jx Le petit Salomon. xxxvil De la Sobrièté. II réfulte de la fobriété Les plus grands, les plus heureux avantages , Le bon fommeil , la force & la fanté; Avec du bien , que veut-on davantage ? Tout homme doit veiller k fa con- fervation, a fa fanté; quelques dévots peu éclairés diront peut-être le contraire; mais ils n'y manqueront pas, foit fans le vouloir, s'en appercevoir, ou autrement. II eft certain qu'en detruifantle principe, les forces de la vie , l'on s'expofe k ne plus remplir fes devoirs temporels & fpirituels. Les maladies , quand elles ne viennent d'aucun excès, font une pémtence , un remede très-falutaire pour nos fautes; elles répandent une amertume falutaire fur les plaifirs de la vie; elles obfcurciffent les objets qui nous éblouiffoient en fanté; elles détachent infenfiblement des chofes du monde ; elles nous rapprochent de la divinité, paree qu'elles nous font craindre notre fin. L'hojrnme, dès le mor^ent de ia naiifance a  III' Partie. TeMPOREL. 7$' fance, devient tributaire de toutes les infïrmités humaines, il eft expofé a tous; les accidens; il peut regarder tout ce qui 1'environne , comme des occafions de fa deftru&ion; c'eft alor$ que 1'ame doit regagner ce que le$ fens perdent. D'après ce tableau , l'homme fage voit 1'ufage qu'il doit faire des avantages tant de Ia fanté % de fa conftitution, du genre de vie, &C des facultés que la fortune lui procure. La fanté , 1'appetit, la force du corps femblent être le partage de 1'indigence. Les plaifirs de 1'efprit, de l'amitié, de latendrefTe; la tranquillité^ de 1'ame, la joie, Ia fatisfaclio'n intérieure, fe trouvent auffi fouvent dans une fortune médiocre, que dans le cortege des grands. Quels font donc les avantages privilégiés de 1'opulence & de la grandeur ? C'eft 1'étendue des batimens, des appartemens; la richeffe des meubles, des équipages , le pouvoir de commander a d'autres hommes. A la vérité l'on peut être heurexix en jouiffant de ces avantages ; mais l'on eft k plaindre, fi l'on a befoin de ce fafte pour montrer une perfection, un mérite, une vertu , qui Tomé II. H  74 Le petit Salomon. n'en font pas; & tout cela ne procure point la fanté: 1'expérience journaliere prouve le contraire. XXXVIII. Sur la force de Ühomme. Dans 1'homme e!t Ia force , la confiftance S A Ia fatigue il réfifte long-temps, Et furmonte fouvent la réfiftance; II paroit qu'il doit être plus conftant. La force fe montre dans les grandes occafions ; l'on ne doit pas en abufer, ni faire parade. Le courage a plus de conftance & moins d'empreffement; il eft ce qu'il doit être; il ne faut point Pexciter, ni le retenir; l'homme de bien le porte par-tout avec lui, le montre en faveur des abfens & de la vérité; s'en fert pour foutenir , réfifter aux malheurs & aux fouffrances. La véritable force de 1'ame doit fe trouver dans routes les occafions eflentielles, & mettre toujours la vertu au-deffus des événemens; paree que : le véritable honneur ne doit point var • rier, qu'il eft & doit être indépendant: du tems, des lieux & des préjugés ;; qifïl ne peut ni paffer , ni renaitre;,  111' Pank. Temporee. . 75» que fa fource doit conftamment être dans le caeur de l'homme jufte, 8c dans la regie conftante de fes devoirs. L'on ne doit regarder les duels que comme le dernier, ou le plus extréme degré de la brutalité, de la férocité oü l'homme puifTe fe porter. Celui qui va fe battre de propos délibéré, n'eft autre chofe qu'un animal hors du naturel, qui s'efforce d'en déchirer un autre; 8c fi le plus petit fentiment de la nature fe trouve dans 1'un des deux, celui qui périt, eftmoinsaplaindrequecelui qui furvit; les hommes fanguinaires ne bravent, n'étoufTent ce fentiment de nature, que paree qu'ils font devenus infenfibles 8c cruels par degrés. XXXIX. Avantages de la fociété du fexe. L'homme fera dur, farouche & brutaf, S'il ne fréquente point 1'aimable fexe ; Mais s'il en pouvoit réfulter un mal, Alors ce ne feroit qu'un faux prétexte. Les cara&eres fe brifeht, pour ainfi, dire, en fe communiquant les uns avec les autres ; ils s'émoufTent, s'adouciffent, deyiennent plus ingénieux » Dij  j6 Le petit Salomön. teleft 1'avantage de la fociété, particu-* lierementavecles dames. Lesnouvelles idéés, les nouvelles découvertes, produit néceffaire du commerce réciproque , éclairent fur le mal comme fur le bien; développent le germe du vice, comme de la vertu; tels font les avantages ou les inconvéniens de la fociété. Malgré la dépravation du fiecle, il y a des fociétés fages, honnêfes; afyle oü la vertn rallie fes fujets difperfés, & queladifcorderefpecte. Nqus fommes pour les autres, ce que les autres font pour nous; faifons - leur grace, ou bien faifons-nous juftice a nous-mêmes. X L. Sur les Rejfemblances. Nous avons tous l'air oe nous reffembler} Rien de (ï rare qu'une refTemblance; Des fentimens & facon de penfer Cela peut nous prouver la différence. Pour acquérir quelques cónnoiffances dans les phylionomies, il I droit d'abord faire une étude d raöere de chacun en partkuUi r ; pas confondre l'air fombre, avec  III' Part ie. TEMPOREL. ^ 77 férieux; le férieux , avec le tfifte ; 1'indolent, avec le doux; celui de 1'étourderie, avec la vivacité; celui de la vivacité , avec celui de 1'efprit. * La phyfionomie fombre annonce ordinairementun caractere faux, mécbant, traïtre, 8c quelquefois cruel ; la férieufe, a prefque toujours du jugement , de la folidité, de la difcrétion ; la mélancolique, de 1'efprit, de la fenfibilité, quelque fois de 1'humeur; la phyfionomie douce, rarement eft difücile , dangereufe; l'on peut compter fur beaucoup de complaifance, fur l'amitié; 1'étourdie, n'annonce pas un efprit foutenu, ni le caraöere décidé; 1'indolente, eft peu fenfible , tout lui paroit indifférent. La phyfionomie indique affez clairement la colere, la hauteur, le dédain , le mépris. L'homme vertueux porte conftamment 1'empreinte de la vertu fur fon vifage; ainfi que le fcélérat, celle du crime. La fauffeté timide évite les regards des perfonnes honnêtes, crainte d'être devinée ; 1'hypocrite fe fait connoïtre affez facilement, pour peu que l'on prenne la peine de le fuivre 6c de Pobferver, D üj  78 Le petit Saigmon. ^ L'on fcait que 1'extérieur s'accordé d'ordinaire avec le maintien ; tel que le ton, les mouvemens, le gefte ; la facon de marcher , de faluer , de fe tenir, de fe mettre; l'on connoït auffi 1'accord que tous ces fignes doivent avoir avec le rang, 1'état, le caractere, lage, la figure , pour n'être ni indecent, ni ridicule; 1'expérience fur cela, donne ordinairement des indications füres. X L I. Sur les Exces. Venus enervat viris, fic copia Bacchi. Si tu veux être fain & vigoureux , Fuis avec foin la crapule 8c 1'ivrefle} E'abus en général eft dangereux, Par lui notre fin vient avec vitefle. Le moyen de fe corriger de bien des excès, c'eft de faire des aftions oppofées k celles pour lefquelles nous ayons du penchant; 1'ame revient d'elle-même k cette jufte proportion, & dans le milieu oh fe trouve la vertu, comme un baton que l'on redreffe en le courbant de 1'autre cöté. L'ufage de  III' Partic. TeMPOREL. 79 ce précepte d'Ariftote demande beaucoup de fagefle, un efprit ferme & éclairé, une décifion abfolue. Qui voudroit trop contraindre les jeunes-gens, les expoferoit a d'étranges combats, & peut-être a d'énormes fautes; en voulantcourbertroppromptementces tendres & foibles arbriffeaux, l'on rifqueroit de les rompre, de les faire périr. II faut les difpofer; les accoutumer doucemeht a la contrainte ; par la raifon que la violence que l'on fe fait a foi-même, eft plus fenfible, plus utile, que celle qui nous vient du dehors. II vaut mieux retrancher le fuperflux, & ramener 1'ame par d'ingénieufes diverfions, même par de plus grands plaifirs que ceux dont on la voudra priver. Un jeune-homme qui veut abfolumënt s'emporter pour francbir un mauvais pas, ne Pempêchez point; mais tendez, dreffez-lui promptement une planche, afin qu'il ne lui arrivé aucun accident. Tout ne confifte que dans la facon de s'y prendre •, fouvent il en réfulte qu'un éleve a plus de peine a faire le mal que le bien; pour remplir fon coeur, fon eforit, il faut 1'entretenir des chofes délicaD iv  So Le petit Salomon. tement amenées & allaifonnées , de facon qu'en le nourriffarit, elles l'a-> mufent, Après les jeux oii la jeunefle s'exerce, l'on peut 1'amener, la conduire k ceux ou 1'efprit a part, oii elle s eguife, fe raffine; de même qu'a ceux oii le corps fe fortifie & devient adroit. L'artdel'inftituteur, c'eft de faire pafTer ion éleve des jeux puèrils & fuperfkix, k ceux utiles & folides. Un maïtre qui fcait gagner le coeur , trouve fes difciples fouples & foumis, par la feule crainte de lui deplaire; pour les contenir dans le devoir, il na befoin"d'autre punition, que de témoigner un peu de froideur; l'amour attire 1'attention & infpire la docilité. Deux chofes empêchent de conferver le refpeö & l'amitié d'un jeune-homme; 1'une vient du dehors , c'eft lorfqu'un précepteur n'eft pas eftimé, confidéré par les parens , les amis , & refpeöé par les domeftiques. L'exemple eft un livre animé.y dont les caracteres fe gravent dans celui qui les lit, les remarque. Les chofes extérieures font très-puiffantes fur toutes les ames, en particulier fur celles qui ne fuivent que les fens; qui, n'ayantpas desfen-  III' Panie. TEMPOREE. 8i timens a eux & formés, ne jugent que par ceux qu'ils voient, & dans lefquels ils ont une confiance naturelle &C d'habitude. La feconde vient de ce que les enfans, même la jeunefle, ne font, en général, conduis que par une nature grofliere, & que les enfans regardent leurs gouverneurs comme leurs ennemis; il faut donc faire avec eux un accord fimulé, pour les tromper a. leur avantage, fi l'on ne peut en avoir un fincere. Finalement ceux qui reftent fur leur appetit, reflemblent a ceux qui prétendent ne point faire d'excès. L'on mange prefque toujours au - dela du befoin; de même il eft rare & difïïcile de ne point abufer. II faut feavoir s'arrêter , s'aDftenir Be ce qui nous nuit & nous incommode ; Sans cela le plaifir n'eft plus plaifir; Toujours jouir feroit bien plus commode. O v  III' Partïe. Temporel. §3 d'ennui, puifqu'il ne fait que végéter; il faut le plaindre de fon malheureux partage; parions de ceux qui, dans la claffe au-deffus, vivent dans une condamnable indigence des reffources accordées a 1'humanité. Le meilleur moyen de ne point s'ennuier avec les autres, c'eft de leur parler d'eux-mêmes, de ce qu'ils fcavent 6t de leurs goüts; c'eft auffi le moyen de ne point s'ennuyer avec eux. Si nos fituations, nos affaires , exigent que nous vivions feuls & ifolés de la fociété ; alors il faut être ingénieux pour foi, fe faire un genre d'occupation &£ d'amufement. Ceux qui ont été a même , ou qui ont eu fom de fe procurer des talens , en recevront larécompenfe avec ufure; paree que l'on ne peut pas toujours travailler ni s'occuper férieufement, & qu'a la leéture même il faut quelques fupplémens. A la campagne, tout intéreffe, lorfquele goütnous engage; quelquefois il eft néceffaire de 1'exciter. Les défceuvrés , ceux qui n'ont point d'affaires, Par leur ennui, font preffés de tout faire ; L'inflant d'après que vont ils devenir ? Tourmenter les autres, baüler, dormir. D v)  84 Le petit Salomon. En général, le défaut d'efprit dans les différens états & profellions, vient fouvent du déplacement des hommes qui fe trouvent rarement ou lem-s difpofitions naturelles les appelloient & les deftinoient. Chacun a de la prétention , ou s'accufe de n'avoir point d'efprit, plus fouvent de n'avoir pas demémoire; le tout, fuivant 1'occafion qui requiert fon avantage ou fon défintérefTement. Dans le fait, peu de perfonnes font entieremenf dépourvues d'efprit, & fi 1'oh examinoit itriclement, l'on trouveroit fürement un genre naturel a. chaque individu; 4de même que l'on ne trouve pas une femme fans aucune beauté, foit les yeux, la bouche , les dents, la taille, $cc qui, malgré cela, ne peuvent palier ni pour belles, ni pour jolies; die même un homme qui n'aura que de la £nelfe, ou telle autre qualité d'efprit que l'on fuppofera, ne peut être regardé décidément pour un homme d'efprit; c'eft donc 1'enfemble du total qui complete 1'efprit & la beauté. Avoir de 1'efprit, c'eft bien penfer, bien entendre, bien juger, bien rendre & fe bien conduire; il y a peu de  UI' Pareu. Temporel. 85 perfonnes qui réuniffent toutes ces parties , & il en réfulte que la réputation d'homme d'efprit accordée légérement, eft rarement méritée. De tous les êtres que je confidere , Et qui rarement fcavent s'occuper, C'eft un Patre , un Berger, une Bergère ; Eh quoi!... 1'ouvrage manque a 1'ouvrier ?... Non : ils auroient bien plus d'une refTource; La Bergère pourroit coudre, ou filer; Les autres trouveroient, prés d'une fource , De quoi faire des corbeilles d'ozier. Peut-on ne pas admirer la nature! Ce charmant 8t délicieux tableau ! Ses biens, fes tréfors, fes fruits, fa parure ! L'étudier,l'aider, rien n'eft plus beau! La nature nous offre trois regnes , 1'animal, le végétal & le minéral. Le chef du premier regne eft l'homme qui fe fait le plus connoitre, & que l'on connoït le moins; mais a qui tous les animaux paróiffent fubordonnés. Après quelques animaux marins qui peuvent nous être connus, & dont on ne peut guere calculer la forme; ce font les quadrupedes qui font les plus forts , & dont nous pouyons jnieux appereevoir 7 définir, éifTéren-  È6 Le petit Salomon. eier l'inilintt. II y a dans les pays étrangers des bipedes d'une groffeur & d'une hauteur infiniment au-deffus des nötres, tel que 1'Autruche. La claffe des volatilles eft nombreufe , celle des infeftes eft a l'infini. Le regne végétal comprend les arbres, arbriffeaux de toute efpece , les grains, plantes, légumes & les différentes herbes que la terre produjt. Le regne minéral comprend les mines de toute efpece, le diamant, les pierres précieufes, le cryftal, le marbre, les pierres fingulieres, ainfi que celles qui fervent k batir, & qui fe trouvent fur la fur face. L'un de ces trois regnes fuffit, foit pour 1'étude d'un homme , foit pour fes occupations, fon utilité , fon amufement ou ion pkifir. Tous les hommes ne font pas nés pour la fcience des belles - lettres , claffe privilégiée par la nature , les difpofitions, & déterminée par les fecours; ainfi des autres fciences, arts libéraux , méchaniques, & métiers qui demandent pareillement des difpofitions Sc des fecours ; mais fans tout cela -7 l'homme peut s'occuper de culture , de planxa-  IIP Partie. Temporel. tc.5 ciétés, moins d'efprit & plus de bon fens. . , Qui n'a qu'une forte d'efprit, n en a point , dit la Rochefoucault; ne pourroit-on pas mettre le contraire en queftion? II eft vrai que celui qui n'a qu'une forte d'efprit, ne paroit pas fufceptible de plus d'un talent, ou de pouvoir entreprendre plus d'une chofe; mais en récompenfe , prefque toulours il excetle. C'eft par cette raifon que l'on voit quelquefois des perfonnes très-bornées d'ailleurs, choifir & prendre le parti le plus fage , le plus jufte, s'y attacber avec fermete, en parler avec diftin&ion , ouvrir des avis nerveux, les foutenir avec courage, être enfin des citoyens, des héros" dans leur état; fi vous rencontrez ces mêmes perfonnes dans les fociétés, vous neles reconnoiiiez phis. En général le même raifonnement porte Fempreinte de vérité dans 1'un, 1'incertitude dans un autre, & Terreur dans un troifieme ; de meme qu'un remede qui agit, fait bien a 1'un, produit 1'efTet contraire dans le fecond , ne fait rien au troifieme; le E v  III' Partie. TEMPO-REL. 107 L I V. Ceux qui prétent & oblïgent. Souvent l'on fe brouille avec un ami, En lui prétant, ou lui rendant fervice; Et s'il ne devient pas votre ennemi, Alors ce n'eft qu'un léger facrifice. Presque toujours l'on a plus de peine a rendre qu'a emprunter ; cependant 1'honnête homme, l'homme d'honneur empruntent avec peine , rendent avec plaifir;lepremier, paree qu'il fatisfait fon devoir; le fecond, paree qu'il foulage fa vanité. II y a plus de force, de grandeur a foutenir le röle d'obligé , qu'a fe parer avec fafte du titre de bienfaiteur : par la même raifon l'on trouve plus d'hommes généreux, que de reconnoiffans, paree que 1'ambition de dominer fur les autres , piqué davantage que la liberté acquife. L'ingratitude vietit également de 1'orgueil & de 1'intérêt. Selon la penfée commune, la qualité d'obligé eft une efpece de fervitude; l'on veut s'en affranchir le plutöt poiTible. La reconnoifTance & l'ingratitude n'ont fouvent qu'un même prirxE vj  io8 Le petit Salomon. cipe. L'on fe croit afTujetti par celui dont pn a recu des fervices confidérables; c'eft un efclavage dont on veut fe tirer de facon ou d'autre: l'on paie la rancon, ou l'on brife la chaine pour s'échapper; ce ne font que les circonftances qui décident. II y a deux fortes d'ingratitudes ; 1'une qui ne veut pas reconnoitre les fervices rendu s ; 1'autre a ne vouloir point recevoir de ceux k qüi ils en ont rendu. Quand l'on a rendu fervice a quelqu'un , rien n'eft plus tyrannique de lui öter les occafions de prendre fa revanche ; c'eft faire payer trop cher un bienfait, que de tenir toute la vie, la perfonne obligée , dans la dépendance. Souvent l'on entend dire que l'on ne veut avoir obligation a perfonne; ce propos n'eft qu'orgueilleux, paree que la fociété des Hommes ne roule que fur un commerce d'honnêteté , d'égards, de fecours légitimes & réciproques. C'eft troubler eet ordre, fi l'on ne rend aucuns fervices; c'eft le troubler pref-, qu'autant que de ne point accepter, quand 1'occafion fe préfente, & 'que l'on offre de bonne grace de nous ©bliger.  IIP Portie. TeMPOREL. IO9 L'ingratitude eft un monftre dans la lociété; puifque nous devons tant a. qui nous oblige une fois dans fa vie, que ne devons-nous pas a pere , mere qui nous ont donné 1'exiftence ? Ils ont en outre pris foin de nous élever, de nous amaffer & laiffer des biens, leur fortune ! Pareilles obligations , des fervices auffi eflentiels peuvent-ils jamais être oubliés ? L V. // ne faut hafarder' aucuns propos. Ne hafardez jamais aucuns propos , Sans une très-parfaite connoiflance ; Dit-on du mal ? il fe trouve aufli-tót Parens, amis qui prennent la défenfe. La prudence, 1'attention, 1'honhêteté , 1'ufage même du monde , exigent que l'on ne hafarde aucuns propos , fi l'on ne connoït point parfaitementles perfonnes avec lefquelles l'on fe trouve. Quand on n'eft. pas au fait des families , des liaifons & relations , l'on peut lacher un propos ïndifcret; un parent, un ami prend la défenfe , il en réfulte une querelle, fouvent une affaire férieufe.  iio Le petit Salomon. Pour ne point renouveller des affliétions fenfibles, & ne faire de peine a perfonne , difpenfez - vous de demander des nouvelles des families, parens & enfans , jufqu'a ce que vous foyez sur qu'il n'eft arrivé rien de facheux. II y a encore bien d'autres malheurs, affliftions & défagrémens qui peuvent arriver dans les families , auxquels il faut prendre garde. L V I. Sur les Excès. Fuyez les excès , ayez un régime Evitez deux vents , & 1'humidité ; Sans une oppofition légitime , Soyez d'une très-grande propreté. La raifon feule doit prévenir & prévoir les excès ; fouvent elle a befoin de courage pour les réprimer & s'en garantir. Le nombre des vidtoires que notre raifon doit rempprter fur nos penchans, nos foibleffes, n'eft pas toujours le sur garant de nos triomphes. Aujourd'hui vainqueurs , peut-être que demain nous ferons pris mis dans les fers. Souvent l'homme n'a que les maux qu'il s'occafionne;  IIP Partie. TeMPOREL. III c'eft par fa conduite qu'il fe rend malheureux & fouffrant. La nature nous fait payer cher Pabus de fes bienfaits, fi nous épuifons les facultés que nous avons recues de fa libéralité. Nos chagrins , nos foucis, nos peines & nos fouffrances viennent prefque toujours de nous-mêmes. Les maux phyfiques feroient légers, fi nos vices, nos excès ne les aggravoient point. C'eft pour nous conferver que la nature nous fait fentir nos befoins, puifque les douleurs font la preuve qu'il y a un dérangement dans notre corps. Les hommes qui vivent dans la fimplicité primitive font fujets k peu de maux; ils vivent prefque fans maladies, paree qu'ils ont vécu fans pafiïons; en conféquence , ils ne prévoient, ni ne fentent pas la mort, ils finilTent. Quand l'on a dérangé fa conftitution , on veut la réparer par des remedes qui caufent, accélerent fa deftruftion; enfin l'on murmure contre 1'auteur de la nature des maux que l'on s'eft fait en la détruifant & en l'offenfant,  ii4 Le petit Salomon. L V I I I. Douceur & politeffe, leurs avantages. Avec Ia douceur & la politeffe, l'on eft toujours certain de réuffir; Mais n'allez jamais jufqu'a la baffeffe, Si vous voulez ne pas vous avilir. C'f.st la candeur.de 1'ame & celle de 1'efprit qui, par leur réunion, forment ces qualités fi précieufes,, fi rares , qui font la douceur & la politeffe. Politeffe noble qui fcait approuver fans fadeur, louer fans jaloufie , plaifanter fans aigreur, qui faifit les ridicules avec plus de gaieté que de malice. La douceur jette de 1'agrément fur les chofes les plus férieufes, foit par le fel de 1'ironie, foit par 1'agrément & la fmefTe de 1'expreflion même; elle paffe adroitement d'une converfation qui pouvoit devenir une difpute , a un propos enjoué, & donne a un propos fur la religion, fur la vertu, le ton , les couleurs d'une douce fatisfaftion, d'une vie heureufe & tranquille. II faut cultiver, acquérir de la po-  III' Partle. TEMPOREL. 115 litefle paf le defir d'avoir des dehors honnêtes & convenables, paree qu'elle fcait annoblir tous les tons; elle pourroit être fouvent mitigée en fait d'eloges, alors elle paroitroit plus naturelle , plus fincere ; il y a même certains propos brufques , prefque groffiers, dont l'amour - propre eft plus fatisfait, que des louanges bien pomponées. Quoique l'amitié femble fouvent devoir exclure les complimens, la cérémonie , il ne faut pas cependant bannir la politeffe, paree qu'elle fe détruit infenfiblement. _ Les Fran9ois paffent pour polis; il femble qu'ils vivent préfentement fur ce fond & 1'héritage de leurs ancêtres : cependant la politeffe fait une des parties principales de 1'ufage du grand monde, & du bon ton. Rendre ce que l'on doit aux autres , fans manquer a ce que l'on fe doit a foi-même, exige autant de jufteffe dans 1'efprit, que de délicateffe dans les fentimens & le jugement. L'ufage, le bon ordre veulent que l'on donne des marqués de confidération & de refpeft au fexe, a la naiffance, aux grandes places , ö£ a la vieilleffe.  né Le petit Salomon. L I X. Sur CExercice. Rien n'eft (i fouverain que 1'exercice, Pourvu cependant qu'il foit modéré ; Car autrement il deviendroit fupplice, Et feroit fort contraire a la fanté. L*exercice, les plaifirs du corps ne lont jamais plus fatisfaifans , plus vifs que quand ils font des remedes au befoin, a la douleur, a la fanté. C'efï le degré de la foif qui détermine celui du plaifir que l'on reffent a 1'appaifer. La vertu ne donne point 1'exclufion aux chofes utiles, néceffaires & agréables; elle prefcrit feulement celles qui font honnêtes & qui méritent la préférence; alors 1'exercice, le plaifir, fon avantage naiffent du fein même de la vertu; puifque les délaffemens ne font jamais plus agréables que quand ils ont été mérités par le travail, & que 1'ufage modéré qu'on en fait nous préferve du dégout. Les plaifirs de 1'efprit & du corps, le repos & le mouvement, la folitude & la fociété, les délaffemens & les occupations férieufes; tous ces biens, ces avantages  n8 Le petit Salomon. ration; raifon convaincante pour ne point fe faire attendre. L X I. Sur la maniere d'être avec les femmes qui ont de Üefprit^ ou du credit, ou qui font mêchantes. De femme a crédit, d'efprit, ou méchante , Ne foyez que 1'ami, le complaifant; Le fexe facilement nous enchante , Nous trahit & nous perd également. L a nature a orné la femme de mille dons, qualités & talens les plus piquans , les plus aimables , qui fouvent fervent au fupplice, au malheur de l'homme , particuliérement s'il veut braver une femme dans la claffe défignée; il eft difficile de s'y attacher impunément : fouvent ce n'eft qu'un calme trompeur qui caufe les tempêtes les plus furprenantes. L'empire des femmes fur les hommes n'eft pas un mal, quand il eft dirigé vers le bien. Si l'éducation de ce fexe aimable étoit faite avec plus de foin; fi l'on dirigeoit fes difpofitions naturelles & faciles vers des objets folides, mefurés & réfléchis,  IIP Partle. TEMPOREE. 