LEGAAT C. N. WYBRANDS EN N. WYBRANDS-DE WIT 01 1088 4103 UB AMSTERDAM  LETTRES FAMILIE RE S DE M. WINCKELMANN. PREMIÈRE PARTIE.     LETTRES FAMILIERES DE M. WINCKELMANN.1 PREMIÈRE PART1E. A AMSTERDAM, Et fe vend a Paris. Chez Couturier fi!s, Libralre, Quai & prés les Grands Auguftins, au Coq. M. DCC. LXXXI.   PRÉFACE DU TRAD U C T E U R, R i e n de ce qui vient de M. Winckelmann ne peut être indifferent aux Amateurs des Beaux-Arts & de lAntiquité. Les Lettres de ce Savant célébre dont nous donnons la traciu&ion, outre plufieurs particularités intéreffantes touchant les Arts, les Artiftes & les Monumens anciens découverts pendant fon féjour a Rome, nous offrent des détails curieux fur fa vie é-galement propres a nous faire connoitre fon cara&ere, & a nous tracer la marche qu'il a tenue pour parvenir a ce degré de favoir & de goüt qui font 1'étonnement de tous ceux qui étudient véritablement fes ouvrages. Ces détails font d'autant plus précieux qu'ils peuvent fervir a encourager ceux qui, tour* mentés du befoin de s'inftruire & de parvenir a la connoiffance du Beau, fe trou-' vent arrêtés dans leur carrière par la fortune & par les circonftances. On verra dans ces Part. I.  ij PRÉFACE Lettres M. Winckelmann, combattant tous les obftacles qui s'oppofoient a fon avancement , méditer Homere & Sophocle dans le filence de la nuit, après avoir paffe toute la journée a remplir le rébutant emploi de Maitre d'Ecole, ou a copier de vieux titres & de vieilles chroniques; on le verra fans fecours, fans appui, fans enfeïgnement, parvenir , dans un age déja avancé, a un point quile met au-deffus de tous fes prédéceffeurs, & qui peut-être fera le défefpoir de tous ceux qui tacheront de le fuivre dans la même carrière. La première Partiede ces Lettres, eontenant celles que M. "Winckelmann a écrites \ fes Amis en Allemagne, a été publiée par les foins de M. DafTdorf, Bibliothécalre de la bibliothéque Electorale a Drefde, qui les a enrichies de plufieurs Notes curieufes & favantes. La feconde Partie, qui renferme celles a fes Amis en SuifTe, parut en 1778 a Zurich, chez les MM. Orell, GefTner, Fuesflin & Compagnie. Nous avons eu le bonheur d'en découvrir quelques autres qui n'avoient pas encore paru, & que les per-  DU TRADUGTEUR* iij fonnes a qui elles font adreffées ont bien voulu nous communiquer; préfënt dont Je Public ne peut que leur favoir gré; car ces Lettres, qui forment la fin de la feconde Partie, ne font fans doute pas des moin» intérelfantes de ce Recueil. La Lettre a M. L» R. V» H., qui fe trouve a la page 172 de la première Partie, eft tirée de la Bibliothéque des Beaux-Arts qui s'imprime en allemand a Leipfig. C eft dans ce mime ouvrage périodique que nous avons pris les Remarques fur l'Architeclure de Vancien Temple de Girgenti en Sicile, qui forment la fin de la première Partie de ces Lettres» Nous avons cru faire plaifir au LecT:eur de finir la feconde Partie par 1'Extrait traduit d'une Lettre de M. H. Fuesfli au Tradu£leur Allemand des Recherches Jur les Beautés de la Peinture de M. TPebb j morceau qui nous a paru d'autant mieux placé ici, qu'il peut fervir de fuite a la Notice de M. Winckelmann fur ce qu'il y a de plus curieux a voir a Rome, qui le précede.; & que Fuesfli a porté dans 1'examen & la defcription des ouvrages de TArt le même a 2  lv P RÉF ACE efprit que M. Winckelmann, qui avoit Ia plus haute eftime pour la perfonne & pour les talens de ce Savant Zuricois. Nous nous fommes procuré aufïi 1'Eloge de M. Winckelmann fait par le célebre M. Heyne, Profefleur d'Eloquence &de Poéfie a Gottingen, 1'Ami de notre Auteur & fon digne Emule tant dans la connoiffance des langues favantes que dans celle de 1'Antiquité. II ne nous refte plus qu'a faire obferver •que nous avons cru devoir rejetter une trentaine de lettres 6c retrancher quelques paffages des autres, afin d epargner au Lecleur des répétitions inutiles & des faits particuliers qui n'offroient aucun intérêt. Si ce. Recueil eft recu favorablement du Public, comme nous avons lieu de 1'efpérer, nous nous occuperons a en donner une troifieme Partie. Nous nous propofons auffi de publier fous peu un petit Ouvrage de M. Winckelmann intitulé : Remarques fur VArchiteclurt des Anciens, qui nous a paru du plus grand intérêt; ainfï que ia feconde Lettre fur les De'couvertes d'Herculanum 3  DU TRADUCTEUR. v laquelle, fuivant 1'Auteur même, eft infiniment plus curieufe que la première, dont la tradu&ion a paru il y a quelques années. M. Winckelmann étoit né a Stendal dans la vieille Marche de Brandenbourg. Après avoir été pendant fept ans Profefleur au Collége de Seehaufen prés de SalrVedel, il paffa en Saxe, oü il fit un féjour de fept autres années, & fut le Bibliothécaire de M. le Comte de Bünau a Nothenitz. C'efl dans ce temple des Mufes que M. Winckelmann, né avec toutes les qualités d'un excellent Bibliothécaire, acquit des connoiffances très-étendues en tout genre de litrtérature. Ayant quitté en 17^4 le féjour de Nothenitz, M. "Winckelmann fe rendit a Drefde, ou il fe lia avee les plus habiles Artiftes & particuliérement avec M. Oëfer, Peintre excellent & 1'un des plus grands Deffina^teurs de nos jours. Ce fut cette même année 17^4 que M. Winckelmann abjura le Luthéranifme pour embralfer la Religion Catholique Romaine. En Septembre de 175;, il partit pour Plta- a y  vj P R É F A C E lie } & arriva a Rome le 7 Décembre de Ja même année. Son principal but en faifanc ce voyage étoit de voir la bibliothéque du Vatican & d'examiner les ruines d'Herculanum. Depuis cette époque il fera facile au Letleur de fuivre lui-même, dans ces Lettres la vie fimple & laborieufe de M. Winckelmann, & fes différentes excurfions lit* téraires a Naples, a Florence, &c. En Avril 1768 M. Winckelmann quitta Rome pour fe rendre avec M. Cavaceppi en Allemagne & en SuuTe. Arrivé a Vienne3 M. Winckelmann, fenfible a 1'accueil gracieux qu'il recut dans cette capitale, & comblé d'honneurs & de préfens, s'y arrêta plus long-temps qu'il ne fe 1'étoit propofé. Saifi tout-a-coup d'une inquiétude fecrete & d'une envie extraordinaire de retourner a Rome, il reprit le chemin de 1'Italie, en remettant a un autre temps le projet de voir fes Amis d'Allemagne. Mais, hélas! ils n'ont pas joui de ce bonheur. En paffant par Triefte M. Winckelmann y fut affaffiné le 8 Juin 1768 par un fcélérat nommé Arcan-  DU TRADUCTEUR. vij geli, natif de Campiglio, ville du territoire dePiftoia, dont il avoit fait la connoilfance en route. Nous n'entrerons point icidans les détails de cette trifte cataftrophe, en nous contentant de dire qu'au milieu de la plus violente douleur, caufée par cinq coups de couteau qu'il avoit recus, M. Winckelmann conferva toute la fermeté d'un Héros & toute la réfignation d'un Chrétien; & qu'il lui refta encore affez de force pour recevoir tous les fecours fpirituels & pour dider fon teftament, par lequel il nomma le Cardinal Alexandre Albani fon Légataire univerfel. Quelques-uns de fes manufcrits pafferent a Vienne, oü 1'on annonca dès-lors 1'édition refondue de fon Hiftoire de VAru Le projet de M. Winckelmann, en fe rendant en Allemagne, étoit de faire traduire eet ouvrage en francois a Berlin, par M. Touffaint, Auteur du livre des Mceurs, pour le faire imprimer fous fes yeux a Rome. Sa mort empêcha 1'exécution de ce projet. Nous allons être dédommagés de cette perte par la tradudion que M. Huber, fi avantageufement connu dans a 4.  vlij PRÉFACE DU TRADUCT. la République des Lettres, doit nous donner en trois volumes in-quarto de YHiftolre de l'Art, avec des vignettes & des culs-delamps exe'cutés fur les delfins de M. Oëfer. Cette édition, qu'on ne peut trop encourager, devoit déja paroitre a Paques. On vient de publier a Milan une traduaion italienne de eet Ouvrage , faite par une focie'té de Gens de Lettres.  É L O G E D E Mo VINCKELMANN PAR M. HEYNE, COUSEIZZER INTIME DE ZA COUR EZECTORAZE DE BrUNSWIC ET PROFESSEUR D'ÊZOQUENCE ET DE PoÊSIE A GoTTINGEN , QUI A REMPORTÉ LE PRIX PROPOSÉ PAR ZA SOCIÉTÉ DES AnTI- QuAires de Hesse-Cassel. Et dubitamus adhuc virtutem extendert fattis. TKADUIT DE L'ALLEMAND.   EL O WM DE M. WINCKELMANN. JL/a demande qu'on a faite en propofant 1'Eloge de M. Winckelmann, qu'on y répondit en mêmetemps a cette queftion : Ou & a quel degré ce Savant trouva-t-il 1 etude de 1'Antiquité ? & a quel poiht laifla-t-il lui-même cette Science ? nous fait connokre avec plaifïr que 1'objet princlpal de cette iiluftre Société eft de déterminer quel eft le mérite auquel M. Winckelmann eft parvenu dans la connoiflance de 1'Antiquité, & quelle influence il a eu par-la fur fon liécle. Sous ce point de vue 1'Eloge de M. Winckelmann peut devenir très-utile & de la plus grande importance pour 1'étude de 1'Antiquité en général. Car il n'eft que trop connu que jufqu a préfent on s'étoit peu foucié de favoir quel doit être le vrai but de cette étude, ou a quel point elle a été portee, & quel chemin il nous refte encore a y faire. Ceft a cette doublé queftion que je tacherai de fatisfaire, en m'occupant plutöt a fuivre M. Winckelmann comme un Scrutateur de TAntiquité & comme un ConnoiHeur de PArt chez les Anciens qua faire 1'hiftoire de fa vie; en rapportant tout a 1'étude de 1'Art & a 1'influence  Xlj É L O G E qu'il y a eu & qu'il peut encore y avoir. Je ne prendrai donc point le ton de Panégyrifte; je ne chercherai point a flatter 1'oreille : futilité feule fera le but que je me propoferai. L'étude de 1'Antiquité, & particuliérement celle des anciens ouvrages de 1'Art, exige la combinaifon d'une infinité de connoiflances, une grande force d'efprit & des circonftances heureufes qui fe trouvent rarement enfemble. De même que le Naturalifte doit connoitre & [avoir p/éfent a fa mémoire,dansunordreméthodique, tous les objets que préfente la Nature , & que le Littérateur doit embrafler d'un coup-d'ceil toutes les productions du genre de Littérature auquel il fe confacre; de méme 1'Antiquaire doit avoir une connoifTance parfaite de tous les monumens de 1'Antiquité , fuivant les diflérens degrés de leur importance; i laquelle il doit joindre 1'aptitude d'expliquer tous ces objets & de déterminer 1'art, le fiécle, 1'authenticité & le mérite de chacun en particulier. Quelles études immenfes ne demande point cette connoifTance ? II faut que 1'Antiquaire pofTéde fhiftoire ancienne en général, & celle de Rome & de la Grece en particulier; il doit avoir fouillé dans la nuit des fiécles les plus reculés; étre pénétré des idees & des mceurs des temps héroïques; ne rien ignorer de tout ce qui tient aux différentes parties de la Fable & de la Mythologie ; après quoi il faut qu'il paffe a Fhiftoire de  »É M< Winckelmann. xlij 1'Art, des Artifl.es & des ouvrages de f Art dans toute fon étendue; & comme il le voit fouvent forcé de tirer des éclairciflemens des Médailles & des Infcriptions , dont la connoiflance tient d'ailleurs fi intimement a celle de la Sculpture, il ne peut fe pafler d'en faire une étude profonde. Pour parvenir dans toutes ces fciences a un certain degré de perfeclion , il doit préalablement avoir fait une leéture immenfe & raifonnée des meilleurs Auteurs anciens Grecs & Latins, & particuliérement des Poëtes; & pour tirer quelque fruit de cette ledure, il eft néceflaire qu'il foit doué d'une Critique éclairée dans les langues favantes & d'une grande familiarité a les expliquer. Mais a cette vafte connoiflance de la Littérature ancienne, il doit joindre encore celle des principes de: la Peinture, de la Sculpture & de l'ArchïteCture, & la partie méchanique de ces arts ne doit même pas lui étre tout-a-fait étrangere. II faut enfin qu'il ait beaucoup vu, qu'il fe foit formé des idees juftes par la contemplation des meilleurs ouvrages de 1'Art, tant anciens que modernes,'& qu'il n'ignore rien de tout ce qui a été penfé & dit fur ce fujet. Au milieu de cette mer de fciences fon efprit doit conferver toute fon énergie & toute fa fraïcheur, pour examiner, comparer & juger ; & le fentiment du Beau , du Vrai & du Grand doit s'être épuré chez lui par Ia nature, par 1'étude & par une longue méditation. Un .coup-d'ceil jufte  *»> Ê L O 6 t, & sur, une imagination ardente & prompte I s'enflammer, mais accoutumée a obéira l'efprit^ une mémoire vafte & heureufe, jointe au don de diftinguer facilement 1'analogie & le rapport des chofes, & den affigner les diffërences, un goüt de'licat & épuré, qui dans chaque fie'cle & dans chaque fiyle refte fidele a la Nature, au Vrai & au Beau : voila quelles font les qualite's cara&ériftiques d'un efprit que la Nature a deftiné a étre un Antiquaire. II faut de plus quW e'toile propice y ait joinÉ encore d'autres avantages. On trouve bien partout les anciens monumens épars; mais on ne les voit jamais tous raflemblés dans un même lieu. Ce n'eft pas 1'Italie feule, mais l'Angleterre, 1'Efpagne, la France, 1'Allemagne, que 1'Amateur qui veut tout voir doit vifiter i. & alors même be aucoup de chofes lui refteront encore inconnues. Cependant 1'Antiquaire , tel que nous le concevons ici, doit au moins avoir vu & étudié les plus beaux ouvrages de 1'Art, & setre formé des autres une connoifTance hiftorique qu'il peut acque'rir par les deflins, les gravures, les copies, les patés & les defcriptions. De toutes ces qualités que peuvent donner Ia nature, 1'amour de favoir & des circonftances heureufes, M. Winckelmann en pofTédoit peut-être plus que n en a jamais eu aucun Antiquaire. La Litte'rature greque & latine , ainfi que Ia Critique  de M. Winckelmann grammaticale des langues lui étoient devenues plus familieres qu'elles ne 1'avoient été jufqu alors aux Amateurs de 1'Antiquité, tant par fes études comme Difciple que par les enfeignemens publics qu'il donna lui-même comme Profefleur ; car la Littérature greque, qui eft 1'ame & le flambeau de la fcience de 1'Antiquité, eft rarement Ie partage de ceux qui fe piquent de 1'étudier. Ce feul avantage fuffifoit déja pour diftinguer en plufieurs occafions M. Winckelmann des Antiquaires de 1'Italie. II avoit lu les meilleurs Auteurs anciens, il avoit formé fon goüt fur celui des grands modèles de la Grece, il s'étoit rempli 1'imagination des tableaux d'Homere & de Platon, il avoit accumulé un tréfor de connoiflances mythologiques , hiftoriques Sc poétiques, même avant qu'il eut fongé a les appliquer aux ouvrages de 1'Art des Anciens. Le loifir dont il jouit enfuite dans une grande & belle bibliothéque fervit a lui donner une profonde érudition même dans les ouvrages de plufieurs langues modernes; & la folitude , la beauté du lieu qu'il habitoit, les rêveries platoniciennes dont il nourriflbit fon efprit; tout fervit a préparer fon ame a 1'enthoufiafme que lui infpira Ia vue des chefsd'ceuvre de TArt, & a le guider dans 1'étude qu'il en fit. Ses premiers pas dans cette carrière annoncerent un homme de génie; mais quel concours de circonftances ne fallut-il pas pour développer le germe qui repofoit en lui? La magnifique galerie  xv) / e L o q e de tableaux de Drefde & le cabinet d antiques de cette ville ; la converfation des Artiftes & des Amateurs, enfuite fon voyage k Rome, le féjour qu'il y fit, 1'amitié de Mengs, fa demeure dans les palais & les maifons de campagne du Cardinal Alexandre Albani , fa place méme de Scrïttore au Vatican & celle de Préfident des Antiquités,furent autant d'avantages qui fervirent a lui procurer des matériaux ou a lui en faciliter lufage pour 1'exécution du projet dont fon efprit laborieux étoit alors uniquement occupé. Maïtre abfolu de fon temps, il vivoit dans une entiere indépendance qui eft Ia vraie fource du génie, en fe contentant d'une vie frugale & réglée, & ne connoiflant d'autres paffions que celles qui pouvoient enflammer davantage fon efprit ardent. Une ambitionactive 1'aiguillonnoit fanscefle, quoiquil enerchat quelquefois a Ia couvrir d'une apathie ftoïque. S'il falbit ici faire connoitre le caractere moral de M. Winckelmann, il feroit peut-être facile de tirer de ce que nous venons de dire, ainfi que de fes premiers pas dans le monde, de 1'influence de 1'étude & des difFérentes circonftances oü il fe trouva , une entiere folution des qualités extraordinaires de ce grand homme. Mais nous ne devons nous arrêter pour le moment qua ce qui tient uniquement a 1'Antiquaire & a ce qui le caractérife. — Une imagination prompte & actiye jointe a une excellente rnémoire lui fixent tirer des grands fruits de fon étude  de M. Winckelmann, xvïj étude des ouvrages des Anciens; & un zèle.foutenu & infatigable le conduifit naturellement a des découvertes que perfonne n avoit encore faites avant lui. De la maniere dont on avoit dirigé en général jufqu'alors 1'étude de 1'Antiquité, il étoit impoffible de donner a cette fcience une forme réguliere & d'en compofer un tout. Après la renaiflance des Lettres, on commenca d'abordpar s'occuper de la Topographie de Rome, & pendant long-temps les Infcriptions firent la feule ou du moins la principale occupation des Savans. D'autres fe bornerent a la connoiflance des Médailles; d'autres encore n'eurent pour objet que les Vafes & les Uftenciles, ou bien les Mceurs & les Ufages des Anciens ; fouvent on fe contentoit d'une nomenclature latine des chofes les plus communes ; & lors même qu'on commenca a fonger au véritable Antique , ceft-a-dire, aux ouvrages de 1'Art des Anciens, on ne penfapasau tout, mais on s'arrêta feulement a quelques objets particuliers. II feroit naturel de croire que les Italiens auroient été les premiers aétudier &adécrire les grands&magnifiques ouvrages qu'ils ont chezeux, tels que le Laocoon, 1'Apollon, la Niobé, &c, mais c'eft ce qu'ils n'ont pas fait. Ils nous ont donné des diflertations aufll longues qu'ennuyeufes de petites figures & d'idoles de bronze qui n'offrentpas le moindre intérêt. Les explications & les e'clairciflemens même que nous Part. L {,  XVlij É £ O G H avons deux combiennesecartent-ils point prefque tous du but & du goüt qui marquent un Connoifleur éclairé? La première regie de la fcience de lantique doit être de juger les anciens ouvrages de 1'Art avec 1'efprit & dans 1'idée que les anciens Artiftes ont exécuté ces ouvrages. II faut dont chereher a fe' tranfporter dans le fiécle & parmi les Contemporains de ces Artiftes, a fe péne'trer de leur efprit & de leur talent, & tacher de connoïtre, autant qu'il eft poffible, le but qu'ils fe font propofé; en regardanc, par exemple , d'un ceil différent un ouvrage particulier & un monument public, une copie & un original, une production des premiers temps & un chef-d'ceuvre des beaux liécles de 1'Art. La connoiffance de 1'Art, de fon origine & de la maniere de le traiter eft donc Ia première chofe que doit pofféder un Antiquaire, lorfqu'il veut examiner & éclaircir quelqu'ancien monument. II faut aufli qu'il ait préfent a fa mémoire toute la Fable,c'eft.a-dire, qu'il fache faifir 1'idée des fujets que les Artiftes aiment a repréfenter; & fi cela ne fufHc pas, il doit confulter les autres Mythologies, les différens Cultes religieux & 1'Hiftoire , pour tacher d y découvrir 1'éclairciflement du fujet qui 1'occupe; & lorfqu'il a trouvé ce qu'il cherche, il ne doit pas prodiguer plus d'érudition qu'il eft néceffaire pour en faciliter Pexplication aux autres. S'il ne trouve rien qui ait quelque analogie avec 1'idée de 1'Artifte,  Dfi M. Winckelmann. xix fans .s'étendre alors en differtations inutiles, il faut qu'il fe contente de dire en peu de mots pourquoi il ne peut pas donner cette explication. Mais il en eft tout autrement de la plupart des Antiquaires : ils prennent au hazard quelques penfées qu'ils appliquent bien ou mal k propos au monument dont ils veulent parler, fuivent les fyftêmes recus de la Mythologie & de 1'Antiquité; copient des citations inutiles ou qui ne prouvent rien j fans avoir méme une connoiftance afTez approfondie des langues & de PAntiquité, pour comprendre la penfée des anciens Auteurs ou pour faifir 1'efprit des anciens ouvrages de 1'Art. Le plus fouvent ils ne difent pas un mot du mérite que 1'Art donne a ces ouvrages; jamais ils ne parient de leur grandeur ni de leur moindre application. Des compilations indigeftes, fans favoir , fans goüt & fans jugement, voila ce qui compofe la plupart des livres qui parient de 1'Antiquité. M. Winckelmann alluma au milieu de Rome le flambeau de la faine étude des ouvrages de 1'Antiquité. Nourri de 1'efprit des Anciens, exercé dans la bonne critique, verfédans la connoilTance grammaticale des langues favantes, accoutumé a puifer a la fource même & a faire une leéture comparée des Auteurs Grecs, familiarifé avec les Poëtes & avec leurs Fables, il lui fut facile de porter plus de certitude dans fes explications Sc dans fes conjedures même. II renverfa un grand i 2  XX £ L O G E nombre de principes arbitraires & d'anciens préjuge's. Son plus grand mérite eft davoir indiqué a 1'étude de 1'Antiquité fa vraie fource , qui eft la connoiflance de 1'Art. Comme aucun Artifte n'avoit encore écrit fur les anciens ouvrages . de 1'Art, mais feulement quelques Savans qui a peine en avoient une connoiflance fuperficielle ou un foible fentiment, on n'avoit jufqu'alors regardé comme digne de confidération, que quelque particularité de la Mythologie, quelque cérémonie ou quelque ufage inconnu, ou tout au plus 1'explication de quelque paflage d'un ancien Auteur qui y avoit plus ou moins de rapport; fans que le plus favant Antiquaire fongeat a tourner fes regards fur 1'origine de 1'Art, ni fur la maniere de Ie traiter & de 1'exécuter. M. "Winckelmann porta avec lui en Italië Ie fentiment du Beau & de 1'Art, fentiment qui lui fit d'abord admirer les chefs- d'eeuvre du Vatican , & avec Iequel il commenca a les étudier; de forte qu'il aggrandit bientöt fes connoiffances; & ce ne fut qu'après avoir ainfi épuré fon goüt & concu 1'idée du Beau idéal, avec laquelle il s eleva jufqu'a 1'infpiration , & pénétra dans les plus grands fecrets de 1'Art; ce ne fut qu'alors, dis-je i qu'il commenca a. penfer a la recherche & a 1'explication des autres monumens, travail dans Iequel il ne pouvoit qu'efpérer de fe diftinguer par fa grande érudition. Pendant ce même temps un autre Savant im-  de M. Winckelmann. xxj mortel traitoit de la même maniere, en de§a des Alpes, la fcience de 1'Antiquité. Le Comte de Caylus avoit une connoifTance profonde & étendue des Arts, il en polTédoit le méchanifme, il deflinoit & gravoit fupérieurement bien ; talens qui ont donné a tous fes ouvrages un mérite fingulier. M. Winckelmann qui n'étoit point doué de ces avantages, avoit d'un autre cöté accumulé une vafte érudition clalïique que n'avoit point le Comte de Caylus; & tandis que celui-ci s'occupoit de petits objets dont il nous a donné de fi excellentes explications , M. Winckelmann avoit fans ceïïe fous les yeux a Rome les plus grands monumens de 1'Art chez les Anciens. Cette même érudition claffique qui mettoit M. Winckelmann fi fort au-deflus des autres Antiquaires, lui facilita les moyens de remplir fon plan principal , d'écrire YHiftoire de 1'Art, II chercha long-temps avant d'en faifir la jufte idéé $ & ce ne fut qu'après plufieurs elTais qu'il trouv^ enfin la bonne route, comme on peut le voir par les lettres qu'il a écrites a fes Amis. II commenga d'abord par un petit ouvrage fur le goüt des Artiftes Grecs; tantöt il vouloit donner la defcription des Galeries de Rome & de 1'Italie; tantöt celle des Statues du Belvedère; enfuite il entreprit de traiter de la Corruption du Goüt dans 1'Art, de la Reftauration des Statues, ou bien de 1'éclairciflement des Points les plus difficiles de la Mytholo-  xxi) É z o ö £ gie. Tous ces différens eflais le conduifirent enfin a faire fonMJloire de VAn & l donner fes ilfc^ tneduu Cependant on peut dire que ce premier ouvrage na même pas encore dans fon plan général & dans la divifion des Parties & des Objets toute la clarte & toute la précifion qu'on pourroit defirer; quoiqu il embrafTe d'ailleurs tout ce qui peut être effentiel a 1'étude de 1'Antiquité, & qu'il en eft réfulté lefrmtheureux, que les idéés, tant des Antiquaires que des Amateurs de 1'Antiquité, fe font aggrandies & etendues en même-temps fur tout ce qui tient a 1 Art. Une petite pierre gravée de Peu d'importance, un magot de bronze, une vieille clef ne fixent plus aujourd'hui toute 1'attention d'un Savant & ne le conduifent plus a des conjeöures auflifauffesquepuérilespourdonner è ces bagatelles une valeur qu'elles n'ont point. Chaque morceau delAntiquité, chaque claffe , chaque efpece eft cftimé fuivant fon importance & fon utifité • on ne préfere plus ce qui eft rare a ce qui eft beau; les petites chofes ne font plus regardées que comme de petites chofes, néanmoins on fait en tirer quelque avantage è Ia place qu'elles méritent d'occuper. La defcription des Pierres gravées & des Patés du Cabinet de Stofch ne contribua pas peu è étendre les connoiffances que M. Winckelmann avoit acquifes en ce genre. Peu d'hommes jouifTent de 1'avantage d'avoir fous lesyeuxd'auffi grandes collediions -d'antiquités; quoique les empreintes que Lippert  BE M. WlNCKELMANN. xxüj npus a données des Pierres gravées, aient facilité aux Savans & aux Amateurs les moyens de mieux eonnoïtre & de mieux étudier la Beauté des antiques qu'ils n'avoient pu le faire jufqu'ici par de (imples gravures. Ces empreintes ont fervi auffi k étendre Sc a aggrandir confidérablement les idees de 1'Art 8c du Beau, & même 1'étude entiere de 1'Antiquité a recu par-Ia un nouveau jour. C'eft par les Pierres gravées qu'on peut parvenir a apprendre la Fable des anciens Artiftes, & combien ces Artiftes étoient féconds en idéés, Le défaut de la connoiflTance contemplative du Beau que doivent fe donner ceux qui ne peuvent aller vifiter Rome & Florence, fe trouve en quelque forte r.éparé par les colledions d'empreintes femblables a. celle de Lippert. Le Comte de Caylus a connu aufli le prix de cette efpece d'art : outre les pierres qu'il avoit dans fon propre Cabinet, il deffina & grava a 1'eau-forte celles du Cabinet du Roi de France. C'eft fur-tout par fes Monumenti inediti que M. Winckelmann paroit avoir cherché a. méritec l'eftime des Antiquaires. On remarque facilement dans eet ouvrage qu'il s'eft donné beaucoup ds peine a inontrer une grande érudition, & a donner 1'explication d'anciens monumens & particuliérementde bas-reliefs, dont on avoit regardé jufqu'alors Téclairciflement comme impoffiblè. II femble qu'ilaitvoulu s'y conformeraugoüt desltaliens, en faifant une plus grande parade de favoir qu'il nétoif  Xxlv Ê Z. O G E néeeflaire. Si Ia mort ne 1'eüt pas prévenu, nouS aunons un ouvrage qu'on defire depuis W. temp, favoir, une colleftion auffi complette qu'il •ft poffi-bie des bas-reliefs dccouverts du temps de Santz Bartoli, ainfi que d'autres monumens anciens trouvés dan, ces derniers temps, & dont la plupart des principaux appartenoient au Cardinal Alt-xandre Albani. Je ne m'arréteraipoint icï aux petits ouvragesde Win<*elmann qui tous ont contribué k 1'avancejent de 1'étude de 1'Antiquité & i la connoiffance du Beau, tant dans les idéés qUe dans leur exécution, & qui on£ fervi en particulier k développer de plus en plus ]e germe du bon . qq Allemagne, & a y exciter même quelques Savans a le livrer k cette étude. LWhoufiafme & Ja chaleur avec lefquels il a parlé de Ia Beauté idéale du Torfe, de 1'ApolIon & d'autres grands ouvrages des Anciens, aexcité 1'attention de notre jeunefle & lui a mfpiré le ïentiment du Beau. On devoit naturellement s'attendre que ces efforts produiroient beaucoup d'écarts; mais au milieu de ces écarts méme, il a paru quelques génies qui fe font devés d'un vol heureux , & qui fans cela auroient, comme les autres, rampé fm la terre. La mort tragique de M. Winckelmann eft une perte pour Ia fcience de 1'Antiquité & pour-l'Art ainl, que pour 1'érudition ancienne engénéral; perte' qui nous arrache encore en ce moment des lar-  t>s M. Winckelmann. xxv Bies. Cependant on peut douter fi ce grand génie étoit deftiné a jetter dans la fuite une auffi grande lumiere fur 1'Art qu'il 1'avoit fait jufqu'alors. Pendant les dernieres années de fa vie il avoit appliqué toute Ia force de fon efprit a éclaircir & a expliquer des anciens monumens qu'on avoit regardé comme n'étant fufceptibles d'aucune explication , & qui, en effet, ne le font pas non plus pour Ia plus grande partie. Frappé fans doute par 1'influence du climat de l-'Italie, comme il paroït par fes Monumenti ineditï, il fe livra dans la fcience de 1'Antiquité a Tart du preftige & de la devina*ion; il commenea a ne plus expliquer mais k deviner; il ne fut plus un Commentateur des ouvrages des Anciens, mais une efpece de Voyant ou de Prophete. Son imagination ardente ne lui permit pas toujoursde faire ulage de laréflexion & dun jugement fain; & ce fut cette imagination brillante qui, fuivant la marche de lefprit humain, fit regarder a M. Winckelmann les chofes qu'il n'avoit d'abord que foupconnées ou jugées poffibles, comme des ctres réels & véritablement exiftans, auxquels il ne faifoit qu'appliquer les nouvelles idéés qui lui furvenoient, paree qu'il les y croyoit analogues» Ceft de cette maniere qu'il trouva des analogies & des explications que perfonne n'avoit foupgonnées avant lui, & des refiemblances & des beautés -que d'autres yeux ne pouvoient découvrir. II réfulta encore un plus grand préjudice dé  mJ É t o e , S cette maniere de voir de M. Winckelmann & de fon léjour en Italië : k mefure qu'il faifoit des progrès dans la connoiflance des caraöeres. de 1'Art des monumens, il faifoit des pertes dans la.littérature & dans 1 erudition claffique. Le fond de fes remarques, tirées des Anciens & particuliérement des Grecs, e'toit en quelque forte épuifé; il n'avoit . t™ 1C teraps Qe ure, & les moyens nécefTaires lui en manquoient même ; de forte qu'il fut oblige' d'y fuppléer par une me'moire trompeufe & par une imagination fantafque. On eft furpris en voyant la note des livres clafïïques dont il a fait ufage combien les bonnes e'ditions lui ont manqué., Combien la leéture d'un Hérodote, d'ün Thucidide ne doit-elle pas lui avoir été pénible? puifqu'il n'avoit poinf d'autres éditions de ces livres que celles des Etiennes & de Balie, qui fouvent meme ne font feulement pas divifées par chapitres. Tandis que d'un autre cöté les ouvrages qui paroifToient dans les autres parties de 1'Europe fur Jes Arts & fur 1'Antiquité lui reftoient la plupart mconnus; de forte qu'il ne lui étoit pas poffible de fuivre les progrès de la Littérature de nos jours. Nulle part ce défaut de moyens nécefTairement effentiels eft plus frappant que dans la partie hiftonque de fon Hifloire de 1'Art, laquelle pêche continuellementpar des anachronifmes en tout genre. Ces remarques me conduifent naturellement au dermer point de la demande, favoir, quel che-  »e M. Winckelmann. xxvtj min il nous reftè encore a faire dans 1'étude de 1'Antiquité ? Je diviferai cette queftion en deux membres , dont 1'un a un rapport direct a ce qu'a fait M. Winckelmann, & dont 1'autre porte plus fur 1'objet en général. Les réflexions que je viens de faire fur la maniere dont M. Winckelmann a traité 1'étude 'des ouvrages des Anciens, en font naïtre plufieurs autres fur lefquelles 1'attention des favans Antiquaires doit néceflairement s'arrêter. Les ouvrages de M. Winckelmann font des ouvrages clafliques, & fon Hijloire de 1'Art eft unique en ce genre. Le fort des Ecrivains célébres eft en général d'être regardés comme des oracles : pendant long-temps on ne fe permet pas le moindre doute fur ce qu'ils ont dit. Il femble qu'il en eft de même des ouvrages de M. Winckelmann ; on diroit que toutes les alfertions qui y font avancées, font autant de vérités imprefcriptibles fur lefquelles on ne doit pas fe permettre la moindre recherche. Cependant une critique jufte & exa&e de YHifloire de 1'Art, & un examen fcrupuleux de ce qu'on pourroit tirer de ce livre, me paroït le premier pas qu'il faudroit faire dans 1'étude de 1'Antiquité. La partie hiftorique de eet ouvrage demande fur-tout a étre entiérement revue & eorrigée , paree que la plupart des jugemens de M. Winckelmann fur les anciens ouvrages de 1'Art & la maniere dont il en détermine le ftyle, portent  É Z o S E fur des preuves hiftoriques qui font vifiblement toibles & douteufes. Quoique M. Winckelmann nous ait tracé la route pour parvenir a une bonne explication des anaens monumens de 1'Art; il faut que nous ayons foin cependant de ne pas HOus laifTer éga«r par fon enthoufiafme & par fon penchant a deviner en matiere d'antiques, au lieu de les expliquer. D'un autre cöté 1'étude de 1'Antiquité ofTre un9 cntique dont on n'a fait encore que très-peu d'ufage .quoiqu'elle foit jufte & néceifaire. Lorfqu'on conl fulte les anciens Auteurs ou qu'on veut éclaircir un ouvrage ou bien quelque paflage difficile, le premier fom qu'on prend eft de favoir fi eet ouvrage eft authentique ou fi le paflage qu'on coniulte na pas été altéré & corrompu; il en eft de meme de 1'étude des anciens ouvrages de 1'Art. Avant de faire quelques autres recherches il faut" commencer par favoir fi ces ouvrages font véri, tablement anciens, ou ce qu'il y a d'ancien ; - quelles font les parties qui ont été ajoutées ou reftaurees. - Cette maniere de procéder n'a pas encore été adoptée par-tout, & moins par les Annquaires Italiens que par ceux des autres Nations. Ordinairement ils expliquent k un ouvrage ant.que 1 ancien & le moderne t0ut enfemble; & Hs nous donnent 1'idée de 1'Artifte moderne qui a reftauré quelque monument pour celle de 1'ou vrage  de M. Winckelmann. xxix même (i); cependant il y a une grande différence entre 1'un & 1'autre, particuliérement aux ftatues des femmes. Souvent les anciens ouvrages ont des parties défeöueufes, des attributs abfurdes, un coftume fingulier ; & cela par la faute d'un Artifte du feizieme fïécle ou des liécles fuivans, qui a ofé entreprendre de les reftaurer fans avoir la moindre connonTance du coftume ou du génie des Anciens. On ne peut nier que 1'Allégorie ne foit un champ fécond & utile pour 1'invention , & qui mérite d'être cultivé foigneufement par nos Artiftes. M. Winckelmann nous a auffi indiqué pour ce travail de nouveaux moyens qu'on ne peut fuivre qu'avec fruit, en y employant cependant moins d'art & plus de fimplicité qu'il n'a mis lui-même dans fes recherches. Le fecond point de la demande a pour objet Ia queftion en général : quel eft le chemin qui nous refte encore a faire dans 1'étude de 1'Antiquité ? Nous nous trouvons déja, ainfi que je 1'ai remarqué, fur la bonne route pour confidérer les anciens ouvrages de 1'Art, commè des ouvrages de 1'Art. On va déformais former un tout autre fyftême des anciens monumens que nous pofledons déja & de ceux qu'on pourra encore découvrir. Cependant le nombre des chefs-d'ceuvre de 1'Art (i) Cavaceppi a clierché en cela plutöt a tromper les Amateurs de 1'Antiquité qua leur donner des notions èxtifte* de 1'Art.  xxx Ë i r o 9 È qui indiquent un génie créateur & la main du grand Maitre, eft très-petit encore & le fera fans doute toupurs. Le fort que nous avons éprouvé relativement aux anciens Auteurs , dont un fi peti£ nombre decrits font parvenus jufqu'a nous ■ de forte que nous avons cent mauvaifes produéHons modernes pour un feul bon ouvrage de la haute Amiqmte : ce même fort nous 1'éprouvons auffi relativement aux ouvrages de 1'Art. Mais cette megale quantité même de mauvaifes producïions ou lon.trouve ni art ni goüt, ont une valeur & une utihté qu'on ne peut mettre en doute Ce font ou des copies ou des imitations des plus anciens & des meilleurs ouvrages qui ne font pas parvenus jufqu'a nous ; dies nous occ utilement par Ia recherche de Fidée de 1'Artifte par hnvention & par 1'exécution d'un fujet autrefois connu; dies nous donnent plus de matiere de comparaifon ; fervent è étendre nos connoiffances de lArt& de la Fable, & nous aident enfin a parvenir plus facüement k 1'intelligence & alexphcation des autres monumens. Quelle lu miere le Comte de Caylus n'a-t-il pas fu tirer pour Ia partie méchanique de 1'Art des produftions les plus médiocres même ! Chaque morceau qui nous refte de 1'Antiquité peut donc nous devenir unie ; maïs il faut que ce foit fuivant le rapport ou 1'analogie qu'il peut avoir avec les autres ouvrages de 1'Art; & rien ne doitparoïtre abfolu-  DE M. WlNCKÊLMANN. xxxy ment a rejetter pour 1'Amateur qui fait obferver d'un ceil attentif & éclairé. Mais malgré ces divers moyens 1 etude de 1'Antiquité fera toujours trop vafte pour qu'un feul homme puifle en embrafier toutes les parties. Les monumens de 1'Art que le temps a refpedé, font difperfés a Rome & dans les palais & les maifons de plaifance des grandes families de 1'Italie, de la France, de l'Angleterre, de 1'Efpagne & de 1'Allemagne; tous les jours rriéme on en découvre de nouveaux. Dans quelle immenfe quantité de livres ne doit-on pas en chercher les defcriptions ? & cela encore dans des livres dont la plus grande partie ne peuvent être lus fans ennui & fans dégout. Un des premiers ouvrages qu'il feroit donc nécefTaire d'entreprendre pour 1'avancement de 1'étude de 1'Antiquité, feroit une Notice ou un Répertoire de tous les anciens ouvrages de 1'Art qui nous font connus. Cette Notice ne devra d'abord contenïr que la partie hiftorique & littéraire; c'efta-dire, qu'il faudra donner une idéé hiftorique de ce qui eft connu de chaque monument & du jugement qu'on en a porté ; en indiquant 1'Ecrivain chez qui on pourra en trouver la defcription & le deffin. Après qu'on aura une fois jetté le premier plan de cette efpece de Catalogue, on pourra bientöt I'augmenter & en rectifier la critique, en y ajoutant quand on le voudra ou pourra les fupplémens néceffaires.  XxxÜ É t o e B Le fecond moyen qu'il faudra employer, c'eft detracer une bonne introduin è iLde de lAnt.qu.te & a la connoifiance des anciens ouvrages de l Art. Cette méthode doit contenir une idee concife des anciens monumens, fuivant leurs differente, dalles & efpeces, avec ung generale des me.Ileurs ouvrages, en faifant connoitre les ra.fons pourquoi ils méritent d'être regardes comme tels; enfin , une méthode pour proceder a lexamen & a l>xpJicatiojl des ancPiens ouwagei de 1'Art, les idéés les p,us nécefIaires de 1 Art meme, de la Fable, & de Ja partie méchamque ou de 1'exécution, avec. une analyfe de 1 riiftoire de 1 Art fi). Déja on a fait les premiers pas dans cette nouvelle route; les ProfelTeurs des Academ.es & des Univerfités d'Allemagne ont commence a traiter méthodiquement 1'étude de h belle Antiquité. II ne refte plus qu'a déterminer avec precifion les limites dans lefquelles devront e ten.r a 1'avenïr, fuivant Ieurs différentes vues les Amateurs qui voyagent, les jeunes ££££ par fa Geograph.e, a commeucé a nous donner un ouvra^c n-e P ; ^ - lH.fto.re de la Sculpcure * celle de l'Ah de „raver P-res hnes. NoUS favons mÊaie que M. Bufching a folu de refimdre enc.eWnt ce premier EfTai. N. D. T. curieux  de M. Winckelmann. xxxiïj Curïeux de s'inftruire & les Savans de profeffion, II manque auffi encore pour 1'étude dont nous parions, des traités fur les connohTances acceffoires, & fur-tout un bon ouvrage fur la Fable, IsTous avons, a la vérité, beaucoup d'écrits fur la Mythologie; mais je ne fais quel mauvais efprit fe faifit de tous ceux qui veulent traiter cette matiere. Ils commencent par établir quelque hypothefe, fuivant laquelle ils cherchent a dénaturer & a forcer le lens des anciennes fables; & aucune de ces hypothefes n'a pris fa fource dans 1'efprit même de 1'Antiquité. II nous faut une Mythologie qui n'a été inventée que pour être racontée; — la forme primitive ou ancienne fous laquelle chaque fable fe préfente chez les premiers Poëtes & fur les plus anciens Monumens ; nous devons connoïtre auffi les changemens & les additions que les Poëtes & les Artiftes fuivans y ont fait. La meilleure explication peut fe tirer de cette méthode & de cette marche de raconter, en partant des temps de la première origine des fables & en les fuivant dans les différens changemens qu'elles ont éprouvées. Ici, ó immortel Winckelmann, je me tranfporte en efprit auprès de ta cendre, pour te confacrer , comme a un Héros bienfaifant, ce difcpurs que je foumets au jugement de cette illuftre Compagnie. J'ai parlé de toi & de ton mérite avec cette liberté que ta belle ame regardoit Part, 1. f  XXXÏV ÉI-0GE »* M. WiNCKEtMANW comme-Ie plus noble privilege de ^ Lettres. La plus belle couronne qui puifre ortJ ton urne funéraire, feroit fans contredit (fi le CoZ venir de ta mémoire pouvoit opérer eet heureux «fit; que 1'étude de 1 'Antiquité prit unelrme ^ lage * pluS utile : cette étude magnifi ^ que des Pedans lgnorans & même des Savans inf! truits ont fi cruellement dénaturée; étude cependant qui non feulement peut fervir k jetter un plus f"ndi7^1Artd-otrefiécle,aUaionP er Ie Gout & a étendre nos richefles dans Flnvention maïs encore a échauffer l'imagination des jeunes" ff! & "éveiIler en ™ Ie fentiment du Beau du Vrai & du Grand, tant dans 1'Art que dans a' Nature & dans la Morale ; étude qui, en Ia conf derant fous un point de vue plus étendu, peut nous condutre meme a une connonTance plus intime de 1 Antiquite, a une expücation plus précife des idéés de, premier, temps & a par£ de ,es " les ufages rehgieux, les raifonnemens philofophiques fur la marche de l'efprit humain, tant dan', Ia fpeculat.on que dan, Ia pratique. C'eft pour parvemr a ce but louable que S. A. S. Monfeigneur Ie Landgravea faitalTembleruneconfidérable Collectim 6 ^ues & q^le a inftitué pour 1'explicat.on des anciens Monumens une Société au jugement de laquelle je foumets eet Ecrit. Et dubizamus tdhuc virtuum exundtre foüist  LlïTTRE S A M. LE COMTE DE B ÜNAU (i). M onseigneue, J'ose ïcï faire avancér cette Le'ttre du fond de ]a pouffie're d'école devant les yeux éclaire's de v ' j ; J1ence. Votre induïgënce qui fe communiqué aux befoihs des gens de Lettres men- < i ) Cette Lettre , dont 1'original a été écrit en francois • eft remplie de fautes de langage. On ne 1'a pkcée ici que' pour faire connoicre le point od AI. Winckelmann fe trouvoit alors. Encore étoit-ce beaueóup pour un Régent de Collége dans une petite viüe d'AlIema?M, rlvré è Ja feuJe e'£ude d°es Iangües anciennes, de n'avoir point eritiérement méprifé la connoiffance des langues modernes, & d'en avoir appris affez, pour raffemblcr tant de phrafes", dont une partie au moins prouve quela leclure designs Auteurs lui étoic aflezfawiü^ Nou de M. Daffdorf. Part. L ^ .  