LETTRES GREC QUES, / VAR LE RHÉTEUR ALC1PHR0N. TOME TROISIÉME. Sur zes M altier, eft d'un abord moins difficile » qu'un pêcheur de 1'Attique en plein 33 marché 33. U y avoit une ordonnance de police a Athènes, qui défendoit a tont pêcheur de rafraïchir fon poiffbn en jettant de 1'eau deftus. Ainfi on prévenoit la fraude qu'il pouvoit commettre en vendant du poifïbn corrompu ou gardé trop long-tems, paree qu'étant defteché a l'air, on connoiflbit d'abord s'il étoit frais ou non. Ceux qui 1'avoient tenu a 'un trop haut prix, & qui ne 1'avoient pas vendu aftez promptement, trouvoient un moyen fingulier d'éluder la loi. Deux pêcheurs feignoient de prendre  Discours préliminaire, ij querelle & de fe battre. L'un des deux tomboit auffi-töt entre les deux tas de poifTons, comme s'il eut été évanoui è la fuite des coups qu'il avoit recus. On couroit chercher de Peau pour lui en jetter au vifage & fur le corps, afin de le tirer de 1'évanouiiTement; on feignoit de Pen inonder, mais a peine en recevoit-il quelques gouttes. Les flots étoient dirigés de droite & de gauche fur le poifTon dont il étoit environné, qui fe trouvoit rafraichi par ce moyen. Ils ufoient de cette fupercherie, pour n'être pas obligés de remporter Ie poiffon qui paroifToit delTéché & hors de Peau depuis un certain tems i ainfi que Pordonnance les y contraignoit. II falloit que ce commerce fut bien important a Athènes, a en juger par toutes les précautions que Pon prenoit pour arrêter les fraudes qui s'y commet-  il MctÜRS DE LA GRÈCE, toient. Outre les magiflrats chargés de veiller a la police des marchés, il y avoit des infpecleurs en fous-ordre qui étoient cenfés avoir 1'ceil fur tout ce qui fe pafToit. Les pêcheurs étoient obligés de vendre leur poifTon étant debout, fans avoir la permiffion de s'affeoir. Le prix de chaque efpece de poiflons, fut fixé pendant un certain tems, on ne pouvoit le mettre ni aur deffus, ni au-defTous: un marchand qui auroit contrevenu a cette loi, eüt payé 1'amende. Cette ordonnance ne fubfifta pas long-tems; on laifTa la liberté de le vendre ce que 1'on pourroit, mais avec cette reftriction, que fi on le donnoit au-defTous du prix que 1'on y avoit d'abord fixé, on feroit puni, afin que toute perfonne, füt-ce un enfant, une vieille imbécille, ou un efclave ignorant, ne puffent être trompés. C'eft  Discours préliminaire. i$ ainfi que s'exptime le poè'te Alexis, ( Vqye% Athenée , liv. 6. ) Les richeiïes inépuifables de la mer fourniflant en abondance au peuple de TAttique une nourriture faine & délicate, il étoit très-eflèntiel que la vente en fut reglée par les loix, furtout relativement au peuple. II n'en étoit pas de même des gens riches, ils avoient des pêcheurs affidés qui leur apportoient direétement les plus beaux poiiïbns. On a vu dans les Lettres des courtifannes, combien ils étoient recherchés, même pour les repas les plus fins & les plus élégans. C'étoit a ce prix que quelques pêcheurs opulens, féduits par 1'exemple des citoyens voluptueux, achetoient des faveurs qui leur faifant ncgliger leur travail & le foin de leur familie, les Cpnduifoient promptement a Findigence.  &4 Mceurs de ia Gkèce, II n'eft pas étonnant que des gens auflï avides & d'un commerce auffi groflïer que le font repréfentés la plupart des pêcheurs , fe déterminafTent fi aifément a quitter une profeffion honnête , pour fë livrer a la piraterie & a tous fes hafards. Les mceurs des Grecs actuels ne font pas afTez changées, maïgré la différence qu'y peut mettre Ie gouvernement fous lequel ils vivent, pour que 1'on ne retrouve plus parmi eux les principaux traits caractérifliques que je viens d'indiquer , d'après les anciens auteurs qui ont parïé de ceux de leur tems. Beaucoup de grecs modernes s'exercent a la pêche, un plus grand nombre encore a la piraterie.' II ne refte plus dans les campagnes qu'un très-petit nombre de ces honnêtes cultivateurs qui fubfiüent du' fruit de leurs travaux, & qui en font quelqucj  Discours préliminaire. z$ quelque commerce d'exportation. S'il eft donc poffible de trouver encore dans ce pays des veftiges de Pantique fimphCtté des premiers tems; c'eft dans quelqu'habitation reculée, fi loin des regards des miniftres du defpotifme, qu'elle en foit comme ignorée. Peut-être y reconnoïtroit-on quelques traits de cette fage humanité, de ce» vertus fimples & touchantes qui firent autrefois 1'adrmration du fcythe Ana? charfis. II avoit cherché en vain dan* les villes de Ia Grèce les plus floriffantes, cette fageffe tant vantée, que 1'on difoit avoir fixé fon tróne dans eet heureux pays. II ne la reconnut ni dans les longs difcours des philofophes, ni dans leur conduite, ni dans leurs fophifmes & leurs contradidions i mutuelles. II n'efpéroit plus y rien rencontrer qui répondit a la grande idéé Tome III. d  16 MffiüR! DE LA G P. ÈCE, qu'il s'en étoit faite, lorfqu'étant arrivé par hafard a une grande bourgade d'Achaïe ou deLaconie, que 1'onappelloit alors Kéné, Sc dont la fuuation eft tout-a-fait ignorée, il y trouva un homme de bien, un vrai fage : fon nom étoit Mufon : il ne favoit autre chofe que bien adminiftrer fes affaires domeftiques, cultiver la terre avec foin, refpeöer les loix du mariage, & clever fes enfans dans 1'exercice de la vertu. Ce fpeétacle nouveau charma le fcythe; il ne s'inquiéta plus de chercher une fageffe qui ne confiftoit que dans des paroles vaines, puifqu'il la trouvoit dans les effets. II paffa quelque tems a admirer fes hötes, Sc a jouir de la douceur de leur fociété. II étoit prêt a partir, lorfque 1'honnéte habitant de Kéné lui dit: C'eft ainfi, cher Anacharfis, que j'ai vécu & que je vivraij  D/scouns préliminaire. zj doit-on pour cela me qualifier de fage! fi 1'on a raifon , je ne vois pas com • ( ment tous les hommes ne font pas «galemcnt dignes de ce nom. II n'en dit pas plus, & le fcythe n'en admira que davantage la ricbefle des ceuvres & 1'économie des paroles du grecs* (Max/me de Tyr, Dij/en. l5.) On trouvera dans la fuite de ces Lettres quelques tableaux auffi intêreftans que celui dont le fage Mufon eft le perfonnage principal. Si les autres ne le font pas autant, ils n'en feront pas moins cmieux, a les confidérer du cöté des ufages antiques dont ils rappellent le fouvenir. Ils me paroiflent autant d'idylles ou d'éclogues. Les mêmes idees fournirent au poë'te de Syracufe, aux grecs Bion & Mofchus, a 1'immortel Virgile, la matiere de ces poéCes charmantes oü ils décrivent les Bij  48 MCSÜRS DE LA GrÈCE. travaux & les plaifirs de la campagne» Alciphron les a variés davantage, & qnoiqu'il n'ait écric qu'en profe , 1'élégance de fon ftyle, la précifion avec laquelle il peint les objets, le rendent digne de marcher a Ia fuite des poëtes eélébres que je viens de citer.  LETTRES SUR LES MCEURS DES PEUPLES DE LA GRÈCE. LETTRE PREMIÈRE. Eu Dl u s a Philoscaphe* Enfin la mer vient de s'applanir pat un calme heureux. La tempête duroit depuis trois jours: Borée qui fouffloit avec violence des promontoires fur la mer, la rendoit impraticable, & dun afpedt effrayant. Une trifte obfcurité répandtife au large, ns fembloit éclairée que par 1'écume blanchiffante des flots, qui fe brifant les uns fur les autres & contre les rockers, préfentoient fur fa furface inégale, un mélange confirs des ténébres & deH la lumiere. 11 ne nous étoit pas poffible de rien faire. Redres dans des cabanes fur le rivage, nous n'étions J3iij  }0 MfflURS DE la GrÈCE, occupés qua nous garantir de la rigueur du froid, en feifant du feu avec quelques morceaux de chêne, que les conftrucleurs de barques avoient abandonnés. Enfin, le quatriéme jour, vraiment fait pour les alcyons (i), tant Fair étoit ferein , eft devenu pour nous une fource de biens. Auffi-töt que le foleil levant a éclairé la mer de fes premiers rayons, nous nous fommes hatés de mettre a 1'eau 1'efquif que la violence des flots nous avoit obligés de tirer a terre. Nous éunt avancés a quelque diftance du rivage, nos filets ont été bientöt tendus. Quelle abondance de poifibns £ eft trouvée prife tout dun coup ! elle étoit fi confidérable , que la pefanteur entraïnoit fous feau le liége des filets. Les pourvoyeurs attendoierit ce moment, & ayant pris cbacun leur charge, qu'ils onr payée comptanc, ils ont gagné la ville. Nous avons eu de quoi foumir a tous, & il nous refte alfez de petits poiflbns pour aourrir nos femmes & nos enfans pendant  L E T T R E 1> 31 plufieurs jours, au cas qu'une nouvelle tempête nous empêchat de travailler. N O T E. (i) Les n'cyons. Ariftote (Ub. 5> minimal.) dit que l'alcyon a coutume de pondre aux environs du folftice d'hiver; fi les jours font fereins dans ce tems , on les appelle des ]ours d'alcycns. Cette belle température duroit quelquefois fept jours avant le folftice , & autant après. Ariftote cite a ce fujet le poëte Simonide qui en rire le fujet d'une comparaifon : « Coir.mc lorfquë «dans le folftice d'hiver, le puifiant Jupig* ter donne quatorze jours d'tin cicl beau » & ferein ; cette température extraordi» naire & fi douce pour la faifon, eft re» gardée comme la nourrice facrée de 1'at» cyon au plumage éclatant de diverfes » couleurs *>. Pline {Hifi. nat. I. 10, c. 32) dit que les alcyons font leurs nids au commencenient du printems, & qu'on les voic fur la mer environ quatorze ou quinze jours avant la tempête , tems qui fuffit a la ponte & a 1'incubation de leurs ceufs, ainfi qua Biv  32 Mceurs de ia Grèce, faire éclore les petits. Ce nid eft de forme ronde, compofé d'algue marine, & d'une efpece de gomme ou réfine que 1'on croit extraite de 1'écume de la mer. Quelques marins ajoutent a la defcription donnée par Pline, que le nid des alcyons eft blanc , tranfparent, pétfj comme un vafe d'argile , très-uni tk très-léger; qu'il eft compofé de gbémon ou algue marine qui a une trèsbonne odeur : felon eux , eet oifeau tire fon nid de lehdroit ou il a été conftruit, jufqu'au bord de la mer, & lorfqu'il vient un vent deterre', il éleve une aï!e qui lui fert de voile, & le porte au large. Plutarque ( Traité de l'amour & charité natu^ relU, ff. 2 ) en parle un peu différemment: « l'oifeau de mer, que 1'on nomme alcyone, fe fentant pleine, compofé fon nid, » amaffant les arrêtes du poiffon que 1'on » appelle 1'aiguille de mer, & les entre™ la£ant I'une parmi 1'autre, en tiflant en »long les unes avec les autres, en forme » ronde & longue , comme eft un verveu m de pêcheur, & 1'ayant bien diligemment »> Hé tk fortifié par la liaifon & fermeté de » ces arrêtes, elle le va expofer aubattement » du flot de la mer, afin qu'étant battu touï  JL E T T R E I. 33 a> beüement & preiïé, la tilfure de la fuper» ficie en fok plus dure & folide, comme sa il le fait, car il devient fi ferme, que 1'on » ne le fauroit fendre ni avec fer, ni Svec =3 pierre : & qui eft encore plus efmerveil03 Jable , 1'ouverture & embouchure dudit 33 nid eft fi proportionnément compofée a =o la mefure du corps de 1'alcyone, que » nul autre, ni plus grand , ni plus petit »3 oifeau n'y peut ejitrer, non pas la mer m même, comme Ton dit, ni la moindre =3 chofe du monde 33. Si jamais on eft a portee de faire des obfervations plus exaótes fur 1'alcyon, on jugera quelle defcription de celles que je viens de rapporter, mérite la préférence. Je ne crois pas que les nids d'oifeaux dont les Chinois font tant de cas, tk qui font compofés par de petites hirondelles, foient les mêmes que les nidsd'alcyons dont j} eft ici queftion; ceux que 1'on ramafle fur les cótes de la Cochinchine, tk autour de quelques-unes des ifles Mariannes, font adhérens aux rochers contre lefquels ils ont été fabriqués. L'alcyon des anciens étoit bleu célefte fur le dos & une partie des alles, avecquelBv  54 McttURS be la GréCE, ques plumes pourpres & blanches a 1'extrêmité des ailes & de la queue; un peu plus grand que le moineau, ayant le col gréle & élevé; telle eft la defcription qu'en donne Pline, qui a quelque rapport avec celle que les naturaliftes donnent de Talcyon moderne, autrement appellé manin-pêcheur; auquel cependant il me paroit difficile d'attribuer toutes les -merveilles que Ton raco'nte de 1'alcyon des anciens. Ainfi , il refte a favoir li 1'hiftoire des alcyons eft vraie ou fabuleufe; il y a deux mille ans au moins que 1'on en parle , fans que Ia chofe ait pu être exactement vérifiée. L E T T R E II. G A L Ê N U S a C Y RTO JV. IS[os peines' feront donc toujours perdues pour nous, ami Cyrton* Sans cegè expofés pendant le jour a toute 1'ardeur du foleil, nous paflbns encore la nuit a courir les mers a la lueur des flambeaux, pour multiplier les produits de la pêche. C'eft bien de nous que 1'on peut dire qu*  * LettreII. 3 j nous travaillons en vain a remplir le tonneau des Danaïdes. A peine nous laiffe-t-on pour nourriture les coquillages les plus communs (i); le maïtre fe réferve les poiflbns & tout le profit de la vente. II ne fe contente même pas de ce que nous lui envoyons; il vient fans ceffe viiiter nos barques pour s'affurer de notre fidélitc. Nous lui avions dépêche dernierement du port de Munichia (i), le jeune Hermon, pour lui porter fes provifions ordinaires; il le chargea de nous ordonner de lui pêcher des éponges (3) & de cette laine de mer (4) que 1'on a tant de peine a trouver dans le go.lfe d'Éurinome (5). 11 ne s'étoit pas encore avifé de nous furcharger de ce travail extraprr' dinaire. Auffi Hermon, abandonnant la charge & les poiflbns, s'elt retiré fans nous rien dire, a Lelbös , oü il s'eft mis de fociété avec quelques pêcheurs de RhodesNotre maïtre perd un jeune efclave que fa dureté fait fuir, & nous regrertons un fidéle compagnon de nos travaux.  3$ McttURS DE LA GrÈCE, N O T E S. (i) Les coquillages les plus communs. Le texte porte des orties de mer & des huitres appellée pélores. Athenée (/iv. ,5) entre dans quelque détail fur la nourriture que 1'on tiroit de ces coquillages & de leur cflfet fur le corps humain. Les orties de mer palToient pour étre purgatives; les pélores étoient difïiciles a digérer, mais fournifibient de bons fucs. Le poiffon ou coquillage auquel on donne le nom Sortie de mer, n'a rien de femblable a la plante terreftre du même nom. Ariftote (Hi/loire des ammaux, liv. 5 , chap. 16") diftribae les orties de mer fous deux genres ; celles -qui demeurent fixes dans un endroit quelconque, comme les plantes, & celles qui changent de place. M. de Réaumur, ( Mém. de l'Acad. des Sciences , >Jio) qui a obfervé au moins auffi exaftement qu Ariftote , dit quil n'a vu aucune efpece de ces petits animaux qui n'eüt quelque mouvement, les orties mêmes, qui paroiflent attachées fur des pierreSj ont un mouvement progremf, mais fi lent, qu on ne peut le comparer qu a  LettrbII. 37 celui d'une aiguille d'horloge ; a peine parcourent-elles un pouce ou deux dans une heure. L'illuftre académicien dit que le nom de culs-d'dnes ou euls-de-chevaux qu'on leur donne fur les cótes de Poitou tk fur celles de Normandie, leur convient mieux que celui d'orties, attendu qu'elles reffemblent beaucoup a la partie indiquée de ces quadrupédes. Pline en parle ( Hifi. natur. ch. 45,//v. 10) & en fait une efpece mitoyenne entre la plante tk 1'animal; quoiqu'il femble fe contredire lui-même en leur attribuant un inftinct marqué pour faifir leur proie, tk un mouvement fpontané qui ne peut convenir qu'a 1'animal. (i) Du port de Munichia , petit port de 1'Attique, a 1'extrêmité de la grande muraille du Pyrée , batie par les confeils tk les foins de Thémiitocle, lorfqu'il projettoit d'anéantir la puiffance des Lacédémoniens , &r de leur fubftituer les Athénierts dans le gouvernement de la Grèce, On 1'appelle aujourd'hui Macina , tk il eft prefqu'entierement comblé par les fables qui s'y font accumulés. Ce port étoit a 1'embouchure de riliiTus, dans le golfe Saro-  }8 Mpcc, terme fait pour peindre 1'heureufe fertilité de la terre. En fuivant 1'idée que donne Alciphron au pêcheur Glaucus, j'aurois du traduire le terme ane'jidore par les mots généreufe 8c bienfaifarite, car il fignifie  L E T T R £ III. 45 proprement qui donne la vie & les denrées néceffaires a 1'entretenir. Les Grecs regardoient 1'Attique comme la première terre qui les eut fournies aux hommes. Xénophon (de Redit. Athen. ) parlant du fol de 1'Attique, allure qu'il eft de la plus grande fertilité dans tout ce que 1'on peut defirer pour la nourriture & 1'agrément de la vie, & que les richeffes de la mer ne le cedent en rien a celles de la terre. Cependant, lors de la plus forte population & du plus grand luxe d'Athènes, fon territoire ne pouvoit pas fournir aflez de grains pour la nourriture de fes habitans, il falloit en tirer de 1'Afie-mineure & de 1'Egypte. On a vu plus haut (Difc. fur les Courtifinnes , part. i ) que les gratifications de bleds que faifoient aux Athéniens les princes étrangers, leur étoient fort agréables. L'Attique a encorc quelque réputation de fertilité ; elle fournit au commerce des foies , des huiles , des cuirs , des maroquins, que les étrangers chargent au pórt d'Athènes ; fes bois produifent une quantité d'avellanéde, efpece de noix de galle que les Vénitiens enlevent &: tranfportent en Italië, ou elle eft employee a préparer les cuirs dans les tanneries»  4ó Mceurs de la Gkèce, (i) Le ficiU. De tous les différens portiques dont la ville d'Athènes étoit décorée, le pécile étoit le plus magnifique , celui que 1'on appelloit le portique par excellence, pour le diftinguer de tous les autr?s. Dans les beaux jours d'Athènes, !es plus fameux peintres y repréfentoient a 1'envi les aétions mémorables des grands capitaines de la république. Polignote, peintre célèbre, y fit des chef-d'ceuvres, pour lefquels il ne voulut point d'autre récompenfe que la gloire de les avoir faits. L'habitude ou étoit Zénon d'y affembler fes difciples , tk d'y faire fes le§ons contribua encore a la célébrité de ce portique. Ces philóTophes portoient d'abord le nom de Zénoniens, qu'ils changerent en celui de Stoïciens , qui leur fut donné du mot ftaa, portique , paree qu'on les y voyoit fans ceffe. Sans doute qu'il y avoit au pécile place pour tout le monde , & que la morgue philofophique n'en banniffoit pas les divertiffemens publics. Apulée remarque que les Athéniens y venoient voir les baiadins qui s'exer9oient \ fauter & a faire des tours d'adreffe. Cette coutume s'efl confervée jufqua préfent, on y donne en-  L X T T Jt E I J l 4y core de ces fpectacles pendant Ie oairam des Turcs. ( } ) Fieds nuds, le teint pdle. La peinture que faitle pêcheur Glaucus de celui qui récitoit ces vers, indique ou un ftoïcien ou on pithagoricien. Théocrite (Jdil. 14) tire un fujetde comparaifon d'un pithagoricien qui s'étoit préfenté pale & nuds pieds. Les itoïciens qui faifoient profeflion d'une grande auitérité de mceurs, Ce montroient fans doute autant qu'il étoit en eux , fous eet extérieur qui en impofoit au public. Ariltophane, dans la comédie des Nuées , fait demander a un jeune homme qui veutfe mettre fous la difcipline de Socrate, auquel de fes difciples il rcifemblera, on lui répond que ce fera au pale & maigre Chéréphon (ami zélé de Socrate). Hélas, dit-il , je ferai donc alors au moins a demi-mort! Comme tous les philofophes n'étoient pas du même goüt, ils étoient fans celTe occupés ou a fe décrier, ou a fe plaifanter les uns les autres. Ceux qui étoient reftés attachés aux aifances de la vie , difoient que ces philofophes étoient nés pour la perte des cordonniers. Arifiippe difoit plaifamment 4 un certain Si-  4$ Mceurs de la Grèce, mon, cordonnier ou corroyeur, qui avoit des prétentions aux honneurs philofophiques, & qui lui reprochoit fon luxe : « Ne vois-tu » pas que me fervant de fouliers, je fais sa le bien de ta profeffion, tandis qu'Antifan thène & fes femblables qui marchent nuds » pieds, & qui invitent les autres a en x faire autant, te caufent un préjudice réel». Ce Sirnon , quoique moins connu qu'Ariftippe , n'étoit pas fans mérite, a en juger par ce qu'en dit Xénophon dans une de fes lettres, oü il le loue de fon attachement a la doflrine de Socrate , & de fa conftance a fuivre fon'métier. II le mettoit fort audelfus de ces philofophes oififs & vains, qui croyoient avoir bien employé le tems qu'ils avoient perdu a débiter leurs fophifmes. (4) Jratus. Ce poete étoit de Cilicie; il a compofé un poëme fur les phénomenes, qui nous refte. II vivoit environ 300 ans avant 1'ere chrétienne. Homère ( Odyf. Lu) parle de méme des dangers de la navigation. Stobée ( Serm. 67 de navigatione & naufragio) rend ainli la penfée d'Aratus :. Modicum lignum morton prohibet. Anacharfis n'avoit pas exprimé moins heuleufement 4  L £ T T R E III. .49 tónfcmetiga même idéé, en difant que fur mer 1'intervalle entre la vie & la mort n'eft que de trots ou quatre doigts. II n'eft pas étonnant que dans des liecles oü Tart de Ja navigation étoit encore a fa nailfance, & oü il n'avoit pas d'utilité plus marquée que la pêche , on n'en confidéra que les dan■gers qui font bien encore les mêmes, mais avec plus de. moyeus de s'y fouftraire. Qu'auroienv ditïes philofophes & les poetes de ces tems reculés, s'ils eufTent eu une idéé des ■mers glaciales, des tempétes des mers du Japon, des brumes & des vents des mers auitrales, & de tous les dangers que i'intérêt du commerce fait braver aujourd'hui ! eux qui regardoient la dixiéme partie des hommes qui s'adonnoient a la navigation, comme deftinés a être la proie des Hots. FLuctus decumanus, t}IXv/mcc. (ƒ) Travaux de Vagriculturt. L'agriculj ture, ditXénophon dans fes Economiques, eft une occupation convenable aux hommes les plus honnêtes, quel que foit leur état. j La régularité de la conduite & les plaiiïrs \ de 1'efprit en paroiffent inféparables. Elle occafionne 1'exercice du corps, néceflaire i Tome III. * q  50 MffiüRS DE LA GrÈCE, 1'horame libre , ainfi que 1'augmgitation M fes biens. On fe nourrit de fes productions } ce qui en refte fumt au culte des dieux , &i même a fe procurer les chofes d'agrément. Les fruits de la terre & le produit du bétail que 1'on éleve , font une fource féconde d'une aifance honnête. ( Voyez Stobée, Serm. 54 de agricuüura , quöd bona fit. ) • Nous verrons dans la fuite que tous les Grecs ne penfoient pas de même. L E T T R E IV. Cy MOTHUS a Tri t OX i de. Autant il y a de difFérence entre la terre & la mer, autant il y en a entre ; ceux qui habitent les villes & les bourgs, & nous qui fammes livrés aux travaux de la mer. Les uns, établis dans les villes, j font admis au gouvernement de la répu- j blique ; les autres, occupe's a la culture de la terre, tirent de leurs champs les fruits aéeeflaites a leur nouniture. Mais pour  L 'z t t r £ 1 j/~. «ious, dont 1'eau eft1'élément, femblables aux poiflbns qui ne peuvent refpirer au grand air, il ne nous eft pas permis de vivre fur la terre, Que vous eft-il donc arrivé, rna femme? vous abandonnez le rivage & vos fufeaux pour courir a Ia ville, & célébrer les fêtes de Bacchus (i) avec les femmes des riches citoyens d'Athènes. En vérité , ce n'eft ni penfer, ni agir fagement. Ce n'eft pas-la 1'éducation que vous avez recue dans 1'ifle d'Egine (2) oü vous êtes née; ce n'eft pas a ces conditions que votre pere vous a mariée avec moi. Si vous aimez la ville, partez, je vous dis adieu. Si les occupations de la mer vous plaifent davantage, revenez a votre mari 5 c'eft le parti le plus fage que vous puifliez prendre; maïs il faut oublier pour toujours les fpeélacles féduifans & les fêtes de la ville (3). N O T E S. ( 1) Les feces de Bacchus. II eft queftion Cij  52 MfflURS DE LA GRÈCEj ici des ofcophories & des lénéennes. Les premières fe célébroient en portam: avec pompe dans les rues d'Athènes des pampres gatnis de raifins; les fecondes étoient remarquables par le bruit & le mouvement qu'elles occafionnoient. J'ai déja parlé des ofcophories dans la note première fur la Letue XXV de la première partie, & des autres dans la note n fur la Lettre IV. Les Grecs , & fur-tout les habitans de 1'Attique ne fe croyoient heureux qu'autant qu'ils pouvoient aflïfter aux fpeétacles qui faifoient partie de ces fêtes. lis préféroient ce plailir même aux aifances de la vie; au moins c'eft ce qui leur eft reproché dans une lettre d'Hyppolochus a Lyncée. (Athe- j nee, /• 4- ) ( 2) Egine. Voyez fur cette ine la note 9 de la Lettre IV , première partie. ( 3 ) Ilfaut ouhlier pour toujours. Ce pêcheur développe ici toute la'dureté du ca- ; raélere des gens de.foh état, qui ne ref- , fembloit en rien a celui des autres Grecs, j fi atrachés a leurs fêtes nationales. II n'y A a jamais eu de peuples chez qui les myfteres fulfent en plus grande vénération que chei |  Lettre IV. 53 I?s Athéniens : ils s'y célébrerent pendant plus de deux mille ansavec une pompetrèspropre a entretenir le refpeét que 1'on avoit pour eux. C'eft principalement a cette caufe que 1'on attribue la douceur, la politefle , la vivacité, la gaiet4 & eet efprit d'urbauité qui diftinguerent toujours les Athéniens des autres peuples de la Grèce, Les myfteres, dit Epiéïete, ont été établis pour régler la vie de 1'homme , &: en écarter les défordres. J'ajouterai ici quelques obfervations au fujet des myfteres ou cérémonies religieufes de la Grèce, ne prévoyant pas avoir 1'occafton d'en parler encore, dans la fuite de mes remarques fur les Lettres d'Alciphron. Plutarque, qui va plus loin qu'Epiétete, ne borne pas 1'utilité des myfteres, feulement aux avantages qui pouvoiënt en réfulter pour ceux qui y étoient attachés dans cette vie. cc Ils ont tous; dit-il au Traité des Oracles , » rapport a 1'état de 1'ame après »j la mortj ce qu'ils repréfentent aux yeux sj du vulgaire, n'eft qu'une image obfeure « &c foible des beautés dont .la contemplasj tion eft réfervée a ceux qui ont été ver» tueux ici bas ». Cette idéé eft fublime, C iij  ■54 Mceurs de la Grèce, & Ton eft d'autant plus fondé k la croire' conforme en tout au fentiment intime dfc Plutarqtie i que dans une circonftance ou fon coeur devoit s'exprimer avec la plus^ grande fïncéritéj lorfqu'il confole fa femme de la'perte commune qu'il venoit de faire par la mort de leur fille, il lui dit expreiïément (ff. 9): « Le peuple s'imagine qu'après» la mort il ne refte rien de 1'homme , qu'il =5 n'y a pour lui ni biens ni maux; vous » favez le contraire ; une tradition qui » nous a été fidélement tranfmifc par nos«ancêtres, nous a imbus d'une doctrine bien différente. D'ailleurs, initiés aux myf»teres de Bacchus, témoins de ces céré» monies reügieufes , ne fommes-nous pas » perfuadés de ces gvandes vérités , que »1'ame eft inccrruptible, & qu'il y a une y> vie Future». Denis d'Halicarnaffe > qui vivoit plus d'un fiecle avant Plütarquei quoique né grec , ainfi que lui, n'avoit pasautant de refpeét pour les myfteres d'Athènes. Soit qu'il voulüt plaire aux Romains, pour lefquels il écrivoit, dans un tems oü leur puiflance étoit a fon plus haut période, foit que la vérité lui arrachat 1'aveu de fes fentimens: « Que 1'on ne penfe pas, dit-il  L £ r t x £ IV. 55 (liv. 2 ) que j'ignore que quelques fables 33 des Grecs ont leur utilité; les unes, en ce sj qu'elles repréientent les opérations & les aaeffcts de la nature fous difterentes allé03 gories; les autres, en ce qu'elles ont *té a» inventées pour confoler les hommes dans » le malheur, pour les délivrer des troua:> bles de 1'efp.rit & des vaines terreurs; 33 fans altérer la pureté de leurs fentimens, 33 ou pour quelqu'autre but également iltiie; 33 je fais ces chofes aufli-bien qu'un.autre, 33 mais je n'en parle qu'avec précaution 3> car les avantages qui réfultent de ces opi33 nions ne peuv'ent tourner qu'au profit de 33 ceux quiontdécouvertles premières caufes 33 qui leur ont donné cours. Or, qu'il y en 3) a peu qui foient capables de s'élever a 33 cette fublime philofophie ! Le vulgaire , 33 qui s'en tient a la furface des chofes, prend »3 tout a fon défavantage ; car ou il méprife =3 des dieux qu'on lui repréfente aufli vils 33 & aufli malheureux que lui , ou il fe livre 33* fans fcrupule &c fans remords a tous fes 33 penchans, quelque déréglés qu'ils foient, 33 paree qu'on lui dit que fes dieux s'aban33 donnent aux mêmes excès. Mais il faut 33 lailTer ces confidérations a ceux qui cn Civ  MdEtTRS DE la GrêCE, » font 1'objet particulier de leurs fpécula33 tions, les féparant du refte de la philo» fophie 33. II me femble que la réfiexiort de rhiftorien que je viens de citer, indique affez clairement que cette maniere de confidérer les myfteres des Grecs-, étoit le fecret des perfonnes les plus inftruites & les plus honnétes. On peut regarder cette note comme un fupplément a la diifertation fur les myfteres d'Eleufis qui fe trouve dans les remarques fur la première partie de ces Lettres ( note i , Lettre IV ); LETTRE V. NAUBATHES a Rl/OTION. Vous croyez jouir feul de 1'avantage des richefles, paree que vous avez gagné ceux qui pêchoient pour moi, par 1'appas d'un falaire plus cohfidérable. Ils n'ont * fans doute * pas .eu tort de fe' fier a vos promeffes, puifqu'un heureux coup de filet vous a procuré derniérement une honnête quantité de dariques (i). C'étoient fairs  L E T T R E V. 57 doute quelques reftes du burin que la mer avoit dérobé aux vainqueurs de Salamine, & les débns d'un vaiffeau perfan (i), fubmergé avec les richeftès & les hommes qu'il portoit, dans cette occalïon fameufe a la fuite de laquelle Thémiftocle érigea ce glorieux trophée (3), ft hónteux pour les Médes. Quant a moi, mon ambition unique eft que mon travail journalier me foumiffe le néceftaire. Si vous êtes riche, foyez-le avec équité 5 que votre opulence ferve a faire éclater votre probité, & ne vous autorife jamais a commettre l'injuftice. NO T E S. (1) Dariques , monnoies que Darius fitfabriquer de 1'or le plus pur, & auxquelles il donna fon nom, ce qu'aucun roi avant lui n'avoit fait. ( Hérodote , liv. 4. ) La darique étoit de valeur a peu pres égale a notre louis d'or ; elle portoit fempreinte d'un archer. Piutarque , dans les Apophtegmes des Cv  5S Mceurs de la Grèce, Anciens , dit qu'Agéfilas, roi de Sparta, fe reprochoit fans ceffe d'avoir été charte d'Afie par trente mille archers tiu roi de Perfe, entendant .par-Ia autant de dariauesqu'il en avoit recues. (2 ) Les de'bris d'un vaiffeauperfan. Long— tems après le combat de Salamine, les Grecs jouiffoient encore des avantages qui leuren étoient revenus. Il n'étoit pas rare de trouver dans la mer'des richefTes qui y avoient été englouties lors de Ia déroute de Xerxès, & du naufrage de quantité de fes vaiffeaux qui avoient été fubmergés, fur-tout dans une tempête qui dura trois jours, peu avant le combat de Salamine. C'eft ce qui arriva a un certain Aminoclès qui trouva prés du promontoire de Sépiade , (aujourd'hui il cape Queatumo , a céVté du golfe de Vollo ) nne quantité confidérable de vafes d'or & d'argent, dont la valeur, de pauvre qu'il étoit, le rendit tout d'un coup riche. Cet homme fut moins fenfible a fa bonne fortune , qu'a la douleur de n'avoir point d'enfans auxquels il put tranfmettre fes richeffes. (3 ) Ce glorieux trophe'e. Le combat de Salamine répandit un éclat immortel fur les  Lettre VI. 5? armes des Grecs, tk le nom deThémiftocle; plutót, dit Cicéron , ( Tufeitl. 