  O S M. O ü F L & Ï09 Après avoir parlé de i'origine, de la nature Sc du nombre des diables , je viens a' leurs appatuions. Je ne vous dirai point ce que j'ai vu; car en vain vous citerois-je mes yeux pour témoim' comme je paffe dans votre efprit pour un vifionnaire, vous ne manqueriez pas de les recufer comme des importeurs. Je me contenterai donc c.& vous faire un précis de ceque j'ai lu de plus authennque fur cette matière , vous verrez que les diables fe montrent ordinairement les nuits d'entre le vendredi & lefamedi > ou a midi (i); que pour phénix, neuf Fois autant cju'un corbcau, & les hyrriphes, enfin, dix fois autant que le phénix. On ne prendroit volontiers tout ce calcul que pour une pure rêverie poetique ind.gne qu'un philofophe y fafle aucuhe reflexion, indign* mémequ'un poëte 1'imite; car 1'agrément lui manque autant que Ia vérité. Mais Plutarque n'eft pas de eet avis, Comme il voit qu'en fuppofant Ia vie de 1'homme dc foixante & dix ans, ce qui en eft la durée ordinaire, les démons devioient vivre fix cent quatre-vingt mille quatre cents ans, & qu'il ne concoic pas bieri qu'on ait pu faire 1'expérience d'une fi longue vie dans les démons, il aimcmieux croire qu'Héfiode, par Ie mot d'%e d'homme, n-a entendu qu'une année. Hiftoire des Oracles, par m'. de Fontenelle, p, 6y, 70, 71. ( 1) Les malins efprits apparoMbienr la nuit plutót que le jour, & Ia nuit d'entre le vendredi & le famedi, plutót que des autres jours. Bodin, 14$, Le démon de midi fe montrant en forme de femme, fe O  lid HlSTOlRI fe fórniér la figure , fous laquelle ils veulent fe faire voir, ils choifiifent un vent favorable, & la lüne dans fon plein (i) ; que quand c'eft la figure d'un homme, elle eft toujours efïroyable & mal proportionnée (2) -y par exemple , trés - noire , nommoit Empufe. G'étoit un démon que le fcholiafte d'Ariftophane in ranii écrivoit avoir été envoyé d'Hécate» & qui n'apparoiflbit qu'aux miférables & aux défefpérés fur 1'heure de midi. Le Loyer, 197. ( 1) Des forciers brülés a Paris, ont di: que quand le diable veut fe faire un corps aérien, il faut que le vent lui foit favorable, & que la lune foit pleine. Delrio. Difquif. mag. p. 30Z. (2.) Si quelqueFois Sataa prend la forme d'homme, c'eft toujours avec quelque défautou extravagante difproportion, oü trop noir, ou trop blanc, ou trop rouge, ou trop grand outroppetit. DeLancre, p. 34. Les fotciers dépofent que les malins efprits fe montrant en forme d'homme, ordinairement font noirs & plus hauts que les autres, ou petits Comme nains. Georgius Agricola in Lib. de Spiritibus fubterraneis. Mandragore, diable familier, fous la figure d'un petic homme noir, fans barbe, qui avoit les cheveux épars. Un juge ne craignoit pas de lui arracher les bras, & de le jetct dans le feu. Delrio, 1. 4. L'Incr. fcav. ƒ 9. Schot a pris de George Agricola, la dcfcription qu'il fait des diables montagnards. Il dit qu'ils font leur féjour dans les mines qui font fous les montagnes; qu'ils font cruels & horribles a voir, qu'ils incommodent & qu'ils tourmentent inceffamment ceux qui trayaillent aux mines. Quclques-  extrêmement grande, ou très-petite j fi cëft celle d'une femme , qu'elle aura, au lieu de pieds , des tetes de dragons (x), 0lx qu'elle fera comme uae veuve, vêrue de noir, mais cruelle , rompanr bras & jambes a ceux qu'elle rencontre (z) ■ qii'i)s fe métamorphofent en ormes , en fleuves en chiens, en chênes (,),„ oifeaux qui prédifenr lavenir, étant enfermés dans des cages (4) e„ ans les appellcnt montagnards, paree qu'ils apparoiffent ord.na.rement petits, ayant a. peine trois pieds de haut avec un air de vieillefle & avec Ia même figure quont les ouvners qui travaillent aux mines, vêtus d'une camifollc & dun tabher de cuir, Le Monde enchanté, r, l88. ( O Les lamies étoient démons de déferts, ayant forme de femmes, Sc au lieu de pieds, cadroient des têtes de dragons. Le Loyer, (z) Les Ruffes craignent & révèrent le démon méridien; il apparoit en deuil, en habit de veuve, quand on fauche les foins & au tems des moilTons, rompant bras & jambes aux faucheurs Sc aux moiffonneurs, s'ils ne fe jettenc fur la face en terre, lorfqu'ils 1'apercoivent. Médit. Hift d ■ Camer. t. 1,1. 4, c. 10. (3 ) Quelques hiftoriens difent que Ie diable parloit a Apollonius fous la figure dun orme; a Pythagore, fous celle d'un fleuve, a Simon le magicien, fous celle d'un chien; a quelques autres, fous celle dan chêne. Naud Apol. ié. (4) Des magiciens contraignent les démons de s'unir i des dfeaux, jufqua fouffrir d-étrerenfem ,$ dans— O ij  2IZ HlSTOIRE avocars (i), en brins de paille , en truies Jean Leon dit que les Africains en font un commercc public : ceux qui les confultent fur des chofes a venir, leuf préfentent une pièce d'argent pour le paiement de leur maïtre, & après 1'avoir prife, les mêmes oifeaux rapportent Ia réponfe en leur bec, écrite en un petit billet. L'Incr. fcav. p. 59. ( 1) Wier écrit, 1. 4, de Pr&ftigüs, c. 9 , que le diable plaidant une caufe, fous la forme d'avocat, en Allemagne, ayant entendu que Ia partie adverfe fe donnoit au diable s'il avoit pris 1'argent de fon hóte, auflttót ce diable avocat, fe voyant tout porté, quitte Ie barreau, & emporte devant tout le monde celui qui s'étoit parjuré. (1) FroifTard dit qu'il y avoit un gentilhomme nommé Ramond, comte de Corafle, voifin d'Ortays, ( ville ou d'ordinaire les comtes de Foix faifoient leur demeure), qui fe vantoit d'avoir un efprit ou démon qui lui apprenoit tout ce qui fe palToit dans le monde, & fe préfentoit a lui invifiblement, tantót a neuf heuresdu foir, tantót a minuit, & babilloit avec lui. II 1'engagea enfin a fe faire voir , quelque réfillance que fit ce démon a cette curiofité. La première fois, pendant que Ramond fe chaullbit, il fe mit en forme de deux ou trois petits fétus de paille qui fe battoient 1'un 1'autre. Ramond, non content de cela, voulu qu'Orton (c'eft ainfi qu'il 1'appeloit) fe préfentat fous une autre forme; il parut en truie extrémement grande, mais fort maitre. Ramond qui ne croyoit pas que, cette truie fik fon démon , mit fes chiens après. Elle fit un cri horrible & difparut II n'entendit plus parler ni de truie, ni d'Orton, & mourut dans 1'an.  D E M. O U F I E. II J en maffe d'or (i), en laitues (2), en arbres gelés , en moines , en anes , en roues (3) , en cheyaux (4), en dragon ( 5), en gueux (6) , 8c que ( 1 ) Un démon fe changea en maffe d'or, en préfencc dc faint Autoine. Le Loyer, 510. (1) Un démon fe changea en laitue, en préfencc d'une nonnain, felon faint Grégaire, 1, Dial. ( 3 ) Selon Gaguin, Hifi. franc, du tems de Philippe-!eBelj un démon fe préfenta a un moine, fous la for.ne d'un arbrc tout blanc de gelée, fous celle d'un homme noir ar eheval, d'un moine, d'un ane & d'une roue. (4) Le démon d'Anneberg tua plus de douze ouvriers de fon fouffle feulement, dans laminière appelée Couronne de la rofe : il apparoiflbit en forme de chcval. Le Loyer, p. 491. (y ) En Lavinium , il j avoit un bocage cónfacré a Junou Argolique, & dans ce bocage une caverne affez large & profonde, ou habitoit un dragon j £c d'ordinaire, a certain jour de 1'année, étoient certaines filles députées pour. lui porter a manger; ce qui fc faifoit en cette manière felort Elien, 1. i o, c 16 , de, hifioria animaüum. Ces fiües avoient les yeux bandés d'une courroie , &z en leurs mains des fouafles,.& étoient conduitcs jufqu'en la grotte od étoit !e dragon, par un fou.'Ee démoniaque, fans bronchcr,. comme fi clles avoient vu. Quand ellcs étoient arnvées, il reeevoic. tes fouaffes feulement de celles qui étoient pucellcs. (6) En la ville d'Ephefe, Apollonius de Thïane fut prié par les habitans de chaffcr la pefte qui y régnoit. II leur commanda de facrifier aux dieux. Après le facrince, il vit le diable en forme de gueux, qui. ayoi: une robe teute dc-- Qiïj  214 HlSTOIRE même ils ont ofé fe revêtir de 1'apparence du grand légiflateur des Juifs (i). Mais vous remarquerez qu'on n'a jamais vu les diables paroitre en colombes, en-brebis, ni en agneaux (2). Après un fi grand nombre d'hiftoires rapportées par tant de différens auteurs, vous voulez que je fois incrédule ! Vous voulez que je dife comme vous , que tout cela eft faux ; vous voulez enfin qu'après avoir fait pendant un grand nombre d'années, une fi prodigieufe quantité de lecfures qui m'ont perfuadé & convaincu, j'aille aujourd'hui croire le contraire de ce que je crois il y a fi longtems ! Je n'en ferai rien j je le croirai cbirée. Il dit au peuple affemblé qu'on aflbmmat ce gueux a coups de pierres; ce qui fut exécuté : & ces pierres étant otces de deflus ce gueux, par ordre d'Apollouius, an trouva delfous, au lieu d'homme, un chien noir qui fut jeré a la voirie, & la pefte ceffa. Le Loyer, p. 310. ( 1) Du tems de Théodofe le jeune, empereur, les Juifs demeurant en Candie, furent follicités par un diable qui fe difoitMoïfe, leurlégiflateur, envoyéduciel, d'abandonner tous leurs biens, leur promettant qu'il les meneroit a pied fee, par le milieu de la mer en la terre de promiflion. Ils le crurent; il les mena fur le haut d'un rocher, & leur commanda de fe jeter dans la mer; ce qu'ils firent. La plupart périrent. Socrate, hift. eccl. 1. 7, c. 38. (i) Les diables n'ont point pris la forme de colombe , mide brebis, nid'agneau, dit Delrio. Difquif, raag. p. 3©4>  D E M. O U ? i. E. 11 > jufqu a ce que vous m'ayez prouvé, que vous qui n'avez jamais rien fait imprimer , êtes cependant plus croyable que les grands hommes qui ont fait les livres de 1'autorité defquels je m'appuie. ji ——ggs CHAPITRE XXI. Suite du difcours de m Oufle & de 1'a.bbéDoudo.u, fon fils 3 fur les diables. Je ne doute pas, monfieur mon frère, que vous n'ayez entendu parler des incubes & des fuccubes j les incubes font ceux qui couchent avec les femmes «Sc qui en abufent& les fuccuhes ceux qui après avoir pris la figure. d'une femme , excitent les hommes a. commettre des crimes. N'attendez pas que j'emploie de grands raifonnemens pour vous prouver que les diables peuvent, comme les hommes & les femmes , être lafcifs & incontinens ; Sc pour vous expliquer comment ils font. ufage de leur lafciveté & de leur incontinence. Comme je ne laille pas de. croire tout ce qu'on en dit.» quoique je ne me fois pas informé de la poüSbilité & de la manière , je ne voïs pas quelle raifon vous auriez d'être a eet égard moins crédute que moi».  II eft- conftant que les diables n'aiment rien tant que de faire commettre les plus' grands crimes ; cette propofition étant inconteftable» nous ne devons donc point douter qu'ils n'aiment beaucoup mieux abufer d'une femme mariée que d'une rille j & c'eft auifr ce que les démonographesnous appreunent (i). Si je ne crajgnois de falif vótré imagination x |e vous rapporterois ce qu'ils difent des douleurs' quefourTrent les femmes, quand elles ont- habitude avec les diables \ & pourquoi elles fouffrent ces douleurs (2) j mais par pudeur, je vous veux ( 1 ) Une vieille fijlé nous a dit une panicularité, que le diable na guère accoutumé d'avoir accoftance avec les vierges, paree qu'il ne, pourroit commettre adultère avec elles; ainfi il attend qu'elles foient mariées : & nous a dit a ce propos, que le commun bruit étoit parmi elles, que le maitre du fab'oat en retenoit une fort belle, qu'elle nous a nommée, jufqu'a ce qu'elle foit mariée, ne voulant plutóc la déshonorer* comme fi le pêché n'étoit pas aflez grand de corroinprc fa virginité, fans adultérer avec elle. De Lancre (z) Jen'aurai pas moins de modeftic que M. Oufle j c'eft pourquoi je ne rapporterai point ici, pour 1'éclairciueaient de ce au'il vient de dire, les endroits des livres od il a puiië ce qui iWgage a parler de la fo'rte; je veux dire-les pages 134, 114, zz} du livre de i'Inconftance des démons, jpar. de Lancre. A dieu ne plaife que je faüiTe cette hiftoire par de telles ordures.  de M. Oufle. 217 faire ces circonftances, quoiqu'elles puffënt contribuer a vous rendre moins incrédule que vous n'êtes. II eft fi vrai que .les diables font des enfans, qu'on les fecönhou & qu'on les diftingue des, autres 5 on leur donne même un nom parriculier pour marquer cette diftm&ion. On fait que ces enfans font fort criards \ fi affamés, qu'ils épuifent plufieurs nourrkes y fi pefans , qua peine les peur-on porter 5 cependant fi maigres que les os leur percent la peau, & qu'heureufement pour le pays oü ils naiffent, leur vie eft rrès-courte (1). Je dis heureufement, car étant la producticn de mauvais efprits, quels maux ne feroient-ils pas dans le monde s'ds vivoient auffi longtems que les autres hommes ? II y a eu pourtant quelques-uns de ces enfans d'iniquité qui ont paffe au-dela du terme qu'on donne aucours de leur vie. Tel que Merlin (2), par (1) Les enfans fuccubes, (que Guillaume dc Paris ?ppdle chamfis, & ies Alleniands cambions), font criafds, épuifent cinq nourrices pour ies aüaitcr; ils font fort pefans & fort maigte?. Le Loyer, p. 481, Bodin, p. zio. Dc I aoers , p. 13 } , 2,3 2. Luther, en fes cpüoques, regie leur age a fept ans. (1) Des auteurs ont cru que Merlin avoit été engendré' d'un i/icube, qui prit accointance avec la fille d'un roi, laquelle étoit religieufè en un monaftere de la ville dc Kaérnk-rjin. De Lancre, p. 130, Naudé, p, 313.  tl$ HlSlOIKZ cxemple, & quelques autres qu'on n'a pas vu mourir> qui ont difparu & font apparemment allé vivre ailleurs (i}. Que de filles, qui penfant jouir des perfonnes qn'ellesaimoienrjonttrouvé que c'étoit des diables qui les avoient abufées (2)! Que d'hommes qui ont eu des diables pour maïtreffes (3)! Celles qui (1} Le roi Roger régnant en Sicile, un jeune nomrae fe baignant Ia nuit au clair de la Lune avec plufieurs autres, wyant, ce lui fembloit, quelqu'un qui fe noyoit, plonge pour Ie fauver, trouve que c'étoit une femme, la tire de ï"eau, en devient amoureus, 1'époufe & en cut un enfant. Pans Ia fuite elle difparut, & au/Tl 1'enfant quelle ravit dans Ie tems qu'il nageoit. De Lancre, p. zjr. ( ï ) En 1'Ifle de Sardaigne, dans Ia ville de Cagliarïy nne Slle de qualité aima un gentilhomme, fans qull Ie int; le diable prit la forme de cehsi-cï, époufa clandeftinejnent la derooifelle, en jouit, puïs 1'abandonna. Cette filfe tiouvant un jour le gentilhomme, & ne remarquant en las aueune chofe qui témoïgnat qu'il la reconnoiflbit pour fa femme, lui en fit des reproches; maïs enfin, étant conTaincue que c'étoit le diable qui I'avoit abufée, elle en fit pémtencc. De Lancre a donné avec plaiflr beaucoup d'éteniue a cette hiftoire, dans fon livre d'e Tlnconftance des démons, p. zi8 &c. 3) Franeois Pic de la Mirandole, dit avoir connu un liomme de foixante-quïnze ans, qui s'appeloit Benedeto~ Berna, lequel, pendant quarante ans, eut a«:ointance avec na efprit fticcuèe, qu'il appelfoit Hermeline, la rnenoit par  B E M. O U F L I. 219 ont affaire a des diables, croyant que ce font des hommes , ne reftent pas longtems dans cette erreur; car ces mauvais efprits fe font un piaifir de leur faire connoïtre la fourberie. Quelquesuns même impriment fut les femmes, en les quittant , des marqués qui leur font connokre qu'elles ont été trompées (1). LailTons cette matière, elle donne de trop vilaines idéés; paffons a d'autres diableries qui ne font pas fi dégoütantes. Les favans qui ont traité des diables, n'ont pas oublié de parler des démoniaques; c'eft fur ces malheureux que les mauvais efprits triomphent; c'eft-la qu'ils dominent avec une puilfance telle qu'ils difpofent également de leur ame & de leur corps j de leur ame, en renverfant leur jugement; de leur corps, en donnant a leurs membres toutes par tout en forme humaine, & lui parloit de manière que plirfteuïS 1'entendant parler, & ne voyant perfonne, le prenoient pour un fou. Un autre, nommé Pinet, en tint un 1'efpace detrente ans, fous le nom de Fiorine. De Lancre, p. iij. Un Soldat jouit d'une belle fille; enfuite il refta entre fes bras je cadavre d'une béte pourrie. Guil. de Paris, V. uit. de univerfo Delrio. Difquifitione magicd, p. 300. (1) Le diable imprima fur le ventre d'Attia, mère d'Augufte, un ferpent, après ea avoir abufé. De Lancre, p. 3.  2 ZO HlSTOIRE les contorfions les plus effroyables. Ces démons choififlent fi bien leur tems, qu'ils ne manquent pas de réuffir, & c'eft fur le cours de la lune qu'il fe règlent (i )| car elle eft d'un grand fecours pour les forciers, pour les magiciens, & par cönféquent pour leurs maitres, je veux dire les diables. Les contorfions, les convulfions & les grimaces des potTéclés augmentent ou diminuent felon le cours & le décours de eet aftre. Si ceux qui entreprennent de chaiTet les diables -du corps des démoniaques , favoienr cette fingularité, -ils n'auroient pas tant de peines qu'ils en ont pour réuffir dans leur projet j ils y travailieroient dans le tems que la lune eft tout-a-fait dans fon dédin, & alors la puiffance du diable ■ étant auffi foible que la iumière de, eet aftre, fis le feroient très-facilement fortir ; car il eft très- . rare de trouver des diables d'aulii bonne volonté que celui dont il eft padé dans 1'hiftoire, qui convint avec des Juifs d'entrer dans le corps de la fiïle d'un empereüv, & d'en fortir a leur commandementx afin de leur procurer du crédit (z-}> (i) Les démoniaques font plus ou moins tourmemés des diables, felon le cours de la lune. Le Loyer, p. jtfi- (l) L'empercur Tiras Vefpaficn, ayant pris Jérufalem , défendit par édit aux Juifs d'obferver le fabbat & de te circoncirevoulut qu'ils mangeaiTent de toutes fortes d«  DE M. O Ü F t E. 221 J.1 faut convenir aufli que ces malins efprits ne tourmentent pas toujours ceux dont ils fe font emparés; ils leur font fouvent plus de peur que de mal; fouvent ils les chatouillent (i) & les font rire de fi bon cceur, qu'on diroit qu'ils fentent un extréme plaifir. Ils leur font parler différentes langues, fans qu'ils aient jamais pris la peine de les apprendre (2). S'ils ne faifoient rien de pis , on s'en divertiroit volontiers & on les laifleroit en repos; mais ils font fouvent des pactes (3) j ils exigent des confentemens par lef- viandes, & qu'ils couchaflent avec leurs femmes dans les tems auxquels leur loi le défendoit. La-deffus, ils prièrent Rabbi Simeon, renommé entr'eux pour faire des miraclcs, d'aller fupplier l'empercur d'adoucir eet édit. Simeon fe mit en chemin avec Rabbi Eleazar. Ils trouvèrent dans leur chemin un diable, nommé Benthamelion, qui demanda de les accompagner, leur avouant qu'il étoit diable, il leur promit d'entrer dans le corps de la fillc de 1'empereur, Sc d'en fortir auffitót qu'ils le lui commanderoient5 ce qui fut exécuté; ils obtinrent enftiite pour récompenfe la révocation de 1'édit. Le Loyer, p. 190. (1) On a vu des démoniaques enlevées en 1'air, chatouillées deffous les pieds, Sc riant fans ccfTe. Bodin, p. 306. (1) On en a vu d'autres qui parloient des langues qu'ils 11'avoient jamais apprifes. Id. p. 194. (3) L'hiftoire des diables de LouJun dit, p. 1,53, qu'on  2.22 HlSTOIRE quels on fe donne a eux j pactes qu'on ne peut retirer que par une puiflance furnaturelle (i) qu'on n'eft pas toujours aiTuré d'obtenir } & il eft d'autant plus difficile de les chafler des corps de ceux qu'ils croyent leur appartenir, que fouvent ils s'unilfent plulieurs enfemble (2) 3 afin de réfifter avec plus de vigueur. On a prérendu qu'il y avoit des diables qui n'étoient pas fi méchans que les autres, qui font quelquefois plaifir \ mais on n'admet que trenre mille de ceux-la (3). De ce nombre font les fit rcndre, par le diable Léviatan, un pacte compofé de la -chair du cceur d'un enfant, pris dans un fabbat fait a Orléans, & de la cendre d'une hoftie brüléc. (1) On lit dans 1'hiftoire des diables de Loudun, p. 40 j, qu'un diable, nommé Béhémot, étant forti pour aller chercher un nouveau pacte, 1'ange-gardien de la religieufe qu'il poifédoit, fe faifit de lui; & le lia pour un mois fous le tableau de Saint-Jofeph dans 1'églife, & qu'il fembla a la religieufe, qu'il partoit je ne fai quoi de fa tête, qui s'éloignoit d'elle, a proportion dc la retraite du diable. (1) Une nommée Elifabeth Blanchard fe difoit poffédée par fix diables; par Aftaroth & le charbon d'impureté, de 1'ordre des anges; par Béelzebuth & le lion d'enfer, de 1'ordre des archanges; par Perou & Marou, dc F.ordre des chérubins. Id ]>. 2.5 j. (;) Hefiod'e dit, qu'il y a trente mille démons bicnfaifans parmi 1'air, qui veillent aux befoins des hommes. L'incred. Scavante, p. 3*8.  ö E M. D O F L S. 12$ «eïprits fokts, ks efprits familiers, ks Iurins ainfi appelés (i), paree qu'ils fe divertiffent a luiclet avec ks hommes, apparemmenr pour les rendre plus forts par eet exercice. II y en a qui iuftruifent par des fonges { 2) de ce qu'on doir chercher ou fuir. D'auttes accompagnent ks voyageurs (1) II y avoit entre les Grecs, un démon qui fe nommoit Ha.hafiKt.11s9 a.Ts« tns vahsis, démon luiéteur & agrefleur des hommes; de la vient le nom de Lutin ou Luhion. Le Loyer, p. i$. Apparemment c'eft de ccux-la en général que M. Oufle vent parler, & non pas de celui dont Strabon fait une hiftoire. II dit qu'il y avoit uu démon nommê Lultton , Temefcan, qui luttoit contre tous ies étrangets qui arrivoient z Thémèfe , ville des Bruriens. II avoir été autrefois homme, nonimé Politcs, 1'un des compagnons d'Ülyffe; & ayant été tué par les Brutiens en trahifon, il s'efförcoit après fa mort de tourmenter .fant les étrangers, que ceux qui lui avoient fait perdre la vie. (1) Pour ce qui elt de Cardan, dit M. Naudé, p. zyi. II parle fi diverfement de fon efprit, qu après avoir dit abfolument dansun dialogue intitulé Tétim, qu'il en avoit un qui étoit vénérien , mêlé de Saturne & de Mercure , Sc dans Ton livre, de Libris propriis, qu'il fe communiquoit. & {ui par les fonges, il doute au même endroit s'il en avoit vcritablement un, ou fi c'étoit 1'excellence de fa nature; & conclut enfin dans fon livre, dererumvarietate l. 16. c.93. qu'il n'en avoit point, difant ingénuement; Ego certe nullam d&monem a*.t genium mihi adejfe cognofco. Si bien des gens ne vouloient parler que d'aufli boune foi, on n'écriroit pas tant d'hiltoires.  224 HlSTOIRE fous le nom de maitre Martinet (i), & leur fout prendre les chemins les plus courts & les moins dangereux. II y en a quipaffent par une fucceffion de plufieurs années aux'enfans, afin de défendre lesfamdles auxquelles ils fe font attachés contre les infultes de leurs ennemis (2}. Quelques-uns donnent des confeils, mais de telle forte que, quoiqu'ds foienr fort prés , cependant leur voix paroït venir de fort loin (3). On en a vu qui étoient fi appliqués aux intéréts de leurs mairres, & fi emprefles de ne leur lailfer faire aucune mauvaife démarche, qu'ils leur tiroient fans facon les oreilles, ou les frappoient (4) pour les détourner dö (1) Démon familier qui accompagne les magiciens, & qui leur défend de rien entreprendre fans le congé de Maitre Martinet. Cir. (1). Chez les Lapons, on croit que les pères donnent & leurs enfans, & leur font palier en forme d'héritage, les malins efprits, qui étoient attachés a leur fervice, afin qu'ils puiflent furmonter les démons des autres families qui leur font eiinemies. Monde Ench. 1. 67. (3) Cardan dit avoir vu une femme a Milan, qui avoit un efprit familier invifible, dont la voix ne s'entendoit que deloin. (4) Un efprit familier dohnoit des fignes fenfibles, comme toucher z 1'oreille droite, fi Pon fait bien, a 1'oreille gauche fi 1'on fait mal, ou frapper fuf un livre pour faire cefler d'y lire. Bodin , p. 4*. 47, commettre  ï> e Mi Oufle. 