2 LïTTREs hardit, & c'eft par ou je crois juttifier ma t&a merité. Depuis que j'ai étudié cette admirable * l Entptre de Votre Excellence, je n'ai è Hen afpire qu a lui témoigner, que je veuille auffi avoir quelque part a Ia vénération, que toutle monde » concu pour un favoir fi vafte & fi rare dans une perfonne de fa haute diftinction & dans un Miniftre * parfait. Heureux qui font attachés au fervices * un fi grand Genie & plus d'un homme de vertu *: meme je me fuis mis en tête d'ambitionner ^tte gloire. Je fuis un homme qui ne defare ou'k fe confacrer aux études, &c'eft-la oü fe bornent «es vaux, ne me laiffanr jamais éblouir par des conditions favorables dans I'Eglife. Dans cette vue je me fuis abimé depuis cinq ans dans 1'école de ma patne, afin d'y enfeigner les belles-lettres. Mais 1 etat déplorable de toutes les écoles de „os contrees men a tout a fait dégouté & infmré en mcme-tem. ia penfée è forcer, pour ainfi di-e, mon deftin dans une Académie. Je commencai dy reflechir murement & m'étudier moi-même dans la carrière que j'ai couru jufqu'ici , pour .hamder ma fortune dans un fiecle métaphyLe ou les belles-Lettres font foulées aux pieds. Me voyant après tout fans reiTource & dépourvu des fecours etrangers è me poufier, j'ai auffi abandonne ce deffein-ci. On ne compte rien a préUat fur Ia Ll»^ture grecque , è laquelle je me  t> E M» VtNCKElM'ANN. ^ fuis adonné autant que j'y puis pénétrer dans Ia cherté & difette des bons livres. Peu de jeunes gens sappliquent a 1 etude de la langue Italienne & Angloife, & on ne manque pas de Mai'tres. La langue Anglo - Saxonne eft un champ ftérile a labourer. L'Hiftoire ne fe peut profiter fans permiffion , & toutes nos Académies fourmiilent de jeunes lavans qu'on voit paroitre fur le théatre avec un port des bras pour établir les principes de Ia Philofophie j revêtus de la dignité du Maitre, afin qu'on ne s'y peut ingérer. Que refte-t-il a faire ? Je ne trouve reffburce qu'a avoir recours a la grace d'un des plus grands hommes du liécle , dont Thumanité, qu'il fait éclater de tous les traits de fes écrits immortels , nous infpire une ft haute idéé qu'on ne fe peut difpenfer d'en efpérer bien-. Monfeigneur , je demande pardon d'une oftentation de mon peu de capacité. Difpofcz-en. Je fuis pret de me facrifier aux fervices de V. E. Placez-moi dans un coin de votre Bibliotheque, pour copier les rares anecdotes, qui feront publiées, comme on dit. J'envifage Ie rayon d'une efficace proteótion qui fe répandra fur moi & qui fait déja reluire dans mon cceur la douce efpérance de me familiarifer davantage avec les Mufes. Peut-être deviendrai-je a 1'avenirplus wti'e au Public , quand , tiré de 1'obfcurité par quelque voye que ce fut, je troüvois de quoi vivre dans la Caphale, A ij  4 Lettres J-^plore Dieu qu'il veuille jetter Un régarrj graaeux fur la haute deftinée de votre Excel eÏe a.qud veudle agréer tous les fouhaits I du Pubhc qU; foupire après la eontinuation ^ Hifloire h achevée. Je fuiSi MO nse IGNEUJR, de Votre Excelhnce ^nslaviélle Le très-humbïe & Uac^Eran^our^ trcs-obéiflant ferviteuf L E T T R E II. Au même. (i) - Xllvstkissime Comes ! Litterjï; Tue die feptimo menfis opportune -In reddxts funt. Ad os oppreffi * a^u" ( I ) Hanc Cl. Winckel^anni Epiftolan,, i„ qua de fa fox atque iudlorum ratiöne ^ ^Z noftns pratcipne gratam atque accer^m t • leCt01-buï fint leves macull, fatis „ tida eft ' ' ' «jb- • ■ eft atc!ue probabilis nr * -7eniUm P°LtUm & "on vulgaris apparea Qua"  de M. Winckelmann. f Casperam- temeritati jam infeafus efie & amtó* guus , quo vultu fufcepts forent litterae , vel potius pudore dejeclus fpe mea , aliud quidvis refpicere cogitayi. En nihil ejus fufpkantem beafti admiranda penitus indulgentia, de qua, nee quid cogitem, ne dum eloqui par fit, fcio. Non diu animo pependi , quin, quod fauftum & felix efiq Deus jubeat, manus dem in conditiones. Non renuamherde in quemvis me cafum dare , dum, modo contingat meis.Mufis pendere ex nutu IIluG triflimi Mufagetas, manumque admovere operi adeo digniffimo. At vero dum rationem ftudio-, rum vitajqua: cultum humaniflime tradere jubes , legem videris imponere, cui qui fatis fiat , fine ta=diofa prolixitate non video. Igitur fic habeto, me antiquitatis & liberarum. artium ftudiis nullo non tempore deledtafTe. Invita vero Minerva fandioribus litteris nomen dare compulerunt ij , quorum obfequio refragari religio mihi fuuTet, Medicina magis placuit. Non quod latera minus firma fintad dicendum pro concione, quippe qui corpus quamvis gracile & modice. pidulorum Conreftoribus prorsiis exulare vix aufim contendere, cum mihi ipie innotefcat Vir dpftiffitnus Leffingius ( mei aeque ac Celebemmus ejus frater amantifTimus ) qui per plures jam armos in umbrr fcholas Pirnenfis rnodefte delituit , & de quo in ampliori. ftudiarum campo opportune collocato non amicicis folum fed ipfarum litterarum nominc i*earer' n. d. a A iij  <* LETTRBg procerum ita induravi, negata ipfi a puero mollitie fupma , ut vel bins trefve hors quieti fufficiant : fed quod viam mihi pra-clufam viderem, detrufus forte inter d.ffitos agreftes ad parochiam curandam , ad fpirandi ad commercium cum viris doftis Halam eontendi primo, fedulo me excuffi : pedem ex ftadio, quod emetiendum erat, retrahere ne- quivi. Interim reluxit denuo ftudium Grscarum htterarum , ad quod fponte Berolini inter prce- ceptores i^r compellabar. Sed parum in Fri- denciana fuppetiarum ad manum fuit, Grsca auro canora Hebraïcam linguam non neglexi ibidem. ?ott bienmum , cum Cancellanus <ƒ* Ludwlg de ordinanda Bibliotheca fua cogitaret , qus ft. obdjcta jacebat, mei apud illum mentione fafta, arceflère juffit, & probe expifcatum operi prsfecit. Junsfeudahs quantulacunque principia haufi tum ex ore ejus. Ad jus publicum me ita compofui , ut Hormum cum fingularibus J. P. Cancellarii ejufdemque Mifcellaneis gnaviter conferrem. Qüanttvert crux, cum ingeniis conflictari ejufmodi ne quid gravius d.carn s & Tand qum * in manibus videar dstrahere. Integrum fere feineftre in hac farragir.e delitui , tandem vero turbis & domefficis tricis me proripio , & forte fortupa mmi oblata Psdagogi munia capefTo apud Un. de Grottmank Prafeft. Equitum Als Bredpyians. Annum ibi commoratus & liberaliter habitus una cum raagiftro linguarum Gall. &  DE M. WlNCKELMA NU. Italis & Britannis reliquas lucubrationes occupavit. Prseterea attigi Geometriam , eamque , fi qui fuerunt, docui adukiorem aetatem cum principiis philofophis. Bibliothecam Regiam Berolinenfem & Jenenfem, quoties licuir, adii, Drefdendem ( i) etiam fatis inftruóïam infpexi , quo. me contuleram 1738, in connubiis folemnibus. Ignofce vero, Illuftrifïime Comes , fi ad umbratilia & fummo Viro minus digna defcendi, qus tarnen cum Tua intereflet penitius nofcere vires & ingenium , quamvis minuta fi probe notentur, inde conjectandi anfam praebent, Trigefimum annum nunc primum complevï. Mundus corporis, quantum fieri potuit 5 genio feculi accomodatus eft, non equidem vita prsefenti inter /Wura ingenia , qui cum ulterius fpectarem , Lipfia;, quo iter facere fere quotannis confueyi, confarcinare curavi veftimenta modefte tincla, ut non pudeat elegantium hominum ora fubire. Quod meminifle duxi, ne frontem fchoJafticam nigris pannis obvolutam, ut fieri folet ( 1 ) Hanc autem noftram Bibliothecam Drefdenfem duplici Bunaviana: & Bruhiiana: acceffione p.oftea kfignirer auftam fujfle nemo facile ignorabit, poft divulgatos nunc eorum librorum, quorum plura exemplaria apud nos extiterunt, Catalogos. Et hoe ipfo tempore Leta fpes nobis affulgat, fore , ut hac inftruftiffima Bibliotheca auftior ad-, iuc fiat attpe einatior. N. D. D.  ÏO L i T T R È g a mei ordinis hominibus, ad Te admïttere h*fr tares. Reliqua fint Tui judicii , nec quid ultra dicere aufim Deum oro, ut, quam mihi gummi propenfionem conciliare voluit, eandem mihi fervet, vtrefque commodet non indignum alï quando videri, Tanto Nomini opellam prceftitifle. iVix capio gaudium. Sum. IlXUSTKISSIME CfJMES. Celfijjimï Nominis TuL Devotifllmus fervus J. Winckelmann, Seehufi. Pal. March. d. ia JuL ^g. LETTRE III. Au même. Stehaufen le 28 Juillet , iy4g. l^onfieur le Comte f En conféquence de la gracieufe lettre de V. E. je me prépare a partir (i ;; mais avant de ( l ) M. Le Comte de Bünau , non moins illoffre par f2 proFonde erudition que par fa naiiïance & les différente* charges dont il a été ,evêm par 1'Empereur & par la Matf»  DEM.WlNCKEr.MANN". II rne mettre en voyage , j'ai cru devoir lui faire palier quelques certificats (i ) de ma conduite pendant les cinq années & demie de ma geftion a Seehaufen. Le premier eft de M. Noltenius Surintendant-Général (2) de 1'ancienne Marche; dc Saxe , avoit appellé M. Winckelmann pour avoir, avec M. Franken , l'infpeftion de fa bibliotheque de Nöthenitz, prés de Drefde. En 1749. cette bibliotheque étoit déja eftimée cent cinquante mille écus d'Allemagne; ce qui fair environ neuf eens mille francs argent de France. Ellc s'eft toujours accrue depuis ce temps. On 1'a fait connoitre par le catalogue le plus méthodique & le plus inftructif qui alt jamais paru. Les Journaux de France en ont rendu compte dans le temps. (1) L'Editeur de ces Lettres a afhiellement entre les mains les trois certificats dont il eft ici queftion; & peuc aflïrrer qu'ils font on ne peut pas plus honorables pour M. Winckelmann, qui y eft repréfentécomme un homme entiérement dévoué a fon état. Quel peut donc avoir été Ie but des mauvaifes plaifanteries de l'Editeur de la nouvelle édition allemande de 1'Hiftoire de 1'Art, quand il dit : ( Préfjce page 43.) « Winckelmann, Ia tête remplie de » grandes vues, a du nécefTairement yeiller auffi peu a fes » Difciples de Seehaufen, que Jupiter prit peu foin du » Ciel, pendant tout le temps qu'il porta Minerve dans fa » tê:e ». Cette phrafe nous prouve combien certaines perfonnes aiment a faire de 1'efprit, même aux dépends de la vérité, & au hazard de fe contredire, comme cela eft arrivé a notre Editeur, N. de M. D. ( z ) Le titre de Surimendaar eft chez les Proteftans une dignité d'Eglife qui répond a celle d'Infpedeur-généial dc soutes Jes églifes d'un ceitai» diftvift.  12 k E T T R B g Je facond m'a été donné par M. Schnackenbur* Confed de cette Ville. Rien ne m'oblige fpaj ou jepursd'un honnête néceffaire , & de Ja tab* de quelques bons amis. Mais le deflr inexpnmable de mattacher a un Miniftre auffi refpedable * auffi éclairé que V. e, & mon amour ardent pour les Sciences & les Beaux Arts, lemportent fur la confidération de tous l6S *Sïem™ V* Je fife dailieurs trop convamcu des intentions généreufes & des kontes de V. e. pour craindre iWenir, J, compte partir dans un mois. Je fuis avec ^ peet, &c, LETTRE IV. Au même. ( i) Notheniti le 2 2 Janvier J7S4. Je n'ai recu que Ie x6 de ce mois 1'ordre de V. e. touchant les recherches que demande M. Ie. Gouverneur Engel. eentes au Comte Je Biinau, pendant fon abfenee, „ous avons cWfi celle-ci . parce qtfeIle nous ^ ^  se M, Winckelmann. Ma! gré tous les foins imaginables que je me fuis donnés, je n'ai pu de'couvrir aucun indice d'une hiftoire ancienne de la ville de Biel. II n'eft fait, pour ainli dire, aucune mention de ce lieu , li ce n'eft dans quelques e'crivains de la Suifte. II ne fe trouve non plus, ni dans le Regefus Diplomat. de Georgifch , ni dans 1:'Index Diplomat. MS. fait pour V. E., aucun acte qui ferve a conftater le rapport 'de M. Engel , tiré fans doute des archives de Nuremberg ; ou qui puiffe fervir a réfuter les pre'tendus titres de 1'Evcché de Bale, lefquels méme n'ont probablement pas encore été publiés. Notre Index Diplomat. MS. ne m'a fervï qu a chercher 1'année indiquée par M. Engel. La table du Regifla de Georgifch m'a néanmoins fourni 1'aéte d'un lieu du nom de Biel (comme il eft énoncé dans le Spicileg. Ecclef. Cent. lHt pag. i%%6 de Lunig ; oü fe trouve eet acte ) lequel acte doit néanmoins regarder un autre lieu que la ville de Biel, puifqu'il y eft queftion d'une inveftiture entreGérard,Comte de Mümpelgard 4 & Bertholde, Evêque de Stralhourg. Il n'eft lemenc que Mi Winckelmann a travaillé a la bibliotheque de ce Seigneur, mais encore la maniere dont il y a travailléy Les autres lettres ne contiennent que 'des détails minutieuxfur «e mêrae fujet , & quelques complimens d'ufage. N. de M. D.  *4 ^ TTKÉS nulle part fait mention d une ville de ce nom fi ce n'eft de celle qui eft fituée fur le lac de Biel ou Bienne. Dans la Chronique d'Alface de Hertzog, on trouve feulement le nom de Bihel dans une Notice de certains lieux fitués fur la Sare L'adèe dont nous avons parlé porte : — Cafirum noflrum m Belio cum pertinentiis fuis & unherfa bona noftra in valk Valentinay-Vihr , &c £t Ion trouve auffi peu ce Vahntinay-ViUr] ^ le Cafirum Eelium. Peut-étre eft-ce aujourd'hui un endrolt de peu d'importance dans le Comté de Mümpelgard. Je prie V. E. de me permettre de faifir cette occafion pour lui rendre compte demon travail J'efpére enfin avoir mis la derniere main au catalogue des Scriptor. Hifi. Germ.; k 1'exception des titres k enregiftrer des aétes publiés dont on ne fera pas 1'extrait ; ce qui a déja été fait pour toutes les Conftitutions de 1'Empire de Goldaft & autres. Ce travail a confidérablement augmenté depuis la derniere revifion; en partie par les nouveaux diplomes & les nouveaux aétes qui m'ont été remis , & en partie par Ie titre des Deducl. deftderatorum qui fe trouvent dans s Lunig, & qui regardent des différends que je n'avois pu me rappeller pendant mon travail. Ce fupplément nous a néanmoins obligé de récrire beaucoup de chofes , k caufe de la longueur des titres ; car il n'auroit pas é»é poffible d'inter-  Dl M. WlNCS.Ei.MANN. caller de nouvellcs feuiiles fans embrouiller la matiere. Je fuis occupé depuis long-teöips au catalogue des Scriptor. Juris; mais il n'avan;e guere, paree que les extraits de tous les grands ouvrages qui y ont rapport ne font pas encore faits. Pouc gagner du temps, j'ai fait un elTai avec les ceuvres de Goldaü, & j'ai porté a leur place un trèsgrand nombre de titres des Decret. Conflit. & autres femblables. Mais cela n'a cependant pas pu fe faire avec la plus grande partie, a caufe qu'on a été obligé d'enfaire 1'extrait. J'en ai agi de même avec les Aüis publ. de Londorp. Mais je n'ai que le titre des pieces qui font généralement connues. II me refte encore plulieurs doutes qu'il faudra que V. E. ait !a bonté de lever. Le principal regarde les acl:es qui ont rapport aux traités de paix de Munfter & d'Ofnabruck ; pour ne pas parler de traités de paix auxquels 1'Empire a eu part. Quant aux catalogues dont V. E. me parle, & parmi Iefquels la Bibliotheca Jur. publ. de Hoflmann eft le plus important , ils ne peuvent m'être d'aucune ufilité. II regne le plus grand déCordre dans ce catalogue de Hoffmann, outre quify a peu d'ouvrages qui regardent proprement le Droit public Germanique, & quils n'en font pas même pas Ia cinquantieme partie ; car la plupart ne concernent que les différends des grandes Maifons  ** L E * T R fc f d Allemagne. Le catalogue de Rink s n'a été U que pour une vente , & n eft rien moin que complet. Je fofe ; &Ci ums 1ue L E T T R E v. Au même. (1} Md"»?™ "e d°i!'aiirer 4 V.Ë. ,„e neias! tranchi le dernier pas. Oui,M. le Comte, je me fuis rendu indigne ( r ) Cette iettre curieufe comient ie rech ,?„ si , rfe religion de M Yïr.nrfoi « ' ? Cflangemerit a fturA,: ^"^Imann. Nous laifïbns au Lefteur » Peres de FE^ife om' a i < ' 1 ' eft 1 étud= des ^guie qui a uerermmé M. Winc!CPim -ent aia le^ure X^£SL^ " ■i^iteur en queftion , no„ ^f^™^ ^ lira cette Jettre a™, ■ 0-e"aulen. Quieonque -fait différent. P ^ S^***^* N. de M. Ds de  DÉ M. WlNCKEtMANK. ïj de lmdulgence que vous avez daigné avoir pour moi jufqu a préfent. J'ofe néanmoins me flatter que votre cceur, plein debonté cV d'indulgence, voudra bien du moins m'écouter encore une fois* Que le Dieu de tous les hommes , de toutes' les nations & de toutes les feéïes faffe de même miféricordc a V. E. ^ A la fin de fhiver dernier je fus affligé de plufieurs infirmités corporelles; & mon ancien mal c'eft- a-dire des tranfpirations, pour ainfi dire ' incroyabïes pendant la nuit, me reprit avec tant de violence que je parus menacé d'une entiere confomption; & depuis j'ai été attaqué de nouveau par des vertiges qui ont duré plufieurs heures de fuite. Ces infirmités m'ont engagé a penfer plus férieufement a mon fort futur que je ne 1'avois fait jufques alors. Je fens bien que le genre de mes études & de mes occupations aöuellcs ne convient pas k la foibleflè de ma fanté; &, que ce n'eft que dans Ia retraite que je puis trou'ver du repos avec le travail. ^ D'ailleurs une certaine maniere de penfer & d'être ne me permet pas de fuivre la route ordinaire qui pourroit me conduire k la fortune. Je crois m'étre expliqué fur cela a V. E. Outre ces principes (je dois parler ici a V. E. comme k mon meilleur ami), j'ai appris debonne' heure a regarder 1'amitié comme la première des Part. I. g  ï8 Lettres vertus humaines & le plus grand bonheur dont homme puiöe jouir. Je ne parle point ici de lamme que doivent pratiquer les Chrétiens, mais de celle dont 1'antiquité nous a fourni quelques exemples, auffi rares qu'ils feront immortels. Ce bonheur eft inconnu aux Grands de la terre car il demande un renoqcementa tout intérêtperfonnel & è toutes vues particulier es 5 il feut pour lobtenir une philofophie qui ofe braver I'infortune,Ia pauvreté & la mort même. Non ilU pro caris AtnUis ( Aut patna) ümidus pcrire. Et je n'eftime point la vie fans Ia poiTeffion d un ami qui fok tout pour moi, & qu'on ne peu£ acquenr a un trop haut prix. Ceft fur ce grand pnncipe^que porte mon changement : j'ofe en appeller a la Verité e'ternelle. Si quelqu'autre perfonne que mes amis eut pu apprendreaconnottre mes fentimens fur ce point je fuis perfuadé qu'elle ne douteroit point de la veracité de ce que je dis; & je dehre que V. E., dont les feules bontés m'ont mis en e'tat de mieux' atteindre par Ia fuite le bonheur auquel j'afpire', fera de même convaincue de cette ve'rité, paree' que j'ai l lui dire encore , pour me juftifier de Ia k'géreté & de 1'ingratitude dont jepuis lui pafoitre coupable. Dailleurs la brieveté de la vie & les bornes  èe M. Winckelmann» étroites de nos connoiflances font deux motifs puillans pour un homme qui, comme moi, a pafle fa jeunefle dans la 'pauvreté, & 1'age de la jouiflance dans un travail continuel & dans une longue folitude ; mais qui enfin a eu le bonheur de connoitre des écrits dide's par lafaine raifon, lefquels, dépourvus du jargon fcientifique qui ne fert qua 1'offufquer, nous enfeignent la vraie philofophie de rhomme. Cette doublé confidération4 dis je, doit porter puiffamment un homme tel que moi, qui ne fe trouve arrêté ni par fa naiiTance ni par fon rang, a fonger que la vie eft trop courte pour en facrifier la derniere mokié a former les projets d'un prétendu bonheur a venir; & ce feroit une puérilité puniffable que d'occuper jufques dans la vieilleffe 1'efprit qui nous a été donné pour un objet plus élevé, a des chofes qui ne peuvent fervir qu'a exercer notre mémoire. J'ai lieu d'efpérer qua trente-fix ans paffes ces réflexions feront regardées comme mures & folides de ma part* Je prie V, E. de me permettre de lui dire encore quelques mots pour lui expliquer mon véritable projet. J'ai cherché depuis plufieurs années a cultiver lamitié de deux perfonnes dont 1'une ou 1'autre daignera fans doute m'accueillir dans la fuite. D'un cóté je fonde cette efpérance fur la bonté de V» E,, 6c de 1'autre fur une certaine confor- B ij  20 Lettres mité de fentimens,-& fur la reconnoiffance que j'ai drek, je ne dis pas de reclamer, mais d'attendre. Peut-être trouverai-je I'occafion d'infiruirè des jeunes gens de qualké ; & par cette voie je faciliterai a mes amis les moyens dc pouryoir a mes • modiques befoins au cas qu'aucun de nos autres projets ne doive réuffiri Je préférerois ce parti, paree que le monde ne fe trouve déja que trop 'rempli d'Ecrivains qui ne competent des livres que pour avoir du pain. II faut pour cela que je me familiarife davantage avec les deux langues étrangeres qui font aujourd'hui a la mode. La connoiflance des langues anciennes & particuliérement de la langue grecque fembie hérifée de trop de difficultés pour la jeunefle., & elle en offre réeilement beaucoup, S'il m'étoit donc poflïbJë de modérer 1'idée trop exaltée que je me fuis faite de 1'amitié; ou bien fi je voyois mes atnïs joui( du botlheu* qu'ils méritent, je croirois pofledcr par moi-meme tout ce dont j'ai befoin. Paupsrk;n fine dou quaro. Mais maintenant il faut quo je cherche \ me tcnir préparé aux événemens, tel qu'un homme qui dok dire : Dextra mi/;} J:. r. Le foin de ma fanté demande auili que je quitte pour quelque temps le travail & Ie je cherche a me diffiper davanta o.  de M. Winckelmann. at Quelque temsaprès les nouvelles attaques auxquelles ma fanté a été expofée je roe rendis chez le Nonce Arcbinto que je n'avois pas vu depuis long-temps ; mais ce ne fut que dans Ia feuleidée de m'excufer fur ma rétractation, & pour prendre congé de lui; afin de me tenir, s'il étoit poflible, une voie ouverte pour Rome , fans cependant: xn'engager pais avant. II m'accueillit avec plus de bonté que je ne Ie defirois même, & employa la priere & les promefTes pour m'engager i le fuivre. En voyant mon corps exténué il dit qu'il n'efpéroit de me voir rétablir, qu'en changeant de maniere de vivre & en fufpendant mon tra-, vaili Je me refufai ouvertement a fa demande , en luirepréfentant, comme je le devois, que je ne pouvois pas laifler mon travail imparfait; & que quant a ia chofe en général, je lui demandois du temps pour y réfléchir. Le départ du Nonce fut reculé, & pendant eet intervalle, avant que je me furie déclaré, je finis en grande partie Ie catalogue du Juspublkum , & je commengai celui des Biflor. Italiai, qui eft de même a-peu-près achevé. Je demandai en même temps quelques avis a 1'un de mes amis, qui ne put alors rien me promettre. Je me déclarai enfin au Nonce, mais a condition que je refterois en Saxe jufqu'a Paque prochaine. Sa Majefté promit de payer les frais du voyage Biij  52 Lettres fi je partois; & le Pere Confefieur me donna de plus 1'aflurance que je ne manquerois de rien. Je me jette aux pieds de V. E. Je n'ofe me pre'fenter moi-même devant elle j mais je me flatte néanmoins que fon cceur plein d'humanité, qui m'a pardonné tant de fois, voudra bien du -moins me juger ayec fa bonté ordinaire. Quel eft 1'homme qui agit toujours avec fageüe ? les Dieux dit Homere, n'accordent aux hommes qu'une certaine portion de raifon par jour. Si 1'on confidére fous un certain point de vue Ia démarche que je viens de faire, elle pourra paroïtre hazardée, peut-être même perverfe & abominable; maisl'cdl éclairé avec lequel V. E, embraffe, comme Dieu même, 1'enfemble'des' chofes, trouvera facilement a m'excufer. La honte & le chagrin ne me permettent pas den dire davantage. Je crois en une félicité éternelle : qu'elle foit la plus grande récompenfe de V. E. Ceft icr que j'ai commencé è jouir d'une vie heureufe, & c'eft ici que je defire de terminer mes jours dans le fein de 1'amitié: bonheur que je devrai au bienfaiteur que le ciel m'a donné dans la perfonne de V. E. Je fuis, &c.  ee M, Winckelmann. 23 LETTRE VI. Au même. Drcfde , le 5 Juin 1755; Je prends la liberté d'envoyer a V. E. quelques feuilles ( 1 ) de mon travail. Elles n'étoient pas deftinées pour eet ouvrage; & je puis dire avec vérité, qu'on me les a , pour ainfi dire, arrachées des mains. Le Roi a bien voulu me permettre de lui en adrefTer 1'Epitre dédicatoire. On a cependant trouve bon de n'en faire imprimee que quelques cinquantaines d'exernplaires. Je m'étois flatté du bonheur de préfenter moimême cette bagatelle a V. E., & de lui témoigner ma reconnoiflance éternelle ; car il eft dé-» ( 1 ) L'Ouvrage Jont il eft queftion ici , a pour titre .• Réflexions fur L'Imitation des Ouvrages des Grees , imprimé a Drefde, in-40. en 175 5. II futtraduit en italien & enfrancois fur la première édition, dont il eft parlé ici. La feconde édition augmsntée parut in-40. en 17j6. On en trouve une notice honorable dans la Bibliotheque des Sciences & des Beaux - Ans del.eipfïck, Tome I. Seconde Partie, p. 331; ainfi que dans le Journal Etranger, Janvier lj<,6. N. de M. D. B iv  Lettres aefpartiraid',ci'peu,-êtred-^ ^ 'wec ur>e peniion très-moHi que, mais qui fuffiraa mes befoïnc n j \ T?„ . a-iies ouoms, pour deux ansa Rome poury vwretranquillement&yétudier ave. promefie de me laifler emplover ici L r . vupiu). er ici a mon retour. Le peut ouvrage que je fais palTer i V. E., prob^n genera^ eft ce qui a le. plus contribu'é aux atrangemens de mon voyage Comme un certificat de la part de V. E. peut poor fe tendrelbrefl ^ ^ ^ Jrochain voya" i e ' °U r & f"°me de f°» ouvra.es Tfe /o ^ la ™e «•« Mfc noiJeurs, ^ ? C^"? & ^ fot" des Con,  de M, Winckelmann. 2j* m'être fort utile dans plufieurs occafions, j'ofe Ia fupplier de vouloir bien me 1'accorder. Je fuis, &c. LETTREVII. Au même. Rome, Le ig Janvier 1756', Je prie V. E. de recevoir cette lettre comme un reflbuvenir que je dois aux bontés de 1'auteur du bonheur dont je jouis. Je me ferois acquitté de ce devoir dès mon arrivée a Rome , fi j'avois été plus tranquille & dans une fituation plus déterminée. Ona employé tous les moyens poliibles pour me ravir ma liberté; aujourd'hui néanmoins je crois être fur de moi-même , ayant obtenu quelque alfurance pour mon entretien, II y a maintenant trois mois que je fuis a Rome , (1) ou pour mon grand bonheur, j'ai fait la connoiffance de M. le Chevalier Mengs , premier Peintre du Roi de Pologne, qui m'a témoigné beaucoup de bonté. Je demeure vis-a- ( 1 ) M, Winckelmann arriva a Rome Ie 18 Novembre :J75 5, comme on peut le voir par fa lettre a M. Franken, sn date du 7 Décembre,  ™." da"S !e "Uirri- PN fi» de Rome, & de ma charnhi-p r , vra^e a nk.0 • • dPProb<^on que mon ouv«toe a obtenu ici & en Fran^ - -i comme le marqué de Paris M. WiUe rJ * — du Roi • Mm- ™t > wiue, Graveur tooi deuT^p, Vn"C,Pa • N°US ™s «« ^ueiques ücnvains Grecs tel* n„o b finas, Smbon, &c. Ma!s com^ c'tT demaode du ternes i„ u ' ouv,a«e bier d'abord dT' ,e.co""M'ra™ F-r faffi» *. de :0dnt r-r povn ^ -"e b.bhoAeque.Celle des DomiDicains ^ Ponvoir adopter Mllm, , ' ^ue nous avons cru Amateurs. ' eHnt généralemenr connu deS  dï M. "Winckelmann. 27 Minerva, & celle de la Sapien^a, ne peuvent pas me fervir. J'ai bien trouvé tout ce que je cherche dans la belle bibliotheque du palais Corfini; mais les armoires en font fermées avec des treillages de fil d'archal, & il me paroït infupportable de ne pouvoir demander qu un feul livre a la fois. J'aurois d'ailleurs troisquarts de lieue a faire pour m'y rendre. Elle eft dans la maifon oü a logé autrefois la Reine Chriftine, Ce font cinq grandes chambres remplies, dont quelque-unes font ornées de colones de Jaune antrque. C'eft Benoit XIII qui a rafiemblé cette bibliotheque. Quelque temps aprcs mon arrivée j'eus occafion de faire la connoilïance de Monlïgn. Laurenti, premier Médecin du Pape, a qui il paria de moi; & j'ai obtenu une audience folemnelle de Sa Sainteté, qui a bien voulu m'exempter de lui baifer le pied : eet honneur co.üte au moins un féquin; car un des valets-de-pieds du Pape vient demander pour boire. On ne fe fait point a Rome une honte de tendre la main, & 1'on peut dire que c'eft ici la grande école des mendians. Sa Sainteté a daigné me promettre qu'elle me feroit donner tous les fecours que je pourrois defirer. J'ai demandé a Monfign. Laurenti un libre accès u la bibliotheque des manufcrits grecs du Vati<:an, ce que j'efpére obtenir» quoique je n'en aie pas befoin jufqu'a préfent. Cette préfentation dont je ne youlus pas être  28 L E T t r e s redevable a Af. Je Gouverneur & dont •, "e » elt en meme temrn ra„fa >m > r „,„<■ ■ . Ps cau(e-quil n ofe nlus homme de JetrrP, A • * politelle qu un ^e tenir la t&tl A - chapeau 011 Qe er,.öcc. 11 men temoigna fa furprife Pn ™»b^' fl 5°! P0UV°'r dire'a P*» omoreule. II ny a aucune difftence pour la ti-  de M, Winckelmann. sp chefle de la relieure : la plupart des livres ont été r-eiiés en France. J'ai ici, comme je 1'avois a Nöthenitz-, la liberté de parcourir tout a mon aife, depuis neuf heures du matin jufques a midi; quelqu'autres fa vans jouiffent de la même faveur; laquelle néanmoins eft difftcile a obtenir, car tout y eft ouvert jufqu'aux manufcrits même. Cette bibliotheque a vue fur Monte Cavallo, oü demeure le Pape. Dans la première falie , & il y en a quatre, font tous les Auteurs Grecs & Romains & quelques mille volumes de mélanges qui font des pamphlets reliés enfemble fans fuite ni ordre. Le Cardinal fait bea'ucoup de cas du catalogue de V. E., dont les quatre premiers volumes fe trouvent dans fa bibliotheque; & S. E. a appris avec plaifir qu'il en avoit paru deux nouveaux volumes, comme je le crois. II deiïre que V. E. puiffe vivre encore long-temps, pour achever un travail aufti précieux. Que n'ai-je, dit-il, appris 1'allemand pour pouvoir lire fon Hiftoire! On dit que M. Mengs recevra ordre de la Cour de Drefde de fe rendre a Naples, pour y' peindre la familie royale. Si cela a lieu je partirai avec lui. Le Roi de Prufte qui commence avec beaucoup d'ardeur a forrner une galerie, a donné des fujets a M. Mengs pour deux grands tableaux, favoir, le Jugement de Paris & le Combat des Lapithes. On attend ici de nouveau la Margrave de Bareith. Ces jours detniers on a  ferucchi, & Jon fait, pour ainfi_d; jours de pareilles découvertes. Le Pape a formé pour lui-même une bibliotheque pamcuhere, qu'il doitiéguerèrinS f BoI°^e' & ^ello , è ce qu4 dit, cont n cira paruculiérement Ies Hiftoriens de l'E,, Peut-etre que V. E. manque pour fon Pt» e quelques renfeignemens fur Ie tcnbeau d'Ot-n^occuperai.les^nablerpourleslui un^oi/;:^: trlle — & LETTRE VIII. Au meme. Rome, u j ju!lLet I7j(J. iio^^* E'deme Pei'me"re de lui «heffe* quelques hgnes ; ]e prendrois plus fouvent cette Jiberte, f, 1 on n'avoit pas défendu è notre Miniftre «Rome defecharger d'autres lettres que dé cel es qui font pour le Rei ou pour Ia ^ Je me porte bien, je fuis content, & je jouis par les foins du Pere Confefleur du Roi doce quim eitneceflaire;jefuispar conféquent libre , ce qui vaut mieux que tout le refte. J'effipioie  de M. Winckelmann. 3* fnon féjour dans cette ville felon mes moyens, & je préfere mes études a 1'exercice des langues & aux avantages que je pourrois retirer des fociétés. On ne manque pas ici d'occafions de fe faire connoitre ■ & les tréfors de Rome ne font pas encore épuifés; mais il me faudroit feulement Ia bibliotheque de V. E. & la tranquillité dont je jouiflois a Nöthenitz. que je ne retrouverai jamais. Que je me croirois heureux fi, après avoir fini mon pélérinage , il m'étoit permis de me retirer dans eet heureux féjour. Cependant il me faut deux ans pour remplir les plans que j'ai formés de différens ouvrages; car il eft abfolument néceffaire d'écrire fur le lieu même ; & les grandes erreurs des Ecrivains qui ont parlé de l'antiquité, viennent principalement de ce qu'ils n'ont fongé a écrire qu'après avoir quitté 1'Italie. J'ai vu quelques galeries plus de dix fois, en faifant toujours mes remarques fur le lieu même; & cependant je me trouve encore plufieurs fois dans le doute, quand je veux commencer k écrire. Je compte païTer , s'il plait a Dieu, la plus grande partie de 1'automne & de 1'hiver prochain k Naples, & 1'été k Florence. Mon ouvrage a donné occafion a une correfpondance ouverte avec M. deStofch, quiy demeure; cette nouvelle connohTance pourra m'être fort utile a Florence. J'ai jetté fur le papier le plan du premier ouvrage que je fais a Rome , fur la Rejlauration  3Z L E T T £ E S des flatues antibes, ou F trouvera, j'efpére > beaucoup de ehofes nouvelle,; & j>ai «ence a travaker è un grand ouvrage intitulé : Du Gom des Amjles Grecs, Je ms fe £n outre de donner une delcripti0n des galeries de Rome & de lltahe,.dans ,e gout de'celle que nou, avons de Richardfon , qui na fair que par, counr Rome J'avois auffi intention de prendre quelques anecdotes grecques au Vatican; mais il neft pas pollïble d> parvenir> Qn commUni bien leS manufcrits des ouvragos qu. ^ ^ * bhes. mais il " eft paspoffibledobtenirles autres. • Jai comS£' q«elques infcriptions grecques, & voila tout ce que j'ai pu faire dans ce genre ^ Cardinal Paffionei defire beaucoup de recevoir les derniers volumes du catalogue de V E je yeux dire ceux qui ont paru depuis mon dépar't! 3 ai ete trop emprellé k lui ofFrir, la première fois quejeluiparlai, d'écrire k V. E. ; &iI m>enafait reftouvenirily a quelque temps. lMes auroitde> feu venir, fi je ne Jui avois pas donnél>ef .J les obtenir de vous même. II fe trouve mai„tenant a la campagne k Frafcati, d'oü il doit revenir dans jours Sa bibliotheque , qu'il croit etre la plus conhdérable qu'aucun particulier ak •au monde doit néanmoins céder le rang k celle de Nothe„lt2 IJ fe peur que fa coileclion de bible! fou plus confidérable. Il regarde comme la plus rare une Bible Efpaenole de i cc, • ■ ° ? Ferrare  DE M. WlNCKÈlMANN 35 Ferrare en Italië (1). II fe réjouit quand il trouve 1'occalion de faire voir qu'il connoit mieux fes livres que fon pauvre Bibliothe'caire, qui eft un Abbé francois. II monte par-tout avec moi pour. chercher ce que je demande. Je viens de faire un voyage a Frafcati, Tivoli9 & autres lieux dans les environs de cette ville. On n'eft pas plutót forti du féjour trifte & défert de Rome., qu'on fe trouve dans les campagnes les plusagréables du monde, mais qui font un peu montueufes. On fe rend d'un endroit a 1'autre par des forêts de lauriers. Les beautés de la nature ne peuvent fe décrire ; mais on y eft fi mal fervi qu'il faut porter avec foi des couteaux, des fér*viettes, des draps de lit, &c. pour ne pas mourir de dégout. La Villa Hadriani eft ce qu'on peut voir de plus furprenant; les ruines s'étendent k ( 1 ) C'eft auffi véritablcmenr la plus rare & la plus ancienne de toutes les Bibles efpagnoles imprime'es. Eri voici le titre entier : Bihlia en lingua Efpannola, tradiC %ida palabra por palabra de la verdad Hebrayca, por muy excelentes Leirados. Vifta jy examinada por el Officia de la Inqaijlcion, con Privilegio del IllujlriJJlmo Sennor Duque de Ferrara. En Ferrara, a cofta jy defpefa de Tom. Tob Alias hyo de Levi AliasEfpanol. en.14.de Adas 5323 (1353) in-fol. Cette tradudtion eft fï littéralement faite far le texte hebreu qu'elle en eft ininteliigible, ainfi que celle SAquiU 1'eft en grec. L'Editian d'Amftefdam de $371 ( 1611 ) eft fuivie exa&ement fur celle de Ferrare. N. deMj D, Part. 1, C  34 Lettres troi» miiles dltalie. On voit quatre a cinq temples a moitié confervés, qui s> trouvoient reu. fermes Al entree de la Villa on voit ce qu'on appelle le cento camere, oü 1'on croit qu'ont W les gardes Prétoriennes. Ce font cent voütes qui n ont nen foufferte par les injures du temps. On ne pouvottpaspalTerautrefoisimme'diatementdel'une ces voutes a 1'autre; ce qui fait croire qu'il a regne une galerie tout du long pour aller a ces chambres; ae forte qu'une feule fentinelle, placée al entree de cette galerie, pouvoit les garder toutes. Dans des temps poftérieurs on a percé les niurs, de maniere qu'on peut maintenant entrer de une de ces chambres dans 1'autre. Les Jéfuites & le Comte Fede pofiedent la plus grande partie de ces rumes; & les premiers y recueillent un vin excellent, qui fe conferve dans un ancien temple Le plus extérieur de ces ruines eft le théa>re doni on peut encore compter tous les gradins. On doit sy frayer Ie chemin a travers des ronces & des epmes, remplies de ferpens & de couleuvres. i iVob meft devenu précieux par quelque chofe quon ny avoit pas encore remarqué. Je ne crois pas qu'on trouve dans 1'ltalie un plus beau farg • & il neft même pas rare d'y voir un profil grec' Je me recommande a la continuation des bontes de V. E.; un de mes fouhaits eft de lui faire ma cour k mon retour dans la patrie. Je 1UIS, &c.  de M. WtNCKEtMANN, %f LETTRE IX. Au même. Rome, le Janvitr IJ^J. Je faifis avec emprelTement 1'occafion que m'offre Ie Cardinal Paflionei de faire partir ma lettre avec les hennes, pour renouveller a V. E. les fentimens de ma fincere & éternelle reconnoilTance. Je me rappelle fans celTe que n'étant rien , c'eft au fervice de V. E. que j'ai commencé è être quelque chofe & que le bonheur dont je jouis acluellement ici , je le dois uniquement a la tranquillité & a la paix que j'ai goütées a Nothenitz. Le Cardinal s eft réjoui comme un enfant en recevant les deux volumes du catalogue de V. E. que je n'ai pas encore vus. Lorfqu'il me demandera ce qu'il pourroit vous envoyer en retour , j'aurai foin de lui indiquer des livres qui manquent a la bibliotheque de Nothenitz , & qu'on ne peut avoir qu'ici. Ce Cardinal ne paroit pas aftuellement trop content de moi. II voudroit donner le. catalogue de fes manufcrits , particulie'rement des grecs, & il fe trouve peu deperfonnes a Rome en e'tat de s'occuper de ce travail. Les connoiiTances de cette nature font fort rares. Un ProfeiTeur delalan- C ij  '5^ Lettres' gue grecque du collége de la Sapienfe fit, a ce qu'il a dit a 1'ün de fes arais , !e nouveau teftament en grec , pour ne pas perdre 1'ufage de cette langue. C eft fans doute plus ici que dans aucun autre ville du monde-qu'on peut faire la connoiflanee de perfonnes d'un grand efprit & de grands talents, mais qui n aiment pas a fe fatiguer beaucoup la téte. Le Cardinal A. m'a fait connoitre a une fociété de Savans qui saflèmbient tous les lundi, pour me guérir, dit-il, du prétendu préjugé que je m'étois formé a eet égard; mais cela n'a fervi qua m'y fortifier davantage. Enfin un vieux Peintre fameux ici (car ce n'eft que de pareilles gens que j'ai recherché jufqu'a préfent ), m'a fait faire la connoiflanee d'un Prélat , en qui j'ai trouvé fhomme qui me convenoit; & cette connoiflanee m en a fait faire d'autres. II fe nomme Giacomelli , & a été chargé deerire un des volumes au fujet des différends du Pape avec la Cour de Tunn. I! a publie', depuis peu, deux tragédies d'Efchyle & de Sophocle , avec la traduction italienne & des ootes. II tratravaille aduellement a une nouvelle édition de Chryfoftomi de Sacerdctio. Il eft ce qu'on appelie, Ccincnico di S. Pietro & Capellano decreto del Papa de Piftoja en Tofcane. Nous nous propofons de mettre enfemble au jour le difcours grec de Libanïus qui n'a. pas encore été imprimé , fur deux manufcrits du Vatican & de la bibliothé-  de M. Winckelmann. 57 que Barberini. Le Prélat n'en veut avoir qu'iins petite partie pour ine laiflèr le refte. En attendant, je me fuis chargé de beaucoup de travail. Mon ouvrage fur la reftauration des ftatuès anciennes & autres ouvrages de 1'antiquité étoit déja prét a étre imprimé ; mais je commence a le retravailler de nouveau. Le fecond ouvrage eft la defcription des plus belles ftatues qu'il y ait au monde , favoir, celles qui font au Belvedère, qui a toujours été le principal objet de mon travail ; mais il fe paflera peut-ctre encore bien du temps avant que je puiffe y mettre la derniere main. Je raiTemble en même temps des matériaux pour une Hifioire de V Art; c'eft qui m'oblige a relire j tous les anciens Auteurs grecs. Je defire comme un grand bonheur de voir ici j le jeune Comte : je me flatte de pouvoir lui rendre le fouvenir de Rome agréab'e pendant ! toute fa vie. Ce feroit pour moi une occafion de témoigner en quelque forte ma fincere reconnoiffance au bienfaiteur qui m'a tiré de l'obfcurité & de la pouffiere de Fécole. Aucun vcyageur n'auroit vu avec plus de profit les tréfors de 1'antiquité i & les chefs-d'ceuvre des Modernes. Je fais combien la plupart de nos Seigneurs allemands , ainft que ceux d'autres pays quittent Rome fans avoir 1 connu ie vrai beau & le iubhme de 1 Art, & lans j avoir formé leur goü'c , par la vue des grands ; modéles. C iij  3$ Lettres Je prie V. E. de pardonner la liberté avec laquelle j'ofe écrire è un grand-homme & a mon maitre. Les dernieres paroles qu'elle daigna m'adreiïer'a Dahlen , oü elle me montra tant de bonté , m'enhardiffent a lui dire ce que je penfe , fans trop méfurer mon ftyle. Les grands malheurs qui affligent notre patrie me caufent beaucoup de chagrin ; mais ijs n'önt pas encore troublé ma tranquilité extérieure a Rome. Je plains le pauvre pays ; mais mon ami & mon protecieur, qui tient fa parede, a foin de moi, & au moment oü je m'y attendois le moins, j'ai ■ vu arriver de nouveaux fecours. J'ai recu il y a quelques femaines la troifieme lettre de change de cent écus. Je compte employer le refte de eet ar. gent è aller au mois de Mars è Naples; & fi j'ai le bonheur de recevoir encore quelqueargent, j 'irai alors a Florence; voyage auquel M, de Stofch , qui eft devevu mon grand ami, m'invite beaucoup ; je crois même qu'il m'offrira fa table. Dans 1'incertitude oü je me trouvois , il y a quelque temps , je fis offrir mes fervices au Cardinal Archinto , Secrétaire d'Etat; ce Prélat m'en témoigna beaucoup de fatisfafitattendre pendan£ ^ ^ re , d y a environ quatre mois , je commmenPia fa,re une grande mercuriale. Je'tois , difois£, w. homme qui favoit apprécier le feul bien dont les etres raifonnables fufient maitres, c'eft- d3;dire ^ temP^& qu'il étoit indigne de moi de - infi ]es can.eaux ^ ^ ° tand, que } etots peut-être ia feule perfonne qu / ne demandat „en au Cardinal A. oui, le feul T naC/ePtaC rien ^ lui. Le Cardinal P-ut enfin, & me demanda fi j'avois quelque eievir Un m°ment Penfif' & com^ die vit que ;e ne voulois rien ajouter , elle con- t-uafonchemin. Pourquoi n avez-vous pas parlé mamtenant, me demanderent des Abbés & d'autres perfonnes de cette efpéce? Je leur répondis q«e la maniere d'interroger du Cardinal ne'  de M. Winckelmann. 