1) Salamine fera enfevelie dans la mer , qu'on ne perdra le fouvenir de la vict-oire remportée fous fes murs. ■"»»°" — ■■ LETTRE VI. Tm ALASSUS a P O N TI u s. T «J E. vous ai fait remettre une plie, une foie, un mulet (1), & trente-cinq coquillages (2 ) : envoyez-moi deux rames, les miennes font brifées. Ce qu'un ami donne a fon ami eft un écliange plutöt qu'une redevance. Qui fait demander hardiment & avec confiance, fait affez voir qu'il eft perfuadé que tour eft comraun entre amis (3), & qu'il a droit fur ce qu'ils poffédent. N O T E S. (1) Une plïe , un mulet. Ces poilfons Cvj  ÉO M(eurs de LA GkÉCE, font trop connus pour que je m'arrête a en parler. Je dirai feulement après Ariftote, ( lib. 5 , Anïmal.) que le mulet eft un poiffon fort commun dans 1'Archipel , &~qu'il produit trois fois par an. II a les denrs faites en fcie ; il eft tacheté fur le corps & fort vorace. Lorfquil eft agé de trois ans, il devient ftérile , on lui trouve alors le ventre rempli de petits vers qui rongent'fes ceufs. Les meilleurs a manger de ces poiffons font ceux qui font barbus. On le facrifioit a Hécate dans les fêtes de Diane, paree qu'il pourfuit le liévre marin, & en fait fa proie. (2) Trente-cinq coquillages. lis font défignés fous le nom générique de murex , coquillages qui paffent pour fournir la couleur pourpre. On en trouve dans prefque toujes les mers; leslndiens occidentaux les connoiflent aum bien que les Grecs : leur forme extérieure reflemble aflez a un morceau de rocher hérifle de pointes. Je ne devine pas par le .texte d'Alciphron fi le pêcheur qui parle dans cette lettre, avoit deftiné ces coquillages a la teinture, ou fimplement a la nourriture de fon ami.  'Lettre VI. 61 ( 3 ) Tout ejl commun entre amis. 'C'étoit un des axiomes favorls de Pithagore ; fes difciples, qui devoient fe regarder comme autant d'amis , mettoient en commun tout ce qu ils pofledoient. C'eft d'eux que le mot cenobium, communauté, a pris fon origine. Platon adopta ce principe; il en fit la bafe des loix de fa république ; mais la généralité du principe eft tellement modifiée dans les qualités que les deux philofophes exigent des amis, qu'ils n'ont pas pu le fuppofer fujet a aucun abus. Nihil tuum re~ putato étoit le mot caraétériftique des pythagoriciens en fociété : mais il n'avoit rien de gênant; fi la communauté venoit a déplaire a quelqu'un d'entr'eux, il pcmvoit fe retirer tk reprendre ce qu'il y avóit mis de fes biens, même avec le produit. Voyez Plat. lib. 5, de leg. A. Geil. No3. Att. I. i , c. 8. Martial. lib. 2, Epig. 43 , plaifante vivement un certain Candide , qui difoit fans ceffe que tout devoit être commun entre amis , & qui avoit toujours a la bouche leproverbe grec, koivo. qhw 7rdvTa; mais quoique fort riche , il n'en étoit pas plus généreux, tk ne donnoit abfolument rien....  ti Mceurs de la Grèce, Candide , X'"* ,hac tvafunt, Candide , tt-.itx j Qua: tu , magniloquus, nocle dieque fonas , Ex opibus tantis , vcteri fidoque fudali, Das j nikil & dkis , Candide, x"'«- V*»'' LETTRE VÏI. E U'C O L I M JS E a G L Air C A. iN^E fachant a quoi me déterminer, je dois demander confeil a la perfonne qui me veut le plus de bien. II y a long-tems, ma bonne & chere femme, que je délibere a part moi, fans ofer vous rien dire de ce qui me tient en fufpens. Enfin , vous allez 1'apprendre; Sc fi vous voyez quelque chofe de mieux a faire, vous me conduirez par vos avis. Apprenez ce dont il eft queftion, ce fur quoi je vous confulte. Nos facultés font, comme le favez , audeflbus de la médiocrité; a peine pouvonsnous fubfifter , tant le produit de la pêche eft petit. Cette felouque que vous voyez garnie  Lettre VII. gf de fes rames, & montée de plufieurs rameurs, eft un peut batiment de Corycie (i), appartenant a des pirates. Ils veulent m'aflbcier a leur fortune, & me font entrevoir un moyen fur de m'enrichir aux dépens des premiers navires que nous rencontrerons (2). L'or, les habits qu'ils me prornetfent, font, je 1'avoue, l'objet de mes defirs. Mais il faut devenir homicide, il faut tremper dans le fang humain, ces mains que la pêche a confervées jufqu'a préfent pures de tout forfait: c'eft une idee qui me fait horreur ! Mais qu'il eft dur, qu'il eft infupportable de refter dans 1'indigence. Je fuis dans 1'indécifion ; je n'ofe me déterminer ; c'éft a vous a me décider, chere Glauca; je prendrai le parti qui vous plaira le plus. Le confeil d'une amie aufti fidéle ne me laiftëra point de doutes fur-ce que je dois faire. N O T E S. (1) Corycie, ville de Cilicie dans  $4 Mceurs de la Grèce, 1'Afie mineure , que les Turcs appellent Carachifar, & les gens de mer Churco. Elle eft aujourd'hui du gouvernement de Caramanie, avec un" chateau fortifié, &: un port affez vafte. (2) M'enrichir aux de'pens , &c. II y a long-tems que les habitans des cótes de 1'Archipel font habitués a faire le métier de corfaires. Ils jouent un róle remarquable dans tous les anciens romans grecs, oii ils font des enlevemens qui donnent lieu a des événemens finguliers. Ils confervent encore aujourd'hui les mêmes habitudes, & il eft très-commun aux autres navigateurs de 1'Europe , de les rencontrer cachés fous des rochers, oü ils attendent 1'occafion favorable de fe réunir pour attaquer les barques marchandes, ou piller les vaifieaux qui font naufrage fur ces cótes. On lit dans Athènes ancienne & nouvelle ( liv. 1 ), que les papas du Brazzo di Maïna , partie de 1'ancienne Laconie ou du Péloponntfe , fe tiennent dans des grottes taillées dans le roe, dont toutes ces cótes font garnies, & que dès qu'ils appercoivent quelques batimens de peu de défenfe, ou d'autres plus  Lettre VIL 65 eonfidérables, mais battus par la tempête ou défagréés, ils fonnent une cloche qui fert de fignal aux corfaires. Ils s'embarquent avec eux, afin, dilent-ils, de recueillir le dixiéme du butin pour les droits de 1 églife. Ces prêtres grecs font d'une avidité extréme pour le pillage , les plus hardis a 1'abordage , & les plus cruels dans 1'exécution. Jl n'eft pas rare aux vaiffeaux marchands de rencontrer dans 1'Archipel des forbans grecs au nombre de trente , quarante, tk même plus, qui montent de grandes barques légeres , fans canons, & qui ne cher-^ chent qu'a en venir a 1'abordage , & a en impofer a ceux qu'ils veulent piller, par leur audace déterminée. On n'a pas de meilleur parti a prendre que de les couler a fond avant qu'ils ne s'accrochent au batiment. Je vais rapporter, d'après 1'auteur d Athènes & ancienne & nouvelle, une aventure finguliere qui fera la preuve de ce que j'ai dit du caradere de ces pirates. Elle étoit arrivée peu de jours avant que la Guilletiere tk fa compagnie ne mouillalfent h la rade de Maïna. * Deux mainores, l'un nom33 mé Théodoro, 1'autre Anapliotis, corfaires r> déterminés, tous deux mariés tk unis d'in-  é6 Mceurs de la Grecs, »téréts, fe brouillerënt en- partageant te »> buth d'une barque vénitienne qu'ils » avoient pilléè. Pour fe venger 1'un & is 1'autre, ils concurent tous les deux le a> même delfein de s'enlever leurs femmes, » 8c de les vendre a un armateur malthois 33 qui étoit a la rade. Théodoro enleva la » femme d'Anapliotis, 8c la coniuifit au » makhois qui ne voulut pas lui en donnef 3> le prix qu'il en demandoit, paree que 33 dspuis deux heures il en avoit acheté une 33 beaucoup plus belle , a un prix moindre ,33 de moitié de celui qu'il exigeoit. Pour 33 lui prouver la vérité, il fit venir la femme, 33 afin que Théodoro lui-même en fut le 33 juge. Elle parut; Théodoro , aufli étonné 33 que s'il eut été frappé de la foudre , vit 3» qu'il avoit été prévenu par Anapliotis : 33 il fongea moins a retirer fa femme des 33 mains du malthois, qu'a conclure le mar33 ché pour celle d'Anapliotis, afin que 1'a33 venture venant a fe découvrir, on süt que 33 que les deux femmes avoient été a la 33 difcrétion de 1'armateur, 8c qu'il ne fut" 33 pas feul expofé aux railleiïeS que 1'on ne 33 manqueron pas as raire mr cette avenrure. 33 An'apliotis de fon cóté, fachant ce qui  L £ T T £ £ VII 6j 3j fe paffoit, accourut avec une barque ar» mée ; Théodoro , aufïi furieux que lui, »joignit fes forces aux fiennes, & tous » deux fe difpoferent a attaquer 1'armateur , 33 qui voyant a qui il avoit affaire, rendit 3» les deux femmes, pour ne pas perdre le 30 commerce qu'il faifoit dans ce pays. Des 3» amis communs réconcilierent les deux 33 maris, qui peu après monterent tous deux 33 le même batimentpour aller en courfe.Ils 3»pouvoient répudier leurs femmes, le di3o vorce étant permis chez les Grecs; mais 33 fans doute qu'ils les aimoient, puifqu'ils 33 les garderent, malgré".réclat que fit eet 33 événement fingulier. LETTRE VIII. E G I A x Ê E O. STRUTHION. Compte fur la fortune qui voudra (ï)l tout me contrarie : mes affaires tournent a la mode de Mandrobule (i), de mal en pis. Etre réduit a r.e jamais commercer que fur la plus baife des monnoies, eft  Mceurs de ea Grèce, un fort qui n'annonce que conti nuation d'indigence. II eft tems, enfin , mon cher Struthion, que vous m'aidiez de vos fervices: la mer & mon travail me fourniront les moyens de vous en témoigner ma reconnoiflance. Ce que je fouhaite, c'eft que vous deveniez mon entremetteur, & que vous me procuriez le débit direct de ma marchandife chêz un ou deux de nos opulens citoyens, tels qu'Erafieie le Sphettien, ouPhiloftrate le Cholargien (3). Outre le payement que j'en retirerai, j'y trouverai de la protection, & 1'agrément d'avoir part aux bienfaits de la maifon, lorfqu'on folemnife nos fêtes principales (4). Leur crédit peut- auffi me mettre a. couvert des vexations des infpeéteurs du marché, qui journellement font de mauvaifes conteftations dont on ne fe retire qu'en payanü plus qu'on ne doit , fur-tout quand on craint autant les proces que je les redoute. Je compte fur vous, d'autant plus que perfonne n'ignore combien les parafites  Lettre VIII. ë} font favorablement écoutés nes gens riches & de la jeunefle (5 ). N O T E S. {1) Comité fur la fortwie qui voudra. Je n'ai pas cru devoir traduire autrement 1 ancien proverbe grec, B,tt' ic ^«zUv , va chercher le bonheur aux ifles Macarées; efpece d'expreflion de découragement, Iorfque 1'on n'efpéroit plus rien d'heureux dans ce monde, & qu'on ne pouvoit plus prétendre qu'au fort des habirans des ifles fortunées, Manctpcv vwrot, oü les Grecs placoient le féjour des ames après Ia mort. (2) Ala mode de Mandrobule. Cet hom me étoit un grec anciennement connu" qui ayant découvert une mine dor , térrioigna fa reconnoilfance aux dieux, en leur confacrant dans Ie temple de Junon k Samos, d'abord un bélier d'or, enfuite lm dargent, pUls un de cuivre, & finit Par ne leur plus rien offrir. On voit donc que par ce proverbe on donnoit h entendre que la reconnoilfance va en décroiifant dans Ia connnuité des bienfaits. Ici Ie fens en eft  jo Mcêues de la Grèce, détourné par 1'application que Ion en fait aux affaires qui vont de mal en pis. Lucien, & plufieurs autres grecs, ont cité ce proverbe dans le même fens qu Alciphron. Lucien, dans le dialogue fur ceux qui fe mettent au fervice des grands, dit: cc Vous vous „ fatisfaites en idéé; vous aimez a vous =» faire illufion, vous comptez toujours fur » un fort plus heureux; mais le contraire de » ce que vous efpérez ne manque prefque 35 jamais d'arriver; & vos affaires, fuivant » le proverbe , vont a la mode de Mandrobule » , tkc. (2) Eraficle le Sphettien, &c. Ces furDoms indiquoient des parvenus qui ufoient des faveurs de la fortune avec un fafte & un orgueil qui leur attiroient plutót le mépris que la confidération, même de leurs parafites. On les appelloit a Athènes ^oic , riches du puits ou de la fouille; c'étoitle furnom de la familie Callias, dont les auteurs s étoient enridiis, en trouvant une grande quantité d'or que les Perfes avoient jettée ou cachée dans un puits, après la déroute qui fuivit la bataille de Salamine. Plut. dans Ariftide. J'ai déja par-  L £ T T R £ VIII. 7, Ié de ces fortunes inopinées dans la note i fur la Lettre V de cette Partie. (4) Fêtes principales. II eft queftion ici des apathuries & des bacchanales. Sur les premières, voyez Ia note 1 de la Lettre XV, feconde Partie. II a été parié dans d'autres rcmarques de celles de Bacchus. ($) Combien les parafztes, &c. Un pêcheur qui voyoit un paraiite admis a la table d'un homme riche , ou le confident des amours d'un jeune Athénien, croyoit qu'il avoit beaucoup de crédit dans la maifon. On a vu dans toute la feconde Partie de ces Lettres, combien ils étoient méprifés. Cependant leur fort étoit cnvié , & le pêcheur afpiroit au moins a être le paraiite des valets.  72 M les hommes, le plus prudent & le plus 3> reconnoiflant. Philarcus , au douziéme 53 livre, raconte que Céranus de Milet ayant »vu dans le filet d'un pêcheur un dauphin 3j qu'il fe difpofoit a mettre en morceaux^ » 1'acheta & le jetta tout de fuite a 1'eau » encore fain & fauf. Peu après, Céranus a> s'embarqua ; ie vailfeau oü il étoit, fut 3} brifé, & fit naufrage fur les rochers de 33 Mêcon ( petite ifle de la mer Egée , ou »1'on dit qu Ajax fut enterré). Le feul  L E T T R E IX. 75 L»> Céranus s'échappa porté par le dauphin I» auquel il avoit lauvé la vie. Etant mort I » de vieillelTe dans fa patrie , les Milé-* I» lïens faifant fes obféques, paflerent fur Is» le bord de la mer ; & on vit dans le I a> moment même une troupe de dauphins I o> qui s'approcherent le plus prés qu'il fut a> poflible du convoi funébre, comme s'ils ;» eulfent voulu rcndre leurs derniers dea> voirs au défunt a». Ce récit prouve au moins , ce que 1'on obferve encore, qu'il y a beaucoup de dauphins dans 1'Archipel de <ïrèce: qu'ils fuiventles vaiifeauxen grande troupe, moins fans doute par ain'our pour 1'hotnme , que pour fe nourrir des immondices & des denrées inutiles & corrompues que 1'on jette a la mer. Car rien n'eft plus aifé que de prendre ces poiflbns a une iigne amorcée d'une piéce de viande , ou d'un autre poiffon. Ce que 1'on remarque encore tous les jours, c'eft qua 1'approche de la tempête, les dauphins jouent en troupes fur la mer, & annoncent par leurs fauts 1'inclination qu'ils ont a fe montrer hors de 1'eau plus dans ce tems que dans aucun autre. Il eft probable que 1'agitaüon intérieure des eaux leur rend la refDij  ■jé Mceurs de la Grèce piration plus difficile, & les oblige a pren- J dre 1'air, en montrant leurs nafeaux ou I évants. lis ont la tête longue & applatie, j & nagent ordinairement deux a deux, le j male a cóté de la femelle, en fuivant le lilfage du vaifleau. lis ne peuvent refter long-tems fous 1'eau fans venir refpirer 1'air extérieur. Ils ont la tête applatie, alfez allongée , 8c terminée prefqu en pointe, lis font de 1'efpece des cétacées, & fe reproduifent de même que les bedeines. Leur chair, aifez reiïemblante a celle du bceuf, eft de mauvais gout, Sc fhiiile que 1'on retire de leur graifie , n'eft bonne qua brüler. Les matelots italiens &c grecs qui fiavigent fouvent dans 1'Archipel, les regardent comme les fidéles compagnons dê leurs voyages, qui ont foin de les prévenir de la tempête; ils fouffriroient impatiemment qu'on les détruisit. On prétend qu'ils ont quelqu'apparence de voix ; 8c qu'ils rendent quelques fons plaintifs quand ils font pris ; ce qui n'eft guère mieux vérifié que leur attaghement pour les hommes, 8c 1 leur goüt pour la muiïque. (i) Au lever du taureau. Les tempétes j  Lettre IX. 77 font encore fréquentes fur ces mers dans le printems , auqüel répond le lever du taureau. Elles y font d'autant plus dangereufes que les courans portant a la cóte , & les vents de terre qui dans ces circonftances deviennent très-violens, repouffant le vaifleau en mer, il eft alors battu pat deux forces contraires, qui ne peuvent que rendre la navigation très-périlleufe. C'eft ce que 1'on obferve fréquemment dans 1'Ar'chipel, fur 4es cótes de la Morée & du Péloponnèfe.' ( 3 ) Le promontoire de Male'e, &c, aujourd'hui capo Maleo , dans le Péloponnèfe , a la pointe la plus méridionale de Tanden royaume de Sparte. On le nomme encore capo di Sant'Angelo , a. caufe du bourg voifin de ce même nom. Paufanias en fait mention ( liv. 3 , ch. 23 ). 11 eft fréquente des navigateurs a caufe d'une abondante fource d'eau qui fort d'une caverne lous un des rochers qui forment le cap. Le pays des environs eft affez peuplé, & la cóte eft encore couverte de bois taillis , plantés de mirres; ainfi qu'elle 1'étoit dans la plus haute antiquité, lorfque Diane marDiij  78 Mceurs dè la Grèce, qua remplacement de 1'ancienne ville de* Boée, a laquelle a fuccédé le bourg de Sant'Angelo. La topographie de ce lieu eft la même queile étoit il y a deux mille ans. Paufanias parle de la fontaine d'eaa douce fortant d'une caverne, & connue de tous les navigateurs modernes.La mer, dans le voifmage du cap Malée, étoit II périlleufe autrefois a caufe des vents oppofés qui s'y faifoient fentir, que 1'on difoit en proverbe r Quand on a d doicbler le cap Malée , il faut oublier toutes fes affaires domefliques. (Voyez Strabon, üv. 8.) Le même géographe ancien dit (liv. 14) qUe le trajet de mer qui borde Ia Lycie, eft en tout tems difficile a traverfer, & d'une navigation dangereufe : il le comparoit au détroit de Sicile, qui étoit la terreur de tous les navigateurs de fon tems. (4) Le Capharéet aujourd'hui capo FJgera , le cap le plus orienral de 1'ille de Négrepont, ou de 1'ancienne Eubée ; il fe rapproche beaucoup du continent de Ia Grèce. Le canal a la tête duquel il eft, qui fépare Négrepont de la terre-ferme, eft 1'Euripe des anciens. Les écueils & les  li JE T T R E IX. 79 tochers dont ces cótes font bornées, y rendent les naufrages communs, & le Ca* pharée étoit regardé comme de mauvais augure, a caufe qu'Agamemnon & les Grecs qui revenoient avec lui du fiége de Troye, y firent naufrage, & y périrent en grande partie. La Grèce , dans ces tems reculés, & les ifles même les plus voifines du continent, n'offroient pas plus de reflburces a ceux qui faifoient naufrage , que 1'on en trouveroit aujourd'hui dans les ifles défertes de la mer du fud. Les Argiens de la fuite d'Agamemnon qui purent fe fauver a la nage, & gagner la cóte, penferent périr de froid & de faim. Dans cette extrêmité , ils adreiferent leurs vceux au ciel, & implorerent le fecours de quelque divinité favorable. Après avoir marché quelques pas, ils appercurent un antre, oü ils trouverent une ftatue de Bacchus, & un grand nombre de chevres fauvages qui s'étoient réfugiées la pour fe mettre a couvert du froid. Ils tuerent ces bêtes , s'en nourrirent, fe couvrirent de leurs peaux; & quand 1'hiver fut paffé , ils radouberent leurs vaifleaux , & regagnerent leur patrie. Voye\ Paufanias, l. 2, ch. 23. D 'vf  'to Mceurs de la Grèce, (•?) Les honneurs de la fépulture. LeS anciens fe faifoient un devoir religieux de la première importance de donncr la fépulture aux morts. Les Athéniens entreprirenr une' guerre fans autre caufe que celle de vouloir rendre les honneurs funébres aux généraux grecs qui avoient péri dans la guerre de Thèbes. On fait encore qu'ils . tuerent leurspropres chefs, quoiqu'ils euffent remporté auprès des ifles Argineufes une yicloire d'autant plus intérefiante , que les affaires de la république étoient en trèsmauvais état, & cela paree qu'ils avoient abandonné, fans fépulture, ceux qui étoient morts dans le combat; quoiqu'une tempête eüt fait obflacle a 1'enlevement des cctdavres. Le pêcheur qui parle ici avec tant de zele du foin de la fépulture des morts, ne diflimule cependantpas qu'il en efpere quelqu'avantage, comme ce qui lui reviendroit de la dépouille des cadavres. Car il pouvoit, fuivant les loix de Thonneur & de la confeience, s'en emparer pour le prix - de la fépulture qu'il leur donnoit. C'eft pourquoi ceux qui fe trouvoient en danger de faire naufrage, fe chargeoient de 1'or qu'ils avoient, ou de quelques autres effets pré-  Lettre IX. 81 cieux. C'étoit une récompenfe qu'ils préparoient d'avance a ceux qui trouveroient leurs cadavres, &c leur donneroient la fépulture. Si on eut été tenté de les dépouiller des richêffes dont ils étoient chargés , fans prendre foin de les couvrir de terre ou de fable, 1'impie auroit eu fans ceffe a redouter la puiffance de Néméfis , qui n'auroit pas manqué de tirer vengeance d'un vol auffi odieux. (Synef. ep. 4.) La colere, ou plutót la rage de 1'implacable Achille ne fe développe en aucune occaiïon avec autant de fureur, que lorfqu'il dit a Heéior mourant ( Wad. lik 22), que fon corps fera la proie des chiens & des oifeaux ; qu'il efpere en vain les honneurs de la fépulture : «Plat aux dieux, dit le terrible héros, oj que ma rage Sc ma fureur 33 puffent me porter a .te hacher pat mor» ceaux , & a dévorer tes chairs crues pour 33 me venger de tous les maux que tu m'as 33 faits ! Rien ne peut t'arracher aux chiens j 3i quand tu m'offrirois une raneon dix fois 3> & vingt fois plus grande que celle que 33 Priam peut me donnet 33. La charité pour les morts devoit 1'emporter fur la tendreffe pour les vivans. « Tu dors, Achille, lui Dv  8z Mceurs de la Grèce, dit Patrode en fonge , » & tu m'as oublié. m Ce n'eft pas un ami vivant que tu négligés , as c'eft un arai mort. Enterre-moi fans au33 cune rerrtife, & les portes des champs m bienheureux me feiront ouverfes , car juf.* quaci les ames, ces images légere's des s> morts me repouflent, & m'empêchent de » pafler le fleuve fatal. J'erre fur les rives in33 fernales fans trouver aucun repos. Donne33 moi donc la main , afin que je finiffe mes 33 regrets, & que je te dife le dernier adieu. 33 Car dès que vous m'aurez dreffé un bu»3 dier , & que les flammes auront confumé 33 mon corps, je ne reviendrai plus"a la =3 lumiere «... (Wad. lib. 2.5.) Ces citations apprennent que les Grecs regardoient comme un devoir facré de rendre aux morts les honneurs funébres , & d'enterrer leurs cadavres, a caufe de la croyance dans laquelle on étoit alors , que ceux qui n étoient pas enfevelis étoient toujours rejettés de Caron , & ne pouvoient paffer Ie fleuve , ni avoir 1'entrée dans 1'empire de Pluton. Ces idéés font encore dans toute leur force parmi la plupart des Indiens orientaux, fur-tout des Chinois & des peuples qui les avoifinent, & qui ont les mêmes ufages religieux. Le  Lettre IX. §3 ïcfpedt pour les morts eft tellement recommandé par Confucius, que Ion abandonne tout pour leur rendre les deVoirs prefcrits. Souvent la fortune d'une familie eft abforbée par les frais qu'exigent les funérailies de fon chef. Non feulement ce feroit une impiété , mais même un déshonneur d'y manquer. LETTRE X. ThYNN È E a S C o P E L o. Et es-vous inftruit, mon cher Scopelo, de la grande nouvelle qui fe répand' Les Athéniens ont réfolu, dit-on, d'envoyer une flotte au loin3 & d'avoir la guerre fur mer. Le paralos & la falamine ( O, les plus légers de leurs navires, font prêts a fortir du port, & a tranfporter les commiffaires-inquifiteurs, qui après avoir reconnu 1'objet de 1'entreprife, hxeront le tems oü il fera convenable que ïarmée s'embaxque & parte pour 1'expédiDvj  $4 Mceurs de ia Grèce, tion projettéc. Les autres vaifleaux deftinés au tranfport de 1'armée navale, ont befoin d'un grand nombre de rameurs qui foient affez habiles pour braver les vents & les flots contre lefquels ils auront a lutter. Quel parti prendrons-nous, mon cher? fuirons nous, refterons-nous? Voila que 1'on enróle depuis le Pyrée, Phalere & Sunnium (2), jufqu'aux frontieres de Gérefte (3), tous les pêcheurs & autres gens accoutumés aux travaux de la mer. Si la place publique nous eft a peine connue; fi le tumulte des aflemblées du peuple nous paroït infupportable; comment pourrionsnous foutenir les mouvemens d'une armee, les horreurs des combats, & la peine du fervice militaire! Nous fommes donc réduits adeux extrêmités également cruelles, ou a fuir, nous qui avons femmes & enfans, ou a braver les dangers de la mer • & le glaive des ennemis. Refter ici, ne nous tirera pas d'embarras; il vaut donc encore rnieux nous éloigner, en attendant  L £ t t r £ X. Sj que nous puiffions reparoïtre avec quelque lurété. N O T E S. (1) Le paralos, &c. Ariftcphane , dans la comédie des Oifeaux, parle de ces deux galeres, & fon ancien fcholiafte remarque que c'étoient des trirêmes facrées appartenantes a fétat, que Ton mettoit en mer lorfcue fintérér public I'exigeoit,& que 1'on envoyoit quelquefois au loin. Comme elles étoient bien agréées & bien montées de rameurs, elles faifoient beaucoup de chemin en peu de tems. Démofthène , cité par Plutarque ( Traité ft l'homme d'dge , &c. ff. 4), dit que la galere facrée de paralos étoit indignement & ignominieufement traitée, quand on s'en fervoit a apporter a Midias du bois, des échalas & des moutons. (2) Le Pyrée, Phakre & Sunnium. Le Pyrée, dit aujourd'hui Porto-Lione, d'un très-beau lion de marbre qui préfente la gueule ouverte du cóté la mer, n'eft plus habité que par deux ou trois miférables grecs, conciërges ou gardes de la tour du  té Mceurs de la Grèce, fanal, appellée Pyrgo par les grecs maderhes, & Torre del Fuoco par les navigateurs italiens. Ces grecs ont foin d'avertir de 1'approche des corfaires qu'ils découvrent en mer ,a lix ou fept lieues, par différentes banderolles qu'ils arborent le jour, tk par des feux qu'ils allument la nuit. La cóte eft garnie d'efpace en efpace de fanaux deftinés aux mémes ufiges. Au lieu des dilférens portiques, des tombeaux des grands hommes, des temples qui décoroient autrefois le Pyrée, on ne voit plus qu'une mauvaife halle qui fert a mettre a 1'abri les marchandifes que 1'on débarque pour Athènes , ou celles que 1'on doit embarquer pour d'autres pays. Le Pkalere étoit le port d'Athènes avant que Thémiftocle n'eüt fortifié le Pyrée. On n'y voit plus que deux ou trois cabanes en ruine , quoique 1'encrage y foit bon tk commode, tk qu'il y ait d'excellens puits d'eau douce. Sunnium, ancien port de 1'Attique, dit aujourd'hui capo Colonne, des colonnes de marbre blanc qui fubfiftent encore, tk que 1'on appergoit de loin, refte d'un temple magnifique que les Athéniens avoient confacré a Pallas. Ce port eft éloigné d'envirön trente  L E T T R E X. 87 milles d'Athènes au couchant, fa fituation eft füre,& le mouillage excellent. La vue des hauteurs qui dominent ce port eft de la plus grande beauté ; on appercoit audeflbus, du cóté du nord , une trés-grande étendue de pays, terminéeJpar la célébre plaine de Marathon 5 au midi la mer & le nombre infini d'iftes dont 1'Archipel eft peuplé, au couchant, 1'Argolide & tour le Pélopcnnèfe ou la Morée. C'eft 1'un des plus beaux points de vue de 1'Europe. (3) Gérejle , dit aujourd'hui Géreflo, étoit une ville & un port fitués a 1'extrémité oriëntale de 1'ifle d'Eubée (Négrepont) , a environ cinquante milles au-deffus d'Athènes au levant. Elle n'étoi? féparée de la terre-ferme que par un canal étroit. On voit par ce détail géographique que les enrólemens fe faifoient dans un efpace de quatrevingts milles, deSunniuma Gérefte; ce qui étoit a peu-près 1'étendue des cótes de la domination athénienne. Cette contrainte paroiffoit fort extraordinaire a des pêcheurs, qui ne connoiflbient que leurs barques Sc le marché au poiflbn, & qui menoient une vie abfolument libre.  88 Mceurs de la Grèce, LETTRE XI. NauSIBIUS CL P BY M N É E. Je ne favois pas encore a quel point les jeunes & riches Athéniens portoient le luxe &c la délicatefle. Mais Pamphile, accompagné de quelques-uns de fes amis, ayant derniéremenr pris un jour ferein Sc beau, pour fe promener fur la mer, ayant loué ma chaloupe , Sc traité avec moi fur ce qu'il me payeroit le produit de ma pêche, je fus témoin de la molleife dans laquelle vivent ceux qui ont droit fur tout ce que la terre & la mer produifent de plus exquis (i). Le bois de mon bateau lui a femblé d'une dureté infupportable, & ne pouvant fe coucher comme les autres fur le tillac , trouvant fans doute la planche auffi dure que la pierre, il 1'a fait couvrir de tapis étrangers & de coufïïns (2). II a demandé  L E T T R E XL 8? que nous tendiffions une voile au-deflus pour le mettre a 1'ombre, paree qu'il fe prérendoit incorrimodé par les rayons da foleil. Quelie différence de ces hommes voluptueux a nous autres pêcheurs, & tous ceux que la fuperfluité des richeffes n'habitue point a ces rafinemens. Notre bienêtre eft de tempérer le froid & 1'humidité de la mer, dont nous fommes fans cefle mveftis, par la chaleur bienlaifante des rayons du foleil. Nous voguions tous enfemble, non-feulement Pamphile & fes amis, mais de plus une troupe de femmes agréables, jolies & bien faites, toutes bonnes muftciennes. L'une, que 1'on appelloit Crumation, jouoit de la flute; Erato pincoit la lyre ; Evêpe faifoit réfonner les cymbales. Enfin la mufique paroiffoit avoir fixé fon théatre fur mon bateau: la mer &£ les échos du rivage retentiffoient au loin du fon des voix & des inftrumens, tout refpiroit la fatisfadion & la joie. Cependant cela ne  5» M*urs de la Grèce, m'amufoit que médiocrementi & j'attribue la caufe de mon ennui a un Certain Leuccks, de la fuite de Pamphile, qui, tel pour moi qu'un Telchine (3 ), m'étpit infupportable, odieux, par la jaloufie & la noire envie qui paroiifoient le ronger, Mais après avoir été payé graffement par Pamphile, Ia vue & la poiTeiilon dé fon argent m'ont rendu certainement 1'un des plus contens & des plus joyeux de la compagnie. II m'a donné du goüt pour ces parties de plaifir fur la mer; & je ne fouhaite plus que de trouver des jeunes gens auflï magnifiques & au/Ti généreux qui m'en faffent faire de nouvelles. NO T E S. (i) Je fits témoin de la mollefe, &c. L'étonnement que le pêcheur témoigne du luxe recherché des jeunes Athéniens, femble prouver qu'il n'étoit pas ordinaire, dès qu'il étoit fi peu connu, & que ces Lettres font la peinture des mceurs anciennes des Athéniens. Thucydide, qui écrivoit quatre liecles avant 1'ere chrétienne, dit (llv. i)  Lettre XL 91 que les deicendans des premiers Athéniens quitterent enfin les armes qu'ils étoient dans 1'ufage de porter toujours 5 qu'ils devinrent plus" recherchés pour la nourriture & les habits, & donnerent naiffance au luxe. II n'y a pas même long-tems, ajoute-t-il, que les plus anciens d'entre les riches ont quitté les tuniques de lin pour s'habiller plus voluptueuiement. C'eit ce qu'on appelloit les coutumes ioniques, que les loix dc Solon avoient un peu mitigées. Elles ie conferverent affez long-tems parmi les habitans de la campagne, fur-tout parmi ceux qui avoient le nom particulier d'ioniens : mais elles furent totalement oubliées a Athènes après la guerre heureufe que ces peuples eurent avec les Perfes, & qui leur alfura 1'empire de la mer. La fertilité naturelle de 1'Attique , & les richeffes du fol, leur procuroient de grandes aifances: mais quand les richeffes de 1'Afie furent devenues leur partage , le luxe & la molleffe s'augmenterent h un point, que les mceurs antiques & la modération des premiers tems perdirent toute confidération. Le commerce fournit a la délicateffe recherchée des riches Athéniens, tout ce que 1'Italie, la Sicile, Chy-  92 Mceurs de la Grèce, pre, 1'Egypte , la Lydie produifoient de* plus rare.C'eft alors que les arts d'agrément furent portés a Atbènes a ce point de per^ fecTion qui nous fert aujourd'hui de r?.cdele. Mais la nation pcrdit ces vertus males & féveres qui lui avoient mérité 1'empire de la Grèce. Ses richelfes foutinrent quelque tems fa puiffance , qu'elki perdit infenfiblement, paree que les mceurs antiques qui 1'avoient établie , furent totalement anéanties, par le goüt gtnéral pour la volupté & les délices, qui devint dominant dans tous les états. Voye\ Xénophon, de Repuhl. 