119 en lui imprimant le dcfir des grandes chofes , particuliérement de 1'occupation, du travail, & des vertus en général, certainement il en réfulteroit auffi le bien général, qui feroit même a 1'infini : car les hommes feront toujours ce qu'il plaira aux femmes , Sc fi l'on veut qu'ils foient grands Sc vertueux; il faut donc apprendre aux femmes ce que c'eft que la juftice Sc 1'injuftice; 1'économie Sc la folie dépenfe ; 1'occupation Sc Poifiveté; le gouvernement Sc la deftruction; la vérité Sc la faufTeté; les fentimens doux Sc honnêtes, par préférence k 1'aigreur, a 1'emportement, k la violence ; enfin ce que c'eft que la grandeur d'ame Sc la vertu. Tant que les femmes fe renfermeront Sc refteront dans leur état, c'eft tout ce que l'on peut défirer en général , paree que , toutefois qu'elles veulent ufurper les droits des hommes, elles reftent au-deflbus en général. II faut en coticlure qu'une mere ne doit pas avoir la prétention de faire de fa fiile un honnête homme, pour donner k la nature un rare démenti , d'autant que fa deftinée fera toujours d'être  iao Le petit Salomo n. forcée d'obéir k l'homme , quoiqu'ii foit imparfait & plein de défauts. La gloire , la dignité d'une femme , c'eft d'avoir 1'eftime de fon mari, le refpeft des deux fexes; fes plaifirs doivent fe trouver dans le bonheur, la profpérité de fes enfans. Une demoifelle , Auteur, prétend que bien des femmes font trop légeres, trop frivoles pour mériter de 1'eftime; que ce fentiment eft pour elles trop férieux, trop folide; qu'elles ne prennent que de 1'enjouement, de 1'entoufiafme; que quand l'on eft bien avec elles, l'on touche au moment d'y être mal, & que l'on ne parvient point a s'en faire bien connoitre ; qu'une liaifon de plus de dix ans, une conduite foutenue par les meilleurs procédés , par des attentions , des confeils utiles, des fervices effentiels , tout cela n'eft d'aucune valeur & fans force contre le plus petit intérêt , contre un mauvais propos que leur tient le premier venu, & fouvent contre une idéé bizarre , fans fondement , qui leur paffe dans 1'efprit, qu'elles décident fans fcavoir difcerner, ni juger, paree qu'elles font inca- pables  IIP Portie. Tempor el. iif. pables d'examiner a fond, qu'elles fe laifient enfin conduire par le caprice & la prévention; très-fouvent elles fe confient, s'abandonnent aveuglér ment a des perfonnes qui fe moquent. d'elles, les trompent, & qu'elles prennent de 1'ombrage, de la méfiance contre des perfonnes qui les ont fervies conftamment. Cependant l'on ne peut être véritablement agréable par 1'efprit, intéreflant par le cceur , & grand par 1'ame , qu'autant que le jugement, le difcernement, la ftabilité des fentimens , qu'une exiftence éclairée, 8c toujours la même , enfin un caractere a foi &c sur, viennent au fecours, a 1'appuideces trois premiers attributs 8c qualités elTentielles. L X I I. La femme ef-elle vïniicative ? La femme a toujours fa vengeance prête..,,.» Arrétez!,.., ce trait me paroit trop vif; L'on citeroit plus d'une femme honnête ; L'un & 1'autre fexe eft vindicatif. Plusieurs Auteurs ont dit eifectiTome II. F  "izz Le petit Salomon. vement que le fexe avoit toujours une vengeance prête pour le befoin. Ceux qui, perpétuellement Sc généralement, difent du bien des femmes, ne les connoiffent pas encore; ceux qui toujours en difent du mal , ne les connoiffent point du tout; il en eft de même pour le fexe mafculin : l'on peut ajouter que Pempire que l'homme veut prendre 8c exercer fur la femme, lui coüte prefque toujours celui qu'il avoit fur lui-même. Puifque la femme eft fi vive, fi fine , fi pré-fente k la chofe, 8c fi prompte k fe venger, demandons a ces Auteurs pourquoi, dans le paradis terreftre, elle n'écrafa pas la tête du ferpent fous fon pied, fitót qu'elle s'appercut qu'il 1'avoit trompée... ? Depuis quelques temps il a paru un livre fcavant 8c curieux par fes citations hiftoriques ; une particuliérement a fixé 1'attention des dames, c'eft celle qui rapporte qu'un Concile a délibéré, fcavoir fi les femmes font de 1'efpece humaine? Pour 1'intelligence a'une queftion auffi finguliere, il faut fgavoir qu'alors il y avoit dans la même yille une aclrice d'une beauté  III' Parüe. TempOREL. izj rare& d'une fimplicité peu commune, qu'un des membres de ce Concile faifoit Pimpoffible pour lui plaire, fon dernier moyen fut de vouloir lui perfuader que la femme n'avoit point d'ame; la'belle , malgré fa qualité d'aarice, perfiftant dans fon fentiment, il fit un lyftême ingénieux pour prouver fa pr.opofition, gagna, perfuada quelques membres du Concile ; cependant 'Popinion, loin d'être admife, fut regardée comme abfurde. L'on devine aifément oii tendoit un pareil fyftême, que c'étoit pour renverfer le premier, le plus beau rempart de la Religion. Une Dame connue par fon nom & fes jolis écrits, a fait le portrait de fon fexe , ce qui, raifonnablement p excife" ma confiance, 6c m'engage k prendre qtielques-uns de fes traits pour lbutenir & embellir le mien. Une Demoifelle également a fait un portrait moins beau, moins avantageux, foit qu'elle n'aime pas fon fexe, ou qu'elle n'aime perfonne ; 1'un &c 1'autre peut être , par un droit de repréfailles, ou par 1'égoïfme qu'on lui connoït, car F ij  ïi4 Le petit Salomon, elles exiftent toutes les deux ; en conféquence je vais les diftinguer. La Dam e. Mon fexe eft injufte par fois ; .« Mais c'eft un tort qu'un charme efFace, Ses travers même ont de la grace, Et fes caprices font des loix. Nous autres femmes , le ciel ne nous fit point pour régenter les humains, mais pour les adoucir, leur plaire, leur donner non des préceptes, mais des jours heureux & des exemples de vertu : au temps de 1'age d'or , l'on ne vouloit que cela; notre fiecle eft exigeanfc^ il faut, dit-elle , bien voir 8c agir mieux. La Demoiselle. L'on reproche aux femmes quantité de fautes que les hommes partagent avec elles : fouvent il y en a qui aiment autant a parler, qui font auffi indifcrets fur certains articles, 8c font également menteurs. Si les femmes font tracaffieres , les iommes font intrigans; fi les femmes font inconf tantes} les hommes font perfides; fi  IIP Partie. Temp. o rel. 125 ks femmes font fauffes, les hommes font traitres ; fi les femmes font jaloufes, les hommes font envieux; s'ils ont plus de courage dans le danger, les femmes ont plus de courage dans le malheur , & de patience dans les maux. Les hommes doivent, en grande partie, les avantages qu'ils ont fur les femmes a la difFérence de leur édu.cation, qui, quoique fort défe&ueufe , pour 1'ordinaire, feit cependant beaucoup moins que celle que l'on donne aux femmes. C'eft mal-a-propos qu'on les éloigne, fans diftin&ion, de toutes les occupations férieufes & utiles: on les éleve dans des préjugés minu-tieux , on les accoutume k mille délicateflès , & on ne les fortifie point affez contre la peur , même en chofes puériles ; ce qui cependant feroit effentiel a leur confervation. Dela réfulte la pufdlanimité , la frivolité, la légéreté, la foibkffe de leur caractere ; pourquoi ne les pas rendre utiles k 1'Etat ? il en refulteroit des fervices "réels. II n'eft queftion que de chercher les moyens, & l'on tro^vera les convenances. F iij  ti6 Le petit Salömon. Si les femmes ne font point ce qu'elles pouvoient être, c'eft 1'ouvrage des hommes , qui, dès qu'elles paroiffent dans Ie monde, font ce qu'ils peuvent pour affoiblir le peu d'éducation qu'elles ont recue, peutêtre par amour-propre, & crainte que leur vanité ne foit humiliée; car el les ont plus de goüt, de fmeffe , de délicateffe. L'inutilité, la pareflé dans laquelle on les éleve, arrete les pro-, grès, le développement de leur efprit, empêche que le jugement fe forme ck fe fortifie ; elles paroiffent fuperfïcielles, paree qu'on ne les accoutume point k réfléchir. Les hommes, par leurs empreffemens , leurs hommages, leurs entretiens , leurs adulations , accréditent des défauts, des imperfections qui, par la foute, deviennent des vices; il en réfulte auffi la coquetterie, le luxe, la vanité , fouvent la fauffeté : enfin, plus une femme a de manége , d'aftèctation, de minauderies , de caprices , plus elle a de faux & bas courtifans qui, d'ordinaire , valent moins qu'elle; celles qui leur réfiftent, leur conyerlation eft cent fois plus. aima-  IIP Partie. TeMPOREL. II? ble, olus utile; elles annoncent une imagination plus vive , un cceur plus droit, plus capable d'un attachement folide ; leur amitié eft auffi plus süre, leurs procédés plus délicats; mais ce nombre n'eft pas auffi confidérable qu'il eft a defirer. L X I ï I. Relations entre les hommes. Tout eft relatif, ce n'eft point chimère; Le foible n'eft pas toujours opprimé ; Porteur d'eau, Ravaudeufe & Ouvriere , Sont défendus par l'homme en dignité. Nous fommes dans une fi grande dépendance les uns des autres, qu'il n'eft prefque point d'homme qui ne puifle traverfer nos pro jets, nos entreprifes, notre bonheur ou notre tranquillité : par la même raifon, il y en a beaucoup qui peuvent nousprocurer ou augmenter ces avantages. N'eft-ce pas un bonheur, une juftice de la Providence, quand un puiffant protedeur & défenfeur vient au fecours d'un malheureux que l'on veut opprimer ? Eft-il poffible qu'un homme ait de la morgue contre un autre homme ? F iv  ii% Le petit Salomon. M-il poflible, Sc peut-on croire que l'on faffe ufage de la puiffance ou'de la fortune, pour opprimer, accabler les foibles , les malheureux ? Enfin, peut - on croire qu'un homme fage, ïaifonnable , un chrétien , foit dans le cas d'étudier fes expreflions, fes geftes, fes démarches, fes lettres, dans la crainte de paroïtre trop modefte k 1'égard de fes freres ? Peut-on refufer une réponfe k une perfonne qui n'a pas de titres , de qualités k produire pour fe préfenter; lorfque le dernier des malheureux vient nous trouver, il faut lui répondre aufii-töt, fans quoi, l'on fe rend coupable devant Dieu , devant les hommes fenfés Sc raifonnables ; paree qu'il n'y a point d'ame méprifable aux yeux de la Religion Sc de i'humanité; il n'y a rien de plus petit, qu'un grand dominé par 1'orgueil. Ceux qui croient pouvoir opprimer les foibles, fouvent fe trompent k leur défavantage; paree que ces foibles trouvent des proteöeurs, des défenieurs, enremontant paréchelonsaceux a qui ils fournilTent foit leurs denrées, foit leurs travaux. II y a donc dans la  IJl' Partk. TeMPOREL. 129 vie de grands événemens qui furprennent, dont fouvent l'on ne peut rendre compte,que l'on n'a pas prévus; ils ont été amenés par de fortes cir-> conftances, défendus Sc réparés par de petits moyens, par de petites caufes. L X I V. Notre feeree & celui des autres. Souvenez-vous que le fecret d'un autre Ne . peut & ne doit pas êtretrahi; Vous pouvez toujours difpofer du votre, Mais avant choififfez bien votre arai. V AR T de fe taire , eft une grande vertu; heureux celui qui ne dit que ce qu'il doit dire! 11 faut s'accoutumer au fecret, fans affeaer la difcrétion; l'on ne peut fouffrir dans lafociéte un homme myftérieux & caché; pour peu que l'on ait 1'ufage du monde , Sc la connoifïance des hommes, l'on devine aifément ceux qui affeftent de ne rien dire. Sans être d'un caraaere caché , il ne faut pas confier indifünctement Sc indifcrettement fes affaires, fes relations, fes correfpondances fecretss. II ne faut pas non plus emF v  '130 Le petit Salomon. ployer de fineflé, pour découvrir celles des autres ; cette reflburce & pareil moyen paroiffent incompatibles avec la probité; l'on s'en appercoit bientöt, & l'on perd 1'eftime , la conftance des perfonnes franches & honnêtes. L X V. Les dges veulent s'affortir. La nature dirige avec fageffe ; Tous les ages cherchent a s'affortir; Les vieillards s'ennuient avec la jeunefle, Et Ia jeuneffe veut fe réunir. L'on peut dire que la réunion des goüts, des plaifirs, des fentimens , délaife les efprits, les met a- leur aife, donne beaucoup de liberté, fixe, pour ainfi dire, les heures fugitives , & coupe les aïles au temps; la nature alors nous conduit doncfagement. L'on remarquedans tous les hommes des rapports de convenance, d'age & de caraöere qui les rapprochent parfaitement ; que c'eft beaucoup moins le génie qui les différencie, que les nuances fous lefquelles on les appercoit. L'univers eft un vafte champ oii les  IJl' Portie. TEMPOREL. igfi difïérens efprits des hommes font autant de germes répandus, qui produifent ou avortent fuivant le fol, ou le vent qui fouffle ; fi 1'un & 1'autre font favorables , ils deviennent des arbres auffi magnifiques par leurs feuillages, que par leurs excellens fruits; s&ls font contraires, ils ne montrent qu'une afFreufe itérilité. L'ame, s'uniflantau corps y\& trouve dans la dépendance des age-s, des fei- fons, des élémens & du befom des-, liaifons aftorties. Chez les uns 1'ame eft long-temps, & fouvent toute la vie, dans 1'enfance paree qu'elle ae trouve perfonne qui lui donne 1'accroiffement& la force; chei les au-, tres elle acquiert une parfaite vivacité, paree qu'elle a été environnée de tout ce qui peut vivifier & éclairer. En général, les ages ne icavent point fe tendre juftice ; Fon veut être & paroitre ce que Fon a été; Fon exige» de la jeunefle qu'elle aït le ton, le. maintien. de l'homme fait; Fonyeut qu'elle ait les mêmes goüts de Fage avancé; cette facon de voir devient injufte, & caufe beaucoup de méfinteiligences dans les fociétés & les fjfy milles. ^ v3  132. Le petit Salomon. L X V I. Commtnt, & de qui l'on peut recevoir des prifens. Les préfens des perfonnes qui nous aiment Ne font pas faits pour nous humilier ; Ce font des liens doux qui nous enchainent j Des grands vertueux l'on peut accepter. Quand nous aimons avec difcernement, nous coniidérons moins ce que nous recevons, que les fentimens de la perfonne qui donne ; nous fommes plus touchés de la difpofition du cceur, que du prix du bienfait, paree que nous devons toujours la mettre au-deiTus de fes dons. L'ame généreufe connoït toujours l'amitié, paree qu'elle eft capable de la fentir, d'en remplir tous les devoirs , d'en apprécier, d'en goüter tous les charmes. L'amitié fcait également faire a fon ami toute efpece de dons, ou les recevoir de lui. II eft vrai que l'amitié fait le charme , ou le tourment de la vie; fi l'on eft heureux du bonheur de fon ami, l'on eft malheureux par fon malheur. Lorfque quelqu'un, fort au-deflbus de nous,  UI' Partie. TEMPOREL. itf fait un préfent, un cadeau fans intérêt équivoque, l'on peut le recevoir fans rougir, paree que c'eft un témoignage d'attachement, d'eftime , ou de diftinction particuliere. L'eftime ne concilie pas toujours l'amitié , mais l'amitié ne peut fubfifter fans l'eftime; c'eft un de fes premiers avantages fur l'amour. L X V I I. Vair ouvert & gai plaü a tout le monde. Evitez l'air fombre & trop férieux; La gaieté e(t un des dons de la nature , Qui concourt a nous rendre plus heureux; N'en pas jouir, feroit lui faire injure. Il y a deux gaietés, celle de 1'efprit & celle de 1'humeur; il eft plus heureux pour foi d'avoir la feconde , & plus agréable pour les autres, quand on a la première; peu de perfonnes ont le bonheur d'avoir 1'une & 1'autre , quoiqu'elles paroiffent devoir être inféparables. Plaifanter eft quelquefois 1'écueil de 1'efprit, & le fujet des inimitiés. Les perfonnes du grand monde font, en général, les vrais juges de la bonne plaifanterie. II ne  134 Le petit Salomon. norit pas d'avoir de 1'efprit pour être bon plaifant, il faut que le tout en foit agréable, que le goüt foit fin & délicat. L'on doit regarder la gaieté comme le médecin des perfonnes d'étude, de cabinet & de travail fédentaire. II eft néceiTaire de déiaffer 1'efprit & de dilater le coeur , quand on a été occupé d'un travail long & pénible. L'épanouiffement de 1'ame eft néceffaire comme celui des fleurs & des' arbres; la gaieté non-feulement eft agréable, elle devient, pour ainfi dire, néceffaire a 1'efprit, fi l'on veut qu'il reverdiffe & fleuriffe de nouveau. II y a des perfonnes qui, femblables a des boiirons de rofes non éclos, n'offrent jamais k la vue que de 1'écorce & des épines; quand on les rencontre, l'on paffe vite, crainte de i'ennui, ou d'en être piqué. La gaieté eft le baume de la vie, elle nous délaffe de nos travaux, fait que nous les reprenons & continuons avec courage ; fans elle on fe laffe de tout, l'on devient k charge a. foi-même & aux autres; enfin elle nous empêche de vieillir, la frai'cheur ordinairement 1'accompagne,  UV Partie. ÏEMPOREL, 13 ^ pendant que les rides & les foucis font le partage des perfonnes triftes. L'exercice du corps & les talens, quand on en a, allégent auffi beaucoup le corps & 1'efprit. Quand le plaifir & la joie font pouffés trop loin , ils reneontrent quelquefois la douleur , - & les fentimens, trop exaltés , deviennent fouvent contraires. La fanté du corps, la vigueur de 1'ame, les jouiffances modérées avouées par la vertu, une joie douce & pure , font tous les biens que Pétat préfent dè 1'humanité puiffe véritablement defirer & fupporter. L X V I I I. Sur thabillement & le malntlen. L'habillement, lemsintien honnête, Souvent fervent a faire refpefrer Et le payfan, quoiqu'avec un air béte, Sïait parfaitement nous apprécier. L A province , Ie peuple, & bien d'autres perfonnes, ne rendent aux autres qu'a raifon de leurs vêtemens & de leur maintien; en effet, quand les facultés le permettent, je ne fcais pas quelle raifon l'on peut avoir d'être  136 Le petit Salomon mal, ouridiculement habillé. Le maintien honnête annonce ce que nous fommes, que nous avons de l'éducation , que nous voyons la bonne compagnie , que nous refpeftons les hommes en général, &z fert d'avertiffement k ceux qui voudroient s'écarter de ce qui nous eft du. L X I X. Sur le Jeu. Le jeu n'eft point fait pour nous déranger, Ou perdre dans une nuit fa fortune; Ce rempliftage de fociété Rompt la converfation importune, Le jeu fouvent eft une palïïon, fouvent aufli c'eft la fille de 1'avarice ou de la médiocrité, dont elle devient la refTource ; ce qui n'eft que trop cömmun aujourd'hui. Les defceuvrés font parvenus k faire du jeu une néceffité pour les perfonnes en place , pour les ^occupations férieufes, & même pour ceux qui ont de 1'efprit. La paffion du jeu n'eft que trop k la mode , fouvent auffi l'on ne joue gros jeu que par vanité , avarice ou mifere; ce fecret eft, quelquefois difnciïe k deyiner.  III' Partie. TEMPOREL. 137 II eft humiliant de perdre toujours, difent quelques joueurs; il eft bien plus humiliant pour eux de jouer fans ceffe 8c d'expofer leur fortune. Le jeu ne doit donc être regardé que comme un rempliffage de fociété , paree que l'on ne peut pas foutenir 8c fournir a la converfation dans un cercle nombreux, 8c avec des perfonnes que fouvent l'on ne connoït qu'imparfaitement. II faut convenir que l'on ne peut pas toujours travailler, s'occuper férieufement, qu'il faut un delaffement, voila le véritable ^ emploi 8c ufage du jeu : il devient néceffaire dans la province pour faire diverfion aux médifances, calomnies 8c autres vices que le défceuvrement occafionne. II eft prefque permis de paroïtre mauvais joueur quand on joue petit jeu; mais jamais s'il eft un peu fort; pour en garantir les jeunes gens, il faut les faire payer ex3Öement, quoiqu'en familie , afin de les rendre beaux joueurs 8c infenfibles a la perte ; fauf a leur donner le lendemain 8c fans affeaation, plus qu'ils n'ont perdu, 8c quand ils n'ont point montré d'humeur,  138 Le petit Salomon. L X X. ..• Le Taciturne, le Siunckux. Le taciturne n'eft pas amufant; Loin d'égayer, fouvent il inquiete. Eft-il de bonne humeur? eft-il fouffrant? Eft-ce naturel, ou manie fecrette ? Il ne faut pas confcndre l'homme taciturne avec le filencieux ; 1'un & 1'autre fe taifent, le premier ordinairement par humeur , Ie fecond queiquefois par raifon & avec réflexion. La taciturnité eft voifme de la mélancolie; c'eft quelqu'un qui fouvent fe tait, lors même qu'il devroit parler. Paree que Guillaume ler, Prince d'Orange, étoit taciturne & profond, les Efpagnpls le nommoient taciturne. Un habile négociateur fe montre froid & taciturne, afin de parler avec plus de poids & d'afcendant. Au total l'on a moins de peine k fouffrir un taciturne , un filencieux, que 1c verbeux, le fanfaron ; ces quatre ne i'eroient amufans que par leur contrafte, s'ils fe trouvoient enfemble.  III' Partie. TEMPOR EL. 139 « L X X I. // ne faut point fe rrrnrtquer ejfentiellement. Griefs , -procédés , reproches fanglans, Sur cela rarement l'on fe fait grace; Entre homme & femme ils font plus affiigeans, L'eftime, l'amitié perdent leur place. Dans les mariages qui fe font par rautorité des peres, meres , ou chefs de familie , l'on fe regie prefque toujours fur les convenances ; ce ne font pas les caratteres que l'on cher1che a afTortir , c'eft la naiffance & le bien : cependant les perfonnes fubfiftent, quoique la fortune vienne a changer, Sc ce n'eft que par les rapports perfonnels que les mariages font heureux. Les yeux , les cceurs devroient donc être les premiers guides pour FafTortiment des époux ; paree qu'aimer ou ne pas aimer , ne dépend point de nous-mêmes , ce qui néanmoins fait le bonheur du mariage. - Le bon caractere, les qualités effentielles, un maintien , une phyfionomie honnête 8c agréable, ne périflént  ï4ó Le petit Salomon. point dans un inftant, comme la beauté; au contraire, elles fe renouvellent fans ceffe : comment une femme qui n'a que du bien, ou de Ia beauté, pourrat-elle élever des enfans ? lui fera-t-il pofïible de difcerner ce qui leur convient,ce qui leur eft néceffaire pour leur éducation ? Lui fera-t-il facile de les difpofer aux vertus qu'elle ne connoït pas, & au mérite dont elle n'a point d'idée ? Elle ne fcaura que les flatter, ou les gronder ; les rend re infolens, ou craintifs ; ils feront peutêtre des finges maniérés, ou des poliffons fort étourdis, qui ne feront point aimables , & qui" même n'auront point d'efprit. Souvent un pere n'aime fes enfans qu'a raifon de l'eftime, de l'amitié qu'il a pour la mere; pour avoir cette eftime, il faut que fa conduite ait 1'applaudiffement du mari, & de ceux dont elle eft connue; que ce témoignage foit d'accord avec elle -meme, &C foutenue par la vertu. > Quel bonheur! quel exemple précieux & néceffaire , que 1'union de deux perfonnes, qui, par leur innocence , femblent embellir la vertu! qui, par leurs fentimens réciproques,  IIIc Partie, TEMPOREL. 141 ne font qu'un avis, Sc dont 1'intime amitié peut devenir le fentiment lè plus tendre, fans altérer leur innocence! Heureux les époux dont les principes de l'amour nuptial font dans deux ames honnêtes, 8c fe confondent dans l'amour facré de la vertu! Qu'il eft beau de les voir marcher a pas égal dans le chemin de la perfection, de les voir élever enfemble leur coeur vers la Divinité, 8c s'aimer fur la terre, comme l'on peut s'aimer dans le ciel. II faut éviter avec foin de fe tracaffer réciproquement, même quand 1'un des deux auroit tort; un fimple avertiffement avec amitié doit fuffire; l'on prend les moyens de fe faire connoïtre la vérité , en fe parlant raifon ; fi 1'un des deux paroit s'y refufer, 1'autre doit faire femblant d'entrer dans fes vues, pour ne pas avoir l'air de la contradiction; infenfiblement , par des repréfentatiens douces, par des procédés, par des raifons fenfibles 8c des effufions de cceur, l'on vient a bout de perfuader, 8c après l'on s'en aime davantage. II ne faut donc point prendre le ton de précepteur, ni l'air pédantefque; ne  142 Le petit Salomon. pas moraüfer continuellement. Un mari ne doit point fe plaindre de fa femme devant fes enfans, & moins encore devant les domeftiques, paree qu'ils celferoient de la refpecler, &c finiroient peut-être par la méprifer. Les femmes méritent beaucoup d'égards, paree que fouvent elles ne paloiffent acariatres , qu'a caufe de la conduite de leur mari, ou pour caufe de mauvaife fanté, ou par quelques défagrémens & chagrins domeftiques. Leur complexion foible, leurs incommodités fréquentes exigent des ménagemens , ainfi que leur pofition qui ne leur permet pas de fe diffiper autant & auffi fouvent que l'homme. Souvent avec le mot affaire, le marimafque fes plaifirs, pendant que la femme refte concentrée dans la maifon pour s'occuper de détails pour 1'ordinaire minutieux, par conféquent ennuyeux ; la lefture, les talens, l'éducation d'une demoifelle peuvent lui procurer d'heureufes diverfions.  