43 m'avoit pas donné envie d'en dire davantage. Mais je m'appercois que j'abufe de la patience de V. E. en 1'entretenant de ces bagatalles ; ce n'eft que pour lui faire connoitre que je n'ai pas encore dégénéré. En attendant j'ai trouvé dans le Cardinal un honnête homme , qui ne demande qua m'être utile , fans en trouver les moyens. Je mettrai toujours ma liberté a un très-haut prix a Rome. Quoique le Prince Eleftoral m'offre de nouveau une lettre pour la Reine de Sfcile, & me demande ma derniere réfolution concernant mon voyage de Naples; je ne puis cependant pas encore le faire paree que les moyens de fubvenir aux frais , me manquent. Je travaille a faire publier ici, ainli qu'en Allemagne, un petit ouvrage , c'eft-a-dire , un elïai fur 1'Hiftoire de 1'Art. Je crois qu'il eft nécelTaire de commencer par la , paree que le traité de la reftauration Sc de la réintégration des ouvrages des Anciens , & ce que j'ai encore entre les mains, feroit fans cela inintelligible pour une grande partie des lefteurs. Ces recherches fur 1'Art des Anciens, qui offrent un champ encore inculte , ne me permettent pas de jouir des tréfors, après lefquels les Savans étrangers foupirent tant'. J'ai a ma difpofition tout ce qui fe trouve au Vatican , Sc je n'ai qu a demander la clef des manufcrits des Jefuites pour 1'obtenir. Je vais faire con-  44 t E TTJI S s A"emagne , & qUOn regarde ici com- UM(7 li \Arck"^ de Franc arch, C^ 3- TI n y en a que deux exemplaIres a Ro- ^^;V7trMz ******* Moshein,, pui dan, f ^f'"™ a Ge«=ve avec Server, affaire av cl' . * cette I» ^-héque fe^^r^^^T^*4' « «f*, g-d ia-folio t"ec L u" ' ches. Pour favoir «*!| • b«mcaup de plan- *™ .«« de x'£ ^/arle ^ , de rnême que m-^^;^ u^^r^/T11 p>is encore de ce que Va..K, ' J US pI"S ful'- indications d'Orlandi & de h. ' , ? ' °u ^ ou bien que Vauba, £^2^ ^ ' edicion, JWris encore FontZ?*£2 vcnu,; & jappris en mème-remps qu'il  de m. Winckelmann. 4j* me, dont Ie Vatican en pofléde un , qui lui a été legué, il y a quelques années. On dit que Vauban a pris ce qu'il a fait de mieux dans eet ouvrage , & qu'il en faifoit acheter tous les exemplaires qu'il pouvoit trouver. On en a offert un pour cinquante ducats au Cardinal Paffionei. Le digne Cardinal Alexandre Albani, aura fans doute une grande prépondérance au prochain conclave, mais qui nefe tiendra pas encore de fi-töt. Je defire beaucoup ce changement, paree que ce Cardinal veut étre mon protecleur. En attendant on ne manque pas de moyens de m'être utile. II y a ici un nombre infini de penfions pour les nouveaux convertis , qui la plupart font données a des perfonnes qui en font indignes. Leo y avoit encore d'autres éditions de ce livre , mais moins eftimées. Enfin Apoftolo Zeno , 1'édiceur le plus moderne & le plus favant de ce livre, a éclairci tous mes doutes ScjaCtifié mes foupcons cor.tre Orlandi &r Haym, Dans une note favante page $e>6 fcqq. il dit exprefTément, qu'Orlandi & Haym fe font trompés & qu'il n'y a de eet ouvrage admirable qu'une feule édition, favoir celle de Brefcia 1599 , qui contient & le texte & les planches. II indique en mêmetemps la raifon , pourquoi on a fauffement cru qu'il y en avoit plufieurs éditions, qui eft, que quelques années auparavant on avoit vendu les planches fcules fans le texte. On peut trouver a la page indiquée , ce que Zeno dit de la rareté de ce livre , & de 1'adrefTe qu'ont eu quelques Ingénieurs francois de s'attribuer le travail du favant Bolonois. N. de M, D.  f L E r T K E , A latms eft toujours pour moi un exemple qui quft faudrmt qu'U Je fut genéralement ƒ pour fennr Imgratitude que lea p]us '^l Savans ont eprouvé de leur ftécle, que ce er nd homme eft parvenu a lage de foixaj qZ" Zs de Kome&du monde entier. C'eft a eet asre a«ffl de fa n™„ • lettres eentes M' "r '' &ut 1"= je dife ,out j mon . f"^ b,enfiittur- ^ « Pourra! pas c" e i s St. o dm°'V rcToIu de me mettrc *« 1 s du ch ' 0i ''°n me difP-k des offices du chceur , pour goüter le repos & „'» vorrp^befomde q„i ,ue ce foit/ca ,t ma " heureufe guerre de Saxe ne me pernJ ™'s de nen efpfrer de ce cóté la. P Jeprderaichezmoilepréfentdu Cardinal,  de M. Winckelmann. 47 en attendant la bonne humeur du Pape. J'y joindrai alors la favante édition dii Chriflomï, de Sacerdotio de mon ami , Mfg. Giacomelü , pour en difpofer fuivant les ordres de V. E. Je fuis &c. A M. FRANKEN. LETTRE I. Rome, le J De'cemlre I755. Joie & fanté a mon ami! Après un voyage de deux mois , je fuis arrivé a Rome le 18 Novembre joyeux & en bonne fanté. La partie la plus agréable de mon voyage a été dans le Tyrol , & dans le canton de Baviere que j'ai eu a traverfer depuis Augsbourg. J'ai été plus content dans un village fitué au milieu des montagnes couvertes de neige , que dans 1'Italie même. On n'a rien vu de' lingulier & detonnant, quand on n'a pas vu ee pays avec 1'ceil obfervateur dont je 1'ai confidéré. On trouve fur les plus hautes montagnes des chemins auffi commodes que dans une chambre. Les Payfans du Tyrol , armés de marteaux de fer , abattent les pierres de taille pour les reduire en gravier.  Lettres Toutes les demi-lieues on trouve au oled des -ontagnes d'une beauté agrefte , de. grandes auberges , même dans les endroits oü il n'v a pomt de viliage , ou regnent Ia propreté l 1abondance. Les Hts ne manquent nulle part, ^ Ion eft par-tout fervi en argenterie. Nous nous fornmes quelquefois trouvés vingt perfonnesa/abie f que le4 COUVcrts Mais a peine eft-on entré dans le Trentin, que la malpropreté & la mifere Yuccédent a ces commodes. 11 y a néanmoins par-tout de belles jonnes, & toutes les filles que j'ai vues a Bolfano etoient jolies, je puis même dire belles. Dans le Trentin & en entrant fur Ie territoire de Vemfe, les chemins dans les montagnes font fi mauvais que n0Us avons mis un jour entier pour faire deux miles d'AHema»ne Vénife eft „ne vi]le dont ^ ^ premier abord, mais cette furprife cefte bientöt. Les plus belles maifons font pour la plupart fitüees furie grand canal , & il feut prendre une gondole pour les voir. Les autres rues font en général, fi étroites , qu'on ne peut y marcher" que deux ou tout au plus trois perfonnes de front ; & les maifons font hautes? maJs ^ ^ baties. Le climat de Vénife me parut trop froid ce qui me fit quitter cette ville plutöt que je ne me 1 etoit propofé. Je n'ai pas vu la bibliothéque de S. Mare. Zanetti étoit i la campagne. II  BE M, WlMCKELMANN. J! y a a Vénife quelques églifes qui font plus; belles que celles de Rome. Qn n'en voit au-: eune a Rome dont le portail foit de marbre , comme on en remarque a Venife. Les églifes de Rome ne font pas non plus li riches en tableaux. J'étoit logé allo fcudo di Francia , qü le Margrave de Bareith avoit refté , & qui paiTe pour la plus grande auberge de la ville. L'hóte eft Allemand. Je n'ai quitté Bologne qua regret. J'ai refté cinq jours dans la maifon de M. Bianconi; mais j'ai été obligé de profiter d'un© occalion favorable. Tout étoit encore verd jufqu'a Bologne , & les orangers étoient même en fleurs dans les jardins. J'y ai vu deux belles bibliothéques : celle de S. Salvador qui eft un tréfor d'anciens manufcrits, parmi lefquels fe trouve le Codex Lactantii qui a plus de I2CO ans, L'autre eft celle du couvent des Francifcains mais qui ne confifte qu'en livres imprimés. De Bologne j'ai pris par Ancone & par Lorette s & j'ai refté onze jours en voyge , que j'ai pafte avec beaucoup d'agrément. II étoit feulement dommage que mon compagnon de voyage, bourgeois de Bologne , ne parlat que fon patois que je ne pouvois comprendre. J'ai plus dormii que veillé pendant toute la route, II faut favoir furmonter toute efpece de dégout quand on voyage dans ce pays. Les derniers jours fnou e M. Winckelmann. j*3 quiet avant la réception de cette lettre, dans laquelle on me promet de pourvoir a mon entretien. Mais j'aurois defiré recevoir en même» temps des nouvelles & de vous & de notre cher Oëfer. J'efpérois qu'on m'auroit envoye' auffi quelques exemplaires de mes ouvrages; je crains fort maintenant de ne pas pbtenir 1'approbation du public. J'aurois peut-être mieux fait de ne plus écrire. Je tücherai néanmoins de réparer cela par un autre petit ouvrage auquel je travaille acluellement, & qui n'eft qu'un effai d'un grand ouvrage que M. Mengs & moi avons projetté de faire enfemble. Je n'ai pas encore trouvé de bibliothéque plus utile a mes recherches que celle du palais Corfini raflèmblée par le Pape Benoit XIII; il eft facheux feulement que j'aye trois quarts de lieu a faire pour y aller, & autant pour révenir, Elle eft dans lamaifon oü a demeuré autrefois la Reine Chriftine. II n'y a ici aucune bibliothéque publique qui approche de celle de M. le Comte de Bünau; & il me paroït fort dur de ne pouvoir demander qu'un feul livre a la fois, paree que toutes les armoires font fermées avec des portes de fil d'archal. Je devois cependant être content, paree que je n'efpérois pas trouver mieux ailleurs (car je n'ai pas encore vu la bibliothéque Imperiale ni celle de Barberini); lorfque par une lettre de M. Bianconi je fis la connoiffance du premier Médecin du Pape. Ce digne vieillard (M. Lau- Diij  Lettres renti ) me fit favoir, fans que je my attendifle , qu'il m'avoitobtenuune audience du Saint Pere. II y a douze jours qu'elle a eu lieu. Sa Sainteté m'affura de fa protection, & promit de favorifer toutes mes recherches. Elle me difpenfa de lui baifer le pied. j'ai cherche a profiter de cette bonne difpofition, en priant M. Laurenti de me faire avoir 1'entrée de la bibliothéque des manufcrits au Vatiean; ce qu'il m'a fait efpérer. Cet événement a donné une nouvelle tournure a mes affaires. On doit me ménager, paree qu'on ignore ce qui s'eft paffé a mon audience, & ce que Sa Sainteté a pu me promettre. Quoique je me fuffe déclaré contre toute efpéce d'engagement, j'ai permis néanmoins qu'on me préfentat au Cardinal Pafïionei, qui m'a recu avec une politeffe extraordinaire. II m'a conduit lui-même dans fa bibliothéque; & comme un Abbé qui y écrivoit vouloit öter fon chapeau, & que le Cardinal refufa de s'avancer avant qu'il ne fe fut couvert; S. E. me dit qu'ort èevoit bannir tous complimens de la république des lettres; & pour mieux me prouver cette liberté, il paria long-temps avec le jeune homme fans que celui-ci osat toucher a fon chapeau. II faut que vous fachiez, mon cher ami, qu'il eft d'ufage ici de fe couvrir, même dans la chambre de ceux a qui Ton rend vifite. Ce Cardinal m'a accordé pleine liberté dans fa bibliothéque, oü rien neft fermé, & ;"y fuis autant a mon aife qua  de M. Winckelmann. 57 Nothenitz même. Elie n'eft pas fort éloignée de mon appartement, & fe trouve ouverte tous les matins depuis neuf heures jufqu'a midi. C'eft un Abbé francois qui en eft Bibliothécaire. Le Cardinal ne paroit point aimer les Romains —. — II me montra un catalogue commencé de fes manufcrits , qu'il avoit fait faire par un Pere des Ecoles pieufes qui eft actuellement a Naples, & eet ouvrage m'étoit deftiné : mais je crains les Grecs, dit Hector. La bibliothéque de S. E. paroit auflï confidérable que celle de Nothenitz, Sc elle ne lui céde en rien pour la beauté des reliures qui ont été faites en France. L'arrangement & la difpofition font les mêmes que dans la bibliothéque de M. le Comte de Bünau. Le Cardinal n'a cefie de me parler de fon catalogue , dont il a les quatre premiers volumes, & il a été charmé d'apprendre qu'il y en ait de nouveau paru deux volumes. J'efpére maintenant obtenir 1'entrée aux tréfors du Vatican , mais je n'ai pas encore le temps d'en jouir. Je fuis de nouveau a 1'attache ici comme je 1'étois a Drefde; & je ne prends ordinairement que le dimanche pour voir Rome. Je le fais dans la compagnie de quelques Artiftes francois & allemands, avec qui je vilite prefque toujours deux galeries. II a entr'autres un certain M. Harper, Payfagifte de Berlin, qui eft depuis environ trois ans a Rome, & en qui j'ai trouvé un bon ami. Je pafte, pour ainfi dire, toute la D iv  ff L 2 T T E E S journée chez M. Mehps- iP AU-a a • i i . . , «ïengs, je dine du moins chez lui tous les jours maigres. Je „e prends le café que flans fa maifön, & fai mëme mes fe mes ouvrages dans fa cliambre. Mon oüvragè (1) a été traduit a Paris, & doit paroitre dans Ie Journal Etranger , s'ü n'v efr i M. Winckelmann. S9 livres qui parient de la prife de Rome en IJ27, ce quiy eft dit de ces ftatues & du dégat caufé au Belvedère , nommé alors il Torre di Ventö. Je ne puis pour le moment vous parler de littéraire. Je ne connois , pour ainfi dire, perfonne, & mon peu de facilité a parler me retient. Je perds fans cela beaucoup de temps, fi c'eft le perdre que de ne pas 1'employer a mon objet principal, II m'échappe fouvent de petits détails, ou bien après les avoir obfervés, ü me vient quelque doute qui ne me permet pas d'être tranquille avant de m'en être éclairci de nouveau. Pour voir une ville ou un palais il en coute toujours jufqu'a douze gros ; il faut donc que je profite de certaines occafions. Je pourrois remplir fans peine plufieurs feuilles de ce que j'ai obfervé en général a Rome; mais je veUx conferver cela jufqu'a ce que j'aie fait, s'il eft poffible, quelque chofe qui foit digne de la pofténté : j y péferai tous mes termes.  6° E * » r , , , Au même. & S Mai t?5£ Il faut que je cherch ^ -e plus de'pendre de perCeT W 1" ^ avoir été a Romr- « c A"ciens fans ii y a 4 ce^-la le haï, f t* ^ ]* puis ^ a 'e cnapeau fur la tptP r> a , , '«*» ira fa0E««Tilt' en,mdu"!*°-  ce M. Winckelmann. 61 Nous fommes maintenant dans la faifon d'al-r i Ier voir les jardins de Rome & des environs. I Mon ami ! je ne puis vous exprimer combien ; la nature eft belle ici. On s'y promene a 1'om^ I bre de foréts de laurier, dans des allées de grands ij cipres & (bus des berceaux d'orangers , qui ont I plus d'un quart de lieue de long dans quelques I villes, particulierement dans la ville Borghefe. < Plus on apprend a connoitre Rome , plus on y trouve de beauté. Je ne celle de faire des vceux de pouvoir finir mes jours ici ; mais il faudroit en même temps que j'y trouvaffe un fort afTuré , ou que je pufte refter toujours libre. En général un homme qui ne demande rien, ou qui n'ofe rien demander eft mieux recu a Rome ' que le Prélat le plus hupé. Ecrivés-moi fincerement je vous prie ce qu'on dit de mes ouvrages. J'ai toujours été dans Ia crainte , & j'y fuis même encore; car je n'ai pas eu aftèz de de temps pour bien digerer mes idéés. Je ne [ puis rien dire de certain de mon voyage a Na: pies avec M. Mengs. Si le grand tableau i d'autel (i) eft achevé dans deux mois d'ici, 1 nous partirons alors au commencement de Juillet; fi non je devrai remettre ce voyage au mois de Novembre , a caufe des dangers qu?on a a ( i) C'eft le tableau d'autel qu'on voit a Dreüe, &qui eft d'une beauté admirable.  ê2 E E t T R E s craindre de la chaleur. II ne feroit pas prudent a moi d'y aller feul. Le plus grand bonheur dont je jouhTe k Rome, eft d'avoir fait la connoiflanee de M. Mengs. LETTRE V. Au même Rome, ce 25 Sepiembre 1756. Jê penfal aller k Naples vers la fin du mois prochain & y refter jufqu'au printems ; mais les triftes fituations de la Saxe ont dérangées tous mes defleins. Souvenez-vous des petites recherches touchant le Vatican & le Belvedère. Je marche k grands pas pour achever eet ouvrage oü jen ai befoin. Le premier dont je vous ai donné quelque idéé , a pris j ce me femble, la première forme ; mais je veux le laifler meurir. Nonum prematur in annutn. Le critique de Paris aura une réponfe, du cöté oü il le croit le moins. Naples men fournira les moyens. (1) •Cette lettre a cté écrite cn francois par M. ktlmann.  de Winckelmann. G$ Je fais toutes Cortes de découvertes. La femaine paffée j'ai déterré deux noms d'Artiftes Grecs fur des ftatues mêmes, qui ne font encore remarquéS par perfonne. LETTRE VI. A.u même. Rome. JMon cher ami ! tout va bien a Rome au fommeil prés. O ! que n'ai-je des ailes d'aigle pour aller paffer deux mois avec vous. Que°de chofes n'aurois-je pas a vous dire! que de chofes n'entendriez-vous pas! ce qui ne fe trouve pas dans les livres, & ce que Richardfon a ignoré. C'eft encore le meilleur entre tous quoiqu'il ait beaucoup pêché. Le petit ouvrage dont j'ai formé le plan a Rome ( De la rejlauration des anciennes flatucs ) , a pris fa première forme. Je ne pourrai cependant y mettre la derniere main qu'après avoir été a Naples & a Florence. Mon ouvrage m'a procuré une correfpondance trés-amicale, avec le Baron de Stofch, qui demeure a Florence ; & je fuis plein d'impatience de voir cette ville. Ce voyage ne pourra néanmoins pas avoir lieu avant 1'été prochain; car il s'en faut de beaucoup que j'aie fini mon travail a Rome; & Pan. I. *  él Lettres je compte pafier i'hiver a Naples. On a de nouveau trouve beaucoup de ftatues, mais je «en ai rien appris de particulier. Plufieurs de mes connoiffances & entr'autres un eftaim entier de jeur.es Anglois y ont été depuis peu; mais 11 ne faut Pas vous imaginer que les Artiftes voyent toujours bien les chofes. II y en a quelques ■ uns qui ont la vue bonne; les autres font aveugles comme des taupes. Il y a ici des premiers feintres de quelques Princes d'Allemagne, qui tous . J'ai déja recu une lettre de recommandation pour le Confeffeur de la Reine de Sicile, & cette lettre étoit accompagnée d'une lettre de ' change de cent écus. Je vous mande ceci pour que vous preniez part a ma joie. Je me fuis donné quelques livres, tels que le Franc. JuïviuS, de Pidura Vetemm. Item: Scholia graca in VII. Euripjms Tragccdi*, Bafil. Per Jo. IIeruagium , w, 8 > qui ne ie trouve fans doute point dans votre bibliothéque. Aeschyli, Trag.per Tvrjvebüm, Paris. Xiphilixus, & un Aristophanes fme vers. lat. Comed. XI, ex Offic. Plantin, apud Rapheleng. léoo. m-l2, qui „eft pas fion plus k Nothenitz. Tout ce qui reearde la Jitterature grecque eft couvert de ténebres a Rome. On m'avoit beaucoup parlé d'un Jéfuite irancois ; mais en m'entretenant avec lui, j'ai trouvé  de Me Winckelmann. ó"y tróuvé que c'eft un pauvre ignorant. Cette nation n'eft pas du tout faite pour s'appüquer au folide. Les rues & les places publiques font toute la journée rempiies ü'Abbés qui s'amufent a voir les paflans. II y en a par centaines , deguenillés & prefque nuds. Cela eft caufe que j'ai cherché a me diftinguer de cette foule par mes habits. Vous n'aveZ donc rien trouve pour moi ? Je le crois bien. Quel eft 1'Ecrivain qui fe foit jamais inquieté d'anciennes ftatues ? On s'eft encore plutöt occupé d'infcriptions; les plus rares font celles qui ont été imprlmées , elles ont été brifées & employées pour batir. J'en citerai par occafion quelques-unes qui offrent des particularités intéreftantes, & qui ne font plus a.Rome. Un certain Rejïauratore di Jlatue (i) en a acheté plus de cent , qu'on a trouvées dans une cave ; mais ce ne font que des infcriptions de Familie, qui d'ailleursn'ont rien d'intéi'elTant (i ) C'eft probablement M. Cavaceppi Sculptcur Romain , avec lequel M. Winckelmann entrepnt quelques années après fon malheureux voyage pour FAllemagne, & qui dans la fuite a publié un magnifique ouvrage iutitulé : Raccolta d'antiche Siatue, Bujii, BaJJirilievi edaUre Sculp~ lure, uftaurate da Bartoloweo Cavacsvpi , Scultore Romano ,'in Roma . J^ol. I lj6B , fob II ïjSa.J'ol. con figurti N.deM. D. Tart. I. E  66 Lettres pour 1'antiquité. Je ne puis rien faire de plus de cette nature; car perfonne ne peut parvenir a voir les marmfcrits du Vatican qui n'ont pas encore été publiés. On y voit que des armoires fermées. On parvient, a la vérité, avoir, & cela fans en avoir obligation a perfonne , quelques ouvrages rares , tels que le Virgilium &c. que tous les voyageurs ont cités. Le médailler , dont Venuti a donné la defcription , eft mauvais. C'eft une petite caflette de bois d'ébene; ce qui joint a une chambre rcmplie de petites antiquailles, eft tout ce qu'on montre. Il y a trop loin pour y aller étudier; car il me faut une heure pour m'y rendre. On perd le courage a Rome par la chaleur qu'il y fait. Ce qu'il y a de meilleur, c'eft qu'on n'a befoin d'aucune recommandation pour voir les tréfors de cette ville; on en n'eft quitte pour payer. Je fus ces jours derniers voir une ftatue dans un jardin ; aufii-töt un des dcmeftiques vint avec un balai pour en öter les toiles d'araignée , & me demanda pour boire. Peu s'en eft fallu que je n aye trouvé , il y a deux mois , mon tombeau fous une ancienne ftatue. Je fus dans la villa Ludovife, oü 1'on ne peut entrer fans une permiffion particuliere du Prince. Je montai fur le piedeftal d'une ftatue, pour voir de plüs prés le travail de la tête , croyant que cette ftatue étoit retenue par des fers , comme cela fe pra-  deM. Winckelmann. 6j tique ordinairement. En defcendant la ftatue tomba par terre & fe brifa. Vous vous imaginez bien 1'inquiétude oü je dus me trouver. II n'étoit pas poffible de men aller tout de fuite , paree que j'avois dit au garde qu'en revenant je verrois la galerie, & qu'il eut foin de tout ouvrir. De quelle maniere que je m'y fuffe pris,le ioupcon ne pouvoit tomber que fur moi : il étoit d'ailleurs a craindre qu'un des ouvriers n'eut vu le malheur que je venois de faire , & qU5ü ne vint le dire pendant que je ferois dans la galerie. Je fus donc obligé de chercher a fermer la bouche de eet homme , en lui donnant quelques ducats. Jamais je n'ai été dans de pareilles tranfes. Par bonheur pour moi, cette affaire na pas eu de fuite. Je vous parlerai une autrefois de la villa Hadriani, qui a trois miles d'Italie de longueur. C'eft une véritable merveille è voir. Les cent voutes oü les gardes Prétoriennes ont logé, font en auffi bon état que fi ces gardes ne faifoient que d'en fortir  6S L E T T R E S LETTRE VII. Au même. Rome, en Mars ijtf. Comme je dols répondre a Wakher, je prorite de cette occafion pour écrire quelques lignes a mon cher ami de Nothenitz, avec qui j'ai paüe tant de temps dans une longue & agréable folitude. Si, comme le prétendent les nouveaux faifeurs de contes, les hommes peuvent étre vifibles en deux différens endroits l la fois, ma figure doit certainement étre préfentè a vos yeux. Au milieu "des ruines des temples & du palais des Céfars, je m'oublie moi-mêmequand je penfe a Nothenitz , & dans le Vatican même je defire d'être avec vous. Tu partagerois a préfent, me dis-je, les malheurs de ta véritable patrie & de tes compatriotes, plaints du monde entier, & chez qui tu as goüté le bonheur. Je ne fuis pas le feul qui penfe ainfi,plus d'unRomain même, en qui coule encore un refte du fang de fes ancêtres, donneroit avec plaifir fa tête, fi le facrifice de la vie d'un homme pouvoit fauver une nation. Mon ami & mon pere (le Pere Rauch, Confeftèur du Roi), qui tiènt fa promefte, ne me  deM. Winckelmann. tfp laifle pas partager ici les malheurs de la Saxe; il me donne même 1'affurance de ne pas m'abandónner, & le Roi m'a fait promettre fa bienveillance. Je fais que c'eft par fes bontés que je puis voir ce beau pays , dont je jouirois mieux encore ft je pouvois modérer le defir que j'ai de m'inftruire. Je me fuis chargé de tant d'ouvrage que je me vois forcé de renoncer a plulieurs amufemens. Ce que j'avois voulu publier le premier eft de nouveau tout boulverfé ; car je fuis devenu extraordinairement craintif après les erreurs que j'ai commiles. Comme je veux que mes ouvrages obtiennent auffi des. approbateurs a Rome, je traduis tout a fur & a mefure, & le fais corriger par des gens inflruits. Outre mon premier Traité de la Rejlauration des Statues & autres ou-^ vrages des Anciens , je travaille auffi a une defcription des ftatues du Belvédère; mais je n'ai fait encore que 1 ébaucher. J'ai réfléchi plus de trois mois a Ia defcription poëtique du Torfa d'Apollonius, j'ai raffemblé auffi beaucoup de matériaux fur les villa & les galeries de Rome; de forte que dans la fuite je pourrai bien donner une defcription de cette ville en forme de Iettres, car j'ai des anecdotes très-curieufes pour cela* Tout ce travail va néanmoins' fort lentement, paree que je perds beaucoup de temps par les vifites que je fais pour m'inftruire dans k compagnie des favans;. rnajs fur-tout. a caufe que j'ai E iij  7° Lettres voulu relire tous les anciens Auteurs grecs & autres; tant pour 1'ouvrage dont je vous ai déja parle, que pour un autre plus confidérable faveur, une mjloire de VAn jufqu'aux temps mo" dernes exclufivement.La colledion de Junius n'eft pas complette ; d'ailleurs comme eet Ecrivain n'avoit pas vu Rome & que Part n'étoit pas fon objet principal; il y a beaucoup de chofes qu'il n'a pas comprifes & d'autres dont il ne parle pas II y a, par exemple, un paftage au commencement de Petrone : Sed Algyptiorum audacia tam magnae artis compendiarïam &c., que perfonne n'a pu éclaircir jufqu'a préfent. Vous favez que le P. Burmann a avoué fon ignorance. Je crois que je pourrai en développer 1'énigme'par un bas-relief de Ia villa du Cardinal Alexandre Albam, Dans la préface du premier volume je dirai beaucoup de chofes qu'on n'a pas encore dites & qu'on ne s'eft pas encore imaginé de dire. En hfant les Auteurs anciens, j'ai foin de faire en même-temps des remarques fur la langue; paree que je me prépare a publier, avec une traduclion, les difcours de Libanius qui n'ont pas encore été' imprimés, & dont les manufcrits fe trouvent au Vatican & è Ja bibliothéque Barberini. A cela il faut joindre la Ieöure des meilleurs Auteurs iraIiens, qu'il eft abfolument néceflaire que je connoifTe a fond. J'ai donc fait un emploi de plufteurs années. Peu4-peu je comparerai les paf-  DE M. WlNCKElKAN N. Jl fages qui concernent les arts avec les manufcrits du Vatican. Je connnois 1'Abbé Mariani qui a écrit l'Etruria Metropoli. II eft du petit nambre de perfonnes qui favent le grec, & ce qu'on appelle ici Scriptor grcccus, dont il y en a douze au Vatican pour les différentes langues. Je commencerai mon travail par coliationner Paufanias. Suivant Montfaucon eet Ecrivain n'eft point au Vatican; mais il faut obferver que ce Pere a tout parcouru k la hate , comme un vrai Francois , tant ici qu'ailieurs. Son Antiquité expliquée fourmille d'erreurs groflieres. J'en citerai quelques unes dans mon premier ouvrage. Mais avant de finir 1'un & de commencer 1'autre, je dois avoir vu Naples, oü je compte aller le famedi après Paques ; non-feulement pour voir les antiquités, mais pour faire la connoiftance du plus favant homme de notre fiécle dans la littérature grecque, favoir, le Chanoine Mazocchi, agé de quatrevingt ans, dans la compagnie duquel je pourrai beaucoup m'inftruire. Vous ferez furpris Iorfque vous verrez un jour fon eommentaire fur deux tables de bronze en écriture dorique. II n'a été imprimé de eet ouvrage que le premier volume; & le Roi veut qu'il ne paroiffè que Iorfque le fecond fera achevé. II n'y en a k Rome qu'un feul exemplaire que pofféde le Cardinal Spinelli, Archevêque de Naples, que j'ai eu pendant quelques jours chez moi. Mazocchi prouve k Paufanias, a Eiv  7* Lettres Strabon & k Polybe qu'ils fe font trompe^ Je demeure maintenant au palais de la Chancellerie, oü le Cardinal Archinto m'a donné un appartement. Je n'ai voulu accepter que les quatre murs, les meubles font a moi, afin de refter libre. ƒ ai pour cela quelque foin de fes livres. Jufqu'ici j'avois vécu pendant quelques mois trèscontent avec un jeune Sculpteur danois; & comme je ne manquois pas d occafions d'emprunter des ïivres, je n'aurois pas changé de demeure, fi jg n'avois pas cherche' a m'éloigner du quartier des étrangers, & d'être plus proche de deux de mes meilleurs amis. L'un, agé de foixante-dix ans, eft Peintre, Sculpteur & homme de lettres de beaucoup de favoir & d'expérience, & dailleurs unvieillard très-aimable. Cette gaieté n'eft pas rare ici dans les perfonnes de eet êge, & le Cardinal Pafïionei croit qÜ'il pourroit encore fauter par deflus une chaife. Llautre eft fans contredit le plus profond favant qu'il y alt a Rome; c'eft Mgr. Giacomelli , Tofcan de nation s . Chanoine de St Pierre & Chapeiain particulier du Pape, grand Mathématicien, Phyficien, Poëte Grec, a qui je dois céder le pas dans cette partie. Un volume des Mémoires fur les différends du Pape avec la Cour de Turin eft de lui, & ii sett fait connoitre ici par fon édition du Promethée d'Efchyle , de 1'Electre de Sophocle & de St Chryfoftomi de Sacerdotio, li eft le maitre  BE M. WlNCKElMANN. 7$ ■qui me lit & m'explique le Dante. J'ai fait la connoiffance de ce dernier par le premier, & je vais voir ordinairement 1'un le matin & 1'autre le foir. Mais comme Giacomelli méprife les recherches fur les antiquite's, de la maniere qu'elles ont été faites jufqu'a préfent, j'ai pour confulter fur cette matiere deux autres perfonnes : un Pere Francifcain, Vicaire de fon ordre, nommé Pietro Bianchi , qui pofféde un grand médailler raffemblé principalement en Egypte & en Afie. L'autre eft un Prélat d'un grand favoir , Mgr. Baldani, de qui je dois la connoiffance au Cardinal Alexandre Albani, qui me veut beaucoup de bien fur la recommandation de M. de Stofch de Florence. C'eft un de ces génies comme on en trouve tant en Italië, c'eft-a-dire, qui n'ont aucune démangeaifon d'écrire. Il eft content qu'on fache qu'il eft en état de faire de grandes chofes, & n'a d'ailleurs aucun befoin d'être Auteur, ayant cent ducats a dépenfer par mois , avec la table & une voiture que lui donne le Cardinal. Au refte, je vais tantót dans une bibliothéque , tantöt dans une autre, mais particulierement dans celle du Cardinal Paffionei, oü perfonne n'a plus de liberté que moi. Peu d'étrangers ont comme moi 1'occafion de voir & de jouir de.Rome. Car quoi qu'il foit facile dans ce pays de faire la connoiffance de perfonnes inftruites, on n'obtient qu'avec beaucoup de peine d'eux cette amitié qui fe com-  74 LIk t -uniquefansréferve; Jcomme H. coanoüTent lafuperiontedontjouit, fans contredit , leur nation, ils ont une indifférence marquée pour tous les etrangers qU1 n ont pas un mérite particulier. & je pms etre appuyé dans la fuite', Rome iera pour moi un vrai paradis terreftre , que ie ne quitteraique les larmes a 1'ceil ; c'eft a quoi ma *ante ne contnbue pas peu, quand je ne mange Pas trop, ce qui ne marrivé que Iorfque je dine feul paree qu alors je ne me donne pas le temps de faire la maftication néceftaire. Les excès dans ie boire, comme il m'arrive fouvent d'en faire me fervent de médecine. * Le Cardinal Albani eft oceupé a faire batrr fa villa qui paroït a tous les yeux un chefd oeuvre del art. Que ne pouvez vous Ie voir, ou que ne puis-je vous le dépeindre ! Ce Cardinal eft le plus grand Antiquaire qu'il y ak au monde; il produit au jour ce qui étoit enfeveli dans lestenebres, & Ia paye avec h digne dun Roi. Si nous obtenons-pour Pape un Amateur des antiquités, nous découvrirons fa„s doute par les foins de ce Cardinal (qui ne peut parvenir au St Siége, paree qu'il n'eft pas Ls les ordres) des tréfors plus grands encore que ceux que nous poflédons déja : car on connoit les endroits ou il faudra fouiller. Voulez vous lire quelque chofe de fublime en poefie itahenne, procurez - vous les Poéfies  de M. Winckelmann. 7 ƒ d'Alexandre Guidi, & lifez fon Endimion & quelques autres de fes ouvrages. On a déja publié neuf volumes du Prodromo Ercolan, de Bayardi , & un volume grand in-foüo du Catalogue de toutes les chofes qu'on y a découvertes. J'ai maintenant entre les mains un Plutarque avec les notes manufcrites de Grotius , de la bibliothéque de la Reine Chriftine. < , , 1.1, m^i^^^^^-^===t> LETTRE VIII. Au même. Rome, le 4 Février J'ai tardé a vous répondre, afin de pouvoir vous mander le temps précis de mon départ pour Naples , oü je compte aller dans huit jours, c'efta-dire, le premier famedi de caréme. Mon ami !ce voyage eft pour moi une démarche de la plus grande importance , & de laquelle dépend peut-être mon bonheur , tant ici qua Naples. J'ai un grandavantage en ma faveur, c'eft que j'y vais avec une certaine confidération, quim'y aura déja précédée. J'ai pallé plus d'un an a Rome avant de pouvoir y parvenir. Les préparatifs de ce voyage me couüéja prés de cent écus , dépenfes que la continuation des libéralités du Roi, & les bontés du Cardinal m'ont mis en état de faire. J'aurai des lettres de recommandation qui me mettront, je crois, dans le cas de diner dans les plus grandes  5? L E T T K E s maifons LoPrince Eleflonum adéja recommandé pour la feconde fois a la Reine. Je vous écrirai de Portici; car après avoir refté environ quinze jours a Naples, ou je dois loger dans un convent d'Au' gufhns, je me rendrai a Portici, pour y étudier pendant quelques femaines les antiquités. J'ai la fortune pour moi, que le ciel daigne m'accorder 1 mtelligence! Peut-être s'ofFrira-t-il quelque chofe pour moi a Naples. J Je vais maintenant vous parler de ma fituation ■» Home fans choix , fans fuite des matieres & ianscraindre que vousm'accufiezde vanité. Comme je cherche mon bonheur dans la tranquillité & dans 1 «ude , je dois me croire heureux; car je jouis du repos & de toutes les occafions poffibles que peut avoir un étranger pour s inftruire. Je fuis dans Iepalais de la Chancellerieau milieu deRome, comme a la campagne; car ce bÉtiment efl fi valt* quon nentend rien du fracas de la ville, qui eft aujourdnui beaucoup plus grand que du temps de Juvenal, qu'il n'y avoit pas des carrofles. Tous les tréfors de la Iittérature & du favoir me ont pour ainfi dire, ouverts, è Texception de la bibliothéque du Vatican. Car malgré toute Ia bonne volontédu Cardinal Paffionei, je ne puis parvenir a ce que je defire , ceft-a-dire, a faire moinieme des recherches dans les manufcrits. Si Ie Pape ne fe trouvoit pas dans un état qui fait crain qm ™ W - notre troifiem I Je H 9 '! V°°S p!aira ' d'amitiéavec Giacomelli n £ fuisdoncué PI» P-fond Sa^koT^^fr.18 qu'on dh avoir Ie plus d^Ht ^' Quant a ma maniere de vivre elle Pfl la ' « qua Nothenitz; je me retirll bonne heure * • V & couche de comédie ni 0P'ra " ^ ,6 V°is ni Pendant r; P ' qW ne me coüte™« cePenda t nen, COmme étant attaché a la Cour On m réguIiérement ]es b donne a d'autres. Le Carrlm.i al- 4 j qui s'eft déclaré Ie H ^"^A"*™» celui faveur A ermer Publiquement en ma gardé comme une 1 j! f' " ^ * d-eure au palaiTpt "1' mpnf ^ r P 5 & particuliere-  de M. Winckelmann. 7^ rne fuis tellement arrangé que je ne dïne plus chez moi. Une de mes connoiffances dont !a compagnie me fait le plus d'honneur, c'eft le Duc Cerifano, Ambaffadeur de Sicile, homme defoixanté & quelques années, mais de beaucoup d'efprk & de favoir. II habite le palais Francais, & comme nous fommes voifins, je vais fouvent le voir. Pour ce qui eft de ma fanté elle eft meilleure que je fache qu'elle ait jamais été. Je mange quelquefois trop & je bois comme un bon Allemand, c'eft a-dire, fans mettre de f eau dans mon vin; mais mon eftomac & ma tête fe tiennent bien. Je fuis devenu fort fenfible au froid, qui me paroit, de même qu'a tous les autres étrangers, beaucoup plus incommode ici que dans le rude climat de notre patrie; je me fers même de baftinoire pour mon lit. Je mettrai la derniere main a mes ouvrages, tant a Naples qu'a mon retour ici ; maintenant je m'occupe a faire faire , fous la direction de mon ami, M. Mengs, quelques déffins pour des gravures. Si j'ai du temps & de 1'argent de refte, j'irai par eau de Naples a Florence pour voir tout ce qui y refte de 1'art des Anciens. II eft néceffaire que je me falie connoitre par quelque chofe dans la littérature grecque; je ne trouve néanmoins encore rien qui me convienne. Je lis pour cela de nouveau tous les anciens Auteurs grecs, & je fais une table de tous les mots,  8o Lettres * ceux qui n'en ont pas encore, comme aux trois Poetes tragiques, par exemple : j'ai déja fini Efchyle de cette maniere. Dans mon Hifloire de VArt je ferai connoitre plufieurs anecdotes touchant les Poëtes grecs, que j'ai trouvé dans des manufcrits; de même que quelques infcriptions qui ne font pas encore connues; mais je ne choifirai que celles qui peuvent fervir d'éclairciffement, & qui font de quelque importance. J'ai commencé, depuis quelque temps, a étudier les medailles, pnncipalement dans la vue de m'en fervir pour connoitre Ie ftyle de 1'art de chaque epoque. Cela a caufé beaucoup d'importunité de ma part au Cardinal Archinto, pour me procurer lentrée chez quelques Princes romains d'une humeur bizarre; & dans ces recherches forcées j ai appris que le Cabinet de la Reine Chriftine decrit par Havercamp, & qu>on croit k Rome dans' le palais Bracciani, a été vendu en Efoagne. Après mon^retour de Naples j'en verrai les empreintes oes pierres gravées k notre cher ami Lippert. Je n ai pas pu faire plutót ces connoiffances. Il faut agir dans toutes fes démarches k Rome avec un certain phlegme, fans quoi 1'on paffe pour Francois. Je regarde Rome cómme Ia grande école pour toutes fortes de perfonnes; & moi-méme j'ai été epuré & mis k 1'épreuve. Je fuis ffche d'être obliVé d'aller maintpnone ^ xt.„i_. . - " ^'apic», oc ue ne pouvoir nas rprnip.- .. . ' ' rvuyage j Car il mëchappe une  be M. Wtnckeêmann. Sf une grande occafion a Florence. L'héritier unj» verfel de Stofch , mon compatriote & bon ami, m'a offert pour fix mois fa maifon & fa tablej de forte que j'aurois pu voir & étudier a mon aife le cabinet de fon oncle qu'on évalue, avec, raifon, a trente mille ducats. Après ce temps le meilleur fera vendu. Le Cardinal Aibani , mon plus zélé protec-? teur & le plus profond Antiquaire qu'il y ait, a fini de faire batir fa villa, & y a produit au jour des ftatues & d'autres monumens que perfonne n'avoit encore connu jufqu'a préfent, Le palais de cette villa eft garni d'une fi grande quantité de colonnes de porphyre , de granit & d'albatre oriental, qu'elles formoient une efpéce de forêt avant qu'elles ne fufïent en place ; car j'ai yu jetter les fondemens de ce palais. On s'y rend vers le foir, & Ton s'y promene avec le Cardinal comme avec le moindre particulier. II n'y a pas long-temps qu'une Princefie , qui avoit entendu parler de moi, m'accofta pour me parler, au moment oü j'allois ia prévenir : vous voyez par la la maniere dont on vit ici. Le Pere Corfini, Général des Ecoles pieüfes, travaille a une collection d'infcriptions grecques trouvées en Afie. Si vous viffiez, comme moi ? lamodefiie de ce grand homme & 1'oubli total qu'il a de fes talens; vous reffentiriez une erpéce de dégout & de répugnance pour L rlupart de pof ■ Part. I, F,  $2 Lettres Savansfc denos Profeffeursallemands j carcen'eg pas chez lui une hypocrifie inte'reffeë, laquelle neft, pour amfi dire, pas connue dans ce pays Jai réfolu de travailler fur Platon & fur Plutarque; & j'ai déja relu le premier dans un exem, plaire que ma donné mon ami Giacomelli, pendant un féjour que j'ai fait a la maifon de campagne de Camaldoli, proche de Frafcati, au mois dOctobredermer.Jefaismaintenantvenird'Andeterre lédftbnde 1'Ariftote de Sylburg, y volumes in-4 .,^qUl ne contient que Ie texte grec, &qui me coutera trois ducats & demi ou fept écus Tornams. Cette édition, que Ie Cardinal Paffionei a achetée pour deux écus a Paris, doit étre fort rare en Allemagne (i), PuifqU'elIe ne fe trouve pas dans la bibliothéque de Nothenitz. On fait en Angleterre une nouvelle édition de Démof- (DL edmondel'Ariftote deSylburg eft, engéne'ral, fort a e On la jrouve difficiletaenr complet[e dan! Ies ^ mé, & venduS feparément. La bibliothéque Eleftoralede ^an Lt°d r eXempIaire C°mpleE ^ition Francfor de ,. < 87, en cinq vol. dont la feprie.ne partie con, nent les /W™ que Clément, dans fa ^| ™ Tor, 11 9Jt affure ne fe ^ -ƒ 1 esemPIalre de la bibliothéque du Roi, ni dan c ,1™ N. de M, D,  DE M. W I N C K E LM A N X. thene grand in-<£. , dont il a déja paru trois volumes. II doit y avoir maintenant-quatre volumes d'imprimés du Platon de Glafgow, qui aura neuf volumes avec des caraéteres dans le goüt du Piutarchus Bryani. Ces jours derniers j'ai lu un certain livre qui eft devenu rare, paree qu'on n'en a imprimé que deux cents cinquante exemplaireï, comme il eft dit fur le titre; dont cinquante méme ont péris entre Marfeille & Livourne ; c'eft, Jo. Reïnoldis Jiifloria luterarumgrazcarum & latinarum. Etoncv 3 ïjóz grand in - 40. Ce livre m'engagea a examiner de nouveau le fameux Apothiofe d'Homcre que Schott & Cuper ont commenré; & j'ai trouvé que comme ie premier ne 1'a pas aftez bien examiné pour ce qui regarde 1'écriture, les autres fe font tous trompés; de forte qu'une grande partie de ces ouvrages tombe en mine : c'eft ce que je 'ferai voir dans mes écrits. Ces recherches m'ont coüté un demi écu; & je pourrois fournir tin alfez long mémoire de pareilles dépenfes a mon éditeur futur, li je voulois porter en ligne de compte tous les pour-boire que j'ai été obligé de dunner pour avoir des notions exactes de toutes chofes. Le premier volume des Peintures antiques de Portici a enfin paru en grand in-folio avec beaucoup de planches qui font afïèz médiocrement gravées. La première contient quatre figurqs aveQ n  $4 Lettres le nom de 1'Artifte : aaesanapos aqhnaioS ErPA$£n. (Je crois que cela doit être ErPA*£N). Je ne puis rien vous dire de plus de eet ouvrage; car je n'ai fait que lëntrevoir un moment chez le Cardinal Paffionei, de chez qui je vous écris cette lettre. J'ai vu cependant qnil n'y eft fait aucune mention de Part. Bayardi na plus rien a faire a eet ouvrage, duquel on a chargé une fociété de quinze perfonnes, dont le favant Mazocchi eft le chef, & laquelle fe raffemble toutes les femaines chez M. le Marquis Tanuci, Miniftre & Sécrétaire d'Etat, &ci-devant Profefteur a Pife. Ce Miniftre n'a peut-être pas fon pareil dans lg monde, & c'eft 1'homme que cherchoit Diogene. Avant de finir il faut que je vous dife qu'oa a'appelle pas autrement ici notre Comte que, il famofo Bunau. Je voudrois qu'il put jouir de fes livres, & que je puflé moi-meme avoir Ie bonheur de le voir affis devam fon bureau a Nothenitz, ou plutót de vous embrafler fatisfait l Drefde. Je vous écrirai de nouveau de Naples ou bien de Portici.  