'Athen. Ce n'eft donc pas la jouiffance des produétions propres an pays, quelque riche qu'il foit, qui altere les mceurs, énerve la nation , & donne naiffance a un luxe ruineux. C'eft Lj gout pour les produétions étrangeres, qui, tranfportées loin du fol oü elles font nées , font toujours difnciles a acquérir, & dès-lors donnent a ceux qui les poffédent une forte de diftinétion, que 1'on fait bien Ti'avoir aucun mérite réel , mais qui ne laiffe pas de changer infenfiblement les idéés, les mceurs & les qualités naturelles des nations.  Lettre XI. 95 (z) 11 L'a fait couvrir de tapis , &c. Ce trait fe rapporte a ce que dit Plutarque d'Alcibiade , dans fa vie (eh.9) : '« Quand il » étoit en galere , il faifoit ouvrir & fendre 3j la planche de la poupe, afin qu'il couchat » plus mollement, paree que fon lit étoit M étendu, non furies ais durs, mais fufpendu en 1'air avec des fangles Le fybarite Smindiryde , qui fe plaignoit des pultules qu'avoient fait élever fur fa peau délicate les feuilles de rofes fur lelquelles il étoit couché, eüt trouvé un tel lit encore trop dur. (•{) Un Telchine. On appelloit proverbialement les envieux & les médifans Telchine s, du nom d'un peuple ou d'une fociété d'ouvriers, originaires de 1'ille de Crète, fort habiles dans 1'art de travailler le fer & 1'airain 5 ce qui fit dire qu'ils avoient trouvé le moyen de faire paffer des enfers fur la terre les eaux du Styx. De Crète, ils pafferent dans 1'iile de Chypre, & enfuite dans celle de Rhodes, oü ils exercerent avec fuccès 1'art d| la fonderie en brorize. Ils étoient fameux dans 1'antiquité grecque par leur envie & leur mé-  94 Mceurs de la Grèce, chanceté. lis' fondirent une ftatue de Minerve, que 1'on nomma Telchinienne; qualité qui répondoit a Minerve Penvieufe. Voyc\ Stobée, Difc. 36. Ovide dit qu'ils habitoient la ville de Jalyfus, (aujourd'hui la bourgade i'Uxilica, a huit milles de Rhodes); Jupiter les prit en horreur, paree qu'ils corrompoient tout par leurs regards, & les fit périr dans la mer. , Jaiifws Telchinas , Quorum oculos ipfo, vitiantes omnia, vifu, Jupiter exojus fraternis fubdidit undis. Métam. 1. VIII, Carm. 366. La fable étoit fans doute plus connue alors qu'elle ne 1'eft de nos jours, & le poëte n'avoit pas befoin d'en dire davantage, pour exprimer le vice dominant des Telchines. II le peint avec énergie , en difint qu'ils gatoient tout par leurs regards. Erafme parle des Telchines dans fes Adages , chiliad. 2, cent. 5 , adag. 45 , & cite 3 leur fujet Strabon, & même S. Jean-Chryfoftóme, qui voulant peindre d'un feu! mot, & avec 1'énergie qui lui eft propre, une main coupable , s'écrie : O main de Telchine !.. On regrette dans certaines' occafious que les langues modernes n'aient pas  L E T T R £ XI. ff ■enfervé de ces expreflions proverbiales fi ■onnues, qu'elles déiignoient tout de iuite & d'un feul trait 1'objet que 1'on vouloit peindre. J'ai vu un homme généralement haï de tous ceux qui le connoifibient; il ne pouvoit pas infpirer un autre fentiment, paree qu'il étoit dévoré par une bile noire, qu'il fembloit répandre fur tout ce qu'il voyoit & qu'il imaginoit. Cétoit un vrai Telchïm; jamais perfonne n'a été livré a 1'envie & a la jaloufie plus conftamment que lui; tout ce qui affligeoit fes femblables lui donnoit une gaieté concentrée, qui développoit fon caraélere. On a remarqué que jamais il n'annoncoit que des événemens finiftres, & avec un empreffementqui étoit la nren™. du plaifir qu'il y trouvoit. Que 1'on juge par ces apparences de 1'état habituel d/cceur ae ce maineureux. Si 1 on rencontroit fouvent dans la fociété des êtres de cette- Pf. pece • s'il étoit poflible den voir olnfip,,^ réunis, agir les uns contre les autres , & pvelopper leurs fentimens fur le re/te des fUUi,MS' on a"roit une repréfentation effrayante de 1'état des damnés, dont lp men. eft en proie dans les enfers i 1'habitude de fcaine & d'injuftice, qui a fait leur crime  5^ Mceurs de la Grèce, fur la terre , & y a cornmencé leur fup• plice. LETTRE XII. En cy mon a Halictipz. J'AI vu fur les rivages de Sunnion, un vieux filet déchiré, non-feulement par le poids des poiflbns qu'il avoit pu renfermer, mais par les injures du tems. J'ai demandé a qui il étoit. On m'a répondu qu'il vous avoit appartenu il y a quatre ans: qu'alors s'étant accroché a une roche cachée fous 1'eau, il s'étoit brifé a 1'endroit des bourfes;'que depuis ce tems-la n'ayant pas jugé a propos de le raccommoder, ni de 1'enlever, il étoit refté oü je l'ai vu , fans quaucun des pêcheurs voifins»ait ofé s'en fervir, paree qu'il n'étoit pas a eux. Ainfi ce filet (i) eft devenu comme étranger , & aux habitans du lieu oü vous 1'avezlaiffé, & a vous-même qui en  L £ t w r JT XII. M étiez le polTeffeur. Je vous le demande donc comme un effet de nulle valeur, dont le tems vous a dépouillé, en le faifant dépérir. Ne foufFrant aucun dommage pat la ceffion d'un meuble que vous aviez abandonné , m faites point de difficuité de vous en detaire en ma faveur. NOTE. (i)Ainsi ce filet eft devenu , Sr. Ce fait particulier, qui femble ne rien préfenrer d'intérelfant, nous engage a donner quelqu'idée de ce que penfoient les premiers Grecs fur le droit de^propriété; droit qui remonte al'origine même des fociétés, ou *au moins au tems ou elles commencerent a fe policer. On peut conjeéturer de ce que raconte ici Alciphron , qui a toujours en vue les anciennes coutumes, que très-anciennement il étoit de droit commun parmi quelques peuplades de la Grèce, que quiconque laiifoit hors de fon fonds, des filets ou d'autres meubles, expofés pendant un * certain tems aux*njures de 1'air, faas en Tomé III, E  5 8 Mceurs de la Grèce, prendre aucun foin, en abandonnoit la propriété. Ils étoient regardés comme appartenans de droit a celui qui s'en emparoit pour les employé* utilement. On pourroit expliquer eet ufage par un exemple tiré de la première Phiüppique de Démofthène. L'orateur, parlant de queues villes expofées a tomber fous la domination d'autres cités plus puiffantes , qui ambitionnoient de s'aggrandir a leurs dépens , dit que le roi de Macédoine eftperfuadé que toutes ces cités, grandes & petites , font deftinées a devenir le fruit de fes conquêtes; que dans fes projets, les biens des abfens font regardés comme le partage des préfens, de même que de quiconque court les hafards qu'il y a a. s'emparer des polTeflions de ceux qui négligent de les conferver. II femble qu'Alciphron ait eu ce trait en vue dans ce qu'il fait dire au pêcheur Encymon. II eft donc douteux que les anciens Grecs euffent, comme nous, 1'idée d'une propriété abfolue & exclufive... C'étoit une des coutumes de Sparte, que quiconque avoit befoin d'un inftrument, d'un cheval, ou de toute autre chofe , les demandoit au poffefleur qui ne pouvoft les refufer > Sc  Lettre XII. ^5 ïl les lui rendoit après s'en être fervi. Leï idéés varient fur la propriété comme fur les autres objets. Elles font foibles & confufes chez les peuples qui fortent a pein% de 1'état de nature , oü tout eft commun a tous. Dans un climat fertile & chaud, chez une nation paiiible , elles font longtems a fe développer. C'eft 1'apreté du climat , c'eft 1'habitude de la guerre qui les fait germer promptement, & qui rend Ia propriété abfolue & exclufive; paree que chacun a un befoin mdiipenfable de fes armes , de fon vétement, du fruit pénible de fa chaffe ou de fa pêche. Si 1'on fe rappelle qu'a Sparte le larcin fait avec adreffe étoit permis, & que 1'on ne puniffoit que le voleur mal-adroit qui fe laiflbit furprendre, on fera perfuadé que ce peuple n'avoit pas de la propriété des biens les mêmes idéés que les autres Grecs. Ces ufages n'étoient pas ceux des Grecs feuls. On lit dans Hérodicn, que les Bretons ou Anglois méridionaux rega'-ddient les femmes comme un bien commun de la fociété, & qu'ils penf t de même fur toutes les autres commodi : dt la vie. lis ne fe faifoient aucun fcru] 'emparer de Eij I *  ioo Mceurs de la Grèce, ce qui leur convenoit. De telles coutumesi ne peuvent convenir qua des peuples qui n'ont aucune police , oü la loi du plus fort décide du droit des polfemons. Quant a la communauté des femmes, elle n'étoit pas abfolue , mais feulement entre les perfonnes de même rang. On en juge par la réponfe d'une princelfe bretonne a une dame romaine , qui lui reprochoit 1'incontinence de fes compatriotes qui fe livroient a tous les hommes indifféremment. La bretonne, vive & fiere , lui répondit: «II eft vrai » que nous nous faifons honneur d'accorder ») publiquement a des hommes de mérite des si faveurs que vous prodiguez en fecret aux 33 êtres les plus vils & les plus faits pout 33 vous déshonorer 33.  ï03 LETTRE XIII. Ha lictype a E n c y m o n. Jl^ien de plus vrai que le proverbe qui dit « que 1'ceil du voifin n'eft éclairé 33 que par 1'envie & la mauvaife volon53 té (i) 33. Pourquoi vous mêler de mes affaires ? pourquoi compter parmi vos poffeffions, ceux de mes effets que je parans négliger > Ne vous avifez pas de vous en emparer. Que votrë cupidité pour le bien d'autrui ne vous perfuade pas que je vous donnerai ce que vous demandez fi mal a propos. NOTE. (i) L'miL du voifin, &c. Erafme, Chil. 3, cent. 1, Adag. 22, cite ce proverbe comme tiré de cette Lettre d'Alciphron. Ariftote (lik 2, Rhet.) en fait mention d'après Héfiode , qui dit que le voifin porte envie a fon voifin. Cette trifte pafnon ne prend pas E iij  302 Mceurs de la Grèce, pour objet des perfonnes qu'un grand intervalle , quel qu'il foit, fépare d'elles ; mais celles que 1'on peut regarder comme égales, i auxquelles on croit avoir raifon de fe com- ; parer, & que la jaloulïe porte a. croire audelTous des avantages dont, elles jouiflenr. ! L'envie repréfente tout ce que* le voifin polféde comme meilleur que ce que 1'on a; fes moiffons femblent plus abondantes, fon troupeau plus gras. Tertïlior feges eft , alieno fempcr in agro ; Vicinumque pecus, grandius uber habet. Ovid. On croyoit autrefois que les regards finiftres de 1'envieux étoient capables de faire dépérir les troupeaux. « Ce n'eft pas 1'amour » qui nuit a mes brebis , cependant a peine m fe foutiennent-elles , tant elles font mai=3 gres. Je ne fais quel regard fafcine mes » tendres agneaux 33. Nefcia quis, tenens , oeulus mihi fafcinat agnos, Virg. Edog. i.  LETTRE XIV. Encymon d Halyctype. Je ne vous ai rien demandé de ce que vous poiTédez; mais ce que vous avez abandonné. Puifque vous ne voulez-pas céder ce qui n'eft plus a vous 5 s'en erapare qui pourra. En attendant, gardez tout, même ce que vous n'aYCZ pas. E iv  •104 Mceurs de la Grèce? LETTRE XV. Eu SAGENE a LiMENARQUE. Que le ciel confonde le fpéculateur de Lelbos (i)! II s ecrioit que la mer étoit obfcurcie par la quantité de thons de toute taille qu'il difoit appercevoir. Nous le croyions bonnemeht; nous entounpns prefque tout le golfe de nos filets; nous ne penfions qua difpofer du produit de la pêche , car le poids en étoit plus confidérable que ne 1'eft ordinairement celui des poiflbns. Animés de la plus belle efpérance, nous appellions nos voifins, nous leur promettions part du profit s'ils venoient nous aider & travailler avec nous. Enfin, après de grands efforts, & feulement fur le foir, nous avons tiré a terre un énorme chameau, déja pourri & fourmillant de vers (2). Je vous annonce cette pêche finguliere s non pour que vous la  Lettre XV. 105 tourniez en ridicule 5 mais pour vous donner une nouvelle preuve de 1'opiniatreté de la fortune a perfécuter un malheureux. N O T E S. ( l ) Le fpéculateur de Lefbos. Oppien, poëte grec , mort au commencement du troifiéme fiecle, dit expreffément dans fon poëme de la pêche: « Un habile obfervas> teur de la marche des thons, monte fur a> un rochcr élevé; de-la il examine & voit » ces poilfons en troupe ; il en déiïgne le » nombre & la taille , & il indique aux peso cheurs ou ils font 33. Philoftrate avoit fait la même defcription dans fes tableaux , liv. J, image 13. Ce que les anciens nous ent confervé a ce fujet, nous apprend que ces obfervations avoient leur utilité. Les thons vont en troupe j il y en a qui pefentau-dela de cent vingt livres; plufieurs enfemble doivent caufer affez de mouvement dans la mer pour occafionner un changement a fa furface, qui indique aux obfervateurs les endroits ou ils font raifemblés. Plutarque, au Traité Quels Jont les animaux Ey  lot* McEUJRS DE LA GrÈCE, les plus avifés , dit (ff. 31): , j ch. 15) donne a ce fujet quelques détails j plus circonftanciés. « Les thons, dit-il, en- i 33 trent en grande troupe de la mer Egée 1  L £ T T R E XV. Ï07 •» dans la Propontide, vers 1'équinoxe du t» printenis. Ils ne font point leurs petits 33 ailleurs. On appelle cordyles les jeunes 33 thons qui fuivent les femelles lorfqu elles 33 rentrent dans la mer en automne; ils font 53 d'une couleur brune, femblable a celle 33 de la vafe oü ils ont été nourris. Après ï3 foixante jours, ils prennent le nom de 33 pélamides, & celui de thons lorfqu'ils font 35 agés d'un an 3>. Ce poiifon eft fort timide, le moindre bruit 1'effraie , il va fe jetter dans les filets, ou il fe laiife prendre fans beaucoup de réfiftance ; la pêche n'en eft jamais plus aifée que lorfqu'il tonne. Gyllius (de Bofph. Thrac. lib. 1 , cap. 2) nous apprend que lorfque ces poiflbns paflent en affluence du Pont-Euxin dans la Propontide , ils font épouvantés par une roche blanche qui s'éleve prefqu'a fleur d'eau du cóté de Calcédoine, & que fe rejettant vers Byfance , on y fait une pêche abondante. Ils font très-communs dans toure la Méditérannée, & on en prend fur toutes les cótes. II y a fur celles de Provence une pêcherie connue fous le nom de madrague, deftinée expres a les arréter. Les pélamides ont 'été recherchés de tout tems comme E vj  108 MffiURS DE LA GrÈCE, les plus délicats; dans les thons adultes, la partie la meilleure a manger fraiche , eft la poitrine; on fait cuire le refte , on le marine dans 1'huile, & on le tranfporte partout. Sa chair reiïemble beaucoup a celle du veau j Pline dit qu'ils ne vivent pas aulft long-tems que les autres póiflbns. Les Siciliens étant ceux de tous les peupies qui ont confervé le plus d'ufages des anciens Grecs, & qui leur reiTemblent le plus, je vais rapporter d'après le voyage de M. Bridone en Sicile & a Malthe (torn. 2, P- 259 )> ce qu'il dit de la maniere dont ils pêchent aétuellement le thon, & dont il a été le témoin. « La pêche du thon eft » 1'un des plus grands amufemens des Si33 ciliens pendant 1'été : la falaifon & 1'en33 voi qu'ils font a 1'étranger de ce poilfon, '33 eft une des premières branches de leur 33.commerce. Ce poilfon ne paroit dans les 33 mers de Sicile que fur la fin de Mai. C'eft •3 alors qu'on prépare les tonnaros pour les 33 recevoir : c'eft une efpece de chateau 33 aquatique conftruit a grands frais de filets 33 ttès-forts, attachés au fond de la mer par 3» des ancres & des morceaux de plomb 3) très-pefans.... On place toujours ces ton-  Lettre XV. 109 » naros dans les paffages au milieu des ro» chers & des ifles que le thon fréquente 33 davantage. On a foin d et? fermer pref» qu'enriérement l'entrée avec des filets : on » n'y laiffe qu'une petite ouverture qui eft 33 appellée la porte extérieure du tonnaro. 33 Elle conduit dans la première chambre, 33 ou comme ils la nomment, dans la falie. 33 Dès que le poiffon y eft entré, les pê33 cheurs qui font en fentinelle dans leur 33 bateau , ferment cette porte extérieure 33 en laiffant tomber un petit filet, ce qui 33 empêche le thon de pouvoir fortir. Ils ou33 vrent alors la porte intérieure de la falie, os qui donne dans une autre enceinte qu'ils 33 appellent 1'anti-chambre. La porte inté33 rieure de la falie fe referme, & on rouvre 331'extérieure pour y admettre une plus 33 grande quantité de poiflbns. Quelques 33 tonnaros ont beaucoup de chambres dif33 férentes qui ont divers tioms, le fallon, 33 la falie a manger, &c. mais la derniere 33 eft toujours appellée la chambre de la os mort; elle eft compofée de filets plus 33 forts, & dancres plus pefantes que les 33 autres... Dès qu'on a raffemblé une quan33 tité fuffifante de thons, on les chafie de  iiö Mceurs De la Grèce, *> toutes les autres chambres dans celles-ci', 33 & alors le malTacre commence. Les pê33 cheurs, & quelquefois auffi les fpectateuts 33 armés d'une piqué ou d'un harpon attaquent 33 de tous cótés le pauvre animal qui eft 33 fans défenfe, & qui fe livrant au défef33p0ir, frappe 1'eau & les bateaux avec 33 beaucoup de force, & fe tue quelque33 fois lui-même contre les rochers ou les »3 ancres 33." (2) Un énorme chameau, &c. Cet accident étoit commun aux pêcheurs, & fervoit de comparaifon a ceux qui prenoient des peines inutiles pour parvenir a un but. Lucien 1'empioie dans le dialogue qui a pour titre, 1''Hermotime , ou des Sectes. k Souvent nous nous fommes trompés , lors 33 meme que nous croyons être arrivés h 33 la connoilfance de quelque vérité. Sem33 blables aux pêcheurs qui après avoir jetté 33 leurs filets', les fentant d'un grand poids, 33 croyent avoir pris quantité de poiflbns, 33 & trouvent que ce ne font que des pierres 33 ou des vailfeaux de terre commune rem33 plis de fable : ainfi après avoir examiné 33 toutes les feétes, on ne peut favoir encore  Lettre XVI. tvl •» fi la vérité n'eft pas toute autre chofe que 33 ce qu'elles enfeignent LETTRE XVI. AmNION a PHI ZO m O SCH U S. U N E grêle afFreufe vient de ravager nos moiflbns, & je ne vois aucun remede a la famine dont nous fommes menacés. II ne m'eft pas poffible d'acheter des grains étrangers (i) ; 1'argent me manque. On dit qu'il vous refte encore en abondance des bleds de la derniere récolte ; ainfi prêtez- m'en vingt boiffeaux, qui puilTent me faire fublïiter avec ma femme & mes enfans. Pour peu que la récolte prochaine fok bonne , j'aurai de quoi vous rendre ce que vous m'aurez prêté, & même audela , fi elle eft abondante (2) : vous êtes trop honnête pour laiffer périr vos bons voifins dans les horreurs d'une indigence extreme.  in Mceurs de la Grèce3 N O T E S. (1) Des grains étrangers, précepte que donne le poëte Hélïode: En riant même ayec ton propre frere, D'y ajouter un témoin ne differe »de quoi 1'autre s'ébahilfant ; comment  Lettre XVL 113 *■> donc, dit-il, Perféus, ainfi juridiquement? sj Oui, répondit Perféus, afin que je le retire 33 de toi amiablement, tk que je ne te le 53 redemande pas juridiquement 33. A en juger par les traités de morale que les auteurs grecs nous ont laiifés, il parolt que ces peuples contraétoient aifément des eraprunts. La plupart étoient pauvres, pareffeux tk vains, pour ne rien faire bk avoir au moins 1'air de 1'aifance, ils avoient recours aux emprunts. Plutarque, que je cite toujours avec plaifir lorfqu'il eft queftion de regies de conduite , dit a ce fujet au Traité Qu'il ne faut point emprunter d ttfure, ff. 6: « Tu ne peux pas porter la 33 pauvreté , & tu te vas encore furcharger 3> d'un ufurier, qui eft un fardeau infup33 portable a celui même qui a bien de quoi. 33 De quoi voulez-vous donc que je vive? 33 Demandes-tu cela, ayant des mains, 33 ayant des pieds, ayant la voix , brief, 33 étant homme, de qui le propre eft d'aimer 33 tk d'être aimé, faire plaifir & en recesj voir? Ne peux-tu pas enfeigner les lettres, 33 conduire de jeunes enfans, garder une 33 porte, voyager fur mer, fervir en un na33 vire? II n'y a rien en tout cela qui foit  ii4 Mceurs de la Grèce, 4j plus honteux & plus facheux a faire que » dmiin paye-mois rends-moi mon arjo gent ». Un ufage affez récent dont j ai été témoin , pourroit juftifier la demande d'Amnion. J'ai vu un canton du Bergamafque ravagé par la gréle k la veille de la moiflbn, & les gens de la campagne auflï tranquilles que s'ils eulTent eu une bonne récolte a faire. Je les plaignois du malheur qui venoit de leur arriver ; ils me répondirent que leurs voifins leur prêtetoient du grain pour palfer 1'année, & qu'ils le rendroient après la récolte fuivante. Mais les plaines de Lombardie font de la plus grande fertilité, elles fourniffent infintment plus que le pays ne peut confommer, & dans le tems dont je parle, il étoit rare que Ton en exportat des grains; ainfi les emprunteurs étoient comme affurés d'avoir toutes les facilités de fe libérer 1'année fuivante. Les terres de 1'Attique n'étoient pas d'un rapport auffi certain , rarement fournilfoient-ellesi dans les meilleures années de quoi nourrir leurs habitans; & le grec ne pouvoit alfurer 1'emprunt qu'il demandoit, que fur 1'efpérance.  LETTRE XVII. EuSTOLE 4 E LAT I O N. La terre eft trop ingrate , elle ne répond pas a mes travaux ; je prends le parti de chercher fur la mer & a travers les flots un fort plus heureux (i). Le tems de la vie, le moment de la mort font fixés par les deftins: il n'eft pas poflible de fe fouftraire au terme fatal, quand même on ne fortiroit pas de fa cabane. Le dernier jour approche, & la deftinée eft inévitabie, quelques précautions que 1'on prenne (z). Ce n'eft donc pas ce qui met de la difterence dans 1'état des hommes; il ne faut en chercher la caufe que dans ks viciffitudes de la fortune. Ne voyons-nous pas tous les jours des gens de mer vivre long,-g-ems, tandis que la carrière de la plupart de ceux qui ne quittent pas la terre eft trèscourte. Perfuadé, par 1'expérience, de cette vérité, je vais effayer de la navigation,  iï6 Mceurs de la Grèce, & m'abandonner a la merci des vents tM des flots. Ne fera-t-il pas plus avantageux pour moi de revenir du Bofphore ou de la Propontide (3), avec les richefles que me procureront mon courage & mon induftrie, que de refter attaché aux champs de 1'Attique , a lutter fans ceffe contre la faim & toutes les miferes de 1'indigence! NO T E S. (1) La terre eft trop ingrate. Toutes les profeflions peuvent être confidérées fous difrens afpecïs. On a vu plus haut (Let. 3) un pêcheur renoncer a la mer pour fe livrer aux travaux paifibles de ragriculture : ici c'eft un cultivateur qui ne retirant pas a fon gré de la culture de fes champs de quoi mener une vie commode, vent courir les hafards de la mer. Voici quelques-unes des plaintes que les anciens poëtes comiques grecs mettent dans la bouche des laboureurS' de leurs tems. ce j'ai, dit 1'un, un champ qui 33 me tient lieu de médecin , il me met a la » diete des malades, il me rend a peine  Lettre XVII. ivj » quelques denrées, & du vin autant qu'il 33 en faut pdur cuire les herbages dont je sjje me nourris. Et quelle nourriture! fou» vent plus dure a digérer que des cailloux • j'ofe a peine la prendre; dans la foibleffe »' oü je fuis, je crains qu'elle ne m'étoufte m par fon poids Le laboureur, dit 1'au- =3 tre } n'eft jamais riche qu'en efpérance. n Je laboure, .je féme avec foin , je n'épar•» gne rien pour faire de bonnes réeoltes; 35 mon champ recoit tout & ne rend rien : 33 j'avois femé vingt mines d'orge, & je 33 n'en ai pas recueilli treize 3>. Stobée, Serm. 25 de Agricuhura. Le philofophe Favorin, cité par Stobée ( ubi fup.) rapporte qu'un jeune homme, livré aüx plaifirs de 1'amour, fut forcé par fon pere de les quitter, pour s'appliquer aux travaux de 1'agriculture. Ce métier lui parut fi ennuyeux après en avoir eiïayé quelque tems, qu'il ne vit pas de meilleur moyen pour s'en déiivrer,que de fe pendre, ce qu'il exécuta après avoir laifle par écrit les raifons de fa conduite. « Les travaux 33 de 1'agriculture font infinis, difoit-il, ils 33 font interminables. On féme pour moif» fonner, on moifibnne pour femer; c'eft  iiS Miurs de la Grèce, »i un cercle d'embarras d ou Ton ne peut » efpérer de fortir que par la voie que je « prends Le fple'en étoit donc la maladie de quelques athéniens, comme elle 1'eft «ncore de quantité d'anglo:i, Sc même de quelques-uns de leu:s vojfins, qui veulent les imiter en tout, jufque dans la folie la. plus confommée. (2) Le dernier jour approche, &c. C'eft ce que dit le fublifne Pindare dans la première olympique. « Dès qu il faut mounr, » pourquoi voit-on des hommes attendre « la trifte vieillefle dans une ignoble obfcu- rité, fans ofer rien faire, rien entreprendre „ d'honnête Sc de elorieux Peut-être fera- t-on étonné d'entendre parler après le prince des lyriques grecs, les negres du Congoj mais leurs idéés fur la mort ont une ble fimplicité qui ne les rend que plus dignes d'être comparées a celles des Grecs. lis prétendent qu'il importe peu de favoir oomment ontvécu les morts , que fefientiel eft que les vivans foient gens de bien. lis ne comptent pour rien le nombre de leurs années, ce feroit, clifent-ils, fe charger la mémoire d'un calcul inutile, puifquil nero?  L E T T R E XVII, lïf -pêche pas de mourir, & qU'il ne donne aucune lumiere fur le terme de la vie. Ils envifagent la mort comme un principe vers lequel on s'avance les yeux bandés, en forte qu'il ne fert de rien de compter fes pas , puifqu'on ne fauroit ni s'apperceVoir quand on approche du dernier, ni le pré- voii' Hifioire de Loango & autres royau- mes d'Afrique, in-12 , Paris, i776. Cette forte de philofophie africaine , bien loin de porter les négres a être entreprenans , ne fert qua les attacher davantage a une indolente parelfe dans laquelle ils font conlifter tout leur bien-être, & qui eft fans doute le principe de la douceur de caractère qu'on leur attribue. (l) Revenir du Bofphore , &c. On voiï que les courfes du nouveau navigateur ne devoient pas s'étendre bien loin, quoique le nom iïEufiole qu'on lui donne , réponde a celui Sentreprenant. Ses nouvelles efpérances étoient fondées fur les avantages qu'il comptoit retirer de la piraterie qu'il fe difpofoit a exercer dans les mers les plus voifines de la Grèce. C'étoit la reffource :deceux qui vouloient vivre dans 1'aifance.,  HO MoETJRS DE LA GrÈCS, fans être aftreints aux travaux continueht qu'exige la culture des terres 5 comme c'eft encore celle des Grecs de nos jours, qui ne polfédant rien en propriété, ne connoiffent que les antres des rochers & les retraites ignorées , ou ils jouiflent entr'eux des vols qu'ils font fur mer ou fur les cótes, & prefque toujours au péril de leur vie. LETTRE XVIII. 'AGELARCH IDE d PVTHOLAS. QüELLE pefte dans une ville que les ufuriers ! Mon delTein étoit , cher ami, d'acheter une métairie a Colone (r). Ayant befoin dargent pour cela, je devois m'adreffer a vous ou a quelqu'autre de nos voifins de campagne : mais une fatale deftinée m'a fait prendre un tout autre parti. Je rn en fuis rapporté a un habitant de la ville qui m'a conduit a la place de Mars (2). J'y ai trouvé un vieillard (3) qui n'avoit que la peau Sc les os, dont les  Êj E f t' Jt Jï XVI II. til les regards renfrognés annoncoient 1'inquiétude & la mauvaife humeur. II tenoit un vieux parchemin moiii, a démi rongé des teignes , qu'il confultoit fur Ie taux de quelques intéréts qu'il craignoit de perdre. A peine daignoit-il ouvrir la bouche, ne voulant pas fans doute employer inutilement le moment oü il me parleroit. Mais fon courtier lui ayant dit que favois befoin dargent ; de combien de talcns , a-t-il demandé ? S'appercevant que fa queftion m'étonnoit, fon dédain a augmenté, & il paroiifoit même offenfé de ce que je le détournois pour un moindre objet. Cependant il tenoit déja une obligation toute drelfée ; il demandoit ma reconnoiffance, & outre Ia fomme principale, de gros intéréts (4) tk que je lui engageaife tous mes biens, cela pour un mois feulement: car ce terme paffe, il eut faiiu renouveller fengagement & contracber fur nouveaux frais. Quelle race odieufe que ces hommes qui ne s'occupent que de calculs ufuraires, qui Tome HL F  in Mceurs de la Grèce, comptent fans ceffe fur leurs doigts ( 5 ) t Divinités tutélaires des paifibles Rabitans de la campagne , préfervez-moi de la vue du loup Sc de celle d'un ufurier (6). N O T E S. (1) A Colonz. Le lieu dont il eft ici fait mention , eft le Colonos Hyppïos, fauxbourg de 1'ancienne Athènes, a 1'orient & au-deflbus du Pécile ou portique de 1'académie. On y voit encore des reftes des Pylce Hyppadis , ou de la porre aux chevaux, ainfi appellée paree qu'on tenoit dans ce quartier beaucoup de chevaux de louage. Le terriroire de ce fauxbourg a confervé tout 1'agrément qu'il avoit anciennement 5 il eft fertile & dans une pofition riante. Il y avoit autrefois quatre temples remarquables, confacrés a Neptune , Vénus, Prométhée & les Euménides. C'eft dans ce dernier que fe réfugia le malheureux (Edipe, lorfque déchiré des remords de fon parricide' & du mariage inceftueux qu'il avoit fait, il vint fe mettre a la merci des Athéniens qui le recurent très-humainement. Lc  L £ T T Jt £ XVIII. MJ -poete Sophocle étoit né dans le bourg de Colone : il donna un nouveau reliëf a fa patrie , par la belle tragédie dv(Edipe a Colone, que lbn regarde comme fon chefd'oeuvre. II y avoit un autre quartier d'Athènes auffi appellë Colone, Colonos Myfthios, ou s'aifembloient les ouvriers & les mercenaires qui travailloient a la journée pour le public. (%) La place de Mars. On lit dans Ie texte, d la porte de Manlus, rok M^t/k flujaf. Bergler foup^nne avec raifon que le nom de Martius eft corrompu, paree que ce n'eft pas un mot grec; j'ajoute a cela que les ufuriers ou prêteurs qui exercoient publiquement leur métier, ne tenoient pas ordinairement dans leurs maifons les bureaux ou comptoirs oü ils traitoient avec ceux qui empruntoient, mais dans quelque place publique oü 1'on étoit sur de les trouver. Ainfi j'ai préféré dans ma traduéhon d'employer le terme de portique de Mars a la place de celui de porte de Manlus , paree qu'il eft vraifemblable que les prêteurs fe placoient a portée des endroits oii fe faifoit leplus grand concours du peuple, Fi/  i24 Mceurs de la Grèce, dans le voiiïnage des tribunaux de juftice, oü ils pouvoient actionner leurs débiteurs. Or le temple de Mars étoit fort prés des édifices deftinés a tenir les différens tribunaux d'Athènes, a cóté des batimens oii s'aifembloient les pritanes. Telles font les caufes qui m'ont déterminé a ce changement ; j'ai cru pouvoir 1'appuyer encore fur ce que dit Plutarque ( Traité qu'il ne faut point emprunter, &c. ff. 4). «e Ces malheusj reux ufuriers font du palais oü fe rend Ia M juftice , un enfer pour les pauvres débi33 teurs , les plumant 2: dévorant jufqu'aux 33 os, a coups de bec tk de griffes 33, &c. ( i ) J'y a 'L trouvé un vieillard. Les ufuriers de ce tems exercoient leur profeflion auffi publiquement que les banquiers font aétuellement la leur. Mais ils ne favoient pas jouir de leur fortune : ils n'étoient heureux, dit Lucien ( Dialogue du Tyrari), que par le bout des doigts dont ils comptoient leurs écus. Leur air pale tk défait annoncoit 1'avarice qui les dominoit, tk 1'inquiétude dont ils étoient rongés. Ils craignoient toujours que 1'emprunteur ne difparüt, tk n'emportat les intéréts tk le principal. Voici  L E T t R £ XV1I1. 