111° Partie. TEMPOREL. 143 L X X I I. Vhomm* eft le plus féroce des animaux. L'homme eft minimam , barbare & féroce, Des animaux ie plus carnacier ; II croit que tout eft foumis a fa force, ■Qu'il peut & qu'il doit enfin tout ofer. L'homme eft pire que les lions, les ours, les tigres &c les loups qui nefe détruifent point entr'eux, comme les hommes. La colombe, 1'agneau, le cerf, le chevreuil, animaux doux &c timides; le boeuf, le veau, &c font tués, égorgés pour notre nourriture, nos befoins, ou font immolés a nos plaiiïrs. La morale ne peut donc trop nous recommander 1'humanité pour la confervation de nos femblables , & de les fecourir dans leurs befoins, particuliérement dans les calamités publiques ; car fouvent l'on voit d'un ceil infenfible des malheureux qui manquent de nourriture &C de vêtemens.  144 Le petit Salomon. L X X I I I. Précaution pour les vojages & la pro' menade. Ne voyagez qu'avec précaution ; Ayez de quoi défendre votre vie; Qui peut répondre de 1'intention ? Pour un vil profit l'on nous facrifie. Le premier objet de l'homme , même des animaux, eft de veiller 'k fa confervation. L'on'peut rencontrer un voleur, un chien malade, un animal en fureur , ou féroce ; il faut donc avoir de quoi fe préferver & réprimer la fureur des uns ou des autres. Un fcélérat, un' malheureux eft prefque toujours retenu par la vue d'une arme défenfive, dont il ne faut faire ufage que dans le péril évident & preffant. A la promenade, l'on peut faire ces mêmes rencontres; il eft donc prudent de fe munir d'une défenfe süre & folide. LXXIV,  I/P Partie. TëMPOREL. LXXIV. Sur la Phyfique. S«ns la connoiflance de la Phyfique, Un phénomene paroït effrayant; II femble que Ia nature I'indique Pour Ia tranquillité , l'amufement. ■L'expÉrience eft la démonftration la plus süre que l'on pniffe donner aux fens. Le raifonnement la contredit quelquefois; mais lorfque le raifonnement ne peut contredire , ni prouver 1'erreur, il faut s'en tenir k lexpenence; pour 1'ignorant, c'eft une lumiere qui vacille & le trompe; le fcavant feul parvient a la fixer. Puifque 1'expérience ne parle qu'aux fens, elle peut être auffi incertaine que le rapport des fens. La phyfique doit ménter la préférence fur la majeure partie des fciences que 1'bjomme peut defiier. Tome /ƒ,  £46 Le petit 5 a l 0 m o n*, L X X V. Sur la Pêche, La pêche eft prefque toujours ennuyeufe; C'eft le plaifir des caracteres lents ; Elle devient quekjuefois périlleufe , Caufe des fiuxions, des maux de dents. La pêche en elle.même eft trifte; il n'y a qu'un goüt décidé qui puifle y faire trouver de 1'agrément; il y a quelques coups de filets qui font plaifir, &c qui font vifs pour lê moment ; ce plaifir eft comme bien d'autres, qui ne font pas fans danger, fi l'on manque de prudence, de précaution &c d'attention. II ne faut pas y refter tard a caufe de 1'humidité des fraicheurs que l'on peut y gagner, &c qui arrête la tranfpiration , ce qui peut auffi occafionner une fluxion de poitrine , des rhumatifmes, &c quel* guefois les névres.  lil' Parite. Tempo Rel. 14f L X X V I. Sur la Chatfe. ï.ï chafle ne doit etre qu'un plaifir Sans paffion, & pour notre exercice ; Rarement il caufe du repentir, Si l'on fuit la querelle & 1'injulHce. Le défaut d'exercice, ou des exercices trop violens deviennent également nuifibles k la fanté. Le principe de la tranfpiration eft dans le jeu, le mouvement des membres. 11 fe fait par les pores une diffipation continuelle; elle eft plus ou moins forte, k raifon du mouvement & fouvent de la difpofition ou du genre de travail. Le défaut d'exercice, ou les exercices trop violens diminuent cette diffipation, eet écoulement invifible; les mouvemens proportionnés aux forces le favórifent; c'eft la mefure, labalance qu'il faut tacher de fuiyre & garder. Les accidens malheureux & trop fréquens nous avertiflent, nous prouvent que, pour foi-même, l'on dpit avoir des armes , bonnes, süres Sc propres; qu'il faut les toucher , les  '148 Le petit Salomön. porter, & s'en fervir avec toute la précaution & la prudence poffibles; qu'il ne faut point tirer au hafard Sc au jugé ; mais voir ce que l'on lire , &c fi perfonne n'eft ou peut être devant le bout du fufil; qu'il y a des animaux furieux dont il faut fcavoir fe garantir, fe préferver, fans Irop fe fier fur fon arme, ou dans fon 'adreffe. La paffion, la jaloufie de la chaffe, caufent auffi beaucoup de malheurs & d'accidens; quand l'on réfléchit que pour quelques liévres, quelques perdrix, l'on voit des hommes fages, des amis, des parens, fe déclarer la guerre, devenir ennemis, même fe tuer, ou faire tuer leurs domeftiques; que l'on óte la liberté, que l'on fait expatrier des peres de familie; que l'on ruine des cultivateurs 1 tous ces événemens font bien faits pour engager a mettre de la raifon, de la modération pour un pareil plaifir. Si, fans être tyran & injufte , vous aimez la chaffe, feulement pour votre plaifir &c celui de vos amis; vous en éprouverez alors tous. les avantages, les agrémens &s  ÏIP Partie. TeMPOREL. 149 1'utilité qui conviennent k 1'homrae raifonnable. Les Princes, les Seigneurs ne pourroient-ils pas s'amufer, avoir du plaifir, s'ils ne tuoient point dans la même chaffe & endroit fix eens, douze eens, deux mille liévres?Il faut pour cela que le gibier d'une plaine foit confervé trois ouquatre ans, & que pendant ce temps les enfemencés foient battus par des routes, & que les grains foient dévorés dès leur naiffance. Que le commencement du printemps foit fee, que la fin foit pluvieufe, cela ne dérange point les ordres invariables des capitaineries; dans le même temps, aux mêmes dates, l'on fait toujours défenfe d'aller öter les mauvaifes herbes dans les bleds & grains de toute efpece. Que les luzernes, fains-foins & foins féchent, - périffent fur pied; que la récolte en foit preffée, pour nourrir les beftiaux, malgré cela l'on ne permet point de les couper plutöt. Que ne fuit-on ceux qui arrachent les mauvaifes herbes ; douze fols par touffe de luzerne, de foin que l'on feroit laiffer , fatisferoient. G 1^  J50 Le petit Salomon. Peut-on exercer une tyr-annie, une dureté égale a celle que l'on obferve févérement contre les agriculteurs, les fermiers, pour les denrées de première néceffité ? Ce malheureux agriculteur, fi cher a 1'état, ne peut pas même s'écarter d'un grand chemin, entrer dans fon champ pour voir 1'état de fon bien, le fruit de fes travaux pénibles, &c ce qu'il peut en efpérer. 11 faut au contraire qu'il ignore fi fes grains font étouifés par les mauvaifes herbes, & qu'il s'attende a le trouver rempli de graines étrangeres qui gateront la quaüté, feront tort a la vente : cependant il fera obligé de payer fes impofitlons onéreufes, l'on fera vendre fes meubles s'il y manque, le tout pour quelques compagnies de perdrix , qui peut-être n'auroient éprouvé aucune diminution. Tout le monde fcait que s'il n'y a que la fin du printemps qui foit pluvieufe , alors les bleds ne peuvent être grands qu'un mois plus tard; alors il faudroit donc différer d'un' mois les défenfes d'entrer dans les grams. Ceux qui veulent avoir du gibier peuvent prendre desprécautions  IIP Partie. Tf.MPOREI. I $5 perfonnes comme il faut oui fe trouvent dans leur paroifTe; ils peuvent ïéellement occafionner une infinité de défagrémens, foit dire&ement ou indirectement. Si les habitans fcavent que l'on a pour leur Curé des égards & qu'il eft bien recu, ils auront de la peine a fe mettre dans fon parti; les plus raifonnables détourneront les autres , k moins qu'il n'y ait un intérêt particulier pour eux. Les bons procédés que l'on a pour le Curé fervent auffi pour le plus grand bien de la Religion èc pour le faire refpefter. L X X I X. Sur l'amitié des vafaux & des voifinsl Scachez vous faire aimer de vos vaffaivx, Particuliérement du voifnage ; Dans un accident a votre „chiteau, Vous connoitrez leur zele & leur courage. Ce n't ft pas 1'étendue des terres ? des poffeffions , les richeffes , les grands apanages qui font le mcr.te des feigneurs. Je n'imagine point d'homme plus heureux que celui qui fe voit le chef d'une petite province, d'un petit canton oü l'on ne connoit . * G v)  156 Le petit Salomon. point 1'ambition, la difcorde, les prétentions & la jaloufie de voifinage , oii tous les biens font, comme s'ils' etoient prefque communs, par 1'ufage ou 1 on eft de s'aider & fe fecourir mutuellement, en banniffant la pauvreté des cabanes & des chaumieres tl alentour. / Pour le fage, qu'un pareil petit coin de terre auroit de charmes 1 qu'il feroit heureux pour lui de 1 nabiter & de fe voir éïoigné du tumulte qui agite lesgrandes villes , des grandeurs qui font gémir les petits, du luxe qui corrompt le coeur, & qui éblouit les yeux en détruifant les fortunes&les empires. II faut convenir que fouvent l'on cherche a tromper les grands & les riches , au moment même qu'ils croient qu'on leur fait la cour: s'ils font déréglés, on les flatte dans leur vices , leurs défordres ; s'ils font pieiix, vertueux, on fait 1'hypocrite , & 1 on fe moque d'eux; s'ils font durs, cruels, on leur dit qu'ils font jufles; enhn, ils entendent rarement la vénte ; il faut donc apprendre ala conïjoitre des fa jeunefTe; k fe connoïtre  III' Partie. TempOREL. 161 L X X X I I. Plaintes & rapports domeftiques. Les mauvais propos, rapports & critiques ; Les brouilleries des parens , des amis , Arrivent fouvent par les domeftiques ; Examinez leurs plaintes , leurs avis. Pour rendre les domeftiques tels qu'on les defire , il faut fe montrer a eux tel que l'on eft. Quand les maitres ne leur font rien faire que de jufte, de fage, d'honnête & raifonnable, leurs domeftiques alors ne regardent plus leur état comme dur & malheureux; ils obéiüent, font leur devoir fans fflUtinerie, fans humeur; ils refpeftent, fervent leur maitre par attachement; font avec zele le bien de la maifoa, paree qu'ils prévoient que leur condition, leur petite fortune endépend; ils font fèchés d'une perte, la regardent commune & comme ft elle leur étoit perfonnelle. Cependant les intrigues, les jaloufies, 1'intérêt régnent prefque tour jours, même dans le plus petit nonlbre; s'ils s'accordent parfaitement, fouvent c'eft aux dépens de leur maitre;  i6z Le petit Salomon1. s'ils font fideles, 1'un fe fait valoif aux dépens de 1'autre ;• l'on poirrroit en conclure qu'il faut qu'ils foient ennemis ou complices. Leurs vues d'intérêts, leurs intrigues, leurs cabales , s'étendent fouvent jufques fur les fociétés, les amis, les parens, &C même les enfans des maitres ; l'on ne peut donc trop fe tenir en garde fur leurs rapports ; il feroit même plus fage , plus sur de ne les point écouter : comme il en pourroit réfulter un autre abus , & qu'il eft fou\ ent néceffaire d'entendre tout le monde, alors il faut ufer d'une méfiance prudente & fage, en examinant par foi-même , ou s'informant a d'autres perfonnes dont la vérité , le défintérefTement & la fagefTe font généralement reconnus, & qui font en état de nous faire connoitre la vérité.  III' Partie. TEMPOREL. 163 L X X X 1 I I. Sur fa confiance dans les Domeftiques. A mon avis , rien n'eft plus dangereux Que de mettre toute fa confiance Dans un Domefiique , foit jeune , ou vieux ; Après les abus vient la dépendance. La confiance vient de 1'habitude de voir une perfonne exacte dans fes obligations , fes devoirs; de fa fidéüté dans les chofes qui font a fa difpolïtion : elle peut auffi venir du difcernement , de la jufteffe d'efprit .& de la folidité dans le cara£tere. De quelque facon que ce puiffe être, il faut en général fe garder d'avoir une confiance aveugle & fans mefure, paree qu'il y a des foiblefles, de 1'intérêt dans tous les hommes; k plus forte raifon dans les domeftiques, dont ce dernier eft & doit être naturellement le mobile ; paree que leur état, leur fortune les y contraints. Plufieurs , après avoir gagné la confiance de leurs maitres, font leur poffible pour les mettre fous leur dépendance ; fouvent ils y parviennent avec tant d'adreffe , que leurs maitres ne s'en appercoivent  ï«?4 Le petit Salömon. que quand des amis leur font remaÊ* quer, ou qu'il n'eft plus temps. L X X X I V. Sur la timiditè & fenJibiliU. La timidité' n'eft qu'un bon préTage ; ii faut I'aimer, plaindre &encouragerJ Dans le public , c'eft un déTavantage Pour ceux qui font obligés d'y parler. L'homme qui jamais ne céde k une douleur légitime; l'homme foible qui fe hvre a une trifteffe déraifonnable, ne promettent pas d'êfre heureux ; 1'un eft d'un cceur inhumain 1 autre d'une ame lache, efféminée; les larmes font vertu, quand la raifon icait les arrêter; 1'infenfible touche a la barbane, qui peut devenir férocité. Les pleurs nous prouvent les ames fenfibles; Elles ne doivent qu'un jufte tribur, Autrement elles deviennent rifibl'es Et l'on met ce fentiment au rebut. Pour acquérir quelques connoiflances dans le chapitre des phyfiononues; il faut pouvoïr faifir avec precifion le caraftere réfléchi nar ce nwroir , qui fouvent gR infid|j g  III' Partie. TEMPOREL. 165 ,elt aifé de confondre l'air fombre avec le férieux, le férieux avec le trifte; celui de Findolence, avec celui de la douceur; celui de la timidité , avec celui de la hauteur; 1'étourdtrie avec la vivacité; celui de la vivacité, avec celui de 1'efprit. L X X X V. La fcience d'obliger & de refufer. Le me'rite de fcavoir obliger , Caufe a chacun un plaifir admirable j Mais le talent de fcavoir refufer Eft rare , & l'on pourroit dire introuvable. Dans deux ames également délicates & fenfibles, je ne fcai lequel des deux doit refTentir plus de plaifir, ou de celui qui oblige, ou de celui qui recoit le bienfait , & le fervice rendu. Heureux celui qui peut refufer, . non-feulement fans deplaire, mais k qui l'on croit devoir un remerciment, & prefque de la reconnoiffance. Pour cbliger fouvent, il faut être en place, ou riche; avoir beaucoup de liaiions, de correfpondances, particuliérement un grand nonibre d'amis j ce quiprouve;  j-66 Le petit Salomon. xin heureux, un aimable cara&ere, Sc tin cceur bienfaifant. L X X X V I. // faut aimer également fes enfans. Peres, meres, qu'une tendrefle égale Soit , du moins paroiffe pour chaque enfant; La préférence peut être fatale; Souvent la haine augmente en grandhTant. Les peres Sc meres voient rarement leurs enfans tels qu'ils font ; ou ils aiment trop en s'aveuglant fur leur compte , fur leurs difpofitions naturelles &c leurs qualités; ou bien ils les haïffent fans caufe , fans raifons. L'on voit auffi des'meres jaloufes de leurs filles; cela n'arrive que trop fouvent; une mere alors annonce encore des prétentions. Aimer trop ou pas affez, eft également contre 1'ordre jufte Sc naturel; donner des témoignages de tendreffe, des préférences aux uns; de 1'indifférence , avoir même de mauvais procédés pour les autres; c'eft fomenter la haine, la difcorde, les divifions, les procés. Une mere, quel que raifonnable qu'elle puifle être, & que l'on  LIP Partie. Tem po rel. 16*7 peut la fuppofer, ne doit point alaiter un de fes enfans, a moins qu'elle ne fente la force & qu'elle ne voie la poffibilité de les nourrir tous; jufqu'a préfent les exemples ont conftamment prouvé qu'il y a une préférence , une tendreffe involontaire , même invincible, pour ceux qu'une mere a nourris. L X X X V I I. Les marqués de Üentétement. L'entêtement prouve l'homme borné , Avec 1'efprit, l'on a de la reflburce; Contre la vanité, i'autorité, Souvent la plus faine raifon s'émoufle. Un fage remarqua qu'un homme ne lui rendoit pas le falut; au lieu de s'en facher} il dit en riant: eet homme, loin de me connoitre, ne le connoït pas luimême ; il eft bien malade, puifqu'il ne reconnoït plus perfonne, L'entêtement, la vanité ne peuvent venir que d'ignorance. L'homme vain eft un aveugle qui fe méconnoït luimême; il refTemble a un oifeau dont on a crevé les yeux, qui s'éleve dans les nues, 6c vole avec audace, paree  i68 Le petit Salomo», qu'il vole dans les ténébres. Ambitieux, quel eft le pofte oü vous afpirez ? La fortune 1'accorde a vos vceux, vous y voilk placés, regardezvous a préfent! Vous trouvez - vous plus grand d'un pouce , & croyezvous avoir plus de lumieres? êtesvous plus capable ? Si vous le croyez, eet orgueil qui vous enfle, décéle votre baffeffe, votre ignorance; vous avez donc befoin d'un théatre pour vous élever au-defTus des autres. Le véritable mérite eft Pélévation la plus fublime; ce n'eft plus l'homme qui brigue les dignités, ce font les dignités même qui 1'invitent, 1'implorent, le fupplient.' Sitöt que l'on eft homme de bien, l'on n'a pas befoin de tréfor pour être riche, ni de cordons pour être décoré ; la gloire ne s'efface point par la difgracej elle eft indépendante de toute efpece de cabales & de caprices. II faut avoir pitié de ceux qui, après avoir cumuié des richeffes, ou s'être élevés en rempant jufqu'aux honeurs, veulent après infulter le mérite, en levant au-deffus une tête ignorante & orgueilleufe. u  III' Partlt. TeMPOREL. 169 II y a toujours des - reffources infinies &c agréables avec les perfonnes d'efprit; paree que le bon efprit entend, juge fainement &c fe rend a. la raifon. L'efprit bouillant amufe & réveille ; l'efprit fupérieur penfe , a de grandes vues, eft capable de faire, d'exécuter de grands projets; juge , choifit , produit , infpire , anime, éclaire. L X X X V I I I. II faut fi piquer de bien faire. II faut, ami, fe piquer de bien faire, Soit fon devoir, ou ce qu'on entreprend j Cette vanité ne pourra que plaire , Et c'eft'a ce point que Ton nous attend. C'est véritabiement ce que l'on defire de nous dans tous les ages, états & pofitions; nous le devons aufïï, tant pour la fatisfaftion générale des hommes, que pour la notre parti•culiere. Quelqu'un a dit que la vérité étoit au fond d'un puits : ne pourroir-on pas dire que la perfection eft fur la cïme d'une montagne efcarpée ? A fon afpe£t, 1'imbécille, le lache, le paTome II, H  170 Le petit Salomon. reffeux, 1'indolcnt, s'arrête; l'homme d'efprit fait quelques pas, s'ennuie, retrograde bientöt, outombe. Le fage feul liiit le fentier que lui tracé la raifon, la vertu; le courage, la perfévérance &C la prudence lui donnent la main & 1'y foutiennent; éclairé par j 1'un,foutenu par les autres, il marche < doucement & fans interruption ; s'il trouve un pas difficile, il s'excite, il s'efforce de le franchir : fi la pente devient plus douce, il y refpire, & ne s'y endort point; enfin il voit le but, il arrivé k la perfection humaine &C pofiible. Quand on eft févere pour foi-même, indulgent pour les autres ; exaft fans être minutieux , jufle fans partialité, Ton remplit fa tache a la fatisfaction -du public fage & judicieux : les fautes . de l'homme privé peuvent quelquefois refter dans 1'oubli; mais les fautes des grands, des hommes en place, expofés aux regards de tout le monde , la renommee ne manque pas d'en faire Faveu, la confeflion publique.  111' Partie. TeMPOREL. 177 même que la grande confiance nous rend trop crédules. L'on peut dire auiourd'hui que la Médecine paffe en mode , qu'elle en a & qu'elle la luit ; qu'elle eft utile, amufante pour les perfonnes oifives & défceuvrées; L'on fait préfentement les memes raifonnemens, les mêmes expériences que fur les recherches de la vente & les dccouvertes de 1'élearicité , du magnétique : l'on dit cependant que la Médecine eft süre, c'eft le mieux poffible; mais les Médecins font-ils infaillibles ? La tempérance , le travail, 1 exercice font les véritables Médecins de l'homme ; ceux qui vivent dix ans fans Médecin vivent plus pour leur compte & celui de leurs amis, que celui qui vit trente ans dans le regime qu'on lui impofe. Ce préliminaire, ces obfervations ne-font que pour fervir d'avertiffement fur le choix réfléchi que 1 on eft oblioé de faire d'un Médecin, d un Chirurgien; l'on ne peut y mettre trop d'examen &C faire affez d ïnformations auprès des perfonnes defintéreffées, & que l'on croit capables H Y.  178 Le petit Salomon. de pouvcir en juger; car il faut convemr qu'il y en a qui font fages, inftruits & amis de 1'humanité ; mais pour le bien du particulier, il ne faut pas qu'il foit trop employé au bien général. X C I I I. Sur U Rire. Le rire nous annonce la gaieté, C'eft un délaflement de la nature, Qui fe prend quand on eft en liberté; II ne doit pas. avoir l'air de 1'injure. _ Le fage dit qu'il y a un temps pour rire , 1'autre pour pleurer, c'eft-adire , qu'il ne doit pas être déplacé , qu'il faut que les autres puiffent y participer, & qu'il n'offenfe perfonne. En général le rire eft plus fréquent dans lajeuneffe, paree que l'on a beaucoup moins d'embarras, d'inquiétudes, &c que l'on eft plus gai. II eft difficile de rendre compte de ce mouvement, qui fouvent eft involontaire.  Hl' Partie. TeMPORE% *79 X c I v. Pour 'aucunès raifcns les peres & meres ne doivent point nuire au bonheur, a la fortune de leurs enfans. Ni l'amitié , ni l'amour conjügaï Ne doivent jamais porter préjudiceA la fortune & au bien filiul. Confultez Religion & Juftice. Une femme, quelque dévouée , foumife aux defirs, aux volontes de fon mari, foit par armtie, tendreffe, ou procédés violens, elle ne peut ni ne doit point, malgré cela, figner aueun ade , ni obiigations qui tendem a diminuer ou perdre la fortune de leurs enfans; c'eft un amour mal vu, une fauffe crainte ; paree que u e mari fe dérange, mange fon bien, la femme, par fentimens, tendreffe & Xe doit conferver le fien pour q1?elïp&,aptèsjedé^^ mari, luiprocurer une reffource menagés, confervée par un fentiment veritablement délicat. -onrprit Quand les procédés deviennent mauvais,durs, violens, contraindre a des ftgnatures funeftes, H vj  lEo Le petit Salomon. . la ft mme doit prendre tous les moyens pour parvenir a une iéparation de biens a 1'amiable , Ou par Juftice. La Religion exige que peres & meres confervent, ttanfmettent a leurs enfans la fortune , les biens dont ils ne font, en quelque facon, qu'ufufruitiers & dépofitaires, la loi naturelle le prelcrit. X C V. De la Veifification. La rime donne fouvent des penfées ; Le Poëte la veut pour un de fes vers, II faut alors qu'il force fes idees ; C'eft de la que naiffent les chants divers. Ce n'eft qu'en travaillant, forcant I imagination, que les Poëtes, les Muficiens, les Peintres trouvent le moyen de van er a 1'innni leurs penfées, leurs chants , leurs deicriptions & leurs tableaux. La rime a prefque toujours fait naitredes idéés heureufes& nou velles enobligeant de chercher une tournure' une expreffion différente pour rendre Ja pc niée. , Les P°'étes > en général, donnent des tableaux agréaóles & gais, Le  UI' Partie. TeMPOREL. iSi Poëte tragique exagere les paffions, les vertus, les vices, comme le Peintre & Decorateur habile force les coups de pinceau, le coloris. L'un & 1'autre confiderent les regies de 1'optique ; ils fcavent que dans certain point de vue un crayon léger & des nuances adoucies ne feroient point d'effet. II en eft de la poéfie comme des inftrumens qui veulent être touchés par des hommes habiles. Un mauvais ouvrage en vers eft comme un morceau de mufique exécuté par un mauvais violon. Chacun a voulu chanter en vers 1'objet qu'il veut louer, ou qui 1'enchante ; c'eft de la que l'on a vu éclore de toutes parts des poéfies ridicules & fouvent indécentes, tout ce qui dépaffe la raifon eft iujet a mille inconvéniens. Un de MM. d"Argenfon difoit qu'on étoit ignare quand l'on ne fcavoit pas faire quatre vers, & que l'on étoit fou quand on en fai.oit plus de dix. La verfification, quand on eft fage , ne do^t fervir qu'a louer, dire des chofes honaêtes , obligca-:tes , agréables,, amufantesi l'on doit toujours éviter la fatyre , ce penchant natursl  i8i Le petit Salomon. a l'homme , qui fe porte vers le mat & a médire de fon prochain. Un efprit mordant & fatyrique fe fait craindre & détefter ; celui qui ne dit que des chofes flatteufes, obligeantes &c aimables eft recherché , defiré y généralement aimé; 1'avantage pour ce dernier eft trop confidérable pour ne pas mériter la préférence. X C V I. Sur la fage prévoyance dans la fortune* Pour n'être point furpris dans fa fortune, II faut calculer tout événement; Afin que rien ne gêne & importune, Ayons la fomme pour un accident» Celui qui veut vivre heureux & fage ne doit attacher fon coeur qu'a la beauté, qui ne périt pas; fon état, facondition doivent borner fes defirs; fes devoirs doivent aller avant fes plaifirs ; il faut qu'il apprenne a perdre ce qui peut lui être enlevé , & a quitter tout quand la vertu 1'ordonne , afin de fe mettre avec plus. de süreté au-deffus de tous les événemens ; il doit être courageux dans l'adverfité, pour ne point en fouffrir;.  