li e M. Winckelmann, S_jt LETTRE IX. Aü même. Florence , le 30 Septembre 1758. i out va bien ; je jouis d'une bonne fanté, elle eft même meilieure que jamais , quoique je n'oblêrve aucune efpéce de régime. Mes voyages y contribuent fans doute beaucoup. Je fuis parti le 2 de ce mois pour aller paffer quelques mois a Florence; en partie pour me diffiper & en partie pour m'inftruire, mais principalement pour parcourir toute la Tofcane & y voir & examiner par moi-même toutes les antiquités Etrufques. La femaine prochaine je dois aller aPife & a Livourne; après quoi je pafferai quelque temps dans les maifons de plaifance de Florence, tant chez le Nonce Borromeo que chez d'autres Seigneurs, Enfuite j'irai a Volterre, & a mon retour je prendrai, de même a cheval, en faifant un grand détour, par Arezzo, Cortone, Montepulciano, Chiufi, Peruge, Fulgino, &c. jufqu'a Rome. Je loge chez mon bon ami, le jeune Baron de Stofch, & quoique je n'aie paseu le bonheur de connoitre perfonnellement fon oncle, j'ai cependant après fa mort entre les mains tous fes tréfors. Dans fes F iij  Sai prife de w . ^ Mars Naples ,&d,IIer peut_êfre ^ Grec dans VAmpd & , Coflftan.h dans la compagnie d'un Peintre éco/Tois. Je mö fes a la venté , de nouveau engagé comme Bibhothecaire du Cardinal Alexandre Albani , « dantiquites^ma. comme il veut que je ne fois avec lui que fur ,e pied d'ami cel ne me gneraennen JVpéreobtenirpourmonvova! ge le fecours de quelques amis. II v a peu de jours que mon ancien ami , C car ceft ainfi qui roe nomme). M. ,e Comte de Firmian Mi n & Gouverneur du Duché de Mantoue ; * Ua 31 3Uffi dédaré «"» P-jet. Ce Seigneur  DE M. WlNCKELMANN. %$ eft un des plus grands, des plus fages , des plus humains & des plus favans hommes que je connoifle. II a fu obtenir peu-a-peu de mois par écrit, les meilleurs paftages de mon ouvrage. Je crois que fi le féjour de Rome pouvoit un jour me déplaire , ce que je nëfpére pas , je pourrois me réfoudre a établir ma retraite au-» prés de lui; car il n'y a pas une grande différence entre nos ages , & il ne fe mariera probablement jamais. Je vis ici comme a Nothenitz; &. mes occupations me permettent peu de fortir * ft ce n'eft quelquefois le foir pour aller a l'Opéra ou a la Comédie. Je delirerois feulement voir ici mes anciens amis, pour leur donner au moins un verre de mon meilleur vin , fi je ne pouvois pas leur offrir davantage. Mon cher Stofch ma procuré une provifion de vin , dont je ne pourrai pas voir la fin dans fix möis , quoique je boive beaucoup & comme un bon Allemand. C'eft une certaine efpece de Vin, qu'on appelle vtrdea , qui fe boit avec de ( ï ) C'eft ce qne M. le Confeiller Leffing a confirrné z fon retour d'Italie. II a fait 1'éloge non - feulement des grandes qualités morales de M. Ie Comte de Firmian } mais encore de fes connohTances étendues dans la liccéraH ture allemande , & de fon amour pour les arts & les fciences, qu'il cherche a écendre de plus en plus dans les lieux de f®n gouvernement. N. de M. D.  ^° Lettres ['eau; &qui ne fert qu'aux perfonnes qui « 'entconferver la beauté de leur teint; mais Ie rouge pourroit tuer un homme qui en boiroit auffi. largement que moi. Je faIs VQUs We2 peu defemblablesfutilités;mais ceL eft beaucoup plus agréable pour moi, que de vous entretenir de grandes chofes. ^ Ch0f!/nitahen' 2Vant de™ mettre en une reIat des ouyrages d>HercuIanumi "7tant'jai.pertpour toujours lesr— que ,e recevo.de Sion Cx}. Je ne m'en plains ïïné'ra! T 7 ^ * P31'tager ,e ™lh™ general. Je fuis pauvre & ne pofféde ^ »a.s Je jouis d'une noble liberté que j'eftimj P^quetousiestrélorsdumo-, 1 "e%^sre ~ = -^^ePpréJ'ai lu ces jours derniers Üm^fiLckO^ la nhr ,'(Car C'eftdefe^bles liL que la bibliotheque du feu Baron de Stofch eft bien fourme), ouvrage infame & dégoutant. Le bvre Ie plus obfcene qu'il y ait , je crois 3 ^« Roi de Poloene ' Conlefreur  DE M. WlNCKElMANN. 5>* au monde, eft intitulé : Hijlory of a Woman of pUafure ; mais il faut avouer qu'il eft de main de maïtre & par un. génie plein d'idées agréables & élevées ; Ton peut même dire qu'il eft écrit en ftyle pindarique ( i ). Si notre ami commun , M. Lippert, eft encore de ce monde, faites lui mille complimens de ma part. Puiffe-t-il vivre joyeux. Je lui deftine une colleöion d'empreintes en foufre que je dois faire faire. II n'y a point de collection de pierres gravées a Rome, li ce n'eft chez les Jéfuites. Ces barbares d'Anglois achetent tout, & dans leur pays perfonne ne.peut parvenir a voir ces tréfors. Le cabinet de pierres antiques gravées de Stofch, que fon héritier eftime dix mille ducats , ainlï que fon cabinet de médailles antiques , paffèront fans doute aufti en Angleterre ; il eft même probable qu'on les achetera pour le Prince de Galles, qui a déja fait acheter pour mille ducats la grande collection d'empreintes de médailles modernes. Je dehrerois que M. Lippert eutla grande collection d'empreintes en foufre de toutes les pierres du monde autant qu'on a pu en raffembler : il y en a prés de quatorze mille. ( 1) Ce livre eft plein d'efprit, mais hélas! qu'il eft mal employé. Ou y trouve fur-tout des images & des limilitudes peu communes des plaifirs des fens, II y en a un abrégé en francois , intitulé: la Fille de Joie, ouvrage quintejfentié'd€ i'Anglois, a Lampfa^ue , i 1% l- } in-li. N. de M. D.  $2 L * T T % E g 1 1 i . =a>^ LETTRE XI. Au même. Rome, U i jffai iffe foupire après mon retour en Saxe « * porteroient 5 N3th^ ^ ~ aV0ÜS dlreS ™»n^ i • aux Perfonnes qui vien. *« Ia voir, pour aller lire;!&;réfléch^ "  de M. Winckelmann. <# Vous avez fans doute vu mes Remarques fur rArchiteüure des Anciens : tout eft prêt pour une nouvelle édition augmentée. Je fuis maintenant occupé d'un ouvrage en italien , pour éclaircir quelques points difficiles de la Mythologie & des antiquités, que je lis a fur & a mefure au Cardinal. II aura plus de cinquante planches. L'impreffion ( a 1'exception des planches ) le fait aux dépens de S. E. Un autre ouvrage en 'latin , intitulé : Explication des Médailles grecques qui ne font pas connues, s'augmente auffi de jour en jour ; & je ferai bientöt paffer en Angleterre pour l'impreffion , un Traité fur le Stylc de la Sculpture ayant le temps de Phidias , pareillement en latin. J'ai lu a. Naples la Bibliotheca Arbico-Hijpana Efcurialis ( I ) opera & fiw dio Mich. Cafiri , Syro-Maronitcv , Regis d Bi* büotheca , tomus I Matriti, iy6o in-folio. (Ze volume contient un catalogue raifonné des manufcrits arabes de cette bibliothéque ; mais il n'y a pas grand chofe de bon, Nous manquons ici de livres anglois ; car les Anglois qui voyagent, portent tout au plus avec eux leur Poëte. J'ai vu ce qui étoit connu dans cette langue , il y a quatre ans , chez ( i ) Le fecond Volume de cette Bibliatheca ArabicoHifpa.ua a paru en 1770. On a publié auffi un Volume fles marmfsrifs de la même bibliethéque avec ce titre :  H Lettres M le Comte de Firmian , lorfqu'ü *toit 'AmbafTadeur Naple, Ce Seigneur fait venirTL fois dAngleterre, des caifles de livres de ce„t «juintaux péfant. J'ai commencé a faire moï^ l?% fil. Ces trois volumes comp0fenr Jufay4 Lf£ eet ouvrage précieu*, ifflpnW aux J„ rS ^ faUtam ^e nous le ftvoas, „e fe vend point m£ fe donne en préfent.» M , P°" ' , . v r c , , . N. de M. D. i ) Ce Sophocle imprimé chez Turneb eft fort rara 1* ^ ^« ' «** le dit AI. Wincke *£3. Ma,, J paroit très-prbbable que c'eft une faute dimp.effion Pu,fque feempW ^ fe ^ d&ns que Ele totale de 0lefle, pol,ant t & * bibliotheque du Comte de PrbM , .,, Roi 1 paV, - 3 a Cte 3 la ^othéque dn Kor a Pan,, .omrne on peut le con/eclurer par la reliure ou J a fans doute été marqué comme doublé fou e' fauiTe annee. Cette belle édition de Turneb, que Hcmi Eueane abe3u:o,p imité dans la fene , contienLffi^ Ü y a ces mots: tVw~ - = » ^Pn™eur , La JSibbothéque infiruliive de M, de Bure, NQ if^. porte de même 1'année i< Dafsdorf ft ou ^ , N «kions differente* de ce livre, JVV.v rLudL. de JVI. D„  Ï>E Mi VlNCKELM ANJff. $jj 'me une colle&ion choifie des Poëtes Grecs ; & j'en ai entr'autres un qui eft fort rare , favoir , Sophocles, Paris. Typ'is re gis, apud TurnrBum, grand 40. J'attends un ouvrage in~4.°. imprimé a Zuric, lequel eft adrefie a Jean Winckelmann; 1'Au» reur, qui ne fe nomme point , eft M. Antoine Raphaël Mengs , premier Peintre du Roi d'Efpagne & du Roi de Pologne , lequel eft parti pour Madrid, avec dix mille écus d'appointe» mens. On dit que la magnifique bibliothéque du défunt Cardinal Paffionei , fera achetée pour la modique fomme de 32,000 écus, a ce qu'on prétend , par le vieux Cardinal Colonne, Camerlingue, qui vient de faire un héritage de plus d'un million & demi d'écus. Mon maitre ( le Cardinal Albani) a fuccédé au premier dans fa place de Bibüothecario delia S. R. C.; de forte que j'aurai plus que jamais occafion^ de faire des recherches au Vatican. On cherche a m'y donner une place pour la langue hébraïque , que j'ai de nouveau cultivée en Italië. II n'y a pas d'autre moyen de m'aider que de cette maniere; car j'ai refufé un Canonicat, ne voulant pas me faire tonfurer. Je fuisné libre & je veux mourir libre.  £3 Csïïï-H LETTRE XII. Au même, is Caftel GandoLfo , le 26" Juin 1 j6i. J'avois déja appris , il y a plus d'un mois, par M. Bianconi, la mort douloureufe de votre maïtre & le mien (le feu Comte de Biinau ) , que vous mannoncez par votre derniere lettre. Je vous plains, mon ami , du fond de mon ame, d'avoir fait cette perte, laquelle vous fera toujours fenfible. Moi-même je perds la douce fatisfacïion, que je goütois déja en quelque forte d'avance , de renouveller de vive voix k eet homme rare & précieux, le fauteur de tout 'mon bonheur, les fentimens de ma fincere & vive reconnoiffance. Je me repréfentois la vih'te imprévue que je me propofois de lui faire dans fa retraite; maintenant tsutes ces illufions font évanouies , & qui fait fi je pourrai même vous embralTer un jour ! Je fonge a lui laüTer un monument public de ma reconnoiffance éternelle ; mais le temps s'avance , & peut-être que mon ame fera réunie i Ia fienne avant que je puifle remplir ce projet (i). ( i) Cette crainte de Hf, Winckelmann a été malheuren femeniréalifée, N,dCM.D. II  BE M. W I NCKÉlMAN Ni I! y a quinze jours que je fuis a 1'utie des plus belles maifons de campagne de mon mait're; c'eft un lieu que la toute-puiffance & le prototype de ïa connoiffance de la beauté fublime n'auroit pas pu rendre plus merveilleux. II y a ici une grande compagnie de Cardinaux, de Prélats & de Dames , qui fönt même trés-belles; Le foir on joue ■& 1'ori danfe; les plus agés font fpectateurs s ■& moi jé vais me coucher pour me lever avec le foleil. Nous reviendrons ici après avoir été h. Rome; mói du móins , a la fin du mois prochain , pour y pafter tout le mois d'Aout dans une paifible retraite. Le Cardinal voudroit pouvoir me faire goüter les joies du paradis , St S. E. veut bien fe paffer de ma compagnie , pour. me laiiïer a moi-même. ' II y a quelques mois qu'il a paru a Zuric un petit ouvrage , mais fort précieux , intitulé i Penfées fur la Beauté & Jurh Goüt dans la Pelriture j publié par M. J. C. Fuefsli (i). L'Auteur de ce Traité, qui rri'eft dédié, eftle célebre Chevalier Mengs. Tacbez de vous Ie procurer, & vous y trouverez des chofes qui n'ont encore été n{ (i) Cet ouvrage de M, Mengs avec deux autres traités du même Auteur, égalemcnt fur la peinture , viennent d'être publiés & fe trouveht en un vol, in-8°, chez Piffoti Lii. braire j qual des Auguftins > & chez Defenne , Libraire j au Palais Royal.. Part, L ■ B  9% Lettrés penfées , ni dites. Je connois deux Anglois qui feront parler d'éux; 1'un , appellé Adam , eft un Amateur de 1'Architeóture, fort riche, & qui entretient k fes frais un Architecte , un Graveur & quelques Deffinateurs. II publie un magnifique ouvrage fur le palais de Diocletien k Salone en Dalmatie & fe propofe d'aller voyager dans la Grece, dans tout le Levant & jufques en Egypte. Le fecond eft le Chevalier Montagu. C'eft un homme de quarante-fept ans, lequel dans fa jeuneffe a été a Conftantinople avec fon pere, qui étoit Am. bafladeur k la Porte Ottomane. II eft fort verfé dans les Mathématiques , la Phyfique , & particuliérement dans les langues orientales. Celuici va en Egypte & dans 1'Arabie. Voltaire parle de lui dans fes Lettres fur les Anglois , fur Vinoculation,&c. (i). Le croirez-vous, c'eft Ia feule Tiation qui foit fage ; quels pauvres & triftes perfonnages ne font pas, en général, nosSeigneurs allemands qui voyagent, en comparaifon de ces Anglois. Je fus vivement follicité k Naples, par le Lord Granville , Ambaffadeur d'Angleterre j •de 1'accompagner k Conftantinople. Au furplus, (i) On srouvera a ia fin de la feconde partie quelques lettres que Milord Montagu a e'crites d'Egypte a M. Winckelmann» & qui nous ont été communiquées par M. Defmarefts , dc i'Académie Royale des Sciences, qui lss tient de la main dc IHL Winckelmann même.  de M. Winckelmann. le defir d aller voir la Grece m eft tout a fait paffe. Je deviens vieux, j'aime mes aifes & je tacherai de paffer le refte de mes jours dans le repos. On n'a pas encore trouve d'acheteur pour la célebre & magnifique bibliothe'que du Cardinal Paflionei. Le bruit qui avoit couru que le Cardinal Colonne devoit en faire 1'acquifition eft deftitue' de fondement. Si elle doit étre réunie & celle du Vatican j on peut la regarder comme enlevelie. LETTRE X III. Au même, Rome, le z5 Janvier lj6$« J'ai fervi pendant quelques femaines de Cice*fon a un certain Milord Baltimore, qui eft bien 1'Anglois le plus fingulier que j'aie vu. Toutfenruie , & il n'y a ëu qüe leglife de St. Pierre & 1'Apollon du Vatican qui lui ayent fait quelr que plaifir. II veut aller a Conftantinople , & cela par pur défefpoir. II m'e'toit devenu tellement a charge , que j'ai e'té obligé de lui déclarer nettement ma penfée, & de ne plus retourner chez lui, II a trente mille livres fterlings a dépenfer Gij  ÏO° L E T T K Ê j par an , dont il ne fait pas jouir. L'année derniere nous avons eu ici le Duc de Roxborough, qui etoit un homme de Ia même trempe. Je voudrois bien, avant de mou'rir, revoir a-Saxe, notre patrie commune; mais je n'en vois pas le moven. Le Prince Elecloral m'a donné, fans que je 1'aie demandé , la place du Confeiller Richter d)5 mais on ne pourra la faire oc^ cuper que quelques années après la fin de la guerre , qui ne paroït pas encore prête k fe terruinen En attendant , je dois chercher k pourvoir icia mon exiftence; ce que j'efpére trouver «u Vatican, a la première place qui viendra a y vaquer. Parmi les livres que j'ai re9us depuis peu de öiuüe, pour ma petite collection , il y en a un intitulé i De tOrigine des Loix , des Ans, deÉ Sciences. Paris j76o , 6 vol. in-V. ; c'eft un des meilleurs ouvrages que j'aie lu. Outre ma petite bibliothéque , j'ai commencé a rafTembler des medailles de cuivre & des ouvrages antiques en marbre & en bronze, parmi lefquels il y e„ a quelques-uns de rares.  de M. Winckelmann. iox LETTRE XIV,. Au même, Rome, le 2J Avril 1763. J"e vous annonce qu'a la mort de 1'Abbé Venuti j'ai été nommé a la place de Préfident des antiquités de Rome , malgr-é le grand nombre de competiteurs que j'avois. Gette place , qui ne demande aucun travail , eft honorable & rapporte i6o- écus par an ; de forte que j'ai ici mon exiftence alfurée pour le refte de ma vie. Car avec le doublé je ne pourrois pas faire è Drefde , ce que je fais ici avec cette fomme. Le Cardinal m'en donne autant, fans compter les autres agrémens dont- je jouis. Je ne puis manquer non plus d'obtenir une place de Prélident des antiquités du, Vatican qu'on doit créer ; dc fi par la fuite je puis parvenir a un Scrïtorat du Vatican , -je ne changerois pas mon fort contre celui d'un Confeiller intime en Allemagne. Car je jouis ici d'une liberté entiere, & perfonne ne s'ingére a me demander ce que je fais. Mon bon prote&eur, le Cardinal Spinelli , a qui je dois ma place, eft mort quelques jours après,. êgé de 69 ans ; ge qui me caufe beaucoup d& Q »i  \°* L E T T X 2 S do^leur j jai néanmoins encore pour amis leS principale, tétes du facré CoIleVe Vv 1 jours .veclocjr/jrcj^ gne a Keuuno près de la rner ; ' rè ,a inaugurer fa magnifique ville' Z £ y VcSlt f r'f613 ^ Analen" l au orn'ne ' '* ^ ^ i^ua automne , que je compte faire un voyage aürbin e long de a mer Adriatique. Je dois remett e jufquau pnntems pfocha;n , mon ^ Naple, Jai grande ie ^ ^ W • tour en Suifle , & de la en Saxe Pui i 7 f^-Mntenan, d'être nommé C r r"n Qn a cherche' è m auirer a cea quoijen'ai pu me reToudre, & ce " ferax encore moins aujourd'hui qu je ^of ve mieux ici que je puis 1'être par-tout dl euTs mS q-«er Rome, ce/m'arrache f e' gue ,'ai de plus cher au monde ! S LETTRE XV. Au mime. A place de Préfident des antiquités „„ P-dra pas: ux heures de temps^ f T ?omme}e 1'ai fait K^ues a préfen' je m; rl  dê M. "Winckelmann. 105 pofe fur mes deux Afteffeurs. C'eft la plus belle place que feuSe pu defirer ici. Celle au Vatican dont fefpére étre en pleine poffeffion fous peu , rapporte dix-fept écus par mois , foit qu'on travaille ou qu'on ne travaille point. Perfonne n'a rien a me commander. Je tacherai néanmoins de faire le catalogue des manufcrits grecs de la Reine Chriftine, & j'attends pour cela un ordre du Pape. Mon maïtre , me donne dix écus par mois, fans que je faffe un trait de plume pour lui ; il m'accorde de plus un logement; mais je me fuis meublé moi-même, ce qui m'a beaucoup coüté. Vous voyés donc que je ne fuis pas aplaindre 9 & que mon fort eft allure# même après la mort du Cardinal. C'eft fans doute un bonheur extraordinaire, & je ne connois perfonne a Rome , avec qui je vouluffe changer d etat. Le Duc de Parme a enfin acheté la bibliothéque du Comte Pertufati, pour 28000 écus 5 & Ton eft maintenant occupé a la faire partij Le Vatican peut être comparé a ces avares qu£ defirent toujours fans jouir jamais, & 1'on peut lui appliquer ce que Platon difoit de Sparte; tous les tréfors de la Grece s'y rendent, mais c'eft pour n'en plus fortir. G hr  , *■ * T T K E s LETTRE XVI. Au même. Cette lettre a été recue le j Janviet ff U cour«™ de Décembre l7S* P X* Awn les étrangers qur fe trouvent a Rome dvau„;eunehommedeZurfc5apPeiIéFuersIi(l); % de vxngt ans , qui a beaucoup de connoifiW * une educatron excellente , joint une We .mable; , efpére en faire Ie plus grand connoif! feur de lanttquné qui foit au.deIè de$ A Mon penchant 4 penter fe dêclare 0^ cbezmox malgrétoutmon ■- Ï*S pms m empêcher de donner quelque temps f del jnltruftions verbales. T r^T r, C°PPenh^ . tn'aapporté de I-pfick, la Bibliothéque des BeauX Arts, dans Snelle on a xmprimémes bagatelle, Cependan* * /*r W* II ft^^"'f ^Recherches j vulnes ae ia Feinture de M ye^kl, . ! n fient nne-defcription des „!„ l ^ > ^.elle con- st- j c i p s beaux morceaux de Peintur*  de Mi Winckelmann. 105* J'extrak de mon ouvrage fur Herculanum n'a pas été fait avec toute 1'exactitude "ordinaire. Ii eft dit entr'autres: « qu'on peut le regarder comme >3 une analyfe des ouvrages fur Herculanum >=; & c'eft juftement le contraire; carceux-ci ne parient que des peintures, & je n'en ai pas fait mention du tout, & cela a delfein, Que d'erreurs, que de contrefens n'aura-t-on pas. tirés de mon Hiftoïre de VArtl J'apprends qu'on m'a critiqué fur deux paffages de 1'Ecrit a M. Berg,& qu'on m'a reproché de ne pas être porté en faveur des Fran* cois. II eft furprenant qu'un Allemand tienne ce langage. i— La principale découverte qu'on ait faite depuis peu , c'eft la porte de la ville enfouie de Pompeii; car jufques a préfent on ignoroit, li 1'on fouilloit en dedans de cette ville ou en dehors. Peut-étre que cette découverte engagera la Cour de Naples a augmenter le nombre des ouvriers, car il femble qu'on peut fe flatter maintenant de faire de plus grandes découvertes, LETTRE XVII, . Au même. Rome, Le %8 Janvier ijfyi Jamais aucune lettre que j'ai recue de vous ne pi'a,pour ainfi dire,été plusagréable quevotre der-  *ere, du premier jour de cette année, quim'eil & le24;rticUlie«Parler;uqvenirde li^enceqwa régnéwtre nous, & fans laquelle vécl l reC°nnOIS en ceci w« ef- rmondTPet; danS tOUteS les ce monde. Les plus grands talens font tombés en 1Wf' l h ParefFe 5 CSUX font pour ^f^t^^mmte piusgLJ bonheur dont Thomme puifiejouir, Jmm! e]Ie fe procure en effet, ft ferment des idéés fantafti- S s L'Tr rP3S-tr0UVer d3RS des ob^s ^ "dS ^.P]fr fuPre™ qu'on ne doit chercher cuedans Dieu feul Prut ^ c ■ • H Wr., 1 Vu eUt'etre ferois Je encore acluelWntaTwhenitz; Car j'ai beaucoup fait dan, «^P^aedonnerunamificfcle, Juejepulïe UVèIafinde-Si-,En\ttendant je regarde comme un grand avantage de pouvoir «leglonfiePde votre efthne; & comme j'ai renonce a toute correfpondance au-dela du Danube «du Rhin Je puis vous regarder comme mon plus ancien & mon meilleur ami; paree que en o tenantmonamitié vousn'avez pas cefféde laménter. Toutes les autres anciennes liaifons ft font to notredurera jufqu'au tombeau, paree qu'elle en pure, dépourvue de toutes vue particuliere & jouvee par une longue expérience. Ce ftntiment «eftftagreable que je ne Yous entretiendrois  de M. Winckelmann. 107 d'autre chofe, fijene faifois que fuivre le mouvement de mon cceur, J'ai perdu, il y a environ deux mois, le meilleur ami que j'avois a Rome, 1'Abbé Conftantin Ruggieri, Bibliothécaire de la bibliothéque Impériale , agé de ƒ5 ans. II s'eft tué d'un coup de piftolet. J'ai été inconfolable de ce malheur, car mon efprit étoit fans celfe occupé de lui, & mon ame voloit au devant de la fienne quand je 1'appercevois. Une horrible mélancolie 1'a conduit a cette funefte réfolution Une autre perfonne de ma connoiffance ici, & je pourrois dire de mes amis, m'a payé d'ingratitude. II alla fur un pied avantageuxa Conftantinople, & m'oublia; enfuite il revint heureufement, & croyant étre riche, il fe trouva pauvre par un vol qu'on lui avoit fait de tous fes effets précieux, Cet homme avec qui j'avois rompu entiérement, en gardant le filence, a regagné mon amitié par fes malheurs, & je crois méme que je pourrois de nouveau lui rendre fervice. Peut-être ferai-je dans peu un troifieme voyage a Naples, ce qui alors aura lieu vers le ij d'Avril, & probablement dans la compagnie de D. Camille Paderno, Garde du cabinet d'Herculanum, qui fe trouve actuellement aRome. Je compte y refter un mois & jouir du ciel de la Grece. Je fuis faché que ma téte foit trop foible pour boire du vin de Lacrima, ainfi que je me 1'étois propofé. Pendant mon premier  105 , ^Tnis voyage ; en ai bu fans mefure & fans «tenue fan* néanmoins en e'prouver aucun mauvais Veba lapatne de ^énon, d'Eléates & de Par! e" el rte"ü °r C° endfoi L D *3 Préfent une »W inconnue, Génes r^kf d"*i to e's h " aUend Le PaPe W f-a rendre tous les honneurs qu'il voudra bien recevoir « C9dUe°; ref ^^^-anciens'ou! v«ges de lart dont on yeut lui faire préfent II epreientant Europe, & laquelIe eftj ug* J« puis me Je rappeller fnrt m,i , , Turnbull Cl ) don ' « gEaVee da0S feW, dont 1 ouvrage eft encore plus C«eks and Remans, ^ ieclion desouvraae, i« , 74 5 une Col, i « ouvrages les p!us connus , defline^ ™, r ii Paderno, & «ave's nar M, j ^efiines par CarmUc  èh M. 'Winckelmann. iö£ tiiauvais. L'émploi de mon temps pendant cette arinée fera , d'abord le voyage en queflion a Naples, lequel eft fixé au 22 Février ; enfuite plubeurs petits voyages de plaifir. Mais que deviendra pendant ce temps, direz-vous, le travail au Vatican ? Le Cardinal qui a été nommé Bibliothécaire de Sa Sainteté, m'en difpenfera; cV après tout, ce n'eft pas le travail qu'on exige. Nous fommes ici dans un pays d'humanité oü chacun fait ce que bon lui femble; pourvu qu'on n'aille pas crier dans les rues que le Pape eft 1'Antechrift. Et cela même n'eft pas un malheur pour un pauvre diable qui n'a rien; car on met un pareil fou a 1'inquihtion, oü il eft bien logé, bien nourri. II y jouit de plus d'un jardin pour fe prömener; & lorfqu'on croit qu'il eft perfuadé du contraire de ce qu'il a ofé avancer, on lui donne la liberté, Jub figillofilentü. Quant a moi, il ne vient feulement pas la moindre penfée du doute ; car j'ai des chofes plus agréables, je veux dire plus eiTentielles, qui m'occupent. Note de M. Franken fur cette Lettre. II eft eftentiel pour ma propre fatisfactiori que' je donne quelques éclairciftemens fur la lettre de Penfées fur Cimittuion des ouvrages Grecs , page 37, ou il dit, que les planches qu'on a jointes a eet ouvrage, font ce qui feul donne quelque valeur au magnifique papier qu'on a fi mal ernployé. N. de M. D.  'IW Lettrés M. Winckelmann qu'on vient de iL ji -nd, que « M. Winckelmann ^ - ment quuté Nothenitz paree cm'il £?PT *» s'accorderavecleBibliorh 9 °K PU Voici la vérité du fait- ) „ r , "-"anicen B( lerve & une froideur qui me fW i navo.spoin, de raifon de me „Iai„dr!T?q Je ««stress*  t> è M. Winckelmann'. ui quelque temps après; & M. Winckelmann étok chargé de faire des extraits pour YHijloire de £ Empire dont s'occupoit M. le Comte de Biinau. Ainli nous ne pouvions point nous contredire dans notre travail refpectif, dont M. de Bünau , étoit également fatisfait. Enfin , comme cetts froide cireonfpeclion continuoit toujours a régner entre nous , quoique nous nous entretenions tous les jours de littérature , &; que fouvent même nous étions tous deux fort gais, je faifïs une occahon favorable pour me déclarer a mon arri défunt, & pour lui demander fon amitié. Cel* fit quelque impreflion fut fon efprit, & nous devinmes plus confians 1'u.n & 1'autre; de maniere même qu'il me conta,pour ainfi-dire, toutes les circonftances de fa vie paflée. II furvint dans la fuite un petit événement qui fembla, en quelque facon, occafionnner une nouvelle rupture entre nous* Nous avions jufqu'alors dïné enfemble dans ma chambre pendant 1'abfence du Comte. Il ent-ra tout-a-coup dans 1'efprit de M. Winckelmann, que la vignde lui étoit contraire, & il ne vonkt plus fe nourrir que de légumes & de fruirs; il eommenca des lors ce genre de régime, & continua pendant long-temps ï vivre en foa particulier , même après qu'il eut quitté fa nouvelle cuiline. Je puis néanmoins alTurer que tout cela n'occafionna jamais la moindre altercat«ioa entre nous, & que nous vécümes paihblernent  **? Lettres enfemble quoique toujours avec beaucoup dé frordeur. Nous ne nous connoiffions pas aL lautre, & Ia lettre qu'ön vienf dg ' «omb,en nous nous fommesaimés par la fuite Pul fent les larmes de Parnirié que je répands ici lol du tombeau de ce refpe&ble ami" fervir a fahe connoitre combien il m'étoit cher & précilux ! LETTRE XVIIL Au même* Je fonge j donner Un ouvrage dont le proiet roule depms long-temps dans mon efprit, fl II a plu i quelqu'un de m'imputër dans les AW&r Liuérature , certain écrfc pere quun de mes amis youdra bien y ^ pond«:. On prétend que c'eft une lettre que j'ai ecrne a une perf0nne de ma connoifl-ancV.] 21 a  de M. Winckelmann. 113 a tirés de mes lettres écrites de Rome , cela ne pourra alors que me rendre fort circonfpect & fort craintif a répondre aux lettres qu'on m'adreffera. Je ne crois pas avoir mérité d'être tourné en ridicule par mes compatriotes. II y a eu certainement des traits plaifans dans ma vie ; mais ils ne préfentent aucun cóté qui puifle prêter a rire a un bouffon académique. Cela me chagrine a tel point, que j'ai réfolu de ne plus voir de voyageur allemand ; & j'ai déja commencé par un Baron Saxon , a qui jen ai fait favoir la raifon. II fe préfente , mais encore de loin , une nouvelle occafion pour moi d'aller dans la Grece & en Afie, avec un étranger fort opulent. Si j'obtiens dans le temps de la Cour de Rome, le pouvoir d'acheter des manufcrits pour le Vatican , ce qui n'eft pas impoffible, je pourrai bien alors me déterminer a ce voyage , fi le Cardinal y confent. tion d'une brochure iriticulée Vie & Prodiges de Jean. Winckelmann de Stendal ; quoique cela ne puifle avoir rapport qu'a une phrafe de cetre lettre même. Ce titte indiqué parut annoncer a M. Winckelmann une latyre contre lui, ce qui le facha au point que nous venons de le voir. Comme cette lettre contient un abrégé de fa vie, & qu'elle paroit véritablement écrite par lui-même , nousné faifons aucune difficuké de la donner ici telle qu'elle fe trouve dans les Lettres fur la Littérature moderne , T. XVI, page 183—188 ; d'autant plus que ce Üvre allemand n'eft pas entre les mains de tout le monde. N. de M. D. Part, I. H  "4 Lettres Rome,Ic8Ddccmbrei7«Ji. Per tot difcrimina rerum Tendimus in Latium < M on cher Ami & Frere ! Toi, qui feul m'eft refté&a qui je puis écrire comme a mon frere ! Comme nous nous trouvons feparés par des monts & des fleuves je croyois auffi étre oublié de toi, Iorfque j'ai recu ta chere lettre, que j'ai preflée contre mon coeur & contre ma bouche , paree qu'elle me venoit de toi , a qui je me fuis attaché par un fecret penchant des lage le plus tendre. Je répréfente comme un tableau a ma mémoire tout le temrs de notre jeunefte. Tu defire , mon bón ami, favoir lhiftoire de ma vie; elle eft très-courte paree que je laméfure paria jouhTance. M.Plaute' le Conful, qui foumit ITjIyrje , fit placer fur fon tombeau qui fe trouvoit a peu de diftance de Tivoh parmi Ie recit de fes exploits, ces mots : Vix? Aan. IX. Moi je dirois : j'ai vecu jufques a ma huitiéme année ; c'eft le temps que j'ai refte a Rome & dans les autres villes d'Italie C'eft icique ,'ai cherché a rappeller ma jeunefte que j'ai pafte en partie dans !a diffipation & en partie dans Ie befoin & dans la mifere ; & je mourrai  de M, Winckelmann. i i y du moins plus fatisfait ; car j'ai obtenu tout ce que j'avois defiré , & même plus que je n'avois efpéré & mérité. Je fuis chez le plus grand Cardinal qu'il y ait , un neveu du Pape Clement XI; non pour le fervir, mais feulement pour qu'il puilfe dire que je lui fuis attaché. Je fuis fon Bibliothécaire , ma s ce n'eft que pour faire un libre ufage de fa bibliothéque dont je jouis feul. Je ne me trouve chargé d'aucun travail, & mon feul devoir eft de fortir avec le Cardinal.II ne peut pas y avoir d'amitié plus étroite que celle qui m'attache a lui, & que rien ne pourra rompre que la mort. Je lui ouvre jufqu'au moindre repli de mon cceur , & je jouis de la même confiance de fa part. Je crois donc être du petit nombre da perfonnes qui font parfaitement fatisfaites , & a qui il ne refte rien a defirer. Qu'on trouve un autre homme qui puiffe dire cela avec vérité ! Jufqu'a préfent j'ai refufé toutes les places qu'on m'a offertes ici , paree qu'on m'a allure une retraite pour ma vieillefle a Drefde ; car S. A. R. le Prince Electoral m'a donné, il y a quatre ans, la place honorable & tranquiile de Directeur de fon cabinet, promefle qu'il m'a fait renouveller, lorfqu'on a penfé a moi en Angleterre, oü j'ai été nommé depuis peu membre de Ia Société Royale des Sciences. Et pour me tenir attaché k la cour de Drefde, je jouis1 encore d'une partie de ma penfion , qui m'a été payée H ij  itS Lettres reguliérement jufqu'ici, par les propres oiaïns du Roi; quoique j'y eufle renonce librement, Iorfque j'obtins, il y a quatre ans, la place que j'occupe. Jufques a ce temps j'avois vécu fans aucun revenu, & j'ai eu , pendant deux ans, 1'infpeöion fur la bibliothéque du Cardinal Archinto, fansrecevoir de falaire, tant a caufe que je n'en ai pas eu befoin auffi long-temps que j'ai joui de ma penh'on entiere; que paree que ce Cardinal , qui füt a Drefde 1'inftrument de ma converlion, n'eft pas 1'homme qui me convient; mais principalement paree que je ne voulois étre regardé que comme un penfionnaire du Roi. J'ai joui dans le méme temps de 1'amitié du favant Cardinal Paffionei. J'étois admis quand je le voulois a fa table, & je fortois tous les jours avec lui, tant a Rome que pour nous rendre -a fa maifon de campagne; de forte que 1'amitié de ce Prélat m'a fait connoitre a Rome & m'a donné du crédit. Sa mort fut une grande perte pour moi. II y a quatre ans que j'ai paffé neuf mois a Florence , oüje fus appellépour faire la defcription du cabinet des pierres gravées du -Baron de Stofch. Six mois auparavant , j'avois été a Naples & de - la jufques a Tarente ; 1'hiver dernier j'ai fait ce voyage pour la feconde fois avec le Comte de Brühl , k qui j'ai dédié ma Lettre fur les découvertes d'Herculanum. Le carême prochain je comptey aller pour ia troifléme fois, 8c  be M, Winckelmann. ii7 y refter jufqu'après Paques ; j'efpére y boire, dans une compagnie trés - agréable, a ta fanté avec le meilleur vin de Syracufe. Je te ferai en peu de mots 1'hiftoire de ma vie , avant le temps dont je viens de te parler. J'ai été pendant fept "aas-, & demi fous-Redeur au collége de Seehaufen. J'ai occupé pendant un méme efpace de temps la place de Bibliothécaire de M. le Comte de Bünau , ( ceci en^ une erreur ; car M. W. n'a rempli cette place que pendant ïix ans ) & j'ai refté un an a Drefde avant de partir pour lïtalie. Pendant ce temps, j'ai fait en dix mois deux fois le voyage de Potfdam pour mes affaires particulieres; & 1'ami chez qui j'allai ne me donna pas le temps de voir Berlin. Lorfque les affaires feront fur un meilleur pied en Allemagne , je me propofe de faire un voyage en Saxe , en.prenant par la Suiffe ; mais pour retourner a Rome, afin d'y finir ce que j'ai commencé. Mon plus grand ouvrage jufqu'a préfent eft l'Hi/Ioire de V Art che^ les Anciens, & particuliérement de laSculpture, lequel fera imprimé eet hiven J'ai fait auffi un ouvrage en italien, pour lequel on a gravé plus de cent planches , intitulé : Éclaircijjemens despo'mts difficiles de la Mythologie &c.', qui doit paroïire ici pour la première fois. Cet ouvrage , qui fera in-folio, s'imprime a nies frais ; & je travaille en paffant a une Allegorie pour les Artlfles- Voüa Ia vie & les prodiges de Jean Wincke!^ H iij  nS Lettres manrj, ne' a Stendal dans 1'ancienne Manche de Erandenbourg , ' au commencement de 1'année 1718. Mes heures perdues font employees a apprendre la langue Arabe, & k former une colleéhon d'antiquités, de médailles & d'eftampes, afin que jaie dans la fuite pour m'amufer, quelques-uns des tréfors qu'on trouve dans ce pays. Je defire que tu puifle jouir de la fatisfaction que j ai goutée ici & que j'y goüte encore. Je fuis &c. P. S. On connoit fans doute chez toi un petit ouvrage fur la beauté & fur le goüt dans la Peinture que le Chevalier Mengs, premierPeintredu K01 d ülpagne , m'a dédié fans fe nommer. II eft aujourd'hui * Madrid : Fueffli n'en eft qu1 Auteur ; ce que je rappelle ici, paree qu'il y a des perfonnes qui croyent qu'il eft 1'auteur de eet ouvrage, que d'autres m'attribuent. LETTRE XIX. Au même. Rome ,le 18 Aoüt 1764. T f . ±L court un brLil* très-mal fondé que le Roi de Pruflfe cherche è m'attirer a Berlin. II y a plus d'un an qu'une perfonne m'a e'crit qu'elle 1'avoit  be M. "Winckelmann. 115 entendu dire dans de bonnes maifons a fon pat fage a Berlin. Je n'y fis alors aucun attention ; mais comme un particulier de Berlin, qui va en Italië , a allure la même chofe a un de mesamis a Bern , qui n'a pu lui perfuader le contraire , malgré qu'il lui ait dit les circonftances dans lefquelles je me trouve aétuellement; je vous prie de déclarer de ma part que cela n'eft pas vrai, fi 1'on pouvoit y ajouter foi a Drefde. — Et comment pourrai-je me féparer du meilleur de mes amis, qui m'aime comme lui-même , & qui ne defire que de me voir heureux avant fa mort. Mon portrait a été fait pour un étranger par une perfonne finguliere : c'eft une Demoifelle allemande , qui peint très-bien le portrait a Fhuüe , & dont le moindre ouvrage fe paye trente féquins. Je fuis repréfenté a mi-corps affis ; elle 1'a gravé 'm-quarto a 1'eau forte, & un autre Artifte le fait en maniere noire , pour me faire préfent de la planche. La Demoifelle dont jé parle eft née a Coftnitz; mais elle a été conduite fort jeune en Italië par fon pere , qui eft auffi. Peihtre ; de forte que 1'italien lui eft auffi familier- que ralIemand ; quoiqu'elle parle cette derniere langue eommefi elle étoit née en Saxe. Elle s'exprime de même avec beaucoup de facilité en francois & en anglois ; ce qui fait qu'elle peint tous les Anglois qui viennent a Rome. On peut dire qu'elle feft belle, & peut difputer la palme du chanfc Hiv  Ï20 L' E T T K K S è Ia meilleure Virtuofe. Elle s'appeIIe An„ lique Kaufmann (i). On a trouve une téte de Pallas d'une fi grande beauté qu'elle furpalTe tout ce que nous avons de plus fublime en ce genre, jufqu'a la Niobé meme ; & Ie marbre en eft fi dur que rien n'a pn lendommager. Je demeurai muet & extafié Iorfque je la vis pour Ia première fois. Comme je ne permettrai jamais qu'un tel chef-d'ceuvre lorte de Rome, j'efpére qu'elle me tombe» entre les mains. LETTRE XX. Au même. Rome, le 15 Novembre '1765. IL n'y a pas long-temps que j'ai penfé quitter Rome, même encore avant 1'hiver ; & peut- ( O Cette admirable Anifte allemande demeure aftuellementaLondres, od elle fait Fadmiration des Connoiffeurs de toute 1 Europe. AFexpodtion annuelle des tableau* de 1 Academie royale de Peinture , ce font fe, ouvrages qu, 9bt,ennem toujours le premier rang, fuivant 1'aveu d°eï plus grandsConnoiffeurs. On trouve une defcription de feS Z " °UVTZgeS da"S ,e neUvieme ^lume de la Biblio-  de M. Winckelmann1. izr être en êtes vous déja inftruit; car on en a parlé dans les gazettes angloifes. Le Roi de Prufle m'a fait offrir,par M. leColonel Quintus Jcilius, la place de Bibliothécaire & de Diredeur de fon cabinet de médailles & d'antiquités, vacante par la mort de M. Gautier de la Croze, avec une penfion extraordinaire. J'acceptai d'abord cette propofition & j'écrivis en conféquence , en la publiant ici. II s'offrit cependant une difficulté dans cette affaire; & 1'on me témoigna a Rome plus d'égards qu'on n'avoit fait jufqu'alors , & que je n'avois ofé efpérer. Le Pape me fit même faire fous main des offres avantageufes , Sc le plus digne des Prélats , le Cardinal Stoppani, y ajouta une penfion particuliere de fes propres fonds ; de maniere que je refterai oü je fuis. II eft donc probable que je ne pafferai pas les Alpes , Sc je ferai encore moins le voyage de la Grece, comme on 1'avoit dit a quelques-uns de mes amis; car depuis 17y9 je n'y ai plus penfé férieufement. Tapprends qu'on parle beaucoup de moi en Allemagne, Sc qu'on met fur mon compte bien de chofes auxquelles je n'ai jamais fongé. Ce qu'il faut fur-tout attribuer aux jeunes voyageurs qui ne m'ont vu qu'une feule fois chez moi, ou peut-être même feulement de loin dans la rue. Si je m'étois rendu a Berlin , j'y aurois fait ce qu'on n'a pas fu apprécier en Saxe ; c'efta-dire, que j'aurois fuivi ma vocation naturelle  Kf>. Lettres portrait. II eft grand & remplit une page in-folio. Un autre Artifte 1'a gravé en acier, mais en plus petit format ; il n'en a donné que quelques empreintes a fes amis , paree que je 1'ai prié de ne pas le répandre. LETTRE XXIV. Au même. Rome, le 4 Novembre 1766. IL n'y a pas long-temps que j'ai pafte quinze jours a me promener avec 1'Achille de BrunfVic, le Prince héréditaire. II y a quinze jours qu'il eft parti pou r Naples,& doit encore paffer autant de tems ici a fon retour. On lui a rendu tous les honneurs publics qu'il mérite par fon rang , par fa naiffance & par fes qualités perfonnelles. J'ai formé une connoiffance affez étroite avec ce Prince ; & Part. 1. I  t$Q L E T T * E s comme il fembloit aimer a courir , nöus avons cherche a nous lafler 1'un 1'autre; de maniere que la fatigue nous obligeoit quelquefois d'attendre une heure après nos longues courfes , avant de pouvoir diner. J'ai fouvent profité de 1'occafion pour dire la ve'rité aux enfans des Rois ; & ce que je leur ai répété le plus, c'eft que je rendois graces au ciel de ne pas être né d'un fang illuftre, paree que le vrai bonheur n'eft jamais ie partage des Grands. Combien de fois n ai-je pas dit è ce digne Prince que ce n'eft pas moi qui puis être malheureux, mais les perfonnes de fon rang. Une , liaifon intime avec de parells Seigneurs eft la grande école du contentement, fi toutefois 1'homme peut ou veut être fatisfait de fon fort. Mon grand ouvrage italien fe trouvera payé a la fin de l'impreffion. Je ne me foucie pas d'y gagner. II y a peu d'hommes moins économes que moi & qui en même-temps méprifent autant 1'argent. Vous favez que dans ma mifere l Drefde j'ai fait imprimer a mes frais mon premier ouvrage, & que je n'en ai fait tirer que le nombre d'exemplaires que je croyois devoir faire préfent. J'ai envie maintenant de ne faire tirer que dix exemplaires d'un petit ouvrage de tous les anciens monumens deffinés a la plume. Vous recevrez mon portrait de BSle par occafion; mais je ne le placerai pas devant mon ouvrage. Vous vous trompez , fi vous croyez que Ia vente de  de M. Winckelmann. 