11$ Comment Démofthène les fait parler: ( Ofat, contra Dionyfodor. ) « Celui qui prend a 33 ufure jouit d'un fort plus favorable que 33 nous qui prêtons; il recoit de 1'argent 33 bien réel Sc bien comptant: il nous en 33 lailTe la reconnoiffance fur une feuille 33 qui lui coüre au plus deux deniers, par 33 laquelle il promet de fatisfaire a fes on33 gagemens: nous ne promettons pas de 33 préter, mais nous livrons bien réellement 33 & fur le champ notre argent a celui qui 3» qui le prend a intérêt Ces ufuriers 33 auxqüels les jeunes diflipateurs avoient 33 fans ceffe recours, étoient 1'objet conti33 nuel des farcafmes des poëtes, 8* de tous 33 ceux qui n'avoient aucune affaire avec 33 eux. Divertiffez-vous , dit 1'Anthologie, 33 (/. i.) a prendre de 1'argent a intérêt, 33 ne comptez jamais avec vous-mêmes, laif33 fez les calculs inquiétans aux ufuriers qui 33 font fans ceffe occupés a fupputer avec 33 leurs doigts 33. (4) Be gros intéréts. Sans doute le dou'iiéme fur cent par mois de la fomme principale 5 c'eft la plus forte ufure qui ait été tolérée chez les Grecs & les Romains. La F iij  m6 Mceurs de la Grèce,,, forme de procéder des ufuriers eft bien d«> crite dans cette Lettre. II y avoit un tribunal a. Athènes appellé Zètéta, ou les créanciers pourfuivoient les débiteurs qui n'avoient pas payé les intéréts Sc le principal a 1'échéance, ou ceux appellés reliquatores qui en devoient partie. Comme les ufuriers prétendoient exercer leur aftion: fur le corps même des débiteurs, Sc les réduire en efclavage, il y eut des loix qui défendirent eet abus inhumain ; mais elles n'empêcherent pas les traitemens odieux Sc barbares auxquels les malheureux emprunteurs étoient expofés tant qu'ils étoient au pouvoir de leurs créanciers. Agis IV, roi de Sparte , qui entreprit de faire revivreles inftitutions de Licurgue , Sc qui avoit 1'averfion la plus forte contre tous les ufuriers , fit brüler un jour dans la place publique leurs tables & leurs livres , & c'étoic le plus beau feu, difoit Agéfilas, que 1'on eüt jamais allumé. Voyez Alex* ab ALex. dies gertial. lib. 1 , c. j. (j) Qui comptent fans ceffe. Dion-Chryfoftóme, parlant d'un avare, dit qu'il retnuoit fans ceffe les doigts, comptant fes  L £ T T R £ XV111. 127 ticheffes ou celles d'autrui. C'eft la première facon de compter qui aitété en ufage. Avant que les différens calculs arithmétiques ne fuflent inventés, dit Lucien '( Dialogue des lettres de Valphabet ) on ne comptoit que par fes doigts, dont chacun faifoit un. Pour marquer cinq, on montroit le pouce avec le doigt qui le fint, qui font entr'eux une efpece de V. Si bien que deux V 1'un fur 1'autre faifoient dix , & c'eft de-la qu'eft venue 1'X. .On peut citer quantité d'exemples anciens de 1'habitude générale de compter fur les doigts. Hérodote (liv. 6) raconte qu'un domeftique étant venu annoncer a Ariflon, roi de Sparte, qui fiégeoit dans ce moment parmi les éphores, dans la falie deftinée a leurs aflémblées, que fa femr.ie étoit accouchée, le bon roi fe mit a compter fur fes doigts, & trouvant qu'il n'y avoit pas dix mois qu'il étoit marié, il dit tout haut, & même avec ferment, que 1'enfant n'étoit pas de lui. II avoit peut-étre fes raifons pour fe défier de la fidélité de fon époufe, paree qu'ayant déja été marié deux fois, & n'ayant point eu d'enfans de fes deux premières femmes, il les avoit répudiées, & avoit en quelque facon contraint F iv  nzS Mceurs de ea Grèce,. fon ami Agète a lui céder la fienne. Les éphores ne firent 'pas grande attention a ce propos indifcret d'Arifton; mais dans la fuite il caufa de grands embarras a Démarate fon fils , le même qu'il avoit jute n'être pas de lui, lorfqu'on lui en annonca la naiifance , quand il fut queftion de fueeéder au tróne de Spatte. On peut voir tout le détail de cette aventure dans le livr,e d'Hérodote que j'ai cité. (<5) Préferve^-moi de la vue du loup. Les* loups ont été de tous temsYobje'f 'de 1'averfion des hommes, a 1'exception de ces anciens Scythes, qui, au rapport des Grecs qui avoient habité parmi eux, étoient tous les aris changés en loups pour quelques jours, & reprenoient enfuite la forme hurnainej ce que les Grecs affirmoient avec fermeüï, & ce quHérodete (liv. 4 ) aiTure qu'il ne croyoit pas pour cela. Les Athéniens fembloient s'intérelfer plus quaucun autre peuple a la deftruction de ces animaux cruels & malfaifans. La loi ordonnoit de les détruire. Celui qui avoit tué un jeune loup, recevoit du tréfor public un talent, & le doublé fi c'étoit un vieux; c'eft ainfi que  Lettre XVIII. 129 ïexprime 1'ancien fcholiafte d'Ariftophane , fur la comédie des Oifeaux. Ils donnoienï a Apollon la qualité de lycoctone , ou tueur de loup , furnom honorable, fuivant Plutarque, paree qu'il faut de la prudence, de la hardiefie tk du courage pour attaquer & vaincre un animal auffi féroce tk auflï rufé. II montre a cc fujet combien la chaffe eft plus noble que la pêche , relativement aux animaux que 1'on doit vaincre ou forcer a. fe rendre, comparés aux poiflbns ftupides tk fans défenfe. En Egypte, oü tous les animaux étoient réputés comme facrés, on fe contentoit d'enterrer les loups oü on les trouvoit; mais leur mort n'étoit pas regardée comme un ma*lheur, tk elle n'occalïonnoit &ucun deuil comme il arrivoit a la mort des chiens tk des chats. Voyez Hérodoce , liv. 2. Fv  ijo Mceurs de la Grèce, LETTRE XIX. Evagre a Philotére. L A circonftance paroiflbit f'avorable ; les poiflbns fe préfentoient en abondance , j'avois détendu mes filets , paree qu'ils étoient hors de fervice. Je ne favois a quoi me déterminer. Enfin il m'eft venu en idéé d'aller trouver 1'ufurier Chrèmes, & d'emprunter de lui quatre écus, lui engageant ma barque pour füreté de la fomme. J'ai cru cette réfolution digne de la prudence de Sifiphe (r); cela' a été auflï-tbt fait que dit. Le fee , 1'avare Chrèmes , dont le regard toujours fombre a quelque chofe d'atroce, a fans doute été féduit par 1'efpérance de s approprier ma nacelle. Son front s'eft déridé ; 1'auftérité, la triftefle qui obfeurciflent d'habitude fa phyfionomie, ont femblé difparoïtre : fes traits fe font adoucis; je crois même qu'il  Lettre XIX. 131 a iburi en m'alTurant qu'il étoit clifpofé a faire tout ce que je demandois. Qui n'auroit pas admiré ce changement fubit ! II ne témoignoit que de bonnes intentions; mais qu'il falloit peu fe fier a ces apparences d'humaniré! A peine le terme prefix a-t-il été arrivé, qu'il a fallu rendre le principal & les intéréts ; il ne m'a pas accordé une heure de délai (2). A cette impatience avide, j'ai reconnu mon Chrèmes le phlïien (3), qui tient fon bureau a la porte Diomée ; qui toujours armé d'un baton noueux, reiTemble a un ennemi déclaté du genre humain, tel qu'il 1'eft en effet; car il alloit s'emparer de ma barque dans le moment même. Réduit a cette extrémité, je n'ai imaginé d'autre reffource que d'aller promptement chez moi, d'y prendre la chaine d'or que dans des tems plus heureux j'avois donnée a ma femme pour lui fervir de collier. C'eft. malgré moi que je 1'en ai privée, & que je 1'ai vendae a Pafeon le changeur. II F vj  132 Mceurs de la Grèce, me l'a payée; fur le champ j'ai rembourfe' Chrèmes, & je mc luis délivré de fes ponrfuites. J'en ai fait le ferment, je ne le violerai pas •, jamais je ne m'adrefferai a aucun des ufuriers d'Athènes, fuffé-je réduit aux extrêmités de la faim. II vaut mieux périr avec honneur, que de fe mettre dans la dépendance de ces vieillards vils & intéreffés qui ne connoiiTent d'autre dieu que 1'argent. N O T E S. (i ) La prudence de Sifiphe. Trés-ancien proverbe grec , dont on trouve 1'origine dans la perfonne & la conduite de Sifiphe, un des premiers rois de Corinthe , par le choix que fit de lui Médée, après que Jafon, dégoüté d'eüe, 1'eüt abandonné pour fe retiret a Yolchos. Sifiphe vivoit donc dans les tems héroïques, & dok avoir été contemporain d'Hercule. Sa réputation de prudence vient de ce qu'Homère a dit de lui ( Wad. liv. 6 ), que ce fut le plus fage tk le plus prudent des mortels. Mais comme  Ij E T T & E XIX. IjJ 1c mot kerdifios fignifie auffi fin & rufé , la prudence de Sifiphe a fouvent été regardee comme fïneflë , & ce qui a encore contribué a foutenir cette idéé, c'eft qu'Ulylfe , le plus fin & fouvent le plus fourbe des Grecs, prétendoit defcendre de Sifiphe, (Erafm. adag..25, cem. 7, chil. 3.) II eft evident qu'Homère n'a parlé de Sifiphe que comme d'un prince prudent & fage, & ce qui eft a 1'avantage de fa mémoire , c'eft qu'il a confervé conftamment la paix dans fes états, malgré les troubles qui défoloient les pays voifins. La fable dit qu'il eft fans ceffe occupé dans les enfers a rouler un caillou du bas d'une montagne en haut, oü il n'eft pas plutót arrivé, que le caillou roule de haut en bas, ce qui 1'oblige de recommencer. Ce chatiment lui fut infligé par Jupitet, paree qu'il découvrit au fleuve Afope qui cherchoit fa fille Egine, qu'elle avoit été enlevée par Jupiter. Ce prince fi prudent ne craignit pas de trahir le fecret du maïtre des dieux. Mais ce fut, dit-on , par un motif utile .pour fes états, a condition que le fleuve lui donneroit de 1'eau pour la citadelle de Corinthe qui en manquoit. C'eft ce que nous apprend Paufa-  134 Mceurs de la Grèce, nias (liv. 2, chap. 3 & 5). La pofition de la riviere d'Afope dans le Péloponnèfe, que 1'on appelle aujourd'hui Arhon , tk qui fe décharge dans le golfe de Corinthe, donne une idéé de 1'origine de cette fable. (1) Il ne m'a pas accbrde' une heuxt de de'lai. Cette lettre va bien a la fuite de la précéJente ; elle ajoute de nouveaux traits a la peinture des ufuriers grecs. II y a trente fiecles au moins que tous les peuples de la terre reprochent aux Hébreux leur inclination infurmontable pour 1'ufure, tk ces reproches ont toujours été fondés. Mais on voit qu'ils n'étoient pas les feuls fur qui ils tombalfent. L'ufure n'étoit pas moins forte & moins cruelle chez les Egyptiens tk la plupart des Indiens orientaux que chez les Grecs. Que 1'on en juge par une de leurs loix pénales. Le fnnple vol n'étoit puni que par la reftitution du doublé de ce que le voleur avoit pris; mais 1'ufurier qui avoit excédé le taux fixé, tk qui en étoit convaincu, payoit le quadruple. Actuellement encore, chez quelques nations policées des Indes , les créanciers exercent fur leurs débiteurs toutes les cruautés, tous  Lettre XIX. 135 les traitemens barbares tk infames que 1'on a reprochés, fur-tout aux Romains. J'ai déja remarqué qu'a Athènes, ainfi qu'a "Rome, on rendoit chaque mois la fomme principale & les intéréts, quelquefois a un pour cent. Ce taux fut long-tems permis a Rome, il avoit été fixé par la loi des douze tables. Enfuite les tribuns demanderent qu'il fut réduit a un demi pour cent, puis a un tiers. Ces réduftions diminuerent beaucoup les gains des ufuriers, qui reiferrerent leur argent. Les fils de familie faifoient avec eux des marchés fecrets tk ruineux , ce qui donna lieu au fénatus-confulte qui déclaroit nulle toute action d'un ufurier contre un fils de familie fous puiifance patemelle, & la fomme qu'il avoit prétée , perdue. En vain Solon avoit établi a Athènes le tribunal dont j'ai déja parlé ( note 3 fur la Lettre pre'ce'd. ) pour connoure des dirférens entre les ufuriers & les débiteurs , régler le tems des payemens, & le raux des intéréts. La plupart des débiteurs n'ofoient y avoir recours, dans la crainte de ne pas trouver la refiburcc de 1'emprunt lorfqu'elle leur feroit indifpenfable. En général, les loix contre 1'ufure n'ont jamais eu moins de  t^é Mceurs de la Gréce, vigueur que dans les fiecles & les états ou le luxe étoit le plus répandu. Le tribun Sulpicius prétendit borner les emprunts a Rome, en portant une loi qui défendoit a toute perfonne de 1'ordre des fénateurs, d'emprunter plus de deux mille drachmes , & il fe trouva a fa mort qu'il s'étoit obligé pour plus de trois millions. ( 3 ) Le ptilïien , de Phlia, bourg du pays d'Argos, dans le Péloponnèfe , a ving-cinq milles de Nauplia, aujourd'hui Napoli. LETTRE XX. "Vou l ant effayer fi mes jeunes chiens étoient fermes a la courfe, j'ai fait lever, fans le vouloir, un lievre gïté dans une pépiniere. Mes fils ont auffi - tot décou'plé, les chiens alloient bien enfemble & donnoient également de voix. Le liévre fuyant devant eux , ayant firanchi un petit tertre, s'eft mis a couvert dans un trou de ioche - (i). Le plus alerte des chiens, qui  L £ t t r e X X. ' tff étoit au moment de le gueuler, s'eft jetfé avec lui dans le trou. II y a faifi le lievre, 6c' cherchanta fortiren 1'entraïnant avec lui, il s'eft cafle une patte. Cet effai, fi beau en apparence, ne m'a produit qu'an excellent chien boiteux, & un liévre dévoré en partie. J'elpérois tirer quelqu'avantage de la tentative , & vous voyez comme elle m'a pen réuffi. NO TE. (1) Le 'lièvre fuyant, &c. Xénophon,dans le Cynégétique, ou Traité de la Chaffe , prétend que les liévres, par Faifance qu'ils ont de fuir fans peine en montant, fe tirent aifément d'affaire ; mais que n'ayant pas le même avantage en courant de haut en bas , ils cherchent a s'échapper & a fe mettre a couvert a la première occafion qui fe préfente de fe dérober au^ chiens. On lit dans ï'Hiftoire Naturelle du Cabinet du Roi, tome XIII, qu'en général le liévre ne manquepas d'inftinct pour fa propre confervation, ni de fagacité pour échapper a  138 MceuesdelaGrèce* fes ennemis. La chaffe du liévre , y eft—il dit , eft ramufement tk fouvent la feule' occupation des gens oiiifs de la campagne : comme elle fe fait fans appareil & fans dépenfe, & qu'elle eft même utile, elle convient a tout le monde. On auroit pu ajouter que fa convenance ne la rend pas permiie a tout le monde. Dans la defcription du liévre , même tome, il eft dit: la longueur des jambes de derrière (du lievre) marqué la facilité avec laquelle il is'élance en avant. Comme celles de devant font plus ccurtes, c'eft la caufe du défavantage de ces animaux a courir de haut en bas.  *99 LETTRE XXL I O P H O N a E R A S T O N. Pkrisse a jamais le dételïable coq qui par fes cris percans m'a éveillé fi mal-apropos lorfque j'étois occupé du fonge le plus gracieux. Il me fembloit > mon cher voifin (i), que j'étois parvenu a 1'état le plus diftingué, & que je jouifiois de la plus heureufe opulence. Une troupe d'eficlaves me fuivoit; j'avois a mes ordres des intendans, des maïtres-d'hótel, des gens d'affaires, de toutes fortes. Mes doigts étoient chargés d'une multitude d'anneaux & de pierres précieufes du plus grand prix (z). Les callofités de mes mains avoient difparu ; il ne me fembloit pas que jamais j'euffe manié le hoyau. Grand nombre de flatteurs cherchoient a m'aborder avec 1'air de l'empreiTement & du refpect; j'y difiinguois des GrylÜons & des  lip Mceurs de la Grèce, Pérécions (3). Je me fuis préfenté au" théatre ; tout le peuple d'Athènes m'a comblé d'applaudilTemens; on parloit déja de me mettre a la tête de la répubiique: on alloit aux voix; les fuffrages fe réunif- foienf Le maudj| coq a chanté (4), route ma grandeur s'eft évanouie, & je me fins éveillé encore pénétré de la douce fatisfa&ion que m'avoit procutée ce rêve. Mais ayant fait réflexion que nous étions dans le tems de la chüte des feuilles (5), j'ai reconnu que jamais les fonges n'étoient plus illufoires que dans cette faifon. N O T E S. ( 1 ) II ma fembloit, &c. Cette Lettre d'Alciphron, & le Dialogue de Lucien , intitulé le Songe ou le Coq , ont tant de reifemblance , que néceifairement 1'un a fervi de modele a 1'autre. Peut-être encore les deux rhéteurs ont-ils puifé a la même fource, & ont préfenté la même idéé chacun a leur facon. Ce qui me paroit le plus vraifem-  Lettre XXL 141 blable , c'eft qu Alciphron n'a point cherché 3 irniter Lucien. Sa maniere de peindr» les objets eft la même dans cette Lettre que dans les autres; elle tient du laconifme antique : il ne dit que ce qu'il faut dire, & ne rebat pas deux fois la même . J'ai cité ce paffage de Lucien, pour que 1'on compare fa maniere avec celle d'Alciphron. (y) Au tems de la chüte des feuilles , &c. Plutarque, livre J, des Propos de tahle , queftion io, fait dire a un de fes interlo-  Lettre XXII. 14$ cuteurs que 1'automne étant comme la vieilleffe de 1'année achevant fa révolution , elle rend les corps difpofés aux maladies. Or il eft néceifaire que 1'ame compatilfe aux indifpolïtions du corps & s'en relfente; que les efprirs vitaux plus grofliers circulent moins librement, & que la vertu divinatrice s'oftufque & fe terniffe , de même que fa glacé d'un miroir expofée a l'aétion du brouillard, ne renvoie aucune image bien exprimée.^ LETTRE XXII. Pratinas cl é p i g o n e. JE me fuis retiré pendant la chaleur brülante du midi fous un pin touffu (1), que je favois être expofé a 1'action des vents légers qui y entretiennent la fraïcheur de 1'air. Je ne pouvois pas trouver un abri plus favorable contre 1'ardeur du foleil. Je jouilTois délicieufement de 1'avantage de cette fituation, lorfqu'il ro'eft venu en idéé d'égayer mon loifw  344 Mceurs de la Grèce, par les charmes de la mufique (i). J'ai pris ma flute, & ménageant avec art les mouvemens de ma langue & de mes levres ( 5 ), je modifiois Fair avec tant de précifion, que j'en tirois des fons qui ont dü paroïtre aux bergers des environs auffi doux que mélodieux. Pendant que_ je jouois, je me fuis appercu que toutes mes chevres, attirées par la douceur de mes chants, fe ralfembloient autour de moi, & ceiToient de brouter les builfons , paroiffant m'écouter avec autant de plaifir que d'attention. Entouré de mon troupeau, ne reiTemblois-je pas dans ce moment au fils de Calliope (4)5 Je te fais part de cette agréable aventure, paree que tu es mon ami, & que tu feras fort aife d'apprendxe que je fuis aflez heureux pour conduire un troupeau fenfible^aux agréraens de la mufique ( 5 ). JV O T E S. {1) Us pin touffu. L'efpece de pin dont  Lettre XXII. 14; dont il eft ici queftion , eft U pin pignier , dont la tige ne s'éleve pas fi haut que celle du pin de Genève , mais qui eft plus touffu , tk qui étend fes branches alfez au large pour fournir un ombrage frais aux bergers. Cet arbre réuflit très-bien dans les montagnes de tous les pays fitués a la même latitude que la Grèce. - (z)'D'égayer mon lolfir, &c. Le cheVrier Pratinas ne refpectoit pas autant le repos du dieu Pan que les anciens bergers de la Grèce, qui n'ofoient pa's jouer de la €üte vers le milieu du jour. Ils auroient redouté fa vengeance, s'ils eufTent troublc fon fommeil, dans ce tems auquel il fe fepofoit, après s'être fatigué a la chaffe toute la matinée. Pan n'étoit pas, comme quelques mythologiftes l'ont dit un roï rd'Arcadiej c étoit 1'emblême de la nature & de toutes fes produétions, ainfi que le mot pan 1'indique. La nature ne parok jamais plus tranquille que dans les jours fereins de 1'été, a 1'heure de midi, lorfque le foleil femble 1'avoir fubjuguée par l'ar-« deurj de fes rayons, tk réduite a une forte Ü'anéantiffement qui eft marqué par 1'état Tome III, G.  146 Mceurs de la Grèce, oü Te trouvent toutes fes produétions abattues & fiétries par l'aétion de la chaleur. Si ce repos apparent étoit interrompu, ce ne pouvoit être que par une température contraire a la faifon , par un mouvement de 1'air, tel qu'il fe fait fentir aux approches de la tempête. Dans ces circonftances , le vulgaire croyoit que le fommeil de Pan avoit été interrompu, & que pour s'en venger, il alloit faire fentir a la «erre & a fes habitans la rigueur de fes coups. C'eft ainfi que la fuperftition _fe plaifoit a multiplier les objets de terreur fous le poids defquels elle accabloit la multitude timide & ignorante. (3) J'ai pris ma flute, &c. Ceci eft une defcription de la manière de fe fervir de la flute a plufieurs tuyaux ou corps en ufage parmi les bergers de la Grèce. La langue & les levres appliquées légérement fur le tuyau dont il falloit tirer des fons, ne faftl foient en queique forte que fautiller de 1'un a 1'autre. Achilles-Tatius en donne la: même defcription. Amours de Leucippe, fiv. 8. \ ^4) Au fils de Calliope, Orphée, né etj,  Lettre XXII. 147 Tkrace , fils d'Apolion &,de la mufe Calliope, eut la réputation d'être poëte, devin, philolbphe & excellent joueur de luth. La douceur de fes chants charmoit les bétes. les plus féroces, mettoit en mouvement les arbres & les rochers , avoit endormi Ie Cerbe're, & adouci la févérité inexorable des dieux infernaux. ■ (5) Un troupeau fenftble , &c. De tous I les animaux domeftiques , la chevre paroit I être le plus gai. Les fabulift.es anciens & I modernes prétendent qu'elle aime la danfe j & la mufique. Dans un climat aulfi favoj rable pour les chevres , que celui de 1'Attij que, le chevrier Pratinas devoit être accoujtumé a voir fon troupeau fe ranger a Tombre jautour de lui, pendant qu'il jouoit de la Iflute. Ces animaux viennent a 1'homme vojlontiers, fe familiarifentailément, font fenjfibles aux careifes, & capables d'attache1 'ment. (Voyez l'Hifl. nat.du Cabinet du Roi, home p. ) ïls ne deviennent même pas fauivages dans les lieux inhabités. Un vaiifeau langlois ayant relaché en )6p8 , a 1'ifie de JBonavifta, laplus oriëntale de celles du CapiVerd, deux negres fe préfenterenta bord, Sc l les animaux domeftiques , la chevre paroit  148 MciURs de la Grèce, offrirent gratis aux anglois autant de boucs qu'ils en voudroient emporter. A 1'étonnement que le capitaine marqua de cette effre , les négres répondirent qu'il n'y avoit que douze perfonnes dans toute 1'ifle , que les boucs & les chevres s'y étoient multipliés jufqua devenir incommodes, & que loin de donner beaucoup de peine a les prendre, ils fuivoient les hommes avec une forte d'obftïnation, comme les animaux domeftiques. II en eft de même de 1'ifle JuanFernandès , dans la mer du fud, quoiqu'elle föit inhabitée, les chevres qui s'y font trèsmultipliées, ne font point devenues farouehes. Ce font les qualités fociales des chevres qui ont fait débiter tant d'atrocités fur le compte des bergers italiens, & qui déterminerent le trifte duc , époux & perfécüteur de la fameufe & belle Hortenfe , a défendre aux bergers de fes domaines d'avoir des ehevres dans leurs troupeaux.  149 LETTRE XXIII. I C/4 X X J C A T E S d E G O N, U'Avois tracé des lignes & creufé des ftfbfles dans la faifon la plus favorable: Jj'étois prêt a y planter de jeunes oliviers, & a les arrofer d'un courant d'eau que je ) [tirois d'un vallon voi/ïn (i). Mais une fpluie continuelle de trois jours & de trois puits a produit tant d'eau, que des torMens impétueux fe font précipités du hauc Jdes montagnes dans les vallons, entraïInant dans leur cours les terres & les fables, Jde maniere que tous mes travaux ont été licomblés. II ne paroit pas que 1'on ait iljamais remué la terre dans eet endroit; :1c eft la plaine la plus unie; ainfi j'ai bien jperdu ma peine & men tems. Serois-j« fencore aflez fou pour hafarder de noujyelles dépenfes, fur les efpérances inceritaines que pourroient me donner les tra-  ico Mceurs de la Grèce, vaux de 1'agriculture? Non, il faut eflayer d'un autre genre de vie. Car on dit que l'inconftante fortune fuit les nouvelles entreprifes qu'elle fe plait fouvent a favorifer. NOTE. (i ) Planter de jeunes oliviers, &c. Voyez fur la maniere ancienne de planter les oliviers , & fur les terreins qui leur conviennent., ce qu'en dit Varron (De re rujllca, lil\ i, cap. 4). Le feul terrein favorable a faire une plantation d'oliviers, eft, dit-il, celui qui eft tourné au vent favonlus , cu du couchant, équinoxial & bien expofé au foleil. Columelle ( Lih. de Arb. cap. 17) dit que la foiTe deftinée \ planter le jeune olivier, doit avoir quatre pieds de tpute face en quarré. C'étoit au printems, environ les calendes de Mai, que les laboureurs formoient de fon tems les plantations d'oliviers. Autrefois, dit-il, on les faifoit peu après 1'équinoxe de Mars, & il paroit que c'étoit 1'ufage des Grecs.  LETTRE XXIV. Sitalcès a En o f 1 on. I Si vous voulez refiembler a votre pere, I & lui plaite, mon cher fils, vous laifferezI la tous les vains & piles difcoureurs que I 1'on voit errer nuds pieds dans les environs I de 1'académie. lis ne fe doutent même pas des connoüTances les plus utiles a la vie. Ils font incapables de s'y livrer. lis ne favent que fe parer de grands mots plutot que de beaux feminiens, quoiqu'ils prétendent quitter la terre fur laquelle ils rampent, pour élever leurs idéés jufqu'aux cieux. .Abandonnez cette race inutile (i): venez vous livrer aux travaux de 1'agriculture. Vos peines feront récompenfées •, vous verrez vos greniers'remplis de toutes fortes de grains, & vos caves garnies de grandes cruches de vins excellens (z). Ce font-la des biens réels , & non des paroles vuides de fens. G iv  üji Mceurs de la Grèce, N O T E S. (i) As asdonnez cette race inutlle. Un honnête cultivateur réfidant a la campagne , avoit quelque raifon de parler ainfi des philofophes de profeffion. 11 ne difoit rien qui ne fiit d'accord avec la facon de penfer la plus commune. Le peuple d'Athènes ne reifembloit en rien a ce que 1'on appelle aujourd'hui peuple , foit dans les républiques, foit dans les autres états policés de 1'Europe. II fe méloit de tout, il étoit inftruit de tout. Les fpeétacles étoient pour lui des lecons continuelles de polïtique , de fciences, de belles-lettres, & furtout de cette plaifanterie attique, fi piquante & li fine. Ce que j'ai déja cité des poëtes comiques , prouve qu'ils trouvoient le moyen de parler de tout ce qui leur plaifoit dans leurs pieces, & avec laplus grande überté. II femble qu'ils euifent pris a tache de rourner les ph'ilofophes en ridicule 5 & le peuple d'Athènes, naturellement peu refpectueux pour ces êtres finguliers qui prétendoient avoir la fageffe en partage , ne devoit pas. les elUxuer beaucoup , dès qu'il  L £ T 7 R £ XXIV. I53 favoit que 1'on pouvoit potter le nom de philofophe, & douter s'il étoit jour en plein midi, ou parler fans ceffe pour ne rien dire. .Alors les prétentions philofophiques étoient difcutées publiquement, non -feulement a Athènes, mais même dans les campa»nes, fi fon s'en rapporte a ce qu'annoncent quelques-unes des Lettres d'Alciphron. On favoit donc généralemcnt que ces philofophes n'étoient pas fi oppofés entr'eux qu'ils affectoient de 1'être; que fans la vanité qu'ils avoient chacun d'être chefs de feóte, & le peu de difcernement de ceux qui étoient témoins de leurs diifentions , on auroit aifément dévoilé les artifices qu'ils employoient pour fe faire des partifans, tk fe révendiquer des droits exclufifs a la vérité , a la fageffe & a la fcience. Pour m'en tenir a leurs fyft emes généraux de phyfique, qui fervent encore de bafe a tout ce que Ton a propofé depuis, comme nouveau dans ce genre , il ne faut que les préfenter pour .reconnoitre qu'ils difoient tous la même chofe , & qu'ils ne différoient que par les termes. Anaxagoras établiifoit pour principe des chofes, 1'homéomérie ou' la convenance tk la difconvenance des parties G v  154 Mceurs de la Grèce, entr'elles. Pythagore atcribuoit tout a la con- | fonnance tk a la dilfonance; Empedocles, 1 a I'amitié tk a la haine , a la guerre & a la paix , a raflbciation tk la diifociation des élémens. L'un vouloit que la pefanteur ; fit tout ; un autre regardoit les forces centripétes comme 1'agent principal ; un I troifiéme difoit la même chofe fous le I nom de 1'amour du centre; un quatriéme ' avoit recours a. la fuite de la circonférence, ou a la force centrifuge. Que Ton pefe bien ces termes : y a-t-il quelque difference d'idées, même d'expreffions , entre tous ces j philofophes? Et les mots dont ils fe fervoient pour développer leur doctrine, ne font-ils pas tous fynonymes ? N'entend-on pas] encore aujourd'hui les mêmes propos dont les portiques d'Athènes retentiifoient ? & le plus haut degré de perfecfion dans la phy- j lïque fpéculative ou 1'on foit arrivé, n a-t-il pas été de joindre quelques-unes de ces] ïdées, & de n'en compofer qu'un feul principe i par exemple, d'alfocier la force een- j trifuge a la vertu d'attraction pour former les plus grands corps connus dans 1'uni- i vers. ... Je ne prérends point parler ici dei la phyfique pratique, ou de cette fuite d'ob- \  Lettre XXIV. 155 fervations faites fur-tout a 1'aide des machines nouvelles qui ont porté nos connoiffances bien au-dela de celles des Grecs dans ce genre ; car les obfervations d'Ariftote, fur plufieurs parties de 1'hiftoire naturelle, ont été ii bien faites , que Ton n'y a rien ajouté de nouveau que ce que Ton a tiré des régionsinconnues de fon tems; fi cependant on en excepte 1'article des mceurs & des amours des bêtes Si Ton veut encore fe faire une idéé des féances académiques d'Athènes, de la maniere dont les 'objets y étoient difcutés, & de 1'utilité qui pouvoit en réfulter , il fuffira de rapporter ici une de ces converfations fcientifiques, telle qu'elle fut préfentée fur le théatre d'Athènes. On en jugera comment un peuple gai & fpiriruel favoit répandre le ridicule fur les chofes que 1'on prétendoit être au-deflus de fa porrée. Athenée (liv. 2) 5 en cite une d'après Epicrate : * Vous reve03 nez d'Athènes , dites-moi des' nouvelles os de Flaton , de Speufippe, de Ménédème ? '»De quoi s'occupent-ils? quel eft le fujet 03 de leurs méditations ? quelle nouvelle dé-03 couverte ont-ils faite ? fi vous le favez , » apprènez - le moi, je vous en conjure G vj  Hjé Mceurs de la Grèce, 33 par Cérés. — Je puis vous fatisfaire. Pen» dant les Panathénées, j'ai vu au gym»nafe de 1'académie une compagnie de 33 jeunes gens ; je les ai écoutés , & leurs x difcours m'ont paru auflï abfurdes qu'inin33 telligibles. Ils difputoient fur la nature 53 des chofes, la vie des animaux, la dif53 férence des arbres & des légumes enp> tr'eux ; ils - étoient fur-tout fort embarb3 raifés pour découvrir a quel genre on s» devoit rapporrer la citroudle. — Enfin , >3 qu'ont-ils réfolu ? Dans quelle claiTe ont-ils 53 rangé cette plante ? fi vous le favez, »3 dites-le-moi. — ii y a d'abord eu un fi»3 lence général qui a duré aifez long-tems: - » ils avoient tous la tête baiifée, & fem53 bloient rérléchir profondément.l'un d'eux, 33 pendant que les éleves étoient encore 33 dans la même attitude, & piongés dans »»la méditation, adit que c'étoit un légume »3 rond ; un autre, que c'étoit une herbe ; e» un troifième, que c'étoit un arbre. A ces 53 propos, un médecin de Sicile prenant »3 nos philofophes pour des fous ou des *» mauvais plaifans, leur a pété au rfez. Une 33 telle infolence les a mis aux champs : ils 93 fe font écriés que 1'on fe moquoit d'eux %  Lettre XXIV. 157 s» que fans doute on regardoit leurs entre33 tiens & leurs difputes_ comme des fujets 33 de dérifion , puifque Ton s'y permettoic « de telles indécences. Les jeunes gens feuls » n'ont pas été émus; ils ont confervé toute 33 leur gravité. Platon, fans faire attention 33 3 ce qui venoit de fe pafier, a requis , 33 avec fa douceur ordinaire, 1'aflemblée de 33 décider précifément de quel genre étoit 33 la citrouille. Mais on s'en eft tenu aux 33 généralités, on a parlé des trois genres »3 principaux, arbres, herbes & animaux, »3 8c on n'a rien dit fur la citrouille 37... Je conviens que le farcafme eft fort, mais li la liberté du théatre étoit auffi grande parmi nous qu'elle 1'étoit a Athènes, que de fcènes plaifantes fourniroient a nos poëtes comiques ceux qui ont fuccédé a Platorr, a Speufippe, a Ménédème. Aujourd'hui on ne plaifanre plus; un philofophe vous dit gravement: ce Voila des calculs indéchiffra33 bles, au-deifus méme de toute compré33 henfion humaine : je ne peux pas les 33 concevoir, moi qui vous les propofe , a 33 plus forte raifon n'y concevrez-vous rien. 33 Cependant ils font la bafe fur laquelle »j'appuie le fyftème que je vous préfenté  T58 Mceurs de la Grèce, 35 comme une découverte qui rn étoit réferD»*vée, & qui me met au prémier rang parmi 33 les génies tranfcendans de mon fiéclesj. II faut 1'en croire fur fa parole. O gaieté attique ! qu'êtes-vous devenue ? que votre fel s'eft affadi! ( 2 ) Vos caves garnies de grandes cru- ehes. Je crois pouvoir donner une idee des caves d'Athènes , d'après la conftruction de celle que 1'on a découverte a Herculanum , ville de la grande Grèce, abimée entiérement, comme on le fait, par la violente éruption du Véfuve de 1'année 79 de notre ere. Cette cave ou cantine occupoit tout le tour d'une grande chambre pavée & revêtue de marore , entourée d'une banquette d'un pied & demi de hauteur qui portoit fa corniche. II y avoit des couvercles de marbre tout autour de la banquette , qui fervóient a couvrir de grands vafes de terre cuite engagés dans la maconnerie. Ceft-fa oü 1'on confervoit des vins de différentes années. Ces vafes ou urnes étoient fort larges, d'une terre rougeatre , de la forme de ceux que 1'on fabrique encore dans les environs de Florence ; c'eft-a-dire, fort  Lettre XXV. 159 larges & ventrus a proportion de leur hauteur. L'orifice en étoit plus étroit que le fond, & ils contenoient environ quarante bouteilies ou pintes de Paris. Voyez la Defcription hi/lorique & critique de l'Italië , tome 4, édit. de ij6g , pag. 485. LETTRE XXV. Cotinus a T'ry god ore. IjA vendange approche, jai befoin de paniers; fi vous en avez de trop, prêtezm'en quelques-uns que je vous rendrai dans pen. Si vous manquez de barils, j'en ai de toutes grandeurs: je vous les offre, &c vous pouvez en ufer librement. C'eft furtout a la campagne & parmi nous , que tout doit être commun entre amis (1). no TE.. ( 1) C'est far-tout d la campagne, &c. ■ De tous les provcrbes anciens , celui-ci a été regardé comme le plus honnête. Si cette  iéo Mcsurs de la Grèce, maxime étoit aufli profondément gravee dans les coeurs, qu elle eft commune dans le propos, elle feroit une reflburce tou- 1 jours préfenté & sure contte prefque tous ] les maux de la vie. C'eft ainfi que penfoient I autrefois les philofophes les plus feniés. So- 1 crate en tiroit la conclufion la plus étendue en faveur des gens de bien, auxquels il prétendoit que tout devoit appartenir , ainfi qu'aux dieux dont ils font les amis; paree que tout étant aux dieux, les gens de bien doivent jouir du méme droit qu'eux, fuivant la force du proverbe. Platon (Des I loix, liv. 5) dit que 1'état le plus heureux de la cité, la perfection de la république, eft que par-tout on foit perfuadé que tout eft commun entre amis , & que 1'on agilfe en conféquence. Ariftote (Politic, lib. r) I modifie le fentiment de Platon, & penfe que la poiTeflion & la propriété des chofes doivent être réfervées a un certain nombre , mais que 1'ufage en doit être com- ] mun dans le vrai fens du proverbe; que c'eft le moyen d'entretenir 1'union & la vertu dans la fociété civile. Le premier qui ait mis cette maxime en vogue , fut Pythagore, & perfonne ne s'y conforma plus  L £ T T R £ XXV. \è\ txactement que lui, car il érablit entre fes fectateurs une communauté exacte de biens & de facultés. ( Cicero de legib. 