III' Partie. temporel. iS'J' ferme dans fes devoirs, pour n'être jamais coupable, Vollk quels font les moyens de trouver la véritable jouiffance dans les biens fragiles, & de les pofféder sürement fans aucuns troubles; paree que l'homme ne jouit que de ce qu'il fcait perdre : c'eft bannir, il eft vrai, 1'illufion des plaifirs imaginaires ; mais aufli l'on s'épargne la douleur de leur privation; l'on gagne beaucoup a eet échange , paree que les peines font fréquentes & réelles , &c que les plaifirs font rares, & paffent avec rapidité. Vainqueur de tant d'opinions trompeufes, on 1'eft en même - temps de celle qui donne tant de prix a la vie ; on la paffe fans troubles, on la finit fans effroi; car la mort eft la fin de la vie du méchant, 6c le commencement de celle du jufte. Une grande fortune eft un grand bonheur quand on fcait en jouir & ufer comme il convient; elle donne les aifances, agrémens, p'a'firs,, 6c plus encore 1'avantage ineftimable de faire du bien aux autres. Le mauvais. ufage que beaucoup de perfonnes font de leurs richefïes , doit en quelque  ï&4 Le petit Salomon. facon confoler de la fortune médiocre ; fouvent l'on eft beaucoup trop ménager dans les chofes honorables , pour prodiguer dans celles qui déshonorent, X C V I I. De t'exercice & aclivité. Plus nous allons, plus nous voulons aller; Mais auffi plus nous fommes fédentaires , Et moins nous aimons a nous déplacer; Marchons au milieu de ces deux contraires. Les perfonnes très-vives, particuïiérement la jeuneffe , font naturellement aétives, ne peuvent refter longtemps en place. Le grand mouvement de beaucoup d'autres, qui ne font ni jeunes, *ii vives, eft fouvent occafionné par 1'ennui, le défceuvrement. L'homme flegmatique eft tranquille, ne peut fupporter les déplacemens. Dans 1'age avancé Ton devient pareffeux. II y a des perfoni es qui toute la vie font vives, d'autres toujours tranquil1es. La pré.ipitation dans l'efprit eft ordinairement inconfidérée, dangereufe; dans les mouvemens du corps fouvent «He efi ignoble, mal-a-droite. II y  III' Partie. TEMPOREL. 185 auroit dans le monde moins de goüts ridicules, de ruptures indécentes, de querelles, de procés 6c d'meonftance, fi l'on mettoit moins de précipitation dans fes jugemens 6c dans fes procédés. X C V I I 1. Sur le Style. L'écriture n'eft que 1'expreffion Du mouvement du cceur & des penfe'es ; Et de mêiae qu'en converfation , Le mot propte doit peindre nos idéés. Pour être éloquent 6c bien écrire ,' il ne faut point s'alambiquer, ni fe forcer, il n'en réfulte que des penfées embrouillées, ou bourfouflées; il vaut mieux s'abandonner au mouvement, a 1'énergie du coeur, 6c s'imagmer que l'on s'entretient avec les perfonnes mêmes : dès-lors il ne faut plus que le choix de 1'expreffion propre aja chofe , 6c dont il ne faut pas s eloigner. r L'on pourroit dire que dans prelque tous les livres d'a-préfent, il n'y a que de 1'élégance 6c peu d'eloquence. L'élésance plait, Péloquence entrame ; 6c quand elle eft naturelle, elle s'umt  186 Le petit Salomon. a toutes les beautés de la nature & du génie, pour les rendre dans tout leur jour 8c felon la vérité. Le ftyle eft la maniere d'exprimer les penfées, de leur donner des couleurs ; l'on doit s'appliquer a le rendre analogue aux différens genres d'écrire; telle compcfition demande un ftyle tempéré, telle autre veut qu'il foit fublime ou véhément. Chaque écrivain & auteur a fon ftyle particulier; quoiqu'il tache de le changer , les connoiffeurs ne s'y trompent point. Un livre, un difcours, une lettre doivent faire autant de tableaux. L'écrivain profond doit éviter le ftyle éblouifTant; il doit être fimple quand il parle des chofes fcientifiques , autrement il devient charlatan, au lieu d'être fcavant. Les harangues, les plaidoyers demandent un ftyle male , nerveux, 1'exprefïion forte 8c perfuafive, avec des phrales courtes. L'hiftoire eft un tableau; il y faut des lumieres, des ombres 8c fouvent de grands traits; elle doit être écrite avec vérité. II ne faut pas parler des romans; excepté trois ou quatre, les autres ne fervent  IIP Partie. T F MP O REL. 187 qu'a rendre l'efprit faux, & le remplir de chimères. Le ftyle ép'ftolaire dolt être fimple, coulant, naturel; les phrafes courtes, il faut prehdre garde de répéter les rnêmes mots. Quand l'on cherche, que l'on court après l'efprit; c'eft le moment 011 ii fe trouve en défaut; de plus, il eft journalier dans fes opérations; il faut s'arrêter quand la difpofitiort manque : le moyen le plus sur, c'eft d'imaginer que l'on s'entretient avec la perfonne même. Les lettres dont le ftyle eft trop fleuri, font ordinairement étudiées, & ne font pas les meilleures ; clans celles que l'on s'écrit de bonne amitié, la plume coule ordinairement fans embarras , ni contrainte ; s'il fe rencontre une fleur fur le paffage , on la prend; mais l'on ne s'arrête point pour la chercher.  iSS Le petit Salomon. X C I X. Différence dé V^amour & dc P amitié, Lorfque Ie feul amour unit les cceurs, L'amitié prefque toujours eft viftime ; L'unne favorife que les erreurs, Et 1'autre n'incline point vers le crime. Nous devons defii-er & faire tout notre poffible pour devanccr les triftes lecons de la cruelle expérience, afin de n'être point furpris par le malheur d'un attachement iliicite. Combien de jeunes gens périffent par les charmes trompeurs de cette chimère que l'on nomme Amour, que fes traits font dangereux! La jaloufie, les querelles qu'il occafionne coütent la vie a bien du monde. Que de fortunes brillantes renverfées, détruites dans peu de temps! Lorfque malheureufement l'on fe voir fans reffources, le coeur, 1'ame s'aviliffent; abandonnés de laReligion, des fentimens d'honnêteté, de probité, l'on devient bientöt coupable de toutes les bafTeffes, même des forfaits les plus affreux. L'on voit des jeunes gens tellement emportés par leur paffion, qu'ils oublientce qu'ils doivent a pere?  IIP Partie. TEMPOREE. 189 mere, au point même de defirer leur mort. Combien de fociétés douces,, aimables &c refpeftables, qui fembloient devoir durer autant que ceux qui les compofoient, ont été divifées, obligées de brifer les nceuds facrés de l'amitié; paree que malheureufement un fentiment illicite s'y eft introduit. Ce qui paroit plus furprenant, c'eft que Page avancé n'eft point a couvert des défordres qu'occafionne une chimère qui n'a fouvent que trop dq réalité. Ah! refpe&ons 1'Amour quand il fommeille ; Que doit-on craindre, efpérer quand il veille J c. Sur la Mujique. La mulique forme une intimïté Que d'autres plaifirs rarement procurentjj Ses fons , fes tableaux, fa naïveté , Nous peignent 1'aimable 8c belle nature. La mufique eft une fcience mixtë de phyfique & de mathématique; elle rend des fons harmonieux , marqué leurs temps , prefcrit leur durée qui(  i^o Le petit Salomow. défigne leur vivacité, leur lenteur; ceux qui doivent être enflés ou diminués; les vibrations plus ou moins fortes & fonores qu'ils doivent rendre 6c exprimer dans les airs ; d'oü réiuitent les impreffions que Poreille re9oit fuivant qu'elle eft frappée 6c affectée. Les anciens ne connoiffoient point la mufique en plufieurs parties , les orientaux la regardent encore comme une défagréable 8c ennuieufe confufion. En 10x5 ou environ, Guy, dit 1'Aretin , bénédiétin de notre-dame de Pompofe dans le Ferrarois, inventa, dit-on, la mufique a plufieurs parties, il ifnagina auffi les lignes, la gamme, les clefs 6c les fix fameufes notes, ré, mi, fa, fol, la; l'on dit de même que dans le dernier fiécle , le fi fiU inventé par un Francois ncmmé le Maitre. Le plaifir de la mufique a le don de lier d'amitié, même d'intimité, fes amateurs, fes partifans; ce qui ne fe -trouve pas toujours dans les autres plaifirs , particuliértment lejeu. L'On diroit auffi que ce plaifir femble mettre  IJl' Partie. ÏEMPOREL 191 toutes les naiflances , les fortunes a l'uniffon, & fur un refTort égal. c i De la Peinture. Tant d'objets nous frappent dans la nature» Si vous defirez de les conferver , Recourez au deflein, a Ia peinture; Quel plaifir! Peut-on mieux fe délalïer? La peinture eft un art libre & admirable , qui , quoique muet, parle a nos yeux en leur retracant 1'image & la refTemblance de toutes les chofes foumifes k nos fens, dont elle nous repréfente la naturê même , & nous en rappelle le trifte ou 1'agréable fouvenir. C I I. De la Logique & Geometrie, Si d'un efprit jufle, clair, méthodique, Vous defirez bien la poffeffion, A la geometrie , a la logique Livrez-vous fans aucune paflïon. Quoique ces fciences paroiffent nécelfaires, il faut cependant convenir. que la géométrie, 1'algebre, les ma-  191 Le petit Salomon. ihématiques rendent fombre , trifte, rêveur lorfqu'on s'y livre trop , que ces fciences donnent un peu de dédain , de mépris pour les autres hommes, paree que l'on fe croit illuminé, öc beaucoup au-deffus. 11 eft certain que la logique, la géométrie rendent l'efprit , le jugement &c le ftyle juftes , précis , lumineux, &C donnent une fupériorité dans la converfation & les écrits, que l'on apper^oit & qui fe rencontre rarement dans ceux qui ne connoiffent point ces fortes de fciences. C 5I I I. Du crédit & pouvoir des nouvelles connoijfances. Très-fouvent Ia nouvelle connoiffance, Le riche , le crédit, ou Ia beauté. Ufurpent les droits & la préférence, Qui n'appartiennent qu'a 1'intimité. L'on voit fouvent accorder des préférences , des plaifirs, des bienfaits, des graces a une nouvelle connoiffance , a. une perfonne que Ton voit pour la première fois, a quelnu'un de riche qui n'a befoin de rien, H &  III' Partie. TEMPOREL. 195 èc l'on refufe ces mêmes tlroits, prérogatives a un proche parent, a un ancien & intime ami, a ceux avec qui l'on vit d'habitude & familiërement. Dans plufieurs c'eft vanité , dans d'autres les véritables fentimens font en défaut; dans les autres c'eft injuftice. En pareille occafion l'on peut tout au plus faire grace k une lueur d'intérêt. C I V. De la connoijfance des hommes. Voulez-vous connoitre le genre humain? Apprenez a vous connoitre vous-meme....* La phyfionomie , 1'entretien , Pourront vous faciliter ceproblême. La connoiffance des hommes, beaucoup plus que celle des livres , doit être la fcience d'un bon politique ; dans toute efpece d'affaires , il eft trés - effentiel de connoitre ceux que 1'oa veut mettre en action. Les uns ne font bons que pour parler , les autres ont du courage pour agir; tout confifte ane pas s'y méprendre. Bien des politiques échouent, paree qu'ils placent mal leur confiance. L'on ne peut plus retenir un fecret quand il Tomé II, I  i94 Le petit Salomon. eft échappé; il vavidroit mieux commettre une faute par une trop grande réferve que par une imprudence._ La crainte d'être trahi rend pufillanime celui qui a fait trop légérement quelqu'ouverture de cceur. II eft des occafions oii il faut paroitre tout dire quoique l'on ne dife rien, & fcavoir adroitement faire prendre le change fans trahir la vérité; car jamais il n'eft permis de 1'altérer. L'amour-propre fouvent fait tort a la politique; l'on veut triompher d'un ennemi quand on eft poufTé par le reffentiment, Sc 1'ons'engage dans une mauvaife affaire, fans prévoir les fuites & par oii l'on en fortira. II faut fcavoir commander aux paflions quand on veut conduire & mener les hommes; * il faut n'oppofer qu'une tête froide a ceux qui montrent beaucoup de chaleur : l'on déconcerte 1'adverfaire le plus impétueux, par une fage modération. Celui qui gouverne 8c celui qui lui eft foumis, ont un intérêt égal a fcavoir s'apprécier. Les hommes vivent enfemble, dépendent les uns de s autres? s'emploientj fe fervent, fe nui-  III' Partie. TEMPOREL. 195 fent fans s'approfondir, fans fe pé.nétrer; ce n'eft pas connoitre que de fcavoir qu'un tel a tel talent ou telle qualité. Un homme doux fe laiffe quelquefois emporter k un mouvement de colere; un homme violent peut, dans de eertaines circonftances, avoir de la modération, de la patience; un avare peut, par hafard, donner un trait de bienfaifance, de générofité; un homme dur peut s'attendrir, le vindicatif peut pardonner; l'homme d'efprit peut dire une bêtife, un fou peut faire un acte i de fagcffe, le fage une folie. II ne faut donc pas conclure ni s'arrêter k des annonces, a des indications, k des préjugés, k des rapports. Les incertitudes , les foupcons ÓC les fimples indications doivent par conféquent nous engager a 1'examen , a la i-echerche de la vérité. Pour juger les hommes avec quelque certitude , il faut les voir de fuite, dans des fociétés différentes, & différentes fituations; ils ont tous effentiellement une maniere d'être, on la connoït lorfque fans pafïion, intérêt, parti&lité ni prévention, 1'cn fe donnera la peine de la chercher 6c que l'on en aura befoi n I ij  "196 Le petit Salomon. le plus fur moven de pénétrer les ca•racteres, c'eft de fuivre les hommes dans la converfation. Perfonne ne peut être toujours en garde contre fes propos & les propos des autres qu'ils n'ont pu prévoir: s'il y en avoit qui fuffent capables d'une réferve ccnftante & abfolue, ils feroient bien plus k craindre que les indifcrets. C'eft donc dans la converfation que les hommes fe communiquent leurs idees, leurs principes, leurs fentimens. En fuivant alternativement la converfation , les actions de ceux que l'on a intérêt de connoitre; l'on découvrira tot ou tard leur facon de penfer, de juger , de fentir. L'on difcerne l'homme droit d'avec le faux; Thomme folide d'avec le léger; le modefte d'avec le vain; 1'équitable de 1'injufte ; l'homme fur d'avec le tracaffi er. II faut cependant le voir dans les pofitions différentes; avec les fuptrieurs & inférieurs ; avec ceux dont ils attendent; avec ceux qu'ils ont intérêt de ménager ; avec ceux dont ils dépendent ou qui dépendent d'eux; avec ceux qu'ils craignent ou dont ils font craints.  IIIe Partie. TëMPO&ÉL, 197 II faut encore obferver que beaucoup de perfonnes n'ont que le ton qu'on leur permet ou qu'ils peuvent prendre. Un homme poli dans une maifon , eft quelquefois impertinent dans une autre; celui qui vient de montrer de l'efprit, de 1'enjouement chez telle perfonne , paroit ftupide chez telle autre, paree qu'il s'y trouve, gêné, &X. &c C V. Amóür de la Nation francoife pour fon Roi, les Princes & la Patrie. La Nation francoife aime fon Roï, Les Princes, les Seigneurs 8c fa Patrie; Gloire , honneurs , devoirs, plaifirs, bonne foi Enfemble le travail Sc Pindu'ftrje. Lés étrangers fcavent combien nous aimons notre roi ©£ les grands du royaume', que la gloire tk. 1'honneur font les mobiles de leurs devoirs &Z belles adtions; que 1'intérêt chez eux,n'eft qu'un defir de réflexion; que les princes font les images de Dieu par leur pouvoir & Pautorité qu'ils tiennent de lui feul; qu'il eft néceffaire qu'ils le foient auffi par les vertus I iij  198 Le petit Salomon. qu'ils doivent avoir pour le repréfenter en effet; car il faut qu'un peuple puiffe dire de fon fouverain : il nous gouverne comme la divinité même, avec fageffe , avec clémence, avec équité. II eft certain que les fouverains font comptables de leur conduite envers ieurs fujets , non pour leur dévoiler le fecret de leur cabinet, mais pour ne rien faire d'injufte , ni qui puifTe les méfédifier. Ils doivent également prendre garde d'altérer la vérité, foit par foibleffe ou refpect humain; paree que l'on ne capitule point avec la loi de Dieu, elle a la même force dans tous les lieux, dans tous les temps, ik l'efprit de Péglife eft toujours le même; elle loue aujourd'hui le zèle du grand Ambroife a 1'égard de 1'empereur Théodofe, comme elle le loua autrefois , elle ne varie point iur fa morale ni fur fes dogmes. L'ofticier ne voit devant lui que la gloire & jamais le danger. Le magiffrat confacre fes jours , fes veilles, oublie prefque fa femme, fes enfans, fes affaires pour s'occuper de la fortune des citoyens &c de leur tranquillité  ÏIP Partie. Te mp o rel. 101 pourroit appelier un état hiérarchique celui qui ne feroit conduit, gouverné que- par des eccléfiaftiques , foit en perfonne ou par leurs confeils. Le gouvernement des Jéfuites dans le Paraguais, étoit un gouvernement hiérarchique & temporel. La monarchie, ce terme défigne un grand état gouverné par un monarque ; c'eft-a-dire, un feul chef dans lequel réfide la fouveraine puifTance & tous les droits qui lui font effentiels. Ce chef s'appelle roi, monarqu» ou empereur. L'on a long-temps difputé fur la forme de gouvernement la plus parfaite , du monarque , de 1'ariftocratique ou du démocratique. II femble que l'on eft d'accord pour le monarchique, comme étant le plus parfait, paree qu'il approche plus du premier modele , qui eft celui de Dieu dans le gouvernement de 1'univers , & qui fe trouve prouvé par le régne heureux fous lequel nous vivons. L'ariftocratie eft une efpece de gouvernement politique qui eft entre les mains des principaux de 1'état, foit a caufe de lepr noblefle, de leur capa1 Y  ioz Le petit Salomon. cité, ou de leur probité. De quelque facon qu'on les confidere, ils paffent toujours pour les plus ex cellens de la république. Les anciens auteurs qui ont écrit fur la politique, preferent 1'ariftocratie a tout autre gouvernement. La république de Venife eft une ariftrocratie , les Hollandois s'imaginent vivre fous un gouvernement ariftocratique. La démocratie, forte de gouvernement oü le peuple a toute 1'autorité, 8c oü la fouveraineté réfide dans le peuple. Cette efpece de gouvernement politique eft dïrectement oppofé a la monarchie. Si la puifTance fouveraine réfide entre les mains d'une partie du peuple feulement , c'eft une ariftocratie. La démocratie n'a été floriffanre que dans les républiques de Rome & d'Athênes. Les féditions 8c les troubles arrivent fouvent dans les démocraties. Le gouvernement de Bale eft une démocratie. Le gouvernement des répub'iques modernes tient plus de Fariuocratique que du démocratique. L'anarchie eft un état qui n'a point de chef véritablè , ou plutöt qui n'en a point uu tout; oii chacun vit a fa  Hl' Partie. TeAïPÓRÉL. io-» fantaifie , fans auctin refpect pour les loix 6c fans aucune forme de gouvernement. Perfonne n'aime 1'anarchie que ceux qui font impunément leurs affaires dans le défordre, dans la confufion. Alors il eft impofïible que les foibles , les particuliers confervent leur vie, leurs biens, leurs poffeffions quand un état eft anarchique. La véritable démocratie dégénéré fouvent en anarchie; 1'un 6c 1'autre finiffent par être viclimes du plus fort ou de leurs ennemis. II n'y a donc point de gouvernemens fans inconvéniens; cela ne doit pas furprendre , puifque 1'univers lui-même, quoique gouverné par la fageffe infinie, eft fujet aux plus étranges révolutions : tantöt l'on y eft écrafe par le tonnerre , les tremblemens de terre; tantöt affligé par des calamités, des épidémies , par des infeétes. II n'y a que la patrie célefte oü tout eft parfait, 6c oü l'on ne trouvera ni maux ni dangers. Les états fe forment comme des iles dans la mer, 6c fouvent difparoiffent de même. Si la tranquillité publique» la fureté des citoyens conflatent la bonté du gouvernement; le monart i n  204 Le petit Salomon. chique eft préférable k tous. Les révolutions dans un état font comme les foiblefTes a un malade; il en foutient quelques-unes, k la fin il y fuccombe. II faudroit un hafard bien extraordinaire pour qu'après avoir détruit une maifon elle fe retrouvat rebatie a neuf; c'eft ce que l'on attendoit dn fyftême qui ne fit que mettre en haut ce qui étoit en bas , & en bas ce qui étoit en haut. Un roi doit être le pere de fes fuiets; mais qui regarderoit une monarchie puiffante comme une familie, & voivdroit la conduire fur les mêmes principes, l'on pourroit beaucoup fe tromper. Quand on veut faire le bien d'un état, l'on dcit plutöt penfer k peupler les campagnes , k établir des manufa&ures, qu'a former de grandes villes, voila les véritables richeffes. Etendre fes états par de vaftes & nombreufes provinces, c'eft fouvent le moyen de s'afFoiblir en perdant de braves gens, pour du terrein que l'on gagne. Le nouveau teftament eft le code des loix, des préceptes de la religion catholique; il feroit même k defirer qu'il n'y eut pas eu d'autres livres fur  III' Partie. TEMPOREL. 205 une matiere auffi importante , paree que c'eft le feul oh l'homme fage doit apprendre fa religion. ■ Les rois ont de même les loix conftitutives Sc fondamentales de leurs monarchies , auxquelles ils fe foumet-. tent en arrivant fur le tröne, Sc la puiffance des pariemens n'eft qu'une émanation de 1'autorité royale pour rendre la juftice aux fujets, Sc pour être les médialeurs des peuples. Cette puiffance ne peut donc être regardée que comme une autorité coaftive avec celle des rois, paree que les pariemens n'ont que la voix de la repréfentation pour les avertir, leur faire connoitre qu'ils s'écartent de la juftice ou des loix établies par leurs prédéceffeurs. Alors les rois juftes Sc fages doivent a leur tour, obtempérer a ces mêmes loix. 11 eft moralement certaïn que la religion, la piété affifes fur un tröne y feront régner une fage économie dans 1'adminiftration des finances , une prudente modération dans la Ievée des impöts, une droiture inftexible darts le fanótuaire de la juftice , une p«A bité foutenue dans toutes les branches,  io6 Le petit Salomon. du commerce ; dans le clergé eet efprit de charité , de défintéreffement, d'humilité qui caraétérife les vrais pafteurs, & fubftituera dans le militaire , au barbare point d'honneur, l'amour de la véritable gloire. Lorfque la piété folide, éclairée * paroit avec éclat fous un diadême , bientöt le flatteur fe tait, la vérité s'approche de 1'oreille du prince avec confiance; la nation conferve ce caraftere de franchife, de loyauté qui fe perd avec les moeurs ou fe rétablit avec elles; le courtifan alors refpefte la vertu ; le fexe regarde la pudeur comme honneur véritable; les bonnes mceurs préfident a l'éducation générale de la jeuneffe; les loix confervant leur aftivité, renverfent les barrières de Padulation, banniffent eet efprit de fervitude qui dégrade les ames & forment un peuple de véritables citoyens qui gagne, avec la liberté de fe plaindre, 1'avantage de n'en pas avoir befoin. Que d'attraits dans les plaifirs qui environnent un Monarque ! que d'artificesdans 'es flatteurs quii'encenfent! que de fédu&ions dans les piéges qu'on  IIÏ' Partie. Tem po rel." 107 luitend! quel cortége autourd'un Roi! la volupté s'offre fous un air de candeur; le menfonge, fous le mafque de la vérité, de la vertu; le fafte, fous le titre de décence, de la convenance ; 1'orgueil, fous le voile de la dignité ; le defpotifme enfin, fous le nom facré d'autorité : comment échapper a tant de filets & de piéges? comment concilier Finnocence, la juftice avec la royauté?Que les Rois font a plaindre! L'exiftence des peuples n'eft complette , leur bonheur n'eft réel &l parfait que dans ï'intime union avec les Princes qui les gouvernent. Alors c'eft une nfemble, un tout qui retrace 1'harmonie du Ciel, & qui répand de toutes parts Fallégrefïe , la félicité ; alors l'on voit auffi néceffairement que l'efprit d'ordre, de clémence, d'équité, régnent avec le Prince , paree qu'il réunit toutes les vertus. L'hiver 1784 fera mémorable pendant long-temps par fa durée, par fon froid exceffif, & par la très-grande quantité de neige qui refta 'fur la terre Fefpaeë de fix femaines ; il fera bien plus m;morab'e , quand on lira le Journal d; Paris, k commencer du  io§ Le petit Salomón. premier février de la même année, & jours fuivans. Cette première feuille rapporte qüe le Roi avoit déja employé une fomme confidérable au foulagement des pauvres; que M. le Controleur général follicita de noitveaux fecours ; que fa Majefté, touchée de 1'expofé qu'il lui préfenta, écrivit au bas , qu'elle 1'autorifoit a faire donner tous les fecours qui feroient nécelfaires pour le foulagement des pauvres dit), qii'iln'y avoit aucune dépenfe qui ne dut être retranchée, s'il le falloit, pour celle-la, Le Rédafteur ajoute, que de fe permettre des réflexions fur la bonté pa-* ternelle de Louis XVI, ce feroit en quelque forte, affoiblir le fentiment que doit infpirer a tout Francois ce trait de la bienfaifance & de l'amour du Roi pour fon peuple. L'adminiftration , d'accord avec MM. les Curés , fit faire des diftributions en nature de denrées, comme bois, charbon &cc. &c par préférence a de 1'ar- gent. L'on ajoute que la Reine , attendrie par le tableau qu'on lui fit de la miferè caufée par la rigueur du froid, déclara  ■ . lil' Partie. TEMPOREL. 