A /8   01 2426 6453 UB AMSTERDAM  LE VOYAGEUR DANS LES PAYS-B AS AUTRICHIENS, LETTRES fur 1'état a&uel de ces Pays. FeliX qui potuit reium cognofcere caufas! TOME QUATRIEM£ Première Portie. A AMSTERDAM, cbez Changuion, Libraite. On en ttouve: des tolaires chez JE. De Bel, ImpnmeutLibiaite, a Bruxelles. M. DCC. LXXXIIL   LE VOYAGEUR DANSLES PAYS-BAS AUTRICHIÉNS. LETTRE PREMIÈRE. Anvcrs, cc... Avril 1783. Il n'y a pas, Monneur,dans les PafsBas Autrichiens de prifons d'Etat; point de Baftille, de Donjon de Vincennes, de Chateau de Pierre ancife, de Chateau de Spandau, de Chateau de Louvenftem & de tour de Londres. Si le Prince y peut faire arrêter un Citoyen , il feut, pour quc faCaptivité foit durablc, que le mi-  4 Le Vota geur. niftre de la loi Fait prononcée, parcequc tout Citoyen ne ceffe jamais , dans les Pays-Bas Autrichiens, lors même qu'il eft Criminel, d'être fous la protection de la loi. C'eft la loi qui efl fon juge & le Souverain, auteur de la loi, n'exerce la puiffance exécutive contre la liberté de fon fujet que pour affurer 1'exécution de la loi. Cela eft ou dok être dans tous les Pays oü la loi, de quelque nature qu'elle foit, eft au-deflus du Souverain. En France même, 1'ufage de ce qu'on apelle Lettres de Cachet feroit contraire k la conftitution nationale, li Fon ceflbit de le confidérer comme un moyen d'affurer 1'exercice de la juftice. On a trompé les Souverains en France , quand on leur a dit qu'ils pouvoient priver un Citoyen de fa liberté pour autant de tems qu'ils le jugeroient a propos. On a queiquefois en France abufé de 1'ufage des Lettres de Cachet; mais quel eft le pays oü 1'on a toujours conftamment refpeélé le pouYoir de la loi ? Gro-  dans les Pats-Bas, 5 dus n'a-t-il pas été renfermé au Chateaa de Louvenftein ? n'a-t-on pas vu en Arrgleterre des Citoyens détenus a la tour de Londre par le feul pouvoir du Roi? je ne prétends pas juftifier 1'abus des Lettres de Cachet. J'ai vu dans ma jeuneffe le'Cardinal de Fleury en diitribuer 50000 dans une année: Pen ai vu plufieurs en blanc dans les porte-feuilles des intendans de province, mais fous Louis XVI , perfonne n'a vu ces excès de Fautorité Souveraine. Je ne dirai pas que 1'ufage desLettres de Cachet foit, ftriétement parlant, légitime; mais fi eet ufage peut dégénérer en abus, il peut auffi être utile a la tranquilité publrque , & fouvent même il 1'eft a celle des families. Telle Lettre de Cachet en vertu de laquelle Pon s'affure d'un fils de familie 5 conferve 1'honneur a cette familie que ce fils auroit deshonorée , fi on lui eut laiffé la liberté mais, dira-t-on, pourquoi fa familie n'at-elle pas , comme dans les Pays-Bas Autrichiens , imploré le pouvoir de la juftice A 3  6 L E V O T A G E L' R qui, en ordonnant 1'emprifonnemcnt du mauvais fujet, lui auroit oté le moyen de fe deshonnorer en deshonorant fes Parens ? cela fans doute feroit plus légal, mais cela auffi feroit plus public; & d'ailleurs tel jeune débauché qui a refté deux ou trois ans dans une prifon.d'Etat, ne peut-il pas reconnoitre fes erreurs & reparoitre dans le monde fansavoir a efiuyer aucun reproche ? Toute efpece d'emprifonnement quelconque ordonné par le juge , lors même qu'il n'eft qu'une correction , n'ïmprime-t-elle pas uneforte de note d'infamie dont il eft impoflible de ne pas rougir ? Je fgais que 1'ufage ne peut pas légi timer un abus; mais les Lettres de Cachet ne font abus que quand elles font données ïnjuftement, par humeur, par caprice fans nécéffitépour 1'Etat, fans motifpour le Souverain,par efprit de vengeance particuliere , par raifon d'intérêt perfonnel, & cela arrivé rarement quand le Souverain eft jufte, quand il ne fe taille pas gouverner par une maitreffe, par un favori, -  dans les Pats-Bas. 7 par un miniitre. Une Lettre de Cachet en France doit être iignée par le Souverain. & du tems que M. de Malsherbe étoit en place , elle ne Fétoit qu'après que les raifons qui la faifoient demander avoient été difcutées dans le Confeil du Roi. Je ne faisfi cela fe pratique encoreaujourd'hui, mais je fuis certain qu'il n'y a pas un des Miniftres de Notre bon Roi qui oferoit furprendre fa religion & lui faire figner une Lettre de Cachet qui feroit m- ^ Les pariemens en France fe font fou' vent élevés contre 1'abus des Lettres de Cachet, mais jamais ils n'ont contefté au Roi le pouvoir d'en faire ufage. La conftitution ne lui donne pas ce pouvoir, cela eft inconteftable , mais il le tient de Pufage & plus encore de la nécéffité. Un ' pays comme la France ne peut pas être ' gouverné comme le pouroit être un pays moins étendu. Otez a la France fa conftitution & donnezlm celle del'Angleterre & la France perdra une grande partie de A 4  8 — Le Voyagitjs. fa force. 1'On dit que nous avons en France des loix formelles qui obligent le Souverain a ne pas retenir un de fes fojets plus de 24 heures fans lui faire fon proces. Onciteuneloi de 1648 quiporte, que Von ne poura plus tenir aucun particulier en prifon plus de trois jours , fans Vinterroger; mais ne pouroit il pas arriver un trés grand mal pour 1'Etat, fi cette loi étoit.exécutée a 1'égard de certaines perfonnes. Un complot fecret s'eft formé contre 1'Etat, le Chef n'en eft pas encore connu ; on foupconne un de fes complices , on 1'arrête, le public 1'ignore; s'il le favoit, fon Chef s'évaderoit & le danger fubfifteroit. II y a des fautes qui, n'étant .pas des crimes, ne doivent pas exciter 1'animadverfion de la loi, mais il faut corriger celui qui a fait la faute, & c'eft ce que fait le Souverain en France quand il le privé pendant quelque tems de la liberté : il agit alors comme un bon pere de familie qui ne deshérite par fon rils qui  üans les Pats-Bas. 9 hri a masqué de refpeét & fe contente de le bannir pendant quelque tems de fa prëfence. L'on dit que la conftitution nationale répugne en France a 1'ufage des Lettres de Cachet, paree que la conftitution (a) dit , lés Francais Jeront juges les uns des autres arec leurs Princes* mais cette loi fondamentale . n'eft-elle-pas tombée en dëfuétude?oui,eïlè l'eft,& 1'ufage d'être jugé par plufiéürs Pa remplacée,' fans qu'aucune loi Pak dit. Une loi ■ fondamentale ne peut être changéë qoe par ccux qui Tont faite , c'eft a dire les fujets & le Princcs; mais ü le Prince déroge a cette lo & que fes fujets gardent le filence, cefilence eft un confentement tacite qui abroge la loi. C'eft le cas de Partiele de la Joyeufe Entrée du Brabant qui dcfend de mettre aucun bénéfice en commende. Philippes n. & le Pape ont mis en commende les Abbayes deSt.Bernard &d'Affii- ( a ") Pactuoi legis Salicsj, apud Baluae. AS  io Le Voyageur ghem', feces Abbayes font reftées en commende. Je fuis, kc.  DANS LES PAYS-BAS. II LETTRE IL a 1'Auteur du Voyageur. Anvcrsy cc... Avril 1783. Te viens de lire, Monfieur, le 3e. v. de votrè ouvrage : j'y ai vu avec peine quelques erreurs qui le déparent , fans cependant lui rieri oter de fon uülité. II y a nombre de chofes qu'il eft naturel que vous ignoriez ; mais ceux que vuüsconfultezfont impardonnables,quandils ne vous donnent pas des eclairciffemens exaéts fur les objets dont vous n a~ vez pas & ne pouvez pas même avoir une connoiffance parfaite. II eft vrai que nous avons été privés pendant quelque tems de 1'exemption du droit de thonlieu, maïs nous en jouiffons depuisle 10 x.bre 1767, ene ce droit qui faiibit partie du domaine de notre Souverain a été aliené a la ville d'Anvers du conjentement abfolu des trois A' 6  12 L E VoTAftETJR Etats du Duchc de Brabant, moyennant une fomroe de 600, 000 florins argent courant , qui ont été payés a S. M. la feue Imperatrice Reine, en deux payemens égaux favoir3oo, 000 comptant & 3co, 000 fix mois après. Au moycn Ju paycttent de cette fomme , aucune perfonne rcfidente & domiciliée d Anvers ne fut plus foumife a aucun thonlieu quchonque -dans tous les Ueux de la domhiation de S. M. dans les Pays-Bas , de même qne les marchandifes , denrées , meubles &c. achetcs d Anvers par quelques perfonne's que ce fiifcnt pour ctre tranfportés par eau ou par terre vers Bruxelles, Malines cu Louvain , pourvu qu'ils fujfcnt accompagnés d'un certificat qui conjlate que le vendeur efl bourgeois ou habitant franc de la ville d?'Anvers. Nos rafineries de fucre dont vous parlez pourroient mieux faire qu'elles ne font e^les vendroient auffi plus qu'elles ne vendent, fi elles fe contentoient d'un plus leger .bénéfice. Les droits d'entrée mis  DANS LES PjiYS-BAS. 13 fur les fucres rafinés qui viennent de Pëtranger étant confidérables, les rafineries Brabanconnes proportionnent le prix de leurs fucres a celui que fe vendcnt dans nos Provinccs les fucres hollandois. Nos fucres auroient même la préférence pour Pétranger, s'ils étoient moins chers. II p'aroit que la rafinerie qui s'eft établie a Charleroy prend une marche différente ; eÜp fe contente d'un bénéfice modique; ete aura la préférence peut-être fur les rafineries hollandoifes. Celles-ci ont pour efles le préjugé , le tems poura le faire difparoitre. Le deffus & le deflbus d'un tonneau de fucre qu'on tiré d'une raflnerie hollandoife eft beau , mais le milieu ne lui reffemble pas. II n'eft pas vrai que que les rafineries d'Anvers manquent de débouchés. Pour que cela fut, il faudroit qu'on ne confommat pas autant de fucre qu'on en confomme aujourd'hui, non feulement dans nos Provinces, mais même dans les Pays-Voifins. Que les Directeurs des rafineries d'Anvers aillent fe prome--  14 Le Votageüi ner fur le quai de Louvain, üs y verront expédier par tranfit plus de 300 , 000 pefant de fucre dansl'efpace de chaque mois. . Vous avez parlé plufieurs fois, Monfieur , des fabriques de pipes & vous croiez qu'on pouroit en faire a Louvain, a Anvers , ou au Ban d'Andenne d'auffi belles que celles qui fe fabriquent a Tergau; th bien, Mr. Knyf d'Anvers & un Negocknt de Tergau en veulent faire a Louvain 1'effai & ce fera le fuccès ou la chtite de cette entreprife qui décidera fi vous avez tort ou raifon. Faites venir de la fayance de Delft, 1'affiette ne vous coutera que deux fols, & cette affiette fera meilleure & plus belle que celle de la même qualité que vous acbeterez dans les fabriques du Brabant qui vous coutera cinq fols. N'y-a-t-il pas a Liege une' fabrique de fayance ; depuis fon établiiTement elle languit &languiratoujoursmalgré le droit d'entrée de 12 pour cent que les Etats de Liege viennent de mettre fur les fayances étrangeres. Ce font les eaux &  dans les PaYS-BaS. ïg Pair plus que 1'induftrie & la perfeétion de Pindruftrie de Pouvrier qui font le fuccès des fabriques de cette efpece. Ne vous fouvient-il pas que le Lord Bolenbrock emporta de France dans fa Patrie du fil prêt a être employé, des métiers, des outils & des ouvriers de St. Quentin & qu'il ne put jamais parvenir a faire fabriquer en Angleterre d'auffi belles Batiftes que celles qui fe fabriquoient a St. Quentin & a Cambrai ? M. Van-Daelen , Monfieur, a eu rai-" fon de vous dire que Verhaegen étoit un excellent Peintre; mais s'il vous eut écrit un peu plus tard , il vous auroit parlé H'un aflez beau tableau de Clevenberg qui vient d'être fait pour les Dominicains de Louvain : il repréfente Penfant Jefus dans le Temple au milieu des Docteurs : les têtes, les attitudes mêmes, les draperies & Parchitéture , tout eft imité de Verhaegen. L'enfant Jefus me plait davantage que fa mere. Parmi les Dofteurs on en yoit  16 Le Votagiür un avec des hmettcs , ce qui prouve comy bicn 1c Peintre eil inftruit.;- Le Cojumcrcc,]\Jonficur,dans nosProyinces ne manquera jamais d'encouragement C Page 256, T. 3 j de Ia part du Gouvernement mais du moins faut-il qu'on fafle connoitre au Gouvernement quels font Ie§ c-hangemens que le bien du Commerce exige que Pon falie. Les droits d'entrée & de fort ie , toutes les.fois qu'ils nuiront au Commerce , feront ou diminués ou fupprimés, foyez en fur. Notre Gouvernement n'eft pas auili Fifcal que vous paroiffez le croire. M. Bavay -de Malines a fait connoitre au Gouvernement combien les droits de fortie nuifoient a lafabrique de 1'amidon , & auffi-töt ces droits ont été fupprimés ; mais ce n'eft pas tant de la fuppreffion totale des droits de fortie & d'entrée que dépend la profperité du Commerce que 'de la maniere dont ces droits font percus. Les Bureaux des Douanes trop multipliés nuifent bien plus au Commerce dans nos Provinces que les droits  r dans les Pats-Bas. 17 qu'on y pereoit quelque forts qu/ils foient. L'effentiel eft que le Gouvernement foit toujours neutre entre la Douane & le Commerce & que même la faveur foit pour le Commerce. Quand cela n'eft pas les Douanes & le Commerce fe croifent & le Commerce n'a plus de liberté ; les prépofés des Douanes 1'inquietent, le troublent & ont un grand motif de le faire, celui d'être recompenfé des découvertes qu'ils feront. Tout fage Gouvernement dans 1'établiffement, & la diftribution des Douanes, doit prendre pour modele 1'Angleterre. En Angkterre, dit Montefquieu, oü les Douanes font en régie, il y a une facilité de négocier fingulkre :un mot d^écriture fait les plus grandes affaires; il ne fout point que le marchand perde un tems infini, & qu'il ait des Commis expres pour faire cejjèr toutes les difficulés des Fermiers^ ou pour s'y foumettre. Je fuis, &c.  iS L ï V O'.T A"G EUR. LETTRE III. Anvers ce... . 1783 Je compte , Monfieur, terminer demain ou après, demain mes courfes Pittorefques;celle d'aujourd'hui n'a pas été longue. Je ne me fuis arrêté que quelques inftans dans 1'églife des Minimes oü je n'ai vu que le feul--tableau du MaitreAutel qui méritat quelqu'attention : il a été peint par Lens directeur de PAca» démie de Deffin. Ce tableau repréfente la Purification de la Vierge. Les vitres du Cloitre peintes par A. Diepenbeke, offrent quarante trois Tableaux tranfparents dont les fujets font tirés de la vie de St. Frangois de Paul. La couleur y a Fair d'un lavis, mais dégradée de facon 'qu'on y appercoit les teinturcs locales & des mades qui forment des effets fans la marqueterie des couleurs éclatantes , entieres & prefque opactes.  dans lis Pats-Bas. 19' Tout eft bien compofé & deffiné avee correétion & fcrmété. Des Minimes j'allais chez les Cordelicrs. Au defius du portail de leur églife, on a placé un tableau d'un mérite médiocre peint par Jean Peeters; il repréfente le Bap terne de notre Sauveur. Le tableau du Maitre-Autel eft de Eyckens le vieux ; c'eft St. Jean prêchant dans le déferc: ce tableau eft bien peint fe a un bel effet. Ste. Helene qui tienc le bois précieux de la Croix & des Anges qui 1'acompagnent, ont été peints par Langhen-Jan: il a peint auffi dans le fond la découverte de la vraie Croix. Le tableau placé für • 1'Autel de la Chapelle de la Ste. Croix eft excellent : il eft bien compofé & d'une bonne couleur. Les payfages qui font placés fous les croifécs ont été peints par de Wit a 1'exception des figures qui Pont été par Goubau. Les Carmes déchauffes polfedent trois beaux tableaux de Rubens ; 1'un repréfente Ste. Anne qui montre a lire a la  tO L Z V O Y A G E V R. Vierge; St. Joachim eft derrière elle & des Anges placés dans le baut répandent des fleurs. Toutes les têtes de ce tableau font belles & très-belles; elles ont beaucoup de caraciere; tout eft bien deffiné, d'une belle couleur & d'un bel efFet. 1'Autre repréfente Jefus-Chrift qu'on vient de defcendre de la. Croix; il eft foutenu par St. Jean;'la Vierge lui baife le vifage & la Madelaine les- mains. J'ai vu peu de tableaux mieux deffinés; le fentiment y eft exprimé avec une vérité & une force étonnante. Tout eft du plus beau faire 9 de la plus belle couleur & a 1'efFet le plus piquant. La Vrierge & la Madelaine ne plaifent cependant pas a bien des connoiffeurs. Le 3e. repréfente Ste. Thérefe aux pieds de Jefus-Chrift qui lui apparoit. La Sainte demande a Jefus-Chrift la délivrance des ames du Purgatoire; & Pon vólt un Ange qui tire une de ces ames des fiammes & la porte dans le Cieh Ce tableau eft d'un deffin coulant, partout «lair & argentin; il a le plus bel effet;  DANS L»3 PAÏS-BAS. 2.1 mais c'eft fur-tout la beauté des têtes qui me 1'a fait le plus admirer. Si vous defirez connoitre ces trois tableaux, vous les trouverez gravés par Bolfwert & par conféquent dans Pceuvre de Rubens. L'Au•tel du Chosur qui eft grand & beau, eft décoré par un beau tableau de G. Seghers; il repréfente le mariage de la Vierge. C'eft une belle compofition qui a beaucoup de génie & de feu; les figures, plus grandes que nature, font correctes & agréables. Je crois ce tableau un des plus beaux qu'ait faits Seghers; celui oü il a repréfenté Ste. Thérefe mourante foutenue par un Ange , eft très-médiocre; il eft dur &: noir. Celui de Langhen-Jan qui repréfente Elie devant Ste. Thérefe, eft beau. II y -a de grandes finefles dans la couleur & dans le deffin, il eft bien dans la maniere de Van-Dyck, mais moins terminé. Je ne penfe par que J. E. Quellyn ait fait de meilleurs tableaux que les quatre de ce maitre qui font dans Ppglife des Carmes déchauflës.^rUn eft une adoration des  £2 L E V O Y A GEUR. Anges, Pautre une Afibmption, le 3e. une fuite en Egypte & le quatrieme la Circoncifion. Le tableau . de P. Tyfiens reffemble bien a ceux de Van-Dyk; il repréfente St. Jean de la Croix qui embrafle celle que tient le Seigneur; prés de lui font la Vierge & St. Jean; au-delfus eft une gloire ou Pon voit Dieu le pere, le St. Efprit & des Anges. Un Carme qui regoit le fcapulaire des mains de la Vierge, eft un bon tableau dont Pon ne m'a pas pu dire Pauteur. Les deux derniers tableaux que j'ai vus & examinés •dans cette églife, font deux payfages. Pun eft de Wit. Les figures font celles de Penfant Jefus, de la Vierge & de St. Jo* feph qui fuyent en Egypte; elles ont été peintes par Langhen-Jan. Tout ce tableau eft peint d'une belle maniere, large & facile. LWutre payfage a été peint en 1665 par Emelraet; il eft d'une belle fagon de faire & d'un grand eflet. Demain je vous rendrai compte de la vifite que je rendrai a Péglife des graads Carmes. Je fuis, &c  pans les Pats-Bas. 23 LETTRE IV. Anvers, ce:... 1783. jLorsque j'étois a Bruxelles, Monüeur, je vous fis part du projet qu'on y avoit congu dy former 1'établiffement d'une caiffe d'efcompte: on s'en occupe aujourd'hui férieufement, a ce que me mande Un de mes amis de cette ville. Le plan n'en eft pas encore formé, mais plufieurs riches capitaliftes s'en occupent. Cet établiffement plaira a 1'Empereur. Plufieurs commercans d'Anvers auxquels j'en ai parlé, m'ont tous paru defirer qu'il ait lieu. L'Etabliflement de cette caiffe favoriferoit beaucoup les grandes entreprifes de Commerce; il feroit d'une grande utilité pour le Commerce intérieur, d'un grand fecours pour le Commerce de détails , mais le plus grand bien qu'il feroit, feroit de délivrer les Pays-Bas Autrichiens du fieau des courtiers & des fous-courtiers  24 Ls Voïagiüs. de Pufiire. Mais pour que 1'établiffement de cette caiffe produife le bien qu'on peut en attendre, & ait cette folidité réelle qui lui obtienne la confiance tant au-dedans qu'au dehors, je penfe qu'il faut qu'il foit protégé par le Souverain, mais fans avoir aucun intérêt a la réuffite, & fur-tout fans qu'il fe mêle en aucune facon de ja geftion 'de cette caiffe. Cette geftion doit être entierement abandonnée aux aclionnaires ou a leurs prépofés ; elle doit être tout a fait indépendante de toute efpece d'adminiftration publique qui ne doit avoir fur elle aucune efpece de furveillance. Toutes les affaires contentieufes relatives a cette caiffe, doivent être de la compétence du tribunal du Commerce qui feul doit avoir fur elle une pleine & entiere jurifdiclion & même une jurifdiótion Souveraine. Quand les grandes entreprifes de Commerce font foumifes a la furveillance des commiflaires du Souverain, ce font ces commiffaires qui en dirigent toutes ks opérations, fou4 vent  dans LES PaYS-BaS. 25' vent d'après 1'intérêt particulier ou du Souverain ou de quelques-uns des Intéreffés; ceux-ci devienncnt les maitres abfolus de Pentreprife; ils en retirent tous les bénéfices, & Pentreprife cchoue au lieu de profperer, comme cela-auroit été, £ elle eut été conduite uniquement par les actionnaires. La compagnie des Indes de France n'a jamais profpéré, parccqu'elle n'a jamais été indépendante pour fes opératious de Fautorité fouveraine, parceque fes opérations ont été coneues & dirigées par les commiffaires du Souverain , enfin paree que le Souverain étoit intéreffé & créancier de cette compagnie. J'ai affifté quelquefois a fes affemblées ; j'y ai vu délibérér pour la forme, & toujours Pavis du commilfaire du Roi former le réfultat de la délibération. Toute les fois que dans une aiTemblée de commercans, il fe trouve un commilfaire du Souverain, il ne peut plus y avoir de liberté ; chacun a des intéréts particuliers a menager qui lui font facrifier PinTome IV Partie I. B  z6 Le Voyageur. térêt général, d'autant que la part qu'il a a celui-ci eft moius grande que Pavantage qu'il fe propofe de retirer de fa condefcendance pour le commiffaire du Souverain. Je fuis perfuadé, Monfieur, qu'une caiffe Des trois tableaux de 1'Églife des Dames de Vredcnberg ou mont de pieté , il n'y en a que deux qui' mérkent quelqu'attentionsülsont été peints par Kirckx. *j ■ D 3  78 Li V0TA6ÏCI darts Ia maniere de G. Crayer; 1'un eft St. Auguftin appuyé fur un Autel tenant vm livre, & plus bas St. Dominique & St. Bernard; 1'antre St. Auguftin infpiré du St. Efprit. On voit un Angc qui terralfe Fhéréfic. Le troifieme tableau eft une aflbmption; je n'ai pas pris la peine de demander le nom de fon auteur. Lierre a produit un Poëte qui étoit auffi notaire ; il a laiffé , fi ce n'eft a la poftéJité, du moins a fon Pays, une vie écrite en vers flamands, des Peintres, Sculpteurs, arebitectes- & graveurs. On voit fon épitaphe exécutée en marbre dans 1'églife de St. Gommare. Ce Poëte fe nomïnoit Cornille De Bie ; fon pere étoit Peintre. Le mauvais tems & ce qu'on m'a dit des autres petites villes du quartier d'Anvers , m'ont fait abandonner le projet d'y aller que j'avois formé en venant ici. Herentals eft la 2e. ville de ce quartier; elle eft fituée fur la petite Nethe a 3 lieues 4e Lierre & 6 d'Anvers; elle a été ba-  dans les Pats-Bas. 79 • tic & érigéeen vilie en 1209 par le Duev , de Brabant, Henri IV,qui s'en réferva Sc i a fes fucceffeurs la haute juftice. Son quatier contient 18 villages : cette ville ne mé-< mte pas, me dit-on,a aucun égard que : vous y alliez ; encore moins devez vous fai, re le voyage de Booghftraet; elle n'eft pas imême entourée de murailtes; elle a été ba-itie trois ans après Herentals :fon quartier renferme ia villages ... & Turnhout ceft la 3e. ville du\ [quartier d"1Anvers : elle a été batie vers Van nja : fon qua-, tier renferme i^lvillages.. Je fuis &c... D 4  §0 Lï VoYAftïU*. LETTRE XI. Malines ce ... Avril 1783. En quittant Lierre, je comptois, Monfieur , retourner a Anvers; & de la 4 Bruxelles pour pafler enfuite a Gand ; mais 1'on m'a fait obferver que quoi» 1ue la^feigneurie de Malines ne falie plus comme anciennement partie du Brabant, elle y tenoit encore de fi prés par fon commerce, méme par les mceurs de fes habitans & furtout par les relations qu'elle avoit avec le Brabant, qu'il convenoit ïnieux que j'alafle yifiter cette petite pro-, vince que de paffer en Flandre qui, par: fon étendue & la grande quantité de fes; villes, m'occur-eroit plufieurs mois. Le domaine directe du Pays qui for~ me aujourd'hui la ïeigneurie de Malines,, a appartenu a Pepin le Bref, Roi de: France. Pour le prouver, je ne ferai 'ni. un gros Yol. in folio, ni même la plus;  dans lés Pays-Bas. 8x - petite differtation académique , encore moins irais-je chcrcher dans les anciens ■ Chroniqueurs qu'on a nommés Hifto- riens, quels etoient les grands fervice» qu'un certain Adon avoit rendus a Pepin 9 fon parent, & qui engagerent ce Prince ; a le nommer, en 753 , Comte du Pays -: qui forme aujourd'hui la Seigneurie de : Malines. Cet Adon fe fixa / dit-on 5 fur la rive gauchc de la Dyle , & prés de fa i demeure, il fe forma un Village que le tems a métamorphofé en une Ville qu'on. 1 a appellée Malines. Charles le fïmple céda tout le terri-toire de Malines a 1'églife de Liege,;. L'églife de Liege en fit une avoüerie i qu'elle cohfia aux Berthout, Seigneurs de t Grimberghe : un d'eux dans la fuite chan-' gea fon titre d'avoué en celui de Seig- • neur de Malines que fes defcendans con-\ ferverent jufqu'au 14X fiecle qu'ils ce- derent la moitié de la Seigneurie de Mali- nes au Duc de Brabant} Jean II. qui 3 , epouvanté des foudres du. Vatican , refk-  82 Lï VOYAGÉTJK. titua a Péglife de Liege Malines & fonterritoire. Les Berthout alors renoncerent a la jurifdiction qu'ils exercerent dans Malines , & confentirent a ténir les tcrres qu'ils poffedoient dans le territoire de cette Ville a titre de Fief fujet a hommage. L'Évêque de Liege vendit enfuite au Comte de Hainaut & de Hollande la Ville de Malines, mais fans effet, paree que le Duc de Brabant s'y oppofa. II en fut encore de même de la vente que firent en 1333 1'Évêque & le Chapitre de Liege', de Malines & de fon territoire au Comte de Flandres. Le roi de France s'étant porté médiateur entre le Comte de Flandres & le Duc de Brabant, s'empara a titre de fequeftre de la ville de Malines. Les parties s'accorderent, & convinrent en 1336 de pofleder Malines & fon territoire en commun, & d'en partagcr le revenu. Cela dura juf. qu'cn 1346 que le Comte de Flandres céda au Duc de Brabant, moyennant une fomme d'argent , la moitié de Malineg  dans les Pays-Bas. 83 & dc fon "territoire qui "lui appartenoitA la mort du Duc de Brabant, la Seigneurie dc Malines revint au Comte de Flandres dont la ifflej fon unique héri* ritiere s'étant mariée a Philippe le hardi, Duc de Bourgogne , lui porta en dot cette Seigneurie qui, avec tous les biens de la maifon de Bourgogne, palfa dans celle d'Autriche. Alors la Seigneurie de Malines,: qui ne contenoit que neuf viU lages , formoit une Province particuliere , tout-a-fait diftinóte & féparée des au* tres Provinces, qui appartenoient dans les Pays - Bas, a la maifon de Bourgogne; Cette féparation s'étoit operée fous le regne de Philippes le Bon. La Seigneurie de Malines, enclavée comme elle feit, dans le Brabant & d'une auffi petite étendue qu'elle F eft , auroit dü être incorporée au Brabant, pour ne faire avec lui qu'une feule & même Province. Je ne vois pas quel a été le motif de Philippes le Bon pour ne pas faire cette incorporation II y auroit aujourd'hui de très-grands D 6  ?4 Le Voyage u r inconvéniens , tanc pour le Brabant que pour la Seigneurie de Malines , a faire cette incorporation , qui, par fa coutume, fes ufages & fes privileges, tient plus a la Flandre qu'au Brabant. Les Brabaneons ne peuvent pofleder a Malines certains emplois, comme les Malinois ne peuvent en pofieder en Brabant. La même exclufion réciproque fubfute entre les Flamands & les Brabaneons. C'eft un refte d'ufage gothique qui pouvoit être tolérable lorfque ces Provinces appartenoient a differens Souverains; mais a préfent que cela ne fubliite plus, pourquoi ne pas, d'un commun accord , fupprimer cette exclufion réciproque ? II me paroit qu'il y a un obftacle invincible qui s'oppofe a ce que la Seigneurie de Malines foit réunie au Brabant; c'eft: Fexiftcnce du Confeil fouverain de Brabant qui cefleroit de 1'être, puifqu'il y auroit dans la même Province un autre Confeil fouverain & qu'il faudroit fuprimer 1'un eu 1'autre, ce qui, peut être, fouifriroit  dans les Pays-Bas. 85 des difficultés. Les privüeges dont jouiffent les habitans des deux Provinces pouroient fe heurtcr. Chacune de ces deux Provinces ont des ufages qui lui font particuuers; il faudroit, pour ainfidire, refondre leur conftitution nationale ; celle de la Seigneurie de Malines n'eft pas la même que celle du Brabant. Le Brabant a un paéte qu'on nomme, comme je vous Paï dit, la Joyeufe Entree & la Seigneurie de Malines n'en a pas. Cette réunion ne produiroit aucun avantage ni pour 1 un ni pour 1'autre ; leurs charges feroient les mêmes. L'on m'avoit dit, lorfque j etois abruxelles, que de toutes les Provinces, celle de Malines étoit la moins chargee: un homme inftruit, que je veis iuuvent depuis que je fuis ici, & qui connoit parfaitement le pays , m'a affuré que la Seigneurie de Malincs payoit tout ce qu elle pouvoit payer ; que fi elle .payoit plus, elle feroit rümée. Ce n'eflpas, me difoit. lUla quantité des terres, ni même leurs produZions, qu'on doit confidérer pour r#  S6 Le Votagêue. gier l'étendue de Pimpót , mais les débouchés de ces produclions, parceque ce font leurs débouchés qui leur donnent de la valeur & ce font précifément ces débouchés qui nous manquent. Les terres de Flandre font trois fois plus chargées que les noties , mais leurs produaions ont nombre de débouchés, que celles des notres n'ont pasSi nos cultivateurspaycnt moins pour leurs terres, ils payent d'un autre cóté des droits d'accifes dont aucun d'eux n'eft exempt. La Seigneurie dc Malines a été érigée cn Coffité par 1'EmpereurFréderic en 1490, cepcndant PEmpereur ne prend point dans fes titrcs, celui de Comte de Malines: ii y eft qualifié de Seigneur de Malines. 3 La Pe«te Province de Malines eft compofée de trois parties qui , quoique Üées entr'elles, font tout-ü-fait diftindes; Pune eft la ville de Malines, Pautre fon dit triét. qui comprend cinq Villages a clocher & fix Hameaux, & ]a troifieme fon reifort, confiftant dans les villages d'Eyft & de GhefteL , Le diftriét eftfoumis im.  Dans lés Pays-Bas, 8? WêMdmlxiï au Magiftrat de Mahnes , qui leve dans toutc l'étendue du diitrict les mêmes accifes qui fe perooivent dans la' Ville , excepté que celles levées dans le- diftriét font moins fortes que celles qm fe- perooivent dans "la Ville. Cette modération eft favorabl-e a la culture de Malines ; auffi le diftriét de Malines n'a-t-il pas de 'quote détenninée- dans ce qu'on homme le Subfide ordinaire , qui eft de oóono fi. chaque année , dont le reffort Mfh 1800 fiV; mais le diftriét contribue dans le Subfide" extraordinaire de 12000 fl. Lacontribution de'la Ville dans le Süb» fide extraordinaire eft de huit aaes., celle du diftria- de ncuf 22es. & celle du reffort de cinq «es. Dans la meme pro, portion la Province paye encore 4500 ib pour 1'entretien de la Cour , amfi c eft £2*oo fl.' que la petite Province de Ma* lincs fournit tous les ans au Souveraxm La demande que fait le Commiffaire du Souverain eft bien plus forte; elle eft de 80000 fl.pour le Subfide ordinaire & de 30000 tt,  88 Li Voyagëtjr. pour le Subfide extraordinaire. Le Magiftrat en envoie aufli-töt une copie aux Officiers de la Juftice d'Eyft qui , après avoir entendus les Officiers de la Juftice de G heitel , envoyent la réfolution au jour fixé par le Magiftrat dc Malines. Pour le diftriét, c'eft 1'ancien des communs Maitres qui convoque une affcmblée des principaux Adhérités & des Jurés, a laquelle il fe trouve avec un des Penfionnaires de la Ville qui y lit les inftruétions du Commiffaire du Souverain, après quoi Pon délibere & Pon prend une réfolution a la pluralité des voix qui, prefque toujours, eft conforme aux intentions du Sou-, verain. Le confentement de la Ville fe forme par le large Confeil, compofé du Magiftrat & des Doyens des dix-fept grands métiers qui font ceux des Braffeurs, Bouchers, PohTonniers, Batéliers, Meuniers , Boulangers, Tonneliers, Graiffiers., Drapiers , Tondeurs , Teinturiers , Tanneurs, Maeons, Charpentiers, Tailleurs, Cordonniers, Maréehaux.'  dans lts Pays-Bas. 89 ,Le Souverain a dans la petite Provin-» ce de Malines dés parties dc Domaine affez confidérables dont les rëvenus fe percoivent par un Confeiller Receveur général, réfidant a Malines ,• qui rend fes Comptes-a la.Chambre desComptes a Bruxeiics. Les revcnus des Domaines que per9oit ce Receveur général n'a rien de commun avec celui percu par le Receveur gé' néral du Pays de Malines ou' du Pays ' d'Arckel. Le Receveur général qui réfidp " a Malines & FEcoutette regoivent les 'Comptes ' annuels de PAminifiration de la Ville, auxquels fe joint quelquefois un Auditeur de la Chambredes Comptes de Bruxelles.' Je luis, &c,  90 . LETTRE XII. Malines, ce Avril 1783. Si Malines, Monfieur , n'eft pas une grande ville , elle eft certainement une des plus jolies villes des Pays-Bas-Autrichiens; fituée dans une plaine, laDyle qui la traverfe & s'y partage en plufieurs branches, en fait un fejour trésfa'in & trés agréable. Un grand nombre dé fes rues font grandes, larges & bien baties: elles ne font pas défertes comme celles d'Anvers, ni falies comme celles de Bruxelles & de Louvain : il n'y regne point ce filcnce fepulchrale qui rend le fejour d'Anvers fi trifte, fi lugubre. La grande propreté qui regne a Malines la fait beaucoup reflernbler aux villes d'hollande & lui a fait donncr le furnom de nette: la valeur de fes habitans lui a mérité en 1200 celui de belliqneu fe-: on lui a encore donné celui d'neureufe en 1450,8 eau-  dans les Pays-Bas. 91 ie du Jubilé que le Pape Nicolas V lui avoit accordé ; on Pa furnommée la prudente lorfque Charles le Hardi y établit un Parlement. Si ces détails minutieux ne faifoient pas connoitre les mceurs de* peuples de ce tems, je ne vous en parleroispas.On compte a Malines environ aoooo habitans. On entre dans cette ville par buit portes: elle eft a quatre lieues de Bruxelles, d'Anvers & de Louvain avec lefquelles elle communiqué par une chauffée & en outre avec Louvain par un Canal. Je ne veux pas aller fur les brifées des erudits; je ne ferai aucune recherche fur Porigine du mot Malines en flamand Machekn ou Mcchckn. La crainte de Pennui m'empechera même de lire ce qu'on en a déja écrit. Le Gouvernement de Malines eft mtu. nucipal; fon Magiftrat eft compofé d'un Ecoutette , dc deux Bourguemeftres nommés communément communie. Mecflers, de la échevins, de deux maitre de policc, de deux Tréforicrs, de deux Greffiers , de  9* Le VoïAflïua deux Secrétaires , d'un receveur & de deux Confeillers penfionnaires,' ,L'Ecoutette eft Fofficicr du Prince qui le nomrrie ; il eft a vie & le premier Magiftat du Corps de ville a la tête duquel il marche dans les cérémonies publiques ; mais cc n'eft pas lui qui porte la.. parole; c'eft lui qui, au nom du Prince, requiert la pourfuite des crimes , fait arrcter ceux qui les ont commis& fait mettre a exécution les fentences prononcéss contre eux. Les caufes qui concernent les ouvriers en laine & tifferands, font en prcr .miere inftance de la competance des Doyens i & jurés des corps dc métiers fabriquant étpfles de laine k toilles.' .Des 12 échevins, fix doivent être 1 d'extraélion Bourgeoife ■, les fix autres; font pris dans les corps & métiers : ils i font avec les Bourguemeftres les reprér • fentans du pcuple k comme le font les s États dans les autres Provinces; en conféquencc ils doivent veiller a la confer». vation des privileges de la ville & de tous *  dans les Pays-Bas. 9S les habitans de la Seigneurie, mais' les chefs ou Doyens des dix fept corps des métiers principaux doivent y concourir avec eux , & -c'eft pour cela que 'ces chefs ont le droit d'entrér dans le Confeil que Pon nomme Confeil large , & d'y donner leurs futfrages; c'eft le Magiftrat qui, fuivant les occurrences , convoque ces Doyens pour former avec lui ce confeil large.' Les Bourguemeftres & échevins de Ma- . Koes font Juges civils , criminels & de police pour tous les habitans de la ville & de fon diftriét: comme Juges civils & de police, ils ju gent a la charge de 1'apel au grand Confeil : en matiere criminelle , ils jugent au Souverain ; le reffort appelle en matiere civile au Magiftrat' de Malines ; quant au criminel & k la police du reffort cela eft confté a' PEcoutetté, aux Bourguemeftres &; échevins d'Eyft. • 'La jurifdiétion du Magiftrat de la vil* lê de Maliries s'étend fur toute la ville , diftriét Sc reffort de cette province,  94 Le Voyageur. Ce qu'on nomme le diftriét,, comprend cinq villages & fix hameaux ; le reffort eft la Seigneurie d'Eyft Op den Berg. On appelle de la juftice d'Eyft au Magiftrat de Malines dont les fentences s'exécutent en donnant caution fuffifante nonobftant qu'on les attaque en révifion au grand Confeil.' Le Tribunal de la ville pour toutes les affaires contcntieufes eft compofé des 12 échevins , des deux Confeillers penfionnaires & de deux Secrétaires. Les quatre derniers n'ont pas voix délibérative , ils n'ont que la voix confultative , ainfi que dans les affaires d'Adminiftration. Les affaires d'Adminiftration fe traitent dans les affemblées de police qui fe tiennent une fois toutes les femaines. Ces affemblées font compofécs de tout le corps des Officiers municipaux. Les deux Confeillers penftonnaires font rapporteurs alternativement dans tous les procés civils, mais je fecond eft feul chargé du rapport des procés criminels.  