1 , & Aula-Gel. lib. n c. 8.) Ce proverbe a déja été cité dans la Lettre VI de cette Partie. Le campagnard que 1'on fait parler ici, a raifon de dire que c'eft parmi fes femblables que les anciennes maximes font encore refpeétées & fuivies. Dans 1'Attique , ainfi qu'ailfeurs, la morale ne confervoit quelques-uns de fes droits primitifs, que dans un certain ordre de gens aifés que 1'on renconrre quelquefois dans les villes, mais plus fouvent a la campagne.  16l McsURS DE LA GrÈCE, \ LETTRE XXVI. Phyllis a Trasonide. SI vous étiez plus raifonnable, mon cher Trafonide, fi vous aviez de Finclination pour 1'agriculture, & de la déférence pour les avis de votre pere, j'aurois la fatisfaction de vous voir préfenter aux dieux des guirlandes de lierre, de laurier & de mirte , & des fleurs de chaque faifon (i) •, vous apporteriez a vos parens le froment que vous auriez moiffonné, le vin que vous auriez tiré de vos raifins, &c le lait de vos chevres. Mais la campagne & fes travaux vous déplaifent, vous ne parlez que de boucliers, que de cafques a triple panache (i), & vous n avez que les gouts d'un foldat mercenaire d'Acarnanie ou de Mélos (3). O mon fils, renoncez a ces folies idéés! revenez a nous: vous y vivrez dans une douce tranquiilitéi  Lettre XXVI. itfj vous ne ferez pas expofé a rifquer votre vie a chaque inftant. L'agriculture n'a rien a redouter des embufcades imprévues, de 1'attaque des cohortes, de leffort des phalanges (4). Ne préféreriez-vous pas a ces dangers des jours affurés Sc tranquilles, & 1'efpoir d'être le foutien de notre vieilieile qui approche? NO T E S. (1 ) Des fleurs de chaque faifon. Ön lit dans un des fragmens de la comédie de Ménandre , qui a pour titre y'o^ycg, le Latoureur, 1'éloge d'un champ qui produit les dons les plus agréables aux dieux, des fleurs, du lierre , du laurier. On retrouve dans la fimplicité des expreflions de cette femme de la campagne, le fentiment intime d'une piété fans fard, qui dans tout état eft la bafe des vertus fociales. Elle met au premier rang des avantages de la vie ruftique , la facilité d'offrir aux dieux des préfens cueillis dans les champs qu'elle cultivoit.  .i<54 Mceurs de la Grèce, (2) Cafque a triple panache. On volt par les anciens monumens que les cafques a triple panache étoient a 1'ufage des anciens Grecs qui pottoient les armes. Efchyle, parlant de Tydée au fiége de Thèbes { d&e 3 » Scène 1 ) : Tydée accable le fils d'Oilée de cris & d'injures.... en s'emportant ainfi, il fecoue les trois aigrettes de fon cafque. Suivant Strabon (liv. 3 ), les Lufitaniens en portoient de femblables. (?) D'Acarnanie ou de Me'los. L'Acarnanie éroit une régicn de 1'ancienne Epire, que 1'on appelle aujourd'hui 11 def/wtato. Mélos eft 1'une des plus grandes des ifles Cyclades, connue l préfent fous le nom de Milo, a laquelle on donne foixante milles, ou environ vingt lieues de tour. Elle eft renommée par fes mines de fer & de foufre, fes eaux minérales, la bonté & 1'abondance de fes fruits cV de fes vins. On en tire aujourd'hui moins de foldats que de matelots, qui font aflez habiles dans leur profeffion, mais qui palfent pour être trèsdébauchés. (4) L'effort des phalanges. La phalange étoit un corps de troupes pefamraent  L e t t s s xxvi. ief armées, que les Macédoniens plagoient au centre de la bataille. Elle étoit compofée de feize mille hommes de pied, diftribués en dix bataillons de feize eens hommes chacun, rangés fur cent de front & feize de profondeur. Chaque foldat de la phalange avoit pour armes un bouclier, une épée, & une piqué longue de quatorze coudées ou vingt-un pieds. Polybe (liv. iy\ donne une defcription exacte de la phalange , & dit que tant qu'elle confervoit fon état & fon ordre de phalange, il n'étoit pas poffible , ni de foutenir fon effort, ni de 1'enfoncer ou de la rompre; mais c'eft ce qui lui arrivoit rarement: un terrein entrecoupé de folfés, de vallons, de ruiifeaux ou d'arbres, lui faifoit perdre tout fon avan-t tage. Dans un terrein uni, il étoit impoffible a lennemi de pénétrer cette lourde malTe d'hommes ferrés & réunis, non plus que cette forêt de piqués qui fe préfentoient a lui. Celles du premier rang s'avan§oient de dix coudécs au-dela du corps de ceux qui les portoient; celles du fecond, de huit; du troifiéme, de fix; du quatriéme, jde qiiatre, & du cinquiéme, de deux. Les $iques des autres rangs, étendues au-deffus  tëë Mceurs de la Grèce, des têtes des foldarsdes cinq premiefs rangs, fonnoient avec les boucliers un tolt impénétrable aux traits qu pn lancoit fur eux. Ainfi une armee ennemie qui attaquoit la phalange 1'épée a la main, trouvoit fur un front de cent hommes cinq eens piqués a abattre, avant que de pouvoir atteindre aux foldats. Aulfi la phalange macédonienne faifoit-elle 1'effroi de tous ceux qui avoient a combattre contr'elle. Plutarque dit dans la vie de Paul-Emile, que cette forèt de piqués , impénétrable a fes légions , 1'avoit pénétré de terreur a la première vue , & 1'avoit d'abord fait défefpérer de la victoire glorieufe qu'il remporta fur Perfée , dernier roi de Macédoine. II convenoit, même après fon triomphe, qu'il ne fe re-, préfentoit pas la phalange fans en être effrayé. Nous avons vu a la batailie de Fontenoi (le 11 Mai 1745') les Anglois renouveller 1'idée de la phalange macédonienne , par cette fameufe colonne qu'ils formerent, & qui jetta d'abord tant de défordre dans 1'armée francoife , mais qui céda au génie fupérieur du maréchal de Saxe, fecondé par le courage intrépide des troupes qui ï'auaquerent, & les heureux eftets.. i  Lettre .XXVII. i67 de 1'artilierie qui Ia rompirent, ik la mirent dans la déroute la plus complette. LETTRE XXVII. EUSTACHIS a PI TH AC I ON. JE célébre aujourd'hui la nailTance de mon fils (i): je vous prie, mon cher Pithacion, de venir au feftin que je prépare a ce fujet. Vous amenerez avec vous, votre femme , vos enfans , votre bouvier , &C meme, fi vous le jugez a propos, votre chien (2), ce gardien fidele de vos irotfpesux, dont la voix retentifiante fait en éloigner a propos tous les dangers. Ce ne -fera pas celui qui fe trcuvera le plus mal d'être notre convive. Nous célébrerons la fête avec gaieté : nous boirons, s'il le faut, jufqua 1'ivrefie. Quand nous croirons ' en avoir aflez , nous chanterons ; 8c celui qui fe trouvera en état d'exécuter quelque danfe joyeufe (3), s'avancera au miliei|  f£8 MceURS de, laGbéce, de 1'affemblée, dont il fera dans ce moment tout le plaifir. Ne tardez donc pas, mon cher voifin. Dans ces occafions folemnelles , il convient de fe mettre a table de bonne heure. N O T E S. (i) Je célcbre aujourd'hui, &c. Les anciens célébroient par de grands feftins la naiffance de leurs enfans. Voyez a ce fujet le dialogue de Lucien, intitulé le Coq ou le Songe. Cette lettre femble prouver que eet ufage étoit obfervé dans tous les états de la fociété. II ne fe conferve plus guère aujourd'hui que dans certaines cours, parmi les princes régnans. Il paroit que les fêtes qui fe donnent dans ces circonftances, ont été inftituées pour refferrer les liens qui unit fent les princes aux fujets; le jour de leur naiffance ne fe préfentant que fous 1'extérieur de 1'humanité , de la bienfaifance Sc du plaifir, qui rapprochent les états diffé- ^ rens, & combient la diftance qui fe trouve entre le prince & les fujets. On voit par yluiieurs paffages des anciens auteurs, que l'oil  Lettre XXVII. ï£m Ion ne penfoit- pas généralement que la naiffance des enfans dut être un motif de joie pour leurs parens. Cicéron ( Tufcul. i, ch. 48) a raffemblé a ce fujet les feminiens .de pkifieurs auteurs célébres dans 1'antiquité, &r il cite entr'autres Eurjpide, qui dit dans une de fes tragédies : " Quant k nos vrais amis, un enfant vient de naitre • Loin ie fêter^e jour, ainfi qu'un jour heureux, On iJe/roit au contraire en pleurer avec eux. Mais fi ce même enfant cefibit auffi-rót d'être; C'eft alors qu'il faudroit, en héniflanr le foraAller fêter le jour a'une fi prompte mort. II y a quelque chofe de femblable, ajoute Cicéron, dans la confolation de Crantor, oü il eft dit qu'un certain Elyfius de Ténne, au défefpoir d'avoir perdu fon fils alla pour favoir la caufe de fa mort, dans un iiea oü 1'on évoque les ombres, Sc que la, pour réponfe, on lui donna ces vers par écrit: La mort eft un bien défirahle : Les hommes dans 1'erreur connoiflent peu ce bies. Ton cher fils en jouit par un fort favorafcle, C'eft fon avanrage & le tien. I Voila. fur quelles autorités on dit dans les I écoles que les dieux ont décidé cette quefI tion. Tornt III, H  I70 MffiüES DE iA GeECE, Mais toutes ces prétendues autorités font détruites par un raifonnement de Sapho qu'Ariftote nous a confervé dans fa Rhétorique ( Uv, 2, ck. 23): «C'eft un mal bj que la mort, difoit-elle; & la preuve que 33 les dieux 1'ont ainfi jugé, c'eft qu'aucun s> d'eux n'a encore voulu mourirC'étoic fans doute dans des tems heureux qu'elle penfoit ainfi, puifque les mépris de Phaon la forcereat de courir a la mort qu'elle trouva en fe précipitant dans la mer, fuiyant le bruit commun. Je ne crois pas pouvoir mieux terminer ^ette remarque, que par les paroles mêmes de Cicéron: « Pour nous, au cas que nous 03 recevions du ciel quelqu'avertiifement sj d'une mort prochaine, obéiifons avec joie, os avec reconnoiffance , bien convaincus os que 1'on nous tire de prifon, & que fort 03 nous öte nos chakes, afin qu'il nous ar33 rive ou de retoumer dans le féjour éter»> nel, notre véritable patrie , ou d'être k s3 jamais quittes de tout fentiment & de tout 93 mal.... Que fi le ciel nous lailfe notre 33 derniere heure inconnue , tenons - nous 33 dans une telle difpofition d'efprit, que.ce wjour fi terrible pour les autres, nous pa-  Lettre XXVII. ijt w roiffe heureux. Rien de ce qui a été dé»terminé ou par les dieux immortels, ou 33 par notre commune mere la nature, ne » doit étte compté pour un mal Re- gardons plutót la mort comme un afyle, » comme un port qui nous attend. Plut a 33dieu, y fuflions-nous menés a pleines »3 voiles! Mais les vents auront beau nous 33 retarder, il faudra nécelTairemcnt que » nous arrivions, quoiqu'un peu plus tard. 33 Or, ce qui eft pour tous une néceffité, »3 feroit-il pour moi feul un mal ? C'eft ainfi que Cicéron termine cette belle tufculane, ou il efiaie de mettre les hommes au-deiTus des craintes de la mort, par les meilleurs argumens qu'il put alors employer pour les perfuader. Je me fuis fervi de la traduction de M. 1'Abbé d'Olivet. { 2 ) Et votre chien, &c. On voit par cette Lettre, & par quantité d'autres palfages d'anciens auteurs grecs, que les animaux domeftiques faifoient partie de la fociété des bonnes gens de la campagne. La fimplicité d'inviter un chien de bafie-cour avec fon maitte, nous paroitroit aujourd'hui tout au moins ridicule, & c'étoit alors une efpece Hij  fjZ M(feURS t>e la GkÈCE, d'attention , au moins a la campagne , a las* quelle on ne manquoir pas. Ariftophane, dans* lacomédie intitulée Plutus, faifant paroitrefj un meffager domeftique fur la fcène , luij fait dire a 1'efclave qui lui répond a la J porte : 33 Vas vite, & dis a ton maïtre dej a? venir, a fa femme , a fes enfans, a fes-! 3? efclaves, a fon chien, a toi-même, a fonv 3» porc 3,. Quelque burlefque que foit la ma- > niere de 1'invitation, elle n'en prouve pass moins les anciens ufages. Le rhéteur Elien;i qui vivoit au commencement du troifïéme; fiécle, femble porter encore plus loin lal fimplicité ruftique, en faifant dire a un da fes perfonnages: « Vous faluerez de ma part; =» la charmante brebis qui vous donne de fll 3? belle laine, vos deux bceufs & votre pj chien 3?. (■Ellen, ep. 3.) (3) Quelque danfe joyeufe, vue le moindre mouvement, Le vif, le gé33 néreux Alexandre indigné qu un fi grand 33 & fi bel animal fe montrat fi lache , le 33 fit tuer. Le roi d'Albanië le fut; il envoya 33 un autre chien de même efpece a Alexan33 dre , & lui manda de n'éprouver fon cou33 rage que dans quelque grande occafion , 33 contre un lion ou un éléphant: qu il n'avoit 33 jamais eu que deux de ces chiens, & que » s'il faifoit tuer celui-la, il n'en refteroit 3i plus. Alexandre ne tarda point de féprou3> ver,. & aunl-tót il vit un lion mis hors» 33 de combat. Il fit amener un éléphant, & jo Ie chien lui donna le fpeélacle le plus3> fatisfaifant qu il eüt jamais vu. Tout fon 33 poil fe hérifla; il fe mit a aboyer d'une 3> facon effrayante; puis attaquant avec im33 pétuofité 1'éléphant, on le vit en éviter 3> les atteintes avec une adreffe merveil— 33 leufe, fans interrompre pour cela fes; as attaques, qu'il ne celfa de redoubler 33 jufqu'a ce que 1'énorme animal étourdi a. 3j force de tourner, pour parer les atteintessa du chien , tomba enfin , & fit trembler as tout le terrein a 1'entour par la fecoufle  L E T T E E XXIX. I79 I 33 que lui donna fon poids immenfe 33. II eft a remarquer que 1'efpece de ces chiensne fe multiplioit pas beaucoup , puifque le roi d'Albanië n'en avoit que deux; quoique 1'on puiife conjeéturer que la race en étoit franche : car il eft rare qu'un animal métis joigne 3|tant de courage & de force a une inteliigence fi bien caraélérifée- LETTRE XXIX. NAPÉE d CRI JS IADE. rjti JL U fais que j'avois chargé un ane de* figues en maffes (1)5 je les ai conduir.esa leur deftination, & je les ai vendues a un homme qui m'attendoit. Cette affaire finie, un autre homme de ma connoiffance m'a conduit au théatre, & m'ayant fait placer avantageufement, j'ai eu tout le plaifir des différens fpeétacles qui s'y font donnés. Tu ne dois pas efpérer que jeraconte tout ce que j'ai vu, J'avoue que j'y ai compris peu de chofe, & que je Hvj;  uSo Mceurs de la Grèce, fuis incapable de te rendre ce que j'ai cm y entendre. Cependant j'ai vu une efpece d'aéteur qui m'a caufé le plus grand étonnement (2); j'én fuis encore tout ftupéfait. II s'eft avancé au milieu de 1'aifemblée f'ou il a placé une table a trois pieds, & fur cette table trois petites coupes renverfées, fous cha NO T E (i ) FiglTes en majfes, &c. Elles étoient prelïées & unies enfemble- dans la forme d'un gateau quarré , afin de les conferver pour la faifon- ou les arbres en étoient dépouiliés.C'eft ainfi que 1'on peut conjeéhirer que les Athéniens les fervoient dans le tems de l'hiver. Le nom de 7ra"\a0» qu'ils leur donnoient, 1'indique. Les figues de 1'Attique paffoient pour un des fruits les plus exeellens que 1'on contuit alors ; elles étoient même un objet de commerce. Dinon, cité par Athenée (liv. ïq), comme ayant écrit  i8i Mceurs de la Grèce, fur les affaires de la Perfe, dit qu'il y avoit une loi qui défendoit que 1'on fervit a la table des rois aucun fruit, ni autres produétions qui ne vinffent des pays fitués fous leur domination. Un eunuque ayant fervi a Xerxès des figues de 1'Attique , ce prince les trouva fi bonnes, qu'il fit publier dans tous les marchés qu'aucun de fes fujets ne pourroit en acheter, avant que les pourvoyeurs de fa maifon en futfent fournis. On prétend que ce fut une adreffe de 1'èunuque pour faire fouvenir le roi du p'rojet qu'il avoit formé de conquérir la Grèce. On fait quel fut le fuccès de cette entreprifeAprès que la monarchie des Perfes eut été détruite par Alexandre , les figues de 1'Attique conferverent toute leur réputation. Un roi des Indes nommé Amitrochates , écrivoit a Antiochus , 1'un des fucceffeurs d'Alexandre , qu'il lui envoyat des vins doux de Grèce , des figues de 1'Attique , & un fophifte , qu'il payeroit tout au prix que 1'on en roudroit. Antiochus lui répondit qu'il lui enverroit du vin & des figues; mais que les loix des Grecs ne permettoient pasque 1'on vendit un fophille;  Lettre XXIX. i8j (2) J'ai vu une efpece d'acteur. On lit dans Athenée (liv. 1 ) que dans les tems poltérieurs de la Grèce, on fit plus de cas a Athènes des inventions propres a amufer le peuple & a 1'étonner, que de la fcience acquife par 1'étude & les connoiiTances les plus multipliées & les plus uftles. II cite entr'autres exemples de la décadence du gout & des mceurs, la confidération que s'étoit acquife un efcamoteur appellé Xénophon, qui eut pour difciple & fuccelfeur Cratifthènes de Phliafe.. Celui-ci étonnoit le peuple en tirant du feu de toutes les parties de fon corps, & en opérant quantité de tours femblables, qui en impofoient au peuple qui étoit toujours fa dupe. On remarque dans le même chapitre que Ton n'avoit jamais érigé a Thèbes de ftatues a Pindare , mais que le chanteur Cléon en avoit une avec une infcription magnifique qui. exaltoit fes talens comme dignes des dieux, & faifant la gloire de fa patrie. Cette ftatue étoit étigée avant qu'Alexandre n'eiit pris Sc renverfé la ville de Thèbes. Elle j étoit même fi refpeftée, qu'un certain Poïémon voulant s'enfuir avant le fac de la ville, ne crut pas pouvoir cacher fon or  184 Mceurs de la Grèce, plus en sureté que dans un des plis du mcinteau de la ftatue de Cléon, ou il le retrouva trente ans après, lorfqu'on releva les murs de la ville par les foins & aux dépens de Ia courtifanne Phryné. Cette derniere circonftance prouve que le luxe le plus infclent, & cértainement le plus oppofé aux bonnes mceurs, peut en quelques occafions. devenir utile au public (3) C'eft un maïtre efcamoteur. Napée fbutient dans ce récit le caradtere de la ü\r.plicité ruftique & deTignorance de eer état que tout étonnoit chez les Grecs , quelque rafinés quils fuffent, ainfi- qu'il arrivé en>-core aujourd'hui parmi nous aux payfaus qai vivent loin du commerce des villes. Cet Euribate d'GEchalie dont il parle , étoit un efcamoteur, de ceux que les Grecs appelloient cercopes, qui amufoit le peuple par des propos infinuans, par des tours d'adreffe,. afin' de faifir les momens favorables pour le duper, ou plutót le filouter. Suidas, au mot Euribates, cite Tanden poéte comiqite Diotime, qui dit que différens cercopes poftés dans les carrefours des villes de la Béotie:,. y cauferent un tart conudérable au  Lettre XXIX. 185 peuple ; quils étoient d'CEchalie 5 que les plus connus d'entr'eux & les plus a craindre, étoient Sollus & Euribates. On les appclloit cercopes , du mot grec ictgmmseir, remuer la queue , expreflion tirée des chats & des tigres, qui ne font jamais plus a craindre que lorlquils remuent la queue avec vivacité , & paroilfent votiloir flatter. La même expreflion fervoit encore a, caraélérifer les flatteurs. Voyez Erafm. chil. 11, cent. 7, adag. 37. On appelïoit quelquefois ces efcamoteurs pour amufer les convives dans les feftins d'appareil; il 7 en avoit de différentes efpeces. On voyoit entr'autres des femmes qui paroiffoient fe précipiter la tête en bas fur des poignards dreffés con-tf elles , & qui jettoient en[ même-tems du feu par la bouche. Ces tours d'adreffe, qui font encore partie des fpeclacles de certains peuples orientaux, fervoient d'intermédes aux grands repas que donnoient les Grecs les plus feptentrionaux, qui ne pouvant imker la délicateffe athénienne , Vouloie-nt féclipfer par un luxe prodigieux, & la réunion de tout ce qui pouvoit amufer les convives, ckleut donner occafion de fe repofer, pour recommencer a manger 6c  ile Mceurs de-la Grèce, boire fur nouveau* frais. Voyez Athentc, liv. 4. LETTRE XXX. E U N ape a GlaVCÉ. Mon mari eft abfent, fes affaires le retiennent a la ville depuis trois jours. Le mercenaireParménon que nous avons loué pour nous fervir, eft un véritable inconvénient: c'eft un homme lache qui dort plus qu'il ne travaille. Un loup s'eft étabiï dans notre voifinage, de tems en tems U s'y montre: fes yeux annoncent fa férocité & fon penchant au carnage. Hélas! il viest d'enlever Chioné (1), la plus belle de nos chevres! Le cruel fait un bon repas de eet excellent animal, pendant que j'en pleure amérement la perte. Mon mari ne fait encore rien de ce qui fe paffe: dès qu'il en fera inftruit, le mercenaire n'aura pas a prendre d'autxe parri que de fc pendre  Lettre XXX- 187 au plus haut pin du voifinage (1). Quant au loup ( 3 ), je fuis affurée que mon mari n'épargnera rien pour en tirer une vengeance complette. NO T E S. (1) Chioxè, la plus belle, &c. nom tiré de la couleur du poil de la chevre , qui fans doute étoit blanche , formé du mot grec x>ü>v > neige. On connoit une Chioné, fille de Borée & d'Orythie , dont Neptune eut un fils nommé Eumolpe, qui s'établit en Thrace, & qui eft cité par Homère, comme un homme d'un grand courage. Pai* fanias , liv. 1. (2) Se pendre au plus haüt pin, &c. IJ, paroit par ce que dit ici la bonne Eunape, dont le nom grec fignifie une compagne économe , que les habitans de la campagne de 1'Attique employoient des mercenaires ou des efclaves de louage, fur lefquels ils exercoient les mêmes droits que fur les efclaves qui leur appartenoient propriétairement après qu'ils les avoient achetés. Les  iS'8 Mceurs de la Grèce, Grecs regardoient leurs efclaves comme le rebut de Fefpece humaine, comme des êtres vils fur lefquels 1'honnêteté & la fageffe n'avoient aucun empire , auxquels on ne devoit donner aücune confiance tant que Fon reftoit en fon bon fens. Homère (Odyjf. liy. ij) avoit dit que Jupiter öte a. un homme la moitié de fa vertu dès le premier jour qu'il fe rend efclave. Ses commentateurs ont ajouté que ce qui lui en reftoit ne tenoit pas contre une longue fervitude 5 paree que , felon 1'expreflïon d'un philofophe grec ciré par Longin, la fervitude eft une efpece de prifon oü 1'ame décroit & fe rapetiiTe en quelque forte. Expreflion iïnguliere, .mais très-propre a peindre les Céntimens que Fon prend dans les différentes fervitudes auxquelles on fe livrer & qui font de tóus les tems & de tous les «tats. Platon, dans les confeils qu'il donne fur la maniere de traiter les efclaves (De legibus 6), dit que pour en étre bien fervi,il faut les choiiïr de différens pays, entretenir entr'eux une efpece de jaloulie qui les empéche de s'unir d'inclination & d'intérêts; les nourrir de facon a leur conferver la fanté & les forces; ne les pas' in--  LT E T T R E XXX, 189 fulter, ni jamais les punir a tort, & qu'ils ne fentent eux-mêmes 1'avoir mérité; ne pas employer avec eux la force du raifonneme-nt ou la douceur de la remontrance dont on uferoit a 1'égard d'un homme libre. Chaque fois que le ma'itre leur parle, il doit prendre un ton qui leur falfe fentir fon autorité fur eux; ne leur parler que par monofyllabes. Omnis herus fervo monofyllabus. Erafm. chil. 3 , cent. 4, adag. 93. Ariftote (Polit. I. 7) dit qu'il ne faut jamais laiffer les efclaves dans 1'oifiveté, mais de tems en tems leur commander plus qu'ils ne peuvent faire, pour avoir 1'occafion de fembler, leur .adoucir la pefanteur du joug, en ne. les puniflant pas pour avoir manqué. Platon recommande fur-tout aux maitres de ne jamais plaifanter ni jouer avec eux, de quelque fexe qu'ils fuifent, ainfi qu'il arrivoit a plufieurs maitres inconfidérés qui ac^ coutumoient leurs efclaves a la parelfe & aux douceurs de la vie , & dont ils ne pouvoient plus tirer enfuite aucun bon fervice, Cependant la fervirude étoit volontaire en Grèce , mais dès que 1'on s'y étoit foumis, on perdoit avec la liberté toutes les prérogatives que 1'homme reeoit de la nature  i?o Mceurs de la Grèce, en nailfant. Un efclave grec en faveur duquel le porcique ne reclama jamais, étoit aulfi miférable que le negre efclave dans nos colonies. En fe dégradant lui-même, il s'étoit mis en quelque forte au-deflbus des animaux domeftiques dont il partageoit les travaux. m Vit-on jamais, dit Plutarque, 3i qu un lion s'affervit a un autre lion, ni sa un cheval a dn autre cheval, a faute de »j coeut, comme fait un homme a un autre »homme, fe contentant facilement de » vivre en fervirude , proc'he parente de » couardife ». Au Traité que les bêtes bmtes ufent de raifon, ( i ) Quant au loup, &c. Plutarque , vie de Solon,ff. u, dit que les Athéniens étoient habitués de tous tems a faire la guerre aux loups, paree que leur pays étoit plus propre au paturage quau labourage.  LETTRE XXXI. PO LYALS E d Eu STAP Hl LE. J'Avors tendu un piége a ces abominables renards (%); j'avois difpofé 1'appat de maniere a les y faire donner. lis attaquoient les railïns de toute part; non-leulement ils en avaloient les grains, mais ils coupoient les grapes entieres , & les enlevoient des feps. On annoncoit 1'arrivée du mai'tre, homme févere & intraitable, dont la grande occupation eft de parler des affaires publiques, de propofer au peuple des avis qu'il prétend toujours fondés en raifbn. Chicaneur outré & mal intentionné, qui ne paroit jamais plus content que lorfqu'il a traduit quelque malheureux au tribunal des onze ( z). Ayant tout a redouter des tracafleries d'un tel bomme, dont pour mon malheur je fuis 1'efclave, je voulois me concilier fes bonnes  %jt Meürs de la Grece, graces, en lui préfentant le renard le plus avide du canton que je comptois prendre au piége. Mais Plangon , ce joli petit chien de Malthe (3) que 1'on nourriffoit a la maifon pour Pamufement de la maïtreiTe, en rodant, a fenti 1'appat, s'eft jetté avidement de: us , a été pris & étranglé dans le piége il y a trois jours-, il eft même déja corrompu. Infortuné que je fuis! j'ai accumulé maux fur maux par mes imprudentes précauti ns 1 Quelle excufe donnerai-je a ce méchant homme qui n'a jamais rien pardonné i Je fuir-ii a toutes jambe?. Adieu la campagne & tout cc que j'y ponede. Je n'ai pas un moment a perdre, fi je veux me merrre cn sürcté. Si pen que je differe, je tombe dans labune de tous les maux. H eft donc prudent dc me rnettre a couvert des pebies que je redoute, en m'éhrgnanr. N O T E S. il) J^yois tendu un piége, La *■ chaif  ■ Lettre XXXI. 153 » chair du renard , dit M. de Buffon ( Hifi. Nat. tornt 14) , 33 eft moins mauvaife que 93 celle du loup; le#s chiens 8c même les iö hommes en mangent en automnè, fur»tout lorfqu'il s'eft nourri 8c engraifle de 93 raifins 3>. On rèmarque que les vignes voifines des rochers oü les renards ont leurs terriërs, fouffrent de leur goüt pour les raiiirts j ils y caufent cependant moins de dommage que les loups & les matins, paree qu'ils en mangent moins. J'ai oui dire z des chafleurs expérimentés que les renards & les loups s'enivrent, ainfi que les chiens en mangeant du -raifin : fi on les furprend dans eet état, il eft plus aifé de les tuer; fevrefle du renard eft gaie, il paroit ne fonger qua jouèr; celle du foup eft plus pefante, mais il eft moins défiant qu'a lordinaire , fans rien perdre de fa férocité, * quoique les attaques foient moins dangereufes que lorfqu'il eft affamé. (2) Au tribunal des on^e. C'étoit celui par lequel étoient jugés ceux qui étoient ' détenus dans les prifons publiques póur des pcrimes capitaux , 8c qui devoient être conIdamnés a mort. Ce'n'étoit'pas feulemetst Tome III. j  194 Mceurs de la Grèce, a 1'aréopage que lé rendoient le» jugemens ; il y avoit encore k Athènes d'uU.res tribunaux moins célebres, oü 1'on décidoit également de la fortune & de la vie dés citoyens. Tels étoient le parabyfte , le trigone, les falies rouge & verte 5 celle du foleil, qui de tous les tribunaux étoit le plus grand & le plus fréquente; c'eft le même qui fe nommoit Helios, & la falie ou le tribunal du Palladium, oü fe jugeoient prefque toutes les affaires criminelles. Tous ces fiéges différens étoient des démembremens de" i'aréopage, dont ils faifoient partie. Voyez Paufanias , liv. 1. (5) Petit chien de Ma^he. Ce chien, fuivant l'Hijl Natur. du Cabinet du Roi, torn. 10 , eft un doublé métis qui vient du •petit épagneul & du petit batbet. Il paroit que les femmes des gens riches étoient en Grèce auffi curieufes de ces chiens,, & avoient autant d'attention pour eux que ^ 1'on en a de nos jours. Lucien, Difcours 'fur ceux qui ent rent au fervice des grands,. repréfente un philofophe , choifi par une dame comme le. plus fage de la compagnie „ pour porter fa.petite chienne, a qui elle  L £ r T r e XXXI. 195 craignoit qu'il n'arrivit quelqu'accident. C'étoit, dit Lucien, un plaifant fpeétacle de voir ce philofophe déja agé , portant entre fes bras un petit chien dont la tête „fortoit par 1'ouverture de fon manteau, qui aboyoit d'une voix gréle a tout ce qui paflbü; ou lui léchoit la barbe , ainfi que font tous ces petits chiens de Malthe. Oa dit même qu'il piifoit ordinairement fur ceux qui le portoient. Un plaifant de la compagnie ajouta a la poiition ridicule du philofophe, en difant que de ftoïque il étoit devenu tout d'un coup cynique. Ii  ij6 Mceürs de la Grèce, LETTRE XXXII. TmALLUS d PlTYISTE. . J'AI une fatisfaction toujours nouvelle a- recueillir les produétions de la nature. La récolte des fruits me paroit la jufte récompenfe de nos travaux. Mais jamais je ne fuis p'us content que dans la faifon oü 1'oh tire le miel des ruches. C'eft une opération que je viens de faire en les levant de déflus les pierres oü je les avois placées. Elles m'ont donné des gateaux frais: j'en ai offert les prémices aux dieux, puis j'en fais goüter a mes amis. Ils font blancs, très-agréables a la vue : les gouttes du vrai miel attique ( i) en diftillent telles qu'elles coulent des rochers du mont Briléfe (2). Je n'ai pu vous en envoyer davantage; 1'année prochaine, la récolte fera plus abondante , & mon préfent plus copieux: peut-être même le miel fera-t-il meilleur.  