209 dans 1'inftant qu'elle alloit envoyer cinq eens louis a M. le Lieutenant général de police, qu'ils feroient pris fur fa caffette; déclara qu'elle vouloit que cela fut joint aux fecours diftribués { par 1'ordre du Roi. De fi beaux exemples furent bientöt fuivis par les Princes , les Seigneurs, par les perfonnes en état d'aider les malheureux; même par tous les corps, métiers, artifans. Les fpeétacles fe fignalerent auffi ; le Théatre Italien fut le premier qui donna une repréfentation au profit des pauvres.; les gardes & fentinelles du dedans &c du dehoi-s ne voulurent rien prendre , afin de laiffer. tout le profit aux pauvres. L'Académie royale de mufique , le Théatre Francois & tous les autres petits fpectacles en firent autant, ce qui produifit des fommes confidérables. Regis ad i/ijiar, totus componitur orhis. Le Roi ordonna de faire couper du bois dans fes forêts les plus proches ; il y eut trois eens voitures de commandées pour aller en chercher, &c pour faciliter a Paris 1'approvifionne-  aiS Le petit Salomon. que 1'inftinct de leur intérêt, de leur vanité; fans cónfidérer les torts , les injuftices, les maux qui peuvent réfulter de leur conduite, de leurs ponfeils dangereux. C'eft de - la que naiffent les brouilles , les difeordes , entre parens, amis, èc la divifion des foeiétés. L'on immole a une idole imbécille d'excellens & fideles domeftiques , qui fouvent font remplacés par des fripons apoftés. II faut donc craindre , éviter, tantqu'il'eft poffible, 1'obfeffion, Pempire fur nous; l'on doit écar%er ceux qui paroiffent humbles fans raifons; qui, pour des miferes, font toujours rempans, & qui femblent toujours être a vos genoux; il faut fecouer toute efpece de domination , fi-töt que l'on s'appercoit que l'on veut, ou que l'on nous a fait cornmettre la moindre injuftice ou baffeffe, relativement a 1'état, au rang oul'on fe trouve placé. Que de biens, de fortunes paffent da ns des mains étran» ceres , par 1'affre ux pouvoir de Pobfeffion, de Pempire qv\e Pon laifTepren* §XQ fur foij  III' Partie. TEMPOREL. 2i£ CXI. II ne faut point fe miconnottrck Prendre fa place, fe rendre juftice, C'eft a quoi l'on manque ordinairement J D'un ami reconnoiflez le fervice, S'il cache , ou prévient votre égaremenf.' Donnez a Dieu ce que vous lut devez; c'eft-a-dire , toute la gloire Sc les actions de graces qui lui font duea pour votre exiftence , & les bienfaits que vous recevez k chaque inflant.' Rendez a Céfar, ce qui appartient k Céfar; prenez toujours les dernieres! places, pour que l'on vous éleve plus haut; paree que le plus haut n'eft appuyé que fur le plus bas, & que l'hu« milité lert de bafe k 1'élévatiori* Kij  iio Le petit Salomok C X I I. Ce qui rend aimable dans la fociété. Les foins, attentions & complaifances , Sontla monnoie de la fociété, Qui fait 1'aimable apoint des préférences, Et va jufqu'a 1'eftime & l'amitié. Si l'on veut vivre dans la fociété , fi l'on veut en être accueilli, il faut néceflairement y porter les foins , les attentions, les complaifances; un liant, une douceur & une fouplefTe qui puiffe aller, convenir aux caraöeres de toute efpece. Cet alliage n'empêche point d'être homme , ne le dégrade d'aucun mérite perfonnel; mais ce que Ton 'appelle fimplement un homme a 'femme (Mefdames paffez-moi le mot.) n'annonce qu'un petit perfonnage, C X I I I. Les Intrigues, les Cabales. Malheureux efprits d'intrigue & cabales , Des bourgs, des villes & féjours des Rois; Vous êtes des monftres abominables, Qui ne refpeétez ni juftes , ni loix. A la Cour, combien un miiiiure  III' Partie. TEMPOREL. ïlt fidele n'a-t-il pas de défagremens k éprouver, de la part des perfonnes puiffantes, par la faveur, le crédit, fa naiffance , ou la place qu'elles occupent; de la part des ames intrigantes &C infatiablesquiinveftiffentles trönes, qui difent dans leurs coeurs, envahiffons toutes les graces du Souverain , c'eft notre héritage ; culbutons eet homme jufte &: vertueux, paree qu'il fait le bien & qu'il nous gêne. .Que nous importe 1'oubli des families anciennes & refpeaables, 1'oubli des hommes dignes d'orner la Cour par leurs grandes & belles qualités, capables de remplir les premières places de 1'état? Que nous importe qu'ilslanguiflent fans émulation dans les honneurs obfeurs de quelque place inférieure ? Combien de refpedables guerners font oubliés , paree qu'ils ne fcavent que mériter les graces, & qu'ds dedaignent ou ignorent le talent de les foliiciter, ou qu'ils ne le peuvent, n'ayant point affez de fortune pour venir les demander. K iij  111' Partie. TeMPOREL %17 C X V I I. Voleurs inconnus dans les famillet De ces völeürs fecrets' dans les familiesComment pouvoir réparertous les torts? - L'on ne peut fake que de vains efforts ; Honneur, vettu foyez donc inflexiblesl Cet avertiflement n'a pas befoirë d'explication; il faut feulement fe pré-ferver des reproches, du repentrr éternel; paree qu'il paroit prefque im-pofTiBle de réparer, en tout ou partie y la faute que l'on a eu le malheur de? commettre.. c x v 11 r. De la Réfolutiort, Ën chofe admife , jufte Sc raifonnablej L'on doit fuivre fa réfolution ; L'ineonftance mö paroit méprifable, La légéreté tient au mauvais toiv ' La réfolution eft Un acTe de fef* meté, de courage, de force pouf exécu-ter ce que l'on veut fair», ce que Poft* entreprend; 11 faut fuppofer a mem© temps, que c'eft d'après un examen» fage, deslumieres, des calculs, des  aa8 Le-petit Salomo ft. combinaifons, oules confeils des perfonnes éclairées, capables d'en donner pour la chofe que l'on entreprend, 8c défintérefiees; car autrement il n'y a que les petits efprits 8c les ignorans qui s'entêtent k foutenir 8c faire ce qu'ils ont réfolu. C X I I 'De l'intérêt en faveur des malheureux, Les malheurs, les malheureux nous attachent; ÏSitot que l'intérêt a commencé L'on voit les oppofés qui fe combattent En faveur & contre Ie protégé. Les maux, les malheurs ...! Etre créateur 8c bienfaiteur.. ? lis ne fontpoint de vous , vous ne les avez pas faits; ils font 1'ouvrage de l'homme, il en a créé une foule, fa überté lui a fervi d'inftrument; il ne 1'a pas recue de vous pour eet ufage; vous aviez fermé 1'abime, 8c faifiez gronder au tour de lui le tonnerre formidable de votre loi. La liberté forcenée a franchi tous les obftacles, 8c fa main imprudente a rouvert la porte de 1'abime k 1'efpece huinaine. Nous femmes donc les ar-  IIP Partie. TEMPOREE. 22$> tifans. de nos peines; nous fouffrons; de nos vices, de nos erreurs , de notre folie , & nous ofons accufer 1'Auteur de la nature & la nature elle-mêrne! Tout ce qu'il a fait eft bon; fes menaces font des marqués de fa clémence;la peine eft un bien, elle nous avertit d'être vertueux; la mort eft auffi un bien, paree qu'elle nous immortalife, &c que fans cela nous ferions vertueux en vain ; les chatimens , fous un rapport , font faveur ; fous un autre, tout ce qui paroit un mal dans 1'ordre phyfique, devient un bien dans 1'ordre moral. Cependant la charité , 1'humanité nous engagent a fecourir ceux qui. nous paroiffent malheureux, & les infortunés ; plus nous mettons defoins , de peines , plus nous faifons* de frais pour les défendre, plus nous nous y attachons en redoublant le zele „. ou les dépenfes ; cela peut fouvent tenir k Pamour-propre, k la vanité,, lorfque ce n'eft pas entiérement 1'oUf vrage de la Religion,.  Ï130 Le petit Salomofï* C X X. Sur les Domeftiques. Lorfque ceux qui vous fervent font honuêtes; Confervez-les ivec le plus grand foin; Par zele ils fcauront veiller a votre être, Ils ménageront auffi votre bien. Les ames juftes & honnêtes ne font pas très-communes; cependant 1'agrément, la tranquillité , la sureté, notre plus ou moins de fortune ^ fouvent même notre exiftence , dépendent de nos domeftiques; il ne faut donc pas échanger de légers défauts contre des vices, ce qui fouvent^arrivé ; de plus l'homme ne peut être parfait. ex x l Les nouveaux Etablijfemens , les Deftruclions. Les deftruftions, établifïemens Les innovations Sc les réforraes , Sont fujets a des inconvéniens ï L'on ne prévoit point tout, Ton manque aux formes. Les exemples, Fexpérience conti-  HV Partie. Temporel. 23.3 nuelle des mauvais & malheureux fuccès des deftructions , établiffemens, mnovations, ou réformes, ne doivent pas avoir befoin d'aucunes réflexions, avertiffemens & obfervations. Pour ï les deftruöions, il fuffit de dire que i dans un état, un gouvernement jufte, fage, éclairé, les pofteftions , les proprietés de chacun, doivent être refI peetées, confervëes; que perfonne n'a le droit de s'en emparer, paree que les 1 loix embrafient tous les corps de 1'état,, I & que chaque individu doit être fous I leur protection, qu'elles en doivent | prendre Ia défenfe, Cependant nous voyons que le projet de deftruaion s'accrédite, & ne prend que trop de faveur dans tous les corps de fétat, particuliérement dans les ordres religieux, fous différens prétextes. Quand la raifon prendra la balance & pefera les chofes avec impartialité , elle verra fans doute des vices dans les cloïtres, en même-temps elle y verra la vertu furabonder; elle y verra des viftimes qui gémiffent fous un engagement inviolable; mais elle reconnoïtra que c'eft le monde qui les f fagrifiési elle y yexra des jalpufies^  132 Le petit Salomon. des altercations; elle fe rappellers qu'il y en avoit entre les Apötres, paree que 1'humanité n'eft point parfaite ; que fi dans la compagnie de Jefus-Chrift même il y eut un Difciple qui le trahit, un autre qui le renia, il n'eft pas furprenant que les fondateurs d'ordresaientparmi leurs enfans quelques mauvais fujets, quelques apoftats. II en eft de la regie de chaque religieux, comme de la Religion, qui jamais n'autorifa les excès, ni les abus; ce n'eft donc qu'en faifant courber la regie que l'on devient mauvais religieux, Heureux ceux qui voient les chofes comme elles doivent être appercues , & qui ne parient que d'après 1'expérience & la faine raifon! II n'y a point d'établifTement, quelqu'admirable , quelque refpeöable & faint qu'il puiffe être, oü l'on ne rencontre des abus. Les höpitaux qui font faits pour fecourir 1'humanité dans les miferes, dans les fouffrances ; combien n'y voit-on pas de déprédations, de vols par les fubalternes & les perfonnes en fous-ordre ? II en réfulte cependant que toute inftitution  III' Partie. TEMPOREE, ijj' ©ü il y a plus d'avanfages que judices, même des vices facheux, paree que 1'abus eft toujours a. cöté de ce qu'il y a de plus excellent ? L'on doit conclure que fi les propriétês des corps d'un état, celles de chacun en général 6c en particulier ne font pas  S4° Le petit Salomon. \ Ces cris longs 8c touchans, dont la plainte im-r portune, . Expire fur le feuil du palais des rois; Par 1'éloge 8c la récompenfe , Encourager les vertus Sc les arts , Aux enfans de Cérès, de Neptune 8c de Mars , Servir enfin de Providence X Tels font les grands devoirs qu'on t'impofe aajourd'hui; Ton pere les remplit pendant vingt ans en fage ; Le bonheur a ton nom eftle doublé préfage, ^ Cut'on aimera en toi, 8c qu'on admire en lui. C X X I I i. Z,*ccafions l'on repoufferoit un confolateur importun , particuliérement lorfque l'on trouve une fatisfa&ion fecrette dans le fouvenir de la perfonne que l'on vient de perdre. Cicéron obferve qu'une douleur fecrette tempéroit Ia trifteffe de Lélius, a la mort de Scipion.  HF Parcie. TEMPOREL. 13 V. Vinconjlance des goüts, la caufe. Les goüts , les affeftions, l'amitié, Nous parouTent avoir des maladies; Au phyfique l'on peut attribuer, Leur froid, leurs caprices, Ieurs létargies.' Souvent l'on remarque, ou l'on croit voir dans fes amis, & ceux avec lefquels l'on vit familiérement, du froid, de 1'indhTérence fans fcavoir le pourquoi, ni la raifon, cela ne doit point furprendre. Le corps de 1'homme eft comme un inftrument k cordes de boyaux, qui fe tendent, fe relachent fuivant le temps fee, ou humide; nous ne pouvons donc conferver cette égalité, ce parfait accord avec nous-même & les autres : d'ailleurs les deux fexes font fujets a des temps périodiques & climatériques, qui, fans des marqués extérieures, ni même fenfibles, influent cependant fur le phyfique de Pindividu & fur le moral; c'étoit 1'opinion du célébre Dumoulin, d'autres médecins font du même avis. En général, les fantés délicates, foibles; les perfonnes ma-  14 Le petit Salomon. lades & fouffrantes ne font point auffi gaies que celles qui jouiffent d'une bonne fanté. Les afFeclions les plus trifr.es, les plus gaies, n'ont quain temps, c'eft dans la jeuneffe. L'influence du temps & des faifons contribuent fouvent a. nos variations, a nos changemens, ce que les Francois éprouventparticuliérement. L'on naït d'ordmaire avec 1'efprit &c les goüts; ils setendent, fe perfeftionnent en raifon des inftruétions, de 1'expérience, des objets que l'on voit, des circonftances & des pofitions oü l'on fe trouve ; des difpofitions plus ou moins grandes; le goüt fert d'ornement k 1'efprit; 1'inftruftion , le travail, 1'étude, le parent &c 1'embelliffent.  III' Panie. Tempo rel. 15 V I. Vamour, fes chimères. L'amour, dans Ie vrai, n'eft cju'une chimère ; Les Peintres , les Poëtes , les Romans , Font valoir & chantent cette mifere , Pour augmenter les vains armifemèns. En général l'on peut regarder les Poëtes , les Ecrivains romanefques & les Peintres, comme les deftrufteurs de la raifon, qui s'efforcent de chanter & peindre les erreurs du coeur, les folies, les fauffes douceurs d'unmonds corrompu & les fantömes brillans de la vie ; on les voit même s'avilir pour defendre la caufe des fens , & vouloir annoblir les fentimens, les actions les plus méprifables : mais les plaifirs qu'ils chantent, qu'ils peignent & qu'ils veulent accréditer, font ft groffiers, affimilent tellement 1'homme a 1'animal, qu'ils choquent & révoltent le fentiment délicat du bon goüt &c de la raifon. C'eft ainfi qu'ils abufent de leurs talens pour tacher de rendre le vice aimable, en violant & cachant fa bafTeffe; enfin ce font des  16 Le petit Salomo n. charlatans qui ne cherchent qu'a éblouir nos yeux, a. égarer notre efprit, notre raifon par des illufions, & faire goüter k 1'ame la coupe du poifon. Art déteftable qui corrompt les moeurs, ternit, efface la belle pudeur de la nature , &c lui donne un front qui ne fcait plus rougir. De tous les fentimens, l'amour eft celui dont la vanité devroit le moins fe glorifier, comme étant le moins flatteur k infpirer: que l'on en juge par fes bifarreries , par fon inconftance; elles fuffiront pour endétourner les ames fenfibles. Véritablement l'amour n'eft qu'une chimère que la fable , les Poëtes, les chanfons, les romans & les peintures veulent réalifer : cependant ils ne feront que des édifices batis fur les fables brülans de 1'imagination, fur les pafiions de la jeunefTe qui n'ont pas befoin d'être excitées, qui ne peuvent avoir de durée, qui par conféquent font une erreur. l'amour n'eft qu'un enfant, un poüfton, Qui vit de papillons & de chenilles ; Qui jamais ne peut entendre raifon, Ki dans les couvens, ni devant les grill«s.  III' Partie. Te mp o rel. 17 Ne parions donc que du véritable amour & de l'amour divin. Ce chapiti e ite peut être mieux rendu que par celui de 1'Imitation, & qui s'exprime ainli. L'amour eft fans doute une excellente chofe, c'eft un bien véritablement grand; il rend léger ce qui eft pefant; foutient avec égalité les variations de la vie ; 1'amertume pour Lui fe change en douceur. L'amour de Dieu eft plein de noblefTe dans fes fentimens , fait entreprendre les grandes chofes, &: nous porte toujours a ce qu'il y a de plus parfait; eet amour veut être libre, dégagé des fon&ions terreftres , pour n'être jamais trop engagé dans 1'embarras des biens, ni trop abattu par les maux du temps. II n'eft rien de plus doux, de plus fort, de plus élevé, de plus étendu, plus agréable, plus parfait, plus excellent que le véritable amour ; paree que l'amour eft né de Dieu même, & que ce n'eft qu'en lui que réfide le véritable bonheur. Celui qui aime, court, vole, eft tranfporté de joie, ne tient a rien, rien ne 1'arrête; il donne tout pour tout, poflede tout en tout; paree qu'il ne cherche en tout que eet  i8 Le petit Salomon. umque & fouverain bien, d'oü naiffent & coulent tous les autres : ce qui faügue ne le laffe point , ce qui gene ne le contraint point, ce qui paroit effrayant ne 1'épouvante point: comme une flamme vive & penetrante , il s eleve & fe fait un paffage au travers de tout ce qui lui réfifte; il eft prompt, fincere, pieux, honnête , agréable, charmant, fort, patiënt, fidele, fage, conftant, courageux, & ne fe recherche jamais, car l'on ceffe d'aimer fitöt que I on fe recherche : enfin l'amour eft difcret, prudent, humble, droit, fans legereté,fans penchant pour les faux amufemens; il eft fobre, chafte, pailible; veille fans ceffe a la garde de tous fes fens; eft obéiffant & foumis a fes parens, a fes fupérieurs. L'amour des créatures doit être fondé fur i'effime, le refpect, la vertu; tens ces attnbuts , ces qualités, ce n eft qu'un efprit de libertinage , un feu, un fentiment qui s'éteint prefqu'auffi-töt fa naiffance, & qu'il eft fatisfait. Diogene difoit que l'amour étoit 1 affaire des fainéans. Sitöt que l'amour ceffe d'etre honnête, il ceffe d'avoir  III' Parite. Temporel. 19 des charmes; ötez 1'eftime, il n'eft plus rien. L'accord, 1'imion de l'amour & de la délicateffe font un bonheur rare; la crainte, la honte ne peuvent le troubler, quand on peut parler de la vertu fans rougir. Ami, que c'eft un grand bonheur ! Quand l'on ignore les faux charmes; Nos jours commencent fans alarmes , Coulent, fuüffent fans douleur. VII. Le Sournols. En général, méfiez-vou£ de ceux; Qui, fans raifon , ont 1'air rêveur & fombrê ; Qui, quand on leur parle, baiflent les yeux , Et qui cherchent ce qu'ils vont vous' répondre. L'homme fombre eft ordinairement faux, méchant, traïtre, quelquefois cruel; 1'homme férieux a prefque toujours du jugement, de la folidité , de la difcrétion; le mélancolique ordinairement a de 1'efprit, de la fenfibilité, fouvent de 1'humeur. II ne faut pas confondre ces trois hommes; quelqu'un de gai, n'eft prefque jamais d'un caractere dangereux, ni difficile;  ao Le petit Salomon. 1'étourdi rarement a du jugement & plus rarement un caradtere; une perfonne indolente eft peu fenfible; avec iine perfonne douce fe trou ve toujours 1'aménité. A la phyfionomie l'on peut donc connoitre affez diftinctement la colere, la hauteur, la fauffeté, le dédain, la fineffe. VIII. Les hommes fe moquent les uns ie$ autres, Üne moitié du monde rit de 1'autre l Voila Ia différence des efprits ; Aujourdhui c'eft mon tour, demain le Votrê ! Op cela le Sage n'eft point fupris. Il y a fur toute 1'humanité une répartition de défauts, d'imperfeöions & de ridicules; nous ne différons que dans le plus ou le moins, ou dans le genre & 1'efpece. Semblables k une coqueït'e qui préfére toujours le miroir qui flatte fes traits , nous ne pouvons nous voir tels que nous fommes, pendant que les autres nous jugent k la rigueur. Ne peut-on pas comparer le monde a un bal mafqué, oii l'on court les  III' Partie. TEMPOREL. zi uns après les autres pour fe connoitre? Tant qu'on en reftea s'agacer, l'on fe plaït; fi l'on fe démafque , bientöt l'on fe quitte ; ces momens donnés a Terreur, le fage les pafte dans le repos. La fociété eft une efpece de comédie, fouvent entremêlée de fcenes tragiques, oii chacun joue fon röle bien, ou mal, mais rarement connoiton la piece ; ce qui fait que l'on fe moque les uns des autres. Le grand ufage du monde, la connoiftance de ce qui s'y paffe , fouvent tiennent lieu, dans la fociété, de talens, d'efprit, même de vertus; mais quand l'on veut s'entretenir avec foimême, cette connoiflance, eet ufage ne tiennent plus lieu de rien. En contemplant le monde, l'on ne voit que de vaines agitations, des crimes heureux, des biens très-fragiles; des plaifirs rares, qui paffent promptement; des maux qui reftent, la vertu perfécutée, la mifere humaine dans toute fon horreur. Cependant il ne faut pas que les vices des hommes empêchent de les fervir; en évitant d'être vicieux foi-même, l'on remplit fa tache, Qutre qu'il eft malhonnête de parler  n Le pet.it Salomon. bas & de ricaner en particulier ; c'eft avertir le cercle que l'on fe moque de quelqu'un, & lui dire de s'armer contre nous. L'on ne tarde pas a nous faire payer le tribut & la reftitution due a la fociété ; voila comme une moitié du monde rit de 1'autre. I X. L'on encenfe Üldole. Un grand , un parent de qui l'on attend , Aime,.... a des défauts! l'on rit, l'on controle, Paree que fon choix eft bas, revoltant; Malgré cela l'on encenfe 1'Idole.- Le vil intérêt qui conduit la majeure partie des hommes, foit par le defir d'augmenter leur fortune oud'obtenir les places, leur fait trouver, en apparence , des charmes, du mérite, prefque des perfeclions dans les perfonnes les plus méprifables. Si un parent a contracté un attachement iliicite, l'on ne rougit point de faire fa cour a la perfonne qui le captive comme fi l'on approuvoit fon choix. Si un grand peut faire notre avancement, l'on folde fa maitrefle.  