DANS les P a,y S-BaS. 95 , Les affaires fommaires dont 1'objet • tfexcede. pas trois florins-, > font de la compétence des Bourguemeftres. On plaide devant eux & ces procés ne s'inftruifent pas par écrit. Si 1'objet de la conteftation eft de plus que de trois florins, les parties font fondées a demander leur renvoy, devant les échevins.1 L'Ecoutette, avec 1'agrément de deux :; échevins peut , en cas d'abfence ou de maladie , nommer un Lieutenant pour exercer fes fonétions. Suivant la coutume, 1'Ecoutette & les échevins doivent tenir tribunal au moins une fois par femaine. Quand 1'Ecoutette fait, arrêter un Citoyen & le conftitue prifonnier , ce prifonnier doit être conduit devant les échevins dans les trois jours de fon arrêt. Ce prifonnier a trois jours pour répondre, k, s'il n'eft pas trouvé coupable de crime capital, il peut-être elargi par ordre du Magiftrat, mais en donnant caution de fatisfaire au jugement qui fera enfuir te porté conwe lui * $'ü en écboit un.  f6 Li- .Votagbuh L'Ecoutette peut conclure a peine capitale comme , a mé fimple peine pecuniaire, mais il ne peut'ordonner FEmprifonnement d'un Bourgeois fans 1c- confen temen t des Bourguemeftres ni le retenir prifonnier plus longtcms qu'ils ne le veulent. Les Bourguemeftres ne doivent donner leur conientemënt qu^après' avoir préalablement infórmé : de:-la 'vérité de Faccufation. ! L'Ecoutétte ne doitpas accordcr de-fauf conduit a Faccufé fans'le confentement de Faccufateur , & fi celui-ci ■ ne Feut pas fournir les preuves de fon accufation, la coutume le' condamne a une amende de quatre florins, en outre des dommages & intéréts de Faccufé a Farbitragé d'bs écheTins. Si Faccufé de crime a fur lui de 1'or monnoyé, lorfque 1'Ecoutette s'en faifit, eet or appartient a 1'Ecoutette , St fi c'elt de Fargent, 'eet argent appartient aux officiers de PEcoutette, faut cependant la réclamatiou des créanciers du criminéL - . Suivant  dans iïs Pays-Bas. 97 Suivant la coutume de Malines, le juge ne peut accorder au débiteur plus de fix femaines de délai, fans fe mcttre dans le cas de payer lui même la dette. Quieonque eft ajourné doit comparoitre ; s'il ne comparoit pas, on prononce la condamnation & on 1'ajourne de nouveau ; s'il ne comparoit pas encore, on le condamne aux frais , & quand il y a lieu a preuves , la coutume de Malines n'accorde que fix femaines pour les faire , 15 ;jours pour y répondre & 15 autres jours pour les confirmer, il feroit a fouhaiter :que cela fut par-tout de même, L'Ecoutette & fes officiers ne peuvent ientrer dans.la maifon d'un Bourgeois , fi :ce n'eft de fon confentement, fi ce n'eft :en la préfence d'un des Bourguemeftres &c, ide deux échevins. La Coutume condamne tout voleur è;être pendu , a moins, qu'a raifon du peu Id'importance de 1'objet ,'lejuge ne trouve a propos delui infliger une moindre peine; elie ftatue auffi diiférentes peines pecuniai»' Tomé.IV Partk II. E  pg L E VoYAGETJR. res pour ceux qui fe battent ou bleifent les autres. Quiconque vit publiquement en adultere a Malines, encourre une amende de 5 efcalins par jour & peut être en ■öutre condamné a une peine corporelle a= Parbi trage du juge. Je doute que cette dif.pofition dc la coutume foit fuivie. LesSouverainsont accordé dans'différens tems plufieurs beaux privileges aux habitans de Malines.1 Le Duc Jean II leur" -oétroya Fétape de Pavoine, du fel & du poiffon qu'il ota aux Anverfois. En re-. connoiCance des ferviccs que les Malinois lui avoient rendus au ficge dc Neufs, en 1475, le Duc Charles de Bourgogne leur ..accorda nombre d'immunités;il les exemp:ta des impöts& de tous droits de Douane, hormis de ceux qui fe payoient a Gra■velines pour les marchandifes d'Angleter-re qui y abordoient, mais Maximilien les en aflranchit en 1489 , ce qui fut enïuite confirmé.&ratifiépar Philippes le Bel. , Les habitans de la Seigneurie de Malines iouiilcnt de tous les mèmes droits &  dans les Pays-Bas. 99 prérogatives que les habitans des autres Provinces; ils ne peuvent être impofés , que de leur confentement ; on ne peut les traduire en Juftice que devant leurs Juges naturels , & par conféquent ils ne peuvent être cités devant aucun Tribunal hors de leur Province , fur-tout devant ceux du Pape. Lors deL'Inauguration du Souverain , les Députés de la Ville de Malines prêtent ferment de fidelité entre les mains du Souverain ou entre celles' de celui qui le repréfente, & ces mcm.es Députés recoivent celui que le Souverain fait de les gpuverncr comme bon & féal Seigneur, & de les maintenir dans 1'entiere & pleine jouiifance de leurs droits, privileges. & coutumes. Les habitans de Malines jouiffent, comme ceux de Bruxelles, de 1'exempdu droit de Thol.' L'étranger qui époufe une fille ou une veuve Bourgeoife de Malines, acquiert la Bourgeoific & ne la perd pas même après la mort de fa femme. L'étranger qui veut acquerir le droit de Bourgeoifie, paie cent E 2  ïoö Le Voyageur florins a la caiffe de la Ville, & y pre-te ferment. Le Bourgeois qui a familie perd fon droit de Bourgeoifie & fa maitrife s'il va s'établir ailleurs ; mais il ne perd ni 1'un ni 1'autre , s'il quitte la Ville pour fe marier ailleurs. On peut fans perdre fon droit de Bourgeoifie habiter hors de la Ville & faire valoir fon bien a la campagne. Les enfans de la femme d'un étranger qui eft Bourgeoife de Malines, font Bourgeois fi, après la mort de fon mari, leur mere revient habiter Malines. Pour attirer chez eux les étrangers, les Magiftrats de la Ville de Malines accordent a tous les étrangers qui viennent s'y établir & qui -n'y font point le commerce de détail, 1'exemption de plufieurs droits que payent les habitans fur les objets de leur confommation. II y a dans cette Ville cinq Compagnies Bourgcoifes qu'on -nomme- Sermens, qui chacune a a fa tête un Gentilhomme. Ces Compagnies font aux ordres du Magiftrat de la' Ville : clles ont donné ar>  dans les Pats-Bas. ioi ciennement dans plufieurs occafions des pfeuves de la plus grande valeur : en cas d'incendie ou d'émeute , elles prennent les armes , & quand il n'y a pas de garnifon , elles montent régulierement la garde. On m'a dit qu'on alloit les décharger de cette efpece de corvée, & qu'on fubftitueroit a leur place pour la garde de la Police de la Ville un certain nombre d'archers de la Compagnie du Prévöt de 1'Hötel de S. Majefté a Bruxelles. Je fuis, &c. E 3  102 Le Voyageur. ;L E T T R E XIII. Malines, ce Avril 1783. Je mc fuis trompé, Monficur, lorfque je vous ai mandé dans une dc mes préeédentes lettres que M. Romberg avoit eu a fa folde, pendant la guerre, dix mille matelots; d'après de nouvelles informations que j'ai prifes, ce nombre fe réduit a deux mille. Pendant les annécs 1781 & 1782 , M. Romberg a eu en mer a lui appartenant cent vaifleaux, dont il dirigeoit feul la marche en même tems que fa maifon d'Oftende & celle qu'il avoit auffi établie a Gand,en avoient encore un grand nombre qu'elles employoient a leurs opérations: dans 1'année 1780, il a armé dans nos ports du Havre & de La Rochclle plufieurs navirès pour la traite des Ncgres. Le premier navire qui eft parti du port d'Oftende pour les cótes d'Afrique, y a été armé par M. Romberg: il fe nommoit la Made Antoinette : il étoit  banS' les Pats-Bas. 103 pour 290 Negres. En 1782 M. Romberg a encore armé dix autres navires Negriers du port de 5000 Negres. II eft bien étonnant qu'un,. hommc puiffe diriger tous les .mouvemens d'une auffi grande machine que celle que M. Romberg a montée. ■ II n'y a pas un pays , pas même une Ville avec lcquel il ne foit en liaifon „d'arTaires. Quelle doit être la reconnaiffance des vrais patriotes des Pays-Bas Au* -trichiens [/Si M. Romberg a des ennemis & que ce foit Tenvie ou la jaloufie qüi les lui donne, je fuis perfuadé qu'il -n'y en a aucun d'eux qui ofe 1'avouer, C'eft un devoir de fervir fon Pays, mais l'étranger qui eft utilc a celui qu'il habite par choix & de préférence au fien , doit être 1'objet de 1'amour de tous les .vrais patriotes; il a droit de prétendre a la plus grande conudération & elle doit être d'autant plus grande ' qu'elle eft purement perfonnelle. M. Romberg va former des liaifons de commerce trés étroites avec les fuiets de la république des ÉtatsE 4  fÖ4 Lï VOYAGtUK Unis; il aura, a ce qu'on me mande de Bruxelles, une maifon a la Caroline & une a la Virginie. Une familie entiere d'Anvers va auifi , m'a-t-on dit ce matin, fe tranfporter a Philadelphie & y former un établilfement de commerce. Cette familie eft plus qu'aifée ; quand elle ne le feroit pas, elle ne tardera pas a le devenir & même a acquerir de grandes, richeffes, li ceux qui la compofent ont les qualités & les talens qui carao térifent le véritable. commercant. L'effet de rétablilTement de cette maifon ainfi que de celles de M. Romberg, fera de faciliter aux autres maifons de commerce des Pays-Bas Autrichiens les opérations qu'elles voudront faire en Amélique. Je penfe & j'ai toujours penfé que les principales fpéculations des commercans du Brabant & de la Flandre, doivent a 1'avenir fe diriger vers cette partie du monde. TOus les y engagc, 1'intérêt de leur patrie & le leur perfonnel. Ce commerce les enrichira, en même  dans 'les Pays-Bas. 105 téms qu'il fera refter dans leur Pays une' partie du numeraire qui en fort préfentement tous les ans pour payer a }a France, a 1'Angleterre & a la Hollande ,lcs produélions de 1'Amerique que fes habitans confomment, tels que le Sucre, le Carfé &c. La maifon Anverfoife de Philadelphie & celles de M. Romberg de la Caroline & de la Virginie leur en enveront en retour des produélions d'Europe k ce feront ces mêmes produétions qui ferviront auffi a payer aux cultivatcurs des liles , ces Sucres , Caffés &c; mais pour que le Commerce des Pays-Bas avec L'Amérique , devienne floriffant, il faut i'encouragcr &.le proteger : .il le fera non feulement par le Souverain qui en connoit toute Pimportance, mais encore par ceux aux foins defquels ce Commerce eft fpécialement confie : les encouragemens qu'on peut donner a ce commerce ne peuvent être trop grands; ils font de differentes efpeces , & dans le choix les intéréts du Souverain ne doiE 5  ioó Le Voyage ur. vent pas être confidérés. Le Souverain pouroit accorder Pexemption de toute efpece de droits aux produélions etrangeres qui entreroient dans la cargaifon d'un vaiil'eau deltiné pour L'Amérique , tels, par exemple, les vins, les eaux-de-vie, en même tems qu'il accorderoit une Prime pour toutes les produélions des Pays-Bas- Autrichiens qui en fortiroient pour être envoyées aux Américains. 11 eft aifé de fentir combien cette prime encourageroit 1'induftrie des fujets, furtout fi le Souverain exemptoit de tous Droits toutes les matieres premières indiftiniflement qu'emploient les manufaélurit rs : quand ceux ci feront aflurés du débit de leurs étoffes , ils furmontront les plus grands obftacles; leur induftrie fe f erfeótionncra, leur aélivité augmentera. L'homme eft toujours induftrieux, actif & laborieux, quand il eft alïuré de recueilhr le fruit dc fon travail: il ceffe de 1'être toute les fois qu'il n'en a pas Pefpérance. Dans tous les pays ou. il n'y a  dans les Pats-Bas. 107 pas de commerce, 1'homme ne travaillc que pour fe procurer la fubfiftance & refte dans l'inaction tout le items qu'il n'employe pas a fe 1'affurer. Voiez L'indien incivilifé qui n'a que des bëfoins phiftques; fon ame eft fans reffort, fon ef; prit fans aóïion ; le peu de peine qu'il I faut qu'il prenne pour fatisfaire fes be! foins , laiffe fon imagination dans ■ une : inaction continuelle : comparez lui L'inidien civilifé, le Chinois par exemple,. 1 c'eft un homme aclif, induftricux, la1 borieux; il eft continuellement en aétion , iparceque fon commerce intérieur eft trés' ; aétif & que fon Commerce extérieur eft 1 trés étendu : celui-ci cependant 1'èft ifurement moins que celui des Européens iqui font le Commerce des quatre parties idu monde, tandis que les Chinois ne font lleur Commerce extérieur que par 1'entreimife des Européens. Le Commerce des Européens ne feroit (certainement par ce qu'il eft aujourd'hui, is'ils n'euffent pas fait la découverte du E 6 *  108 Le Voyageur nouveau monde. Je regarde cette découverte comme un evenement trés heureux ? & je fuis bien eloigné de penfer comme vous, Monfieur, qu'il auroit été plus avantageux a 1'Europe de ne pas connoitre 1'exiftance d'un nouveau monde; fi fa découverte a multiplié les befoins des Européens , elle a auffi augmenté la fomme de leurs jouiffanccs : pour fe les procurer, les Européens font devenus actifs, laborieux,& furtout induftrieux : la découverte.du nouveau monde les a arrachés a cette efpece d'indolence dont ils ne fortoient que pour s'entre-gorger, & y revenir enfuite pour fe livrcr a la crapule. Si 1'Europe avoit alors des-arts, combien leur état étoit il différent de celui oü ils eft aujourd'hui! combien ne fe font-ils pas multipliés & perfeéiionnés! toutes les fciences au commencement du 16e. ficcle ctoient encore au berceau. La découverte du Nouveau Monde a rapproché, pour ainfi. dire, les unes des autres les quatre partics du Monde; elle a lié a 1'Europe,  dans les Pays-Bas. 109 pour me fervir des termes de Montefquieu, PAfie, FAfrique & PAmérique: elle a rendu propres a tous les Pays , les produétions de tous les climats ; elle a produit un frottement d'idées continuel entre tous les hav bitans du Globe, dont 1'effet a été la perfeclion des arts, Paugmentation des connoiffances. Le Commerce , forti de Pétat de foibleffe ou il étoit , n'a plus été un foible arbriffeau-que courboit le moindre vent; il eft devenu un arbre fort & vigoureux dont la cime touche aux Cieux & les racines aux enfers, & dont les branches s'étendent fur tout le Globe. Les mceurs grofüeres & prefque féroces des habitans del'Europe, avant la découverte de PAmérique , ont difparu ; ne vivant plus ifolés , ils ont connu nombre de plaifirs qu'ils ne connoiffoient pas auparavant, & qui ont produits par les liaifons qu'ils ont les uns avec les autres & que le commerce a formées entr'eux. Si Pon n'eut par découvertPAmérique, Pinduftrie Européenne ne feroit par ce  iio Le Votageur. qu'elle eft aujourd'hui. L'Amérique lui a fourni nombre de matieres premières qui ont acquis dans les manufaétures Européens une valeur bien plus confidérable que la valeur intrinfeque qu'elles avoient auparavant; mais fans le concours du Commerce , cette efpece de miracle ne s'opereroit pas. Les matieres premières auroient changé de forme , mais leur valeur ne feroit pas différente de ce qu'elle etoit avant que d'être manufaéturée. Pour bien apprécicr les obligations que les focietés politiques ont au Commerce, il faut confidérer le Commerce dans tous fes rapports: ces rapports font infinis. Le vulgaire n'en juge pas ainfi ; il le voit relativement a 1'individu qui le fait, & quelquefois auffi relativement au Pays oü il fe fait. Le Commerce enrichit le premier , mais en même tems il donae la fub-; fiftance a un nombre infini d'autres individus que le Commerce met en action, &. e'eft principalement de cette maniere que du Commerce dépend la force d'un État. Je fuis, &c,  dans les Pats-Bas. iii LETTRE XIV. Malines ce . . . Avril 1783. L E grand Confeil de Malines , Monfieur, eft le premier tribunal de juftice des Pays-Bas-Autrichiens ; il a toujours joui dans les Pays étrangers de la plus grande réputation, au poirrt même qu'on a vu, il n'y a pas plus d'un fiecle, des Souverains foumettre a fon jugement les dirférends qui etoient furvenuS entr'eux.' ■ Ce fut Philippes le Bon qui, en 1455, inftitua. le grand Confeil de Malines qui devoit réfider partout oü il réfidoit lui même : alors ce Confeil rempliffoit auffi la plus grande partie des fonctions que remplit le Confeil privé. Charles le hardi, en 1473, erigea en parlement le grand Confeil de Malines; il le compofa d'un Chancelier, d'un chef, de deux préiidens, de deux Confeillers de robe courte,, de quatre maitres des requêtes, de  na Le Voyaóeur. huit Confeillers clercs & de 12 Confeillers Laïcs , de deux avocats fifcaux , d'un Procureur général & d'un fubftitut, de deux Greffiers - civils & criminels , d'un payéur des gages, & d'un premier huiffier. Cette compofition fait connoitre que le Duc de Bourgogne avoit pris pour modelc le parlement de Paris, même pour Phabillcment de cérémonie des officiers de fon parlement qui étoit rouge comme celui des Confeillers du parlement de Paris. Le reffort du parlement de Malines comprénoit alors toute la Flandre,l'Artois, la Hollande , la Zelande, le Namurois, le Luxembourg & le Territoire de Valencienne. A la mort de Charles le Hardi arrivée en 1477, 'e grar4 Confeil de Malines reprit fon ancienne forme; mais il.ne fut rendu fédcntaiie a Malines qu'en 1503; depuis ce tems il ne fuivit plus la cour & la perfonne du Souverain : on le divifa en deux claffes; 1'une fut chargée de 1'adminiftration de la juftice, 1'autre des fonélions du Con-  Dans les Pays-Bas. irg feil-Privé. Cela fubfifta jufqu'en 1516 que la claffe qui remplhToit ces dernieres fonétions fut entierement féparée dë Pautre & tranfplantée a Bruxelles pour y réfider auprès de la perfonne de la gouvernante des Pays-Bas. Le grand Confeil de Malines eft aujourd'hui compofé d'un préfident qui ordinairement eft Confeiller d'État, de 14 Confeillers laïcs, de deux Confeilles clercs, de deux Greffiers , de quelques Secrétaires , d'un Fifcal, d'un Procureur général qui tous deux font Confeillers & d'un Receveur des Exploits qui rend fes Comptes a la Chambre des Comptes deBruxelles. Les 16 Confeillers font partagés en deux Chambres, chacune compofée de huit Confeillers ; a la tête de la première eft le Préfident qui, quand il le juge convenable pour le bien public, change la compofition de chaque Chambre. Le Procureur général a un Subftitut.1 L grand Confeil de Malines juge par ar-1 rêts, & il n'y a que la voye de la réviflon  ■H 4 L E VoiAGtüB. qu'on puifle prendre quand on veut attaqucr fes Jugemens. Ce Tribunal juge en première inftance des actions pcrfonncllcs intenties contre les Chevaliers de la Toifon d'Or, les Chambellans de la Cour de Bruxelles , les membres des Confeils collateraux & ceux de la Chambre des Compjes de Flandre. Quoiqu'un Chevalier dè la Toiibn d'Or- ou un Confeiller d'Etat foit Militaire, il n'eft jufticiable que du grand Confeil & n'eft pas foumis a la jurifdiction des tribunaux Militaires. Le privilege de ceux qui font immédiatement jufticiables du grand Confeil eft tel que telle chofe qu'ils faflent dans la Ville qu'ils habitent eontrc 1'ordre public, ils ne peuvent pas être pourfuivis par 1'Oificier de Police qui ne peut pas même, a ce que je crois, les faire arrê,ter, ce qui eft fujet a de grands inconvcniens. Le grand Confeil de Malincs eft juge d'apel des fentences rendues par les Confeils provinciaux de la Flandre, & de  dans les Pays-Bas. 115 Namur; on n'y appelle pas des Sentences que rendent les Magiftrat de la Ville, mais on les y attaque en réformation. Le grand Confeil n'exerce cependant aucune autre jurifdiction dans les Provinces de Flandre, & de Namur. La jurifdiétion du grand Confeil s'étend fur ce qu'on appelIe les Terres Franches,telles que Termonde. Ce Tribunal s'eft 'toujours diftingué . par fon intégrité & tous ceux qui le eompofent jouiffent de la réputation d'être non feulement trés éclairés, mais de la plus grande incorruptibilité. Les Avocats de Malines paflent pour être trés bons jurifconfultes. le feul reproche qu'on fait a ce Tribunal, c'eft de juger avec un pcu trop de lenteur : cela vient peutêtre de ceque le nombre de fes juges n'eft pas proportionné a la multitude des affaires fur lcfquelles ils ont a prononcer.1 Malines a une coutume particuliere , qu'on y fuif,; elle a été homologuée en 1541 : 'je ne l-'ai pas encore examinée; fi  IIÖ LE VotAGEUR elle renferme quelques difpofitions fingulieres, je vous les ferai connoitre: a defaut de cette coutume & des loix du Prince, on fuit au grand Confeil le droit Romain. Dans les caufes d'appel, le Confeil juge d'après la coutume du lieu oü a été rendüe la Sentence du premier juge. ( Tout ceque je vous ai dit des membres du Confeil Souverain de, Brabant pour leurs droits, gages & bonoraires , peut s'appliquer aux Membres du grand Confeil de Malines. POn m'a dit que lès gages d'un Confeiller etoient de 1209 florins argent courant de Brabant, fur les quels iï faut deduire le dixieme. Les. Confeillers payent un medianat de 4000 floj Les Membres du grand Confeil de Malines jouiffent de plufieurs beaux privileges, Les Préfident & Confeillers de ce Tribunal ont le pas fur tous ceux des Corps qui ont part a Padminiftration, a Pexception des Préfident - Chef & Confeillers du Confeil dTïtat & du Confeil privé. Les Préfident & Confeillers du grand Confeil acquicrent,  dans lïs Pays-Bas. ïi.7 en entrant dans leur charge , la Nobleffe, & la tranfportent a leurs defcendans. Le pere, le fils, les freres & même les coufins germainsne peuvent pas être en même tems membres du grand Confeil. C'eft le Souverain qui nomme les Confeillers, le Fifcal §c le Procureur général, mais c'eft le Confeil qui , lorfqu'une de ces places eft vacante, préfenté trois fujets.dont le Souverain en choifit un. Les Préfident & Confeillers du grand Confeil ont toutes leurs caufes perfonnelles commifes au grand Confeil. Les audiences du grand 'Confeil s'ouvrent le matin a huit heures depuis Paques jufqu'a la St. Michel : ces audiences du matin durent jufqu'a onze heures , & depuis la St. Michel jufqu'a Paques, 1'ouverture s'en fait a huit heures & demie & vfiniifent a onze heures & demie. Toute 1'année les audiences de 1'après midi, commencent a trois heures & un quart .& finiffent a cinq heures & un quart.' Les -épices des rapports & dépens des, jj'rocès, font taxées par la Cour. C'eft le  nS Le Vot ageur. Préfident qui nomme les rapporteurs qui ont le doublé dans les epices, mais, depuis certain arrangement, ce doublé fe partage entre tous. Les Fifcaux dans toutes les affaires oü ils ne font par parties, ont voix délibérative comme les autres Confeillers , mais ils ne rapportent jamais : ils jouiffent des merries gages & ont les mêmes droits & prérogatives. Le Procureur général & fon Subltitut nc peuvent pas en méme tems s'abfenter de la Ville.' Quiconque autrefois, Monfieur, etoit gradué en une univerfité renommee, pouvoit exercer au grand Confeil de Malines la profeflion d'Avocat, après avoir prêté Serment au dit Confeil, mais depuis quelques tems , il faut avoir pris fes dégrés dans 1'Univerfité de Louvain. II faut être agé de 25 ans pour être recu Procureur dans cette Cour. Autrefois quand un Avocat ne produifoit pas au tems oü il devoit produire, il etoit condamné a payer 10 f. d'amende, Quand  dans les Pays-Bas. 119 une caufe etoit en inftruétibn, PAvocat & les Procureurs des parties ne pöuvoient pas s'abfen'ter de la 'Ville, a peine de fix Carolus d'or d'amende. Sous la même peine les Avocats devoient figner leurs .produélions : pourquoi ne les avoit - on pas foumis a la même peine & même a une plus grande quand , au mépris des ordonnances, ils étoient verbueux dans lears écriturcs , qu'ils s'y répétoient & les allongeoient inutilement? il leur. étoit auiPi défendu d'être fatyrique & mordant. Si un Avocat du grand Confeil avancoit fans- néceffité un fait injurieux a la par,»ie adverfe, il encouroit pour la première fois Pamende de 10 Carolus & de 3.0 pour la feconde: il devoit être fufpcndu de fes fonéiions lors de la 3e. toute cette difcipline ne s'obferve plus.' Les Avocats & les Procureurs au Confeil Souverain de Malines, font payés par heure, ou relativement a leur travail, a la grandeur & a l'étendue de leurs produélions, a leur cboix, mais ö  ï20 Le Voyagetje. leur demande eft exccffive, la Cour. les réduit: ijs doivent, lorfqu'ils vienncnt a la Cour, être en manteau & rabat, ainli que lorfqu'ils affiftent a quelques cérémonies publiques. Avant que de prêtcr Serment, les Avocats doivent payer au receveur des amandes ia florins; les Procureurs n'en payent que neuf & les huifliers fept.' , Les Avocats du grand Confeil de Malines ne jouiffoient pas autrefois du droit de porter 1'épée., ils n'en jouiffent que depuis 1662.' Je fuis, &c LETTRE  dans les Pats-Bas. tak LETTRE XV. Malines, ce... Avril 1783. S» Rombaut, Monfieur , qu'on dit avoir étë'fils d'un roid'Irlande & Évêque de'Dublin.a été 1'Apötre de Malines & de fon territoire; ayant quitté fon fiege & être paffé a Rome, il vint'a Malines &y planta 1'étendart de la Croix fur les débris du temple d'une idole qu'on y révéroit fous le npra de Seigneur de la Muit. Le Comte Adon lui ayant donné un terrain couvert de bois, St. Rombaut y fit batir un'Couvent óü il fe fixa & vecut en commun avec quelqu.es Clefcs qui le reconnurent pour leur Supérieur. St. Rombaut fut aifaffiné en 775, & dans le 9e. fiecle fon Couvent fut pillé & brülé par les Normands. L'Évêque Notger le rebatit au commencement du 1 ie. fiecle; .il y fonda 12 Chanoines avec un Abbé, au:quel on fubftitua dans la fuite un Prévót:' :telleaété., Monfieur, 1'ofigine du Cha;pitre de la Cathédra!e-de Malines. Tome IV Partie lL F  ÏM L E VoïAGïUH 11 y a dans les Pays-Bas Amrichiens fept .Évêchés, dont cinqfont Suffragans de 1'Ar„chévêché dc Malincs & deux de PArchévê. ché de Cairibrai.' Lc-ftege Archiépiïcopal de .Malines aété érigé,en i559'Par le PaFc Pau: ;IV,.a la priere de Philippes II. Les Suffragans de PArchévcque dc Malihes, font les Évèques d'Anvers, de Gapd ,^de Brugcs, d'Ipres & de Ruroraonde. "En faifant cette ereclion , le Papc attacha au titre d'Archévêque de Malincs, ceux déPri■mat des Pays-Bas & d'Abbé d'Affiighejn: il attacha au ficge Archiépifcopal la moitié .du revenu de cette Abbayc dont fut iormée ja menfe' Arcinépifcupale , de même qu'il attacha le titre d'Abbé de St. Bernard -au ficge d'Anvers. C"étoit mettre en cpmmcnde ces deux Abbaycs , ce -qui nc-pouvoit pas fe faire, parceque fuivant Partiele LVII fa j de la Joycufe Entrée , aucune -ra VAucune Abbaye, Ptëlature , ou dignité , rvc fera donnée en cötnmende , & Sa Majelte^Woyeia pcur.obtcnir du ficge de Rome une 'rëdudion des annates moyennauf que ief Pretaaj& Monafteres-.fe chargcot de .la .depenfe necelffane.pour que -réducüoa.- .. ( . .  dans les Pats-Bas. 123 Abbaye dans le Brabant ne devoit être rnife en commende. Cet article eft un de ceux de cePaéle qui devrpient être réfonnés & dont même les États des Provinces devroient demander la réformation au Souverain. Ce feroit le moyen de faire tourner a 1'avantage de 1'État une partie des revenus dont les Abbayes jouiffent dans les PaysBas Autrichiens.'Ce qu'on a fait en France en faveur de la Maifon de St. Cyr, on pouroit le faire dans le Brabant en faveur des Höpitaux de cette Province qui manquent de revenus. La menfe Abbatiale de PAbbaye de St. Denis a fervi de dot a la Maifon'de St. Cyr, comme la moitié des revenus des Abbayes d'Afflighem & de St. Bernard , ont formé la dot de 1'Archévêché de Malines & de 1'Évêché d'Anvers. D'ailleurs le bien des Abbayes & de toute 1'Églife en général, eit le bien des pauvres ; ainfi doter un Hopital aux dépens d'une Abbaye , ne feroit que faire une rcftitution aux pauvres. L'Archévêché de Malines jouit, m'aF 2  $24 L E V O Y A G E TJ R. t-on dit, de plus de 80000 florins de revenus ; il y a' des perfónnes qui croyent que ce revenu paffe les 100000.'Le Prélat refpeclable qui en jouit en employé une partie confidérable aufoulagement des pauvres de fon Dioeèfe, fur-tout des pauvres honteux; je veux croire que toutes les Abbayes des Pays-Bas-Autrichiens, font trés charitables, mais pouroit-on en citer une qui partage fon revenu avec les pauvres. II y a tant de différence entre la fenfibilité d'un Evêque qui voit les maux^de Pbumanité fouffrante , qui entend les cris plaintifs d'un pere de familie qui lui demande du pain pour fes malheureux e nfans & celle d'un Abbé qui, renfermé dans fon Cloitre , ne connoit les angoifes de la mifere que par théorie,qu'on peut eroire qu'il .eft moins affeété que 1'Évêque des maux des pauvres, que 1'Abbé regarde au plus comme fes frercs, tandis que 1'Évêque les confidere comme fes enfans: chez 1'un la charité eft un devoir, chez 1'autre elle n'eft qu'un aóic de bienfaifance.  dans les Pats-Bas. 125 „La Jurifdiélion Archiépifcopale de 1'Ar-, chévêque de Malines s'étend fur 17 Villes _ & environ 500 Villages, lefquels font divifés en douze Doyennés , qui font PArchiprêtré de Malines , les Doyennés de cette Ville, de Louvain , de Bruxelles, de Dieft, de Tirlemont, de Leeuw & d'Oirdeghcm. Lors de 1'éreétion du fiege Archié pifcopal de Malines , cette Ville étoit fous la Jurifdiction de 1'Archévêque de Camb>ai ; elle avoit été auparavant du Diocèfe.de Liege. Le Chapitre de la Cathédrale de Malines eft compofé d'un Prévót, de quinze Chanoines d'ancicnne fondation, - de douze Chanoines de nouvelle fondation ("12Ó0J & de 26 Chapelains.' La population dc Malines fe trouvant confidérablcment augmentée & fon églf Collégiale trop petite pour contcnir le nombre de fes habitans,on commenga en 1250 a en batir une nouvelle plus grande & plus fpacieufe, qui eft celle qu'on nomme aujourd'hui la Cathédrale; elle ne fut achévée qu'en 1475 : on la dédia a St. RomF 3  J26 Le Voyagêür. baut. La tour de cette églife a 348 pieds de haut. Cette églife eft d'un beau gothique; elle eft vafte & affez bien éclairée : fon chceur, qui fut bati après la nef, eft' traité d'un excellent goüt. L'autel du maitre-autel eft tout de marbre .& d'ue bonne architeéture. Prefque tous les autres autels font auffi de marbre, cinfi que les fermetures des chapelles; mais l'autel de la Chapelle de la Vierge qui eft derrière le chceur, eft celui qui eftle mieux exécuté & d'une plus belle forme: il eft de marbre blanc veiné, les chapitaux des colonnes , les bafes & les ornemens font de marbre blanc; le tableau qui le décore eft de M. Sneyers; il repréfente une Affomption. Des trois tableaux de Rubens qui font dans la chapelle de la communion, celui qui eft fur l'autel eft froid d'effet & d'une compofition monotone; il eft lourd de couleur & noir; il n'y a ni nobleffe ni fineffe dans les têtes; c'eft une des plus médiocres produélions de ce maitre : cc tableau repréfente la Cene , fujet éclairé de  d .a n s. les Pats-Bas. nuit. Les deux autres tableaux de Rubens qui font angellus de la table de communion font meilleurs; 1'un repréfente 1 Entree du Sauveur dans Jerufaleffl, 1'autre le Sauvcur qui lave les pieds de fes Apotres, tous deux font touchés avec gout,avec n7 neffe & d'une grande facilité. > me chapelle eft un grand tableau d A.Bloemaert, c'eft Dieu le Pere dans une gloi e au bas eft Jefus - Chrift, la Vierge & plufieurs Anges: plufieurs des tetes de ces tableaux font belles, mais les drapenes font hop manierées: il y a daas ce morceau une fécricreffe-rebutante. Le tableau d'A..JaniTens.qui eft dans la Chapelle des Peinires , eft bon ; mais il a auffi trop de féchereffe; il repréfente St. Luc qui peint la Vierge & 1'enfant Jefus, on y voit St. Jofeph qui fait remarquer au pemtre les traits'de fon modèle ; dans te tond eft une bibliothéque & d'autres détails bien faits : fur les deux volets le pcintre a repréfentéendedans St.Jean dans Piflede Pathmos& St. Jean dans Thuile bouillante, en F 4  M*. ■ Le VoTAGïüi dehors Stjean & St. Luc qui écrivent F& jangile. Ces quatre tableaux ne font pas lans mérite. Voila a quoi Te réduifent les ncheffes pittorefques de la Cathédrale de Malines. B t a fix Paroiflés dans Malines, dont *ne eft dans Péglife Cathédrale & qu'on ncmme la paroiife de St. Rombaut; elle a pour Curé un Chanoine, a la Prébende duquel cette Cure eft attachée. Les cinq autjes font celles de Notre-JJame, de St jean, de St. Pierre & St. Paul, de Ste Catherine & de "Notre-Dame de Hanfivyck Je les vifiterai, ainfi que les églifes des maifons Religieufes qui font en afiez grand nombre , & je vous fcrai' connoitre ce que j'y aurai vu de rémarquable. Je fuis, &c.  LETTRE. XV. Malincs ■ ce ... Avril LE revenu, Monfieur, dc 1'Hótel | Wle-du-Malines, ne. m'eft pas encore eonnu.ipais.je ffiis qu'il eft te du produit de -difórentes acafes mtfes fu ks principaux objets de -la confommauon de- fes habitans,, . & de ■ quclques droits de péage donnés tous les ans a ferme au plus offranr & -dernier encheriffeur. La ville leve auffi quelques petits droits .dont. cUe fait faire elle. même la college , parceque;le produit. n'en cft.p^affcz confidérable pour en former une ferme. Ces aeeifes, dïöits & impofttions vanent luivant que les-befoins. de 1'adminiftration de la ville font plus.ou nïöins grands; bd» aucun ne peut être établi, augmenté ou deminué fans la permiffion du Souverain. La Ville per9oit auffi un droit de-Barrière fur les ChaulTées qui condutr 5  I3° Le'Vota geur fe»t de Malincs a Bruxelles, depuis Mannes jufqu'au-de-la de Vilvorde & de Malines a Louvain. Au moven- de la perceptionde ces droits de Barrière, 1'adminiftration de la Ville eft chargée de 1'entretien de ces Chauffées. Depuis la conftruóiión du Canal de Louvain, le droit de Barrière qui fe pergoit fur la Chaulfcé qui conduit a cette Ville, ne produit prefque rien & Puremcnt pas affez pour fournir a 1'entrctien de la Chauffée a laquelle le Canal eft préféré La ChaulTée qui conduit de Malines'a Louvain eft fans contredit la plus belle qui foit dans les Pays-Bas-Autrichiens : elle eft krgc & toute tirée au cordeau; elle a-été conftruite en 1730. ' Les charges' de la villè de Malines font approchant les mêmes que celles des autres- Villes. Ce font les. intéréts' annuels qu'elle paye -dö 1'argent qu'elle a emprunté pendant les guerres ou dans d'autres circonftances facheufes & pour lefquels elle a conftitué des rentes perpé-  dans les Pays-Bas. 131. tuelles a 3 pour cent, les viagercs a 6, 6 & demi, 7, 7 & demi & 8 pour cent felon Page des conftituans. Un bourgeois de Malines peut, quand il le veut, fe mettre au lieu & place d'un des créancicrs de la Ville, poflefleur d'une ou de plufieurs des rentes qui lui ont été conftituées pour caufe d'emprunt, quand le poifeifeur de la rente n'eft pas bourgeois & habitant de Malines; il fuffit pour cela que le bourgeois lui rembourfe le capital de fa rente fans avoir même égard au prix que pouroit alors être vendu le contrat de conftitution. L'erfet de cette efpece de droit de retrait dont jouiffent les bourgeois de Malines, a été de faire refter dans leurs murs Pargent employé a payer les intéréts des emprunts que Padminiftration de leur Ville avoit été obligé de faire & par confequent d° faire tourner ces emprunts a Pavantage des citoyens. Les enfans trouvés, les orpbelins & les imbecilles, font a la charge de 1'Hötel de Ville, qui pourvoit F 6  132 Le Voyageur avec une attention & en même tems une economie admirable a tous leurs befoins quclconqujs. L'entreticn du pavé & des édificcs publics font encore a la ■ charge de la Ville. Les Officiers municipaux de Malines font généralement aimés & cftimés de tous leurs concitoyens; ils s'acquittent de leurs foncbions avec la plus grande exaclitude; ils adminiftrent les biens de la Ville comme le feroient de bons peres de familie. Tout eft tenu dans le plus grand ordre': 1'intérèt particulier ne peut rien fur eux; ils n'agiflent que pour le bien : comme juges, ils font de la plus grande probité. II regne a Malines la plus grande tranquilité' parmi les habitans , cela eft du a la maniere dont la police y eft exercée : il n'y a peut-être pas de Ville ou la vigilance de Ceux qui en font chargés foit plus grande. Les pauvres ont ici,un revenu fixe, mais je ne ftjais a quoi il peut monter annuellemcnt; il eft formé du produit  dans les Pays-Bas. 133 de nombre de fondations pieufes adminiftrées par ce qu'on nomme des provifeurs défignés. originairement par les fondateurs; parmi ces provifeurs font toujours un ou plufieurs membres du Magiftrat. 