L £ T T R E XXXII. Ij>7 NO T E S. (1) Dv vrai miel attique. Le miel, tel que le décrit ici Thallus, étoit de première qualité, & alors d'autant plus précieux , cue Ton n'avoit p'as encore 1'ufage du fucre. Le mont Hymette étoit regardé comme le lieu le plus favorable qu'il y eüt au monde pour la nourriture des abeilles5 fi 1'on en.excepte, dit Paufanias , llv. 1 , ck. 32, le pays des Halifons, peuples de laScythie européenne, qui habitoient a 1'extrémité du Pont-Euxin. Chez eux, les abeilles' étoient fi douces & fi familieres, qu'elles alloienr aux champs avec les hommes. 11 n'étoit pas befoin de les enfermer dans des ruches; elles travaillojent indifferemment par-tout, & comme jHeur plaifoit. Leur ouvragc étoit fi bien Hé, & d'un tiiTu fi fort, que 1'on avoit peirie a féparer le miel d'avec la cire. Le miel ie 1'Attique eft encore aufli précieux & auffi abondant que dans les tems reculés don: parient ces lettres. II eft au nombre des denrees que 1'on exporte de la Grèce: les abeilles s'y mtütipfient avec la plus grande facilité, Iiij  ijS M 7) nomme dans le même ordre, fans doute d'après Strabon. Spon , dans fon Foyage de la Grèce & du Levant, dit que le pays de 1'Attique eft partie montagne, partie pkiue. Les monts^Bryléfe, ou plutót Lycabette, ne font pas trop connus. Le Parnès, qui avoit autrefois une ftatue de JupiterParnéfien, eft au nord de la ville. Le Pentelique duquel on tiroit le ma!-bre pentélien, que 1'on employoit a la conftruétion de tous les temples & monumens publics d'Athènes, eft a 1'eft; 1'Hymette au fud-eft, & 1'Anchefme, que Paufanias (iivi 1) dit être une montagne peu confidérable au nord-eft: elle n'eft éloignée de la ville que d'une portee de canon.  199 LETTRE XXXIII. Philopémen cl Moschion. YUEl malheur de nodrrir chez foi un loup a fignre humaine'! le plus mal avifé, le plus fcélérat de tous les efclaves a faccagé mon troupeau de chevres, il fa détruit; il a vendu les imes, tué les autres. II a pour le moment de quoi fe livrer a la crapule; il s'enivre a fon aife; il paic des joueurs d'inftrumens pour le divertir; il fe fait parfumer des odeurs les plus exquifes; pendant ce tems, mon étable eft vuide, & la race de mes belles chevres eft petdue. Je ne dis rien ; j'affecüe autant de tranquillité que d'indifférence fur fes procédés odieux ; s'il prévoyoit la vengeance que j'en tirerai, il s'y déroberoit bientot par la fuite. Mais fi'je puis le rattraper & le tenir en ma puilfance, il perdra dans les fers & les lourdes entraves Iiv  .2ao Mceurs de la Grèce, dont je lui chargerai les bras & les jambes (i), fon goüt pour la débauche. Livré déformais fans relache aux travaux de la terre, le rateau , la bêche , le hoyau qu'il maniera fans ceffe, lui feront gouter les agrémens de la fobriété ruftique, 8c les avantages de la vie honnête de la campagne (2). N O T E S. (1 ) Il perdra dans les fers , &c. Athenée (liv. 6) nous apprend que les efclaves grecs travailloient aux mines, les fers aux pieds. Ils étoient traités fi durement, que fouvent ils fe révoltoient contre les intendans des mines, ou contre leurs maitres qu'ils rftettoient a mort. Dans une de ces circonftances , ils s'emparerent de la fortcreffe batie fur ie promontoire de Sunnium, d'oü ils firent affez long-tems des courfes ] dans 1'Attique qu'ils ravagerent. II eft étonnant combien il y avoit d'efclaves dans la Grèce , on ne les comptoit que par myriades ou dix mille ; il n'étoit pas rare  Lettre XXXIII. 201 que les particuliers en euflent au-dela de mille qui travailloient a leur profit. Des peuplades entierës fe foumettoient a d'autres peuplades plus riches Sc plus puiflantes, a condition qu'elles les nourriroient & les entretiendrolent. Elles confentoient que les maitres'qu'elles fe donnoient les vendifient, mais elles ftipuloient d'ordinaire qu'on ne les tranfporteroit pas hors du pays ou elles étoient établies. II s'en falloit donc beaucoup que les républiques de la Grèce fuifent le pays de la liberté. La fervitude s'établit dans les-Gaules de même que dans la Grèce, & par les mêmes motifs. Le gros du peuple, que la quantité de fes dettes, le poids des impóts, ou la violence des grands réduifoient a une mifere extréme , ne vit d'autre reifource a fes maux que de fe mettre fous la proteétioh des feigneurs; il la paya au prix de fes fervices, a la volonté de fes proteéteurs. Ce contrat fut d'abord-volontaire; mais dans la fuite ^11 dégénéra en titre de propriété en faveur des grands -8c des riches auxquels les ferfs ou efclaves appartinrent propriétairement. (Voyez Céfar, comment. de Bel. GalL lib. $, c. 4.) Cette efpece de fervitude s'eft totalement Iv  aoz Mceurs de la Grèce, abolie en France par la néceflité oü les rois fe trouverent d'oppofer le peuple aux feigneurs. Les cominunes s'établirent fous 1'autorité des rois, qui leur accorderent fucceifivement les privileges dont elles jouiffenc encore. Le clergé, dont la puiffance & les richeffes étoient alors ficonfidérables , fuivit en général 1'exemple des rois, & affranchit les 'ferfs a des conditions peu onéreufes. C'eft a quoi les efclaves grecs ne purent jamais afpirer. S'il leur arriva quelquefois de fecouer le joug dont ils étoient accablés, ce ne fut que pour le moment, & ï la fuite des efforts violens qu'ils firent pour fe fouftraire a une autorité alors légalement établie. Cette Lettre, & quelques autres qui précédent, nous apprennent que quand les efclaves s'étoient échappés, il étoit difficile de les reprendre : voila pourquoi les maitres avoient quelques ménagemens pour eux, & que qny-nd ils avoient des raifons. de s'en défier ,*ils les tenoient aux fers, même pendant leurs travaux journalieiss. Ainfi les maitres des efclaves de la Grèce agiffoient par les mêirues principes qui dirigent aujourd'hui ceux des colonies européennes en Amérique. Les mêmes circonf-  L E T T E E XXXIII. 2G3 tances & les mêmes intéréts ont produit dans tous les tems le même fyftême de conduite. II n'eft donc pas furprenant que les européens des colonies traitent leurs efclaves négres avec autant de dureté que les habitans de 1'Attique traitoient leurs efclaves grecs qu'ils employoient aux travaux des mines & a la culture des terres, ainfi que 1'on y emploie a préfent les négres. Ce qui rend ceux-ci plus dignes de compalfion , c'eft qu'ils ne fe font pas foumis volontairement a 1'efclavage , & qu'ils font enlevés par force & vendus pour étre tranfportés dans des régions étrangeres, & foumis a un genre de vie tout-a-fait oppofé a leurs inclinations naturelles. Voyez ce que j'ai déja dit fur les efclaves grecs dans la note z fur la Lettre XXX. (z) Les avantages de la vie, &c. Socrate, parlant de la corne d'Amalthée, difoit que la vraie fignification du mot Amalthée , étoit celle d'un homme honnéte, bon & conftant ouvrier, sur d'acquérir par fon travail toutes les aifances de la vie. Selon lui la corne du bceuf, animal laborieux, étoit 1'emblême d'un bon cultivateur. Les Ivj  204 M Jok , fub dio , en plein air. Ce qui me perfuade que c'eft de ce tribunal qu'il eft queftion ici, c'eft que dans le manufcrit du Vatican, dont le texte eft rapporté dans les notes que Bergler a jointes a fon édition , ce tribunal eft nommé m'hm'oc , par une ortographe remarquable , les deux premières lettres étant majufcules, ce qui me porteroit a croire que 1'm eft une faute de copifte qui a écrit M'nA;w pour tv H>.;w. (z) La tourterelk , &c: Tfi>eV&> ha'htc,Tjpo;, turture loquacior, plus bavard qu'une tourterelle ; proverbe fort en ufage parmi les Grecs. Ménandre le cite dans la comédie intitulée Plocïon. On 1'appliquoit aux grands parleurs, a ces difeurs de baliverne a la tiche; la comparaifon étoit tirée des fons ou gémilfemens prefque continuels de la tourterelle, qui paroit rendre des fons non-  ii2 Mceurs de la Grèce, feulement par le bec, mais encore par Üg partie poftérieure de fon corps, en ce qua chaque fon qu'elle rend, elle fait un mouvement de la tête & en même-tems du croupion & de la queue. Ellen, liv. ra, ch. 10, rapporte ce proverbe, & lui donne la même: origine. Erafme en fait mention , Adag. 30, Ml. 1, cent. 5. Le Pline de notre fiecle na pas vérifié cette obfervation des anciens, dans 1'hiftoire naturelle de la tourterelle. ( l ) La faveur de Mercure. h'ffxiiov, mercuriale, fans rien ajouter. C'eft ainfi que s'exprimoit le. proverbe grec très-ancien , pour annoncer un gain, un pront inefpéré. 11 étoit tiré de 1'ufage oü étoient les Grecs d'offrir a Mercure les prémices des fruits aux pieds des ftatues de ce dieu , ou Her*, més, qui étoient placées le long des chemins, & dont les pafians fe nourriffoient: ou bien encore des colonnes de pierre, ou monumens placés dans les ehemins dét'ournes, & qui fervoient a indiquer la route aux voyageurs égarés, que cette rencontre inopinée tiroit d'embarras. C'eft dans ce fer.s qu'Horace (Sat. 3, liv. z) 1'emploie : cc Ses> riez-vous plus avifé, dit-il, de refufer le  L £ t t n £ XXXVI. 2i3 I » gain que Mercure favorablc vous offriH s> roir m ; -^n mag7s fïcors (4) /< 4 «Wf, 6*. Je citerai ce I que dit Plutarque a ce fujet au commencement du livre de la tranquillhé de l'efpnt. cc Le non s'emploïer aux affaires eft »ce qui bien fouvent metrhomme en mé» faife & travail d'efprit.... II ne faut pas =3 mefurer ou djterminerla tranquillité ou le « trouble de 1'efprit, a la multitude ou au ' »-petit nombre des affaires, ains a 1'hon» nt-teté ou déshonnêteté : car il n'eft pas » moins ennuieux ne moins turbulent a 1'ef» prit omettteles chofes honnêtes, que com» mettre les déShonnétes....Toutainfidonc, h comme le folier fe tord felon la torfe tk »la forme du pied,& non pas au contraire: fc auffi font-ce les difpofmons des perfonnes » qui rendent les vies femblables a elles; I car c? n'eft pas 1'accoutumance comme I quelqu'un a vouludire, qui rendla bonne » vie plaifante aceux qui lont choifïe3 mais » 1'eftre fage & modéré, eft ce qui rend la » vie bonne & plaifante tout enfemble. Ee » pourtant, puifque la fource de toute tran*  4i4 Mceurs de la Grèce, a»,auillit© ell en nous, curons-U, & ne»fctoyons diiigemment, afin que les chofes »> même extérieures, & qui nous avien„ dront de dehors , nous femblent amies 8c «familieres, quand noas en faurons bien » ufer...». Poinc ne fe faut courroucer aux affaires; II ne leur chaut de toutes nos coleres: Mais te favoir a rout événement Accommoder, eft faire fa^mern. LETTRE XXXVII. : A MP É LI O N a EvERGE. L'HiVER eft cette année d'une rigueur extréme, perfonne n'ofe mettre le nez hors de fa maifon. La neige eft répandiiej par-tour •, non feulement les fommets defl montagnes en font chargés-, les vallées mê-> mes en font couvertes. On ne peut rien faire a la campagne , & il me paroït auft| trifte que honteux de vivre dans cette inaction forcée. Ayant entr'ouvèrt ma porte pour (etter un coup d'oeü fur la campagne,  Lettre XXXVII. »rf je me fuis appercu que les neiges avoient raflemblé dans mes environs une multitude d'oifeaux, fur-tout de merles & de grives. Auffi-töt j'ai pris un plat de glu, dont j'ai endak (i) quantité de petites' baguettes que j'ai arrangées fur des poiriers fauvages. Les oifeaux s'y font jettés en foule, & quelques momens après , il étoit afTez plaifant de les voir pris & arrêtes aux gluaux, les uns par les pattes, les autres par les aïles ou la tête. J'en ai choiii vingtcinq des meilleurs & des plus gras que je vous envoie. Les honnêtes gens doivent jouir en commun des avantages qui fe préfentent. Je permets a quelques-uns de nos voifins, que je crois méchaiis , de nous porter envie ; ils ne font pas fufceptibles d'autres fenrimens (z). NO T E S. CO Un plat de glu. II eft probable que les anciens Grecs fe fervoient de baies de gui pour faire de la glu ; ils mettoient ma-  iirf Mceurs de la Grèce, céret dans 1'eau chaude ces efpeces de fruitsles piloient enfuite , & en formoient des mafles qu'ils laiflbient fermenter, jufqiia ce qu'elles fulfent changées en une fubftance gluante & tenace. Les Grecs ne connoiiToient pas la glu compofée de la feconde écorce du houx, que 1'on appelle glu d' Angleterre 5 eet arbufte , qui eft fi commun dans les régions feptentrionales, devant être fort rare dans un climat aufli tempéré que celui de la Grèce. Quoique 1'honnête Ampélion fe plaigne fi amérement de la rigueur de 1'hiver, le froid ne devoit être qua un médiocre degré , puifqu'il pouvoit prendre dés oifeaux a la glu. ( z ) lis nefont pas fufceptibles , &c L.es envicux, difoit un certain Evagoras, cité par Stobée (Difc. ,56") , font les plus malheureax des hommes; d'ordinaire on n'eft vivement affefté que de fes propres maux. L'envie, outre les malheurs qu'elle peud éprouver, trouve encore un fujet d'affliétion dans le bonheur d'autrui... On fe confole aifément d'avoir a vivre avec de pareils gens. Je n'approuve point l'envie , difórl Euripide, cependant je ne ferois pas faché. da.  Lettre XXXVIII. ny de me voir 1'objet de l'envie, a raifon des biens dont je jouirois. LETTRE XXXVIII. Phyzocime a Thestyzze. N'Étant jamais defcendu a Athènes, n ayant point encore d'idée de ce qu'on appelle une ville, j'ai h plus grande envie de jouir de ce fpectacle, & de voir une multitude d'hommes raïTemblés & habitans dans une même enceinte (i); enfin de connoïtre la différence d'une ville a la campagne. Si donc vous avez quelque raifon d'aller 4 Athènes, venez me chercher, vous m'y conduirez. Le poil commence a m'ombrager le menton, c'eft, a ce qu'il me paroit, Ie tems de m'inftruire, Or qui eft plus propre k m'initier dans la connoiffance de tout ce qui fe fait a ja ville, que vous qui en paffez fi fouvent les pcrtes J Tome III. K  *i8 Mceurs de la Grèce, NOTE. (i) Habitans dans une même enceinte. Cette Lettre fait allufïon aux fiecles les plus anciens de la Grèce, au tems oü le gros de la nation ne croyoit pas queTon put s'habituer a vivre dans 1'enceinte d'une ville fermée de murailles. Les Grecs de ces tems feculés ne regardoient point un tel féjour comme digne d'hommes forts &c courageux. C'eft ce que répondit Panthoïdas de Sparte a quelques Afiatiques chez lefquels il étoit en ambaifade, & qui lui vantoient la beauté de la conftruétion , & la folidité des murailles de leur ville : cc Vous avez raifon, leur dit-il, » cette habitation eft belle & s> bien digne des femmes pour lefquell'es u elle eft dcftinéo Agéfilas fit la même fépönfe dans une circonftance femblable, & dit que 1'enceinte étoit belle , pourvu que des femmes d-uffent 1'habiter , & non des fiommes. Plutarque, Dits notables des Lacc.le-noniens. Les Germains, dit Tacite , h'habitoient alicune ville. Ils ctaignoie'nt d'y entrer, ajoute Ammien , de la'même maniere que des bêtes fauvages craignent de  Lettre XXXIX. ii9 fe voir enfermées dans une enceinte oU dans un pare. LETTRE XXXIX. SCOPIAUES a COTION. Que 1'on ne men parle plus i Quelle folie ! quelle rage, mon cher Corion, que l'ivreffe 1 Je me fuis trouvé par malheur a un repas de débauchés : tous étoient ivres, tous (i) buvoient coup fur coup. On ne celfoit de préfenter la coupe I tous les convives: il y avoit peine ïtatuée contre ceux qui la refufoient; c'étoit de donner le lendemain un nouveau repas. J'ai été forcé de boire ainfi que les autres; & depuis trois jours j'ai une pefanteur de tête infupportable : il femble que je n'aie pas encore digéré le vin que j'ai pris avec riexcès.  22o Mceurs de la Grèce, _ ~* NOTE. (i) Tous étoient ivres, &c. Les Grecs en général aimoient beaucoup a boire. On a vu dans les Lettres des Couttifannes & les remarques qui les fuivent, ainfi que 'dans celles des Parafites, qu'ils s'y livroient fans mefure. Cependant il y eut une réclamation conftante des poëtes les plus anciens, 8c des philofophes moraliftes contre 1'ivrognerie & fes fuites facheufes. La plu-, part de ceux qui débitoient les plus belles .maximes, pour détourner de ce vice , s'y abandonnoient dans 1'occafion; mais ce qu'ils ont écrit n'en eft pas moins la preuve de 1'éloignement oü 1'on devoit fe tenir de tout exces dans ce genre. C'eft aux étranrj gers, aux barbares, que les Athéniens, rapr portoient 1'ufage de boire avec méthode dans les-feftins jufqua perdre la raifon. Critias, poëte é'égiaque, cité par Athenée. (liv. 10), dit: «Les Lydiens les premiers ». imaginerent de faire circuler a la ronde m des coupes pleines de vin; ainfi ils don-j v nercnt dans les exces de l'intempéranccr « a force de boire du vin pur. Ils préfen»  Lettre XXXIX. nx 33 tent le verre plein , ils provoquent nom» mément ceux dont ils portent les fantés : 3j ils boivent coup fur coup , & bientót ils »3 fe livrent aux propos les plus libres. Le 33 corps s'affaiffe fous le poids du vin : fes 33 fumées , femblables a un brouillard épais, 33 fe répandent mr les yeux qu'elles obfcur33 cilfent. Le raifonnement & la mémoire 33 fe confondent dans les ténébres de 1'ou33 bli: 1'efprit perd fes droits : les efclaves as corrompus font entralnés par le torrent 33 de la débauche : on fe livre a de folies 3> dépenfes qui bientót ont renverfé 1'éco-33 nomie & la fortune de la maifon . . ». «AuflI-tót que le vin eft entré dans le 33 corps, dit un autre grec ( Athen. I. iq) , 33 il femble y fermenter & en foulever les ssparolesindécentes, animées paria fureur 37. .Agélïlas avoit donc raifon de dire que 1'ivrelTe n'étoit pas moins k évitcr que la folie , & que 1'excès du manger jettoit dans 1'abrütiiTement. Au refte , le vin pris a un certain degré avoit, dans quelques circonftances des effets gracieux. Euftathe , fur le livre 20 de 1'Odyflee, cite a ce fujet uh propos affez plaifant d'Anachariïs. On lui difoit a table qu'il avoit une femme fort Kiij  222 Mceurs de la Grèce, laide : « Je la trouve telle, répondit le fcythe, m mais verfez-moi du vin , afin que »> je Ia rende belle a force de boire ». LETTRE XL. Tu a l ï s qir e a P è t ré e. La fécherelTe eft extréme; on ne voit s'élever aucun nuage de quelque cöté que 1'on fe tourne. L'aridité de la terre annonce combien nos champs ont befoin d'eau (i % C'eft en vain que nous faifons des facrifices a Jupiter-pluvieux (2 ), il ne nous exauce pas. Tous les habitans de notre bourgade fe font mis en frais pour préfenter a ce dieu des offrandes qui lui fuflent agréables. Chacun s'y eft porté fuivant fes facultés. L'un a immolé un bélier , fautre un bouc ou un porc. Les pauvres ont offert des gateaux (3). Les indigens meines ont fait brüler quelques griins d'encens (4), On n a point facrifié de taureaiix; le maïtre  Lettre XL. 22 3 des dieux ne voit-il pas que le gros bétail eft très-rare, & ne s eleve que dimcilement dans le territoire aride & maigre de 1'Attique ( 5 ) ? Mais nos prieres & nos dépenfes font en pure perte : Jupiter eft fans doute occupé a répandre fes faveurs fur quelqu'autre région: il ne s'inquiete pas de nos befoins (6). N O T E S. (1) Combien nos champs ont befoin d'eau. C'eft fous 1'embléme de 1'union du Soleil avec Vénus, du Ciel avec la Terre, que les plus anciens poc'tes, qui furent en même-tems les théologiens, les légiflateurs & les phyficiens des nations, exprimerent les prodiges de la fécondité & les effets admirables de la chaleur & de 1'humidité néceffaires a la production des* fruits de la terre. «Vous voyez, dit Euripide ciré par Athenée (liv. i3 ), „ quclle eft la puiffance » de la déeffe; mais pouvez-vous 1'expri»mer; pouvez-vous même la concevoir? » Quelle a de force ! quelle eft fon énergie! Kiv  ï24 MfflÜRS DE LA GrÈCE, l» jufqu'oti ne s'étend-elle pas! Elle vous » nourrit, moi Sc tous les mortels. Je ne me 33 contenterai pas d'en parler; fannoncerai 33 fon pouvoir par fes effets. La terre fou33 pire après la pluie, lorfque les campagnes 33 delféchées languiffent en attendant une 33 humeur vivifiante qui les ranime. Le ciel, 33 chargé d'une pluie falutaire, attiré par 33 les charmes de Vénus, tend a fe rappro33 cher de la terre. Ses defirs s'accomplifientj 331'air & la terre fe réunirfent & forment 33 enfemble un principe fécond qui produit ao Sc conferve toutes les fubftances utiles a 331'entretien & a la nourriture de 1'efpece 33humaine33. Efchile, dans un des chceurs de la tragédie intitulée les Danaïdes on les Suppliantes, fait parler ainfi Vénus : « Le ciel, devenu liquide, defire de péné33 trer la terre, qui ne foupire qu'après cette ssheureufe union. La pluie qui tombe du 33 ciel, féconde la terre, Sc la met en état 33 de donner aux hommes de riches moif3» fons Sc des troupeaux nombreux. C'eft »3 cette heureufe union de 1'humidité Sc de 33 la chaleur qui porte les arbres z leur 33 beauté...C'eft moi, ajoute Vénus, qui fuis »Ia caufe productrice de toutes ces mer-  L E T T R E XL. 225 » veilles... 33. Saivons l'hiftoire fabuleufe, & donnons plus de développement k 1'allégorie. Qu'eft-ce que Vulcain, ce mari difforme de la charmante Vénus, ce forgeron relégué dans les antres fouterrains? firion 1'emblême du feu central, ou plutót du fluide ignée terreftre qui contribue beaucoup plus a la fécondité générale de la terre, que les feux Ju foleil. Mais comme les effets de celui-ci font plus fenfibies aux yeux de la multitude 5 que le foleil ne fe préfenté que comme 1'ame & le flambeau de la nature, Vénus lui donne la préférence fur Vul cain ,dont cependant elle elf toujours regardée comme fépoufe légitime; paree que, dans les tems fabuleux, on devinoit plutót que Ton ne connoiflbit 1'aétion continuelle du feu caché dans la terre & répandu par-tout. Aft ion vivifiante , mais qui ne fembloit fe manifefter diftinélement que par des moüvemens convulfifs, par des éruptions de volcans & autres phénomenes effrayans qui s'emparoient de toute 1'attention , & empêchoient qu elle ne fe portat fur des effets plus multipliés, plus avantageux, mais moins frappans, moins fenfibies, paree "qu'ils étoient fans ceffe renouvellés, Ky  zié Mceurs de la Gréce» ( z ) C'eft en vain que nous faifons dei facrijices , &c. Jupiter-le-pluvieux avoit un autel a Argos , qui devint célébre par le ferment que firent devant lui les chefs de parti qui vouloient rétablir Polynice fur le trone des Thébains, de périr tous, ou de prendre la ville de Thébes. P aufanias, l. 2, c, 19. Dans un bois facré, voifin de Lébadée (Levadia),-, ville de Béotie, étoit une ftatue de Jupiter-le-pluvieux , expofée aux injures de fair. Id. I. 9, c. 39. Ariftote ,. Livre du Monde a Alexandre , chapitre dervder, donne a Jupiter la qualité d'ö'/^jSpic?, imbrifer, pluvieux ; il cite a ce fujet le& vers d'Orphée, qui dit de Jupiter 5 C'eft le feu qui m'anime, Sc 1'air que je refpirea C'eft 1'onde du liquide empire. Plutarque, Banquetdes feptSages, c. 18„ dit: «C'eft encore grande pitié que la defm truétion de 1'agriculture ; car étant rui- » née qui fera celui déformais qui fafle » drefler un autel a Jupiter-pluvieux , ou » a Cérès favorifant Ie labourage, ou a » Neptune , proteéteur des arbres ? Qui leur va fera plus de facrifices »? Dès que les hommes unis en fociété comlaencerent a tirex leur nourriture principale  Lettre XL. des fruits de la terre qu'ils cultivoient, ils reconnurent bientót que des pluies favorables étoient néceifaires pour faire fruétifier leurs travaux, il n'étoit pas aifé d'y fuppléer par des arrofëmens : la chüte des pluies dans les tems convenables, ne pouvoit pas être 1'effet de 1'induftrie; ainfi ils ne dutent les attendre que d'une puiifance fuprême, de 1'auteur même de la nature. Auifi voyons-nous que dès 1'antiquité la plus reculée, ils donnerent a Jupiter la qualité de pluvieux, imbrifer, qu'ils lui éleverent des autels, & lui offrirent des facrifices pour fe le rendre propice. ( 3 ) pauvres ont offert, &c. Les giteaux que 1'on offroit aux dieux en facrifices, étoient compofés de farines, de miel & d'huile , matieres communes dans 1'Attique , & que les pauvres pouvoient fe procurer a peu de frais. (4) Les indigens mêmes, &c. Dans ces occaiions, les avares ne failbientpas mieux .que les indigens, & ils offïoient Ie moins qu'ils pouvoient. Lucien, dans le dialoguc qui a pour titre Jupiter le tragique, fait dire a. ce dieu que i'avare Mnéfithée, ayan*  azS Mceurs de la Grèce, voué, dans le péril d'un naufrage imminent, des hecatombes, s'étoit contenté d'offrir un vieux coq tout catharreux, Sc quelques grains d'encens pourri, Sc cela pour quinze ou feize dieux dont il avoit imploré le fecours, & a 1'aide defquels il devoit croire qu'il s'étoit tiré du danger. L'avarice dans le comble des richelfes eft donc plutót indigence pour celui qui les polféde , qu'abondance réelle, puifqu'il n'en jouit pas. ( ƒ ) Le territoire aride & maigre , <§r. Thucidide, parlant du territoire de 1'Attique , le qualifie de hiwroysav , folum tenue , rarum, gracile. Ce fol eft fee, léger , prefque par-tout blanchatre; il ne doit fa fertilité qu'aux vapeurs aqueufes qui s'élevent en abondance des mers voifines, Sc temperent fa fécherefle naturelle. II eft aifé a cultiver, Sc il feroit auffi fertile que dans les beaux tems de la Grèce , fi les peuples qui 1'habitent afhiellement vouloient fe donner la peine de le cultiver. Je 1'ai déja obfervé , le climat de 1'Attique n'a point changé, la falubrité de l'air y eft toujours Ia même. Les montagnes qui fournifibient  L E T T R £ XL. 21$ autrefois un miel fi délicieux, en abondent encore. Ainfi on peut en conclure que le fol y produit les mêmes plantes, & que l'atmofphere y eft modifiée de méme qu elle 1 étoit il y a deux ou trois mille ans. (6) 11 ne s'inquiete pas , &c. Quoique les Grecs fuffent élevés dès 1'enfance dans le plus grand refpeét pour les dieux, on Voit par le récit du campagnard Thalifque, qu'ils s'impatientoient aifément lorfque leurs facrifices n'étoient pas fuivis de 1'accompliffement de leurs defirs. On ne doit pas foupconner qu'un homme de fon état ne fut pas de bonne foi dans les pratiques rehgieufes; mais il reflembloit au métayex de' Jupiter, qui vouloit avoir .... du fee & du mouillé Aufli-töt qu'il auroic baillé, fon champ s'en fut il trouvé mieux? Pour peu qu'il y eüt penfé tranquillement, il en fut venu a cette fage réflexion; Concluons que la providence Sait ce qu'il nous fiuit mieux que nous. La Fvutaine, Fabk 4, liv, tf,  Mceurs de la Grèce, LETTRE XLI. P RAT I N"AS d MÉCALOTÈLE. Combien nous a importune ce foldat! qu'il nous a paru infupportable! II s'eft préfenté fur le foir; il a logé chez nous, & certainement ce n'a pas été pour notre bonheur ou pour notre plaifir. II n'a cefle de nous fatiguer de fes récits (i). II nous parloit de décuries, de je ne fais quelles phalanges; puis font venus les piqués macédoniennes, & les machines a lancet les javelots. II s'eft mis a raconter comme quoi j.1 avoit vaincu les Thraces , après avoir percé leur chef d'un de fes traits : comme il avoit mis a mort un arménien d'un coup de lance. Enfuite il a repréfenté, il a dépeinr la beauté des femmgs captives que fes généraux lui avoient accoidées pour prix de fa valeur. J'avois beau lui verfer de gxandes coupes de vin,  L £ T T R £ XL I. Zft pour rabaiffer, SU étoit poffible, fon ennuyeux bavardage. Plus je lui en préfentois, plus ü en buvoit, & ne ceffoit pas pout cela de nous accabler de fes contes & de fes forfanteries (2.). NOTE S. ( 1 ) Il n'a eejfe' de nous faüguer, &c. II paroit que les forfanteries des foldats grecs ont été de tout tems infupportables a cette nation. L'ancienne comédie ne les a mis fur la fcène que pour les faire paroitre ridicules par le récit de leurs exploits imaginaires. Ce font tous des pourfendeurs de géans. Ariitophane & Plautefon imitaceur, ont extrêmement chargé le róle de ces perfonnages. Ménandre, 8e d'après luiTérence, en ont adouci les traits; mais ils les ont toujours repréfentés fort ridicules & très-ennuyeux par leurs récits.. Le capitaine Thrafon, qui dans le troifiéme aéfe de ÏEunuque de Térence, parle de fes exploits a la guerre, &z de fa faveur auprès du prince, a la courtifanne Thaïs, quoiquil aflèéte un ton modéré, 8c une  ÏJ2 McEtX&S DÈ LA GsÈCE', forte de modeiHe, comme un homme qui rougiroït de fe vanter lui-même, n'en paroit pas. moins méprifable a cette femme. Lucien , dans le dialogue entre le capitaine Léontique, Quénidas fon conrident, & la courrifanne Hymnie , fait tenir a Léontique les propos les plus extravagans. II raconte comment au combat contre les Galates, il s'avanca hors du front de la bataille , monté fur un fuperbe cheval, & mit tellement 1'épouvante dans le cceur des ennemis, que jamais perfonne n'ofa fe préfenter devant lui II tua le général de leur cavalerie , & le perca lui & fon cheval d'un feul coup. Puis tournant fur 1'infanterie qui s'étoit ferrée en un gros bataillon pour lui faire tête , il paffa fur le ventre de fept des principaux officiers; & fendant en deux la tête d'un cclonel, malgré fon armet, il ouvrit un large chemin a ceux qui marchoient fur les pas de fa viéfoire. Enfuite iL combat un géant paphlagonien, le perce d'outre en outre avec fa lance , & lui coupe la tête. A ces traits Hymnie répond : Vous me faites horreur, je n'ai garde de vous embr.affer.... Ne crains pas, mignone, dit le capitaine, fi je fuis un Mars  L E T T R E X LI, 1*3 ala guerre, je fuis un Adonis en amour... A tous ces propos , la courtifanne s'enfuit, & ne veut pas même voir eet ennuyeux raconteur. 