131 mon ouvrage m'empêchera de me mettre en voyage. Je partirai comme fi je ne laiflois rien ici. II eft temps que je jouiffe enfin de moi-même & de la vie. LETTRE XXV. Au même. Rome, le 5 Décembre lj6j. M o n voyage a Naples, oü j'ai refté deux mois, n'avoit été entrepris que dans 1'intention de paffer enSicile fans qu'on le fut ici. Je croyois trouver tout le monde contre moi a Naples (1) ; & je m'étois fait un nouvel adverfaire par deux remarques fur la traducïion de Vitruve de M. le Marquis Galiani, que j'ai fait es dans le Difcours préliminaire de mon ouvrage italien , après une offenfe publique que j'avois recue de lui. Mais comme j'ai trouvé qu'il ne m'étoit pas diffici'e de vaincre les difficultés que j'avois craint de rencontrer,dont la principale étoit de ne pas obtenir 1'entrée du (1) A caufe de quelques jugemens trop libres qui fe trouvent dans fa Lettre fur Herculanum , au fujet des recherches & de la publication des monumens antiques de cette ville fouterraine. N. de M. D. lij  *3a L E T T n £ s Cabinet & des de'couvertes de Pompeii, je me fuis préfenté a la Cour oü j'ai éte' gracieufement accueilli; de forte que je puis dire avoir vu cette fois Naples bien a mon gre'. J'ai trouve' beaucoup de chofes nouvelles que je publierai en fon temps ; & la feule irruption du Vefuve fuffit pour ne pas me faire regretter ce voyage. Car il n'eft pas poflible de fe former une idéé de ce fpectacle, d'une beauté vraiment terrible,fi on ne la pas vu. Jai pafte' une nuit fur cette montagne avec M. le Baron de Püedefel &^le célébre Avanturier [d'Hancarville C i ); nous y avons fait rötir des pigeons fur le bord d'un fleuve de feu, & Winckelmann y a foupé nud comme un Cyclope. La même nuit que tout le monde prit la fuite , nous allames au-devant du danger, & nous bümes gaiement fur la place du chateau de Portici au milieu du tumulte des fuyards ; cependant nous n etions nullement en fureté dans des maifons qui trembloient & chanceloient continuellement. Le cinquieme volume du Cabinet d'HercuIanumvient d'être imprimé, mais il n'a pas encore étépublié; excepté un exemplaire que j'ai obtenu ( i ) On trouve des anecdotes curieuss fur M. Ie Chevalier d'Hancarville, a la page ll6 .-, ll? du Mémorial d'un Mondain , par M. le Co.nte Lamberg. N. d- M D  BE M. f IHCKELMAKN. Ijf pour emporter avec moi a Rome par la faveur de M. le Marquis Tanucci. Cependant il me reprocha , quoi qu'en riant , en préfence de tous les Miniftres étrangers qui avoient dïné chez lui, ce qu'il y a d'offenfant dans ma lettre, & me refula Ia continuation de 1'ouvrage d'Herculanum. Malgrc cela je n'ai pas fait un fecret de la critique que ce cinquiéme volume avoit a attendre de moi ; &l que j'ai auffi déja inférée dans mon JH/Jloire de VArt. Ce volume contient les tètes & les buftes de bronze , dont chacun eft repréfenté de face & de profil. Le fixiéme volume commence par les ftatues & les figures de bronze; & comme on copie tout ce qu'on peut trouver dans les livres, il reftera eneore de quoi a tranfcrire pour nos neveux. Je travaille toujours conftamment a finir mon Hijloire de VArt , dont la traduction francoife doit paroïtre en deux volumes i/z-40. avec beaucoup de grandes planches , afin de rendre les contrefaóticns plus difficiles. Je dois prendre fur moi-même le foin pénible d'en faire la traduction , que je commencerai avec la nouvelle année. Je la ferai enfuite relire par plufieurs perfonnes.' Je vous laifle maintenant juger fi je puis gagner quelque chofe par mes ouvrages allemands , en confidérant feulement mon dernier voyage de Naples , qui m'a plus couté que tout ce que le 1 »i  *34 Ij e t t r e $ Libraire m'a donné. J'ai été plus de vingt fois è Portici qui eft a une rmlle d'Allemarae de Naples. Pompeii en eft 4 trois milles°de diftance , & j'y ai été quatre fois ; pour ne pas parler.de mes voyages a Cumes, è Bayes, a Caferte &c. Sil étoit permis de faire des remarques fur les beux même, on n'auroit pas befoin de la momé du temps ; mais il faut tout confier a la memoire ; moi fur-tout, pour ne pas donner a penfer que je veuille écrire de nouveau ; ce que je ne pourrai néanmoins pas laifler. Un Profefteur qui dans fon cabinet fait des rêves de métaphyfique & de géométrie , peut faire préfent de fes produélions ; mais c'eft ce que je ne puis pas faire. Le Roi de Prufte m'a fait écrire une lettre fort gracieufe par M. de Catt fur mon dernier ouvrage & fur mes autres écrits , qui lui ont été remis avec une lettre en allemand de ma part. ll seft beaucoup entretenu de moi, tant avec le Prince héréditaire de Brunfwic Qu'avec le Prince dAnhalt.  be M. Winckelmann. LETTRE XXVI. Au même. iRome, le 6 Février iy68. IVIon ancien, digne , fidele & très-cher Ami! Je voudroïs volontiers répandre toute mon ame fur le papier en retour de la charmante lettre que j'ai regue aujourd'hui de votre chere main , & a laquelle je reponds fur le champ. La plupart des lettres que je recois d'Allemagne font concues de maniere qu'on diroit qu'on ne cherche qua m'affliger ; voila pourquoi je les laiffe louvent un jour ou même plus long-temps fans les ouvrir , paree que je cherche a conferver ma gaité. Mais Iorfque j'appergois les cara&eres de mon fidele collégue , mon cceur vole audevant de lui , & je rappelle tous mes fens peur jouir de fon amitié. La douce efpérance étoit déja au guet de cette lettre, & j'ai voulu vous prévenir plulieurs fois , paree que je fuis perfuadé que tout ce qui vient de moi vous eft cher. Je croyois pouvoir vous dire le temps oü je compte vous aller furprendre un beau matin a Nothenitz , de même que je 1'avois annoncé depuis peu avec trop de confiance au digne Prince I iv  d^nhalt. Je retirade même anjourd'hui maparole' aupres de lux; car le Grand-Duc de Tofcane & fon epoufe. qui ont accompagné la future Reine des deux Sicde, i Naples , doivent paffer , a leur e ur quelque,-ps a Rome , ce qui aura lieu " ? du m°1S de Mai = conféquent je ne puis pas quitter cette ville. Je commence donc a craindre de ne jamais revoir ma patrie; d'autant plus qu il me fera difficile de quitter pour un an que demande ce voyage , mon maitre & eternel ami, le digne Cardinal Albani, au grand age qu il a. ö Deplus, onprévoitla mort du Pape laquelle, fur Je pied ou les chofes font acruellement, doit caufer un changement extraordinaire dans tout le fyftême Pohtique despuiflancesvis-a-vis de la cour de reZn' W ce qui regarde Ia reiig.on & comme tQUS ks J eftimable Cardinal Stoppani, mon bienfaiteur Z fe puis pas rneloignerd'ici fans porter préiudice a mes inte'réts. Je me prepofe de men confoler un peu par un autrepetit voyage a Naples, que jai réfolu de faire dorenavant deux fois paf an, & par mon feiour ordinair!sèportod,An2.o ^ ^ ou je fuivra, dans peu la Princefle Albani , pour 7 paffer Ie Carême. Ceft-Iè Ie lieu de mes déÜ«* ; ceft-la , mon ami, que je voudrois vous voir, pour nous promener Onïemble , fans fouci  ui M. Winckelmann 137 & fans inquiétude, le long de la tranquille mer fur une cöte élevée & couverte de myrthes ; oü pour la regarder fans crainte lorfqu'elle eft en fureur, placés fous une arcade de Tanden tempte de la Fortune , ou fur le balcon de ma chambre même. Un mois pafte dans un pareil féjour , & la jouiffance de la belle nature & de Tart, qui nourrit le cceur & lefprit, furpaffent tout ce que 1'éclat des cours & leur bruyant tumulte peuvent nous offrir. A Naples j'occupe chez un des plus grands Avanturiers qu'il y ait , ma propre chambre qui eft ornée de vafes étrufques qui m'appartiennent, & dont mon höte augmente le nombre pour moi. C'eft leChevalier d'Hancarville , auteur & éditeur du magnifique ouvrage qui a paru fous le titre : (SAntiquiqués Étrufques,Grecques & Romaines, formant quatre volumes grand ïn-folïo de vafes peints raffemblés par M. Hamilton Miniftre de la GrandeBretagne a Naples, & des autres plusbeaux vafes qui fe trouvent dans cette ville. Suivant le profpectus, eet ouvrage contiendra 468 planches, c'eft-a-dire 117 dans chaque volume; mais je cruis que ft 1'on vouloit bien compter toutes les planches ou gravures on pourroit en trouver 600 au moins. Le premier volume en a paru ( 1 ); réxpÜcation de ces planches m'eft réfervée. ( 1 ] Le titre ue eet ouvrage magnifique 5: unique en fon  *38 . Lettre s C'eft ainfi que jè jouis de tout, quelque pauvre que je fois, excepté de mon eftomac, qui devient dautantplus mauvais & plus «belle, que ma tête travaille davantage. II ne faut fans doute pas en etre lurpris, car perfonne ne peut fe faire une idee des peines que je me donne. Mais le repos viendra enfin un jour, dans ces Jieux ou nous nous reverrons pour jouir de notre anuue : ce a quoi je ne puis penfer fans un plaiftr fecret & fans répandre des larmes de joie Je my rendrai comme un leger piéton, tel'que je luis venu dans ce monde. Je confacre les larmes que je répands dans ce moment a cette lublime amitié qui émane du fein de 1'amour éter«el & que j'ai eu le bonheur de trouver en vous Cl). Que dirai-je des éloges que le efpéce , eft : Colieüion of Etrufcan , Greek ani Roman Annquuus,fi0mthe Cabinet of the honor. Jlï. /^illiam H^ros his Britannick Majefiïs EXtraordinary C^oy - A Coun of NaPles , l?67, avec un ,me £J_ co1S vrs-a-ws de ce!ui-ci. LeS deux premiers volumes de eer ouvrage precieux ont paru peu de temps 1'un apres 1 autre a Naples.. Le troifiéme Volume a été publié a Paris en I77J. Limpreffion en eft auffi magnifique que celle des deux premiers Volumes , étant orné de beaucoup de vignettes & culs de lampe ; les pla„ehes des vafes ^ enummees. _ N. de M. D. ( i ) Lette lettre F..t ecrite environ quatre mois avant la fin trag.que de M. Winckelmann. JVI. Franken a écrit ea  de M. Winckelmann. 139 favant Confeiller Crufius , votre collégue a&uel, donne a mes ouvrages imparfaits ? Je vous prie de lui en témoigner ma reconnoiftance , & de 1'aflurer que fon approbation ne m'eft rien moins qu'indifférente , paree que je fais qu'il peut louer avec connoilfance de caufe. Plut au ciel> que je puhTe luimontrer, ainfi qu'a vous, mon Eijloire de V Art entiérement refondu & en état d'être traduite. Je feuillete quelque fois ce livre pour me déle&er , car je fuis parfaitement content de moi-même. Je n etois pas encore en état d'écrire Iorfque je commencai a 1'entreprendre; les idees n'y font pas affez liées ; il manque fouvent les tranfitions nécelfaires de 1'une a 1'autre » ce qui fait la partie effentielle de Tart d'e'crire; les preuves n'ont pas toujours toute la force qu elles pourroient avoir, & j'aurois pu m'exprimer quelquefois avec plus de chaleur. Mon grand ouvrage italien m'a inftruit de ces défauts ; paree que le théatre oü je voulois me montrer étoit^ plus dangereux ; & le tout puiffant a répandu fur moi fes bénédiclions & fes faveurs. Je crois , au refte, avoir éclairci ou rétabli dans eet ouvrage plus de cent paffages d'anciens Auteurs. J'ai confervé pour le troilïéme volume des Monumenti inedïti des monumens inconnus marge, qu'il n'a jamais lu ce paflaKe fans 1'arrofer de fes. larmes. N. de M. D.  J¥> L e T T * I S qw formeront de cette fcience un fvflême toutsS ::rm-si ren trouve ^ * £ ierai paffer eet ouvrage itaiien. Pour ce qui eft de Berlin , je fuIs ^ ifero» tropétranger dans cette ville ; je fuis dadleurs plus content en faifant möi-mL mo„ I* que aetre décoré du titre de Conf>i„er priv & da;01r deux laquais pour me fuivre. QuelLs-des Ecrivains célebres que vous me n mm"s Fr occafion, particuliérement entre les mains <*u dIgne Prince d'Anhalt-Deiïau • *, U« feu!pm<^<. a -^euau , & ]es autres leuiement ae nom ( t i T'oï e,-:* . v ;< J 31 tdIt venir un volume de o- deMendeiron;raimêmepr;somc: «fon delapour lui écrire, mais fans recevoir dereponfe. Comme ma lettre pour lui eft partie fous enveloppe , ft fe peut ^ ^ * ^ «t pas été remife & qu'elle fe foit perdue. fi) M. Franken avoit conf-iU^ i r • LeflW, Vi.j ar7.d mcilleurs "-«ges de MM. & autre Tn7 Mendelfon , Kaftner, Kammler, WeilTe tIeS> M " d «*»» ^s éloges «pils «éritent. N, deM, D.  BE M. WlNCKILHANK. I4.J LETTRE XXVII. Rome , le 23 Mars ïj6$. J'a mais mon ame n'a été plus latisfaiteenvous écrivant qu'aujourd'hui, que je jouis duplaifirde vous annoncer ma prochaine arrivée a Nothenitz, qui aura lieu vers le quinze du mois de Mai, s'il ne me furvient aucune maladie pendant ce long voyage. Car je compte partir d'ici au commencement d'Avril , fuivant la permifïion que j'en ai obtenue de mon maitre & du Pape. Comme je veux déligenter mon voyage jufqu'a mon premier gïte , qui fera chez le digne Prince d'AnhaltDeffau, & que je ne veux paffer qu'en courant par Drefde , oü je n'ai a voir que vous & M. WaLther; je vous prie de tenir mon arrivée parfaitement fecrete, fi ce n'eft pour Walther feul; & de faire favoir chez lui toutes les fois que vóus ferez a Drefde, afin que je fache oü je pourrai vous trouver. A Delfau j'attendrai mon ami Stofch que le Prince logera a ma requifition. De-la nous nous rendrons chez le Prince héréditaire de BrunfVic s pour partir enfuije pour Berlin. J'aurai pour compagnie le célébre Statuaire romain Cavaceppi, qui entreprend ce voyage  J42 Lettres tant par amitié pour moi, que pour rétablir fa fanté. O ! qui ampLxus! & gaudia quanta futura j ^ J'ai de 1'ouvrage jufques par-deffus les yeux, d'autant plus que je dois tailler de la befogne £ un graveur & èun deffinateur que je garderai jufqu'a 1'automne & méme peut-être plus long-temps encore ; & mon eftomac a été tellement affoibli par le travail forcé pendant eet hiver, que j'aurois quelque maiadie a craindre fi je ne faifois pas bientöt ce voyage. Je confacre deux jours de Ia femaine a deux hommes d'un grand efprit, M. Hamilton, Miniftre de la Grande-Bretagne £ Nai pies, & Mylord Stormont, AmbafTadeur de la même cour a Vienne , qui voit Rome pour la feconde fois. C'eft 1'homme le plus inftruit que jaie vu pour une perfonne de fon rang; il eft même fort verfé dans la langue grecque. II a été mariéauneComteffe de Bünau ; la mort de cette dame&unemélancolie dans laquelle il étoittombé, 1'ont engagé ï faire ce voyage. Mais il a été rétabli dans eet heureux climat, & par la vue des chofes rares & inftruöives qu'on trouve ici. Lorfque j'irai a Nothenitz je vous emmenerai M. Cavaceppi, pour vous faire connoitre un Romain parfaitement honnête homme. Je vous embralTe mille fois'en idéé & fuis pour la vie, &Ct  be M. Winckelmann. 143 A M. L E CONSEILLER H E Y N E. LETTRE L Rome, le ZZ Décembre 1764. «J'aukois dü répondre fur le champ a une lettre auffi agréable que celle dont vous venez de m'honorer, fi je n'avois pas voulu attendre 1'occafion de 1'envoi du manufcrit de mon EJJaifur VAllegorie, pour vous faire parvenir celle - ci franche de port. Cet ouvrage pénible qui regarde principalement 1'Art a rempli pendant plufieurs années mes heures de loifir. J'y ai éclairci & rétabli différens paffages des Auteurs grecs. II doit paroitre a Paques & aura vraifemblablement vingtquatre feuilles d'impreffion. Mon grand ouvrage italien va lentement, paree quemonalTocié amanqué , de forte qu'aujourd'hui tous les frais tornbent fur moi feul. II auroit fallu, fans doute, que je commengaflè ma lettre par vous remercier de 1'avis que vous me donnez de 1'honneur que m'a fait une Société favante & célébre ; c'eft la première marqué  Lettres d'eftime que je regois publiquement dans ma patne. Je ne pouvois pas attendre cela de B*' oü regne dans l'Académie un defpotifme francois. J'accepte avec plaifir votre invitation d'être ici le correfpondantde laSociété; mais je ne pourrai pas communiquer des chofes quine regardent que la httérature feule, paree que je fuis un peu indifférent fur tout ce qui paroït de nouveau en ce genre. Car ce qui eft bon ne perd rien dans mon efprit quoique je fois le dernier k 1'apprendre. Je ne lis ni gazettes ni journaux littéraires; & comme je n'ai pour ami & pour fociété que mon maitre, qui eft Ie Patriarche & 1'Archimandrite des Antiquaires , je n'ai aucune occafion de favoir des nouvelies de la République des Lettres. Je les entends, k la ve'rité, de mes collégues au Vatican, mais j'y prête peu d'attention pour ne m'occuper que de ce que j'ai k faire. En attendant, je vous pne de me dire quel ufage on veut faire des nouvelies que je pourrai donner , afin que je puifle me régler en conféquence —. Vous avez fait choix,mon ami, d'un Grec digne de votre pénétration. Jecroisvous avoir dit quelque chofe fur un pafTage de eet Auteur, dans une de mes dernieres , mais je ne me rappelle plus ce que c'eft; car comme je dois tout écrire moi-même, je ne puis pas garder copie de mes Iettres. Voici unepetite indication des manufcrits d'ApolIonius qui fe trouvent dans la bibliothéque apoftolique. Dans  de M. Winckelmann. 145* Dans celle de l'ancien Vatican il y a deux manufcrits, favoir : N°. i6$i Dans celle deHeydelberg trois, favoir : M°. iyo i8«S 280 Dans celle dsUrbin il n'y en a qu'un feul, favoir: N°. 146. N°. 1691 eft un petit in-folio écrit fort proprement fur velin avec les fcholies, mais il paroit étre du quinziéme fiécle. N°. 1 ^yS eft un in-quarto écrit fur papier, mais fans les fcholies, qui appartenoit autrefois a. Fulvius des Urfïns ; il eft encore plus moderne que le premier. N°. i jO, in-quarto, écrit fur papier avec les fcholies , ne contient que trois livres, & n'eft pas plus ancien que le précédent. N°. 186, petit in-folio, écrit fur velin, mais fans les fcholies, eft de la même date. N°. 280 , in-quarto avec les fcholies, eft le plus ancien de tous , quoique néanmoins feulement du quatorziéme fiécle , comme il paroit. N°. 146, écrit fur papier avec les fcholies , femble être du même fiécle. Dans le N°. 280, il y a des fcholies interlignées , mais qui ne font de nulle importance. Dans le liv. 1, v. 3$ , au-deffus de <4th&*> ft y a «vMw. v. 4; , au deffus de rf-r» v. 88. evyyUi*. v. 85). Au-deffus de «fW«ï, x«a.zp^«- Part. I. K  Lettres r>,<. Au - deffus de tous les noms propres il y a une ligne horizontale, par exemple n*A„„, Nous fommes plus mal fonde's dans la littérature grecque en Italië qu'on ne le croit ailleurs. II n'y a a Rome qu'un feul homme a cui non crocchiailferro nelgreco, comme dit le proverbe. Les deuxProfeffeurs de la langue grecque qui font avec moi au Vatican peuvent a peine épeler lentement les Peres de 1'Eglife. La perfonne dont je veux vous parler s'appelle Giacomelli , il eft Prélat & Segretario delle lettere ad principes. C'eft a lui & a ma connoiffance dans la langue grecque que je dois les premiers pas que j'ai faits a Rome. Pour ne pas paroitre les mains vuides, & pour vous montrer ma bonne volonté, je vais vous communiquer deux Infcriptions'qu'on a trouvées, il y a environ un mois, dans une villa, a trois rniiles ou environ au-dela de Veletri. Elles font toutes deux fur une urne fépulchrale d'environ lïx palmes delongueur , & toutes deux placéesfur le cöté de devant. C'étoit le lieu de fépulture du pere d'Héliogabale. Je m'y fuis rendu moi-même, & je les ai copiées pendant qu'il pleuvoit a verfe. CESTfl OTAPIfll MARKEAAn. EniTPOriEYc AMnïAATflN EniTPOITET ANTEIIAPXEIOÏ BPITAVVIEIACEIUTPOIIETC ANTAOrflN ITPEIBA  de M. Winckelmann. 147 THCniCTEY©ENTAMEPH T£iN EIIAPXilN. TOTnPAITftPIOT. KAI PaMHc AAMH PUTATil ANAPI. EIIAPT£i« EITAPIOT cTATIOTKOT HrEMONI AErmNOc- AYrOTCTHC APEANTEIIAPXEIOr. NnXMIAIAC , IOTAIA cOAIMIAC. EAScIANH. cTNTOIc TEKNOIc TS2 nPOc 41. AEcTATiï. ANAPI. KAI. rATKTTATil IÏATPI. Ce qui doit être Iu & corrigé ainfi : weuVavri tTrufX'* B/>iTavvtias , iTriTpmiVo-avTi Atyai *pafia.Ti\r , ■xio-TtvfiiTi -ra.ii.ipn tot iirapxai Tsl/ * pani psvv nal Ptü'/inr , Att.lJ.ipi-ra.TU iviïpi , IvapXf ipapitv aTpu.TmTix.cv, iy(/A.iu KiymmT 'Au^ourmr , afbant \-!sa.pxiim Niijtrnf/as" 'UvAlct Tzta.i/J.10.? EaraCT «w TtiT texvoiT , toi npo«ïiAio-Ta.T a.ifcl , Y.tt.1 yAvxVTaTif sraTpi. L'Infcription latine eft la traduction de celle-la. SEX. VARIO. MARCELLO. PROC. AQAR. C, PROC. PROV. PRT. CC.PROC. RATION1S. PRIVAT. CCC. VICE. PRAEEFa PR. ET. VRBI FVNCTO. C- V. PRAEF. AERARI. MILITAR1S. LEG. LEG. AVG. PRAESIDI. PROV. NVMIDIAE. IVLIA SOAEMIAS BASSIANA C. F.' CVM F1LIS. MARITO ET. PATRI. AMANTISSIMO* Ces infcriptions pourroient fournir matiere a une diftertation curieufe & favante; d'autant plus qu'on ne les a communiquées a perfonne & que c'eft moi feul qüi les ait. J'ai trouve dans la même villa une belle tête de Commode, dont j'ai fait préfent au Cardinal, K ij  Lettres Pour conclufion je dois vous dire, que je fufc le même que vous m'avez connu ; c'eft a-dire que je fuis convaincu de mon peu de mérité ( k.& 7,*p S^nF ) & que j£, fa5s ^ vqus me aonnez eft infiniment au-delTus de moi J'écris librement, mais je ne penfe, ni ne parle, ni n agit pas de même. Je n'ai encore rien appris du Polybe de M Erneft; j'attends de Suiffefon Homere. Jen'envifage un tel homme que la tëte renverfée en arnere, comme on regarde un temple élevé & je ne penfe enfuite a fon mérite que les yeux baiffés. Faites-lui une profonde falutation de ma partmais bien profonde & telle que je pourrois la lui faire moi-mêms en courbant le dos. La tantaflrepitofafpedi^one de' Mijjionariletetan antiquari Danefi hafatto naufragio. Un folo enmaflo in vita, e S è inviato a tornafene a cafa per le Indie; gU altri fono morti. Glifoggeui non eranafcelti con giudï^io , particolarmente quello che gmdava la truppa. Un mio amico mi fcrive da Conjlantmopoli che, richiefto dal Refidente del Ré di Danimarca alla Porta , di riconnofcere le antichud daquejli Mifwnari raccolte in Egtto , rimafe fiupuo in vedere roba chefitrova qniaRomaper un &cchmo in Pia^a Navona ; e quefto è perfona chenepuórendere conto. Non bafla di aver imparato a (Iracciare un Poco VArabo vi vuok aUr& ' fvwifar* m £al intraprefa. Addiot  de M. Winckelmann. 14.9 LETTRE II. Au même. Rome, Le ;o Mars 1765. JVIa téte n'eft pas aiïez fertile en idees pour faire trois différens complimens de remerciment de 1'honneur que Ton m'a fait. A vous je puis dire : x^Axsa xpv^- Ce que je ne puis faire moi-méme, fera fait par d'autres. J'ai interprêté au Cardinal les témoignages de refpeet dont vous me chargez pour lui; & il m'a dit de vous faire connoitre , ainfi qu'aux autres membres de la Société, combien il prend part a mon agrégation. J'ai recu fur eet honneur les complimens de congratulation d'une nombreufe affemblée de Cardinaux , de Prélats & de Dames qui fe trouvoient chez S. E. Quel homme eft-ce donc? direz-vous. C'eft un homme qui aux grands talens joint le caracrere les plus aimable que je connoiiTe. II a foixante-treize ans paffes; mais fa tête eft ce'le d'un homme de foixante, & il batit comme s'il étoit affuré de vivre encore vingt ans. Après Téglife de St. Pierre fa villa furpaffe tout ce qui a été fait dans les temps modernes. . II acrée, pour ainfi dire, le terrein qui lui étoit K iij  ïjo Lettres néceffaire & en a été lui-même le feul architecre. II a une autre villa a Nettuno prés de la mer, fur les ruines de 1'ancien Antium, laquelle eft batie comme Adrien en auroit fait le plan. Une troifiéme villa, qu'il a pareillement batie luimême, eft fituée a Caftello, è peu de diftance d'Albano. Après paques nous irons palier huit ou quinze jours a Nettuno ; & a notre retour commencera la Villagiatura a la villa prés de Rome, oü nous demeurons , qui durera jufque vers le milieu de Juillet; mais j'ai réfolu de refter hors de Rome pendant tout 1'été. Plufieurs Princes envieroient 1'appartement que j'occupe. Je fuis le favori, fans qu'on en foit jaloux, de Ia fuite nombreufe du Cardinal, parmi laquelle fe trouvent dix Secrétaires, qui ne ceffènt d'être occupés. Mon emploi eft d'avoir foin de la bibliothéque & du cabinet, dont je jouis feul. Vous pouvez donc bien vous imaginer que je fuis tout-afait tiré de la folitude, & que je n'ai pas eu befoin pour cela de M. B.. .; je le cherche cependant amant que je Ie puis; & comme je ne me fuis foumis a aucune gêne, je vis content & fatisfait; car j'ai fait a Rome tout ce qui auroit pu détruire la fortune & le bonheur de tout autre que moi, & tout m'a réuffi. B... commence a s appercevöir que Rome eft un tout autre pays qu'il ne fe 1'étoit imaginé le premier mois qu'il y fut. Tout cela ne me permettra feulement pas  dé M. Winckelmann. i^i. d'écouter les propolitions qu'on pourra me faire ailleurs; d'autant plus que dans deux ans d'ici j'attends de retour d'Efpagne mon ami, dans le fein duquel j'efpére finir mes jours. Mes Monumenti inediti ont elfuyé, a la ve'rité, un contre-temps, mais le travail n'en eft pas jnterrompu, 2^rm *•'/«» wp« ©«•'*■. C'eft un ouvrage qui jettera une lumiere nouvelle fur 1'Art. On ne trouve rien au Vatican fur le Tzetzes 'Antehomer& Pofihomer; mais bien i /*<*ƒ>« 'Ui«sr. A 1'ancien Vatican, N°. 1701. De plus >JW iwi». y,j>,*.al rïr 'OpApov 'iAia^or , ibid. N°. 1r]$9' II n'a paru que trois volumes du Mufeo Cap'itolino. Lesvdeffins en font faits avec goüt & intelligence; il n'y a des défauts que dans quelques petits détails. Mfgre. Bottari travaille acltuellement auquatriéme volume des bas-reliefs, dont 1'explication nous fera connoitre quels font fes talens» Je ne fais rien de Civita Turchino; je cröis néanmoins que M. Bitter s'eft trompé. Les tombeaux étrufques font prés de Corneto a quatre milles de Civita Vecchia,proche de la mer. Comme on ne trouve les Tranfactions philofophiques dans aucune bibliothéque de Rome , & que je n'en fais moi-même que ce qu'il en a dit , je ne veux rien mander d'inutile fur ce fujet. Le Supplément de Donati n'a pas encore paru; il ne pourra pas non plus donner tout ce qui m'eft connu. K iv  IJ2 L E T T K E S Le Virgile eft pitoyable CO, & cependant il en fort un grand nombre d'Italie. Vous vez vu fans doute le Calimaque (2) & le Nican- ( 1 ) Cette édition de Virgile , que M. Winckelmann die Ctre pitopble, & laquelle , en effet, eft très-mauvaife , parut k Rome en 1763 , 17*4 & i7«f , en trois grands Volumes in-folio, L'Editeur de eet ouvrage étoit un Jéfuite de Florence, appellé Ant. Ambrogi. A le confidérer parle luxe typogiaphique , relevé encore par de belles gravu-, res , eet ouvrage peut être regardé comme une des plus magnifiques éditions qu'on ait fait en Italië des Auteurs dafllques; mais par la partie littéraire elle vaut a peine les éditions de Junker & de Mïneïli. On ne trouve par-tout que des réflexions & des éciairciiTemens digues d'un écolier en troifiéme : le feul mérite qu'il- ait, c'eft une traduftion en vers italiens qu'on y a jointe; mais que 1'Editeur avoit déja donné féparément en quatre vol. in-4°. Rome, 1758, 1761. Et dans cette tradudtion même il ne paroït pas avoir furpaffé Annibal Caro, qu'il critique néanmoins fort librement. Qu'on compare cette édition magniiïque de Rome avec celle que nous a donnée M. le Confeillea Heyne, & 1'ori pourra juger du mérite de cette derniere. N. de M.D. (2) Le Calimaque de Bandini parut a Florence en 1763, in-8°. C'eft en vain qu'on y chercheroic quelques bonnes remarques de 1'Editeur propres a éclaircir ce Poéte; mais 3 eft fort facile de diftinguer celles qu'il a faites lui-même, d'avec celles qu'il n'a fait que copier de 1'édi, tfon de Spanheim. Le feul mérite qu'ait eet ouvrage, c'eft la tradudtion italienne en profe de Ant. Mare. Salrini qu; n'avoit Jamais parue, & laquelle eft véritablement belle & coulante, N, „ S KwAtypcL^r t«t.. Md.fi nu.} aAAUii xaAwr ixpifcUpus tVt, * O Vuvnis Zrwrlxcfi; utis ifv 'Ho-iéte , '£' Xf"°i! t7 yaAaptio, £, xaj tK IWa^n,. Out; Fo^jX &tf u X?[,M T6Tfaxi,/!Jf>  de M. Winckelmann. ijj Fiat applicatio ad marmor Parium. J'aurois beaucoup defiré de trouver un ancien manufcrit d'Athenée, car cet écrivain doit nous être cher ; mais c'eft vainement que je 1'ai cherche. Tous les manufcrits que j'en ai vu en Italië font trop modernes ; & le plus ancien, qui étoit autrefois dans la bibliothéque Farnefe a Rome & qui a paffé a Parme , en a été enlevé; car il ne fe trouve plus a Naples oü eft actuellement cette bibliothéque. J'ai rétabli & éclairci deux paflages de cet Auteur dans mon Allegorie. Je me rappelle maintenant que 1'infcription du 'tombeau du Pere d'Héliogabale a déja été inferrée dans la Gamena litterarie di Firen^e par un Romain; mais il s'y eft glhTé deux fautes. Je crois vous avoir mandé a cette occafion, que le maïtre de la villa en queftion , prés de Veletri, y a trouve une grande table de plomb pleine d'infcriptions en reliëf, qu'il compara pour la grandeur a la porte des hautes chambres du palais Ginetti, oü je me trouvois alors. II 1'avoit déja fondue , & en avoit vendu fept eens livres, dans la crainte que le public ou bien la communauté de cette ville ne le lui enlevat. J'ai eu occafion de former une étroite connoiffance avec le célébre Wilkes, & comme il s'eft trouvé ici pendant le carneval j'ai eu lé temps d'être l lui; mais il a refté a peine huit jours a  I*6 L E T T K E S Rome II avoit avec lui une jolie perfonne anpellee Corradini, qui eft de Parme : il eft feulement dommage qu'elle fe foit fait danfeufe. H amenée de Paris; & cornme eIIe a fon equipage quelle entretient aux dépens de fon amant, cela fait un morceau fort cher. Ils font partis avec quatorze chevaux de pofte pour Naples II y a Ioue', a ce qu'il m'a écrit, une belle fur aUt6Ur 3gréable & Join <*ubruit de Ia ville, pour y finir fon hiftoire d'Angleterre depuis la révolution, & fai.e une nouvelle édition des (Euvres de Churchill. II m'a offert appartement Chez lui, fe pourroit bien que jaille Uu feire une vifite 1'automne prochain. II a fait imprimer en Anglois è Paris une juftibcation intitulée : A Letter to the uiorthjr Electors oj the èoreugh ofAjleshury in County of Bucks. London, l76^, m.8°. qui n'eft pas connue en Allemagne, étant même fort rare en Angleterre. Je voudrois favoir de vous fi J'0„ peut vivre content dans un endroit tel que G..., comme on le pretend. Car je ne puis me figurer que Ie féjour de cette ville ou de toute autre oü il y a des Académies en Allemagne (k 1'exception deLeipfig ) & h mor. gue que doit affecter tout Profeffeur , puiftent permettre d'être heureux. Il me paroït que ce genre de vie doit faire yieiflir bon gré maW avant le temps. Cela paroitroit néanmoins plus  de M. Winckelmann. 15*7 dur encore a une perfonne qui pendant long-temps a joui d'un ciel heureux & d'un beau pays oü tout rit dans la nature. Je fuis avec une éterneile amitié. ' ' ^^^ïfrë'^ " —r==Ba»; LETTRE III. Au même. Rome, le i^Juillet lj6$, C o m m e je dois écrire a Drefde , je veux du moins, pour prendre la route la plus courte vers G**** , répondre par quelques lignes a votre chere & agréable lettre. Bientöt je rougirai d'écrire en Allemand ; penfée qui ne m'eft venue que par notre correfpondance. Je m'appercois que mon ftyle eft fee & mauvais. Mais fi mon langage fecorrompt, mon cceur ne change point. Mon Allegorie avec 1'épitre dédicatoire paroitront enfin a la Saint-Michel, quoique je commencalfe deja a craindre que cet ouvrage n'eut péri par 1'eau ou par le feu. Je ferai heureux fi mon ouvrage Italien peut paroitre dans un an ; auffi formera-t-il deux volumes grand in-folio avec plus de 180 planches. Je voudrois bien , pour faire _ des recherches fur une découverte importante que ï'ai faite dans les antiquités grecques, être inftruit  ij"8 Lettres par vous, mon ami, ou par quelqu'un de vos favans amis k G , dans quel temps a com- mencél'ufage d envoyer des trompettes, «v ^>uxa, d'une armee a une autre. Dès que je pourrai refpirer un peu librement, je travaillerai k donner une e'dition plus complette de Eïftoire de 1'Art. Nous fommes aujourd'hui plus fages que nous ne 1'étions hier. II vous eft donc arrivé, comme a moi, de ne pas trouver imprimé a Florence les livres grecs du même Auteur. J'ai couru tout Florence pour trouver un Apollonius avec les Scholies , mais en vain. Je fuis furpris que ce livre manque k la bibliothéque de Magliabecchi ; car quoique le poflefleur fi célebre de cette bibliothéque n'étoit pas en état de comprendre un feul vers de cet Auteur claffique, il auroit dü néanmoins l'y placer. Je ne pourrai probablement vous dire quelque chofe de ï'Etymologico magno du Vatican que vers le milieu de Novembre ; car depuis le mois de Juillet jufqu'a ce temps-la il y a vacance, & je demeure a une demi mille d'Allemagne du Vatican. Je me trouve actueUement a la villa de mon ami prés de Rome , c'eft-a-dire , au centre de toutes les merveilles anciennes & modernes de Tart. Je jouis ici d'une parfaite tranquillité , Sc je mêne une vie telle que je n'aurois pas ofé men flatter autrefois dans mesfonges. Je dois, par reconrioiffance pour mon bienfaiteur, donner une  be M. Winckelmann. iyp . defcription de cette villa, que je commencerai auffi. tot qu'on aura placé huit oudix ftatues. Les deffins pour la gravure en font deja faits. Dans cette agréable occupation , je n'envie le fort d'aucun de vos confrères en Allemagne , & ne defire que de recevoir de vos nouvelles. Je fuis étonné que ce que je vous ai dit en paffant de mon ami en Efpagne , ait excité votre curiofité. C'eft M. Mengs , dont j'eftime bien plus le cceur noble & généreux , qu'on trouverbit difficilement chez nos Monarques modernes, & le génie créateur, jufte & méthaphyfique, que ks talens fupérieurs qui le rendent le plus grand maitre qu'il y ait de nos jours dans fon art. Le noeud commun qui nous unit, c'eft fon époufe , qui eft une belle Romaine Je les attends 1'un & 1'autre de retour du pays barbare ou ils font, pour 1'hiver prochain , qu'ils doivent revenir a Rome , notre patrie commune. Vous avez fans doute deja appris le fort malheureux de M. de Werpup. Je ne lui ai parlé qu'une feule fois ; mais il faifoit de fréquentes vifites a mon maitre,.& prit congé de lui le matin du jour qu'il eft mort. Je vous en dirai davantage une autre fois.  i6o Lettres LETTRE IV. Au même. Rome , le 3 De'cemlre 176$. C e que les gazettes ont dit eft vrai ; mais 1'affaire propofée n'a pas été conclue. J'aurois pu commettre la folie de facrifier a 1'amour de ma patrie , mon bonheur, dont perfonne n'apprécie mieux le prix que moi, fi un peu d econo. mie n'avoit pas fait rompre le traité. Pour ne pas parler d'une expériencede dix années a Rome, qui eft fort précieufe & dont perfonne pourroit difficilement jouir avec les mêmes avantages que moi, & fans remarquer qu'on peut devenir auffi bien un grand Algébrifte aTobolks qua Alexandrie ; on auroit dü fonger au moins ( fi 1'on pouvoit apprendre a connoitre Rome au-dela des Alpes ) qu'il y a une différence infinie entre tirer un homme de Peterlbourg ou du milieu des Alpes & le faire fortir de Rome. Comme Rome entiere' a paru prendre part k cette réfolution , & que le Pape & un des plus refpeétables Cardinaux m'ont offert de nouveaux avantages , je ne dois plus fonger dorénavant k aucun changement. Mon Allégork ne paroïtra que cet hy ver, paree que Walther  de M. Winckelmann. i6t Walther veut le faire imprimer dans fimprimerie qu'on établit pour lui a Drefde. Je dois prendre patience. II y a environ un an que je lui ai fait paffer le manufcrit. Je fuis occupé d'une differtation fur 1'Art che^ les Grecs en particulier ; mais ce n'eft que dans mes momens de loifir qui font fort rares ; car je fuis pris par le Prince GeorgesAugufte de Mecklenburg-Strelitz, qui compte paffer un an a Rome, ainfi que par M. le Duc de la Rochefoucauld , qui eft le voyageur le plus inftruit que je connoifle. Vers le milieu du mois d'Oclobre dernier on a trouve dans la villa de la maifon Verofpi, enclavée dans les murs de Rome , proche de la porte Salara , deux ftatues bien confervées , de la moitié de grandeur naturelle, repréfentant deux jeunes filles a moitié couchées , vétues d'une legere draperie. Cette draperie confifte, comme 1'eft en général le vêtement de deffous des deux fexes des anciennes ftatues, en deux longs morceaux carrés , coufus enfemble dans toute leur longueur , & attachés par trois boutons fur les épaules. Dans ces ftatues la partie attachée enfemble par ces boucons , tombe de 1'épaule jufqu'a la moitié de la partie fupérieure du bras, & laiffe par ce moyen a découvert les deux feins , dont la forme annonce 1'age d'une jeune vierge. Ces figures font appuyées du bras gauche fur le focle oval qui leur fert de bafe, & la main droite Part. 1. L  Lettres eft étendue en avant comme fi elles venoient de jetter des dés ou aftragales ■, dont on ne voit néanmoins aucune tracé. Sous chacune de ces figures , il y a un petit are, fur Ie bout extérieur duquel eft repréfenté Ia tête d'un griffon. Mais on n'appercoit ni fléches ni carquois. Toutes les parties de ces ftatues fe reiïèmblent parfaitement, jufqu'aux focles même. II eft dommage feulement que les deux têtes manquent ; on efpére cependant de les trouver en faifant de nouvelles fouilles. C'eft par les têtes qu'on pourra décider avec certitude fi ce font, comme je le crois , des jeunes Amazones, qui veulent commencer a s'eftayer avec 1'arc. Car 1'idée des têtes de leurs ftatues eft toujours Ia même ; comme on peut le voir par les ftatues des Amazones de la villa Mattei, du palais Barberini , de la galerie du Capitole , &c. Cette remarque eft échappée a ceux qui ont fait placer fur une autre Amazone, pareillement au Capitole , une tête antique arbitraire, & fur une autre auffi du même endroit , une tête tout-a-fait moderne avec un cafque. Les véritables têtes des ftatues des Amazones n ont point de cafque ( quoiqu'elles en ayent a Ia vérité fur les bas-reüefs ) & donnent 1'idée d'une Virago. Cette négiigence eft d'autant moins pardonnable qu'il y a dans la galerie du Capitole deux fuperbes têtes d'Amazones qu'on auroit pu adapter aux deux ftatues mutilées dont il eftqueftion. Ces deux têtes font néanmoins encors inconnues.  de M. Winckelmann. 