11 y a encore dans chaque Paroiffe une table du St. Efprit oü Pon diftribue aux pauvres des vivres & des vêtemens. Le Magiftrat nomme auffi plufieurs perfonnes qu'on appelle maitres des pauvres & des prifönniers, pour aller faire des quêtes dont le produit eft employé avec la plus grande fageffe au foulagement des pauvres & fur-tout des pauvres honteux. Mais pourquoi, demandai-je hier h un Citoyen de cette Ville, n'en a-t-qp pas banni la mendicité. Parceque cela nous eft impoftïble, me répondit-il. Nous manquons de moyens pour employer les pauvres & nous navons pas de maifon de Correclion pour fequeftrer ceux qui ne voudroient pas travailler. Tout citoyen qui na pas de pain & manque de moyens de s'en procurer par le travdil, tient de la nature &  134 Le Voyageuk. des loix de la focieté, le droit d'en demander d fes concitoyens. Enfermer le pauvre qui ne fe refufe pas au travail, feroit un aè7e injufte, contraire d tous les principes de Vhumanitc. Dans chaque Paroifle , il y a une école de charité. Ce font les prêtres de l'Oratoire qui enfeignent ici les humanités fous l'infpe&ion de la commiffion Royale des études établie a Bruxelles; mais 1'on croit qu'on en cbargera des féculiers & que ce feront eux auffi qui tiendront le penfionnat que tiennent aujourd'hui les Oratoiriens. Ce penfionnat eft & ne peut pas être mieux fitué; on y refpirc un air falubre qu'on doit aux différentes petites branches de la riviere qui, en traverfant le terrein , contribuent a rendre le courant d'air plus rapide, & parconféquent le dépouille des particules nuifibles dont il peut être chargé. Les promenades qui fe trouvent dans l'enclos & dans les environs de ce penfionnat , font charmantes; les jeunes eleves y font eloignés  d a m»s les Pays-Bas. 135 de toute efpece de corruption de moeurs; plus leur babitatiön eft ifolée, moins ils fout expofés aux dangers. de la diffipation. Quand il fut qucftion (a _) d'etablir une univerfité dans les Pays - Bas, peu s'en fallut qu'on ne préférat Malines a Louvain & cela a caufe du bon air qu'on refpire a Malines. On croit ici que c'a été la falubrité de Pair qu'on refpire a Malines qui a engagé 1'Empereur a y transférer Pécole militaire qui étoit a Anvers : les jeunes gens qui y étoient elevés, étoient fouvent attaqués de fievre ; depuis qu'ils font ici,. ils jouiffent de la meilleure fanté; ils font tous forts & robuftes. II n'y a pas de Ville dans tous les Pays-Bas-Autrichiens oü la cavalerie foit ( a ) IJubertus Loyens dans fa brevis & fuc-, :cin5ta Synopfis Rerum maximê memorabilium ' Bello & Pace geftamm ab Smis. Loth. Brab. & ) Ximburgi Ducibus. Biuxellis tipys Henrici Fiicx. 1167a.  136 Le Voyageuk mieux qu'a Malines. Cette Ville eft entourée de prairies qui donnent d'exccllens fourages & en grande quantité. II y a ici auüi un hotel des invalides qui occupe la plus grande partie des batimcns qui compofoicnt la maifon de exJefuites , 1'autre partie, qui eft la plus petite , fcrt aujourd'hui de falie de fpectacle & pour 1'Académie de Peinture, de Sculpture & d'Agriculture. A la tête de cette Académie, eft la peintre HerreynsCette Académie , dit-on , feit de grands progrès dans tous les genres, &. plufieurs dc fes clevcs jouiifent déja dTune forte £e réputation. Si un artifte étranger fe diftingue ici dans fon art; s'il a des moeurs, fi fa probité eft reconnue, le Magiftrat le- confidere, le favorife ; il lui donne la bourgeoifie gratis, illui accorde 1'exemp- . tion de certaines charges publiques, quelquefois même il 1'affranchit d'une partie des droits que les autres bourgeois payent pour les- objets.de leur confommation. Le plus célébre des peintres aftuels- de  dans les PaTS-BaS. 137 Malines, eft furement Herreyns. Le Sculpteur le plus renommé, fe nomme Valx. II y a auffi a Malines un trés habile Ebenifte & un Orloger qui, a Paris ou a Londres, y feroient confidérés. II y a a Malines d'excellens ouvriers dans tous les autres arts mécaniques, mais ce font les Menuifiers fur-tout qui s'y diftinguent le plus. : II- y a ici, Monfieur, un trés beau corps de Cafernes; elles ont été conftruites aux frais de la Ville en 1756; on peut y loger 2400 hommes tant d'Infanterie que de Cavalerie. Le pavillon des Officiers eft trés beau. X'Entretien de ces Cafernes eft aujourd'hui d'autant plus pefant pour les habitans de Malines que toute la' garnifon de cette Ville n'eft plus aujourd'hui que de deux compagnies de Canoniers. L'Arcenal eft un trés beau batiment qui renferme beaucoup d'armes de toutes efpeces.(Il y a auffi a Malines une fonderie de Canon & une fabrique d'armes a feu qui, fi elle étoit  I3§ Le VoïiGïüX plus encouragée, pouroit.nuire beaucoup aux fabriques de Liege de la même efpece. Le mont de Pieté ou Lombard qui eft ici, fe régit pour le compte du Souverain; il eft, comme ceux qui font dans les Villes principales des autres Provinces, d'un bon rapport, & c'eft précifément ce rapport trop confidcrable qui fait que ces Lombards ne font pas d'une'auffi grande utilité qu'ils pöuroient fêtre k qu'i's le feroient ft on les confideróit un pcu moiss relativement a«x intéréts du Fifc. On pouroit ccpcndant Concilier ees intéréts avec eeux des pauvres en eftar-geant beaucoup les objets eonndérablcs dépofés dans les Lombards, k prêtant gratis fur tous les objets peu confidérables qu'y porteroient la mifcre k la pauvreté. On pouroit faire payer un intérêt de 20 pour cent au gage, qui vaudroit aooo fl., 15 a celui dont la valeur ne feroit que de 1000 fl., 10 au gage qui n'auroit de valeur réelle que 400 fl. , ainfi des autres  bans les Pays-Bas. 139 jufqu'au gage qui ne vaudroit que 3 fl. & moins qui ne payeroit rien. Je fuis3 &c.  140 Le Vota geur LETTRE XVII. Malincs, ce Avril 1783. E féjour de Malines, Monfieur, eft trés agréable pour les étrangers; on les y confidere ; s'ils ont des talens ; on ^a pour eux les plus grands. égards , fi 1'on remarque en eux- des qualités eftimables. Si un étranger veut fe fixer a Malines, le Magiftrat de la Ville, comme je vous 1'ai déja dit, non feulement protégé fon établiflement, mais lui accorde des privileges, des exemptions, enfin, il fait plus pour lui qu'il ne feroit pour un citoyen, & du moment que l'étranger en a le titre, chacun s'empreffe de lui faire trouver dans fa nouvelle patrie des agrémens qui lui faifent oublier fon Pays natal. Les Malinois ont les mceurs douccs; ils font affables & ont de la gaieté dans les caracïeres ; leurs manieres font aifées; ils n'ont de hau-  dans les Pays-Bas. 141 teur qu'avec ceux qui, par oubli ou par inconféquence, veulent fe placer trop audeffus d'eux. Plus Pon eft élevé au-deffus des autres, plus on doit avoir d'egards & d'attention pour eux. Les grands & les gens en place fe trompent toutes les fois qu'ils rappellent aux autres la diftance qui les en fépare ; 1'inférieur alors öbéit,mais lans zéïe, parcequ'il eft fans amour pour celui qui le commande ; il le craint & s'il Paimoit , les chofes les plus difficiles lui feroient faciles. La fubordination n'eft infupportable que quand -elle eft un devoir. Les Bourgeois de Malines vivent enAr'eux dans la plus grande union; ils fe ivoient, mangent les uns chez les autres. Les Gentilshommes n'ont pas ici la :morgue de ne pas fréquenter les maifons ides riches Bourgeois & dans Phiver ils partagent avec eux les plaiftrs de cette 'faifon. Quand les compagnies des ferments idonnent des bals , ou il eft d'ufage de payer en entrant, les Gentilshommes y  14a Le Voyageur y vont comme les autres. Quand il y a de ces affembleés qu'on nomme Redoutes, la noblefle & la Bourgeoifie y font confondues fans que la nobeffe en marqué la moindre répugnance. Plus les états fe mêlent dans une Ville, plus la focieté y eft agréable, plus les mceurs fe policent , plus auffi le public en retire d'avantage. II n'y apas a Malines de fpeétacle régulier ; cette Ville n'eft pas affez confidérable pour entretenir une troupe de Comédiens toute 1'année : les Bals mafqués qu'elle donne & qui font fort fréquentés par tous les ordres des citoyens, font encore un avantage confidérable dont elle profite. On tolere a Malines, comme mal nécéffaire, les femmes publiques, mais la police les furveille avec tant de vigilance qu'elles ne caufent jamais aucun defordre. II eft trés rare de voir ici ce qu'on appelle femmes entretenues. Les mceurs publiques y font refpeétées & ceux qui les braveroient ne le feroient pas impunément. On fréquente encore ici les Cabarets, mais rarement y voit-on les riches bour-  dans les Pays-Bas. 143 gois& les. Gentilshommes. Les Malinois pnt en horreur 1'ivrognerie. Un artifan pême, quand fon ivreffe eft paffee , rougitdefafoibleffe. La boiffon n'occafionne ici aucun defordre. Le -peuple Malinois a pour fes Magiftrats le plus grand refpect : en cela il reffemble parfaitement aux habitans des Villes de Hollande qui ont pour leurs Magiftrats ce fentiment d'amour.que des enfans ont pour leur pere. L'Empereur, Monfieur, & fes Miniftres paroiffent. s'occuper trés férieufement de de tout ce qui peut intéreffer le Commerce des Pays-Bas-Autrichiens. Je ne do.ute point que S. Majefté n'ait fait un traité, d'alliance & de Commerce avec la nouvelle république des États-Unis de 1' Amórique & ce qui ine confirme dans cette opinion, c'eft qu'on me mande de Bruxelles ,qu.e M. le Baron de Beleen, qui occupe préfentement une place, importante dans le- Confeil des Finances , vient d'être nommé Ambaffadeur de S. M. Imp. .& Royale .auprès des Etats-Unia & qu'il fe propofe de fe rendre a Philadelphie  144 Voyageur dans le mois d'Aotit prochain. C'eft un citoyen eftimable a tout égard : j'ai eu occafion de le voir quelquefois pendant mon fejour a Bruxelles. II voit bien & juge fainement : il a réfidé longtems en France avec le Prince Kaunitz', lorfque elui-ci y ^toit Ambafladeur. Ce grand Miniftre , le Vergennes de 1'Autriche , Fa préféré a tout autre pour l'importante miffion dont S. M. vient de le charger 5 parcequ'il fait qu'il a tout ce qui eft nécelfaire pour réullir. L'agriculture des PaysBas Autrichiens perdra a fon abfence: je vous ai déja parlé de fes travaux & de fes entreprifes agricoles : il feroit facheux qu'il les abandonnat & qu'il ne püt trouver perfonhe pour les fuivre pendant fon fejour en Amérique. L'Empereur ne pouvoit mettre en de meilleures mains les intéréts du Commerce de fes fujets avec les Américains. Je fuis, &c Fin de la feconde Partie.  LE VOYAGEUR DANS LES PAYS-BAS AUTRICHIENS, o u LETTRES fur 1'état aftuel de ces Pays. Felix qui potuit rerum cognofcere caufas! V i e.g i le. TOME QUATRIEME. Troijieme Partie. A AMSTERDAM, «hez Changuion, Libraire. On en trouve des Exemplaires chez JE. De Bel, ImprinieuiLibraire, a Bruxelles. M. DCC. LXXXIII.   LE VOYAGEUR DANS LES PAYS-BAS AUTRICHIENS. LET T RE XVIII. Malines, ce....Mai 1723- ]V1on böte , Monfieur , eft entré aujourd'hui dans ma chambre des la pointe du jour, Vite debout, me dit-il, vite levez- vous eh quoi, qii'efl-ü donc arrivé.... Uvez-vous , vous dis-je , ow ...... le feit ejt-ilè votre maifon .... levez-vous & fdvez-moi .... pourquoi faire .... pour aller vifiter les églifes de nos bonnes ReliG 2  14S Le Voyageur. gieufes, demain il ne fera plus tems . . . . eh pourquoi.... parceque l'ordre eft arrivé hier le foir de Bruxelles de les mettre dehors de leurs maifotis. Je m'habillai & dirigeai mes pas vers le couvent des Carme- lites OÜ > j'y re^ai Peu óe tems- Un ^ tableau de J. Jordaens y fixa mon attention ; il repréfente la Ste. Familie : les têtes en font jolies & la couleur en eft vigoureufe ; celui du même maitre que je vis enfuite dans 1'égÜfe des Religieufes de-Bethanie (b), m'a fait moins de plailir; il repréfente la Vierge couronnée dans le Ciel par les trois Perfonnes de la Trinité ; il y regne une féchereffe qui dépare ce tableau qui a des beautés; les têtes en font belles & ont de la fineffe. Je fus moins content de deux tableaux peints par L. Franeois, qui repréfentent des Saints xle 1'Ordre. Au milieu de ces deux tableaux £ a ) Elles font a Malines depuis 1616. ( b ~) C'eft un Prieuré de Chanoineilès Réguüeres, fondé en 1421.  dans les Pays-Bas. 149 on en voit un de T. Van Thulden qui eft touché avec efprit & légéreté, mais qui ne paroit cependant qu'un lavis a 1'huile colorié; il repréfente les quatre Fins de 1'homme. Dans le chceur des Religieufes eft un beau tableau qui repréfente Jefus-Chrift attaché a une colonne. Je n'en ai pas recon- nu Fauteur. Uunique tableau qui m'a frappé dans Pé- glife de3 Urbaniftes ouRiches Claires CaJ>» a été peint par A. Bloemaert: il a été gravó par Bolfwert : il eft grand, vigoureux de couleur; les têtes fur-tout en font belles: il repréfente la Naiffance de Notre Seigneur ; il y a fur-tout beaucoup de goiït & de fineffe dans fa compofition. Dans 1'églfe des Siekelieden ou des Lepreux, qui eft auffi un Couvent de filles, il n'y a qu'un tableau qui repréfente la Naiffanee de JefusChrift : il eft bien compofé , & a été peint par J. Colliers. s fous ces tableaux feront vendus proba- C a ) Elles font a Malines depuis 1654. G 3  .150 Le Voyageur blcment auffi-töt après la deftrucftion des Couvents de cesfillesqui va s'exécuter: aucun d'eux , a ce que je crois, ne fera envoyé a Vienne ; mais celui de G. Crayer que j'ai vu dans 1'églife des Religieufes (V) appellées Muyfen de 1'Ordre de St. Bernard, poura faire bien ce voyage : il eft bien compofé & peint d'une belle maniere ; il repréfente la Vierge & 1'enfant Jefus, & au deifus dans une gloire d'anges, les trois Perfonnes de la Ste. Trinité; au bas du tableau , on voit trois Saints de 1'Ordre de St. Bernard. Ce faint eft repréfenté dans un autre tableau de la même églife peint par Theodore Van Thulden , reeevant dans ]a bouche le lait de la Vierge. Ce tableau eft bien dans la maniere de Van Dyck ; il eft bien deffiné , bien compofé & d'une couleur argentine; les têtes font jolies; fi le fujet en étoit moins ridicule, on pouroit bien auffi le faire voyager: c'eft ( a ) C'eft un Piieuré, fondé en 1380.  dans les Pays-Bas. 151 furement un des plus beaux qu'ait iaits Van Thulden qui, fur les volets , a peint des Saints de POrdre. Autour de 1 égliie & dans le chceur des Religieufes , font encore de trés beaux tableaux du même maitre; ils repréfentent la Vierge & fon Fils, le RoiDavid,le martyre de St. Sebaftien , St. Franeois de Paul, d'autres Saints & Notre Seigneur attaché a la colonne. Dans la facriftie font deux tableaux affez bons de J. P. Van Thielen: ce font deux guirlandes au milieu defquelles font peints St. Bernard & Ste. Agathe. Un Couvent trés ancien eft celui des Religieufes qu'on nomme Leliëndal: c'eft un Prieuré de l'Ordre de Prémontrés : leur établiffement, fait par un Curé de Hombeeck, date de 1321. Au fond de leur églife eft un grand tableau qui va jufqu'a la ;voute; il repréfente un tempte : 1'architeóture peinte par Erenberg , m'a parue affez bien traitée : les figures qui ont été peintes par L. Franeois, ont du G'4   Le Voy-agetjx mérite : c'eft St. Norbert qui diftribue des aumones aux pauvres. Sur le maitre-autel eft un tableau de P. Tyffens; la couleur en eft foible, mais belle, Ie faire facile & large , le deffin affez correét: les têtes font belles & d'un beau choix : ce tableau repréfente les Perfonnes de la Trinité, la Vierge dans le Ciel & au bas des Saintes de POrdre de Prémontré. L'autel que décore ce tableau eft de marbre avec des colonnes; il eft affez bien compofé & exécuté. A la droite & a la gauche de eet autel font deux tableaux dont 1'un eft précieux ; il eft de, H. Van Baelen & repréfente la Vierge qui donne 1'habit de 1'Ordre a St. Norbert : il y a dans ce tableau une grande fineffe de deffin , la couleur en eft excellente. L'autre tableau lui eft bien inférieur: il a été peint par Weert; il repréfente St. Jean dans 1'huile bouillante. J'ai vu encore dans cette églife deux beaux tableaux de Sonnemans, peintre Hollandois; ils font compofés d'une belle & favante maniere Sc bien deffinée; 1'un eft  dans les Pats-Bas. 153 St. Norbert qui diftribue fes vetemens aux pauvres au moment oü il va prononcer fes vceux : on y voit un Prêtre qui célèbre la Meffe : 1'autre eft le même Saint arrêté par un foldat en cuirafle en préfence d'un Cardinal & d'un Évêque. La tête de St. Pierre & celle de St. Paul, grandes comme de nature , ont été peintcs par J. Jordaens : on les croiroit de Rubens, tant elles font bien dans la maniere de ce maitre. Ces têtes font du plus beau caraétere , deffinées avec fmeffe, & d'une couleur trés vigoureufe. II y a encore dans 1'églife des Religieufes de Leliëndal, fept payfages dont trois font peints par Achtfchelling d'une belle maniere & d'une bonne couleur; le quatrieme eft de J. Van Artois; le cinquieme de Minderhout, a été bien retouché par Huyfmans. Le 6e. & le 7e. font de Bierings & les figures de L. Franeois. La chaire a prêcher de cette églife, dont cn fait ici beaucoup de cas, m'a paru n'avoir d'autre mérite que de la fingularité ; elle eft G 5  1,54 Le Voyageub. de bois de chêne, prefque de bas-relief: il n'en eft pas de même de la table de communion entierement de marbre blanc; elle eft d'une belle exécution en fculpture , & repréfente des ornemens & des enfans bien faits. Ma derniere vifite fut pour 1'églife des Viélorines de Bkydenbergh , Chanoinefles régulieres de St. Auguftin; elles prétendent avoir été fondées du tems de St. Rombaut. Une Naiffance de Jefus-Chrift, peinte par G. Crayer, décoreleur maitre-autel: la compofition en eft belle , le deffin trés correéb, & la couleur trés belle. Les autres Cov.vens de filles de Malines , font le Prieuré de Thabor, Chanoinefles de St. A< .'fuftin, fondé en 1459; les pauvres Claires depuis i300; les Urfulines depuij 1680. Je n'ai point vifité leurs églifes n'y ayant rien, m'a-t-on; dit, qui put m'y attirer. II y a auffi deux Beguinages, un grand & un petit L'églife du grand a quelques morceaux que j'iraï voir demain. Je luis, &c.  dans les Pays-Bas. 155 LETTRE XIX. Malines, ce.... Mai 1783. I_iE Commerce de Malines , Monfieur , n'eft pas auffi confidérable qu'il pouroit 1'êtie. II ne feroit pas difficile que Malines devint une des Villes des Pays-Bas Autrichiens les plus commercantes; elle eft pour cela trés heureufement fituée. La Dyle qui la traverfe porte d'affez gros batteaux; les glacés ne gênent fa navigation que quand PEfcaut charie des glacons , ce qui eft rare: cette riviere eft navigable jufqu'a Dieft : on pouroit faire qu'elle le fut jufqu'a la Meufe avec laquelle il feroit facile de la faire commuquer & au moyen d'un Canal , ouvrir enfuite une communication de la Meufe avec le Rhin. Je crois vous avoir déja parlé de ce projet qui étoit un de ceux que le feu Comte de Cobenzl fe propoG 6  156 Le Voyageur foit de faire exécuter pour rendre commergans les Pays-Bas Autrichiens. Cela demanderoit bien du tems & de la dépenfe, j'en conviens, mais 1'avantage qui en réfulteroit, non feulement pour Malines, mais encore pour plufieurs autres villes & pour le Commerce général des fujets de S, M. dans les Pays-Bas, feroit affez confidérable pour qu'on furmontat toute efpece d'obftacles. Rien ne prouve mi eux 1'importance de Pétabliflement de cette navigation que les efforts que les Hollandois ont faits pour empecher qu'elle n'ait lieu. On pouroit même reftraindre , quant a préfent, ce projet & fe contenter de poufler la nouvelle navigation jufqu'a la ville de Haflelt dont les habitans ne fe refuferoient pas, a ce qu'on m'a dit ici, a contribuer aux frais qu'il faudroit faire pour cela; de Haffelt a Stockem, qui eft fur la Meufe, il n'y a que fix lieues de trés bons chemins pratiqués dans des Bruyeres. A Stockem commence un trés |beau chemin au moyen duquel tout le Commer-  dans les PaU-Baü. 1£7 cc d'Oftende, de Bruges & dc Gand auroit une communication directe & peufrayeufe avec la Baffe Allemagne & une partie de la Suiffe. On pouroit auffi tirer une chauffée depuis Malines qui traverferoit la Campine & produiroit a peu de cliofe le même effct que 1'établiffement de la nouvelle navigation. Cette chauffée ne contribueroit pas peu au défrichement d'une grande quantité de Bruyeres dont on ne tire aujourd'hui aucun avantage. Le Commerce avec la Baffe Allemagne & une partie de la Suiffe que font les Hollandois, leur feroit par la enlevé & pafferoit aux PaysBas Autrichiens : pour le faire les Hollandois font obligés de fe fervir du Waal, riviere difficile & innavigable pendant plufieurs mois de 1'année, tandis que la navigation des fujets de S. M. Imp. fe feroit dans tous les tems & qu'ils pouroient faire leurs tranfports a moins de frais & en moins de tems que ne le pouroient faire les Hollandois.  158 Le Voyageur. Le Commerce principal des Malinois préfententement, eft en grains & en dentelles , aulli defircroicnt-ils beaucoup que la fortie des grains fut libre en tous tems. Si cela étoit, ils feroient leur Commerce de grains plus furement & avec plus de bénéfice : aujourd'hui ils entaffent dans leurs greniers , tant que dure la défenfe de faire fortir des grains, le plus de grains qu'ils peuvent, & auffitót que la fortie en eft permife, ils fe hatent d'envoyer ces grains en commiffion aux Hollandois qui les amagafinent jufqu'au moment ou ils peuvent les vendre avec avantage pour leurs commettans. Le Commerce de dentelles qui fe fait aujourd'hui a Malines , n'eft plus auffi confidérable qu'il 1'étoit autrefois. Alors cette fabrique faifoit vivre un nombre infini de filles & de femmes : les Couvens ,de filles , les maifons d'orphelines en fabriquoient un nombre trés cynfidérable. L'ufage des dentelles eft tombé ; les femmes leur préférent les blondes & vous favez qu'il n'eft plus même  dans les Pays-Bas. 159 du bon ton en France que les femmes en portent quand elles font parées. Les hommes en portent aujourd'hui bien moins que par le paffe & il y a grande apparence qu'ils en porteront encore moins a Pavenir. Les fabriques de Cuirs dorés qui étoient autrefois trés florifantes, ne travaillent aujourd'hui que pour le Nord; 1'ufage des papiers peints, des toiles cirées peintes a prévalu; mais la plus belle fabrique de Malines , eft celle de chapeaux qui font, il eft vrai, de la plus grande beauté , trés folides quoique trés legers, d'un beau noir & en total d'une grande perfe&ion : ils font certainement bien fupérieurs a ceux de France : ceux d'Allemagne ne peuvent en rien leur être comparés. Les chapeliers de Malines tirent aujourd'hui des Anglois prefque tout le poil de Caftor qu'ils employent; ils pouront a Pavenir le tirer direéïement de PAmérique Septentrionale , en même tems que cette contrée du Nouveau Monde fera en-  i6o Le Voyageur core pour les fabriques de chapeaux Malinois un débouché qui, fur-tout a préfent, poura être confidérable. Les manufactures de MM. De Waudele & Compagnie & de MM. Bono & Compagnie , font trés floriffantes; ils font fabriquer des fayettes en laine, coton & fil, des couvertures de lit, aufii belles & auffi folides que celles d'Angleterre & de Holland , enfin des ferges qui ne le cedent en rien a celles de ces Pays. Outre ces deux grandes fabriques, il y en a encore plufieurs autres de la même efpece, qui font moins confidérables. II y a encore a Malines une manufaéture de toille de coton peinte qui eft bien fupérieure , pour la beauté des deflins, la vivacité & la folidité des couleurs a celles qui fe font dans les autres fabriques des Pays-Bas-Autrichiens. II fe fait a Malines beaucoup d'huile; les moulins qu'on y employé, font dans les Fauxbourgs & dans la Ville. Ces huiles fe vendent principalement en Allemagne. C'eft a Malines que fe fait le plus grand  dans les Pays-Bas. iöx Commerce de ce liquide. C'eft une branche de commerce que le .Gouvernement devroit encourager, comme il vient de le faire, ainfi que je vous Pai dit dans une de mes précédentes, pour la fabrique de 1'amidon dont il fe fait ici une^très grande quantité. Les epingles qu'on fait a Malines, font eftimées dans le Commerce & la fabrique en eft aifez confidérable. On fait auffi ici de la poterie de terre qui pouroit être perfeétionnée; elle pêche, comme toute celle qui fe fait dans les Pays-Bas-Autrichiens, par la folidité. II y a auffi ici des tanneries affez confidérables. J'ai vifité hier un rnoulin a 1'eau qui fert a fcier le bois; j'en ai vu les manoeuvres avec plaifir & j'en ai examiné toutes les parties avec intérêt. II y a auffi a Malines des marchands qui font un trés grand Commerce en poiffons fee & falé : le long crédit qu'ils accordent aux débitans dans Pintérieur de ces Provinces, fait qu'ils ont la préférence fur toutes les autres Villes. 11 y a  i62 Le Voyageuil a Malines plufieurs maifons qui font un Commerce en gros trés confidérable, entr'autres celles de Mrs. Poullet & fceurs de M. Winter ; les premiers ont auffi une maifon a Louvain ou ils 1'ont établi depuis la conftruélion du Canal de cette Ville: ce Canal a fait perdre a Malines ainfi que je crois vous 1'avoir deja dit, lé Commerce qu'elle faifoit fur Liege & fur 1'Allemagne., II fe fait a Malines une excellente bierre brune; elle eft forte Si trés faine; on en envoye une trés grande quantité au dehors ; on en fait pendant la guerre des envois confidérabies pour PAmérique. Deux Braffeurs font ici une bierre blanche qui eft auffi bonne que celle de Louvain dont on ne fait préfcntement ici que trés peu d'ufage. Combien les Braffeurs de Bruxelles, ou il fe fait une fi grande confommation de bierre de Louvain, ne gagncroient ils pas s'ils fuivoient 1'exemple des Braffeurs de Malincs! il y a auffi a Malines plufieurs maifons qui font  dans les Pays-Bas. 163 le Commerce de Cendres de Zélande: mais pour rendre le Commerce de Malines plus floriffant qu'il n'eft, il faudroit non feulcment lui faciliter les débouchés, mais qu'on fimplifiat la perception _ des droits & par conféquent qu'on diminuatle nombre des bureaux oü on les percoit dans 1'intérieur de la Province. J'ai été hier voir la commanderie de 1'Ordre Teutonique; les batimens en font confidérables, mais vieux & d'une maüvaife architeélure. Cette commanderie, a ce qu'on m'a dit, rapporte 24 a 25000 fl. a M. le Comte Colloredo qui en jouit: fes jardins font grands & agréablcs ; ils font ouverts a tout le monde indiftinétcment, & forment une promenade publique. Le palais Archiépifcopal n'eft rien moins que beau;les appartemens font vaftes, c'eft leur feul mérite, fi c'en eft un : ils ont été rajuftés & rcndus plus habitables qu'ils Pétoicnt avant la mort du dernier Archévêque j on les a ornés, décorés avec aflez  ïfy Le Voyageür de goüt. En total ce palais mérite peu Pattention des voyageurs. Le Cardinal Le Bofïu , en mourant, a laiffé fa bibliothéquc a fon ficge; elle eft nombreufc , peu riche en MS. & en editions rares. J'ai demandé fi cette bibliothéque étoit publique & Pon m'a rèpondu qu'elle ne Pétoit pas : il eft probable que Pintention du Cardinal Le Bolfu étoit qu'elle le fut ; quel autre motif auroit pu Pengagér a 1'attacher a fon ftege? le Cardinal Le Bolfu aimoit les lettres , c'étoit un homme d'un vrai mérite qui connoiffoit le prix de le culture des lettres & n'ignoroit pas que du progrès des fciences, dépend celui des arts & par conféqucnt la richeffe d'un Pays & même le bonheur de fes habitans. On ne refufe point 1'entrée de la bibliothéque de PArchévêché a tous ceux qui la demandent , mais Pcrfct de cette condefcendance n'eft pas le même que le feroit 1'entrée libre que pouroient y avoir tous ceux qui voudroient y aller  dans les Pays-Bas. 165 faire des recherches aux jours oü cette obiüliothéque feroit ouverte pour le pupUc. Je fuis &c  i66 Le Voyageur. LETTRE XX. Malines ce ... Mai 1783. Le peu de beaux tableaux , Monfieur, que j'ai vus dans les églifes que j'ai vifitées , me fait croire que mes courfes pittorefques feront ici bientöt terminées. Mespasfefont dirigés aujourd'hui vers Féglife Paroiffiale & Collégiale de Notre Dame. Cette églife n'eft Collégiale que dépuis 1643. Son Chapitre eft compofé d'un Prévót, & de 10 Chanoines, Le décanat eft uni a la cure: cette églife eft d'une affez belle architeélure gothique; elle eft grande & claire. Les ftatues des 12 Apötres adoffées contre les piliers, m'ont paru affez belles pour croire qu'elles ont été faites par de bons fculpteurs. Les marchands de poiifon de Malines ont orné la Chapelle qu'ils ont dans cette paroiffe d'un tableau de • Rubens qui repréfente notre Seigneur qui fe rend a  dans les Pays-Bas. 167 bord de la barque de St. Pierre. Sur un des volets Rubens a peint en dedans les Apötres trouvant dans un poiflbn la piece de monnoye dont ils avoient befoin pour payer le trifeut; fur Pautr-e volet il a peint 1'Angl & le jeune Tobie qui faifit le bel du poiflbn qui lui fournit le moyen de rendre la vue a fon Pere: en dehors on voit d'un cóté St. Pierre & de 1'autre St. Pai7 tenant fa Croix. Ces quatre tableaux font bïen infériews a celui qu'ils enferment : eelui-ci êil furement un des plus beaux qu'ait faits Rubens. La compofition en eft belle, graj^ & pittorefque ; le deiün y eft on ne peut pas plus corre&e; 1'eflet & la couleur y font vifs & piep" s- Au deflbus de ce beau tableau, on en voit trois petits auffi de Rubens; celui du milieu eft: Notre Seigneur crucifié, les deux autres font St. Pierre qui, albuitvers fonmaitre, enfonce dansl'eau, U jonas jetté-aia mer : ces tableaux font cruds, les draperies en font feches, k CtaifteA maigre & d'un deffin maniere.  i6*8 Le Voyageur Le tableau du maitre-autel de cette églife, eft d'E. Queliyn le jeune ; iL repréfente une Cene; il n'y a que le fond qui foit beau; tout le refte eft médriocrement compofé & fent la détrempe. Le payfage qui eft derrière eet autel, peint par Huyfmans, eft un beau tableau bien fait. La Vierge & St. Jean auprès de Notre Seigneur mort, peint par Van Hoeck, a du mérite, mais les couleurs y font lourdes & trop noires. Des deux tableaux de T. Rombouts qui font dans 1'églife de Notre Dame, un a été gaté par 1'artifte mal adroit qui a voulu le nettoyer;les parties qu'il a repeintes contraftent fi fort avec celles auxquelles il n'a pas touché quön regrette la peine qu'il a prife. Ce tableau repréfente la Vierge de doulyur & des anges ; la tête de la Vierge & celle des deux anges font trés belles. L'autre tabk'au de Rombouts repréfente Jefus-Chri; qu'on porte auHombeau : il a du nuis te. La compofition en eft belle & les i tes ont bien du cara&ere. St.  dans les Pays-Bas. 169 St. Pierre & St. Paul, Monfieur, font aujourd'hui mi eux logés.a Malincs qu'ils ne 1'étoient avant 1'extinétion des Jéfuites. L'églife Paroifliale qui leur étoit dér diée, tomboit en ruine; on 1'a abbatue .& ,on a erigé en églife Paroifliale 4-cclle des Jéfuites. Les décombres & le terrain de 1'ancienne églife ont été vendus par fes adminiftratcurs, qui en acquerant celle des Jéfuites, fe font chargés de faire, aux frais de la fabrique, la dépenfe des fonds baptifmaux & toutes les. réparations -néceffaires pour mettre l'églife des Jéfuites a 1'ufage d'une paroiffe & d'acquitter ■ toutes les fondations pieufesdont celle des Jéfuites étoit chargé. L'anciennc églife de St. Pierre, ainfi que celles de St. Jean & de Ste. Cathe.rine, n'étoient autrefois que de iimplcs. chapelles qui ont été erigées enfuite en Paroiffe au fur & a mefurc que la population de la Ville s'cft augmentéc. II en a <éxé de même des deux chapelles de Ste. Marguerite & du St. Efprit dans le fau- Tome IV Partie IJL H  i *o Le Voyageur. bourg dc Neckerfpoel qui cürent des Curés en particulier & en commun avec les autres a proportion de 1'augmcntation ou de la diminution des habitans. Le portail de l'églife des ex-Jefuites, ou plutöt de la Paroiiïe de St. Pierre & dc St. Paul, a au dchors un afpect impofant; on y voit des colonnes & des pilaftres trés elevées d'ordre Corinthien qui lui donncnt un air de grandeur qui frappe , mais le couronnement qui eft trop haut, eft furchargé de figures & d'ornemens, cc qui ecrafc toute 1'architccturc. Ona porté le mauvais goüt jufqu'a coupcr rentablement pour y laifler defcendre un Saint de 1'Ordre Jéfuitiquc. On croyoit alors qu'il n'y avoit de beau que ce qui s'écartoit de cette belle & noble fimplicité qui eft inféparable de la perfection de Part, parcequc c'eft alors que Part eft véritablement imitateur de la nature. L'églife de St. Pierre & de St. Paul eft grande, belle & claire; elle eft foute-  dans les Pays-Bas. 171 nue fur des colonnes Doriques & enrichie d'ornemens d'architeéture d'affez bon goüt pour le tems oü ils ont été faits. Le fond du cceur eft trés orné , mais le maitre-autel eft de la plus grande mefquinerie & du mauvais goüt. Ce font des figures trop petites & beaucoup trop médiocres. Les tableaux qui ornent cette églife font les mêmes qui y étoient lorf.qu'elle appartenoit aux enfans d'Jgnace. Q'a été fans doute leur médiocrité qui leur a confervé la place qu'ils occupent: on les auroit vendus ou envoyés a Vienne, s'ils en euifent valu la peine : ce font St. Franeois Xavier conduit par un ange peint par J. E. Queliyn ; il n'eft pas fans mérite: le même Saint qui chaffe le diable du corps d'un poffedé , peint par Blandef; ft ce tableau eft bien compofé il eft d'une mauvaife couleur; encore St. Franeois Xavier prêchant les idolatres, peint par J. E. Queliyn; le même Saint Baptifant un Prince Idolatre parP. Eyckens. Le tableau du même peintre qui repréfente le même H 2  ï?2 Le Voyageur. Saint reffufcitant un mort, a quelques ■ belles parties. St. Xavier chaffant devant lui avec le feul fecours d'un Crucifix une ' arméë d'Idólatres , eft un affez bon ■ tableau d'Hcrrcgouts. St. Xavier qui recoit fa million du Pape pour aller prêcher dans les Indes; le même Saint qui marche nudjpied fur la ncige; le même Saint -qui retire un Crucifix des patres d'une ecreviffe, font les trois trafês de la vie de ce Saint qu'a rcndus tant bien que mal E. Queliyn : jc ne fais pas ou il les a pris; je ne me fouviens pas de les avoir lus dans la vie de cc Saint par Bouhours qui , a ccquc je crois , ne parle pas non .plus du moment oü fon héros fait vóir fa million h un prince. Le peintre Colliers a fait un même tableau , de St. Franeois catéchifant la jeunefie , ces deux tableaux ne m'ont pas arrêté longtems; mais j'ai donné plus d'attcntion a celui de L. Fran?ois qui repréfente St. Xavier qui confond Figaorance des Philofophes payens.' C'eft  dans.- j,es Pats-Bas. 175 dommage que ce tableau, bien peint dans la maniere du Bourdon, ait été endommagé par le foleil. Le meillcur tableau de cette églife eft St. Franeois Xavier a genoux fur un nuagc adorant fenfant Jefus & la Vierge; au bas font des demons terraflés : ce tableau eft de De Loofe. Les Jéfuites dc Malines pofledoient un beau tableau de Van Dyck ; il repréfentpit St. Franeois Xavier mourant : la tê.te du Saint .avoit une expreffion admirable : j'ai demandé ce qu'il étoit devenu, perfonne n'a pu me le dire. Ce tableau étoit dans 1'interieur de leur maifon, ainfi qu'un autre tableau de fleurs trés bien pe'int par-G. Seghers; au milieu dé ces fleurs, Fon voyoit S. Xavier peint' par le même & un autre tableau de J. Sneydcrs repréfentant des fleurs & du gibier. • L'églife ParoiiTiale de St. Jean poffede buit tableaux dé 'Rubens dont le plus beau eft une'Adöration desMages; il eft fur le maitre - autel: ce tableau ne rcf- H 3  i?4 Le Voyage uk. 'emble en rien a tous ceux oü ce grand maitre a traité le même fujet: on en compte onze qui tous font différcns : rien ne prouve mieux rheurcnfe & riche fecndité de cc grand maitre: cc tableau eft un des plus correéls qu'il ait faits ; plufieurs des têtes font largement faites & de vrais modeles; mais on n'y trou-, ve par cette legereté, cette facilité &; c-e laific qu'on admire ordinairement dans fes" ouvrages. Sur les' volets cn dedans, Rubens a repréfenté St. Jean dans Phuilé bouillante & la décolation de St. Jean , & en dehors St. Jean dans Pitte de Pathmos & le Baptême de Notre Seigneur. La décolation de' St. Jean, eft untableau d'une grande beauté ; vous devez avoir 1'eftampe de ce tableau gravé par L. Vorftermans: c'eft une des plus belles eftampes de celles qui compofent 1'ceuvre de Rubens. Les trois autres tableaux de ce peintre font placés au deflbus de cette Adoration des Mages; celui du milieu repréfente Jefus-Chrift fur la croix; les"  dans lus Pays-Bas. 175 deux autres repréfentent fa Naiilance & fa. réfurreétion: ce font trois morceaux précieux qu'on a négligés & qui font falcs. L'on m'a fait voir la quittance écritede la main de Rubens par laquelle il reconnoit avoir recu 1400-fl. ou 2.571 li. de France, pour payement de ces huit tableaux. Les autres tableaux qui décorent cctte églife , font de Lucas Franeois , dei V. N. Janffens, & de T. Van-LDon. Ceux de Lucas Franeois font-au nombre de 11; Pun repréfente St.