Pariu. Tempoeil, 23 II n'y a qu'une ame baffe, un homme lans aucun mérite , qui puiüe avoir recours a ces moyens infames qui dégradent, avililTent 1'humanité. La faveur d'un courtifan qui fcait encenfer également tous les goüts de fon fupérieur , de fon maitre ou de celui dont il efpere, eft fouvent plus brillante, plus süre que la faveur de 1'agent, de Pintendant, du miniftre qui voit & ne fuit que 1'intérêt du Roi; mais celle-ci eft bien plus fatisfaifante; 1'un n'eft que 1'homme du prince, 1'autre eft 1'homme d'état. Mécene dormoit pour Augufte, Agrippa veilloit pour Jui. X. Sur le choix de la compagnie. Fréquenter la mauvaife compagnie!.,... Avilit 1'ame, 1'efprit Sc le cceur ; Elle expofe , ou conduit a 1'infamie, Très-fouvent au mépris, au déshonneur. Les perfonnes de naiffance feroient k plaindre fi l'on exigeoit qu'elles ne vivent qu'ayec leurs égaux, qui peuvent , par fois, être rares; par la même raifon, ceux que l'éducation, les ta3'  *4 Le petit Salomon. lens, 1'efprit ou le mérite ont mis au-deffus de leur origine , s'ennuiroient beaucoup de ne vivre qu'avec des bourgeois de leur naiffance. L'homme de qualité peut donc avoir chez lui les perfonnes de mérite, ceux qui fe diftinguent par des talens fupérieurs & nécefl'aires a 1'état. La naiffance doit même fêter & prévenir le mérite, non avecexcès ni enthoufiafme, mais comme il convient: alors le mérite n'en abufe point, & chacun refte dans fa place. X I. Les avamagis de l'homme froid. Remarquez que l'homme froid, modéré , A fur tout autre un très-grand avantage ; II fcait, quand il le faut, fe commander, Son mérite paroit fans étalage. Un caraórere flegmatique, prefque tnème apatique,eft néce ffaire k l'homme en place pour ne rien hafarder, ni précipiter aucune décifion, au militaire pour ne pas s'expofer mal-a-propos, & profiter de 1'avantage que 1'ennemi lui donne par une marche précipitée ou mal combinée; aux auteurs, aux, écrivains  t Hl' Portie. TEMPOREL. ecnvains pour limer & fïnir leurs ouvrages. L/hiftoire n'eft pas comme la poefie ; il ne lui faut que quelques fleurs, peu de réflexions, beaucoup de portraits, particuliérement beaucoup de fimplicité. Si 1'hiftorien n'a pas du bon fens, de 1'efprit, de 1'ame & du génie, il ne fera qu'un écrivain imparfait. Le bon fens eft néceftaire pour chonir les faits, 1'efprit pour les expofer, 1'ame pour les animer, le génie pour en faire fortir les lumieres & les mftruftions. II n'y a pas deux perfonnes qui voient le même objet de la meme mmiere , & qui s'expriment egalement dans leurs récits. L'ame eft auffi admirable dans fes variétés que dans fes perceptions. Toute fpintuelle & tou te fimple qu'elle eft, elle fe multiplie comme fi elle etoit véritablement divifible. II faut donc modérer, diriger fes reflbrts fes mouyemens avec fageffe, délicateffe, energie & force, felon 1'occafion, le beioin; alors ce fera l'homme tel qu'il eft & qu'il doit être. L'on n'eft pas toujours raifonnable, paree que l'on eft troid, mais paree que l'on fait ufage de fa force a propos. II feut convenir lome II, g  2.6 Le petit Salomon. qu'en général l'homme froid éprouve moins de paffions , que l'homme raifonnable les combat ; fi 1'un n'en eft pas atteint, 1'autre rarement en eft-il vaincu. X I I. Sur tunion conjugale. Ceux qui troublent 1'union conjugale , Cauftnt bien des regrets , bien des malheurs, Et fouvent un efclavage effroyable !.... Heureux s*il n'exifte pas de voleurs. Ce n'eft pas fcavoir aimer, ce n'eft point être véritablement ami, que de détourner & déranger quelqu'un de fes devoirs , de fes obligations, de fes engagemens. Peut-on, doit-on même eftimer une perfonne qui dit du mal, qui donne des riclicules a une autre, pour mieux faire fa cour & réuffir dans fes defTtins? II faut convenir, au contraire , que rien n'eft plus méprifable. Jamais l'amitié ne fait prendre tous les moyens de rendre quelqu'un malheureux; cependant ce font les fuites, les exemples, 1'expérience ne le prouvent que trop. Comme il efl rare de trouver des  ///' Partle. \Temporel. 17 mans qui chantent les douceurs du manage; 1'exemple contraire eft meilleur k donner qu'a recevoir, & 1'auteur de 1'épitre fuivante en paroit bien perfuade. Délices des ccêurs vertueux Toi qu'on implore & qu'on outrage, Qui fur l'amour as 1'avantage , De purifier tous les feux, Qu'allüme en nous ce Dieu volage; O toi, par qui je fuis heureux! Sage hymen , recois mon hommage; Recois ces vers que tes bienfaits Di£tent a ma reconnoiflance. Qui mérite mieux qu'on 1'encenfe Que toi, doflt les ardens fouhaits Ne tendent qu'a notre exiftence ? C'eft a 1'éclat de ton flambeau Que le vice, caché dans 1'ombre, Réduit en cendres le bandeau Qui lui déroboit Ie tableau , Des biens que tu répands fans nombr». Tout 1'univers ne fait qu'un temple Oü ta fainteté fe contemple ; Mais, a la honte des mortels, Qu'un faux defir toujours confume, Le feu s'éteint fur tes autels,, Sans que Ie devoir Ie rallume. Pardonne leur égarement, O Divinité bierifaifante! Bij  H Le petit Salomon, Et d'une main compatiflante Diflipe leur aveuglement. Fais fuccéder au trait rapide , Que l'amour Iance dans leur cceur, Cette flamme douce& folide, Dont jamais rien n'éteint 1'ardeur. Peins-leur cette vive allégrefTe, Ces tranfports, ce feu , cette ivrefle, Et ces divins faififfemens ; Qui troublent & charmentnos fens, Lorfque, du nom facré de pere, Une voix innocente & chere Nous fait entendre les acceiïs. Loin d'ici, coeurs pufillanimes, Vous qui morts pour 1'humanité, Aux liens les plus légitimes, Préférez votre liberté. Laches , dont la faufle prudence , N'envifagent qu'avec mépris Les faveurs que 1'hymen difpenfe, Et qui, pour comble d'impudence, Ofez priver votre pays Du tribut de votre exiftence. C'eft 1'kymen , c'eft lui qui fe montre; Mon cceur me rappelle fes traits; Les vertus vont i fa rencontre, II eft entouré de bienfaits; Devant lui marcne la fagefle, Le devoir eft a fon cóté j Et' Vheuraiife tranquillité ,  IIP Partie. TemPOREL.' 0$ 0_ui, prés de lui, fourit fans ceffe, Des rofes de la voiupté Couronne entore fa vieilleffe. XIII. Sur les difèrens jugemens. II y a trois fortes de jugemens, Du Peuple, de 1'Ignorant & du Sage; Refpe&ez 1'un , méprifez 1'lgnorant, Au Sage éclairé croyez fans partage. Desirer 1'eftime, la confidération des hommes, c'eft montrer poiir eux les mêmes fentimens; ce feroit une manie de méprifer leur opinion, leur jugement , s'ils font reconnus pour fages, édairés &C judicieux : ce feroit également une coatradicfion abfurde de la part du public de vouloir juger, b!amer , eftimer, & de vouloir en même-temps que l'on ne fafïe aucun compte de fon eftime & de fes jugemens ; de trouver ridicule que Fort cherche de la confidération, & de méprifer ceux qui 1'ont perdue. Les hommes de bien & vertueux ont tort de cacher les aftions qui leur font mériter 1'eftime de ceux qui les connoifTent; les bons exemples ne peur B iij  ,jo Le petit Salomon. vent être trop multipliésils ferviroient a faire aimer & pratiquer la vertu. Nous avons des idees dès notre enfance; elles nous fervent de bouffole dans le cours de la vie, nous rendent fermes ou pufillanimes, téméraires ou fuperflitieux; fouvent nous les devons aux plus petits incidens. L'on pourroit dire que la plupart des hommes ne font qu'un affemblage de circonftances. Les iins jugéntmal 'paree qu'ils ont fréquente des perfonnes qui avoient 1'efprk faux ; les autres n'ont un efpnt fain que paree qu'ils ont eu le bonheur de lire un ouvrage qui les a frappés, & qui leur a donné des principes. . L'Anglois n'eft enthoufiafle de fon gouvernement , que paree qu'il entend fouvent dire le mot de liberté dès fon enfance; le Chinois fe croit le premier le plus grand des humains , paree qu'on lui répete qu'il a plus d'invention, plus d'induflrie que tous les Européens. L'on porte une caufe a un tribunal, il feroit k préfumer que tous les juges doivent la voir des mêmes yeux; ce-  III' Partie. TeMPOREL. 31 pendant elle accafionne prefqu'autant d opinions qu'il y a de juges & de perfonnes dans le barreau; paree que 1'ün a entendu dire que telle chofe devoit être ainfi; paree que 1'autre s'eft fait un efprit de travers a force de vouloir fe fingularifer par un orgueil mal entendu. II réfulte que celui qui trouve dans fa patrie , dans fon éducation, dans la forme de fon gouvernement, de quoi s'élever au-deffus des fentimens vulgaires , doit beaucoup k la Providence. L'on ne peut , l'on ne doit donc pas reprocher k perfonne 1'état obfeur dont il eft forti, ni l'infortune dans laquelle il eft né. Irezvous demander k un épi pour quelle raifon il fe trouve dans un champ ftérile plutöt que dans un terrein bien cultivé?-i&a main du Créateur a femé comme il a voulu, 6c il moiflonnera comme il lui plaira. Le véritable public n'eft donc point cette multitude orageufe formée par le parti , la cabale , mais ce public 'inftruit, éclairé, digne d'admirer, de comparer & d'apprécier les hommes ainfi que leurs actions; II réfulte que la connoiffance des hommes devroit B iv  p Le petit Salomon. etre un des principaux objets de leur etude & de leurs foins, toutefois après eelle de foi-même; cette fcience eft egalement importante pour celui qui gouverne que pour celui qui eft gou~ verne. b Les hommes vivent enfemble, dépendent les uns-des autres , s'emploient, fe fervent, fe nuifent fans icavoir comment, & fans chercher k ie - connoitre : car ce n'eft pas connoitre quelqu'un que de fcavoir qu'il a tel ou tel talent, telle qualité, qui Jouvent encore ne font qu'une préiomption occafionnée par quelques aöes infolites & ifolés; puifqu'il leut arriver a un homme doux d'avoir uji mouvement de colere, a un homme Violent de la patience, de la modération; qu'un avare peut donner un irait de générofité , de bienfaifance ; qu un homme dur peut une fois s'attendnr; qu'un vindicatif peut pardonner; qu'un imbécile peut dire un bon mot, l'homme d'efprit une bêtife • qu un fou faffe un aftion fage & un fage une folie, &c... &c... Cependant l'on peut plus ou moins •onnoirre les hommes, les uns don-  III' Partie. TïMPOREL. 33 nent des préjugés, les autres donnent des certitudes. Sans attacher trop d'importance aux premiers, ce qui deviendroit dangereux, il faut s'en tenir a ne pas avoir confiance , a ne pas trop les eftimer ni les méprifer. Le foupcon exige 1'examen, le doute conduit ala vérité. Si l'on ne pouvoit juger les hommes que par leurs acfions, il y en a beaucoup que l'on ne pourroit jamais définir, puifqu'une acfion paffagere ne peut fuffifamment confrater le caraftere naturel & dominant d'un homme. L'habitude de la converfation des mêmes perfonnes , dévoile tot ou tard, leur faconde penfer, de juger, de fentir; fait démêler l'homme droit de celui qui tergiverfe ; le fincere d'avec le difiimulé ; le folide d'avec le léger; le modefte d'avec le vain; le jufte d'avec celui qui ne 1'eft pas; l'homme folide & sur d'avec le minutieux, le tracafïier. Cependant l'on n'aura pas encore une certitude acquife fi l'on ne voit pas les perfonnes dans des fociétés & dans des pofitions difTérentes , foit avec leurs fupérieurs, leurs inférieurs, leurs égaux, leurs amis & ennemis; B v  34 Las petit Salomon. avec ceux dont ils attendent & efpérent, ceux qu'ils ont intérêt de ménager, ceux dont ils dépendent, ou qui dépendent d'eux, avec ceux qu'ils craignentck dont ils font craints. _ Souvent l'on ne diftingue pas les vices d'avec les fautes; les vices de 1'efprit d'avec ceux du cceur. L'homme brufque paffe pour être dur, le dur pour être cruel; quelquefois au(Ti le vice pour la vertu & la vertu pour le vice. L'on appelle fafte, générofité; 1 economie , avarice ; 1'impudence , iranchife; la franchife, méchanceté; 1'humeur, fenfibilité; 1'infenfibilité' courage, &c... X I V. Sefamiliariferavec ce qui fait impr^fion. Familiarifez-vous de très-bonne heure Avec ce qui vous fait impreffion ; Souvent Ia fuite feroit la meilleure , Tout ne dépend que de Poccafion. ■ L'homme fouvent fe fait des fantömes pour avoir peur ou pour les eombattre; il en réfulte que notre imagination eft le magafin plus ou moins abondant de nos peines, de nos in-  III' Portie. TEMPOREL. 35 quiétudes, quelquèfois de nos plaifirs. Sur le chapitre 'des chofes défagréables &c que l'on ne peut empêcher, il faut, tant qu'il eft poffible, fe rendre maitre de fon imagination, & lui commander,ou du moins en abandonner une partie a la difcrétion des événemens. II ne faut pas que 1'humanité foit comme des arbres qui, par leur fóibleflé, leurflexibilité, felaiffent aller, agiter par la tempête, & perdent leur confiftance, leur fraicheur par 1'ébranlement & 1'extirpation de leurs racines. Lorfque l'on fe trouve dans des lieux ou l'on peut rencontrer quelque danger, la défiance que nous devons avoir de nous-même, de notre foiblelTe, doit être le fignal &C 1'avertiffement pour nous retirer promptement&nous éloignerdel'endroit, des perfonnes qui peuvent realiter ce danger. Les imprefiions fortes & fubites peuvent auffi faire un très-grand mal au fexe, & même occafionner la mort; l'on oourroitlui donner une éducation moins craintive , moins de timidité pour quantité de chofes , com.ne le tonnerre, les armes a feu, bien des B vj  3 Sont de tous les états , & de tout age; Si de ces trois fceurs vous vous éloignez, Vous pafferez pour rufte, ou pour fauvage. La politeffe eft une efpece de menfonge que les hommes ont fubffitué a la cordialité , lorfqu'ils ont 'fubftitué 1 apparence des vertus aux vertus mêmes. La politeffe des grands pour les vau-v™' n'eft Prefcïue Jamais q^e de lafiabilite; 1'amour-propre de part &c d'autre fcait en faire la différence ; ils ont quelquefois une politeffe fi mortihante, que l'on aimeroit volontiers mieüx une brufquerie. L'homme trop poli fatigue d'autant plus, qu'il femble exiger davantao-e cette facon paroit ufuraire. Si le titre d'ami que l'on prend & que l'on donne li legerement, n'introduit pas l'amitié, du moins il élague les fauffes monnoies qui deviennent incommodes dans le commerce.  III' Parite. Temporel. 37 II y a dans le monde un tarif qui régie les égards que l'on doit aux noms, aux titres , aux places , aux fortunes; mais il y en a rarement pour apprécier le mérite, les qualités perfonnelles. En général l'on ne fait pas une révérence de moins a la fatuité qu'au vrai mérite: a indigence égale , l'on ne fait pas auffi une révérence de plus a la probité qu'a la mauvaife foi. XVI. Souvent le mieux eft Vennemi du bien', Le mieux fouvent eft 1'ennemi du bien ; Souvent auffi les contraires fe touchent; Le Sage garde un état mitoyen, Pendant que les fous de tout s'effarouchent. A la perfeftion chrétienne l'on ajoute quelquefois lesfcrupules, ce n'eft plus fervir Dieu qu'en efclave, & l'on s'expofe a retomber dans les premières diffipations. II faut fe fouvenir que la loi judaïque étoit une loi de crainte, & que la nouvelle eft une loi d'amour. Le vafe d'argile auquel notre ame eft attachée, ne peut guère permettre que nous puiffions avoir une perfe&ion  38 Le petit Salomon. évangélique fans reproche. L'on fe rend agréable a Dieu en accomplilTant la loi, fans travail d'efprit &c fans effort d'imagination; il ne faut donc rien forcer dans les aftions de la vie. Si l'on veut raffembler ou compter le nombre des heureux dont le fort eft digne d'envie , peut-être que l'on chercheroit inutilement dans les places les plus brillantes; l'on en trouveroit plutöt dans la clafie de ceux a qui des occupations, un travail modéré, fournifTent aifément de quoi fubvenir tant a leurs befoins qu'a ceux de leur familie & des malheureux. C'eft dans cette claffe oü l'on voit plus fouvent des hommes exempts d'inquiétude, de chagrin & d'ennui, paree qu'ils portent dans le fond du coeur une joie fecrette, toujours prête a fe manifefter. Si leurs jours ne font pas filés d'or, ils le font au moins de foie : c'eft le tiffu des fentimens doux dans lequel il n'entre ni plaifir trop vif ni chagrin trèsamer. En voulant trop faire pour fa fanté, fouvent on la dérange; il en eft ainli pour une infinité d'autres fituations de la vie humaine; il vaut donc mieux, fouvent, refter comme l'on eft.  IIIc Partïe. TEMPOREL. 39 XVII. Sur le Sexe. La femme, en tout, même en religion, Eft plus tendre, plus vive, plus extréme; La différente organifation Peut aifément réfoudre le problême. L'air du vifage raffemble quelquefois fous un même point de vue, les mouvemens de 1'ame , du cceur Sc de 1'efprit; c'eft ce qui fert ordinairement a connoïtre Sc juger les perfonnes. L'heureufe conformation des organes s'annonce par un air de force Sc de gaieté; l'heureufe équilibre des fluides, par un air de vivacité , de finelfe Sc un efprit qui laifTe échapper des étincelles; l'air doux promet des égards flatteurs; l'air noble marqué 1'élévation des fentimens; l'air tendre femble être le garant d'un retour d'amitié. Tous ces différens airs font agréables, non-feulement par les qualités qu'ils annoncent, mais auffi par les fentimens qu'ils font naïtre dans ceux qui les appercoivent; ils afFeélent plus ou moins, Sc toujours a. raifon des rapports fecrets Sc fympatiques que l'on  40 Le petit Salomon. reffent. Les animaux qui nous frappent par leur beauté, le doivent, foit k la beauté de leur corps, foit a 1'éclat de leur couleur, foit k leurs mouvemens, ou bien aux fentimens qu'ils excitent par leur air. L'on dit, Sc même l'on afïure que la femme ne connoït aucun arrêt dans fes volontés, dans fes defirs; qu'elle ne demande confeil qu'après s'être abfolument décidée. Celles qui font raifonnables pourroient aifément fe garantir de ce défaut en fe faifant une loi de ne rien entreprendre, de ne rien faire, ni déterminer qu'après avoir confulté quelqu'un connu pour fage, prudent, éclairé & défintérefTé. C'eft un grand malheur lorfque notre imagination trop échaufée nous empêche d'appercevoir , d'écouter la raifon, & nous emporte fans que nous puiffions nous arrêter a propos.  UI' Partie. ÏEMPOREL. 41 XVIII. Sur la fociété du Sexe. Ton commerce , ên quelque fens qu'on le pjenne; Eft flatteur, doux, agréable & charmant; Ah ! n'imaginez point qu'il foit fans peine , Si par hafard l'on devient imprudent! Sexe aimable ! qui régnez fur Ie notre par 1'empire des charmes ! La vertu vous difpenfera de la beauté , & vous donnera fur nos coeurs des droits auffi sürs & plus facrés. Quand a la vertu vous joignez une belle figure, vous êtes alors un objet charmant , qui ne fert qu'a embellir_ la terre, & vous méritez un fentiment bien au-deflus de l'amour. Les femmes coquettes ne veulent & ne cherchent qu'a plaire, fentiment éphémere; les galantes s'exercent, étudient les moyens de la féduction, preuve du peu de reffource qu'elles ont dans 1'efprit; les libertines font tout ce qu'elles peuvent pour tenter: mais les femmes d'efprit & honnêtes n'ambitionnent que 1'eftime, l'amitié des perfonnes de mérite & qui font aimables. En gén«ral  4i Le petit Salomon. le defir de pla'ire ne réuffit pas auffi fouvent qu'on le croit. X I X. Le fouvenir des plaifirs innocens. Le fouvenir des plaifirs innocens Diminue fouvent les travaux , les peines; Le fouvenir des plaifirs indccens Avertit trop tard des maux qu'ils entrainent, D'un plaifir qui n'eft plus, ou ne peut plus être, 1'ame, le coeur ne s'en confolent que par 1'efpérance & 1'attente d'un nouveau analogue a 1'age, a 1'état. L'on ne regrette jamais les plaifirs s'ils ont été honnêtes & reconnus par la Religion. Nous ne fommes plus dans ces fiécles oü l'on s'aJïïufoit , mais dans celui cü l'on a quitté les plaifirs innocens pour s'étourdir & s'ennuyer a grands frais: car touss ces êtres ennuiés que l'on amv.fe avec tant de peines , doivent leur dégout a leurs vices, & ne perdent le fentiment du plaifir qu'avec celui du devoir. Les foins, le travail, les occupations ordinaires & la retraite de viennent des amufemens quand on a 1'art de les diriger 6c de fe faire  IIP Portie. Tem por el. 45 j tin genre de travail; une ame faine &c faifonnable peut do.nner dugoüt, du plaifir aux occupations les plus communes. Le fage doit fcavoir trouver d autres plaifirs , quand ceux de la jeuneffe 1'abandonnent, & qu'il ne eonvient plus de fervir fes defirs; c'eft alors qu'il faut prudemment fe borner aux différens goüts dont on peut jouir, paree que, lorfque l'on veut courir après les plaifirs qui nous füient, l'on perd ceux qui nous fontlaifles.^1 faut donc cbanger de goüt avec les ages & les années, & finir par être Hoi; dans aucun temps il ne faut' point lutter contre la nature; de fi vains efforts ufent la vie , ils empêchent au contraire d'en jouir. - Ceux qui ne font pas honteux Si confus, après s'être livrés a des plaifirs illicites & deshonnêtes , font déchus du titre , de la qualité d'homme. Le plaifir eft un bien, il eft fait pour l'homme , fi toutefois il eft digne de la nobleffe de fon ame , & s'il ne doit jamais en rougir. Que les incrédules, ft peu difpoïes a croire la vérité , apprennent cependant que c'eft  44 Le petit Salomon. 1'immortalité qui doit expliquer 1'énigme de l'homme, & donner la ïolution de tous les problêmes de fon être. Sans PimmortaÜté , la mcitié de nospenchants font inexplicables ; fans elle toutes nos vertus femblent n'être qu'un rêye : nos defirs , nos goüts, nos cupidités, qui jamais ne font fatisfaits , prouvent clairement 1'imjmortalité de notre ame. L'éternité porte la lumiere fur tous les objets ténébreux de ce monde; en ies éclairant elle ■ fe fait voir elleanême : enfin , fi nous voyons dans l'homme les caracleres de 1'immortalité, tout devient intelligible; au conitraire, fi nous n'appercevons qu'un ctre paffible , tout s'obfcurcit, tout préfente 1'image du malheur, &c la laifon gémiffante ne voit par-tout que 'èes fujêts de trifteffe : mais fi nous fuivons , examinons & confultons les rêveries , les penfées, les occupations, les refTorts de 1'efprit, de 1'imagination toujours dajns 1'adtion ; cela fervira pour nous prouver que nous fommes immortels , paree que tout nous promet, nous démontre une feeonde vie, & que le monde pré-  IIP farm. Temporel. 45 fent eft la prophétie même du monde .futur. X X. De la véritable Philofophie. Non : la véritable Philofophie Ne doit jamais endurcir notre cceur, Au point que fans ceffe elle contrarie, Soit la nature, ou 1'innocent bonheur. L'on connoït les progrès qu'ont faits les fciences; l'on fcait les fervices importans qu'elles pouvoient rendre ; fi la raifon fe contenoit dans fes limites, ce feroit le plus grand bonheur; mais pour détruire 1'ignorance Sc les fuperftitions de l'ancien temps, falloit-il des remedes dévorans, & attaquer la Religion même ? Depuis que l'on a ébranlé la foi, tous les autres principes 1'ont été. L'on a vu 1'anarchie des opinions produire 1'anarchie des moeurs; les fentimens honnêtes 6c vertueux fe flétrir, l'ancien honneur s'afFoiblir, le zele pour 1'état fe refroidir, le mépris des loixi &c 1'efprit deftructeur, qui tend a renverfer les principes de toutes vertus , de toute autorité , les a fuivis de prés.  46 Le petit Salomon. La Philofophie détruit d'ahcrd les erreurs; mais fi l'on ne la retïént &c ne 1'arrête pas, elle attaque enfuite les vérités , elle va li loin qu'elle ne voit plus elle-même oü elle eft, & finit par s'égarer, ne fcachant plus ou fe fixer. II en réfulte que les mceurs fe dégradent k mefure que la Religion s'affoiblit dans 1'efprit des peuples : c'eft ainfi que la dégradation des mceurs entraïne la décadence des qualités les plus effentielles pour le bien public, & des fociétés particulieres. Malgré les maux, les malheurs de la France, il faut tout efpérer; c'eft une nation douce fenfible , éclairée, flexible fous les mains qui la gouvernent; fon ancien efprit eft altéré, mais il n'eft pas anéanti; le feu lacré de 1'honneur, de la vertu, de la piété n'eft point non plus détruit. Que le fouverain Monarque témoigne feulement fa difgrace aux ames vicieufes; qu'il n'y ait que la vertu qui partage fes faveurs , l'on verra bientöt 1'honneur , les mceurs, la vertu , la piété rentrer dans leurs premières polTefiions , & fleurir avec leur premie* éciat.  IIIe Panie. Temporel 47 Que prétendent donc ces détracteurs teméraires de la Religion ? croient-ils véritablement que 1'ceuvre d'un Dieu peut dégrader 1'ame de l'homme ? qu'ils parient, qu'ils difent a quel point & k quel prix ils fe permettent d'efpérer, & ce qu'ils exigent du Soüverain du monde ? D'un Roi l'on exige 1'intrépidité dans les périls, la fermeté dans les revers , 1'éclat dans les fuccès, le difcernement des hommes, une politique éclairée; le parfait accord de la raifon, de 1'autorité avec la raifon même & la Religion , & enfin le refpedt de la liberté publique. Puifque ces impudens détrafteurs exigent tant, que font-ils eux-mêmes , & que fontils qui foit digne d'être loué r Un Roi toujours Roi, un Roi abfolu, mais toujours jufte, unRoi toujours fenfible & humain , eft le tableau que je leur préfente. Rarement l'homme peut s'avilir, foit en montrant de la fenfibilité, ou verfant des larmes; la raifon les permet aux êtres malheureux & aux ames fenfibles, elle n'en défend que 1'excès.  