11 paroit que Lucien, dans fes dialogues, a pris Ariftophane pour modéle, & quAlciphron , dans fa lettre, a imité Ménandre. Au refte on a eu raifon de fe moquer du ridicule de ceux qui fe vantent j mais les hiftoriens grecs que les modernes ont fuivis, rapportent des chofes fi étonnantes des exploits des généraux, & même des foldats, qu'ils ont réalifé tout ce que les anciens comiques ont fait imaginer k la forfanterie des militaites de leur tems. Avant 1'invention de Ia poudre & des armes afeu, un homme courageux, adroit, fort & intrépide, portoit feul le défaftre dans 1'armée ennemie; ce qui eft raconté dans XHiJlolre du Bas-Empire, de la bravoure, de la force, de 1'intrépidité de plufieurs généraux, entr'autres de Manuel Comnene, eft étonnant & a peine croyable. ( z ) II ne cejfoit pas pour cela, &c. Ariftenete , dans le feftin qu'il donne aux philofophes, s'avife du même expédient pour calmer la fougue du cynique Alcidamas. Il  «34 Mceurs de la Grèce, lui fit préfenter, dit Lucien , un grand trai't de vin pur, penfant réuflïr par ce moyen, mais il ne s'appercevoit pas de combien de maux cette coupe feroit caufe, & que c'étoit comme la boete de Pandore. Dialogue le Banquet ou les Lapithes. LETTRE XLII. Eudicus a Pasion, J'AI un efclave phrygien qui n'eft propre a rien, & il me paroit être devenu tel i h campagne. Je 1'avóis acheté au marché de la nouvelle lune (i); je lui avois, pour cette raifon, donné le nom de Numénius; j'étois fatisfait du choix que j'avois fait. II me paroilfoit fort & vigoureux : fon regard étoit vif & éveillé. Je 1'emmenois avec plaifir pour 1'employer aux ouvrages de la campagne; mais jamais on n'a fait une plus mauvaife emplette. II mange autant que quatre pionniers, & il dormiroit auffi long-tems qu'un certain Epimé-  Lettre XL II. z}{ nide de Crète (z), que j'ai entendu citer dans les radotages de nos fophiftes. II faudroit, pour le contenter, que les nuits fuflènt auffi longues que celle que Jupiter paiïa chez Alcmène (3). Que ferai-je donc , mon cher ami? quel parti p rendre? dites-lemoi, vous le plus fidéle aflbcié de mes travaux. II ne me refte de refiburce que dans vos confeils , après avoir perdu mon argent dans 1'acquifition d'un animal auffi infoutenable. N O T E S. (1 ) Au marché de la nouvelle lune, &c. Les marchés aux efclaves fe tenoient aux nouvelles lunes , ou au commencement de chaque mois : c'étoit un ancien ufage de 1'Attique. Ariftophane en fait une mention expreffe dans la comédie intitulée les Chevaliers. C'eft ce qu'indiquoit le nom de Numénius, vh^woc , nouvelle lune , d'oii le terme rrancois Néoménie eft tiré, & qui fignifie nouvelle lune, mois nouveau; il eft compofé des mots grecs vss«, novust  tjt? Mceurs de la Grèce, v , menfis. Voye\ encore la note 3 fur ld Lettre XXX de la feconde Partie. (2) Epime'nide de Crète. C'étoit un pro-» verbe grec , tu as dormi, ou tu dotmirois autant qu'Epiménide. Cet homme célébre, né a Gnofle, dans 1'ifle de Crète, environ 600 ans avant 1'ère chrétienne, poëte célébre dans fon tems, tk 1'un des premiers philofophes connus , refta long-tems caché dans une caverne, tk fit croire a fes compatriotes qu'il avoit dormi quarante-fept ans de fuite; que pendant ce long fommeil, il avoit été admis a un commerce intime avec les dieux, qui lui avoient enfeigné le fecret des expiations ; que par un don particulier , il mouroit ou refiufcitoit quand il le vouloir. Sa réputation s'étendit au loin. Plutarque, dans la Vie de Solon, dit qu'il étoit regardé comme « un faint homme, » religieux, favant ès chofe.s céleftes par »infpiration & révélation divinej a raifon » de quoi les hommes de fon tems 1'appel»loient le nouveau curète ou prophéte. Etant w donc venu a Athènes, tk y ayant conS3 traélé amitié avec Solon, il lui aida beau»coup, Sc lui prépara le chemin a établir  L £ T T R £ XL II. 237 » fes loix. Car il accoutuma les Athéniens »ii faire leurs facrifices plus légers & de » moins de dépenfe : & les rendit en leur 33 deuil plus fupportables, en retranchant » certaines auftérités & cérémonies barba33 refques que la plupart des femmes ob33 fervoient portant le deuil: en ordonnant 33 certains facrifices qu'il vouloit que 1'on fit 3> incontinent après les obféques d'un tré33 paifé. Mais ce qui eft encore plus que 33 tout cela, en accoutumant la ville a la 33 fainteté & aux dévotionS par continuels 33 facrifices de propitiation, par prieres aux; 33 dieux, purgations, offrandes & fonda3» tions , & rendit petit a petit les cceurs 33 des hommes plus fouples pour obéir a 3» juftice , & plus idoiries & traitables pour 33 conduire a union & concorde. 3> Epiménide étant pour ces caufes en 33 grande réputation envers un chacun , les 33 Athéniens lui firent de grands honneurs 33 8: lui offrirent de beaux préfens, avec 33 bonne fomme d'argent, dont il ne voulut 33 rien prendre, & demanda feulement qu'on 33 lui donnat un rameau de la fainte olivey ( des oliviers confacrés a Minerve, dont il étoit défendu de couper) , 3> ce qui lui fut  238 Mceurs de la Grèce, *> oétroyé , & s'en retourna. Ces obfervan» ces-li , ajoute Plutarque , ne rendent pas »les hommes enclins a la fuperftition , sj comme aucuns eftiment; ains nous exer» cent Sc accoutument a la gratitude & » fociable humanité les uns envers les au» tres par 1'être envers ces chofes-la , qui » n'ont ni ame ni fentiment... .31. Platon, confervant encore quelque refpeét pour la vénérable antiquité, donna a Epiménide la qualité d'homme divin. Je ne fais fi les grands philofophes qui lui fuccéderent en auroient dit autant. Ce qu il y a de certain, c'eft que leur morale & celle de ceux qui ont adopté leürs fentimens, eft fort éloignée des fentimens religieux par lefquels Epiménide avoit établi la police a Athènes. On peut voir encore fur Epiménide, X'Hifl. natur. de Pline , liv. 7, chap. 52, & les Nuics Attiques d'Aulii-geile, liv. 2 , Sc Diogène-Laërce-dans la Vie cCEpiménide. ( j ) Plas longue que celle, &c. te Arrête, dit Mercure au foleil, » & que pendant » l'efpace de trois jours il n'y ait qu'une »longue nuit. Que les Heures dételent tes »ehevaux; éteins ton flambeau> & te re-  Lettre XL II. 239 » pofe. Jupiter eft en Béotie chez Alcmène, » & une nuit ne fuffit pas pour achever le » héros qu'il a commencé. Je vais finir ma » commiflion , & dire a la lune qu'elle ne » fe hate pas non plus; & au fommeil qu il » n'abandoune point les hommes, de peur » qu'ils ne s'appercoivent de ce change» ment ». Lucien, Dialogue de Mercure & du Soleil. C'eft 1'explication de ce que les Grecs appelloient proverbialement les trois foirées d'Hercule. HpauXe'se -r^nrm^v, ou la nuit qui dura autant que trois jours. LETTRE .XLIII. PHILOMÉTOR a EPIPHANIA* Quittez pour quelques momerrs, ma mere, votre retraite ruftique & les foins de la campagne; je vous le demande au nom des dieux & des génies (1). Voyez, au moins une fois avant que de mourir, ce que la ville a de plus beau & de plus intéreffant. De combien de fpectacles porn. peux &c touchans vous êtes privée. Vous  feiLO MdUES Dï LA GniCE, ne connoiflez ni les aioennes} ni les apaturies, ni les dionifiaques, pas même la fête folemnelle des thefmophories (z) que 1'on célébre actuellement. Hier fe fit la cérémonie de 1'afcenfion (3); aujourd'hui les athéniennes obfervent un jeune général (4); demain elles facrifieront a Calligénie (5). Pour peu que vous vouliez vous hater, vous arriverez demain de très-bonne heure, avant que 1'étoile du matin difparoilTe , 8c vous vous réunirez aux femmes d'Athènes pour offrir avec elles le facrifice. Venez donc, ne tardez pas •, je vous en conjure par 1'intérêt que vous prenez a ma confervation & a celle de mes freres. II y a une forte de honte a finir fa^vie fans avoir pris quelque connoifiance de la ville. C'eft porter au-dela des bornes la fimplicité ruftique, 8c Ia faire dégénérer en une indifférence trop auftere, qui même a quelque chofe de farouche. Souffrez, ö ma mere, la liberté avec laquelle je vous parle. Je n'ai en vue que  L s r t s £ XL III. j-4» que votre bien & votre fatisfacftion. Si la Franchife eft honnête & avantageufe dans le commerce ordinaire de la vie; a plus forte raifon un fils ne doit pas craindre de dire la vérité a fes parens (£). JST O T E S. (i) Au nom des dieux, &c. Voyez fur les dieux & les génies la remarque troifïeme fur la Lettre III de la feconde Partie j & fur 1'intérêt que devoit infpirer aux Athéniens la célébration des fêtes, la remarque troilieme fur la Lettre IV de cette Partie. (i) Lafe'te des thefmophories. J'ai parlc de ces différentes fêtes dans les remarques précédentes, fur-tout dans celles de la première Partie. Les myftères d'Eleufis ont été lobjet d'une remarque fort étendue. Ils étoient précédés & accompagnés par les fêtes que 1'on appellè ici thefmophories, qur étoient les mêmes que les éleufinées ou les panathénées. Elles furent d'abord particulieres a la ville d'Athènes & a fon petit territoire; les uns tapponoient leur infti- Tome III. L  z^z Mceurs de la Grèce, tu.ti.on a Orphée, ies autres a Eriéthon, qu4trieme roi d'Athènes. On en faifoit auffi honneur a Théfée , paree que ce fut lui qui y appella tk y admit tous les peuples de 1'Attique, après qu'il les eut unis d'inrérêt, & qu'il eut donné a Athènes la forme qui en fit la capitale de la Grèce, & une des villes les plus célebres de ces tems reculés. Alors ces fêtes prirentle nom de panathénées, comme étant propres a tous les peuples de la dépendance d'Athènes. On fe faifoit un devoir religieus d'y affifter, fur-tout aux grandes thefmophories qui fe célébroient tous les cinq ans. Elles conf.ftoient en jeux tk en exercices publics, en facrifices & en proceffions ou pompes folemnelles. La première nuit étoit une veillée religieufe employée a des courfes de gens a .pied , qui tenoient chacun un flambeau a la main. Celui qui arrivoit au but fans éteindre fen flambeau , étoit couronné. Enfuite venoient des courfes a cheval. Le fecond jour étoit deftiné a des combats d'athlètes, fur les bords de la riviere d'Uiffus. Le troifieme jour il y avoit des concerts publics oü les muficiens faifoient preuve de leurs talens. Dans tous ces jeux, celui qui 1'emportoit  Lettre XLlIL z4j fur les autres étoit couronné d olivier 3 il tecevoit des prix , & régaloit fes concurrens. Ces exercices étoient fuivis de danfes pyrrhiques qu'exécutoit la jeuneffe armée, en mémoire de celle que Minerve avoit danfée après avoir vaincu les Titans. A la fin de la folemnité, on faifoit une proceffion rel.gieufe & militaire ; depuis ,a ^ delle d'Athènes jufqu'au temple de Cérès a Eleufis. Les vieillards encore frais & vigoureux étoient au premier rang, tenant 1 la main des branches d'olivier. Ils étoient vêtus de blanc ; il n'étoit pas permis d'y paroitre en robes de couleurs. De jeunes filles portoient dans des corbeillf-c !« «fc^K» faintes deftinées aux mvfteres. T P< gers établis l Athènes, marchoient enfemble , portant des hovaux on ;„r trumens d'ufaee oour travaill^r l, .„ leurs femmes portoient des vafes propres a puifer de leau. La proceffion étoit précédée par un vaiifeau que 1 on faifoit avaneer a 1'aide de quelques machines cachées, & aux agrêts duquel étoit attaché un grand roile blanc, fur lequel on difoit que Minerve avoit brodé 1'hiftoire de la guerre fles géans foudroyés par les dieux. Toute Lij  244 Mceurs de la Grèce, 1'Attique , comme je 1'ai dit, prenoit part ; a- ces fêtes: chaque peuple y envoyoit un boeuf pour les facrifices que 1'on y offroit, & qui fervoit enfuite a nourrir toutes les perfonnes employees aux exercices différens qui faifoieirt partie de la fête. On y mangeoit beaucoup-, & 1'on n'y buvoit pas moins. Athénée (liv. u ) fait mention des vafes panathénaïques qui tenoient au moins deux congés ou fix pintes de Paris, & qui paroiifent avoir été la portion deftinée a chacun. Cette grande fête fe célébroit dans la belle faifon, après les récoltes principales: elle étoit fpécialement confacrée i Cérès , paree qu'ayant appris aux premiers habitans de 1'Attique la maniere de cultiver le bied & de s'en nourrir, elle leur donna en même-tems des loix, & commenca a les civiliter. De-la lui vint la quali-; fication de thsfmophore ou légifiatrice, des mots grecs 9s3-f*o?, lol, &c cp^m, je porte. Ces fêtes fubfifterent pendant une longue fuite de fiecles, & mériterent les refpcéls de tous ceux qui fe firent une véritab'.e idéé de 1'objet de leur inftitution. Ils re-s garderent avec raifon les perfonnages auxquels on rapportoit letabliflement du  Lettre XL11L 245 labourage & des premières loix civiles, comme les bienfaiteurs les plus chers de la fociété. Cicéron les comparant aux hommes les plus célebres par leur fcience & leurs découvertes, dit: « Tous étoient de grands 33 hommes; mais plus grands encore ceux 33 qui enfeignerent a fe nourrir de bied, a 33 fe batir , a fe vêtir, a fe policer, a fe 33 précautionner contre les bêtes féroces. 3) Par eux , nous fümes adoucis & civiiifés. 33 Après quoi , des arts néceifaires nous sj en -vlnmes aux .arts qui demandent un 33 génie plus cultivé 33. A quïbus manfuefciBi & exciiïti d ne'cejarïïs artificiis ad ekganciora defleximus. Tufcul. I , n°. 25. j'ajouterai encore que ces différentes courfes, ces combats , ces concerts , ces marches pompeufes, reprcfentoient dans leur inftitution les divers états par lefquels les hommes avoient palTé a la fuite de la grande révolution qui avoit prefqu anéanti fefpece humaine. Souvenir intéreffante pour des peuples qui en avoient fi long-tems appréhendé le retour, & qui ne furent raifurés quaprès qu'une longue fuite d'années leur eut donné lieu d'efpérer qu'i's ne feroient plus expofés a de femblables malheurs. Voyez L iij  iss Mceurs de la Grèce, Meurf. Graclaferlata iVlazzr. De Ifide & Ofiride ; l'Antiqulté dévolk'e par fes ufages, &c. (3 ) La cérémonie de l'afcenfion. C'étoit le jour auquel les femmes montoient a Athènes pour la fête des thefmophories. (4) Un jeune géne ral. C'étoit le cincjuieme jour des thefmophories que les femmes jcünoient; pendant les neuf jours que duroit cette fête, elles vivoient dans une continence exacte : Perque norem nocles venerem , ta3ufque viriles In reiiti* numerant..... Virgil. On voit que de tout tems le culte des dieux & les cérémonies religieufes ont exigé, de la part de ceux qui y étoient employés, une grande pureté de corps, Sz un détachement entier des plailïrs des fens, ?our fe livrer avec plus deliberté a ce que ce fervice avoit de grand & de refpeclable. ■Ce ne fut que lorfque les inüituticns primi*ives eurent tout-a-fait dégénéré , que 1'on vit le même culte en quelque forte abandonné aux mams impures des courtifannes, qui faüilfoient ces occafions pour fe réunif  Lettre XL III. 147 & fe livrer enfemble a toutes les pratiques licentieufes de leur état. {$) Demain elles facrifieront. Ariftophane, dans la comédie des Thefmophoriennes , leur dit: « Adreffez vos vceux aux 33 déeffes légiflatrices, Cérès & Proferpine , » a Pluton & a Ca!!igénie«. Erifthon , quatrieme roi d'Athènes, qui vivoit prés de quinze fiecles avant 1'ère chrétienne, établit que ceux qui fe difpofercient a. oftrir des facrifices a quelque divinité, commenceroient par facrifier a Calligénie. Cette déeiTe me paroit être la même que Ve?iusgenitrix, le principe actif de la fécondité, i'énergiede la nature, la déeife de ia beauté. (6) De dire la verite'. Ménandre, cité par Stobée ( Serm. _o , de veritace ) , dit: « II eft toujours fionnête de dire Ia vtiité 53 en to"ut tems & en toute circonftance. je 3» vous en avertis, c'eft laWe la plus aifuo' rée de la tranquillité & du bonhéur dé 33 la vic 3,. C'eft ce que 1'on peut appefi« une maxime de caraéterc , qui n'a pas toujours 1'ctfet que le poè'te lui fuppofe. Je me fuis arrété avec fatisfadlion fur cette Lettre; il y regne un fentiment de Liv  248 Mceurs de la Grèce, piëté & de tendrolfe filiale qui prouve que le jeune homme qui eft cenfé 1'avoir écrite, ne voyoit dans les fêtes de Cérès que l'objet de leur inftitution primitive. C'étoit un fervent initié qui envifageort les récompenfes futures réfervées a ceux qui auroient été fideles a la pratique des cérémonies religieufes, & qui auroient reglê leur conduite cn conféquence. LETTRE XLIV. Eu T I D I L E a PIII LI SE. «T'Avois envoyé mon fils a la ville pour y vendre du bois & de 1'orge. li devoit revenir le même jour , &me rapporter le prix de ce qu'il auroit vendu.. Mais je ne fais quelle divinité dans fa colere 1'a tout d'un coup infpiré , 1'a totalement changé, 1'a rendu fou. Ayant rencontré par aventure un de ces infenfés que leur conduite enragée fait appelier chiens ( cyniques), il a bientót eu furpaffé fon modele par fes extrayagances. 11 ne fe  Lettre XL I V. 249- préfenté plus que fous fafpeét le plus rebutant &c le plus horrible. On le voit fans ceffe agitant fa che\ elure fale tk bérilfée: fbn regard eft atroce; a peine couvert d'un' mauvais manteau pour tout vêtement T affublé d'une beface, tenant a la main nne efpece de maffue plutót qu'un biton de poirier fauvage; piedsnuds, d'une malpropreté rebutante, enfin intraifable : voilï ce qu'eft devenu mon fils 1 il ne connoit plus fes parens, il les renie. La nature , dit-il, a tout fait; la génération eft produite par le mélange des éléraens, les paiens n'y peuvent rien. II a Ie plus grandi mépris pour les aifances de la vie} &c une averfion décidée pour 1'agriculture. Les loix de la pudeur & de 1'honnêtcté ne lui fémblent plus que de ridicules préjugés; il & perdu toute bonte (1). O bonne & refpeétable agriculture! ü ne tient pas a cette fecte de fous & d'earagés que vous ne tombiez dans; le pkr$ grand mépris, & que Fon nabandonnc  250 Mceurs de la Grèce, tout-a-fait vos utiles travaux. A quoi penfoient nos légiflateurs, Solon & Dracon (i)% lorfqu'ils ont prononcé la peine de mort contre ceux qui voleroient des raiiïns ou quelqu'autre fruit de la terre! & ils laiffent jouir de 1'impunité d'abominables féducteurs qui pervertiflènt la jeuneffe , & la réduifent a lefclavage le plus -honteux , après lui avoir fait tourner la tête. N O T E S. (i ) Les loix de Vhvnhëteté, év. Lucien , dans le dialogue intitulé : les Secles des Philofophes dl'encan, fait ainfi parler Diogène le cynique : «Tu ne te foucieras, » ni de parens, ni de patrie , Sc tu pren» dras tout ce qu'on en dit pour une fable... »Tu quitteras la maifon de ten pere.... » ta beface fera tout ton bien Sc toutes tès » poffeflions : pourvu qu'il y ait quelques » bribes , avec elles tu fcras Ia nique aux » richeffes , Sc tu difputeras-q^ Ia féücité » avec Jupiter... Du refte „.Voicfie précis a de ma dodrine. 11 faut être hardi. effron-  Lettre XLIV. 2jr »te, gronder tout le monde, trouver k => redire a tout : c'eft le moyen de fe faire 33 admirer. Avoir le ton 8c la parole rude, 33 le vifage rechigné, une phylionomie auf» tere; des manieres féroces & brutalesj 33 être fans douceur , fans pudeur, fans hu» manité ;■ vivre dans les lieux les plus fré» cjuentés comme s'il n'y avoit perfonne;. 33 fe croire feul parmi la foule , ou Ie fein=3dre: en amour, choifir le plus ridicule objet; faire en public ce que 1'on ne fait en fecret qu'avec un fentiment de honte; 3) & li 1'on s'ennuie de la vic, avec un 33 grain d'arfenic on s'en débarralTè 33. Te!s étoient les objets de perfeétion & de bonheur q$te les cyniques annoncoient a leurs profélites, ©n voit par la coraparaifori de la lettre d'Alciphron avec Ie dialogue de Lucien, qu'ayant eu des idéés femblables, & les ayant exprimées a peu-p;ès dans les mêmes termes, il faut que f un ait fervi de modele a 1'autre. fl)A quoi penfo'unt nos h'glfiauurs Plutarque, dans la Vie Se Solon, dit que lc nouveau légiilateur abrogea toutes les loix del'ancien. Les premières étoient taop  Z5.2 Mqturs de la Gkèce, cruelles, en ce qu'elles ordonnoient gênéralemenr la peine de mort contre tous les. crimes ; 8z qu'un homme qui avoit volé des. fruits dans un.jardin, étoit aufli févérement. puni qu'un facrilége ou un meurtrier. 11 répondoit a cela q.u'il ne voyoit pas d'attentat contre les droits de la fociété qui méritat. une moindre peine ,.& qu'd navoit pas pu en imaginer une plus grieve contre les au-, tres. II eft étonnant que dans une région. dont la populaticn étoit médiocre, on ménageat fi peu la vie des hommes, & que. les légillateurs n'eulfent pas imaginé de, chatier ccrtains crimes en confervant les. eoupables..  LETTRE XLV. A R N A D E S d MÉ L I AD E* JE vous ai envoyé les toifons des brebisles plus faines que j'aie a Décélie (i). J'ai. abandonné celles qui étoient infeétées dela gale a Pyrrhias, mon berger, pour qu'il en tire quelque pront avant qu'elles. ne périflent du mal qui les ronge. Vous avez une quantité fuffifante de laine, & vous nous en fabriquerez des étoffes convenables aux différentes faifons de 1'année. Celles deiïinées a fervir pendant 1'été , feront d'une trame légere & petr ferrée: celles de 1'hiver feront plus épabTes,v mieux fiappées, bien. fournies de laine (i).. Les premières, a raifon de leur légéreté ,. fervent fèulement a nous couvrir & a nous; tenir a 1'ombre fans nous échanffer. Les; autres, par leurs poids, doivent nous gaïarxir de 1'impreflion dn froid & de 1'ao  254 Mcburs de la Grèce, tion des vents. Je vous recomminde d'infitruire ma fille que je penfe a marier, & les fervantes qui 1'accompagnent, dans 1'art de la fabrique des étoffes (3}, afin que lorfqu'elle fera unie avec un époux, fes parens n'ayent point a rougir de 1'avoir mal élevée. D'ailleurs, vous n'ignorez pas que les femmes qui fe piaifent a travaiiier la laine, & qui font atrachées au culte de Minerve (4), ne s'écartent jamais des loix de la chafteté & de la modeftie (5), NO T E S. (1) Dêcêlie. Bourgade de TAttique, de la tribu Hippothoontide, ainfi noramée d'Hippothoon -fils de Neptune, & d'Alopé. fille de Ccrciön. Ceft prés de cette même bourgade qu'Agis, roi de Spartc, fit batir un fort pour tenir les Athéniens en refpeét. Les laines de 1'Attique étoient de première qualiré. Ceüt été une queftion ridicule de demander s'il y en avoit de rr.eilleures aumonde. (Athenée, My. 5. )  Lettre JZ^. 255 (2) Celles de l'Jiiver, d-r: II paroit que les anciens Grecs n'étoient pas dans 1'ufage de doubler leurs habits. Ils fabriquoient des étoffes de différentes forces ou épaiffeurs convenables aux diverfes faifons. C'eft ainfi que Neftor (Wad. liv. 10) eft repréfenté metrant fur fes épaules un manteau de pourpre doublé.'C'étoit un vieillard qui avoit befoin detre bien couvert, fur-tout pendant la nuit, lorfqu'il parcouroit le camp pour affembler les généraux grecs, & tenir confeil avec eux. Pour les habits d'hiver, dit Héfiode ( Opera & dies), que la chaine foit peu ferrée, & la trame épaiffe. Cétoit le moven d'avoir des étoffes douces & maniables , plus propres a prendre exaftement la forme du corps, Sc a garantir du froid. ( 3 ) Dans Van de la fabrique , &c. Dans ces tems reculés, chaque femme ou mere de familie fabriquoit dans fa maifon les éroffes de laine Se les toiles néceffaires a. habiller la familie; ufage qui fe coniérve encore dans les Tndes orientales, oü les coutumes primicives n'ont point changé. Le rang , quelqu'élevé' qu'il fut, n'exemptoit pas de ces foins. « Je ne te rendrai pdist  i$6 M«urs d-e la Grèce, « ta fille,dit Agamemnon a Chrysès (Wade, liv. i}, » avant qu' elle ait vieilli dans mon » palais a. travailler la laine » , ou comme porte le texte grec, aparcourir le métier, paree que dans ces premiers tems les femmes travailloient debout. Ce ne fut quenEgypte qu'elles commencerent a. travailLer afliies ; ce qui leur parut fi commode, qu'il eft probable qu'elles firent faire en reconnoiffance la première ftatue de Minerve affife, dont on s'accorde a attribuer 1'idée aux Egyptiens. Quand Agamemnon dit que Chryféis travaillera en laine-, il la deftine aux occupations de fon fexe, a celles des princeffes tnêmes. Hélene a Troye, Pénélope a Ithaque , Calypfo & C.ircé, s'occupoient a fa^ briquer des étoffes de laine. La belle Nau£cz&(OJyJr. liv. 6) trouve fa mere,la reine des Phéaciens, aflife auprès de fon feu , filant de la laine de la plus belle pourpre. C'eft dans ce moment que la princefle s'approchant du roi Alcinoüs fon pere , le prie de permettre que 1'on prépare un de fes ehars , afin quelle porte au fleuve les robes & les habitSi qui ont befoin d'étre lavés. k 11 eft de la dignité d'un prince comme MbYOUS,, lui dit-elle, de parobre tous les  Lettre XLV. 257 35 jours aux affemblées Sc aux confeils avec 3> des habits propres. Vous avez cinq fils, s> deux qui font déja mariés, Sc trois qui 3> font encore dans la première jeuneffe. Ils 3j aiment a avoir tous les jours des habits, 3> d'une propreté recherchée, pour paroitre a> aux danfes & aux divertiffemens. Vous 33 favez que ce foin me regarde 33. Nauficaa étoit fans doute la fiHe ainée de la maifon , car c'étoit elle que regardoient tous ces détails de ménage. L'imagination s'arrête avec plaifir fur le fpeétacle des mceurs antiques. Quelle fimplicité 1 quelle douceur! les graces fe trouvent conftamment unies avec la vertu; les foins domeftiques, 1'habitude & 1'amour du travail font de tous les états, de tous les rangs; car fi le ror des Phéaciens n'étoit pas un fouverain d'une puiffance formidable, c'étoit au moins un grand feigneur. (4) Ju culte tte Minerve, &c. Il eft queftion ici de Minerve-Ergane'e, ou 1'ouvriere qui avoit inventé Sc enfeigné aux femmes 1'art de travailkr la laine Sc d'en faire des étoffes. Tout ce qui a rapporr a la tifleranderie étoit regardé comme bienfait de cette  258 Mceurs de la Gkece, déeffe. C'eft pour cela que le coq, fymbole de la vigilance, fervoit en certaines occafions de cimier au cafque de Minerve , & que 1'on repréfentoit a fa fuite Plutus le dieu des richeffes, qui font prefque toujours la récompenfe dun travail bien conduit. Voyez Diodore , Hv.$ , & Paufanias t liv. 9 , ch. 5. (;) Les loix de la chajïeié, &c. C'eft dans ces principes que 1'on élevoit anciennement les bonnes & honnêtes femmes, & il fallut peu de tems pour les former fur ce modelej la nature fembloit les y porter. Chez nos peres, parmi les Gaulois & les premiers Francs, on ne voyoit les femmes a aucune afiemblée que le jour de leur mariage. Le refte de leur vie étoit employé au foin intérieur de la maifon, d'ou elles ne fortoient plus, & a veiller fur les premières années de 1'éducation de leurs enfans. Elles ne connoiffoient ni les jeux, ni les feftins , ni les fpeétacles, & malgré cela on étoit perfuadé que 1'emploi de leur tems n'étoit pas moins effentiel au bien général de la nation. Que nos bons ayeux étoient Stripjes 5c grolfiers ! Revenons aux  Lettre X L V. 259 Grecs; ce ne fut, fans doute , que longtems après que le pays fut civilifé, que Ton parvint a porter le beau fexe a ce degré de perfeétion auquel s'éleverent les Afpafies & leurs femblables. Car Simonide, trèsancien poéte grec, ëtoit encore imbu des idéés de 1'honnète & antique groffiéreté, lorfqu'il compofa la fatyre contre les femmes,que Stobée nousatranfmife(a>,-7n.7r). II prétend y peindre les caraéteres différens des femmes, dont il établit dix efpeces. « Au commencement, dit-il, Dieu créa les » ames du beau fexe- dans un état féparé » de leurs corps, & les tira de différente* » matieres. II forma les unes des ingrédiens » qui entrent dans la ccrmpofition du pourm ceau; les autres de la fubftance qui fert 3» a former le renard. Les particules canines » furent la matiere de la troifieme forte. La m quatrieme fut tirée de la terre; la cina quieme de la mer. L'ane & les bêtes de »fomme fournirent la sïxieme : le chat » la feptieme ; la jument avec fa criniere » flottante, la huitieme ; le fin ge , la neu» vieme. (II n'eft pas nécefiaire que ie répete ici tout ce que Simonide avance fur ces dirTérentes fortcs d'ames, pour en con-  26o Mceurs ee la Grèce. cevoir une idee défavantageufe.) *> Enfïrr, 33 la dixieme & derniere efpece fut prife 33 de 1'abeille. Heureux le mortel qui en 33 trouve une de cette claffe pour fa femme!' 33 Seule parmi toutes les autres, le vice n'eut 33 jamais d'accès dans fon cceur ; elle affure 33 a fon mari une vie longue & tranquille. 33 Vieilliflant avec lui dans le plus heureux asaccordi mere d'une familie nombreufe 33 dont elle fait fes délices; diftinguée parmi 33 toutes les autres femmes dont elle eft 331'exemple & la gloire , on ne la voit » point perdre fon tems a de vaines con»3 verfations. La modeftie regne dans fes » propos, 8c femble donner plus d'éclat »aux graces qui FaccompagDent, tk qui so fe répandent fur toutes fes occupations. 33 Ce' font les femmes de cette elaffe que 33-Jupiter, dans fa faveur, réferveaux mor33 tels dont le bonheur 1'intérefle véritable33 ment 33. Ceft de eet ordre que devoit être la fille de 1'honnête Arnade. L'éducation qu'il lui donnoit, les fentimens honnêtes qu'il. développe dans la Lettre écrite fous fon nom, ne permettent pas d'en prendre une autre idée. FIN  ztii * ==5» TABLE DES MATIERES Contenues dans les trois Volumes DES LETTRES GRECQUES. Le chïffre romain indique les tomes , & le chiffre arabe les pages. A s familieres, III, page Académie , féance de celle d'Athènes, III, *ss- - Acarnanie, région de 1'Epire, III, 164. Achille, fa fureur contre Hector mourant, III, 81. Adonis, fes fêtes, I, 3 05-. Adraste ou Némésis , déelTe de la ven- geance , l, 267. A'duitere, fon fupplice en Grèce, II, 247. Sa vengeance , 248. Comment puni & toléré en Colchide, en Georgië & aü- leurs, £4p.  %4% TABLE Affaïrts , foins qu'il convient d'en prendre, III, 21?. Agis, roi de Sparte, fait brüler les livres des ufuriers, III, iafj. 'Agrigente , ville de Sicile. Aventure plaifante de quelques ivrognes, II, 64. Agriculture , quand avilie a Athènes, III, iy. Honnéte & convenable aux hommes, 49. Ses travaux, incettitude de fes produits , 116. Défefpoir d'un jeune agriculteur, 117. Aiguierre d'argent volée, II, 141. Ufage de ces fortes de vafes, 144. Akalanthis , nom de femme & de caractere, II, 259. Alcibiade , fous quels traits il fe fait peindre , 1, 48. Accufé , s'enfuit d'Athènes , II , 292. Alciphron & Lucien comparés, III, 140. Alcmene, fes nuits avec Jupiter, III, 238. Alcyons , oifeaux de mer, font leurs nids en beau tems, III, 31. Defcription de eet oifeau , 33. Alexandre, s'amufoit des parafkes , II, 29. Fait batir une nouvelle Troye ,213. Alfit ou Qrfcu, fleuve du Pélopoanèfe, I, 22.  DES M ATI ERE S. t6$ 'Aliane , campagne de Béotie , II, 165. Alcidamas, cynique fougüeux, III, zjj. Alopéce, bourgade de 1'Attique, I, 361. Amalthée , ( corne d') ce qu'elle exprime, III, 203. Jmans, leur vceu général, I, 164. Surannés, combien ridicules, 363. Art de les plumer, 316. Aminocles, s'enrichit tout d'un coup, III, 58. Amis, tout eft commun entr'eux, proverbe, III, 61 & 160. Amitocrates , roi des Indes, demande un fophifte a acheter, UI, 182. Amour , le plus grand des dieux, I, 340. Amphiaraus , devin, fon temple, II, 2ip. Amphyction, roi de 1'Attique, apprend aux Grecs a mêler de 1'eau dans le vin, II, 6;. Anacharsis, ce qu'il penfe des philofophes. III, 2 e. Sa réponfe plaifante fur fa femme, 221. Anapliotis & Théodore, corfaires, leur aventuse firiguliere , III, 65. Anaximene de Milet invente les cadrans folaires , II, pi.  154 TABLE Anchois & muiets, poiflbns confacrés a Diane , 1, 528. Andros, ifle; fes habitans répondent a The- miftocle , II, 87. Anefidore , furnom de la terre, III, 44. Angele , fauxbourg d'Athènes, II, 121. Animaux domeftiques , partie de la fociété ,des anciens, 111, 171. A'paturies , fêtes d'Athènes, II, 135. Apémanthe, mifantrope , ami de Timon, II, 150. 'Aratus, fon poëme fur les phénomenes, 11,48. Ai bres antiques, leur durée prétendue , II, 188. Are'opage, fa fevere exacfitude , I, 3 3 r. Ariane enlevée par Théfée & par un ha- bitant de Naxos, I, 209. Aristippe , a la fuite de Lais; ce qu'il eu dit a Diogène, I, z$. Juftifie fon luxe, 117. A quoi il compare les philofophes, 118. Aristok , roi de Sparte, fa maniere de compter, III, 127. Asope ou Arhon, riviere du Péloponncfe, «I, 134- Aspasie, courtifanne ; fa célébrité, I, 9. Fait  DES MA TIER ES. %6$. Fait déclarer Ia guerre aux Mégariens* I, 10. — la jeune, fes graces, 253. — de Milet, maitreffe de Cyrus le jeune tk d'Artaxerxe-Mnémon, 34, 288. Aspasie tk autres courtifannes, pourquoi leur nom s eft confervé, II, 206. A'thees publics, condamnés a mort, II 2y8. Athènes , idees que 1'on peut fe faire de fes mceurs publiques,I, 79. Dépravation de fesmoeurs, 4 3. II, 2 j2. Les grands hommes y font perfécutés, I, 44. Période le plus brillant de fa gloire, 177. Comparée aux beaux fiécles modernes, 178. L'emporte fur toutes les villes de Ia Grèce, 180. Les plaiiïrs publics contribuent a fa célébrité, 182. Ils en précipitent la décadence, 18 3. Idéé d'un fat d'Athènes ,232. Principale occupation des jeunes citoyens d'Athènes, 377. Défordre de fes mceurs fe communiqué a Rome II 'Athéniens, fe glorifient d'être defcendus. d'Apollon, tk pourquoi, I, 212. Eftiment de préférence tous les talens agréables, 49- Leurs affemblées publiques, 17?. Ic.ms 111. M  Z66 TABLE Gagnés par leslargeffes des rois d'Egypte, I, 209. 'Athéniens riches, leurs mceurs, III, 6. Leur luxe, 88, or. Atómes plafiiqiies, ou fimulacres de Dé- mocrite, II, 'Atrée , fes yeux, proverbe, I, 12.6. Attique , fertilité du lol, & fon commerce, III, 4J , pi. Son territoire toujours le même, 228. Atys, fe mutile lui-mème, I, 360. Avares, fameux a Athènes, II, 151. Avenir, deur de le connoitre, II, 225-. Avidité, ou gourmandife , fes inconvéniens chez les Grecs, II, 107. Autruckes, pourquoi elles habitent les dé- ferts, II, 273. B Bacchis , la plus honnête des courtifannes, I, J3, 127- Ecrit a 1'orateur Hyppéride , 216. Née.a Samos, 218. Beauté de fon caractcre & fa générofité, 219, 246. Confeils_quelle donne a Phryné , 226. Ses fentimens honnétes, 234. Sa mort, & les regrets de fon amant, 24;. Bacchus, fes fêtes au mois d'oclobre, I,  DES MATIERES. Uif Jfj. Leur origine , 344. Ses fêtes ap- penees liberalia, 11, 289. Bains publics & partlcullers a Athènes II, 88. Baracan , étoffe.de Cilicie, II, 115, 11 5. Barathrum, puits ou abime oü 1'on précipitoitles criminels, II, 18,9. Oü il étoit . fitué, 293. 