- Roch. qui fecoure les peftiférés, & fur les volets en dedans, St.Sebaftien & la Tentation de St. Antoine, & en dehors St. Chriftophe & St. Adrien: trois autres plus petits repréfentent, 1'un Jefus- Chrift mort fur les genoux de fa mere, 1'autre un Ange qui panfe la playe de la pefte a St. Roch, & le 3e ,. St. Antoine qui vifite St. Paul Fhermite dans le défert. Ces huit tableaux fba-C d'une grande corrcélion de deffin , d'une bonne couleur & d'un beau faire. Le neuvicmé repréfente la Defcente du St. Efprit II 4  ï~ó* ■* Lê Vota geus. fur les Apötres: fur les volets font peints deux fujets; 1'un tiré-de. la vie de. St. Pierre, & 1'autre de celle de St. Paul. Lu tableau du milieu a du mérite, mais les deux • des volets lui font fupérieurs. Le. tableau peint pat V. H. Janffens, repréfente une Vierge de Douleur qui tient fon Fils mort fur fes genoux ; celui peint' par T. Van-Löon eft petit, mais piquant: il repféfeflte-l'enfant Jefus. Trois. tableaux d'E. Queliyn décorent l'églife Paroifliale de'St. Catherine; tous trois font .beaux, mais celui qui .repréfente la NaifTance de Notre Seigneur , eft fi bien compofé, fi bien deffiné , ft bien. peint, ft bien dans la maniere de Van Dyck; il a un effet furprenant; la lumiere qui environnc 1'enfant en a un fi grand, qu'il fait illufion : elle eclaire toutes les figures: toutes les têtes font bel-les & les enfans qu'on voit dans la Gloirc qui eft au defTus, font charmans & pleins de finefle. Les deux autres tableaux d'E. Queliyn repréfentent, 1'un Ste. Ca-..  dans les Pays-Bas. 177 therine tranfportée fur le mont Smai, Pautre le martyre de St. Laurent. L on m'a encore fait voir dans la Sacnftie un tableau du même maitre qui repréfente Jefus-Chrift fur la Croix. J'ai examiné avec plaifir dans cette églife un tableau de J. Jordaens; il eft d'une vigoureufe couleur & peint avec beaucoup de facilité; il repréfente la Vierge tenant fur les genoux 1'enfant Jefus; a fes cötés font St, Jofeph debout & des Anges, & dans le Ciel une gloire, au milieu eft Dieu le pere. Ce tableau eft placé fur 1'Autel de St. Jofeph: eet autel eft entierement de marbre avec des colonnes torfes ; il eft bien compofé & bien exécuté. Etant vis-a-vis 1'Autel de la Vierge & paroiffant peu occupé du tableau qui le décore, un amateur qui s'y trouvoit auffi, me dit, Ce tableau eji deMaurus Moreelfe; il n'eft plus cequ'il étoit avant quon Veut nettoyè & revcrnis; on Va tout d fait gdté; mais cepen-* dant fi vous fexamincz; avec attention 4 H5  178 Le Voyageur. vous verrez qu'il efl d'une belle compofition , dejjiné & peint d'une belle maniere: ce tableau repréfente une Affomption. Le foleil a aufli fort endommagé le tableau qui eft fur l'autel de St. Laurent & qui repréfente le martyre de ce Saint ; il a été peint par Lucas Franeois; la couleur des ombres eft tellement mangée, que les ombres font rouges du fond de Vim-> preffion de la toile. •' En fortant de la Paroiiïe de Ste. Catherine, je voulus rendre vifite a celle de Notre Dame de Banfvyck; n'en prenez pas la peine, me dit - ön , cetie églife ne renfrme rien qui mérite votre atten- tion mais d'ou tire-t-elle fon nom d'un villagt. Un Chanoine de St. Rombaut, nommé Fan-Horren, y fonca un Prieitré de Chanoines réguliers de St. Auguftin & de la congrégation de Ste. Genevieve : Fan - Horren étoit avfjl Curé de Hanfwyck & de Muyfen : il follicita l'Archévèque de Cambrai de fépcrer ces deux èglifes & obtint que la première-fe-  dans lès Pats-Bas. 179 tok unie- au Prieuré [qu'il avoit fondé : cette Paroiffe eft celle de Notre Dame. Paflant ce matin devant cette églife, j'y entrai, &; je fus, on ne.pcut pas plus éconné,'d'y voir,-'d'aprës ce qu'on m'avoit dit la:veillc, un beau tableau de L. Franeois qui repréfente- St. Auguftin. La tête du St. eft belle & trés-belle. Un autre tableau 'dé la' même églife peint par Van Aeken, eft'oh ne peut' pas plus médiocre ; c'eft une Affomption. II n'y a certainément pas a Malines une plus belle cbaire a prêcher que celle de l'églife des Chanoines réguliers d'Hanfwyck; elle eft compofée avec génie & efprit , & peut -être placéea cöté/--de, celle d-e.-Ste. Gudule de Bruxelles. Je demandai a; vbir 1'intérieur de la maifon & je ne vis ? avec une forte d'intérêt, que le réfecloire dont tout le fond , depuis le" bas jufqu'a la voute, n'eft qu'un tableau repréfentant une architeéture & plus de vingt Religieux de grandeur naturelle. Ces portraits font bien compofés, mais la couleur en H 6  So Le Voyageür eft froide. Deux grands payfages m'ont fait plus de plaifir ; ils font de Momper & lesfigures de L. Franeois j elles font bien peintes dans'le goüt du Benedette. Dans le même réfectoire font les iz Apötres en bufte; ce font des copics de Rubens faites par G. Seghers. La franchife de la touche & la vérité de la couleur , en font douze bons tableaux. Je fuiSj &c  dans les Pays-Bas. 181 LÉT TRE XXI. . Malines Maf 1783.- N Tmaginez pas, Monfieur, qu il n y ait ici que les couvens de filles dont je vous ai parlé dans mes précédentes lettres, Les églifes de ceux dont je ne vous ai rien dit, ne renfermant rien qui méritat d'être cxaminé , je n'ai pas même pris la peine de leurrendre vifite.Il y a ici des Uurfulines, des religieufes qu'on nomme Bleydenkr£/z, deshofpitalieres , des riches & des pauvres Claires, des religieufes de Leliendael, du Tabpr , de Bethanie , de Muyfen , des Carmelites, des hofpitalieres de Sl Lazare dites Siekelieden & des Sceurs noires. De tous ces couvens, il n'exiftera plus a 1'avenir, dit-on , que celui des U-rfulines , des Sceurs noires, des religieufes de Bleydenbergh , des pauvres Claires & des hofpitalieres : tous les autres feront fupprimés. Les couvens d'hommes ne font pas fi nom?  L E V 0 Y A G E u,a. breux ;cefont ceux des Capücins desRécólets , des grands & des petits Carmes, des Dominicains & des Augufrins: ii y a auffi des freres Célites: 'Les moines & les mom'ales ont ici des partifans, mais le nombre n'en eft pas grand : je crois qu'on verra la fuppreffion de leurs couvens avec une forte d'indifierence. L'on peut dire ici hardiment- fans crainte d'être confidéré comme ennemi dc jefus-Chfift, qu'un religieux ou une religicufc dont fa vieeft puremerit contcmplative ne fert ni la religion ni 1'état. Qüaht aux couvens d'hommesv il n'y en aura , dit-on , aucun de fupprimés , s'éntend pour le préfent: i'ai vu ce matin dans l'églife de cëlui des Rccolets trois beaux tableaux de'Van Dyck; 1'un repréfente St. Bonaventure qui, tandis qu'un religieux célèbre devant lui la meffe, regoit d'un ange la Ste. Communion ; uh 'autre ange foutient le Saint; aü deiius on volt dans une gloire dés anges qui apportent au Saint le chapeau de ^Cardinal & la croix Archiepifcopale. Ce t*.  dans les Pays-Bas. 183 bleau eft .admirable pour la compofition ; il eft d'une fineiïe de couleur qui furprend, & furtout on ne peut pas plus correct, dc deffin; Pautre repréfente Notre Seigneurcrucifié entre les larrons. C'eft 1'inftant oü fe confomma le facrifice que le peintre, a faifi : il a donné aux larrons de Paclion : on croiroit qu'ils voudroient fe débaraffer des liens qui les retiennent; au bas de la Croix Van Dyck a placé la Vierge plongée dans la plus vive douleur & derrière elle St. Jean. Un foldat armé a cheval, a la tète appuyée fur fes deux mains : le peintre lui a donné un air d'étonnement &. de furprife & même d'admirat.ion qui, rend ce foldat intéreffant; devant lui eft un bourreau a demi nud & plus loin une foule de peuple. Cette compofition eft une des plus grandes , des plus ingénieufement faites que j'ai vues , tout eft plein de feu & de génie ; il y regne: une variété furprenante ; le deffin eft plein de fineffe; rien de plus beau que le Cbrift ; la tête de la Vierge eft admirable, mais  184 Le Voyage uk. fa draperie eft d'un pinceau lourd. Quof*que la peinture de ce tableau foit belle en général , elle eft un peu froide. Le 3e. tableau eft un fujet ridicule aujourd'hui , mais qui ne 1'étoit pas pour le tems oü il fat imaginé ; c'eft St. Antoine qui tient en fa main une Hoftie devant laquelle un ane fe profterne: la tête du Saint eft d' un beau caraéiere; elle a beaucoup d'expreffion; la compofition de ce tableau eft pittorefque & intéreffante,mais la touche n'eft pas ferme. Van Dyck a pu pcindre au milieu du 1 7e. fiecle un ane s'agenouillant devant une Hoftie , puifque le Jéfuite Touflain Bridoul a pu faire fnprimer avec Privilege & Approbation a Lille en 1672 un livre qui avoit pour titre VEcok de P Euchariflie établie fur k refpecï miracukux que les bètes, les oifeaux & les infèSes ont rendu en différent tes occajïons au St. Sacrement de Pautel% Ce livre il eft vrai fut tourné en ridicule par les Proteftans & furtout par un Anglois qui prit la peine de le traduire  dans LES PaYS-BaS. 185 en fa langue pour en tirer la conféquence que les Prêtres catholiques romains profitoient de la crédulité du peuple pour le rendre fuperftitieux. J'ai vu dans l'églife des. Récolets un beau. tableau d'un frere Récolét nommé. T. G. Gyfaert ; il repréfente des fleurs de toute efpece & en grand nombre; il eft bien dans la maniere du frere Seghérs, mais peint .plus facilement; la couleur en eft cependant un peu grife. La même églife poffedc plufieurs bons payfages peintg par Sybrechts : on y voit beaucoup de facilité & furtout une belle facon de toucher les feuilles des arbres- & des plantes: les ombres dans ces tableaux font . cependant 'pouffées un peu trop au noir. Lesquatre'tableaux de M. Smeyers; qui repréfentent les quatre Evangeliftes & plufieurs tableaux qui repréfentent des Saints. & des Saintes de POrdre de St. Franeois, qui font des copies faites par un pcre Récolct, ne m'ont pas arrêté longtems. Je n'ai vu dans l'églife des Capugins  **ó Li Vota geur qu un tableau de G. Crayer qui foit véntablement beau; il eft d'une grande finelfe dans les cxpreffions , d'une parfaüe •correcïion de deflin & d'une couleur excellente; il repréfente Notre Seigneur attaché a la Croix; au bas'eft la Madeaine & St. Franeois. Les deux autres tableaux qui font dans cette égIifc?fonc de Cr. Seghers & de Martin De Vos : celui de celui-ci eft une Nativité, c'eft unbon tableau, mais un peu dur; celui de celtu-la repréfente la Vierge qui préfenté 1 enfant Jefus a St. Frangois; il eft bien peint & d'une belle couleur. Les Auguftins de Malines avoient un beau tableau de Rubens qu'ils ont vendu il y * quelques années au Chevalier Verhulft; il repréfentoit 1'enfant Jefus, la Vierge, Ste. Catherine & d'autres Sainl tes : vous trouverez 1'eftampe de ce tableau dans I'ceuvre de Rubens gravée par y. De Jode: un tableau de Schut qui eft une Purification, un tableau d'E Qnel lyn qui repréfente la Madelaine qui Jave  das.! les Pays-Bas. 187 les pieds du Seigneur, un autre de T. Rombauts oü Pon voit St. Auguftin qui lave les- pieds du Seigneur, & un Crucifiement du Seigneur peint par A Franck, font les fëüls morceaux que j'ai encore vui dans l'églife des Auguftins. Le tableau de Schut eft bon,celui d'E.Quellyn eft trés médiocre , celui de Rombauts eft vigoureux de couleur & peint avec fermeté ; enfin celui de Franck eft d'une bonne couleur; Ü a de la.vérité, mais trop de féchereffc Je fuis, &c»  i8S Le Vota-geus. L E TT RE. XXII. JMalincs ce.... Mai ':■ - to . • . . xu£ .. r%fög . / E ne fois- pas, Monfieur, 'partifan- de cette, inultiplicité de retraites qu'onnomme couvens.de filles qui .ne font. d'aLCune utiüté-ni pour Pétnt ni pour. la religion, quand ils font habités par des individüs inacbifs -:qui. y. gemiffent fouvent fous le poids de leur oifiveté. II eft, pour les perfonnes du fexe, & fur tout dans les Pays-Bas , des retraites d'une autre efpece qu'on nomme Beguinages qui, fans priyer celles qui s'y retirent ni de la •liberté dé difpofer, comme elles le veulent,'de.4eUr perfonne, fuivant le vceu de la nature ,'ni delajouiffance des biens qu'elles poffedent comme citoyennes, leur laiffent la faculté de faire ufage,"quand elles le jugent a propos , de Pune & des autres & pour leur propre bonheur & pour le bien de PÉtat.  dans les :'?AT-S-Ba!. 1% Une Beguine peut, 1 quand elle le veut, devenir.une bonne mere de familie, une citoyenne utile : jufque-s-4a elle'jouit dans *ine honnete retraite , d'une honncte liberté ; une fortune "médiocre lui fuffit -pour être logée agréablement, pour ré:cevoir chez elle avec■décence fe agrément fes parens & même fes'amis ; elle y rem.plit tous les devoirs de la religion par fentimens & non pour obéir a une régie -qu'elle a juré d'obferver: Tobéiffance qu'el-le doit a fa fupérieure, n'eft pas une -obéiffance fervile, c'eft celle que tout -membre d'une Societé politiqüe doit au xhef qu'elle a choifi. pour maintenir 1'ordre & la tranquilité. Une Beguine ayant encore une exiftence ■ civile , s'intéreffe , -comme tous les autres citoyens a la profpérité dé- 1'État. La Religieufe qui n'eft plus ritodans 1'État & qüi a même fait Tceu de n'aimér rien, de n'être attachée i rien, regarderoit- comme une offenfe ie trop grand intérêt qu'elle -prendroit ja la profpérité même de fa familie.  ioo Le Voyageur Les Beguinages font trés anciens. Des auteurs en font remonter Fétabliifement aux premiers fiecies de l'églife i je crois qu'ils ont été formés bien avant les couvens. II n'y a pas de pays ou il y ait une fi grande quantité de Beguinages que dans les Pays-Bas Autrichiens: ces Beguinages ne font pas riches , & cependant dans tous on y pourvoit a la fubfiitance & a 1'cntretien des Beguines .qui, par un revers de fortune, perdent .Je bien qu'elles polfedent. On ne recoit pas dans ces Beguignages aucune fille depourvue de tout bien: il faut que ceu le qui demande a y être admife, prouve qu'elle poffede le revenu qui eft déterminé par 1'ufage de la maifon. Ordinai.rement chaque Beguine a fa petite maifon particuliere qu'elle acquiert a vie du Beguinage auquel toutes les maifons qu'il renferme, appartiennent. Ces maifons forment des rues & font toutes renfermées dans une enceinte , ce qui donné a chaque Beguinage Pair d'une pe-  dans les Pats-Bas. ïgi tite Ville qui fe ferme le foir, mais dans laquellc on peut entrer, aller & venir librement pendant le jour. Chaque Beguine a fon ménage particulier. 11 y a des Beguines , qui , pour fe procurer une plus grande aifance, fe chargcnt; de Pëducation des jeunes filles ; elles leur ap.prennent tout ce qu'on leur enfeigne dans . les couvens, a lire , a écrire , a travailler. Ces efpèces d'écolcs font foumifes a la jurifdiélion des Ecolatres comme les autres écoles publiques. 11 y a même de ces écoles ou Pon recoit, en vertu d'une permiffion tacite , de jeunes garcons de Page de cinq a 6 ans. Je regarde Fintiftitution des Beguinages comme trés utile. II y a eu anciennement des Beguinages dans Ia Flandre & dans le Brabant qui ont contenu jufqu'a 15 a 2000 Beguines : ils ne font pas aujourd'hui auffi nombreux. 11 y en a deux ici, 1'un qu'on nomme le grand & Pautre le petit Beguinage; le grand eft fitué a Pextrêmité de la  iq2 Le Voyageur. Ville pres la porte d'Anvers; il date fon ëtabliffement de 1429 : Pon m'a afluré que le nombre de Beguines qu'il renferme eft de 700: le petit Beguinage en referme encore 300. L'églife du grand Beguinage de Malines , ei* une des plus belles qui foient dans cette Ville; elle eft grande & claiTe; elle eft foutenue par des colonnes d'Ordre 4 Corinthien; mais les ornemens en architeébure Mofaïque & Rofalles, font en trop grand nombre & médiocrement exécutés; ils forment cependant un enfemble affez agréable. Le portail de cette églife en dehors en impofe; il a un afpecl affez majefirueux; il eft grand -& décoré de deux Ordres, 1'Ionique & le Corintbien, furmontés d'un couronnement trés élevé , mais trés lourd: tout incorrcél qu'eft ce portail pour fes profils, ilplait. La nef eft ornée de plufieurs tableaux; d'un cóté font ceux qu'a peints T. Boyermans'qui a prisfes fujets dans la vie 'de la Vierge; de Pautre coté font ceux peints par  'dans lïs Pays-Bas. 193 par colliers; ils repréfentent plufieurs actions de Ste. Thérefe: prefque tous ces tableaux font bien compofés; il y en a même quelques-uns d'entre eux qui ont un grand mérite. - Six mois de Fannée le maitre-autel de cette églife eft décoré d'un tableau de L. Franeois dont la compofition eft pleine de génie : ce, tableau eft trés correct de deffin & d'une bien bonne couleur. Les fix autres mois on voit fur eet autel la Vierge & 1'enfant Jefus & dans le bas, des Saints & des Saintes peints par T. \ Boyermans; c'eft un tableau bien compofé , mais inférieur a celui dc L. Franeois. Au deffus del'autelfont placés trois tableaux de Colliers compofés d'une belle maniere; ils font élevés de plus de quarante ; pieds & ont cependant un effet trèspiquant, ; parcequ'ils font d'üne grande vigueur. ' Ces trois tableaux n'en forment vérita^ ' blement qu'un : au milieu c'eft Notre . Seigneur attaché a la Croix, ceux des 1 cötés repréfentent les Larrons auffi cruise IV Partie III. 1  i94 Le Voyagetje. cifics; au bas font nombre de figures. "Sur la porte de la Sacriftie , eft une Vifitation de Ste. Elifabctb peintc par T. Van Loon qui a auffi peint PAdoration des Mages qu'on a placée vis - a - vis; Pun & Pautre font bien compofés &: d'une belle couleur. Je fuis, &c  dans les Pays-Bas. 195 LETTRE XXIII. Vïlvorde ', ce Mal 1783. J'Ai , . Monfieur , quitté hier Maliöes avec regret. Si je voulois me fixer dans les Pays-Bas Autrichiens, je préfércrois le féjour dc Malines, Bruxelles exceptée, a celui de toutes les autres villes. Demain je me rendrai a Bruxelles qui n'eft éloignée d'ici que de deux lieues, aipfi que de Malines. Vilvorde eft fur la Scnne qui la cou- 1 pe en deux & met en adlion plufieurs moulins. Le canal de Bruxelles a Anvers, paffe aux pieds de Vilvorde: il auroit été plus avantagcux qu'il Peut traverfée d'un hout a 1'autre. Les Magiftrats de Bruxelles , lors de la conftruélion du canal, le propoferent aux habitans de Vilvorde qui, épouvantés de la dépenfe qu'il leur auroit fallu faire pour mett-re a exécution ce projet, le rejetterent, ainfi que Poffre qu'on leur fit de détourncr une partie des eaux I 2,  19^ ■ Lé Votagïuï de la Sennc pour en former un canal jufqu'a Malines. L'exécution de 1'un & de 1'autre de ces projets auroit été trés avantageufe au commerce de Vilvorde qui n'en a aucun aujourd'hui. L'on a beaucoup dit de mots 'fait dc phrafes fur la véritablc étimologie du nom de cette ville, Barland & Grammaye en ont dit tout cc qu'on pouvoit en dire pour ennuyer completement leurs icéteurs ! cc qu'ils leur apprennent dc plus importants c'eft qu'on conftruifit a Vilvorde, en 1375, un chateau flanqué de fept tours pour fcrv'ir de défenfe contre les émotions populaircs des villes voifmes. Ce chateau qui avoit fon Chatclain étoit une prifon d'Ktat & un dépot des chartres du Pays: com=me prifon d'État, on y exécuta fouvent elandeftinement, fur-tout du tems du Duc d'Albe, ceux qui fe rendoient redoutables au Gouvernement par leur amourpourla liberté & la conftitution du Pays. Ce chateau n'exifte plus aujourd'hui. Les fortilications de la ville ont auffi été détruitcs.  DANS LES PAY S-B A S. 107 Le Souverain a a Vilvorde un officier .qui le repréfente qui eft qualifié dc CheffMayeur ; il étoit dépendant de 1'Amman de Bruxelles avant le 15c. fiecle; depuis iil ne 1'eft plus parceque Vilvorde n'eft plus dépeudante de rAmmanie de Bruxelles : ce Chef-Mayeur gouvernela ville d'ac:cord avec les officiers municipaux qu'il ;cbange tous les ans de concert avec un Député qu'envoye le Chancelicr de Brabant. _Ces officiers font des Bourguemeftres , échevins &_reccveurs; ils adminiftrent la juftice civile,, criminelle & la police de ,1a "même maniere que les officiers municipaux'des autres villes du Brabant j ils font principalcment chargés dc veillcraia confervation des droits, privileges & immunités de leurs concitoyen^.On fait a Vilvorde •Ja Coutume deBruxelles, a 1'exccption de quelques' actieles qui forment ia trés petite Coutume de Vilvorde : ces articles ne fe trouvent pas dans celle de Bruxelles. On appelle peur 1c civil.dcs Sentences des échevins dc Vilvorde , au ."Confeil Souverain de Brabant. I 3  io& Lï Voyage u». Les fonctions de eet officier , font celles des Amman de Bruxelles, Maycur. de Louvain, Écoutette d'Anvers &c. &c. quï font celles de nos Baiilis d'épée. Vilvorde n'eft recommandablc aujourd'hui que par fa maifon de Force que les Ëtats ce Brabant y ont fait conftruire il y a quelques années pour toute la Province: cette maifon eft fous 1'infpection des États & elle n'a pas de revenu fixe. Je fui's étonné que cette maifon ne foit pas auffi a 1'ufage de la petite Province de Malines qui n'en a pas. Une maifon de force eft abfolument - nëceöaire pour bannir d'un pays le vagabonage & la mendlcité. Une maifon de force eft une maifon d'opprobre qui imprime fur ceux qui y font renfcrmés une note d'infamie qui ne s'efface jamais lors mcme qu'on n'y eft plus rcnfcrmé : cette maifon ne peutpas donc être en même tems une maifon de correction pour la jeuneife vicieufe qui fouvent revient de fes égaremcns, quand cn Pen punit avec modérationjk  DANS L E S PATS-BAS. 100 furtout quand on 1'éloigne pendant quelque tems des occafions de fe livrer a fes gouts dépravés & a fes paffions. Les maifons de correétion en France ne fonc pas confondues avec les-maifons de Force,^ dans cellest on ne renferme pas indiftinclemcnt les hommes & les femmes comme cela fe pratique a Vilvorde : dans cclle-cy le cri'minel qui a obtcnu la remife de la peine capitale a laquelle il a été condamné, y eft renfcrmé: comment cette maifon peut-elle être auffi le féjour d'une jeune fillr qui, fans avoir commis aucun crime contre la focieté, n'a ceffé fouvent d'être vertueufe que parcequ'elle n'a pas connu le danger auquel elle s'cxpofoit en fe livrant inconfidérément a un penchant plus fort que fa raifon & que tous les principes qu'elle avoit recus de 1'éducation \ Si cette jeune fille fe trouve confendue avec des femmes publiques, qui par leurs débauches & fouvent par leurs excroqueries font devenues 1'opprobre dc leur fexc & les obI 4  soa Li VoTActfk jets de k vengeance publique, cette jeune fille fera fans motif de redevenir vertucufe. La honte dont elle fe verra courerte, la fera renoncer a Pefpoir de faire oublier fes écarts par une conduite tout a fait oppofée a celle qu'elle aura tenue avant fa détention. Une maifon de force ne doit être ou la retraite du crime que 1'indulgence du Prince ravit a la juftice, ou du citoyen que fa parede rend indigne d'être confidéré comme tel, qui charge la terre du poids de fon oifiveté & la focieté du fardeau de fon exiftence ; c'eft pour les punir & non dans 1'efpoir de les corriger que 1'un & 1'autre y font renfermés. Cette maifon, établie pour le bien général de la focieté, doit être a la charge de toute la focieté , mais la focieté doit être indcmnifée des dépenfcs que cette maifon lui occafionne par le travail de ceux qui y font renfermés. Le meilleur .emploi qu'on peut en faire eft de les faire fervir aux travaux publiés & furtout  dans les Pays-Bas. aor aceux qui font les plus pénibles 8c même les plus dangereux; mais a défaut de travaux publiés, on ne doit pas laiiïcr dans loifiveté ceux qui font renfermés dans les maifons de force ; c'eft alors qu'il faut établir dans ces maifons des atteliers, mais ces atteliers, ne doivent pas nuire a 1'induftric générale ni a celle des particulier» qui tiennent d'elle feule leur fubfiftance. Je ne penfe pasjju'on doive établir des manufaólures dans les maifons de force, fur-tout fi la manufaóture qu'on veut y établir eft femblable a celles qui font déia dans le Pays. II me femble qu'on pouroit faire tourner a 1'avantage , des manufaétures deja établies dans le Pays, le travail des malheureux qui font enfermés dans les maifons de force ; ce feroit en les cmployant a mettre les matieres premières en état d'être manufaélurécs, les laincs, les cotons par la filature, les chanvres & les lins en les roubfant. Ces.premières préparations pouvant être faites a plus bas prix. dans les I 5 .  #c2 Le V o t a g e r b. maifons de force qu'elles ne pouroient 1'êtrc partout ailleurs, les manufacturiers qui les employeroient auroient un avantage fur ceux des autres Pays dans les marchés oü ils porteroient leurs étoffesQuand 1'Empereur vint a Bruxelles, un Franeois, denneur de projes , lui préfenta celui d'occuper tous ceux qui font détenus dans les maifons de force dans ks Pays-Bas, hommes & femmes indiftinctement, a la préparation du Tabac: fi ce proiet fe fut borné la, les deux Confeillers du Confeil de Finance auxquels il fut remis par ordre de TEmpereur pour 1'examiner, 1'auroient probablement ap* prouvé; s'il Font rejetté, ga été fans doute parceque le but de fon auteur étoit que le Souverain s'attribuat comme en France la vente exclufive du tabac, cequi auroit nui confidérablement au commerce général des fujets de S. M. dans les Pays-Bas. II eft certain que fi ceux qui y font le commerce de tabac pouvoient cmploycr a la préparation de eet»  DA.NS LES pATS'BAS. SQg* te plan te une main d'ceuvre a meilleur marché que celle qu'ils employent aujourd'hui , il. auroient un avantage confidérable fur les .fabriquans étrangers & parconféquent furies marchands de DunJterque qui font le même Commerce qu'eux. J'ai vu dans tous;fes détails, laanaifon de Force de Vilvorde: 1'on m'avoit dit .qu'elle avoit été faite fur les plans de FJ'huet qui, comme je crois vous 1'avoir déja dit, doit. êire confidéré comme le •meilleur Arcbitecte qu'aient eu les PaysBas-Autrichiens, & je vous allure que je fus on ne peut pas plus étonné de ne rien trouver dans eet édifice,ainfi que dans fes acceffoirs, qui répondit a la réputatiön, d'ailleurs méritée, de eet artifte: je ne ie rends. point refponfable de 1'emplacemcnt qui eft trés vicieux, mais il me femble qu'il n'auroit jamais dü eonfentir a ceque ce vafte batiment fut placé ou il 1'eft. Les États de Brabant, €3 le préférant a tous. les autres archi-  204 Le Voyageur. tcctes qui s'étoient préfentés pour faire "cette"" entrcprife, lui auroient feu un gré infini, s'il leur eut fait connoitre que i'emplacement qu'on avoit choifi, ne de"voit pas être celui fur lequel 1'on vouloit qu'il opérat. Cet emplacement eft infaiubre; il y regne une telle humidi té qu'on m'a airürë que depuis'la: conftruction des murs intérieurs, cés murs étoient encore aufli humides que fi on venoit de les achever; fi cela eft, jugéz combien doivent être maifaines les habrtations des malheureux renfermés dans cette maifon de - trifteife & d'opprobre; Ton m'a aifuré qu'elle étoit dans fon total & dans fes détails la même que celle de Gand. J'ai été révolté de voir que les cazes qu'occupe chaque prifonnier dans la maifon de Vilvorde , étoient d'une Exigiaté que rien ne pouvoit excufcr: ces cazes font cxaélement des guerites renverfées : chacune d'elle a un peu plus de 6 pieds de Bra- . bant de longueur fur quatre environ de krgeur: on ne peut y ectrer ni. s'y te-  dans les Pays-Bas. aojf:nir debout, & il faut être de cóté pour pouvoir y pénétrer: 1'eftrade fur laquelle ,Te prifonnier fe couche, occupe la majeure partie de la largeur de lacaze. Ces cazes .font éclairées & aërées au moyen d'une meurtriere pratiquée dans Pépaiffeur du mur extérieur, de 4 a 6 pouces de hau.teur fur huit a dix de l'argeur, &; par une ouverture a peu prés femblable exécutée dans la première porte qui donne dans la galerie fervant de débouché a 50 ou 60 de ces petites cazes. Cette galerie beaucoup trop balfe eft peftilentielle comme les cazes. J'ai vu les atteliers, les falies de travail, la chapelle , Pinfïrmerie, la boulan-gerie &c, tout manque également d'harmonie; aucune des diviftons n'eft placée la oü elle feroit mieux & oü on auroic dü la mettre. Si D'huet étoit un artifte médiocre, je lui pafierois d'avoir eu Pamour propre de ne pas avoir pris con-r noiffance, avant que de former fes plans, des diftributipns générales & particuliere*  SG6 L E V'OÏAGEI'R des maifons de force des autres Pays : toutes celles que j'ai vues dans les diiférens Pays ou j'ai été, font des maifons de délices en comparaifon de celle de Vilvorde ; elles font faines & Pinfortuné qui y eft n'eft pas expofé a une infalubrité qui, fans être meurtriere, le livre aux douleurs d'un nombre infini d'infirmités. L'on n'a pas négligé de donner a ces maifons cette fombre horreur qui les doit earaétérifer, mais cette même horreur s'y annonce par dirférentes teintures, enforte que tout y eft proportionné aux différc-ns genres de fautes, de délits ou de crimes qui doivent y être punis ou expiés. La principale églife de Vilvorde qu'on nomme Notre Dame, n'a rien de rcmarquable; les autres font celles des Dominicains, des Carmelites chauffées, fondées en 1468, des Carmelites déchautfées, des Sceurs Hofpitalieres, des Auguftins, de PAbbaye de Bern, Ordre des Prémontrés, & d'un Beguinage qui eti le plug ancien de tous ceux des Pays-Bas. .. .  dans les Pays-Bas. 2.07 Dans Péglife des Sceurs Hofpitalieres , on voit un trés-beau tableau de VanDyck; il repréfente St. Antoine de Padoue qui adore Penfant Jefus que tient la Vierge. Je ftris, &c.  2CS Le Votageur. LETTRE XXIV. Bruxelles ce . . . Mai 1783. J1 nomme Xacken, & qui eft a la diftance d'environ «ne lieue de Bruxelles, j'ai vu deux tableaux de G. Crayer qui font égalcment beaux 'r 1'un repréfente une fuite en Egipte, l'autre St. Guidon labourant la terre. Cette églife Paroififiale eft defiervie par des Prêues-de 1'Ora-  dans ii e s Pays-Bas. aap toire : elle eft célèbre par- ITmagc miraculeufe de la Vierge qu'on y conferve,Sc qui attire un grand nombre de pelerins. Plufieurs des Miracles qu'elle a opérés , font repréfcntés dans des tableaux qui font autour de l'églife & qui ont été peints par De Hondt & Hiel: plufieurs de ces tableaux ont du mérite,Prés de ce Village, Leurs. AA. RR. font batir un fuperbe chateau qu'elles fe propofent d'orner de ftatues & autres. morceaux de fculpt&ré"1 auxquels elles employeront les artiftes du pays. Les bidmens font déja trés avancés; tous les deffins ont été donnés, m'a-t-on dit, par .le Prince de Saxe-Tefchcn qui aime les arts & les cultive lui-même au point de pouvoir en trer en concurrence avec ceux qui par état en ont fait une étude particuliere. Ce Prince a voyagé en Italië pour y perfeótionner le goüt qu'il avoit recu de la nature pour-la peinture & la fculpture. Une perfonnequi a vu plufieurs deffins qu'il a faits , m'a affuré qu'il y avoit tout ce qui caraétérife les plus grands talens , du  23° Le Voyageur. génie, de 1'efprit & du goüt. La plupart des Grands & des gens en place, protegent les arts par vanité, fouvent fans 'les aimer, & prefque toujours fans en avoir la plus' legere connoillance : le Prince de. Saxe Tefchen eft leur protecteur parcequ'il les aime, s'en occupe & connoit combien ils font utiles a la focieté.' J'ai vu auffi dans l'églife du village de Schaerebeek, qui fait partie de la Banlieue de Bruxelles , un trés beau tableau de G. Crayer : il eft bien compofé : toutes les têtes en font belles, bien peintes: il repréfente St. Eloi qui diftnbue des aumones aux pauvres. Je fuis, &c.  dans les Pats-Bas. 231 LETÏRE XXVI. • Gand , ce Mai 1783. Je luis arrivé hier ici, Monfieur ;,Gand ' eft la Capitale de la Flandre-Autrichenne : c'eft une belle Ville & furement la plus grande de tous les Pays-Bas : fa population n'eft pas proportionnée a l'étendue de fon enceinte'qui , en 1397 , occupoit déja 3688 verges de terrein, chaque verge de 14 pieds. L'on m'a alfuré, qu'en mcfurant aujourd'hui fon enceinte en dehors, cette enceinte étoit d'environ trois lieues de France. Du tems de Charles quint * Gand étoit beaucoup plus grande que Paris , puifque ce Prince difoit qu'il pouroit mcttre Paris dans fon Gand^ Mais avant que de vous entretenir de ce que cette belle Ville renferme de remarquable, il convient que je vous donne une idéé de la Flandre en général, des mceurs de fes habitans, de leur caraclere national & de la conftitution de leur pays qui ne reffem-  232 Le Vota geur ble en rien a celle du Brabant & des autres Provinces des Pays-Bas Autrichiens. Le Pays qu'on nomme la Flandre, n'appartient pas aujourd'hui en entier a la Maifon d'Autriche. La France en poflede une partie & la République des Provinces-Unies une autre. Celle qui appartient % la Maifon d'Autriche, eft ]se plus belle & la plus confidérable ; elle renferme les villes de Gand , de Bruges , d'Ypres , d'Oudenarde, d'Aloft, de Furne, de Me- ' nin , d'Oftende , de Nieuport, de Courtrai, de Termonde, de Ninove & de Dixmudc. Les villes de la Flandre qui appartiennent a la France , font Lille ' Berg St. Winox, Douai, Armentiere' Dunkerque , Graveline , la BafTée, Bourbourg , Caifel, Orchie & St. Amand. La République des Provinccs-Unies polfede en Flandre 1'Eclufe, AxehEIulft,leSas de Gand & nombre de petits Forts: En total la Flandre peut avoir environ 25 lieucs en longueur fur vingt en largeur. II n'y a peut-être pas de pays en Europe dont la poffeffion ait  dans les Pays-.Bas. 233 plus fait rcpandre de fang qae celle de la Flandre: elle a pour bornes au Midi 1'Artois, le Hainault. & une partie de la Picardie, au Levant le Hainaut & le Brabant, au Nord FOceanGermanique& Pembouchure de 1'Efcaut qui la fepare de la Zélande, au Couchant la Manche, une partie de la riviere d'Aa , & le cóté de PArtois qui regarde le Calaifis & le Boulonois. La Flandre-Autrichienne eft entre la mer, la Flandre-Francoife, le Hainaut, le Brabant & la Flandre-Hollandoife. La Flandre a été anciennement habitée par les Morins qui fe tenoient du cóté de 'I'erouanne , par les Nerviens qui occupoient le 'Pournefis, par les Pleumofiens qui habitoient les environs^ d'Ypres, par les Gradiens qui s'étoient fixés aux environs de Bruges, & puis encore par les Levaces, les Gorduniens, les Geflbriaques & les Menapiens. Priez quelque erudit de vous griffonner quelques rames de papier fur Poriginc de toutes ces peuplades : je n'ai en vérité pas le courage de m'occu-  *g4 L E VoïAGECK per de cette recherche qui ne vous feroit d'aucune utiiité après m'avoir horriblement ennuyé & fatigué. . La Flandre-Autrichienne, Monfieur , forme une Province qui a le titre de Comte qui eft & a toujours été le premier Comté des Pays-Bas.' On a commencé a y précher i'Evangile en a86. Depuis que le.Chriftianifme y a été établi, la Religion Romaine y a toujours été la Religion dominante. Toutes les autres Religions y font aujourd'hui tolérées, mais ceux qui les profeffent, ne peuvent pas y exercer publiquement leur culte. Depuis le dernier Edit de tolérance qu'a rendu PEmpereur , le droit de Bourgeofie ne peut étre refufé dans la Flandre fous prétexte de Religion. Ceux mêmes qui en profeifent une autre que la Catholique Romaine, peuvent y poifeder des places & des emplois , a plus forteraifony exercer toutes les profeffions. . II y a dans la Flandre-Autrichienne trois Évêchés, ceux de Gand, de Bruges & d'Ypres' qui font fulfragans de FArché-  dans les Pays-Bas. 235 réché de Malines. On fait dans ces trois Evêehés la difcipline de l'églife Belgique qui differe peu de celle de l'églife Gallicane. Cette difcipline eft celle des anciéös Canons de l'églife. On compte dans la' Flandre-Autrichienne , 7 compris le Tournefts,fept Abbayes d'hommes de 1'Ordre de St. Bénoit, trois de 1'Ordre de Clteau , trois de 1'Ordre de St. Bernard & fept de FOrdre de St. Auguftin ; trois de filles de 1'Ordre de St. Bénoit, quatorze de 1'Ordre de Citcau, & cinq de 1'Ordre de St. Auguftin , en total 42 : il y a donc dans la Flandre fept Abbayes d'hommes & de filles plus que dans le Brabant qui n'a que 19 Abbayes d'hommes & 16 de filles. Les autres couvens d'hommes & de filles font auffi nombreux dans 1'une que dans l'autre Province. Quant au revenu tant du Clergé féculier que du Clergé régulier, il eft dans la Flandc-Autrichienne , comme dans le Brabant, la moitié , au moins , du revenu territorial général.'  33ö Le Vo ta geur. , , -Les terres font généralement bien cultivecs dans toute la Flandre-Autrichienne , ü elles font d'un bon rapport, quoique beaueoup pIus chargécs d'imp6ts cel es des 'autres . Provinees , Veil que celles-a n'ont pas autant. de débouchés pour les produélions de leurs terres qu'en a h Province de Flandre.. L'alfurance qu a le cultivateur Flamand de vendre avantageufement les productions de fa terre , 1'encourage ; il cft laborieux ; mais il manque d'induftrie;'il en a moins que le cultivateur Brabancon & eft auffi Plus que lui attaché a fes anciens procédés; pour les lui faire abandonner, il ne faut pas avoir recours au raifonnement; il faut iaire ce qu'on veut qu'il faffe & s'il voit que la nouvelle maniere qu'on employé réuffit, il abandonne fa fienne pour prendre celle qui auparavant lui repugnoit le plus.' Toutes les terres de la Flandre font généralement bonnes; elles font grafles & humides; elles uroduifent de trés-bons  4 Le Voyageur. 