48 Le petit Salomon. XXI. Sur la nècejjitè fans loi. Quoi, la néceffité n'a point de loi! Heureufement que ce n'eft qu'un proverbê'j" Aucun de nous n'auroit de bien a foi, Le champ du Laboureur feroit fans gerbe. La néceffité phyfique eft le défaut d'un principe ou d'un fecours néceffaire pour une chofe en général. La néceffité, ou l'impuiffance morale, annonce feulement une trés-grande difficulté k furnionter & vaincre foit habitude, penchant ou paffion. La néceffité fimple & abfolue ne dépend d'aucune conjonfture , d'aucune fituation particuliere; elle fe trouve partout , en quelque circonftance que l'on fuppofe la perfonne agiiTante. II faut toujours conclure que la Religion, les vertus, la probité , la raifon, font néceflaires; que les vices & les crimes ne le peuvent être; que les loix punilTent avec raifon les voleurs, les voies de fait, de force, de violence, d'autorité, toutefois que les aöes font injuftes. XXIL  UI' Partïe. Te mp o rel. 4^ XXII. Sur Üahiration des fentimens. Nos affeflions, même l'amitié , Paroiffent éprouver des maladies ; Au phyfique l'on peut attribuer Leur froid, leurs caprices, leurs Iéthargies. Les Francois aujourd'hui plaifent par leurs caprices, gentilleiTes, légereté , frivolité; de même que par leur vivacité, leurs bons mots, couplets de chanfon, épigrammes & reparties ; les anciens Francois étoient moins fuperficiels. Dans tous les fiecles, pris colled-ivement, il y a eu, il y aura des étincelles & des dammes, des lys,. des bluets , des pluies , des rofées, des étoiles, des métcores , des fleuves,. des rUifTeaux ; cela rend parfaitement • la nature. Pour bien juger de la nature & des temps , il faut réunir les différens points de vue, & n'en faire qu'un feul optique. Tous les fiecles ne peuvent ie reffembler; c'eft leur variété qui fert k juger des chofes, paree que fans cela il n'y auroit point de comparaifon. II vaudroit mieux vivre dans un fiecle qui n'offriroit rien que de. Tome II, C  *;o Le petit Salomon. grand & de folide : cependant il ne faut pas s'attacher au char des anciens , pour regretter continuellement le paffé. Deux carafleres abfolumentoppofés peuvent néanmoins avoir les mêmes qualités, les mêmes vertus. L'amitié de 1'un eft calme , peu démonftrative; 1'autre eft continuellement dans 1'agitation & affeöueux ; 1'un veut régier & modérer tout ce qu'il fait; 1'autre fouvent fe laiffe emporter vers les extrêmes; la fenfibilité de 1'un eft douce, celle de 1'autre eft ardente & paftionnée; 1'un goüte en paix les douceurs de la fociété , de l'amitié; 1'autre fe trouble dans fa jouiftance par la violence des affeftions; 1'un fait le bien fans éclat, & fans rien exiger du bienfait; 1'autre ne peut fe taire & veut une reconnoiffance publique ; ces nuances , ces différences entre les hommes ne les empêchent point de s'aimer. Les afTeclions , les goüts, l'amitié , la dévotion même éprouvent des relachemens & de la tiédeur. Pourquoi les habitans du nord, ou du midi, pourquoi ceux qui ne font féparés que par un bras de mer, ou  flle Partlc. TëMPOREL. 51? |?ar une chaine de montagnes, je dis plus , pourquoi dans la même familie trouve-t-on des goüts, des fources de plaifirs, de défagrémens fi différens, fi oppofés, & que ce qui fait aux uns les charmes des yeux, des oreilles, de 1'efprit, eft un fupplice pour les autres ? La diverfité des organes en eft la principale caufe; 1'influence des climats y contribue pareillement. Dans tel, ou tel autre climat, l'on eft naturellement plus vif, ou plus lent; ce qui fatigue la vue des uns flatte 1'ceil des autres; des fons rudes pour les perfonnes délicates, ne le font point pour ceux qui font forts ou rufles; les impreffions &Jes goüts ne font donc point les ■mêmes. XXIII.. Sur les abus» L'on tombe dans un bien plus grand abus, Quand on veut réformer les abus même g C'eft aux Puiffances que ces foins font duss. Par tout autre feroit folie extréme. Il vaut bien mieux fermer les yeu*s les oreilles fur ce qui déplait, & laifTer C ^  52 Le petit Salomon. chacun dans fon fentiment, que de vouloir contefter en vain. Qui peut tout fcavoir & tout prévoir ? qui peut prendre des précautions süres, certaines contre les maux préfens &c a venir, puifque même, en les prévoyant , fouvent l'on ne peut. en éviter les atteintes, les impreffions ? En général l'homme eft menteur, foible , fragile , inconftant , entêté dans fes opinions. II eft avantageux, pour conferver la paix, de ne point parler des autres, de ne pas tout croire indifféremment, de ne pas redire indiftinctement ce que l'on a entendu, de fe confier a peu de perfonnes , & d'avoir la vérité pour témoin de fon cceur. L'on doit d'ailleurs éviter le faux zele, le zele mal entendu; ce n'eft que par la douceur, les raifons, la perfuafion que le véritable zele s'annonce; quand il eft felon la fcience de Dieu , c'eft la charité qui le dirige, alors il fe montre accompagné de la douceur , & ne s'exprime qu'avec bonté; en prer.ant un autre chemin, l'on fuit ou fes pafhons, ou fes préjugés, fon refTentiment ou fon humeur , & c'eft ufef d'un remede abfolutngnt inutile.  III' Partie. Te mp o rel. 5J XXIV. Sur les Dèlateurs. De vos camaradês, de vos confrères., Gatdez-vous bien d'êtré le délateur; Ce qui femble indifférent, des miferes , Souvent caufe une éternelle dou'.eur. Les rapports rarement font utiles & véritables ; lorfqu'on nous en fait, ü faut, avec fcrupule, aller aux éclairciffemens, ne condamner perfonne qu'après 1'avoir mis a. même de fe ju-ftifier. II faut avoir en horreur la préventioh; elle eft caufe que 1'innocent eft opprimé , & que le coupable triomphe. II ne faut pas employer 1'aftuce pour décöuvrir , faire avouer les fautes que l'on veut connoitre , quand la perfonne paroit touchée de regret. En général la rufe rarement s'allie avec la probité, la franchife. C iij  54 Le petit Salomo'S. XXV. L'homme fociable par hefoïn. Parbefoin, l'homme fe rend fociable, S'il n'a pas le projet d'étre ifolé ; Car le célibataire n'eft aimable Que par la crainte d'être abandonne'. Les veuves, veufs & célibataïres cherchent plus a plaire que toute autre perfonne. Les hemmes finguliers ont des goüts particuliers &z k eux feuls; les bizarres font barroques & fauvages ; les ridicules donnent dans toute forte d'extravagances qid choquent le bon fens, 1'ufage, & fouvent la bienféance. L'on a quelquefois des égards pour l'homme fingulier, paree que, pour 1'ordinaire, ilne manque pas d'efprit; l'on en rend aufti au bizarre, dont la critique fouvent eft amere & redoutable ; quant k l'homme ridicule , il faut 1'abandonner k lui-même & a la rifée publique. Du furplus chacun a fes défauts , fes foibleffes , fa manie, fes ridicules; ce n'eft que du plus au moins, ou par comparaifon : cependant il faut convenir que les ridicules  III' Parüe. Te mp o rel. 55 ne choquent qu'a caufe qu'ils fortent de 1'ordre commun. XXVI. Sur l'lnconjlance & les fouffrances. Pour 1'inconftant & ceux dans la fouffrance, II faut s'en tenir au feul mot; hélas!.,.. Ils ne font bien , d'après leur exiftence , Qu'ailleurs & par-tout ou ils ne font pas. Dans 1'homme 1'inconftance eft naturelle ; il eft aiternativement gai, trifte , tranquile , inquiet, fervent, ou tiede ; tantöt a£rif, tantöt pareffeux, grave, ou léger. Dans les chofes fpirituelles & temporelies, le fage s'éleve au-deffus de toutes les viciffitudes, ne fe laiffe point aller aux impreffions fenfibles, il ne penfe qu'a fe foutenir & s'avancer vers le vrai bonheur ; fes regards demeurent fixes fur eet objet, au milieu même des troubles & des agitations : cependant il eft rare de trouver quelqu'un qui foit entiérement affranchi de la recherche de foi-même ; il faut donc veiller a 1'intention qui nous conduit, afin de la rendre fimple & droite, pour qifelle ne s'arrête pas C iv  56 Le petit Salomon. fur les objets qui font entre le oerfonnel & le bonheur oü nous vouIors arriver. XXVII. Sur la Flatierie. A Ia flatterie fermez 1'oreiIIe; Et lorfqu'elle viendra de votre égaï, Ayez foin de lui rendre la pareille ; De 1'infe'rieu'r recevez-la mal. Les adulateurs, les flatteurs font faux, ils ne cherchent qu'a furprendre, induire en erreur; la plaifanterie, les ridicules corrigent les égaux, ils voient que vous n'êtes pas leur dupe. En recevant mal un inférieur, il ne s expofera point une feconde fois. Les temples ordinaires de ia flatterie font chez les Rois , les Souverains , les grands, les perfonnes en place. Repreientez-vous un Prince au milieu des intrigues, fouvent ennuyé de fa piuifance, dégoüté de l'amitié, rebuté fur la confiance par 1'habitude d'être tromué; n'eilayant plus a faire le bien paria difficulté, lWtilifé de les efforts a y parvenir. En général, les grands font fubjugués, emportés  IIP Partie. TemPOREL, 57 malgré eux, par une forte de fatalité dont iis ne peuvent découvrir les refforts cachés; maïtres abfolus en apparence, ils font réellement les efclaves des vils flatteurs qui paroifTent ramper k leurs pieds. XXVIII. Sur les Heures. AffllSis Untx , celcrcs gaudentibus hora. (Ce vers convient beaucoup pour un méridiën). Les heures font longues dans la trifteffe, j Courtes pour ceux qui font dans rallégreffe. Il eft inutile d'expliquer ce qu'une expérience journaliere apprend k tous les hommes, foit dans le plaifir ou dans la triftelTe. L'on ne peut plaindre 1'ennui caufé par le défoeuvrement; la refTource, le préfervatif font en notre pouvoir; c'eft notre faute fi nous ne icavons pas nous en garantir. L'afFiiction n'a d'autre refTource que la religion , la raifon, la patience, &Z le temps qui voit tout finir. C v  58 Lepetit Salomon. XXIX. Sur le Defozuvrement. Graignez , évitez Ie défceuvrement, Sans quoi vous ferez a charge a vous-même ; Ce mal , du domeftique, eft le tourment, Et fait aux amis une peine extréme. Le travail, Pétude , les occupations, les talens chaflent la nonchalance , Fennni , les incommodités fourdes & inconnues dont l'homme fe plaint fouvent. II arrivé quelquefois qvie l'on n'eft indifpofé qu'a raifon de 1'oifiveté qui nous obfede , nous accable, & même nous affoiblit. II y a des femmes qui font mialades fans fcavoir oü eft leur mal, paree qu'elles n'ont rien k faire. L'on fe laffe d'être bien a force d'être trop bien; cette faciété eft accablante pour bien du monde dans les deux fexes. II faut être fourd aux légeres. incommodités ; Pon y réufïit en les affïirant que l'on n'a pas le temps de les entendre; aufti-töt elles nous laiffent tranquiles & faire ce que nous vouïons ; demandons-en la preuve aux, perfonnes qui aiment beaucoup la  III' Partie. TEMPOREL, _ 59 danfe , ainfi qu'aux chaffeurs décidés. Lorfque l'on fera de bonne foi, l'on conviendra que le defoeuvrernent, la pareffe, le vuide du cceur, & plus encore de 1'efprit, nous portent aux vices, nous forcent de mener une vie languifTante , ambulante & oifive; ce qui ne peut convenir a l'homme inftruit & fage. XXX. Sur les attachemens illèghlmes. Si quelque fentiment illégitime Vous attaché a des femmes par hafard ; Quand vous cefferez , vous ferez viftime ; Efiime, amitié, rien ne fait rempart. L A vanité, 1'amour-propre du fexe ne permettent Pinconftance, ni la différence dans les fentimens, qu'autant que c'eft de fon confentement, & qu'il le propofe le premier; fur ce chapitre fon empire eft abfolu. II eft rare , que 1'eftime , l'amitié folide èc fincere fuccedent au fentiment illégitime , a moins que la raifon & 1'age n'y conduifent des deux cötés: -autrement quinze ans de facrifices les plus fignalés ne mériteront pas le plus léger C vj  6o Le petit Salomon. fervice , que l'on n'eüt obtenu q u Ia faveur d'une connoiffance fort ordinaire. II faut s'eftimer heureux quand on n'éprouveaucune vengeance, quand même la Religion feroit la véritable caufe de Pinconftance. Sans rien forcer fur ces obfervations , les hommes font prefque toujours punis de leurs attachemens illicites, quand ils les eeflent. XXXI. Sur Fincoïijldnce des goüts. l'inconftance tles goüts vient du climat, Tient a 1'organifation phyfique , Et très-fouvent a un corps délicat ; Ce qui caufe au fexe notre critique. ^ Le reproche d'inconftance & de légérete, que les nations voifines font volontiers a la notre , n'a jamais pour objet fon attachement h fes Souverains & perfonnes de marqué; notre zele pour eux femble prendre fon origine dans notre fang même , & couler avec lui dans nos veines. Les regnes, les générations paffent; mais notre amour pour nos Rois eft un appanage imjMortel, une paffion héréditaire.  III' Partie. TEMPOREE. 61 La conftance fouvent eft moins une vertu, qu'une preuve'de difcernement & de folidité dans le caractere. Le bon choix doit fixer Yattachement &C le goüt; cependant ils font fouvent dérangés, foit par des caufes fecondes, étrangeres, foit par des caufes tenant a 1'individu même. Cependant l'on voit des femmes avoir pour un chien, une conftance vive , tendre , plus forte, plus active , même plus attentive , qu'elles ne 1'auroient pour ceux k qui ces témoignages font dus par le droit &C les Hens de toute efpece ; rien ne les en détache, la plus hideufe vieilleffe, les infirmités rebutantes, 1'odeur infeclie; elles en fupportent des importunités qu'elles ne fouffriroient' pas de leurs enfans ; des difformités ou incommodités qu'elles ne pafferoient pas k leurs amis.  éx Lepetit Salomon. XXXII. Sur thommt fauvagc. l'homme fauvage écoute fon inftinft, n'eft bon que quand fon intérêt 1'exige ; Cet intérêt fuit toujours fon befoin ; La réfiftance 1'irrite & 1'afflige. Quelques Théologiens ont penfé que 1'ame étoit capable d'un défintéreffement total k I'égard du plaifir; des Philofophes, au contraire , 1'ont cru incapable de tous autres mouvemens que ceux qui naiffent de 1'intérêt perfonnel. II paroit que fouvent l'homme eft cruel par intérêt & inhumain par penchant; il fembleroit auffi que nous ferions plus fenfibles k la douleur, qu'au plaifir, s'il eft vrai que 1'ame s'intérefTe davantage a 1'infortune d'un héros, qu'a fa profpérité. L'on peut auffi croire que les impreffions varient k raifon des différentes pofitions & circonflances ; une vérité générale , c'eft que 1'intérêt domine l'homme , de quelque nature & cai?a£tere qu'il puiffe être.  III' Partie. Te mp o rel. 63 xxxiii. Ce qui peut empêcher d'être heureux. L'on croit que pour être vraiment heureux, Les grandes poffeffions font nuifibles; Que trop de fcience rend foucieux , Qu'un jufte milieu nous met plus tranquilles. La métaphyfique, 1'algébre rendent' ordinairement leurs partifans rêveurs , quand ils s'y livrent trop: cependant l'on peut dire & conyenir en général, que dans les producHons , les ouvrages de notre fiecle, il y a plus de paradoxes que de raifonnemens folides & prouvés; plus d'objecïions que de réponfes & iblutions; plus de railleries que de chofes utiles ; plus de chaleur que de lumiere ; plus de fuperficiel que de profondeiu. Les hommes de la même claffe & légers trouvent cela merveilleux ; les fenfes le trouvent pitoyable. Pour peu que le.ftyle féduife, l'on donne fon fuffrage , l'on admire , l'on s'extafie, fans penfer, ni faire attention que le moindre mérite d'un tableau, c'eft la couleur. Jamais l'on n'a eu moins de jreligion 9 l'on n'en a jamais parle  64 Le petit Salomon. davantage; l'on n'a pas eu plus d'efprit, l'on n'en a jamais plus abufé; l'on veut tout fcavoir , l'on ne veut point étudier ; l'on décide de tout, l'on n'approfondit rien : enfin chacun aujourd'hui a la prétention de tout leavoir & ne fcait rien; ce qui fait que perfonne n'eft d'accord, & que plufieurs ne croient point, paree qu'ils craignent de fe tromper, ou 'd'être trompés. Quand l'on eft économe fans avarice, généreux fans prodigalité, l'on eft dans la claffe de ceux qui peuvent faire leur falut. Prévenirles befoins, ne pas attendre qu'on les demande, e'eft ajouter au bienfait. L'on peut laiffer a réfoudre, fi, pour le commerce de la vie, il ne vaut pas mieux être agréablement fuperficiel , que fcavant profond & trifte. Que la fcience eft frivole, que les talens, les arts font vains , quand la vertu ne fait pas leur objet!...  II Ie F arde. temporel. 6f XXXIV. Sur le Bonheur. Le bonheur!... chacun le veut &le cherche ; Au fait, il me paroit intéreffant, Amü... crois-moi, ceffe toute recherch»! Que ton efprit fage en foit 1'artifan. Il faut convenir que le premier objet, le principal mobile des hommes , c'eft. le bonheur ; il ne faut donc pas, comme bien du monde, 1'abandonner au hafard. Ce n'eft point 1'afFaire d'un moment, il faut de bonne heure en faire fon étude , fon occupation. II eft un age oü l'on jouit de tout fans rien calculer, l'on cherche même a. prolonger la jeuneflé ; c'eft un temps précieux que Von perd. II faut donc qu'une raifon précoce nous faiTe aller au-devant d'un age plus avancé, en effacant, pour ainfi dire, les nuances 6c le paflage de la jeuneffe k Tage mür ; en tachant d'être de bonne heure , ce que l'on veut être le refte de la vie. Un caraftere faftice, avec 1'ambition de paroitre, eft toujours inquiet &c embarrafTé par les incidens &c les  66 Le petit Salomon. circonftances nouvelles; un caraéterc vrai , naturel, fage & éclairé, n'a befoin, dans toutes les occafions, que de refter ce qu'il eft. II faut donc cultiver fon efprit par la réflexion, autant que par 1 etude. L'éducation que donnent les fciences & les livres, n'eft pas toujours bien aiïbrtie au caraftere, aux befoins, a 1'efprit même de la perfonne qui la recoit; quand les, convenances ne fe trouvent point, elle eft alors comme ces parures étrangeres qui ne vont pas au vifage , & qui fouvent empêchent Ia liberté, le jeu des graces naturelles. L'éducation que l'on fe donne felon fes idéés & la connoiftance de fes befoins , a le mérite de convenir parfaitement; elle prend aifément tous les plis du caractere, embellit 1'efprit que l'on a, fans le changer; car l'on ne change point fon genre d'efprit fans y perdre ; cependant l'on peut le reftiner , & auffi le déranger : enfin , pour réuffir, il faut defirer de plaire, & que 1'apprêt ne fe faiTe point fentir. Crator , dans un jugement qu'il propofa aux Grecs, fur les biens qui  Hl1 Parite. TEMPOREL. 6j préfident au bonheur des hommes, fit naitre une difpute de prééminence entre la richeffe, les plaifirs, la fante, la vertu. La première étala fa magmficence, 6c commencoit k éblouir les yeux de fes juges j la volupté repréfenta que le feul mérite des richefles étoit de conduire aux plaifirs; elie -alloit auffi obtenir le premier rang, quand la fanté lui difputa, afTurant que fans elle, point de plaifir; la vertu termina la difpute, fit convenir les Grecs, que, dans le fein de la richeffe, du plaifir 6c de la fanté, l'on feroit le jouet de fes ennemis, fans le fecours de la prudence, de la fagefle & de la valeur. , 9 En effet, la richeffe, le plaiur Sc la fanté deviennent des maux fi 1 on en fait mauvais ufage; la fageffe feule, a parler exaaement, mérite le titre de bien; puifqu'avec elle des maux deviennent fouvent des biens, & que fans elle les biens deviennent des maux; elle éloigne de nous les fentimens douloureux; nous aide a fupporter les maux, les malheurs, le regret du paffe, les peines préfentes , 1'inquiétude fur 1'avenir , qui fans  <5§ Le petit Salomon. ceffe agitentl'humanité. La vertu nous garantit en renfermant & aftreignant nos clefirs dans 1'étendue de ce qui fe trouve a leur portee , paree qu'elle les rend conformes a la raifon, qu'elle les foumet aux loix de notre Auteur; qu'elle place notre perfeétion dans 1'efpoir d'un avenir hem-eux, Sc non dans"des biens pafTagers ; qu'enfin elle afligne 1'ufage de nos facultés relativement k notre état préfent. XXXV. Les faux befoins naiffent de Üopulencü Le riche ne connoit prefque jamais Le vrai néceffaire a b fubfiltance; Cette ignerance le porte aux exces; Les faux befoins naiffent de[ 1'opulence. Les recherches minutieufes, le faire orgueiPeux , le luxe rnal entendu, fe trouvent orclinairement chez les perfonnes de fortune & d'un état inférieur; ils croienttrouver dans le luxe le mérite Sc les vertus qu'ils h'auront jamais paree que la véritable repréfentationSc la nobleffe font ordinairement le partage des grands Sc des ames bien nées, Sc non pour celles qui font rétrécies  III' Portie. Temporee. 6f dans les bornes 8c le cercle méprifable d'un bel habit, d'une belle robe , d'un domeftique nombreux & d'une table fplendide; cependant bien du monde encenfe le veau d'or. Si le riche parvenu daignoit jetter un regard fur fes premiers fuccès, il fe fouviendroit qu'alors il étoit privé du néceffaire, 6c que fon néceffaire aftuel 'fc'eff que fafte, vanité, fuperflus. Pour peu que l'on fuive, que l'on examine la conduite des faftueux, l'on verra qu'ils font prefque toujours avares,qu'ils ne font généreux que pour flétrir les vertus. La fage économie modere 1'ufage des richeffes pour les rendre utiles 6c jouir noblement de fes épargnes ; elle emploie au luxe des bienfaits, tout ce qu'elle retranche au luxe de vanité ; par ce moyen elle devient la fource de 1'mdépendance 6c de la libéralité. Un empire qui fe livre, s'abandonne au luxe, peut avoir le mafque du bonheur, quand l'on confidere le luxe des particuliers, la magnifkence des fètes publiques , les édifices nouveaux 6c multipüés, le nombre, la grandeur des arraées : mais eet état.  7© Le petit Salomon. cache dans fon fein tout ce que lé malheur a de plus facheux; fcavoir, la haine, h jaloufie des voifins, la crainte, la divifion, les troubles; paree que toutes les peines, les afflicfions marchent a. la fuite d'une avidité iivquiéte & démefurée; 1'empire romain en a donné la preuve. XXXVI. Sur les Richejfes. Bien des perfonnes trouvent la richeffe Dans une fage adminiftration ; Et d'autres fe trouvent dans la détreffe , Ayant du bien avec profufion. Le luxe eft la ruine des particuliers, des républicains; 1'appui du tröne, fi 1'autorité le contient dans de juftes bornes; le dédommagement des artifans, marchands, négocians, efclayes & mercénaires, paree qu'ils ont 1'efpoir de s'enrichir & fortir de la mifere. Le sur moyen de faire rentrer le luxe dans les bornes que lui prefcrit la fage politique, & de rendre, donner du nerf k un état, c'eft d'exciter, encourager & perfuader aux peuples lebefoin^la néceffité dsl'agriculture*  IIP Partk. Tempor el. 71 I Hu commerce , des manufactures, par I des récompenfes proportionnées aux I travaux, a 1'aftivité & a 1'avantage j qui doit en réfulter. Le feul moyen j d'ayilir un état, c'eft d'avilir la conI dition du cultivateur ; fur ces deux 1 objets il y a des mefures a garder. II eft plus facile a un particulier de | conferver de 1'ordre dans fes affaires , que de 1'y rétablir. Ceux dont la mauvaife conduite, les malheurs ou 1'imprudence ont abforbé Ia fortune, n'ont prefque jamais aucun point de vue fixe, aiiquel ils puiffent de fens froid s'arrêter. Le paffé les étonne, les humilie; lepréfent les trouble, les embarraffe; 1'avemr les inquiette, les épouvante. Ne feroit-il pas plus fage de fe réfoudre a des privations, que s'expofer a tout; il faudroit pour cela commencer par n'être point homme, & être plus qu'homme enfuite ? QUe n'ai-je les tréfors de Lucullus, s'écrie un prodigue ruiné! Que n'a-t-il la fageffe d'Ariftides, il feroit bien plus riche 1  8z Le petit Salomon, X L I I. Le bon jamais n'ejl cher. Dans tout, donnez Ia préférence au ban , Le mauvais ne fait honneur, ni fervice ; Sur ce , beaucoup fe font illufion, Par befoin, plus fouvent par avance. L'on pourroit prefque trouver deuxdéfauts dans lebeau; le premier, c'eft qu'on en devient fouvent efclave; le fecond, c'eft que 1'admiration, 1'extafe qu'il caufe , nous rendent fi férieux, que cela va, pour ainfi dire , jufqu'a la trifteffe. Le joli, au contraire, déride, égaie, l'on prend plaifir a le voir, a s'en fervir. Le bon fix« le choix du fage , & plus ordinairement de 1'age avancé, qui tend 8c vife au folide. X L I I I. Sur ceux qui s'ennuient. L'homme qui s'ennuie furprend toujours Nul n'eft déïavoué de la nature, Jufqu'a le réduire a de triftes jours, • Sans gout, fans talent, fans agriculture. L'imbé cile n'ft pas fufceptible  III' Partle. TEMPOREL. 