215 Commettre quelque faute qui leur fut préjudiciable. Et a propos de ces bruits qu'ils font & da ces coups 1 qu'ils donnent, on a remarqué 'qu'il n'y avoit ni dia-leuri, ni dureté, ni violence dans ces mouvemens ; car leurs iriains font froides comme glacé & molles comme du coton (1). On peut appeler ces diables de fort bons garcons, auffi-bien que ceux qu'on nomme droles , qui panfent foigneufement les chevaux de leurs maïtres& qui ont foin de leurs horloges (2). On a dit ~ . (1) Cardan parle, tk varictati reram, d'ua de fes amis » qüi cóuchaht dans une chambre, ou venoient des folets» fentit une main frbide & molle comme du coton, qui JftuTa fur fon cou & fur fon vifage, & lui voulut ouvi'ir la boüche» .y.ut>L 3ujj4..iiw^ Bil'sf «;..'.' ■>" al ■ ;(1) Une perfonne m'a dit qu'aux contrées les plus avancées vers le Septentrion, il y a des diables qu'on appelle droles qui panfent les chevaux, qui font ce qu'on leur commande, qui avertiffent des dangers. Medit. Hiftor. de Camer. t. ï, 1. 4, c. 13. Il y a des mandragores qu'on prétend être des farfadets, lutins ou efprits familiers, Sc qui fervent aplulïeurs «fages. Quelques-ans font vifïbles fous la figure d'animaux, & d'autres font invifibles. Je me fuis trouvé dans un chateau, dit 1'auteui du petit Albert, p. 130.131 , ou il y en avoit un qui depuis fix ans avoit pris foin de gouverner une horloge, & d'étriller les chevaux: J'ai vu courir 1'étriIIe fur la cïoupe du cheval, fans être conduite par aucune main vifible. Le palfrenier me dit qu'il s'étoit attiré ce fajrfadet a fon fervke., P  ii£ II I S T O I R K qu'un fameux phiiofophe en av'oic un clans lapommeau de fon épée (i). Que de gens qui voudroient avoir de ces diables qui fonr venir 1'argenr dans leur bourfe (z), ou qui apprennent a faire la pierretphilofophale (3) !■ Je crois qu'on les aimeroit beaucoup mieux que ■ , . - " • en prenant une, petite poule noire, qu'il. 1'avoit faignéedans un grand chemin ci'oifé, & que du fa'ng de Ia poule] avoit écrit fur un pctit morceau de papier, Beritfera ma befógne pendant vingt-ans , & je le recompenfirai -Sc. qu'ayantenterréla poule a un pied de preforrdeur, le mème jour le. farfadet avoit pris foin de 1'horloge &c des chevaux, & que de tems en tems il faifoit des trouvailles qui lui valoient quelque chofe. (1) On difoit que Paracelfe avoit un démon familier, renfermé dans le pommeau de fcn épée. C'étoit plutöt deux ou trois dofes de laudanum , dont il ne vonloit jamais'être dépourvu, paree qu'il enfailoit des mcrveilles, & s'en fervoit comme d'une médecine univerfellé, pour guérir toutes fórtcs de maladies! Naudé, Apol. p. 18 f. (z) On a dit du fameux médecin Pierre d'Apono, qu'il étoit le plus grand magicien de fon iïècle, qu'il s'étoit acquis la connouTance de fept arts liberau.x par le moyen de fept efprits familiers qu'il tenoit enfermés dans un criftal; qu'il avoit 1'induftrie, comme un" autre Pafetes, de faire revenu: dans fa bourfe 1'argent qu'il avoit'dépenfé. Id, zjq.zjf. (3) Un efprit nommé Floron, qu'on a dit être de 1'ordre des chérubins; un démon nommé Barbu , qui montre dans un morceau de papier, le moyen de faire la pierre philoTophale. Id, p. Z49, 150.  o e M. O u r i Ei celui qui donnoit des lecons de philofophie (i), Le plaifant diable que- celui qui prenoir plairïr a faire voler en 1'air a coups de pierres le bonnet d'un préfident (2) ! Que eer autre étoit obligeant. qui, pendant Ie jour, fe cachoit dans des -'fa-*ots ï N 1> - • ft ou 1 on avoit loin de le bien nourrir , & pendant Ia nuit alloit dérober ca & la du blé pour récorri* penfer ceux qui lui faifoient dn1 bien (3) ! Érrfin quelle commodité den porter dans des bagues (4), (1) Cardaa dit, que Niphus avoit un démon barbu, cui lui donnoit des lecons de philofophie. (z) Ün Efprit jetades pierres, & fit voler Ie bonnet, du Préfident Latomi a Touloufe. Bodin, p. 301. (3) Voici ce qu'on dit ordinairemenr rouchant les diables domeftiques, & que Schot & Delrio rapportentJ comme 1'ayant tiré de Meletius. Ils difent,que ces diables fe retirent dans lesiendroits les plus cachés de la maifon, dans un tas de bois; on les nourrit de toutes fortes de mets délicats, paree qu'ils apportent a leurs maïtres du bied qu'iis ont volé dans les greniers d'autrui. Lcrfque ces efprits ont deflein de Setablir dans quelque maifon; ils le font connoicre en cutaflant quelques monceaux de copeaux, les uns 'fur les autres, en jetant le furnier dans des feaux plèins'de h'vt Si le maitre de Ia maifon, remarquant cela, lai.fe ces copeaux enfemble, Sc le fumicr dans Ie lait; ou fi m'émé il boit dii Iait ou eft Ie fumier, 1'efprit fe prefente a lui, & demeuré dans ia^maifon: On les appelle Gobelins Le Moridc Éïiché >. Z87. (4) Wicrus parle 1-. 6, c. v. art. j. & 4, de dmbieii Pij  228 HlSTOIRI ou d'en conferver dans des fioles (i) pour s'eii, fervir quand on en abefoin ! Avouez qu'il y a bien plus d'avantage a connoïtre de tels démons que ceux qui, par malice, enflent le vifage des hommes & les défigurent de telle forte qu'on ne les reconnoït plus (z). Ceux qui fe fervent des morts pour tourmenter les vivans (3), ou qui vont dans les cimetières y déterrer les charognes & les manger jufqu'aux os (4-), ou qui font perdre tout d'un enchafles dans du verre ( comme le diable boiteux ) ou dans des bagues. (1) Un certain Avocat avoit un démon familierdans une fiole, qui fut jeté dans le feu par fes héritiers. L'Incr. Scav. 59. (z) II y a des démons que Pfellus appelle fouterreins, qui du vent de leur haleine, rendent aux hommes le vifage tout bouffi, & les font méconnoifTables. Le Loyer 535. (3) Saxon, grammairien, rapporte cette hiftoire, /. 5. Hifior. Dan'iA. Afmond & Afuith compagnons darmes Danois, étant Hés d'une érroite amitié, convinrent par ferment folemnel, qu'ils ne s'abandonneroient ni a la mort ni a la vie. Afuith mourut le premier; & fuivant leur accord, Afmond fe confina dans fon fépulcre, oii le diable qui ctoit entré dans ce corps mort, tourmenta tant Afmond, en le déchirant, lui défigurant le vifage, & lui arrachant une oreille, qu'eafin Afmond coupa la tête au mort. (4) Paufanias fait mention, in Phocaicis, d'un diabic nommé Eurynomus , qui mangeoit les charognes des jmrts, & ne leur laiffoit que les os.  d e M. Oufle. iity coup a. un homme quelque membre de fon corps (i). De tous les diables, on tient que les plus menteurs font ceux qu'on appelle terreftres (i) -y la raifon en eft claire; c'eft qu'habitant dans les entrailles de la terre, ils font les plus éloignés du ciel qui eft le domicile de la vérité. A propos de diables terreftres, je me perfuade que ces efpèces de diables font ceux qu'on appelle gnomes ( 3 ), gens fort amoureux des (1) II y a des diables qui emportent les döigts du pied» fans faire mal. De Lancre, 175. (1) Les Chaldéens tiennent que les démons terreftres font. menteurs, & cela, paree qu'ils font les plus éloignés de la. connoilTance des chofes divines, Bodin. u y. (3) Les gnomes font compofés des plus fubftiles partie*. de la terre, & en font les habitans. te comte de Gabalis, 34- Voici pourquoi M. Oufle ne s'en rapporte pas a ce. qu'on a dit des gnomes, &c., c'eft qu'il eft parlé ainfi dansje Comte de Gabalis, p. iz8. ns>, le démon eft ennemi mortel des nymphes , des fylphes & des falamandres; car, pour les gnomes il ne les hait pas fi fort; paree que cesgnomes effrayés des hurlemens des diables qu'ils entendent dans le centre de la terre, aiment mieux demeurer mortels,. que courirrilque d'être ainfi tourmentés, s'ils acquéroient 1'immortalité; de la vient que ces gnomes & ces démons,, 'leurs voiflns, ont afTez de commerce; ceux-ci perfuadent au»; gaarnes, naturelleraent très-amis de 1'homme, que c'eft, Pig  i}0 HlSTOIRF, femmes (i), gardiens des tréfors dont j'aurols bonne lui rcndre un fort grand fervice, & le délivrer d'un grand pé-ril, que de 1'obligcr de rcnoncer a fon immortalité. lis s'engagcnt; pour cela de fournir a celui, a qui ils peuvent p'erfuader cette fenonciation, tout 1'argent qu'il deraande; de dérourner les dangers qui pourroient mcnacer fa vie durantun certain temps, ou telle autre condition qu'il plak a celui qui fa t cc malbeureu» pacte: Ainfi Ie diable, Ie mcchant qu'il eft, par I'entïemife de ce gnome, fait devenir jnortcl'e 1'ame de eet nommé, & la privé du aroit de la vie éternelle, (i) On attri'oue aux démons, dit encore le même comte, p. 96, 97, tout ce qu'on devroit attribuer aux peuples des élémens. Un petit gnome fe fait aimer de fa celèbre Madeleine de la Croix, abeffe d'un monaftère aCordou'e' ea Efpagne: elle le rend heureux des Page de doare ans, & ils conrinuent leur commerce 1'efpacc de trente ans. Un directeur ipnoram vent perfuader que c'tft un lutin..., Le diable n'eft donc gueres malheureux, de pouvoirentretenir eonvnerce de telles galantcries.,.. Le démon a dans la region de la mort des occupations plus triftes & plus con-*. formes a. h\ naine qu'a pour lui le dieu depureté. Encore une fois, ajoute-s-il, p. 131. 133,1e diable n'a pa-; la puiffance cle fe jtStfcf ainfi du genre humain , ni de psctifèr avec les hommes. moins encore de s'en faire adorer. Ce qui a donné feu a ce Bréifi populaire , c'eft que les fages affemblenc les nabifans des élémens, pour leur prêcfrer leurs mvftèscs & leur morale ; St comme il arrivé ordinairetnenc que quelque gnome revient de fon erreur groffière, ccmprend ls;r, horreurs du néant, Sc confent qu'on 1'immortaliïe,  d h M. Oufle. 231 part, fi je me fervois da fecret que je fai (1); & qui, .quand ils veulen.t, changent 1'or en plomb (2). Je mets encore au même rang: 1 °. Les fylphes (3.), ces habitans de 1'air (4), 011 lui donne une fille , on rimmortalife; ta noce fe celèbre avec toutc la réjouiffance que demande la coöquête qu'on vientsdc faire. Ce font-la ces danfes & ces cris de joye, qu'Ariftbte dit qu'on entendoit dans certaines ifles, oü pourtant on ne voyoit perfonne. , (1) Viri fiantis fiipra draconem, qui in rnanu ieneat gliidium, figuram, fi in hematithe fculptam invenies, pone in annulo plombeo ,velferreo, & obedient ei omnes fpiritus fübterranei, & revelabunt ei omnes thefauros levi cxrmine, nee non cxxrahenii modum ipfi oftendent. Trinam Magicum y p. 173- (1) On veut faire croire, que quelquefois les gnomes ont tranfmué les métaux précieux en des matières rites & abje&es, pour tromper les ignorans. Le folide Trefor du petit Albert, p. 75. (3) Les fylphes font compofés des plus purs atomes dte fair. Le comte de Gabalis, p. 33. 34. ■ (4) Le fameux cabalifte Zcdechias fe mit dans Pcfprir, fous Ie règne de Pepin, de convaincre le monde, que les élémens font habités par tous ces peuples, dont je vous ai décrit la nature. L'expedient, dontil s'avifa, fut de confeiller aux fylphes de fe montrer en 1'air a tout le monde; ils le firentavec magnifieence; onvoyoit dans les airs ces créatures admirables en forme humaine, tantöt rangées en batai'le,.. marchant en bon örnre, ou fe tenant fous les armes, ou campées fous des pavillonsfuperbes; tantot fur des navires Pk  Z,l "HïSTOIRE qui, par une prononciation cabaliftique d'un nom myftérieux, mettent en fuite les autres démons (i). uériens d'une Itructure admirabk, donc Ia flotte volante voguoit au gré des zéphirs. Qu'arrive - t-il ? Penfez-vous que ce fiècle ignorant s'avifat de raifonner fur la nature de ces fpectacles merveilleux? Le peuple crut d'abord que c'étoit des forciers qui s'étoient emparés de 1'air, pour y exciter des orages, & pour faire grêler fur les moiffons. Les fcavans, les theologiens & les jurifconfultcs furent bientöt de I'avis du peuple; les empereurs le crurent auffi, & cette ridicule chimère alla fi avant, que le fage Charlemagne, Sc après lui, Louis leDebonnaire,imposèrent de grièves peines a tous ces prétendus tyrans de 1'air. Voyez cela dans le premier chapitre des Capitulaires de ces deux empereurs. Les fylphes voyant Ie peuple, les pedans & les têtes couronnées memes fe gendarmer ainfi contr'eux, réfolurent, pour faire perdre cette mauvaife opinion qu'on avoit de leur flotte innocente, d'enlever des hommes de toutes parts, de leur faire voir leurs belles femmes , leur république & leur gouvernement , & puis les remettre a terre en divers endroits du monde. Ils lefirent, comme ils 1'avoient projeté. Le peuple qui voyoit defcendre ces hommes, y accourut de toutes parts; & prévenu que c'étoit des forciers qui fe détachoient de leurs compagnons, pour venir jeter des venins fur les fruits & dans les fontaines , fuivant la fureur qu'infpirent de telles imaginations, entraïnoit ces .'nnocens au fupplice. Id, p.. 13 j, I3■ '<■ 1 Que Ia rnifon la mieux feniee, . J.afle Ibuvent de trop veiller, Par des cónrés' d'ogre & dc fóe,. Ingénieufcm-enr hercée , Prenne plaifir a fommeiller! Id. (O Lespoctcs ont dit que les fées avoient cent yeux hors de leur maifon, que deüans elles étoient aveugles. Dict. ccr. . • *' -' - (2) Lettres de Cir. (3) Cörneille de Kempen afTure qu'au remps de 1'empc'reur Lcthairc, vers Tan 830 , il fe trouvoit dans la Frife quan'rité dc fées qui faifóient leur féjour dans des grotes, ou fiir le liaut d::s éminences & des collines, d'ou elles defcendoient la nuit pour enleverles berger -dc leur.- tronpcaux, tirer de leurs berceau:; les enfans, & entrainer les nnS & lesautres dar.s leivs cavernes. Lc Monde ench. 1. 2.50. (4) Nos aïeuls ont affuré, que c'étoit une ancienne tradition, que la óü les fées ou fades, femmes des druides habitoient, jamais Ia gic-le ni les tempêtes ne gatoient les fruits. Frey en Ton cdmiranda Galliarum, cap. 10 & au traité qu'il a donné dans les écoles intitulé, avtiqujffmi Gal/orum riülofo^hU Ecloga, au cbapitre, dc Driddarum jiflrologid.  t> e M. Oufle. 235 Voila, ce me femble, affez parler des diables, de ce qu'ils out fait & de ce qu'ils peuvent faire. Si vous ne voulez pas croire tout ce que je viens de vous dire, aliez y voir (1)5 je vous en donnerai le moyen quand vous le voudrez. Enfin voiü le difcours de M. Oufle fini. A dire vrai je m'ennuyois bien en écrivant tant de chofes mal digérées , qui ne prouvent rien , mais qui apprennént feulement que ce bon homme ne faVoit autre chofe que titer avec affurance des conclufions de fairs, comme s'ils avoient été très-certains, quoique la plupart fulTent très-contelfables. N. B. L'éditeur fjpprime ici le difcours de No?icrède en réponfe d celui de fonfrère. Dans ce difcours Noncrède difcute ferieufement des chofes qui fe détruifent d'elles -memes & ne daivent être com~ bauues que par le mépris & le ridicule ; & comme les raifonnemens ennuyeux & mal digérés que l'auteur entajfe dans ce difcours , n'auroient pu contrihuer ni a l'infiruclion ni a l'amufement de nos lecteurs, n,ous avonsprls le parti de le,s leur épargner. (0 Pour faire voir le diable a une perfonne en dormanf,. prenez le fang d'une hupe, & en frottez le vifagë de cette perfonne; elle s'imagincra que tous les diables font autour d'elle. Les adruirablcs fecrets d'Albert le grand , 1. j,p. 16$, apparemraent c'eft de cette fuperftitieufe pratique, que M. Oufle veut pader.  13& HlSTOIRE CHAPITRE XXII. Extravagantes itnaginations de M. Oufle, qui fe perfuadoit que les diables le fuivoient par tout» & qu'ils lui apparoiffoient fous des figures de: ehiens, de pourceaux , de mouches, de papillans, &c. JlVf! • Oufle ayant recu Ie difcours de Noncrède, fit auffitót appeler 1'abbé Doudou, le confident de fes fuperftitieufes pratiques , pour Ie lui communiquer. Ils le lurent enfemble; mais quelles mines méprifantes ne firent-ils pas en Ie lifant; k chaque arricle ils levoient les épaules, pour mareper le peu de cas qu'ils faifoient de eet écrit»ilscondamnoient tout, fans reftriction & fans favoir pourqnoi, ils s'applaudiffoient bien de leurs opimions , & fe promettoient de ne les jamais abanefonner. Ils fe féparèrent avec ces beaux fentiiriens. Mais M. Oufle, qui pendant plufieurs jours tïavoit eu 1'efprit occupé que de diables & de diaMeries, tomba dans des vifions qui lui firent faire Sc dire bien des extravagances. II s'imagina que les diables le fuivoient par tout, qu'ils lui apparoiffoient fous je ne fai combien de formes différentes j ii lui prit en vie de faire des tablettes magnifiques,.  X> E M. O U ? L E. I37 pour y placer dignement ces livres qui lui étoient fi chers , & dont la leóture faifoit fa principale & fa plus agréable occupation, il envoya quérir na menuifier, a eet effet; eet homme vint le trouvet fur ie champ \ il étoit fuivi d'un gros chien bafbet; le menuifier étant entré dans le cabinet de M/Oufie, celui-ci jerant plutot la vue fur le chien que fur le maitre, parut d'abord tout ftupéfait & comme immobile. II fut longtems fans parler , ayant toujours la vue attachée fur le chien. L'artifan ua favoit que penfer du filence profond, de 1'étonnement' & de I'immobilité de M. Oufle. II luï demanda ce qu'il fouhaitoit de fon fervice point de réponfe , on ne parloit que des yeux, encore n'étoit-ce qu'au chien. Le menuifier s'impatientaj eft-ce, lui dit-il, monfieur, que vous m'avez fait venir feulement pour regarder mon chien ? Vous n'aviez quame le mander, jen'aurois pas pris la peine de venir, je vous 1'aurois envoyé avec la liberté de le regarder a vorre aife tant que vous auriez voulu, fans qu'il vous en eut couté un foL Notre vifionnaire qui n'avoit regardé avec tant d'attention ce chien, que paree qu'il lui étoit venu dans 1'efprit (1), que ce pauvre animal étoit un (1) Leon, évêque de Cypre, écrit que le diable fortit da corps d'un démoniaque, en forme de chien noir. Le Loyer, f. 318. 2oroaitre, par forme d'énigme, difoit, que lésVlriens fe  ajS H I S T O I R g diable, rompit le fee, en élevant la voix avec fureur, & cüfant au menuifier qu'il étoit un magicien qui amenoit un démon pour le, tourmenter, & mettre le défordre chez lui. Jamais furprife ne fut pareille a celle du menuifier; comme il ne connoiflbit pas la foiblelTe, ou plutot la folie de ce pauvre homme, il repouffa ce reproche par un ron de voix qui n'étoit pas moins élevé que celui dont on venoit" de fe fervir pour lm marquer 1'injurieux foupcon qu'on avoit de fa vifite. M. Oufle répliqua avec le même emportement j mais d n ötoit point fa vue de delfus le chien, tant il craignoit qu'il nel'attaquat & le mït en pièces: le chien, de fon coté , qui fembloit y entendre finette, & connoïtre ce qu'on s'imaginoit de lui, fe tenant a cöté de fon maitre , la tête alerte & éievée, regardoit M. Oufle avec aurant d'attenticn qu'il en-étoit regardé. Cependant M. Oufle s'approcha du menuifier, & le poufla rudcment pour le chafTer de montrent fouvent a ceux qui fe dépouillent de la mortaLtéj c'eft a dire, les diables, a ceux qui lont prets de mouw, ou aux gens de bien, qui abandonnant le monde, fe retirenc dans la folitude.Jd, 183. On a vu un. chien, qu'on appelloit uh démon, qui kj*u' les robes des religieufes pour en abufer. Bcdin , p. 30S. Par le nom de chien, les démons étoient quelquefom défignés; & même en la magie de Zoroaftre, ils font appelés' chiens terreftres. Le Loyer, p. ij•>  D E M. O U F L- E. 139 chez lui.'Le barbec aiors fe mit a aboyer d'une grande force, témoignamt ainfi a fon maitre quil etoitprêt a. le bien défendre, defotte queM. Oufle menacant avec fureur le menuifior,-le-menuilie;répondant aux menaces fur le même ton, & le chien aboyant fans relache, il fe faifoit un vacarme épouvantable dans cette chambre. Camèle qui enrendit tous ces différens cris, vint a la porte pont favoir ce qui s'y pafToit; mais ctoyant qu'on maltraitoit fon père, elle appella au fecours fk'fcetir Ruzine & Mornand, qui étoienr plus a fa portee que lèsrautrés. Ils montent avec précipitation- ils eutrent ? M.-Oufle leur crie aufTïtot, en montrant le chien, qu'ils fe dorinent bien de garde de 1'approcher -, paree que c'étoit un diable. L'artifan'fe tourmente, pour leur prouver que'cen'étoit poinr un diable, mais un chien véritable, un chien hit comme les 'autres, ajbutant qu'il '1'avoit ëlevé vsn petit,& qu'il y avoit plus de trbisans qu'il mangeöit de fon pain, fans qu'il ait parit qu'il y 'eut la moindre diablerie dans fa conduite; maisM. Oufle foutenoit toujours , fans en vouloir démordre, que c'étoir'un vrai diable, qui avoit pris la forme d'un chièm Mornand qui fe doura bien que c'étoit quelque vifion qui avoit paffé par 1'efprit de fon maitre, fit femblant de le croire, pendanr que Ruzine, qui fe doutoit de la même chofe, fit figne au menuifier de fe taire, lui dit tout bas que fon père haiffoit  z4» H i s t o i R b tant les chiens, 'qu'il ne les pouvoitpas plus fouf* frir que des démons, & enfin 1'engagea a fe retirer fans bruit avec fon chien. La bonne Camèle qui crut que ce chien étoit véritablement un diable y paree que fon père 1'avoit dit, & que Mornand avoit paru le croire, alla toute effrayée trouver fa mère, & lui raconter qu'un magicien, déguifé en menuifier, avoit amené chez fort père un diable fous la forme d'un chien, d'une laideur effroyable, & qui faifoit des cris horribles. Madame Oufle jugea bien que cette hiftoire n'étoit fondée que fur quelque nouvelle vifion de fon mari; elle fe la fit conter par Ruzine & Mornand, & ils ne manquèrent pas de la confirmer dans le jugement qu'elle avoit porré. On laiffa M. Oufle en repos j Camèle de fon c©té, après que fa mère lui eut parlé, ne crut plus que ce chien étoit un diable, car la bonne fille croyoit tout avec une égale facilité, & étoit toujours de 1'avis de celui qui parloit le dernier. Le menuifier ne manqua pas de raconter a bien des gens cette bizarre- aventure, & elle devint bientót fi publique que prefque tout le monde en parloit dans la ville. M. Oufle fe perfuada encore, paree qu'il 1'avoit lu (i), que parmi les pourceaux il y en avoit beau- (i) Selon faint Jean Chryföftome, de providentia ad Stagirum monashum, le diable qui occupoit par incervalles coup  Ö e M. Oufle. J$ coup qui étoient de vrais diables; quand il ën Voyoit un, il frémilïbit d'horrèur. Pendant tout Is tems que durèrent ces imaginations, il ne voulut point manger de la chair de ces anima-tix, quotqu'auparavant elle fut fort de fon goüt. Leur %ure, difoit-il,n'eft-ellepas diabolique? Leurs cns font-ils rnoins effroyables que ceux des diables ? N'avons-nous pas vu fouvent dans des fpectacles les diables armés de veflïes de cochon tendnes' & enflées, dont ils fe fervoient pour battre & polu-' faire peur? Le plaifir que ces animaux prennenc' a feplonger dans 1'ordure, n'éft-ce pas p;rce que le diable n'aime rien tant que la viïenie ,& Hmpuréte ? C'eft par ces ridicules raifcnue'mens, ou pard'autres femblabïes, que ce pauvre homme s'entretenoit dans fes étranges viiions. Toute puanteur(i) étoit pour lui une preuve de la préfence de,qufclque démon. Je n'entrerai pas dans le détail de. tout ce que cette perfuafion lui fit faire d'extravagant; tout ce que je puis dire, c'eft que quand ilfatisfaifoiti fes néceffités naturelles , le corps du religieus Stagirus, prb'iflbit fous la forme d'un poufteau couvert d'ordüres. O) Cardan dit, que les" efprits mallas font puans, ainfi que-les-lieux qu'ils frequehre'nt, & croit que de-A vienf que les anciens ont appelle les forciers, fosteniis. .Bed'.--:, p. ±y. ; •. • ". \ • ' ■ ■ Q  ZjLX Histoire il étoit dans de continuelles alarmes, tant il craignoit que quelque diable , habitant, felon lui, du lieu oü il étoit, ne profitat de fa fituation pour le tourmenter} auffi n y reftoit-il que le moins de rems qu'il pouvoit, & n'y alloit-il que quand il ne lui étoit plus poflible de s'en défendre. Je vais parler d'une autre vifion qui n'eft pas de fi mauvaife odeur, c'eft de la frayeur qu'il avoit des mouches, cat il prétendoit encore que le diable apparoifloit fouvent fous la forme de ces infeótes (i).Il ne vouloit fouffrir aucun fruit fur fa (i) Selon Paul, diacre, /. 