237 froments, de beau lin & une grande -quantité de garance. Dans les parties les -plus balles, le lioublon fe cukive avec beaucoup de fuccès.' Les cultivateurs Flamands laiflènt moment répofer leur terje, mais aulii ils leur prodiguent les en-grais. Celui du fumier & de cendres de -tourbe, font ceux dont ils fon-t-un plusgrand ufage. La grande quantité de beiliaux qu'ils elevent, leur donne une grande abondance de fumier & dans les cantons ou la tourbe forme leur chaufage , le jcultivateur ;i une grande quantité d'exxellentes cendres. Comme il y a en Flandre une gran-. -de quantité de paturagcs & que ces pa,turages font excellents, on y engraifle -beaucoup dc vaches , de bceufs & de pores dont il fe forme une branche de .commerce affez confidérable ; 1 elle 1'eft d'autan.t plus que les poffeffeurs ou fermiers de ces mêmcs paturages tirent de FArtois & dc la Picardie du bétail maigre qu'ils payent a bas prix & qu'ils  238 Le Voïasïüi vcndent fort cher lorfqu'ils Font engraiffé.Les vachcs de la Flandre donnent beaucoup de lait dont on fait un excelent beurre. Le plus renomrné eft celui de Dixmude : on falie ce beurre & on. le vend a l'étranger qui le prifc beau- • coup :' il a plus de force & de confif- ■ tance que les beurres des cantons voi-- flPS. ( La Flandre eft trés propre pour la cultu-1 re des arbres de toute efpece; mais le» pommier & le poirier font, des arbres is fruitiers ceux qui y rapportent davantage :: les arbres des fruits a noyau,nc rcuffiifentlg . pas auffi bien : le climat ne leur eft pas fa—I vorable. En Flandre 1'hiver eft fort long'g & 1'été fort pluvieux. II y a quelquefoisf dans cette Province de trés grandes cha-J .leurs, mais elles font de peu de daséeal & 1'on peut dire que les Flamands n'ontl que deux faifons 1'Eté & PHivcr.' . . Dans la partie qui eft dans les envi-| rons de la mer, Fair eft épais & rude ,1; tant a caufe du grand nombre de canaux*  dans les Pays-Bas. 239 ■oü les eaux croupiffent, que des vents du ,Nord qui y régnent prefque continuellement; quand les vents du Midi les chafient & prennent leur place, les orages font fréquens, & c'eft alors qu'on afpire après le retour des vents du Nord.La partie haute de cette Province eft plus faine; on y refpire un air pur qui en rend le fejour trés agréable. La Flandre abonde en toute efpece de comeftibles, en gibiers en volailles, en poiffons qui tous font également bons & même meilleurs que dans les autres Provinces, furtout la viande de boucherie ; Te veau y eft certainement le meilleur qui foit en Europe. La volaille y eft auffi fort graffe. . Nos gourmands de Paris font fouvent venir du veau de Gand & des chapons ■de Bruges qu'ils préférent a tout ce que la Normandie & nos autres Provinces peuvent leur orfrhv Dans toute la Flandre , les bois-taillis & les bois de haute futaye viennent bien; on y voit peu de hêtres & de frê»  240 Le Voyageur. nes, mais le chêne, Paulne , le peuplier ~& le tremble y viennent en grande quantité &font d'une excellente qualité pour batlr ou pour bruler. Le peuple de la partie maritime de la Flandre fe chauffe avec de la tourbe qu'on trouve 8435 pieds du fol. Ces quatre ou cinq pieds , font de fahle mclé de coquillages: quand on 1'a enlevé, on trouve quelque fois un lit de bois pourri de repaiifeur de deux pieds environ, & parmi ce bois quelque fois autli de grands arbres renverfés, des feuilles & mêmes des fruits, tels que des glands & des noifettes. 11 eft probable que xes terres ont été autrefois plus élevées .qn'elles nc le font aujourd'hui , qu'elles étoient couvertes de bois; que ces terres ont effuyé des révolutions intérieures , qu'elles fe font affaiifées & qu'étant couvertes d'eau , elles n'ont plus produit que des jons & des rofeaux qui au moyen des atterifièmens qui fe font formés ont été converts de terre qui, mêlée avec eux, font devenus cette terre conbuftible qu'on a nommée  dans les Pays-Bas. 241 nommce tourbe. II eft eertain qu'il y a eu plufieurs parties de terre trés confidérables de la Flandre qui ont été anciennement fubmergées par les eaux dc la mer. Ce qu'on a appellé les Moëres qui contenoient 5 a óooo mefures de terre prés de Berg St. Winox & de Dunkerquc, ont été de ce nombre. Le Comte d'Hcrouviile ■en ayant obtenu la conceffion de la Feue Imperatricc Reine & de Louis XV aux•quels ces terres appartcnoicnt, les a défrichées & elles font aujourd'huy cultivées. La Flandre produit des chevaux trés grands Sz trés forts qui font plus propres aü voiturage & au labourage qu'a monter; on en drcffe ccpendant pour le carofle , mais on leur préfére pour eet ufage'les chevaux de Normandie qui font moins .grands, auffi forts & plus agréables a la vue. Ceux qui font en Flandres le commerce de chevaux, tirent des poulains de 1'Artois &; du Boulonnois qu'ils elevent, dreü'ent & vendent enfuite pour chevaux du pays. Ce qui diftingue ceux qui en. Tome IV Partie IV. L  -.14,-2 Le Vovageuk. font véritablement, c'eft la groffeur de la tête. L'on pouroit je crois améliorer la race des chevaux Flandrins & même la multiplier. On a fait, il y a quelque tems, des régiemens dans le pays du Franc .de Bruges concernant les étalons & les jumens : on ne peut s'y fervir de ces étalons qu'après qu'ils ont été examinés par des experts & en préfence des commillai*es nommés pour cela : on y donne des primes aux payfans de chaque village qui ont les plus belles juments.Rappellezvous, 'Monfieur, ceque je vous ai dit au commencement de notre correfpondance de cette belle race de moutons qu'avoient -autrefois les Flamands & dont il refte a peine aujourd'hui quelques troupeaux peu nombreux. S'il eft dificile de conccvoir comment les Flamands ont laiflë difparoitre de leur Pays ce bêtail précieux, il eft encore plus difficile de concilicr 1'amour du bien public, dont les États des différentes Provinces des Pays-Bas-Autri-chiens donnent fi fouvent des preuves,  dans les Pays-Bas. 245 avec leur indifférence pour cette efpece de richeife territoriale fi iutéreffante & -pour le commerce & pour 1'induftrie des habitans de ces mêmes Provinces. Pour multiplier les bêtes a laine, on a fait en Angleterre d'excelens réglements qu'on pouroit & qu'on devroit adopter dans les Pays-Bas-Autricbiens. Chaque payfan en Angleterre a des moutons , parcequ'il y a des primes fixes pour. ceux ' qui en ont de plus forts & de plus grands; parcequ'il n'y a pas en Angleterre, comme dans les Pays-Bas-Autrichiens, des privileges & droits exclufifs pour quel-ques metairies particuliercs ; parcequ'en Angleterre le parlement accorderoit de puiflans encouragemens a quiconque pouroit encore améliorer la race des bêtes a laine. II me femble qu'il feroit facile que le Souverain des Pays-Bas donnat une loi pour obliger les fermiers a avoir des bêtes a laine , en proportion de la quantité dc bonniers ou mefures de terre , dont feroit compofée leur ferme. .L 3  244 L E V O Y A G E ü E. •La Flandre n'a ni pierres, ni ardoifes.; :on y fupplée par les briques &: les thuiles qu'on y fabrique & dont on fe fert pour batir ,& couvrir les maifons qu'on iconftrifoit autrefois en bois , .mais qui ne peuvent plus Pêtre aujourd'hui. On ne voit pas dans les villages de la Flandre ■ces chetives chaumiercs de nos villages de Picardie & du Boulonnois. Tous les villages de la Flandre ont un air d'opulence qui .annonce la fertilité de la terre & de 1'état heureux des cultivateurs : il le doivent a la douceur du Gouvernement & a la forme de 1'impofition. II eft de principe que Fimpot , quelque fort qu'il foit, peren avec modération & équité, nuit moins que Fimpöt le plus leger qui eft fixé arbitraiiement.& levé tyranniquement. La culture languit, 1'induftrie eft fans aélion dans tous les Pays oü les habitans ne font pas neureux. Je fuis, &c  dans' les Pays-Bas. 24^' LETTRE XXVII. Gand ce ... Mai 1783. T iE Gouverneur & Capitaine Générale ' Ie Miniftre Plénipotentiaire du Souverain& le Secrétaire d'État, exercent , Monfieur, en Flandre les mêmes pouvoirs qu'en Brabant & que dans les autres Provinces: ce que font a Pégard de celles-ci le Confeil d'État, le Confeil Privé & le Confeil des Finances, ils le font également par rapporta la Flandre oü ils exercent la rhême auto-* torité. II n'y a pour toutes les Provinces des Pays-Bas Autrichiens qu'uncGhambrè < des Comptes dont je ne crois pas vous' avoir encore parlé : elle réfidc a Bruxelles.; Cette Chambre eft compofée de deux Bu- < reaux, celui de Flandre & celui de Brabant : celui - ci a dans fon reffort les ' Ducbés de Brabant, dc Luxembourg , de Limbourg &la Seigneurie de Malines, celui-la les Comtés de Flandre, de Na* L3-  54°" Le Voyageur. mur &de Hainautje Tournaifis fepaysretrocédés. Ces deux Bureaux font compofös chacun de trois Confeillers - Maitres , de 3 Auditeurs&d'un Greffier.Les gagesdu Préfident de cette Chambre des Comptes, font de 7000 fl. ; celui qui 1'eft préftntcmcnt a en outre une penficn de ■ 2600 fl. les Confeillers-Maitres ont chacun occo fl. & chaque Auditeur a 2600 fl. mais fur ces gages on retient 8 pour cent: quand ces Officiers font envoyés en com- ■ miffion dansles Provinces pour 1'audition des comptes , on leur paye 14 fl. par jour.' II n'y a pas affez longtems, Monfieur/ que je fuis dans cette Province pour vous: parler affirmativement des mceurs & du. caraélere de fes habitans : je ne puis encore en juger que d'après ce que des auteurs célèbres en ont dit & d'après ce que: j'en ai entendu dire dans mes Voyages; a de bons obfervateurs qui avoient habi- • té parmi eux affez longtems pour les con- • noitre. Les Flamands, dit Robcrtfon ,funt:  dans les P a t s - B a s. a'47 l'ents d fe détermincr s mais ils font fermes & conjlans dans les réfolutions qu'ils ont prifes : ils font attachés d leurs privileges & d leurs coutumes. Un Anglois qui eft ici depuis plufieurs années, me difoit, la douceur a fur les Flamands plus de pouvoir que la force. LTïiftoire nous apprend que dans tous les tems les Flamands ont donné des preuves de leur amour pour la liberté & de leur haine ,pour la fervitude : quoique naturellement doux & humains, la crainte de la fervitude les a rendus quelquefois cruels & fanguinaires. Ce qu'ils ont fait dans tousles tems prouve que la crainte des plusgrands malheurs ne peut rien fur leurs ames. Lifez Guichardin , lifez tous' les* écrivains qui ont parlé des Flamands, & vous verrez que le Flamand eft un homme intrépide, qui, dans le danger, le brave & le meprife quand il s'y expofe pour conferver fes droits & fes privileges nationaux. Le malheur préfent , mediiöit hier un Flamand, nous occupe. L 4>  24. L E V O Y A G E TJ R moins que le malheur a venir; nous twchons'de le prévenir, mais nous avons le courage & la fermetè de le Jupporter quand neus ne pouvons nous y foujlraire, Le Flamand me paroit un être flegmatique comme le Hollandois, réflèchi comme 1'Anglois & ccpendant ardent comme le Franeois quand il defire & que la fougue de fa paJlion le fait fortir de eet état dc tranquijite qui lui eft naturel. Je crois que les Flamands ont les mceurs douccs & les manieres un peu dures. Le premier abord du Flamand n'eft pas féduifant; mais, comme 1'Anglois, ilattacbe quand on fe donne le temsd'ex' aminerfoncaraclere. Le Flamard eft vrai; il a cette franchlfe précieufe qu'on ne prife pas affez parmi nous qui, pour être airnables,nous permettons quelque fois fans fcrupule d'être diffimulés & fouvent faux. La haine eft étrangere au Flamand; s'il s'abandonne au premier mouvement de fa colere, fon emportcment n'eft pas dc dunte, Q eft, on ne-peut pas plus fenfible a  I dans les Pays-Bas. 249 I'offcnfe , mais le moindre repentir qu'on lui en fait paroitrc, la lui fait oublier. II me paroit que le Flamand a plus de défauts que dc vices, & je crois qu'il auroit moins. des uns & des autres, fi fon éducation étoit plus foignée. Le peuplc eft ici comme partout ailleur's une matiere combuftible qui s'enflamme facilement ; il a alors une intrépidité étonnante; la crainte de la mort ne;peut rien fur lui; il la brave lors même qu'il eft fur qu'elle eft inévitablc, auffi la menace n'a-t-elle jamais rien fait fur lui; les moyens doux font les feuls qu'on peut employer avec fuccès pour le calmer. Je crois que les Flamands ont Pefprit jufte & le fens droit; leur imagination me paroit froide ;je penfe qu'ils font plus propres a 1'étude des fciences qu'a celle de la poëfie & de 1'éloquence ; les arts utiles doivent les affecter davantage que les arts agréables : ils exécutent fupérieurement lei inventions des autres , mais ils inventent peu & perfectionncnt rarement. Quand on. parcoure leurs campagnes, on juge qu'ils h 5  250 Le Vo tab e rjjt peuvent être confidérés comme les meit leurs cukivateurs de 1'Europe; fi Pon vilice leurs atteliers, on voit ou'il, fW ~ «Lens manufaduriers: ils font auffi de trèsAabiles commercans & ont dans le commerce cette bonne foi précicufe qui caractenie le commcrcant Anglois & Hollandois. Dans les affaires, le Flamand ne met J» fineffe, ni rufe, & de 1'aveu de toutes les nations , il eft rare cependant qu'un Hamand foit dupe de ceux avec lcfquels il traite. Nous exeminons plus, me difoit nier un banquier de cette Ville, la conduite de ceux qui briguent notre confiance que nous ne pefons leurs facultés. La vie •dijlipce d'un commcrccm, fon goüt pour la luxe &pour le faftc 3 le peu de fuite qu'il met dansjes affaires, les entreprifespeu ré. flcchies qu'il forme , entrainent tót ou tard faruinè ; // eJl impoffbk que fa fortune reJijle longtems aux évcnemens funeftes qui jont la fuite de l'inconfidération. Nous ne Jammes ia ni avares ni prodigues ; nous proportionnons toujours notre dépenfc « no-  fi. dans les Pays-Bas. a^r" tri revenu. Nous ne fomtnes pas ennemis ' des plaijirs de la Societé , mais nous aiméns pas ces 'Societés bruyantes qu'on fréquente par défmivrement oii 1'on paroit s'amu[er' beaucoup , mais oü Pon s'ennuie dans le vrai fans jamais y rencontrer'ni les plaifirs du emir ni ceux de Pefprit. Nos Societés font peu nombreufes r mais elles font gaies & agréables ; on y eji fans contrain\e avec fes pareus & fes veritables amis. Nous foupons, nous dinons enfemble , nos tables font fervies fans profufwn ; U n'y regne point ce goüt de recherche & de dé~licatejfe qui attire lesparafites & flatte la yanité de ceux qui les recoivent. . La Societé a Gand & dans les autre* Villes de la Flandre-Autrichienne, feroit plus agréable qu'elle ne 1'eft, fi. les états n'y étoient pas encore trop éloignés les uns des autres. Du melange de» états, il réfulte toujours un frottement d'idées qui contribue au progrès des fcieiïoes , des arts, & furement du commerce;Les mceurs du peuple font" ici appro*L. 6  252 L e Voyage d r chant ce qu'elles font partout ailleurs» il a quelquefois cette g.rolTe gaicté qui eft auffi vraie qu'eile eft exprcffive & que la crainte du lendcmain ne trouble jamais. Le peuple Flamand aimeou hait avec tranfport : il faut peu de chofe pour faire naitre en lui ou pour Pen iaire difparoitre Pun ou l'autre fentU ment. Le peuple Flamand eft laboncux ,. mais il n'eft pas aclif. Toutes les Cérémonies & les fêtes publiques lui plaifent beaucoup ; il eft fort attaché a fes anciens ufages & fur-tout a fes anciennes pratiques de religion. II a murmuré beaucoup quand les Évèques ont fait fupprimer dans les proceffions publiques, même celle du St. Sacrement, 'ces repréfentations de géant. dc gros' poiflons & de Penfer qu'on y portoit. Autrefois cela fe pratiquoiten France & j'ai vu dans ma jeunelfe, a Arras, des hommes ha_ biliés en diable , d'autres contrefaifans les fous qui fe mêlant avec les Prêtrcs dans les procefiioLS, occupoient les paffims  baks les" Pays-Bas. 25$ par leurs grimaces beaucoup plus qu'ils. ne 1'étoient des prier.es qu'on recitoit. La nourriture ordinaire du peuple Flamand , eft le pain bis, le lait, le beurre, lés viarides falëes & les lëgumes : il fréquente 'beaucoup les cabarets furtout dans lts tems de Kermes & de foire : c'eft un tems de rejouiffance pendant lequel le peuple'Te livre 'fims retentie aux excès de la boiflbn. Les femmes en Flandre font rarement vicieufts; il eft rare qu'elles donnent dans les écarts de la coqueterie , même dans lesgrandes villes ; en général elles font bonnes meres'dc familie & partagent fouvent avec leurs maris le foin des affaires. II y en a plufieurs qui font belles; elles ont peu de phifionomie, auffi leur figure eft-elle plus intéreffante que piquante. Elles font fort blanches, ont de beaux yeux , mais ils manquent de vivacité. Leur efprit eft plus folide que brillant: elles font aimables dans la focieté qu'elles ne troublent pas fans ceffe par de petites prétentions:  *34 Ê E V O T A G E TJ Ut elles connoiffent le prix de 1'amitié & eiv preferent le fentiment aux. cajoleries d«: 1'amour. Demain je vous entretiendrai de la conftitution dc la Flandre-Autrichi<;nne: qui ne reifemble en rien a celle du Brabant. ... Je luis.. &tc .  dans les Pays-Bas. 255 LETTRE XXVIII. Gand ce Mai 1783. La conftitution 'du Comté dc Flandres, Monfieur, eft purement monarchique & monarchique abfolue dans le fond, quoiqu'elle ne le paroiffe pas a 1'apparence. J'ai fous les ycux les mémoires de 1'homme le plus inftruit qui foit dans les PaysBas-Autrichiens , ou il eft dit, Tous les changemens dans la conjïitution de la Flandre, ont toujours eu leur fource dans la feule autorité du Souverain; plufieurs chofes concourent pour le faire croire;,je ne vois pas de paóle entre les Flamands & leurs Souvcrains, & la partie principale de leur corps politique, eft privée d'exerecr le pouvoir dont la nation jouit, celui de s'impofer elle-même: Quand le Souverain de la Flandre par.vient a 1'Empire, il eft inauguré ("a J 5 ( a ) U eft rare que le Souverain de Flandre ft  J5<5 L E V O Y A ö E TJ R. & dans cette inauguration , s'il reeoit Ie Êflè maugurer en perfonne; il en charge ordinairement le Gouverneur & Capitaine Général des Provinces qui, au jour fixé pour 1'Inauguration , venoit, avant 1781,3 1'Abbaye de St. Pierre a Gmdil y juroit au nom du Souverain fur les Stes. Evan' giles de conferver les droits & immunités de cette Abbaye ; il y offroit trois pieces d'or & une piece de drap d'or. L'Abbé après avoir beni une épée la lui ceignoit. De 1'Abbaye de S. Pierre , il fe rendoit a l'églife de St. Bavon oü il faifoit également le ferment de conferver auffi les droits & immunités tant de cette églife que les droits & privileges de la Province; après quoi Ie Clergé , la Nobleffe & le Tiers prêtoient ferment "de * fidéiité. En 1781, lors de 1'Inauguration de 1'Empereur regnant, tout le cortege qui accompagnoit le Gouverneur & Capitaine Général fe rendit, en fortant de l'églife de St. Pierre, fur la place de Vendredi ou 1'on avoit drefle un théatre; s'y étant placé, il y recut au nom du Souverain le ferment de fidélité des Etats, c'eft-a-dire du Clergé, de la Noblene, des Villes & CbatelIenies. Avant cette année , le Clergé, la Nobleilè les villes de Gand & de Bruges & le Pays du Franc prêtoient le ferment comme repréfentant feu's les Etats dansl'églife de St. Bavon. Les Cbdtellenies & les Villes fubalternes prêtoient le leur fur le théaue de la place de Vendredi, Cela fafc voir que de-  dans des Pays-Bas. 257 ferment de fidelité , il en fait un kir même par lequel il s'engage d'obferver fidelement tous les engagemens- que fes prédéceffeurs ont pris avce les Flamands :' Philippe II. en a fait la promeffe le 23 Juillet 1549 devant les Magiftrats des villes de Gand, de Bruges, d'Ipres & du Franc & a dit, Ego Philippus Dei gratid princeps Hifpaniarum utriufque Cecilice , Jerufalem &c. Archidux Aajlrice , Dux Burgundiaz , comes Lanbsburgi & Flandria &c, promitto & juro quod in adventu meo & fuccejjione hujits Patria ijcomitatüs Flandrice > ero bonus & juf tus Dominus in iis qui funt de eivitate.... & independenter quod ohfcrvabo & obfèrvari faciam bene & fidelitcr omnia eorum privilegia, franchifms, leges & confue- puis 1'édit de F 754, les villes de Gand & de Bruges & le Pays du Franc n'OBt plus aucune fupériorité , préfcance ou autorité, fur les anciennes Villes fubalternes. Toutes les Villes indiftinaemenS aujourd'hui font confoadues.  *S? Le Voyageur tudmes tam antiquas quam novas & ommaf aeiam qua fideüs & fuprmm domi_ nus & comes Flandrice fuis facerc cjus Sanat; fon pere Charles-Qaint avoit prete le nieme ferment, en-, iSiS, dc meme que les prédéceffeurs de cê Prince Marie de Bourgogne, Philippes le Bon\' Charles le Hardi. Le fuccelfeur de Philipl PcsII, Philippes III,. fe eontenta, en lSSS , de jurer de faire & obferver touc ce que fon prédéceffeur avoit juré & promis. Cela s'eft toujours obfervé depuis & 1 ancienne formule a été tout k fait abandonnée & on lui a fubftitué celleci, Je jure & promets d'entretënir & d'obferver tout ceque que Dku ahfoh(, a jure & promis au dit Pays & Comté de Flandre, & tout ee qu'un bon Seigneur Cf Souverain eft temt & obligé. . Les Flamands ont toujours joui du droit de s impofer eux-mêmes; 1'exercice de ce droit reilde dans les États de leur Province Les Nobles étoient anciennement le fe-  s ÜANs les Pats-Bas. gg* cond membre de ces états & n'en tont plus partie depuis le commencement du ï7e. béde, quoiqu'ils faffent encore un corps particulier qui , eft tout a fait diftingué de celui du Clergé & du Tiera état: comme eux le corps'de la Nobleffe prête ferment au Souverain lors de ion inauguration , comme eux il paye _les charges de 1'état & fes biens font impofés. Si les Flamands jouiffent du droit de s'impofer eux-mêmes, comme üs le difent,& comme le paffé & le prefent le prouvent,ou la Nobleffe Flamande ne" doit pas fournir fa part des fubfides, ou elle doit fe rcgler conjointement avec le Clergé & le'Tiers.' ' Tant que la Nobleffe a éte membre des . États de la Flandre, la Flandre a pü être confidérée comme un Pays d'État. 11 eft eontrc tous principe qu'on puiffe quahfier aïnfi un Pays ou ceux ou on y conhderc le plus, qui font les défenfeurs nes de'ce 'Pays & a la' tête defquels eft le Souverain, foient en quelque faeon dans Él  a6° Votagetjj. a dependance des deux autres corps dont donr'l f 1 tmtk f3it inférieur& dont a fupenontéde l'autre, le Clergé, n'eft We que fur le caraétere partic'u ier de ccux quilecompofeotje ne dis pas trop, quand je dis ue k Nobleffe de p^ eft dans la dépendance du Clergé & du T^ers puifque cefont £u f ™ ranpofinoa & que la Nobleffe n'eft ^ «tempte de la payer.' P vSeS'aqU° C'Cft les États d'un! de tLsttJ35 ^ ^ ^ntatif de tous les habitans de ce pays de quel- a Nobleffe ue Flandre, n'entrant point aux Etats de cette Province, les États de cette Province ne font donc dans le vrat que le corps repréfentatif du Clergé &duTiers. Sil'on remonte aux premier, tems des Monarchies, ]a Nobleffe feule reprefentoitles nations.'Les Souverains fe glorifioicnc d'être du corps de Ja Nobleffe d enetre les chefs : aucun d'eux n'a £ ma:s dit, mon Clergé, mes Communes  dans les Pays-Bas. 261 -mon Tiers, & tous ont dit ma Nobletïe. -Quand ils vouloient donner des loix, fïs confultoient leur Nobleffe, & -ce ne fut -que longtems après que le Clergé fut adV .mis dans le confeil des nations, & -ce -fut par refpecl pour la Religion que la Nobleffe confentit a n'occuper dans ce .confeil que la feconde place : oa y a admis enfuite le Tiers. Depuis que la No-, bleffe n'entre plus aux États de Flandre, je crois qu'on peut dire qu'il n'y a plus véritablemcnt d'États dans cette Province, qu'ils y font repréfentés par le Clergé & par le Tiers & que cela fera ainfi jufqu'a ce que le Souverain retabliffe fa Nobleffe dans fes véritables droits.' Ces États n'ont pas toujours été re- , préfentés comme ils le font aujourd'hui; avant 1'année 1678, ils 1'étoient pas les • députés du Clergé & par ceux des villes de Gand, de Bruges, d'Ipres & du Pays qu'on nomme le Franc de Bruges. Les députés de ces quatre Villes formoient ce qu'on nommoit les quatre membres;  362 Le Voyagetjr. on nommoit 1'affemblée qu'ils compofoiem avec les députés du Clergé; Vaffimbléc Jes députés des eccléfiajliques & membTes., de Flandre. Le Clergé y avoit une voix- & chaque membre y en avoit une, de .maniere que les députés des Villes étoient abfolument maitres des délibérations.: après que Louis XIV fe fut rcndu maitre en 16.78 de la ville d'Ipres, & que cette Ville avec fa Chatellenie fut cédée a la France par le traité de Nimegue, 1'affemblée, repréfentant les États de Flandre, ne fut plus compofée que des députés du Clergé , de ceux des villes de Gand, de Bruges & de ceux du Franc de Bruges, c'eft a dirc de 3 membres. Ipres ayant été retrocédée a la Maifon d'Autriche par; les traités d'Utrecht, de Radftat & de Baaden, Ipres ne reprit pas fa place parmi les membres de Flandre. Ipres & fon territoire refta comme il avoit été fous la domination Francoife , pays d'impofition , mais foumis, comme auparavant , a la jurifdicfion du  dans les Pats-Bas. 263 Confeil Provincial de Flandre. II en a éjt& de même de tous les autres cantons de la Flandre qui ont été retrocédés par la France a la Maifon d'Autriche : ils font tous reftés pays d'impofition & ne jouiffent plus des droits & privileges des pays d'États.1 Les députés éccléfiaftiques qui avoient < droit d'aflifter a 1'aflemblée repréfentant ■ les États de Flandre , étoient les Évê-ques de Gand & de Bruges , onze Abbés & les députés de onze Chapitres. Quoiqu'il n'y eut ayant la retrocelfion d'Ipres que les députés des éccléfiaftiques & les quatre membres de Flandre qui euflent voix decifive dans l'affemblée repréfentant les États, plufieurs autres Villes , Chatellcnies & Métiers C a _) étoient .appeliés a cette affemblée ; ils avoient voix confultative & non délibérative; ils y donnoient leur avis par leurs députés fur les demandes que^faifoit le Souve- ( a ) Métier, veut dire diftrift.  Le Voyageur ram , & eet avis étoit examiné enfuite > f" tout le Clergd , .par les £ollaces ( a ) &Comimnes des villes de Gand, de Bruges, d'lpres & du Pays du Franc. Le Clergé & les Villes envoyoient leur avis a leurs députés a 1'affemblée ; on 7 déhbéroit & la réfolution s'y prenoit 4 la pluralitd des cinq voix; mais quand les quatre voix des Villes furent réduites a trois par la conquête & par Ja rétrocef, fion dc la ville d'lpres, le gouvernement rendit un décrét le 9 8bre. 1704, en conféquencc duquel les députés eccléfiaftiques & les trois membres de Flandre prirent enfuite une réfolution dans laquelle il fut dit , Qiie dans toutes les propofitions & demandes que feroit le Souverain, la pluralitê fe formeroit par deux fujfrages pour Vafjirmative tant dans les Colleges '& ChefColleges, que dans Vaffemblèe des dépu- ( a ) On entend par Collaces les anciens Ma«iftrats, les Doyens des Métiers, & a Bm^t les Capitaines des Folies. ^ tést  dans iis Pays-Bas. ïèg tés, ainfi que cela s'étoit pratiqué ju'fqu alors & que cela fe pratiqueroit d Pavenir jufqu'a ceque la Province refleroit a deux fujfrages: ■ Alors la dire&ion courante & ]a marmtention des revenus dc la province, étoient entre les mains de deux députés du clergé, de deux dc la ville de Gand, de deux de la ville dc Bruges, & de deux du pays du Franc. Ces députés formoient la députation ordinaire & lc bureau d'adminiitration du revenu de la province. Le premier Confeiller penfionnaire de Gand y faifoit les fonclions d'a&uaire, quand Faffemblcc fe. tcnoit a Gand, mais quand elle fe tenoit a Phê|el de ville dc Bruges, ou a 1'hótel du Franc, les foneïions d'aéluaire étoient remplics par le premier Confeiller penfionnaire dc 1'unc ou de Baiatre.,' 'felle fut la compofition & h gefiion de Palfcmblée repréfentant les États de' Flandre jufqu'en 1754. Son adminiftration étoit fort couteufe & le .gouverne- Tomé IV Partie IV. M  ■ :«65 'Le Voyageur rmentj fort mécontcnt des difficultés que fit cette affcmblée, lorfqu'il lui propofa •de fe charger d'une partie du payemcnt du fubfide que les provinces payoient a. .la Hollande pour les barrières, écouta. favorablement les repréfentations que lui . firent les Villes, Chatellenies, métiers &: ■diftriéls ,de la province & qu'on nom■moit alors adminijlration fubalterne. Ils; n'avoient, comme je J'ai dit, que la voix; tconfultative & ils réclamoient la voix; .délibérative , en vertu d'un réglement'; des Archiduc Albert & Ifabclle de 1'am 1614 qui la leur donnoit. Leur demande fi;t appuyée de forfre de confentir au: payemcnt annuel & fixe de 18000 rations par jour qui, evaluées en argcnt, faifoient 1, 642., 500 il., en outre du. paycment d'un fubfide pour Tcntretien de la cour du Prince Charles de Lorraine, tant que ce Prince réfideroit dans; Je pays, Sc enfin au paycment de leur contingent du fubfide des barrières pour autant de tems que ce fubfide feroit  CAisrs les 'Pats-Bas. 26*7 payé par les autres provinces, ou que la caufe du fubfide exifteroit.' . Tout fe réunilfoit en faveur de Padmi-, niftration fubalterne, Pintérêt du prince, celui des fujets : la Province étoit obirée & fon crédit affoibli; d'ailleurs la demande de Padminiftration fubalterne, n'étoit 1 pas une nouveauté ; elle lui avoit été accordée par les Archiduc Albert & Ifabclle, & avant par PEmpereur CharlcsQuint en 1540 : le Souverain pouvoit 1'accorder, puifque la conftitution nationale de la Province avoit fa fource dans la feule autorité du Souverain. Ces confidérations firent que le gouvernement rendic un édit le 5 Juillet 1754 qui déclara qu'a 1'aveni-r, les villes , pays, chatellenies & métiers, auroient dans 1'affemblée repréfentant les états de la province de Flandre non feulement la voix eqnfültatlve, mais encore la voix délibérative & décifive dans toutes les affaires qui y feroient traitées & qui auroient rapport au fervice du Souv* rain, aux M 2  Sr62, 'L E VoYjiGEU'S. intéréts des peuplcs .& aux befoins de Tadminiflration de la province.' .Cct édit régla auffi la maniere dont fe feroit le choix des députés ordinaires, ..celui du penfionnaire .acluaire, leurs' gages & cmolumcns; il fupprima toutes les efpeccs d'émolumensdont jouiffoient avant Ks députés du.clergé ,& .des villes; enfin il régla la maniere dont les revenus .dc la province feroient adminiftrés, il ordonna qu'on renouvellat tous les trois :.ans les députés ordinaires tant du clergé que des villes, chatellenics, & métiers: il défendit au penfionnaire actuaire que choifiroit 1'affemblée générale d'être attaché a aucune ville ou corps, en .qualité dc penfionnaire, fecrétaire ou au■trement; il rcgla que ce penfionnaire n'excrceroit .que pendant trois ans & ne -pouroit pas être continué fans la permiffion expreffe du Souverain. Cette difpofition fut donr.ée pour écarter des fonctions de penfionnaires, les penfionnaires des villes de Gand, de Bruges & du Franc  dans les Pays-Bas. &>g qui avoient toujours une fi grande inflaence dans les affaires que c'étoit exactement les corps auxquels ils étoient attachés qui étoient abfolument les makres de toutes les réfolutions que prenoit 1'affembléc des députés. Cela étoit d'autant plus équitable que Gand & Bruges , erf confidération de' leurs dettes, ne contribuoient dc prefque rien a ce que payoit la province, & que c'étoient cependant ces deux villes qui dirigeoient comme elles Ie vouloient les réfolutions que prenoit raffemblée relativement a la levée des impofitions.'- , L°s dettes de la -province montoient h ■ plus de 14, 000, 000 de fl. & Ton en attribuoit la caufe a la mauvaife perception de fes revenus & aux dépenfes énormes & . fouvent inutiles qu'on faifoit; a 1'appui de ces motifs-.étoit encore vcnu 1'intérét particulier du fouverain qui, au moyen du nouvel arrangement que prefcrivoit 1'édit, devoit recevoir 18000 rations par jour au lieudc 16000 qu'il re-~ M 3,  270 Le Vota&eur eevoit depuis la paix d'Utreeht. 1'affemblée générale qui fe tint après la publication de 1'édit du 5 Juillet 1754, -raiifia Fengagc-ment qu'avoit pris l'admimftration jabakerne, tant par rapport a ces rations qu'a caufe de Fentreticn de la cour -& du fubfide des barrières. Dans le même tems la Nobleffe fit des repréfenta* jjcns pour être rétablie dans le droit d'avoir part a 1'adminifiration politique & pecuniaire de la Province.' , Au moycn dc 1'édit de 1754, il dut y avoir dans 1'affemblée repréfcntant les États de Flandre 17 voix délibératives Sc décifivcs, dont une pour le Clergé Sc les 16 autres pour les villes de Gand, de Prugcs, de Courtrai, d'Audenarde , de Ninove Sc de Teremonde, les chatellenies, diftriels, ou métiers du Franc de Bruges, du Vicuxbourg, de Gand, de Courtrai, d'Audenarde, d'Aloft, de Termonde , dc Bornhem, de Waes, d'Affegaede Sc de Bouchault.' Cette compofition valoit certaincment  dans-, les Pays-Bas. '271: mièüx que. celle a laquclle ' on 1'avoir. fubftituée; mais pour que 1'influence des: votans fut proportionnée a Pihtérët de' chacun d'Cux en particulier, le Gouvernement donna, le 18 8brc. 1755, fedit: d.ont voici les principales difpofuions.' i o Qii'il y auroit huit voix principa- , les dans la Province , que lé Clergé de Gand auroit une voix, celui de Bruges une voix, la généralité des yüles trois voix , & la généralité des chdtellenies trois voix'. 20 Que pöur trouvèr la triple voix -4e la généralité des Villes, chaque ville y feroit comptée & y auroit une influen- ce proportionnée au tranfport, c'eft d dire au contingent que chacune paye dans les charges publiques.'. 3 ° Qi'é P0Ï* trouver la triple voix des .chdtellenies, chaque chdtellcnie , corps, métier & adminiftration y auroit pareille- ment une ihftucncc felon fon tranfport.' . 4 o .Qulil y auroit huit députés d Vaiïcm- ■blée, un du Clergé de Gand, un du Clcr.f M- 4,.  272 . Le Voyageur gé de Bruges, trois de fo généralité des villes,& trois de la généralité des Chatcl- lenies.' 5° Qtftn.- cas de parite de voix. d' cette afemblée compofée de huit députés , celui qui auroit la femonce auroit la voil, décifivel 6° Ql«k la généralité des Filles nom.. meroit les trois Filles d'entr'elles dont les*, trois députés devroient être choifis ,& qif enfuite chaque Fille nommeroit fon député.\ 7° Qiie pareilkment la généralité desChdtellenies nommeroit les trois corps dont' devroient être choifs fes députés, & que'. chaque corps nommeroit fur k mêmepied' fon député. 8 °, Qf'e dans la nomination de la gé- ■ néralité des Filles & Chdtellenies dont il' eft fait mention aux deux articles préce- , dens , chaque corps auroit fon infaience fur le pied des art. 2 & 3.' .9 °, Ql ■tdknies, mais qu'il ne feroit fait aucun ■ changement ni des députés, ni des Villes. ; oü l'on changeroit les députés du Clergé! . ;■ ( Pour qu'il y cut a l'avcnir plus d'or- { ure & plus d'ceconomie dans la pereep- ■ tion. des revenus de, la1 Province, on fupprima les places de commis aux im-. pofitions & le Souverain par fes Lettres ■ parentes du 2q Sbre. 1755, créa 1'offica de Réceveur général dc la Flandre dont : il fixa la réfidence a Gand. .. Les États de la Flandre-Autrichienne ,. font compofés aujourd'hui de deux députés du. Clergé de Gand, de deux du Clergé de Bruges, d'un député dc la Ville de Gand , d'un de la ville de Bruges, d'un du Franc de Bruges, d'un du Pays de Waes, d'un de la chatellenie d'Audenarde d'un de la ville & Pays d'Aloft, d'un Penfionnaire aétuaire & d'un Tréforier général de la Province.' . L'aflemblée générale des États de Flan» 1,dre doit être convoquée par le Souverain . & cette convocation fe fait par des. let-v-  274 Le Voyagiui tres parüculicres qui font adreiTécs a chacun des députés : elles font écrites par' le confeil de Flandres au nom du Sou-, •verain. Les demandcs du Souverain font: •faites par un commiffaire de-Sa Majefté: auquel les députés remettent le réfultat : -des délibérations del'aifcmblée desÉtats,ou en 1'abfence du commiffaire, ils 1'envoyent: au gouvernement. La ville oü fe tient. cette aflemblée, dépend de la volonté du Souverain ; mais ordinairement elle: fe tient a Gand & dans un des falies i de 1'hótel de Ville. Les honoraires de chaque députés font de 4500 fl. par an; ceux de 1'adtuaire font dc 6000 fl. Pon' m'a alfuré que ï'a&uake a&uel avoit 8000 fl. je ne fais pas combien vaut la place de Tréfcricr des états.' ,Le fubfide général dc la province eft d'un 1 , 642, 500 fl. argent courant de Brabant & fa comribution a 1'entreticn : de la cour de 251 , 000 fl. , mais la province ne paye effeclivcmcnt cn Argent que 920C00 fl.; les autres 037500  dans les Pats-Bas. 27^ fl. font employés en payemént que fait la province pour le Souverain.' l'onT ne m'a pas pu dire qu'elle étoit la part que chaque ville , CM tellen ie & diflrict p'ayoit du fubfide : je crois qu'elle fe regie encore fuivant la matricule Caj dc 1508; fi cela eft, rien n'eft moins équitable que cette impofition , car tcllc ville ou tel diftrict qui étoit fort riche ft y a 300 ans, peut être aujourd'hui trés pauvre. ii me femble que les matricules •d'après lefquelles fc régie la quote de chaque impofé , devroient être changée* tous les cinquante ans. Dans les Chatellenies & les diftricr.s , pourformer la fomme qu'ils doivent payer ( a ~) On h trouve dans le livre de Zaman qui a pour titre, Expoütion des tröis Etats du Pays & comté de Flandre, page 343. jean Pierre Zaman naquit a St. JVicolas au Pays de Waes.en 1659; il fut pourvu de la charge de haut échevin de cé Pays qu'il remplit jufqu'a fa mort arrivée le 11 Avril 1728 : on a de lui plufieurs ouvrages dont le plus important eft celui que nous ven ons de citer. m e  ,276 Le Voyageur foit pour le fubfide, foit pour 1'entretien dc la cour & ks ftais de 1'adminiftration générale de la province , 0n impofe les terres , dans les villes 1'on pcrgoit des droits fur les confommations; ainlï fi le citoyen d'une ville eft poiléffeur d'un bien de campagne affermé , il paye fa pare du fubfide & comme polléffeur de .ten-es & comme confommateur dc denrees. Les eccléfiaftiques dans la Flandre payent leur part du fubfide & des frais d'adminiftration comme les autres ci> toyens : leurs terres font impofécs & ils font fujets a tous les droits & impots fur les confommations. Je fuis, &c.  dans les Pays-Bas. 277 LET T RE XXIX. 