16*3 J'ai fait voir cette découverte , qu'on tient fecrète, au Prince de Mecklenburg - Strelitz, le jour après qu'elle eut été faite , ainfi que le lieu oü ces ftatues ont été trouvées, placées 1'une a cöté de 1'autre. Cet emplacement paroit avoir été une chambre ; mais les ruines ne permettent pas d'en former une idéé plus précife. Cette villa faifoit autrefois partie du jardin de Salufte li connu ( non pas Salufiü de bello Catiünario, comme le dit un ignorant Vénitien ) & enfuite du jardin Impérial. C'eft un champ inépuifable , comme on fa vu par les antiquités qu'on y a trouvées autrefois , Iorfque les poiïèffeurs infoucians de ce terrein fe font enfin avifés d'y faire fouiller. C'eft ici qu'on a trouvé fous le pontificat de Clément XI les quatre plus belles ftatues Egyptiennes & du plus ancien ftyle qu'il y ait au Capitole. Je dois finir pour le moment; par le prochain courier je vous parlerai d'autres découvertes qu'on a faites ici. Je fuis. LETTRE V. Au même. Rome, le 28 Décembre ij6$. J e vous ai parlé dernierement des deux ftatues qu'on a trouvées dans la villa Verofpi oü étoit Lij  j6*4 Lettres autrefois Ie jardin de Salufte; mais je n'ai pas fongé alors , pour me faire mieux entendre de quelques perfonnes, de vous dire quellesreffemblent parfaitement, tant par Ia grandeur que pour 1'attrtude & la draperie, a la ftatue d'une jeune fille jouant aux aftragales , que le Cardinal de Polignac poffiSdoit autrefois. On n'a pas encore pu trouver jufqua préfent les têtes de ces figures ; 1'on ne pourra par conféquent pas décider avec certitude ce qu'elles repréfentoient. On n'a pas fait depuis ce temps-la de nouvelles découverte de quelque importance , & je ne puis vous parler que d une petite tête de Pallas, travaillée en bolle fur 1'ivoire , laquelle a fervi, comme il paroït Par Ia forme ronde de ce morceau, d'ornement a un vafe ou a quelque arme. Cette tête m'a été donnée par mon maitre & mon ami; a qui elle avoit été envoyée par les Chartreufes , qui font obhgées de paffer de nouveau au tamis, dans leur couvent, toute la terre qu'on tire des Catacombes dans Rome & hors de Rome , après qu'elle a deja eté examinée fur les lieux , pour voir s'il ny refte pas quelque partie des corps faints. Cette Pallas fut trouvée en paffant ainfi Ia terre au tamis, comme on avoit trouvé quelque temps auparavant un beau camée en agathe , dont le fond eft brun & tranfparent , mais dont la couchée travaillée en reliëf eft du plus beau blanc qu'on puifTe voir. Cette pierre repréfente un Oentaure qui paroït prêt k jetter une pierre fur  DE M. WlNCKEtMANN, l6une fïgure nue aflïfe , au-delfus de "laquelle erre 1'ame fous la figure de Pfyché. Ces figures ne font qu'indiquées & le travail n'en eft pas ün'u Cette pierre m'eft auffi tombée entre les mains par le même canal. Les Catacombes font un fond inépuifable d'ouvrages anciens de 1'art ; & tout ce qui fe trouve en grandes médailles dans la bibliothéque du Vatican, tant celles de la collection que le Cardinal Carpegna lui a leguée , & dont le Sénateur Buonarotti a fait la defcription, qus celles que le Cardinal Alex. Albani lui a données , ont été trouvées dans ces lieux fouterreins. Dans le moment que je vous écris ceci , le Cardinal me fait appelier pour examiner une tête de Matidie, fille de la fceur de Trajan, qui venoit de lui être envoyée de ces mêmes Catacombes.. Si je voulois comprendre dans les découvertes nouvelles ce qui paroit de chofes inconnues } quoique déja trouvées depuis long-temps, je pourrai vous enrretenir tous les couriers de chofes neuves. De cette nature eft la tête d'un enfant d'environ huit ans , qui réprefente ou Marc-Aurele dans fon enfance, ou bien Annius Verus. Elle a été trouvés & achetée dans une des principales maifons de Rome par Cavaceppi, la veille de Nocl. C'eft une des plus belles têtes que j'aie vues , particuliérement pour le travail des cheveux, dont les plus fines pointes des boucles ont été confervées. Ce morceau n'a été connu de perfonn^ jufqu'a préfent. L iij  166 Lettres J'appelle découvertes nouvelles d'antiquités, non-feulement les ouvrages de marbre qu'on trouve en faifant des fouilles ; mais encore les éclaircilTemens nouveaux de figures inconnues fur les ouvrages anciens de Tart. Et puifque je veux vous entretenir de pareilles découvertes, il ne vous fera fans doute pas défagréable d'apprendre quelque chofe de nouveau de ce fecond genre. Jai long-temps réfléchi fur un Jupiter affis fur un Centaure a la maniere des femmes. Ce Centaure tient d'une main une jeune biche , & fur fa croupe il y a un aigle. J'ai fait mention de cet ouvrage parmi les objets difficiles a expliquer que j'ai cités dans la préface de la defcription des pierres gravées de Stofch. II eft fur un autel triangulaire, qui fe trouve dans un caveau du palais de la villa Borghefe. J'ai enfin expliqué cet énigme : c'eft un Jupiter Chaffeur ( qui chafte aftis fur un Centaure ; ou peut-être bien eft-ce Chiron lui-même qui inftruit Achille a monter a cheval fur fon dos , lui apporte des jeunes lions & lui apprend enfin a chalfer. Jupiter eft repréfenté avec trois chiens de chafte fur des médailles de la ville de Tralies. II auroit été bon que j'euffe parlé de cet ouvrage fingulier dans mon Effmfur l'Allegorie. Le plus curieux des monumens anciens qu'on a trouvés depuis mon dernier voyage, dans les endroits engloutis proche du Vefuve, eft un tem-  de M. Winckelmann. i6j ple d'Ifis découvert a Pompeii. C'eft un de ces temples fans toit, appelles CW,PjPa. Ce batiment eft proprement un endroit ferme de deux cótés par un mur ; les deux autres cötés ont des colonnes , dont deux font d'ordre dorique , mais elles ne font compofées que d'ouvrage de maconnerie couvert de platre. Dans l'intérieur de cet endroit ferme il y a une petite chapelle garnie de pilaftres & avec un toit de briques, dans laquelle Ifis e'toit placée. A cóté de cette celluie il y avoit un autel oblong pour les facrifices. De cet endroit ou de ce temple on paffe dans deux chambres peintes baties 1'une a cöté de 1'autre. L'une de ces peintures réprefente Mercure qui donne la main-a une femme affife , autour du bras de laquelle eft entortillé un ferpent , ce qui fait peut-être allulion aux amours de ce Dieu & de Proferpine , dont Cicéron parle dans fon livre de la Nature des Vieux. Mais comme ce feroit chercher les chofes d'un peu loin que de donner ce ferpent a Proferpine ; & qüon repréfente au contraire Ifis tenant un ferpent a la main , comme cela eft expliqué en fon lieu dans la defcription des pierres gravées de Stofch , il eft a croire qu'on aura voulu défigner par-la 1'amitié intime d'Ifis & de Mercure , Iorfque fuivant Diodore de Sicile, Mercure étoit le chef du confeil d'Ifis , quand après la mort d'Ofiris elle regna en Egyptq. Entre ces deux figures, & pour ainfi dire , derriera Liv  *6"8 L E T T R B S elles , il y a une figure de femme qui paroït couronnée de lauriers ; de la main droite elle préfente le caducée è Mercure, & 4 ce même bras eft pendu le vafe ordinaire ^ ^ (^ dlüs, appellé Situla; de la main gauche elle tient un fyftre. Derrière 1'Ifis affife , il y a une %ure de femme nue ( les autres font drapées ) qui tient de même un fyftre de la main droite & une longue baguette de 1'autre. Au-deiTous' dlfis eft affis un enfant qui repréfente peut-être Harpocrate , & au-defious de Mercure eft couché la figure du Nil. Je vous parle de ceci d'après un deffin fait è la hite & de mémoire que f* d0nné M' le Duc de la Rochefoucauld, qui depuis deux jours eft ici de retour de Naples. Au-defT/us de la porte du temple ouvert en quef- tion, on lifoit I'infcription fuivante. popidivs. m. f. celsinvs. * ? term motv. conlapsam. fvndamento. p. s. restitvit. hvnc rv*r IZR10NES- °b- liberalitatem. cvm. fsset. annorvm. sexs. ordini. SVO gratis, adlegervnt. Lescarafteres de la première ligne ont la longueur d'un doigt; ceux des deux lignes fuivantes ont la longueur de deux phalanges du doigt; & ceux de la quatrieme ligne n'ont que la longueur f ? dsrn!ere P^oge du doigt : ce qui peut iervir a nous donner une idee de la hauteur de  t>e M. Winckelmann. i6p la porte & par conféquent des colonnes & de tout le batiment en général. J'aurois plufieurs remarques a faire fur cette infcription , li je ne craignois pas de paffer les bornes d'une lettre. J'ai voulu engager M. le Duc de la Rochefoucauld d'aller de Peftum a Velia, & d'entreprendre ce qui ne m'étoit pas permis de faire; c'eft-a dire, de faire des recherches fur les antiquités qui s'y trouvent; d'autant plus qu'il a a fa fuite un jeune Peintre de Lyon fort habile. Je lui ai repréfenté toutes les difficultés qu'offroit ce voyage , en cherchant en méme-temps a les lever. Mais ce Seigneur m'a néanmoins convaincu par des renfeignemens d'une perfonne digne de foi , qui avoit été elle-méme a Peftum, qu'on n'y trouve plus rien ftnon quelques anciens murs de la célébre ville de Velia, & que la curiofité ne vaut pas la dépenfe; car faute de chemins battus on ne peut pas y aller par terre ; de forte qu'il faut s'y rendre par eau, voyage qu'on ne peut pas faire en moins de cinq jours. Velia s'appelle aujourd'hui Agropoli. Avant de finir ma lettre, je dois retourner a Rome, pour vous parler d'une des plus curieufes découvertes qu'on ait faites en ce genre, & cela depuis pgu de jours. C'eft une médaille grecque de bronze, battue en 1'honneur de Cicéron par la ville de Magnefie ou Sipylum. Elle a été trouvée par un laboureur dans \Agro Romano, & fut achetée, encore couverte de terre, par un marchand  J7° Lettres d'anciennes médailles , mais grand connoifleur dans cette partie, pour une médaille d'Augufte frappée dans les colonies grecques; paree que les médailles des Empereurs faites dans les colonies Sc villes municipales font fort rares. C'eft auffi pour cela que 1'acheta Ie favant Pere Sarti, & celui-ci découvrit fous la tête le nom : m. tta. ki... Les lettres faivantes du nom de Cicéron ne font pas diftincies. Le poftefïeur avoit donné hier, que je fus pour le voir, cette médaille pour la faire deffiner , de forte que je ne Pai pas encore vue; mais j'yconduiraiaujourd'hui mon cher Prince de Mecklenburg. En attendant le Pere Sarti m'a fait voir deux paffages des Iettres de Cicéron k fon frere qui concernent ladite ville de Magnefie, & qui peuvent fervir k expliquer cette médaille. Ceft Ia feconde médaille de cette efpéce qu'on connoiffede notre temps; 1'autre eft dans Ie cabinet Farnefe k Capo di Monte k Naples. Le Pere Pedrufi la cite; on croit néanmoins que le revers en a été mal deffiné, paree qu'elle eft différente de la nótre, oü Ton voit des raifins 8c une feuille de pampre. II eft parlé de Ia médaille du cabinet Farnefe dans une lettre manufcrite de Fulvius des Urfins, a qui elle a appartenue, & 1'on trouve ce paffage dans ce qui a été dit dans le Mufeo Capitolino d'une ftatue qu'on croit étre Cicéron. Worthley Montagu eft enfin de retour en Italië de fon voyage a Alexaudrie & au Mont-Sinaï, 8c  de M. Winckelmann. 171 il fe trouve maintenant a Pife. J'ai le Journal de fon voyage, qu'il a envoyé a la Société royale de Londres, & qu'il a communiqué manufcrit, ama demande, au Prince de Mecklenburg. L'objet principal concerne 1'infcription qui eft au Mont-Sinai, & qu'il a fidélement copiée, étant fortverfé dans les langues orientales; mais on n'a pas encore pu 1'expliquer. Montagu croit en attendant qu'elle eft en Hébreux & des temps les plus reculés : je fuis de fon fentiment. Je vous en dirai davantage fur ce fujet une autrefois. Pendant que je vous écris ceci, le digne Prince o Anhalt-Deftau, qui eft arrivé hier a Rome, entre dans ma chambre. Je fuis. LETTRE VI. Au même. Rome, le 4 Janvier 2765. Je me vois abfolument forcé de faire une déclaration publique concernant mon Hijloire de 1'Art, mais comme la chofe prelfe, je devrai me contenter d'un Cmple avertilfement. Vous pourrez voir par ce que je vais vous dire qu'elle eft mon intention , pour la rendre publique de la maniere que vous le jugerez a propos. Un eertain homme ici, qui a pu fe flatter de  *72 L E T T E E S poffëder mon amitié, m'a trompé , dans le temps même que je lui montrois la plus grande confiance, en me donnant de faufïes indications é anciennes peintures qu'il avoit imaginées & luppo.ées. II m'a donné même des deffins ^ ces pre'tendus tableaux, qu'il avoit faits lui-même, & dont deux ont été gravés pour VHifhire de lAn ou ils fe trouvent. Je n'ai découvert cette inmgne fupercherie qu'après que cette perfonne eut quitté Rome, paree que 1'occafion de s'en appercevoir ne s'eft pas préfentée plutöt. Si^ les frais extraordinaires ne m'avoient pas empeché de faire une feconde édition de Uiifioire de F Art, corrigée & conlidérablement augmentée , pour laquelle tous les matériaux lont prëts ; j'aurois attendu jufqu'a cette occafion , pour faire publiquement cet aveu fincere. Mais comme j'apprends que non - feulement il a paru une tradudion frangoife de cet ouvrage a Paris , mais qu'il doit auffi en paroïtre lous peu une traducrion en anglois , j'ai cru qu'il étoit de mon devoir de ne point tarder a faire cette déclaration. Comme j'avois appris, il y a plufieurs mois quon travailloit a Paris k une tradudtion de ÏBfc totre de VArt, j'ai employé tous les moyens poOibles pour engager ceux qui pouvoient avoir quelque connoiffance de ce travail a m'en donner des nouvelles , afin de pouvoir y faire les chan-  de M. Winckelmann. 173 gemens néceffaires avanc qu'on ne 1'imprimat. J'ai même fait prier M. le Lieutenant-Général de Police de ne pas accorder la permiffion d'imprimer cette traduöion , avant que j'euffe fait palier les inftructions néceffaires pour cet effet; mais malgré tout cela, je n'ai recu aucune fatiffaftion dans un pays oü 1'on prétend que regne la politeffe , & mon ouvrage s'y vend déja publiquement ; ainfi qu'on en avoit agi avec ma Lettre fur les découvertes d''Herculanum, qu'on a traduite fans m'en donner le moindre avis , & dont je n'ai eu des nouvelles que par une lettre écrite d'Allemagne. Ce qui m'engage encore a publier cette erreur, c'eft la contrefaction que M. W¥* a Drefde , veut faire cet hiver de la traduöion frangoife, faite a Paris par un certain M. Sellius (1), & Dieu fait comment. Malgré mes grandes occupations, j'ai offert a ce Libraire de lui donner ( 1) C'eft -Ie même M. Sellius qui entrepric avec M. Mills , Gentilhomme anglois , la tradudtion du Didtionnaire Encydopédique de Chambers. Perfonne n'ignore cue ce fut ce travail qui donna naiffance au Didiionnaire Encydopédique qui fait tant d'honneux a la France. On fair auffi que MM. Mills & Sellius furent dépouillés a un ouvrage dont 1'idée , la marclie & la première exécution leur appartenoient. M. Mills. fut obligé de repafler en Angleterre , & fon coopéraceur, M. Sellius , ancien Profeflêur 3 Halle j eft mort » THótel-Dieu de Paris.  174 L e t T k e s des additions confidérables pour joindre a cette traduétion, & de changer entierement certains morceaux , en augmentant en même-temps Ia table des matieres, & en y ajoutant une notice nouvelle des anciens monumens dont il y eft parlé; ainfi que je fai fait pour mon EJ/ai fur tAllegorie. J'ai déja mis la main a la plume, & fi 1'Editeur me laiffè le temps , je ferai mon pofïïble de finir ce travail. Ceux qui après avoir fait quelque effai public dans une fcience , s'en font enfuite occupés pendant quelques années avec un foin infatigable , pourront juger des améliorations que j'ai faites a cet ouvrage en quatre ans ; car voila Ie temps que le inanufcrit de mon Hiftoire de VArt a déja été envoyé d'ici a Drefde Je fuis en bate..... LETTRE VII. Au mé me. Rome , le l 6Fe'vrier 1J66. Je votJS fais paffer celle-ci fous 1'enveloppe d'une lettre que j'ai écrite a M. le Confeiller privé de M., par laquelle j'ai pris la liberté de lui demander les notes favantes de G. Si ce bon Miniftre m'aceorde ma demande, je laifTe alors a vos foins le refte de cette affaire—.  de M. Winckelmann. 17/ Je crois vous avoir écrit par deux couriers de fuite—. On imprimé acluellement a Amfterdam, une feconde traduction de ÏHijloire de VArt , pour laquelle M. Robinet de Chateaugiron, (1) s'eftadrelTé a moi, non comme Traducteur, mais comme Editeur. L'impreffion en a déja été commencée au mois de Novembre dernier. Cette traduction m'a engagé a faire des remarques fur cet ouvrage, qui font déja bien avancées, paree que j'y avois penfé d'avance. Elles compoferont au moins trente-lix feuilles ; & comme ce fera ledernier ouvrage que je donnerai en allemand, j'y joindrai quelques planches. Je donne auffi dans cet écrit quelques éclaircilTemens nouveaux fur des palfages obfeurs & difficiles des anciens Auteurs , par lefquels je rétablis le texte même d'anciens monumens. J'efpére que tout fera prêt pour la foire de Leipzig a Paques. Je vous avoue en rougiffiant que j'ai perdu 1'empreinte de M. deU; je dois vous dire cependant, que vos éclaircilTemens me paroKTent beaucoup trop favans pour de femblables bagatelles , qu'on trouve ici pour quelques gros. II y a quelque temps qu'on m'envoya de B** 1'empreinte d'une pierre qu'on prétend que le Duc Maximilien a pofledée autrefois. On me demanda mon ( 1 ) Auteur du livre intitulé : De U Nature.  Lettres avis pour favoir li cette pierre étoit antique ou moderne , du plus ancien ftyle grec ou du dernier ftyle; & Ion me fit paffer en même-temps Ie réfultat quinteffencié des conférences tenues par les Connoifleurs fur cet ouvrage. Et qu'étoit-ce? Une figure k moitié ébauchée, qu'on peut faire dans un quart d'heure au rouet & qui ne vaudroit pas un demer ici. Je n'ai pas encore répondu fur cela , paree que je ne fais comment ni k qui parler. — II y a ici depuis quelques jours un G** & un R«« ( nom qui fait branler les dents k Rome ). Hs viennent de Paris , & ne parient qu'a la panfienne , même avec les Allemands. Je ne les ai pas vu. II ne faut plus attendre une feule feuille du catalogue des manufcrits grecs du Vatican; & cela par plus d'une raifon. Aftemanni ne fait pas le grec , & perfonne d'autre que lui ne prendra cette peine qui n'eft pas payée. Ce feroit mon devoir, comme Profefieur de Ia langue grecque a la bibliothéque ; mais je n'y ai jamais penfé féneufemem. On a permis au Syrien de paroïtre avec fes ravauderies du mont Liban, paree que nous fommes riches de femblables bagatelles; mais on ne lui permettra pas facilement d'annoncer fes manufcrics grecs. On eft ici fi curieux de ces tréfors , qu'il n'eft permis qu'a nous feuls qui fommes k Ia bibliothéque d'en voir  dê M. Winckelmann. 177 voir le catalogue. On donne de ces manufcrits tout ce qu'on en demande. J'ai recu du Doyen de 1'Académie allemande de B**, une lettre aufli longue que Fa fans doute été celle écrite de L II faudroit au moins quelques années pour répondre a cet homme defïreux de s'inftruire. Jugez fi j'ai tort de me débarraïTer de ma correfpondance en Allemagne, & de 1'éviter en partie : cane pejus «x«. Une ancienne pate avec Ie I nom de 1'Artifte neicot , repréfenté un Jupiter j fans barbe ; on lui voit fon hafte & fon aigle ; I mais autour du bras gauche il porte entortillé j la peau d'Amalthée en forme de cefte, & qui lui Jfert de bouclier & d'égide. On peut confulter HéIrodote fur ce mot ( y ) & voir ce qu'en a dit JSpanheim ( 6 ~). { 1) Voyez le N° 77 des Monument! antichi inediti. (i)l.V,p.4io. ( 3 ) Nota in num. apibus mCgnita, tab, 7 ,n. i. (4) Voyez le N° 13 des Monumenti antichi inediti. (5 ) Melpom. c. 187. ( 6 ) Obf. in Callim. Hymn. in Jov. v. 4,9 , p, 1$. Voyez le N . 5) des Monumenti antichi. Part. I. N  ip4 Lettres Si Ton vouloit repréfenter Minerve avant qu'elle eut fur fon égide la tête de Medufe, on pourroit douter quel ornement il faudroit donner a ce bouclier. Une fardoine nous en inftruira. Minerve pendant la guerre des Titans portoit un cheval fur fon égide : ce qui nous explique pourquoi on lui % donné le furnom de Eippia, Nous pouvons bien expliquer, a la vérité, poürquoi la ftatue d'une Minerve s'appelle (i ) car ce nom lui vient de mettre bas les armes; mais comme elle n'eft jamais repréfentée fans armes, que lorfqu'elle paroit devant Paris, cette dénomination doit avoir une autre caufe. Cette caufe nous eft expliquée par une fardoine fur laquelle Minerve eft repréfentée fans fes armes, & ceinte feulement d'un Parazonium ou d'une dague : on fait que TsAa^'v, Je ceinturon , s'appelloit auffi Comment eft-ce qu'un Peintre repréfentera une Furie ? II lui donnera une torche. Mais de quelle maniere eft-ce que les Grecs la peignoient? Sans la defcription d'Efchyle, dit Banier (2), il ne nous en feroit refté aucune idée. Nous la trouvons repréfentée fur une cornaline, courante avec une draperie volante & les cheveux flottans, tenant un poignard a la main. (1) Paufanias. l. ix, p. 743 ,1. 33, ( 1) Di(£ fur les Paraues, p. 31.  de M. Winckelmann. ioy De quelle maniere les Cavaliers des Anciens montoient-ils a cheval ? Comme nous, répondrat-on fans doute; & pour cela il y avoit des pierres placées fur les grands chemins. Ces pierres n'étoient cependant pas aflez hautes pour cet effetj comme on peut le voir entr'autres par celles qui font fur la route de Terracine a Capouë. Et comment s'y feroient-ils pris d'ailleurs en plein champ & pendant une bataille ? A leur javelot il y avoit un crampon, qui leur fervoit a monter a cheval; & cela ne fe faifoit pas comme chez nous par le cöté gauche du cheval, mais par le cöté droit. C'eft ce que nous voyons par deux différentes pierres de ce cabinet. Ne favons-nous pas beaucoup en étant inftruits de ces chofes-la? II refte encore une autre obfervation a faire , favoir, de quelle maniere étoit faite la partie des chars des Anciens fur laquelle pendoient leurs rênes? Cependant on ne peut pas comprendre fans cela quelques paffages d'Homere, tel que celui-ci, par exemple : que Samuel Clafke a traduit fuivant le fens de Tanden gloffateur : ■ duoque femicircuü , undt habenct fufpenduhtur, erant. Ces piéces n'étoient pas circulaires; mais avoient la ferme d'un relfort d'acier pareil a celui qu'on Nij  i§6 Lettres voit fur une grande pate antique qui repréfenté un Héros monté fur un char, accompagné de Mars & couronné par la Victoire. On voit cette même partie du char fur quelques médailles : on fait donc enfin ce qu'elle repréfenté & a quoi elle fervoit. En voyant un Priape qui porte pendu au cou ce que Ton faifoit baifer k Athenes aux nouveaux mariés; je me fuis reflouvenu de ce que Peripiectomene, chez Plaute, ménace de faire a celui qu'il trouvera couché avec la femme. Ces critiques doivent fe reffouvenir de ce qui eft dit fur la forme du plus ancien figma grec dans un paflage d'Athenée ( L. X, p. 4.J4 ) oü un Berger qui ne favoit pas écrire, donne k connoitre les lettres du nom de Thefée, & cela par quelques pierres , oü Hercule eft repréfenté tirant fur les oifeaux ftymphalides ; car il avoit recu fon are d'un Berger fcythe. Mais ces recherches & d'autres femblables dans la defcription du cabinet de Stofch ne font pas faciles a faire. J'ai indique ce que fignifie 1'oifeau d'une pierre du cabinet de Médicis ( Muf. Flor. 2. 1T. Tab. 35. IV. 4.) fur laquelle on voit Thefée. C'eft Ia fille de Pan & de Pitho métamorphofée en 1'oifeau 'W?. {TZEZ. in Lycophr. v. j?/o ). Cet oifeau fervoit pour les filtres amoureux, & Vénus en fit ufage dans celui qu'elle fit boire k Jafon pour fe faire aimer de Médée. (Pind, pythion. Od. zl').  be M. Winckeemann. 197 Ces petites indications pourront fervir a vous donner une idee de 1'ouvrage. Je ne vous les communiqué cependant pas gratuitement; maisacondition que vous les lirez & interprêterez a notre ami commun, M. Bianconi. Vous vous appercevez bien fans doute que je vous ai écrit ce qui m'eft venu le premier a 1'efprit : li 1'envie me prend encore d'écrire une longue lettre en allemand , je vous promets alors quelques autres bagatelles de cette nature. J'attends de Rome une partie de mes papiers, parmi lefquels il y aura peut-être une defcription du Torfe du Belvedère, que j'ai faite il y a deux ans, mais qui n'a pour objet que 1'idéal de ce fameux morceau. Je vous le ferai paffer. Vous vous rappellez peut-être que j'ai commencé une defcription des plus belles ftatues, d'après leur partie idéale & d'après celle de 1'art: je ne fis dans ce temps-la pendant trois mois entiers que réfléchir. J'ai néanmoins abandonné ce travail. Tachez de vous rappeller fi vous avez penfe a moi le 13 Janvier : j'ai bu avec de rouges bords, fuivant la coutume allemande, a votre fanté & a celle de Bianconi avec 1'excellent Verdea d'Arcetri & avec le meilleur vin de Syracufe; tous les convives en ont fait de même. Je fuis.. Nuf  i£8 Lette es A M. LE CONSEILLER DE M**** (i) LETTRE I. Rome, Le 16 Mai Ij66, J'espêeê que Votre Excellence aura pour agre'able que je lui annonce Ia publication de mon ouvrage italien ; devoir que j'ai voulu lui rendre comme a Tami & au protedteur des Mufes alle» mandes, au bonheur defquelles je prends juftement part. Je fuis moi-même 1'Editeur de cet ouvrage & je m'annonce par conféquent comme Libraire, pour ne refter en de'faüt d'aucun cóté. Je fuis maintenant occupé au troiheme volume, que je finirai après mon retour dAllemagne , oü je me propofe d'aller faire ma cour a V. E. 1'année prochaine. Daigne le ciel conferver fes jours pour I'avantage des arts & pour 1'honneur de la nation allemande; & me laiffer remplir le defir que j'ai d'aller 1'affurer moi-m^me du refpeft avec lequel je fuis, &c. ( i ) De Miincaauferiii  be M. Winckelmann. ipp —.,„ ......ma>i£y*h*, ,, ..i.umji..». LETTRE IL Au même. Rome, le 5 Juillet l jSj.. J 'ai recu la réponfe dont il a plu a V. E. de m'honorer & qui m eleve plus que je ne le mérite » Ia moindre partie de 1'approbation qu'elle m'y donne eft ce qui pouvoit m'arriver de plus glorieux. Je n'ai pu taire 1'honneur d'avoir recu uns lettre écrite de la main de V. E., ni cacher au Prince héréditaire , qui fe trouvoit ici, la bienveillance que daigne m'accorder le pere & le prote&eur des arts en Allemagne; & ce héros de la patrie, tn entendant prononcer votre refpeótable nom, a paru pénétré de toute la dignité de la nation allemande, & en a été lui-même 1'éloquent panégyrifte. J'aurai foin de faire paffer avec le moins de frais poffible les trois exemplaires demandés a 1'Agent de la Grande-Bretagne a Augsbourg, par lequel V. E. peut me faire paffer dans la fuite fes ordres. Jevoudrois avoir quelques années de moins pour exécuter un projet, lequel pourroit peut-être faire honneur au nom allemand, 8c auquel j'ai penféde- Niv  2oo Lét tres puis long-temps, favoir, un voyage en Egypte & dans la Grece, que quelques-uns ont fait fans les connoiflances requifes, & d'autres trop jeunes. Ce defir s'eft re'veillé depuis peu chez moi, fur-tout depuis qu'un ami éprouvé s'ofrre de m'accompagner; & je me trouve dans une grande perpiexité fi je ferai ce voyage ou fi j'irai dans la chere patrie. Je continue en attendant a ralfembler des matériaux pour le troiliéme volume des Monumenti ; & je m'occupe princïpalement a préparer une nouvelle édition augmentée de X'Hifloire de VArt, laquelle fervifa en même-temps pour une traduction qu'ön doit en faire a Londres. Pour ne pas paroitre devant V. E. fans quelques nouveautés de notre terroir, j'ai 1'honneur de lui mander qu'on a trouvé en fouillant il y a quel, ques jours a Pompeii , treize cafques de bronze ornés de figures travaillées en bolle, ainfi que dif> férens braffars & cuiffars. LETTRE III. Au même, Rome , le z 5 Aout 1 jSj-, Ijes bontés de V. E. font ii grandes, que je me trouve embarralTé fur la maniere que je dois y répondre. Mais comme elle a daigné accueillir fa-  be M. Winckelmann. 201 vorablement les notions peu importantes que j'ai pris la liberté de lui donner fur les dernieres découvertes faites dans ce pays-ci. Je me trouve a même de rendre par ce moyen plus fouvent un foible hommage au pere des Mufes : Farre pio & faliente mica. Mais les momens de V. E. Cum tot fujiineas & tant* negotia folus, font confacrés au bonheur des peuples, & ce feroit leur ravir le temps qu'elle mettroit a répondre a mes bagatelles. In publica commoda peccem. II ne m'appartient rien no"h plus de ce que Tabus accorde au nom refpectable des perfonnes qui comme moi portent le manteau court & le rabat; car je ne me fuis pas confacré a Téglife, & je n'en tire même rien. Qui plus eft, pour mieux jouir de la liberté, j'ai renóncé volontairement a la place que j'avois a la bibliothéque du Vatican, ainfi qu'a d'autres avantages publics qu'on m'avoit ófferts, pour m'engager a ne point accepter les propofitions qui m'ont été faites de Poftdam, ce dont je ne me repentirai jamais. Mon bien être& ma fubfiftance font le prix de Touvrage de mes mains, & ma vie eft fort fédentaire & telle qu'elle étoit autrefois. Ainfi je puis former le projet de grands voyages, paree que je ne fuis retenu par rien. Cependant comme Thonnête homme eft refpedé par tous les peuples, & que le renoncernent a des avantages légitimes eft ici auffi rare qu'ail-  202 Lettres leurs, cette conduite n'a pas peu contribué a me mériter 1'eftime générale. J'efpére que V. E. prendra cet aveu dans 11atention que je le fais; & comme une preuve de fon approbation j'attends par la fuite fes ordres avecxe feul exorde : Mon cher Winckelmann ,8c rien de plus. — Ce voyage de la Grece refte encore dans Ia balance fans faire pencher le baffin; non par la crainte du danger ou des fatigues qu'il offre, mais paree que je ne puis me laifter convaincre qu'il y ait de nouvelles découvertes a faire. Je veux néanmoins pour me mettre en haleine, fcire un voyage en Sicile, accompagné d'un Deffinateur, paree qu'il y refte encore beaucoup de chofes que d'Orville, qui n'étoit que Théologien , n'a pas pu découvrir. Mon principal objet fera Girgenti de ce cöté -ci de 1'ifle , & Catane qui eft de 1'autre cóté; car il y a de riches cabinets dans ces deux endroits, & il s'y trouve plus de fept eens vafes antiques de terre cuite, tant chez le Prince Bifcari que dans le riche couvent de Bénédictins. Ces vafes, joints a ceux que M. Hamilton, mon ami & proteéteur, a raiïëmblés, me donneront moyen de faire des remarques qiii ferviront a étendre mes recherches fur les peintures antiques dans mon Eifioire de VArt. Je travaille a une feconde édition de cet ouvrage en deux volumes in-quarto, que je ferai imprimer è me*  be M. Winckelmann 203 frais en Allemagne, avec des planches nouvelles9 finosLibrairesallemands me laiffent faire. Jeferai deffiner & graver les plus beaux de ces vafes pour le troÜiéme volume de mes Monumenti. Je prie V, E. de me permettre de lui rendre dans le temps compte de ce voyage. Le voyage en Grece demanderoit au moins deux ans, car il ne faut pas paffer une ifle fans la viliter; il eft néceffaire fur-tout d'examiner Tanden Elis, puifqu'aucun voyageur des temps modernes n'y a pénétre'. Car lorfqu'en 1728, Fourmont fe trouvoit fur les confins de ce pays, comme il Taffure, il recut ordre de fa cour de retourner a Paris. Voila ce que je n'ai pas a craindre, paree que perfonne ne me commande; car mon plus grand honneur feroit de faire ce voyage du fruit de mon travail, & fans le fecours de qui que ce foit. Jefpe're que la liberté avec laquelle j'ofe écrire a V. E. s'accorde avec le profond refpecT: que je ne puis jamais affez lui rendre, comme au pere commun de tous les bons patriotes allemands Sc des fciences. Je fuis, &c.  2°4 Lettres LETTRE IV. Au même. Rome, le 18 Novembre -La Lettre dont V. E. m'a honoré en date du 2j Septembre, ne m'a été remife qua mon retour de Naples , paree qu'on avoit gardé k Rome toutes les lettres qui m'avoient été adreflees , k caufe du voyage que j'avois projetté de faire en &cile, mais que je n'ai cependant pas fait, vu que 1'Empereur devoit venir en Italië; & Iorfque jai appris que le voyage de Sa Majefté Impériale ne devoit pas avoir lieu , la faifon étoit trop avancée pour entreprendre le mien. Pendant le féjour de deux mois que j ai fait k Naples & dans les environs de cette ville, j'ai f* bien éxaminé toutes les découvertes qu'on y a faites, que malgré toute la jaloufie de la cour, je me trouve en étatd'en donner une nouvelle defl enption bien circonftanciée. Mais je ferai obligé, a regret, de n'en rien faire pour ne pas me fermer toute entree dans la fuite; d'autant plus que jai eu beaucoup de peine k me reconcilier avec la cour de Naples, qui avoit pris beaucoup d'ombrage de ma Lettre "fur les découvertes d'Herculanum s paree qu'elle ne veut point qu'on en parle.  de M. Winckelmann. nof Je me fuis en attendant dédommagé des frais de ce voyage couteux par beaucoup de remarques & de recherches, dont je compte enrichir ma nouvelle édition de YHifloire de tArt, que j'ai commencé a traduire moi-même en francois; paree que je n'en puis pas faire une édition en allemand , a caufe du privilége des Libraires. Je la ferai imprimer ici a mes frais en deux grands volumes in-40. avec beaucoup de grandes planches, pour en rendre la contrefaótion plus difficile. Les plus nouvelles découvertes font des armes & des cafques, qu'on a trouvés a Pompeii, & qui tous font ornés de figures en boffe, mais principalement des cuiffards. On n'a jamais remarqué ces derniers fur aucun monument ancien ; de maniere qu'on n'en avoit pas la moindre idée. lis reffemblent néanmoins aux anciennes armures de tournoi, & ont le même bord relevé que les épaulettes. Les cafques, ainfi que les armures, font de bronze, excepté un feul cafque qui eft de fer, & ils ont tous une forme finguliere & inconnue jufqu'a préfent : car ils font faits en maniere de chapeau avec de grands bords rabattus; & ces bords de même que les fonds & la partie faillante fur laquelle portoit le panache , font ornés d'un trèsbeau travail en boffe. Ces cafques ont de plus leurs vifieres, qui font deux petites portes de bronze, qui s'attachent enfemble fur le nez par des fermails, & il y a de grands trous ronds, Le caf-  206 £ E T T R E * que de fer eft fait d'une feule pie'ce avec la vifiere. Sur le plus beau de ces cafques eft repre'fenté ce qui dans 1'Iliade fuit après la mort!d'Achille; c'efta-dire, ce qui s'eft pafle_après la prife de Troye. Sur le devant du cafque on voit 1 entretien de Menalaus avec Helene ; fur I'un des cötés 1'emportement d'Ajax contre Caffandre; & fur 1'aucöté la fuite d'Enée avec fon pere & fon fils hors de Troye, accompagne's de plufieurs autres figuj-es; fur le troifiéme bord eft repréfenté Tyvrefle des Troyens & des Troyennes. Pour ne pas abufer de la patience de V. E. & comme je ne puis pas 1 'entretenir de ce que je defirerois, je paflerai fous filence les nouvelles ftatues & peintures ainfi que les batimens, dont quelques-uns ont été découverts en entier & d'autres feulement en partie , & qui offrent une architecture & des ornemens pareillement tout-afait inconnus. V. E. eft fans doute déja inftruite par les papiers publics de la grande éruption du Vefuve. J'ai vu ce terrible & beau phénomene fur lamontagne même, mais non pas fans danger, tandis que tout le monde avoit pris la fuite au moment de 1'éruption. J'ai gravi de nouveau la montagne la troifiéme nuit, en marchant fur la lave brülante, au travers des crevaffes de laquelle Uous vimes le torrent enflammé de pierres & da métaux fondus, auffi long-temps que nos pieds purent endurer la chaleur. Je voudrois pouvoir  de M. Winckelmann. 207 dépeindre a V. E. le fpectacle de ces deux nuits t avec des couleurs dignes du fujet; mais cela n'eft pas poftible, car on ne peut en donner aucune idéé a quiconque ne Ta point vu. Je finis en faifant le vceu ardent de jouir du bonheur de voir V. E. &c. LETTRE V. Au même. Rome, le 23 Janvier lj68. Tja Lettre de V. E. pleine de bonté pour fon Winckelmann , m'eft parvenue en même - temps qu'une autre d'un ami digne de foi, a qui 1'un de nos plus eftimables Princes ( non celui fur lequel pourroit tomber d'abord le foupcon ) a dit, qu'il ne pouvoit pas comprendre comment [\ étoit poflible de bien écrire en allemand. Mais autant que cette penfée m'a paru trifte & humiliante pour le plus refpeclable de tous les peuples; autant mon cceur s'eft enorgueilli en lifant la lettre de V. E. & j'ai oublié la maniere de penfer du Prince , paree que fon jugement & celui de fes femblables, ne rend la langue francoife ni plus riche ni plus harmonieufe , & ne peut pas mettre fous ua jour plus avantageux les Ecrivains fran§ois de notre temps.  208 Lettres Celui que chantent toutes les Mufes allemandes, comme le protedeur & 1'appui des talens de notre Nation, & dont elles doivent immortalifer le nom, péfe infiniment davantage dans la balance de la raifon & de I efprit. Je demande pardon a V.E. d'avoir ainfi commencé ma lettre ; mais mon cceur n auroit pas été tranquille, fi je n'avois épancbé dans fon fein cette mauvaife humeur patriotiquè. II s'offre quelques difficultés dans la copie k faire de llfc de la Syrië, que je m'engage néanmoins de lever. Ce n eft pas celle que croit M., car on communiqué ici volontiers ce qu'on a. II y a quelques années que les Jéfuites donneten^ a copier les lettres fecrettes des Proteftans fur ie Concile de Trente k un Zuricois, quoique je leur eufte dit, qui il étoit. Après avoir obtenu la permiffion du Pape, dont je me chargerai moi-méme la feule difficulté fera de trouver un Syrien, dont il y en a plufieurs ici, qui veuille fe charger de faire cette copie .dans la bibliothéque du Vatican même, paree qu'il n'eft plus permis de fortir les livres de cette bibliothéque depuis la mort du Cardinal Paffionei, a caufe que ce Prélat avoit donné trop.de liberté a cet égard. De ma maifon, ainfi que du couvent des Moines Syriens ou Maronites, il y a au moins trois quarts de lieue au Vatican. A quoi s'eft joint encore la mort du vieil Affemanni, premier Garde des livres de cette bibliothéque, agé de 82 ans; ce qui a occafionné une  de M.- Winckelmann. 20$ "une grande confufion, paree que fon neveu , 1'Arehevêque Edovio Affemanni, Scrittore Syriaque, de la bibliothéque, avoit fu obtenir un bref du Pape pour cette place, au préjudice du fecond Garde de la bibliothéque. Si V. E. veut me donner plein pouvoir pour régler le falaire de 1'Ecrivain , je tacherai de faire faire la copie quelle me demande. Je prie V. E. de me permettre de lui parler de quelques découvertes faites a Pompeii. Dans une chambre du Gymnafe de cette ville, a la découverte de laquelle on eft actuellement occupé & a laquelle on travaillera encore toutlniver, on a trouvé un cheval entiérement enharnaché; c'efta-dire, le fquélette de cet animal , dont tout le harnois qui eft de métal, tel que les fers, &c. a été bien confervé a 1'exception du bois de la felle, qui étoit pourri. Dans une autre chambre, a cóté de celle-ci, on a trouvé le fquélette d'un guerrier ayant le cafque en tête, ainli que le corps d'une femme revêtue d'une étoffe brodée en or; mais dont je ne fais pas encore bien la contexture : car il y a plufieurs chofes qu'on renferme immédiatement après les avoir trouvées, & qu'on ne communiqué pas dans les premiers temps. Le defir que montre V. E., ainli que tous les Amateurs des arts, de voir paroitre de la part de la cour de Naples même une defcription de ces découvertes, ne fera que difEcilement rempli. Je Pan. I. O  aio Lettres ne fais même pas qui pourroit y être en état de fe charger de ce travail; d'autant plus que cela demande des recherches pour lefquelles il faudroit confulter, pour ainfi dire, cinquante perfonnes. II fe préfentera peut-être des circonftances, qui ne me lailferont rien a craindre, & qui me permettront de dire ce que je fais. Dans le cinquiéme volume du Mufeum d'Herculanum, qui contient les buftes en bronze, il s'eft glilfé des bévues fi grolfieres, que je n'ai pu m'empêcher d'en parler dans ma nouvelle édition de ÏHiJloire de F Art ; paree que cette critique ne fautera pas fi facilement aux yeux. On pouife la fotte jaloufie fi loin, qu'on ne m'a pas permis de marcher d'un pas régulier, paree qu'on foupconnoit que je voulois prendre les dimenfions des lieux, comme jel'ai auffi fait en effet* Cela m'engagea a ne point leur donner 1'explication d'une très-belle & très-favante ftatue. Elle ne pourra jamais étre réparée, fi 1'on n'en connoït point le fujet, qu'il fera difficile de favoir a tout autre qua moi. Jen aurois néanmoins donné 1'expbcation, fi 1'on m'avoit feulement permis d'en prendre 1'efquifTe. Cette ftatue a été découverte par une lavaffe de pluie, non a Pompeii mais è Bayes, oü font enfouis des tréfors de 1'antiquité, qu'il n'eft permis a perfonne de chercher. Tel eft Ie fort de ce beau pays, lequel après une longue iétargie fous les infenfés ***-*. fous je , Je fuis avec le plus profond refpecl;, &c.  de M. Winckelmann. 211 LETTRE VI. Au même. Rome., le 30 Juillet lj6B. J'ai recu hier la lettre dont V. E. m'a honoré; & je n'ai pas négligé un moment pour expédier bien emballés, pour Augsbourg, les cahiers qui fe font trouvés gatés .... J'aurois fait cela avec le plus grand plaifir, quand même j'aurois été obligé de déchirer deux exemplaires. Le plus doux fruit que je puilfe recueillir de ce travail, eft 1'approbation de V. E. &: du Parnalfe allemand de G. Ce que mes forces ne m'ont point permis.de faire en 1'entreprenant, je chercherai a le remplir dans la nouvelle édition de mon Bijtoire de VArt, & dans le troifiéme volume des Monumenti. Une autre lettre que j'ai écrite a V. E. avec une inclufe pour AL H. font aétuellement en chemin, de forte qu'il ne me refte rien a ajouter a celle-ci, finon qu'on a trouvé nouvellernent a Pompeii un bouclier de cuivre dont le bord eft d'argent, ainfi que la tête de Medufe , qui au milieu y fait Xumbo, travaille en bofte. II paroït qu'on veut me donner la furvivance d'une des premières places du Vatican qu'on ap- O ij  2i2 Lettrés pelle Cujlodi, paree qu'on craint peut-être que je ne pröfite d'une bonne occafion pour retourner a mes anciens principes, ut canis ad vomitum; & qu'on fait bien que je pofféde feul ici la critique de lerudition grecque : tant nous fommes déchus, ce qui eft le fruit de 1'éducation , qui eft entre les mains des Prêtres & qui y reftera. Les Mathématiciens pélulent ici comme les champignons, & ce fruit meurit fans beaucoup de frais en vingt-cinq ans; tandis que 1'étude de la langue grecque, demande au moins cinquante ans, avec une bourfe bien fournie ou le libre ufage d'une grande bibliothéque, & en Allemagne cela ne donne du pain qu'a G. Les égards que je dois a V. E. retiennent ma plume ; je ne puis cependant lailfer paffer aucune occafion , fans lui aflurer combien je fuis avec le plus profond refpect, &c.  de M. Winckelmann. 213 A M. L E BARON DE RIEDESEL. LETTRE I. Rome, le z8 Mars ij6$. "Votre agréable lettre ne m'eft parvenue que hier. Le jugement que vous portezdes Florentins eft tout-a-fait jufte. Le dur,'le fee & Texagéré des Étrufques font les earaéteres propres , même de leurs meilleurs Peintres; & fi Michel - Ange avoit gravé des pierres, fes figures auroient reffemblé , fans doute, a celles de Tydée &dePeJée. Le palais Pitti nous montre ce même goüt dans f Architecture tofcane du meilleur temps. Le ftyle même des Ecrivains de Florence reftèmble a celui de leurs Peintres : il eft forcé & ce qu'on pourroit appeller mi/er. Aujourd'hui qu'il n'y a plus de cour dans cette ville , les beaux-arts y font totalement tombe's, ainfi que la littérature ; & les Florentins qui ont naturellement beaucoup de vanité , font d'autant plus ridicules qu'ils veulent encore paroïtre quelque chofe dans leur ïgnorance. O Tij  2I4 Lettrés Le diefde la littératüre è Florence eft un homme qui paffe toute la journée dans un café chez le Suiiie. II s'appelle !>. %***, enflé d'orgueil comme la grenouille. Le feul homme de lettres inftruït qu'il y ait c'eft 1'Abbé Nicoiini, que VOUs devez chercher a connoitre. La mifere fe manifefte en entrant dans Florence , même parmi le peuple, & je n'ai de ma vie vu porter autant de manteaux. Je ne crois pas que vous ayez oublié le beau jeune homme' dont je vous ai fouvent parlé ; il fe nomme Niccolc> Caftellani & defcend d'une des meilleures maifons. De mon temps il n'avoit que feizeans, mais avoit déja atteint toute fa croiffance. Stofch m'a dit rannée derniere qu'il avoit perdu beaucoup de fa ■beauté. II eft fans doute peu connu ; car les femmes *c Florence ne trouvent de beauté que danslevilage manimé d'un Anglois. Je fuis - &c. LETTRE II. Au même. Rome ,en Avril i jff*. T j ai laiGe pafier deux jours de courier, afin que ma réponfe arrivat en meme-temps que vous a .Venife. Le fecond article de votre lettre a pour objet  15Ë M. Winckelmann. 