'Barbier malin & plaifant, II, 267. Baton de figuier, proverbe, I, 241. Beauté, fujet de difpute erttre les courtifannes, 1, 22, 2fp. Bi llérophoh , comment il furprend le cheval Pégafe, II, 181. Bergers grecs , leur adreffe i joiier avec des boules ou oranges, II, 293. Bocuf parlant, proverbe,!, 200. Bofquets délicieux a Athènes, I, 242. Bouffons ou railleurs grolfiers, II, 210. Bretons ou Anglois méridionaux, admettoient Ia communauté des femmes, III 99- Briarée, cyclópe, jugement qu'il porte, II, 232. Butés, familie illuftre a Athènes, II, p?. M ij  t6i TABLE c Calculs ou maniere de compter avec les doigts, III, Callias, familie athénienne, Hl , 70. Callighnie, ou rriere de la beauté, furuom de Cérès, I, 199- Callifige, furnom de deux filles de Syracufe,. & pourquoi, I, 243- ' j Cancphons, leurs emplois dans les cérémonies religleufes, I, 365. Ccipharée, ou CaPo-figera de Négrepont,, III, 78. Les Grecs y font naufrage auj retour de Troyes, 79. Cavpadociens', leur groffiéreté, I, i" >: Carahus le macédonien , defcription duj repas fuperbe quil donne, II, 168. Carion , nom commun des cuifiniers , H , i,p 1. j Caton, ce quil dir. des courtifannes, II, 215. Cafique des gens de 1? campagne , III i 209. CaCqucs a triple panache, III, IÖ4Castor & Pollux, bienfaiteurs, II, *7jj Cavcs cu cantines des anciens, UI, ij8  DES M A T I Ë R E S. zS9 Ceinture de Vénus, allegorie charmante; fa defcription d'après Homere, I, 254. Céphife, fleuve de la Grèce,- beauté du pays quil arrofe, I, 120. Céramique, quartier & promenade d'Athènes , I, 173. Ce qu'il en refte, 175. Cluilibon, territoire de Damas, célébre par fes vins, II, 72. CharèSj général athénien ; fon portrait,. 1, 44. Son luxe, 46. Charme vainqueur des femmes, I, 233. Chajfè, plus noble que la pêche; III, 129. Chauffoirs publics a. Athènes, II, 85. Chevres, leurs quaiités domeftiques ou très- multipliées, III, 148. Chicaneur , habitant de la campagne ; fon portrait, III, 191. Chiens de Moloffe & de Crète; leurs qua- iirés, 8c maniere de les nourrir, II, 145. — d'A'banie; leur grandeur, force Sc valeur, III, 177. — de Malthe, 194. Choès & Chitres, fêtes d'Athènes,!, 170. S'obfervent aux Indes & a la Chine, 171. Chioné, fille de Borée & d'Orithie, III, 187. Miij  27° TABLE Chrémès, ufurier, fon portrait, III, 130, Cigué, poifon & fupplice, II, 180. Citadeile de Conitantinople , ébranlée par les glacés, II, 84. Citoyens nouveaux, fêtes pour leur inftal- lation , II, 136. Cléon, chanteur, fa iïatue a Thèbes, III, 183. Clyte, ville de Mac&bine, II, 135'. Colyte, quartier remarquable d'Athènes, I , a44. Bèaux enfans qui y naiffent, II, 148. Colombes fatidiques, ou vieilles devine- reifes, II, 187. Colonne, quartier & fauxbourg d'Athènes, III, ii2. Lieude la naiffance de Sopho- cle, 123. Come'die, ancienne & nouvelle, quant a leur perfeclion a Athènes, I, 178. Complaifiins, corrupteurs de la jeuneffe, UI, 7- Confeils d'une mere a fon fils, III, i6z. Coq, fymbole de Ia vigilance, III, 2t8. Cordace, danfe comique fort libre, II, 137. Quand enufage, III, 172. Corinthe, fes loix contre les défceuvrés, II» 328.  DES MATIERES. 471 Corfaires de 1'archipel grec, leur avidité, UI, 64. Corycie, ou Carachifar & Churco , ville de „Cilicie , III, 63. Coton, ou Xilon, fes anciennes fabriques, II, 138. Coupes ét différerftes efpeces, I, 177. Dorées 82 de pierres précieufcs, luxe des grands , 178 ; & II, 67. Couronnes de Vurre, pourquoi données a Bacchus & a fes fuivans, II, 183. ■— dé rofts , vantées par !ts poétes, 184. Courtifannes, tems de leur étabïiifement a Athènes, I, 5. II, 248. ChaiTées de Venife & rappellées, 6'. Pourquoi Solen les autorifa, 6 & 7. Fonnoient un corps ou communauté, 13. Tenoient des alfemblées &• faifoient des fupplications publiques pour 1'état, iy. Leurs portraits placés dans les temples, & ftatues qui leur ont été érigées au mépris des mceurs publiques, 16. II, 225. Offertes en voeu pour obtenir des graces des dieux, I, 17. Chantées par Pindare , 18. Donnent de la célébrité a Corinthe, & y font élevées avec foin, 20, 23. Comment leurs enfans étoient regardés, 32. Hommes célébres Miv  i7z TABLE qui en font nés, 33. Favorites des rois voifins de la Grèce, 34, 41. Leurs charmes &c leurs talens, 41, 51 , 70, 72. Leur nombre & leur célébrité a Athèues, jo. Souvent utiles a 1'état, 54. Comparées aux merlans, & pourquoi, 73. Surnoms qu'on leur donnoit, 74.-Commeat . caraétérifées par les poëtes comiques, 76. Leur manége avec les amans, les petires faveurs qu'elles leur accordoient, & moyen qu'elles employoient pour les jixer, .98, 293, 308. II, 246. Une aecufation capitale contre une d'elles, les faifoit toutes trembler, I, 223. Leur luxe étonnant, 2jr. Tracafléries «nti'elles, 260, 2Ó4. S'inftruifoient entr'elles des fonétions des facrifices, 262. Leur emploi dans les fêtes, 263. Leurs confeils dangereux, 300. Dirfamées publiquement fur les théatres, 304. Couteaux de terre cuite de Samos , leur ufage , II, 280. Crabes & écreviffes de terre, leurs voyages finguliers, III, 176. Crainte , fes effets, II, 241. Cranium ou Cranée, fauxbourg de Corinthe, II, 230..  DES MA TI ER ES. 275 Cranon , ville de ThelTalie , II, 27 <5. Cratea ou Hécate, déeife des enchantc- mens ou fortiléges, I, 338. Cratês le Thébain, fon heureux caraótère, n, 127. Critique, ne doit pas tomber fur les grands, III, S>. Cyclades, ifles ou archipel de Grèce, I, 76. Cyniques, leur équipage ordinaire , II, Cynique outré, fa defcription & fa doctrine, III, 248 , 250. Cynofarge , fauxbourg d'Athènes, origine de ce nom, II, 116. Les cyniques y établilTent leur école, 117. On y expofoit les batards', & on les y exercoit, ibiiL D Danaé, courtifanne, favorite de Sophron, lui fauve la vie aux dépens de la fienne, 1, 56. Danfe joyeufe ou cordace, quand en ufage, III, 172. Darique , monnoie dor de Perfe , III} 57-  a74 TABLE Dauphins, poiifons; leurs prognoftics, IIï, 74. Aiment les hommes; leur reconnoif-* fance ; on les prend aifément; comment & pourquoi ils annoncent la tempête, 7$. Defcription du dauphin , 76. Décèlie, bourgade de 1'Attique, III, 254. Démarate, diificulté qu'il trouve pour fuccéder au trone de Sparte , III, 12 3. Démétrius-Poliocerte, roi d'Egypte, voluptueux, 1,49. Son origine, principales circonftances de fa vie, 89 & 91. Son portrait par Plutarque , 92. Son crédit a Athènes, 95:. Sa généroiïté, 96. Deüis le tyran , fes parafites ou flatteurs „ II, 28. Dentelles de Milet, I, 329. Defpotifme, fes exces, I, 208. Devins méprifés,& pourquoi, II, 22 r, Diahe orthéfienne, fon culte a Sparte, lij 197. Secourt les affligés, ibid. Dime, ville de 1'Achaïe, I, 360. Diome'e , porte d'Athènes, II, i8j\ Dioscures , ou Caftor & Pollux, II, 275*. Dipylon, porte d'Athènes, fes beaux reftes, II, 166. Dodone, forêt, fes oracles, II, 187. Dosiade, infolent parvenu, 11,242.  DES MATIERES. 27; X>yndimekk ou Cybele, fon temple, II, 360. E Egée, pourquoi il fe précipite dans la mer, I, 344. Egine, ifle de 1'archipel, 1, 167. Eginiens , le peu de cas que Ton en faifoit en Grèce; réponfe de 1'oracle a leur fujet, II, 115» EUufis , fes fêtes de Cérès, 1, 14 ƒ. Com- f^^m fes myfteres étoient refpeétés, 147. Epreuves des initiés, 149, 156. Détails fur ces myfteres, ijo & fuiv. Allégorie fous laquelle Virgile en a parlé , 153 Pourquoi on les a calomniés, 159. Fanatifme des initiés des derniers tems, 16 r. Quand le temple d'Eleufis a été détruit, 1 62. Eliogauale, empereur; comment il trai■ toit fes paraiïtes, II, 33. El.ehore , les efpeces , I, 349. Emprunts , communs parmi les Grecs, III, 112. Précautions des préteurs, & reprocbes de Plutarque, 113. Exemple moderne, 114» Mvj  ï$6. TABLE Empufe , vieux fpeétre , fa defcriptionIt, 24Ö. Emulation, fes effets pour la perfedtion desarts, 1, 170. Enfatts, les Grecs célébroient leur naiffance, III, 167. Eit-ce un fujet réel de joie, 16 ff. Enne'acrune ou fontaine de Callirhoe', bonté de fes eaux, II, 164. Envieux, fon trifte état dans la foei été, III, pj. Son regard finiftre, 102.Les plus malheureux des hommes, 216. Eficure , ce qu'il dit dè la vieillefwjp., ri3. Ses lettres amoureufes, ib'id. 6- 120. Jugëment fur ce philofophe ,114. Dirrée de fa vie , 116. Nombre de fes amis &c de fes difciples, 123. Son teflament , Epicuriens-, leur maniere de fixer la vo- lupté, II, 49 , SiEpimélides, nymphes des bois, I, iSTEpiménides, fon fommeil, & fes fages infti- tutions, III, 236. Eponges, difriciles a tirer de la mer, IIP, 38. Efcamoteur, fa fubtilité , III, 180. Cas que 1'on en faifoit, 185. Exercorsnr une efpece  DES- MATIERES. de magnétifme, ibi'd. Leurs tours d'adreffe, 18;. Erychton, roi d'Athènes; fes inititutioss religieufes, III, 247. Eschile , poëte tragique & brave guerrier, II, 153. Nombre de fes pieces , & fujets , ou il a le mieux réuifi, 154. EJclaves , comment traités par les Grecs , III, 188, 200. Leur nombre étonnant, itó/.Efclave lache, 1 86.Débauché, 199. Ëtéobutabes , defcendans de la familie Butés, II, 98. Étoffes en ufage a Athènes, I, 299. Étoffes des Grecs, maniere de les fabriquei pour les dirférentes faifons, III, 253., Eudanus, fils de Neptune ,, peuple 1'Atti- que , II, 121. Eunape , femme bonne & économe, III7 187. Euribate d'Euchalie, fameux efcamoteur , dupe le peuple, III, 184. Eurinome , naiade , fille de 1'Océan, III, 41. Euripide, cité fur les amans, T, 341. Eurotas, fleuve du Péloponnèfe, II, 180, Euthias, calomniateur, I, 23J.  '«72 TABLE F f AiM, fa néceflité impérieufe, I!, r;j, Fard que s'appliquoient les courtifannes , I, 264. I Femmes honnétes, comment confidérées x Athènes, I, 27. Chez les Barbares, 28. Ne pouvoientfe montrer que décemment vétues, 29. Plaintes d'une de ces femmes a fon mati débauché, 361. Femmes grecques , leur toilette &: gout pour la parure , 1 , 3 ƒ ƒ. Femmes , leur vie retirée & laborieufe dans les premiers tems, III, 258. Fête fur la mer, defcription , III, 89, 93, Feu Saint-Eïme , météore, II, 275. Figues de 1'Attique, comment on les confervoit; leur bonté connue aux In des, III, 181 & 182. Flaneur, fon caraétere, II, 215, 266. Flutes , leur différence, I, 93. En bien jouerj talent diftingué chez les Grecs, 94. Pourquoi Minerve en profcrit 1'ufage, 95. Flüte des bergers de la Grèce, comment ils en jouoient, III, 145. Fortune, fes caprices ou jeux, a qui fayorables, II, 129.  DES M ATIERES. 2.7P Fouet, fes différentes efpeces, punition i« no~ minieufe , II, 122. G Ctain fórtui* , faveur de Mercure, pro* verbe, III, 212. Galeres courfieres des Athéniens, III, 83, 8;. Gargaplu, fontaine de Béotie,!, 346. Garos ou Garus, fauce ou coulis ,1,3 37» Gajlronomis , ou traité du ventre , II, 109, Gdceaux de Sicile , & autres patifferies , II, 5 6. Leur ufage dans les fêtes des dieux tk aux nóces, 57. Leurs efpeces différentes , 59. Génies tutélaires, ce que les anciens entendoient par ce terme , II, 73. Origine des fylphes, &c. 74. Coryciens ou malfaifans, III, 206. Génie famiiier de Socrate , 208. Géranien, ou Licée, montagne de 1'Attique ,11, iji. Gérejïe, ville de 1'ifle de Négrepont, III, 87. Ghenetyllides, furnom de Vénus, I, 3JJ» Glycere, courtifanne célebre, I, 128. Ses ftatues, 129»  aSo TABLE Glycere de Sycione, courtifanne, ce qu'ea raconte Pline, I, ip8. Le peintre Paulïas faime 8c imite; fes talens, ibid. & *99- IGnatène , courtifanne ; fes faillies 8c bons mots, I, 63. Célebre par fes graces Sc fa beauté, 03. Gnojfe, ville de Crète, II, 14.$. Golfe Calidonien ou d'Engia, I, 337. Graces , leur temple u Orchomene , 1, 346. Comment repréfentées, 347. Leur nombre 8c leurs noms, II, 263. Homerè en marie deux, 264. Grecs, leur vanité ; appareil 8c frugalité de leurs repas, II, 160. Anciens 8c modernes comparés, III, 24. Leur attachement a leurs fêtes 8c myfteres, J3. Grecojlafis, temple de Rome , II, 276. .Gryllon, paraiite. Son caraéiere fouvent renouvellé, II, 126, & III, r42. Cué'pes (les), comédie allégorique d'Ariftophane, I, 211. H H. amtaks de 1'a campagne , leurs attentionsréciproques, III, i<5. Leur averfion pour les philofophes, 17-  DES MATIERES. a»T Habituele , fa force, II, 146. Halys, fleuve d'Afie, I , 177. HalyJJbns, fcythes européens, III, 197. Haloennes, fêtes de Cérès, I, 166. Quani & pourquoi elles fe célébroient, 261. Harpadès, grammairien , nom de carac- tere, II, 201. Hercule Alexicacos, II, 143. Proteéteuf des parafites5 fa gloutonnerie, 193. Hermaphrodite, fon temple, I, 359. Hermès, ou Mercure; fes ftatues mutilées, II, 291. Alcibiade accufé a ce fujet, & condamné a mort, 292. Hermione, ville du Péloponnèfe; filles de ce pays, I, 327, 6 II, 139. Herpyllis, courtifanne, maitrefie d'Arif- tote, I , 276. Heores (les) gardent les portes du ciel, II, 221. Comment défignées ancienne- ment, 224. Leur nombre incertain, comme déefles, ibld. Hiftia , ancienne ville de I'Eubée, II, 262. Hlftrions déclamateurs , II, 153. A quoi comparés, 157. Homme , fa foiblelfe; ce qu'en dit Homère, I> 317- Horloges ou cadrans folaires, comment  *8z t a b JL E conftruits & reglls par les Grecs, ït, pi. Hylé, femme laborieufe, III, 2oy. Hymenée, de qui fils & comment repré■ fenré, I, 332. Ce que fignifioient les chants deTHymenée ,333. Bymette, montagne de 1'Attique connue par fon miel, fa pofition , III, iP8. Hypéride, orateur grec, I, aio. Art avec lequel il défend la courtifanne Phryné, aar. Hyppade, ou porte aux chevaux d'Athènes, II, 18;. Hyver rigoureux en Grèce, II, 8a. Exemples de froids extraordinaires dans ce climat, 83. I Ipa, montagne de Phrygie j fes eaux & fes paturages, II, 121. JZiens , établis fur les ruines de Troyes, II, 212. Infame ou coquin, fon caraétere, II, 113. Iphicrate , athénien illuftre, fon origine, II, 207. Itiphales, acteurs publics des fêtes & des felfins, II, 172. Jeux ijïhmiqu&s, leur établiflement, I, 133,  DES MAT1ERES. z2j Inftitutions nouvelles qu'on peut leur comparer, 134. Jeune obfervé par les femmes d'Athènes ? III, 24  table Laïs , courtifanne ; occupation de fes dlfférens ages, I, 10. Sa beauté célébrée par le peintre Appelles, 24. Rend fa patrie célebre, 26. Laïs, autres courtifanne's de ce nom, II, 230. Leurs tombeaux, 231. Lamia, courtifanne favorite du roi Démétrius, I, 37. Sa lettre a ce prince, 83.. Comment elle tombe entre fes mains, po. Fait des exaétions a Athènes, s>7. Fait batir un portique a Sycione, p8. Ce que Plutarque dit de famour de Démétrius pour elle, 100. Fête pompeufe quelle donne a Démétrius, 102. Ses plaifanteries fur les Spartiates, 103. Lampes allumées fur la tête; adreife de les agiter fans les éteindre, II, 292. Lej;na , courtifanne _célebre , amie d'Harmodius, I, y5. Lébéris, ce que les Grecs défignoient par ce terme , III, i7j\ Léocorium, partie du Céramique, II, pp. Léontium , courtifanne , maureffe d'Epicure, I, 104. Ses mécontentemens, 105. Sa patrie & fon caraétere, 110. Se donne a fétude de la philofophie , ibld, Ce que Pline dit de fon portrait, in. Ecritcontre  DES MATIERES. tig. ; Théophrafte, 112. Son libertinage pré- coce, 121. LÉos , fils d'Orphée, II, pp. Lepreus , fa querelle avec Hercule, & fa triue fin , II, 193. leniae, rivière du Péloponnèfe, fes marais, II, 180. Laicade, rocher de 1'ifle Sainte-Maure , 01* le faut des amans, I, 348. Leücothoé, mere d'Efchine, II, 247. Levres, (fe mordreles) proverbe, II, zif. Libauons, ordre dans lequel on les faifoic dans les repas, II, 144. Liberalia , fêtes de Bacchus, II, 2 8p. Lievre, court mieux en montant qu'en def- cendant, III, 137. Lmus , inftituteur d'Herculé , II, 1P4. Loix pe'nales d'Athènes, leur févérité, III, tft. Loup, fa vue redoutable, III, 128. Récompenfc pour ceux qui en tuoient, ibid, Lucien , ce qu'il dit de la parafitique &c des parafites, II,. 36. Lune, fes phafes, fentimens qu'elles exci' toient, II, 238. Lycaon , roi d'Arcadie, fes facrifices cruets, II, ija.  TABLE Lydiens, grands buveurs, imaginent de porter les fantés a table, 111, 220. M Ma carêes, ou ifles fortunées, proverbe, III, 69. Magicienne de Theffalie , II, 127. Malée, ou cap S. Angelo dans la Morée, III, 77. Sa fontaine d'eau douce, connue très-anciennement, 78. Mandrobule, trouve une mine d'or, eom- ment il remercie les dieux, III, 69. Mandrohus, fa fortune, I, 241. Marathon, ville de 1'Attique, I, 176. Marlages bifarres , I, 26$. Marls débauchés, ce qu'en dit Plutarque, I, 1x9. Mégacles, riche athénien, II, 236. Mégare, courtifanne, fes exces, I, z$6, 258. Mégariens, peu eftimés, II, 125. Mégarus , fe fauve du déluge fur le mont Géranien , II, 131. Mélampus, berger, comment il guérit les filles de Prétus, I, 150. Mélanthus , roi d'Athènes, II,  DES MATIERES. 2%7 Melite , courtifanne appellée Mania ou Folie; fes bons mots, l, 59. Mélos ou MïLo, ifle de 1'archipel; fes pro* ductions, III, 164. Ménand^e, amant de Glycere, I, i2p> 138. Sa patrie, fes compofitions, 130. Térence 1'a imité , 13,. Jugement fur cepoëte, 132. Ses lettres au roi d'Egypte, i<56. Tems ou il a vécu, 177. Titre de fes pieces, 203. Mendis, ville de Thrace ou de Carie; bonté de fes^ vins, II, 99. Comment cultivés & préparés, 100. Mer Thyrrénienne ou de Tofcane, I, 338. La mer favorable aux amours, 340. Mer riante , a quof comparée, 345-, Ora* geufe, defcription, III, 2p. Mercure lucrifer, divinité fouvent invo- quée, II, 143. Méthychée, tribunal de juftice a Athènes, III, 2{O. Mets ou viandes recherchées des Grecs & des Romai is, II, 69 & 70. Avis de Plutarque & d'Horace fur la bonne chère, ibid. Micile, favétier, fon réve, Hl, i4I. Miel de 1'Attique, fa bonté & fon commerce, III, 1^7.  i88 TABLE MiNERVE-Ergané, ou 1'ouvriere , iii, Mines d'argent de 1'Attique autrefois fort riches , 1, 297. Miroir de nuit , machine d'optique , ii , 268. • * Mi/ere, fait les frondeurs, ii, 243. Maiurs , leur honnéteté mieux confervée chez les Barbares que chez les Grecs, i, ap. Morale, ou elle conferve fes droits primi- tifs, UI, itfi. Mort, en quelle circonftance defirée par les parafites, II, 104. Eft-elle un bien ou un mal, UI, 170. Se mettre au-deffus de fa crainte, 171. Munïchia, ou Macina', port de 1'Attique , UI, 37- Murex , coquillage, iii, 60. Musoh, grec vertueux , iii, 26. Musomus, ftoïcien, ce qu'il dit des gourmands , ii, 107. Myrrhinonte, village de 1'Attique, i, 29Ö. Mythécus , traiteur, ii, 79. N xV^fpes de table, comment 011 les placoit, ii, 158. Nuiuie  DES M ATIERES. 2S9 Nature , quand elle paroït le plus calme «I, I4J. Naufrage des Argiens, & fes fuites, III, 79- Navigation, redoutée des anciens, III, 48. Nausicaa , fa converfation économique avec le roi Alcinoüs, iy<5. Nafcos , ifle de l'archipel, I, 200. Négrepont, ille; fes marchés & fon com- merce, II, 263. Negres du Congo, leur indifférence fur la mort, III, 118. Leur indolence, np. Néoménie, ou fêtes de la nouvelle lune, leur origine, II, 238. Marchés qui fc tenoient a cette occafion, 239. III, 23 Neptune & le Soleil fe difputent le terrein de Corinthe, II, 232. Nestor, fon manteau de pourpre, III, Nltre calaflrique, fes qualités, ou on Ie ramaffe, II, 235. Nohlejfe du fang, peu confidérée k Athènes, III, 8. Nuits partagées en efpaces ou veilles, II, Tomé III. N  xj>o TABLE O (E dipe, fa retraite a Colonne, Sc tragédie fur ce fujet, ITI, iii. QZil du voifin, proverbe, III, 101. Oifeaux, apprennent aifément a parler, II, 269. Pris a la glu, Sc maniere de la préparer, III , 216. Oifwete', fource de vices, II, z%$. OUviers, maniere de les planter Sc de les placer, III, i^o. Olympie , ville du Péloponnèfe, II, 245". Cmbres , nom que Ton donnoit aux para- ■ lïtes ou cliens a la fuite des grands , II, 60. Combien ils en pouvoient mener, #*. Oracles Sc devins en Grèce , peu eftimés, II, 219. Orateurs , leur éloquence vénale , I, 200, Orchomene , ville de Béotie , 1, 346. Orge, comment préparé par les femmes, I, 322. Originaux , (les) drame francois, II, 205Orope, ville de Béotie, II, 219. Orphée , charme Sc douceur de fes cmufts, III, 147. Orties de mer, Sc autres coquillages, III, l S.  DES MATIERES. 2p* Ofcophorcs, leurs fonclions dans les fêtes, I, 342- Ofcophories & Lénéennes, fêtes de Bacchus, fï, Ofia ou Pamês, montagne de 1'Attique, II, 2fJ. P P ains, a. Athènes & en Grèce, leur différence , II, 78. Palamede, ftm génie inventif, II, pa. \\ découvre la folie feinte d'UlyfTe, 93. H augrnente 1'alphabet grec , P4. ^Donne aux Grecs les élémens de la tactique; fes autres inventions, ibid. Eft honoré comme un dieu après avoir été mis * mort par Ia jaloufie d'Ulyffe, pf. Compofé des poëmes fupprimés par Homere, ibid. Divife lannée en faifons, mois & jours, 222. Pan, embléme de la nature, III, 1Af. Danger d'interromprè fon fommeil, i4tf. Panope , belle néréide, I, 34I. PanthoÏdas de Sparte , fa réponfe k quelques Indiens, III, 218. Parafues, idéé générale , II, 4. Leur établ.lfement & leurs droits, 7. ConfidéraNij  m TABLE tions qu'ils acquierent, II, p. College, corps, aflemblée des parafites, n.Parafi« tes commenfaux des officiers publics, 13. Ils tombent dans 1'aviliffement, 14- Ce que les poëtes en ont dit, 16. Apologie lidicule de eet état, 17/zi,Z4> Parafites de toute condition, 23. Se font long-tems foutenus en Grèce, 30. Parafites modernes, ce que 1'on en peut penfer, 40. Comment la Bruyere les défigne, 41. Y en a-t-il encore parmi nous, 44. Parafites Grecs, leurs qualités, II, 1 oz. Hs emportoient ce qu'ils ne pouvoient manger, yz. Invités aux repas des riches Barbares voifins de la Grèce, 168. Parafites chez les Romains, II , Ji. Les dames en avoient, 3z.Néron en faifoit fa fociété, 33. Comment fervis aux tables, 69. Difficiles a contenter, 76. parafite fouettécruellement, II, izi. Autre ruiné, ridicule qu'il fe donne en vantant fon extraftion, 44- Parafite amoureux', fon défefpoir, 1, 3 ^4Parvenus , ou nouvellement enrichis, III3 70.  DÉS MAT IER ES. i<5. Pyice Hyppades, ou Porte aux chevaux d'Athènes , III, 122. Pyre'ne, fontaine célebre a Corinthe, II, 180. Pvthionice , courtifanne, maitrelfe d'Harpalus, fon tombeau, I, 38. Ce qu'en dit Théopompe, 39. Pytoclès, fa vanité ridicule,, II, 200. Sa fufiïfance, 201. Q Question par le fer & le feu, II, ïBg, R R abdomaxcie , & autres manieres de deviner, I, 213. Ragouts ou fauces grecques, II, 190»  ipg T A B L ë Rellglon, fon culte & fon refpeét contribuent a la gfoire d'Athènes, I, 181. Les athées n'ofcnt s'y montrer a dccouvert, 182. Renard, quand bon a manger, III, 153. Son ivreffe & celle du loup, ibid. Jtlches , proteéleurs des gens de lettres pauvres ; leurs oblig§tions fuivant Lucien, II, 204. Par qui imités de notre tems , ïoy. Robes des anciens, leur fervoient de couvertures de lit, 1, 251. Rockers de Sciros , retraite de voleurs, II, 284. s S^isons oü la mer eft dangereufe , III, 7*> 76. Salamine, ille de 1'Attique, I, 17$. Fameufe par la victoire de Thémiftocle, III, y8. Safho , fes amours pour Phaon, & fa fin tragique , I, 347. Sarameus, marchand de vin, II, 79. Sardanapale , roi d'Alfyrie j idéé que 1'on doit en avoir, II, 3 3-  DES MATIERES. 295» Scandix & autres herbes & racines d'ufage en Grèce, II, 163. Sceptres de rois grecs, leur forme , II, 51. Scopas, athlete, comment puni, II, 276. Sculpture , fa perfeétion en Grèce * I, 224. Scyros , quartier des courtifannes a Athènes, II, 113; III, 205. Sépiade, ou Capo Queatumo , III ,58. Sépulture accordée aux morts, fes avantages , III, 73, 80, 82. Soin que Ton prenoit a ce fujet, 81. Dépenfe des Chinois en ce cas, 83. Se'ranghion , quartier du Pyrée avec des bains publics, II , 120. Serpens, lézards, & autres reptiles qui changent de peau, III, 175. Servitude , avilit 1'ame, III, 188. Quoique volontaire, dégrade fhomme de fes droits, 189. Son origine, 201. Siècle d'or, fa defcription, II, 240. Simon, cordonnier & philofophe, 111,48. Simonide , poëte confervé par les dieux ; II, 276. Sa fatyre contre les femmes, & le portrait quil fait d'une femme honnête, III, 2 ƒ8. Sisiphe, roi de Corinthe; fa prudence,  3S9 TABLE proverbe 3 III, 132. Pourquoi puni dariS les enfers, 133. Société des riches d'Athènes, II, 53. Socrate, fon talent pour 1'ironie, I, iip> Ses réflexions fur 1'appétk, II, iop. Soldat bavard, fes forfanteries, III, 231. iSonges, leurs interprétes , II, 218. Quand obfcurs , III, 142. Songe heureux interrompu par le chant du coq, 13P, 142, Sophocle le tragique , fes amours, 1,3 ip. Comment il les juftirie , 320. Son ou état, chacun mécontent du fien, III, 11. Soulicrs d l'Iphlcrate , II, 207. Speclacles , maniere dont on y applaudif- foit, I, 201. Stratius, parafite, ce qu'il dit de fort état, II, 7p. Statues parlantes d'Egypte, I, 204. Celle de Memnon a Thebes , 205. Statut de Diane enlevée par Orefte , II, 1P7. Aimoit le fang & les facrifices cruels, ip8. Styrax ou Jlorax, efpece de réfine, I, 2ijf. Suïcide inconnu a. Athènes, II, 16$. Sunnium, ou capo Colonne, port de 1'Attique, III, 86. Beauté de fes vues, 87?  DES MATIËRES. 301: Sylphes, ondains, gnomes, &cc. leur origine , III, 207. T s fomptueufes de la grande Grèce &.de Sicile, II, 162. Dreffées a la Néoménie pour les pauvres, 240. Taygete, montagne de Laconie, I, 103. Telchines; ouvriers en fer & en cuivre s excellens fondeurs, III, 03. Pourquoi leur nom fert a. cara&érifer les envieux, 94- Te'ne'dos , ifie, fa pcterie , II, 270, ThaÏs , maitreife d'Alexandre , époufe après fa mort Ptolémée, roi d'Egypte, I, 35. Elle engage Alexandre a brüler Perfépolis, 2yp. Ses bons mots, 260. Thalassion, porteur d'eau, I, 327. Théaho, prêtreife grecque, fon noble courage , II, 2£>2. Théarius, boulanger, loué par Platon, II, 79- Théophraste , in'certitude de fes opinions y I, 112. Philofophe prudent, 212. Théotis , courtifanne, pourquoi condamnée a mort, I, 223.  30* TABLE Thermodon , fleuve de Cappadoce, I, ïff. Thefmophories, fêtes des myfteres d'Eleufïs, III, 241. Ordre qui s'y obfervoit, 241, Leur lïgnification morale, 245. Theffaliens , par qui inftruits dans 1'art magique , II , 128. Thiarre, bonnet des Phrygiens &: des grands de la Perfe , II, 220. Thons , leur marche obfervée très-anciennement, III, 10$. Vonten grofie troupe, 106. Leurs nomsa différens ages, & leur j timidité, 107. Ou on en pêche le plus, 108. Defcription & tems de cette pêche fur les cótes de Sicile, 108 & fuiv. Timarque, amant de Léontium, I,»io6, 120. Timon le mifantrope, fes fingularités, II, . i4P- Toile d'Egypte, II, 138. Tourterelles , fon bavardage , proverbe, III, 211. Tragédie, portee a fa perfection a Athè- nes, 1, 177. . Tribunaux différens a Athènes, leurs fonc- tions, III, 153. Tripóts , ou maifons de jeux publics a Athènes, II, 194.  DES MAT1ERES. 303 Troye, ville, fa pofitiou & fes ruines, II, 212. Tygre, fleuve d'Arménie , I, 177. V "Vénus-Populaire, fon temple ik fort culte ,1,8, 13. A Abyde en Myfie, 14. VÉNus-Ponthia , ou Liménia, fon temple & fa ftatue, II, 140. VÉNus-MéJanis, ou la brune, fon temple, 231. ViNus-Pqpulaire, fes ftatues, II, 260. Sa fortie du fein de la mer, 231. Son union avec le foleil, fymbole de la fécondité de la terre, III, 223. Venufe ou Nettuno, ville de la campagne de Rome, 1, 328. Jférité, on doit toujours la dire, III, 247. Vieillard amoureux, ridicule, I, 113. Villes, idéés qu'en avoient les anciens Grecs , III, 218. Vin , fa force & fon action , le lait de Vénus, I, 2pi. Combien les Grecs 1'aimoient, II, 62. Préceptes de table pour boire , 63. Les Grecs donnent le furnom de vérité au vin, 6$. Boire ï la grecque, proverbe, 67.  J04 T A B L Ë Vins de Mendes, leur différence, II, ppV Quantité d'eau que ]'on y mêloit, ainfi que dans les autres Vins, iod. Vins capiteux, comment on en tempéroit la force , i8z. Ulysse, fegarantit du froid chez Eumée, II, U. Vol , févérement puni a Athènes , II f 2B6. Vokur, faifi & gardé par un »hien, Hf, 174. Voleurs de Coryce en Cilicie , Jeur fubti-, lité , III, 207. Ufure, comment exercée chez les différens peuples, III, 134. Ufuriers, peftes des villes, IÏI, 120. Leurs portraits, 121 & 131. Conditions auxqueues ils prêtoient, 121. Lieux oü ils tenoient leurs bureaux , 123. Exercoient publiquement 1'ufure , 124. Gros intéréts qu'ils exigeoient, 125.' .Vulcaih , mari de Vénus, emblême du fluide ignée terreftre, III, zzy. Pourquoi on a dit que Vénus lui préféroit le Soleil, ibid.  PES MATIERES, 3o£ Zé non, lieu oü il aflernbloit fes difcb pies, III, 46. , Zètéta, tribunal d'Athènes, III, 126. Zeuxippe, courtifanne, fon avidité , II, 176. Fin de Ia Table des MatieresJ Z  Catalogue de qutlques Ouvrages relatifs d l'Hifloire Moderne , qui fe aouvmt cke\ le même Libraire. Tableau Je 1'Hiftoire Moderne , depuis la cliute de 1'Kmpire d'Occident jufqu'a Ia paix de Weftphalie , par )e Chevaiier de Méhégan. Paris, 1778, 5 vol. in-11. Hiftoire Moderne des Chinois, Japons, RmTes, &c. pour fervir de fuite A 1'Hiltoire ancienne de Rollin, par M. de Marfy & Richer. Paris , 1771 , 33 vol. in-ii. po 11 Révohitioüs d'Ita.lie , traduites de Dennina, par 1'Abbé Jardin. Paris, 1771, 8 vol. in-\i. 24 1. Hiftoire des Cc-ites, & particuliérenient des Gaulois & des Germains , par Pelloutier, revue par M. de Chiniac. Paris, 1770, 2 vol. in-4. 24 1. — La même, 8 vol. in-n. 3,4 1. Hiftoire de France, par MM. Velly , Villaret & Garnier , avec Portrairs. Paris , 1770 & juiv. 14 vol. i/z-4. 1&8 I. — La même, fans portraits, 14 vol. in-4. 140 I. »— La même , 28 vol. in-n. 84 1. La fuite fous prejfe. Honneur Francois, par M. deSacy. Paris, 1784, 1 2 vol. in-\r. 3> Gudlaume de Najfau , Poëme en profe, par ivi. Bitaubé. Paris, 1775, in-2. 6 1 Itinéraire portacif, ou Guidg hiftorique & géograpbique du Vcyageur aux environs de Paris a 30 & 40 lieucs a la ronde, avec des plans & cartes, m «, j 1. 1» f.  Hiftoire de 1'Afiiqoe & de rEfpagne, fous la domination des Arabes , par M. Cardonne. Paris, 1765, 3 ln~}1- .. , 7'' u Hiftoire de 1'avénecnent de la Maifon de Kourboa au Tróne d'Efpagne, Pai M. Targe. Paris , 1771, 6 vol. m-n. 18 '• Hiftoire du Regne de 1'Empereur Charles-Ojimc, rraduite de 1'Anglois de M. Robertfon , par M. Suart. Pari* ,1781,6 vol. in-11. 18 L Hiftoire d'Angleterre, pat M. Humes , ou des Maifons de Plantagenet, Tudoi & Smart, rraduite en franeois , par 1 Abbe Prévót, & Madame Blot, avec les portraits des grands hommes dont ü eft fait mention dans cette Hiftoire. Parir, 178}, 6 vol 2/2-4. - 7» • — La même, fans les portraits, 6 vol. zn-4- 60 L La même, avec les portraits, 6 vol. 2/Z-4. I 20 I. gr. pap. . 1 — La même, 18 vol. tt . 5+J' Hiftoire générale des Provinces - Unies & des Etats de la Hollande, avec les portraits des stands hommes dont il eft fait memion dans cette Hiftoire, 8 vol. 2V4. gr- pap. 96 • La même, 8 vol in-4- pet. pap- 80 l. Hiftoire de la Ruffie ancienne , traduite de 1 aliemand de Lomonojfou. Paris, 1766 ,222-8. 4 »• •Hiftoire d'Afie, d'Afrlque & d'Amenque , par M Routeau. Paris, 1770, 5 wi. 2/2-4- 60 J* — La même, 15 vol. in-iz. _ . 45 J* Mémoires concernam 1'H.ftoire , les Sciences, les Arts, les Mceurs, les Ufages, &c. des Chinois, par les Miffionnaiies de Pekin. Fans, 1776, 10 vol. ia-^.fig. Izoi' La fu#e fous preje. _ Supplément aux Mémoires fur les Chinois, ou Lettres au P. Parennin , concerr.ant la Uune, par M. de Mairan. Paris ,178»; * W