'Auteur du Voyageur. Malines ce... Mai 1783. Nos Dorainicains & nos Carmes déchauffés, Monfieur, ne vous pardonneront jamais de n'avoir point parlé des tableaux qui décorent leur églife; votre filence humilie leur amour propre, & 1'amour propre irrité d'un moine , eft un ennemi implacable, qu'on défarme difficilement , furtout quand il croit , & cela eft ordinaire, que fes interets font liés a ceux du ciel. Nos üominicains pofledent dans leur églife un beau tableau de J. Verhoeven de Malines; il repréfente St. Hyacinthc qui tient une image de la Vierge; aux pieds du Saint, eft une jolie femme portant un habit herminé; a cóté d'elle eft fon enfant: il y a beaucoup dc finelfe de deffin & de cculeur dans ce tableau; mais un autre tableau  57^ Le Voya (5-etjr . qui lui eft infiniment fupérieur, eft celui peint par G. Crayer repréfcntant St. Dominique qui recoit le Rofairc. Ce tableau eft bien compofé , exactement deffiné, & d'un pinceau vigoureux. Le tableau du maitre-autel dc cette églife eft grand; il eft dc M. Meyers: il repréfente St Pierre, St. Paul, St.' Dominique & d'autres Saints.; Si vous avicz, Monfieur, vin té Péglife de nos Carmes déchaufles, vous auriez vu dans le fond dc la nef de cette églife un grand tableau qui va jufqu'a la voute: il a été peint par L. Franeois: il fait honneur a fon génie; il falloit en avoir pour concevoir & cxécuter cette grande compofition : le deffin eft correct la couleur belle & le faire trés favant : ce tableau repréfente la Vierge & Fenfant Jefus dans- une gloire d'Anges: la Vierge donne le Scapulaire a un carme; dans le bas, le peintre a placé d'un cóté le purgatoire oü Fon voit des ames que la vertu du Scapulaire délivrc de  dans les Pays-Bas. 279 leurs tourmens; dc l'autre cóté , Fon voit St. Louis reen a fon retour de la terre fainte par des religieux de 1'ordre. . Au poürtour de l'églife font placésdes tableaux bien faits par L. Franeois, a 1'exception des 'fonds qui font des payfages peints par Affelin & Herregouts. On voit encore du.même,L. Franeois, .dans. une chapelle de cette églife, deux tableaux;, 1'un repréfente Ste. Anne qui montre a lire a la Vierge; l'autre la Vierge & 1'enfant Jefus qui parleht a St. Simon Stock : ce font deux beaux tableaux. Je ne fais pas pourquoi vous avez négligé l'églife dc notre feminaire qui, dit-on, va être fermé pour quelques années ainfi que tous ceux des autres diocèfes de nos provinces, fans doute afin de pouvoir placer ce grands nombres de moines fecularifés qu'on ne voudra pas lailfer dans l'inaótion. : L'autel de l'églife de notre feminaire eft décoré d'un tableau de Colliers; c'eft  sSo Le Vöyageur Ja Vierge préfentée au Temple. Ce tableau eft bien compofé & peint. . En parlant des fabriques de-Malines, vous auricz dü, Monfieur, faire mention d'une étoffe que font M. M. Jacob •Bono & compagnie, d'autant qu'elle peut entrer dans la compofition des cargaifonsdes vaiifeaux que nos armateurs flamands & brabaneons pouront envoyer en Amérique. Cette étoffe de laine eft fort a 1'ufage des negres dans les colonies de TAmérique feptentrionale & furtout dans celles des Hollandois, de Curaeao , & de Demerary & auffi dans celles des Efpagnols: Jes negres s'en cóuvrent principaJement 1'orfqu'ils font malades & dans le tems de la mauvaife mouffon. Le gouvernement doit d'autant plus encourager cette fabrique, qu'elle poura par la fuite former une branche confidérable de commerce avec Cadix. Nous avions autrefois ici des fabriques de draps fins qu'on pouroit y rélablir, mais pour cela il faudroit que  dans les Pays-Bas. :2§i notre Souverain exemptat les laines d'Efpagne de toute efpece de droits d'entrée. Nos manufaclures de. draps fins ont fleuri jufqu'en 1301 , mais elles n'ont difparu pour paffer a Leyde & en Angleterre que dans le tems des troubles. II ne feroit peut-être pas aulli difficile qu'on le penferoit de les ramenerici. Dans le tems de. la profpérité de mos fabriques de draps, on comptoit a Malines au moins. ,3000 métiers battans qui occupoient au moins 45000 ouvriers;car avant qu'unepiece de drap foit en état d'être vendue, ji faut .qu'elle ait paifé par les mains de 15 .ouvriers dirfércns. Nos commercans fe propofent de porter leurs fpéculations vers le Nord & furtout vers la Ruflie oü ils pouront en.voyer des étotfes qui fe fabriqucnt ici & y recevoir des pelleterics & furtout des peaux de lapin & de Hévres, qu'ils vendront avantageufement a nos .fabriquans de chapeaux qui fouvent manquent de matieres premières. Je fuisj &c,  S.S2 . Lï VOYAGIUI L E T T R E XX X. ii 1'Autcur du Voyageur, Bruxelles, ce.... Mai 1783.. •Tous les bons patriotes de ces Provinces, Monfieur, doivent s'intéreiTer h la perfeótion de votre ouvrage fe plus qu'adcuns autres les. véritablcs amateurs des beaux arts & les commercans. Les amateurs des beaux arts doivent donc s'empreffer de vous faire connoitre tout ce que ces pays-ci pofledent encore de 'richcïïes: pittor^ques , & les commercans' tout ce: qui peut intérelïcr les'manufaclures & fa-. 'ciliter les opérations du commerce. Com-ment a-t-on pu vous-kuiler ignorcr pen-, dant votre Fejour a Bruxelles que l'bötel. » du .comte' de Cuypcrs 'fe Lc\c Rymenam',, étoit un véritable" mufcum. Vous 1'auriez . vu fans doutc, fi i'on vous cut dit;qu'il. renfcrmo.it un grand nömbre de beaux ta- ■  dans les Pays-Bas. 283 :bleaux , dc deffins précieux, une belle xolleótion d'eftampes, de trés. beaux mor- . :eeaux de fculpure, un riche medailler,lun cabinet d'hiftoirc naturelle & une collle&ion delivrcs d'autant plus intéreffante qu'elle conticnt nombre d'ouvrages rares concernant 1'biftoire des Pays-Bas, & plufieurs manufcrits concernant les principales families de ces provinces. Vous devez d'autant plus regretter de n'avoir paseu connoiffance de ces richeffes, qu'elles vous auroient procuré la focieté de celui qui les poffede; vous auriez uouvé, en lui tout ce qui peut plairc a c^ >x q#i cultivent & aiment les arts unies & a, * cables, & tout ce qui rcnd folides & durablcs les liaifons qu'ils forment. Les mceurs, Sc les maniercsdouces de M. dc Cuypers vous auroient plu & fon cara&erc vous auroit fait defirer fon amitié : a en jugcr par vos ouvrages, je nc doute pas qu'il n'eut été flatté de fe lier étroitement avec vous. Les cabinets de M. le comte de Cuypers exiftent depuis plus d'un -fiécle-; ils  **4. LE Voyage uk ont cela de particulier qu'ils fe fond tranfmis de pere en fils. Je n'ai pas préfenteTrnent le löifir dc tous donner d'auffi grands-, détails que: je le voudrois fur tout ce qui renfermeles cabinets de M. le comte de Cuy'pers. Jene Puis aujourd'hui que vous indiquer les morceaux les plus précieux defculpture & de peinture. Les morceaux ■ de fculpture font. Une belle ftatue dé marbre de grandeur naturelle de Mars par le chcvalier Gnpello; deux buftes d'enfans de grandeur naturelle, 1'un de Duquenoy & l'autre de Faidherbede Malines; deux chevaux en bronfe antiques; deux beaux groupes, 1'un De Verbaegen qui repréfente le tems qui embraffe la déeife Pallas, l'autre le tems qui veut détruire 1'efpece humaine Par Plumicrs ; un bufte de femme par Duquenoy; un enfant qui tient fur fa main un oifeau, de Gripello • un groupe-d'enfans qui jouent avec un mouton, un enfant qui daniè & un-au-  dans les Pays-Bas. 285 ;tre qui porte un jeune Satyrc fur fes cpau[ies en ivoire : ce dcrnicr morccau eft on me peut pas plus beau; tCharles-Quint de . .grandeur naturelle qui ornoit le ..Chateau l-de Tervuren & Pierre-le-Grand que les I Magiftrats de cette Ville firent faire quand ice Prince vint a Bruxelles & y fejourna 1 quelque tems en 1717; le bufte en marIbre de 1'Empereur Charles VI de gran1 deur naturelle & celui du Maréchal. de Saxe exécuté par Deivaux ; ceux du fculptcur Verhaegen & de fa femme exécutés par lui-même. Le jardin dc M. le comte de Cuypers , eft orné d'un groupe formé par les trois graces & deux petks amours; ce groupe eft bien exécuté', Eyfcn Pa gravé & en a fait une jolie eftampe. On voit encore dans ce jardin Diane & Appollon & .plufieurs autres morceaux précieux de fculpture. Les principaux tableaux que poifede M. le comte de Cuypers , font Démocrite, Héraclitc, 1'hiver & douze autres  ^6 hi VoYAGEUX morceaux précieux de David Teniers; un baron de Grimberghe a cbeval par Van^ Uycfc 5 deux autres portraits du même & celui du Duc de Montmout a Cbeval: ce même tableau eft auili en Angleterre' mais il eft reconnu aujourd'hui par ks Anglois mêmes que celui que poffede M le comte de Cuypers, eft 1'original. Le portrait du peintre Thomas Willeboirts Boffchart; 1'efquiffe du tableau du même maitre que pofféde k Duc d'Orleans & qm repréfente la familie de Charles I Roi d'Angleterre eft dans les Cabinets de 3c fmte de Cuypers, qui poffede auffi une efquiffe de Rubens qui repréfente Ihiftoirc du Meleagre; il a auffi du même maitre plufieurs tableaux, une chaffe au ceri, le buftcd'un génie, deux leopards,! 'appel de St. Mattbieu,la mort du Lazare une Ailbmption , la Céne & ]e portRliJ d une femme. M. le comte de Cuypei poffede encore un grand nombre de deffins onginaux de Rubens. Ses cabinets font : ornés de plufieurs beaux tableaux de Pier  dans les Pays-Bas. 2,87 reNeefs, de Breugel de Velours, de Breugel d'Enfer, de J. Jordaens, de Philippes de Champagne , de Plans ou Jean Vanden Beken", de Franc, de Martin De Vos , de Largilicre , de Ti Rombouts, de Vinckeboom, de Segers le Jéfuite, de Holbeen, dc J. Vonck, de Mofters, de Smyers de Malines,de Craesbeeck, de Charles Moor, de Paul Moreels, de L. Franeois, de Coppens, de T. Van Thulden, de Pierre Thys, d'Adrien Brauwer, de Peeters, de Baffan, de L. Jordaens, de Coninxloo, de V. Wolffert, de Van Eyck de Bruges, Finventeur de la peinture a 1'huile , d'Arte-is, d'E. Queliyn , de Gambau, de Heym, de Pluyfamans de Malines, de Jacques Van Es, de Vander Meulen , de G De Crayer, d'Albert Durer , de Charles Breydcl, de ! J. Thomas, & de A. SaUart. M. de Cuypers poffede auffi quelques beaux tableaux dc 1'école d'Italie & un grand nombre de deffins des grands maitres de cette école. II a un tres beau tableau qui repréfente des pauvres qui regoivent 1'aumone, par le  *** Le Vota&eux jmtorct, une annonciation de Ia Vieree dont on ignore i^uteur., mais qui eft bien Tc LéCO ed'kaiie'. ^ PonaitdelaVier! ge & celui d une dame peinte en Madelaine par leGuidc. Parmi ]CS deffins originaux que vous pourez voir dans les cabinets de M. de Cuypers, vous en trouverez plufieurs de Raphael, d'Urbin, du Ti ï£l f GfrT?dnS' di,Ccnt0» d'Annibal Carracbe, de Romanelli, de Salvator Rola & d autres maitres italiens M le comte de Cuypers paffe fa v]c avec les artiftes; il en employé un trés grand nombre • il a fait graver a fes dépens les plus beaux tableaux de ces ca bincts mais il eft facheux que le Pays qu ,1 habite foit dépourvu de bons graveurs- Je fuis, &c. Fia dc la quatrieme Partie.  LE VOYAGEUR DANS LES PAYS-BAS AUTRICHIENS, o u LETTRES fur 1'état aótuel de ces Pays.' Felix qui potuit rerum coanofcere caufas! V i rg 1 le. TOME QUATRIEME. Cinquieme Partie. A AMSTERDAM, chez Changuion , Libraire. On en trouve des Exemplaires chez JE. De Bel, ftnprimeurLibraire, a Bruxel'es. M. DCC. LaaaüL   LEVOYAGEUR DANS LES PAYS-BAS AUTRICHIENS. LETTR E XXIX. a 1'Auteur du Voyageur. Bruxelles ce ... Mai 1783. S1 vous examinez avec attention, Mon-. ' fieur , quelle eft la compofition actuelle .des.états de la province de Flandre, vous ferez. furpris de cc qu'elle eft fi peu conforme a celle des états non feulement des autres provinces des Pays-Bas Autrichiens, mais de tous les pays ou il y a N a  -2£2 Le Voyage ub. un corps repréfentatif appellé états. N'imaginez pas que la nobleffe de Flandre n'ait jamais fait partie des. états de cette province : je fais qu'il y a des perfonnes qui |e croient & d'autres qui ne le croient pas, mais defirent qu'on en foit perfuadé. Si vous lifiez un livre que Zaman a publié en 1711, vous n'héfiteriez pas a croire que la nobleffe de Flandre a été anciennement le fecond membre des états de cette province. j'ai lu avec attcntion & pour mon inftruélion particuliere Pouvrage de Zaman , & j'en ai tiré le mémoire ci-joint que j'ai 1'honneur de vous .envoyer,' perfuadé que vous le recevrez & lirez avec plaifir. Etant comme vous, Monfieur, étranger a la province de'Flan.dre, ni vous ni moi ne pourons être foupconnés de partialité. 'Je fuis &c. 0 * * A.vocat au Confeil :S.ouverain de Brabant.  dans les Pays-Bas. 293 M É M O I R E. A.Vant les conquêtes de Céfar, les provinces Belgiques étoient régies comme les Gaulcs:on n'y diftinguoit que deux fortes de conditions, les prêtrcs & la. nobleffe ; le peuple alors differoit peu des" efclaves. Les Gcrmains étoient dans le' même cas. Toutes ces nations étoient divifées en plufieurs peuplades femblables" a des républiques, qui choififfoient tous les ans un prince & un capitaine pour les conduite a la guerre. Le pouvoir de ces rois ou princes' étoit trés borné, & Pautorité du peuple étoit auffi grande fur lui que la fienme Pétoit fur le peuple , tellement que, Mén Tacite , ces fouverains avoient jplütót le droit de perfuader que la force ;de fe faire obéir. Avant la conquête des IRomainsJcs Gaules, les Beiges & les Gcrimains n'avoient donc chez, eux que le ;gouvcrnement-Ariftocratique, & c'étoient' les prêtres & la nobleffe qui gouvernoient[fous Pautorité du prince. N 3  2P4 Le Voyageur. Céfar ayant fubjugué ces vaftcs contrées, la Belgique n'en conferva pas moins fon ancien gouvernement : les Romains la ménagcrent, parcequ'étant limitrophe aux peuples indomptés de la Germanie, Rome avoit befoin des Beiges, dont elle' connoiffoit Ja valeur , pour défendre fes pofieffions contre les Barbares qui habitcient au dela du Rhin. Après la deftruétion de 1'empire Romain dans les Gaules, le gouvernement de ces provinces ne changea pas. Sous les rois de la première race, il eft certain que le clergé & la nobleffe y conferverent toute leur autorité. En 595 Childebert porta un édit de commun accord avec la nobleffe de fes états, Dagobert y nomma, en 633, fon fils Sigebert roi d'Auftrafie de 1'avis & du confentement des prélats & des feigneurs de fon royaume, &c. Tl n'eft nas dnnrpnv nu? In nnhloBó Ac \ Flandre ne conferva la mème autorité que la nobleffe des Gaules : puifque la flandre avoit pu maintenir fon gouver-  dans les Pats-Bas. 295 noment fous les Romains qui 1'avoit fubjuguée , pourquoi ne Pauroit-elle pas confervé fous les rois francs auxquels elle s'étoit volontairement foumife ? Sous les rois de la feconde race, Pautorité du clergé & des nobles s'accrut encore davantage , non point aux dépens du peuple , mais aux dépens du fouverain. Pepin-le-Bref qui avoit ufurpé ■ le tróne fur les defcendans de Clovis, ne pouvoit s'y maintenir qu'en ménageant beaucoup le clergé & la nobleffe qui partageoient ayec lui le poids du gouvernement. II ne tint le concile de. Soiffons. en 744 que du confentement des évêques & des nobles. Ce fut dans un parlement des eccléfiaftiques & des nobles qu'il fut élu roi; ce fut encore du confentement du clergé & de la nobleffe qu'il divifa fes états entre fes deux fils Charles & Carloman. Ce fut du confentement des fcigneurs de fes états, que "Charlemagne affocia fon fils Louis a 1'empire : en un mot tous les monumens atteftent. que fous les N 4  sp<5 Le Voyageuh rois de la feconde race, les états de chaque province ne furent compofés que du clergé & de la nobleffe. Lorfque par 1'anarchie féodale les fiefs devinrent héréditaires, & que la Flandre eut fon comte perpétuel, la forme de fon gouvernement ne changea point. En 1030 le comte Bauduin, dit le Barbu , voulaut pacificr la Flandre, aifcmbla les prélats & les nobles. Bauduin de Lille partagea dans une pareille affemblée la Flandre entre fes deux fils Bauduin de Mons & Robert le Frifon. Ces afTemblécs fe tenoient fouvent, & 1'on y décidoit des plus grandes affaires de 1'état ; tellement que les comtes de Flandre n'avoient qu'une autorité trés limitée, partagée entre eux, les eccléfiaftiques & les nobles; ~& les communes, ou tiers-état n'y eut aucune part jufqu'en 1'année 1300. , Les fouverains vivoient alors de leur domaine ; les impöts étoient affez rares; quand on en levoit c'étoit de 1'aveu de la nobleffe & du clergé & le tiers-état n'é-  dans. les Pays-Bas. 297 toit point confulté ': cc n'eft que par ce fait qu'on peut expliquer pourquoi U s'éleva tant de troubles en Flandre, lorfque Philippe-lc-Ccl, Richilde, mere & tutrice du comte Arnoud , & le comte Guiilaume le. Normand , demanderent aux Flamands de grands: impöts. Pendant ces troubles, pendant la guerre; qui furvint a cette occafion entre la France & la Flandre, ou le brafleur Artcvelde quitta fa cuve pour fe mettre a la tête de quarante mille Flamands & battit les Franeois , le crédit du tiers-état s'accrut confidérablem.ent. Le peuple étoit devenu libre par 1'émancipation de la comteffe Margueritte ; & les Flamands voulant dèlivrer leur comte Guy avec fes enfans & cinquante chevalicrs qu'on tenoit prifonniers en France, commencerent a traiter de paix. Les communes y furent confidérées comme faifant partie des états, parcequ'il étoit queftion de payer une forte fomme , & qu'on craignoit que le peuple ne refufat i de la fcurnir. Ce traité de paix date dc Fan N S  2p8 Le Voyagetjr 1305; les ftipulations s'y fiicnt par des; députés au nom des gentilshommes , dcs\ bonnes villes & gens de Flandre ; & c'efti a cette époque que Ton doit fixer 1'entrée; des communes dans les états. Voila donc: depuis Pan 1305 les états de Flandre com-pofés de trois membres, favoir le clergé,, la nobleffe & le tiers-état. Lorfque la Flandre, avec tant d'autres i provinces , paffa fous la domination de la maifon d'Autriche par le mariage de Marie de Bourgogne avec PArchiduc Maximilien , rien ne fut innové quant a fon adminiftration. Marie de Bourgogne en 1477, avoit fait déclarer au roi de France qu'elle fe laifferoit conduire par le vouloir & confeil des troi s états de fon pays de Flandre'; i & 1'affemblée tenue a Aloll en 1482 au fu- ' c jet du mariage d'une fille de Marie de 1 Bourgogne avec le Dauphin de France ,.fut 1 1) compofée des gens députés par les trois i états de Flandre} felon Philippe de Com- * mines! i Vers ce tems cependant les villes di | p  DANS LES PaYS-BaS. 200 Gand, dc Bruges & d'Ypres firent une ligue ou leurs députés s'avifercnt de fe donner le titre de repréfèntans enfemble les chefvilles &' tout le corps du pays de Flandres; mais cette demarche étoit plus ridicule que dangereufe. Les nobles continuerent de faire partie desétats, & Zaman même rapporte la lifte des eccléfiaftiques & noblesqui formoient les états en 1590. Entre les. ■ ; nobles fe trouvoient alors le duc d'Arfchot, le duc de Vendofme, le prince d'O: range , le baron de Boelaere, le comte de. : Ligne, le duc de Cleves, le baron de Fien-. : nes, les comtes de Solre & d'Herlies &c.' . On eft tout étonné en arrivant vers . ; Fan 1625 de trouver les nobles cxclus 1 des états fans 1'avoir mérité, fans dé, cret du juge, fans Fautorité du fouve: rain, & par Pambition des quatre membres du tiers-état de Flandre. Voici 1 d'oü paroit partir cette exclufion. Les ■ villes de Gand, Bruges, Ypres & le pay.s. ' du Franc étoient les quatre membres les plus confidérables de la Flandre, pareeN 6  SOO Le VoiiGEDH qu'ils payoient la plus forte partie des impots. Cela leur donnoit une grande autorité dans les états, & ils agiübient quelquefois comme autorifés des eccléfiaftiques & des nobles. Le 24 février 1542, Marie Reine de Hongrie vouluc ordonner commcnt les villes & les chatellenies fubalternes du quartier de Gand, auroient a fe conduite lorfqu'elles feroient convoquées pour les aides ou pour les autres affaires du pays; elle déclara que chacune de ces villes & cMtellenies du quartier de Gand donneroit fa réfolution a part en leur défendant de s'adreffer a ceux de Gand avant les ouvertures ou après; & de s'affembler entre elles collégialement pour communiquer fur les points propofés; elle voulut que les réponfes etant ainfi données a part, les députés puffent retourner chez eux , fans attendre que 1'aéte fut dépeché par les états & membres, qui prennent, dit-elle, aucune fois long tems & delai, fouvent pour caufes concernantes ni touchantes  dans les Pays-Bas. 301 aux dites Filles & chdtellenies, & qui peuvent bien fe vuider fans eux'. Par ce réglement les ailcmblécs des, communes furent annéanties , car les autres quartiers fe modelcrent bientöt fur celui de Gand; & il en réfulta que les quatre membres eurcnt abfolumcnt les voix décifives; puifque la divcrfité qui devoit naturellement rcgner entre toutes les opinions données a part, laiffoit les quatre membres maitres d'arranger les chofes comme ils vouloient , même fans le concours du clergé & de la nobleife, a caufe qu'ils jouiflbient dans le fait de tous les futfrages des chatellenies fubalterncs. Cepcndant en 1601 les propofitions . pour les aides & fubfides furent encore faites au clergé , a la nobleife , & aux quatre membres, comme les lettres de créance du baron de Hoboken du 2 juillet 1'atteftent; mais dans hVréponfe on voit déja que les états omettent les na» bles; elle commence ainfi les eccléfiaf-  302 Le Voyageuk. tiques & quatre membres de votre pays & ocmté de Flandre ayant vu & examiné la propofition &c'. Les quatre membres étant ordinairement chargés de la rédaéïion de la réponfe, commencerent donc a omettre dé parler des nobles: cependant cette réponfe ne fe faifoit alors qu'après avoir confulté la nobleffe. On le voit par une réponfe des états de Flandre donnée le 27. 8bre. de la même année 1601 fur une nouvelle pétition des Archiducs Albert & Ifabelle , oü Ton trouve ces mots: les eccléfiaftiques & quatre membres de Flandres ayant vu & examiné la propofition & ld deffus communiqué avec les nobles, villes & chdtellenies fubalternes &c.' Un fait affez remarquable arrivé la même année, fait voir qu'alors on regardoit comme un attentat d'agir fans les nobles & fans les chatellenies fubalternes dans les états de Flandre. Les Archiducs demanderent que ces états empruntaffent foixante mille florins fur la Flandre ,fans  dans les Pays-Bas. 303 obfèrver les folemnités en droit de la convocatlon des nobles , villes & chdtellenies fubalternes, d'ancienneté obfirvêes, & fans préjudice d icelles d 'Pavenir, pour n'admettre de fait aucun délai, ains requerir accélération.' Les eccléfiaftiques & les quatre mem-, bres dans leur réponfe du 23 février 1601 , dirent qu'ils avoient en ce trouvé grande difficulté : cependant ils fe foumir'ent a la demande des Archiducs, fur ferme efpoir que lefdits nobles & fubalturnes ne le prendront d mal, ains Pinierpreteront fincerement & en bien pour Pimportance de Pajfaire comme requerant fecrete & prompte réfolution'. Cette demande des Archiducs montre affez qu'ils ne fe croyoient pas en droit d'exclure les nobles & les chatellenies fubalternes des déliberations des états, puis qu'ils font leur réquifition fans préjudice pour Pavenir, & dans ce fait il eft clair- qu'une loi fondamentale ne peut fe changer que du confentement de tous ceux qui Pont formée,  3°4 Le Voyagetjr, Les quatre membres dans leurs réponfes réconnoiiïent auffi cette vérité , & conviennent de 1'impoffibilité d'exclure légitimernent les nobles du corps des états. ( Après un avcu auffi folemnel, fe feroit on jamais imaginé que dans la fuite & quclques années après, les quatre membres les en exclueroient ? malgré eet aveu cependant, je regarde cette démarche des quatre membres comme la bafe de leur irfurpation. Les nobles ne fe plaignircnt pas dc cequ'on avoit fait une levée fans les entendre, & ils auroient dü fe plain-' dre. L'ambition des quatre membres ne devoit pas leur être inconnuc; fi la nobleffe avoit fait .grand bruit de cette nouveauté, elle les auroit rendus plus circonfpecls, & leur auroit peut-être öté ! 1'envie de cimenter fon exclufion. Mais les nobles, plus attachés au bien-être du prince qu'a leurs intéréts particuliers, ne firent point la plus legere remontrance. contre ce procédé jufqu'alors inoui, &^  dans les Pays-Bas. 305 dès lors les prétentions des quatre membres n'eurent plus de frein ni de bornes.' En 1625. & 1626 le fouverain com-, menca a omettre les nobles & les chatellenies fubalternes dans les lettres de créance pour la demande des aides & : fubfides; & une partie des chdtellenies protefta contre cette omifliom'Comme les refcribents trouvent, difent-ilsen Vin» Jlrublion de fa Majefté de faire la propofition feitlement aux eccléfiaftiques & qua- ,tre membres, fans faire mention des no- . bles & députés des villes & chdtellenies repréfèntans enfemble les états de ce payscomme il a été obfervé de tout tems » dis protcf ent &c. Cette proteftation fit reprendre 1'ancien ■ : ftile, mais cela ne dura point. Les quatre membres profiterent de toutes les cir- 1 conftances pour ne plus admettre les nobles aux aifemblécs des états;' ceux - ci : fenfibles a cette exclufion injurieufe, eurent recours a la voie de la juftice pour 1 défendre leur droit, & donnerent aux  joö L e VoïASEUR . feigneurs.de Paffchendale & de Sweveghem la procuration qui fuit.' „ Comme les états du pays & comté de Flandres parci-devant ont été com9 Pofés des éceléfiaftiques, nobles, & „ villes dudit pays , lefquels conjoinciement étoient appeliés & convoqués pour réfoudre fur toutes les propofitions que u les comtes & comteflès de Flandres leur vouloient faire , & que lefdits « éccléfiaftiques & quatre membres du}J dit pays prétendent exclure de ladite „. convocation & afTemblée defdits états, n comme de fait ils font, lefdits nobles au grand préjudice, defpecl & vilipendance de la nobleife dudit pays, s, nous foullignés ayons autborifé & au}J thorilbns par cette les feigneursde PafAt fchendale & Sweveghem, & chacun m d'eux, leur donnant plein pouvoir, authorité & mandement fpécial pour: ,} cn faire les. plaintes a fa Maicfré, fes: „ confaulx, oü la qu'il convient, & fai„ re réintégrer lefdits nobles cn leur an~  dans les Pays-Bas. 307 „ eienne authorité & prééminence aux „ afiemblées & réfolutions auxdits etats „ foit par voie de juftice ou autrement.... 'ft Ad-urn 23 Février 1628., , Malgré les pourfuites que la nobleffe a fakes tant en juftice réglée qu'auprès du gouvernement pour récuperer des droits inconteftables, le tiers-état a toujours trouvé moyen d'empêcher qu'on ne portat dans cette affaire une décifion folemnelle.' Les faits que nous venons d'expofer ne font conteftés de perfonne. La Flandre eft un pays d'état : chaque corps de la nation a le droit exclufif de s'impofer foi-même. la nation eft compofée de trois corps le clergé , la' nobleffe & le tiers-état. Ces trois corps ont compofé les états de Flandre jufqu'en 1625: aucun délit, aucun arrêt n'a exclu des états le corps de la nobleffe : aucun délit , aucun arrêt n'a annéanti ce corps; il fubfifte encore, & a 1'inauguration de nos fouverains il prête le ferment de fi-  go8 Le Voyageur. délité comme les eccléfiaftiques & les quatre membres. Ainfi puifque la nobleffe forme un corps féparé de ceux du clergé & du tiers-état, elle devroit avoir fes députés pour la repréfenter aux états de la province; par cequ'il n'eft pasplus permis au clergé & aux quatre membres de Flandre. de mettre des impofitionsfur le corps de la nobleife de cette province que fur la ville de Bruxelles ou de Louvain.'  dans les Pays-Bas. -303 LET ï RE XXX. Gand cc... Mai 17B3. T jE tréfor du fouverain , Monfieur, , 'dans les Pays-Bas Autrichiens eft dépofé depuis quelques femaines a la chambre des comptes de Bruxelles. Avant, toutes les fommes qui formoient le revenu du fouverain dans ces provinces-, étoient verfées dans la caiffe du banquier de la cour : on y verfoit auffi les fommes provcnant des differents emprunts que faifoit le fouverain; le banquier en payoit les intéréts au prêteur , enfin il faifoit tous les payemens ordonnés par le fouverain, de maniere qu'il étoit ce qu'eft en France le garde du tréfor royal;' fa place lui vaioit, a ce qu'on m'a affuré , 120000 fl. tous les ans;,toutes fes fonélions fe feront-a la venir par un prépofé du prince fous la direction de la chambre des .comptes & a bien moins de frais.1 Saus  §io Le 'Vo y a g e.u r. doute que celui qui aura a remettre une fomme quelconquc dans une des villes des provinces, poura porter fon argent a cette chambre oü on lui donnera ce que nous nommons une refcription fur le receveur que le fouverain aura dans la ville oü le payement de eet argent devra être fait, ce qui fera un trés grand bien pour le commerce qui poura faire tous fes payeihens dans toute l'étendue des domaines dc fa Ma}efté fans aucun frais. II eft'probable que les regeveurs du fouverain dans chaque ville & dans chaque province feront auctorifés a regevoir tout 1'argent qui leur fera remis & qu'on Vöudra faire palier foit a Bruxelles, foit dans les autres villes, & qu'ils pouront en donner la valeur en un mandat payable a la chambre des comptes de Bruxelles. Si-cela n'eft pas, l'établiffement d'un tréfor royal qu'on vient de faire, nuiroit beaucoup au commerce dont ii retarderoit & gêneroit les payemens & parconféquent les opérations.  da -ns ;' x'eV Pat s-Bas. 311 II y a nombre 'dc perfonnes qui imaginent que-le dépot du tréfor du fouverain fait a la chambre des comptes, &Wnonce 1'établftfemcnt prochain d'une ban^uéu# Bruxelles qu'on y.'fera h Pinftar de celle de Londres, mais tout le monade' n'y verra pas du même ceil cèt éta•"bliffemeht: il "a'ugmentcra fans doute fe -numeraire darijs 4es Pays-Bas-Autrichiens, -mais il'aviiira auffi cc numeraire &'parconféquönt 11 ailgmentcra la valeur des différéns objets- dont le numeraire eft le digne repréfentatif.-Le prix des denrées étant augmenté,-il faudra nécelfairement -que le-prix: dc. la main d'ceuvre augmen~té auffi'&: par une fuite naturelle, celui des produélions iriduftrieufes. Ces produélions-.ne pouront plus alors foutenir dans lesrmarchés étrangers la concurrcnce des -,mêmes productions qui y feront apportées par' les marchands des autres pays oü la main d'ceuvre fera a meilleur marché que dans les Pays-Bas-Autrichiens. C'eft depuis l'établiffement de la banque  3ia Le V o Y.A a eu*. de Londres que la main d'ceuvre des Anglois eft de 15a 16 pour cent plus chêr.e que 1'eft celle des Frangois qui parconféquent ont dans tous les marchés •Favantagc de 15 a tó pour cent fur les Anglois. 'iatoopJ oh bjöfoa s 1 . S'il y a dans les Pays-Bas 30, 000, 000 .de numeraire réel, la maffe des objets dont ce numeraire eft le. ftgne repréfentatif étant la même, cette ■ même: maffe .qui n'a aujourd'hui une valeur.que de 30, 000, 000».en-aura une de 60, 000 .000, fi aux 30., ooo, 000 de numeraire réel, 1'on ajoute 30, 000 000 de numeraire fictif: il faudra ■ donc alors donner fe doublé de cequ'on donne aujourd'hui dc ftgnes repréientatifs pour fe proeurer un des objets repréfenté par le numeraire. La journéc du falarié :qui n'eft aujourd'hui que de 14 a 15 fous, fera de 28 a 30: uela il s'em'uivra que celui qui aura un revenu de iooco fl. ne fera pas plus opulent que 1'eft celui .dont le revenu n'eft aujourd'hui que de 5000 fl. Quand  dans les Pays-Bas. 313 ^ Quand un pays manque de numeraire réel & que ce numeraire n'eft pas proportioné aux objets dont il eft le ftgne repréfentatif, ces objets s'aviliffent, & pour faire ceffer leur aviliifement, il faut néceffairement augmenter la maffe du numeraire réel par un numeraire fitfif; c'eft-ce qu'ont fait les Anglois, lorfqu'ils ont établi leur banquc. Le maf qui en a réfulté a été moins grand que celui de Faviliffement total de leurs produ&ions de toutes efpeces. 1'Angleterre n'a que 16. millions fterling de numéraire , c'eft a dire environ 3Ó8 , 000, 000 L. T., & elle eft moins riche en numéraire réel que les Pays-Bus Autrichiens qui n'ont que de 30, 000, 000 : je crois que ces 30 mülons peuvent fuffire a leur commerce intérieur & extérieur. Toutes les fois que le commerce aura une grande aótiviré , 1'clfet de cette activité fera d'en donner une trés grande a la circulatiün du numeraire. Les compagnies & les banq: es dit Montcfquieu, que plufieurs natioil. Tome IV Partie V. Q  514 Le Voyageur. établiffent} acheverent d'avWr üor & V'argent dans leur qualité de ftgne; car , par de nouvclles ftclions, ils multiplierent tellement les ftgnes des denrées, que Por & V argent ne ft reit plus eet office qu'en partie, & en devinrent moins précieux les mettre Cles banques) dans des pays gouvernés par un feul, c'eft fuppofer V argent d'un cóté & de l'autre la puiffance, c'eft d dire d'un cóté la -faculté de tout avoir fans aucun pouvoir , & de l'autre le pouvoir avec la faculté de rien du tout. Dans un gouvernement pareil, il n'y a jamais eu que le prince qui ait eu ou qui ait pu avoir un tréfor, & partout oü il y cn a un , dés qu'il eft excefjif, il devient d'abord le tréfor du prince. Par la même raifbn les compagnies de négocians qui s'aftöcient pour un certain commerce, conviennent rarement au gouvernement d'un feul. La nature de ces compagnies eft de donner aux richcffes particulieres la force des richejjès publiques; dans ces états cette force ne peut fe trouver que dans les mains du prince.  dans lis Pays-Bas. pg Vous me demandez, Monfieur , quel eft: è préfent le prix des terres dans la .Flandre. Depuis la réduétion des rentes a trois pour cent, les terres dans cette province fe vendent beaucoup plus chêres qu'elles ne fe vendoient auparavant. Dans le quartier de Gand, 1'on ne retire que deuxpour cent du prix de la terre qu'on achete, dans le quartier de Bruges deux & demi , & dans la Weft-Flandre trois & jamais 4 pour cent, cela dépend au reftebeaucoup de 1'état oü fe ^trouve la culture de la terre que Fon vcnd. Les conftitutions de rentes faites a prix d'argent & fur hypoteque, fe font dans la Flandre? a trois pour cent, mais le commercant qui emprunte fur fon fimple crédit, payer fix- pour cent. d'intérêt. Dans la Flandre comme dans le Brabant,. les capitalift.es confient difficilcment leur argent aux commergans. J'ai connu a Bruxelles un riche capitalifte qui y jouit de 15000 fl. de revenus qui ne confieroit pas, difoit-il, a un commercant, a un banquier, 500 florins, O a  jio" Le Voyageur. fut-il un Romberg, un Gamarache , un Walkiers, quand même ils lui donneroient un intérêc de dix pour cent : cette fatale prévention fait qu'une trés grande partie du numéraire des Pays-Bas Autrichiens refte dans 1'inaélion & eft mort pour le commerce : pour lui donncr de la vie, il faudroit, je crois , changcr un peu les mceurs de la nation. Celui qui a dans le Brabant ou dans la Flandre 3000 fl. de revenus & dont la dépenfe annuelle n'elt que de aooo fl. , enferme tous les ans dans fon coffre 1000 fl. qui y reftent jufqu'a ce qu'il fe piéfente une occafion favorable de 1'employer a faire 1'acquifition d'un morceau de terre ou d'une maifon. Ces 1000 fl. rentrent alors dans la circulation & deviennent utiles au commerce & a 1'induftrie des citoyens ; pour qu'ils lefuflent toujours, il faudroit donner a celui qui les poffede plus de befoins; en les multipli&nt & le rendant moins économe, on le mettroit dans l'impoffiblité non feulemcnt d'enfermer dans fon coffre une  dans les Pays-Bas. 317 partie de fon revenu, mais encore dans la néceifité de fe procurer un revenu plus confidérable & pour cela de préférer de placer fon argent dans le commerce qui lui rendroit fix pour cent, au lieu de trois .pour cent qu'il en retireroit en le placant en fond de terres. ou en maifon. Pour ;opérer ce changement je ne vois qu'un ..moyen , c'eft d'étendre 1'empire du luxe dans les Pays-Bas-Autrichiens; mais,direz vous, le luxe corrompt les mceurs& appauvrit le peuple qui s'y livre ; oui quand i s'y livre avec inconfidération ; mais quand le luxe d'une nation . n'eft pas exceÜif, il ne corrompt pas les mceurs , il n'occafionne pöint un plus ■ grand mal encore, la ruine totale, de ceux qui fe livrent a-fes fantaifics. Dans un pays pauvre, chez un 'peuple fans in- duitnc & fans aclivité:, le luxe peut produire dc grands maux ; il appauvrit la nation qui tire de l'étranger tous les' oblets de fon luxe & n'a rien a offrir a l'étranger en echange ; c'eft. la pofition. O 3  de la Suede & du Dannemarck, mais ce n'eft pas certaincment celle des Pays-Bas Autrichiens; d'ailleurs il eft fi aifé a ceux qui gouverncnt les pcuplcs d'empêchcr que le goüt du luxe ne dégénéré en abus, qu'on .ne doit jamais craindre que ce luxe pro duifc de grands maux. L'on a beaucoup ■écrit peur & contre le luxe; les uns en ont fait la critique avec trop d'amertume, les autres 1'ont trop loué. & perfonne ne Pa jamais confidéré dans tous fes rapports; relativement au commerce, je le crois trés utile ; relativement aux mceurs, il peut être dangereux; relativement a la popnlation, il peut lui nuiJe quand il eft exceffif. L'on vient de m'cnvoycr de Bruxelles le profepeclus d'un ouvrage que M; Te marquis du Chafteler va y faire iraprimer; c'eft un ancien m. f. du 12e. fiéicié qui n'a pas enccre été imprimé & que pofièdoicnt les Chanoinelles de StWaucru de Mons; elles Pont confié au marquis du Chafteler qui, après Pavoir  dans les Pays-Bas. 3*9 examiné a jugé que ce feroit rendre un grand fervicc au monde litteraire que de le faire imprimcr ; il en a chargé 1'imprimeur Flon qui, a en juger par le profpedus, rimprimera de maniere a mériter la reconnoiffance du public. Le papier, qu'il emploicra fera trés beau; il le tirera dc la papeterie de Gramond qui , ja> loufe de conferver la réputation dont ellejouit d'être la meilleure papeterie des PaysBas Autrichiensm'cmploye pour fa fabriqueque dcsloquescboifies au Ben de les vendre auxHollandois &aux papeteries delaFlandrc-francoife comme - le font quelque.ois a ce qu'on m'a dit d'autres papeteries de ces pays qui n'employent que les plus mauvaifes loqucs- L'Auteur du m. f. eft Gilbert; il étoit ch'incefier de Baudouin 5e. comte^ dc Hainaut : ce m. f. eft une chronique écrite. en latin qui a le mérite dc ne rien contenif que ce que Gilbert a vu pour. ainfi dire lui-même. Le texte de eet ouvrage précieux formera un vol. d'environ G 4.  