87 tions d'arbres de toute efpece ,. de légumes , de fimples, ou de fleurs pour l'on utilité , fon agrément, fon bienêtrè; s'il n'a pas le moyen de faire de la dépenfepour fon plaifir, la nature lui offre des reffources a. Finfini pour 1'occuper, foit par les productions de la terre, foit par la variété des animaux, foit par leur induftrie ; les mouches-a-miel, les fourmis , le nid des difterens oifeaux. II faudroit un livre entier, pour faire le détail de toutes les reffources que la terre peut fournir k l'homme pour 1'occuper , le foullraire k 1'inaction , k 1'ennui. D'après ce tableau, l'on doit être encore plus furpris de voir, dans tous les rangs & ordres eccléfiaftiques, l'ina&ion, &C fouvent une parefle criminelle. X L I V. JDe la Magnijicznce. Non : la véritable magnificence N'exifle point dans la profufion ; Mais bien dans une fage intelligence A dépenfer, gouverner fa maifon. L'homme riche, quoiquefage&:  $8 Le petit Saiomon. rangé, peut avoir, comme les autres, des parcs, jardins, grottes , cafcades, itatues & tableaux ; paree qu'il fcait mieux jouir que les autres, quoiqu'ils ne foient pas plus beaux, d'un plus grand prix que ceux de fes voifins, mais paree que le maitre vaut mieux. Ses tableaux ont des beautés qu'ils ne doivent pas a 1'art du peintre , fi tout s'anime &vit fous fes yeux. C'eft le bon ordre qui regne dans fa conduite & la joie pure de fon cceur, de fon ame bienfaifante, qui donnent des graces naturelles au chef-d'ceuvre de 1'art, & qui lui fait découvrir dans la nature des beautés invifibles, pour des yeux vulgaires qui ne font pas faits pour les appercevoir, ou pour des cceurs qui ne font que végéter, ou qui ne font conduits que par l'inftin£t: car l'on doit regarder une grande fortune, comme une obligation de faire du bien. Si l'homme fage & range fait batir un bel hotel, un beau chateau, c'eft moins pour fatisfaire fon orgueil, que pourexercerfabienfaifance; il compte avec plaifir tous les malheureux qu'il nourrit en les occupant; il s'ap-  • JU' Partie. Te mp o rel. &0 plauditde changer pour eux les pierres en pain ; il fen* qu'ayant recu beaucoup du ciel, les malheureux attendent beaucoup de lui; que s'il eft plus crand que les autres, il doit être auffi plus vertueux. Ses richeffes coulent dans le fein des indigens; il cache tant qu'il peut la main qui les fecourt; elle ouvré aux malheureux les prifons, brife les fers de 1'innocence , la met ï couvert des infultes, la garantitdes dérangemens, effuie les pleurs.de» infortunés, & ils ne font point exr pofés a rougir devant leur bienfaiteur, paree qu'il fe laiffe ignorer. II connoit le danger des grandeurs & des richeffes ; il fcait que fouvent elles décadent l'homme, dès qu'elles ne 1'élevent pas; que le ciel égale routes lés conditions; que c'eft en vain que les mauvais riches fe logent comme fes Dieux de la terre; qu'ils n'y feront ni confidérés, ni eftimés , s'ils ne s y montrent pas bienfaifans. Les hommes ne font donc heureux , qu'a raifon de leur penchant a faire du bien, & la Providence équitable récompenfe le plus erand des devoirs, par les ventables" & les plus grands plaifirs.  $o Le petit Salomo n. X L V. Sur la Jaloujli, Ami! tous les animaux font jaloux ; Dans l'homme c'eft une vraie frénéfit Qui le place dans la claffe des fous, Et empoifonne les jours de fa vie. Sur les fentimens qui regnent entre les deuxfexes, lajaloufie eft une maladie de cceur, un déraifonnement de 1'efprit, un piege pour 1'innocence, écueil prefque certain pour la vertu. Les grilles des couvens, des prifons, les ferrures, les cadenas, les verroux, ne peuvent préferver la vertu, quand elle ne veut pas fe garder elle même. II ne faut donc pas Poffenfer, 1'outrager & la mettre au défefpoir; paree que la fuite de pareils griefs conduit fouvent a la vengeance. Quant a ce qui fe paffe entre les hommes , vous en verrez réufïir dans leurs defirs, &lesvötres demeurerfans fuccès; on les écoutera quand ils parleront; ce que vous direz fera compté pour rien. L'on pariera d'eux avec éloge, il ne fera pas mention de vous ; l'on emploiera celui-la pour une né-  IIP Tartte. TeMPÖRel.^ *)t gociation intéreffante; a celui-ci l'on donnera la place Importante fur laquelle vous comptiez, & qui paroiffoit analogie a votre naifTance , a vos talens ; vous ne pourrez le voir fans murmu? rer. Que vous feriez heureux, fi vous aviez le courage de fupporter ces difgraces, fans rien dire; votre filence Feroit bien mieux connoitre 1'injuihee que l'on vous fait éprouver. Que 1'un ait l'air de 1'empreffement pour ceci, 1'autre pour cela; que celui-ci s'applaudiffe d'une chofe ; que celui-la recoive mille louanges, vouS n en êtes pas moins ce que vous etes efientiellement; tout cela ne peut diminuer, ni augmenter votre merite , ni produire en vous une vertu de plus , ou un vice de moins. II y a peu de fentimens auili humilians que celui de la jatoufie^ c'eft fe dire St convenir avec foi-meme , que l'on n'a pas affez de mérite, que Ton n'eft pas affez aimable pour fixer 1'objet que nous aimons, ou que nous n'avons pas pour lui les égards, les procédés qui peuvent nous affurer Ion cceur; alors c'eft donc notre faute.  ijz Le petit Salomon, » X L V I. &a facilué que les grands ont a fe faire aimer. A peu de frais les grands fe font aimer; Un fimple mot, les plus petites graces! Auffi-tót les fontlouer, adorer; Dans chaque état l'on peut fuivre leurs traces. La mort d'un grand fait rire les £etits; ils meurent donc comme nous, difent-ils? Les grands font flattés quand on les follicite ; cependant il y en a peu qui mettent quelqu'un a même de les remercier. Ce n'eft pas toujours l'honnête homme malheureux que les grands protégent ; il preferent volontiers ceux qui les amufent ou qui peuvent leur être utiles. La prévention naturelle du peuple en faveur des grands, paroit fouvent fi aveugle , que leurs geftes , leurs figures, leu-s voix leurs manieres , quoique générales & communes a tout le monde, les rendroit idolatres s'ils s'av'noient d'être bons & bienfaifans. N'eft-ce pas un malheur, une injuftice lorfque ceux qui exercent un empire fur les hommes, n'emploient  IÏP Partie. Te mp o rel. 93,pas toute la force de leur autorité pour ceux qui la requierent par leur befoin, par leur néceffité; puifque le ciel y confent & nous en fait même une loi: car il donne aux mmiftres ainfi qu'aux perfonnes dans les charges & places éminentes, non-feulement la faculté > la puiflance de récompenfer les bons , mais auffi cdle de févir &c réprimer les méchans. Un gouvernement foible pourroit devenir auffi funefte par le défordre & 1'anarchie qu'il entraïne , que le gouvernement le plus dur & le plus rigoureux. A Pexemple de la Providence divine dont nous fommes les images, il faut foutenir les loix avec force, en difpofant tout avec douceur , paree que la miféricorde doit toujours fe trouver affife aux pieds du tröne & a cöté de la juftice. Que la clémence , la fermeté maintiennent donc toujours 1'équilibre des puiffances : car li la foumiffion, 1'obéiffance & le refpeft font le devoir des peupks, des valfaux, leur amour en même -temps eft un fentiment libre , qui n'eft dü qu'aux bienfaits 8f avts, vertus.  $4 Le petit Salomon. Si l'on obfervoit a la mort des grands & des perfonnes qui ont occupé les places éminentes , certain ufage établi chez d'anciens peuples; fi, dis-je, le jour deftiné a leur pompe funebre, les fages de la nation s'affembloient pour juger leurs bonnes & mauvaifes aclions, & pour décider de ce que la poftérité doit a leur mémoire: eet appareil en impoferoit k leurs fucceffeurs, k tous les fouveïains & ceux qui remplifient les grandes places. Les cendres des rois , des grands, quels qu'ils foient, font toujours refpeclées.Vivans onles trompe; morts on les loue : c'eft la derniere des flatteries auxquelles ils font condamnés, paree que leur nom eft fatal k la vérité : mais cette louange qui rampe k leur fuite , dernier effort de Padulation expirante, s'êteint elle-mêmeayec les flambeaux qui fervent a éclairer leurs funérailles. S'ils ont été vertueux, bienfaifans &c charitables, 1'ufage, labienféance, le refpeft ne commandent point k la penfée, a 1'expreffion, au fentiment; ce font les cceurs gui parient par leurs regrets, leurs gé-  ÏIV Parrie. Temporel 95 miffemens, leur mémoire eft gravée fur le bronze & placée dans les temples de 1'Eternel. Un Graad, modefte, humain , affable, Chéri du Prince & des Sujets, Et qui, d'une main équitable , Aime a répandre les bienfaits ; Un Grand qui, malgré les orages, Toujours conftant dans fon devoir, Par les mefures les plus fages, De fon maitre remplit 1'efpoir; Un Grand de qui la vie entiere S'emploie a faire desheureux, Eft 1'image & 1'ami des Dieux, Eft, comme eux, utile a la terre. X L V I I. Sur tagrèment des talens. Favorifez, cultivez les talens , Vous ferez 1'agrément de votre vie ; Ces fortes de plaifirs font innocens, Loin d'être blamés, ils feront envie. L'agricülture , le commerce ; 1'induftrie, les arts, les talens font la richeffe d'un état & de chacun en particulier. L'agricülture eft abfolument de première néceffité, par conséquent la plus effentielle. Suppofez  96 Le petit Salomon. trois iles dans vin même continent Ia première bien cultivée, fertile en bied ; la feconde abondante en diamans ; la troifieme avec des mines d'or conïidérables; au bout d'un temps donné, tel que cinquante ou cent ans, 1'ile cultivée , fertile en grains aura tuiné, abforbc fes deux voifines. Les arts font la richeffe des royaumes, des états, paree qu'ils augmentent &c fortifient la maffe politique. Il eft important , effentiel de favorifer les manufactures; pour les accréditer c'eft une erreur de croire que le luxe foit néceffaire; il faut feulement que le commerce intérieur prenne de la vigueur & de la force; les loix de la confiftence & des lumieres; la fcience rurale des méthodes fécondes & süres; que les négocians & commercans nous rapprochent & nous lient avec les puiffances voifines tèc éloignées. Ces mêmes puiffances auront bien plus de confiance en nous quand elles nous verront renoncer k notre luxe intérieur; que nous fcavons nous préferver & affranchir de toutes ces futilités & laborieufes manies reproduites , perpétuées par noti e infati* gable  IIP Partle. TeMPOREL. 97 gable frivolité, Sc qui continueront tant qu'elles ne feront pas profcrites par d'inflexibles loix. L'utile, le limple, le néceffaire & Phonnête uniront Sclieront bien mieux nos intéréts, notre commerce Sc nos correfpondances avec 1'étranger. Le véritable talent eft fimple Sc modefte, n'eft jamais inquiet, remuant Sc defirant de fe faire connoitre. Les grands hommes ne font point bourfouflés t enflés de leur fupériorité; plus ils poffédent plus ils fentent ce qui leur man» que. Les vrais talens confiftent dans l'heureufe réunion de 1'imagination Sc de 1'exécution. XL VI ï r. Le plaijir de ne pas avoir toni Voulez-vons jouir d'un plaifir fenfible ? Mettez toujours les autres dans leur tort; Si d'aucun vous n'êtes réprélienfible Vous ferez infailliblement d'accord. Les facultés de 1'efprit, de la mémoire, de 1'entendement Sc de la faine raifon font admirables quand on en fijait ufer Sc qu'on les fait agir a propos. L'efprit doit avec adreffe faire, Tomz II, E  <^8 Le petit Salomon. éviter & prévenir tous les défagrémens , piéges , mortifïcations & humiliations. La mémoire rend 1'exiftence aux chofes paffées, aux êtres qui font difparus, ranime leurs fantömes, leurs images, & ranime la vie des ob- i'ets que nous ne pouvons plus voir. /entendement, roi des fens & de 1'imagination appelle fes agens en fous & Pren" dront du gout les uns pour les autres; ils s y verront avec circonfpeftion & & particiibers les obfervent : eft-il  IIP Partie. Te mp o rel. l}? vraifemblable d'après cela que Dieu puiffe être offerde par un exercice agréable, falutaire, convenable, analogue a la vivacité de la jeunefle, & dont le but eft de fe préfenter convenablement Sc avec grace. C'eft dans eet exercice oh l'on verra la taille, la figure, la gaieté naturelle ; il faut convenir que les lieux de gêne, de contrainte ne peuvent avoir les mêmes avantages. Ce n'eft donc pas dans les affemblées nombreufes oii tout le monde fe voit, ou l'on écoute, que les mceurs peuvent coitrir des rifques; mais plutót dans les entretiens particuliers, oii régnent le fecret Sc la liberté. L'averfion que la jeunefle a pour le repos, prouve combien le mouvement a de charmes pour elle. A eet age, la danfe, les jeux d'exercice 1'emportent fur tous les autres amufemens; ils font plus agréables, paree qu'ils font plus vifs, par conféquent plus analogues. M. Pafcal a imaginé que c'étoit par le defir de s'éviter Sc par 1'ennui de foi-même que naiffoit le goüt des Hommes, pour les divertiffemens en général , ainfi que pour les occupations ° G v.  1,4 Le petit Salomon. vives : il femble cependant que la ' fource du plaifir eft attachée a 1'exercice des différentes facultés de l'homme , particuliérement lorfque les goüts ne font point ufés. L'on voit fouvent les femmes fe garantir de Pennui par un travail léger, n'ayant d'autre objet qu'un fimple amufement. L X X V I I I. Sur les égards envers les Curés, Quand vous habitetez a votre terre Que Ie couvert de vos Curés foit mis ; Pour un rien ils tracafler.t, font la guerre.j C'eft qu'ils croient que tout leur eft permis. Quelque peu fociable que puiffe être un Curé, car fouvent il yena, néanmoins il eft bon de lui dire qu'il trcuvera toujours un couvert pour lui. La politeffe , Paffabilité défarment les hommes finguliers , cauftiques , ruftes & les mauvais caracteres. Les Curés, par leur état, par'eur place s font a même de gagner , de capter les éfprits de leurs paroiffiens, de former des cabales, des intrigues; de fufciter des affai res défagréables , des procés aux feigneurs, aux gentilshommes 8c  UI' Partie. TEMPOREL. 157 foi-même, & a fe faire aimer de tous ceux qui nous entourent, afin d'éprouver leur zele , leurs fecours , s'il arriyoitun accident avoshabitations. Que de chateaux ont été brülés, paree que le propriétaire étoit haï! L'amitié de ceux qui nous environnent nous procure fouvent des fervices effentiels, & toujours une fuite continue d'attentions , de démonftrations fatisfaifantes &c flatteufes. L'on a dit que la louange étoit pour ceux k qui on 1'adreffe la plus agréable de toutes les mufiques ; l'on peut dire avec autant & plus de certitude, que rien n'eft plus fatisfaifant que de voir que l'on eft généralement aimé. L X X X. Les Procés. L'injuftice vous donne la naiflance ; Vous vivez prefque tous fous fa puiuance; Dans pareil cas, un accomraodement Eft préférable au meilleur jugement. Voyez cette réunion, ce tout confidérable d'hommes injuftes , entêtés, vindicatifs, indigens , qui brifent les fearrieres des loix, qui franchiffent les  fj8 Le petit Salomon. bornes de la juftice, & qui preferent de livrer leurs prétendus droits & intéréts , leur fortune , leur honneur , a. des loups pour la rapine, & a des renards pour la rufe ; qui , tantöt pourfuivans, tantót pourfiuvis, font tour-a- tour la proie les uns des autres. Pourquoi tant de tourmens , de fatigues & d'obftination , foit poiir une chofe injufie, pour une vengeance, pour une légere humiliation, ou pour un modique intérêt ? Peut - on ainfi troubler fa vie, fa tranquillité & celle des autres? Puifque la fortune des riches , la gloire des héros , la majefié des rois durent li peu, & doivent également finir; n'eft-il pas plus fage, plus raifonnable de vivre tranquillement, avec union, paix , concorde & juftice?  III' Partie. TempoREL. 159 LX XX I. II ne faut pas fe louer foi-mêtne. L'homme modefte n'eft point fon apótre; II eft pour lui bien plus -fatisfaifant De Tcavoir qu'il eft loué par un autre , Et jamais il ne quête un compliment. Les louanges n'augmentent point Ie nombre des vertu?, & ne nous rendent pas meilleurs ; cependant elles peuvent encourager quelquefois les foibles a continuer de bien faire : nous ne fommes donc pas moins eflitriables, quoique l'on rous méprife; l'on ne peut nous faire ni plus grands, ni plus petits aux yeux du Créateur, qui voit le fonu du coeur; pendant que l'homme ne voit que les dehors , lorfqu'il examine les actions, D.eu prife les intenti'ms. Une ame humble s'occupe & n'envifage que le bien- Saint Paul dit que ce n'eft pas celui qui fe rend lui-même témoignage , mais a celui a qui Dieu le rend, qui peut fe flatter d'être irrepréhenfible. Les louanges font prefque toujours untribut demenfonges; voulez-vous mériter des éloges véritables? Que to ute  ïéo Le petit Salomcn; efpece d'injuftice vous foit inconnue ; ayez un défintéreffement au-defïus des richeffes, des honneurs, de la vaine gloirej montrez une droiture inflexible contre les artifices & les intrigues ; ne trahiffez jamais l'amour de la vérité; dédaignez 1'adulation ; montrez une ame ferme, inébranlable dans les bons principes , fupérieure aux difgraces & faveurs de la cour, aux applaudiffemens & aux murmures : alors vous mériterez les éloges véritables de la part des /ages, juftes &c éclairés. Prefque toujours les hommes ne louent que malgré eux, & tachent de mêler une dofe légere de blame. Le même nom qui vole glorieux de bouche en bouche , éprouve fouvent des atleintes , des mépris dans le fecret des cercles. L'amour-propre eft un républicain jaloux qui ne voit qu'un tyran, un ufurpareur, un obftacle infurmontable, dans un homme trop fupérieur en mérite.  III' Partie. TempOREL. 171; L X X X I X. 11 faut être caraclêrifé. 11 faut avoir une exiftence a foi, Afin de ne pas fe laiuer conduire; Gardez-vous auffi de faire la loi, Dans 1'un 8c 1'autre le trop pourroit nuire. Pour être véritablement k foï,' pour jouir d'une efpece d'indépendance , il faut en tout temps, lieu & eirconftance , avoir une attention particuliere k fe conferver libre audedans , afin de pouvoir toujours difpofer de foi-même, de facon que tout puiffe nous être afTujetti, fans 1'être par des motifs étrangers. 11 faut s'élever au-deffus des chofes préfentes pour contempler les éternelles. L'homme fè donne de grands mouvemens pour obtenir ce qu'il defire ; fitöt qu'il le pofTede, il commence k s'en dégouter, paree qu'il n'y a rien de conftant dans fes affeclions, & qu'elles le font courir d'objets en objets. Nous avons plus de difpofitions k diminuer qu'a croitre en vertu; nous ne fommes pas long-temps. dans le même état; fouvent le même H ij  l-xyt Le petit Salomon. jour nous voit changer plufieurs fois. La gloire humaine, les honneurs du moment, les grandeurs du fiecle ne font que vanité, folie, quand on les compare avec un bonheur éternel. Une ame forte & vertueufe s'éleve facilement au-deffus des foupcons injjuftes & des vaines clameurs. II faut j58 T A B L E. les vertus font innées. $7 XXV. Le Chrétien ef humble dans la profpérité, patiënt dans tadverfité. 89 XXVI. Le premier des hommes eft le meilleur d'entr'eux. 91 XXVII. Les richeffes font fouvent les ennemies de la vertu, 93 XXVIII. II faut éviter les difputes de Religion. 97 XXIX. Moyens de combattre les paffions. IOO XXX. Rien n'arrivé par hafard. 104 XXXI. Comparaifon indécente de la Religion. 109 XXXII. Religion en fanté, Religion au moment de la mort. 116 XXXIII. Sur le pardon des offenfes. 120 XXXIV. La mort n'eft redoutable que pour l'incrédule & le pécheur. 124 XXXV. Le fucces de l'impie marqué fouvent fa réprobation. 128 XXXVI. // faut, entre'Dieu & nous, mettre le moins de diftance poffible. 130 XXXVII. Le repos de la bonne confcience eft dans les aclions & non dans le propos. 132. XXXVIII. Haine incompatible avec la raifon. 13 3  T A B L E. 259* XXXIX. Faire en forte que la fin de notre exil foit heureufe. 136 XL. Il ne faut pas tenter la Providence , ni jouer au hafard avec elle. 139 XLI. Ne faire d perfonne ce que l'on ne veut pas que l'on nous fajjfe. 140 XLII. Les horreurs de l'ufure. 143 XLIII. L'immortalité de 1'ame. 144, XLIV. La médifance, la calomnie. 149 XLV. L'orgueil conduit fouvent a Ühu- miliation , annonce un petit genie, ou F homme de fortune. 150 XLVI. L'ayarice efi un vice mêprifable* XLVII. La colere nous affinüle aux animaux firoces. 155 XLVIII. Le menfonge* 156, XLIX. De deux partis, il faut prendre le plus fur, le plus fage. 158 L. Faire le bien, éviter le mal. 162 LI. Le refpecl que l'on doit aux Minifires de la Religion. 163 LIL Dans le monde tout efi foiblejfe, vanité, l'intérêt domine. 167 LUI. Diffêrence entre la vie aciive &■ la contemplative. ijo LIV. La véritable dévotion. 172 LV. Efi-il avec le Ciel des accomm odemens £ .174.  160 T A B L E. LVI. Les dangers de Phypocrifie. ifj LVII. Les livres que l'on doit lire pour apprendre fa Religion. 178 LVIII. Sur les Myfleres. 18 5 LIX. Les fuperfitions. 192 LX. Malheurs & fuites des plaifirs hon- teux. 1 q j . LXI. Ce que c'ejl que les pafjions. 107 LXII. La Difcorde. 200 LXIII. La Gourmandife. 201 LXIV. Sur le choix des entretiens. 202 LXV. Ef-ilde véritables incrédules? 206 LXVI. Les maux qu'occafionne la langue. 212 LXVII. Le Molinifme & le Janfenifme. 214 LXVIH. Les refpeils humains, le mal qu ils caufent. 224 LXIX. De la Providence. 226 LXX. Nous ne fommes point parfaits. 227 LXXI. Le danger du Tolirantifme. Ibid. LXXII. Les fuicides, les duels. 230 LXXIII. Sur les doutes d'un Purgatoire. 232 LXXIV. Les fecours que nous recevons de la Religion. 2.3 j LXXV. L'on ne peut tout prtvoir. 240 Ssnnet de Desbarreaux. 243  TABLE. 261 SECONDE PARTIE. I. Loix que la Morale prefcrit. 245 II. Les fervices du Légiflateur & du Moralife. III. Les Loix, la Morale, leurs effets. | 249 IV. Combat de la Nature & des Loix. L 252 V. Les Vertus morales, ou cardinales. 255 VI. Vertus naturelles , vertus de ré~ fi'exion. %<^% VII. La Jujlice. 260 VIII. Le régne des Rois, l'obéifance des Sujets. 263 IX. Pour bien commander, il faut fcavoir X. Diffcrence entre les plaifirs innocens & les plaifirs illicites. 268 XI. L'égoïfme,fesfuites. 272. XII. Ce que Con doit aux;pauvres. 275 XIII. Modefiie néceffaire aux deux fexes. XIV. Combien fon doit-craindre & fe défier des perfonnes fans foi, fans loi, ni religion. 278 XV. La fubordination. 279  a6i T A B L E. XVI. Sciences néceffaires a l'homme. 5,8 ï XVII. Du refpecl que l'on dolt d Vin» nocence. 2.82 XVIII. Les événemens contralres , fouvent deviennent favorables. 283 XIX. Aveuglement & projets de la vlelllejfe. 2.85 XX. La folitude titffrak que ceux qui ne connoijfentpas les hommes, 287 XXI. La réputation, fes avantages. 290 XXII. 11 ne faut pas craindre la vertu, mals la defirer. 2.92 XXIII. ReJ'pecier fa femme pour quelle fe refpeBe elle-même. 2.94 XXIV. Effets de la cruauté. 295 XXV. Le defir des richeffes, fes inconvénlens. 2.97 XXVI. Sur la liberté. 300 XXVII. Prudence néceffaire devant les Domeffiques. 3°3 XXVIII. Les devoirs de chaque état. 3 04 XXIX. Vhonnête homme. 309 XXX. Le véritable ami, fes confeils. XXXI. II ne faut prendre aucun para dans les vives affecllons de Vame, ou du cceur. 3 x4 XXXII. Refpecfei la vlelllejfe , plaign&x. les dlfformités. 316  T A B L E. 263 XXXIII. L'on dolt récompenfer fes Domeftiques. 3 1 j XXXIV. Les goüts , F ufage qu'on en dolt faire. 319 XXXV. Dlfférence entre Famour-propre & la vanité. 320 XXXVI. Les pertes peuvent fe réparert excepté celle des amis. 322 XXXVII. Le moyen sür pour fe faire aimer. 3 26 XXXVIII. Des jugemens par comparaifon. 3 29 XXXIX. Douceur dans les avis & les reproches. 331 XL. Sur Fexemple des Grands. 333 XLI. Sur la vocatlon, 336 XLII. Dlfférence entre la mauvaife compagnie des femmes & celle des hommes. 341 XLIII. Les Ingrats ne doivent point ralentlt les blenfalts. , 343 XLIV. Le véritable amour ne va jamais fans Fefime & l'amitié. 348 XLV. La noble ambltlon , fes caracleres. 35° XLVI. Le véritable Phllofophe. 352 XLV II. Les defirs font naturels a • Fhomme. 3 ^ XLVIII, Vhomme fourbe, Inhumain 6*  264 T A B L E. vic'uux. 357 XLIX. L'amitié, fes qualitês. 358 L. La violence des pajfions , les foibief'es de 1'humanité ; il faut, tant qu'il ejl pofjible, fauver les apparences. 3^2 LI. La véritable Nobleffe. 365 LIL La Modeftie. 367 LUI. Candeur, Franchife & Juftice. 368 LIV. La véritable Nobleffè. 369 LV. Vambition, les tourmens qu'elle caufe. . 3 72 LVI. Les honneurs , les richeffes. ne doivent point changer le cceur. 3 74. LVII. Le Roi fans Sujeis. 375 LVIII. L'intérêt & les circonftances font fouvent des viclimes. 378 LIX. Sur les plaifirs innocens. 3^0 LX. Bienfaits qui ne datent que du moment. LXI. Avantages de,Ctinion & des families nombreufes. 383 LXIL La Concorde. 384 LXIIL Ce qui fait perdre l'eftime. 386 LXIV. Soumiffion que l'on doit aux Supérieurs & aux Grands. 387 LXV. Avantages de la patience. 388 LXVI. Ce que Von doit d fes égaux & aux inférieurs. 393 LXVIL  W ««« liriii^ $ RzccobonI 397 TOME SECOND. TROISIEME PARTIE. I. Temporel. J" % Hl. Z<* ./We g. ^ ^icw. | IV. L amitie, fes caprices. , Q V. . L mconftance des goüts, la caufe. i, VII. Z,e Sournois. VIII. /,« Wb« /e w0?söm /w ^ eej autres. X. Jar le choix de la compagnie. zX AL Les avantages de Chomme froid. zl XIII. Sur les dtferens jugemens. 2<) XiV. Se famdianfer avec ce qui fait imprefjion. J XV.