6 c. 6. hiflor. Longobar. Kuvibert, roi des Lombards, s'entretenant en prefence de fon s;rand écuyer, du deflein qu'il avoir de faire mourir deux feigneurs Lombards, nommés Aldon & Granfon, & unc grofle mouche importunant ce Prince a plufieurs reprifes , le roi prit un coüteau pour la tuer, & lui coupa feulement une jambe. Enfuite un homme apparoit a A^don 6c aGranfon avec une jambe de bois, & les avertit du deflein que le roi avoit pris contr'eux; ce qui fit croire que cette mouche étoit un diable. On appelle le Soleil Bahal, c'eft-a-dire, en hébrcu, feigneur; d'oii eft venu Bahalzcbut, qui veut dire maitremouche, paree qu'il n'y avoit pas une mouche en fon temple. Bodin, p. 51. Les Cyrenaïques, après avoir facrifié au dieu Acaron, dieu des mouches & les Grecs a Jupiter, furnommé Myiodes, c'eft-a-dire, mouchard, toutes les mouches, s'ea-  t> £ M. Oufle. 243' table3 de peür quil ne les attirat. Quelqu'un lui en ayant fait confidérer une dans un microfcope, quand il vit fes cornesfa trompe, fes yeux de couleur de pourpre, fes jambes velues , les pinces de fes pieds, enfin tout fon corps enfemble, réprefentant une figure qui lui paroilïbit d'autant plus hideufe, qu'il ne s'étoit jamais perfuadé qu'elle füt telle qu'il la voyoit, il la trouva très-propre pour devenir la demeure d'un diable j il avoit la même opinion des papillons, & malheur a ceux qui fe trouvoient a fa portée, il ne les épargnoit pas. II fe défioit encore beaucoup des enfans que portoientles gueux, pour excirer a leur faire des aumönes. Une hiftoire rapportée dans un de fes livres (1) , oü 1'on vent perfuader que le diable étoit un jour fous la figure d'un de ces enfans, lui donnoit' cette défiance* C'eft pour la même rai- volojent, en une nuée? comme nous lifons en Paufanias, ;Vs Arcadicis, & en Pline, /. , c. 6 On dit de la ddmoniaque de Laon , que le diable ( Béelzebuth) fortoit de fa bouche en forme de mouche, & y rentroit. Le Loyer , p. 505. Le diable apparoit quelquefois en forme de groffe mouche ou en papillon, dit de Lancre dans fon livre de 1'inconftance des démons, p. 506. (1) On trouve cette hiftoire dans le livre de 1'inconftancc des démons, par de Lancre, p. 133.  244 HlSTOIRE fon (i) qu'il étoit fort circqnfpeót, quand il prenoit un valet qu une fervante a fon fervice. II en faifoit auparavant plufieurs exacfes informations, afin qu'étant bien inltruit dé leur conduite , il ne fe mït point en danger de fe faire fervir par quelque démon. Si quelqu'un qui ne. le connoiflbit point, i'appeloit par fon nom., un foupcon de diablerie s'eraparoit aufïïtót de fon efprit (i). II fe laffa enfin de ces prétendues perfécutions. Ses livres vinrent A fon fecours pour le garantir des tourmens qu'il craignoit du pouvoir & des artifices de ces mauvais efprits. Nous parierons de ces fecours imaginaires dans le chapitre fuivant. (O Verslefeptentrion, il y a des démons, qu'on appelle Guttei, qui panfent les chevaux & autres bêtes. II y en a auffi qu'on appelle Trollen, qui felouent en habit de'femme ou d'homme aux fervices les plus honnêtes de la maifon. Des fpectres, par le Loyer, p. 496. (z) Dans'la Tartarie, des démons appellént par leur nom les gens, pour les faire fourvoyer de leur chemin, & périr de faim. Id, 333.  de M. Oufle. M5 CHAPITRE XXIII. Ce que fit M. Oufle pour fe délivrer & fe garantir des prétendues apparitions des diables , qui lui caufoient des troubles & lui donnoient des inquiétudes continuelles , par la crainte ou il étoit d'en recevoir quelque dommage. M. Oufle croyoit toujours pouvoir, avec fes fuperftitieufes pratiques, trouver remède a tout:, auffi étoient - elles fa première & principale reffource dans toutes fes peines, fes inquiétudes & fes chagrins ; c'eft-la qu'il fe propofa de chercher des moyens de fe délivrer de tous ces diables, dont il s'imaginoit être continuellementobfédé. Voyons donc ce qu'il va faire pour chafler des diables qui ne fongent point a lui. Le premier fecret dont il s'avifa, c'eft la racine Baaras, qu'on allure avoir la vertu de chafler les mauvais efprits (i); il ne la mit pourtant pas en (i) La ville de Machérus, a au feptentrion une certaine vallce, qu'on appelle Baaras, ou il croit une racine de même nom, de couleur rouge, qui rend un éclat de foi-même, vers le foir. Que fi quelqu'un paffe par-la, elle ne fe laiffe pas facilement arracher; au contraire, elle lui échappe toujours, fe retire & ne s'arrête point, que 1'on n'ait jetd  HlSTOIRE ufage , car il tui fut impoflible de la trouver. Les herboriftes ne la connoilTent point, & n'enfavent .pas même le nom , peut-être n'a-t-elle d'exiftenee que dans les livres qui en ont parlé, auffi bien qu'une certaine pierre qui fe trouve, dit-on, dans le Nil (i), & qu'il fouhaitoit extrêmement avoir pour le même fujet. Quoiqu'il en foir, il s'en confola d'autant plus aifément, qu'il avoit d'autres relfources qui ne lui pouvoient pas manquer. La première, c'étoit de fe fervir d'une épée, fès leétures lui ayant appris qu'il n*y a rien, que les diables craignent rant que des épêes dégaïnées & mifes en mouvement (2). Non content de celle clefTus de 1'uri.ne d'une femme ou de fes fleurs., Mais il faut que celui qui la, touche meure , a moins qu'il ne tienne de cette même racine dans fa main. On la peut arracher de eettc manière, fans courir aucun rifque. Ils 1'arrachent toute entière, &n'en lailfent dan sla terre qu'unpetit bout, auquel ils atrachenc un chien Sc puis s'en vont. Le chien qui veut les fuivre, tire facilernent la racine après foi; mais il faut qu'il meure fur 1'heure.. Jofeph a rapporté cette hiftoire fur un oui-dire. On dit que par le moyen de cette racine, on peut chaffer fur l'heure les démons., Le Monde enchanté , 't. IV, p. z3.z. (1) Thrafillns:, payen , cité' par Stobée , écrit qu'au 'Nir il fe trouvoit une pierre femblable a une féve, qui étoit •bonne pour guérir ceux qui étoient vexés par les dém sns; car au flatót qu'on la leur mettoit au nez, le diable fortoit. (1) Platon & plufieurs autres Academiciens renoient s  O E M. O Ü F t Ë. 247 qu'il avoit & qui étoit fort courte, il en acheta de longues,larges, & de la meilleure trempe j de tems en tems il en faifoit dans fa maifon un exercice qui donnoit alfurément plus defujet de rire a ceux qui lui voyoient faire ce manége, qu'il ne faifoit de peur aux diables, & afin d'être plus fur de remporter de fi belles viótoires, il mettoit a fon doigt un gtos diamant, avant que d'armer fa main d'uneépée. La raifon de cetteprécaution,.c'eft qu'iin defes auteurs (1) 1'avoit affuré que les démons trouvent les diamans infupportables. II ajouta aux épées & au diamant, toujours par le confeil de fes livres ^ plufieurs coqs (2) qu'il fit élever &: nourrir dans fa maifon, fans dire a perfonne pourquoi il s'étoit avifé de faire une telle ménagetie; mais fa femme que les diables craignent fort les tranchans d'épées & glaives. Bodin, p. 301. Un ftoïcicn parlant des cérémonies des magiciens, dier qu'ils étoient contraints detenir des épées mies, pourépouvanterles démons. L'incred. S^av. p. 77. (1) Le diamant eft bon contre les efprits folets. Les admir. Secr. d'Alb. le Grand, 1. i, p, 95. (ï) Les démons fuyent la voix du coq, felon Pfellus. Le Loyer, p. 11. II s'eft vu des démons qui avoient pris la forme de lion , lefquels dffparoiiToient auffitót qu'on leur mettoit un coqr au devant. Tableau de 1'inconftance des démons, par de Lancre, p. r;6.  J4Ö Histoire voyant chez elle tant de coqs inutiles, s'avifa de leur donner des poules. Ce mélange inquiéta M. Oufle, en ce qu'il s'alla mettre dans 1'efprit que les diables voyant que ces coqs s Weroient prefque toujours avec les poules, ils n'auroient pas tant fujet de les craindre, & qu'ainfi ils ne s'enfuiroientpas auffi promptement qu'il 1'avoit efpéré; afin donc qu'fl n'eftt point fujet de fe reprocher d avoir rien négligé pour empêcher les démons de le tourmenter& de lui apparoitre, il mit en ufage de nouveaux fecrets. II porta fur lui de 1'herbe qu'on appelle armoife (i). II fe fervit de celle que lonnommeverveine(z)j il cherchadeux cceursde vautour, qu'il porta fur foi, 1'un 1 ié avec un poil de lion: 1'autre, avec un poil de loup (3). II fit faire une image qui repréfentoit deux têtes; 1'une . d un homme qui regardoit en dedans, & l'autre, d'une femme qui regardoit en dehors (4). II fê (0 Celui qui a foin d'avoir toujours fur lui de 1'herbe qu on appelle armoife, ne craint point ks ^ .. m le poifon, ni 1'eau, ni le feu, & rien ne peut lui nuire' Les admi. Secr. d'Albert le Grand, 1. 3 , p. ltfg. (0 Laverveinechaffe les mauvais efprits & les démons I. 1, p. 8. (3) Le ccrur d'un vautour, lié avec un poil de lion, ou de loup, chafTe les diables. Id, 1. 3 , p, ié8. (4) Les prêtrcs d'Egypte ( au rapport d'Orus) fe perfuaderent a eux-mêmes, &perfuadèrent aux autres, qu'une  DE M. O U F E E. 249 tint le plus gai qu'il put, afin que la mélancolie ne donnar aucune entrée aux démons (i); comme on en menace ceux qui s'abandonnent a la triftefTe , Sc ce qui termina enfin fesinquiétudes, le tonnerre étant tombé dans la cour de fa maifon, il fe reffouvint d'une opinion bizarrede certains peuples, Sc crut avec eux (2) que le ciel avoit banni pour toujours les diables de chez lui. C'eft ainfi que ce pauvre homme ne chafioit de fon efprit une erreur ridicule, que par le fecours d'une autre erreur auffi impertinente. Enfin il fe trouva, par la force de fon imagi- image de deuxtêtes, 1'une d'homme, regardant en dedans; l'autre de femme, regardant en dehors, étoit le feul préfervatif & remcde contre les démons. Medit. Hiftor de Camerarius, 1.1, 1. 4, c. 11. (O Les anciens difoient, que la mélancolie étoit le bain du diable. Ariftote Probl. Sect. 30, quseft. 1. Quelques-uns ont cru, que les chofes qui fervoient a chaffer 1'humeur mélancolique, foulageoient les démoniaques, comme la mufique a Saül; les feuilles de rue, la fumée de frêne, & des cornes d'une chevre, comme la mélancolie étant le fiège du démon. De Lancre, p. 184. Pomponace dit que les anciens purgeoient avec 1'ellebore les démoniaques. Le Loyer, p. 1 jo. (1) Les Lapons croyent que Ie tonnerre tue les mauvais démons, fe fervant de 1'arc-en-ciel, pour lancer fes foudres. Le monde ench, 1.1, p. £3.  25° Hl9TOl' RE nation, délivré de la crainte des apparitions des mauvais efprits. Les chiens, les pourceaux, les mouches, les papillons , les lieux puants , &c. ne furent plus pour lui des fujets de troublé j mais 11 n'en fut pas pour cela plus tranquille, car de ces vifions il paffa a d'autres qui n'étoient pas moins déraifonnables. Je les rapporterai après que j'aurai parlé de quelques extravagances de Sanfugue, qui, quoiqu'il ne füt pas aüffi fou que fon père, ne laiffa pas de faire de très-folles démarches, par Favidité qu'il avoit d'acquérir de grandes richelfes..  ï5 M. Oufle. 25ï C H A P I T R E XXIV. Sanfugue extrêmement avide d'acquérir de grandes rickejjès, s'informe , après avoir lu le difcours de M. Oufle fur les diables, des moyens fuperftitieux qui promettent de faire devenir riche , & les met en pratique. Sansugue ayant entendu parler du difcours que fon père avoit fait fur les diables, eut lacuriofité de le lire. II 1'alla prier de vouloir bien le lui commumquer , lui difant, pour 1'y engager , qu'il avoit appris que c'étoit un excellent ouvrage. Comme c'étoit prendre M. Oufle par un endroit fort fenfible, il le lui donna fans différer, 1'afTurant qu'il y trouveroit de grandes vérités dont tout le monde n'eft pas capable. Lifez, lui ajouta-t-il, eet ouvrage avec confiance, vous y trouverez du merveilleux qui vous furprendra. Mais reffouvenez-vous que de grands hommes y parient avec moi, & que je n'y avance rien qui ne foit approuvé. & imprimé j c'eft tout dire. Sanfugue parut écouter eet avis, comme s'il étoit forri de labouche d'un prophéte. II 1'alla donc lire fur le champ. Ce qu'il' y rrouva de meilleür, c'eft 1'endroit de la fecond'epartie oü il eft parle d'un démon qui apprend a.  252 HlSTO.IRg- faire Ia pierre philofophale & que Ia note appelle Je démon barbu. L'eau lui en vïrïta la bouchej car fa paffion dominante, c'étoit d'acqviérir des richeffes. II avoit autrefois confulté ces gens qui font profeffion dechercher cette précieufe pierre cette poudre de projection, cette eau du foleil, enfin , qui travaillent a ce qui s'appelle le grand oeuvre! li avoit lu tout ce qu'on a écrit de plus important pour & contre cette recherche; & comme il ne manquoit pas d'efprit, & qU'il ne croyoit qu'avec precaution, il étoit perfuadé que toutes ces peines font vaines, inutiles & trompeufes , & plus propres a faire devemr pauvre, qui enrichir. II eft vrai qu'on établit de grands principes , pour montrer qu d n'eft pas impoffible de trouver Ia pierre philofophale, qu'on enfeigne des moyens (i) de la é M. Oufle. fcj^ trouvée. La plupart des fables de la mythologie payenne font comme autant de voiles qui cachent Finvention de cette admirable Sé charmante pierre (i) •: cela eft bientöt dit; mais quelle preuve démons, comme eft celui qui a pour titre, la clavicule de Salomon. Id, i. z>jy , 199. (1) C'eft une chofe certaine, a leur direi que la plupart des fables anciennes ne couvrent point d'autre myftère; & que tout ce que les premiers poêtes, qui étoient les philofophes de leur tems, ont dit de Vulcaiiv, dc Prothée, dè Ia toifon d'or, du phénix 'renaiflant, de Ia boete de Pandore des pommes d'or d'Atalante > ou des Hefpérides, & de Ia defcente même d'Órphée, 1'un d'entr'eux aux enfers, ne feut être micux interprété que des opérations de la chimie. AufTi y a-t-il des livres de mythologie faits expres, pouir montrer , que prefque toutes les métamorphofes du paganifme enfeig'nent celles des métaux, & fe peuvent pratiquer dans les fourneaux des chimiftes. Suidasveut que levoyage des Argonautes n'ait été fait que pour avoir un livre de peau de mouton, qui enfeignoit a faire de 1'or, par la con'verfion des autres métaux. La conjecture de Strabon, 1. 11, Geogr., fera trouvée bien plus vraifemblable, lorfqu'il remarque de quelle facon les peuples du pays de Colchos ont accoutumé de recüeillir 1'or des torrens avec des peaux de mouton , d'oii il juge qu'eft venu le conté de cette toifon d'or; en qiioi il a été depuis peu fuivi par Belon, qui a eu tort de ne pas nommer Strabon pour auteur de cette opinion. Le même géographe ajoute que la quantité dé métaux qui fe trouve dans la Colchide, a peut-être donné Rij  Ï6é HrsToiRE en donne-t-on ? Rien autre chofe que de grands ef forts d'efprit, pour trouver abfolument des myftères oü il n'y en a point. Combien d'exemples n'avons-nouspas de gens qui, avec des explications forcées de 1'écriture fainte, ont prétendu foutenir les plus étranges erreurs & les opinions les plus bizarres! Un homme cherche la pierre philofophale; il s'accroche a tout ce qu'il peut, pout fe prouver lieu a cette galanterie des pcëtes. Qui m'empêchera de foutenir, au fujet de Vulcain, dont les chimiftes s'attribuent réciproquement toutes les actions, qne, quand les poëtes ont écrit qu'il voulut forcer Minerve, Sc que d'un tel attentat naquit ce monftre d'Erichthonius, ils ont voulu fignifier que les chercheurs de pierre philofophale préfument mal-a-propos de forcer la nature avec le feu dc leurs fourneaux, paree qu'il n'en fortira jamais que des productions imparfaites, Sc au lieu d'or Sc d'argent de bon aloi, une matière propre feulement a faire de la faufTe monnoie ! Que peut-on alléguer de plus précis pour 1'expreflion de leur vaine recherche, que la fable de ce Sifyphe qui roule incetlamment un rocher, tombant autant de fois qu'il penfe 1'avoir élevé au lieu de fon repos? N'eft-ce pas une figure naïve de ces miférables enfumés, foit quand ils promènent incefTamment dans leur efprit le delfein de cette pierre fantaftique, foit forfqu'après mille travaux ,ils font contraints de recommencer leurs opérations qui fe trouvent toujours fauifes, au point de leurs plus grandes efperances ? M. L. V. t, I, p. t?6, )Q%, 303, 304.  DE M. O ü F L S. ï<5l i M-rriême qu'il a raifon de la chercher; c'eft ce qui fait que je ne fais combien de miférables (i) , ( i) Tous ceux qui fe préfentent tant aux princcs qu'aua particulicrs, pour 1'cnfcigner, ou pour les rendre riches en Ia faifant, font toujours dans la néceflïté, n'y ayant peutêtrc rien de plus ridicule que d'écouter ces impofleurs qui ont l'cfS:onterie de promettre des monts-joies de biens a ceux de qui ils vculent tircr une pièce d'argent. Ennius fe raoquoit de quelques devins'de fon temps, qui demandoicnt une drachme pour enfeigner des tréfors cachés, leur difant qu'il Ia leur donnoit de bon cceur a prendfe fur ce qui fé trouveroit par leur moyen. Il faut renvoyer de même ces impudens fouffleurs, quand ils fe préfentent. Id. p. 3 M , 313. Cic. I. 1, de Div. II y a des chimiftes qui pour chercher la pierre philofophale , n'en deviennent pas plus riches; cela eft vrai : mais il eft vrai auffi qu'il y en a qui n'en deviennent pas plus pauvres. Ce font ceux qui n'ayant pas de quoi ïubfifter -t vont en chercher chez les riches, en leur promettant de les cnrichir encore davantage. Mais ces promefTës ne fe font pas fans myftère. Ils demandent furtout le fecret & dè grandes circonfpeclions. On travaille enfuite dans les lieux ies plus retirés; on fe cache autant qu'on peut, & 1'on a en. effet bien fujet de fe cacher , car fouvent on ne fait que dé faux or, au lieu d'en faire de véritable; & enfin toutes fès peines de celui qui propofe 1'ouvrage, 8c toutes lêsricheiTes du riche employées pour 1'exécutcr, fe réduifent en fumée , en cendres & en charbon; de forte que 1'un & l'autre (bnc également réduits dans une miférable indigence, & quelquefuis deviennent er.corc plus malheureux par le dangercux. Riij  HlSTOIRE trouvent un facile accès auprès de ce bon homme crédule, en promettant de travailler avec lui fi heu-. reufement au grand oeuvre, qu'il ne pourra jamais. ' manquer de rien. C'eft eet entêtement qui rend incapable de découvrir les fourberies (i), dont ces ' ufage qu'ils foin de ce qu'ils ont trouvé. La Langue, t. II, p. 1^4, Ié 5, ars fine arte, cujus principium mentiri, medium laborare, 6' finis mendicare.. (i) Ceux qui fe mêient de ce métier, après avoir été' ïrompés par d'autres, prennent ordinairement plaifir a faire les mêmcs fourberies qu'ils ont fouffertes, & tacbent bie» fouvent de fe recompenfer par-la. Tantót ils ont de faux & doublés crcufets; une autre fois le charbon, dont ils ks couvrent, eft plein de poudre d'or, & le plus ordinairement ils imitent k trait de Brutus, qui porta de 1'or au dieu de Delphes dans un baton qui le cachoit. On tient que Bragad'in avoit une verge dc fer parcille,,au bout de laquelk ca peu de cire arrêtoit de la limailk d'cr, qui tcmba dans le creufet, aulTitót qu'il cut feint de remuer ce qui étoit dedans.. Arnauld de Vilkneuve fe fervit fans doute de quelque tour d'e pafle-pafle femblablé, fi tant eft qu'il ait fait dans Rome ce qu'on lui attribue. Mais la plus grande part-ie de ce qu'on veut faire pafler pour hiftorique fur ce fujet, n'eft rienqu'im^ofture Sc une pure invention d'bommes, qui ne font jamais fi ingénkux que quand il eft queftion de s'entreabufèr. Cet Arnauld de Vilkneuve, par exempk, étoit un des plus reïiommés médecins de fon tems, qiii fe fervoit des semèdes chimiques fort hcureufement ; & paree qu'il acquit par-la de grands moyens auprès des papes & des rois, dc Sicile, il a laiflé des raeilkurs maifoiw de Erovence qui;  D S M. O V F L E. 2^5 fripons fe fervent pour le féduire; & enfin 11 eft a craindre que, pour fe dédommager des tromperies que lui a fakes un particulier, ilne s'en venge fur le public (i), s'il veut abfolument fe tirer de la misère (1), oü la recherche de la pierre philofophale 1'a réduit. portent fon nom; ce qui a donné lieu a la créance commune, qu'il favoit faire la pierre philofophale. Tout ce qu'on a écrit de Remcnd-Lulle, de Jacques-Cceur, de Nicolas-Flamel, & de beaucoup d'autres qu'on rite, poui? prouver que ce n'eft pas en vain qu'on la cherche, puifque ceux-la 1'ont eue & en ont fait des mervcilles, peut être interprété de même ; plufieuts qui fe font donné la peine d'examiner 1'hiftoire de leur vie, ayanttrouvé demeilleures caufes de leurs Mchefles prodigieufes Sr de toutes leurs grandes actions, que ce qu'on allégue de cette pierre imaginaire. M. L. V. t.1, p. 306, 307. ( 1 ) Léon d'Afrique dit qu'unc partie des Arabes-s'occupe a la recherche de f.é'üxjr , & que le refte travaille a la muttiplication des métaux; mais que la fin ordinaire de tous,. eft de falfificr la monnoie; ce qui fait qu'on voic un'grand nombre de ces fouffleurs, dans la ville dc Fez, qui n'ont point de poing, paree que c'eft la peine dont on chatie les faux monnoycurs. Id. p. 305-. (i) Pro Thefauro Carbon&s, dit le proverbe, id. 304. Laifie-moi donc les herbes aux jardiniers, pour faire des falades aux pauvres alchimiftes. Les aventures du philofophe inconnu en la recherche Sc en rinvention de la pierre philofophale, p. 110, izi.. Riv  * curvata fupercilia, fedentis fuper aratrum inter duos tauros, figuram fi jculptam in aliquo lapid$ invencis, ad plantationes & ad omnem culturam valet, adinveniendos tkefauros & beliandum, ccnvertet inimicos in. amicos, & in multis infirmitaübus valet; é' fi quis eam pcreaverit, fugient ferpentes 4 facie ejus. li.p. 173, 478.  HlSTOIRE compofée de fuif humain (1) ou avec des coqs (2), que 1'on conduit comme les chafieurs mènefit les chiens pourdécouvrirle gibier; ou avec la main de gloire (3), ouvrage dont on ne peut aifez admirer ( 1 ) Cardan donne ce ridicule fecret pour connoitrc s'il y a un tréfor dans le lieu ou 1'on creufe. Avoir une, grande chandelle, compofée de fuif humain, enclavée dans un morceau de bois de coudrier en cette manière X- Si la chandelle étant allumée dans le lieu fouterrein, fait beaucoup de bruit en pétillant avec éclat, c'eft une marqué qu'il y a un tréfor; & plrts on en approchera, plus la chandelle pétillcra; & enfin elle s'éteindra, quand on fera tout a fait proche. Le folide tréfor du petk Albert, p. 73, 74. (1) Les Reiftres, quand ils vont aux champs, mènent avec eux des coqs, qui dev'inent & leur font connoitre 011 leurs hótes tiennent leur argent caché. De Lancre, p. (3) De la fuperftition, appelée la main de gloire, dont on prétend que fe fervent les fcélérats pour entrer dans les maifons. L'ufage prétendu de cette main de gloire, eft de ftupéfier & rendre immobiles ceux a qui on la préfente, en forte qu'ils ne peuvenï non plus branler que s'ils étoient morts. Cette main de gloire eft la main d'un pendu, qu'on prépare en cette manière. On 1'cnveloppe dans un morceau de drap mortuaire, dans Iequel on la prefie bien, pour lui faire rendre le pcu de fang qui pourroit être refté, puis on la met dans un vafe de terre avec du zimat, du falpêere, du fel & du poivre long, le tout bien pulvérifé, on Ia laifle durant quinze jours dans ce pot, puis 1'ayant tirée, on 1'cx.pofe au grand foleil de la canicule, jufqu'a ce qu'elle foit devenuc bien sèche 3 & fi le foleil ne fuffit pas, on la met  de M. Oufle. 