320 Le Voyageu* 350 pages m4o;i] j ion donnera un fecond vol. W mé esTnei:FremTqUi C°n-^rades no. tes en frangois du marquis du Chafteler tf» jerteront un grand jour fur tout ce que -conucnt 1'ouvrage de Gilbert. En rece • vant chaone vol J«« rm,c • 9 rent 8 L^'^"^nF,!BiS!.^ /in r„ ■ Jrancc- LrbM , imprimeur de Louvain, va aufli réimprimer un 0l -vrage de théologie du théologi n Gum -ec des nctes de J. J0fCph b.n eft Went un des meiHeurs impriBu-Urs des Pays-Bas, &ilyjouit de ^ putanon d'être de Ja p]us gJrande ^ J euvers ceux qui eniployent fcs preffes Je füis , &c.  dans les Pays-Bas. 321 LETTRE. XXXI.. Gand ce... Mai 1783-.. Il y a ici , Monfieur, deux ouvrages ■ périodiques; t&us deux font écrits en flamand ; 1'un eft une gazette fort eftimée dans tous les Pays-Bas; l'autre eft pure- ■ ment littéraire; il a pour titre 1'jndica-teur. quelques morceaux qu'un homme . de lettres de cette ville a eu la complai- fance de traduire en frangois & que j'ai lus avec attention, m'ont fait connoitre eet ouvrage qui m'a paru intéreffant pour tous les véritables amateurs des lettres. Je fuis perfuadé que fi cette feuille étoit écrite Cn frangois, elle feroit bien jaccueillie en France. Je ne fais pas fi vous avez vu un petit ouvrage dc M. Ber- trand qui a été imprimé a Paris il y a \ .einq mois & qui a pour titre les loix . civiles & Vadminiftration de la juftice ragienées d un ordre ftmple & uniforme., ou 1 0 5,  2^2 Le Veoyageur r0exions mor aks politiques &c. &c. fur la maniere de rendre la juftice en France avec k plus de célérité & le moins de frais pojjible. Comme l'on n'en a pas per_mis le débit a Paris, il pouroit bien arliver que vous ne Peuffiéz pas lu; on vient de le faire réimprimer a Louvain : l'on xn'en a envoyé ici un exemplaire & je ne concois pas pourquoi l'on n'a pas permis cn France le débit de ce petit ouvrage. II eft divifé en quatre parties; dans la première M. Bertrand traite des loix civiles, dans la feconde des procedures, dans la troifieme des tribunaux .& dans la quatrieme des officiers de la juftice. Ce livre n'eft pas profond, mais il eft intérclfant & doit 1'être pour tous Jes bonspatriotes& même pour les amis de Fhumanité qui gemillènt des maux réels que caufe la mauvaife adminiftration de la juftice. M. Bertrand en a écrit avec fagefïe; fes vues font faines; il parle desi abus en citoyen zélé qui defire leur re-. forme & non en frondeur qui cherelwi  (- dans LES PaYS-BaS. g23 •moins a faire le bien qu'a fatisfaire fon humeur atrabilaire. & qui critique .moins pour éclair.er fes leéteurs que pour échaaifer leur bile. Les reproches que M. Bertrand fait aux principaux. fuppotsde la juftice , aux avocats & aux procureurs ," font fondés & mérités; mais il. ne cherche pas a les rendre odieux &. 'pour qu'ils ne puiifent jamais le devenir ,. il propofe les moyens qu'on - pouroit prendre pour qu'ils ne fuffent qu'utiles a lai focieté. M. Bertrand defireroit que les fonc. tions d'avocat & de procureur, fuflenf. exercées par la même perfonne: n'ejl-il pas abfarde, dit-il, qu'il y ait des gens de loix pour la forme &.. d'autres politic fond, que celui qui traite une ajfaire n'en dirige pas la marche, qu'une partie foit obligée de payer deux defenfeurs pour la même ajfaire ? M. Bertrand auroit dtY. ajouter qu'il étoit abfurde que celui de ees deux défenfeurs dont le travail ne xegarde que la forme, retirat de fon-tra-0.6,  3^4 Le Voyageur. vail un plus grand bénéfice que celui qui étoit chargé du fond n'en retiroit du fien. Le roi de Prulfc a dans fes états , fupprimé les procureurs ; 1'empereur, dit-on, les fupprimcra auffi dans les fiens : pourquoi les laiiïe-t-on exercer en France des fonétions que les avocats pouroient y exercer fans nuire a celles dont ils font chargés pour la défenfe de leurs clients? Dans le chapitre oir M. Bertrand a traité du mariage, il a dit, & cela ne plaira pas aux eccléfiaftiqties, qu'après que les miniftres de la réligion ont admini ftré le facrement du mariage, ils ne devoient plus fe méler des-fuites que pouroit avoir eet engagement, dont le foin devroit être abandonné abfolument aux magiftrats chargés dc rendre la juftice. M. Bertrand paroit partifan du divorce abfolu; c'eft comme politique qu'il cn parle &■ il ne prétend pas que fes raifons prévalcnt fur les loix facrées dc la réligion qui ont déclaré le mariage in»  dans les Pays-Bas. 325 diffoluble. On s'eft appercu parmi nous , üit-il, & chez plufieurstations Européén-nes, de la nécejjhé de féparer deux époux qui nc pouvoientplus vivre cnfembk fans dégout ou fans danger. On a voulu venir d leur fecours; fans ccpendant admettre ■le divorce, on les a divifés par le fait; on les a cmpechés de fe voir, de fe parIer; on a .défuni leur corps, & on a laiffé fubjïjler un certain hen fpirituel, difficile d définir, qui les enchaine quoique divifés, qui les retient quoique feparés , qui les cmpèchc de formcr aucun engagement. On a adopté du divorce la partie la moins utile & on a rejetté la meilleure. Au lieu 'd'adoucir le fort des époux, en apportant une modifcation d l'indijfolubilité du mariage , on Pa encore aggravé. Rien n'eft plus abfurdc, d mon avis, que ces féparations.de corps-, d'après lefquelles les deux individus devlennent inutiles d la focieté , tj y vivent forccmcnt ■ célibataires. Rien n'eft plus contraire aux bonnes mceurs & 4 la faine politique, tiuifaH deux époux ne  3P?£ Le Voyageur peuvent plus vivre enfcmble, qu'on les fépare , d la bonne heure; mais qu'on ne les empeche pas de farmer dl'autres nozuds, dans lesquels ils pouront être heureux & donner des citoyens d 1'état. L'on peutj, Monfieur, lire avec plaifir comme livre de moral 1'ouvrage de M. Bertrand. Dans un endroit il dit trés -philofophiquement l'ame ainfi que le corps fe fortifie par l'exercice ; Pincclion la tue , lui óte toute fa chaleur , toute fon énergie. Dans un autre endroit, M. Bertrand s'exprime ainfi fur le pouvoir des peres fur leurs enfans. Aujourd'hui que le caractere de l'homme eft dêgradé, abatardi, qu'il a perdu de vue les fentimens de la nature,pour obéir aux pajjions fa&ices de la focieté; que l'ambition , l'intérêt, la haine ont fouffié leurs poifons dans fon cceur; qu'il n'eft malheureufement point rare de voir des peres injuftes même, cruels, feroitil prudent de leur donner un pouvoir ab* Jolu fur leurs enfans ? Vous voiez bien, Monfieur. qye fi l'on  dans les Pays-Bas. 327 n'employe pas les prcifes dans les PaysBas Autrichiens a imprimcr fur manufcrits, on les-employé utilemcnt a la contrefaélión des meilleurs ouvragcs qui s'impriment en France. Ce commerce de contrefaélion deviendra par la fuite une fource de richeffes pour les Pays-Bas Autrichiens , furtout fi les imprimeurs s'attachent , comme quelques uns d'entre eux le font déja, a employer de beaux caracteres & de beaux papiers & furtout s'ils ont dans leurs imprimeries d'habiles correcteurs. Je fuis, &c,  328 Le Voyageur L E T T R E XXXII.. Gand ce Mai 1783. . J_V'Exces en toutes chofes eji Pélement de Phomme , a dit M. d'Alcmbert, fa nature eft de fe pajjlonncr fur tous les objets dont il s'occiife. Ce matin , Monfieur, j'ai rencontré un négociant que j'avois vu fort fouvent pendant mon féjour a Bruxelles ; alors il croyoit comme moi , que toutes les fpéculations des commercans.des Pays-Bas Autrichiens, devoient fe porter vers l'Amérique Septentrionale & que ja- . mais leur commerce ne pouvoit être florilfant qu'autant qu'il feroit étroitement • lié h celui du nouveau monde; aujourd'hui il voit différemment; il imagine que cette liaifon dc commerce de fon pays avec celui de la nouvelle'république des étatsunis. eft purement idéale : il Va plus loin; il foutient que 1'effet néceffaire de 1'indépendcnce des états-unis fera de -  dans les Pays-Bas. 32-9 caufèr la mine de la branche principale du commerce aéluel des Pays-Bas, celui des grains. Noiis n'avons rien a ojfrir aux Américains , dit-tl; ils ont tout ce qut nous pouvons leur porter & quand nous devienderions plus manufacluriers que nous " nele fommes, ce feroit en pure perte; car foi:z fur que les Amcricains auront chéz eux toutes les mèmes manufaclures qu'ont les européens. Tant que les colonifles de VAmérique Septentriönale ont été fujets de VAngleterre , ils ne pouvoient vendre ■qu'aux Anglois & dans les ports d'Angleterre, leurs produ&ions territoriales, & aujourd'hui qu'ils peuvent en exporter pour toutes les nativns, toutes les nations les préfércront aux nótres que nous ne pourons , fans découragcr nos agricultures , leur donner au même prix que les Amé ricains leur donneront les leurs. La Hollandois auxquels nous vendons aujourd'hui prefque tout le fperflu de nos grains, rempliront a l'avenir leurs magafins de ceux des Américains. Q'efi ainfi que s'envajiouim  33° Le Voyageur. toute cette grande richejjè que nous nous promettons de nos Uaifons de commerce avec les Américains & que nos provinces feront aujjlpauvres qu"1 ellesfont richespréfentement. Qjtand la France avoit befoin. de grains 3 elk s'adrcjjbit d nous; d l'avenir elle en demandera aux Américains chez. lefquels mêmes fes navigateurs iront les prendre ; ils les payeront avec leurs vins, leur eaux de vie s leurs marchandifes de luxe. Si cette opinion s'accréditoit1 dans ces pays - ci , elle y jetteroit le découragement. Les habitans des Pays-Bas Autrichiens n'auront jamais un commerce floriiïant qu'autant qu'ils dirigeront leurs fpéculaticns vers l'Amérique; qu'ils n'imaginent pas que les fujets de la répu-blique des états-unis deviennent manufacluriers: il faut ou que les Américains; renoncent a toute efpece de commerce: extérieur, ou qu'ils fe bornent a la cu1^ ture & au commerce d'ceconomie; s'ilsï manufacturoient, leurs produélions terri-. toriales perdrpient toute. valeur; elle-g.  dans les Pays-Bas. 331 refteroient dans leurs magafins, parceque 1'Europe feroit fans motif de les leur achcter. Le commerce eft un echange; ce n'eft pas le connoitre que de le confidérer fous un autre point de vue: il faut que l'Amérique ait des befoins, fi elle veut que 1'Europe ait recours a elle pour fatisfaire aux fiens. Si les fujets de la république des états-unis partagent leur induftrie entre la culture & les fabriques, ils feront pauvres avec une grande abondance de produélions territoriales & induftrieufes: cette grande abondance difparoitra ainfi que- leur amour pour le ■travail & leur induftrie. Ce font les befoins qui rendent l'homme laborieux & induftricux, & ce font auffi les befoins réciproques des nations qui forment entr'elks des liaifons de commerce. 1'Euro— pe eft plus manufaclurierc que cultivatrice & doit 1'étre fi elle veut que fon commerce fe lie avec celui dc l'Amérique qui ne doit être que cultivatrice. Pour qu'il s'étabiiüe un grand commerce.  SJï Le Vota geur entre deux nations, il faut abfolumemkj que 1'une ait des objets de commerc;! que l'autre n'a pas; il faut que l'unt| manque de ce qui fait 1'objet du comme*:! ce de l'autre. Si on fuivóit dans la Virgii l nie la culture des vignes & que cetai culture reufliffe, Bordeau feroit fans mol, tif de tirer de la Virginie, qui pouroit fiJL paffer de fes vins, les. produélions tcrri4 toriales qu'elle en tire aujourd'hui." L&L Carolines ont des riz excellens qu'on préïl fere a tous les autres dans les ports dJt France & d'Anglctcrre, mais qu'on jl ceifcroit d'achctcr, fi ceux qui les cultfc vent ceffoient de. prendrc cn paycment les produélions induftrieufes dc la Franc! & d'Anglctcrre. L'argcnt nc doit être conj fidéré que comme une huile qui donne 4 des 'mouvemens plus doux & p'us facilés ci a tout le rouagc de la grande machine du !' commerce. La matiere première du com-aE merce & cc qui lui donne rexiftencej|ii font les produ6bons induftrieufes & tcrri-ilc toriales; fans elles point dc commerce &f c  dans les Pays-Bas. 333 fans le commerce 1'or & 1'argent font jfans valeur. La nation qui réuniroit le blus d'or & le plus d'argent feroit bien blus pauvre que celle qui en auroit le pnoins avec beaucoup dc produélions inMultricufes &- territoriales. Les états Ide l'Amérique - feptcntrionale doivent fe. confidcrer par rapport a 1'Europe ,entiere comme ilsfeconfidéroient lorfqu'ils avoient en Europe une métropole & qu'ils n'éJtoient que colonies: alors ils avoient des Jbefoins auxquels leur métropole pourjvoyoit & qu'ils lui payoient avec des Iproduétions dont la métropole ne pouvoit l£b palfer. L'Amérique Septentrionale peut & doit Imème faire en mème tems & le commerce 1de luxe & le commerce d?ceconomie. Celuici lui donnera le commerce d'Interlope ?avec les colonies Francoifes , Angloifes , lEfpagnoles, & c'eft pcut-être ce qui auIroit dü empecber la France & 1'Efpagne j|de favorifer la révolte des colonies AnIgloifes de cette partie de l'Amérique ;  334 Le Votageuh , I maisFintérêt de la politique Frangoife &i Lfpagnole a été plus fort & plus preffantï que celui dc fon commerce. Si les com-lfl mercans des Pays-Bas Autrichiens confi-|l derent combien peut être étendu le cbm J merde d'Interlope qui fe fera dans les* états-unis de l'Amérique feptentrionale ,1 ils connoitront combien leurs liaifons de }l commerce avec ces mêmes états peuvent :[c 'les enrichir. Je ne concois pas comment il peut y | avoir dans ces pays-ci des hommes qui t imaginent que de la reconnoiifance del'in- I dépendance des colonies Angloifes qui for- . I ment aujourd'hui la république des états- | unis, doit s'enfuivre la ruine du com- | merce des grains'des Pays-Bas Autri- Li chienz. Les cultivatcurs Américains n'en 1 recueilleront certainement pas plus a pré- | fent qu'ils cn recueilloient avant leur fi fcifion. Leur pays fera a 1'avcnir, s'il 1 ne Feit déja, plus peuplé qu'il 1'étoit j alors, parconféquent il le fera chez eux |^ «ne plus grande confommationde grains. Le -I  ïanj tïs Pays-Bas. S35 furplus de leurs grains fe vendelt aux autres nations par les Anglois ; il fe ven-, dra préfentement par les Américains. L'effet de cette vente fera donc le même par rapport au commerce des .grains des Pays-Bas-Autrichiens. Je fuiss Sec.  33* Le Voyagetjs. L E T T R E XXXIII. Gand, ce Mal 1783. T_vEs Gantois, Monfieur , rcgardent Cefar comme le fondateur de leur ville; ils prétendent qu'il en jetta les fondemens pendant fon féjour dans le pays des Morins, & que les Gorduni ou Gundini , alliés des Nerviens , en furent les premiers habitans : les Vandales, les Francs & unepeuplade deSaxons,que Charlemagne y envoya, Font fucceffivementhabitée : les Vandales la nommerent Vanda, dont on. a fait enfuite Ganda^cnfin Gand : croiez en ce que vous voudrez. Ce fut Odoacre grand foreftier de Flandre, qui la fit entourer de murailles : Charles le Chauve la donna a fon gendre Baudouin, premier comte de Flandre. Le gouvernement de cette ville étoit alors républicain ; fes habitans , difent nos anciens hiftoriens, étoient inquiets, remuans & inconfans comme  dans les Pays-Bas. 337 me hs Liegeois; ils ont fouvent pris les armes .contre leurs fouverains ; la. plus remarquable de leurs revoltes , fut celle oü ais. .xnirent a. leur tête lo braffeur d'Artevelle. Gand alors étoit eftimée: la plus forte place, de 1'Europe ; elle pouyoit ar^ nier 80000 combattans & pour 1'inveftir il auroit. fallu plus de aooooo hommes. On vit dans cette gucrre 5000 Gantois mettre.' en fuite. une armée de 40000 hommes cpmmandés par leur fouverain. Sï l'on en croit les chroniqueurs, de ce tems, plus de 40000 Gantois avec.leur chef d'Art-evelle refterent fur la place a la bataille qu?. \eé livra Charles VI en 1381 , prés deiCaurtrai. Les Gantois ont montré le même courage & da même intrépidile dans leur revolte contre Charles-Quint en 1539 ; mais. ils ne purent échapper a la jufte vengeance. de ce prince. Charles-Quint fit exécuter a mort vingt-fix des prin-, cipaux bourgeois de Gand , en exila un bien plus grand nombrq, confifqua tous leurs biens, leur óta leur artillerie & leurs Tomé IV Partie V. P  ;S3# Le Voyageur .tinnes , fupprima tous leurs privileges &: ■-cxigca d'eux 1200000 écus , '& pour' perpétuer leur honte, il ordonna qu'a 1'a-■ venir les magiftratsdeGand marchcroient, t dans'toutes les proceffions & autres cérémonies publiques,la corde au cou en fig_ . 11e d'amende honorable perpétuelle. Vous croyez bien, Monfieur, que cela ne fubïifte plus. Les magiftrats de Gand portent ;aujourd'hui fur leur robe du-cöté & fur 1'épaule gaucheune bande de velour large de quatre doigts;ce cordon eft houppé defoye, &de mauvaisplaifans difent qu'il eft le re.préfentatif de cette fatale corde que leur fit porter Charles-Quint. Ce prince avoit d'autant plus lieu d'être irrité contre les Gantois que la reine de Hongrie, gouvernante des Pays - Bas , leur avoit offert idc foumettre au jugement ou du confeil privé , ou du grand confeil de Malines les ■.demandes qu'ils faifoient a 1'empereur. Le monaftere des Chartreux étant du nombre des maifons réligieufes de cette ïKlic dont 1'cmpereur a ordunné la fu.p-  dans les Pays-Bas. 330 preffion, j'ai été ce matin voir leur égHfe • ma fuprife a été, on ne peut pas plus grande, de n'y trouver qu'un tableau, encore eft-il médiocre, d'un effet égal, en tout il eft de la plus grande foiblelïe ; il a été peint par J. Van Oudenaerde: il repréfente St. Pierre qui apparoit aux Chartreux de Gand qui avoient deflein de quitter leur maifon: 1'apötre paroit vouloir les ralfurer & les déterminer a refter. Cette maifon fubfiftc depuis 1584 ; avant, les Chartreux en habitoient une hors de la ville qui avoit été fondée cn 1320: ces Chartreux, a ce qu'on m'a dit, font fort riches. En fortant de leur églife, j'allai voir celle des riches Claires qui font auffi du nombre des moniales qui vont être rendus au fiecle. Je n'ai vu dans cette églife qu'un tableau de Van-Cleef, il eft beau & repréfente la Vierge, & 1'enfant Jefus dans u~e gloire celefte; au bas eft Ste. Claire qui tient dans fa main un ciboire. Langhen-Jan n'a rien fait de plus parfait que le ta- P 2  340 Le Vota geur bleau d'autel de l'églife des Annonciades que j'ai encore vu aujourd'hui ; nombre dc connoüfeurs 1'ont fouvent cru de Van Dyck ; il repréfente une Annonciation ; la compofition en eft ingenieufe & ri*che; il eft de la plus belle couleur & d'une facilité de faire qui étonne: ce tableau poura bien faire le voyage de Vienne, car les bonnes réligieufes qui le poffedent font du nombre des "fupprimées. Je fuis, &c.  baks les Pats-Bas. 34* LETTRE XXXIV. Gand ce... Uai *783" LrA nature & 1'induftrie de 1'homme, Monfieur ont concouru pour faire de Gand une des plus belles & des pl us agréables yü es de 1'Europe : des" rivieres, larrofent, des prairies & des collines 1'environncnt: fon •climat eft doux, 1'air qu'on y refpire , quoiqu'humide , n'eft pas mal fam : elle a Anvers au nord -eft, Malines aiorient , Bruxelles au Sud-cft & Middetbourg au nord occidcntal'; elle eft éloig-r ' née de toutes ces villes d'environ huit lieues & de 10 de Bruxelles; elle com-' munique avec celle - ci par une belle chauffée; elle communiqué auffi avec Bruges , Oftende & ie Sas de Gand par deux canaux ; celui qui fe jette dans le Sas de Gand, a été commencé en 1554 & achevé en 1561; celui qui conduit a Bru2es,-a été'commencé en 16 t 3 ; fi tous E 3  S4* I E VOYAGEUR ceux iavorifent le commerce des Gantois, c cltie Sas de Gand qui leurdonnele commerce maritime.Le Sas de Gand n'eft éloigné de Gand que trois licucs. Cette petite ville conviendroit fort a S. M. Imp. : les hollandois n'en ont la légitime poffellion que depuis le traité de Munftcr. Les rivieres qui arrofent Gand font FEfcaut, ïaLysJ la Live, & la Moëre. FEfcaut & la Lys fe jdignent a Gand; Tune vient de Courtrai , l'autre d'Ouccnarde. Les travaux qu'on a faits y ont conduit la Live qui y arrivé , groffie des eaux de plufieurs ruificaux qu'on y a faits écoulcr. C'eft de Moerbeek que vient la Moëre. Les Gantois retirent de grands avantages de ces rivieres , tant pour leur importation que pour leur exportation. Ces rivieres entourent leur ville & la coupent de maniere qu'elles fervent a fa défenfe au dchors,& forment au dedr.ns de fes murs un grand nombre d'ifles. Fn lachant les éclufes qui retiennent les eaux de ces rivieres, on inonde les environs de la ville jufqu'a  da-ns l-es Pays-Bas. 343 trois licucs de diftance. Parmi la grande quantité de ponts qui font dans Gand, plufieurs font afiez grands & affez élevcs. pour que les bateaux , chargés de provifions ou de marchandifes, puiffent paf- ■ ferdeffous: fur un de ces ponts, on voit la ftatue d'un jeune homme qui en 1371 fut forcé de couper la tête de fon pere, mais a 1'inftant ou il alloit lui porter Iecoup mortel, la lame de fon épée fauta en fair & la poignée lui rcfta dans les; mains. Tous les canaux & les quais de Gand,font bien entretenus: oncompte dans : Gand iaomoulins a vent & fix moulins a Peau. On entre dans Gand par huk por- ■ tcs : on y compte 80000 ames environ Sc 13 places publiques qui en général font rclferrées, irreguliers Sc peu dec.orées;. la plus belle eft celle ou fe tient tous les vendredis un marché & qu'a caufe de cela. l'on nomme marché dc vendredi: on auroit dü la nommer la place de Charles -Qnint puifqu'on y voit.au milieu la ftatue de bois. doré de ce prince que. 1'infante ïfabellcj P 4  344 L E V O Y A GEUR. y a fait éfiger. Toutes les places font entourées d'affez belles maifons dont plufleurs même peuvent être qualifiées d'hötel Les rues de Gand font larges , prefcue toutes allignées : quoique cette ville re foit pas auifi peuplée qu'elle pouroit 1'ctre, elle n'eft pas'déferte : il y réfide beaucoup de 'nobleffe & un grand nombre de riches commercans qui fe voient préfentement & vivent plas entr'eux en focieté qu'ils ne le faifoient autrefois. II y a a Gand un grand nombre d'édifices publics,furtout beaucoup d'églifes & de maifons religieufes. Ce qu'on y nommoith cour' du prince ; étoit un vieux batiment ou chateau qui fubftftoit déja en 1368 que le comte de Flandre, Louis de Male , 1'acheta pour en faire lelieu de fon habitation: Ce batiment étoit compofé de trois pieces celle dans laquelle Charies-Qui'nt étoit né en 1500, avoit au plus 12 pieds en quarré : dans celle de ces falies, qu'on nommoit la falie de juftice, il y "avoit un' beau tableau de G. Crayer, il repréfen-  dans les Pays-Bas. 345 toit le jugement de Salomon. Dans la chapelle decechateau, on voyoitun bon tableau, dont on ne connoiflbit pas Pauteur : S. M. a fait vcndrc il y a trois a quatre ans tous les batimens Sc tout le terrain qu'ils occupoient, elle en a retiré 17 a 18000 fl. les acquereurs on fait tótir fur ce terrien plufieurs maifons dont une eft oceupé par un rafineur de fucrq. . . La citadelle commenté cri 1540, que ^cs Gantois,avoient rafée en 1573 , St que le duc de Parme avoit fait rebatir cn 1584 n'eft pas détruite ;il n'y a encorequ'une. partie de fes fortifications qui le foicnt. L'bötel de la ville de Gand, mérite Pattention des voyageurs ; il eft compofé de deux batimens dont 1'un a été commencé en 148 r & l'autre cn 16oo Sc fut achc-vé en i620!;Tafacade de celui-la eft d'une architeéture gothique , la faeade de celuici eft plus agréable. Au fommet de ce bathnent, l'on voit les lettres intiales des noms d'Albert Sc Ifabelle, Sc au dcffous de ces, lettres, le foleil St la P 5  34ö Le Voyageuh. lune avec ces mots Semel & fcmper. Prés de Phötel de ville eft une groife tour fort élevée qu'on numme le Beiroi qui renferme un bel horloge , un beau carillon & une groife cloche fer van t a fonner le tocfin. Cette cloche pèfe nooo 1., on 1'a nomme Roeland. Au deffus de la tour eft un dragon de -Guivre-d'oré envoyé de Conftantinople par Eaudouin comte de Flandre. Demain je vifiterai les falies de Phötel de ville qu'on m'a dit être belles fur tout trés vaftes & ornécs de plufieurs beaux' tablcaux. Je fuis, &c.  ■dans les Pays-Bas. 347 LETTRE XXXV. Gand ce Mai 1783. I^Es tableaux, Monfieur, qui décorent les falies de fhótel dc ville de Gand, m'ont occupé aujourd'hui toute la matiné : celui peint par J. Van-Cleef, qui eft placé , dans la falie oü s'affemblent les' états de la province , eft compofé a'vec efpiit & defliné avec correction Stfineffe. C'eft dommage que la couleur en, foit foible ; il repréfente .Charles II qui recoit < les hommages de la province perfonnifiéc. Je ne connois pas de falie plus grande que celle ditedelacavalcade : unpeuple confidérable pouroit y contcnir : elle feroit auffi trés propre pour donner une fcte d'eclat. L'exterieur de cette falie eft un mélange bizarre d'architecture qui déplait, mais ce qui rend cette falie recommandable aux' yeux des amateurs de la belle peinture^ . ce font huic tableaux de G. Crayer dont'' les fujets font tirés de 1'hiftoire de CharP 6  348 Le Voyageus. k-s-Quint: ils formcnt unc cfpccc dc pccme épique compofé avec plus d'cfprit que de génie; on y trouve plus d'imagination que de gutit, des orncmens en trop grand nombre- & la nature trop peu refpectée : dc ces huit tableaux, deux 4bnt médiodes ; dans 1'un Charles-Quint eft repré-' fenté agé de fept a huit ans; il eft placé debout fous un dais; il a la couronne cn tète & le fceptre en main; il recoit 1'hommage du confeil de la province & des députés des états ; dans l'autre l'on. voit la renommee qui planc dansles airs; elle tient d'une main unc couronne & de l'autre une branche- de lauriers, fimbole de la vicloire: au deffus de la téte de 1'empercur, eft une aigle dans fon vol», qui tient aulli dans fes griffes une branche & une couronne de laurier; derrière Charles-Quint, eft un enfeigne fuivi d'un negre : ce tableau eft bien peint, mais la renommee eft de la plus grande médiocrité ; c'eft une figure froide qui, n'exprimant rien , n'infpire rien. Charles-Quint a  dans les Pays-Bas. 349 ené val accompagné de 1'archiduc fon fils, auquel il paroit confier le commandement d'une "armée, cn lui remettant le b&ton de commandement, eft un trés bon tableau. Celui qui repréfente le couronnement de Charles-Quint, ne lui cede rien : le pape Clement VII y paroit placer fur la tète de 1'empereur la couronne impériale; ü eft aififté de cardi-' naux, d'évêques & de grands feigneurs.' Le'tableau ou 1'empereur, affis fur fon trone, paroit remettre a fon fils une lettre que celui-ci baife avec refpecf. & tranfport, en préfence d'un grand nom¬ bre de grands feigneurs & d'évêques, eft vraiement un très-beau tableau , mais Crayer s'eft furpaffé dans celui oü il a repréfenté la hataille de Pavie : 1'inftant de cette journée mémorable qu'il a faifie eft celui oü Franeois I. fe rend prifonnier. Le peintre a donné a Frangois I. fair de majefté qu'il convenoit qu'il eut dans ce moment de difgrace; il a aufli exprimé 1'effet que cela produit fur fon  35° Le Voyageur. vinqueur, en donnant a celui-ci un air & un maincien qui exprime le fentiment de refpeét qu'il eprouve; dans le plan le plus eloigné , paroillent trois femmes, c'eft la ville de Pavie qui eft dans le milieu & qui fe livre a la plus vive douleur dont les deux autres femmes , qui paroiffent fort ^enjouées, voudroient la djftraire, mais fans fuccés : ces trois femmes font d'une nature trop lourde & fans nneife de deffin-: c'eft le feul défaut que j'ai remarqué dans ce tableau dont tout le refte eft beau & bien penfé. Charles-Quint affis fur fon tröne qui reepit les hommages des princes qu'il a vaincus, eft un tableau bien peint & d'une belle maniere, mais la figure de Jean, comte de Saxe, 1'un de ces princes, quoique d'après nature, dépare ce beau tableau : cette figure eft coloffale, d*une grandeur monftrueufe & trés defagréable; le comte tient fur 1'épaule une lance rompue, fimbole de fa défaite., Crayer a voulu rendre la conquete de  DANS LES PAYS-BAS. 351 1'Afrique, faite par fon heros, en lë repréfentant, armé de fa cuiraffe , s'élangant du vaiffeau qu'il montoit fur le nvage & faififfant par le bras une .femme Africaine qui vouloit fuir : la figure & 1'habillement de cette femme, defignent bien la contrée ou la fcene fe paffe; elle eft encore cara&érifée par le lion & les ferpens qu'on y volt \ dans le fond,l'on appergoit un pon & un ville. Dans cette même falie de la Cavalcade, i'ai encore vu un tableau, de du Chatêl qui eft trés intérefiant; il.eft auffi beau que de Teniers ; tout y eft bien. varié,:bien deffiné, bien peint & touché; avec efprit : on y voit plus de mille figur.es;.celles..quLfont fur le devant, ont cnviron huit pouces de haut : ce tableau repréfente le rol d'Ëfpagne qui regoit ïe« ferment de fidelité. des itats de Flandre . & de Brabant; dans le fond eft une des. principales places de la ville de Gand oü font placés des arcs de triomphe,. des ampbitéatres;. la nobleife & la bourgeoifie. y paroiffent fous les' arm.es & en parade -  3o4 Le Votageüs. Dans une autre falie qu'on nomme van der Keure, eft un beau tableau bien peint par Van-Geef dans la maniere de Lairelfe; il repréfente la ville de Gand fous la figure d'une belle femme; elle pleure & gemit facrilege commis lors du vol fait des Hofties confacrées dans la ville de Courtrai. ■ L'on a placé dans une falie qui eft prés de la chapelle, deux excellens tableaux de Crayer; 1'un repréfente Mars & Venus; il eft d'un beau deffin, de la plus belle couleur & du plus beau faire ; les têtes en font admirables; l'autre repréfente Charles IL roi d'Efpagne a chéval que couronne un génie qui planc audeifus de fa tête; ce tableau eft trèsbeau a tous egards. Deux tableaux de Rombouts décorent la falie de la juftice : tous deux font cor-. reéls , peints avec force & chaleur ; 1'un eft le facrifice d1 Abraham, l'autre Themis avec les attrib'uts de la juftice; •En paflant fur la verte platcfe, i'entrai dans une chapelle. dédiée :a St. Laa-.  dans &m Pays-Bas. 353 rent- J'y vis un beau tableau de Crayer: iï repréfente Te martyre du faint. De cette chapelle j'allai voir Ia falie au s'affemblent les confrères de 1'arquebufe: ils y ont placé en 1684 un tableau de Herïeecke qui repréfente une tentation de St. Antoine; le fond de Ce tableau eft ua payfage; toutes les figures qu'on y voit» font jolies, mais 1'effet en général eft trop embaraffé. J'aime bien mieux .ua autre tableau qui eft dans la . même falie, & qu'a peint P. Hals-; il repréfente ï'im ftant oü les conferes vont tirer 1'oifeau: eet oifeau y paroit placé fur une desailes d'un moulin; au bas du tableau l'on voit la riviere chargée de batteaux ornés & remplis de fpeélateurs : les deux bords de cette même riviere font couvert d'un peuple infini: tout cela formeun enfemblé- agréabie : le peintre a donné beaucoup de nobleffe a toutes fes figures, mais le principal mérite de ce tableau eft la corre&ion du deffin. Je fuis, &c.  354 L E VoYAGEUR LETTRE XXVI, Gand ce Mai 1783. On fpécule déja ici, Monfieur', fur le commerce du Levant. Les-; préparatifs de guerre que font 1'empereur & le grand fèigneur, font regarder comme trés prochaine la rupture de la,paix; il pouroit en réfultcr la ruine de 1'empire Ottoman en Europe. La porte ne réfiiïeroit certainement par aux cifort de FAutriche & 'de.la Ruffie réunies, mais 1'intérêt politique des autres grandes puiffances de 1'Europe ne forcera-t-il pas celles-ei a s'oppofer au démembrement de 1'empire Ottoman ? fi les bornes de cct empire étoient rculécs jufqu'aux fronticres de 1'Afie & que 1'Autriche & la RuÜIe reftalfent en poffeffion de toute la partie qui feroit en Europe, la France, 1'Angleterre , Ja. Holh.nde perdtofent non feulement leur commerce du Levant, mais  dans les Pays-Bas. 355 encore celui des grandes Indcs.' La PrulTe & les autres puiffances de 1'empire n& verroient pas avec indiffércnce 1'agrandiffcmcnt de 1'Autriche ni même de la Pvuffie, & les puiffances du Nord pouroient-elles prudemment refter dans Pinaction? Mais quel que foit 1'iffue de cequi fe paffe aujourd'hui dans le levant, je crois que les commercans des PaysBas Autrichiens doivent dès-a-préfent diriger leurs fpéculations vers ces pays ; ils ont chez eux une grande partie dés objets qui s'y vcndent avantageufement; les _ draps de Limbourg n'y font pas inconnus; fi ces draps étoient encore per.-' feclionnés & furtout fi leurs fabriques étoient encouragées par des privileges & des exemptions & leur débit par des primes, ces draps pouroient entrer en concurrence , même avec avantage, dans les marchés du Levant avec les draps de Carcaffone que les frangois y envoient & avec ceux des Anglois & des Hollandois qui, a caufe de leur prix , n'y font ven-  35ö :Le Vota geur dus qu'après que les Frangois ont debité les leurs. Quand un fouverain yeut donper a fes fujets une nouvelle branche de commerce, ou la rendre plus floriffante quand ils la cultivent déja, il doit prodigucr les encoyragemens..a ceux qui la cultivent. Le .commerce eft une mine qui, quelque riche qu'elle foit, n'eft profitable, a 1'état qui la poffede qu'autant que 1'état en facilite 1'exploitation a ceux qui. veulcnt 1'entreprendré. Tout cc qu'a fait 1'empereur, jufqu'a préfent, tout ce qu'il fait encore continuellement, me fait croire qu'il eft bien perfuadé que la-prodigalité dans un fouverain eft economie, quandccttc prodigalité ftimule 1'induftric & l'aétivité du fujet. Le prince ou plutot 1'état n'eft pauvre que quand le fujet refte dans 1'inacfion. Le: fouverain gagne beaucoup, quand il perd. le produit d'un droit dont la remife occafionnc la perieélion d'une produclion: induftrieufc & en augmente le débit feit dans 1'intérieur foit dans F extérieur, Sicettere-  dan:s' x'ï s Pats-Bas. 357 rnife de droit privé, par exemple, le fouverain d'un million de revenu/il en recoit deux de ceux qui profitent de cette remife , {parceque, devenus plus riches, ils confomment plus qu'ils ne confommoient auparavant des dirferens objets qui payent des droits au fouverain. 