21 f ma beauté dégénérée. Votre obfervation a été faite avec 1'ceil d'un connoifleur; & c'eft auffi dans la certitude ou j'étois que vous y porteriez cette fagacité , que depuis' tant d'années. que j'ai quitté Florence, je n'ai debré d'en être inftruit que par vous feul. Je n'en ai jamais parlé dans mes lettres au Confeiller Reiffenftein. Stofch s'eft trompé, puifque ce jeune homme n'avoit pas encore atteint lage de la puberté. Je fuis fincérement fiché du palfage rapide de la jeunefle qui devroit être éternelle pour ccrtaines figures rares. On peut donc fe former des idéés plus füres & plus fixes de la beauté par les ouvrages de marbre , parmi lefquels il faut compter la tête d'un jeune Faune avec deux petites cornes au front, qui a parue depuis peu, & qui furpafle toutes les beautés fublimes que j'aie vues jufques a préfent. Gavaceppi eft le poirefTeur de cette tête, laquelle paffera fans doute auffi avec le temps entre les mains de quelque Anglois. Qui eft-ce qui voudroit ou pourroit la payer , ft ce n'eft un Amateur de cette nation? II eft certain, en attendant, que j'empecherai, auffi long-temps qu'il. me fera poffible, que cette tête ne forte de Rome. On a trouvé a un palme prés, qu'on efpére de découvrir auffi , tous les morceaux qui manquoient du grand vafe de marbre de trente-cinq palmes, de la villa du Cardinal Albani, repréfentant les O iv  2i6" Lettre s travaux d'Hercule. Cavaceppi ponede plufieurS autres découvertes nouvelles, & entr'autres une tres-belle Pallas d'environ trois palmes de haut, mais fans tête Je fans mains; un.Fauae habillé en femme qui danfe en relevant avec modeftie fa fobe des deux mains, comme nos filles bourgeoifes des petites villes , quand elles veulent ou doivent danfer pour la première fois a des noces. Mais le plus beau de ces ouvrages eft un Prifonnier affis, a qui il manque un bras & une jambe; morceau qu'on ne doit pas placer beaucoup audeffbus du Laocoon. II nous eft arrivé entr'autres chofes de la Grece , une ftatue de femme drappée, fans tête & fans bras, avec le nom de TArtifte, dont il ne s'eft néanmoins confervé que Ie nom du pere.... zimax oteitoiei t veut fjire ArSIMAXGT. Le Cardinal a acheté un beau Jupiter en camée pour trente écus. Quand on eft a Rome, on ne s'appercoit pas combien il fe fait de découvertes; mais cela eft fort fenfible quand on a été un mois abfent. Je reviens encore une fois au brevis cevï de Ia beauté. Vittoriuccia commence auffi a tomber; ce qui, a été remarqué par plufieurs perfonnes avec moi, même par ceux qui ne font pas de 1'art Ses traits fe groffiftent, les os de fes joues ( o(]a jiLgulana) qui font naturellement forte chez elle deviennent plus fenfibles, & avec le temps il né reftera que les yeux & la bouche.  de M. Winckelmann. 217 Vafari (1) parle dans la vie de Raphaël du prétendu portrait de ce Peintre, ou plutöt de celui de Bindo Altoviti qui fe voit dans la maifon de celui-ci a Florence. Cecifuffit pour convaincre les Florentins d'ignorance a ce fujet. Je ne penfe pas qu'ils chercheront a contredire les Ecrivains qui Gntconnu Raphaël perfonnellement; du moins eft-il certain qu'AItoviti Ta connu trés - particuliérement. Dans quelque temps d'ici on connoitra a peine Benvenuto Cellini a Florence même (2). ( 1 ) George Vafari, céLebre Archite&e & habile Peintte italien dans le fciziéme fiéele, fut difciple de MichelAnge & d'Andix del Sarto. La vie de Michel-Ange dont il eft queftion ici fe trouve dans 1'ouvrage de Vafari, intitulé : J^ie's des. Peintres , des Sculpteurs & des Architetles , &c. ( z ) Ce que M. Winckelmann prédit ici, nous a étéconfirmé , en quelque forte , par M. Leffing a fon retour d'Italie. Malgré tous les foins qu'il s'eft donnés , il n'a pu trouver nulle part en Italië 1'édition originale de 1'ouvrage de ce grand Florentin ,tque je lui avois fait voir dans la bibliothéque Eleöorale de Drefde. Comme ce livre eft fort rare & contient plufieurs remarqnes utiles, nous croyons faire plaifir au Lecteur d'en donner ici une idéé fuccinte. La première édition de cet ouvrage parut en 1568, deux aas avant la mort de 1'Auteur. En voicile titre entier : Due Trattati, nno intorno alle ottoprincipale ani della Seultura , doveJiveggono infinitifegreti nel lavorare le figure di marmo e nel gettarli di Ironfo, compojli da benvenuto CellïNI , Scukore Fiorentino. In Fiorenga 1568, 2/2-4°. La feconde édition parut en 173 i,in-4°- aFlorence. Comme j'ai comparé les deux éditions de ce. livre, je remarquerai  2i8 Lettres Le palais Grimani a Vénife me'rite d'être vu a caufe des ouvrages anciens qui s'y trouvent, ce que je crois devoir vous rappeller , paree que cela eft peu connu des étrangers. Pococke a fait graver dans fes Travels of the Eafi la ftatue de Marcus Agrippa qui eft dans cé palais, que je n'ai jamais vu. Je fuis, &c. la différence que j'y ai trouvée. II y a devant la nouvelle édition une préface inftruftive de vingt-quatre pages, ou 1'on trouve plufieurs anecdotes fur la vie, les écrits & les ouvrages de 1'art de Cellini, Et a la fin il y a un fragment de cec Artifte fur les principes de 1'art d'apprendre le deffin, qui n'avoit jamais été imprimé , & qui quelque court qu'il foit {car il n'eft que de quatre feuilles) contient néanmoins phifiears penfées ingénieufes. Tandis qu'on a omis dans cette nouvelle édition les éloges que. plufieurs grands hommes ont faits des ouvrages de Cellini, qu'on a remplacés par nne-petite table des matieres. La vie de cet Artifte, qu'il a écritelui-méme, eftiutitulée:Fita di jBenvenuto Cellini, Orefice e Scultore Fiorentino , di lui medefimo fcritta , in Colonia fa Naples 1730) in-40. Ce livre écrit avec beaucoup de feu & d'enjouement, eft, en général, fort inftruettf, paree qu'il contient plufieurs anecdotes intéreflantes & r**J , qui s'étoit dévbüé i la Médecine & 5 la Chyroie & qui oemeura quelque temps i Moutpellier. Son pere étoit le fetfe* Everbard Digby qui fut décapité pour avoir tremPé öans la Lonjuration des poudres, N. de M. D.  DE M. VlMÖKELMAN». ZÏÏ LETTRE IV. Au méme. Rome ,1e 4 Juin IJ63I Je vous ai parlé de mon travail au Vatican ; je chercherai néanmoins a jouer un autre perfonnage, & j'efpére d'obtenir un ordre du Pape poiïr étre chargé de faire un catalogue général des manufcrits grecs. Par ce moyen j'aurai de 1'occupation pour la vie, & je ferai fur un pied plus alfuré; je me rendrai auffi par-la maitre des fecrets, pour me faire connoitre dans la fuite par quelque ouvrage grec. Ce qui a paru de plus nouveau en tréfors de 1'antiquité, eft une Mofaïque de quatre figures jouant de divers inftrumens, de deux palmes de haut & autant de large. Les figures en font mafquées &: le travail en eft fi délicat, qu'on ne peut les diftinguer a la fimple vue. Le prix de ce précieux ouvrage eft augmenté encore par le nom de 1'Artifte. Il s'appelle Diofcoride, natif de Samos, & n'eft d'ailleurs pas connu. Les caracteres en font noirs. Ce morceau a été trouvé lesS Avril dernier a Pompeii pres de Naples , fans avoir fouffert le moindre domrnage, & furpaffe tous les au-  22i 'Lettres tres ouvrages de cette nature. J'attends des nou- velles fur la maniere dont il a été trouvé. Quant aux morceaux qui font dans Ie palais Grimani, je fais bien qu'on dit qu'ils viennent en grande partie de la Grece, ainfi que ceux de Ia bibliothéque. Je ne fuis néanmoins pas de cette opinion, & crois qu'ils ont été rafTemblés ici par un certain Cardinal Grimani, qui a fait batir la plupart des maifons de la Piazza Paleftrina a Rome, qui appartiennent encore acluellement a cette familie. Parmi les différentes chofes qui font dans la bibliothéque, il y a un beau bas-relief endommagé. Ce morceau fe trouvoit encore aRome du temps de Fulvius des Urfïns, c'efta-dire, fous le Pontificat de Paul III, comme je le vois par le deffin qui en eft au Vatican. Ce qu'il y a de meilleur dans le palais Grimani, doit être une ftatue de Marcus Agrippa, que Pococke a fait graver pour fa Defcription of the Eaf7(J). Je fuis, &c. ( i ) Ce morceau fe trouve dans 1'original anglois , T. II, p.-.ix.Tab. XCVIL  ■DE M. f INCKEEMANN. 22 J LETTRE V. Au même. Rome, le 12 Oüobre 1763, "Vous vous abailTez a tel point au-deffous de vous même & de moi dans votre derniere lettre & dans la précédente, que je ne fais en vérité ce que je dois vous répondre. Tout homme doit mieux fe connoitre que ne peut le faire un autre, & je me crois dans ce cas. Je fuis donc convaincu de mon peu de mérite , qui ne confifte que dans la bonne opinion d'autrui, que j'ai obtenue par-tout, quoique tard. Tandis que par ce que vous écrivez des connoilfances des pays oü vous avez été, il étoit a craindre que le contraire ne vous arrivat; c'eft-a-dire, que vous ne devinfiez orgueilleux , (fumefuperbiam quajitam meritis) ; puis qu'entre plufieurs mille vous êtes le feul qui connoiiïèz le beau, pour ainfi dire,par un inftinér. de la nature, fentiment que vous avez fu rectifier encore. Vous trouverez plus de goüt en Saxe, même chez les perfonnes qui n'ont jamais vu 1'Italie; mais vous pouvez maintenant être le maitre de tous. — On a employé d'anciennes infcriptions fur marbre  aa4 Lettres pour fervir de pierres angulaires ala porte Uirique d Augsbourg. LVuvrage adreflée a M. de Berg eft imprimé. Jy ai parlé un peu librement, dans 1'efpérance qud ne feroic lu par aucun Prince ou Miniftre Cependant M. de Berg me mande qu'on lui a écrit de Berlin, que le Roi de Prufle me fait venir chez lui & que je fuis déja en route. Je n'en fais rien, fi ce n'eft qu'on m'a fait demander vaguement' fi je voudrois accepter cette propofïtion. - Je fuis revenu aujourd'hui avec Ie Cardinal de Caftello, ou j'ai eu 1'honneur de lire devant Sa Sainteté & une nombreufe aflemblée un morceau de mon ouvrage italien. Je me trouvois a cöté du Saint Pere & j'ai obtenu pour ma peine fa bénédiétion ordinaire. Cetoit une differtation fur un ouvrage qui repréfenté la mort d'Agamemnon , laquelle, comme vous pouvez bien vous imaginer , eft un des plus beaux, des plus difficiles & des plus favans morceaux dé cet ouvrage. Les deffins en font tous de Cafanova qui y entre pour la moitié des frais; ils ne peuvent donc qu'être bons. II m'a chargé de vous faire fes complimens. Votre Thefée aura une place honorable, & quand la planche feragravée, je vous en enverrai la gravure avec 1'explicatiom Elle repréfenté ce héros en prifon pour avoir voulu enlever Proferpine, de concert avec Pirithous. Je  t>È M. Winckelmann. 22/ Je vous remercie de tout irion cceur de vous être ïeiTouvenu de moi dans une compagnie joyeufe. Je ne puis néanmoins vous rendre la pareille, car je fuis éloigné de tout plaifir , & je ne me fouviens pas d'avoir ris de bon cceur. Je fuis cependant content & n'ai rien a delirer qu'un meilleur appétit, qui me manque; car le grand travail a totalement afFoibli mon eftomac. Les nouvelles découvertes n'offrent rien d'intére'iant. On a acheté depuis peu pour la villa du Cardinal une magnifique Pallas du plus ancien ftyle grec, & d'un travail merveilleux —. Parmi les nouvelles aquifitions il y a une conque du rare porphyre verd, qui eft un des plus curieux morceaux qui foient dans cette villa. On attend k Florence le Duc d'York, frere du Roi d'Angleterre, que je devrai probablement accompagner dans Rome. J'efpére qu'il aura plus de perception que le Duc de G * *, finon je jouerai un pauvre röle. On lui rendra ici tous les honneurs convenables, comme au frere de l'EIecleut d'Hanovre. Ce qu'on apprertd de plus nouveau de Naples , c'eft la découverte d'une porte de la ville da Pompeii, car jufqu'a préfent on avoit fouillé hors de la ville, comme il paroït maintenant. Leprérendu Baron du H. s'y eft rendu, mais il s'y trouve dansdefacheufes circoi'Jftances, & 1'on croit que le gouvernement lui donnera bientót fort Part. 1, P,  226 Lettres congé. On a cherché a le faire connoitre dans unepetite brochure francoife intitulée : Col Coureur, que je n'ai pas encore vu. L'Auteur de ce livre a été inftruit des aventures qu'il aeueshors de 1'Italie ; mais celles qu'il a eues a Rome, lui font en partie inconnues , & il a été mal informé des autres. ■ .JU. è^te^r^^^x^.L^^iM-t LETTRE V li Au méme. Rcme y leg Novtmbre 1763. Je n'ai rien appris d'anciens monumens , fi ce n'eft qu'on a trouvé prés de Tivóli un grouppe , ilquale rapprefenta Amore ePhifcke, dont il n'y a d'endommagé que les bouts de deux doigts. Cette découverte a été faite par un Chanoine appellé Bofchi a qui j'intenterai un procés, paree qu'il ne 1'a pas déclarée & qu'il ne veut pas dire 1'endroit oü il a trouvé ce morceau , ce qui fait préfumer que c'eft dans un terrein étranger. On a trouvé fur le chemin d'Albano une colonne de granit, laquelle eft fi grofïe , dit-on, que quatre hommes peuvent a peine 1'embrauer. On ena découvert une femblable dans les fondemens du palais de Sancta Croce, qu'on a' laifté teUe qu'elle étoit, a caufe de fon énorme grofleux.  dï M. Winckelmann* 227 Parmi les Anglois qui font arrivés k Rome fe trouve le Lord Spencer & fon époufe avec une grande fuite. Cette Dame angloife eft la plus belle femme de cette nation que j'ai vue jufqu'a préfent; mais il y a a Rome beaucoup de perfonnes de fon fexe dont la beauté égale la fienne. Mon travail au Vatican a commencé , ce qui me lailfe peu de temps. Je fuis avec une éternelle amitié, &c. JÜ..IM imi* m^*l^tssBas==^^ LETTRE VII. Au méme, Rome , le ll Janvier l j(>4- L E travail è la bibliothéque du Vatican , qui me prend toute la matinee, me laifTe peu de temps pour ma correfpondance épiftolaire ; & je confacre volontiers les momens qui me reftent k quelques-uns de nos compatriotes qui, comme vous, ont du goüt & des connoiffances: malgré cela je ne manque jamais de répondre, fi ce n'eft a ceux avec qui je n'ai rien a faire. Votre converfation & 1'amitié qui en a été le fruit, réveillent toujours en moi des idéés agréables, & jamais mes feminiens pour vous ne fe refroidiront, Pij  22§ Lettres Je me flatte même de jouir de votre compagnie a Rome. Je vous plains moins de vivre dans un climat rude, que d'être éloigné des grandes beautés, dont vous fauriez mieux jouir que tout autre. Je penfe toujours aux apres hivers d'Allemagne, Iorfque je puis refter ici toute la journée avec mes fenêtres ouvertes, & que je trouve un éternel printems dans notre villa. Après avoir découvert la porte de Pompeii on a augmenté le nombre des ouvriers de huit a trente. Jai vu repréfenter hier Argentine fur notre théatre. II y a qu'un feul air qui foit bien beau , le refte n'eft que paftable , e non v 'e neffun Mujico chi canto, bello [come dicono i Romanefchi); & cela, comme vous Ie favez, eft un point important pour moi. Demain je vais alla Valle pour voir & pour entendre le beau Venanzio, chi fa laparte di donna. \ Mon Hijloire de VArt a paru avant Noël. Cet ouvrage eft dédié au feu Electeur, qui ne 1'a point vu; je perds donc ce que j'avois a attendre de ce cöté-la, & je renonce en méme-temps a toute efpérance en Saxe. J'ai recu un nouveau volume de la Bibliothéque des Sciences & des Beaux-Arts. Je favois que mes petits ouvrages s'y trouvoient inférés; car je les avois fait partir de Florence. Mais j'avois de-  be Me "Winckelmann. 225» mandé qu'on n'en nommat point 1'Auteur. On n'ya mis aufli, malgré ma défenfe, qu'un fimple W. Je n'ai au refte pas a me plaindre des Journaliftes : ils en ont tous agi fort honnêtement avec moi. Le mariage de Vittoria eft arrété pour ce Carnaval. La mere & la filie vous laluent, ainfi que le Cardinal, qui fe fouvient toujours de vous, principalement quand je lui parle : di qud Tedefco che aveva quello fpirito fciolio e fino* Je fuis, &c. LETTRE VUL Au même. Rome , le 18 Fe'vrier 1764. J'apPRENBS avec chagrin que vous vousplaignez de votre fanté. L'hypocondrie eft une maladie qui peut fe guérir, & dont vous n'auriez pas été attaqué a Rome. Notre hiver relfemble a un éternel printems, & il n'a pas tombé une goutte de pluie depuis un mois. La fleur des amandiers eft déja tombés, & les boutons des autres arbres font prêts a s'ouvrir. Si j'étois né dans des eirconftances plus heureufes , comme vous , je n'aurois goüté ce bonheur que peu de temps, Piij  230 Lettres peut-être même jamais. II ne me manque qu'un meilleur eftomac. Je crois vous avoir marqué que la femme de M. Mengs eft revenue d'Efpagne, & qu'elle aapporté avec elle un camee repréfentant Perfée & Andromede, qui eft peut-être la plus belle pierre qui foit au monde. Auffi a-t-elle couté mille féquins , que ce Peintre en a payé paree que le Roi d'Efpagne 1'a trouvé trop chere. Le Peintre anglois Jenkins a fait 1'acquifition d'une tête de Caligula (un camée), avec le nom de 1'Artifte, Diofcoride, qui eft une des plus belles têtes en camée que j'aye vu entre mille. II a couté mille écus. II y a quelque temps que j'ai vu les pierres gravées du palais Piombino, qui eft la plus grande & la plus belle collection qu'il y ait en Italië. On attend ici le Chancelier Woranzow, que j'aurai certainement occafion de connoitre. Je m'appercois qu il y a certaines chofes qui font ' marchandife inconnue dans vos cantons, c'eft pourquoi je ne vous parle plus de mon Eifloire de F Art, qui eft déja arrivée en SuiiTe, oüelle a été lue& louée. Je fuis, &c.  de M. Winckelmann. 23 i LETTRE IX. Au même. Rome, le 2J Mars \ j6is[. Je vous annonce mon retour de Naples, quoique furchargé de travail; car je ne puis penfer i Naples fans defirer d'avoir fait ce voyage en votre compagnie, ou de le faire dans la fuite. J'y ai refté pendant trois femaines, & j'ai tout revu de "nouveau; j'ai été trois fois a Pozzuoli, a Bayes, &o, deux fois a Pompeii, & plufieurs fois a Portici, comme vous pouvez bien vous Timaginer. J'ai vu beaucoup de belles chofes, tant de la nature que de 1'art; & j'en aurois joui davantage li j'avois pu partager mon plaiftr avec vous. Depuis deux années on a fait a Pompeii plus de découvertes qu'auparavant en vingt. ans , paree qu'on fouiile maintenant dans la Ville même, oü 1'on a débarraffé enüérement deux magnifiques batimens, dont la cour de 1'un eft toute en mofaïque. On voit la porte de la ville. D'un cöté il y a des tombeaux & des gradins femi-circulaires; & ae 1'autre cöté un grand foubaflement de vingt palmes, fur lequel étoit peut-être placé une ftatue équeftre. On n'en a néanmoins trouvé aucun veï- Piv  232 Lettres tige; car comme la ville avoit foufferte par un tremblement de terre avant l eruption du Véfuve, elle avoit été dépeuplée en partie, & Ton a eu lé temps d'emporter les chofes les plus précieufes; de forte qu'on a même enlevé les peintures des murs des appartemens. On a emporté auffi plufieurs gonds de porte de bronze (Cardini). Dans une villa prés de Naples on a trouvé en ma préfence , le 28 Février avant midi, une autre mofaïque femblable a celle dont je vous ai parlé, Sc avec le nom du même artifle, favoir, Diofcoride de Samos. ; J'a"gmenterai de ces obfervations la feconde édition des Découvertes d'Herculanum, laquelle paroitra vraifemblablement a la prochaine foire de SrMichel. Je fuis, &c, LETTRE X. Au même. Rome , le 23 Juin 1 Né foyez pas faché de trouver ici une inclufe que j'ai voulu faire parvenir franche de port a ce Maitre-ès-Arts. II ma écrit en latin (j'ignore pourquoi il ne s'eft pas fervi de Ia langue alle-.  DB M. ViNCKÏtMAK». Ï33 mande), pour me demander quelques détails fur ma vie & fur mes écrits, pour en former, dit-il , une hiftoire exaéte de ma vie; ce que je lui ai néanmoins refufé dans la même langue; paree qu'il n'eft pas encore temps d'y fonger —. Je fuis depuis trois femaines avec le Cardinal a fa villa; mais je vais néanmoins coucher aRome, dont je fors avant le lever du foleil, paree que Je grand bruit m'empêche de dormir. Il y a tous les foirs une table de 30 a 40 couverts ; on y danfe, & tout Rome, ainfi que les étrangers, y font bien recus. Parmi ces perfonnes font le Comte de HelTenftein, le Duc de Rohan, &c. Je ne puis rien vous dire touchant les antiquités nouvellement découvertes, fi ce n'eft que Jenkins a trouvé, on ne fait dans quelle maifon de Rome, une Vénus qui furpaffe de beaucoup toutes les autres Vénus, même celle de Florence, & qui eft digne du cifeau de Praxitele. Elle repréfenté une jeune fille qui a toute fa croiflance s & a été fi bien confervée qu'il ne lui manque pas un feul doigt. C'eft un ouvrage d'une beauté ravilfante, & qui feul mérite qu'on faffe le voyage de Rome. Le Cardinal a acheté un des plus grands & des plus anciens bas-relief qu'il y ait au monde, qu'on a trouvé depuis peu. Il repréfenté deux figures & un cheval de grandeur naturelle. On eft occupée maintenant a placer, peu-a-peu, des ftatues dans le portique circulaire, &c. Montagu  &34 Lettres m'a écrit depuis peu d'Alep qu'il n'a rien pu v'oir cn Egypte, a caufe des incurfions des Arabes dans ce pays. Stofch eft retourné a Conftantinople; je lui ai donné mon Hiftoire de F Art pour fon voyage. Cafanova part pour Drefde comme Profefleur del'Académie de cette ville. Moi je refte a Rome, & peut-être irai-je en Grece; il y a même beaucoup d'apparence que ce voyage aura lieu. Je fuis, &c. LETTRE XI. Au même. Rome, le iS Jurllet 1764. Ce qui dans votre chere lettre ma fait le plus de plaifir, c'eft 1'efpérance que vous me donnez de vous revoir bientót dans la belle Italië & dans la magnifique ville de Rome. Ne craignez rien. Tout eft en abondance ici, & a Naples même on ne^ manque de rien; il n'y a eu qu'une maladie épidémique qui a emporté beaucoup de monde. Vous pourrez vivreavec laplus grande économie, & jouir néanmoins avec plus d'agrément de Rome que Ia première fois; car il ne faut pour la vraie jouiffance que du temps & un ami: Ie temps dé-  de M. Winckelmann. 233: pend de vous, & vous trouverez en moi 1'ami. Vous n'avez pas encore vu notre pays dans toute fa beauté; c'eft bien, je crois, ce quo la nature offre de plus admirable, fpectacleque vous pourrez admirer a Caftello. II faut que vous y paffiez plus d'un jour avec moi, vous ferez logé commodément a la villa du Cardinal. Vous devez jouir avec moi de la plus belle plage de toute la méditerranée, qui eft a Nettuno. Vous n'aurez befoin que d'un feul domeftique qui fache faire lacuifine, talent qu'ont, pour ainfi dire, tous les domeftiques italiens. Mon cceur deviendroit une fois plus grand qu d n'eft; car je n'ai jamais parlé a perfonne avec autant de liberté qua vous; & je prendrai part a tous vos plaifirs, que je chercherai a multiplier autant qu'il dépendra de moi. Notre Filleggiatura, qui a durée fix femaines , a été tout-a-fait finguliere. Toute la ville de Rome s'y trouvoit tous les foirs raflembléé, & il y avoit quelquefois jufqu'a foixante perfonnes a fouper, oü tous les étrangers étoient admis. Le Comte de H**. n'a pas manqué un feul foir.; mais je ne me fuis pas fenti difpofé a lier connoiffance avec lui, paree qu'il n'eft pas venu a Rome pour voir des vieilles murailles , comme il le dit expreffément lui-même. On y joue & 1'on y danfe jufqu'au grand jour. J'ai caufé avec le Duc d'York, mais je n'ai rien eu d'autre a faire avec lui; car il n'a rien voulu  *3* Lettres voir, & n'a refté en tout que douze jours 2 Rome. On a compté cinq eens carrofles a la fête que le Cardinal lui a donnée. Je connois leProfeffeur Schöpflin; mais 1'eftime que j'avois congue pour lui a infiniment diminuée Par « q„e vous m'avez écrit. Le pauvre homme a beloin de. beaucoup d'inftruction. Votre pierre n eft pas encore gravée, mais fon tour viendra bientot. Schöpflin ne pouvok pas favoir ce que vous demandiez ; car les recherches fur Ie ftyle de 1'art font une découverte nouvelle, dont on ne fe doutoit pas encore du temps qu'il a pu être a Rome. II a paru , depuis quelques jours, une tête de Pallas qui furpafte en beauté tout ce que 1'cejJ de1'homme peut voir, & tout ce que le cceur & J efprit peuvent concevoir. Je demeurai comme petnfié Iorfque je la vis. Cavaceppi la poffëde, mais c eft encore un fecret. Cafanova a découvert è Rome un tableau du Corrége, que perfonne ne connoifTbit, paree qu'il étoit couvert de crafte. Il 1'a acheté & nettoyé, & fe voit par ce moyen po(refreur d»un des plus beaux tableaux qu'il y ait au monde. II part le mois prochain pour Drefde. Jouiftez de mille plaifirs en attendant le moment de nous revoir. Je V0Us embrafte de tout mon cceur.  be M. Winckelmann, 237 LETTRE XII. Au même. Rome, le ig Décemhre 1764= PouKQüot gardez-vous depuis fi long-temps le filence ? II eft vrai que ma derniere lettre ne demande point de réponfe ; mais vous m'avez déja gaté, & comme on s'occupe toujours de ce qui nous eft cher, je crains que vous ne foyez malade ; car je ne crois pas que votre filence puifle avoir d'autre caufe. Quelquefois je fais mon rêve ordinaire, que vous êtes en voyage & que vous m'apporterez vous-même la réponfe : car les images des rêves qu'oü fait les yeux ouverts ne s'envolent pas fi promptement que celles des fonges de la nuit qui difparoiflent au réveil; particulierement celles d'un rêve aufll agréable que celui que je chercherai a entretenir auffi long-temps que je verrai la moindre poffibilité qu'il puifle fe réalifer. Une amitié que f abfence fortifie eft, a mon avis, celle que, fans vous compter, j'ai trouvée encore dans une feule perfonne (1); amitié très-rare dc (1) Si 1'on a lu avec attention les lettres de M. WinckeL»ann a M. Franken , on s'appercevera facitement que pax «ette feule perfonne il a voulu défigner ce Bibliothécaire. N.de M.D*  23S I> I T T R E S que n»mbre d'Jiommes ont défefpe'ré de trouver. Stofch me mande par fa derniere lettre de Conftantinople que le célébre Montagu a enlevé la femme du Conful de Dannemarc a Alexandrie. Montagu fit partir celui-ci pour la Hollande, ou pour mieux dire , il lui perfuada d'y aller, pour arranger fes affaires, en un mot fous un faux prétexte. Quelques mois après le départ du Con* ful, Montagu produifit une lettre par laquelle on lui annoncoit fa mort, & il époufa fa femme qu'il conduit maintenant avec lui en Syrië. Mais le Réfident de Dannemarc a recu Ia nouvelle que le Conful danois fe trouve bien portant au Texel en Hollande. Montagu m'a écrit d'Alexandrie ; j'ai même fait ufage d'un de fes avis dans mon Ejfaifur VAllegorie, que je ferai partir fous peu de jours pour Drefde, oü il doit être imprimé, mais fans mon nom. J'ai penfé a cet ouvrage, lequel aura plus detrente-fix feuilles, avant de partir pour fltalie. Pour le rendre d'une plus grande utilité, j'y ai ajouté trois tables:Ia première des paffages des Ecrivains anciens & modernes que j'ai éclairci, corrigé & critiqué; la feconde eft celle des matieres, & la troifiéme contient les ouvrages anciens & modernes de 1'art que j'ai cités, & les lieux oü ils fe trouvent. .Vous aurez peut-être déja vu ma vie & mon  de M. Winckelmann. 239 cara&ere, imprimés féparément (1). C'eft 1'ouvrage d'un pauvre Cuiftre accablé lans cefle par rhumiliation, la mifere & 1'ignorance, & 1'on ne pouvoit rien attendre de mieux de lui. II ne m'a connu que fuperficiellement, & cela feulement jufqu'a ce que je fuis parti pour la Saxe; & il fe trompe méme encore fur ces faits. On m'a envoyé cette brochure a Rome. La Société Royale Angloife a Gottingen ma choifi pour un de fes membres. Voila affez de nouvelles pour cette fois. Le courier prochain je ne vous entretiendrai que de découvertes d'anciens monumens. Je fuis, &c. (1) Le titre de cet ouvrage porte : Abtégé de i'Hifleire de la vie & du caradere de jh. le Vréfident & Abbé Winckelmann , d Rome, fannée 2764, fans lieu,.en une feuiïle in-8°. Dans la préfoce il eft dit que ces anecdotes ont été prifes du Mercure littéraire d'Altena, -ou elles ont été inférées par M. le Refteur Paalzou de Seehaufen, ci-devans eollegue de M. Winckelmann dans cette ville.  ^4° Lettres" LETTRE XIII. Au même* Rome, le 3 Juillec, ijSfr T «/ e commence par l-épondre a Ia fin de votrê lettre, paree que c'eft ce qui m'en a été le plus agreable. St Vous vouliez, mon cher Ami vous abaifter jufqu'a confacrer quelques heures perdues a cette traduétion, je la ferois annoncer dans .Q Journal Littéraire, afin que perfonne ne 1'entreprenne, ou ne la continue; & je vous ferois paffer des correöions & des aditions confidérables, car Vous pouvez bien penfer que j'ai acquis beaucoup de nouvelles connoiffances depuis trois ans. On me mande de la Suiffe qu'on traduit tous mesouvrages, non-feulement en francois mais auffi en anglois; cependant on ne me dit point d'oü 1'on tient cette nouvelle. Tous les traducïeurs feroient arrêtés par. ma déclaration, & l'on pourroit faire impnmer cette traduclion a Genéve. II paroït que M. Ie Comte de Linden (i) eft pouffé par un (i) M. le Comte de Linden avoit fait propofer par fo de Kauderbach , iWiniftre de Ja Cour de Saxe i Ia Haye de faire imprimer i fes frais rous Ies ouvrages de M. Wind kelmann , avec autant de fkncbes qu'il k dèfirêroit: efprit  is e M. Winckelmann. 24! efprit mercantil dans fa propofition, qui n'eft pas acceptable. Quoiqu'il en foit, je fuis obligé de faire mettre cette déclaration dans le journal en queftion, ce qui fe fera au premier jour. Je changerai prefqu'entiérement le chapitre des Etrulques , & celui de la Beauté pourra étre plus étendu. Quant a la vie de Hedlinger, j'avois promis , a la ve'rité, fur les demandes réitérées du vieux Fuefsli,de donner un difcours préliminaire pour cet ouvrage; mais comme je ne puis pas juger du mérite de cet Artifte par trois petites médailles qu'on m'a envoyées pour cet effet, j'ai retiré ma parole il y a plus d'un an. Peut-être bien s'eft-on flatté encore de me perfuader, & que c'eft dans cette efpérance qu'on en a parlé dans le profpeöus. On publiera le mois prochain le quatriéme volume des Peintures d'Herculanum; mais il faut le demander aTanucci même. Je ne fuis pas brouillé avec le bon. pere Della Torre, comme je le fais par la déclaration verbale qu'il en a faite a quelques perfonnes. II paroït néanmoins qu'il veut interrompre notre correfpondance épiftolaire , paree que je me fuis attiré la difgrace de la cour par ma Lettre fur les découvertes d'Eerculariurn, II a paru deux écrits fcandaleux contre cet ouvrage , dont 1'Auteur de 1'un eft mon prétendu ami, le Marquis Galiani. Mais ils font fi peu d'honneur a notre fiécle & a la cour, qu'on allure que Tarucci a donné ordxe d'en retirer toute 1'é.iition. { Part. I. Q  242 Lettres J'efpere de revoir ici mon cher Mengs, & fuivant toutes les apparences encore avant la fin de cette année; car il ne peut refter plus longtemps éloigné de Rome; & comme il devra renoncer alors a fa penfion Cce qui me fait beaucoup de peinej) il fera obligé de vivre du travail de fes mains. Je crois vous avoir mande' que le Roi de Prulfe a acheté les pierres gravées de Stofch. LETTRE XIV. Au meme. Rome, le qSeptemlre 1765. Lestime & 1'amitié exigent de moi que je vous fafie favoir le premier, ainfi qu'a Stofch, & peutétre l vous deux feulement, les propofitions que le Roi de Prulfe m'a fait faire par le Colonel Quintus Jcilius (i). Comme il y a long-temps, eft-il dit, que Sa Majefté a concu de 1'eftime pour moi, & defire m'avoir a fon fervice, Elle m'a Ceft a M. Guichard, né a Magdebemrg, que le Roi de Fruffe a donné le nom de Quintus Jcilius. Tout le monde fait combien S. M. Pruffienne aime cet Officier, qu'EIie fe tait un plaifir de plaifanter fans ceflê.  be M. Winckelmann» 245 deftiné la place de fon premier Bibliothécaire & de Préfident de fon cabinet de médailles Sc d'antiques, vacante par la mort de M. Gauthier de la Croze, avec deux mille écus de penfion. Je n'ai pu rejetter cette invitation avantageufe dans ma patrie, & j'attends au commencement d'Oétobre une réponfe, d'après laquelle je partirai tout de fuite, pour ne pas voyager au cceur de 1'hiver. Je fuis fiché de ne pas faire ce voyage au printems; car alors je n'aurois pas manqué d'aller a Laufanne, & j'aurois vu le refte de la Suiftè. Mon ouvrage fera donc imprimé a Berlin. Combien n'aurois je pas defiré de jouir de Rome avec vous? J'efpere néanmoins de revoir cette ville, du moins pour un mois , quand mon ouvrage fera fini. Je fus hier a Frafcati, pour y faire deffiner 1'admirabie tête cololïale d'Antinous de Monte Dragone; SC cela pour la feconde fois, paree que le premier deffin n'étoit pas a mon gré, Après 1'Apollon Sc le Laocoon, cette tête eft fans contredit ce qu'il y a de plus beau au monde. Je fuis , &c. P. S. J'écris aujourd'hui a Wilkes a Geneve , oü il eft arrivé de Naples. II défavoue tout ce qu'on a dit du vol de la danfeufe Corradini. S'il va a Laufanne, comme je Ie crois, faites-moi 1'honneur de lui dire que vous êtes le meilleur, de deux ou trois amis que je poflede.  244 k * T T X I « LETTRE XV. Au même. Rome, le zo Otlohre 2765. Vo,. E derniere lettre, pleine de bonte' & d'amitié, me fait regretter le voyage que je ferai probablement; & fi j'avois eu avis de votre arrivée, je m y ferois déterminé plusdiffkilement encore. Je m'étois déja formé mille idéés agréables du plaifir que je goüterois en votre compagnie pendant votre fecond féjour a Rome; & j'avois remis l deflein jufqu'a votre arrivée d'aller voir plufieurs chofes hors de Rome. Si mon départ étoit fixé au printems, je vous attendrois certainement ici, & je dirois a tout le monde la caufe de mon délai , en montrant a tous les étrangers qui pourroient fe trouver alors a Rome, combien je ferois occupé de vous feul. Je me flatte qu'on ne me forcera pas de partir avant 1'hiver, afin de jouir d'un plaifir que je defire depuis fi long-temps. Je n'ai pas encore recu de réponfe de Poftdam; & comme le Roi eft parti pour la Siléfie , elle pourra bien tarder quelque temps a venir; d'ailleurs je ne partirai point qu'on ne m'ait fait préa-t lablement pafler de 1'argent pour mon voyage*  DE M. WlNCKfIMANN. On a cherche a me retenir ici, & le plus eftimable de tous les Cardinaux, Mgr Stoppani, m'a fait offrir par le Cardinal une penfion confidérable. Je l'ai fort peu connu jufqu'a préfent; mais depuis cette offre j'ai lié amitié avec lui a Paleftrine, oü il' demeure depuis-quelques mois dans fon évêché. Si vous voulez faire la connoiffance d'un Cardinal, celui-ci eft le feul qui puiffe vous convenir; gravez alors dans votre mémoire quelques paffages d'Horace,. car il fait ce Poëte par cceuti. Je ne puis m'empêcher de vous parler du jugement inconféquent de Wilkes. Cet Anglois ne eonnoit la nation que par les Francois qu'il a vu en Italië, & n'a fait la connoiffance d'aucun homme de mérite. On dit que Mengs doit venir au printems prochain, en confervant fa penfion , avec toute fa familie a Rome, pour y pafïer une couple d'années. Si cela a-lieu, vous pourrez vous flatter de jouir d'une agréable compagnie. Tachez de faire venir de Zuric, avant votre départ, mon Ejfai fur F Allegorie; car j'ai éclairci une infinité de chofes dans cet ouvrage qui peut ' vous être utile, fur-tout par la troifiéme table des anciens monumens que j'ai cités, & des lieux oü ils fe trouvent. Montagu fera ici fous peu de jours. Mais comme il craint qu'on n'ait appris fa conduite fcandaleufe a Alexandrie, il a deroandé pour  '246* Lettres quelques jours une chambre aux Moines Maromtes dont je lui ai fait faire la connoiffance , afin de refter dans un parfait incognito; mais cela lui a été retufé. Il a écrit a 1'Abbé de ce couvent qu'il porte une longue barbe, & qu'il a un Arabe pour domeftique, Une autrefois je vous en dirai davantage. Je fuis, &c. LETTRE XVI. Au même, Rome, le 21 Décembre 1765. C'est avec un plaifir infini que j'ai recu hier votre lettre attendue & defirée depuis fi longtemp.s , par laquelle vous me donnez 1'agréable nouvelle de votre arrivée a Bologne, Vous me trouverez le même que vous m'avez laiflé, & je jouirai avec vous de la belle campagne auffi longtemps que vous le defirerez. J'ai remercié le Roi de Prulfe des propofitions qu'il m'a fait faire, & je ne m'en répentirai pas, quoiqu'il fera difficile de remplir les promefies qu'on m'a faites ici; je ne puis faire qu'un diner par jour, & fuis allure' de 1'avoir. Cependant on n'a pas encore perdu lefpérance a Berlin. Vous me trouverez ici dans h compagnie d'un Prince bien aimable j c'eft le  be M. Winckelmann. 247 plus jeune Prince de Mecklenburg-Strelitz, qui doit paffer une année entiere a Rome. On m'a délivré , par égard pour lui , de ma gêne au Vatican; & quoique je perde beaucoup de temps , je veux néanmoins finir avec lui comme j'ai commencé. J'efpere vous embrafler ici après les fêtes, & j'en ai fur le champ communiqué la nouvelle au Cardinal , qui fe rappelle fort bien votre perfonne, car on a fouvent parlé de vous, & comme vous le méritez. Votre prochaine arrivée a caufé une petite jaloufie au Prince, paree qu'il craint que votre préfence ne lui faffe du tort; car je lui ai déclaré que je le quitterois quelquefois pour aller diner avec vous. J'ai néanmoins du lui promettre que je ne m'engagerai pas autant avec d'autres perfonnes, ce que je ne ferai pas non plus. Je voulois vous en dire davantage, paree que votre prochaine préfence échauffe mon efprit; mais je réferve cela jufqu'a ce que je puifle le faire de vive voix avec toute 1'effufion du cceur. Je fuis charmé que vous n'ayez point contrafté fopiniatreté fuiffe, & que vous ayez confervé votre ame pure & ouverteau plaifir , auquel je compte prendre la plus grande part avec vous. Je fuis, &c. Q iv  34§ E « T T R E S LETTRE XVII. Au même. iW Mon ami Stofch, qui va chez Ie Roi de Pruffe, n'a pas encore perdu 1'efpe'rance de me faire pafter a Berlin. Cela deviendra néanmoins d'autant plus difficile, que toute envie m'en eft paftëe; & comme je dois fonger a imprimer mon ouvrage italien, mon abfence de Rome devient même impoffible. M. le Duc de la Rochefoucauld, que j'ai accompagné pendant quelque temps, m'a donné , lorfqu'il eft parti, cent écus pour 1'avancement de mon ouvrage italien. Peut-être 1'avez-vous vu a Bologne. Je fuis, &c.  be M. Winckelmann. 24$ LETTRE XVIIL Au même. Rome, Ie 23 Février 1767. Je puis avec raifon me plaindre du fort de navoïr pu jouir du meilleur de mes amis, qui s'eft éloigné de moi, tandis que je pouvois me flatter de le voir. Je pourrois bien faire encore cet été un voyage furtif a Naples; & ce feroit une folie de ma part que d'y aller comme un coupable fous la protection d'autrui : c'eft ce que le devoir ni les circonftances ne m obligent point de faire. Avant de vous mettre en voyage il fera néceffaire que vous lifiez \Ttaliam & Siciliam de Cluverius, & que vous en faffiez des extraits (i> Vous pouvezvous paffer de tous les autres livres. la Sicilia illujlrata du P. Pancraze eft un Feto fratefco. La defcription de laSicile du Hollandois eft un in-folio affez conlidérable , & contient tout ce qu'il eft poflible de dire. Cet ouvrage eft d'une telle im- (0 M. le Baron de Riedefel ne paroit pas être du fentiment de M. Winckelmann fur cet ouvrage de Cluverius. Voyez ion Voyage en Sicile & dans la grande Crece.  s/o Lettres portance pour vous, que votre voyage feroit infructueux ii vous Pentrepreniez fans Pavoir Iu. Tachez de voir k Palerme PAbbé Bandini de Siene, qui doit y être connu de tout Ie monde; ceft un fubtd Florentin, qui étoit Bibliothécaire du Cardinal Archinto k Drefde; fi je ne 1 oublie pas, ,e lui marquerai votre arrivée, paree qu'il peut vous être la-bas d'une grande utilité, & vous donner des inftructions fur toute la Sicile, car il ne manque pas de goüt. II faut chercher parmi les ruines du temple de Jupiter, un petit morceau d'une colonne oü Ie cnapiteau dorique foit confervé, paree que le P Pancraze protefte qu'il n'a pu trouver Ia moindre' tracé des énormes colonnes de ce temple. II v a de moi une dilTertation particuliere fur ce temple dans Ia Bibliothéque des Sciences & des Beaux^rts(i), que vous pourrez comparer dans la fuite avec vos propres obfervations. Je vous embraffe de tout mon cceur. (O La traduffion de ce morceau fe trouve k la fin de W première partie de ces lettres.  r>s H. Winckelmann. nfi LETTRE XIX. Au même. Reme, U i Juin ijSy. Je me réjouis pour moi-même & pour notre patrie, de ce que vous venez de faire heureufement ce voyage difficile, car fefpere que vous communiquerez au Public vos remarques, ainfi que vous f avez fait l moi. Ce que vous me dites du temple de Girgenti, fufEt feul pour me prouver que vous avez plus vu & mieux vu que d'autres, puifque ce court indice fert a expliquer le palfage obfcur de Diodore de Sicile; & je fuis afluré que d'Orville n'a pas remarquë cela. Plüt a Dieu que j'eulfe pu vous accompagner ! car votre relation m'a donné plus d'envie de faire ce voyage que tout ce qu'on m'en avoit dit de vive voix; & perfonne auffi n'étoit plus libre de préventicns. Byres & fon compagnon n'ont pas trouvé la même hofpitalité que vous, dont je foupgonne facilement la raifon, fi cela eft vrai. Car un être auffi taciturne, auffi inquiet & auffi foible ne m'engageroit pas beaucoup a lui offrir ma maifon & ma table; & tous les deux, de même que tous  2X2 L E T* T R E$ les Anglois en général, conferveront une rf pour cette rtation. «veruoit Jetois dans 1'intention d'aller a Naples, car temps ,e nai eu nen dWre dans * cependant été retenu par la réflexion de fa répu«atum qw „eft pas encore bien rétablie; car-je nau»« pu m'empêcher de loger chez lui. Je vois , neanmojns que fon C£Eur n'eft pas méchant, qu'H nar pu mempecher d'entrer en correfpondance avec lux a caufe du Miniftre tfAngleterJe, Sc fes lettres font fi pIeines de frojd Cathohque Ecoffois devroit y répondre avec Ji vous vouliez, mon cher Ami, publier quel.ue chofe en allemand de votre voyage, je m'of6 7 6 UnC Préface> ^quelle, j'efpere ne vous feroit pas défagréable. P ' Je fuis maintenant occupé au troinéme volume Z f™™* I^el réuffira pleinement a mon ml ouTS-Jen>me"raiceP-d-la derniere Ktiérel ret°Ur d'AI,emaS"e. Je me fuis enferement degagé du Vatican, & j'ai déclaré que Je „e Voulois plus recevoir les rLmpe niefquines qu'on fait a Rome Mon plus grand defir aujourd'hui eft de maneer la foupe avec & de vqus fa.re ^ B ■ 1 wfiui, partrcüKérement fur - -J, d>Eiy_  ce M. WinckIlmann. cïne (l). Si je n'avois pasréfolu de faire le voyage d'Allemagne, je pourrois bien faire celui de la Grece; car je crois toujours en découvrir & en voir plus que les autres. Un jeune Négociant de Marfeille (2), qui a palfé quelques années a Conftantinople, avec une bonne colleétion de livres, & qui a parcouru la Grece, s'offre de contribüer autant qu'il dépend de lui a ce voyage. II ne celle de me peindre les grandes beautés qu'il y a vues, & defire que je puiffe les voir auffi pour les décrire. Je dois néanmoins remettre ce projet jufqu'a mon retour. Mon malheur eft que je fuis de ces gens que les Grecs appelloient l^afSrJero fapïentes: {fapïentes n'eft pris ici que comme le moindre degré de favoir); car je fuis entré trop tard dans le monde & en Italië. J'aurois dü y venir a votre age , fi j'avois recu une éducation convenable. Vefpere que nous paflerons des jours plus agréables enfemble 1'automne prochain; car alors, & (1) M. le Baron de Riedefel penfe que le culte qu'on rendoit 3 Vénus fur le mom Erix , pourroic bien avoir dré fon origine de la beauté des femtriés qui Diabitoient. II ajoute que" Trapani renferme encore aujourd'lmi les plus belles perfonnes de la Sicile. Voyez 'ü&f&ïg* ** Sicik & dans la grande Grece , p. 20. (i) C'eft fans doute M. Guys de qui nous avons quelques ouvrages littéraues eftimés.  