267 1'iiiventton, la vemi & le pouvoir; ou avec une dans un four qui foit chauffé avec de la fougère & de Ia verveine; puis 1'on cornpofe une efpèce de chandelle avec de Ia grailTe dc pendu, de Ia cire vierge & du fifame dc Laponie, & 1'on fe fert de cette main de gloire comme d'un chandelier, pour y tenir cette chandelle allumée & dans tous les lieux ou-l'on va avec ce funefte inftrument, ceux qui y font demeurent immobiles. On prétend encore que fes voleurs-fe fervent inutilemcnt de cette main dc gloire, fi 1'on frotte le feuil de Ia porte de la maifon , ou les autres endroits par oii ils peuvent entrer, avec un onguent compofé dc fiel de chat noir, de grailfe de poule blanche & du fang de chouette, & qu'il faut que cette confecfion foit faite dans le tems de la canicule. Le folide Tréfor du petit Al'bcrt, p. 84. Delrio rapporte a ce propos de Ia main de gloire, cette hiftoire dans les recherches magiques, p. 3 ƒ9. Deux magiciens, dit-il, étant veuus logcr dans un cabaret pour y voler, demandèrenta coucher auprès du feu dans la cuifine, ce qu'ils obtinrent. La fervante qui fe défioit d'eux, tout le monde étant couché, alla regarder par un trou de la porte,. pour voir ce que ces deux hommes faifoient. Elle vit qu'ils a.rrachoien: d'un fac la main d'un corps mort, qu'ils en. oignirent les doigts & les allumèrent, excepté un qu'ils ne purent allumer, quelques efïorts qu'ils fiflent;-& cela ^ paree que , comme elle le comprit, il n'y avoit qu'elle des. gens de la maifon qui ne dormir pas, car les autres doigts étoient allumés, pour plonger dans un profond fommeit ceux qui étoient déja endormis. Elle alla auflirót a fo» makre pour 1'évcillcr, mais elle n'en put venir a bout,, ak  i6"8 HlSTOIRE chauve-fouris (i) confervée avec art, 8c interrogéepar celui qui s'en veut fervir; -ou par de certains beignets (i) faits dans un certain tems. Voila y comme vous voyez, bien des moyens de de venir puiifamment riche. Si vous faviez plus en détail 1'opérarion & la prarique de ces moyens, vous feriez émerveillé comme moi, de voir 1'adrelfe & 1'habileté de ceux qui les ont trouvés. Sanfugue écouta cette énumération de fecrets avec toute 1'attention que demandoit fon extréme avarice. II tacha de fe perfuader que ces fecrers. pourroient produire leur effet. Je dis qu'il tacha, car il s'en falloit bien qu'il fut aufli crédule & auffi fuperftitieux que fon père. Quoi qu'il en foit, il des autres, qia'après avoir éteint les doigts allumés, pendant que les deux voleurs étoient allés dans une chambre pour commencer a faire leur coup, &icK (i) Des gens croyent qu'ils auront des richefTes en abondance, fi après avoir coupé la tête a une chauve-fóuris, avec une pièce d'argent, ils la mettent dans un trou bien bouché, l'-y ticnaëut pendant trois mois, & au bout de ce tems-la lui demandent ce qu'ils veulent.. Superftition de M. Thiers, t. I, p. 270. ( %) Faire ce qu'on appelle des crêpes ou beignets avee des ceufs, de l'eau & de la farine pendant Ia melfe de Ia fête de la Purification, en forte qu'on en ait de faits après la melTe, afin de ne point manqucr d'argent pendant toute 1'année. Superftition.de M. Thiers, t. I, p. 376, 377.  de M. Oufle; a£t) voulut faire des épreuves, mais fecrètement, de peur qu'on fe moquat de lui, s'il ne réuffiflbit point. II commenca par s'informer du moment de fa naiflance , pour voir s'il avoit eu le bonheur de recevoir ces bénignes influences dont M. Oufle lui avoit parlé: mais il s'en rrouva très-éloigné; & ainfi il projeta de fe fervir a tout hafard de ces admirables fecrers. Comme je craindrois d'ennuyer le leéteur, fi je racontois de fuite ces ufages, je me contenterai de dire qu'aucun ne lui réuffir: au contraire , pendant eet impertinent manége, il perdit un procés aflez confidérable, qu'il croyoit, comme c'eft 1'ordinaire des plaideurs, ne pouvoir perdre; il fut bien honteux d'avoir donné dans ces fadaifes. II jeta au feu 1'écrit de fon père, afin d'oublier tout-a-fait fes extravagances. Ce qu'il fit dans la fuite fut certes bien plus fur & bien plus efficace pour s'enrichir. II commenca d'abord par s'intriguer,afin d'avoir la caifle (i) d'une ferme confidé- ( i ) C'eft une pïaifanterie que de dire qu'il n'y a fi petite caifle qui ne renfermc une pierre philofophale : mais cette pïaifanterie ne laifle pas d'être fondée fur une vérité. En cfFet on ne voit guère de gens qui ayant Ia direction & la difpofition d'une caiffe, ne deviennent enfin, avec ce qu'on appelle le favoir-faire, en état de donner auffi leur caifle a gouverner a d'autres. Ils reffemblent aux chimiftes en une  27° HlSTOIRB rable, & 1'obtint. Etant dans eet exercice, a force de manier 1'argent des autres, il en amafla aflez par fon adrelfe, pour fe faire fermier lui-même. II fe mit enfuire dans plufieurs partis, dont les feids droits de préfence entretenoient fa cuifine & fes équipages j car aumtöt qu'il fe vit dans les grands gains, il fe mit en ménage, prit, comme ceux de fa profeffion, des airs de grand feigneur, fe jeta dans la magnificence, & acheta grand nombre de fuperfluités. II n'en auroit alfurément jamais tant fait avec toutes les ptatiques fuperftitieufes de fon père. chofe; c'eft que, comme eux, ils font fecrètement leurs affaires, & ne demandent pas de témoins; mais leur fort eft bien différent; car les riches deviennent pauvres, en fe faifant chimiftes, & les pauvres-deviennent riches, en fe fai* fant caiffiers. Si ce n'eft pas toujours, c'eft du moins trésfouvent. La Langue, t. II, p. i6j\  de M. Oufle. 271 CHAPITRE XXV. Ou 1'on voit avec quelle. facilité M. Oufle foupconnoit ceux qui l'approchoient d'être Jorciers : les frayeurs que lui donnoient ces foupcons ; les ex~ travagances que ces frayeurs lui firent faire, & plufleurs réflexions fort curieufes fur cette matière. Jamais homme n'a cru auffi fermement que M. Oufle, toutes les hiftoires qu'on fait des forciers , des magiciens , & de tout ce qui eft du reflort des fortilèges & des enchantemens. 11 ne doutoit de rien fur cette matière ; aufli étoit - il dans des inquiétudes continuelles ; car il s'imaginoit qu'il pouvoit être enforcelé a chaque inftant. II avoit lu tant de contes fur les moyens dont les forciers fe fervent pour enchanter , pour maléficier, pour tourmenter ceux a qui ils en veulent, qu'il ne fe croyoit point du tout en sureté a eet •égard. Ses meilleurs amis 1'inquiétoient; les perfonnes qu'il n'avoit pas accoutumé de voir , Sc qui avoient un extérieur extraordinaire, ou qui montroient quelque diftbrmité étrange, lui caufoient de continuelles ftayeurs. Si on le heuttoit par hafard , fi on lui frappoit fur 1'épaule, il rendoic  a.72, fiisToiRB fur le champ la pareille , fans ménager aucims bienféance. Si on le regardoit fixement -, il fuyoil: avec autant devitelTeque.fi des dards avoient dü partif des yeux qui étoient fixés fur lui. Malheur a ceux qui lui faifoient quelque grimace ; car ils rifquoient d'être auffi fevèrement traités que s'ils avoient voulu lui arracher la vie. Lui envoyer unpréfent, c'étoit luidonner un fujet d'inquiétude, tant il craignoit qu'il ne fut accoilipagné de quelque forrilège. Enfin , comme il avoir lu une infinité de manières de jeter des forts , de pratiquer des enchantemens , de répandre des maléfices; tout ce qui avoit quelque reflemblance j quelque rapport a ces manières , lui étoit fufpect, 1'effrayoit, & lui faifoit faire des chofes véritablemenr exrravagantesi II avoit lu, par exemple , qu un forcier avoit maléficié le pain (i) qu'un boulanger mertoit dans fon four ; il fe mit donc dans 1'efprit que tout le pain qui n'étoit pas très-blanc , pouvoit avoir été fujet au même ineonvénient; car, difoitA , le noir eft la couleur favorite des forciers; (i) Ün boulanger de Limoges voulant faire du paiii blanc a 1'accoutumée, fa pare fut tellement charmée & droguée par 1'infufion qu'y fit dedans une forcière, qu'elle fit du pain fi noir, fi infipide & fi infecl, qu'il faifoit horreur» De Lancre, p* i?7> c'eft  DE M. O U F L 2. 275 c'eft avec des robes noires , cjue les magiciens paroiffent; les diables font toujours peints en noir. S'il entendoit prononcer par quelqu'un , ce mot : frappe , frappe , fon imagination lui difoit, que lans ce moment , quelqühomme mouroic de mort violente , ou qu'il arrivoit alors quelqu'.'iventure tragique; & cela , paree qu'il avoit appris dans fes livres(i), qu'Apollonius de Thiane avoit parlé de la forre, quand on poignardoit Domitien, quoiqu'il en füt fort éloigné. Un cirier de fes voifins , étoit paffionnément aimé d'une trés-belle fille, beaucoup plus jeune que lui, & dont la familie étoit des plus confidérables de tout le pays. Quand il apprit cette nouvelle , il ne manqua pas de conclure , que eet homme s'étoit fervi d'un moyen magique , pour s'attirer eet amour. On verra dans la note ci-delfous (x) , la raifon de cette ridicule créance. (1) On dit que lorfque 1'empcreur Domitien fut tué a Rome , par Stephanus, Apollonius de Thyane, faifant fa lecon en public dans la ville d'Ephèfe, il refta quelque tems tout interdit & fans dire mot; puis tout d'un coup il s'écria ; courage Stephanus, frappe le méchant, tu 1'as frappé, tu 1'as blelfé, tu 1'as tué. Medit. Hiftor, de Camerarius, t. I, 1. 4 c. 11. (1) Daubigné fait parler ainfi fon baron de Fcencfte, p. 79, Cayer m'a montré des libres de magie, cr>;r,pcu'-z s  &74 Histoirê II trouva dans la chambre de fon valet plulïeurs anneaux enfilés enfemble, qui étoient deftinéspour être attachés a un rideau; notre viiionnaire crut que Momand les gardoit pour un ufage bien différenr (1); & 1'on eut toutes les peines du monde pour 1'engager a changer de fentiment. La flute étoit dans fon opinion. un inftrument véritablement magique. Une hiftoire fameufe (2), par lui de dus pieds de haut: il m'a fait boire dans une couque-d'uf, oii il faifoit lou petit homme abec des germes, des mandragores, de la foye cramaufie, Sc un fu lent pour parbenir a des chofes que je ne bus pas dire. II m'a montrai les images de cire, qu'il faifoit fondre tout vellement, pour échaufer le qur de la galahde, & celles qu'il vleflbit d'une ipetite flèche, pour faire perir un Prince a cent lieues de-la, (1) Les anneaux du tyran Exceftus par le bruit qu'ils faifoient, 1'avertilfoient de ce qu'il avoit a faire. Clem. Alex. 1. 1, Stro. Ariftote a écrit qu'ExceftuS, tyran des Phocenfes, portoit deux anneaux en fes mains, lefquels par collifion & fon qu'ils faifoient 1'un a l'autre, lui prédifoient les chofes a venir, ou lui confeilloient ce qu'il devoit faire. II fut toutefois tué en trahifon, quoique ces anneaux enciiantés, Ie lui eufTent predit auparavant. Le Loyer, p. 319. (2) Schokius parle ainfi dans fon petit livre latin intitulé, Tcabida hamelenfis, après Wierus & Erichius. Il eft arrivé une aventure étonnante, au de-la du prodige a Hameien fur le Wefer, dans la BafTe-Saxe, dont voici 1'hiftoire. Les habitans de cette ville étant, en 1'année 1184, tour-  D E M. G U F t E. 275 racontée très-férieufement en plufieurs endroits , lui en avoit donné une fi.grande horreur , qu'auffi- mentés d'une quantité furprenante de rats & de fouris, jufques-Ia,'" qu'il ne leur reftoit pas un grain qui ne füt endommagé; & plufieurs d'entr'eux fongeant aux moyens de fe délivrer de ce fléau, il apparut tout d'un coup un homme étranger d'une grandeur extraordinaire & effroyablev lequcl entreprit, mayennant une fomme d'argent, dont on convint, de chaffer fur 1'heurc toutes les fouris hors du territoire de cette ville; ainfi fut dit, ainfi fut fair. L'homme dont il eft queftion, après' aVoir fait le marché, tira dc fa gibecière qu'il avoit a fon cóté, une flüte, dont ayant ccmmcncé a jouer, tous les rats qui fe trouvèrent dans tous les coins des maifons, fous les toits, fur les auvents, & dans les planchers; fortirent par bandes en plein jour, & fuiTirent ce joueur de flute jufqu'au Wefer, ou ayant relevé fes habits, il entra dans larivière, & les fouris qui voulurent 1'imiter, fe noyèrent. Ayant donc exécuté de cette manière lapromefle qu'il avoit faite, il vint demander l'argeiit dont on étoit convenu avec lui; mais il trouva que les bourgeois n'étoient plus dans la difpofition de le lui eompter. Voyant ce refus , il les menaca de le leur faire payer bien plus chèrcment que ce qu'il avoit dernandé, s'ils ne lui donnoient pas ce qu'ils lui avoient promis. Ils fe moquèrent dc lui & de fes menaces. Le lendemain leur étant apparu avec une mine effrayante fous la figure d'un chafleur, avec un chapeau de pourpre fur Ia tête, il joua d'une autre flüte, tout-a-fait différente de la première; & alors tous les enfans de la ville depuis quatre ans jufqu'a douze, Ie fuivirent fur le champ j & il les mena dans une caverne fous une montagne hors de Sij  176" Histoire tot qu'il en entendoit jouer, on le voyoit aufli ému que li 1'on avoit voulu 1'arracher du lieu oü il la ville, fans que depuis ce tems-la on en ait jamais revu un feul, ni appris ce que tous ces enfans étoient devenus. Depuis cette furprenante aventure, on a pris dans la ville la coutume de marquer les années par ces mots, depuis la fortie de nos enfans, en mémoire de ceux qui furent perdus de cette manière. Les annales de Tranfilvanie difent qu'environ ce tems-la, il y arriva quelques enfans, dont on n'entendoit pas la langue, & que ces enfans s'y étant établis, ils y ont aulfi perpetué leur langage, tellement qu'encore aujourd'hui on n'y parle pas d'autre langue qu'en allemandfaxon. Toute la preuve de cette hiftoire confifte dans la vitre d'une églife de cette ville, fur laquelle elle eft peinte, avec quelques lettres que le tems n'a pas encore effacées. La feconde preuve eft fur la porte appelée la neuve, quoiqu'il y ait plus de cent ans qu'elle foit fur pied, felon Erich, oii 1'on voit encore ces vers: Centum terdenos cum magiis ab urbe puellos Duxerat ante annos CCLXXJI, condita portafuit. C'eft-a-dire : Quand cette porte fut batie, II y avoit deux cent & feptante & deux ans, Qu'un magicien, par tromperie, Nous enleva cent trente enfans. La troifième preuve font ces vers: Pojl duo CC, mille poft ocloginta quaterque, Annus hic eft 'Me, quo languit fexus uterqne,  d e M. Oufle. 277 étoit, pour le tranfporter a mille lieues de-la, & le faire entièrement difparoirre. Si un homme portoic une écharpe, il jugeoit Orbantis pueros centum tiigenta Johannis Et Pauli charos Hmnelenfes, non fine damnis. Fatur ut omnis, eos yivos calvaria forpfit. Chrijie, tuere tuos, ne tam mala res quïbus 6bfit. C'eft-a-dire: II y a douze cent quatre-vingt-quatre ans, Qu'au jour de faint Jean, faint Paul, ainfi qu'on le raconte,. Les habitans d'Hamel perdirent leurs enfans, Au nombre de cent trente en compte. Dans le mont Koppenberg ils furent engloutis. Seigneur, garde les tiens d'un femblablé débris» Ces infcriptions ne prouvent pas cjue cette hiftoire foit vraie, mais feulement qu'on la croyoit ainfi. Aucun hiftorien de ce tems-la n'en a parlé, quoiqu'il y en ait plufieurs qui aient écrit dans ce tems & après, de ces pays-la. Comment les pèresles lailfèrent-ils aller? S'ils craignoient le nüteur, que ne lui donnoient-ils donc fon argent, plutöt que de rifquer ainfi leurs enfans, puifqu'il les avoit menacés ï Comment firent-ils deux eens lieues fous terre, pour aller en Tranfylvanie ? D'ou vient qu'on n'a pu encore découvrir ce chemin couvert ? Si le diable les a tranfportés en 1'air, d'oii vient que perfonne ne les a vus ? II fe peut faire que quelqu'un aflez credule ait écrit en datant de cette fortej mais cela ne fait pas une coutume. Le Monde ench. t, I ^ p.. 364, &c. S ii|.  27^ HlSTOIRE d'abord , que c'étoit dansle deffein de s'en fervir au lieu de navire , pour palier les mers (1). - Quand on lui montroit dans quelques relations de voyageuts , des eftampes qui repréfentoient les fauvages avec un are & des flèches, au lieu de croire comme les autres que ces flèches fervoient pour chafler aux bètes, ou pour combattre contre les hommes; lui, par un rafinement, qui étoit une production de fes lectures , devinoit que ces flèches fervoient pour s'élever en 1'air (2); & fe porter par tout oü ils voudroient, ou pour envoyer des maux a leurs ennemis (3), ou pour faire paroitre des fleuves (4); quand ils fe ver- (1) Selpn le Juif Benjamin en fes voyag.es d'Oficnt, im Juif magicien, nommé David Alruy, qui fe rendoit invifible, & parloit cependant, palfa la mer fur une écharpe , poar fuir ceux qui le pourfuivoient. (1) Suidas dit qu'Apollon donna a Abaris. Scytbe de nation, une flèche d'or, avec laquelle il vola de Grècc., jufqu'au pays. des Scytkes Hyperboréens, (3) Les Lapons font de petits dards magiques avec du plomb, longs d'un doigt;. ils les lanceat vers les lieux les plus éloignés contre leurs ennemis, & leur envoyent paree moyen des maladies & des douleurs violentes. Le^Monde ench. t. }, p. 69. (4) Un magicien , par le moyen d'un certain are & d'une «ertaine corde tendue a eet are, tiroit une flèche faite  be M. Oufle. 279 roient en danger d'en être furpris & vaincus. II ne vouliit jamais permettre qu'on fit fon portrait , de crainte qu'on ne s'en fervit pour tourmenter , & faire mourir 1'original (r). Rien n^eft plus bizarre que la frayeur qull eut d'un certain; bois., 5c faifoit tout i'im coup paroitre un fleuve auffi large que le jet de cette flèche. Delrio , difquif, mag, p. m. (i) On lit ceci dans le journal d'Henry III. Furent faites. a Paris force invages de cire qu'ils tenoient fur 1'autel, Sc les piquoient achacune des;quarante melfes qu'ils faifoient dire durant les- quarante heurcs en, plufieurs paroifles de Paris, Sc a la quarantième ils piquoient 1'image a 1'endroit ducceur, difaut a chaque piqüre quelque parole de magie», pour effayer de fake mourir le roi. Aux proceffions- parcillement, Sc pour le même effet, ils portoient certains cierges. magiques, qu'ils.appeloient par moquerie cicrges bénitst qu'ils faifoient éteindre au lieu oii ils alloient, renverfans la lumière cpntre-bas, difajit je ne fcai quelles paroles que des forciers leur avpient apprifes. Tout tela ne fit aucun mal a ce .m'onarque; Sc nous pouvons fürement conclure, que ce font des. chofes qui en eljes-mêmcs n'ont, point de vertu; mais elles en peuvent avoir beaucoup fur ceux qui les craignent.. Réponfe aux queftions d'unprovincial} t, II,, p. 5>4> 95- Le proces d'Enguerrand de Marigny étoit principalemenf * föndé' fur les images de cire conjurées, par le moyen defquelles il étoit accufé d'avoir voulu tuer le roi. Démonom,. de Bodin, p. 16. Boete raconte en fon hiftoire d'Ecofre, que Ie roi Dufus- S iv  un jour dans une ruej fl trouva fur fon paffa^ un homme qui baiila de toute 1 etendue de fa bouche, qui étoit fort grande. M. Oufle recula trois pas en arrière , en voyant eet étrange bailleur; d crut que c'étoit un forcier qui 1'alloit avaler tout vif. Qu'on ne s'étonne point de cette imagination ; car enfin , il faut que je dife, pour la juftification de ce bon homme, qu'elle étoit fondee fur des exemples (i) qui lui étoient parfaitement connus. périfToic petit a petit par le maléfice d'une foreière, qui ayant la fTgure de ce prince en cire, la fondoit petit a petit Un magicien, nommé Jean, fit mourir Simeon de Bulgane, en faifant abattre la tête de fa ftatue. Cedrenus. (i) Wincefias, fils de 1'empereur Charles IV, faifant fes noces avec Sophie, fille du duc de Baviére, le beau-père connoiffant que fon gendre prenoit plaifir a des fpedtacles ndicules & a des enchantemens, fit amener de Prague une charretée de magiciens. Le magicien de Winceflas, nommé Zito, feignant être en la troupe pour regarder comme les autres, fe préfente, ayant, ce femble, la bouche fendue de part & d'autre jufqu'aux oreilles; il 1'ouvre, & dévore tout d'un coup Ie maitre Gonin du duc, avec tout fon équipage , excepté fes fouliers, paree qu'ils étoient trop fales & qu'il cracha bien loin de lui. Enfuite ne pouvant digérer telle viande, il va fe décharger dans une grande cuve, pleine d'eau, & vide par le bas fon homme. Méditation hiltorique de Camerarius, t. 1,1. 4, c. 10. Jean Trithême rapporte qu'un médecin Juif, appqlé Sede-  d e M. Oufle. 281 . Mais je 11e lui pardonnerai point une autre crédulité, quoiqu'elle foit encore fondée fur une hiftoire tirée de fes livres; c'eft que trouvant le même jour en fon chemin un ferrurier , qui tenoit a la main une grande' tringlede fer, qu'il alloit potter dans une maifon pour y fufpendre un rideau , il fe mit a danfer(i) publiquement, & a faire mille cabrioles ; de forte qu'une infinité d'enfans & de poliffons s'étant affémblés autour de lui, & le regardant comme un fou , 1'accompagnèrent jufqu'a fa maifon , avec des huées qui furent très-défagréables pour fa familie ; car fa femme & fes enfans enrendant un li grand bruit, mirent la tête aux fenêrres , & furent les témoins de fon extravagance. Madame Oufle , outrée de douleur & de confulion , lui demanda pourquoi il s'avifoit de faite ainfi publiquement le baladin ? Si vous euffiez été en ma place, il vous auroit été impoffible de n'en pas faire autant que moi, lui répondit-il, eft- ce que je pouvois réfifter dun diable de thias, fembloit dévorer les hommes, une charrette charge'e de foin, couper des têtes, puis remettre le tout dans fon état. Delrio difquif. mag. p. 33. . W Une )eune fil,e forcière qui demeuroit a Genève, faifoit danfcr & fauter toutes les perfonnes qu'elle touchoit avec une verge de fer que le diable lui avoit donnée. Dem. de Bodin, p. 179.  iSl H I S T O I R B forcier qui tenoit en fa main une verge enchantéa» faite exprès pour faire danfer ceux qui fe trouveroient devant lui > Vous ne connoiffez pas, ma femme, la puilTance des magiciens, Vous favez, lui ajouta-r-il, que Tirrave me pria , il y a quelques jours., d'un grand feftin qu'il-donnoit a fes arms. Je n'y voulus point aller'; je ne vous eu dis point aioi-s la raifon. Hé bien ï je vais vous la dire. Sacliez donc que eet- homme a toujours palfé dans mon efprit pour un magicien, & il ne me pria de fon feftin que pour me jouer un mauvais tour ; enfin, fi j'y érois allé, j'aurois couru rifque d'en revenir fans nez (i). Eulfiez- ( i ) Jean Fauftus de Cundligen, Allcmand, étrangc en, chanteur & magicien, fe rencontra un jour a table^avec quelques-uns qui avoient beaucoup entendu parler de fes preftiges & tours de paiTe-paffe, ils le prièrent de leur en faire voir quelque chofe. II fe fit fort preiTer. Enfin par1'importunité de cesianqueteurs, qui avoient la-tête échauf, fée, il promit dc leur montrer ce qu'ils voudroient. D'un commun confentement iis demanderent qu'il leur fit voir une vigne chargée de raifins mürs Sc prêts a cueillir, Ils croyoient que, comme on étoit ajors dans le mois de Décembre, il ne pourroit faire ce prodige. II confentit a Ieuc demande, & promit que tout-a-l'heure, fans fortir de table, ils verroient une vighc telle qu'ils fouhaitoient; maisa con, dition que tous tant qu'ils étoient, ils reftcroient dans leurs places & attendroient qu'il leur commandat de coupqr Sc cueillir les grappes de raifins : les aiTurant que quiconque  d e M. Oufle. 2i>$ vous été bien aife , ma femme, de voir votre man fans nez ? Vous vous moquez de ce que je vous dis j mais vous en croirez tout ce qu'il vous plaira ; je ne ferai pas aflez fou, pour rifquer de perdre mon nez , afin de vous convaincre. La pauvre Madame Oufle écoutoit fon mari avec confufion, tant fes raifönnemens lui faifoient de pitié. Elle ne voulut point les combatcre, car elle connoiflbit trop fa foibleflè & fon entêtement, pour efpérer de lui faire entendre raifon. Elle fe conteuta debaiflèrles yetix', de lever les épaules ; & quoique le difcours qu'elle venoit d'entendre défobéiroit, courroit rifque de fa vie. Tous ayant promis de lui obéir exaclement, tout d'un coup Fauftus, par fes cnchantemens, charma de telle fortc les yeux,& Ia fantaifie de ces conviés qui étoient ivres, qu'il leur fembloit voir une très-belle vigne, chargée d'autant. de longues & grofl'es grappes de raifm, qu'ils étoient pour lors d'hommes afl'is a table. Ces gens excités par la vue de ces beaux & gros r,aifïns, prennent leurs couteaux, attendant que Fauftus leur commandat de couper les grappes. II le fit un plaifir de les tenir quelques tems dans cctté'pofturc : puis tout d'un coup il fait difparoitre la vigne & les raifins; &- chacuH de css buveurs penfant avoir en main fa grappe pour la couper, fe trouva tenant d'une main le nez de fon voifin, & de l'autre un couteau pour le couper. .De forte que s'ils cuffent coupé ces grappes, fans attendre 1 ordre dc Fauftus, ils fe feroient coupé le nez les uns aux autres. Mddit. liiftor. de Caiuera,rius, 1.1, I. 4, c. 10.  