11 y a quelques années' qu'un homme, que j'ai beaucoup connu a Bruxelles , fut envoyé, en qualité de commiffaire du fouverain, pour faire, fuivant 1'ufage, la demande du fubfide aux états d'une province; cette province étoit fort obérée, & ce qu'elle payoit annuellement, a titre de fubfide, étoit au-deffus de fes forces. Le commiffaire du fouverain revint a Bruxelles % rendit compte de fa miffion a celui dé qui il 1'avoit recu; le fubfide eft accordé, lui dit-il, fi vous euffiez voulu,fau~ rois pu le faire,augmenterde üooöo f. mais fi vous ne voulez pas ruiner enf/etement cette province , vous devez lui faire la remife de 80000 fi. fur le fubfide qu'elle s'eft engagée de payer pour cetté  35s Le Vota geur. anneé. Cette propofition furprit dabord celui a qui elle étoit faite, mais comme h etoit un homme jufte & en même tems un homme detat, non feulement il fit faire la remife, & l0Ua beaucoup celui qui lui avoit fait connoitre la néceffité de la faire. Heureux les peuples, plus heureux encore le fouverain qui confie le foin de les gouverner a ceux qui ne croient pas qu'il faille remplir fes coffres en vuidant ceux de fes peuples i Vuider fouvent les coffres du fouverain en donnant aux fujets les moyens | de remplir les leurs, eft un moyen certain de rendre le fouverain puiifant & les fujets heureux. Les hommes d'état le favent &■ fe conduifent en conféquence , les hommes ordinaires 1'ignorent & fe conduifent aulli en conféquence ; le fouverain alors.eft riche, maisles fujets font pauvres & 1'état eft foible. Une manufaclure de glacés femblables a'celles de France & de Venife , s'étoit établie dans une ville dont je ne me fouviens pas du  dans les Pays-Bas. 359 nom; elle avoit réuffie, mais elle ne pouvoit, faute de fonds, fe fouteriir & étendre fes travaux; elle demanda a celui chargé : de 1'adminiftration des finances du fouverain , que le fouverain lui fit une petite avance d'argcnt; cette demande , fut rejettée, & favez vous pourquoi, parceque ce miniftre financier croyoit, & le difoit même qu'il valloit mieux qu'il >n'y cüt pas de fabriques de glacés dans le pays, parcequ'alors toutes les glacés qu'on y confommeroit, venant de l'étranger , payeroient au fouverain des droits d'entrée confidérables :s'il eut été un homme d'état, il auroit vu que cette fabrique empechoit qu'il ne fortit du pays en efpeces la valeur des glacés qui s'y employoient & qu'en outre elle occupoit trois a quatre cent citoyens dont elle employoient les bras, & encore que cette fabrique , devenant dans la fuite plus confidérable, pouroit donner au pays une nouvelle producbion induftrieufe & parcon-  360 Le Voyageur. féquent une nouvelle branche de com* merce- d'-exportaüon. 'Je Tuis, &c. Fin de la Cinquicme Partit.  LE VOYAGEUR DANS LES PAYS-BAS AUTRICHIENS, o u LETTRES fur 1'état aftuel de ces Pays. Felix qui potuit rerum co^nolcere paufas ^ VlRGILE. TOME QUATRIEME. Sixieme Partie A AMSTERDAM, chez Changüion , Libraire. On en rouve dss Exemplaires chez JE De Bel, ïmpnmeucLibraire, a Bruxelles. M. DCC. LXXX1LL   LE VOYAGEUR DANS LES PAYS-BAS AUTRICHIENS. V>>$-.-.^.^>. £o£ £o£'4^V LETTRE XXXVII. a 1'Auteur du Voyageur. Bruges ce .... Mai 1783. Le mémoire qu'on vous a adreiTé, Monfieur, & que vous avez fait inférer danla derniere partie de votre ouvrage qu'on a debité , eft bien fait. L'auteur, quclqu'il foit, eft inftruit, mais il a donné trop de confiance a Zaman. Vous avez adopté aulli Fopinion de eet auteur , mais vous avez ap-  gó*4 Le Votageür puyé la votre fur des principes qui, quoi ■.que généraux , font vrais & font plus favorables a la prétention de la nobleffe >de notre province que tous les faits que rapporte Zaman. Son livre ne convaincra jamais perfonne que notre nobleffe a fait •corps avec les autres membres qui com-i ;pofent nos états., J'ai lu tout .ce qu'il effl poflible de lire fur cette-matiere, & je n'ai rien trouvé qui m'ait convaincu de la légitimité de la prétention de la noblelTb de Vlandre: ceque vous dites en fafaveur afait ïur moi plus d'impreflion.' Dans la Flandre payenne, les Druides & dans la Flandre chrétieune le clergé avec ce que nous nommons les quatre mem-|i] bres, Gand, Bruges, Ypres & le Franol de Bruges, ont conftamment compofé leJji ctats dc Flandre. Je n'ai pas encore pij; rien découvrir du tems oü s'eft fait 1'étaJj] blif.ement de ces quatre membres don» 1'origine fe perd dans la nuit du temsli . Tout cc que prouve Zaman par le dépouille«| ment des archives du pays, c'eft qu'il " étoit fort laborieux & que les nobles qui  DAxXS LES PAYS-BA-S SOS ' demcuroient a Gand , a Bruges ou a Ypresifb préfentoient, avec les députés de.cesI villes qui compofoieutlesmembresldes etats,, ,dans les folemnités oü ces députés *n> ■ membres comparoiffoient, comme lorlqu U : falloit faire un traité de paix , ranker une. convention qui intéreffoit le^pays ou athtter a 1'inauguration du fouverain. Zaman nc produit aucun aéte quiprouve que la nobleffe: aitvoté avec le clergé & les quatre membres'pour accorder au fouverain un fubfide ou, fecours d'argent, le fixer & en regler lesi perceptions, Zaman n'étoit pas cte bonne foi ; s'il ^ 1'eut été., il auroit fait menticn de nombre de députations faites par le clergé Sc : les quatre membres-en France-, en Ef-pagne/a Vienne pour faire la demandeau. Souverain de quelques graces, ou des ■remonttrances fur des objets qui intércf- foient le peuple, fans que la nobleffe en<-trat dans ces d^putations.1 C'eft ce qu'a 1 fait obfervcr a notre nobleffe notre fagé ■ gouvernement . toutes les fois qu'elle-  Le Vovaoeu* Jui a fan des repréfentations fur fon exclufion de 1'affemblée des états. . ,-L'on vous a mal mftrüit, Monfieur, quand 1 on vous a dit que 1'adminiftratiora de notrc Province étoit fort couteufeavant 1754 ■> tems oü fut donné eet édit réformateur que vous citcz. je pourois vous rrouver quelesfrais de 1'adminiftration ac.tuelle font plus couteux qu'ils ne 1'étoient avant 1'édit de 1754.11^ pas vrai quu;b ntrn r.nmmèr- ics commeitydita. «»- f cant, mais ie regarde 1'état du commercant comme-celui qui doit être le plus conüdére des fouverains ( a > Si le pseiugé a placé eet état au deffous de celui du militaire & de la robe ,-e'eft que ceux-ci rendent a 1'état des fervices qm ont plus d'éclat .que ceux que lm rend le. commercant. Un grand commercant procure la.fubfiftarice a des milliers dc citoyens. Ce fervice refte dans 1'oubli , parcequ'il fe rend fans éclat. Le com- ( a ) Le roi de France a accordé dans Ie mois de Janvier dernier des lettres de noblelTe , eu fieur Pierre Thomaffin , négociant fabriquant en la ville de Troyes cn Champagne, fur un expofé fait IS. M. de 1'aaivité, du zele & de 1'induftrie de ce négociant, qui depuis longterm iend a cette ville les fervices les plus fignales & les plus miles au commerce. 11 avoit deja obtenu'des graüfications en 1764 & cn 1780 Q5  37° Le Voyage ra. Bierce de tranfit que M. Romberg a donné au Brabant & a la Flandre, a dü non fculement les avoir enrichis , mais encore augmcnté leur population, fuivant le grand principe que de 1'aifance de fes habitans dépend la population d'un Je fuis, &c.  dans les Pays-Bas. §?* LETTR.E XXXVIIIGanrf ce.... Mai i corps de ville de Gand #mn>< !pofé, Monfieur, d'un grand bailli, de 26 échevins , dc einq confeillers penfionnaires & de. ncuf fccrétaires. Le grand bailli a fous lui. un fous. bailli, qu'un nommepetit bailli, ouamman qui le repréiente & agit comme lui, lorfqu'il eft abfent. Le grand bailli eft Pofficicr du pnncq ; il eft nommé par lui, le repréfente, agrc en fon nom & requiert pour lui en matiere criminelle, & 1'amman oupetit bauh en matiere civile, quand 1'intérêt du prince ou du public le demande. Les échevins de deux bancs font rènouvellés tous les ans . par le fouverain le iade mai; 1'ufage eft de - les continuer plufieurs années. Le grand bailli & le petit bailli font a vie, c'eft 'le prince qui. les nomme: ^ .  372 Le Voyageur , . , les échevins de la ville de Gand font juges civils, criminels& de police, mais ces échevins forment deux corps féparés, ou plütót deux bancs ; ceux du premier fe nomment échevins de la Keure f a J> & ceux du fecond banc échevins des Parctafb): Chaque banc afajurifdicbion par- S.£r) PfeS eft Ie 110m vulgaire en Thiois elehton;& comme 1'ufage a été dans la gaull .belgique de compofer en cbacun lieu une compagnie de perfonnes choifies pour rendie la juftice & dont le magiftrat a été formé „our être la 'lor viyante & la feule, ces peuples n'aypnt „point de 10I ecnte ni même d'ufages qui fuflènt en quelque facon certains , cela a fait qu'ils ont fetjaiem confondu les idéés de loi & de-ré^letterft dans h denorrination des élus? dc^nt Ce- LZTême étoIt fomée fous le feul C b ) La multiplicité & la diverfité des matiere, om fait que les magiftrats de Gand fe font parages en deux fieges qu'ils nomment Bancs u>nt 1c fecond connoft des matieres de partage ' Jequel pour cette tatosx' eft dit Ou nojaaé ei  dans les Pa y s - B a s. 373 ticuliere , fes confeillers penfionnaires & fes fecrétaires particuliers. Le haut banc a quatre confeillers penfionnaires & quatre fecrétaires , le bas banc un confeiller penfionnaire & cinq fecrétaires. Les échevins clu haut banc connohfent des matieres cri'minelles & d'injures autres qu'injures verbales dont la connoilfance appdrtient aux échevins desParchons ainfi quede toutes les ' caufes civiles concernant les partages & les mineurs dont ils font les premiers tuteurs Originairement cette diftinétion des échevinsdelaKeure& des Parchonsmefubfiftoit pas: tous fe nommoient échevins delaKeure, mais la multiplicité des affaires & la di" verfité des matieres les engagerent h fe partager en deux fieges ou bancs. Ces dedx 'bancs forment a Gand la grande loi. En terme walon des Parchons, tirant fon origine de ceux de perfonniers ou d'héritiers dans une fucceffion, d'ou les Walons difent parchonntérs •pour pêrfonnicrs, & qui de la auffi om nommé les magiftrais qui compofent ce banc les Paf. cbons, 1 I . ■ /  374 Le V-oïAGioa Flandre comme dans" les autres provinces des Pays-Bas Autrichiens, on nomme les officiers qui rendent la juftice dans un lieu, la loi du lieu : cela vient du tems ou ces pays n'avclent pas de loi écritc; ceux qui rendoient la juftice alors étoient confidérés comme étant la loi vivante. Ce qu'on nomme a Gand les petites, loix ou Vivderen, font celles qui prennent connoiflance des dettes entre les bourgeois & habitans jufqu'a 20 f. de gros & au-deflbus, dit la coutume: elles font divifées par paroiifes, quartiers, enceintes & limites. La petite 101 de la Halle prend connoiflance des dettes pour raifon des laines & des draps & de tout ce qui concerne la draperie. La petite loi des boucheries prend connoiflance des dettes pour raifon des viandes:'elle a le droit de les vifiter & de juger fi elles font bonnes ou mauvaifes., Le marché a poiflbn a auffi fa petite loi; elle prend connoiflance de tout ce qui s'y vend autres même que le poiflbn. Ces petites loix font ïenouvellées tous- les ans par le Bailli &  dans les Pays-Bas. ' 37^les échevins du haut banc, entre les mains defqucls les officiers de ces petites loix prê- . tent ferment. Les greffes des petites loix apparticnncnt a 1'hötel de ville qui les donne a ferme.' On peut appeller des fentences rendues par 1'un des deux bancs a hFkrfchaerevc'eü. a dirc aux deux bancs réunis, qui eft cen. fée complete quand Ie banc eft de'fept échevins au moins : les jugemens s'y rendent d chambre oaverte sdla femoncc & en " la préfencc du Bailli & de PAmman , dit la coutume: La Vicrfchaere doit fe tenir de 14 en 14 . jours , mais les deux bancs peuvent a la ' requifttion des parties, fe réunir& former, : la Vkrjchaerc auffi fouvent qu'ils le jugentè , propos. Avant la conteftation en caufe fori mée &, 1'adjonétion du bailli, les parties 'foit cn demandant,foit en défendant de' vant 1'un ou l'autre banc , peuvent requeiir leur renvoi devant la Vkrfchaere.Qn appelle en matiere civile des fentences rendues par chacun des deux bancs .& par les  ' 376 Le Vota geur deux bancs réunis au confeil provincial de Flandre.' Fes échevins dc la Keure connoiflent par prévention des cours eccléfiaftiques , des caufes d'adultere & de dé'floration , '& cela fur la requifition du bailli; les porties alors ne peuvent pas fe pourvoir devant les cours eccléfiafriqucs qui , fuivant tous principes, ne devroient jamais cn connoitre. Les échevins des Parchons ont le titre de confeillers & pacifkatcurs; en qualité de pacificateurs , ils peuvent ajourner devant eux celui dont un autre croit avöir a cramdre quelques infultes & leur devqir alors eft de les reconcilicr. Les échevins des Parchons connoiflent des conteftations rclatives aux falaires des médecins & des chirurgiens , des dommages & intéréts demandés pour caufe de mutüation , quand la demande n'a pas éiê formée devant ks échevins de la Keure. Les accords pour les dommages & intéréts des homicides involontaires ou fimples, fe portent devant les juges des Parchons & fe reglerit  bans les Pays-Bas. 371 par eux en cas de conteftation ; mais après que la réconcilation des parties s'eft faite devant les échevins des Parchons , 's'il arrivé que 1'une des parties rompe cette 'récohciliation , c'eft aux échevins dc la Keure a en connoitre. Les proces "relatifs aux impofitions & ï tous les revenus de l'hötel dc ville de Gand , font ' de la compétence des échevins de la Keure qui connoiflent. encore de, toutes les ,'contraventions aux régiemens 4e police & ils les jugent au fouverain quand 1'objet 'de la conteftation eft au deffous de 50 flLes officiers des métiers & de la foulonncrie, les maltres d'Etape , les Egards „ les Sergens , les Bedeaux & autres officiers fembïables, font a la difpofuion du bailli & des échevins qui les renouyellent tous les ans ou les continuent, s'ils.le jugent t propos. Le bailli & les échevins nomment auffi tous les ans le direóteur des malades de St. Lazare, Ce dircaeur tient fon fiege fous la hallede, la ville : ü a une, prifon particuliere.  3?3 Le Votageur. Tout ce quiconcerne les forains relativement a la faifie de leurs perfonnes ou de leurs effets, eft de la compétence des échevins de la Keure qui feuls peuvent en cortnoitre. Le forain qui attaque en juftice un bourgeois ou habitant domicilié de Gand, doit donner caution des dépens, è moins que ce forain ne foit lui même domicilié. II n'en eft pas de même du bourgeois qui attaque un forain i il n'eft pas obligé de donner caution, fi ce n'eft que le bourgeois fut connu pour infolvable ou avoir une mauvaife conduite : cela dépend des juges. Gand eft comme Bruxelles une ville d'arrct ou le bourgeois peut faire arrêter fans fentence préalabie Je forain qui lui döit. Suivant la coutume, les exécutions des •lentences qui ordonnoient la faifie des biens du condamne , ne pouvoient fe faire qne par famman & deux échevins, mais cela aete ^changé en i6;o & depuis ce tems la prefence de deux échevins n'eft plus né-  dans les Pays-Bas. 370 ceffaire pour valider les faifies que fait 1'amman en vertu des fentences rendues par Péchevinage. " II y a ici, Monfieur, un greffe deshypotheques oir tous les aótes portant hypotheque doivent être enregiftrés & n'ont de valeur qu'après eet enregiftrement.lly a dans chaque juftice même feigneunale un greffe femblable ; ainfi on peut toujours favoir fi les biens qu'on met en vente font libres ou chargés d'hypotheques. Le greffier des hypotheques, ou fon commis, ne peut jamais refufer de donner Pextrait de fon regiftre concernant lebien dont il y eft fait mention. Tous ces greffiers d'hypotheqüe, refident dans le reffort de 1'echevinage de Gand, font jufticiables des échevins de cette ville. On peut acquerir a Gand le droit de bourgeoifie ; pour Pobténir l'on préfenté requête aux échevins dc ia Keure : cette requête doit être accompagnée d'un aóte de cautionnement par le quel un bourgeois ou autre perfonne bonne & foiva-  3S0 L e V ©y a.ge as,, ble s'engage dc payer/ 2,0 liyres de gros, fi celui qui demande. la bourgeofie devient après 1'avoir recue. a la charge de la chambre des pauvres .; on paye pour l'obtcnir,,feulement 8 Ümais Ton ne jouit des privileges & de. la., bourgeofie qu'après avoir refidé une, année. entiere dans la ville. L'étranger. qui. époufe une femme bourgeoife de Gand-, en devient bourgeois & vice ver fa la femme qui époufe un bourgeois. On ne perd pas fon droit de bourgeofie, quand on va demeurer ailleurs pourvu cependant qu'avant Ton ait payé ce qu'on nomme Viffue dc fes biens. Si le bourgeois fe démot de fon droit de bourgeofie, fes enfans, quand ils n'ont pas de biens a eux ap-. partenanscn propre, ne font plus bourgeois, mais ils le redeviennent fi a leur majorité. ils déclarent fe vouloir tenir d .leur bourgeofie ou s'en vouloir aider. Ce droit d'iffue n'eft pas fixé par la coutume & cela peut occafionncr. beaucoup de conteftations. Ce droit qui fe percoit auffi a Anvers en occafionne prcfentent une trés confidéra-.  jjj^us les Pays-Bas. 3«l *le entre deux gentils-hommes W qui viennent d^r^gg^ forf'riches ;& les magiftrats d Anve s les ont attaqués pouriepayement du droit d'iflue,qu'on dit qu'ils ne font pas en droit d'exiger,& l'on penle quelegouv-er- . nemeut le decidera ainfi. Jc fuis, &c  3&2 Le Voyageur LETTRE XXXIX. Gand ce Mai 1783. L'éveché de Gand, Monfieur, h été erigé en 1559; fon revenu eft evalué a 80000 fl. mais 1'évêque n'en recoit que 60000 environ parcequ'il eft chargé de payer 20000 fl. de-penfion dont fon fiege eft chargé, L'évêque de Gand eft auffi abbé féculier de l'églife collégiale de Namur & jouit auüi de deux canonicats, 1'un de l'églife métropolitaine de Salsbourg, l'autre de l'églife cathédrale d'Augsbourg. Les canonicats de la cathédrale de Gand rapportent chacun 2000 fl.: a la tête du chapitre de cette cathédrale eft un prévöt. Le nombre des chanoines de cette cathédrale eft de 27, dont un eft doyen , un autre archidiacre : les autres dignitaires font un chantre, un tréforier, unécolatre, uh archiprêtre, un grand penitencier : il y a auffi 12 chapelains. 1  dans les Pays-Bas. 383 Lacourfpirituellede Gand eft compofée d'un official, d'un garde des fcèaux , d'un commiffaire, d'un fiical, d'un promoteur , d'un greffier & d'un faudiencier. Les jujjes finodaux font au nombre de deux. • L'évêché dc Gand eft divifé en fept doyennés qui renferment 181 paroiffes. . L'églige cathédrale eft dédiée a St. Bavon ; ce Saint avoit fait batir prés des remparts de la ville une abbaye de Parure de St. Beuoit; cette abbaye fubfifta jufqu'en 1540 que Charles-Quint la fit abatre pour y batir une citadelle : les religieux qui Phabitoient avoient été fecularifés & l'on avoit formé un chapitre a la tête duquel étoit un prévöt; après la démolition de leur maifon, on les a tranfferés a l'églife de St. Jean Baptifte qu'on a appellée depuis qu'elle a été erigée en églife cathédrale , l'églife de St. Bavon; elle eft fituée au milieu de la ville : c'eft un vafte vaiffeau d'un beau Gothique & bien dans fes proportiuns; elle a été batie en 941. le tpnnerre Pa for£  g$4 Le Vota geur. -endommagée en 1641 & elle aété rétablie depuis' telle qu'on la voit aujourd'hui : les fondemens de fe tour on: été jettés par un abbé de St. Pierre en 1462. fous cette églife il en eft une fouteraine qui comprend tout le chceur & les chapelles qui font a cóté. Le plus beau morceau de fculpture de Ba cathédrale de St. Bavon, eft'le rÜaf"tre autel: il a été exécuté par le fculpteur Verbruggen d'Anvers; la première pierre en a été pofée en 1705 par 1'évêque Vandcrnoot. Cet autel eft de mar"bre noir & bi ane , il eft grand & bien compofé, jufqu'au couronncment qui n'eft pas beau : les colonnes d'exprefüon corinthienne , font belles & les orncmens d'un affez bon goüt. Des quatre mriufolées qui font placés aux deux cötés du maitre autel , le plus beau eft celui de 1'évêque Trieft ; il a été exécuté par J. Duquenoy avec beaucoup de correcfion & 'de fincire. Les trois autres toaufbléês , font de 1'cvêque d'Ai.eman j  dans des Pats-Bas. d'Allemon; il a été exécuté par le fculpteur Jean Delcourt; de Pév'èque Maés , du fculpteur Paul & de 1'évêqué Vanden Buffahe, du fculpteur Geri Heydelbcrgh. Quoique trés inférieurs a celui de Pévêque Trieft, ces maufolées font beaux; ils font de marbre blanc & noir. Les autres maufolées qui font dans la cathédrale de Gand , font ceux de fes deux premiers évêques Cornille Janfenius & Guiliaume Lendeme, d'un autre évêque nommé Smet, de Ferdinand de Brunswick Lunebourg chanoine grand chantre & grand aumonier du chapitre & du comte d'Affevclt: tous font égalernent médiocres. La chaire va precher de cette églife a été exécutée par Delvaux & n'a pas peu contribué a lui faire la réputation dont il a joui. Cette chaire eft partie en mar- bre & partie en bois : la compofition eft heureufe , mais elle n'eft pas ncuve: on y trouve de 1'efprit & même du genie, : ft l'on ne confidere que 1'enfemble on eft féduit, mais fi l'on s'attache aux Tom* IV Partie FL R  3§6 Le Voyagetjr. parties qui le forment , on les trouve plcines de dcfaut. Les deux figures contre la rampe font trop petites & ont peu de mérite ; elles font d'ailleurs peu liées avec le refte. La tête de la vérité a de la fineffe & du fentiment, mais les draperies font trop manierées : enfin le beau - fini de tout ce morceau eft froid k manquc de fermeté. ^ Derrière le maitre-autel on a placé un tableau de Van Cleef dont la compofition eft médiocre & trés foible ; il repréfente la cêne. Autrefois le maitre-autel étoit décoré d'un fuperbe tableau de Rubens; on a préféré les ornemens de fculpture 'qu'y a placés le- fculpteur Verbruggen. Ce tableau eft a préfent dans une.chapelle qui eft derrière le chceur ; il repréfente >^Charles-Quint abdiquant en faveur de Philippes fon fils : 1'empereur eft environné de fa cour : toutes les figures qu'on y voit, font celles de ceux qui la compofoient: je regarde ce tableau comme un des plus beaux qu'ait faits Rubens; il  dans les Pays-Bas. 3S7 eft compofé avec un art infini ; 1'effet en eft vigoureux ; les groupes font Hés avec unc -harmonie qui furprend ; les têtes, furtout celles des- femmes, font de fa plus grande beauté : je connois peu de tableaux dont le deffin foit plus correct, la couleur plus vraie &: plus forte ; vous en trouverez 1'eftampe dans 1'ceuvre de Rubens; elle a été gravée par Pilfen. Sur l-'autel de cette chapelle eft un tableau d'Otto Venius; c'eft la réfurreéïion du Lazare; les têtes y font d'un beau fini : ce tableau pêche par la couleur qui eft foible & auffi paria fechereffe quPy regne: fur 1'un des volets qui fervent a lè ren'fermer, on voit Pévêque Daman & fur l'autre Jefus-Chrift qui remet les clefs a St. Pierre. Le maufolée de eet évêque eft placé dans cette chapelle : tout en eft foible & médiocre. L'on voit encore dans cette chapelle le martyre de St. Lievin peint par G. Seghers. C'eft un bon tableau dont la compofition eft fimple ; le deffin en eft correct, la couleur bonne & trés bien pour 1'éffet. R 2  3^8 Le Vota geur Les autres tableaux que j'ai vus dans Péglift de St. Bavon, ne font.pas égale-ment beaux. Celui qui eft'au dclius de cc ^qu'on appellc table des pauvres , eft un ccce homo peint par A. Janffens ; ce ta-• bleau eft vigoureux de couleur, d'eifct & : -d'une belle exprcffion ; celui'de la cha-pelle des fonds baptifmaux , Tcpréfente: les quatre evangcliftcs ecrivant fur reu.; ha- • riftie que des anges foutiennent dans t:nc: gloire : il eft de Bernard, bien ccm-pofé ; les têtes ont dc la fineffe, furtouö celles -des enfans , mais la couleur eft; foible & ce tableau n'a pas d'cifet. Uni .St.Sebaftien peint par Querard Honthorft, •eft un affez bon tableau. Celui de Craycri ****** S 5 , e-+  4i8 .8 Le Voyagetjr fnCore cette: églife. Le tableau de Rom. bout repréfente St. Jofeph averti en fonge m un Ange de fuir en Egipte avec la ^ ? infant "Jefus: ee tableau eft c tóï^n^bien bien ferme eXdCUd°n fadle mais Les Carmes décbauffés, dont j'ai vifiïi m& ™ fortant de celle des RécoJets contribucront auffi a la décoration du Mufeum; jy ai vu deux c com_ pofes avec efpnt & génie; 1'un repréfene des ames du purgatoire délivrées par .es pncres des confrères du Scapulaire; J autre le Pape qui leur accorde des induigences. Les Carmes cbauffés n'ont dans leur «We qUe trois tableaux; deux font de Janircns & le 3e. eft une coPie de Rubens; elle repréfente.Ste.. Thérefe devant Je feigneur qui implore fa miféricorde en iaveur des ames du purgatoire: 1'original efta Anvers:des ^ taM * Effens, p«n repréfcme le martyre de  dans lês Pays-Bas. 413 I E T T X L I 1 I'. Gand ce Mai 17S3 O n a banni d'ici, Monfieur y la mendicité fans employer ni la force ni la violen cc : les moyens qu'on a employés font Póloge de la fageffe des magiftrats du corps municipale & la réuffite du plan qu'ils avoient formé , fait celui de la bienfaifance de leurs concitoyens qui, depuis le ier. Juin 1777, ont fourni avec une générofité peu commune au foulagement des pauvres honteux qui le recoivent fans que le public foit inftruit de leur état malhcureux : les commiffaires de leurs quartiers feuls en ont connoiffance: ce qu'on m'a dit du zèle avec lequel ces commiffaires s'acquittent de leurs fonctions, les rend chèrs a 1'humanité : aux fecours de tout genre qu'ils donnent aux infortunés qui leur font connoitre leurs befoins , ils joignent les confolations de toutes efpeces ; ils ufent avec eux de tant dejnenagemens; üs ont pour emr  424 Eb Voyagetjr. f tanc d'égards & d'attention, qu'on les croiroit moins les bienfaiteurs que les obligés de ceux dont ils adouciffent les maux. Pour parvcnir a Pexécurion du projet eoncu par les magiftrats de la ville pour le foulagement des vrais pauvres, l'on a divifé, la ville en 18 quartiers: chaque quartier a fes commiffaires quêteurs & diftributeurs d'aumones particulieres: les commiffaires quêteurs , font dans leur quartier une quête tous les mois & les aumones font données chaque femaine par les commiffaires diftributeurs : cn vifitant ainfi les pauvres chaque femaine, il eft impofiible qu'ils foient trompés: tous les commiffaires des pauvres s'affemblent tous les dimanches & réglent fuivant les circonftances Paugmcntation ou Ja diminution des fecours qu'ils auront a donner dans la femaine: cette affemblée fe tient a Phötel de ville par le premier des échevins, ou en fon abfence par 1'officier du corps de ville qui s'y trouve; le produit de la quête de chaque mois eft verfé dans la caiffe du tréforier des- pau*'  dans les Pays-Bas. 421 Gentil qui eft dans cette églife, eft précieux ; il repréfente i'enfant Jefus au milieu d'une cour célefte i tout y eft agréable & d'une couleur aimable. Le tableau de Van den Heuvele qui repréfente le Sauveur auquel* des anges préfentent les inftrumens de fa paflion & la Vierge qui les conftdere avec douleur, eft médiocre , quoiqu'il y ait des parties bien faites. ^ Les Dominicains polfedent le dernier ouvrage de Crayer ; il repréfente le martyre de St. Blaife; il eft beau, mais l'on s'apperqoit aifément du tems oü il a été fait. Jai encore vu avec plaiiir dans cette églife le tableau de Don Antonio qui repréfente Notre-Seigneur & Ste. Catherine ; ce tableau eft agréablement compo- vie & ialouGe. II peignoit le pomait d unbeau lïi fa maniere étoit belle & avoit lart de cachet le travaü dans fes ouvrages. II peignoit très-bien 1'hiftoire en grand & d'une maniere We & vigoureufe: 011 ne fait pas lannee de fa St, mal l>cn eft «Wto ^ VlYOtt eacoie er. xóóo,  4?2 Le Voyageus.fé & les draperics en font bien ajuftéesv Des quatre tableaux de Roofe qui font dans cette églife, aucun ne mérite d'être examiné ; 1'un efl une aifomption j l'autre une apparition de la Vierge & St. Dominique ; le troiiieme repréfente St. Thomas d'Aquin, St. Pierre,& St. Paul; Ie quatrieme St. Dominique qui adore le St. Sacrement de 1'euchariftie. Je fuis, &c.  DA KT S LES PATS-BAS. $1$ vres: ce tréforier diftribue tous les mois, au principal commiffaire de chaque quartier, 1'argent néceffaire pour le foulagement des pauvres de ce quartier-; a la porte.de chaque églife,. font des pauvres en qui l'on a confiance qui y recoivent dans une bourfe les aumones qu'on veut bien leur faire & qu'ils remettent auX commiffaires. L'on évalue 3 30 ou 32.000 fl. le produit'des quetes qui fe font dans le courant de 1'année, &: a 29 'ou 30000 fl. la diftribution des aumones C a ). C a ) .Ce qu'on a fait dans ■ plufieurs villes de France & principalement a Amiens me paroit d'un meilleur effet que ce qu'on a fait a Gand, a Anvers pour bannir , lamendicité , fuivant ce principe général qu'il faut donner aux pauvres les moyens de fe procurer par leur travail leur fubfiftance & ne jamais leur donner Cette même fubfiftance. Amiens.compte dans fes murs & fes faux'bourgs environ..40000 .ames. Avant 1778 , dans ce nombw étoient compris 8000 pauvres , dont -500 mendians-de profeffion. Ceux-ci infeltoient-a toute heure les égbfes &- les auberges. L'évêque, 1'intendant ,.les officiers municipaux , lés curés * 1'élite de tous les ordrels de citoyens , adoptèrent de concert, a la fin de 1778, un nouveau plan qui leur étoit propofé pour aflifter tous les pauvres & fuppriroer. la. niendicité. On créa un bo-  4&6 L E V O Y * G E U H3 Outre ces commiiïaires quêteurs- & difc reau général, & 15 bureaux purticaüers. Le bureau général eft- compofé de 1'élite des citoyens, rnais. fans aucune diftinrüon de rang : il exifte aflèz d'adminiftjateurs dans-chaque bureau particulier, pour qu'en' dfcux heures tous les pauvres de la ville foient vilités. On fait le premier de chaque mois une quête dans les maifons des citoyens; des adminiftrateurs des bureaux' particuliere y ajoutent le produit des quêtes faites dans les églife's de leurs paroiflès , des trqr.es, ces fondattons & legs faits' cn faveur des pauvres. . Le député de chaque bureau porte fon bordereau aTaflèmbféè du bureau général. On y fait une fomme totale de. toutes les fommes particulieres ; on y fixe la fomme qui doit être diftribuée pendant le mois par.chaque bureau particulier, & chaque admipiftrateur porte de huit en huit jours, a chaque familie pauvre , le fecours que le bureau particulier lui attribue. Si quelque bureau particuliei fe plaint de la part qui lui eft accordée dans 1'aumone générale , le bureau général, par les com-. milTaires qu'il nomme, y fait droit. "Un tronc, placé dans la cathédrale , recoit les requêtes des pauvres qui fe plaignent de n'être point affiftés,. pu de 1'être trep peu par les bureaux. On rend de même juftice par des commifiaires. Les buxeaux prennent le foin de p-rocurer du travail aux mendians encore valides aux pauvres qui en manquent. On a auffi établi une école de filature pour les petites filles; •& la ville dont la fubfiftance dépend des manufcflures d'étoffes , acquiett peu-a-peu une branche d'induftrie qui lui saanquoit. On a détiuit la plupart des prèts i  dans les Pays-Bas. 427 'tributeurs d'aumones pecuniaires, il y a encore a Gand d'autres commiffaires des -pauvres qui y ont été établis en 1533 & qui diftribuent auffi aux pauvres de Pargent, du bois, des habits &c. &c. ces deux corps de commiffaires ne font pas unis , mais ils agiffent de concert: il me femble qu'il auroit mieux valu les unir : il étoit facile de former cette union qui, quoi•qu'elle exifte par la bonne intelligence qui regne entr-eux , auroit produit un trés grand bien. Quand les circonftances le demandent, la petite femaine , meurtriers pour les pauvres , en établiffant en leur faveur, un pret parement statuit fur gage. Le bureau général rend compte tous les ans au public de fa recette ( qui en I78t montoit a 11546 liv. ) & de fa depenfe par la voie de 1'impreffion. Ln confequence_ de ces établiffemens & du bon ordre qui les foutient, on ne voit plus de mendians, ni étrangers ni citoyens. La police n'a prefque rien a faire pour comemr les pauvres dans la régie ; la religion & 1'amour du travail reprennent leurs droits fur leurs cceurs. Aöuiettis a une vie plus uniforme & moins expofée aux exces d'une intempérance crapuleule, ils iouiflènt d'une meilleure fanté & font beaucoup moins mal - propres dans leurs vetemens & daasleurs demeures.  428' Le V'Oyageus.' ces deux corps fe. réuniffent & déliberent fur ce qu'il convicndroit de faire. En 1778, quelques -unsdu corps des anciens commiffaires propofcrent d'écablir une maifon particuliere,, pour les pauvres infirmes. La même année eet établiffement fut formé; on appela cette maifon la maifon de miféricordc; 1'évêque lui fit des aumones confidérables ; fon exemple fut fuivi par tous les citoyens qui s'empreiferent de contribuer au maintien de cct établiffement vraiement utile, de maniere que cette maifon s'eft toujours foutenue depuis. Suivant fon inftitution , l'on n'y devroit recevoir que des pauvres- véritablement paur vres, infirmes,ou vieux ; l'on recoit aujourd'hui ceux qui vculent s'y rctirer en y payant leur -penfion ; il en: eft arrivé que les direéleurs de la maifon fe font crus indépendans des commiffaires des pauvres dont cependant ils continuent a recevoir des fecours puiffans fans lefqucls même la maifon de miféricorde ne pouroit pas fubfifter : ils nomment de leur chef a toutes ;  dans ee's Pays-Bas. 429 les placesqui viennent a vaqner. Cet abus, a ce qu'on m'a die, produira la réunion des deux corps de commiffaires des pauvres. L'on éntretlent dans cette maifon un prêtre auquel l'on donne 5 a 600 fl par an: Pon épargncroit cette fomme fi l'on acceptoit 1'offre qu'ont fa:te & que font encore les Auguftins, & par un motif de charité plufieurs autres -eccléfiaftiques, de fe charger gratuitement de la direélion fpirituelle de cette maifon. Voila, Monfieur 5 comme les abus fe gliffent quelquefois contre le vceu même de ceux qui font le bien. II y a ici, Monfieur , plufieurs fondations pieufes pour pourvair aux befoins & a 1'inftrüétion des enfans des deux fexes, mais ces fondations ne font pas proportionnées a la grandeur & a Ia population de Gand. Un citoyen zélé, M. VandeVivere 1'ainé, touché du peu de fecours qu'on pouvoit donner aux jeunes filles orphelines , a congu le projet de pourvoir a leur fubfifrance & a leur inftruélion; il a propofé cette année-ci aux ames bienfaifantes & charitables, l'établiffement  430 Le Voyageur. d'une maifon decharité oü l'on leslogeroit, nouriroit,entretiendroit &leur apprendroit a faire de la dentclle & autres ouvrages; il a ouvert pour cela une foufcriprion, & quoique le prix dc cette foufcription ne fut que de dix écus par an, le nombre des foufcripteurs a été trés petit, Ce peu de fuccès n'a pas découragé M. Vande Vivere; il a donné une de fes maifons , a attaché a cette maifon deux femmes pour inftruire ces jeunes filles & a fupplée de fes deniers a ce qui manquoit pour fournir a Pentretien & la nouriture des onze jeunes filles retirées dans cette maifon : un prêtre , M. de Sanne s'efl: uni a lui & s'eft chargé d'apprendre a ces jeunes filles a lire & a écrire & de leur donner les in■ftructions nécclfaires pour qu'elles fgufTent leur religion & qu'ciles connuifent les devoirs de chrétien qu'elles étoient obligées dc remplir. Je fuis perfuadé que le fage gouvernement des Pays-Bas ne laiffera pas ignorcr a 1'empereur cette conduite vraiement patriotique de M. M. Vande Vivere  dans les Pats-Bas. 431 .&de Sanne & que S. M , pour maintenir eet .établiffement & 1'étendre , affeftera a cette maifon de charité quclqucs parties des biens des couvens fupprimés; on ne.peut trop multiplier ces fortcs dc maifons de charité. La maifon dc force qui eft ici, eft auffi une maifon de correction ; les batimens en font beaux & bien diftribués ; ils ferment un octogonc qui eft imparfait parcequ'il y manque une alle qu'on va conftruire. Cette maifon de force eft pour toute la province & elle eft fous la direc tion & infpe'ótion des états. La nouvelle aile fervira-d'infirmerie. Si l'on renferme dans cette maifon les criminels , ils n'y font point confondus avec ceux qui y font «renfermés pour toute autre raifon ; ils ont leur quartier féparé ; on y compte 550 prifonniers hommes & femmes. Quand Pcmpereur paffa ici, il n'aprouva point qu'on eut établi dans cette maifon des fabriques, en conféquence les ■états les ont fait fupprimer. Je fuis , &c. Fin du quatrkmt Volume,  ERRATA. P * AGE 8 , li&ot dernkre, par, lifez pas. F. 9,7. 15, Lo- /. Loi. p- 55 W- 15 , feront, l. feront. €• 06' l' dentien, ;o a 1200,/. 10 a 12000. P. 91, /. 11 , prononccss, /. prononcées. i>. 137, /. 4, Orloger, /. horloger. P. 144, /. 7 , elui-ci, /. celui-ci. P- !57> 7 1 a reu de chofe le même, /. 4, peu de chofe p-ès. P. 177 , /. .0, les, /. fes. P. 181 , /. 9, Uurfulines, /. Urfulines. P.204,'205, on ne peut y entrer ni fe tenii • debout, quen fe rengeam le corps de coté , , effacez pour pouvoir y pénétrer. P. 210, l. 4, me, Itjez met. P. 214, /. .4, Avanr', /. Avant. P. 179 , /. 20, gran^» nombres, /. grand nom- • bre. P.\ 288, /. 8, effacez d'ÜTbin. ibid ,1.9, ejj[.ciz du Cento. P. 302, /. 2, ocmté, /. comté. P- 33* » A 7 > Bordeau, /. Bordeaux. P- 334» ^ 6, commerde, /. commerce. P. 348, /. 7, médiodes, /. médiocres. La cane générale des Pays - Bas Autrichiens,, •qui clevoit être donnée avec ce vol. , fera rem-placée par le plan de Bruxelles & la carte donnée: -a la fin du 5e. vol.