2T4 i; £ t ï R E s même dès a préfent je puis être entiérement a vous comme je le ferai aufti long-temps que je vivrai! O qui ampLxus & gaudia quanta futura ! LETTRE XX. Au même. Villa Albani, U i j Juia tffy Sr jamais iettre de votre part m'a été chere & agréable, c'eft fans doute celle que je recois dans ce moment; & è laquelle je vous réponds plein de joie, d'amour & de la plus vive amitié, mais en meme-temps dans la plus grande confufion : car je me trouve partagé entre vous & mes amis éloignés, entre le ciel de la Grece & celui de la patne. Dans cette grande alternarive, oü mille idéés agréables fe préfentent rapidement a mon ^imagination & laiffent flotter mon cceur & mon efprit dans 1'incertitude, 1'efpérance de jouir bientót de vous fans réferve & avec toute i'effufion de cceur, eft ma plus grande confolation, jointe a lidée que je fuis libre de vous fuivre. Je ftVs maintenant convaincu que s'il y a un homme quï met fon bonheur dans la balance de Ia raifon, ceft fans doute moi; car je M pleinement fatis-  de M. Winckelmann» 23-3* fait de mon fort, & je jouis du bonheur extraordinaire de poffeder deux amis préférables a tous les biens & a toutes les grandeurs de la terre; & c'eft fans doute avec 1'un de vous deux que je finirai mes jours, fans autres foins, fans autres defirs & fans autre ambition. Je partirois fur le champ pour Naples, li nous n'étions pas fi prés des grandes chaleurs; & mon petit commerce ne me permet pas d'être abfent pendant tout 1'été. Mais vous devez, mon cher Ami, donner 1'automne a Rome & a moi. Alors je jouirai de vous a toute heure, & nous nous promenerons enfemble dans ces lieux fortunés, fier de 1'ami avec qui je goüterai ce plaifir. — Je vous prie de jetter le plutót qu'il vous fera poffible fur le papier la relation de votre voyage. Si vous le trouvez bon, j'y joindrai une préface avec une épitre dédicatoire a vous-même, par laquelle on pourra s'appercevoir que 1'Auteur de 1'ouvrage eft la même perfonne que celle qui veut bien en recevoir la dédicace. Notlurnis te ego fomniis Jam captum teneo — HosACE,  *jó* Lettres LETTRE XXI. Au même. Rome, le 18 Juin Ijöj. Si jamais j'ai foupiré après quelqu'un, c'eft bieri maintenant après vous; car dore'navant nos entretiens feront fans bornes & fans fin. En faifant nos tournées , je commencerai au Quirinal par des difcours pleins d'enthoufiafme; & quand nous arri. verons fatigués a Caftello, il nous reftera a nous entretenir en continuant nos courfes a Nemi, a Genzano, & enfuite a tivoli & a Subiaco. C'eft alors que je voudrois que plufieurs novices Ailemands me viffent empreflé autour de vous, pour ne m'occuper que de vous feul. Dès 1'aube du jour j'irois vous trouver, pour aller enfemble a Villa Madona; & du pain & des herbages me feront plus agréables en votre compagnie que tous les mets de la table du Cardinal. Je m'élsverai avec mon Ami au-deffus de tout ce qu'on eftime de grand dans le monde, pour nous promener en imagination Ie long des bords de 1'IlhTus & de 1'Eurotas. Ne feroit-il pas poftible que vous revinffiez au moins en Oftobre? J'efpere que les rolies dun mariage ne vous arréteront pas. Le  DE M, 'W INCKELMANN. 2$f La lettre du Prince d'Anhalt, que je recois dans ce moment, m'apprend que le jeune Prince Henri de PrulTe eft mort de la petite vérole. Cétoit un Prince bien eftimable, a ce qu il me marqué , & qui auroit fait honneur a 1'humanité (i). LETTRE XXII. Au même. Rome, ie 2j Juin IjSj. JVTille remercimens pour le Journal intéref» fant & inftruclif de votre voyage dont j'attends la fuite , & au fujet duquel j'ai écrit en Suiffe pour le faire paroitre fans vous nommer. II y a quelques années que j'ai regu d'une perfonne de ma connoiffance le premier volume de 1'Académie des Sciences de Palerme. II y a dans ce volume un voyage en Sicile , relativement aux antiquités, fait par un homme confidérée dans le pays 5 mais qui eft 'auffi décharné que la relation de Fourmont, (i) Le difcours de S. M. Ie Roi de PrulTe fur la mort de cet aimable Prince , qui eft un vrai modele d'éloquence & d'une fenfibilité fentie , eft ce qui peut fervir Ie mieux a confirmer cejugement de M, le Prince d'Anhalt.1 N, de M.D. Pare. 1. R  2j*8 L E T T R E S inférée dans les Mémoires de VAcadémie des InJcriptions. Je voudrois bien avoir les deffins de quelques-uns des plus beaux vafes de terre cuite que vous y avez vus. Je comprends néanmoins que cela doit être difficile a obtenir, faute de Deftinateur. J ai demande plufieurs fois a d'Hancarviüe des nouvelles d'une urne funeraire qui eft a Sainte Claire a Naples; mais il me répond qu'elle ne s'y trouve plus. Montfaucon en a donné un pitoyable deftin dans fon Diario Italico, & Mengs dit 1'avoir vu : elle ne peut donc pas être perdue. Peut-être bien eft-elle maintenant dans le cloïtre même, & alors il n'y a pas moyen d'en avoir le deftin. LETTRE XXIII. Au même. Rome, le 5 Juillet 1 j6j. Ie Comte de Firmian a fait un grand éloge de mon ouvrage {Monumenti inediti ), & le vieil & refpectable Mtinchhaufen, qui m'écrit toujours avec beaucoup de bonté , en a demandé trois exempiaires. Je fuis tres-content, cela ira peu-apeu.  de M. Winckelmann-. ayp Je voudrois bien favoir fi M. Hamilton, qui a acheté les vafes du Sénateur Porcinari, a auffi obtenu en même temps une figure de Eachus en bronze; fi cela eft, je vous prie de m'en dire la hauteur & le jugement que vous en portez. Car je veux indiquer toutes les ftatues de bronze que je pourrai découvrir, excepté celles de Portici. On pourroit auffi faire connoitre les perfonnes qui pofledent en Sicile des vafes peints de terre cuite. Je fuis, &c. LETTRE XXIV. Au même. Rome, le 14. Juillet l j6j. M . Jenkins m'a remis hier matin , comme un préfent de votre part, quatre bouteilles de vin dans lequel j'ai trouvé & favouré le goüt du terroir, & dont je vous remercie de tout mon cceur. Cet Anglois parle avec une amitié & une eftime linguliere' de vous, & montre des fentimens qui ne lui font pas communs pour d'autres —. ' Mon cher Ami! vous penfez bien fans doute que je fuis fans cefle occupé de notre amitié. Ce livre eft un préfent bien médiocre pour Myladi (Orford) , & ne mérite pas qu'on en parle davantage. J'accepte avec plaifir fa protection auprè* R ij  aöo Lettres du Miniftre a cigdaijpide (le Marquis Tanuccï), & cela ne contribuera pas peu a fortifier 1'eftime qu'il me montre. II s'eft de'claré en deux mots fur lanimofité des Pe'dans de Naples, dont je lui avois parlé légerement en paflant dans ma lettre, en lui envoyant non ouvrage. Le inimici^ie Ercolanefi dit-il , le lafcio effere; ma ricevo, Sec. ; de forte que j'ai lieu de m'attendre a une bonne réception. Je vous prie, en attendant, de témoigner ma tendre reconnoilïance a cette obligeante Dame , que je regarderai dorénavant comme ma protectnce, & a qui j'aurois écrit moi-même aujourd'kui, fi le temps ne m'avoit pas manqué. Mon voyage chez vous refte toujours fixé pour le méme-temps; & j'ai écrit a ü'Hancarville que je mangerai chez lui, mais que je veux loger avec vous. Si quelque chofe peut être regardé comme parfait, je crois que mon Hiftoire de V-Art le deviendra. Je fuis moi-même furpris des objets curieuxqui fe font préfentés amon efprit. Je vous parle le langage de 1'amitié, paree que je fais m'apprécier moimême & que je n'oublie pas ce que dit Pindare: que nous ne fommes qu'une ombre du néant. Puifque la figure de bronze du cabinet Porcinari n'a pas été achetée par M. Hamilton, on pourra favoir peut-être entre les mains de qui elle a paffee. Je fuis, &c. I mei Jaluti aW Amïco d'Hancarville.  ©E M. WlKCKIIMAKN. 2.'6f LETTRE XXV. Au même. Rome, le ij Juillet IjGj. M on vieil Albani vous falue de tout fon cceur. II croit que vous avez oublié de voir a Malthe quelque chofe qui lui eft connu. C'eft un Hercule de pierre d'Egypte qui fe trouve dans je jardin des Jéfuites. J'ai réfolu de ne faire nulle part inférer votre voyage, afin qu'il ne paroifte pas par piéces & par morceaux; mais de le faire imprimer féparément. Comme Ami, je prendrai quelques libertés permifes la oü il fera néceftaire. Que cette vérité eft grande , qu'un feul moment de fatisfaction intérieure eft préférable a toute rimmortalité des fiécles futurs (i). Je fuis plein d'impatience d'aller vous voir : les deux mois s'écouleront imperceptiblement , fur-tout pour moi, & alors on préparera les valifes. Je luis teut a vous. (l) Maxime admirable! Heureux cek'.i qui comprend tout le prix. de cette vérité, & qui ne la perd jamais de vue, tant comme homme que comme Auteur. N, de M, Rüj  2^2 Lettres LETTRE XXVI. Au méme. Rome ,le 21 Juillet 1 j6y, J'aukai foin , fi vous voulez Ie permettre que votre voyage fok convenablement imprimé fous 1'infpection de mes amis a Zuric; & j'y ajouterai une préface, fans nous faire connoitre ni vous ni moi. Mais je vous prie de me faire paffer auffi votre relation de la grande Grece. Mon voyage eft comme le fort, infaillible, & je fuis plus impatient de vous voir que vous ne pouvez 1'étre. Je pourrois quereller le ciel de ce que la faifon n y eft maintenant pas propice. Je vous promets auffi de venir libre de tous foins & de tous foucis, pour ne me livrer qu a 1'amitié & a la joie. Pource qui eft de la figure de bronze, elles'eft trouvée dans le cabinet Porcinari, & 1'on en demandoit mille écus. Myladi badine. Je n'en fais pas le prix, & je ne vends pas ce qui ne m'a rien couté. Mais Freemann auroit dü me payer deux féquins, tandis qu'il foutient, dans une lettre a Jenkins, que je lui en ai fait préfent. Je voudrois pouvoir Ie  ©s M. Winckelmann 26*3 donner a cette Dame avec toutes les corre&ions & aditions que j'y ai faites. Qu'elle daigne le recevoir tel qu'il eft, comme une marqué de mon attachement. — J'ai recu hier une lettre fort amicale de John Wilkes, date'e de Paris, par laquelle il me marqué que fon Hiftoire £Angleterre, depuis la derniere révoLution , pourra paroitre 1'année prochaine. II n'a pas encore oublié fa Belle j il me dit qu'il croit qu'elle eft a Gênes. Je me réjouis de f arrivée de M. Hamilton a Rome , & de voir quelqu'un avec qui je pourrai parler pertinemment de 1'antiquité, & qui ne jette pas a la traverfe des fcrupules de confcience & des confidérations théologiques, comme la perfonne que vous connoilfez. Je fuis, &c. LETTRE XXVII. Au même. Rome, le 28 Juillet 1767. Je ne puis vcus cacher 1'envie qui m'eft venue de voir au moins une partie de la Sicile, & ce fera la partie oriëntale , fi le P ince Bifcari veut me permettre de faire deftiner quel- Riv  2^4 Lettres ques-unsdefes vafes(,;; carfc me HattequelesBe'neaxcnnsdeCatanem'accorderontcettepermiffion. Sivouspouvezm'obtenircettefaveurdecethomme eihmable, je ferai venir mon Deffinateur de Rome apres m étre arrêté quelques temps k Naples, pour membarquer avec lui pour Meffine. Je laiflerai alors ce Deffinateur k Catane , après lui avoir mdiqué les vafes qui peuvent fervir è mon projet & je retourneraiaNaPles.Si cette propofition vous convient, il ne faudra pas en parJer ^ ^ Tempete ^), je Ie lui annoncerai moi-même; ' & s i! avoit le même projet, je 1'engagerois k s en jefifter. Maxs cela devra fe faire fans délai, afin de pouvoir faire a temps les préparatifs néceiTaires. Je pourrai enfuite faire paiTer k peu de frais mon Deffinateur dans d'autres parties de 1'ifle. CarCe£ homme s expoferoit aux plus grands dangers pour moi, comme j'en ai des preuves. Faites fi 1'occafion s'en préfente, mes compli™ensa d Hancarville, & demandez-lui, comme pour vous même, le prix de fon crater du Véiuve & des trente vues de Naples. Le célebre Baron de Bielefeld de Berlin s'eft fl) L'eLecleor lira avec plaifir Ia defcription du Cabinet ou Mufeum du Prince Bifcari, dans le VoVage de M, Baron de Rredefel en Sicile & dans la grande Grece p „ 3 JIZ^ fanS f"- M' d'HanCa^J* dontM. Wincseimar.n yeut parler ici,  »e M. Winckelmann. 3.6$ offert de fe charger du, débit de mon ouvrage en Allemagne; fen ferai donc partir cinquante exemplaires. II eft avec Stofch chez le Prince Ferdinand a fa maifon de campagne proche de Berlin. Le ciel vous donne autant de joie & de plaifir que j'en goüte moi-même, & m'accorde a moi le bonheur de jouir de votre compagnie jufqu'a la fin de mes jours. LETTRE XXVIII. Au même. Rome, le 4 Aoüt ij6j. Je réponds fur le champ a votre chere lettre qui m'eft parvenue aujourd'hui, car tout doit céder au plaifir de m'entretenir avec vous. Mon départ eftaufliinfainiblement arrétéque les décretsdu fort, pour les derniers jours de Septembre; voila pourquoi je ferai obligé de paffer par les marais jufqu'a Mola di Gaetta, afin d'éviter Fondi, il morbofo aere di Fondi. Il fera néanmoins néceftaire d'être affuré de Ia permiffion de votre cher Prince avant mon départ de Rome. Car s'il faifoit quelque difficulté, & fi les Bénédiétins, a qui je ferai écrire auffi, ne vouloient pas non plus y acquiefcer, il feroit inutile de trainer mon Deffinateur avec moi.  266 Lettres Je parlerai auffi au Capitaine Tempête de mon projet, afin de fuivre la droite route. Le grand voyage fera 1'objet de nos entretiens de vive voix» II paroit un peu faché de ce que j'ai préfe'ré «faller loger chez vous, quoique je le lui aie fait comprendre en riant. J'ai donné votre voyage a lire a l!honnête Reifftein, qui a trouvé autant de plaifir a cette lecèure que moi - même; & comme deux bouches fuffifent pour attefter la vérité, nous pouvons compter fur 1'approbation de tous les Leóreurs. II me refte encore une inquiétude pour Naples, c'eft de la part du Colonel des Ingénieurs Efpagnols, qui ne peut pas être fatisfait de ma Lettre fur les découvertes d*Herculanum ( i ), je pourrois bien recevoir une volée de coups de baton, fi je n'ai rien de pire a craindre; dans le dernier cas Ie plaignant fe tait, & dans le premier il garde les coups qu'il a recus. De toute maniere je cours beaucoup de rifque , & les trois royaumes de la Grande-Bretagne ne fauroient me raffurer contre cette crainte. Cela pourroit bien auffi m'arriver hors de Naples, car il y en aura plus d'un qui fe tiendra en embufcade contre moi. ^ (i) L'Ingénieur Efpagnol, dont M. Winckelmann parle ici, fe nommoit Don Roch- Joaehim Alcubierre, Voyez la Lettre a M. Ie Comte de Bruhl fur les découvertes d'EercuUnum, imprimée in V a Paris chez Tilliard, pag. 17 & ia-  be M. "Winckelmann. z6j LETTRE XXIX. Au même. Rome, le 24 Novembre lj6j. Je fuis arrivé heureufement ici en bonne compagnie , & j'ai recu, avec un extréme plaifir, la lettre dont vous m'avez honoré. Le Cardinal, Jenkins & Reifftein fe font informés avec beaucoup d'amitié de vous, & tous trois m'ont chargé de vous faire leurs complimens. J'écris en même temps a mon hóte, & je lui fais de nouveau connoitre ma répugnance , que je lui avoïs déja montrée a Naples, pour 1'entreprife a laquelle je devois avoir part. Cet ouvrage qui contiendroit toutes les pierres gravées notables, m'occuperoit peut- être une année entiere, & je ferois obligé de travailler dans ma plus grande vieilleüe a Y Hiftoire de t Art & au troifiéme volume des Monumenti. Je crains d'ailleurs d'entreprendre ce travail pour lequel je ferois fans ceiTe obfédé ; car c'eft fur cet ouvrage qu'on compte gagner les frais pour 1'entreprife fur la Sicile. J'aurois a appréhender auffi que toute la machine ne vint a s'écrouler & ne me tombat fur les bras. II n'a pas a fe plaindre de moi, puifqu'il n'a pas encore mis la main a la plume.  2<5S Lettres J'envoye en préfent a Martorelli un exemplaire de mon ouvrage, ce que je lui fait favoir par dHancarviHe; mais je ne veux rien recevoir en retour de cet avaro fpilorcio. J'ai écrit k d'Hancarvdle que s'il lui remet pour moi ce que je lui ai demandé, ce fera vous qui le lui payerez- ce que je vous prie inftamment de vouloir bien faire: je vous rembourferai le tout. Le Roi de PrulTe m'a fait écrire par M. Catt la réponfe fuivante. Monfieur, « S. M. a recu les livres & Ia lettre que vous » rui avez envoyés. Elle m'a ordonnéde vous en *> faire fes remercimens, de vous dire combien * étoit intérelTant un ouvrage de cette nature, » & qu'Eüe avoit de vos talens Ia meilleure idee' » pofïïble. Je fuis bien enchanté en mon parti» culier d'avoir cette occafion de vous affiirer - que rien n egale 1'eftime que j'ai concue pour * vous, par votre cceur & par vos connoilTances » que je le ferois fi cet envoi me procuroit Ia » douce fatisfaöion de vous voir ici, de vous - entendre & de vous aiTurer , que c'eft avec » I eftime la plus diftinguée que j'ai 1'honneur » detre, &c. » Stofch lui a fait remettre relié en maroquin rouge, non-feulement mes Monumenti, mais ep-  de M. Winckelmann. 2.69 core tout ce que j'ai grifonné. Le Roi avoit déja beaucoup parlé de moi, il y a quelque temps, au Prince d'Anhalt. Reifftein croit avoir remarqué que les ignares d'ici font de nouveau indifpofés contre moi, ce qu'il faut peut-être attribuer & 3****; puifqu'il a fu prévenir contre moi un Miniftre étranger, ce qui eft fans doute caufe de la froideur que M. Hamilton m'a témoignée. Tout cela ne m'inquiéte cependant pas, car je fuis a 1'abri du befoin& du blame, & c'eft tout ce que je fouhaite. J'écrirai néanmoins fous peu a M. Hamilton, pour lui faire mes remerciemens, ainfi que je le dois, Voulez vous rendre une perfonne bien fatisfaite par deux lignes indifférentes, écrivez a Jenkins, qui ne cefle de parler vous.  270 REMARQUES Sur VArchiteBure de Panden Temple de Girgemi en Sicile. PAR M. WINCKELMANN. Ces Remarques ne paroitront fans doute pas inutdes a ceux qui connoiiTent le grand Ouvrage du P. Pancraze fur les Antiquités de la Sicile • Puifque cet Ecrivain n'y entre, pour ainfi dire , dans aucun détail fur larchiteéture de ce temple & des autres édifices dont il a donné les planches. Les Savans naiment pas a s'écarter de Ia route quils fe font tracée : voilé pourquoi M. le Chanome Mazocchi, un des hommes les plus inftruits de notre temps, dans Ia favante DiiTertation fur la v,He de Peftum, qui fe trouve jointe k fon Exphcation desTables d'Herculanum, pafte entiérement fous filence, comme s'il n'avoit jamais exifté Ie temple de Peftum, dont je parlerai ici en paflant. Le P. Pancraze, de 1'ordre des Théatins, vit encore aöuellement ( en i7Jp ; k Cortone en Tofcane, fa patrie, hors de fon ordre & retiré cu monde k caufe de 1'efpece d'enfance dans -'aquelle ft eft t0mbé, Sc qu'on attribue au chagrin  Remarquïs sur l'Architecture, &c. 2Jt qu'il a eu de n'avoir pu fubvenir aux frais que demandoit fon ouvrage ; s'étant vu trompé dans fes efpérances a cet égard, qu'il avoit principalement fondées fur la libéralité de 1'Anglois a qui il a dédié les planches de fon ouvrage : paree que, faute de bien connoitre la nation Britannique , il avoit pris pour une même chole 1'idée qu'il s'en étoit formée & la générofité qu'il en attendoit. Comme fon projet étoit de bure un ouvrage confidérable, il fit imprimer en entier la lettre de Phalaris, qu'il prit pour fondement de 1'hiftoire de la ville d'Akragas, a laquelle les Romains ont donné le nom d'Agrigente, & qui eft aujourd'hui connue fous celui de Girgenti. II fe fonde fur le témoignage de Dodwel qui, contre toute vraifemblance, regarde cette lettre comme authentique. Je ne crois pas que 1'Auteur ait lu la derniere ditTertation que Bentley, a écrite en anglois fur cette lettre; ce livre étant fort rare en Italië : car je ne penfe pas qu'après des recherches auffi favantes il en refte encore d'autres a faire fur ce fujet. . Mon intention n'eft pas de faire des obfervations critiques fur les antiquités de la Sicile, mais feulement de raffembler quelques remarques fur Tarchiteéture dorique des plus anciens temps; paree que ni Vitruve, ni ceux qui font venus après lui, ne nous difent rien de l'ancien ftyle de cet ordre d'architecture. Ceux qui jufqu'a préfent ont  Rbhahqübs' voulu écrire 1'hiftoire de i'architecture grecque, ont ete obhgés de paffer avec Vitruve tout d'un coup du temps oü le befoin de fe garantir des mtemperies de fair enfeigna 1'art de conftruire des cabanes& de barir des maifons, 4 celui oü larchiteclure fe trouva i fon plus haut dé , d perte&on. Je tacherai donc de remplir Hntervalle de temps qui s eft écoulé entre ces deux periodes de Part Mais je devrai me borner 1 des recherches qui ne demandent aucune planche Mes moyens ne mont pas encore permis de voir par moi-meme les antiquités de Girgenti, & je netabhs mes remarques que fur les obfervations qui m ont ete communiquées par M. Robert Mylne Ecoflois, grand Amateur de 1 'archüeéture, qui a vu & examme avec beaucoup de foin les reftes des anciens edifices de la Sicile, & qui vient de retourner depuis peu dans fa patne Les dimentions dont je me fervirai font fur le pied d Angleterre, qu'il fera faciIe au Le(fte comparer a d autres mefures. Le pied anglois eft plus petit que 1 ancien pied grec, mais la différence fe reduit a tres-peu de chofe. Le pied anglois, qui a douze pouces, eft d'un -^de pouce * M g que e pied grec. Le pied de Paris eft pL grand que le pied anglois, & contient un-^-de fes pouces de plus que ce dernier. Si iCdivife Ie P;ed dePam en dix mille parties, Ie pied grec naura que de fes partieS( J ^ exact  sur l'ArchitectueEj &c. 275 exact m'a été donné par M. Henry , Ecuyer , Ecoffois qui s'eft rendu célebre par fes voyages, 8c qui 1'a tiré des remarques qu'il a faites fur. le rapport des mefures , pour rectifier les tables d'Arbuthnot. M. Henry demeure depuis quelque temps a Florence. Le temple de la Concorde a Girgenti eft fans doute un des plus anciens édifices grecs qu'il y ait au monde, & la partie extérieure s'en eft confervée en entier. L Auteur des Explications des Antiquités de la Sicile en a donné le plan & 1'élévation; mais il n'eft entré dans aucune defcription, paree que la perfonne qu'il avoit employée pour en faire le deftin, s'étoit réfervé cette partie. Mais il eft difficile de traiter cette matiere quand on n'a aucune connoiffance de l'architeöure. Ce temple eft de 1'ordre dorique & hexaftypériptérique, c'eft-a-dire, dont le pourtour porte fur une fuite de colonnes ifolées, & qui en a fix par devant & autant par derrière, qui forment le Pronaos & 1'Opiftodomos, ou deux poftiques libres a 1'entrée & par derrière. De chaque coté il y a onze colonnes, ou bien treize, en comptant deux fois celles des angles. II y a deux temples a Peftum fur le bord du golfe de Salerne, dont 1'extérieur reffemble parfaitement a ce temple de Girgenti & qui paroiffènt de la même antiquité. On. avoit déja fait la defcription du temple de Girgenti; mais il n'y a que dix ans qu'on a parlé Pan. I. S  fi?4 Rbmarqubj pour Ia première fois de ceux de Peftum (r)3 quoique ces derniers n'aient fouffert aucun dom' mage, Sc qu'ils aient toujours été expofés librement a la vue dans une vafte pleine inhabitée, fur Je bord de la mer. Le défaut de renfeignemens fur ces édifices eft caufe qu'on n'a connu jufqu'a préfent aucun autre ouvrage d'ordre dorique des Grecs, que les colonnes d'en bas du théatre de Marcellus ,^de 1'amphithéatre de Vefpafien a Rome, & celles d'une porche a Verone (2). Les colonnes du temple de Girgenti n'ont pas tout-a-fait, y compris les chapiteaux, cinq diamètres prés de leur bafe de hauteur, comme celles de Peftum. Vitruve fixe la hauteur des colonnes doriques a fept diamètres ou quatorze modules, ce qui revient au même : car un module fait la' (1) Grofley die qu'un feune Eieve d'un Peintre de Naples fut Ie premier qui, en : 7yy , réveilla 1'attention des curieus fur les reftes précieux d'architeaure qu'on voit i Peftum En l767 M. Morghan les fit graver en fix feuilles, doni m. de Ia Lande a donné un extrait dans une feule planche II n'y a pas long-temps qu'on a publié d Londres des belles gravures des monumens de Peftum. En 1759, Ie Libraire .ombert a Paris aimprimé Les Ruines de Peftum, avec dixlui; planches, (i) Chambray, dans fa comparaifon de l'Architectnre ancrenne & moderne, place par ignorance le théatre de Vicenze, ban par Palladio, au*rang des ouvrages anciens.  sur l'Architecture, &c. 275* moitié d'un diamètre. Cependant comme cet Ecrivain a voulu déterminer fes dimenfions de 1'architecTure, comme celles du corps humain, en partie fur le myftere de certains nombres, & en partie fur 1'harmonie, il n'a pu donner d'autre raifon de ces fept diamètres que fon nombre myftérieux de fept ; ce qu'il faut mettre au même rang du rêve des Modernes touchant la feptiéme en Mufique. On pourroit trouver quelque fondement de fix diamètres des colonnes, dans la proportion du pied, que les plus anciens Statuaires ont regardé comme faifant la fixiéme partie de la hauteur d'une figure. Quant a la hauteur des colonnes dont il eft queftion ici, il faut en chercher Ia raifon dans le plan du temple, & non pas dans les colonnes mêmes; car leur prcportion ne peut pas être déterminée par le diamètre entier, puifqu'il manque un pied & un pouce a ce qui eft au-deftus de quatre diamètres. Je trouve que la hauteur des colonnes eft égale a la Iargeur du temple , laquelle étoit toujours aux temples doriques de Ia moitié de la longueur de tout le temple ou de la nef feulement. Il ne falioit donc pas chercher ici la favante proportion dans quelque chofe d'étranger a 1'édifice, puifque cette proportion fe trouvoit dans le temple même. Si 1'on pouvoit prendre a la lettre un paffage de Pline , oü il dit, que dans les temps les plus reculés la hauteur des colonues étoit du tiers de S ij  la largeur du temple (i)} les colonnes devoient être encore plus courtes que celles dont nous parions ; car fi nous portons k ropieds la longueur d'un temple, & par conféquent fa largeur k 2$, les colonnes auront environ 8 pieds de hauteur'. Si maintenant nous prenons deux pieds pour le diamètre des colonnes, eiles n'auront que quatre diamètres delévation. Ces colonnes font d'une forme conique dont il faut moins attribuer la caufe k la proportion de ces colonnes qu'aux vues de l'Architefte; car une forme cylindrique avec des diamètres égaux par le haut & par le bas auroit expofé les pierres dont les colonnes font faites, k fe fendre & k fe crévafier; paree que le poidsde 1'entablement auroit principalement porté fur 1'axe du cylindre; mais la diminution conique raflemble davantage le point d'appui. Ces colonnes ont des cannelures doriques, c'eft-a dire , que deux canaux fe joignent par un angle aigu; au lieu que les cannelures joniques & corinthiennes ont des angles plats. L'entablement de ce temple, comme celui des autres, confifte en trois parties : farchitrave qui pofe directement fur le chapiteau des colonnes, (X) Antigua ratio erat columnarum altitudinis teniapars Utituiinem ddubri. Hiit. Nat. L. XXXVI. C. y fort en une rondeur, pour ainfi dire, impercep- ' tible, & qui n'a point les goütes en queftion. C'eft dans ce même goüt que font fait les plus anciens auteis& cènotzphes. (Conf.FatreteiJn/cr.c m F. x.rp. 696, no lJX }, & c-eft ce ? nous en prouve la haute antiquité. Les principales recherches du P. Pancraze fe  sur l'Architecture, &c. 281 font bornées a trouver parmi les ruines de 1'ancienne ville d'Agrigente, le temple de Jupiter Olympien, dont les amas de pierres & la tradition du nom, qui s'elT confervé parmi les habitans du pays , lui firent découvrir Remplacement. On n'y voit rien d'autre, dit-i!, & il n'eft pas poiïible de fe former la moindre idee d'un plan ou de 1'efpace du terrein qu'occupoit ce temple. Tout ce qu'il trouva fut un feul triglyphe qui fervoit a prouver qu'il étoit de 1'ordre dorique; & des entailles en forme de fer a cheval dans quelques pierres qui , fuivant lui, ont fervi a élever ces pierres avec plus de facilité. II cite le paflage de Diodore de Sicile touchant ce temple , fans rien ajouter de plus. Fazelli n'en dit pas davantage. Suivant Diodore de Sicile ce temple de Jupiter étoit le plus grand de tous ceux de laSicile, &pouvoit être comparé de ce cöté-la aux plus beaux temples qui fe trouvoient par-tout ailleurs. Il donne la mefure de fa longueur, de fa largeur, de fa hauteur, ainfi que du diamètre des colonnes. On voit encore aujourd'hui le plan entier des fondemens de ce temple, qui eft expofé aux regards de tout le monde ; mais entourré a la vérité de ruines entaftees les unes fur les autres, & par deffus lefquelles 1'Auteur des Antiquités de la Sicile & fon Compagnon ne fe font pas avifés de regarder. Ces ruines renferment un efpace de terrein  2&2 RemARqtjES libre, couvert d'herbe, qui fait fi bien connoitre Ie plan du temple, que dans quelques endroits on voit les marches qui régnoient tout autour de cette édifice. On remarque auffi un endroit oü 1'on a fouillé a une aune de.profondeur dans les fondemens. Letendue de cette place s'accorde avec Ia mefure que Diodore de Sicile a donné de ce temple, qui porte fa longueur a 340 pieds. Suivant Ia mefure angloife elle eft de 343- pieds.; paree que le pied anglois eft un peu plus petit que le pied grec, ainii que je fai dit plus haüt. La largeur de la place eft de iój pieds; ce qui differe beaucoup de la mefure de 60 pieds que Diodore donne pour la largeur de ce temple. Mais fi la largeur d'un tempie doit être de Ia moitié de fa longueur, & 170 étant la moité de 34°> Ja mefure de la largeur aótuelle, qui ne peut pas être fi exacte fous les ruines, approcheroit affez de cette dimention. Parconféquent la mefure de 60 pieds de Diodore ne peut pas etre jvfte, & il manque certainement une centaine devant le nombre foixante. La moindre réflexion fur les dimentions que les Anciens donnoient a leurs temples auroit du faire douter de 1'exaftitude du texte grec de Diodore : cependant perfonne ny avoit penfé jufqu'a préfent. Les manufcrits de Diodore de Sicile que j'ai vu a Rome & è Florence, ainfi que ceux de Ia biblio-  sur l'Architectukh,&c. 283 théque Chigi a Rome, qui font les plus anciens, s'accordent tous avec la lecon imprimée. II ne faut pas s'imaginer que les Grecs ayent bati leurs temples fuivant Ie plan d'une certaine cathédrale Réformée, conftruite depuis peu en Allemagne, en leur donnant une facade de la fixiéme partie de leur longueur. La hauteur de ce temple, fans compter 1 'élévation des marches du pourtour (xV>' ™ x?^'^/laTts) étoit de 120 pieds. KpuTi'^wV" n'a pas éte entendu par les Tradu&eurs; car on a cru que ce mot fignifioit les fondemens. Le nouveau Traduéèeur francois a vöulu épiloguer fur ce paffage, & n'a fait que prouver fon ignorance ( 1). II penfe qu'il y eft queftion de la corniche. Pourquoi? paree que fop.* fignifie auffi le haut d'une maifon ; ce qu'il auroit du moins dü chercher a prouver. D'ailleurs perfonne n'ignore que la corniche ne fert pas a couvrir la vcüte, autant qu'on le fait. (1) Voici la note de M. 1'Abbé Terraüon dont M. Winckelmann veut parler : il y a dans le grec x®?'* T^ XP"nS'wij.aro; que Rhodomah traduit par fundamento tarnen excepto. Mais on n'a jamais fait entrer les fondemens qu'on ne voit point dans la defcription d'un édifice. Au/ia figni£e d'ailleurs le haut d'une maifon , d'oii nous vient döme. Ainfi XpüKcTij^a doit être ici la corniche, 1'impofte de la vcüte ou du comble, dont on ne pouvoit pas donner la hauteur piifqu'il n'étoit pas fait.  Remarques Les colonnes en dehors étoient arrondies tc quarrées en dedans, fuivant 1'expreffion de Diodore, a laquelle fe tient le Traducteur latin avec Ie même laeonifme. Par quarrées en 'dedans on peut entendre que ces colonnes étoient taillées quarrément dans le mur. II y a a Volfena une partie d'une colonne de porphire femi-circulaire dont 1'autre moitié eft quarrée. Je crois néanmoins plutöt que Diodore a voulu dire : que ce temple avoit extérieurement des colonnes femicirculaires, & que 1'intérieur en étoit décoré de pilaftres (i). Ces colonnes femi-circulaires avoient 20 pieds de circonférence. Vihténeur (mot que le Traducteur n'a de même pas compris) , 1'intérieur de ces colonnes, dis-je, étoit de 12 pieds (2). & Ie diamètre d'une colonne pris trois fois en fait toute la circonférence qui feroit ici de 3S Pieds, Ia moitié de cette circonférence auroit été de 18 pieds ; mais comme elle étoit de 20 Pieds ^ il faut que Ces colonnes ayent décrit plus d'un demi cercle. Quelques morceaux de (DM. lAbbé TerraiTon a traduit : « On a employé ian, ce temple deux pratiques d'architeclure jointes enfemMe, car d efpace en efpace on a placé dans les murs des piücrs qui s avancenten dehors en forme de colonnes arron*«, & en dedans en forme de pilaftres taillés quarrément ». W Le texte de M. 1'Abbé Terraflbn porte : « Les pilafires rfu dedans ont douw pieds de largeur »  sur l'Architectürk, &c zSf ces colonnes nous ont prouvé auffi que cette dimention étoit exaóte : car le diamètre étoit d'un peu plus de ii pieds anglois, comme on a pu le déterminer par plufieurs morceaux tronqués. - Le diamètre des huit colonnes femi-circulaires de la facade de 1'églife de St Pierre a Rome, qui font les plus grandes colonnes connues des temps modernes , doit être a - peu - prés de p pieds anglois, ce qui peut fervir a fe faire une idéé de la grandeur des colonnes du temple de Jupiter. Vitruve, en parlant de différentes efpéces de temples, ne fait aucune mention de.celles acolonnes femi-circulaires. On ne trouve pas non plus chez aucun autre Ecrivain la moindre chofe d'un édifice grec auffi ancien. Le temple de la Fortune Virile, qui eft aujourd'hui 1'églife de Ste Marie Egyptienne a Rome, le plus mauvais de tous les anciens édifices, eft décoré de pareilles colonnes ; il y a auffi des colonnes femi-circulaires au théatre de Marcellus & a 1'amphithéatre de Vefpalien. Diodore nous donne une idéé fenlible de Ia grandeur des colonnes du temple de Jupiter, quand il dit qu'un homme pouvoit fe placer dans une feule des cannelures dont il doit y en avoir 20 a une colonne dorique. La largeur des cannelures des morceaux qui en reftent eft de deux palmes romains ou deux empans & trois pouces & demi d'une arrête a 1'autre : efpace fuffifant pour  2.S6 Remarques contenir un homme. Le Pere Pancraze fe plaint de n'avoir pu trouver aucune tracé des colonnes de ce temple. Les plus grandes colonnes cannelées antiques qu'on voit a Rome, font trois coIonnes ilolées avec leur entablement au Campo Vaccino. Elles ont 41 pieds j pouces romains de hauteur; leur diamètre eft de 4 pieds 14 pouces; mais leurs cannelures n'ont que la moitié de la largeur de celles du temple de Jupiter, car elles ne font que d'un grand empan. Les plus grandes colonnes des temples grecs , après celui d'Agrigente, étoient celles d'un temple de Cizicum, dont la circonférence étoit de 'opwa; 0u brafles, (la 'op>W compté a 6 pieds grecs); & 1'on prétend que ces colomnes étoient faites d'une feule pierre. (Strab. L. XIV.p. gqi). Les colonnes du temple d'Agrigente n'étoient pas faites ainfi d'un feul bloc, mais de différens petits morceaux inégaux, difpofés fuivant la dimention du tout; voila ce qui fait qu'on n'en peut pas reconnoirre les reftes au premier coupd'ceil. L'entablement au-defliis des colonnes conhftoit en trois grandes maffes de pierre pofées 1'une fur 1'autre, & compofant un tout. Les architraves & les frifes étoient, comme celles du temple dont nous avons parlé, d'une égale hauteur; c'eft-adire, que chacune de ces parties avoit 10 pieds anglois delévation. Les corniches, dont il ne  sur i'Architectür e, &c. z8j s'cft rien confervé, doivent avoir eu environ 8 pieds de hauteur. Les triglyphes, ainli que je 1'aï remarqué, étoient de même encaftrés dans les frifes & d'un feul bloc de 10 pieds de haut. On en a trouvé deux dans les ruines. II ne s'eft confervé qu'un feul chapiteau entier: il étoit d'une feule pierre qu'on ne pouvoit mefurer que par le moyen d'une échelle. Les dimentions que nous avons indiquées peuvent être accordées avec la hauteur du temple donnée par Diodore de Sicile; & le diamètre des colonnes, ainli que les dimentions de 1'entablement, comparés a la hauteur de 120 pieds (hauteur du temple), nous conduifent a la connoiflanee de la hauteur des colonnes. Celles-ci ne peuvent pas avoir été aufli écrafées que celles du temple de la Concorde & de ceux de Peftum. Elles ne peuvent pas non plus avoir eu la hauteur que Vitruve donne aux colonnes doriques; c'efta-dire, de fept fois leur diamètre; car pour fiire accorder la dimention indiquée avec la hauteur du temple, on ne peut donner a ces colonnes ni plus ni moins defix diamètres. Suivant Diodore le diamètre des colonnes étoit de 12 pieds; Or , lix fois douze fait foixante-douze. Les architraves & les frifes étoient de 20 pieds anglois, & les corniches d'environ 8. L'élévation des colonnes & de 1'entablement pris enfemble alloit a 100 pieds. Les 20 autres pieds de toute la hau-  s88 Remakqtjes teur jufqu'a Ia pointe du frontifpice reftent donc pour cette derniere partie. Car le frontifpice ou la cime du portail étoit, dans les anciens temps, fort écrafé, ainli qu'il paroït par 1'autre temple' de Girgenti, & par fun de ceux de Peftum, auquel cette partie a été confervée. II fembleroit, par ce que nous venons de dire, qu'on a pafte par degrés dans la proportion de la hauteur des colonnes fur Ia largeur du temple, comme nous 1'avöns obfervé plus haut, è celle' de fix diamètres & enfin a celle de fepr. II paroit donc que la hauteur de fix diamètres a été Ia proportion des colonnes doriques dans les plus beaux temps de Ia Grece. Car pendant Ia quatrevingt-treiziéme Olympiade les Carthaginois vinrent pour la feconde fois en Sicile , &"c'eft alors qu'Agrigente fut faccagée par ces Conquérans : c'eft cette guerre , dit Diodore, qui fit fufpendre la conftruótion de ce temple. Comme je crois avoir prouvé que les colonnes de ce temple ne peuvent avoir eu ni plus ni moins de fix diamètres de haut; le temple de Thefée a Athenes , qui eft plus ancien & qui a été bati immédiatement après la bataille de. Marathon , ne peut donc pas avoir eu des colonnes dont Ie fÜt feul étoit de fept diamètres, que Pococke donne a ces colonnnes ainfi qua toutes celles des autres édifices doriques a Athenes. Le temple dont nous parions doit avoir été hexaftyle,  sür l'Architecture, 28^ hexaftyle, c' eft-a-dire , qu'il avoit fix colonnes de front: car fix colonnes de 12 pieds de diamètre font déja 72pieds; &cinq entre-colónnemens, chacun de trois modules ou d'un diamètre & demi des colonnes, font po pieds ; parconféquent lei tout enfemble va a 162 pieds ; ce qui, a 2 pieds prés, s'accorde avec la largeur de 160pieds. On trouve encore dans quelques groffes pierres del'entablement des marqués du méchanifmedont on s'eft fervi pour la batiffe de ce temple. Ce font des entailles en forme d'une demi élipfe aux deux petits cötés de la pierre. Dans ces entailles on paffoit un cable ou une chaine , qui en élevant ces grandes maffes de pierres alloient fe joindre enfemble par le haut. Par ce moyen on placoit les pierres les unes k cöté des autres fans le fecours d'aucun levier; gc Iorfque ces pierres fe trouvoient k leur place ,'on en ötoit le cable ou la chaine, & 1'on bouchoit enfuite avec du bois 1'entrée de 1'entaille qui étoit en haut, afin qu'il n'y pénétrat aucune humidité. On a trouvé dans 1'un de ces entailles un peu de bois qui depuis plus de deux mille ans s'y eft bien confervé. Parmi les deffins d'anciens édifices du célebre Architecte San Gallo , qui font dans la bibliothéque Barberin , j'ai vu dans les ruines du temple de Vénus a Epidaure en Grece'une pareille entaille aux pierres; mais elle y eft angulaire. Cette méthode d'élever de grandes mafles Part. L T  z$0 Remarques de pierre & de les pofer en même temps { leur place, eft fans doute beaucoup préférable a celui qu indique Vitruve (LX. C. p.); & les facs de fable dont Phne parle , fuivant 1'explication de Poleni (Diff.fopra al templo di Diana d'Efefo. § XIX.) paroiflent ridicules en les comparant a cette mé' chanique des Grecs. On voit par la combien la maniere d'opérer des Anciens étoit bmple; & il paroit que malgré leurs arts & le fecours de Palgebre, les Modernes n'ont pas encore pu parvenir a la perfection des forces mouvames des Anciens. Qu'on fe rappelle la grandeur énorme des. obélifques. Tout 1'univers a retenti des préparatifs de Fontana pour dreffer un obéhfque fous le pontificat de Sixte V; tandis qu'on ne trouvé rien fur la .maniere dont les Anciens s'y prenoient pour les élever. De nos jours Zobagha nous a montré a Rome , combien la voie la plus naturelle & la plus facile eft préférable dans la méchanique a toutes les forces compüquées des roues & des poulies, quand ia nature des chofes ne 1'exige point. Cet homme admuable qui n'avoit jamais recu aucune inftruction, & qin méme ne favoit ni lire ni écrire, a inventé, par la feule force de fon génie, des machines qui ne paroiffent rien en elles-memes, mais dont les effets font furprenans, & avec lefquelles il a opéré des chofes qui étoicut reftées ■inconnues aux autres Architeóres.  sur l'Architecture". apr Comme le temple de Jupiter dont il eft ici queftion n'a pas été achevé; il eft arrivé qu'avec Je temps on a bati tout a cóté de ce temple des maifons, jufqu'a ce qu'enfin cet édifice en a été tout-a-fait entourré. Voila ce qu'il faut entendre par ce paftage de Diodore, dont perfonne, a ce que je crois, n'a compris le fens. Tu» «aauv, „• ji.tX(' ^"X"1 Jixi ƒ «jUowïtm» , it' xuxAaVi ris OiVoVt *£PiAa^a»t'ïTu». La tradudion latine du premier Comma eft : cum alii ad parietes ufque templa, educant. Mais il faut lire : «?? » ™ vt« , ce qu'on doit traduire : cum alü ad parietes ufque templi cedificiis fabricandis accederent. Dans le fecond Comma Henri Etienne & Rhodoman ont Ju, au lieu de KvxAmV», in circuitUy x'Wi, columnis. .Weifeling cherche a conferver ces deux mots , & croit qu'il faut lire : xvxa» xk