284 HlSTOIRE fut véritablement rifible, elle fe retira, ayant beaucoup plus d'envie de pleurer que de rire. On fait, (& je ne doute pas que le le&eur rie fait quelquefois éprouvé) qu'il y a des gens qui, en parlant, éclaboulfent de leur falive ceux qui les écoutent. M. Oufle évitoit, autant qu'il pouvoit, cette forte de gens j mais c'étoit bien moins par dégout, que paree qu'il fe croyoit avetti par fes leftures qu'ils pouvoient être des forciers, &c forciers d'autant plus dangereux, qu'il étoit a craindre qu'ils nele fiflent mourir, en lui crachant ainfi au vifage (1). M. Oufle étant allé un foir chez un tifferand avec fa fille Camèle,pour quelqu'ouvrage qu'il avoit deflein de faire faire , il ne voulut jamais entrer dans 1'endroit oü eet ouvrier travailloit, paree qu'il y avoit une lampe allumée. II fortit même, fans lui parler de fon deflein 5 & fur ce que fa fille lui demandoit la raifon d'une retraite fi prompte & fi précipitée, il lui dit brufquement: eft-ce que vous voudriez, ma fille, paroïtre devant eet homme de la même manière que vous étiez, quand vous fortïtes du ventre de votre mère ? La (0 Paapis., dans He de Thule ou Tilemark, II nous en croyons Antoine Diogène, rapporté par Photius dans fa bibliothéque, c. 166, en crachant publiquement au vifage de(s gens, les faifoit mourir le jour, & la nuit leur.donnoit Ia vie.  D E M. O U F L B. ,185 pauvre fille fut très-embarralTée: ce que fon père difoit, étoit pour elle une énigme a. laquelle elle ne pouvoit rien comprendre (1). II faifoit batir un cabinet au bout de fon jardinun voiturier y ayant fait conduire les pierres néceffaires pour ce bariment, il le fait venir, lui demande ce qu'il lui faut pour ces pierres, & fur ce qu'il croyoit qu'elles devoient coüterplus que ce voiturier n'en demandoit, il fe va imaginer qu'il les donne a bon marché, paree qu'il favoit changer en pain celles qui lui reftoient (2), & qu'ainfi il pouvoit livrer a. vil prix les autres. II poufla fon extravagancejufqu'a craindre que, s'il ne le payoit trèslargement, il ne changeat dans la fuite en pains les pierres qu'il achetoit, & que la pluie venant a tomber, fon batiment ne devint un vérirable potage. Je m'attends bien qu'on trouvera fort étrange que je rapporte une folie auffi dénuée de vraifemblance j mais l'exaétitude dont je fais profeffion, comme hiftorien, ne me permet pas de la palier fous filence. (1) Un magicien, par le moyen d'une lampe allumée, excitoit toutes les femmes qui étoient dans la chambre, a fe mettre toutes nues Sc a danfer en eet état. Delrio. Difquif. mag. p. 1 iz. (1) Glycas dit, partie 1, que Simon le magicien, changeoit les pierres en pain. Id. p. 12.4.  iStf HisfoiRE Un homme a larges manches Kétent veriü voir, pour une affaire imporranre, fut obligé de Ie quitter fans avoir pu tirer raifon de lui. Notre vifionïiaire paria très-peu, & le peu qu'd dit fut très-mal a propos, paree qu'il eut fans ceflé les yeux attachés fur les manches de eet homme, pour voir s'il n'en fortiroit point du feu, & s'il n'y entendroit point gronder le tonnerre (1). II n'en fortitpourrant autre chofe que deux bras qui gefticuloient felon les attitudes que demandoit le difcours de celui qui parloit. Voici une autre vifion qui n'eft pas moins bizarre. Un chien qui ténoit un grand os dans fa gueulej paffoit devant fa maifon dans le tems qu'il en fortoit j il leregarde & lefuit, doublant lepas , & courant même quelquefois, afin de ne le pas perdre de vue. Le chien, qui fe voyoir fuivi, fe retournoit de tems en tems, gronclant comme fi un autre chien avoit voulu lui arracher fa proie. M. Oufle s'arrêtoit, quand le chien s'atrêtoit; & celui-ei, a chaque pas qu'il faifoit, regardoit fon perfécuteur ducoinde 1'ceil. Enfin il entra chez fon maitre, & notre homme , après avoir refté prés d'une (i) On adit que Grégoire VII avoit fi bien appris Ia magie de Théophilaöe & Laurens, difciples de Sylveftre, qu'il faifoit fortir du feu en fecouant fes bras, & petiller des tonnerres de fa manche. Naudé, p. 400.  b e M. Oufle. 2S7 heure a la porte, pour voir s'il n'en fortiroit point, jugea , ne le voyant plus paroitre, qu'il appartenoit a quelqu'un de cette maifon. Happritdanslevoifinagequec'étóitlechien d'un favant, logé a un quatrième, fur le derrière, & que prefque tous les jours eet animal alloit par la ville, & revenoit d'ordinaire la gueule pleine de quelque os, ou de quelques bribes , dont il fe nournlfoit. M. Oufle fecoua la rête , marquant par ce gefte, qu'il entendoit bien un autre myftère; pour abréger, il crut que le favant étoit un magicien , & qu'il employoit les os que fon chien alloit chercher , pour lui fervir de voiture, quand il auroit des voyages a faire fur mer(i). On dua , que j'écris bien des pauvretés ; je répons, que je ne les écrirois pas , fi IYÏ. Oufle ne m'en donnoit occafion. Ce pauvre homme étoit bien ridicule par fes vifions 5 je le donne tel qu'il étoit. Quant a moi , lorfqu'il s'agit de forcier, la feule expofition des contes qu'on en fait, & des defcriptions que 1'on donne de leurs dires& faits, fuftitpour m'empêcher de lescroire. Quoi! je croirai, par exemple, feulemenr, paree qu'on 1'a dit, qu un magicien ptomenoit CO OUerus, avec un os enchanté, pafloit de vaftes mers, comme s'il avoir été dans un vaifleau. Delrio. Difquif. mag. 114.  i88 HisToïRa le cadavre (i) d'une fille par-tout ou il vouloit; que jamais on na pu toucher certaines pommes d'or enchantées , qui étoient placées fur les tours d'un palais (2) ; que des gens font retenus pendant plufieurs fiècles dans des cavernes (3) , (1) Un magicien promenoit oü il vouloit le cadavre dc la célèbre joueufe de harpe de Boulogne, par le moyen d'un charme qu'il avoit attaché fous une des ahTelles de ce cadavre, & Ie faifoit jouer de la harpe, comme fi c'eüt été un corps vivant & animé. Un autre magicien óta ce charme , & le cadave tomba aufbtót par terre & demeura fans mouvement. Peucer, p. n. Superft. de Thiers, 1.1, p. 130. (2) Jean Leon, Africain, dit qu'au haut des tours de Maroc, il y a trois pommes d'or d'un prix ineftimable, qui font fi bien gardées par enchantemens, que les rois de Fez n'y ont jamais pu toucher, quelques efforts qu'ils aient faits. (3) Olaus Magnus dit, c. 19, qu'il y a dans la Cottie oriëntale, un grand lac d'eau> douce que 1'on appelle Veten, au milieu duquel il y a une ile agréable & fpacieufc, & deux églifes, fous 1'une defquelles eft une caverne dans laquelle on ne peut entrer que par une longue allée baffe & courbée, d'une profondeur incroyable. On y entre avec des lanternes allumées & un peloton de fil, afin de pouvoir retrouver le chemin par oü on eft entré. On y va pour y voir un magicien qui s'appelle Gilbert, & qui y eft retenu depuis un grand nombre d'années par art magique pour fon malheur , par Catyllus fon propre précepreur, qui I'y condamna, lorfqu'il voulut fe rébeller contre lui & s'ériger en maitre, par  £> E M. O U F £ E. par des magiciens impitoyables , comme fi ces miférables forciers avoient une puilTance fuprême pour difpofer des hommes a leur volonté; que quand un gueux , un miférable vaurien fait pafte avec le diable, pour s'enróler a fon fervice (i), les tempêtes selèvent, tout 1'air eft en mouvement , toute la fphère du feu eft en agitation 3 toute la mer fe troublé & élève fes flots, comme fi ces élémens vouloient marquer la part qu'ils prennent dans 1'enrólement de ce faquin; que ies fleuves vont óter leur chapeau, cu, pour mieux parler , vont faluer un forcier , afin de lui témoigner leur vénération & leur refpeét, & que dans le même tems que ce forcier recoit cec hommage , il eft encore a mille lieues dcla oüil arrête avec une autorité abfolue les aigles qui Cet cnforccllemcnt s'eft fair par Ie moyen d'un petit baton, fur lequel étoient gravées quelques lettres ruffiennes & gol tlnques, que fon makte lui jeta, & que ce Gilbert ramafTa; & auffitót il devint immobile, en forte qu'il ne put fe défaire de ce petit baton, od il demeura collé. On n'en ofe approcher a caufe des vapeurs malignes. Cependant on y va fouvent, & on continue d'en faire le conté, fans 1'avoir vu. (i) Palingenius témoigne qu'il s'élève ordinairement une tempête qui mine ks vignes & ks mouTons, qUand les magiciens s'enrólent, ou qu'ils confacrent un livre, ou qu'ils s'emparent d'un tréfor caché, T  15) 0 " H i 's -r' o ï r e ©fent paffer fur fa tête (i) ; qu'avec une je he fais quelle pierre, ou après avoir avalé de certains bidets , on ne peut être ,-ni bleffé , ni décapité* ni bmlé (i) j que quand on lit le grimoire & (i) On dit que Pythagore parut avec une cuilTe d'or aux jeüx olympiques; qu'il fe fit faluer par le fleuve Neflus} qu'il arrêta le vol d'un aigle; qu'il apprivoifa une ourfe; qu'il fit mourir un ferpent; qu'il chaiTa un bceuf qui gatoit un.champ de féves, par la feule vertu de certaines paroles; qu'il fe fit voir au même jour & a la même heure en la ville de Crötone & en celle de Metapont, Sr qu'il prédifoit les chofes futures avec telle afiurance, que beaucoup tiennent qu'il fut nommé Pythagore, parcê qu'il donnoit des réponfes non moins certaines 8c véritables que celles d'Apollon Pythien. Naudé, p. i yf.'Porphyr. in ejus vitd. Les auteurs qui ont parlé de Pythagore, comme d'un enchanteur, ont rapporté, non 1'opinion qu'ils avoient de lui, mais les faux bruits qui avoient été de tout tems femés entre le peuple par la malice de Timon Lephlyrfien Sc fes autres ennemis. Naudé, p. iéo. (i) Mare Polo allure, !. 3 , c. 1, que hult infulaires de Zipangu ne purent jamais être décapités par les Tartares, a Caufe qu'ils pottoient au bras droit, entre cuir & chair, une pierre enchantée, de forte qu'il fallut les afTommer pour les faire mourir. Odoardo Barbofa dit que ceux de la grande Java fabriquent des armes fées, qui rendent ceux qui les portent invulnérables; ce qu'ils font avec tant d'art, qu'ils employent fouvent huit 8c dix ans a achever une paire de ces  B 'Ë M. O V F 1 E. ±e)k autres livres de conjurations, le diable vieiit j puis étouffe ou étrangle celui qui i'a fait venir „ Vil ne lui donne rien pour le payer de fes peiiies quand on ne lui donneroit, dit - on* armes, attendant 1'heure d'une favorable conftellation pour y travailler, oü "le moment d'une bonnè électioii pour y mettre la dernière main. . Un voyage de Lybie dit, c. '17, que leS Marabouts de Sénéga donnent aux nègres de certains billets qu'ils appellent )grijgrïs,'& qui cpntiennent quelques mots arabes, par la vertu defquels ils prétendent être préfervés de beaucoup d'inconvéniens, Sc fürtoüt des coups de leurs zagayes, ïaifant même porter de ces grifgris a leurs chevaux. On parle dans un volume du mercure Fran^o/s, de 1'enchantement du corps - de-garde de PhilisBouïg, que les Suédóis 'ne purent jamais b'rüler. Sennertus dit que ks foldats armés portent fur eux de petites images pendues a leur cou, pour fe rendre invulnéi-ablës. D'autres aValent des billets. Le Moiide enchanté, t. IV,'p. '3 5 5- . ( 1) Le diable tord Ie cou a ceux qui lifant le grimoire, le 'font venir fans lui rien donner, pas même une favatte, un cheveu ou une paille. Cir. Delrio dit, 1. 2, queft. 1 e M. Oufle. 295. ramage ? Elle vous 1'apprendra fi bien, fi 1'on en veut croire fes promelfes, que vous ferez inftruit de tous leurs deffeins, de tous leurs projets & de toutes leurs intentions. Une dame fouhaite-t-elle, quand elle fe regarde dans fon miroir, le confulter fur autre chofe, que fur fa beauté , elle trouvera des magiciens qui lui en feront un (1), oü elle connoïtra fi on lui fait des infidélités , fi on la trouve auffi belle qu'elle croit 1'être , ce qu'on dit de fa taille, ce qu'on penfe de fa coiffure, de fa chauflure, de fes habits. Si on veut fe venger , faire bien des maux y caufer bien des dommages ; la magie a mille moyens pour y réuffir ; elle apprendra a mettre en pièces tout ce qui fe trouvera dans le magazin d'unporier (2), d'un financier, d'un verrierj elle (1) Femel dit, /. i „ cap. 11, de abditis rerum caufis avoir vu un homme qui, par la force des charmes & paroles faifoit venir des fpeftres & images dans un miroir, lefquels par fon commandement exprimoient en la glacé du miroir, par écrit ou par figures tout ce qu'il vouloit favoir. (1) Nicetas parle d'un magicien nommé Michel Sicidites, qui fit paroitre, en préfence d'un empereur, dans un endroit ou demeuroit un potier, un grand ferpent a crête rouge & furieux au tour des pots de ce pauvre homme, de forte que celui-ci devenant extravagant, cafla tous fes pots^. k le ferpent difparut enfuite, Tiij  H I S T O I. R S donnera des poudres pour faire naitre des infeótes( t;J qui ravageront tous les biens de la terre j elleenfeignera des paroles, des poifons , des forts » pour détruire les blés (i) & faire d'autres dom- (i) Remy dit que les magiciens, après avoir recu du démon une pouffière forr déliée, la répandent & en produifent une infinité- d'infcétes. qui ravagent les biens de la terre. Delrio. difquif. mag. p. 141. Kivaffeau difoit que les poudres des forciers fe faifoient avec uncliat écorché, un crapaud, un léfard & un afpic, qu'on mettoit tout cela für le foyer, fous de bonne braife-, jufqu'a ce qu'il fut devenu en poudre. De Lancre, p. 13 9. "Les forcières font un poifon liquide, quelles mettent dans un petit vafe de terre, troué en plufieurs endroits par le bout, en forme d'arrofoir, jettent & font fortir eet on7 guent par ces «ous, & 1'épandent le plus.qu'elles pe,uvent fur les fruits, & aulutöt qu'il eft jeté, il fe fait une nuée noire qui fe convertit en brouee. De Lancre, p. 179. (1 ) Carmine l&fa Ceres fterilem vanefcit in herbam. Ovide. Un forcier donnoit du mal, en difant ces mets inconnus,, vach,veck,fteft,fty,ftu. De Lancre, p. 507. Eunapius femble a bon dxoit rcprendie ConftaHtin-ler Grand, d-'avcrir fi légcrementrecu la délation.contre Sopatev? philofophe, 1'un de fes amis &. familiers, qu'en un tems dc grande famine il avoit lié les vents par fes arts magiqu.es. Le Loyer , p. i.óq, 7c trpuve dans un traité d'.Agobard, évêque de Lyon, eompofé 1'an 833., un paffage qui m'eft fi favorable, que je ne faurois m'empêcher de !c rapporter, dit 1'autcur des  d j M. O o f t e; 195 rages; pour enforceler firn par fon chapeau (i) >. l'autre par fes fouliers, ou fes fabots , ou par le loquet de fa potte (*) j pour changer 1'argent de celui-ci en charbon * ou en fumier , ou en pièces penfées diverfes für te comète rul, p. Ce favant prélat cempoface livre pour défabufer une infinité de gens, de la faulfe imagination qu'ils avoient concue qu'en ce tems-la ij y avoit des enchanteurs dont le pouvoir s'étendoit jufqu'a exciter la grêle, la foudrc & la tempête, toutes les fois qu'ils trouvoient bon de ruiner les biens.de la terre ,. & qui faifoient trafic de eet art avec les habitans d'un certain pays appelé Magonit, qui venoient tous les ans fur des navires par le milieu de 1'air, pour charger tous les grams qw avoient été gatés par la tempête, defquels ils pay0lent le prix aux enchanteurs. On doutoit fi peu de cela, qu'il fatlut un jour que eet évêque fe donnit beaucoup de fatigues pour délivrer trois hommes & une femme des mains de la populace, qui les vouloit .lapider, comme étant tombés dè ces navires. (i) Un jeune enfant donnant la paix dans Téglife de Mondiondo en Labourt, fon chapeau étant tombé a terre, une forcière le lui releva, fous prétexte de lüi faire un bon office. L'cnfant fe trouva très-mal aumtöt qu'il 1'dut mis fer fa tkz, & mourut après quelques jours. De Lancre,. p. i; 8. (O Un pauvre jeune homme ayant laifft fes fabots-, pour monter a une écheile-, une forcière y mit quelque poifoa dedans , de forte qu'il fut boiteux toute fa vie. ZW. Les forciers graifient les loquets des perces pour fiufe rnóunr les perfonnes 3. ce qui arriva a Genève en 1, 6 3. T iv  H I S T O I R E de cornes (i): pour dévorer le cceur de celui-laf»pour faire difparoïtre aux hommes ce qui marqué' leur fexe (3); pour órer le jeu sur 4 ceux qui 1'ont (4), pour faire des chagrins cruels,-& eaufer des douleurs cuifantes aux femmes par qui on a été trompé (5); pour mettre la défolation (1) Un homme ayant reen de 1'argent du démon, ne trouw enfuite que des charbons ou du fumier. Delrio. difquif.mag.ip. 148, 149. > Faufte & AgriPPa> en voyageant, payoient leurs hötes d'une monnoie qui étoit bonne en apparence; mais quelques jours après, elle fe trouvoit changée en pièces de corne. 1'Incred. fcav. p. 113. (i) Pictro Della Valle parle, lettre dix-feptième, de certaines forcières qui, en regardant. feulement, mangent Ie cceur des hommes, & quelquefois le dedans des concombres. ( 3 ) En Allemagne il y a des forciers qui font cacher & retirer au ventre les parties honteufes. Démonomanie de Bodin, p. 119. (4) Un certain Caffarius Maltefius changeoit de figure les cartes entre les mains des joueurs. Delrio. difquif. mag. p. 34. ( j) On dit qu'une certaine courtifanneRomaine, ayant fufpendu Virgile a mi-étage d'une tour dans une corbeille, il fit éteindre, pour s'en venger, tout le feu qui étoit a Rome, fans qu'il fut poffible de le rallumer, fi 1'on ne I'alloitprendre aux parties feerètes de cette moqueufe, & de telle forte encore que ce feu ne pouvant fe communiquer, chacun étoit tenu de 1'aller voir & vifiter. Naudé, P. 447.  de M. Oufle. 297 dans une bergerie (1); pour faire paroïtre hypocrites , ceux qui ne le font pas (2) , pour fe faire aimer des femmes & les fuborner (5) ; pour infedter les provifions des navires (4); pour faire mourir les hommes & les arbres (5). ( 1) Les diables infrruifent les forciers a mettre fous le feuil de la porte de la bergerie qu'ils veulent ruiner, une toupe de cheveux, ou un crapaud, avec trois maudiffons, pour faire mourir étiques les moutons qui paifent deffus. Cir. (2.) Trois-Echelles changea le bréviairc d'un curé en un jeu de carrés. Bodin, p. z66. (3 ) Louis Gaufridy lifant un livre de magie, Ie diable, dit-on, lui apparut; ils entrèrent en converfation. Le prêtre fe donna a lui, a la charge que le diable lui donneroit moyen de fuborner tant de femmes & de filles qu'il voudroit, en leur foufflant fimplement au nez. De Lancre, p. 177. A la fuite de 1'empereur Manuel, il y avoit un magicien nommé Scthus', qui rendit une fille éperdument amoureufe de lui, par le moyen d'une pêche, auffitót qu'elle I'eut mife dans fon fein. Nicetas, l. 4, hiftor. (4) Des forciers fe perchoient fur le haut du mats d'un navire, & de-la jetoient des poudres qui infecboient de poifon tout ce que les pauvres mariniers avoient mis fécher au bord de la mer. De Lancre. p. 94. ( 5 ) Plinc dit, hifi. I. 7, qu'il y a en Afrique des families d'hommes qui font mourir les arbres, les enfans, les chevaux , les troupeaux a force de les louer. Aulugelle dit en fes Nuits attiques, qu'en Afrique fe trou-  in8 HlS T O I R E Veut-on faire des tours de paffe - paffe , des efpiégleries , les diables , fi 1'on en croit les Démonographes, font toujours prêts a vous feconder, y a-t-il rien plus. plaifant, que de voir une forcière qui danfe , & qui faure du haut d'une moatagne jufqu'a deux lieues de-la (i) ? On trouve dit-on, de telles fauteufes. Si vous allez a la chaffe , vous.arrêterez les hêtes les plus farcuches, & vous les tuerez a. difcrétion , pourvu que vous appeliez quelque enchantement a votre fecours (2.); du moins on le promer ainfi ; cara dieu ne plaife , que je me rende garant du fuccès de cette chaffe. La jolie chofe qu'un diable qui voyant un fo>cier fort intrigué de ce qu'il ne peut entrer dans un.endroit, fe change en fouris ou en quelqu'autte voient des families qui enforceloient par la langue, & en louant, faifoient, mourk ks arbres, les animaux & lts eafans. ( i ) Une forcière fauta du.liaut d'une montagne jufqi'Ja un lieu éloigné de prés de deux lieues.. De Lancre, p. i»ioN (,%,) Pniloftrare dit que les Egyptkns font. cheminer das dragons, qu'ils les enchantent avec de certains mots, pour leur couper la tête avec plus dcfureté, & que fouvent.i?s fe fervent de quelques pierres qui les- rcndciu invüiblcs, comme Gygès. "vrieralfure avoir vu un homme arrêter des bêtes fauvages, d^arie garqle., jLufqu'a ce qu'il les eüt tirées..  DE M. O Ü f 1 E. ^ête auffi petite, entre par un trou (1) ,püis ou-Vre en dedans la porte a fon. ami! mais de quoi s'avife-t-il d'ufer de cetre métamorphofe ? puif-< qu il a 1'e pouvoir de prendre une telle forme , apparemment il 1'a auffi- d'entrer fans elle dans la ferrure, & de 1'ouvrir a fa vötonré. Mais quand il s'agit de- diablefies , de fortilèges & d'enchantemens , il ne faut-point faire tant de queftions; elles embarrafferoient trop les enchanteurs , les forciers & les diables. Avez-vous beaucoup de blé fur pied & prêt ii être fauché ? ne cherchez point de moiffonneurs, un forcier vous épargnera cette dépenfe. Achetea feulement une faux ; il lui fera faire a elle feulc aaatanè d'ouvrage , que le plus habile faucheur en pourroit faire. Vous la verrez voler d'un bout de votre champ a l-'autre , fans qu'aucune main la tienne (1). Que vous feriez furpris , fi pendant un des plus beaux & des plus clairs jours de 1'été , % Kheure de midia vous voyiez tout d'un coup le (i) Si 1'on veut entrer dans des licux fort étroits, Ie diable paroit comme une belette, ou comme une fouris, & ouvre enfuite fecrètement la porte au forcier. L'Incred, fc_av. p. 96. ' (1) Si mon le magicien commandoit a une faux de faucher d'eile-même 5 & elle faifoit autant douvrage que l-o*-. vxier leplus habile, L'ïncrcd. feav. Pv4°-..  5»0 HlSTOIRK foleil obfcurci, & les ténèbres fe répandre fur Ia terre! Un magicien peut pourtanr , dit-on, donner ce fpectacle (i). Pour que les cranes de têtes de morts qui fe trouvent dans les cimetières, ne vous falfent point tant d'horreur, apprenez des Démonographes, qu'il dépend de vous de vous en fervir pour prononcer des oracles (z), & donner de juftes réponfes fur toutes les queftions qu'on vous pourra faire. Si r bn craint les ferpens> elle les rendra fi peu mal-faifans & fi dociles, qu'on pourra s'en divertir & les faire danfer (3) y mais voici un ( 1) Mare Venitien dit dans fon voyage de 1'Afie, que les Tartares produifent des ténèbres quand & 011 ils veulent. ( z ) Francois Pic de la Myrande dit, /. 7, c. 10 de Pra. rer. que de fon tems il y avoit un magicien fameux en Italië, qui avoit un crane de mort, dans lequel les démons donnoient réponfe, lorfqu'on 1'oppofoit au foleil. L« loyer, p. 413. Melkior Flavin, cordelier de Touloufe, dit, /. de l'êtat des ames après le trépas , avoir connu un forcier z Rome, qui faifoit parler un démon dans le crane d'un mort. Id. p. 413 , 414. ( 3 ) Les habitans de la cóte de Coromandel, & quelques uns des Cingalois & des Malabares favent enchanter les ferpens , de forte qu'en chantant ils les font danfer. Lorfqu'ils font jurer quelqu'un, ils lui font mettre Ia main dans un pot, ou il y a un ferpent; s'il n'en recoit aucune at-  d e M. Oufle. 301 fpectacle plus admirable que celui de la danfe des ferpens. Imaginez-vous un homme fur un théatre, qui en jette un autre en l'air, qui le déchire & le met en pièces ; qui prend enfuite un enfant, & qui le coupe en deux par le milieu du corps , puis qui tranche la tête a un troifième. Ceci eft véritablement un fpectacle d'horreur • ne fremilfez plus; le magicien va rétablir l'homme, l'enfant, Sc remettre la tête tranchée en fa place ; ces gens déchirés & mis en pièces , feront aulli fains & auffi entiers, qu'ils 1 étoient avant cette effroyable opération (1). teinte, on tient que fon ferment eft véritable; mais s'il en eft piqué, on le tient pour un parjure. Ils conjurent les plus grands & les plus petits ferpens, afin de n'en reccvoir aucun dommage. Baldeus Pirard. ( 1 ) Un Juif appelé Sedechias, jetoit un homme en l'air, le mettoit en pièces, puisle rétablifioit en fon premier état. Delrio. difquif. mag. $, ni. Un magicien coupa la tête d'un valet en préfencc de plufieurs perfonnes, pour les divertir, & dans le deiTein de Ia remettre; mais dans le tems qu'il fe mettoit en état de rétablir cette tête, il vit un autre magicien qui Ten empêchoit; & voyant que quelques prières qu'il lui fït il s'obftinoit a vouloir Ken empècher, il fit naitre tout d'un coup un lys fur une table, & enfuite en ayant coupé Ia tête, fon ennemi tomba par terre, fans tête; puis il rétablir celle du valet & s'enfuit. C. Germain, l.i,de Lamiis, c. ^,n. i9. Simon le magicien s'offroit a avoir la tête tranchée, avec promeffe de refiufciter dans trois jours. L'empereur le fit  ) 302 H I 5 T O I R t Voulez-vous un feftin magnifique ? Les Dé"monographes vont vous le donner; préparezvous a voir des cliofes bien étranees. Imasinezvous pour cela , & afin que le rout foit plus prodigieux, que ce feftin fe doit faire dans un champ, au bas de quelques rochers, arrofés d'un fleuve qui pafte par le milieu , & que plufieurs vaches&taureaux paiflënt dans ce champ. Comme ce fleuve, ces taureaux & ces vaches pourroient incommoder , le magiciendérournera le fleuve^i), fera retirer les vaches (i), les'taureaux (j). En~ exécuter, Sc par fes preftiges, il fuppofa Ia tête d'un mouton au lieu de la fienne, Sc trois jours après fe vint montre:.. Clemens, 1. z, recognit. & in kifior. S. Petr. Les Durmiffals de Turquie, qui font certains religieux Mahométans, enchanteurs Sc magiciens vagabonds, coupent des enfans de fept a huit ans par le milieu, puis les rcjoignent fans qu'on y puitfe remarquer aucune cicatricc. De Lancre. p. 341. ( 1) Une forcière détournoit le cours d'un fleuve. Flumir.is htsc rapiii canrüne vertit iter. Tibulle. Heg. 1. (z ) Pythagore voyant un jour a Tarente un bceuf qui broutoit un champ de feves, lui dit quelques paroles a roreille; ce qui le fit ceffer pour toujours de manger. ces féves. On h'appeloit plus ce bceuf que le bceuf facré, Sc en fa vieillefle, il ne fe nourriflbit que de cè que les pdfans lui donnoieat proche du temple de Junón. Porphyr. in ejus vita. (5) Grilland dit que du tems d'Adrien VI, un magicien  dé M. O u ï 'i s. 303 fuite la place étant nette, il feta paroitre en un inftant un jardin , entouré d'arbres chargés de fruits , & fur ces arbres , des oifeaux , pour vous divertir , par une mèlodieufe fymphonie(i)i ïl condenfera Sc épaiifira l'air , Sc en fera une muraille (1) pour fentoufer, de forte que vous ne ferez importuné de Ia vue d'aucun palfant. Après toutes ces précaurions , une table chargée de mets les plus délicats paroitra a vos yeux (3). La fomptuofité y fera telle que vous 1'aurez fouhaitée , fi vous voulez boire frais , vousn'avez qu'adire, il tombera tant de neige(4), que vous en rendit par fes charmes un taureau furieux, auffi donx qu'un mouton. ( 1 ) Un médecin Juif, appelé Sedechias, faifoit paroitre en plein hiver un jardin rempli d'arbres, d'herbes, de fleurs, 8c d'oifeaux qui chantoient. Delrio, p. 33 8c m. ( 1) Neckam dit que Virgile avoit entouré fa demeure Sc fon jardin, dans lequel il ne pleuvoit poiut, d'un air immobile, qui lui fervoit comme d'un mur. Naudé, p. 446. ( 3 ) Nous lifons d'un certain impofteur, nommé Pafete, qu'il faifoit paroitre un banquet fomptueux, Sc enfuite dif» paroitre, auffitöt qu'on s'étoit mis a table. Agrippa, de la vanité des Sciences, c. 48. (4) Une forcière diffipoit les nuages, pour rendre le ciel 'ferein, 8c produifoit des neiges en été. Cüm lïbat, hcec trïfti depellit nubïla ctzlo ; Cüm libet, aftiyo provocat orbe nives. Tibuile-. Eleg. a.  ^ ©4 HlSTOIRE demanderez ; mais qui eft-ce qui vous fervira? quirincera vos verres ? qui changera vos affiettes ? qui vous donnera a. boire ? Si vousne voulez point voir ceux qui s'acquitteront de ces foncKons, on vous fera venir des efprits inviiibles (i), fi vous les voulez voir, deux ou trois manches a balai, trotteront, iront, viendront (2), & vous préfenteront exactement & promptement, tout cequi vous fera nécelfaire. Pendant votre repas , pour vous égayer la vue, on fera danfer les rochers (3), dont j'ai parlé , & alors ils feront des fauts aulfi légèrement, que s'ils étoient devenus des marionnettes. S'il vous prend envie de vous divertir des conviés, & de leur jouer quelque tour, vous n'aurez qu'a le témoigner a votre magicien, il (1) A la table diï grand Cham de Tartarie, les magiciens le font quelquefois fervir par des efprits inviiibles. Le Loyer, p. 334. (i ) Pancrate coifFoit en Egypte un baton, ou quelque manche de balai, qu'il habilloiten homme; & après ayoir prononcé quelques paroles, on voyoit trotter ce baton par le logis, & faire ce qu'il falloit; & quand tout étoit fait, il lui rendoit fa première forme. L'Incrcd. fcav. p. 184. ( 3 ) Galfridus Monumetenfis repréfente ,1. 5 , c. ƒ , la danfe des géans ou des grands rochers & cailloux, que Merlin fit tranfportcr en Angleterre, pour drefler un trophée, joignant Ia ville d'Ambrofiopolis. Naudé, p. 311. changera  D E M. O U F L s; 305 changera leurs mains en pieds de bceuf (1), dans ïe rems qu'ils voudront les mettre aux plats j pour en titer de quoi manger; ou il vous donnera le pouvoir d'attirer a. vous ieurs affierres, leurs cuillers, leurs vérres (i), & autres uftenfiles de table , a mefure qu'ils voudront s'en fervir. Enfin , quand vous Ie fouhaiterez, tout dilparoitra <, & fi vous êtes éloigné de chez vous , le même manche de balai (3) qui vous aura donné a boire , vous fervira de cheval, & vous tranfportera légèrement & fans fatigue , par rout ou vous aurez deflein d'aller. Autre merveille; c'eft la chemife de néceffité (4) 3 charmante & commode invention ! car on pré- ( 1) Ziton, Bohémien, changeoit quelquefois, dans des feftins, les mains des conviés en pieds de b'oeiifs, a8n qu'ils he puflcnt rien prendre des mets qu'on leur fervoit: DelrioL jp. 111. (i) Caïfarius Maltefius, eh remuant un morceau de verre, attiroit a lui les vafes qui étoient a l'autre Bout d'une table. Id. p. 34. ( 3 ) Monftrelet fait rhention d'un dodeur en théologie; nommé Andelin, qui, pour jouir de fes piaifirs, s'afTervit a Satan, lui rendit hommage Sc 1'alloit trouver a cheval fur Un baton. (4) Les Allemands portent la chemife de néceflïté, faire «Tune faipu déteftable; Sc force croix par tout, pour être ^aramis de tous mam. Bodin, p. 57: V.  #X H I S T O I R E tend que quand on la porte, on eft préfervé de bien des maux. On fe plaint tous les jours que 1'argent eft rare; on ne fait , dit-on , oü en prendre ; il n'en paroit prefque plus dans le commerce. Comment les magiciens n'apportent-ils pas remède a une fi grande difette ? Ils n'ont, comme on le veut faire croire, qüa tirer des poils (i) de leurs habits, & ce feront autant de pièces de monnoie qui auront cours ; il leur fuffit encore de donner certains papiers (2) , qu'on n'a qu'a fecouer , pour en faire tomber des piftoles. Faire fortir les ames des lieux ou elles font après leur mort (3); les faire marcher devant foi (1) Quand une certaine fille du marquifat de Braudcbourg, arrachoit des poils du vêtement de quelque per(enne que ce fut, ces poils étoient auflitót changés en p.eces de monnoye du pays. P. Mclanchton, en une de fes épitres. (1) On lit au livre hukième du mélange des recits de Gilbert coufin de Nozereth, qü'un papier fut donné par un inconnu a un jeune homme de quinze ans, d'ou devoient fortir des pièces d'or, autant qu'il en voudroit, a condmon qu'il n'ouvriroit point ce papier qui étoit plié. Il en fornt quelques écus; il 1'ouvrit enfuite par cunofité; tl y Vit des figures horribles, & le jeta au feu, ou il fut une demtlieure, fans pouvoir être confumé. - (3) Un auteur celèbre dit que 1'empereur Hehogabale étoit fi favant dans la magie, que par fes fortilégcs Sc en-  BE M. O U F L' E. J07 fous la figure d'ombre (1), tout cela n'eft point prodige pour la magie j ce n'eft , qu'un petit eflai de fes pouvoits. Mais fi les forciers ont tant de pouvoir fur les chofes de l'autre monde , doit-on éü"é furpris de celui qu'on leur attribue fur celles de celui-ci; comme, par exemple, de produire des nuées & des orages (2.), quand il leurplaït; de batir des palais, des tours étranges, de les remplir de merveilles , 8c de les faire difparoirre (3); de donner a des femmes des charmes chantemens, il faifoit fortir des enfers les ames de Sevère Sc de Commode, avec lefquelles il traitoit pour apprendrc les chofes a venir. Dion, Xiphilin. Une forcière ouvroit la terre par fon chant, Sc tiroit les manes des fépulcres. Hac cantu finditque folum, mtmefque fepulcris Elicit. Tibulle. Eleg. ^. (1) Anaftace de Nice dit que Simon le magicien fe faifoit précéder, en marehant, de plufieurs ombres, qu'il difoit être les ames des défunts. (2.) Roger Bacon promettoit de produire artificiellement des nues, y faire gronder le tonnerre, y exciter 1'éclair, Sc enfuite les faire refoudre en pluie, GafFarel, p. 365. Le peuple en croit du moins autant des magiciens. (3) D. Rodrigue, ufurpateur du royaume d'Efpagne, n'ayant point d'argent pour mettre promptement une armée fur pied, qu'il put oppofer a fes ennemis, refolut de faire ouvrir un lieu qu'ou nommoit la tour enckantée, prés d« Vij  joS H ï s t o t K t infurmontables , pour dompter les cceurs deê hommes , mêmes des plus grands princes , & s'en Tolède, ou Ton difoit qu'il y avoit un trcfor, que perfonne avant lui n'avoit ofé rechercher. Cette tour étoit entre deux rochers efcarpés a une demi-lieue, au levant de Tolede; 8c au delfus du rez de chaulfée, on voyoit une cave fort profondc , féparée en quatre différentes voutes, au travers d'une ouverture fort étroite, entaillée dans le roe, qui étoit fermée par une porte de fer, qui avoit dit-on, mille ferrures, 8c autant de verroux. Sur cette porte il y avoit quelques catactères grecs, qui fouffroient plufieurs fignifications; mais la plus fortc öpinion veut que c'étoit Une prédicbion de malheur a. celui qui Touvriroit. Rodrigue fit faire de certains flarhbeaux que l'air de la cave ne pourroit éteindre; & ayant forcé tefte porte, y entra lui-méme, fuivi de beaucoup de perfonnes. A peine eut il fait quelques pas , qu'il fe trouva dans une fort belle falie, enrichie de fculptures, au milieu de laquelle il y avoit une ftatue de bronze, qui reprefentoit le Tems fur un plédeftal de trois coudées de bant, qui tenoit de la main droite une maffe d'armes, avec laquelle elle frappoit de tems en tems la terre , dont les coups retentiflans dans cette cave, faifoient un bruit épouvantable. Rodrigue, bien loin de s'effrayer, alfura ce fantöme, qu'il ne venoit pas pour faire aucun défordre dans le lieu de fa demeure , 6c lui promit d'en fortir, dés qu'il auroit vu toutes les merveilles de ce lieu-la; Sc alors laflatuecelfa de battrela terre. Le roi donnant courage aux fiens par fon exemple, fit une vifite exacte de cette falie, a 1'entrée de laquelle il y avoit une cave ronde, dont il fbrtit une efpèce de jet d'eau, qui faifoit un murmure affreus. Sur 1'eftomac de la ftatue,  DE M. O U E E E. 3<3£ faire fuivre par-tout (i):. de faire parler & dif- étoit écrit en arabe, je fais mon devoir, 8c furie dos , P- JT3- 5J4- (1) Paul Grilland écrit, /. defortlleg, Seci. 7, mm. 14. avoir vu bruler une forcière a Rome, qui s'appeloit Francifque de Sienne, qui faifoit parler un chien devant tout le monde. Cedrenus rappotte fous la foi de certains faux aftes de  d e M. Oufle. ju figure (1); de tuer des hommes.en abattant des ftataes (i); de faire myftérieufement fubfifter des monftces furieux dans l'eau, fous des baumens(3); faint Pierre, qui couroient encore de fon tems, que Simon le magicien avoit a fa porte un gros dogue qui dévoroit ceux que fon maitre ne vouloit pas laiffer entret; que faint Pierre voulant patier a Simon, ordonna a ce chien de lui aller dire en langage humain, que Pierre ferviteut de dieu le demandoit, que le chien s'acquitta de eet ordre au grand étonnement de ceux qui étoient alors avec Simon; mats que Simon, pour leur faire voir qu'il n'en favoit pas moins que faint Pierre, ordonna au chien a fon tour d'aller lui dire qu'il entrat, ce qui fut exécuté aufTitöt. (i) Les quatres oifeaux d'or, que les magiciens de Babylonne appeloient les langues des dieux, faifoient des difcours achevés, pour perfuader au peuple la fidélité & 1'amour qu'ils devoienta leur prince. L'incred. Scav., p. 99 8c 18. (z) Théophile, empereur Grec, fe voyant obligé de mettre a la raifon une de fes nations qui s'étoit revoltée fous la conduite de trois capitaines, confulta le patriarche Jean, grand magicien. Celui-ci lui confeilla de faire faire troisgros marteaux d'airain, Sc de les mettre entre les mains de trois hommes robuftes; ce qui fut fait. Enfuite Jean mena ces trois hommes vers une ftatue d'airain a trois têtes en 1'euripe du cirque, ou ils abattirent deux de ces trois têtes avec ces marteaux, Sc firent feulement pencher le cou a la troifième, fans 1'abattre, dans la fuite une bataiile fe donna entre les lieutenans de Théophile 8c les rebelles. Deux capitaines furent tués, le troifième fut blefle , 8c mis hors d'état de combattre. Zonaret, t. III de fes annales. (3) Je ne crois pas qu'il y ait rien de plus éloigné de la Viv  JU HlSTOÏRE de rendre vicrorieux dans toutes fortes de difpu-1 fes (i); d'alfembler tous les ferpens d'une con- poffibilité des chofes, que ta rencontre fur laquelle Merlin prit fujet de déclamer fes belles prcphéties;. favoir que le roi Wertigierus fut confeillé par fes magiciens de faire batir. u»e tour inexpugnable en quelque endroit de fon royaume, oü il put demeurer en fureté contre les Saxons qu'il avoit fait venir d'Allemagne, & que, comme il la voulut faire batir, a peine avolt-on jeté les fondemens, que la terre les engloutit en une nuit, & n'en lahTa aucun veftige; d'ou les magiciens lui perfnadèrent qu'il les falloit déttemper, pour les affennir & rendre ftables, avec k fang d'un petit enfant qui fat né fans père, tel que Merlin fe rencontra èax, après une longue,recherche; lequel étant amsné devanu le roi, difputa premièrement contre ces magiciens, & leut enfeigna que defious les fondemens de cette tour i.1 y avoit un grand lac, & que delfbus ce lac , il y avoit deux grands & furieux dragons, 1'un rouge, qui fignifioit le peuple de. Brctagne oü d'Angleterre 5 & l'autre btanc, qui repréfentok ks Saxons, lefquels ne furent pas plutót déterrés , qu'ils eommencèrenf un furieux combat, fur le fujet duquel le prophéte Merlin commenca a pleurer comme une femme, & a cbanter fes prédiètions furTérat d'Angleterre, Naudé-. Apol, 3io. 3x1. (1) Theodore Tronchin, profeffeur en théologie a Ge-, sève, prétend. que Cayet contraéia avec Satan föus le nom de Terriër, prince des efprits fouterreins, a condition qu'ii feroit iieureux dans les difputes contre ceux de la religion , & qu'il feroit accompli dans la connoijfauce des lettres. DjcJ, ^ï\t. t, II, p. 7ij.  D E M. O V F E. E. 31J tree dans un lieu (1) j de fe changer en papillon , quand pn eft pourfuiyi (i); de donner le talent de réuffir dans la poè'fie, (3)5 de rendre tel, qu'on ne puifle jamais enfoncer dans l'eau (4), quoj qu'on ne fache. point nager y de n'avoir qu$ tourner fon chapeau ($-) du coté du pays oü 1'on fouhaite aller , pour s'y tranfporter auffitot; de groffir épouvantablement une perfo.nue , a qui 1'on en veut, & de faire une baffe-cour de fon ventre (6) j de voler dans 1'air & de fe tranf* (1) Un magicien, après avoir contraint par fes enchantemens un nombre prod'igieux de ferpens de fe rctirer dans une foife, fut enfin tué par un d'entr'eux, qui étoit vieux & d'une grandeur prodigieufe. Delrio., p. 153. (z) Une forcière fe changeoit en papillon, pour év;ter, celui qui la pourfuivoic De Lancre , p. 313. (3) Il y a des enfans qui fe donnent au diable, pour- bien faire des vers, & ils les font. Id, 176. (4) Les Thebiens , forciers, tuoient les hommes de leur fourHc , & ne pouvoient enfoncer dans l'eau. Le Loyer, p. 3zC. Les démons étant dans le corps des forciers, ils les empechent d'eufoncer. De Lancre, p. 11. (j) Le roi Ene fe tranfportoit du cöté oti il toumoit fou, chapeau. Delrio, p. 175. (6) Une femme enforcelée devint fi grofle, que fon ventre, lui coiwoit le vifage. Op y entendoit fe meme Ijruit que  514 HlSTOIRE porter dans un chariot de feu (1) ; d'obliger des axbres a faluer & a faire un compliment, quand on palTe devant eux (i); de faire fortir des enfans d'une fontaine ($) y de produire des montagnes & des fleuves, en jetant des pierres & de font kspouks, ks coqs, ks canards, ks chkns, ks moutons, les bceufs, les cochons & les chevaux. Delrio, p. 193. (1) Wier dit, lib. de pi&fiigiis, avoir vu en Alkmagne un bateleur forcier, qui montoit au ciel devant Ie peuple en plein jours & comme fa femme le prit par ks jambes, elle fut auffi enkvee ; la chambrière fuivit fa mattrefle, & ils demeurèrent aflez longtems en l'air de cette fortc. Bodin , p.431.431. On vit a Rome, fous le regne del'empereur Claude, Simon, ce fameux magicien de Ia ville de Gytta, tranfportc fur un chariot de feu, & voler comme un oifeau au miüeu de 1'air. L'incred. Scavant, p. z8. On ajoute que faint Pierre le fit tomber par fes prières,de forte qu'il fe ca/fa ks jambes. Saint Clem. 1. 6, conftit. ch. $. Arnobe advcrjus gentes, ld. 41. (i) Tefpefion, prince Gymnofophifte 3 pour montrer qu'il pouvoit enchanter les arbres, commanda a un grand orme de faluer Apollonius, ce qu'il fit, mais par une voix grêk & efFéminée. L'incred. Scavant, p. 995. (5) Un jour Jamblique fe baignant dans les bains de Ia Syrië, fit fortir, en frappant l'eau de fa main, & en prononcant fecrètement quelques paroks, des deux fontaines, deux jeunes enfans qui le vinrent embraffer: puis il ks fit retirer dans leurs fontaines. L'incred. Scavant, p. 1060.  D E M. O U F t E. 3M l'eau derrière foi (i); de rendre invifible (2.) ; de paroitre avec deux vifages (3); de tirer des perfonnages d'une tapiflerie, & de les faire combattre (4) 3 d'attirer chez foi le blé , ou le lait, ou les arbres de fes voifins (5); d'élever fur la (1) Des magiciens jetant des pierres derrière eux, formoient des montagnes ; Sc en jetant de l'eau, ils produifoient des fleuves. Le Loyer ,319. (1) L'anneau de Gigès le déroboit aux yeux des hommes, quand il en tournoit le chaton du cóté de la main, & le faifoit voir, lorfqu'ille tournoit en dehors. Herod, 1.1, Cic. 1. 3. Offic, faint Gregoire de Naz , him. 11. Thiers, t. I, P- Simon le magicien fe rendoit invifible, quand il vouloit faint Clement, recornit. & l. z, conftit. Apoftol. On dit encore qu'il formoit des hommes de l'air en un moment, qu'il faifoit mouvoir des ftatues de bronze Sc de marbre, qu'il paflbit a travers les flammes fans fe brüler, qu'il voloit au milieu des airs. L'incred. Scavant, 40. (3) Simon le magicien paroiffoit quelquefois avec deux vifages. Id. Ibid. Delrio, p. 124. (4) Un magicien faifoit fortir d'une tapiflerie les neuf preux , & les faifoit combattre. Le Loyer, p. 471. 472. (j) Des magiciens font venir dans leurs greniers le blé de leurs voifins. Turnebus. Delrio , p. 141. Un* magicienne faifoit tirer par le diable le lait des vaches de fes voifmes, & apporter chez elle. Ib. Un hérétique de Chizicho, de la fecte des Pneumatomaches, par fon art, felon Anaftafe de Nice, qux.ftior.ib.  5I(J HlSTOIRE tête d'un homme des cornes fort emharraffantes (i) ; d'aftliger les nouveaux mariés, d'un •malérice des plus dangereux (z) , & de faire grêler (|) en même tems qu'on óte 1'effet de cette in facr. Script, attira un olïvièt du champ de fon voifin auprès de fa maifon , pour faire ombrage a fa fenêtre, afin gue fes écoliers ne nuTent point incommodés du foleil. (i) Ziton, Bohémien, voyant des gens a des fenêtres, attentifs a regarder quelque fpeétacle qui contentoit leur curiofité, leur fit venir au front de hautes cornes de cerf, afin dc les cmpêchcr de fe retirer dc ces fenêtres, quand ils levoudroicnt. Delrio, p. ni. fi) Un roi d'Egypte cüt pour quelque teras 1'éguillette nouée. Herod, 1. i. Eulalius fut auffi'charmé & noué par fes concubines, Greg. Turon, 1. 10, c. 8. Brunichildc erapêcha par fortilége la confommation du mariage de la fille d'Efpagne avec le roi Theodoric. Aimonius, 1.'j , c. 94. Un Juif mit le divotce entre le roi Pierre dc Caftille & fa reine fon époufe. Rqderic,fanBius hifior. Hifpan. part. 4., ' c. 14. Dans la chronique d'Jlbertus Argentinenfis, il eft dieque Marguerite, qui avoit époufé le comte Jean dc Bohème, ayant demeuré plus dc trois ans avec lui fans fe pouvoit joïndre , le mariage fut réfolu. La Ioi de Charlemagne dit, fi vir & muiier conjanxaint Je in matrimonium, & pnfica dixerit muiier de viro, non. pofie nubere cum eo ; fi potefiprobare quod verum fit, a:ci~ piat alium. Capitul, l. 6 , c. j f. (3) Une traditioa dit qu'il gréle, toutes les fois qu'ondéwoue réguillette a quelqu'un^ Répoufe aux queftions d;ua provincial, t..I>p. 197.  D E M. O U E L E. ylj cruelle opérationj malérice contre leqael la même magie & d'autres. fuperftitieufes pratiques , enfeignent des préfervatifs & des remèdes (i) ; pendant que le plus fur feroit de travailler a (i) Pour empêcher le nouement d'éguillette, porter un anneau , dans lequel föic enchafle 1'ucil droit d'une belette. Le folide tréfor du petit Alben, p. 14. 5/ quis die aliquo, cum radiofus fefe fol fuperat ex mari , &c. ter pronunciet Yemon ; res maritalis prius maleficia funerata, revivifcet. {Autorridet). De idololatridmagicd. DiJJertatio Jokannis Filefaci, theologici Paripenfis, p. 28. Manger de la joubarbe ou jonbarbe, afin de rompre le nouement d'éguillette dont on eft affligé. M. Thiers, 1.1, p. 170. Pour délivrer ceux quiontl'éguillettenouée, Sc rompre ce charme, il faut que 1'époux piffe a travers la bague nuptiale, ou bien que 1'on falTe chier 1'époufée dans le foulier de fon époux; s'il en reffent 1'odeur puante, i! guérira de fon infirmité. Jofeph, 1. 1, contre Appian Alex. Cardan, /. 16, de rer. var iet. c. 851. Pour être guéti du nouement d'éguillette, il faut dit-on , faire piffér la femme par dedans un anneau. Rép. aux queft. d'un Prov. 1.1, p. 297. Les anciens faifoient chanter certains vers dans les fo'lemnités des noces, pour empêcher le nouement d'éguillette. Verfus canebantur in nuptiis, quia fafcinum putabantuf arcere. Feftus. Pline dit, 1. 28 , c. 19 , que fi 1'on oint de grafie de loitp le fcuil & les poteaux des portes, quand les nouveaüx: marles vont coucher enfemble, i!s ne fercntpoint charmés.'  Jl3 HlSTOIRE guérir rimagination (i) ? Je m'arrêteici; car je (O Un comte de très-bon lieu, dit Montagne, 1. i, p. 10 j. 106, de qui j'étois fort privé, fe mariant avec une belle dame qui avoit été pourfuivie d'un tel qui affiftoit a Ia fête, mettoit en grande peine fes amis, & nommément unevieille dame fa parente, qui préfidoit a fes noces, &Ies faifoit chez elle, craintive de ces forcelleries; ce qu'elle me fit entendre. Je la priai de s'en repofer fur moi. J'avois de fortune en mes cofFres, certaine petite pièce d'or plate, ou étoient gravées quelques figures celeftes, contre le coup du foleil, & pour öter la douleur de tête, la logeant a point fur la couture du telt; & pour 1'y tenir, elle étoit coufue a un ruban propre a rattacher fous le menton, rêverie germainea celle de quoi nous parions. Jacques Pelletier, vivant chez moi, m'avoit fait ce prefent fingulier. J'avifai d'en tirer quelque ufage, & dis au comte qu'il pourroit courre fortune comme les autres, y ayant la des hommes pour lui, en vouloirprêter une;mais quehardimentil s'aüat coucher; que je lui ferois un tour d'ami, & n'épargnerois a fon befoin un miracle qui étoit en ma puifTance, pourvu que fur fon honneur il me promit de le tenir tres fidellement fecret. Seulement, comme fur la nuit 011 iroit lui porter le reveillon, s'il lui étoit mal allé, il me fit un tel figne. Il avoit eu 1'ame & les oreilles fi battues, qu'il fe trouva lié du troublé de fon imagination, Sc me fit fon figne a 1'heure fufdite. Je lui dis lors a 1'oreille qu'il felevat, fous couleur de nous chaifer, Sc prit en fe jouant la robe de nuit que j'avois fur moi, ( nous étions de taille fort voifine ), Si s'en vêtit, tant qu'il auroit exécuté mon ordonnance, qui fut, quand nous ferions fortis , qu'il fe retirat a tomber de l'eau,, dit trois fois  DëM. OüïLE. 319 ne finirois point, li je voulois continuer ce détail j li je voulois dis-je , parler de certains mots (i) auxquels on donne la vertu d'invoquer les démons; de 1'ufage de pefer les hommes , pour connoïtre s'üs font forciers (2); de ce que doit faire un forcier , pour óter le maléfice qu'il a donné (3); de 1'effet que produit le foupcon fur un malé- telles paroles, &c. qu'a. chacune de ces trois fois il ceigtfe le ruban que je lui mettrois en main, Sec. Cela fait, ayam a la troifième fois bien.eftreint cc ruban, pour qu'il ne le put ni dénouer, ni mouvoir de fa place, qu'en toute aflarance il s'en retournat, Sec. Ces lingeries font le principal del'efFet, notre penfée ne pouvant fe demêler, que moyens fi étranges ne viennent dc quelque obftrufe fcience. Sommt II fut certain que mes caracbères fe trouvèrent plus vénéttens que folaires, (1) Agrippa dit que les paroles magiques, dont ceux qui ont fait pacbe avec le démon, fe fervent pour 1'invoquer, Sc pour réuffir dans ce qu'ils entreprennent, font dies, mies* jefquet, benedo efet, douvima enitemaus. Dict. Trev. ('i) En Hollande on pefe ceux qui font accufés de fortilége, de forte que ceux qui pèfent moins que le poidsqu'oa met, (tel qu'il eft arbitré ) pour les pefer, dans l'autre cotc de la balance , font reconnus pour forciers. II n'y a point de poids fixe pour pefer les genS; on regarde feulement leraar corpulence , & a la vue, on y proportionne le poids. C'eft dans la ville d'Oudewater. On pèfe feulement les étrangers, Le Monde enchanté, t.1, p. 319, 310. {3) Les forciers en ötant un fort, font obligés de le donner a quelque chofe de plus confiderable que celui a qui ils  3 zó H i s i o i r e fice (i); de 1'ufage que les magiciens font dés crapauds (z); de certaines circonftances quiregardent les forciers , quand ils font entre les mains de la juftice (3); des jours, auxquels ils ne peu- 1'ötcnt ? finon le fort retombe fur eux, Bodin , p. 151* 252. (1) C'étoit 1'ancicn ufage des magiciennes Sc des empoifonnéüfes, de marrhotter fur les poifons. L'efFet du venili étoit plus certain, lorfqüe le rnalade foupconnoit quelque fortilégc. Rep. aux queft. d'un provinc. t. ii, p. 74. (1) Les forcicres forit ordinairement trouvées faifies dc crapauds qu'elles nourriflent Sc accoutrentde livrées , 8c les appellent au pays valoismirmilots. Bodin, p. 225. Eft notable ce qui eft avenu a une lieue ou environ prés de la ville de Bazas, au mois de Septembre 1610. Comme un honnête homme fe promenoit parmi les champs, il vit un chien fe tourmenter auprès Sc ès environs d'un trou, comme s'il y fut entré quelque lièvre. Cela donna' fujet de rechercher pourquoi ce chien fe tourmentoit li fort. On ouvrc ce trou; il fe trouva dedans deux grands pots, liés &i étoupés, bouche a bouche; le chien ne fe voulant appaifer pour cela, on les ouvrc, ils fe trouvèrent pleins de fon, &o dedans, un gros crapaud , vêtu de tafFetas vert. Un homme dit que c'étoit lui qui 1'avoit mis, afin qu'étant confumc^ il put tirer de fa tête une certaine pierre qu'on appele crapaudine. Cependant ce tafFetas vert fit foupeonner qu'il y avoit un autre delFcin. De Lancre,p. 133,134. (3) Spranger j inquifiteur, a remarqué que la forcière, bien qu'elle foit prifonnière, peut eiicliner les jnges a pitié^ vent  de M. O u ! i iï y£\ vent deviner (i) j de ce qu'ils ont imaginé fut les ongles (2) > des chiens d'Agrippa (3) ■ des E elle peut jeter les yeux fur eux la première. Bodin, F- J7J- On c-roir qu'un forcier he peut öter le rrïaléfice qu'il i donné, tant qu'il demeurera entre les mains de la juftice; M. Thiers, 1.1; p. 173: (O Les magiciens & devins, & autres telles fortes de gens, ne peuvent rien deviner, le vendredi ni le dimanche; Le diable ne fait pas 2 ordinairement fes orgies & affemblées e'n ces jours-la, qu aux autres jours de lafemaine. De Lancre , p. 111. (1) Pythagore, que quelques-uns difent avoir été magicien, logeoit quelque point de forcellerie & fecret aux ongles par ce precepte; przfegmina unguium criniumque ne tommingho: & Pline dit que des rognures des ongles des pieds & des mains, incorporés en cire, les forciers font certain rerriede & charme contre les fièvres. II ajoute qu'ils enteigherit de mettre des rognures des ongles a 1'entrée du pertuis des fourmis, & qüe la première qui en prendra, étant mife au cou, guerira de Ia fièvre. De Lancre, p. 301. Le diable défendit a dm forcier de rogner jamais longle du pouce,de la main gauche: ld, p. zèy. ^ M. P. prétend que fi 1'on fogrie fes ongles aux jciirs de li lemaine qui ont üh R, comme au mardi, mercredi; ou vendredi , il viendra des envies aux doigts. (3) Paul Joue dit en fes éloges qu'Agrippa mourut fon: pauvre & abandonné de tout le monde dans la ville de Lyon; & que touché de repentance, il donna congé a un chien noir qui 1'avoit fuivi tout le tems de fa vie, luiótant un collier j X  3 li HlSTOIRE vilions qu'ont les forciers pendant leur fommeil (i). Je le dis encore une fois; je ne finirois point li je prétendois m'étendre fur cette matière, autant que les leétures que j'ai faites m'en fournilfent de fujets. Mais il me paroit que tout ce que je viens de rapporter, doit fuffire pour apprécier comme il convient ce qüon appelle fortilége & enchantement; retournons a M. Oufle: plein d'images Sc de figures magiques, en lui difant tout en colère, abi ,perdita beftia, qua me totum perdidifti. Enfuite de quoi, ledit chien s'alla précipiter dans la Saone, Sc ne fut depuis ni vu ni rencontré. Naudé, p. 3 05. Pour ce qui eft de 1'hiftoire du chien d'Agrippa , dont on vient de parler, qui nous eft reprefentée avec plus d'éloquence que de verité par Paul Joue, Venalis cui penna fitit, cui gloria Flocci. c'eft qu'il nourriflbit plufieurs chiens qu'il aimoit, comme Alexandre le grand aimoit fon Bucephale; l'empereur Augufte, un perroquet; Neron, un étourneau; virgile, un papillon; Commode, un fingc; Honorius, une poule; Heliogabale, un moineau. Agrippa parle de fes chiens, ep. 71, 74, 76,77. Wierus, qui avoit été fon ferviteur, dit pourtant qu'il n'en avoit que deux qui étoient perpetuellement avec lui dans fon étude , 1'un defquels fe nommoit monfieur, Sc l'autre mademoifelle. Id, p. 309. (1) Nous avons vu des forcières a Bayonne, qui après avoir fommeillé dans les tourmens, comme dans quelque douceur Sc délice, difoient quelles venoient de leur paradis, & qu'etles avoient parlé a leur monfieur. De Lancre, p. 5-.  DE M. O U F t E. jij s—b—aan mm. ■■■nnim ,im,i CHAPITRE XXVI. Chagrins que caufa a la femme & aux enfans de M. Oufle une aventure très-honteufe qui lui étoit arrivée,fur ce qu'il s'avifa de s'imaginer qu'une femme avoit enforcelé un de fes chevaux • les précautions qu'il prit pour faire óter ce prétendu fort, & pour s'en preferver lui-même. ÏNIO u s avons vu combien M. Oufle étoit perfuadé de Ia puiffance des forciers, & Ia crainte continuelle qu'il en avoit. Voici une aventure fort chagrinante qui lui arriva a cette occafion. M. Oufle avoit un cheval de felle , des plus beaux que 1'on puiflè voir, & qui lui avoit coüté très-chèr. Notre viiionnaire étant allé le matin a une Iteflte de la ville, monté fur ce cheval, pour fe promener , & peut-ètre pour fe donner en fpeófcacle fur une fi belle montute, il retourna diner chez lui. En s'en retournant, il remarqua une dame qui étoit debout fur fa porte. Ce qui lui fit remarquer cette dame, c'eft qu'elle eut toujours les yeux attachés fur fon cheval, tant qu'il fut a.la portée de fa vue; c'étoit une femme trés-grande , un peu vieille , plus laidë que belle, & vêtue d'une robe de chambre abattue , noire, Xij  314 HtStOIK.fi dont les manches defcendoient jufqu'au poignet j comme les porteroit une veuve , ou une dévote de profeflion; on dit qu'elle étoit 1'une & l'autre* Cer habillement lugubre, cette laideur, cette vieillefle , cette haute taille , ces regards fixes 8c attachés ; tout cela embarralfa M. Oufle, & lui donna occafion de faire de fes réflexions ordinaires ; il craignit que cette dame n'eüt quelque mauvais deflein fur lui. 11 continua cependant fon chemin , & alla diner dans fa maifon. L'aprèsdïnée , fon fils Sanfugue s'avifa aufli de monter fur le même cheval , mais a 1'infu de fon père; il alla a une maifon de campagne d'un de fes amis, qui donnoit un cadeau a quelques dames, & qui 1'y avoit convié ; le tout fe paffa auffi agréablement qu'on le pouvoit fouhaiter. Sanfugue revint le foir, monté lui deuxième fur le beau cheval de fon père , c'eft-a-dire , avec une jeune dame qu'on appeloit fa maitrefle, & qui éroit auffi-bien que lui, plus preffée que les autres de s'en retourner. La doublé charge que portoit ce cheval, & la violence qu'on lui fit pour le preffer d'arriver, le mirent dans un tel état , que le lendemain , a peine pouvoit-il marcher. Mornand , qui étoit du fecret de Sanfugue , lui en donna avis ; ils convinrent enfemble de ne rien dire de cette malheureüfepartie; maisfeulement d'avertirM. Oufle tlu mauvais état oü fe trouvoit ce pauvre animal.  DE M. O V F t E. Jij Mornand fe chargea d'annoncer cette mauvaife nouvelle , ce qu'il fit fans peine; paree qu'il s'attendoit bien que fon maitre ne mettroit rien a eet égard fur- fon compte. 11 ne fe trompoir pas;^ car auflitöt que M. Oufle leut apprife, & qu'il eut vu fon cheval , il fe rappela dans 1'inftant 1'idée de la dame , gtande y vieille, laide & habillée de noix , qu'd avoit remarquée la veille :..en un mot, il crut que c'étoit une forcière , qu'elle avoit enforcelé fon cheval par fes regards fixes , jugeanr qu'il étoit impoffible que le petit voyage qu'il avoit fait le jour précédent, eut été capable de le réduire dans cette extrémité s Sc que eet, accident n'avoit pu être fi promptement produit que par quelque maléfice des plus prompts & des plus violens, De ce jugement il pafla d'abord* a, la réfolurion d'en découvrir la vérité, par un. moyen des plus violens ( i. ) ; il fe ravifa. (i) Quand on veut favoi'r en Aüernagne qui eft ta forcière qui a rendu un cheval impotent & maléficié, on va querirles boyaux d'un autre cheval mort, en les trakiant julqu'a quelque logis, fans entre? par la poMe commune, mais par • la cave ou par deilous terre, & li. cn faitbrulerlesbóyaüx ducheval. Ators ta forcière qui a jeté le fort, fent cn fes boyau-x une doulcur dc coliqne, Sc s'en va droit a!a maifon ou 1'onbi'ü'tc les boyaux, pour prendte un chasbon ardent, & foudainJa douleur cefle: & fi ou ne lui ouvre la porte, la maifon s'obfcurcir de ténèbres av.ee nn. tonnerre effroyable ,_8£; m:-. A uj  3i<5 HlSTOIRE pourtant, & penfa qu'il étoit plus a propos d'aller auparavant trouver la dame, & de 1'engager par douceur , ou par menaces a óter le fort prétendu ; mais auparavant il prit la précaution que lui fuggéroient fes lectures, pour ne pas s'expofer au danger d'être lui-même enforcelé. II ne fe contenta pas d'un préfervatif, il fe munit de tous ceux qu'il put trouver dans fa bibliothéque; il mit dans fes poches du fel (i); & quelques oignons (i); il cracha furfonurine(3), & s'en lava enfuite les mains &c les pieds (4); il cracha encore fur le iiace de ruïne, fi ceux qui font dedans ne lui ouvrent. Bodin , z8o. (1) II y en a qui portent fur eux du fel, ou un noyau de dattc poli, afin de chafler les malins efprits. M. Thiers, 172. (2.) La dame deChantocorena ayant jeté des poudres fur un jardin & fur un pré, elle infecfa tout, exceptéles oignons. Je ne feai fi c'eft que le diable refpeéïa 1'oignon , paree que les anciens le tenoient aulfi grand dieu que lui. De Lancre, p. 140. (3) Selon Pline, pour fe garantir des enchantemens, il faut cracher fur Turine récente, ou fur Ie foulier droit. Le Loyer, 830. (4) Oftanes, mage, difoit que contre les fortiléges, il faut mouiller le matin fes pieds d'urine humaine. Ibii. Laver les mains le matin avec de 1'urine, pour détournei ks maléfices, ou pour en empêcher 1'effet. C'eft pour cela que le juge Pafchafe fit arrofer d'urine fainte Luce, paree  de M. Oufle. , 327 foulier de fon pied droit (1)3 fur fes cheveux (1) 3 Sc trois fois dans fon fein (3)3 il calfe un miroir exprès, pour en mettre plufieurs morceaux fur fes épaules (4); de deux cannes , il en fait faire yne; mais de telle forte , quelle puilTe contenir du vif-argent (5) 3 fans qu'il coure rifque qu'il s'imaginoit, qu'elle étoit forcière, & que par ce moyen, elle ne pourroit éluder la force des tourmens qu'il lui préparoit. Apud Surium. M. Thiers, t. I, p. 171. (1) Cracher fur le foulier du pied droit, avant que de le chaulfer, afin de fe preferver de maléfices. M. Thiers, 1.1, p. 170. (z) Cracher trois fois fur les cheveux qu'on s*arrache ea fe peignant, avant que de les jeter a terre, pour fe preferver de maléfices. Id', p. 171. (3) Cracher une ou trois fois dans fon fein, afin de n'ètre point charmé. Id. ibib. Tibulle dit, 1. 1, Eleg. 1 : Vefpuit in molles & fibi quifque finus. (4) Certaines femmes fuperftitieufes attachoient aux épaules de leurs enfans des morceaux de miroirs caffés, ou des pièces de cuir de renard ou de brebis, afin de les ga^ rantir de la vue empoifonnée des forciers. Martin d'Arles , traB. de fuperftit. M. Thiers, 1.1, 366. 367. (5) Qui pourra fe perfuader que le vif-argent renfermé entre deux cannes, empêche toutes fortes de charmes & de fortiléges! L'incred. fijavant, p. 5164. On dit que le vif-argent, mis entre deux cannes, empêchsles enchantemens. Delrio, p- 5» Xi*  H ï s r o i r g de s'en échapper ; ilgrauTe lui-même fe^óuSeR* d'omg de pourceau (t) ■ U envoie acherer un petit balai pour 1'emporter chez la dame, & s/en fervir. conformément aux avis que lui donnoient fes ledlures • il emporte auffi une efpèce d'échaudé. , pour le donner au premier pauvre qu'il trouveroit en fon chemin ($\ M. Oyfle favoit encore d'autres prétend.us préfervatifs ; mais. comme il «étoit prellé , il ne put les mettre en ufage , p^rce qu'il ne hd étoit pas aifé. de les trouver promptement; ce font ceux - ci.' Avoir des os de fes patens (4); du cuir pris fur. (i) Bodin dit, 1. 4, c. 4, que les magiftrats ou juges en, AUcmagtte, font prendre a de jeunes enfans des fouliers neufs grailfds d'oing de pourceau , & les envoyent a 1'égüfe avec cette chauflbre, laquelle a une telle vertu que, s^il y a des fordères dans 1'églife, elles n'en peuvent jamais fortir,' s'il ne plalt a ceux qui ont aux pieds cette forte de fouliers! (l) Pour.empêcher qu'un forcier ne forte du logisoii.il eft, mettre des balais a la porte de ce logis. M. Thiers, t. I,p. 389. (3) On enfeigne, ppur. rompre fe fort d'une perfonne. ^harmêe, de faire pétrir ung.Wi triangulaire de faitftLoup, % -e !e dpr'-ner Paraumóne au premier pauvrequ'or, trpu-'' Vera, Cit, (4) Les Caraïbes, pour fe garantir des fortiléges, mettent 4»»s; uae calebace le.s cheveux ou quelques os de leurs garens défunts, difant que f'ejprk du mort.parle kdcdans,  DE M. O U F 1 E. ji| Ie front d'une hycene (i) ; de certains excré-. mens (2), qu'on na pas aufli facilement qu'on le fouhaiteroit; un faphirblanc, gravé (3) d'une manière talifrnanique , & une certaine fleur qu'on appelle gants de notre-dame (4). U part donc de chez lui avec toute cette mu- Sf les avertit du deflein de leurs ennemis. De la Borde. Le Monde ench. t. I, p. n8. (l) SelonPline, 1. u , c. 3 , on arrachoit Ie cuir du frontd'une hycene, Sc on le portoit fur foi contre ies enchan-. temens. (1) II y en a qui oignent Ie dehors Sc le dedans de leurs. navires d'excrémens de jeunes pucelles, pour fe prcferver des malins efprits. Selon Damien Goe's dc Portugal dcï*appiorum regwne. Le fang ra de la femme attaché contre les poteaux d'une maifon , détruit les maléfices. Le Loyer, p. 830. (3) Phne dit, 1. 37 , c. 9 , que le faphir blanc, oii Ie nom, du foleil & de Ia lune foit gravé, & pendu au cou avec du, poil de cynocéphale, fert contre tqus charmes, Sc donne la faveur des rois. Mais il faut trouver les. cynocéphales, qui 11e fureru: onques. Demonomanie de Bodin- , p. 181. (4) Chez les anciens, ily en ayoit. qui portoient fur leur jront, en forme de couronne, la fleur qu'on appelle les gants natre-dame, Sc en latin bacchar, de peurqu'une mauvaifc langue ne les charmat; ce que dit Virgile en ces termes:. . • • Bacchare frontcm Cingïte, ne vati noceat mala lingua futurr, Le L9ye,i> p-  35® Histoiri nirion extraordinaire 8c antimagique. II tenoit a Ia main fa myftérieufe canné. II donna au premier pauvre qu'il renconcra , fon gateau triangulaire. Etant arrivé chez la dame , il met fon petit balai derrière la première porte, fans que perfonne s'en appercoive, & entre enfuite chez elle atfêz brufquement. Elle fortoit de table , & lavoit fes mains. La première penfée qui lui vint, ce fut de boire l'eau dont elle s'étoit lavée (i). II fe retïnt pourtant, & n'ofa poulfer jufque-la fon extravagance. Dans le tems qu'ü entra , elle étoit avec une jeune fille qui la fervoit 3 & fur ce qu'il commenca fon compliment, par lui dire qu'il fouhaitoit lui parler en particulier , elle fit retirer Ia petite fille dans une chambre prochaine. Celle-ci , en feretirantdans cette chambre, enlaiifa h porte entr'ouverte, paree qu'elle eut la curiofité de favoir ce que eet homme vouloir a fa rnaitreHè. II fut quelque tems fans parler 3 8c cela , paree que regardant fixement cette femme , il remarqua qu'elle avoit beaucoup de roufleurs fur Ie vifage , & qu'il le reflbuvint alors, que quelqu'un (r) Le lave-main, dont ment les forcières de Labour> fe fait ainfi. On fait venir la forcière qui eft foupconnée d'avoir donné un maléfice a quelqu'un, & lui ayant fait lavcr les mains dans quelque baflin, on fait boire les ordures qui reftent a la perfonne enforceléc De Lancre, p. 3 57. I  DE M. O D F 1 I. 331 de fes auteurs avoit dit (1) , que c'étoit une marqué qu'on ne pouvoit évoquer le diable , ni avoir aucun commerce avec lui. Cependant, comme il crut qu'il pouvoit fe méprendre , il ne s'arrêta point dans 1'exécution du deflein qu'il avoit formé. Je ne rapporterai point toutes les circonftances de leur converfation 3 il fuflit de dire , qu'elle fut très-vive de part & d'autre3 ce qu'on croira facilement, puifqu'elle roula fur une accufation fort injurieufe , & en même-tems trèsinjufte. Les emportemens furent réciproques 3 & enfin le tout fe tetmina par une adtion très-honreufe que fit M. Oufle, action très-honteufe en elle-même \ mais qui, relativement a la folie de notre homme, étoit feulement impertinente & ridicule. II avoit lu , que fi 1'on déroboit (z) quelque chofe aux gens qu'on foup^onne d'être forciers , on fe garantifloit de tous leurs maléfices : en conféquence il mit en cachette dans fa poche en fortant une montre aflëz riche qui étoit fur une table. II ne fit pourtant pas ce vol fi fecrètement (1) Les magiciens difent, cjue ceux qui ont desroufleurs au vifage, ne peuvent faiie venir les démons, quoiqu'ils les évoquent. Le Loyer, p. 830. (1) Emprunter quelque chofe d'un forcier ou d'une forcière , ou leur dérober quelque chofe, pour fe garantir contre leurs maléfices. M. Thiers, 1.1, p. 171.  ? ?'* Hnioui qu'il ne fut vu paria petite fervante, a peine fut-il forti, qu'elle en avertit fa maïtreflè. Celle - ci , iar le champ , courut après lui, & ne 1'atteignie que dans le tems qu'il entroit dans ia maifon ; elle 1'y fuivit criant au voleur , & faifant unvacarme épouvantable. Madame Oufle, fes enfans, & Mornand accoururent a ce bruit. La dame demande juftiee , arcufé M. Oufle d'avoir voló fa montre, & fe jerte fur lui pour le föuillèrj Madame Oufle & fes enfans fe jettent auffi fur elle, lorfque notre voleur arrête routes ces violences par ces paroles prononcées a haute voix, & d'un ton d'oracle; patience ma femme j patience» mes enfans; patience, Mornandj patience, vous, madame, qui m'accufez. Ce mot de patience li fouvent répeté , arrêta les combattans. II Cire enfuite la montre de fa poche , & en même-tems un livre de fa bibliotbéque , oü il montra le beautexre qui 1'avoit engagé a commettre ce larcin. La dame fe foifit de la montre , puis lui laiflb dire ce- • qu'il veut. II raconte en fa préfence , a fa familie, ion foupcon , & la conveifation qu'il venoit d'avoir. Li fruit de cetta narratiqn , ce fut que tout le monde recomw, que M. Oufle étoit fou. Madame Oufle & fes enfans témoignèrent a la dame tous. les qhagtins poffi.bles de ce qui s'étoit. pafle,; elle reent bien ces excufes & témoigna quelles n'en conferveroit aucun reflentiment. Sanfugue %:  » £ M. Oufle. 33* qui remarquoit que fon père la foupconnoit encore de magie, pour lui órer cette ridicule idéé de 1'efprit , avoua de bonne foi fon voyage, avec toutes fes circonif ances; & ainli lui fit connoitre qu'il étoit le feul magicien qui avoit maléficié fon cheval. M. Oufle , qui vouloit abfblument , comme tous ceux de fon caraótère, avoir eu raifon dans tout ce qu'il avoit fait , marqua qu'il ne croyoit rien de ce que fon fils lui difoit. 11 commencoit pouttant intérieurement a le croire , & il en fut entièrement convaincu dans la fuite 3 car on lui en donna tant de preuves, qu'il ne lui fut pas -poflible d en douter. La dame fe retira fatisfaite, elle lia même pour toujours uneétroite amitié avec Madame Oufle. Le cheval , après quelques jours de repos, repritfa ptemière vigueur, & M. Oufle ne cella point d'être fuperliitieux & vilionnaire. Fin de l'hijïoire de M, Oufle,   DESCRIPTION DU SABBAT. Po ur faire une defcription exacte du fabbat, il faut repréfenter le lieu oü on le fait, le tems auquel on le fait, comment on connoit ce tems , de quelle manière on s'y tranfporte , comment le diable s'y comporte & s'y fait voir , & a quoi s'occupent les forciers & les forcières qui y affiftent. Examinons donc pied a pied, & avec toute 1 exactitude poflible, cette prérendue diabolique aflemblée. Elle fera , a la vérité, effroyable j mais le ridicule qui 1'accompagnera , pourra la rendre divertiffante. Difons d'abord quelque chofe de fon origine Sc de fon nom. Le Loyer foutient, liv.» 4 des fpeótres , chap. 3 , qu'Orphée inftitua Ia confrérie des Orphéotéleftes , parmi lefquels Bacchus tenoit anciennement la place que le diable occupe aujourd'hui en 1'affëmblée des forciers , qui onc tiré routes leurs facons de faire & leurs fuperftitions de ces Orphéotéleftes. Le même .Loyer remarque, que ce que 1'on chantoit aux orgies fabo'é , évch'è, répond au cri des forciers, har i fabat, fabat & que Bacchus, qui n'étoit qu'un  35 6 D E S C R I P f I O N diable déguifé, fe nommoit 'Sabasius , a caufe dii fabbat de ces bacchanales > auquel, après qu'ils étoient initiés , ils avoient coutume de dire : « J'ai bu du tabóuriri , & j'ai ma'ngé du cymbale* » & fuis fait profes ». Ce que le Loyer dit 4 qu'il faut expliquer de telle facon , que par le cymbale on entende le chaudron & baffin, dont ils ufoient, comme les forciers modemes , pour cuire ies petits enfans qu'ils mangeoient ; & par le tabourin , la peau de bouc enflée , de laquelle ils fe fervoient pour boire , & être admis par ce moyen , aux cérémonies de Bacchus. Voyez Naudé. apol. p.iz9, 130. On a encore dit que le mot fabbat eft donné a 1'alfemblée des forciers , i caufe qu'ils s'aflemblent d'ordinaire le famedi. Quand le diable a réfolu de faire le fabbat, il choifit d'ordinaire un carrefour (1), ou quelque place qui foit auprès d'un lac , ou d'une mare j le carrefour apparemment, afin que le lieu de cette forcière d'aflemblée foit a la portée de ceuxqui y doivent venir , en forte qu'ils ne foient point óbligés de prendre de longs détours pour (1) Le lieu ordinaire du fabbat eft aux carrefours, comme difoit Ifaac de Queyran, ou aux places des paroifTes au-devant des églifes, ou en quelque lieu défert & fan vage. Dé Lancre, p. 68. 69, s'jr  du Sabbat. 337 s'y rendre. Quant a la mare ou au lac , les forciers aliurent que ce qui engage a faire ce choix, c'eft que 1'on en bat. l'eau, & que par ce bat tement -on excite (l) de furieux orages ; car le diable & fes -difciples ne fongent qua fuire du mal, ou du moins, a donner de la crainte & de la frayeur. II ne croït (2.) rien, dit-ori, dans le lieu oü fe fait le fabbat. C'eft ordinairement pendant la nuit que s'exécute cette bacclianaie démoniaque. On prérènd, que toutes fortes de nnifs ne lui convienuent pas 3 mais feulement celles du mercredi au jèudi, ou (1) L'adoraticn faite aü diable dans le fabbat, cn mèrre !es enfans qu'on lui a prefentés prés d'autres enfans le long d'un ruifleau; car le fabbat ne fe fait guères, que ce ne foit prés d'un lac, ou-d'un ruifleau, ou de quelque mare, afin de battre l'eau pour faire la grêle & exciter des orages,; & la on leur baille une gaule blaiicbe, & des crapauds agarderj puis ayant demeuré quelques années en eet état felon leur age, on les met a un degré plus haut, & on les admet a la danfe. De Lancre, p. 75, j6.- (il) Le lieu ou les forciers danfent, recoit une telle malédiction,. qu'il n'y peut croitre ni herbe ni. autre chofe: Strozzi, auteur Italien dit, 1. 4, c. 4. Delpalagib degli in«anti, avoir vu dans un champa Caftelnovo pres Vinceufe-, «n cercle en, rond a 1'entour d'un chataignicr, ou lesfcrclers étant au fabbat, avoient aceoutumé de danfer, fi foujé., que jamais herbe n'y pouvoit iiaïtrè, ld, zo. Y  2j8 Descrittion du vendredi au famedi (i). Quelques-uns veulent que 1'heure de midi (z) n'en foit pas exempte: mais ce n'eft que dans les plus retirés & les plus alfreux déferts qu'ils s'aftemblent alors ; ou bien le diable prend de l'air & en épailïit autant qu'il en faut pour les cacher. Quand 1'heure du fabbat eft venue , les forciers ne s'endorment point, c'eft 1'effet d'une marqué (3) qui les tient éveillés pout ce tems. On dit cependant ailleurs, qu'il faut dormir alors , ou du moins avoir un ceil fermé (4). Comment accorder tout ceci ? Voila un beau fujet de differta'tion pour ceux qui ont tant d'envie d'en faire! Pour moi, je ne prendrai point cette peine. (1) Les jours ordinaires de la convocation du fabbat, ou pour mieux dire, les nuits, font celles du mercredi venant aujeudi, oü du vendredi venant au famedi. Id. 66. (z) Catberine de Naguille de la paroifle d'Uftarits, agée de douze ans, 8c fa compagne, nous ont alfuré quelles avoient été au fabbat en plein midi. Ibid. (3) II y en a qui ont dit, que la marqué des forciers fe donne par Satan, afin que ceux qui Tont, ne s'endorment jamais, Sc ne perdent 1'heure du fabbat. Maiol, 1 3 , t. II. (4) Une forcière dit qu'on n'alloit jamais au fabbat qu'on n'eüt dormi, qu'il fuffifoit feulement d'avoir fermé -un ceil; car en eet inftant on y eft tranfporté. De Lancre , p. 98.  b u Sabbat. j &j Selon les démonographes, quand. il faut fc trouver au fabbat, & que 1'heure en. eft venue, une efpèce de mouton paroit dans l'air (i); Cet avertiflement étant donné, chacun fonge a fe ttouver au rendez-vous; car il en cou'tê (2) fi 1'on ne s'y tróuve pas foi-même 5 mais encore fi 1'on n'y fait pas trouver ceux qu'on a promis d'y conduire (3). Le diable veut abfolument qu'on lui rienne parole; quoiqu'i] ne foit rien moins qu'exact a tenir celles qu'il a donnée's. II s'agit a préfent de fe tranfporter au fabbat 1 les voitures ne manqueront pas, le diable en fournira de plufieurs förtes. Aux uns il donnera öu un balai; on un bouc, ou un ane, ou un che- (1) Queiquefois Ie diable fait paroitre comme un mouton dans une nuée, pour avertir les forciers de s'aflcmbler. Ds Lancre, p. 504, (1) Nousavonsouiuneinfinitédeforcières& detémoins, qui difent avoir payé les défauts, quand on ne va pas au fabbat, tantót un demi-quairt d'ccu chaque fois, tantót dix fous. Id. p. 91. (3) Si une forcière avoit promis de mener au fabbat le fils d'un gueux fon voifin , dans buit jours, on lui ballle quelque délai, dans lequel, fi elle n'en peut venir 3 bout, il faut qu'elle prefente fon propre fils, ou quelqu'autré d'aufii liaut prix, ou plus; autrement elle eft fortmaltraircc. /./. AS;  34<5 Description val (i). II fuffira aux autres de s'oindre d'un certain onguent, & de prononcer certaines paroles pendant cette onction (z). Ces paroles ne font pourtant pas toujours nécelfaires j car tel s'eft oinófc de eet onguent, fans les prononcer , qui s'eit trouvé au fabbat (3) aufli-bien que ceux (1) Le diable les tranfporte au fabbat montés fur des batons, ou fur des balais, fur un bouc, un ane, un cheval ou autre animal. Ces batons font oints de quelque onguent cu graifle, & eet onguent eft compofé de graifle d'enfant qu'ils ont meurtri. Id. ui. Les forcières de Francc, dit Bodin, fe mettant nn balai entre les jambes, & difant quelques paroles, fout tranfportées fans graiffe.ni onclicn. Au contraire, celles d'Italie ont toujours un bouc a la porte qui les attend, pour les tranfporter. Id. 113. Jeanne Harvillier, native de Verbery, prés Compiègne, forcière, dit que fa mère 1'avoit prcfentée au diable dès 1'age de douze ans; c'étoit un grand homme noir,vétu de drap noir; qu'elle eut copulation charnelle depuis ce tems-la avec lui, jufqu'a cinquante ans, ou environ , qu'elle fut prife; que le diable fe prefentoit aelle,quand elle vouloit, éperonné, botté, une épée au cóté, Sc fon cheval a la porte, que perfonne ne le voyoit qu'elle ; qu'elle couchoit même avec lui Sc fon mari, fans que celui-cis'en apereüt. Bodin. Pref. (z) Lorfque les forcières s'oignent, elles difentS: repetent ces mots: Emen-Hecan, Emen-Hetan, qui fignifient, ici(i-la, ici-&-la. De Lancre, p. 391. (?) Un charbennier ayant été averti que fa femme alloit  du Sabbat. 541 qui les avoient prouoncées. II y en a d'aiures qui font ce voyage fans onction & fans paffer par les tuyaux des cheminées (1). Je ne fai point du tout quelle eft la voiture de ceux-ei; je n'ai trouvé aucun éclaircilïement la-deftus. Quoi qu'il en foit, tous les forciers fe rendent au fabbat, même ceux qui font renfermés dans les prifons 3 car on prétend que quelque reffèrrés & enchainés qu'ils foient, ils vont au fabbat comme ceux qui font libtes (1), & qu'ils y mènent avec eux ceux qui veulent bien les fuivre. au fabbat, 1'épia. Une nuit, faifant femblant de dormir profondement, elle fe leva, fe frotta d'une d'rogue, Sc difparut. II en fit autant enfuite, & fut tranfporte par la chcmince dans la cave d'un comte, homme de confidération dans le pays, & la il trouva fa femme. Celle-ci 1'ayaiu apercu, fit un figne, Sc il ne refta que le charbonnier dans la cave, oii étant pris pour un voleur, il avoua tout ce qui s'étoit pa(Té a fon égard, & ce qu'il avoit vu dans cette cave. Delrio, p. 177. (1) Nous fommes certains, par la dépofition de plus de vingt ou trente témoins de bon age, que plufieurs forcières vont aü fabbat, fans être ointes, ni graiffées de chofe quelconque, 8c quelles ne font tenues de paffer par les tuyaux des cheminées t non plus que par autre lieu. De Lancre „ p. 114. 1 (z) Les forcières , .bien qu'elles foient prifonnières, ne laiffent pas de mener au fabbat les enfans au filles qu'ci'.cs Yiij  541 Descriptïo. n Comme il peut arriver qu'une perfonne ne? puilTe quitter fa maifon pour aller au fabbat, paree que, fi elle s'en abfentoit dans de certains tems , il lui en arriveroit quelque dommage; par exemple, fi un mari ne trouvoit pas fa femme; une mère, fa fille; un père , fon fils; un maitre, fon domeftique; le diable prend foin de former une figure qui repréfente cette perfonne, afin qu'elle refte a la maifon pendant que 1'original eft au fabbat (i). Savoir fi cette figure parle, marche, agir comme. auroit fait la perfonne qu'elle repréfente, c'eft ce qu'on n'a pas dit. II faut pourtant le croire ainfi pour 1'honneur de 1'mvention. Imagiuons-nous a préfent que tous les forciers & magiciens, toutes les forcières & magiciennes. font afiembfés, Sc qu'ainfi le fabbat commence'. Confidérons donc d'abord celui qui y préfide, les figures qu'il y prend Sc ce qu'il y fait. Tout le. monde fait que le diable-paffe pour en être le fouverain feigneur; c'eft par fon ordre & particulièrement pour lui, que la fête fe fait; U y ont enfcrcelés ou garés, tout ainfi que fi elles étoient eu iiberté. De Lancre, p. 101. (i) Satan vpulaht tirer fubtilement une filJc d'auprcs dc fa mère, fca faifoit enlever par un,e forcière, mettant fa figure en fa place^.afin que Ia mère ne la trouvat a dire. De Lancre, p. 101.  ï3u Sabbat. 345 commande avec une autorité abfolue; perfonne n'oferoit lui réfifter j fon empire eft alors tout-afait defpotique, aufti ceux qui y affiftent, fe fontils entièrement donnés a lui. La principale forme qu'il y prend, fa figure favorite, c'eft celle d'un grand bouc avec trois ou quatre cornes (i), ayant une longue queue, fous laquelle on voit le vifage d'un homme fort noir (r); & ce vifage eft placé li exprès afin de recevoir des baifers (3):. d refftinble alors a Janus (4). Mais il ne fuffit pas de le faire paroitre fimpleraent én bouc effroyable par fa jftgure & pat fa (il) Au fabbat k diable eft, felon d'autres, comrne mi grand bouc, ayant deux cotnes devant & deux derrière, ou feulement trois. II y a une efpèce dc lurmère dans celle du milieu, de laquelle il a acceutumé d'éclairer. De Lancre, P-' (z) Marie d'Afpilcouette dit, qu'au fabbat le diable étoit en forme de bouc, ayant une queue , & au.dcffous un vifage d'homme noir. Dc Lancre , p. iz8, (3) Le cui du grand maitre avoit un vifage derrière, Sc . „ . 1' 1 ~,Kaifnir. & non le cui. Id. c eit le vaage etc uchii.iv 4""," —-—, 7tf On ajome que fc diable donne un peu d'argent \ chacr.n de ceux qui lui ont baifé te derrière. Monftrelet, t. III, des chroniqueS/c>/...34.LditdcFaris, 15.7'., Rép°nf- am' queft. d'un provinc. t. II, p. 56. (4) Jeannette d'Abadie de Siboro, agée de feize ans, dit que le diable a un vifage devant Sc un vifage derrière U tête, cc mme 011 peint le dieu Janus. Dc Lancre, p.72- Yiv  344 Description grandeur. II faudroit encore quelque chofe qui fentït davam-age le prodige; les auteurs y ont pourvu, & pour cela ils le font fortir fort petit d'une' cruche (i), & enfuite devenir de cette grandeur énorme dont je viens ce parler j & comme on ne fauroit qu'en faire-s'il reftoit ainfi après la cérémonie, -il ren u-era dans la cruche afin qu'on n'en foit point eznbarrafie. La principale forme du diable,, foüverain & grand maitre du fabbat, eft, comme je viens de le dire,'cello d'un grand bouc j je 1'appelle la principale, paree" qu'il ne fe boïne pas tellemeut a cette forme, qu'il n'en prenne de tems en tems quelques autres, felon que-la fantaifie lui en vient & que fes dclTeins 1'exigenr. II fe transforme quelquefois en Un grand lévrier noir, ou en un bceuf (2) bien cornu, ou en un tronc d'arbre ( 3 ), (0 Marie tfAgucrre ag& 8« treize ans, & quelquesautres depofoient qu'aux^alïemblées du fabbat, il y a une grande cruche au milieu, d'oii fort le diable cn forme de bouc; qu'étant forti, il devient fi grand, qu'il fe rendépouvantable, & qUe.le fabbat'flni, il rentre dans la cruche. Id. p. 71. ■ (2.) J'ai vu quelque procedure, étant a la tournelle, qui peignoir le diable an fabbat, comme un grand lévrier noir, par fois comme un grand bceuf d'airain couché a terre, comme un bceuf naturel qui Cc repofe. Id. 71. 0) LapremièrefoisqueManedelaRaldealla au fabbat,  du Sabbat. 345 ou en oifeau noir comme un corbeau (1), mais aulii gros qu'une oie , ou en petits vers (2.), qui courent & ferpentent de tous cótés, ou en bouc blanc, ou en feu, ou enfin en cendres (3 ), dit— on, qu'on a bien foin de recueillir, paree qu'elles ont des propriétés admirables pour faire des maléfices. De toutes ces figures, la plus ordinaire & celle elle vir, le diable en forme de troiïc d'arbre , fans pieds, qui fembloic être dans une chaire, avec quelque forme de face humaine, fort ténébreufe; mais depuis elle 1'a vu fouvent en forme d'homme, tantót rouge, tantót noir; elle 1'a vu fouvent approcher un fer chaud prés des enfans qu'on lui préfentöit; inais elle ne fait s'il les marquoit avec cela. Id. p. 116. D'autres difent qu'au fabbat le diable eft comme un grand tronc d'ajbre obfeur, fans bras & fans pieds, aflis dans une chaire, ayant quelque forme de vifage d'homme grand & affreux. Id. 71. (1) Le diable apparoit quclquefois au fabbat en forme d'un oifeau noir, de la grandeur d'une oie. Id. p. 130. (1) Une forcière dit avoir vu le grand maitre du fabbat fe réduire tout en menus vers. Id. (3) II eft bien vérifé par les confeifions des forcières, que le diable leur fait voir au fabbat un bouc blanc comme neige, qui auflïtót de foi-mêmé devient tout en feu, & eft réduit en cendres. Le"diable commande enfuite aux forciers & forcières de recueillir ces cendres, pour cnforceler Sc faire mourir ks hommes & les bêtes. Le Loyer, p. 401.  54 D E S C R. I P T I O- N qui. impofe le plus, eft la première, c'eft-a-dire* celle d'un grand bouc, ayant rrois cornes & deux vifages. C'eft fous cette forme , ou fous celle d'homme, qu'il fe montre affis fur un tröne (i). Quelquefois ce diable en veut bien aflocier un autre a fon empire (z); il y a dans 1'alTemblée du fabbat un maitre des cérémonies qui tient en fa main un baton cloré (5). (1) Le diable au fabbat eft »ffis dans une chaire ir;irr » avec une couronnc de cornes nobes, deux cornes au cou ,. une autre au front, avec laquelle il éclaire l'alTembiéc, des cheveux herilTés, le vifage pale & troublé, les yeux ronds, grands, fort ouverts, enfiammés & hidcux, une barbe dc chèvre, la forme du cou & de tout le refte du corps mat taillée, le corps en forme d'homme Sc de bouc, les m.ains & les pieds comme une créaturc humaine, fauf que les. doigts font tous égaux. Sc aigus , s;appointant par les bcutSj armes d'on?'cs, Sc fes mains courbécs cn forme d'cifcau dc groie, Sc les pieds en forme d'cic, la queue longue cemme celle d'un ;ine, avec laquelle ilcouvre fes partics hontcufes. Il a la voix cffroyablc Sc fans ton, tient une grandegravité Sc fuperbe, avec une contenance d'une perfonne. mefancotique Sc ennuyée. De Lancre, p. 38?. (z) Deux démons notables préfidoicnr ès fabbats, 1c grand nègte qu'on appeloit maitreLeouard Sc un autre petit diable que maitre Léonard fubrogeoit quelquefois cn fa plaxe , qu'ils appclcnt maitre Jean Mullin. Id. p. izé. (3.) En la procedure d'Uftarits, qui- elt le fiége de la iuftice deLabourt; faifant le procés a Petri Daguerrc agé de  du Sabbat, 347 Le diable commence 1'exercice de fon fabbat, par vilïrer tous ceux & toutes celles qui y font» pour voir li les uns & les autres lui appartiennc-nt, je veux dire s'ils ont de certaines marqués par lefquelles il les a enrölés pour fon fervice. II imprime ces marqués a ceux qui n'en ont point; car puifqu'ils fe font trouvés dans ce lieu, c'eft un témoignage du delTein qu'ils ont d'être des flens. II les marqué, ou aux paupières , ou au palais , ou aux feffes (1J, ou au fondement, ou a 1'épaule, ou entre les lèvres, ou a la cuilfe, ou fous 1'ailfelle, ou aux parties les plus fecrètes ( 2), ou foixante-trcize ans, lequel depuis a été exécuté a mort,comme infigne forcier, deux témoins lui foutinrent qu'il étoit le makredes cérémonies & gouverneur du fabbat; que le diable lui mettoit en main un baton toutdoré, avec lequel comme un meflre de camp, il rangeoit &' les perfonaes Sc toutes chofes au fabbat, & qu'icclui fini, il rendoit ce bacon au. grand maitre de l'aflemblée. De Lancre, p. 12. y. (1) Danasus dit dans fon petit livre de Sortiariis, que le diable, pour s'arfurer de la perfonne du magicien, lui iniprime une marqué, ou fous la paupière , ou entre les felTes,. ou au palais de la bouche, afin qu'elle ne foit pas apenpe dans ces lieux-la. ( C'eft pour cela qu'on rafe. ) (z) Les forciers font marqués entre les lèvres, ou fur Ia paupière, felon Daneau, ou au fondement, ou fur 1'épaule droite; les femmes fur la cuifT';, ou fous 1'aiffellc, ou aux parties. Bodin, p. 164. «  34$ Des chipt!© n a I'ceil gauche (i). Ces marqués repréfentent on un lièvre, ou une patte de crapaud, ou un chat (2), ou un petit chien noir (.3), & font toutes fi infenfibles,quedequelqu'inftrument qu'on lesperce, le forcier n'en fouffre aucune douleur. On leur araïbue encore un autre privilege, c'eft que, tant qu'on les porte, on ne peut rien révéler de ce que les juges fouhaitent favoir (4); c'eft pourquoi les forciers les prient de les démarquer pour pouvoir fe dénoncer eux-mêmes. Outre ces marqués que le diable imprime fun ceux qu'il enróle dans fa milice, il leur donne encore a chacun un nom (5) de guerre. (1) La première fois que les jeunes filles & enfans vont an fabbat, Ie diable, après les avoir fait renoncer dieu, fa vierge, fes faints, &c. Ies marqué d'une de fes cornes dans I'ceil gauche. De Lancre, 143. (i) Le diable marqué !es forciers en un cndroit qu'il rond infenfible; & cette marqué a quelquefois ia figure d'un lièvre, ou d'une patte de crapaud , 011 d'un chat noir. Delrio , p. 199. Cir. (3) Un forcier avoit au dos une marqué qui reffemblok a un petit chien noir. De Lancre, p. 184. (4) On a vu plufieurs forcières qui ont prié les juges d'e faire óter les marqués quelles portoient, difant qu'autrement il n'étoit pas polfible de tirer d'elles aucune vérité «i fecret de leur métier, ld. 184. is) Le diable donne a chaque forssers un nom. Eodin., p. U5.  dv Sabbat. 349 Voila. donc tous les conviés du fabbat, marqués & nommés. Que vont-ils faire a préfent? ils vont chantér (1 ) pour témoigner leur joie, s'il y arrivé de nouvèaux Compagnons. Ceux-ci renoncent a Dieu pour fe donner au cliable (2) avec des cérémonies remplies d'impiété & d'exttavagance. Ceux-la mangent d'une pate (3) ou fe font fucer par le diable le fang du pied gaucfie (4), afin de ne rien révéler de ce qu'il leur (ï) Quand il arrivoi: de nouveau* forciers au fabbat, ou chantoit en figne d'alégrcflc, AUgremonos AUgrcmofqxe gent? nueva tenemos. De Lancre, p. }$S. (2.) Le diable pour les atcirer plus aifement a renoncer a Dieu 8c a 1'adorer, a accoutumé de leur faire toucher un livre qui contient quelques écritures obfcures; puis il leur reprefenre Sc fait voir un abime Sc comme une grande mer d'cau noire, dans laquelle il fait femblantde les précipiter, fi tottt chaudement ils ne renoncent. Id. p. 75., Quand on renonce a Dieu, pour fe donner a Satan, il faut prendre un parrain nouveau Sc une marraine, autres que ceux du vrai baptême. De Lancre, p. 74. (3) Pour ne COnfefler jamais le fecrèt de 1'ccole, cn fait au fabbat une pate de mület noir avec de la poudre de foiede quelque enfant non baptifé, qu'on fait fécher; puis mêlant cette poudre avec ladite pate, elle a cette verru de taciturnité, fi bien que qui en mange , ne confefle jamais. Id. 130. (4) Le diable fuce au fabbat le fang du pied gauche des  35° Descriptïön commande de taire. Les uns font provifion dé poifon (i) qu'on leur diftribue ; les autres s'occupent a palfer la main fur le vifage des enfans (2), dans le delfein de les rendre li troublés & fi-«tourdis, qu'ils puiffent voir tant d'horreurs fans crainte Sc fans iuquiétude. D'autres, après avoir tué des enfans non baptifés , font de leur chair 1'on- forciers, afin de les rendre plus obftinés & plus fermes ane rien réveler. Id. 191. Une forcière die avoir vu le diable percer aux forciers le pied gauche avec un poincon, tirer un peu de fang au deftous du petit doigt &1e fucer, afin qu'ils ne confeflent rien de ce qui concerne Ie fortilège. Id. j5 j. (1) Une forcière dit avoir vu faire'cent fois du poifon j lcquel fe diftribue au fabbat parrhi les infigncs forcières j ainfi que d'autres poudres; lequel poifon fe fait, non ès maifons particulières, rhais au fabbat. De Lancre, p. 94 O) Tous les enfans qui font menés au fabbat par des forcières^ dépofent firhplement qu'elles leur ont pafle la maiu par le vifage ou fur la tête; mais ils ne difent pas qu'elles aient les mains ointes ni graiffées; bien, difent-ils, que tout auffitöt qu'elles leur ont ainfi pafle la mam, qu'ils font troublés & éperdus, ou bien quand elles leur ont baillé a manger quelque pomme ou quelque morceau dc pain dc millet noir, & que ia nuit enfuivant elles ne faillent d'aller chez eux les enlever, encore qu'ils foient dans les bras de leurs pères & mères, fans que perfonne fe puiffe éveillch ld- p. I I J.  t) u Sabbat. 3 5 ï guent (1) dont ils fe fervent pour leurs voyages Sc leurs transformations. En voici que de petits diables fans bras (2) jettent dans un gtand feu, & qui après quelque rems en font fortis fans avoir reffenti aucune douleur. On en voit plulieuts qui rendent un compte exad des maux qu'ils ont faits (3); plus ils ont (1) Satan pourroit bien faire fes tranfports fans onguent; mais il y ajoute cette méchanceté fuperflue, pour donner volontc & moyen aux forciers de tuer force enfans, leur perfuadant que fans eet onguent, il n'eft pas poflible qu'elles fe tranfportent au fabbat, & il veut qu'il foit compofé de chair d'enfans non baptifés , afin que ces enfans innocens, étant privés de vie par ces méchantes forcières, ces pauvres petites ames demeurent privées de la gloire du paradis. Id> 1 ï 1, (i) Une forcière dit avoir vu au fabbat plufieurs petits démons fans bras, allumcr un grand feu, y jeter des forcières, & les retirer fans douleur. Id. 135. Au fabbat, le diable perfuade aux forciers que la crainte 'de i'enfer qu'on appréhende fi fort, eft une niaiferie, 5r leut donne ?. entendre que les peines étetnelles ne les tourmen teront pas davantage, que certain feu artificiel, qu'il leur fait cauteleufement allumer, par lequel il les fait pafler & repaffer, fans fouffrir aucun mal. Id. I17. (3) Au fabbat les forciers font obligés dc rendre compte de tous les maux qu'ils ont faits; & s'ils n'en ont point fait, ou d'aflez grands, le diable ou quelque vieux forcier ks chfkie rigoureufement. Delrio , p. 173.  552 Descripti-on été méchans, plus ils font loués, eftimés & ap- plaüdis. La jolie chofe que de voir des crapauds danfer! c'eft ce qu'on voit (i) toujours au fabbar. Ces crapauds parient & font des plaintes contre ceux qui n'ont pas pris foin de les bien nourrir. Ces animaux font fort confidérés dans la magie; les enfans font chargés de les garder & de les mener paitre. Un forcier veut-il du mal a quelqu'un qui n'eft pas enrölé comme lui dans la milice du diable ? Etant au fabbat, il prend fa figure ( x ), afin qu'il y ait dans la fuite des' témoins qui alfurent 1'y avoir vu, & qu'ainfi il puiffe auffi' paffer pour forcier & être puni. Le feftin fuit; mais quel feftin! les mets qu'on y fert conviendroient mieux a des chiens qu'a des hommes (5 ).. Que dis-je, a des chiens? ces mets (1) Quelquefois les crapauds vont devant les forcières danfant avec mille fortes de figures; & accufent leurs maltres & maitrefles de ne les avoir pas bien nourris. De Lancre. p. 3?i. (2) Les forciers qui vculent mal a quelque perfonne, lorfquellcs font au fabbat de nuit, ont pouvoir de reprefenter la figure de celui auquel elles veulent mal. Mais la figure ne bouge point; & le diable fait & forme Iadite fi